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Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse (5/9)

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Premier corps, Vandamme, trois divisions;

Deuxième, duc de Bellune, quatre divisions;

Troisième, prince de la Moskowa, quatre divisions;

Quatrième, général Bertrand, trois divisions;

Cinquième, général Lauriston, trois divisions;

Sixième, duc de Raguse, trois divisions;

Septième, général Régnier, quatre divisions;

Huitième, prince Poniatowski, deux divisions;

Onzième, duc de Tarente, trois divisions;

Douzième, duc de Reggio, trois divisions;

Treizième, prince d'Eckmühl, trois divisions;

Quatorzième, maréchal Saint-Cyr, trois divisions.

En Franconie, le duc de Castiglione avec trois divisions.

Les troupes à cheval étaient organisées ainsi: Chaque corps d'armée avait une brigade de cavalerie légère. La réserve, composée de dix-sept divisions, était formée en cinq corps, dont chacun avait trois ou quatre divisions, et qui étaient commandés, savoir:

Le premier corps, par Latour-Maubourg, quatre divisions;

Deuxième, Sébastiani, trois divisions;

Troisième, duc de Padoue, quatre divisions;

Quatrième, comte de Valmy, trois divisions;

Cinquième, le général Millaud, trois divisions.

Enfin on doit ajouter à la masse de ces forces les garnisons des places de Pologne et de Prusse, qui tenaient en échec plus de cent mille hommes à l'ennemi.

Si les soldats, qui composaient cette armée eussent été plus âgés et plus instruits, jamais on n'aurait rien vu de plus formidable.

Napoléon avait préparé ses mouvements par divers travaux exécutés sur l'Elbe. Si l'enceinte de Dresde, détruite en 1809 par ses ordres, eût existé alors, elle lui aurait servi puissamment au début des opérations. On dut y suppléer par des travaux de campagne. Ces travaux, faits à la hâte, occupaient un trop vaste espace pour leur nombre. Jamais ils ne purent acquérir une force suffisante pour mettre Dresde en sûreté, sans une armée pour les occuper. Or, dans le plan de campagne qu'adopta Napoléon, il aurait fallu que la ville de Dresde, pivot de ses opérations, fût à l'abri d'un coup de main, et susceptible d'être abandonnée momentanément à elle-même.

Au nombre des points que Napoléon fit fortifier, je parlerai de Lilienstein, où un camp retranché pour quelques milliers d'hommes fut construit. Deux ponts sur l'Elbe furent établis sous Königstein. Ils donnaient la possibilité de se mouvoir, par une ligne très-courte, de la Silésie et la Lusace, sur les débouchés de la Bohême. Par leur moyen, Napoléon comptait se porter rapidement sur Dresde et sur les derrières de l'ennemi, pendant qu'il serait contenu par cette place.

Au moment où l'armistice fut rompu, Napoléon m'écrivit deux très-longues lettres pour m'en prévenir, me faire connaître le plan de campagne qu'il projetait, et me demander mon avis. Ce plan était à peu près celui qu'il a suivi. Je lui répondis en le discutant, en blâmant, de toutes mes forces, son système, et voici quels étaient mes motifs 3.

Note 3: (retour) Voir pièces justificatives.

Napoléon, au lieu de concentrer ses forces, se décidait à les diviser en trois parties, formant trois armées indépendantes: une en Silésie, une à Dresde, une dans la direction de Berlin.

Personne, dans l'armée, n'avait l'autorité nécessaire pour commander plusieurs corps d'armée à la tête desquels étaient des maréchaux. Napoléon seul pouvait se servir de semblables éléments.

Je pensais, au contraire, que Napoléon avait deux partis entre lesquels il pouvait choisir:

1° Placer les troupes en arrière de la Sprée, à cheval sur l'Elbe, ayant Dresde pour point d'appui central, à une forte marche de cette ville, et écraser le premier ennemi qui serait à sa portée. Une fois le premier succès obtenu, les autres seraient faciles. En plaçant ses troupes aussi rapprochées les unes des autres, Napoléon se trouvait pour ainsi dire partout à la fois et pouvait facilement, presque sous ses yeux, combiner leurs mouvements;

2° Se décider à une offensive en Bohême immédiatement. Les troupes placées sur le Bober et celles en avant de Torgau auraient couvert son mouvement en partant de Dresde et débouchant par Peterswald. Ces troupes se seraient rapprochées de lui en se tenant sur la défensive, et ensuite auraient fini par le rejoindre, celles du Bober en entrant en Bohême par Zittau; et les autres, après avoir laissé trente mille hommes pour la défense de l'Elbe, auraient probablement pu suivre cette offensive. Alors, continuant son mouvement, il aurait traversé la Bohême, porté la guerre en Moravie et marché sur Vienne. Il couvrait ainsi la confédération du Rhin et s'assurait de sa fidélité. Il ralliait l'armée bavaroise, prenait sa ligne d'opération sur Strasbourg, et, plus tard, il faisait sa jonction à Vienne avec l'armée d'Italie, dont le point de départ était les bords de la Save, et se trouvait ainsi très-rapproché.

Au lieu de cela, l'Empereur organisa la masse de ses troupes en trois armées véritables. La passion le portait à agir le plus promptement sur la Prusse. Il voulait que les premiers coups de canon fussent tirés sur Berlin, et qu'une vengeance éclatante et terrible suivît immédiatement le renouvellement des hostilités. Alors il fallait une armée qui marchât sur Berlin, et une autre en Silésie pour couvrir la première. Il fallait enfin une troisième armée en avant de Dresde, pour empêcher la grande armée ennemie de déboucher de la Bohême. Par ce système, l'offensive était donnée aux corps qui, dans mon opinion, auraient dû rester sur la défensive, et la défensive était réservée à ceux dont le rôle aurait du être offensif. La question me paraissait ainsi renversée. Après avoir combattu ce projet par tous les raisonnements les plus propres pour ramener l'Empereur à mon opinion, je terminais par cette phrase:

«Par la division de ses forces, par la création de trois armées distinctes et séparées par de grandes distances, Votre Majesté renonce encore aux avantages que sa présence sur le champ de bataille lui assure, et je crains bien que, le jour où elle aura remporté une victoire et cru gagner une bataille décisive, elle n'apprenne qu'elle en a perdu deux.»

Je fus malheureusement prophète. Ce fut précisément ce qui arriva. Pendant la victoire de Dresde, nous étions battus à la fois en Silésie, sur la Katzbach, et en Prusse, devant Berlin, à Grossbeeren.

Nonobstant mes observations et mon opinion contraire, dont Napoléon avait provoqué la manifestation, il adopta définitivement le plan qu'il avait conçu, et qui rendit ses mouvements incertains et confus pendant cette partie de la campagne. Je vais entrer en matière et commencer le récit des opérations.

Les forces de l'ennemi consistaient d'abord en cent trente mille Autrichiens, divisés en quatre corps, une réserve et une avant-garde. Cette armée était composée de neuf divisions d'infanterie et de trois divisions légères, formées de deux et trois bataillons de chasseurs et de douze à dix-huit escadrons, de trois divisions de cavalerie de douze à vingt-quatre escadrons, faisant un total de cent douze bataillons, cent vingt-quatre escadrons, auxquels il faut ajouter deux cent soixante-treize pièces d'artillerie.

L'armée russe et prussienne en Bohême, combinée à l'armée autrichienne sous les ordres du général Barclay de Tolly, se composait de cent trente-cinq bataillons, trois cent soixante-huit pièces de canon, cent quarante-sept escadrons, de quinze régiments de Cosaques organisés, de huit divisions d'infanterie en trois corps d'armée, et d'un corps de deux divisions de cavalerie, qui, jointes aux divisions des gardes et grenadiers russes et prussiens, et aux cinq divisions de cavalerie de réserve, s'élevaient à cent mille hommes au moins, ce qui formait un total de deux cent trente mille hommes, dont quarante-cinq mille à cheval, et six cent trente-huit pièces d'artillerie.

L'armée de Silésie combinée, c'est-à-dire russe et prussienne, était composée de cent trente-sept bataillons, trois cent cinquante-six pièces d'artillerie, cent quatre escadrons organisés en sept corps de quinze divisions d'infanterie, et huit divisions de cavalerie sous les ordres de Blücher, ayant sous lui les généraux Saken, Langeron, York, Saint-Priest, etc., etc. Elle avait un effectif qui dépassait cent vingt mille hommes, dont vingt mille à cheval.

L'armée du Nord, commandée par le prince royal de Suède, était composée de cent quatre-vingt-six bataillons, de cent quatre-vingt-quatorze escadrons et de trois cent quatre-vingt-sept pièces d'artillerie. Elle était organisée en cinq corps, formant douze divisions d'infanterie et sept divisions de cavalerie. On y avait ajouté treize régiments de Cosaques, commandés par le général Vinzigorod. Cette armée était sous les ordres des généraux Bulow, Tanentzien, maréchal Steding, général Woronzoff. Elle présentait une force de cent cinquante-cinq mille hommes, dont trente-cinq mille à cheval.

Il existait, en outre, dans le bas Elbe, des troupes légères ou de nouvelles levées, de différents pays, mêlées sous les ordres des généraux Valmoden, Végezac, Dornberg. Ces troupes présentaient un total de quarante mille hommes, dont huit mille à cheval.

Ce n'était pas tout. On avait formé en Pologne deux armées de réserve russes. La première, composée de soixante mille hommes, aux ordres du général Bemzsen, arriva à Toeplitz le 28 septembre. La seconde, aux ordres du général Tabanoff-Taslowsky, forte de cinquante mille hommes, occupa le grand-duché de Varsovie. Devant Dantzig, il y avait trente-cinq mille hommes; devant Zamosch, quatorze mille; devant Glogau, vingt-neuf mille quatre cent soixante-dix; devant Custrin, huit mille quatre cent cinquante; devant Stettin, quatorze mille; total, cent deux mille deux cents.

Enfin, indépendamment de l'armée d'Italie, l'Autriche avait deux armées de réserve, qui, successivement, vinrent se joindre à la masse des forces combinées, savoir: sur la frontière de Bavière, dix-huit bataillons et trente-six escadrons, faisant vingt-quatre mille sept cent cinquante hommes; à Vienne et à Presbourg, quarante-huit bataillons et soixante-douze escadrons, faisant soixante-cinq mille hommes; total, quatre-vingt-neuf mille sept cent cinquante.

Ainsi l'ensemble des forces qui nous étaient opposées s'élevait à près de neuf cent mille hommes, dont plus de cent cinquante mille à cheval.

J'ai indiqué la manière dont elles étaient réparties. Mais je ferai remarquer ici la profondeur du calcul qui fit mélanger toutes les troupes des différentes nations, seul moyen de donner de la consistance à la coalition, de mettre obstacle à des combinaisons politiques particulières, et de substituer à des jalousies de nation, si naturelles et si habituelles en pareil cas, une rivalité de soldat sur le champ de bataille qui devenait une garantie de succès.

Voici quelle était la formation de l'armée française:

En Silésie, les troisième, cinquième, sixième et onzième corps, dont la force, avec la cavalerie, s'élevait à cent vingt mille hommes. Ils étaient, au début de la campagne, et accidentellement, sous les ordres du maréchal prince de la Moskowa, le plus ancien des trois maréchaux réunis sur cette frontière.--Les quatrième, septième et douzième corps, et le troisième de cavalerie furent rassemblés à Dahme, sous les ordres du duc de Reggio, en Lusace.--Les premier, deuxième et huitième corps, avec les premier et quatrième de cavalerie, furent concentrés dans les environs de Zittau.--Le quatorzième corps occupait le camp de Pirna, et couvrait Dresde, où était Napoléon avec sa garde.

L'Empereur arriva le 18 à Görlitz. Le 19, il se rendit à Zittau et s'avança jusqu'à Gabel. Il fut tenté d'entrer en Bohême par la route qui mène à Gitschin. Son objet était de mettre obstacle à la réunion des diverses armées sur Prague; mais, apprenant que déjà elle était opérée, il vit Dresde menacé et comprit la nécessite de se tenir à portée de secourir cette place. Laissant les premier et deuxième corps à Rumburg et Zittau, il se rendit à l'armée de Silésie, avec sa garde et le premier corps de cavalerie, en se dirigeant sur Lövenberg, où il arriva le 21.

Blücher avait commencé son mouvement offensif avant l'expiration de l'armistice, et les corps d'armée française, qu'il avait en face, s'étaient aussitôt mis en marche pour se réunir sur le Bober. Le 16, le corps de Langeron avait déjà dépassé Goldsberg. Un bataillon de la division Charpentier, placé en avant de Lövenberg, faillit être enlevé, et se fit jour à travers l'ennemi. Le 18, le cinquième corps se réunit à Lövenberg avec le onzième corps. L'ennemi, ayant passé le Bober, porta une avant garde à Lahore. Le duc de Tarente l'attaqua et lui fit repasser la rivière.

Blücher était ce jour-là, avec le corps de Saken, à Liegnitz. Le premier, s'étant porté sur Lövenberg, força le cinquième corps à évacuer les positions qu'il occupait. Appelé par le bruit du canon, je me hâtai de marcher à son secours; mais, quand je fus à portée de le soutenir, le combat avait cessé. L'ennemi, voulant passer le Bober à Zobten, fut repoussé par la division Rochambeau. Le prince de la Moskowa, craignant de voir le gros des forces ennemies entre le troisième corps et les onzième et cinquième, qui étaient à Lövenberg, jugea à propos de s'en rapprocher.

De Buntzlau, je reçus l'ordre de m'avancer, avec le sixième corps, jusqu'à Kresbau, pour observer Saken et retarder sa marche. Blücher, informé du mouvement du prince de la Moskowa, vint à sa rencontre, ne laissant qu'une division pour masquer Lövenberg. Le troisième, étant ainsi prévenu, s'arrêta à Graditz. Il combattit tout à la fois contre York et contre Saken, et se replia sur le sixième corps. Ces deux corps repassèrent le Bober et se placèrent en deçà de Buntzlau.

