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Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse (6/9)

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NAPOLÉON AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 14 décembre 1813.



«Mon cousin, j'ai nommé le comte d'Arberg préfet du Mont-Tonnerre. Il a été préfet à Brême, et a rempli cette mission avec succès. Il a l'avantage de parler allemand.

«NAPOLÉON.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 17 décembre 1813.



«Je vous préviens que, d'après les ordres de l'Empereur que le général Drouot vient de transmettre à M. le maréchal duc de Trévise, ce maréchal va se porter de Trèves sur Namur, avec les huit bataillons de la première division de vieille garde, les sapeurs, les marins, les batteries de vieille garde, les deux compagnies des équipages militaires, et tout l'état-major de la garde.

«Le duc de Trévise va faire partir aussi pour Namur la division de cavalerie de vieille garde, les réserves de douze et les réserves d'artillerie à cheval attelées.

«La deuxième division de vieille garde, composée des fusiliers, des flanqueurs, des vélites, doit se réunir à Luxembourg sous les ordres du général Curial, qui se trouvera avoir sous son commandement, dans les environs de Metz et de Luxembourg:

«La deuxième division de vieille garde, à Luxembourg;

«Les première et deuxième divisions de voltigeurs, à Sarrelouis et Thionville;

«Les dépôts de cavalerie et d'artillerie de la garde;

«Le 11e régiment de voltigeurs, qu'il gardera jusqu'à nouvel ordre.

«Les autres troupes de la garde impériale seront dans le Nord.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 18 décembre 1813.



«J'ai soumis à l'Empereur la lettre par laquelle vous me faites connaître les motifs qui vous ont décidé à donner des armes neuves aux gardes nationales. Je dois vous mettre dans le secret: nous manquons d'armes pour l'armée; les fusils neufs doivent être réservés pour les troupes régulières. Il faut les garder et donner aux gardes nationales les fusils réparés et exécuter les dispositions faites par le ministre, qui a l'ensemble de la situation des choses. D'ailleurs, beaucoup de gardes nationales désertent et emportent leurs fusils. Les armes réparées sont encore d'un assez bon service. Je n'ai jamais parlé d'ôter les fusils aux gardes nationales.

«Il est fâcheux que le général Pernety ne puisse pas aller prendre le commandement de l'artillerie de l'armée du Nord: faites-moi connaître combien l'on présume qu'il sera de temps à se rétablir.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 23 décembre 1813.



«L'Empereur vient d'arrêter, monsieur le duc, une nouvelle organisation pour le sixième corps d'armée. L'intention de Sa Majesté est que vous le fassiez former de suite en trois divisions au lieu de deux, conformément à l'état ci-joint. Faites procéder à cette opération.

«En conséquence, vous retirerez de la division Ricard, qui est votre première division, les bataillons des 9e et 16e léger, pour les réunir à votre deuxième division, dont ils doivent désormais faire partie. Ces bataillons formeront la deuxième division avec ceux des 1er, 14e, 15e, 16e, 62e, 70e et 121e régiments de la division actuelle du général Lagrange. La troisième division se trouvera formée des bataillons restants de la division actuelle du général Lagrange, savoir: des bataillons des 23e et 37e léger, 1er, 3e et 4e régiments de marine.

«Vous verrez, par l'état ci-joint, que, pour compléter l'organisation du sixième corps, vous avez à recevoir vingt-deux bataillons, qui sont maintenant en formation dans leurs dépôts. A mesure que ces bataillons seront en état, le ministre de la guerre les fera partir pour vous rejoindre.

«Vous aurez aussi à recevoir:

«1° Le deuxième bataillon du 4e léger, qui est à Anvers.

«Aussitôt que ce bataillon sera remplacé, il vous sera envoyé.

«2° Le deuxième bataillon du 15e de ligne, qui est à Landau.

«Ce bataillon, attendu sa proximité, est en quelque sorte sous votre main, et il vous rejoindra définitivement aussitôt qu'on pourra, sans inconvénient, le faire sortir de Landau.

