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Les Usages du Siècle : lettres, conseils pratiques, le Savoir-vivre

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Second mariage.

La veuve doit, d'après le code, attendre dix mois révolus avant de contracter union.

Le veuf peut contracter mariage aussi promptement qu'il le veut; toutefois s'il n'attend pas six mois au minimum il agit d'une façon inconvenante.

Le veuf peut entourer sa seconde union du même éclat que la première; la veuve, au contraire, se remarie toujours avec discrétion.

Une dame veuve qui se remarie ne retire pas sa première alliance; elle la porte avec la seconde, au même doigt.

La toilette de la veuve qui se remarie consiste en une élégante robe de ville; à part le rose, on choisit la nuance qui va le mieux au teint et à l'âge de la personne, avec un chapeau assorti.

Si, pour une raison quelconque, on trouve plus pratique une robe foncée ou même une robe noire, il sera de bon goût dans ce cas d'égayer la toilette par un chapeau clair et élégant.

On met quelquefois sur la tête une mantille de dentelle noire ou blanche, attachée par un piquet de fleurs: cet usage tend à disparaître de plus en plus.

La toilette de l'homme est la même qu'à un premier mariage.

Lorsqu'une veuve se remarie, il n'est pas d'usage de donner un bal; à peine une soirée et encore mieux vaut un dîner ou un déjeuner.

Mariage d'une demoiselle âgée.

Les cérémonies sont les mêmes, mais il y a certains détails de toilette à observer.

Une demoiselle qui se marie à trente-cinq ou quarante ans s'habille exactement comme une mariée plus jeune.

Quand on a plus de quarante ans, on met une robe claire et on se coiffe d'un chapeau assorti dans l'ornement duquel on fait entrer quelques brins d'oranger.

Dans ce cas, on doit toujours choisir ce qui est le plus en rapport avec l'air de la personne, et la situation qu'elle occupe.

Lorsque la mariée est un peu âgée, il n'y a pas de demoiselle d'honneur.

Les réjouissances excessives ne sont pas de mise.

Les noces d'argent.

Les noces d'argent se célèbrent après vingt-cinq ans de mariage.

C'est une fête de famille des plus touchantes.

On va à la messe en cortège, le mari et la femme se donnant le bras.

La mariée porte une toilette claire et tous ses diamants. Le marié a la tenue officielle, habit noir, cravate blanche.

Les enfants doivent offrir un cadeau à leurs parents.

Quelquefois il y a un dîner et un bal.

Le père l'ouvre avec sa fille aînée ou la femme de son fils, la mère avec son fils aîné ou le mari de sa fille.

Noces d'or.

Le cérémonial est le même.

La mariée porte ordinairement une toilette de nuance violette; elle a un bouquet de pensées et tous les assistants en ont à leur boutonnière ainsi que le marié.

Il n'y a généralement qu'un dîner.

Dîner de Noces.

Il y a un peu de latitude pour le choix des places et ce n'est plus forcément que la mariée occupe la place d'honneur auprès de son père et le marié la place auprès de sa belle-mère.

Une coutume jolie, qui tend à se généraliser, est celle qui met les jeunes époux l'un près de l'autre et les garçons et les demoiselles d'honneur près d'eux.

La mariée doit toujours être servie la première.

L'usage des toasts persiste, dans certaines familles; il est à remarquer que ce sont les parents qui répondent; les mariés se contentent de lever leurs verres.

Les compliments en vers débités aux jeunes époux, les chansons de circonstance sont également tombés dans l'oubli, mais il faut toujours tenir compte des usages locaux. Quelques-uns sont assez touchants.

Lunch.

L'habitude la plus répandue est maintenant d'offrir un lunch à ses amis au sortir de la messe de mariage.

Il y a une quinzaine d'années, c'était un déjeuner dînatoire.

Arrivée chez ses parents, la mariée doit distribuer les fleurs de son bouquet à ses jeunes amies.

Bien entendu, on ne va au lunch que si on a été invité par écrit ou verbalement; celui qui s'imposerait se montrerait mal élevé.

A moins que le départ des mariés ne soit précipité par l'heure du train, ils ne doivent se séparer des parents que lorsque le dernier invité est parti.

Je ne veux pas recommander aux mères de ne pas pleurer; il est toujours cruel, ce moment de la séparation, elle est terrible cette heure où l'enfant cesse de vous appartenir.

Bal de noces.

La mariée ouvre le bal avec l'homme qui occupe la plus haute situation; le marié agit de même pour sa danseuse.

La seconde danse de la jeune femme appartient à son mari.

C'est la mariée qui envoie inviter ses danseurs.

La mode étant à présent que les mariés ne partent plus en une fuite éperdue et restent au contraire jusqu'au départ du dernier invité, il est de bon goût de prendre congé de bonne heure, deux heures du matin au plus tard.

Les voyages de noces.

Il y a quelques années, le bon ton exigeait que les jeunes mariés partissent immédiatement en voyage, imitant en cela nos voisins d'outre-Manche qui s'en vont, sitôt la cérémonie terminée, sous une grêle de riz et de souliers de satin blanc.

Aujourd'hui, plus sages et plus pratiques, les mariés s'en vont tout simplement chez eux et font leur voyage de noces un mois ou six semaines plus tard.

Je sais qu'il est des partisans du départ précipité qui disent que l'intimité vient plus vite en voyage.

Possible. Mais à côté de cela que d'inconvénients!

N'y a-t-il pas une sorte de barbarie dans cet acte d'enlever ainsi brusquement une jeune fille, souvent presque une enfant, à son milieu, à ses habitudes?

L'affection des époux se trouvera-t-elle augmentée par les désagréments forcés des voyages?

Je ne le crois pas et j'estime que les premiers moments de tête-à-tête avec son époux, c'est-à-dire avec un étranger qu'on connaît d'ordinaire depuis quelques mois seulement, doivent se passer dans le «home» et qu'il est doux pour la jeune femme de pouvoir aller, dès le lendemain, embrasser ses parents.

Si le mari a du tact, il préviendra ce désir.

On lui saura gré de cette attention.

Lorsqu'on part en voyage de noces pour visiter, par exemple, des parents âgés qui n'ont pu assister à la cérémonie, on doit éviter l'air «jeunes mariés»; ne pas se tenir la main, ne pas se regarder dans le blanc des yeux, en un mot ne pas attirer l'attention sur soi par des démonstrations de tendresse bonnes pour le huis-clos.

L'homme pour voyager portera un costume complet, un chapeau mou, des gants brique; la jeune femme un costume de lainage beige, un petit chapeau de feutre (que ce soit l'été ou l'hiver, on le porte de même), un voile de gaze blanche formant tour de cou, des gants clairs, puisque c'est la mode.

Que dans sa joie d'être Madame elle ne porte pas de diamants et surtout qu'elle ne juge pas bon de prendre des allures évaporées qui donneraient triste opinion d'elle au futur compagnon de sa vie.

Je recommanderai aux jeunes filles de ne pas se mettre de suite en familiarité avec leur mari; qu'elles «tâtent» un peu son caractère et qu'elles fassent bien attention de ne pas lui faire mille confidences de linotte qu'il jugera adorables les premiers jours et assommantes après.

Le tutoiement est général entre époux; mais ce que je préfère c'est la coutume mixte qui réserve le vous cérémonieux devant les étrangers et le doux tu pour l'intimité.

Les visites de noces.

Les visites de noces se font quinze jours après le mariage, si on ne va pas en voyage; au retour, seulement, si le jeune couple est parti.

Le mari va seul chez ses amis célibataires.

La toilette de cérémonie est de rigueur.

Ces visites durent à peine quelques minutes; c'est en somme une présentation du nouveau membre de la famille aux amis et connaissances.

Il est bien entendu que les jeunes gens ont écrit pour remercier les personnes leur ayant envoyé un présent; mais cela ne les dispense nullement de leur faire une visite de noces.

C'est au cours de ces visites généralement que les personnes font leurs invitations aux jeunes mariés, soit pour un dîner, soit pour un bal, donné en leur honneur; on appelle cela «le rendu de noces» et les nouveaux mariés y occupent la place d'honneur.

La visite est rendue dans la quinzaine.

Si on ne désire pas entrer en relations avec le jeune couple, on se contente d'envoyer sa carte.

Les invitations à dîner.—Les repas.

Ces invitations se doivent envoyer huit jours à l'avance ou être faites de vive voix dans ce même laps de temps.

Je préfère l'invitation écrite, qui permet de refuser par lettre et non soi-même, ce qui est toujours désagréable.

Je sais des personnes qui, pour éviter cet ennui, acceptent toujours les invitations, se réservant d'écrire la veille ou le jour même, qu' «une circonstance imprévue», etc., les empêche de se rendre à l'aimable invitation, ou mieux encore envoient au dernier moment un petit bleu. Rien de plus désagréable pour la maîtresse de la maison qui est forcée de remanier l'ordonnance de sa table, de défaire le couvert, de changer la place des convives.

On doit répondre dans les trois jours qui suivent l'invitation.

Le silence équivaut à un consentement. Qui ne dit mot....

Entre amis intimes et avec un célibataire, les cérémonies ne sont pas nécessaires et on peut fort bien inviter la veille pour le lendemain, le jour même, à la rigueur.

Nulle raison de se montrer froissé, si on est invité au dernier moment pour parer à une défection.

Si on apprend qu'une ou qu'un de nos invités a un parent, un hôte de passage chez lui, on doit l'inviter également, même si on ne le connaît pas.

L'on n'invite jamais une dame seule à un dîner d'hommes.

Si on a à dîner une seule femme, avec son mari, et que le reste des convives appartienne au sexe fort, il est d'usage de faire prendre à cette dame la place de la maîtresse de la maison.

Cette invitation jadis n'était point admise; mais avec les idées plus larges et plus intelligentes de nos jours, il n'y a pas de célibataire qui ne réunisse à sa table ses amis mariés, avec leurs femmes.

Je trouve cela très bien; car inviter seulement et régulièrement le mari, c'était condamner madame à rester au logis et exposer le pauvre homme à s'entendre reprocher maintes fois «ces dîners d'hommes, où on ne sait jamais ce qui se passe».

On n'invite jamais les enfants et les très jeunes gens aux dîners tant soit peu cérémonieux.

Disons en passant que, même si on n'accepte pas l'invitation à un dîner, on doit une visite dans les huit jours; c'est une règle peu observée, malheureusement.

Les invitations se divisent donc en cinq catégories.

1o Les invitations de grande cérémonie imprimées sur carte et ainsi libellées:

Monsieur et Madame Pierre de V.... prient Monsieur, Madame et Mademoiselle de M.... de leur faire l'honneur de venir dîner avec eux, le mardi 20 novembre 1894.

7 heures 1/2.
Adresse.

R. S. V. P.

2o Les invitations de cérémonie, entre amis, écrites à la main.

Monsieur et Madame Raymond D.... prient Monsieur et Madame D.... de leur faire le plaisir de venir dîner chez eux le samedi 24 novembre 1894.

8 heures.

R. S. V. P.

3o Les invitations à un dîner sans cérémonie entre amis, écrites sur une lettre et envoyées sous enveloppe; jamais sur une carte postale ou une carte-lettre.

Chère madame,

Mon mari et moi espérons que vous serez libres et pourrez venir dîner avec nous, jeudi prochain, 1er décembre. Nous comptons absolument sur un oui.

Recevez, chère madame, l'expression de nos meilleurs sentiments et veuillez me rappeler au bon souvenir de monsieur Dorval.

Mon mari joint ses compliments aux miens.

M. R....

4o Invitation du jour au lendemain entre amis intimes.

Ma chère amie,

Venez donc demain manger avec nous un périgourdin truffé, très intéressant.

Mille amitiés.
Jeanne S....

Remarquez que l'heure n'est pas mentionnée au bas de ce billet; on sait la personne au courant des coutumes de ses hôtes.

Il est à observer aussi que, sauf les invitations de cérémonie, les autres sont toujours faites par la femme et si, pour une raison ou pour une autre, c'est le mari qui écrit, il commencera toujours ainsi: «Ma femme me prie», etc.

5o Les invitations pour le jour même à des personnes avec lesquelles on est en relations d'intimité et d'amitié; invitations qu'on peut écrire sur une carte de visite.

Ma chère Julie,

Viens donc dîner ce soir avec ton mari, tu nous feras plaisir.

Je t'embrasse.
Simonne J....

Pour ces trois dernières catégories d'invitation, le style peut être très fantaisiste et l'esprit se donner libre cours.

J'ai vu des invitations rédigées en langage nègre, ou avec les termes des châtelains moyenâgeux; c'était, quand même, très gentil.