J'avais été chargé auparavant par Napoléon de chercher sur l'une des rives du Bober une bonne position, où une armée nombreuse pût livrer et recevoir une bataille avec avantage. Je n'avais rien trouvé sur la rive droite qui me satisfît complétement. Cependant nous aurions pu occuper avec les troisième et sixième corps la position à Karlsdorf, assez forte pour que l'ennemi n'osât pas nous attaquer immédiatement, et pendant la journée nous aurions eu des nouvelles des cinquième et onzième corps. Le maréchal Ney en décida autrement. La rive gauche offrait à la vérité une position meilleure, et nous allâmes l'occuper. Mais Buntzlau, qui avait été l'objet de forts grands travaux et qui renfermait des approvisionnements en vivres, n'étant pas encore armé, ne fut pas occupé. On aurait pu y laisser quelques troupes sans danger et on l'aurait occupé tant que nous serions restés en communication avec cette ville. C'était une belle position d'arrière-garde pour une partie du troisième corps, et une bonne tête de pont pour reprendre l'offensive. Le maréchal Ney ne voulut pas comprendre ces avantages et ne put pas concevoir le rôle dont ce poste était susceptible, et, quand on n'était pas encore au moment de le quitter, il donna l'ordre d'en faire sauter les fortifications.

Après avoir repassé le Bober, les officiers, envoyés par la rive gauche aux renseignements sur le général Lauriston, firent le rapport que les cinquième et onzième corps étaient réunis et en communication avec nous. Ainsi les quatre corps étaient en mesure d'agir ensemble; mais ces officiers m'apprirent en même temps l'intention de ces deux corps de continuer leur mouvement rétrograde le lendemain et de repasser la Queiss. Aucun raisonnement ne pouvait justifier ce mouvement. Nous étions cependant forcés de l'imiter. Nous nous préparâmes donc à l'exécuter pour notre compte, et je me hâtai d'en prévenir l'Empereur en lui faisant remarquer toutes les aberrations constatant déjà l'impossibilité d'opérer sans lui, et la nécessité de sa présence pour mettre chacun à sa place.

L'Empereur arriva en toute hâte, amenant avec lui sa garde. Arrivé le 21, au matin, il donna au moment même l'ordre de reprendre l'offensive. Je partis de ma position d'Ottendorf; je passai le Bober à Bakwitz et je pris position sur les hauteurs de Holzstein. Il y eut, en cette circonstance, un léger engagement avec l'ennemi, où le 32e léger et le chef du 16e, Svalabrino, se distinguèrent. Je restai, ce jour-là, en position. Pendant ce temps, Napoléon avait marché en avant avec les troisième et onzième corps. Il poursuivit l'ennemi qui s'était retiré devant lui en toute hâte et sans s'engager. Le 23, je reçus l'ordre de repasser le Bober, de placer mes troupes en échelons sur Naumbourg et Lauban et de me disposer à marcher rapidement sur Dresde si j'en recevais l'ordre. Le 24, cet ordre m'étant parvenu, il fut exécuté sans retard. J'arrivai le 27, au matin, à Dresde, et j'allai prendre position, ma gauche au quatorzième corps, ma droite à la jeune garde, en avant de Grossgarten.

Pendant les mouvements opérés en Silésie, la grande armée ennemie avait pris l'offensive et marché sur Dresde. Son mouvement, commencé le 20 août, s'était opéré sur quatre colonnes. Celle de droite, commandée par Wittgenstein, avait débouché par la route de Lovositz à Pirna. Elle laissa un corps de troupes suffisant pour observer, garder et couvrir le débouché. La deuxième colonne, composée de Prussiens, commandée par le général de Kleist, se porta à Glasshüth, en se liant avec la première. La troisième colonne, sous les ordres du général Colloredo, composée d'Autrichiens, arriva par Altenbourg et Dippoldiswald. La quatrième colonne, composée également d'Autrichiens, et sous les ordres du maréchal de Chasteler, marcha par Frauenstein sur Bubenan.

Le 24, une division du quatorzième corps, que le maréchal Saint-Cyr avait placée sur les hauteurs de Berggus-Hübel pour couvrir le camp de Pirna, fut attaqué par le corps de Wittgenstein. Elle se replia en combattant jusqu'à Pirna et, de là, elle fit l'arrière-garde du quatorzième, qui se retira sur Dresde et occupa les retranchements construits pour couvrir cette ville.

Le 25, vers les quatre heures de l'après-midi, l'armée ennemie se rapprocha de Dresde dans l'ordre suivant: La colonne de droite prit position en arrière du grand jardin qu'elle fit occuper par les tirailleurs; la deuxième prit position derrière Strehla; la troisième se plaça en avant de Koritz et Recknitz; la quatrième colonne avait à sa gauche Plauen. Une cinquième colonne, commandée par le général Klénau, était en marche et venait de Presbourg. Le corps de Klénau et les réserves n'étaient pas encore arrivés. Le quartier général s'établit au village de Nötnitz. Le quatorzième corps occupait les faubourgs et les retranchements qui les couvraient. Ceux-ci se composaient de huit flèches assez petites et de quelques édifices crénelés. On avait ainsi cherché à tirer le meilleur parti des localités.

Une attaque immédiate était la seule chose opportune, car on ne pouvait douter que l'empereur Napoléon n'arrivât, en toute hâte, avec des renforts. Accabler, anéantir le quatorzième corps (qui, fort à peine de vingt mille hommes, avait devant lui plus de deux cent mille combattants), était la seule chose raisonnable. Le prince de Schwarzenberg hésita; il ajourna l'action jusqu'au lendemain pour attendre l'arrivée du corps de Klénau et de quelques réserves. Il ne vit pas que, dans la disproportion des forces qui étaient en présence, un seul nouveau corps de l'armée française arrivant à Dresde donnerait plus de chances à la résistance que soixante mille hommes de renfort n'en auraient donné à l'attaque.

Le 26, au matin, le prince de Schwarzenberg se décida à attaquer, sans attendre davantage l'arrivée de Klénau. Pendant l'action, Napoléon était arrivé à Dresde avec sa garde, et le deuxième corps, qui, des environs de Zittau, y avait été dirigé, le suivait de près. Le premier corps, qui avait été envoyé sur Königstein, avait passé l'Elbe et chassé le corps ennemi, formé d'un détachement de gardes russes et du deuxième corps, commandé par le duc de Wurtemberg, qui bloquait cette forteresse.

Le huitième corps était resté sur la frontière de Bohême pour couvrir la communication avec l'armée de Silésie. L'intention de l'Empereur avait été d'abord de faire son mouvement par Königstein, sans venir à Dresde, avec le premier, le deuxième, le sixième corps et sa garde. S'il eût passé l'Elbe sur ce point, pris l'ennemi à revers, il est difficile de calculer les immenses résultats qu'il aurait obtenus; mais les dangers imminents de Dresde, les conséquences graves qui seraient résultées de l'entrée de l'ennemi dans cette ville, déterminèrent Napoléon à venir à son secours d'une manière directe. En conséquence, toutes les forces qu'il menait avec lui, le premier corps excepté, furent dirigées sur ce point, et tout à coup Dresde fut sous la protection d'une puissante armée.

L'attaque avait réussi en partie. La redoute de la porte de Dippoldiswald était enlevée; celle de la route de Freyberg avait eu son feu détruit. L'ennemi occupait le grand jardin. Toutes ses forces se trouvaient concentrées devant les faubourgs; enfin tout annonçait son entrée prochaine dans Dresde quand Napoléon reprit l'offensive. Il pensa que des attaques simultanées, sur les flancs des alliés, les surprendraient et changeraient en défense une offensive qu'il était difficile d'arrêter.

En conséquence, il donna l'ordre au maréchal Ney, qui l'avait accompagné, et au duc de Trévise, de déboucher, chacun avec deux divisions de la jeune garde, en amont et en aval, la première colonne par la porte de Pirna, la deuxième par la porte de Plauen, et d'envelopper les ailes de l'armée ennemie. Le succès fut complet. L'ennemi, rejeté en arrière, occupa à la nuit une position moins rapprochée que celle qu'il avait prise avant le commencement de l'action. Cette attaque, appuyée par un centre fortifié, l'ensemble des faubourgs étant fortement occupé, ne présentait aucune difficulté. Le lendemain, le prince de Schwarzenberg renouvela ses attaques, mais sans succès. Le deuxième corps de l'armée française était en ligne et placé à droite. Il opéra un mouvement sur la gauche de l'ennemi, auquel le premier corps de cavalerie concourut puissamment.

L'ennemi s'était étendu au delà de la vallée de Plauen, mais il n'était pas parvenu à appuyer son aile gauche à l'Elbe. Cette aile gauche, séparée du centre par la vallée dont les montagnes sont fort escarpées, était isolée et fort en l'air. Le sixième corps avait pris sa place de bataille au centre, et le premier corps avait chassé les troupes qui bloquaient Königstein, menaçant les communications de l'ennemi. Ce qui eût été facile à l'ennemi en arrivant était devenu chanceux et même d'un danger imminent au moment où il attaqua la ville.

Le deuxième corps se porta, dans la matinée, sur la gauche de l'armée alliée et l'attaqua de front, tandis que la cavalerie, que le roi de Naples commandait en personne, l'enveloppa. La cavalerie autrichienne, culbutée, ayant abandonné la division Metzko, celle-ci fut chargée par nos cuirassiers. Sa résistance opiniâtre paraissait invincible, et l'on vit, en cette circonstance, quelle puissance la lance exerce dans les combats de cavalerie contre l'infanterie. Le temps était horrible; des pluies abondantes empêchaient les fusils de faire feu: à peine un fusil sur cinquante partait. Tout était donc au désavantage de l'infanterie. Eh bien! les charges de cuirassiers demeurèrent sans succès. On ne put entamer les carrés autrichiens qu'en faisant précéder la charge de cuirassiers par celle d'un détachement de lanciers. Ceux-ci ouvraient une brèche, que les cuirassiers étaient ensuite chargés d'agrandir. Une brigade de la division Maurice Liechtenstein, envoyée au secours de cette division Metzko, pour la recueillir, partagea le sort de cette dernière. Les régiments de Lusignan et de l'archiduc Régnier furent à peu près détruits. Douze à quinze mille hommes restèrent en notre pouvoir.

Pendant ces mouvements à la droite, Napoléon occupait le centre de l'ennemi par une forte canonnade. Une salve d'une batterie de la garde, dirigée par son ordre contre un groupe qu'il avait remarqué près du village de Bäcknitz, emporta les jambes du général Moreau. Ce général avait contribué à la puissance de Napoléon en se réunissant à lui au 18 brumaire et en servant ses intérêts. La flatterie l'avait rendu son rival de gloire, malgré son immense infériorité. Les petites passions de son entourage et la faiblesse de son caractère en avaient fait un ennemi. Sa fin tragique et prématurée n'inspira aucun intérêt dans l'armée française.

La gauche avait repoussé l'ennemi, et les quatre divisions de la jeune garde, qui s'y trouvaient réunies, forcèrent Wittgenstein à se retirer jusqu'à Bleswitz, sur le corps de Kleist, déjà aux prises avec le quatorzième corps. Le prince de Schwarzenberg, jugeant l'ensemble de ses revers suffisants pour lui ôter tout espoir fondé de victoire, prit la résolution de se retirer. Mais aucune disposition apparente ne l'annonçait, et, comme l'arrivée d'une portion du corps de Klénau avait augmenté le nombre de ses troupes, toutes les probabilités, à nos yeux, semblaient être pour une nouvelle bataille le lendemain. La nuit nous laissa dans cette espérance. L'intention de Napoléon était d'attaquer l'ennemi à la pointe du jour, à son centre, et je devais être chargé de cette opération. Je passai la nuit à faire les dispositions en conséquence.

Le centre de l'ennemi était appuyé aux villages de Bäcknitz et Schernitz. La hauteur sur laquelle ils sont placés, au milieu de l'amphithéâtre en face de Dresde, et dont nos avant-postes occupaient les derniers mamelons, commande la plaine qu'il faut traverser. Porter de l'artillerie en plein jour sur ces mamelons eût été chose impossible. Aussi, ayant placé pendant la nuit, dans la position qu'occupaient mes avant-postes, assez de troupes pour nous établir solidement, j'y fis conduire toute mon artillerie pour écraser de son feu les deux villages que j'ai nommés. Sans cet appui, ils auraient été difficilement emportés. Je présidais moi-même à ces préparatifs. J'observais ce qui se passait chez l'ennemi. Un bruit sourd me fit croire qu'il se mettait en retraite. Les feux, qui s'éteignaient successivement, me confirmèrent dans cette pensée. J'envoyai quelques troupes pour s'en assurer, et l'on trouva la position évacuée.

Je fis prévenir l'Empereur en toute hâte à Dresde, et il arriva à mon camp à la petite pointe du jour. Les dernières troupes de l'arrière-garde ennemie étaient déjà à une assez grande distance. L'Empereur m'ordonna de me mettre immédiatement à leur poursuite dans la direction de Dippoldiswald, et me donna la division de cavalerie du général Ornano. Saint-Cyr fut chargé de le suivre dans la direction de Maxen et Glasshüth. Le général Vandamme, avec le premier corps, et devant être soutenu par la garde, fut dirigé du point où il se trouvait sur la grande route de Peterswald. Le deuxième corps et la cavalerie du roi de Naples marchèrent sur Freyberg.

Pendant les deux jours où on avait combattu devant Dresde, le général Vandamme, avec le premier corps, augmenté de la quarante-deuxième division du quatorzième corps et d'une brigade du deuxième, avait chassé devant lui le faible corps du duc de Wurtemberg. Celui-ci, s'étant replié sur la droite de l'armée, avait pris position devant Pirna, dont Vandamme s'était emparé. La difficulté des communications empêcha le général français d'agir avec ensemble et rapidité. Un fort détachement de la garde russe, ayant été envoyé au duc de Wurtemberg, avec une force de dix-huit mille hommes commandés par le général Osterman, fut chargé de le contenir. C'est dans ces positions respectives que la retraite de l'armée alliée, résolue le 27 au soir, commença à s'exécuter.

L'ennemi se retirait par diverses directions. Voici les dispositions premières et les modifications que les circonstances y apportèrent.

Le corps de Barclay, formant la droite de l'armée, reçut ordre de se retirer par la grande route de Dahme, Waldgies, Hübel et Peterswald, et de couvrir ce débouché principal pour entrer en Bohême.

La grande armée, c'est-à-dire la masse des Autrichiens, prit la direction de Dippoldiswald, Falkenheim, Altenbourg et Unterzinnwald.

Le corps de Kleist reçut l'ordre de se retirer par Glasshüth et d'établir sa liaison entre les deux principaux corps de l'armée, tandis que la gauche et les réserves prendraient le chemin de Freyberg, par lequel une partie de ses troupes étaient arrivées.

La route de Dippoldiswald par Altenbourg présente les plus grandes difficultés. C'est un défilé continuel entre des montagnes et des bois. La masse des troupes destinées à se retirer par cette communication devait éprouver un grand encombrement et de grandes difficultés. Mais elles furent tout à coup beaucoup augmentées et d'une manière tout à fait imprévue.