«Vous remarquerez, monsieur le maréchal, que, dans la nouvelle organisation du sixième corps, on ne comprend plus:

«Le premier bataillon du 28e léger;

«Le premier bataillon du 22e de ligne;

«Le deuxième bataillon du 59e de ligne;

«Le troisième bataillon du 69e de ligne.

«Ces quatre bataillons doivent faire partie désormais du onzième corps d'armée. Préparez tout pour les faire mettre en marche aussitôt que vous en recevrez l'ordre définitif, que je vais vous adresser incessamment.

«Je vous écris particulièrement pour vous faire connaître les généraux de division et de brigade, le personnel des états-majors, des administrations, etc., qui doivent être attachés au sixième corps d'armée.

«Je joins ici les ordres que je donne au général Morand pour la nouvelle organisation du quatrième corps d'armée; je vous prie de les lui remettre après en avoir pris connaissance, et de veiller à leur exécution.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


SIXIÈME CORPS D'ARMÉE.

M. LE MARÉCHAL DUC DE RAGUSE, COMMANDANT.

PREMIÈRE DIVISION.

2e régim. d'inf. lég.  3e bataill. présent au sixième corps.
4e régim. d'inf. lég.  3e bataill. présent au sixième corps.
                       2e    --    arrivé le 26 décembre à Anvers.
                      ------
A reporter           3 bataillons.

Report                 3 bataillons.

6e régim. d'inf. lég.  2e bataill. présent au sixième corps.
                       3e   --     se forme à son dépôt à Phalsbourg.

40e régim. de ligne    3e bataill. présent au sixième corps.
                       4e   --     se forme à son dépôt à Schelestadt.

43e régim. de ligne    3e bataill. présent au sixième corps.
                       4e   --     se forme à son dépôt à Gravelines.

                       2e bataill. présent au sixième corps.
50e régim. de ligne    3e   --
                       4e   --      se forment à leur dépôt à Cambrai.

65e régim. de ligne    3e bataill. présent au sixième corps.
                       4e   --     se forme à son dépôt à Gand.

136e rég. de ligne     1er bataill. présent au sixième corps.
                       2e    --     se forme à son dépôt à Sedan.

138e rég. de ligne     1er bataill. présent au sixième corps.
                       2e    --     se forme à son dépôt à Laval.

142e rég. de ligne     1er bataill. présent au sixième corps.
                       2e    --     se forme à son dépôt au Mans.

144e rég. de ligne     1er bataill. présent au sixième corps.
                       2e    --     se forme à son dépôt à Châlons.

145e rég. de ligne     1er bataill. présent au sixième corps.
                    ------
TOTAL                  23 bataillons.

DEUXIÈME DIVISION.

9e régim. d'inf. lég.  3e bataill. présent au sixième corps.
                       4e   --     se forme à son dépôt de Longwy.

16e rég. d'inf. lég.   2e bataill. présent au sixième corps.
                       3e   --     se forme à son dépôt à Mâcon.

1er régim. de ligne.   4e bataill. présent au sixième corps.

14e régim. de ligne.   3e bataill. présent au sixième corps.
                     ------
A reporter             6 bataillons.

Report               6 bataillons.

                     3e bataill. présent au sixième corps.
15e régim. de ligne  2e   --     se trouve à Landau.
                     4e   --     se forme à son dépôt à Brest.

16e régim. de ligne  4e bataill. présent au sixième corps.

62e régim. de ligne  2e bataill. présents au sixième corps.
                     3e   --

                     3e bataill. présent au sixième corps.
70e régim. de ligne  2e   --
                     4e   --     se forment à leur dépôt à Brest.

                     3e bataill.
121e rég. de ligne   4e   --     présents au sixième corps.
                     7e   --      se forme à son dépôt à Blois.
                   ------
TOTAL                18 bataillons.

TROISIÈME DIVISION.

                        1er bataill.
37e rég. d'inf. lég.    3e    --     présents au sixième corps.
                        4e    --
                        2e    --     se forme à son dépôt à Trèves.

23e rég. d'inf. lég.    3e bataill. présent au sixième corps.
                        3e bataill. se forme à Auxonne.

                        1er bataill.
1er r. d'art. de marine 2e    --    présents au sixième corps.
                        3e    --
                        4e    --    se forment à leur dépôt à Brest.