Les réponses doivent être simplement rédigées; par exemple:

Chère madame,

C'est avec grand plaisir que nous acceptons, mon mari et moi, votre gracieuse invitation.

Tous nos compliments.

R. S.

Les refus doivent être soigneusement motivés et donner de bonnes raisons ou du moins de vraisemblables:

Madame,

Votre gracieuse invitation m'a fait le plus grand plaisir et je l'accepterais volontiers si je ne m'en trouvais absolument empêché. J'ai promis, il y a huit jours déjà, à madame X. de dîner chez elle (ou toute autre excuse valable).

Veuillez agréer, madame, avec mes sincères regrets, mes compliments très respectueux et très empressés.

A. B.

Le célibataire doit de la façon la plus correcte expliquer les motifs de son refus, par exemple en ces termes qui nécessairement varient selon les circonstances:

Madame,

Je suis très sincèrement contrarié de me trouver contraint de refuser votre invitation si flatteuse pour moi.

J'ai attendu jusqu'au dernier moment, espérant n'être pas privé de la joie que je m'étais promise.

Votre mari sait quelles sont mes occupations et voudra bien, j'en suis certain, faire valoir près de vous la légitimité de mon excuse.

Veuillez lui présenter mes regrets les plus vifs et encore une fois, madame, les agréer vous-même.

Recevez, madame, l'expression de mes sentiments les plus empressés et les plus respectueux.

L. P.

L'important, je le répète, est de se bien excuser, et lorsqu'on se trouve tout à fait obligé de contremander une réunion, dîner, bal, soirée, on ne devrait le faire qu'à la dernière extrémité et en employant les termes de regret les plus grands.

On écrit alors ou on fait écrire une lettre explicative aux intimes; pour les personnes à cérémonie, on écrit sur une carte quelques lignes:

Madame L....

atteinte d'une subite et grave indisposition, se voit, à son grand regret, obligée de remettre son dîner du 20 courant à une autre date.

Un accident survenu dans sa famille oblige
Madame S....

à révoquer ses invitations pour mardi prochain. Elle prie de bien vouloir l'excuser.

Si l'événement arrivait quelques heures avant le repas, on doit faire envoyer dans les grandes villes des messages téléphonés.

Ces messages, de nouvelle importation, sont beaucoup plus pratiques que la dépêche ou le petit bleu; les derniers mettent quelquefois deux heures à parvenir, le message téléphoné ne met que vingt-cinq minutes à arriver et on peut le faire aussi explicite que l'on veut, son prix, de cinquante centimes, donnant droit à cinq minutes d'entretien à l'appareil.

Lorsque vous avez un enfant atteint d'une maladie éruptive assez bénigne pour vous permettre d'aller au dîner où vous êtes priée, ne craignez pas, madame, de contrarier vos hôtes en vous excusant même au dernier moment. Ils seront trop heureux de ne pas vous avoir; soyez certaine que si vous veniez quand même, ils vous en sauraient plutôt mauvais gré et, à part eux, vous regarderaient comme un péril.

Le dîner.—Habituels usages.

Quelques petites choses à observer, lorsqu'on est maîtresse de maison.

Il n'est plus d'usage que la maîtresse de maison s'habille en Cendrillon pour ne pas éclipser les hôtes; elle doit au contraire leur faire honneur d'une jolie toilette, à moins qu'elle ne reçoive à sa table des personnes qu'elle sait dans une situation plus modeste que la sienne; en ce cas, le grand tralala serait tout à fait déplacé.

Les invités dames doivent toujours se mettre en frais; elles sont le plaisir des yeux autour de la table et toute mise négligée serait un manque d'égards envers ses hôtes.

Il faut éviter d'être treize à table; certaines personnes superstitieuses pourraient s'en montrer choquées et il y aurait toujours un convive bien avisé pour faire remarquer ce nombre fatidique et raconter des histoires terrifiantes.

Ne pas inviter de ministres de religion différente; on leur devrait à tous deux la préséance et il faudrait un nouveau Salomon pour trancher la difficulté.

A ce propos, une amusante anecdote.

Un évêque et un rabbin se trouvaient invités dans la même maison; lorsqu'il s'agit de passer à table, aucun des deux ne voulut prendre le pas sur l'autre; enfin, vaincu par la courtoisie du rabbin qui insistait, l'évêque se décida à entrer le premier en disant: «Je passe devant vous, monsieur, comme le Nouveau Testament devant l'Ancien.»

On n'est pas plus courtois, ni plus spirituel.

Les grands dîners.

Pour ces dîners, les femmes mettent leurs diamants, rivières, aigrettes, etc.; elles sont décolletées; en un mot, c'est la tenue de bal comme façon, mais non comme étoffe, car la robe de tulle, de crêpe ornée de fleurs ne s'y met pas.

Les plus jolies robes, les plus élégantes, sont en velours de couleurs foncées, telles que bleu saphir, grenat, vert, noir, garnies de dentelles.

Pour les hommes, habit noir, cravate blanche, gants clairs, souliers vernis, les décorations et les plaques, même les grands cordons.

Quelques hommes viennent en redingote; ce n'est pas ridicule, mais c'est moins correct.

Inutile de dire que, pour ces grands dîners rarement donnés dans la classe bourgeoise, toutes les élégances, tous les raffinements de la table, du confort, de la bonne chère doivent être réunis; qu'il faut beaucoup de lumières (des bougies), beaucoup de fleurs, les étincellements d'une cristallerie et d'une argenterie de premier ordre et le satin damassé du plus beau linge blanc.

Le linge très fantaisie n'est pas encore admis dans les dîners de cérémonie.

Une gerbe de lilas ou de roses dans une coupe de cristal est extrêmement jolie; un groupe de Saxe entouré d'un cordon de fleurs fait merveille.

Voici quelques menus des dîners de cérémonie.

Il est à remarquer qu'il faut toujours des primeurs aux grands dîners. (A ce sujet, la Cuisine du siècle qu'a fait paraître dernièrement mon amie, Catherine de Bonnechère, contient des indications précieuses.)

On a beau savoir que ces fruits, ces légumes poussés en serre chaude n'ont ni le goût, ni le suc des fruits et des légumes venus en leur temps, il n'y a pas à se rebeller: le savoir-vivre le veut ainsi.

MENU D'UN GRAND DINER

Potage Bagration, Bisque aux écrevisses
Truite saumonée sauce crevettes et sauce Hollandaise
Canetons à l'orange
Jambon au vin de Champagne
Faisan truffé rôti
Salade laitue
Asperges en branche, sauce mousseline
Plombière
Gaufrettes
Fruits, desserts.

On doit surtout recommander aux domestiques de ne pas mettre les assiettes grasses les unes sur les autres et de ne pas distribuer les assiettes blanches empilées; cela sent le restaurant.

Comme on peut le voir, il faut deux potages et deux sauces au poisson.

Dans les dîners de grande cérémonie, le potage qui, à l'ordinaire, est versé au préalable dans les assiettes, est présenté par le serveur qui vous en dit les deux noms à voix basse; de même pour les deux sauces du poisson.

Du reste, tous les mets, tous les vins doivent être offerts de cette manière.

Voici l'ordre du service des vins:

Après le potage: Madère ou Xérès sec.

Avec les huîtres ou hors-d'œuvre: vins blancs de Graves, Barsac, Sauterne; des vins de Bourgogne: les Chablis, Meursault, Montrachet. Premier service: les Saint-Émilion et Bas-Médoc.

Deuxième service: les Bourgogne et Médoc grands bourgeois.

Aux entremets: les vins blancs de Château-Yquem et les vins du Rhin.

Au rôti: les Saint-Estèphe, Saint-Julien, Pauillac.

Au pâté de foie gras, les grands crus bordelais: Château-Laffitte, Margaux, Latour, Haut-Brion; ou, en vins de Bourgogne, les Clos-Vougeot, Pomard, Romanée-Conti; Côtes du Rhône, Ermitage ou Côte-Rôtie.

A la fin du repas: Champagne frappé, marque Moët, Cliquot, Rœderer ou Pommery, vins de Banyuls ou d'Espagne. Liqueurs.

MENU D'UN TRÈS GRAND DINER

Potage printanier aux œufs pochés. Potage à la Reine
Bouchées aux crevettes
Barbue à la Mornay. Saumon sauce genevoise
Ris de veau à la financière
Noisettes d'agneau à la Maintenon
Poularde truffée
Aspic de foie gras
Truffes au vin de Champagne
Salade russe
Asperges d'Argenteuil, Aubergines à la provençale
Glace Tutti frutti
Ananas glacé au champagne rose
Gâteaux, petits fours, fruits, etc.

Certaines personnes ont le tort de croire que «grand dîner» veut dire «dîner où il y a beaucoup de choses».

C'est une erreur; car, sauf les dîners officiels des ambassades, les dîners de quarante à cinquante couverts qui sont, entre nous soit dit, assommants pour la maîtresse de la maison et ennuyeux pour les trois quarts des convives, le vrai grand dîner se recommande surtout par l'excellence, le choix des mets, la bonne organisation, etc.

Dîners de demi-cérémonie.

La toilette des hommes est l'habit ou la redingote, les décorations, mais jamais les plaques et le grand cordon.

Il est à remarquer qu'à partir de six heures, les hommes qui vont beaucoup dans le monde endossent l'habit, même pour se rendre à un dîner tout intime ou dans un petit théâtre.

Je trouve cette mode excellente, elle est même très utile aux jeunes gens. L'habit lorsqu'il n'est pas souvent porté donne l'air sinon très emprunté, du moins l'air gêné. Pour les femmes, la toilette demi-décolletée avec manches au coude; pas de rivière de brillants ni d'aigrettes.

Les soieries de teintes claires et douces sont fort jolies; les brocarts Louis XV, Louis XVI.

Dîners intimes.

Ce n'est pas une raison parce qu'ils sont intimes pour y aller en tenue négligée.

Lorsque, leurs occupations terminées, les invités s'aperçoivent d'une moucheture sur leurs chaussures, ils feront bien, s'ils ne rentrent pas chez eux, de se faire donner un coup par le décrotteur; toujours les gants.

Pour les dames, une toilette de ville qu'on élégantisera d'un devant fantaisie, d'un nœud de ruban, d'une dentelle.

Une attention gentille est d'apporter à son amphitryon un bouquet des fleurs de saison.

Pour les menus de ce genre, je renverrai encore à la Cuisine du siècle.

Dîners costumés.

Les dîners costumés ou travestis sont fort en vogue maintenant, même pour les dîners d'une dizaine de couverts.

Cela jette dans la réunion une note de gaieté et en somme est peu coûteux.

Lorsque vous avez un dîner fantaisiste, faites parvenir vos invitations une quinzaine à l'avance; vos convives peuvent avoir des dispositions à prendre.

Votre carte ou votre lettre doit alors porter cette mention:

«On sera costumé.»

Ou: «Prière de se faire une tête.»

Ou encore: «Tout le monde sera en Normands», ou en chiens et chats. Enfin toutes les «imaginations» sont permises; les plus laides sont quelquefois les plus drôles.

Les coulisses du ménage.

La veille d'un dîner, qu'il soit de cérémonie ou non, la maîtresse de maison doit passer la revue de son matériel; tel un général, la veille d'une bataille, passe la revue de ses troupes.

Répétons-le, le menu peut être simple sans manquer au savoir-vivre, mais les mets doivent toujours être préparés avec la plus méticuleuse attention et coquettement présentés; de plus, aussi variés que possible.

La nappe et les serviettes doivent être examinées avec soin.

Le napperon n'est plus de mise; on fait maintenant de ravissants «chemins de table»; la nappe et les serviettes doivent être «cylindrées» (je parle pour les dîners de cérémonie); on doit placer un molleton blanc sous la nappe, cela adoucit le choc des verres, rend le service plus moelleux.

La place attribuée aux convives est de 50 centimètres, espace exigu: lorsqu'on a des dames avec les robes aux manches monstrueuses qu'on porte maintenant, il faut au moins un mètre.

Le savoir-vivre veut qu'on s'occupe du plaisir et du bien-être de l'invité tant qu'il est sous notre toit, et l'on aurait tort, désirant réunir plus de personnes à la fois, d'imposer à un malheureux le supplice de dîner, tourné de trois quarts, pour ne pas froisser la toilette de sa voisine.

Les dîners d'apparat de quarante à soixante couverts exigent un maître d'hôtel, deux aides pour découper, et un serveur par quatre convives.

Les assiettes pleines sont apportées à gauche, le serveur nomme le mets à voix basse; on refuse ou on accepte d'un geste.