Le général Barclay, supposant le général Vandamme au moment d'agir sur la route de Dippoldiswald, et ne voulant pas faire une marche de flanc aussi près d'un ennemi tout formé, chargea le général Osterman de remplir la mission qui lui était donnée, et lui, avec la majeure partie de ses troupes, imagina de changer de direction et de se jeter sur la route d'Altenbourg, afin de se réunir à la masse des forces de l'armée.

Il résulta de cette désobéissance, d'abord une horrible confusion sur la route d'Altenbourg, un prodigieux encombrement, et ensuite la route principale ne se trouva pas gardée par une force suffisante. Ainsi Vandamme, soutenu par la garde, n'eut plus devant lui que dix-huit mille hommes environ, obligés de défiler, pour ainsi dire, à sa vue, pour reprendre leur ligne de retraite, fort compromise. Les troupes entreprirent cette tâche difficile, et elles y parvinrent après avoir éprouvé d'assez grandes pertes. Une partie de la colonne, ayant été coupée sur la gauche, fut obligée de faire sa retraite isolément et à travers les bois.

Je rencontrai d'abord l'ennemi au village de Possendorf. Son arrière-garde fut culbutée. Nous lui prîmes deux mille cinq cents hommes, douze pièces de canon, cent cinquante voitures d'artillerie ou de bagages. Lorsque nous fûmes arrivés sur les hauteurs de Windiskarsdorf, presque toute l'armée ennemie nous apparut en mouvement dans diverses directions. De grosses colonnes, venant de Maxen, longeaient le pied des montagnes pour se porter par Frauendorf sur la route d'Altenbourg. Le quatorzième corps suivait et marchait sur Glasshüth, mais il était encore fort en arrière. Je vis aussi des masses considérables qui s'étaient retirées par Tharand et marchaient dans la direction de Frauenstein. Enfin j'avais en position devant moi, au débouché de Dippoldiswald, une ligne fort étendue, soutenue par une nombreuse artillerie, protégeant la position qu'elle avait prise et la marche de tous ces corps séparés, qui avaient peine à gagner le défilé sur lequel j'étais au moment d'arriver. L'ensemble de la position et la force des troupes que j'avais à combattre m'obligeaient à réunir mes moyens avant de rien engager.

Une fois en mesure d'agir, je marchai. La deuxième division, commandée par le général Lagrange, déboucha par la grande route qui conduit à Dippoldiswald en tournant la position de l'ennemi. Je plaçai ma cavalerie en arrière de la division du général Lagrange, prête à déboucher aussitôt que le passage serait ouvert. Enfin je laissai ma troisième division à Windiskarsdorf, pour me mettre à l'abri de toute entreprise de l'ennemi venant par ma gauche, et aussi à portée de soutenir le général Lagrange s'il en était besoin.

Une affaire assez vive s'engagea en même temps sur les deux débouchés. Les premières troupes du sixième corps culbutèrent les troupes ennemies qui leur étaient opposées. Des corps plus nombreux les arrêtèrent, mais de nouveaux efforts complétèrent le succès. L'ennemi avait, en arrière des défilés franchis, une nombreuse artillerie et des troupes toutes formées. Cet état de choses lui donnait sur nous un grand avantage; mais la valeur des troupes triompha promptement de ce nouvel obstacle. Partout Russes et Autrichiens furent culbutés. Nous restâmes maîtres des débouchés et du champ de bataille. Le général Compans fut occuper Dippoldiswald, et le général Lagrange s'était emparé de vive force des villages de Kessenig et de Benholtheim. La cavalerie du général Ornano avança le plus promptement possible, mais la nuit était presque arrivée; l'ennemi avait couvert de cavalerie toute la plaine, et il ne fut plus possible d'entreprendre rien de sérieux. En conséquence, mes troupes prirent position.

Le lendemain, 29, je mis en position mon corps d'armée dans la direction qu'avait suivie l'ennemi, et je pris le chemin d'Altenbourg. Mon avant-garde arrivée au village d'Ober-Frauendorf, j'appris que l'ennemi occupait le bois situé à très-peu de distance, et qu'une forte arrière-garde était au delà du village de Falkenheim. Une brigade entière, placée en tirailleurs, fut chargée de chasser l'ennemi du bois, de le fouiller dans toutes ses parties, afin de prévenir toute espèce de surprise. Avec un matériel aussi considérable, dans un pays aussi difficile, il y a les plus grands périls à marcher sans une extrême précaution. Un corps d'armée peut être détruit s'il avance avec trop de confiance et sans être suffisamment éclairé. Le bois étant évacué par l'ennemi, je trouvai au débouché un corps de quinze mille hommes environ, formé en avant du village de Falkenheim, avec vingt pièces de canon.

Cette position est très-forte et appuyée à droite et à gauche par de très-grands escarpements. Elle n'a qu'un seul inconvénient, celui d'être suivie d'un mauvais défilé. Après avoir reconnu la position de l'ennemi, fait occuper par les premières troupes deux mamelons qui protégeaient la sortie du bois, et placé quelques pièces de canon sur la hauteur; après avoir fait serrer la division du général Freiderich sur celle du général Lagrange pour la soutenir, je donnai ordre à celui-ci d'attaquer l'ennemi. Malgré une vigoureuse résistance de sa part, la valeur de nos troupes fut telle, qu'en un instant tout fut culbuté et l'ennemi poursuivi jusqu'à l'entrée du défilé, où il laissa beaucoup de pièces de canon et de voitures. La nuit seule arrêta notre poursuite. Le 37e léger et le 4e de marine se distinguèrent, l'ardeur des troupes était telle, qu'il fallut plutôt s'occuper à la calmer qu'à la stimuler, afin de ne pas compromettre des succès toujours assurés avec de pareils soldats, quand ils sont bien conduits.

Le lendemain, 30, je me mis en marche pour Altenbourg. L'armée ennemie l'avait évacuée pendant la nuit, et nous y trouvâmes une arrière-garde qui se retira à notre approche. Dans le trajet de Falkenheim à Altenbourg, nous pûmes juger par nous-mêmes du désordre de la veille chez l'ennemi. Plusieurs pièces de canon et plus de cent voitures étaient éparses çà et là. Partout nous voyions des indices de confusion. Il ne se passait pas un moment sans que des parcs entiers ne sautassent à notre approche. Je résolus de profiter d'une occasion si favorable pour faire tout le mal possible à l'ennemi, et de le poursuivre l'épée dans les reins jusqu'à Toeplitz.

Je pouvais sans crainte agir ainsi; j'étais informé que le septième corps, commandé par le général Vandamme, soutenu par toute la garde, marchait sur Toeplitz, tandis que le quatorzième corps, placé en échelons, se trouvait entre le premier corps et moi, pour nous soutenir. Vers midi, je rencontrai l'ennemi sur le plateau de Zinnwald, amphithéâtre ressemblant assez à celui de Fralkenheim. On ne peut y arriver que par des défilés fort étroits. La division du général Compans tenait la tête de la colonne. Trouvant des forces considérables au débouché, il lui fut impossible de gagner assez de terrain pour se former. Je donnai l'ordre au général Lagrange de se porter avec sa division par un autre défilé à droite, beaucoup plus étroit que le premier, mais qui prenait en flanc la position de l'ennemi. Ce mouvement eut un plein succès. Cette division, ayant marché avec vigueur, en même temps que celle du général Compans, l'ennemi, culbuté sur tous les points, fut poursuivi sans relâche et jeté dans les chemins étroits et épouvantables qui conduisent de Zinnwald à Eichwald. Nous prîmes, dans cette seule journée, plus de quatre cents voitures d'artillerie et d'équipages.

Nous poursuivîmes l'ennemi à peu de distance du village d'Eichwald, où nous trouvâmes des troupes nouvelles toutes formées. La nuit nous arrêta. L'avant-garde bivaqua près du débouché d'Eichwald, le corps d'armée sur le plateau de Zinmvald, et je préparai tout pour déboucher le lendemain à la pointe du jour sur Toeplitz, où je supposais voir arriver Vandamme de son côté. Mais ce qui s'était passé chez lui avait bien changé l'état des choses. À mon retour au camp, je trouvai un officier d'état-major du maréchal Gouvion Saint-Cyr qui m'apprit la catastrophe. Le corps d'armée avait été détruit et pris presque en entier par l'ennemi. Le matin même, le maréchal avait marché à son secours, mais n'avait pu arriver à temps pour le sauver.

Cet événement a eu des résultats si importants et si graves, qu'il convient d'en rechercher et d'en approfondir les causes.

Napoléon était dans l'usage de recommander avec exagération à ses généraux de marcher en avant. S'il ne doutait pas de leur courage, il est certain qu'il se méfiait de leur résolution. Avec un homme ardent comme le général Vandamme, il eût été plus convenable de lui tenir le langage de la prudence. Toutefois, dans la circonstance, il était de son devoir de marcher tête baissée. Napoléon lui avait dit et fait écrire: «Je vous suis avec toute ma garde; marchez sans crainte.» Enfin il savait que le bâton de maréchal devait être la récompense d'un succès brillant, et il était impatient de l'obtenir. Mais Napoléon, après avoir mis en route sa garde, était resté à Dresde, incertain sur ce qu'il ferait. Ayant reçu la nouvelle de l'échec éprouvé par le maréchal Oudinot devant Berlin, et des revers du maréchal Macdonald sur la Katzbach, il résolut de rester, de rappeler sa garde, et il eut le tort incroyable de ne pas faire prévenir Vandamme. On a dit qu'il s'était mis en route, et que, se trouvant tout à coup indisposé, il avait rétrogradé. Ce fait est inexact, et le général Gersdorff, général saxon, m'a déclaré formellement que, n'ayant pas quitté un moment le palais pendant les journées du 28 et du 29, il avait la certitude absolue que Napoléon n'était pas sorti de Dresde ces jours-là. La garde seule s'était mise en mouvement, et il la rappela, ainsi que je viens de le dire. Vandamme se trouva donc seul et sans appui dans la plaine de Culm. Vainqueur le 29, il fut accablé le 30 par les forces immenses qui se jetèrent sur lui.

Une circonstance inopinée survint qui aggrava sa position, et la rendit désespérée. Le corps de Kleist, qui s'était retiré de Glasshüth devant Saint-Cyr, arriva à Ebersdorff le 29. De ce point il ne put entrer en Bohême. Une communication mauvaise, praticable cependant aux voitures, et meilleure que celle de Zinnwald, aboutit de ce point à Culm. Mais, dans ce moment, Vandamme étant à la tête du débouché, Kleist ne pouvait pas raisonnablement s'y présenter. Le 30, au matin, il crut Vandamme assez avancé pour avoir entièrement découvert la grande route, et, ne le supposant plus sur ce point, il se décida à faire un mouvement par le plateau et à se porter d'Ebersdorf sur Nollendorf, espérant ainsi échapper à l'armée française, arriver à la plaine, éviter Vandamme, et rejoindre, par un détour, le gros de son armée. Une preuve incontestable de la vérité de cette opinion, c'est que ses meilleures troupes étaient à l'arrière-garde pour résister soit à Saint-Cyr, soit à ce qui pouvait venir de Peterswald. Les mauvaises troupes et les parcs étaient en tête de colonne. Au moment où Vandamme, accablé par le nombre, se disposait à la retraite, le corps de Kleist arriva sur la route. La cavalerie de Vandamme, s'élançant en colonnes, pour ouvrir le chemin, échappa en partie. Cette cavalerie, rencontrant seulement d'abord des landwehrs et des parcs, elle sabra tout, et prit cette nombreuse artillerie, qui n'eut pas même le temps de se mettre en batterie. Mais les troupes à la queue de la colonne, s'étant ravisées, prirent position, et parvinrent à fermer le passage.

Si la garde eût suivi, Kleist, pris entre Saint-Cyr et la garde, mettait bas les armes, et Vandamme eût battu, le 30, les divers corps qui l'ont attaqué. Mais, bien plus, si la garde eût joint Vandamme le 29, pendant qu'il était victorieux, il aurait pu se porter en avant et se trouver ainsi au milieu de toutes les forces ennemies qui étaient sans organisation et dans une entière confusion, par suite des difficultés de la retraite. Toute l'artillerie marchait isolément. Les troupes descendaient par détachement, en suivant tous les sentiers praticables. Il n'y avait pas, le 29, trente mille hommes à mettre régulièrement en bataille dans la plaine. C'était un de ces coups de fortune, comme il on arrive en un siècle de guerre. Tout le matériel aurait été pris, et tout se serait dispersé. Des reproches réciproques auraient servi à tout dissoudre, à tout désorganiser. La fortune en a ordonné autrement; mais le seul coupable, et le véritable auteur de la catastrophe, c'est Napoléon.

Il convient maintenant d'examiner quelle influence a eue le maréchal Saint-Cyr sur cet événement. Il pouvait en diminuer la gravité, et il n'est pas exempt de reproches. Il suivait Kleist, et arriva à Ebersdof. C'est de la hauteur, en avant de ce poste, qu'il vit l'événement du 30. S'il est arrivé le 20, il est coupable de n'avoir pas descendu le plateau et de ne s'être pas joint à Vandamme; s'il n'est arrivé que le 30 au matin, il ne pouvait pas déboucher; mais alors il est coupable d'avoir perdu de vue Kleist. En le suivant l'épée dans les reins il l'arrêtait, et la route de Peterswald restait libre au général Vandamme, et peut-être même l'enchaînement des circonstances aurait pu, Vandamme battu et se retirant, entraîner la perte de Kleist.

On a eu tort d'accuser Vandamme d'avoir montré, dans cette circonstance, trop de témérité. Il s'était arrêté dans une bonne et excellente position en avant de Culm, position inexpugnable pour peu qu'il existe quelque proportion entre le nombre des combattants. J'ai depuis étudié ces lieux sur place, et j'ai acquis la conviction que Vandamme aurait pu s'y défendre un contre deux, et certainement il l'aurait fait; mais il y a des limites au possible. Je pense, au contraire, qu'on pourrait lui reprocher de la lenteur et peu d'ensemble dans sa marche. Ses troupes n'étaient pas réunies le 29; et, quoique maître de Culm le 29, avant midi, il ne put pas déboucher pour culbuter et mettre en déroute le corps russe, très-inférieur en force, isolé dans une position ouverte, sans appui et sans moyen pour résister. Mais aussi comment se précipiter au milieu de cent quatre-vingt mille hommes qui, s'ils n'étaient pas là, se trouvaient cependant à portée dans un bassin vaste et découvert, sans avoir derrière soi les forces nécessaires comme point d'appui? Et pourtant il y avait un tel désordre dans l'armée alliée en ce moment, que le corps de Vandamme seul pouvait, en l'accroissant encore, amener des résultats incalculables.