                        1er bataill.
2e r. d'art. de marine  2e     --    présents au sixième corps.
                        3e     --
                        4e     --
                       ------
A reporter              14 bataillons.

Report                  14 bataillons.

                        1er bataill.
3e r. d'art. de marine. 2e    --    présents au sixième corps.
                        3e    --
                        4e    --     se forme à son dépôt à Valognes.

                        1er bataill.
4e r. d'art. de marine. 2e    --    présents au sixième corps.
                        3e    --
                        4e    --     se forme à son dépôt à Anvers.
                        ----
TOTAL                   22 bataillons.

TOTAL du sixième corps d'armée: 63 bataillons.

SIXIÈME CORPS D'ARMÉE.

ORDRE DE FORMATION ET DE RÉORGANISATION DE L'ARMÉE
ARRÊTÉ PAR L'EMPEREUR LE 7 NOVEMBRE 1813
7.

Note 7: (retour) Le maréchal duc de Raguse a classé cette pièce parmi les documents qui devaient être joints à ses Mémoires. Elle sera peut-être sans intérêt pour la plupart des lecteurs; mais elle en aura certainement un très-grand pour quelques autres, et particulièrement pour les personnes qui s'occupent d'administration militaire. Elle présente, en effet, un modèle curieux du système adopté par Napoléon pour la réorganisation de ses armées. Cette manière de procéder par un ensemble qui comprend en même temps tous les détails; cette manière brève, qui met partout l'ordre et la rigueur du commandement, est un indice des plus caractéristiques du génie de Napoléon. A ce dernier titre, la pièce offrira sans doute aussi quelque intérêt aux historiens.

Il n'est pas besoin de dire que cet ordre ne fut que très-imparfaitement exécuté, ou plutôt que l'exécution en fut à peine commencée. On n'en eut pas le temps, ainsi qu'on le lira dans le texte même des Mémoires, et ainsi que le preuve la correspondance. (Note de l'Éditeur.)


Art. 5.

La vingtième division sera composée ainsi qu'il suit:

Premier et quatrième bataillons du 52e léger.
Tout ce qui existe du deuxième bataillon sera incorporé dans le premier, et le cadre renvoyé au dépôt.

Premier bataillon du 37e léger.
Tout ce qui existe des deuxième, troisième et quatrième bataillons sera incorporé dans le premier bataillon, et les cadres renvoyés au dépôt, pour servir à réorganiser le deuxième bataillon, les troisième et quatrième étant supprimés.

Premier bataillon du régiment espagnol.

Premier bataillon du 23e léger.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans le premier et le cadre renvoyé au dépôt.

Premier bataillon du 1er de ligne.
Il sera incorporé cent conscrits hollandais dans ce bataillon.

Deuxième et sixième bataillons du 62e de ligne.
Il sera incorporé cent conscrits hollandais dans le deuxième bataillon.

Premier bataillon du 16e de ligne.
Il sera incorporé cent conscrits hollandais dans ce bataillon.

Premier bataillon du 14e de ligne.
Il sera incorporé cent conscrits hollandais dans ce bataillon.

Premier et deuxième bataillons du 15e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans le premier bataillon, et le cadre renvoyé au dépôt.

Premier bataillon du 70e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans ce bataillon, et le cadre renvoyé au dépôt. Il y sera incorporé cent conscrits hollandais.

Premier et sixième bataillons du 121e.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans ces bataillons, et le cadre renvoyé au dépôt. Il y sera incorporé cent conscrits hollandais.

1er, 2e, 3e et 4e régiments de marine.
Ces quatre régiments seront égalisés à quatre bataillons chacun, et un bataillon de dépôt. Le major général me présentera un projet à ce sujet. Tous les bataillons et dépôts d'artillerie de marine qui peuvent se trouver dans l'intérieur seront envoyés pour les compléter.

Art. 6.

Les six cents conscrits hollandais nécessaires seront pris sur les quatre bataillons hollandais, à raison de cent cinquante par bataillon.

La vingtième division sera commandée par le général Lagrange, qui aura sous ses ordres trois généraux de brigade.

Art. 7.