Surtout ne nous avisons jamais de dire: «Merci, monsieur».

Les vins s'offrent à droite, on refuse en disant merci. Lorsqu'on dit: «assez», le serveur doit s'arrêter de verser et tourner le goulot de la bouteille afin qu'une goutte de vin ne macule pas la nappe.

Les domestiques doivent être chaussés de souliers fins et gantés de coton blanc; la livrée n'est pas admise: seul, l'habit noir.

Lorsqu'il y a des femmes pour servir, je ne parle pas, bien entendu, des dîners d'apparat, elles ont les mains nues, un tablier blanc; ce tablier est souvent arrondi et garni de dentelles; c'est peu coûteux et fort joli.

Pour les dîners de cérémonie ordinaires, un maître d'hôtel, deux serveurs sont suffisants, si le nombre des convives ne dépasse pas vingt personnes.

Pour les dîners dans les maisons où il y a une cuisinière et une femme de chambre, la première reste à ses fourneaux et on adjoint un serveur à la seconde. Nécessairement, dans les dîners intimes, quand on ne dispose que d'une seule bonne, le rôle de la maîtresse de maison est bien épineux.

Rappelons les principes généraux de la mise de la table.

Le couvert.

L'assiette est placée entre la cuiller et le couteau, à droite, la fourchette à gauche. Devant est placé le verre, les deux petits verres, ou la série de cinq, rangés en tuyaux d'orgue ou groupés en bouquet. On peut remplacer la flûte par la coupe à champagne; c'est plus élégant.

Pour les vins du Rhin, le verre vert est obligatoire.

La mode est maintenant de placer une petite salière entre chaque convive et une carafe, vin et eau alternés: la carafe de vin à portée du convive qui a la charge de s'occuper de sa voisine.

Il doit lui offrir de l'eau; certaines personnes croient que c'est un manque de savoir-vivre, et c'est tout le contraire.

Dans les dîners de cérémonie, on change les assiettes, les couverts, les couteaux après chaque plat.

Dans les autres dîners, le changement de fourchette n'est obligatoire qu'après le poisson; dans ce cas, on met des porte-couteau. Les porte-carafe ne s'emploient plus dans les dîners de gala.

La serviette, pliée coquettement, mais n'affectant pas des formes extravagantes qui sont de mauvais goût et qui font un torchon de la serviette déployée, est placée, avec un petit pain au côté gauche de l'assiette; ne la mettons jamais dans le grand verre; outre que cela fait «restaurant», il arrive souvent des bris fâcheux. Si le potage n'est pas servi, la serviette est sur l'assiette; dans ses plis, visiblement, la petite carte qui porte le nom du convive; au-dessous de huit personnes, cet usage n'est pas forcé.

Les hors-d'œuvre ne paraissent plus aux dîners; depuis quelque temps on essaie bien de leur rendre leur place, mais je crois que ce sera en vain; ils compliquaient le service et enlevaient l'appétit.

Le service.

Le potage—à moins qu'il n'y en ait deux, pour l'agréable choix des convives—doit être versé d'avance dans les assiettes; en quantité médiocre, plutôt moins que plus.

En hiver, la salle à manger ne doit jamais être chauffée d'avance; sans quoi, l'atmosphère ambiante serait étouffante; l'été, il faut avoir soin de fermer les persiennes dès le matin de manière à ce que la chaleur ne puisse pénétrer.

Il faut allumer les bougies une dizaine de minutes avant que les convives passent dans la salle à manger; rien de plus laid que des lumignons clignotants.

Si un grand dîner a lieu en été, fermez hermétiquement les rideaux de manière à dîner aux lumières.

Si on a des chaises cannées dans sa salle à manger, il faut mettre un coussin pour les dames; sinon les étoffes de velours se trouveraient désagréablement froissées.

Dans les grands dîners, le dessert est placé d'avance sur la table: je ne trouve pourtant pas que voir les sucreries du dessert soit un apéritif pour les plats solides.

Il faut passer les assiettes à l'eau chaude de manière à ce qu'elles soient tièdes et que les sauces ne se congèlent pas immédiatement.

Les assiettes à dessert doivent être préparées d'avance avec la petite serviette, ornée de dentelle ou non, ronde ou carrée (les rondes sont plus nouvelles), avec le couteau à lame d'argent, la petite cuiller, la cuiller à entremets.

Les vins fins ne se mettent pas en carafes, ils cachent leurs vénérables moisissures, qui sont pour eux les titres de noblesse, dans de petits chariots en argent ou tout simplement en osier.

Dans les repas sans cérémonie, la bouteille de derrière les fagots est apportée devant le maître de la maison, qui verse lui-même le liquide, avec précaution.

Les vins de Bourgogne et de Bordeaux gagnent à séjourner quelques heures dans un endroit chaud.

On peut servir des repas entiers au champagne frappé; cela est très grand genre et coûte moins cher que la diversité des vins.

Le rince-bouche se sert encore... sans le gobelet; de cette façon on évite ces gargarismes répugnants dont on était souvent témoin à la fin d'un repas.

Après les écrevisses et le homard à l'américaine, choses qu'il faut forcément toucher avec les doigts, malgré le savoir-vivre le plus raffiné, on passe les rince-bouche ou une cuvette et une aiguière avec de petits carrés en papier buvard, remplissant l'office de serviettes.

Cela rappelle la coutume du vieux temps où des pages, aiguière en main, versaient de l'eau parfumée sur les doigts des convives.

Au reste, cette coutume remonte encore plus loin, et dans les festins peu orthodoxes des empereurs romains, un esclave noir présentait le bassin aux convives, qui séchaient leurs mains à travers les blondes chevelures de belles esclaves gauloises.

L'usage veut qu'on présente une pièce à table avant de la porter à découper; c'est la règle, inobservée cependant par beaucoup.

La première dame servie est celle qui est à la droite du maître de la maison, ensuite celle de gauche, puis les autres dames, en suivant l'ordre des places; la maîtresse de maison est servie la dernière; ensuite les convives masculins, enfin le maître de la maison.

Au dessert, on enlève les salières, les bouts de table, on brosse la table.

L'heure de la faim.

Après avoir passé une dernière inspection, donné les ordres de la dernière heure, ou mieux encore les avoir écrits sur une ardoise accrochée dans la cuisine (chose très commode, que je ne manque jamais de faire); après s'être assuré que les dames auront des coussins sous les pieds, la maîtresse de maison procède à sa toilette, puis va s'installer au salon, attendant la venue des convives.

Son mari peut être près d'elle ou, s'il est dans les affaires, venir lui-même comme un simple invité.

Les convives doivent se présenter dix minutes avant l'heure fixée; arrivant longtemps avant, ils pourraient gêner la maîtresse de maison dans ses derniers agencements. Plus tard ils seraient inconvenants, et si le retard se prolongeait trop, je puis les assurer que des réflexions désagréables seraient faites sur leur compte; peu indulgents sont les estomacs criant famine.

Le quart d'heure de grâce doit être accordé, pas plus, car «un dîner réchauffé ne valut jamais rien», chacun sait cela.

Si on est en retard pour une raison ou pour une autre, qu'on la donne simplement, à voix basse, aux maîtres de céans; ou si on est en petit comité, à haute voix; surtout ne vous excusez pas par des mensonges trop visibles qui vous feraient nommer «Tartarin».

Rien n'est plus sot que d'inventer des aventures extraordinaires.

On n'annonce jamais les invités à un dîner; après s'être débarrassés de leurs cannes, parapluies, cache-nez, foulards, pardessus, manteaux, chapeaux, voilettes, caoutchoucs (il est bon pour les personnes venant à pied de garantir leurs chaussures, afin qu'elles soient irréprochables), après avoir donné le dernier coup d'œil à la glace pour voir si les frisettes sont bien alignées ou si la moustache a le pli vainqueur, on effectue son entrée au salon, on salue la maîtresse de la maison, le maître, les personnes qu'on peut connaître, puis on fait un salut général pour les inconnus.

De suite, il est du devoir de l'amphitryon de faire les présentations, en ajoutant, si possible, des mots aimables et explicatifs.

Cela empêche tant de gaffes, de savoir un peu sur quel terrain on est!

Ainsi, on dira: «Madame, je vous présente monsieur X., le fils du médecin si connu»; ou encore: «Madame J., la femme du journaliste, dont vous appréciez si fort le beau talent»; ou bien, avant l'arrivée de la jeune fille que vous destinez comme voisine à un jeune homme rêvant un riche établissement: «Vous aurez comme voisine une bien charmante personne, mademoiselle X., qui rachète son peu de fortune par des qualités charmantes.»

Ainsi prévenu, le jeune struggleforlifer ne s'embarquera pas dans des attentions qui pourraient faire naître chez la jeune fille des projets irréalisables.

De même, en avertissant des professions des convives, on évite les racontars ou les anecdotes peu charitables sur lesdites professions.

Disons que, dans les dîners tout intimes, la maîtresse de maison n'ayant qu'une bonne peut fort bien délaisser le salon deux minutes pour aller aider ses convives aux menus arrangements de l'arrivée; elle doit préparer sur une pelote des épingles noires et blanches, et des aiguilles enfilées de fil de ces deux couleurs; même un petit peigne.

Un militaire, quel que soit son grade, n'est jamais ridicule en venant dîner en uniforme; aussitôt entré, la maîtresse de la maison doit lui dire: «Désarmez-vous donc, monsieur», car l'usage veut qu'il ne quitte jamais son sabre pour entrer dans un salon; si on oublie de lui dire cette phrase, il doit, au bout de quelques instants, s'éclipser discrètement et aller déposer ledit sabre dans l'antichambre.

On ne donne le titre, en parlant aux militaires, qu'à partir du grade de capitaine; ainsi ne dites pas: «Votre bras, lieutenant», ou: «Désarmez-vous, sous-lieutenant». Ce serait une faute de goût.

Après quelques instants de conversation, qui débute généralement par «cette bonne pluie et ce bon beau temps», les parlottes particulières s'organisent et... on annonce:

«Madame est servie.»

Ces mots sacramentels doivent être prononcés ni trop haut, ni trop bas, sans emphase, par le maître d'hôtel, le valet de chambre, ou simplement la bonne, qui ouvre la porte de communication à deux battants.

Il faut bien recommander aux domestiques de ne pas dire cette phrase sur le ton d'un maître de cérémonie disant: «Messieurs de la famille, quand il vous fera plaisir», ou sur un mode enchanté qui a l'air de dire: «Enfin, ils vont manger!»

Lorsque les amphitryons sont titrés, on annonce, par exemple «Madame la marquise est servie.»

Il faut surtout styler les jeunes bonnes arrivant de province et leur bien répéter ces mots, afin que, perdant la tête, elles ne disent pas: «Madame, la soupe est servie», comme je l'ai entendu dire.

L'ananas.

Savez-vous ce que c'est qu'un «ananas»?

Certes, me répondez-vous, c'est un fruit exquis, à telle enseigne que, dans le langage des emblèmes, il représente la perfection.

Eh bien! c'est d'un autre ananas qu'il s'agit.

En argot mondain, ananas signifie le monsieur ou la dame en vedette, avec qui l'on est bien aise de dîner afin de dire: «M. un tel, l'explorateur, je dînais avec lui hier»; ou bien: «Madame X., l'authoress, femme charmante.... J'ai déjeuné avec elle chez les Durand!»

Donc, si vous avez un «ananas», prévenez-en vos convives: ils vous en seront gré. Mettez sur l'invitation: «Monsieur un tel, ou madame une telle, sera des invités.»

Si ledit «ananas» est un voyageur (le voyageur fait prime depuis la vogue de la Société de géographie), mettez-le bien entendu sur son chapitre.

Lorsqu'on est «ananas», cela équivaut à être «en représentation», et si vous l'êtes, observez-vous, car l'explorateur lui-même est très épluché et la plus petite bévue ferait dire aux convives, en général peu charitables: «On voit bien qu'il revient de chez les Canaques», ou toute autre phrase désobligeante.

La question du bras,
à droite ou à gauche?

A été, est, et sera encore débattue.

Comme en toutes les choses humaines, il y a le pour et le contre.

Le bras gauche a ses partisans et le droit aussi.

Il est nécessaire que les hommes aient la main droite libre pour écarter de la table la chaise que doit occuper la dame qu'ils conduisent.

Pour les militaires, c'est le bras droit qu'ils offrent, à cause de l'arme, et les femmes aiment assez cela parce que leur main droite est libre pour tenir l'éventail ou tout autre objet.

On obéit, en somme, à une habitude et on ne manque nullement aux règles de la bienséance en offrant indifféremment le bras droit ou le bras gauche.