C'est l'esprit de justice dont je fais profession, et ma conviction profonde, qui me décident à prendre la défense de Vandamme, car ce général ne m'a jamais inspiré aucun intérêt. J'ajouterai à ce qui précède une dernière réflexion sur la conduite de Napoléon, réflexion qui la rend encore moins concevable.

L'armée ennemie se retirait sur diverses colonnes, et devait naturellement se rassembler dans la plaine de Toeplitz. Le 30 août, elle devait, d'après tous les calculs, s'y trouver réunie, et, le jour suivant, les divers corps de l'armée française, après avoir descendu du plateau de Saxe, se trouvaient en présence. Une fois nos corps réunis, qui devait commander, qui devait donner la direction, l'impulsion et l'ensemble? Personne, puisque Napoléon était le 30 à Dresde, et n'avait pris aucune disposition pour suppléer, le 31, à sa présence en Bohême. Ainsi, dans le cas de succès constants dans la poursuite, il se mettait, par sa propre volonté, dans des conditions qui en rendaient les effets plus que douteux. L'on ne peut dire qu'il avait suspendu la poursuite, car aucun ordre semblable n'arriva aux autres corps, et Vandamme en a reçu de contraires.

On se perd dans ce dédale où l'on ne peut découvrir ni un calcul ni une intention raisonnable. Seulement il paraît incontestable que Napoléon, frappé de la nouvelle du désastre de la Katzbach, et ne pensant qu'à la nécessité de le réparer, ne voulut pas s'éloigner de l'année de Silésie; mais, quelque urgents que fussent les secours à lui porter, ils ne pouvaient pas être immédiats, tandis que les affaires de Bohême, d'une nature décisive, réclamaient à l'heure même et le secours de sa garde pour soutenir Vandamme, et sa présence pour la direction de l'ensemble des opérations. Dans tous les cas, rien n'excuse et ne peut excuser Napoléon de n'avoir pas informé Vandamme du changement de ses résolutions 4.

Note 4: (retour) La lettre ci-après prouve que, le 30 août, l'intention de l'Empereur était que l'armée continuât son mouvement offensif et descendît le plateau de la Saxe pour pénétrer en Bohême. Vandamme, non soutenu par la garde, qui avait été rappelée à Dresde, devait marcher sur Toeplitz, tandis que je débouchais par Zinnwald, et que les autres corps en faisaient autant, chacun dans sa direction. Vandamme est donc parfaitement innocent de ce mouvement, et des conséquences qui en ont été la suite.

«Dresde, le 30 août 1813.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'Empereur me charge de vous prévenir que le point difficile pour l'ennemi est Zinnwald, où l'opinion de tous les gens du pays est que son artillerie et ses bagages ne pourront passer qu'avec une peine extrême; que c'est donc sur ce point qu'il faut se réunir et attaquer; que l'ennemi, tourné par le général Vandamme, qui marche sur Toeplitz, se trouvera très-embarrassé, et sera probablement obligé de laisser la plus grande partie de son matériel.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Signé: Alexandre

Instruit de ce qui s'était passé, je ne pouvais plus penser à descendre de la montagne. Garder ma position et attendre des ordres était tout ce qui me restait à faire. Je restai donc sur la défensive pendant la journée du 31. L'ennemi attaqua mon avant-garde, mais il fut repoussé constamment. Il avait perdu beaucoup de monde dans cette poursuite et les divers combats dont je viens de rendre compte. Nous lui avions pris trente pièces de canon, sept à huit cents voitures d'artillerie ou d'équipages, et il avait eu en tués, blessés et prisonniers, de neuf à dix mille hommes hors de combat.

Le 31, au soir, je reçus l'ordre de prendre position à Altenbourg. Je m'y rendis, et me mis en mesure de m'y défendre. Le 1er septembre, l'Empereur me prescrivit de me rapprocher de Dresde et de déboucher sur la rive droite de l'Elbe s'il était nécessaire. Dès ce moment commença une série de mouvements sans aucun résultat, qui semblaient destinés, comme par exprès, à produire la destruction des troupes. Le quatorzième corps avait fait un mouvement pareil au mien. Le deuxième corps et sa cavalerie s'étaient également rapprochés de l'Elbe. Le 3, je marchai encore dans la direction de Dresde, et pris position au village de Recknitz. Le 4, je passai l'Elbe et allai camper à Bischofswerda, et le lendemain à Bautzen.


CORRESPONDANCE ET DOCUMENTS
RELATIFS AU LIVRE DIX-SEPTIÈME


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Liegnitz, le 29 mai 1813, deux heures après midi.



«L'Empereur ordonne, monsieur le maréchal, qu'avec le sixième corps d'armée et le corps de cavalerie du général Latour-Maubourg vous vous portiez de Jauer en avant de Eisendorf, route de Neumarck. Le prince de la Moskowa, avec les cinquième et septième corps, se porte sur Neumarck, et le quartier général impérial y sera probablement ce soir avec la garde. Le troisième corps d'armée reste en avant de Liegnitz. Le duc de Tarente, avec son corps d'armée, et le général Bertrand, avec le quatrième corps, resteront à Jauer. Sa Majesté marche sur Breslau.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 10 juin 1813.



«Je crois devoir vous faire connaître, monsieur le maréchal, quel sera l'emplacement des quartiers généraux des différents corps de l'armée au 12 juin, époque à laquelle ces quartiers généraux deviendront fixes.

«Le deuxième corps d'armée, maréchal duc de Bellune, à Guadenberg;

«Le troisième, prince de la Moskowa, à Liegnitz;

«Le quatrième, général comte Bertrand, à Sprottau;

«Le cinquième, général Lauriston, à Goldsberg.

«Le septième, général Régnier, à Görlitz;

«Le onzième, maréchal duc de Tarente, à Löwenberg;

«Le douzième, maréchal duc de Reggio, à Lukau;

«Le premier corps de réserve de cavalerie, général Latour-Maubourg, à Sagan;

«Le deuxième, général Sébastiani, à Freystadt;

«Deuxième division, jeune garde, maréchal duc de Trévise, à Hermolsdorf, près Glogau;

«Première division, à Gross-Kramche;

«Deuxième, à Ober-Schonfeld;

«Troisième, à Eichberg;

«Polonais, huitième corps, à Zittau.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 11 juin 1813.



«Je vous préviens, monsieur le maréchal, que je donne l'ordre au duc de Bellune de garder la frontière le long de l'Oder, depuis Crossen jusqu'à la hauteur de Müllrose.

«Le duc de Reggio surveillera la ligne de démarcation depuis Müllrose jusqu'à Insterburg.

«Le gouverneur de Wittenberg placera des postes depuis Insterburg, en passant par Bruck, et suivant la frontière de la Confédération du Rhin, jusqu'auprès de Barby.

«Le gouverneur de Magdebourg couvrira son enceinte sur la rive droite, et tout le long de l'Elbe sur la rive gauche, depuis Barby jusqu'à la trente-deuxième division militaire, où commencera la surveillance du prince d'Eckmühl.

«Le duc de Trévise, le prince de la Moskowa, le général Lauriston, le duc de Tarente surveilleront la ligne dans leur arrondissement respectif; depuis les postes du duc de Tarente, la ligne sera fournie, le long de la Bohême, par le prince Poniatowski, qui arrive à Zittau. Enfin, monsieur le maréchal, fournissez de votre côté des postes jusqu'à l'Elbe, le long de la Bohême, en vous concertant à cet égard avec le prince Poniatowski.

«L'intention de l'Empereur est que tous les jours vous envoyiez le rapport de ce qui se passe à vos postes et des mouvements qui pourraient se faire devant eux. Il faut aussi avoir soin d'empêcher les chevaux, les vivres, les meubles, les troupeaux, et enfin tout ce qui pourrait nous servir, de sortir de la ligne de démarcation.

«Le résultat de ces dispositions sera d'être bien instruit de tout ce qui se passe; mais il suffira pour cela, monsieur le maréchal, de postes légers, ainsi que pour arrêter le passage des troupeaux et de tout ce qui est utile à l'armée.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 13 juin 1813.



«Je vous adresse, monsieur le maréchal, ampliation de l'ordre du jour relatif à l'arrestation et la mise en jugement des soldats qu'on suppose s'être mutilés eux-mêmes d'un doigt ou de la main dans l'espoir de se faire réformer. Depuis plusieurs années, cette espèce d'épidémie s'est introduite dans l'armée: il est temps d'y apporter une attention sévère et de remédier promptement à ce genre de délit.

«L'Empereur ordonne, pour cet effet, qu'il soit choisi deux hommes de chaque corps d'armée sur ceux prévenus de s'être blessés eux-mêmes. Ils seront arrêtés; le grand prévôt instruira la procédure. Il sera facile de les convaincre. Aussitôt la procédure instruite, ils seront envoyés au maréchal ou au général commandant, qui les fera fusiller devant tout le corps assemblé, en faisant connaître la nature de leurs délits, mais sans rien imprimer là-dessus.

«Vous ferez ramasser tous les hommes blessés à la main et ordonnerez qu'ils soient gardés comme des coupables par la gendarmerie. S'ils ont été trouvés maraudant, la peine de mort leur sera infligée. Vous aurez soin de donner le mot aux officiers d'état-major et aux chirurgiens, de n'y comprendre ni sous-officiers ni vieux soldats, mais seulement ceux qui, par leur âge et la nature de leurs blessures, pourraient être soupçonnés de s'être blessés eux-mêmes. À leur arrivée à leur régiment, un jury, composé du colonel, de deux capitaines et de deux chirurgiens du régiment, les examinera et fera une enquête pour constater la cause de leurs blessures. Ces hommes feront toutes les corvées et seront comme les domestiques du régiment. Ils seront guéris par les soins des chirurgiens des corps, et, après la correction convenable, ils rentreront dans le régiment.

«Vous sentirez, monsieur le maréchal, l'importance de tenir l'ordre du jour et les présentes dispositions secrètes; mais vous devez réunir les colonels des régiments et leur parler fermement pour qu'ils exaltent l'indignation des soldats contre les lâches qui se mutilent eux-mêmes.

«Enfin l'intention de l'Empereur est que toutes blessures à la main provenant d'un coup de fusil ou de pistolet ou d'un coup de sabre ne soient jamais un motif de réforme.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


ORDRE DU JOUR.

«Dresde, le 11 juin 1813.



1.

«Tous les blessés qui existent à Dresde et dans les hôpitaux des autres villes en deçà du Rhin, et qui sont blessés aux doigts ou à la main, seront sur-le-champ dirigés sur leurs corps respectifs.

2.

«L'état nominatif de tous les hommes blessés aux doigts ou à la main, qui sont à Dresde, sera dressé dans la journée d'aujourd'hui et demain.

3.

«Il sera formé autant de colonnes, composées de gendarmes et de flanqueurs de la garde, qu'il y a de corps d'armée. Chacune de ces colonnes sera commandée par un officier d'état-major, et un chirurgien principal y sera attaché. Elles ramasseront tous ces hommes, dont il sera formé un contrôle, indiquant leurs noms, compagnies, bataillons et régiments.

4.

«Les blessés ainsi ramassés seront conduits à la maison de la Douane retranchée, sur la route de Bautzen, où ils seront campés. Dès que cent hommes appartenant à un même corps d'armée seront réunis, ils seront mis en marche pour ce corps d'armée, sous une escorte suffisante. Ils seront accompagnés de leur contrôle nominatif et d'un chirurgien pour les panser.

5.

«À leur arrivée aux corps, ils seront distribués dans leurs régiments, où ils seront traités par les chirurgiens-majors, et sous la surveillance spéciale des officiers. Ils seront chargés de faire toutes les corvées de la compagnie et du régiment.

6.

«Tout soldat blessé aux doigts ou à la main, qui sera conduit à son corps de la manière dont il vient d'être dit, qui s'écarterait en route de son escorte, soit pour marauder, soit pour déserter, ou qui déserterait après son arrivée au régiment, sera puni de mort.

7.

«Un jury, formé du chirurgien en chef de l'armée et de quatre chirurgiens principaux, sera réuni à la susdite maison de la Douane, pour visiter les blessés qui y seront amenés. Il fera choix de deux hommes par chaque corps d'armée, de ceux qui, par la nature de leurs blessures, paraîtront le plus évidemment avoir été blessés par eux-mêmes, lesquels seront sur-le-champ arrêtés et conduits devant le grand prévôt de l'armée, pour y être examinés et interrogés.

8.

«Tout soldat qui serait convaincu de s'être blessé volontairement pour se soustraire au service sera condamné à mort.

9.

«Le présent ordre du jour sera tenu secret, et sera adressé seulement aux maréchaux et généraux commandant des corps d'armée; mais, au moment du départ des hommes blessés aux doigts ou à la main, reconduits à leur corps, il leur sera donné connaissance, par l'officier d'état-major commandant la colonne, de la disposition qui condamne à mort ceux qui déserteraient ou marauderaient pendant la route.

10.

«Le major général de notre grande armée est chargé de l'exécution du présent ordre.

«Signé: Napoléon.

«Pour ampliation:

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 24 juin 1813.



«Monsieur le maréchal, je vous envoie la copie d'une lettre que j'ai écrite hier à M. le général Barclay de Tolly pour lui faire connaître les ordres donnés par l'Empereur à l'égard des partisans.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre.»

«P.-S. Cela vous servira pour le langage que vous avez à tenir.


AU GÉNÉRAL BARCLAY DE TOLLY.

«Dresde, le 23 juin 1813.



«Monsieur le général, je m'empresse de porter à votre connaissance la conduite du major de Lützow et les événements auxquels elle a donné lieu. Ce major, chef d'un corps de partisans, a été prévenu, le 7, de l'armistice. La copie lui a été portée par un officier d'état-major. Il en a eu connaissance par la traduction en allemand que le duc de Weimar en a fait faire, et qu'il a fait imprimer, placarder et répandre à profusion.

«Le major de Lützow a fait dire à l'officier d'état-major qui lui portait la copie de l'armistice qu'il ne reconnaissait pas l'armistice. On lui a fait observer que, le 12, il devait avoir repassé l'Elbe, et qu'en conséquence il n'y avait pas de temps à perdre: il fit déclarer qu'il était corps franc.

«Depuis le 7 jusqu'au 18, M. le major de Lützow a continué les hostilités: il a arrêté les malles de Bavière et de Dresde; il a levé des contributions, comme dix-huit procès-verbaux le constatent. Il a arrêté les individus tant civils que militaires rencontrés sur la route; il a continué à enrôler les jeunes gens du pays et les étudiants des universités; il a attaqué des détachements, pris des courriers venant d'Augsbourg et d'Italie, et enfin des soldats marchant isolément.