La huitième division, qui faisait partie du troisième corps, et qui en ce moment fait partie du sixième, sera composée ainsi qu'il suit:

Deuxième bataillon du 6e léger.
Tout ce qui existe du troisième bataillon sera incorporé dans le deuxième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Deuxième bataillon du 16e léger.
Tout ce qui existe du troisième bataillon sera incorporé dans le deuxième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Premier bataillon du 22e de ligne.
Tout ce qui existe des troisième et quatrième bataillons sera incorporé dans le premier, et les cadres renvoyés au dépôt.

Premier bataillon du 28e léger.
Tout ce qui existe du troisième bataillon sera incorporé dans le premier, et le cadre renvoyé au dépôt.

Troisième bataillon du 40e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans le troisième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Deuxième bataillon du 59e de ligne.
Tout ce qui existe du troisième bataillon sera incorporé dans le deuxième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Troisième bataillon du 69e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans le troisième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Troisième bataillon du 2e léger.
Troisième bataillon du 4e léger.
Troisième bataillon du 43e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera incorporé dans le troisième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Premier bataillon du 136e.
Tout ce qui existe des deuxième et troisième bataillons sera incorporé dans le premier, et les cadres renvoyés au dépôt, pour servir à l'organisation du deuxième bataillon, le troisième étant supprimé.

Premier bataillon du 138e.
Tout ce qui existe des deuxième et troisième bataillons sera incorporé dans le premier, et les cadres des deuxième et troisième renvoyés au dépôt, pour servir à l'organisation du deuxième, le troisième étant supprimé.

Premier bataillon du 143e.
Tout ce qui existe des deuxième et troisième bataillons sera incorporé dans le premier, et les cadres renvoyés au dépôt, pour servir à l'organisation du deuxième bataillon.

Premier bataillon du 142e de ligne.
Tout ce qui existe des deuxième et troisième bataillons sera incorporé dans le premier, et les cadres renvoyés au dépôt, pour servir à la réorganisation du deuxième bataillon.

Premier bataillon du 144e.
Tout ce qui existe des deuxième et troisième bataillons sera incorporé dans le premier, et les cadres renvoyés au dépôt, pour servir à la réorganisation du deuxième bataillon.

Troisième bataillon du 9e léger.
Tout ce qui existe des quatrième et sixième bataillons sera incorporé dans le troisième, et les cadres renvoyés au dépôt, pour servir à réorganiser le quatrième bataillon.

Deuxième bataillon du 50e de ligne.
Tout ce qui existe des troisième et quatrième bataillons sera incorporé dans le deuxième, et les cadres renvoyés au dépôt.

Troisième bataillon du 63e de ligne.
Tout ce qui existe du quatrième bataillon sera mis dans le troisième, et le cadre renvoyé au dépôt.

Art. 8.

Il sera incorporé cent conscrits hollandais dans chacun des bataillons dont les noms des régiments suivent:

22e de ligne.
40e idem.
59e idem.
69e idem.
43e idem.
136e idem.
138e idem.
143e idem.
142e idem.
144e idem.
50e idem.
63e idem.

Les douze cents conscrits hollandais nécessaires seront pris à raison de trois cents dans chacun des quatre bataillons hollandais.

Art. 9.

Cette huitième division sera commandée par le général Ricard; les états-majors d'artillerie et du génie, etc., des troisième et sixième corps, serviront à former ceux du sixième corps.


LE DUC DE BELLUNE AU MARÉCHAL MARMONT.

«Strasbourg, le 2 janvier 1814,
deux heures après midi.




«Monsieur le duc, je m'empresse de transmettre à Votre Excellence l'avis que je viens de recevoir que l'ennemi a jeté un pont sur le Rhin, pendant la nuit dernière, en face d'Oppenheim, entre le fort Vauban et Beinheim, et qu'il passe le fleuve dans ce moment. Cette opération est sans doute combinée avec celle de l'armée qui est dans le haut Rhin pour nous obliger à quitter l'Alsace. Votre Excellence doit sans doute en être instruite, et, s'il s'effectue comme on me l'annonce, je pense qu'elle fera ses dispositions pour en prévenir les effets, dont le premier serait de la séparer de moi. Mon opinion est, monsieur le maréchal, que, dans ce cas, nous devons concentrer toutes nos forces pour opérer dans la direction de Saverne. Si Votre Excellence la partage, je la prie de me le faire savoir en me donnant connaissance des mouvements qu'elle fera, afin que je puisse y faire coïncider les miens.