Je recommande aux dames d'accepter sans hésitation le bras qui leur est offert; de même aux messieurs de donner le bras qui leur est habituel, de façon à ne pas avoir l'air, en avançant et reculant tour à tour, d'agiter les ailes d'un pigeon tentant de vains efforts pour s'envoler.

Lorsqu'il y a un prêtre dans une société, c'est lui que la dame de la maison prie de passer à table avec elle; mais elle ne lui donne pas le bras; l'usage le défend en France. Pourtant, si, comme en Italie, où les monsignori se conduisent comme de simples civils, le prêtre esquissait le geste de donner le bras, la dame serait mal avisée en le lui refusant.

Au siècle dernier, on offrait la main pour passer à table.

Était-ce moins bien?

Autre question qui a été tournée, retournée sans jamais d'ailleurs avoir été résolue, comme presque toutes les questions.

Est-ce le maître ou la maîtresse de maison qui doit entrer en premier dans la salle à manger?

Est-ce le maître ou la maîtresse de maison qui, après le dîner, doit rentrer en premier au salon?

«On ne peut contenter tout le monde et son père», dit le fabuliste. Citons donc les anciens:

Opinions de différents traités de savoir-vivre.

POUR LA MAITRESSE.

La maîtresse de la maison demande le bras à l'invité qu'elle veut honorer et passe la première à table; c'est son droit, le mari n'étant considéré que comme un invité, il n'a pas d'initiative à prendre.

La dame du logis passe la première à table; souvent, Monsieur, absorbé par une conversation, oublierait de donner le signal malgré l'annonce du dîner; voyant le mouvement, il est rappelé à son devoir, qui est d'offrir le bras à la dame la plus qualifiée.

A la fin du repas, c'est la maîtresse de la maison qui donne le signal du départ en posant sa serviette sur la table, en se levant, en poussant légèrement sa chaise et en se tournant vers son voisin de droite.

Le maître de maison imite son exemple et passe le premier au salon; Madame doit passer la toute dernière.

Quel que soit l'ordre d'arrivée, Madame rentre toujours la première au salon.

POUR LE MAITRE.

Le maître du logis s'est dirigé vers la dame qu'il doit mener et il passe avec elle, le premier, dans la salle à manger.

Il n'y a pas à s'y tromper: de même qu'à table on sert la maîtresse de la maison en dernier, de même elle doit passer la dernière; pourtant elle passe avant les jeunes filles et les jeunes gens et les personnes seules.

Autre opinion.

1o Monsieur, avec la dame la plus importante.

2o Tous les couples ensuite sans aucune règle spéciale.

3o Les dames isolées s'il y en a.

4o Madame, au bras du cavalier le plus important.

5o Les hommes isolés s'il y en a.

Exception.—Seules les princesses de sang ouvrent la marche, auquel cas, l'annonce du dîner a dû être ainsi faite: «Son Altesse madame la princesse est servie».

Maintenant choisissez. Pour moi, je passe toujours la première à la salle à manger. J'engage seulement les isolés, quel que soit leur sexe, à marcher deux par deux et non à la queue leu leu.

A table.

C'est à table qu'on manque le plus au savoir-vivre; là se trouve l'éprouvette qui permet de constater l'éducation première. Tel candidat à un mariage, qui avait l'air d'un parfait gentleman, fut évincé dans l'esprit de la future, dès le potage.

Enlevons nos gants lorsque nous sommes assises, ne les déposons pas sur la table et ne faisons pas ce qu'indique une vieille «civilité»: mettre les gants dans son verre à champagne!

Étendons notre serviette sur nos genoux, sans la déplier, ne l'attachons pas au cou comme un baby, ne la passons pas dans l'échancrure de notre corsage ou de notre gilet: nous devons savoir manger!

Le menu, placé auprès de vous, doit être retourné aussitôt que vous y aurez jeté un coup d'œil.

Le potage doit se manger sans bruit. On ne doit pas rester penché sur son assiette, ni pencher son assiette pour recueillir jusqu'à la dernière goutte de liquide, ou bien pour la faire tomber dans sa cuiller.

Ne pas écarter soigneusement les pâtes, le pain ou les légumes afin de ne prendre que le jus.

On passe le pain; gardez-vous d'en faire une provision; vous en redemanderez au fur et à mesure de vos besoins; ne mordez pas dedans, ne le cassez pas d'avance en petits morceaux, ne le coupez pas avec votre couteau, rompez-le simplement, bouchée par bouchée.

Versez-vous du vin et de l'eau si vous en prenez, mais jamais à plein bord; si vous buvez seulement du vin, ne remplissez votre verre qu'à demi.

L'homme bien élevé s'occupe de sa voisine; mais sans obséquiosité.

Comme, après le poisson, on change toujours la fourchette, il faut laisser cet ustensile sur son assiette; cela évite au desserveur la peine de la prendre sur la table; de même, si on change de couteau et de fourchette après chaque plat.

En thèse générale, le chapitre indispositions doit être banni, et on devrait imiter les anciens qui se couronnaient de roses et laissaient les noirs soucis à la porte de la salle du festin.

Cela vaudrait mieux pour l'agrément et pour l'estomac.

Lorsqu'on vous passe un plat, n'opérez pas des fouilles avec la cuiller pour extraire le morceau que vous convoitez. Il n'est pas non plus correct de choisir le plus vilain morceau; c'est trop d'humilité, servez-vous simplement de ce qui est à votre portée.

On ne doit jamais revenir plus de deux fois au même plat, si ce n'est dans la grande intimité.

Les morceaux qu'on pique avec sa fourchette (éviter de la faire sonner contre l'assiette) se trempent dans la sauce, mais jamais le pain; celui qui sauce et qui nettoie son assiette est marqué d'une mauvaise note.

Les asperges ne se mangent pas comme on suce un sucre d'orge; on tranche les bouts et on les mange à la fourchette. Si on prend du beurre, on ne l'étale pas en tartines, sauf pour le premier déjeuner, mais on beurre l'extrémité de petits morceaux de pain au fur et à mesure.

En dégustant du vin, ne pas faire claquer sa langue.

Il faut donc tâcher d'être aussi élégant que possible.

La poire ne se pèle pas en spirales, on la coupe en quatre et on l'épluche longitudinalement; on coupe ensuite par quartiers qu'on mange avec sa fourchette. S'il n'y avait pas de fourchette de dessert, mangez les fruits avec les doigts et non à la pointe du couteau.

Mais là-dessus on disserte encore.

Vous ne devez pas offrir à une dame de partager un fruit avec elle; pourtant, si les fruits sont rares, on peut faire abstraction à cette règle et offrir le quartier auquel est attaché la queue.

Lorsque vous tendez votre verre, il faut le tenir non à pleine main, mais avec le pouce et les deux premiers doigts, les deux autres écartés, le petit doigt un peu en l'air.

Lorsque vous vous trouvez forcé de rejeter sur l'assiette une arête ou un petit os, reprenez-les entre les lèvres, avec les doigts, aussi délicatement que possible.

J'ai lu, de mes yeux lu, dans un vieux traité de civilité, qu'on ne devait pas se moucher à table!

Pourtant, si on en a besoin!

Eh bien! il faut le faire furtivement, sans bruit, de manière à ne pas éveiller chez autrui des idées peu poétiques.

J'ai lu également dans le même traité que, si on s'était mouché, il ne fallait pas faire sécher son mouchoir sur le dos de sa chaise!

Puis, cette autre perle, que je transcris textuellement:

«S'il arrivait à un convive un de ces petits accidents inhérents à la misère de la nature humaine, n'ayez pas l'air de vous en apercevoir, et surtout ne vous avisez pas de demander une prise de tabac à votre voisin.

«Autrefois, dans le bon vieux temps, nos pères avaient toujours un chien sous la table, et lorsque pareille petite misère arrivait, on avait soin de pourchasser le chien ou d'en faire le semblant. Mais, il s'est trouvé tant de convives qui abusaient de cette prévoyance de l'amphitryon, que la mode des chiens lévriers et des danois est tout à fait tombée; c'est tout au plus si on admet à présent sous la table des riches un bichon ou une petite levrette. C'est moins commode pour certains tempéraments»!!!!

Est-ce assez joli? Et ce dernier paragraphe est-il assez délicat?

C'est le cas de dire que nos pères avaient la science des nuances! nous n'en sommes plus là, Dieu merci!

La civilité dit à l'hôte de remplir le verre de son convive chaque fois qu'il est vide, la civilité (je parle toujours de l'ancienne, la nouvelle est plus dans «le train») voulait qu'il fût malséant de laisser du liquide dans son verre. Alors... alors, à propos de verre on disait:

Quand mon verre est vide, je le plains;
Quand mon verre est plein, je le vide.

On obvie à cet inconvénient en laissant une petite partie de liquide, lorsqu'on ne veut plus boire; ce n'est qu'à la fin du repas, qu'on doit vider entièrement son verre.

Lorsqu'une maîtresse de maison vous offre d'un plat, en disant que c'est elle qui l'a confectionné de ses blanches mains, l'usage veut qu'on s'extasie sur la bonté du mets.

Sans basse flagornerie, vous pouvez offrir un petit tribut d'éloge au cordon bleu qui vous regarde généralement avec des yeux inquiets.

Si nous avons une voisine ou un voisin peu agréable, ne nous renfermons pas pour cela dans un mutisme complet; prenons notre mal en patience.

L'entrée en conversation étant assez épineuse, il faut se raccrocher à la première branche venue en l'entamant: et pour l'homme et la femme d'esprit tout est bon, depuis le beurre qu'on passe jusqu'au dernier livre paru, depuis le poisson monstre jusqu'à la pièce en vogue (pièce de théâtre s'entend et non montée).

Si vous êtes une personnalité artistique, littéraire, ne pontifiez pas.

De même n'essayez pas d'étonner la multitude.

Ne soyez pas, vous artiste ou écrivain, de la nombreuse et assommante cohorte des «Mastuvu» et des «Mastulu»; ne parlez pas de vous, si vous voulez qu'on pense quelque bien de votre personne.

Si vous êtes femme de lettres (ce dont Dieu vous garde), ne faites pas du bas-bleuisme.

Evitons les discussions politiques et religieuses; les sujets de conversations sont assez variés pour qu'on puisse éloigner ces deux brandons de discorde.

Lorsque la maîtresse de la maison voit le repas terminé, elle profite d'un moment d'accalmie dans la conversation pour donner le signal du départ, en posant sa serviette, non repliée, près de son assiette, en repoussant légèrement sa chaise et en prenant le bras du cavalier qui l'a menée à table, ou, si elle veut égaliser les honneurs, le bras de son voisin de gauche, mais généralement c'est la même personne qui la reconduit au salon.

Le maître de la maison l'imite ainsi que tous les convives.

Les serviettes ne se laissent pas en bouchons, ni sur les chaises, ni déployées; on leur fait tenir le plus petit espace possible, sur la table.

Les nappes trop longues ne doivent pas être raccourcies en faisant des nœuds, mais bien repliées avec des épingles; les nappes trop courtes laissant voir les pieds de la table ne doivent jamais se mettre.

Les gants sont repris par les dames aussitôt après le dîner ou après le café; les hommes ne les remettent qu'en revenant du fumoir.

Dans les dîners sans cérémonie, on ne les remet pas du tout, et moi je dis «hosannah» pour cette licence.

Celui qui découpe et qui sert.

A bien du mérite, car c'est fort ennuyeux, mais pas à la portée de tout le monde.

Enfin, puisqu'il a accepté la mission, il doit s'en acquitter le plus galamment possible.

Il serait alors, sans cela, assommant et de vous regarder et de vous ouïr, si vous vous plaigniez.

Le poisson se découpe à l'aide de la truelle; ne jamais y toucher avec le couteau, pas plus en le servant qu'en le mangeant; on pose les morceaux sur une assiette et on la passe à la dame placée à sa droite, qui la fait circuler; on lui passe ensuite la saucière, qui fait le même trajet.

J'engage vivement, pour les dîners intimes, à se servir tout simplement à la ronde.

On m'objectera que la dame placée à gauche est ainsi servie la dernière et que, au contraire, la maîtresse de la maison, placée au milieu de la table, est servie longtemps avant son invitée, ce qui est contraire aux règles du savoir-vivre.

Possible; mais, quand on en use avec cette liberté grande envers ses convives, c'est qu'on n'est pas plus de six à table, auquel cas, l'attente n'est pas longue, et puis il y a une façon bien simple d'obvier à cet inconvénient, c'est de continuer à découper pendant que l'assiette circule et de faire passer une deuxième assiette, en commençant par la gauche.