«L'Empereur et Roi mon maître n'est arrivé à Dresde que le 10, et, le 14, voyant que les hostilités sur ses derrières continuaient, Sa Majesté a ordonné aux détachements de cavalerie en marche pour rejoindre l'armée de s'arrêter et de se pelotonner pour courir sur les partisans, attendu que, le 12, ils devaient, aux termes de l'armistice, en avoir exécuté les dispositions.

«D'autres corps, se disant partisans, répondaient qu'ils ne pouvaient reconnaître l'armistice, donnant pour motifs, les uns qu'ils dépendaient de l'armée suédoise, les autres qu'ils étaient à la solde de l'Angleterre, et enfin d'autres corps indépendants et insurrectionnels.

«Sa Majesté l'Empereur et Roi a donc cru nécessaire de prescrire l'ordre du jour dont je vous envoie copie. J'avais donné un ordre à peu près semblable dès le 16. Cependant, j'ai l'honneur de proposer à Votre Excellence d'échanger ceux des partisans qui sont actuellement en notre pouvoir ou qui seront arrêtés contre ceux de nos gens qui ont été faits prisonniers par vos troupes depuis le 4 juin.

«Nous avons aussi à nous plaindre de la non-exécution de l'article 4 de l'armistice, qui porte, entre autres choses: que, depuis l'embouchure de la Katzbach, la ligne de démarcation suivra le cours de l'Oder jusqu'à la frontière de Saxe, longera la frontière de Saxe, etc.; dès lors Crossen s'y trouve compris. Cependant les Prussiens, contre toutes raisons, veulent occuper Crossen, quoique le droit soit de notre côté et que cela ne dût pas être discuté: j'en prends pour juge Votre Excellence elle-même.

«Mais, voulant cependant éviter toute discussion, l'Empereur et Roi propose que ce pays soit considéré comme neutre, de manière qu'il ne soit occupé ni par l'armée combinée ni par les armées françaises et alliées.

«Les troupes légères de Votre Excellence parcourent le pays jusqu'aux portes de Liegnitz. Je la prie de vouloir bien donner des ordres à cet égard.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Signé: Alexandre


ORDRE DU JOUR.

«Dresde, le 24 juin 1813.



«Les parlementaires qui se présenteront ne pourront dépasser nos lignes, c'est-à-dire qu'ils seront reçus aux avant-postes où ils remettront leurs dépêches. Ils seront maîtres d'attendre les réponses. Dans le cas où un parlementaire devrait être amené au quartier général, l'ordre en sera donné par le major général. En conséquence, sous aucun prétexte que ce soit, les parlementaires ne pourront pénétrer au delà de nos lignes, c'est-à-dire de nos avant-postes, sans un ordre formel.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Signé: Alexandre.


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 19 juillet 1813.



«Mon cousin, je désirerais que Buntzlau, qui offre une position centrale, contint deux manutentions, chacune de huit à dix fours. Je désirerais que la ville pût être fortifiée, de manière qu'en quinze à vingt jours de travail deux bataillons pussent y protéger un hôpital, les deux manutentions et des magasins. Les deux grands moyens défensifs de ce genre sont les eaux et les bois. Vous devez avoir des bois près de Buntzlau. Vous avez des moyens de transport, puisque vous avez tous les chevaux de trait de votre corps d'armée. Vous avez des sapeurs, des pionniers. Les canonniers de la marine sont surtout propres à ces travaux. Quant aux eaux, il faut étudier si l'on peut remplir les fossés de la ville. Si on le peut, faites-y travailler vingt-quatre heures après la réception du présent ordre. Vous sentez de quel intérêt il serait de pouvoir placer à Buntzlau, sous la garde de deux bataillons et de vingt pièces de canon, un hôpital de deux mille malades ou convalescents, quelques millions de rations de biscuits, de farines et de riz, et beaucoup d'embarras d'artillerie.--Autant que je puis m'en souvenir, Buntzlau a des fossés et une muraille. Ce serait donc ces fossés qu'il s'agirait de bien établir, ces murailles et tourelles qu'il faudrait organiser pour l'artillerie, en les garnissant de gabions et de saucissons, les fossés qu'il faudrait remplir d'eau, et enfin quelques lunettes qu'il faudrait tracer et élever.--Il n'y a pas de moment à perdre; vous entendez la matière. Vous pouvez y mettre six mille ouvriers, en faisant fournir deux mille travailleurs par votre corps d'armée et en réunissant deux à trois mille paysans.

«Napoléon»


LE MARÉCHAL MARMONT À NAPOLÉON.

22 juillet 1813



«Sire, j'ai reçu la lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire le 19 juillet pour me donner ses ordres relatifs à Buntzlau. Cette ville étant placée au bas d'un long amphithéâtre, les localités sont peu favorables à la fortification. Cependant il m'a paru, après avoir étudié son enceinte avec soin, qu'il était possible de remplir les intentions de Votre Majesté, et je viens d'arrêter les travaux à exécuter.

«Ils commenceront demain et seront poussés avec une grande activité. J'aurai l'honneur d'adresser demain à Votre Majesté un plan de Buntzlau, avec un rapport détaillé sur les ordres que j'ai donnés.

«L'artillerie et le génie du sixième corps fournissent quinze cents outils. Des réquisitions ont été faites au pays; mais, comme il est probable que je n'obtiendrai pas tout ce que j'ai demandé, il serait désirable que le grand parc du génie nous donnât un secours de deux mille outils.

«Comme les travaux de la récolte vont rendre les bras extrêmement rares, il serait utile que les cercles de Lövenberg et de Goldsberg fournissent chacun mille ouvriers pour les travaux de Buntzlau.»


«J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté le plan de Buntzlau. Cette place a une double enceinte. L'enceinte intérieure, étant contiguë aux maisons, n'offrant ni espace, ni terre à porter pour les remblais, n'est pas susceptible d'être mise en état de recevoir du canon. Cependant c'est un dernier obstacle qu'on peut présenter à l'ennemi, et dont on peut tirer parti en arrangeant quelques tours pour y placer de l'infanterie. L'enceinte basse offre partout les moyens de faire un parapet et des batteries. Les tours de cette enceinte sont en général trop petites pour être armées de canon. Cependant, au moyen des dispositions ordonnées et dont je vais rendre compte, il y aura quatre pièces de canon placées en A au-dessus de la porte de Breslau; un pareil nombre au-dessus de la porte AV, même à Goirenberg (G), quatre également sur la porte de Dresde (O), deux en P, deux en U, une autre en T, enfin quatre, dont l'ouvrage projeté en Z.

«Excepté en F, G, H, K, la place a partout une bonne contrescarpe, revêtue de plus ou moins d'élévation, mais habituellement de quinze à seize pieds. En avant de la porte G, il n'y a pas de fossé.

«J'ai ordonné d'élever une contrescarpe en F et d'en construire une en G, de manière à élever assez les eaux pour qu'elles puissent se répandre jusqu'en D au moyen du batardeau qui sera placé en G. Ce batardeau sera couvert par la maison I, qui sera entourée d'un fossé et d'un parapet en terre. Le fossé H et K sera également rempli d'eau au moyen des remblais qui seront faits en K autour du lac, afin de pouvoir élever les eaux et les forcer d'inonder ce fossé K et les étendre dans le fossé R jusqu'au delà de U; là, élevant la contrescarpe qui environne les eaux en K de cinq pieds et creusant le fossé en R de quatre pieds, il y aura dans tout ce développement de la place un obstacle d'eau très-difficile à franchir.

«La portion du fossé depuis S jusqu'en D n'est pas susceptible d'être inondée; mais là le fossé est très-profond, la contrescarpe très-élevée, et cette portion de fossé sera fraisée et palissadée avec beaucoup de soin, et sera d'ailleurs couverte par l'ouvrage projeté en Z, qui prendra aussi des revers sur la porte de Dresde, et, à cet effet, on va démolir toute la portion du faubourg en BB.

«Il existe deux tours assez bien construites à chacune des deux portes: l'une, à la porte de Breslau A, et l'autre à la porte de Dresde O. Elles sont liées entre elles et liées également au mur d'enceinte intérieure. On va construire devant ces tours deux massifs en glacis, élevés de huit pieds, de manière à couvrir le pied de ces tours du feu de l'ennemi, faisant aboutir le chemin pour entrer dans la ville en suivant la contrescarpe, afin d'empêcher la porte d'être vue de l'extérieur. On va faire un plancher qui réunisse ces tours avec l'enceinte intérieure, et ce plancher sera placé à sept pieds, c'est-à-dire au-dessous du niveau du masque, et on établira sur ce plancher un parapet en gabion de douze pieds d'épaisseur, qui garantira des pièces de campagne. La place de Löyenberg sera arrangée d'une manière analogue, excepté que cette entrée, où sera le batardeau, sera supprimée. Enfin on formera en P et U et en X des parapets en terre qui donneront les moyens d'armer ces points avec de l'artillerie, et en général, comme la muraille d'enceinte extérieure est assez mauvaise, on relèvera les contrescarpes de manière à la masquer de la vue de la campagne, et les tours seront disposées à être occupées par de l'infanterie, dont l'action n'aura pour objet que la défense du fossé. Les seuls points qui doivent avoir action sur l'extérieur devant être ceux qui sont armés de canon et les tours de l'enceinte intérieure, qui seront disposées pour recevoir de l'infanterie.

«Je pense qu'une fois ces travaux exécutés la ville de Buntzlau, défendue par mille hommes, non-seulement sera à l'abri d'un coup de main, mais exigera du gros canon et quelques travaux de siége, et je ne pense pas qu'il faille, pour que ces travaux soient terminés, plus que la durée de l'armistice.

«Une partie de la manutention avait été placée dans le faubourg; elle va être transportée dans la ville et augmentée.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 24 juillet 1813.



«L'intention de l'Empereur, monsieur le maréchal, est que toute l'armée tire à la cible de la manière suivante: chaque compagnie tirera deux coups à la cible, et les quatre meilleurs tireurs de chaque salve, c'est-à-dire huit par compagnie, auront une gratification de 2 francs; les huit meilleurs tireurs de chaque compagnie se réuniront pour tirer à la cible par bataillon, ce qui fera quarante-huit tireurs par bataillon: les huit meilleurs tireurs auront chacun un prix de 4 francs. Les huit meilleurs tireurs de chaque bataillon se réuniront pour tirer à la cible par division, ce qui, en supposant les divisions l'une dans l'autre à douze bataillons, fera quatre-vingt-seize tireurs par division: les huit meilleurs tireurs auront chacun un prix de 6 franc. Les huit tireurs qui auront eu le prix de chaque division seront réunis pour tirer à la cible, ce qui, à raison de trois divisions par corps d'armée, fera les vingt-quatre tireurs, et les huit meilleurs tireurs du corps d'armée auront chacun un prix de 12 francs.

«Les 27-28 juillet, chaque compagnie tirera à la cible. Les 28-29, les huit meilleurs tireurs de chaque compagnie tireront à la cible du bataillon. Les 29-30, les huit meilleurs tireurs de chaque bataillon tireront à la cible de la division, et, le 1er août, les huit meilleurs tireurs de chaque division tireront à la cible du corps d'armée.

«La dépense de cet exercice, qui aura lieu dans tous les corps d'armée, ne sera que de deux cartouches par homme; et, quant aux prix, la dépense peut être évaluée de la manière suivante:

«1° Prix de 2 francs, cible des compagnies.

«Huit prix de 2 francs coûteront 16 francs par compagnie, ce qui fera pour un bataillon, à raison de six compagnies (16 x 6), 96 francs; pour une division, à raison de douze bataillons (96 x 12), 1,152 francs; et pour un corps d'armée, à raison de trois divisions, 3,456 francs.

«2° Prix de 4 francs, cible des bataillons.

«Huit prix de 4 francs coûteront 32 francs par bataillon; ce qui fera pour une division, à raison de douze bataillons (32 x 12), 384 francs; et pour un corps d'armée, à raison de trois divisions (384 x 3), 1,152 francs.

«3° Prix de 6 francs, cible des divisions.

«Huit prix de 6 francs coûteront 48 francs par division: ce qui fera par corps d'armée, à raison de trois divisions (48 x 3), 144 francs.

«4° Prix de 12 francs, cible par corps d'armée.

«Huit prix de 12 francs coûteront par corps d'armée 96 francs; ainsi la dépense des prix sera, par corps d'armée, en supposant les proportions indiquées ci-dessus:

        «Pour la cible des compagnies.         3,456 francs.
        «Pour la cible des bataillons.         1,152
        «Pour la cible des divisions.            144
        «Pour la cible du corps d'armée.          96
                                               -----
        «Total.                                4,848 francs.

«Les militaires qui obtiendront les prix du corps d'armée à 12 francs auront nécessairement obtenu celui de la division, celui du bataillon et celui de la compagnie, ce qui leur fera un prix total de 24 francs.

«Donnez vos ordres, monsieur le maréchal, pour l'exécution de ces dispositions dans votre corps d'armée: prescrivez tout ce qui sera nécessaire pour faire de ces exercices autant de petites fêtes. La musique devra accompagner ceux qui auront remporté les prix. Le but de l'Empereur est: 1° d'apprendre aux troupes à tirer; 2° de répandre la gaieté dans les camps. Faites donc tout ce qui vous sera possible pour obtenir ces deux résultats.

«Le prince, vice-connétable, major général,

«Alexandre


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 10 août 1813.



«Mon cousin, je vous prie de me faire connaître où en est l'armement de Buntzlau et la manutention. Je suppose que les magasins sont intacts. Il serait bien nécessaire d'y faire rentrer une vingtaine de milliers de foin et de paille.

«Napoléon


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 12 août 1813.