«Le maréchal duc De BELLUNE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 2 janvier 1814.



«L'Empereur a pris connaissance, monsieur le duc, de la lettre par laquelle vous m'informez de votre mouvement sur Landau avec le sixième corps d'armée et le premier corps de cavalerie.

«Sa Majesté ordonne que vous continuiez votre mouvement pour vous porter sur Colmar.

«Vous aurez sous votre commandement:

«1° La division actuelle du deuxième corps d'armée, forte de douze premiers bataillons, avec toute l'artillerie qui y est attachée.

«Vous vous entendrez avec le maréchal duc de Bellune pour que ces bataillons soient complétés à huit cents hommes, au moyen de tous les conscrits qui arrivent.

«2° Les deux divisions qui forment actuellement le sixième corps, et l'artillerie qui y est attachée.

«3° Le premier corps de cavalerie que vous avez déjà avec vous et toute l'artillerie qui y est attachée.

«4° Enfin le cinquième corps de cavalerie, commandé par le général Milhaud, qui est à Colmar, avec toute son artillerie.

«Faites connaître, monsieur le maréchal, aussitôt que vous le pourrez, d'une manière exacte, la marche de vos troupes sur Colmar et votre itinéraire particulier, afin que nous sachions toujours où vous adresser des ordres.

«Le duc de Bellune restera à Strasbourg, et il s'occupera à former les deuxième et troisième divisions du deuxième corps d'armée, et l'artillerie qui doit leur être attachée, au fur et à mesure que les deuxième et quatrième bataillons des douze régiments de ces corps arriveront.

«Au moyen des dispositions ci-dessus, tout ce qui est destiné à renforcer le sixième corps doit changer de route; au lieu de se diriger sur Mayence, tous ces renforts se dirigeront sur Phalsbourg, où vous leur enverrez des ordres selon les circonstances pour vous rejoindre.

«Je joins ici un état des détachements destinés pour le sixième corps, dont le départ est annoncé jusqu'à ce moment. Il est divisé en quatre parties:

«1° Les détachements qui doivent déjà avoir rejoint;

«2° Ceux qui ont reçu des ordres pour s'arrêter en route;

«3° Ceux qui ne paraissent pas pouvoir être détournés avant leur arrivée à Mayence. Donnez des ordres pour que de là ils vous rejoignent directement sur Colmar;

«4° Ceux qui pourront être détournés à leur passade dans la troisième division militaire. J'écris au duc de Valmy de les diriger sur Phalsbourg, où vous leur enverrez des ordres.

«Je recommande aussi à M. le duc de Valmy de faire diriger pareillement sur Phalsbourg tout ce qui appartiendrait aux premier et cinquième corps de cavalerie.

«J'écris également au général Buty, commandant en chef l'artillerie de l'armée, et au commandant des équipages militaires à Metz, de diriger dorénavant sur Phalsbourg tout ce qui est destiné pour les deuxième et sixième corps d'armée, et pour les premier et cinquième corps de cavalerie.

«L'Empereur vient de prescrire des dispositions pour faire réunir sans délai un autre corps d'armée à Épinal et un autre à Langres.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 3 janvier 1814.



«Je vous ai adressé hier, monsieur le duc, l'ordre de continuer votre mouvement avec le sixième corps d'armée et le premier corps de cavalerie, et leur artillerie, pour vous porter sur Colmar. L'intention de l'Empereur est qu'en dirigeant ce qui est sous vos ordres sur Colmar vous vous rendiez en toute diligence dans cette ville, et que vous y preniez le commandement du cinquième corps de cavalerie et de la division du deuxième corps d'armée, afin d'en tirer vous-même le meilleur parti possible.

«L'Empereur désire que vous pressiez la marche du sixième corps d'armée et du premier corps de cavalerie sur Colmar, et que vous ne vous laissiez pas amuser par des craintes de passage.