Les grands poissons se servent sur une planche habillée de linge et recouverte d'une serviette garnie de dentelle; tout autour du persil frisé en grande quantité. Une jolie mode est de piquer des fleurs sous cette verdure; roses, dahlias, camelias, chrysanthèmes, roses de Noël, bouquets de violettes, selon les saisons.

Pour découper le poisson, on tire d'abord une ligne qui va de la tête à la queue.

Le saumon se coupe en tranches, le long de l'épine dorsale.

Les gros poissons plats se découpent ainsi:

Une ligne de la tête à la queue, une seconde si le poisson est très gros, et on divise par d'autres lignes transversales qui vont jusqu'aux bords, puis on lève les morceaux avec la truelle; on sert d'abord le ventre qui est plus délicat; puis on lève l'arête et l'on sert le dos, de la même manière.

Les poissons ronds se servent également par le ventre; on procède de même pour le découpage. Une remarque à faire est que chaque morceau de brochet doit avoir du ventre et du dos; on doit d'abord retirer l'épine.

Pour les poulets, faisans, perdreaux, oies, dindes, on les découpe en commençant par l'aile la plus près de soi; on la saisit de la main gauche avec une fourchette, et, avec la main droite, on coupe la jointure de l'aile; on tire alors à soi, de la main gauche, l'aile qui vient très facilement, en tenant ferme. On lève ensuite la cuisse du même côté en donnant un coup dans les nerfs de la jointure et en tirant à soi, ainsi qu'on l'a fait à l'aile; on opère de la même façon pour l'autre côté, en retournant la volaille vers soi; l'estomac, la carcasse se découpent un peu comme on veut.

L'aile et le blanc sont les morceaux les plus délicats, ceux qu'on offre aux dames, sauf pour les perdreaux; on sépare la cuisse de l'avant-cuisse et, dans les grosses pièces, on enlève toujours un morceau de chair de la cuisse et de l'avant-cuisse; lorsqu'il n'y a pas assez de blanc pour toutes les dames, on fait les parts plus petites et on y adjoint un morceau de carcasse.

Le pigeon se sert comme le poulet: s'il est gros ou moyen, on le coupe en quatre; petit, en deux.

Le canard, les oiseaux de rivière, la grouse, se coupent en aiguillettes aussi minces que possible.

Je n'engage pourtant pas à faire des fioritures en servant; on aurait un peu l'air d'un major de table d'hôte.

Le bonnet d'évêque ne se fait plus que dans l'intimité.

Le bout des pattes des volailles doit avoir de petites manchettes en papier soit blanc, soit de couleur, finement découpées, frisées; c'est joli.

On n'offre jamais ni le foie, ni le gésier, ni le cou; ils restent sur le plat.

Dans les lapins et dans les lièvres, le râble est le morceau de choix. On fend ce râble en filets en commençant par le cou, le long du dos; après l'avoir levé, on le coupe en tranches; le restant se dissèque comme on l'entend.

La sauce se sert à côté ou sur les morceaux; je préfère à côté.

Le filet de bœuf se découpe comme le râble de lièvre.

L'aloyau se découpe en enlevant d'abord le filet, qu'on coupe par tranches un peu obliques et transversales.

La longe de veau se coupe de même.

Le gigot se découpe à l'anglaise ou à la française.

A l'anglaise, les tranches se font dans l'épaisseur, verticalement; à la française, les tranches horizontalement et parallèlement à l'os; il y a ainsi des tranches cuites et des tranches saignantes.

Le gigot, qu'il soit de chevreuil, de mouton, d'agneau, doit être servi de manière à ce que le manche soit à gauche du découpeur.

Le jambon se coupe très mince; de même la galantine, la hure.

La terrine de foie gras se sert à la cuiller.

En servant, mieux vaut donner deux petites cuillerées d'une chose qu'une grosse; c'est plus élégant.

On place la salade assaisonnée, mais non retournée, devant la personne qui sert dans les dîners sans cérémonie: lorsqu'elle est «fatiguée», l'amphitryon la passe à droite; c'est la seule chose qu'on ne doit jamais servir soi-même à ses convives.

Le melon se sert, selon les goûts, au commencement ou à la fin d'un repas.

La glace se coupe au couteau ou avec une truelle spéciale.

Après le dîner.

On est de retour au salon.

Pendant le repas d'hiver j'engage fort les maîtresses de maison à faire pousser fortement le feu du salon afin qu'il n'y ait pas de brusque changement de température.

Le café est servi au salon par la dame de céans; on ne le prend jamais à table, à moins d'une grande intimité; évitez de remplir trop la tasse, il arriverait un «bain de pied»; on sert généralement du rhum, du cognac, et une autre liqueur avec le café.

Si l'on désire se retirer après le dîner, on doit avoir averti la maîtresse de la maison en faisant la réponse d'acceptation, ou, si le cas a été de la dernière heure, on doit la prévenir en arrivant.

On part à l'anglaise, sans rien dire. Le maître ou la maîtresse du logis vous excuse auprès des autres convives.

En Angleterre, l'usage veut qu'on parte de suite après le dîner; je trouve cela un peu sans gêne.

Le café pris, le maître de maison fera bien d'inviter ses convives mâles à passer avec lui dans le fumoir, le petit salon, le cabinet de travail ou tout simplement la salle à manger, qui doit avoir été promptement desservie, aérée, pendant qu'on prenait le café.

Pendant ce temps, la maîtresse de maison prévient tous les désirs de ses invitées.

La séparation des deux sexes ne doit pas être prolongée; au bout d'un quart d'heure, vingt minutes, le maître de maison doit dire à ses convives, auxquels il a offert cigares et cigarettes d'excellente qualité: «Si nous allions retrouver ces dames...»

La fin de la soirée se passe à causer, faire de la musique, jouer aux cartes, aux petits jeux, etc., etc.

Vers onze heures, on passe des verres de sirop, de punch, du thé, du chocolat, un verre d'eau sucrée, petits fours, brioches, sandwichs ou même croquignoles.

Pour s'en aller.

C'est souvent assez difficile.

Lorsqu'on voit que le temps passe, que tout le monde meurt d'envie de s'en aller, il faut que quelqu'un se décide à dire: «Tiens, il est déjà près de minuit! Comme le temps passe! Je n'avais pas la mesure de l'heure!» etc., etc.; enfin, une phrase qui autorise la retraite.

Alors tout le monde se récrie; les maîtres du logis ne protestent pas, et on peut s'en aller.

Si quelqu'un est parti à l'anglaise, on peut dire: «Comment M. X. est parti! Allons, il est temps de faire comme lui.»

Les maîtres de maison peuvent faciliter la sortie aux timides et dire des phrases dans le genre de celles-ci:

«Ne vous gênez pas pour partir, docteur; je sais que vous vous levez de bon matin.»

«N'allez pas manquer votre train, votre omnibus.»

«Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, vous venez d'être souffrante.»

Enfin, le bon goût suggère toujours non la «scène à faire», mais le mot à dire.

Les repas exceptionnels.

Les Rois.

Le dîner des Rois est un de ceux qui mettent en liesse la gent enfantine.

En effet, quoi de plus charmant que de voir des paires de beaux petits yeux s'attacher ardemment à la croûte dorée sous laquelle repose l'espoir d'une royauté éphémère et joyeuse!

On découpe la galette en autant de parts qu'il y a de convives plus une, «dénommée la part du Bon Dieu»; on pose une serviette blanche dessus et la personne la plus jeune de la société tire les parts au hasard, en désignant la personne à laquelle cette part est destinée.

La bienséance et la prudence veulent qu'on tâte soigneusement son morceau pour découvrir si la fève, le haricot ou le bébé de porcelaine, en vogue depuis quelques années, ne se trouve pas dedans, avant de le porter aux lèvres.

Un ou une invitée doit envoyer la fève sur une assiette (et non la mettre dans le verre, comme cela se pratique trop souvent), au maître de maison ou au plus jeune fils, à la maîtresse ou à la plus jeune fille; les maîtres et maîtresses de maison choisissent dans leurs convives la personne à laquelle ils veulent faire honneur.

On crie: «Vive le roi! vive la reine!» chaque fois que l'un des deux porte le verre à ses lèvres; le roi n'est nullement tenu de «relever» sa royauté.

Dans certaines familles charitables, le roi met une petite somme d'argent sur la part du Bon Dieu et le tout est donné à un pauvre.

Le tirage de la fève est une charmante coutume qu'on ne doit pas laisser tomber en désuétude; si ce n'est pas la tranquillité des parents, c'est au moins la joie des enfants.

On peut leur offrir cette satisfaction pendant tout le mois de janvier; après la première fête, la galette n'est plus obligatoire, n'importe quel gâteau peut la remplacer.

Le réveillon.

Est un repas bien gai qui peu à peu est passé dans nos mœurs, et maintenant presque tout le monde réveillonne peu ou prou.

Qu'on serve le classique boudin, avec la non moins classique dinde aux marrons, ou qu'on bourre ses convives de truffes et de foie gras, on doit toujours débuter par un consommé chaud qui a remplacé le traditionnel potage bouillie, parfumé et servi avec des gaufrettes.

Les seuls vins admis sont le vin rouge et le vin de Champagne.

On sert des pièces de charcuterie, principalement un jambon, entouré de houx, si ravissant avec son feuillage luisant et ses baies coralines.

La toilette des femmes est une jolie tenue de ville; de même pour les hommes.

On ne danse jamais à un réveillon.

Un bouquet de roses de Noël fait joli sur la nappe blanche.

Modèle d'invitation pour un réveillon:

On ajoute sur sa carte de visite: «attendra Monsieur et Madame X. pour faire réveillon, ou pour fêter Noël». Souvent on va à la messe de minuit avant le réveillon. Les profanes vont au théâtre.

Repas de Pâques.

Au déjeuner, on sert des œufs durs teints de différentes couleurs; on les illustre quelquefois de dessins, de devinettes ou de devises qui amusent petits et grands.

Au dîner, l'agneau pascal rôti, orné d'une guirlande des premières fleurs de printemps; des œufs en surprise ne font pas mal (voir la Cuisine du siècle).

«Five o'clock tea».

Qui veut dire «thé de cinq heures» est entré dans nos mœurs depuis que la mode veut qu'on dîne à huit heures.

Toutes les personnes qui ont leur jour ne sont pas tenues d'offrir quelque chose à leurs visiteurs; on peut, sans manquer au savoir-vivre, recevoir les visites, causer, sans plus, mais bien rares sont les maisons où les dames ne «grignotent» pas quelque chose.

Du reste, tout est facultatif pour ce repas très accessoire.

Le «grand five o'clock» est préparé d'avance dans la salle à manger, sur une table longue et étroite, recouverte d'une nappe aussi fantaisiste que vous voulez: nappe écrue brodée de fleurs vives, nappe rouge encadrée de dentelles, nappe de soie de Chine où sont brodés en or et argent des fruits, des fleurs irréels; la vaisselle est arlequinée; une coupe en vieux japon contient des bonbons; le samovar d'argent chantonne doucement son hymne au thé; les tasses de Sèvres à médaillons entourés d'or et de bleu turquoise, aux têtes de marquises poudrées, font bon ménage à côté des tasses de Chine où des mandarins ventrus esquissent des grâces de poussah, et même se glisse la petite tasse à café turque en filigrane d'argent; la cafetière, le seau à glace en cristal rose où baigne une bouteille casquée, des flacons en verre de Venise aux teintes doucement irisées, les coupes de cristal aux facettes scintillantes, des flacons en verre de Bohême où transparaît la blondeur du Madère, le rouge généreux du Bourgogne, ou l'ambre des vins d'Espagne; des seaux à biscuits, des pinces à bonbons, des coupes Bernard Palissy, des assiettes de tous genres, depuis le vieux Sèvres jusqu'à l'assiette à devinettes, à devises mirlitonesques; la chocolatière ventrue, le petit flacon de menthe verte, les petits couteaux d'or, les tridents à fruits confits, les piles de tartines au caviar, les sandwichs au foie gras, jambon, saumon, homard, les bouchées chaudes aux crevettes, posées sur un petit réchaud, les brioches, les plombs, les biscuits, les petites serviettes en batiste, en soie, en papier, enfin le disparate joli d'un five o'clock «fin de siècle» servi par des laquais. Je préfère cependant celui sans façon où, glissant simplement entre les meubles d'un salon encombré, selon la mode, la maîtresse de maison va elle-même quérir sur une petite table ce qu'elle veut offrir à ses hôtes.