«Mon cousin, l'Autriche nous a déclaré la guerre; l'armistice est dénoncé; les hostilités recommenceront le 17. Voici le pian d'opérations qu'il est possible que j'adopte, mais auquel je me déciderai définitivement avant minuit;--concentrer toute mon armée sur Görlitz et Bautzen, et dans le camp de Koenigstein et à Dresde.--Si des fortifications ont été faites à Liegnitz et à Buntzlau, les détruire.--Envoyer le duc de Reggio avec les douzième, quatrième et septième corps sur Merlin, dans le temps que le général Girard débouchera avec dix mille hommes par Magdebourg, et le prince d'Eckmühl avec quarante mille hommes par Hambourg.--Indépendamment de ces cent dix mille hommes qui marcheront sur Berlin, et de là sur Stettin, j'aurai sur la ligne, savoir: les deuxième, troisième, cinquième, sixième, onzième, quatorzième et premier corps de cavalerie; le deuxième, le quatrième, le cinquième et la garde: cela fera près de trois cent mille hommes.--Avec ces trois cent mille hommes, je prendrai une position entre Görlitz et Bautzen, de manière à ne pas pouvoir être coupé de l'Elbe, à me tenir maître du cours du fleuve et à m'approvisionner par Dresde, à voir ce que veulent faire les Autrichiens et les Russes, et à profiter des circonstances.--Je préférerais rester à Liegnitz, mais de Liegnitz à Dresde il y a quarante-huit lieues, c'est-à-dire huit marches, et en longeant toujours la Bohême, et il n'y en aurait que trente-six de Buntzlau et vingt-quatre de Görlitz. Si je prenais une position intermédiaire entre Görlitz et Bautzen, il n'y en aurait que dix-huit.--Ce pays se trouverait alors plein de troupes, et nous serions, pour ainsi dire, entassés: nous n'aurions pas de peine à vivre un mois. Pendant ce temps-là ma gauche entrerait à Berlin, éparpillerait tout ce qui se trouve là; et, si les Autrichiens et les Russes livraient bataille, nous les écraserions. Si nous perdions la bataille, nous serions plus près de l'Elbe; enfin nous serions plus en mesure de profiter de leurs sottises.--Je ne vois guère qu'on puisse hésiter sur Liegnitz. Il n'en est pas de même de Buntzlau. Je ne me dissimule pas que cette position a l'avantage de me tenir dans le cas d'empêcher l'ennemi de passer entre l'Oder et moi; au lieu qu'entre Bautzen et Görlitz, l'ennemi, passant par Buntzlau, peut se porter sur Görlitz.--Le quartier général de l'armée autrichienne se réunit à Hirschberg. Il paraît que les Autrichiens veulent opérer par Zittau.--Faites-moi connaître ce que vous pensez de tout cela. Je suppose que tout doit finir par une grande bataille, et je pense qu'il est plus avantageux de la livrer près de Bautzen, à deux ou trois marches de l'Elbe, jusqu'à cinq ou six marches; mes communications sont moins exposées; je pourrai me nourrir plus facilement, d'autant plus que, pendant ce temps, ma gauche occupera Berlin et balaiera tout le bas Elbe, opération qui n'est point hasardeuse, puisque mes troupes ont Magdebourg et Wittenherg, à tout événement, pour retraite. J'éprouve bien quelques regrets d'abandonner Liegnitz; mais, en l'occupant, il serait difficile de réunir toutes mes troupes; il faudrait les diviser en deux armées, et ce serait une fâcheuse position que celle qui nous ferait longer la Bohême sur un espace de trente lieues, d'où l'ennemi pourrait déboucher partout et se trouverait dans une position naturelle.--Il me semble que la campagne actuelle ne peut nous conduire à aucun bon résultat, sans qu'au préalable il y ait une grande bataille.--Il n'est pas besoin de dire que, tout en s'échelonnant, il sera indispensable de menacer de prendre l'offensive, en se contentant d'avoir sur l'ennemi le pays de neutralité et une ou deux lieues en avant.--L'Autriche ayant une armée contre la Bavière et une contre l'Italie, je ne suppose pas qu'elle puisse avoir contre moi plus de cent mille hommes sous les armes. Je suis plus loin de croire que les Prussiens et les Russes réunis puissent en avoir deux cent mille, en ne comptant pas ce qu'ils ont à Berlin et dans cette direction. Toutefois il me semble que, pour avoir une affaire décisive et brillante, il y a plus de chances favorables à se tenir dans une position plus resserrée et à voir venir l'ennemi. Je compte porter, le 14, mon quartier général à Bautzen. Évacuez à force vos malades.--Envoyez un aide de camp au duc de Tarente afin d'être prévenu de ce que l'ennemi fait sur son extrême droite.

«Napoléon


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 13 août 1813, soir.



«Mon cousin, voici le parti que j'ai pris. Si vous avez quelques observations à me faire, je vous prie de me les faire librement.--Le duc de Reggio, avec les septième, quatrième et douzième corps et le troisième corps de cavalerie, marchera sur Berlin dans le temps que le général Girard, avec douze mille hommes, débouchera par Magdebourg, et que le prince d'Eckmühl, avec vingt-cinq mille Français et quinze mille Danois, débouchera par Hambourg. Il est actuellement à trois lieues en avant de Hambourg, qui est devenu une place de première force; cent pièces de canon y sont sur les remparts, et les maisons qui gênaient la défense sont abattues, les fossés pleins d'eau. Le général Hoyendorp y commande une garnison de dix mille hommes.--J'ai donné ordre au duc de Reggio de se porter sur Berlin, en même temps que le prince d'Eckmühl culbutera ce qu'il a devant lui, si l'ennemi lui est inférieur, et du moins le poussera vivement quand il effectuera sa retraite. J'ai donc cent vingt mille hommes qui marchent dans différentes directions sur Berlin.--De ce côté-ci, Dresde est fortifié, et dans une position telle, qu'il peut se défendre huit jours, même les faubourgs. Je le fais couvrir par le quatorzième corps, que commande le maréchal Saint-Cyr; il a son quartier général à Pirna; il occupe les ponts de Koenigstein qui, protégés par la forteresse, sont dans une position inexpugnable. Ces ponts ont un beau débouché sur Bautzen. La même division, qui fournit des bataillons à Koenigstein, occupe Neustadt avec la cavalerie. Deux divisions campent dans une très-belle position à Gieshubel, à cheval sur les deux routes de Prague à Dresde. Le général Pajol, avec une division de cavalerie, est sur la route de Leipzig à Carlsbad, éclairant les débouchés jusqu'à Hof.--Le général Durosnel est dans Dresde, avec huit bataillons et cent pièces de canon sur les remparts et dans les redoutes.--Le premier corps du général Vandamme et le cinquième corps de cavalerie seront à Bautzen.--Je porte mon quartier général à Görlitz.--J'y serai le 16.--J'y réunirai les cinq divisions d'infanterie et les trois divisions de cavalerie, et l'artillerie de la garde ainsi que le deuxième corps y seront placés entre Görlitz et Zittau, et entre le deuxième corps et la Bohême sera l'avant-garde formée par le huitième corps (Polonais).--Vous êtes à Buntzlau;--le duc de Tarente à Löwenberg:--le général Lauriston à Gruneberg;--le prince de la Moskowa dans une position intermédiaire, entre Haynau et Liegnitz, avec le deuxième corps de cavalerie.--Cependant l'armée autrichienne, si elle prend l'offensive, ne peut la prendre que de trois manières: 1° en débouchant avec la grande armée, que j'estime forte de cent mille hommes, par Peterswald, sur Dresde. Elle rencontrera les fortes positions qu'occupe le maréchal Saint-Cyr, qui, poussé par des forces aussi considérables, se retirerait dans le camp retranché de Dresde. En un jour et demi le premier corps arriverait à Dresde, et dès lors soixante mille hommes se trouveraient dans le camp retranché à Dresde. J'aurais été prévenu, et en quatre jours de marche je pourrais m'y porter moi-même, de Görlitz, avec la garde et le deuxième corps.--D'ailleurs Dresde, comme je viens de le dire, abandonné à lui-même, quand même il ne serait pas secouru du maréchal Saint-Cyr, est dans le cas de se défendre huit jours.--Le deuxième débouché par où les Autrichiens pourraient prendre l'offensive, c'est celui de Zittau; ils y rencontreront le prince Poniatowski, la garde, qui se réunira sur Görlitz, et le deuxième corps; et, avant qu'ils puissent arriver, j'aurai réuni plus de cent cinquante mille hommes; en même temps qu'ils feront ce mouvement, les Russes pourraient se porter sur Liegnitz et Löwenberg: alors le sixième, le troisième, le onzième, le cinquième corps d'armée et le deuxième corps de cavalerie se réuniraient sur Buntzlau, ce qui ferait une armée de plus de cent trente mille hommes, et, en un jour et demi, j'y enverrais de Görlitz ce que je jugerais superflu à opposer aux Autrichiens.--Le troisième mouvement des Autrichiens serait de passer par Josephstadt, et de se réunir à l'armée russe et prussienne, de manière à déboucher tous ensemble. Alors toute l'armée se réunira sur Buntzlau.--Dans ce cas, il faut choisir la position de bataille à Buntzlau, en avant ou en arrière.--Je vous ai déjà mandé de vous occuper de ce travail important.

«Napoléon


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 13 août 1813.



«Mon cousin, je désire connaître si, en avant ou en arrière de Buntzlau, il y aurait une belle position où un corps de deux cent mille hommes pût être placé favorablement pour arrêter un ennemi qui déboucherait en force des frontières de Bohême et Silésie, et où on pourrait lui livrer bataille. Faites-moi connaître aussi s'il existe une bonne route de Buntzlau à Hoyerswerda.

«Napoléon


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 13 août 1813.



«Monsieur le maréchal, l'Empereur me charge de vous faire connaître que la position de l'armée est la suivante:

«Le quartier général de Sa Majesté sera demain, 14, à Bautzen, et, le 16, à Görlitz.

«Le corps du prince Poniatowski va prendre des positions entre Zittau et Görlitz, où son corps d'armée pourra être réuni pour former l'avant-garde de l'armée, éclairer la marche de l'ennemi, la retarder et donner le temps à l'armée de se réunir à Görlitz. Il éclairera aussi la route de Löban.

«Le quatrième corps, le septième corps et le douzième, avec le troisième corps de cavalerie, seront à Lukau.

«Le général Dombrowski est en avant de Wittenberg, ayant sous ses ordres six bataillons, dont le 4e régiment polonais fait partie, et deux régiments de cavalerie.

«Le général Girard est, avec dix mille hommes, en avant de Magdebourg.

«Le prince d'Eckmühl est, avec le corps auxiliaire danois, à trois lieues en avant de Hambourg, sur la rive droite.

«M. le maréchal Saint-Cyr a son quartier général à Pirna, avec son corps à cheval sur l'Elbe, ayant une division sur Hohenstein ou Neustadt, et trois divisions sur la position de Gieshubel, barrant les deux routes de la Bohême à Dresde, et ayant un corps d'observation sur la route de Leipzig à Carlsbad.

«La ville de Dresde est à l'abri d'un coup de main. Elle a une garnison et cent pièces en batterie, et elle est en état d'attendre l'armée cinq ou six jours.

«Le cinquième corps de cavalerie et le premier corps, commandé par le général Vandamme, arriveront le 18 à Bautzen.

«Le quartier général, avec les cinq divisions de la garde, les trois divisions de cavalerie, son artillerie, et le deuxième corps, avec le premier corps de cavalerie, seront le 17 à Görlitz.

«Le sixième corps est à Buntzlau; le cinquième à Goldsberg; le troisième à Liegnitz, et le onzième à Löwemberg. Ainsi, en trois jours, trois cent cinquante mille hommes peuvent être réunis sur Buntzlau ou sur Görlitz.

«L'armée autrichienne ne peut déboucher sur la rive droite que par Zittau ou par Josephstadt. Si elle venait par Zittau, elle rencontrerait le corps du prince Poniatowski comme avant-garde. Si les Autrichiens débouchaient par Josephstadt, leurs mouvements se confondraient avec ceux des Russes et des Prussiens; et, dès lors, soit qu'ils se portent sur Löwemberg, soit qu'ils se portent sur Liegnitz, tous les corps pourront se réunir sur Buntzlau.

«Ces renseignements, monsieur le maréchal, sont pour vous seul.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MARÉCHAL MARMONT À NAPOLÉON.

«Buntzlau, 15 août 1813.



«Sire, j'ai reçu les lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en date des 12 et 13, et je m'empresse d'y répondre. Conformément à vos ordres, je le ferai en toute liberté.

«J'établis en principe, et je suis d'accord avec vous, qu'une grande bataille est indispensable au début de la campagne. Sans un premier succès, qui nous donnera de l'ascendant sur l'ennemi, nous n'aurons qu'une marche incertaine. Or elle doit être livrée sous vos auspices, sous votre commandement immédiat, quel que soit le côté par lequel se présente l'ennemi; et, pour qu'il en soit ainsi, l'armée, quoique très-nombreuse, doit être réunie le plus possible.

«D'après cela, Sire, Votre Majesté comprendra que, dans mon opinion et dans aucun cas, nous ne devrions nous étendre jusqu'à Liegnitz. Vos réflexions sur les inconvénients d'une position où l'on prêterait le flanc à l'ennemi, et défilant continuellement près de la frontière de Bohême pendant huit marches, sont trop fondées pour qu'il puisse jamais être question de s'éloigner ainsi de l'Elbe. J'en dirai autant pour Buntzlau; Görlitz même ne devrait être occupé que par une avant-garde. Je voudrais que toute l'armée fût établie sur la Sprée et sur l'Elbe, et attendît que l'ennemi s'approchât assez pour qu'on pût l'accabler; et cette grande proximité des troupes entre elles vous donnerait le moyen d'être présent partout à la fois dans les moments importants, chose que je regarde comme la garantie de nos succès. Je comprends votre impatience de vous emparer de Berlin, et je la partage; cependant le moyen d'y arriver sûrement n'est pas, je pense, de se hâter à se mettre en marche dans cette direction. Le sort de la campagne n'est pas de ce côté, et le destin de Berlin doit être la conséquence de ce qui se passera ailleurs. Si vous persistez à prendre cette offensive tout d'abord, vous vous privez d'une partie de vos forces, tandis que la présence d'un seul corps d'armée en avant de Torgau et quelques mouvements de Magdebourg et de Hambourg suffiraient pour neutraliser l'armée prussienne qui couvre Berlin. Après une grande bataille gagnée sur l'Elbe ou sur la Sprée, vous pouvez sans danger faire tels mouvements excentriques que vous voudrez, et le succès de la marche sur Berlin sera incontestable.

«Mais, si le temps d'attente auquel je vous propose de vous soumettre vous paraît trop pénible, alors j'aimerais mieux une offensive directe prise contre la Bohême. Les troupes qui sont en Silésie se réuniraient sur la Neisse pour couvrir le mouvement qui se ferait par Peterswald, se rapprocheraient de l'Elbe si l'ennemi marchait à elles pour les combattre, et finiraient par suivre le mouvement général, ou bien entreraient directement en Bohême par le débouché de Zittau. Une bataille gagnée en Bohême aurait d'immenses conséquences, vous donnerait de grands résultats et la possession d'un pays qui vous assurerait de grandes ressources et peut-être amènerait la séparation de l'Autriche; alors la Prusse serait à votre merci.