«Le duc de Bellune, qui reste à Strasbourg, réunira sous ses ordres tout ce qui doit composer les deux autres divisions de deuxième corps d'armée.

«L'Empereur a ordonné des levées en masse; on s'occupe du mode d'exécution, et le général Berkeim est nommé pour commander les levées du Haut-Rhin. Il se tiendra près de vous. Il aura avec lui des officiers du pays. Les généraux de l'insurrection seront chargés de donner des ordres pour l'organisation, par tiers, de la population des villages; ils en formeront des compagnies, nommeront les officiers, donneront des ordres pour sonner le tocsin, formeront des corps de partisans dont ils nommeront les chefs, et auxquels ils donneront des patentes de partisans.

«On s'occupe à préparer des instructions pour régulariser et utiliser cette importante mesure.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«7 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte que j'ai fait partir un convoi de vivres pour Bitche. J'espère qu'il arrivera à bon port: la place en a un très-grand besoin.

«L'ennemi s'est présenté aujourd'hui devant Sarrebrück, avec une avant-garde d'infanterie et de cavalerie. Il paraît qu'il est arrivé aujourd'hui beaucoup de monde à Deux-Ponts. Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour retarder ce passage de la Sarre par l'ennemi. J'ai réglé la défense de la haute Sarre, et je retourne demain du côté de Sarrebrück.

«Je vais établir mon quartier général et nos principales forces à Forbach, pour être plus en mesure de me porter sur les différents gués.


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«7 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte que j'ai beaucoup de déserteurs parmi les soldats des départements du Mont-Tonnerre et de Rhin-et-Moselle, et cela dans toutes les armes, chasseurs, hussards, fantassins et cuirassiers.--Tous les Hollandais qui avaient été incorporés sont partis.

«Le régiment de hussards hollandais ayant eu une trentaine de déserteurs depuis quelques jours, j'ai pris le parti de faire démonter et désarmer cinquante Hollandais qui lui restaient, et j'ai demandé les chevaux, armes, etc., etc., au 10e régiment de hussards.

«Il se passe ici une chose très-fâcheuse pour le bien du service de Sa Majesté, les autorités civiles et les gendarmes fuient avec une rapidité dont rien n'approche, de manière qu'ils jettent l'alarme et nous privent des secours qu'ils donneraient à l'armée.--Les gendarmes de Deux-Ponts sont partis il y a quatre jours; le sous-préfet de Sarreguemines il y a deux jours; il en est de même partout.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Forbach, le 8 janvier 1814, onze heures du soir.



«J'ai eu l'honneur de rendre compte à Votre Altesse Sérénissime que j'avais pris position sur la Sarre, et fait faire un convoi sur Bitche. J'ai inspecté ma ligne ce matin et j'ai reconnu que, par une négligence inimaginable, tous les bateaux que j'avais fait réunir à Sarrebrück avaient un peu descendu la rivière, et étaient sur la rive droite au pouvoir de l'ennemi.

«Ces bateaux étaient assez nombreux et assez grands pour pouvoir nous porter huit mille hommes par passage. L'ennemi n'étant point encore en force sur ce point, je n'ai pas perdu un seul instant pour faire arriver du canon, chasser les postes ennemis, et prendre possession de ces bateaux par des nageurs soutenus par un grand nombre de tirailleurs. Cette opération, quoique en plein jour, s'est faite avec tout le succès possible.

«L'ennemi a porté des forces assez considérables sur la haute et la basse Sarre, et cependant je sais, à n'en pouvoir douter, qu'il manoeuvre sur les deux rives de la Moselle.

«Les troupes qui sont en face de Sarrelouis sont des troupes prussiennes du corps d'York, qui a débouché par Coblentz et Baccarach.--Les troupes qui ont débouché par deux ponts sur la haute Sarre, sont, je crois, du corps de Sacken.

«Je garde tous les gués et passages de la Sarre, depuis au-dessous de Sarrelouis jusqu'au-dessus de Sarreguemines, et je resterai dans cette position tant que l'ennemi ne forcera pas un de ces passages, ou ne menacera pas mes communications en marchant par la haute Sarre.