Le five o'clock peut être composé de thé et de menues tartines de pain beurrées, agrémentées d'une pointe de sel; quelquefois aussi on passe une brioche et du chocolat. Dans certaines maisons où il vient beaucoup d'hommes, on a des boissons américaines. Dans la bourgeoisie, le vin de Madère, de Malaga avec des biscuits, des petits gâteaux secs, est ce qui s'offre le plus; en plein cœur d'hiver, un grog ou du vin chaud conviendrait fort aux personnes qui bravent le froid pour vous venir voir; de même, en été, une citronade, une limonade glacée, présentée dans un broc de cristal, sera fort agréable; le café et le chocolat glacé, ainsi que les glaces aux fruits sont aussi appréciés.

On peut passer des bonbons pendant le mois de janvier; retirez-les du sac et présentez-les dans une coupe de cristal, de bronze, un plat de Chine, une bonbonnière chinoise.

Lorsqu'il y a une jeune fille dans la maison, c'est elle qui «fait le ménage».

Les premiers arrivés sont servis d'abord, les hommes toujours en dernier.

La maîtresse de maison ou sa représentante offre un verre sur un petit plateau, elle tient la bouteille à la main et verse devant la personne; puis, elle passe l'assiette de gâteaux. Les visiteurs vont reporter leurs verres sur un endroit du plateau laissé vide à cet effet.

Si on offre du thé, n'ayez que du lait non bouilli.

Lorsqu'il y a des enfants, on peut offrir des tartines de confitures, des tablettes de chocolat, des carrés de pain d'épice; mais là s'arrête ce qu'on peut présenter.

Les oranges épluchées et les grappes de raisins sont les seuls fruits offrables.

Comme souvent on ne donne pas de serviettes pour le lunch, j'engagerai les dames à placer leur mouchoir commodément dans leur ridicule, leur manchon, afin de ne pas être contraintes de se livrer à cette gymnastique particulière qui vous fait lever et fouiller désespérément dans les plis de votre jupe avant de trouver la poche, maintenant qu'on a l'ingénieuse idée de la cacher à un endroit quelconque.

Pour les hommes, ils ont la facilité de mettre le mouchoir dans la poche de poitrine ou dans l'entre-bâillement du gilet.

Les femmes relèvent leur voilette, ne la quittent pas et ne se dégantent pas; pourtant le gant droit peut être enlevé ou, si on a des gants longs, on passe la main dans l'ouverture du gant; les hommes les enlèvent carrément.

Répétons que le five o'clock est facultatif, qu'on ne manque en rien aux bonnes manières en le supprimant ou en le faisant aussi simple que possible.

Les repas de chasse.

Doivent être surtout copieux et plantureux: l'ordonnance du repas doit céder la place à la quantité de grosses pièces nécessaires pour restaurer des affamés qui ont marché durant plusieurs heures.

Comme potage, bouillon aux pâtes, ou la vulgaire, mais tant appréciée soupe à l'oignon qui, dit-on, «ravigote» sûrement les disciples de saint Hubert.

Les pâtés de gibier, les pièces de venaison, les fromages, les fruits; pas ou peu de chatteries; un bon plum-pudding flambant clair, arrosé de rhum, réjouit les convives par ses flammes bleuâtres; des vins vieux, pas de champagne, une bonne tasse de café, de la fine champagne vénérable, la table garnie de verdures automnales pourprées par l'automne. Médor ou Diane, auxquels on offre un os—dame, ils ont été à la peine, ils peuvent bien être au plaisir—une bonne pipe, quelques histoires gauloises, une poignée de main aux amis—et même, si vous n'avez tué qu'une alouette ou envoyé un grain de plomb à un rabatteur, vous déclarerez, en enfonçant fièrement votre chapeau de feutre, quelquefois orné d'une plume de faisan par la maîtresse de la maison, que «vous avez fait une bien belle chasse».

A propos de chasse, messieurs, nous vous en prions, pas de costumes de brigands d'opéra-comique; un complet en velours côtelé, de bons gros souliers bien larges, un chapeau de feutre, chemise de flanelle, cravate molle, et en route!

Un mot des chasseresses. Si nous allons à la chasse pour faire de la coquetterie, du flirt, nous avons bien tort; dans ces réunions, l'homme s'évanouit, le chasseur reste et voit, souvent d'un mauvais œil, une femme qui manie un fusil. Habillons-nous avec des bottines lacées, bien montantes, la culotte de zouave, et, par-dessus, la jupe plissée, veste courte et lâche, chapeau de feutre, pas de gants; si nous avons du coup d'œil et si nous sommes bonnes marcheuses, nous pourrons suivre sans faire gronder les chasseurs du sexe fort.

Les repas de funérailles.

Ont encore lieu à la campagne et c'est naturel; les gens sont venus souvent de plusieurs lieues à la ronde, pour rendre les derniers devoirs à un des vôtres; il est donc du plus élémentaire savoir-vivre de penser au bien-être de ses hôtes.

On n'est pas forcé, lorsqu'on est proche parent du défunt, d'assister à de tels repas; un ami ou une amie vous remplace.

Très simple doit être le menu: potage, viandes froides, charcuterie, vin ordinaire.

Les banquets.

La table est en fer à cheval, en patte d'écrevisse, en T; le président est au milieu.

Voici un extrait du protocole:

Roi ou président.

Princes du sang ou sénateurs et députés.

Cardinaux.

Ministres.

Grands-officiers.

Conseillers d'État.

Grands-officiers de la Légion d'honneur.

Généraux de division.

Présidents de cours d'appel.

Archevêques.

Préfets.

Présidents de cours d'assises.

Généraux de brigade.

Évêques.

Sous-préfets.

Présidents de tribunaux de première instance.

Présidents de tribunaux de commerce.

Maires.

Commandants d'armée.

Commandants de Consistoire.

Les titres des personnages sont mis sur leurs cartes.

Monsieur le ministre de l'Intérieur
S. E. l'ambassadeur
S. M. la reine d'Angleterre

Il est presque toujours indispensable de s'adresser, pour l'organisation d'un banquet, aux fournisseurs «spécialistes».

Les vieilles coutumes françaises.

Sont la santé, la chanson, la philippine et le «trinquage».

Commençons par ce dernier, qui est de plus en plus condamné.

Pourtant, si le verre vous était tendu, n'hésitez pas, sinon à le choquer mais à le toucher avec le vôtre en vous inclinant gracieusement. On peut encore dire, en levant son verre: Je bois à la santé de madame ou de monsieur un tel, en s'inclinant; en ce cas les convives lèvent leurs verres et le vident; les femmes peuvent se contenter d'y tremper leurs lèvres. Le maître de la maison répond par une phrase dans le genre de celle-ci: «Et moi je bois à vous tous, mes chers amis». Lorsqu'on «toaste», coutume anglaise implantée en France, c'est le maître de la maison qui prend l'initiative, à moins qu'on ne soit réuni chez lui pour sa fête ou pour un anniversaire; alors c'est généralement le convive le plus qualifié ou le plus âgé qui porte le toast. Les femmes ne doivent jamais toaster.

A une noce, lorsqu'on porte la santé des jeunes époux, ils ne doivent pas répondre, l'émotion peut les en empêcher; c'est le père de l'un ou de l'autre qui prend leur place. On ne se lève plus pour porter un toast, si ce n'est dans les banquets officiels ou dans les réunions ouvrières.

Alors, ce n'est plus un toast mais un discours, et, nous vous en prions, méfiez-vous de la longueur, ayez pitié des pauvres gens qui vous écoutent!

Voici dans quelles circonstances on peut toaster:

A une pendaison de crémaillère: l'amphitryon porte la santé de ses hôtes et leur dit qu'il espère bien les voir souvent dans sa nouvelle demeure;

A un anniversaire de mariage; ce sont les invités qui toastent; le mari doit répondre en termes émus;

Au sujet d'une décoration, d'un avancement, d'une promotion, un convive éminent porte un toast: l'heureux personnage doit répondre en termes flattés;

A un mariage: j'ai déjà dit que le jeune époux s'abstenait;

A un baptême: le baby ne répond généralement pas, si ce n'est par des cris, et l'auteur de ses jours prend la parole en phrases attendries.

La philippine n'a plus cours que dans la très grande intimité; elle amenait un présent obligatoire et une familiarité déplacée.

Donc, ne «philippinons» pas, sauf avec les très jeunes gens des deux sexes; un bouquet est alors le seul cadeau qu'on peut offrir ou accepter.

Les déjeuners.

Le déjeuner n'est jamais un repas de cérémonie, sauf quand il s'agit d'un déjeuner de noce ou de baptême; en ce cas, c'est un déjeuner dînatoire, puisque le potage y figure.

Les déjeuners sont à éviter, ils coupent la journée; mais cela dépend des occupations qu'on a.

Les hommes viennent en costume ordinaire; les femmes en toilette de ville; la robe d'intérieur élégante peut être la mise de la maîtresse de maison, jamais la simple robe de chambre.

Le potage est remplacé par les huîtres ou par toute une gamme de hors-d'œuvre.

Les biftecks, côtelettes, viandes froides, pâtés, œufs sous toutes les formes, poissons frits, fromage, gâteaux secs, fruits sont les éléments d'un déjeuner; on évite les plats à sauce, les gros rôtis, les glaces et pourtant, quand on veut faire un petit gala, on a recours à ces diverses choses; du reste, la fantaisie est admise.

On peut prendre le café à table ainsi que les liqueurs.

Les bals.

Encore quelque chose de terriblement difficile pour les maîtresses de maison qui ne disposent ni d'un hôtel, ni d'un très grand appartement.

Il faut d'abord une véritable débauche de lumières; puis beaucoup de glaces reflétant les lumières, les doublant.

De même pour les fleurs ou plutôt les plantes vertes; mettons-les en profusion; surtout des palmiers, avec leurs larges feuilles en éventail qui font si bien ressortir le damas d'une tenture, la blancheur esthétique d'une statue de marbre, la sévérité grandiose d'un bronze, le coloris d'un tableau ou le ton doucement ocré d'une terre cuite.

Une maîtresse de maison un peu artiste doit savoir organiser des coins, des retraits avec des palmiers.

Les fleurs, orchidées surtout, puisque c'est la mode, doivent garnir les vases, les potiches.

Je conseille une pièce peu éclairée, où les personnes lassées du bruit et de la lumière pourront venir se reposer.

Dans une chambre ou dans un petit salon sont disposées des tables de jeux, avec des cartes, des jetons, des marques, de petits bouts de table avec bougies allumées et casquées de mignons abat-jour roses ou verts; des boîtes de cigares ouvertes, des allumettes, des cigarettes et des pastilles cachou doivent être placées sur un meuble.

Si la salle de jeu est une chambre à coucher, mettez un paravent devant le lit; c'est plus convenable et plus joli.

Les cartes d'invitation sont lancées au moins quinze jours avant, car il faut penser aux toilettes que les dames peuvent avoir à préparer, et deux semaines ne sont pas de trop pour mettre au point la robe de bal qui est toujours assez compliquée, sinon par elle-même du moins par ses accessoires.

Modèle d'une carte d'invitation à un bal.

Monsieur et Madame Alfred V.... prient Monsieur et Madame X. de leur faire l'honneur de passer avec eux la soirée du lundi 29 mars.

On dansera.

22, rue Saint-Marc.

Une carte de visite doit être aussitôt renvoyée; c'est l'accusé de réception et le remerciement.

Inutile de prévenir d'un refus; ce n'est pas comme pour un dîner, les préparatifs sont les mêmes et peu importe l'absence de quelques personnes de plus. Quelquefois, au dernier moment, on se trouve libre et si on avait refusé il n'y aurait plus moyen de revenir sur sa décision.

Lorsqu'on a assisté au bal, on doit renvoyer une carte huit jours après, puis faire une visite (les hommes n'y sont pas tenus); avez-vous refusé, il est de bon goût de faire une visite explicative à la maîtresse de la maison si on est assez lié pour cela; sinon, on s'abstient.

La toilette de la maîtresse de la maison peut être jolie, mais elle ne doit pas mettre toutes voiles dehors, afin de ne pas éclipser ses invitées qui, quelquefois, pourraient lui en savoir mauvais gré: on a vu des haines de femmes éclore à propos d'un chapeau.

Le grand décolleté, le demi-décolleté, même l'entre-bâillement discret sont permis dans un bal; la règle n'est plus inflexible comme il y a quelques années et les personnes souffreteuses peuvent, sans manquer au savoir-vivre, aller au bal dans une toilette demi-montante.

Les jeunes filles renoncent aux robes de tulle et de tarlatane; c'était joli, flou, mais cela durait l'espace d'une nuit et, les façons coûtant cher, la génération actuelle, plus pratique, prend de léger taffetas, de la bengaline, de la gaze de soie, même du crépon de laine, qui peut fournir plus d'un bal.