«Je n'ai pas vu les travaux de Dresde; mais, d'après ce qui m'en a été dit, je crains que Votre Majesté ne se fasse illusion sur leur force réelle et leurs moyens de résistance absolue, et c'est un point capital dans vos combinaisons. Dans le choix de différents partis à prendre, j'aimerais mieux attendre l'approche de l'ennemi pour lui livrer bataille, et, après l'avoir écrasé, combiner une offensive suivant les circonstances; et remarquez bien que, suivant cette hypothèse, les mouvements de l'armée ennemie ne peuvent pas être combinés avec autant de précision que ceux de l'armée française, parce que celle-ci est placée au centre, dans un pays ouvert, tandis que les différentes parties de l'autre occupent un arc de cercle d'un grand développement, et sont séparées par des montagnes.

«Enfin, je le répète, Sire, par la division de ses forces, par la création de trois armées distinctes et séparées par de grandes distances, Votre Majesté renonce encore aux avantages que sa présence sur le champ de bataille lui assure, et je crains bien que, le jour où elle aura remporté une victoire et cru gagner une bataille décisive, elle n'apprenne qu'elle en a perdu deux.»


LE MARÉCHAL MARMONT À NAPOLÉON.

«16 août 1813, matin.



«Sire, j'ai reçu cette nuit la lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire le 13 au soir. J'ai eu l'honneur de répondre hier matin à la lettre que Votre Majesté m'avait écrite le 12.

«Puisque vous daignez, Sire, provoquer mes réflexions, j'oserai vous dire que je regrette que vous ayez renoncé à la première idée que vous aviez eue de vous concentrer en attendant les mouvements de l'ennemi pour profiter de ses fautes pour le combattre; mais j'ajoute bien vite, Sire, que, puisque Votre Majesté a arrêté son opération sur Berlin avant d'avoir battu les Russes et les Autrichiens, il était indispensable de prendre les dispositions que vous avez arrêtées pour protéger les corps d'armée qui s'y rendent: il me semble cependant que les troisième et cinquième corps sont un peu loin, surtout depuis qu'il paraît certain que les forces principales de l'ennemi se rapprochent de l'Elbe. Votre Majesté est sans doute bien mieux informée que je ne puis l'être des mouvements de l'ennemi: mais il ne me paraît pas douteux, d'après les nouvelles répandues dans le pays, que la plus grande partie de l'armée russe est entrée en Bohême pour se réunir aux Autrichiens et traverser en ce moment ce royaume. Le duc de Tarente me donne des nouvelles qui cadrent parfaitement avec celles que j'ai reçues des habitants. D'un autre coté, il paraît que le prince de la Moskowa croit avoir peu de monde devant lui, ce qui est d'accord, et Votre Majesté trouvera sans doute que le mouvement des alliés est assez dans le génie du système qu'ils ont adopté depuis cette guerre, et qu'ils ont exécuté la veille de la bataille de Lutzen, en marchant sur Pégau lorsqu'une partie de l'armée marchait sur Leipzig.

«Enfin, Sire, je crains que, par la division que vous adoptez, le jour où vous aurez cru avoir gagné une bataille décisive, vous n'appreniez que vous en avez perdu deux.

«Les travaux de Buntzlau peuvent être considérés comme finis. D'après les divers ordres de Votre Majesté, j'y fais mettre la dernière main. C'est un poste que j'aimerais mieux défendre que beaucoup de places qui passent pour des forteresses, et qu'un homme de coeur et de jugement doit défendre au moins dix jours; et, si, comme tout l'annonce, Votre Majesté veut en faire usage, il est urgent d'y envoyer dix-huit ou vingt bouches à feu; il n'en est pas encore arrivé une seule. Toutefois je fais tout préparer pour détruire en douze heures les fortifications de Buntzlau.

«Depuis hier, tous mes malades sont évacués, et j'ai même fait évacuer des malades du cinquième corps qui m'avaient été laissés ici, je ne sais par quelle circonstance. J'ai de plus des transports préparés pour les malades que je pourrais avoir d'ici à quatre ou cinq jours. Ainsi Votre Majesté peut considérer le sixième corps comme parfaitement mobile.

«J'ai passé toute la matinée à reconnaître de nouveau tout le pays pour remplir les intentions de Votre Majesté; mais je n'ai encore rien trouvé qui me satisfît. Je monte à cheval pour continuer mes recherches; si elles me donnent les résultats que je désire. Votre Majesté en sera informée cette nuit.

«Je n'ai plus rien à ajouter, Sire que d'affirmer à Votre Majesté que le sixième corps est animé du meilleur esprit, et que j'ai l'espoir qu'elle en sera aussi contente quand elle le verra que lorsqu'il combattra pour elle. Quels que soient ses sentiments, ils sont peu de chose en comparaison du dévouement pour votre personne, de l'amour pour votre gloire, et du zèle pour votre service, qui animent le plus ancien de vos serviteurs.

«Le maréchal duc de Raguse


LE MARÉCHAL MACDONALD AU MARÉCHAL MARMONT.

«Löwenberg, le 18 août 1813, minuit.



«L'ennemi n'a point renouvelé son attaque sur Lahn, ainsi que nous en étions menacés. Il a disparu au contraire ce matin, pour se réunir aux quarante mille hommes que l'on m'annonçait devoir déboucher sur la grande communication d'Hirschberg à Greiffenberg. Cette armée a pris une direction plus à droite et est venue se développer derrière Zobten, et sur la route de Goldsberg à Löwenberg. Son avant-garde a forcé le passage de Siebeneichen et a attaqué le cinquième corps sur tout son front, sur les deux rives du Bober. Le général Lauriston l'a repoussé par sa droite au delà de ce fleuve, tandis qu'il a rappelé sa gauche qui était tournée par Ludwigsdorf.

«L'armée alliée n'est séparée de nous que par le Bober; les feux font voir un immense développement sur plusieurs lignes. De jour on avait estimé sa force de soixante à quatre-vingt mille hommes, elle doit être plus considérable; on en jugera mieux demain.

«Les communications sont interceptées entre le prince de la Moskowa et moi, comme elles l'ont été toute cette journée, entre les cinquième et onzième corps.

«Les circonstances actuelles ne permettant plus un aussi grand développement sur la gauche du Bober et du Kemnitz, le général Lauriston prendra demain position en arrière de Löwenberg, à cheval sur la route de Lauban, sa gauche appuyée au Bober, à la hauteur de Braunau; sa droite à la route de Greiffenberg; Löwenberg sera gardé comme avant-poste, couvert par un cordon, sur le Bober; on maintiendra cette position, la journée de demain, s'il est possible, pour avoir le temps de recevoir les ordres de l'Empereur pour la concentration des forces.

«Le onzième corps évacuera Lahn cette nuit et gardera demain le débouché d'Hirschberg sur la gauche du Kemnitz, et ses positions de Liebenthal, Greiffenberg et Friedberg. La position suivante pour les deux corps sera la Queiss, Marklena et Lauban, et Greiffenberg.

«C'est avec peine que je vous fais part qu'un parti de Cosaques a enlevé plusieurs de mes gens et mon portefeuille, qui renfermait ma correspondance et le chiffre de l'armée.

«Le maréchal duc de Tarente,

«Macdonald


LE MARÉCHAL MACDONALD AU MARÉCHAL MARMONT.

«Löwenberg, le 18 août 1813.



«Je reçois votre lettre de ce matin, je n'ai point eu d'attaque hier, seulement l'ennemi est venu de Lahn et Mertzdorf reconnaître les positions; on lui a tué quelques hommes et pris cinq à six; il n'y a point eu de canon de tiré.

«Je n'étais pas prévenu du mouvement du cinquième corps, qui vient d'arriver; le prince de la Moskowa et le général Lauriston me l'ont annoncé ce matin; je me suis dès lors déterminé à prendre de suite l'offensive avec le onzième corps pour rejeter l'ennemi de l'autre côté du Bober. Les Cosaques sont entrés hier à Greiffenberg; j'espère par mon opération couper tout ce qui s'est avancé sur cette ville et Liebenthal.

«Une division du cinquième corps et sa cavalerie prend position à Braunau et Ludwigsdorf pour se lier avec le prince de la Moskowa, et couvrir les routes de Haynau et Buntzlau, les deux autres divisions en avant et en arrière de Löwenberg.

«Lauriston, qui a été tâté hier soir, n'a pas été suivi ce matin. Le prince de la Moskowa me mande que le corps ennemi a filé sur Jauer; peut-être vient-il par Schonau et Hirschberg pour se rattacher à la Bohême.

«Je ne crois pas avoir des forces considérables devant moi; mon attaque d'aujourd'hui m'éclaircira.

«M. Murphy, qui vient d'être promu au grade d'adjudant-commandant, chef d'état-major de votre vingtième division, vous remettra cette lettre; c'est un bon officier, dont vous serez content, et que je vous recommande.

«Le maréchal duc de Tarente,

«Macdonald


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Görlitz, le 20 août 1813,
trois heures après midi.




«Mon cousin, j'arrive à Görlitz. Il est deux heures, je serai à cinq heures du soir à Lauban. Mettez des postes de cavalerie entre Lauban et la position où vous êtes, afin d'avoir plusieurs fois de vos nouvelles dans la nuit.--La grande affaire, dans ce moment, c'est de se réunir et de marcher à l'ennemi.--Si vous quittez Buntzlau, laissez-y une bonne garnison.--Comme vous restez en correspondance avec le duc de Tarente, vous devez connaître la position qu'il occupe.

«Napoléon


LE GÉNÉRAL LAURISTON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Lauyenfurwerth, près de Löwenberg,
le 20 août 1813, onze heures du soir.




«Je suis chargé de vous faire connaître que Sa Majesté est arrivée ce soir à cinq heures à Lauban. Le mouvement que je devais faire en arrière est suspendu. Je resterai ici, si vous restez à Ottendorf. La lettre du prince de la Moskowa fait connaître que vous devez vous retirer; je suppose que, lorsqu'il aura connu l'arrivée de Sa Majesté à Lauban, sa détermination changera. Il est donc important que vous lui fassiez connaître promptement cette arrivée. Les forces de l'ennemi ont passé de ma droite à ma gauche, et, je le pense, sur le prince de la Moskowa.

«Le comte de Lauriston


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Lauban, le 21 août 1813,
cinq heures du matin.




«Monsieur le duc de Raguse, vous trouverez ci-joint l'ordre de la journée d'aujourd'hui: conformez-vous-y; donnez les ordres d'exécution et de détail avec la prudence et avec les modifications que peut exiger la position de l'ennemi.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


ORDRE POUR LE 21 AOÛT.

«Lauban, le 21 août 1813,
deux heures et demie du matin.




«L'Empereur ordonne les dispositions suivantes:

«Le duc de Tarente, avec le cinquième corps d'armée, ayant le onzième corps sur sa droite, sera prêt à déboucher aujourd'hui à midi pour passer le Bober et attaquer l'ennemi.

«Le duc de Raguse sera en position le plus tôt possible, à une lieue et demie ou deux lieues de Löwenberg sur la gauche.

«Le prince de la Moskowa débouchera aujourd'hui par, ou près Buntzlau, avant dix heures du matin, avec tout son corps réuni, culbutera tout ce qu'il a devant lui et se portera sur Alt-Gersdorf, en faisant poursuivre l'ennemi.

«Le duc de Trévise partira à quatre heures du matin pour se porter sur Löwenberg.

«Le général Latour-Maubourg partira à cinq heures du matin pour se porter sur Löwenberg.

«Le général Ornano partira avec sa division de la garde à cheval, à six heures du matin, pour se porter sur Löwenberg; il se tiendra toujours sur la droite de la route.

«Le général Walther partira à sept heures du matin pour Löwenberg.

«La division de la vieille garde à pied partira à cinq heures du matin pour Löwenberg.

«L'Empereur sera, de sa personne, à Löwenberg à neuf heures du matin.

«Le prince, vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Löwenberg, le 22 août 1813,
une heure et demie.




«J'ai reçu vos deux lettres. Voici où nous en sommes:

«Le duc de Tarente, avec les cinquième et onzième corps et la division de cavalerie du général Chastel, poursuit l'ennemi dans la direction de Goldsberg et Schonau.

«Le prince de la Moskowa poursuit également l'ennemi sur Haynau.

«Les renseignements que nous avons tirés des prisonniers et recueillis dans le pays portent à croire que l'armée ennemie, en Silésie, est composée de trois corps:

«Celui du général Langeron, composé de cinq divisions, ce qui forme à peu près trente mille hommes;

«Le corps de Sacken, composé de trois divisions, ou environ seize mille hommes;--enfin un corps prussien, commandé par les généraux Blücher et York, de vingt-cinq à trente mille hommes.

«L'Empereur ne suppose donc pas que l'ennemi ait plus de quatre-vingt mille hommes en Silésie.

«Le troisième corps, aux ordres du prince de la Moskowa, est fort d'environ trente-cinq mille hommes; le cinquième et le onzième, de cinquante mille. Avec la cavalerie, l'artillerie, etc., cela forme un corps de près de cent mille hommes, force qui paraît suffisante contre l'armée ennemie qui est en Silésie.

«L'Empereur laisse donc reposer aujourd'hui sa garde et votre corps d'armée, pour pouvoir, s'il y a lieu, les porter sur un autre point.

«L'intention de Sa Majesté est que vous fassiez faire de suite assez de ponts sur le Bober pour pouvoir repasser promptement et sans aucun embarras cette rivière si l'Empereur voulait vous reporter sur une autre direction. Soyez donc prêt à vous mettre en marche sur telle direction qu'on pourrait vous donner. Si vous avez des renseignements de l'ennemi, faites-les-moi connaître.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Löwenberg, le 23 août 1813,
quatre heures et demie du matin.




L'Empereur ordonne, monsieur le duc, que vous partiez ce matin pour vous rendre, avec votre corps, près de Lauban; vous devrez passer la rivière, afin de pouvoir, demain de bonne heure, partir pour Görlitz, s'il y a lieu. L'intention de Sa Majesté est que vous envoyiez un aide de camp à Görlitz, où sera ce soir le quartier général, pour faire connaître l'heure à laquelle vous arriverez.

«Toute la garde part à quatre heures du matin, et se trouvera sur le chemin de Löwenberg à Lauban; la route sera donc encombrée. Sa Majesté juge qu'il est nécessaire que vous preniez une autre route. L'intention de l'Empereur est aussi que vous retiriez la garnison que vous auriez à Buntzlau.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Görlitz, le 24 août 1813,
trois heures et demie du matin.