«J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour former l'approvisionnement de Sarrelouis, dont on ne s'était nullement occupé. Le commandant de Sarrelouis ayant perdu la tête, j'ai dû, d'après ce que les règlements m'autorisent à faire, donner un autre commandant à cette place, et j'ai fait choix du colonel du 59e régiment, qui est un officier ferme, et qui saura créer des ressources et montrer du courage et de la persévérance. J'ai cru devoir augmenter sa garnison, assez mal composée, d'un bataillon de son régiment, fort de deux cents hommes, ce qui la portera à douze cents hommes de troupes, et quatre cents gardes nationales.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Forbach, le 9 janvier 1814, midi.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte que l'ennemi a forcé le passage de la rivière à Rehling, au-dessous de Sarrelouis, et qu'il débouche en force avec infanterie, cavalerie et artillerie. J'ai reçu également le rapport que les ennemis se sont beaucoup augmentés du coté de Sarreguemines, tandis que les rapports du pays annoncent que l'ennemi est entré avant-hier à Saverne. Ces différentes circonstances me déterminent à me porter demain matin à Saint-Avold, avec la plus grande partie de mes forces, en laissant mon avant-garde à Forbach; je me rapprocherai ensuite de Metz en manoeuvrant suivant les circonstances.

«Le duc de Valmy m'écrit que je ne puis recevoir de secours en vivres de Metz. Cependant, dans la circonstance où je me trouve, il faut que mes subsistances soient assurées d'une manière régulière, et, certes, la chose est aussi pressante que facile. Il paraît que le duc de Valmy brouille tout au lieu de mettre l'ordre. Je redoute beaucoup les entraves que je vais éprouver par son voisinage. D'un autre côté, on m'assure que l'ennemi est entré à Épinal, et j'ignore ce que devient le duc de Bellune, dont la position influe beaucoup sur la mienne. Sa Majesté appréciera les inconvénients graves de cet état de choses, et combien il serait nécessaire de le faire cesser.

«Votre Altesse Sérénissime connaît les intentions de Sa Majesté, relativement à la formation de la garnison de Metz. Si j'y dois fournir des troupes, il faudrait y employer de préférence celles du général Durutte, qui sont peu en état de tenir la campagne, leurs magasins et leurs officiers payeurs étant à Mayence.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Longueville, le 10 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Altesse Sérénissime que, les troupes légères que j'avais placées sur la haute Sarre m'ayant prévenu hier qu'un corps ennemi nombreux avait passé la Sarre à Sarralbe et marchait sur Pettelange, tandis que, d'un autre côté, j'avais reçu le rapport que l'ennemi avait passé la rivière et construit un pont à Rehling, ce mouvement sur Pettelange ne pouvant avoir d'autre objet que de s'emparer avant moi du défilé de Saint-Avold, le seul par lequel je puis me retirer, je suis parti ce matin pour m'y rendre, et j'ai occupé la position de Longueville que j'avais fait reconnaître. Je tiens Saint-Avold en avant-garde, d'où je pousse des partis dans toutes les directions. Cette position de Longueville me donne les moyens de voir venir l'ennemi sans me compromettre. Elle a aussi cela d'avantageux qu'elle ne peut être tournée que par la route de Sarrelouis à Metz, ou par la route de Sarreguemines à Mozanges et Faulquemont, ce qui serait extrêmement long. La position par elle-même est assez bonne pour que je puisse y rester assez de temps pour forcer l'ennemi qui marchait à moi de déployer toutes ses forces. Je compte donc y rester tant que la chose sera possible. Je me trouve couvrir Metz qui en a grand besoin, à ce qu'il paraît, pour le moment, garder les principaux débouchés de la Sarre, et tenir la tête d'une route qui mène sur Nancy.

«Votre Altesse avait ordonné au duc de Valmy que tous les détachements qui appartiennent à des corps qui se trouvent séparés de l'armée me seraient envoyés pour être incorporés dans le sixième corps.

«Non-seulement cette disposition ne s'exécute pas; mais le duc de Valmy envoie dans les places des détachements de mes régiments, habillés, armés, et prêts à entrer en campagne, et cela sans connaître la position des troupes et de l'ennemi. Ainsi, par exemple, j'ai appris ce matin qu'il avait envoyé sur Sarrelouis un détachement du 37e léger.--J'ai pu le rallier; mais il serait tombé au pouvoir de l'ennemi s'il eût continué sa route.