La robe d'une entière blancheur a fait place, elle aussi, à toutes les teintes délicieusement fausses qui sont en vogue, et les jeunes filles sont habillées comme les jeunes femmes, sauf le décolleté plus modeste et l'absence de bijoux.

Les gants doivent toujours être très longs, montant au-dessus du coude; je préfère les teintes rosées, biscuit, gris clair, au gant blanc.

La petite palatine de satin piqué ornée de cygne ne se porte plus; on a tout simplement une gaze, une mantille, qu'on peut jeter sur ses épaules.

En fait d'accessoires, la femme n'a plus que l'éventail, le mouchoir et le carnet de bal.

La sortie de bal se laisse au vestiaire.

La toilette des hommes est toujours la même: habit noir, pantalon noir, gilet noir à cœur, cravate blanche, souliers vernis, gants blancs, les seuls dont le corsage des dames n'a pas à redouter le contact. Dans le grand monde, on arbore la culotte courte, les bas de soie noirs, l'escarpin, l'habit rouge et même, suprême fantaisie, l'habit en soie glacée, gorge-de-pigeon.

C'est fort joli dans un certain milieu.

Les bals sont généralement indiqués pour dix heures et demie ou onze heures; on doit être «paré», comme on dit en style maritime, une demi-heure avant.

Il ne faut pas arriver trop tôt pour voir «allumer les chandelles»; pas trop tard non plus.

Je n'engagerai jamais les maîtres de maison désireux d'avoir foule dans leurs salons à donner des invitations en blanc; sait-on qui peut venir?

Les jeunes femmes ne vont pas seules au bal; il leur faut mari, père, frère, ami de la famille ou dame sérieuse comme chaperon; pourtant, une personne n'ayant nul tenant aurait grand tort de se priver d'un plaisir; elle n'a qu'à arriver des premières et à se placer près de quelqu'un de connaissance ou près d'une personne avec laquelle la maîtresse de maison la mettra en rapport.

Les maîtres de maison s'occupent de placer les premiers arrivants; ensuite, c'est un peu au gré de la fantaisie.

Règle générale, les femmes sont assises dans un bal, les hommes jamais.

Un des grands soucis pour des personnes donnant un bal, c'est de réunir le nombre de danseurs, dansant, nécessaire.

Pour ce, ils sont forcés de se montrer éclectiques.

La maîtresse de maison doit peu danser; il faut qu'elle s'occupe de mettre tout le monde en train, de chercher les danseurs pour les trop obstinément délaissées.

Autant que possible, l'orchestre doit être installé sur une estrade avec des plantes vertes le dissimulant.

Une remarque. On doit faire distribuer fréquemment des rafraîchissements aux musiciens, mais pas de liqueurs; à la fin du bal, on les fait souper ou, s'il n'y a pas de souper, on leur sert du bouillon, du Bordeaux, du Champagne.

Pour l'organisation d'un orchestre, on peut s'adresser à des facteurs de pianos, à des marchands de musique; ils vous procureront un personnel très convenable.

Les invités doivent adresser leur première invitation à la maîtresse du logis et à ses filles.

Les jeunes filles en entrant au bal marchent seules derrière leur mère, qui est au bras du maître de la maison ou d'un de ses aides de camp; elles donnent le bras à leur père, à leur frère ou à l'ami qui les accompagne.

Les jeunes filles s'asseyent devant ou près de leur mère ou de la dame qui leur sert de chaperon; un homme veuf conduisant sa fille au bal doit la mener de suite près d'une personne âgée de leur connaissance.

La jeune fille doit danser dans le salon où est la personne qui l'accompagne; de même, au souper, elle doit être placée non loin.

L'usage américain qui veut que la jeunesse ait son salon pour elle seule, soupe seule, a de grands inconvénients et, si j'avais une fille, je ne le permettrais certes pas.

Un homme doit éviter d'ordinaire de faire danser trop souvent la même personne.

Pour inviter à danser, le cavalier salue la dame et lui dit, à voix basse, ces mots sacramentels: «Madame—ou Mademoiselle,—voulez-vous me faire l'honneur de m'accorder ce quadrille,—ou de danser cette valse avec moi?»

Celui qui emploierait le mot plaisir en place de celui d'honneur serait peu correct.

Lorsque la femme accepte, elle s'incline et dit: «Volontiers—oui,—avec plaisir», également à voix basse; ses phrases sont devinées plutôt qu'entendues.

Consulter longuement son carnet de bal serait incivil.

Pour refuser, on dit simplement: «Merci, je suis invitée».

Lorsqu'on refuse de danser avec quelqu'un pour une raison ou pour une autre, on doit rester à sa place.

Si on veut se ménager d'accorder la danse suivante, il ne faut pas déclarer «qu'on ne danse plus», mais dire: «Je vous remercie, je désire me reposer un moment».

Le cavalier n'insiste pas; il peut se représenter plus tard, mais si on le refuse de nouveau, il doit s'abstenir.

Dans le cas où deux messieurs réclameraient leurs droits en même temps et paraîtraient disposés à tourner à l'aigre, il faut que la danseuse ait l'esprit de mettre les deux parties d'accord.

Si une dame vous refuse, n'invitez pas de suite sa voisine directe.

Dans un bal, les hommes vont saluer les dames qu'ils connaissent; s'il y a une chaise libre à côté, ils peuvent s'y asseoir un instant; ne jamais rester devant une femme, debout, à causer; cela la masque ainsi que ses voisines et peut les empêcher d'être invitées à danser.

Lorsqu'on a invité une personne pour un quadrille, on prend pour le vis-à-vis le premier couple qu'on voit en quête de partenaires.

Parler en dansant la valse est non seulement difficile, mais de mauvais goût.

Peu d'hommes et peu de femmes savent danser correctement.

Voici la tenue exacte citée par la baronne Staffe:

Le cavalier se place à la gauche de la dame, enlace sa taille avec l'avant-bras et soutient de sa main gauche la main droite de sa danseuse, qui appuie légèrement sa main gauche sur l'épaule de son danseur.

Le bras gauche du cavalier doit être assez étendu pour pouvoir imprimer instantanément les changements de direction. L'épaule droite du cavalier doit être constamment perpendiculaire à l'épaule droite de sa danseuse et le corps de celle-ci ne doit pas se trouver en contact avec le corps de son cavalier.

Si vous tombez sur un mauvais danseur, faites contre fortune bon cœur et ne lui donnez pas des conseils d'un ton aigre; la réciproque est vraie.

Il est bon de s'arrêter de danser lorsque les dernières mesures se font entendre.

Le cavalier reconduit la dame à sa place, reprend son claque (il en est qui dansent avec, mais c'est gênant), s'incline, la dame en fait autant; avant, l'homme remerciait.

Les coiffures extravagantes et les décolletés trop... audacieux sont de mauvais goût.

L'officier qui danse défait son sabre chaque fois et le dépose droit contre la chaise de sa danseuse.

A propos d'officiers, s'ils portent des gants blancs au bal, comme tout le monde, ils ne sont plus astreints à cette couleur pour la ville; ils portent journellement le gant peau de chien ou brique, à piqûres noires.

Lorsqu'on va dans plusieurs soirées, on doit partir sans jamais prendre congé des maîtres de maison, qui pourraient être vexés de votre désertion et tenter de vous retenir.

Les bals ne sont pas toujours suivis de soupers; il y a quelquefois un buffet qui doit être prêt dès la première heure du bal, quoiqu'il soit de mauvais ton d'y aller dès le commencement de la soirée.

Maintenant que la mode des buffets est en vogue, on ne sert plus de rafraîchissements entre les danses.

Pourtant je vais donner quelques indications pour le cas où il n'y aurait pas de buffet: entre chaque danse, si on veut, ou, au moins, toutes les trois danses, des domestiques chargés de grands plateaux avec des verres plats remplis aux deux tiers de sirop de groseille, de grenadine, orgeat, glaces en coquilles, café glacé, chocolat glacé, petits fours, fruits confits dans leurs collerettes de papier plissé, doivent circuler dans le salon.

Buffets.—Soupers.

Aussitôt les plateaux passés, d'autres domestiques, chargés de plateaux vides, recueillent verres, coquilles, petites cuillers; jamais, au grand jamais, ne déposons rien sur un meuble; dans le cas où vous auriez omis de remettre sur le plateau, il se trouvera toujours un homme bien élevé pour vous débarrasser de ce qui vous gêne.

La question des godets de papier contenant des fruits glacés, des noyaux et des queues a été débattue et, tout dernièrement, d'une façon charmante par Marie-Anne de Bovet. On sait donc qu'il ne faut pas avaler les noyaux, ni les jeter subrepticement derrière sa chaise ou derrière un meuble, ni les mettre dans sa poche, mais bien les enfermer dans leur enveloppe de papier et déposer le tout sur le plateau.

Oui, mais si le plateau a passé?

Dans ce cas, messieurs, mettez le corps du délit dans votre poche de gilet et vous, mesdames, dans un coin de votre mouchoir de poche.

Les verres à sirop sont toujours en cristal uni; les verres à pied ne sont de mise que pour le punch ou le vin chaud qu'on sert vers une heure du matin; lorsqu'il n'y a pas de buffet, on sert des tasses de chocolat chaud, de consommé chaud et froid, vers deux heures du matin; on peut aussi servir des verres de vin de Bordeaux et des coupes de Champagne; mais cela est facultatif, ainsi que les sandwichs.

Le buffet doit être très copieusement garni.

Comme il est fort difficile d'organiser un buffet pour un bal, qu'il faut beaucoup de matériel, des tables à tréteaux, des montants, etc., etc., j'engage à s'adresser à une maison de premier ordre pour ce soin; je dis de premier ordre car, pour une minime différence de prix, vous risquez d'avoir des fournitures peu fraîches et des vins de qualité très inférieure.

Les domestiques doivent être debout derrière la table.

Il faut placer un paravent derrière les serveurs; ce paravent dissimule une table où on envoie vivement la vaisselle sale, les détritus; on doit laver promptement la vaisselle et lui faire reprendre sa place; ainsi le buffet n'a pas trop l'aspect d'une ville mise à sac.

La décoration du buffet est faite par des fleurs et de belles grasses pièces, galantine, jambon, filet froid, volaille, fruits.

On invente tous les ans d'exquises choses qui sont les bienvenues dans les buffets: ortolan froid, pris dans de la gelée; coquilles de homard; bouchées aux crevettes; pâté de saumon; truffes au vin de Champagne, servies dans de mignonnes coquilles en argent, sandwichs au jambon, au foie gras, vins de toutes espèces, glaces, sorbets, punch, bouillon, etc., etc.

Le maître de maison et ses aides de camp doivent conduire tour à tour les dames au buffet; celles qui dansent y sont menées par leurs danseurs; il faut veiller aux timides et s'arranger pour qu'elles aient leur tour.

On ne doit pas conduire sa sœur, ou sa femme au buffet; encore moins, si on est venu nombreux, s'y rendre en famille. Lorsqu'on fait un souper par petites tables, sauf celles présidées par le maître et la maîtresse de la maison et où ils invitent les personnes auxquelles ils tiennent à faire honneur, chacun se place comme il l'entend.

Le souper doit être court; les danseurs grillent de retourner à la salle de bal et les personnes qui désirent se retirer verraient d'un mauvais œil se prolonger le repas.

Sauf le potage (toujours du bouillon), qui est chaud, tous les mets sont froids: filet de bœuf, volaille, galantine, jambon, pâté de foie gras, salade de légumes, ananas, fruits, Bordeaux, tisane de Champagne.

Après le souper, les personnes qui désirent partir, reparaissent au salon un instant et s'éclipsent pendant le brouhaha de la première danse.

Le cotillon.

Est de rigueur maintenant dans tous les bals et se danse avant ou après le souper.

Il est de plus en plus aimé des jeunes filles et des femmes parce qu'il sert de prétexte à distribution d'objets plus ou moins coûteux, plus ou moins luxueux et toutes les femmes adorent emporter quelque chose.

Si on veut suivre la mode, point n'est besoin d'avoir un cotillon qui revient à dix mille francs, car on atteint facilement ce chiffre en offrant aux danseuses des éventails signés de noms de maîtres, des boîtes à poudre en argent, des pommes d'ombrelles en Saxe, des bijoux, enfin les mille fantaisies coûteuses que seule une maîtresse de maison millionnaire peut songer à offrir.