«Monsieur le duc de Raguse, je vous envoie le duplicata de l'ordre que je vous ai adressé hier par M. de Sternberg, officier de votre état-major. Sa Majesté pense donc que vous êtes au delà de Lauban. Je vous avais dit de m'envoyer hier soir à Görlitz un autre de vos aides de camp pour prendre des ordres; cet officier n'a pas paru.

«L'Empereur, monsieur le maréchal, vous ordonne de continuer votre mouvement, de la position que vous occupez, pour en prendre une ce soir entre Görlitz et Bautzen. Ayez bien soin de me faire connaître où vous coucherez. L'Empereur sera à Bautzen.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Görlitz, le 24 août 1813,
dix heures du matin.




«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'Empereur me charge de vous faire connaître qu'il faut qu'aujourd'hui vous arriviez à Reichenbach; que, demain 25, vous dépassiez Bautzen et alliez à Bischofswerda, afin que, le 26, vous puissiez vous porter sur le point de l'Elbe où votre corps d'armée devra passer.

«Le quartier général impérial sera cette nuit à Stolpen.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Stolpen, le 25 août 1813.



«Monsieur le duc, je vous préviens que nous passons demain l'Elbe à Pirna; il est donc nécessaire que vous approchiez demain sur Stolpen pour prendre part à l'affaire et que vous puissiez vous placer de bonne heure dans la position que vous occuperez après-demain 27. Comme nous nous portons sur la ligne d'opération de l'ennemi, on doit s'attendre qu'il fera tous les efforts imaginables pour se dégager.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 27 août 1813, huit heures du soir.



«Monsieur le duc de Raguse, l'Empereur vous ordonne de réunir dans la nuit toutes vos divisions et toute votre artillerie, et de vous appuyer au prince de la Moskowa et au maréchal Saint-Cyr. L'ennemi n'est point en retraite, et il faut s'attendre à une grande bataille pour demain. À cinq heures du matin, l'Empereur sera à la redoute n° 4 sur la route de Plauen.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre.»

«P. S. L'intention de l'Empereur est que, pour la journée de demain, chaque commandant de corps ait un quartier général fixe; il laisserait, s'il le quittait, quelqu'un pour recevoir les ordres de Sa Majesté et dire où il est.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 28 août 1813,
neuf heures du soir.




«Monsieur le maréchal duc de Raguse, j'ai reçu votre lettre de quatre heures et demie; je l'ai mise sous les yeux de l'Empereur. Sa Majesté n'a pour le moment aucune autre instruction à vous donner que de suivre le mouvement de l'ennemi et lui faire le plus de mal possible.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 29 août 1813, cinq
heures et demie du matin.




«Monsieur le maréchal duc de Raguse, j'ai reçu votre rapport d'hier onze heures du soir, et je l'ai mis sous les yeux de l'Empereur. Sa Majesté ordonne que vous suiviez vivement l'ennemi sur Dippoldiswald et dans toutes les directions qu'il aurait prises.

«Sa Majesté le roi de Naples se porte sur Frauenstein, afin de tomber sur les flancs et les derrières de l'ennemi, et le maréchal Saint-Cyr a l'ordre de suivre l'ennemi sur Maxen et sur toutes les directions qu'il aurait prises.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 30 août 1813.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'Empereur me charge de vous prévenir que le point difficile pour l'ennemi est Zinnwald, où l'opinion de tous les gens du pays est que son artillerie et ses bagages ne pourront passer qu'avec une peine extrême; que c'est donc sur ce point qu'il faut se réunir et attaquer; que l'ennemi, tourné par le général Vandamme, qui marche sur Toeplitz, se trouvera très-embarrassé, et sera probablement obligé de laisser la plus grande partie de son matériel.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 31 août 1813,
deux heures du matin.




«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'Empereur m'ordonne de vous prévenir qu'il est de la plus grande urgence que vous vous rapprochiez de Dresde, avec votre corps d'armée, par la route directe, de manière à en être aujourd'hui le plus près possible. Le général Vandamme, avec son corps d'armée, a été cerné, enlevé au delà des montagnes, s'étant laissé surprendre dans des gorges, de sorte que de ce corps il n'est revenu que très-peu d'hommes, et l'ennemi s'est déjà montré entre Pirna et Peterswald; il est donc convenable, dans cet état de choses, que vous vous rapprochiez de Dresde; votre mouvement doit se faire avec beaucoup d'ordre et être autant que possible dissimulé à l'ennemi. Faites-moi connaître les positions qu'occuperont ce soir vos troupes.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 31 août 1813,
cinq heures et demie du matin.




«Monsieur le duc de Raguse, je vous ai écrit il y a deux heures, pour vous dire de vous rapprocher de Dresde; depuis ce moment l'Empereur a reçu des nouvelles du maréchal Saint-Cyr, qui est à Liebenau et à Laenstein, point sur lequel s'est ralliée une partie du premier corps; je vous envoie la copie de l'ordre que j'ai expédié au maréchal Saint-Cyr. Conformez-vous à ce qui vous regarde pour occuper les positions sur la droite de ce maréchal. Prévenez le duc de Bellune qu'il doit lui-même prendre position sur votre droite.

«Le prince vice-connétable, major général.

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL SAINT-CYR.

«Dresde, le 31 août 1813,
cinq heures et demie du matin.




«Monsieur le maréchal Saint-Cyr, j'ai mis votre lettre sous les yeux de l'Empereur. L'intention de Sa Majesté est que vous preniez la position la plus avantageuse pour couvrir la route de Peterswald à Dresde. Le maréchal duc de Trévise restera en position en avant de Pirna. Le duc de Raguse occupera les positions sur votre droite et le duc de Bellune en occupera une sur la droite du duc de Raguse, jusqu'à ce que l'on ait vu la tournure que prendront les choses. Aussitôt que vous serez établi, il faudra faire tracer des redoutes pour assurer votre position. Envoyez tout ce qui vous arrive du premier corps sur Pirna, pour y être réorganisé. Vous regarderez comme non avenue la lettre que je vous ai écrite il y a deux heures.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 1er septembre 1813.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'intention de l'Empereur n'est pas de pénétrer en Bohême: cette opération n'est pas encore dans la ligne de sa position militaire. L'intention de Sa Majesté est que le maréchal Saint-Cyr et le duc de Bellune soient en première ligne pour observer les frontières; l'un ayant son quartier général à Pirna, l'autre l'ayant à Freyberg: que vous, monsieur le duc, le maréchal duc de Trévise et le corps du général Latour-Maubourg, soyez groupés autour de Dresde, pour former une réserve, disposée de manière à pouvoir marcher partout où les circonstances l'exigeraient. En conséquence des dispositions générales ci-dessus, l'Empereur ordonne que vous vous portiez avec votre corps d'armée sur Dippoldiswald, laissant des colonnes en arrière pour masquer votre mouvement: il sera nécessaire que vous vous concertiez avec le maréchal Gouvion Saint-Cyr et avec le duc de Bellune, auxquels j'ai prescrit les dispositions suivantes:

«Au maréchal Saint-Cyr: de placer son quartier général à Pirna et de prendre position, la gauche à l'Elbe, couvrant les deux routes de Peterswald et de Dohna et observant le défilé d'Altenbourg;

«Au duc de Bellune: de placer successivement son quartier général dans la direction de Freyberg, en échelonnant son corps de manière à pouvoir se porter sur Dresde ou sur des colonnes ennemies qui déboucheraient par Marienberg, Sayda, ou tout autre point de cette ligne. Faites-moi connaître quand vous occuperez la position définitive qui vous est assignée.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MARÉCHAL MARMONT À NAPOLÉON.

«2 septembre 1813.



«Sire, je reçois la lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire. Je n'exécute pas l'ordre qu'elle contient, parce que les circonstances sont de nature à en rendre l'exécution impossible, et que, faute apparemment de m'être bien expliqué, Votre Majesté ignore le véritable état des choses.

«D'abord, hier soir, les ordres de Votre Majesté m'ont trouvé près de Falkenheim. La plus grande partie de mon artillerie et de mes munitions est déjà à Dippoldiswald, et toute la journée ne suffirait pas pour la faire revenir devant l'ennemi.

«Ensuite, comme j'avais eu l'ordre précédemment de prendre position à la droite du maréchal Saint-Cyr, pour défendre les débouchés de la Bohême, la première opération que j'ai faite dans cet objet, pour soutenir la position que j'avais prise à Altenbourg, a été de faire des abatis sur toutes les communications directes, pendant l'espace de plusieurs centaines de toises. Toute la journée ne suffirait pas pour les détruire, et cependant la chose est indispensable pour pouvoir déboucher.

«Quant à l'ennemi, Sire, il n'a pas immédiatement l'attitude offensive, et il n'y a pas eu ... de la grande chaîne une quantité assez considérable de troupes pour espérer quelques résultats en cherchant à les combattre.

«Je vais récapituler rapidement ce qui s'est passé depuis cinq jours, afin que Votre Majesté puisse juger elle même la situation de l'ennemi.

«Je l'ai poussé dans sa retraite de toutes mes forces et je l'ai combattu près de Dippoldiswald, à Falkenheim et à Altenbourg. Il a été culbuté partout et nous lui avons pris ou forcé à détruire environ quatre cents voitures, la plus grande partie d'artillerie. Le jour du combat de Zinnwald, j'ai porté une avant-garde à une lieue en avant, c'est-à-dire à deux lieues de Toeplitz. De Zinnwald on voit Toeplitz et le plus épouvantable défilé que j'aie jamais vu. Le soir de ce combat j'ai appris l'événement arrivé au général Vandamme, et, cet événement changeant tout à fait ma position, j'ai dû m'arrêter, et j'ai passé le jour suivant sur le plateau de Zinnwald, ayant toujours mon avant-garde dans la même position. Cette avant-garde fut attaquée avant-hier par l'ennemi; elle le battit, lui tua beaucoup de monde et conserva sa position. L'ennemi revenant à son entreprise, il était facile de voir, à l'immense quantité de feux qui se voyaient dans la plaine de Toeplitz, qu'il y avait une grande armée au débouché. Par d'autres rapports je suis aussi informé que des retranchements et une nombreuse artillerie ferment ce passage.

«Ayant en l'ordre de m'appuyer sur le maréchal Saint-Cyr, je me suis replié hier de Zinnwald sur Altenbourg où j'ai pris position.

«Toute la journée d'hier a été employée à faire des abatis et à établir un bon système défensif. Ayant reçu l'ordre de mouvement sur Dippoldiswald, je me suis mis en mesure de l'exécuter, et mon artillerie est partie hier au soir. Sa marche a été pressée ce matin par la lettre que Votre Majesté m'a écrite hier à cinq heures du soir, par laquelle elle m'ordonne de me mettre en mesure de passer le pont de Dresde le 3, de manière que mon corps d'armée se trouve de Falkenheim à Dippoldiswald, cinq heures après le départ des dernières troupes de Zinnwald.

«L'ennemi a présenté d'abord quelque monde, ensuite environ quatre mille hommes, sans canons ni cavalerie. Ces troupes, je les ai vues, elles étaient près de moi, parce qu'un défilé, des bois et des marais nous séparaient; mes postes ne pouvant pas être placés plus avant, parce qu'ils auraient été bientôt enlevés. Des paysans m'ont rendu compte (mais je ne les ai pas vus) que six mille hommes, Russes et Prussiens et du canon, étaient arrivés sur les hauteurs de Furstenau. Enfin les seuls indices que j'aie sur les changements de projets de l'ennemi sont que l'armée, qui était en pleine retraite sur Thiresmstadt, est revenue sur Toeplitz et s'est placée au pied de la montagne, et enfin que les paysans qui arrivent de Toeplitz, où ils avaient accompagné les Russes, pour leur servir de guides, disent que l'ennemi veut retourner devant Dresde. Et je conclus de tout cela, Sire, que, si le projet existe, le moment de l'exécution n'est pas encore arrivé.

«Mes dernières troupes ont quitté Altenbourg à sept heures du matin. L'ennemi ne montre aucune intention de nous suivre. On n'a vu que deux escadrons.

«D'après tous ces motifs, Sire, et l'impossibilité où je suis d'exécuter vos ordres aujourd'hui, je continue mon mouvement sur Dippoldiswald.»


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 2 septembre 1813.



«Mon cousin, j'ai reçu votre lettre. J'envoie mon aide de camp, le général Flahaut, pour connaître l'état des choses de votre côté.--Votre correspondance est trop laconique. Faites attaquer aujourd'hui l'avant-garde ennemie, et sachez ce que vous avez devant vous et quels sont définitivement les projets de l'ennemi. S'il a moins de trente mille hommes, vous le culbuterez au delà des montagnes.--J'attends l'issue de cette journée pour faire des opérations de l'autre coté; tout cela est donc très-urgent.

«Napoléon.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 3 septembre 1813,
quatre heures et demie du matin.




«L'Empereur, monsieur le duc de Raguse, me prescrit d'envoyer un officier auprès de vous pour vous faire connaître que son intention est que vous séjourniez aujourd'hui, 3 septembre, à Dippoldiswald, afin d'y réunir votre corps, puisqu'il paraît que vous avez beaucoup de traineurs. Si l'ennemi envoie à vous, Sa Majesté vous ordonne de former une forte avant-garde pour le repousser et le culbuter.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 3 septembre 1813.



«L'Empereur, monsieur le maréchal duc de Raguse, me charge de vous écrire que, s'il n'y a pas d'inconvénient, il serait convenable que vous vous approchassiez aujourd'hui de Dresde, afin de passer les ponts pendant la nuit; que nous aurons une bataille à Bautzen demain au soir, ou au plus tard le 5 au matin; que le corps du duc de Tarente est tout à fait en désarroi.

«Donnez-moi de vos nouvelles.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre


NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Dresde, le 3 septembre 1813, onze heures.



«Mon cousin, le major général vous a fait connaître qu'il faut vous approcher de Dresde et coucher sur la rive droite, afin de partir demain à la pointe du jour.--Nous aurons probablement bataille demain en avant de Bautzen, ou au plus tard le 5.--Dans l'un et l'autre cas, il faut que vous y soyez comme réserve pour prendre part à l'affaire.--Prévenez le duc de Bellune, qui est à Freyberg, et le maréchal Saint-Cyr, que vous disparaissez de dessus la ligne.

«Napoléon.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Au bivac, à une lieue de Reichenbach,
le 5 septembre 1813, midi.




«Monsieur le duc de Raguse, l'intention de l'Empereur est que vous ne dépassiez pas la ville de Bautzen et que vous preniez position de l'autre côté, où vous attendrez des ordres.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Alexandre

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