Il est de petits bibelots gentils, pas chers, qui font merveille; des japonaiseries, des rubans, des fleurs, les différentes fantaisies qui éclosent ici et là, sous le nom fameux d'«articles de Paris».

Bien des accessoires peuvent se confectionner chez soi et l'ingéniosité invente des figures absolument charmantes, pour une minime dépense.

Mais passons d'abord en revue ce qui s'achète.

La troïka.—Est une branche d'arbre qui rappelle le célèbre attelage russe. Cette branche est ornée de fleurs et de rubans; à ses extrémités se trouvent deux rubans avec un anneau doré au bout: trois dames s'attellent à la troïka, que tient la dame du milieu. Les deux autres tiennent les rubans. Un grand ruban est passé autour de la taille de la dame du milieu et les extrémités en sont tenues par le cavalier qui conduit l'attelage. La dame conductrice guide trois cavaliers attelés de la même façon à une autre troïka. On donne des colliers aux dames, des flots de rubans aux messieurs. Les deux attelages font le tour de la salle en sens inverse; au signal donné par le cavalier conducteur, la course s'arrête et chacune des dames danse avec le cavalier qui se trouve en face d'elle.

Le portique.—Sous un portique orné de roses et de rubans, on attache une clochette et un petit panier rempli de pétales de roses; deux rubans qui correspondent à la clochette et au panier sont tenus par une dame qui, à sa volonté, fait sonner la clochette ou basculer le panier qui laisse tomber une pluie de fleurs; dans ce cas le cavalier ne danse pas.

Les tambourins.—Le cavalier conducteur et la dame conductrice distribuent des tambourins ornés de différentes couleurs. Au signal donné, les dames dansent avec le cavalier portant leurs couleurs.

Le sistre.—Le sistre est distribué par les messieurs aux dames de leur choix; il accompagne l'orchestre d'un charmant bruit de grelots et de clochettes.

Le diable au corps.—On place deux cavaliers et une dame au milieu du salon. Les deux diables sont passés au cou des deux messieurs: celui des deux messieurs qui s'en débarrasse le premier en le détachant du mousqueton, le jette ou le passe à un autre cavalier et danse avec la dame.

Le secret de Polichinelle.—On renferme douze beaux hochets ornés de têtes de polichinelle de couleurs différentes dans une grosse tête de polichinelle montée sur un pied; douze autres petites têtes de couleurs semblables aux premières sont mises dans la grande collerette de Polichinelle; le cavalier conducteur distribue les hochets aux messieurs; douze dames viennent prendre chacune une petite tête et dansent avec le cavalier qui a le hochet correspondant.

Les fleurs ou le parterre.—De grandes branches de fleurs, différentes, sont placées au milieu du salon sur un parterre portatif; on distribue de petits écrans représentant les mêmes fleurs aux messieurs, qui choisissent chacun une danseuse et la conduisent au parterre où elle arrache la branche de fleurs correspondante.

Aïda.—On présente un gigantesque écran en plumes de paons, posé sur un beau pied; les grandes plumes ornées de nœuds de satin différents sont distribuées aux messieurs; douze petits écrans en plumes et ornés de nœuds semblables sont distribués aux dames; on range les messieurs sur une ligne, les dames défilent devant eux et s'arrêtent devant le cavalier aux nœuds correspondants.

Les marguerites.—De grandes marguerites blanches sont distribuées aux dames et de petites marguerites de couleurs différentes, en forme de décorations, aux messieurs. Au signal du cavalier conducteur, chaque dame tire un à un les pétales de sa fleur; au dernier pétale, par un mouvement de bascule, le cœur de la marguerite se retourne et change de couleur. Les couleurs correspondant aux couleurs des messieurs forment les couples.

Le rosier.—Un rosier de grandeur naturelle et garni de six, douze ou dix-huit roses très jolies de nuances différentes est placé au milieu du salon. Le même nombre de boutons de rose de nuances semblables aux premières sont piqués dans une corbeille de mousse; chaque cavalier conduit près du rosier la dame de son choix; celle-ci cueille la rose semblable au bouton que le cavalier a placé à sa boutonnière.

La courte paille.—On place une dame et deux cavaliers au milieu du salon; deux pailles, dont l'une s'allonge beaucoup, mais que l'on croit semblables, sont présentées aux messieurs par une dame; chacun des cavaliers choisit une paille et celui qui a la courte paille danse avec la dame.

A côté des accessoires coûteux il en est, avons-nous dit, beaucoup qu'on peut faire soi-même et qui ne demandent qu'un peu d'application.

La pêche.—Mettez au bout d'un bâton, recouvert de papier d'or ou d'argent, une ficelle; attachez à cette ficelle un petit four.

Une dame prend cette ligne improvisée et la balance au-dessus de la tête de ses danseurs agenouillés. Celui qui happe l'appât danse avec la dame et les autres dansent entre eux.

La chandelle.—Une dame monte sur une chaise tenant une bougie allumée; deux danseurs sautent et essayent d'éteindre la bougie; celui qui réussit danse avec la dame et le second danse seul auprès en tenant la chandelle.

La grosse tête.—C'est une énorme tête de carton représentant une figure comique, face de poupée, de Jeannot, rosière de Nanterre, etc., etc.; la dame qui tient la tête! la dépose sur celle du danseur qu'elle choisit et celui-ci danse à l'aveuglette; l'effet est quelquefois drôle.

Les sacs.—Une figure de mon invention, amusante peut-être: on fait des sacs en papier gris percés de trous de différentes grandeurs; les messieurs s'en couvrent entièrement la tête et s'alignent sur un rang afin que les dames choisissent leurs danseurs.

On ne peut les reconnaître à la taille, avec ces sacs de différentes grandeurs, et, la danse finie, lorsqu'on enlève ce couvre-chef d'un nouveau genre, on est souvent tout étonnée en voyant le visage du danseur.

La poudre de riz.—Une figure à éviter; elle tache les habits.

Toutefois, comme elle ne coûte absolument rien, il faut l'indiquer.

Deux danseurs se présentent; la dame enfarine le visage de l'élu et l'autre suit le couple en dansant et en tenant houppe et boîte.

Le miroir.—La dame assise tient un miroir et, tour à tour, les danseurs viennent y mirer leur visage; la dame efface avec son mouchoir les traits de ceux qu'elle ne veut pas agréer.

Faire défiler tout le bataillon des danseurs serait de goût douteux.

Le coussin.—La dame, assise, a un coussin devant elle. Elle pose le pied dessus, les danseurs vont tour à tour essayer de s'y agenouiller; si la dame refuse, elle doit retirer vivement le coussin.

Le verre d'eau.—Une dame tient un verre d'eau: elle l'offre à celui avec lequel elle veut danser; celui-ci le donne vide à un cavalier qui suit le couple en dansant seul et en tenant le verre d'eau plein; il ne le vide qu'après la valse; rôle vétilleux, demandant beaucoup d'adresse; figure dangereuse pour les robes des dames.

Le cotillon variant chaque année, je ne peux guère expliquer les figures; il s'en montre tous les jours.

Bien entendu on peut offrir ce qu'on veut, depuis des pelotes et des écrans jusqu'à des sachets et des mouchoirs.

Les différents bals.

Bals Cendrillon.

De récente importation est le bal Cendrillon qui finit à minuit, heure à laquelle l'héroïne des contes de Perrault perdit sa pantoufle.

Ce bal fait le bonheur des personnes aimant se coucher tôt, des mamans, des papas, voire des maris.

Il commence à huit heures; on passe des rafraîchissements, mais il n'y a ni buffet ni souper.

Les bals d'enfants.

Ont lieu dans l'après-midi, de deux heures à six heures; il y a un goûter assis; on offre des tasses de lait.

L'orchestre, pour ces bals, peut se composer d'un simple piano tenu par une maman ou une grande sœur complaisante.

A propos d'orchestre, disons en passant qu'on ne doit pas lésiner sur le nombre des musiciens, que cela ne grossit pas beaucoup la dépense d'en avoir quelques-uns de plus, et que rien n'est piteux comme de voir sautiller cent personnages aux sons essoufflés d'un piano poitrinaire ou d'une petite flûte qui n'en peut mais.

Dans les grands bals, une jolie invention est de faire jouer l'orchestre en sourdine pendant le souper.

Les airs espagnols sont en vogue.

Bals déguisés.

Bien jolis et bien agréables; il y a une sorte de laisser-aller où on peut donner libre cours à son esprit.

Le bal masqué est encore plus gai, plus amusant à la faveur de l'incognito et avec le tutoiement toléré quelquefois.

Les bals masqués ne sont amusants que dans des maisons particulières, où on est sûr que tout le monde est correct et que malgré la licence de l'incognito, des propos déplacés n'auront pas cours.

Les bals déguisés où tous les costumes se coudoyaient dans un chamarrement joli ont fait leur temps; on veut du nouveau, n'en fût-il plus au monde, et on inaugure les bals Charles IX où tout le monde est tenu d'avoir le costume du temps, et on danse la pavane;

Les bals Watteau, avec le menuet;

Les bals républicains, avec gardes françaises et ravaudeuses;

Les bals grecs, fort originaux;

Bals espagnols avec le fandango, bals italiens avec la tarentelle, bal chinois, bal russe, bal polonais, bal turc, bal suisse, enfin, tous les pays du monde peuvent être mis à contribution avec leurs costumes et leurs danses; de même les provinces françaises, le Poitou avec son ancien costume et le branle; l'Auvergne avec la bourrée, etc.;

Puis les bals de fleurs, les bals d'oiseaux. On donne aussi des bals déguisés de jour; ce sont des bals villageois où on mange simplement des crêpes et où on boit du cidre; ce ne sont pas ceux où l'on s'amuse le moins.

Les bals blancs sont ceux où seules les personnes non mariées ont la permission de danser; les jeunes filles doivent être tout en blanc et les jeunes gens arborent une fleur de même couleur à la boutonnière.

Les bals roses, où peuvent danser les jeunes femmes, sont jolis; toutes les danseuses portent des robes également roses, et les danseurs se décorent d'une des roses de la saison.

Les bals d'été se donnent dans les jardins, éclairés par des lanternes vénitiennes; les musiciens sont juchés sur des tonneaux; sous des tentes sont dressés des buffets.

Les bals par souscriptions.

Lorsque, dans ces bals, une femme se présente sans cavalier, un des commissaires doit lui offrir le bras, la conduire, lui trouver une place convenable et l'y installer.

On ne doit jamais accepter d'être menée au buffet, payant, dans ces bals, si ce n'est par ses parents.

Si deux femmes se présentent ensemble et qu'il n'y ait qu'un commissaire de libre, c'est à la plus âgée que celui-ci doit donner le bras.

Quelques conseils pour les bals.

Ne jamais trop faire frotter un appartement: autrement, gare aux glissades et aux chutes.

Ne mettez pas de fleurs odorantes.

Ayez des bougies très longues, afin de ne pas les renouveler plusieurs fois dans la soirée.

Ne chauffez pas les salons, mais chauffez fortement le petit salon de repos et la salle de jeu.

Que les hommes n'enlèvent jamais leurs gants sous aucun prétexte; le contact d'une main plus ou moins moite sur un corsage ou sur un gant a une action désagréable et tachante.

Les garden parties.

On les nomme aussi Robinson ou Marly; c'est une mode qui vient d'Angleterre.

Les maîtres de maison vous invitent pour rester dans leur jardin.

Les rafraîchissements, les plaisirs, tout se prend dehors.

On dresse le buffet sous une tente, une tonnelle, un hangar.

On installe des jeux champêtres, des balançoires, des tourniquets.

A propos des parties en plein air, quelques conseils.

Il faut que le lieu du festin ne soit pas trop éloigné de la cuisine, de manière à ce que les mets n'arrivent pas froids.

Éviter de mettre rafraîchir les bouteilles dans des seaux sous les yeux des convives.

Il faut avoir un terrain sans pente pour mettre sièges et tables et caler solidement les uns et les autres.

Faire attention de ne pas se mettre sous les arbres d'où pleuvent les insectes.

Calculer les mouvements du soleil afin que les convives ne soient pas aveuglés.

Si le repas en plein air est un dîner, la maîtresse de la maison fera bien d'avoir une provision de châles légers qu'elle pourra jeter sur les épaules des frileuses.

Pour l'éclairage on emploie les lampes de jardin à globes fermés.

On peut aussi avoir un éclairage de lanternes chinoises ou vénitiennes.

Lorsqu'à la campagne on dîne dans la salle à manger et que le café est servi dehors, les domestiques placent tout ce qui est nécessaire sur une table et se retirent; le soin de servir est laissé à la maîtresse de la maison et souvent même on invite les convives à se servir eux-mêmes.

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