«Cette disposition est d'autant plus mauvaise, que les garnisons des places peuvent être faites avec des conscrits non habillés. Il est bien urgent que les bataillons de campagne reçoivent des recrues, car, lorsque j'aurai un corps plus nombreux, plus disponible, et non de simples cadres qu'il faut conserver, je pourrai agir offensivement sur les forces de l'ennemi, qu'il paraît diviser beaucoup. Mais il n'est pas en mon pouvoir de rapprocher ce moment, presque aucun moyen ne m'arrivant.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Longueville, le 12 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte que le corps de Sacken suit la même route que moi, tandis que le corps d'York, qui a passé la Sarre à Rehling, marche par la route directe de Sarrelouis à Metz. Les premières troupes de cavalerie de ce dernier corps d'armée ont couché hier à Boulay, dont elles ont chassé mes postes, et ont paru ce matin à Condé, marchant dans la direction de Metz. L'arrière-garde du corps de Sacken est arrivée dans la journée à Saint-Avold, que j'occupais également par une avant-garde. Ces forces se sont pelotonnées, et elles nous ont forcés, après un petit engagement, à abandonner cette ville.

«D'après la certitude que j'ai, que j'aurai demain matin le corps de Sacken en présence et le corps prussien plus près que moi de Metz, je pars cette nuit pour me rapprocher de cette ville, où j'arriverai demain soir, et je tiendrai position derrière la Moselle tout le temps que je pourrai.

«Sa Majesté peut juger de l'esprit qui règne parmi les conscrits par ce qui vient de se passer. Sur un détachement de trois cent vingt hommes armés, parti avant-hier de Metz, il en est arrivé ici, ce matin, deux cent dix.

«Il paraît constant que voilà la disposition des corps ennemis qui sont en présence. Le corps Saint-Priest sur Trèves et Luxembourg; le corps de Sacken, venant de Sarrebrück; le corps prussien, dans lequel se trouve le prince Guillaume de Prusse, ayant un détachement devant Sarrelouis et marchant sur Metz. Le corps de Langeron (russe) et le corps de Kleist autour de Mayence.

«J'ignore ce qu'est devenue la colonne bavaroise et badoise, environ dix mille hommes, qui était aux environs de Wissembourg. Toutes ces troupes sont sous les ordres du feld-maréchal Blücher.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Metz, le 12 janvier 1814.



«J'ai eu l'honneur de vous rendre compte hier de la marche du corps de Sacken et de l'engagement que j'avais eu hier au soif avec son avant-garde. L'ennemi opère aussi, ainsi que je vous l'ai mandé, par la route de Sarrelouis à Metz, ce qui a rendu nécessaire de me rapprocher de l'embranchement des routes, afin de ne pas perdre ma communication avec Metz. Nous avons eu dans la soirée des engagements de cavalerie assez vifs dans les directions de Boulay et de Courcelles; l'ennemi a montré de chaque côté un millier de chevaux. Je calcule que demain j'aurai devant moi de fortes avant-gardes, et après-demain toutes les forces ennemies. Je me dispose à faire tout ce qui sera convenable pour défendre le plus possible la Moselle.

«Je suis venu de ma personne, ce soir, ici, afin de connaître dans quel état se trouve la place, et de prendre toutes les dispositions que commandent les circonstances: elles sont arrêtées et seront exécutées sans retard. J'ai formé la garnison, et, à cet effet, j'ai disposé d'un bataillon du sixième corps, et des bataillons des 22e, 69e et 28e léger, qui étaient destinés au onzième corps et n'ont pas pu s'y rendre par suite de la position de l'ennemi. Avec les bataillons qui sont ici et les conscrits qui sont arrivés, la place aura suffisamment de monde. Elle va être complétement pourvue de toutes sortes de moyens. En conséquence, je fais partir pour Châlons tous les dépôts qui encombrent cette place et qu'il est si nécessaire de conserver pour la réorganisation de l'armée. J'en informe le ministre de la guerre, pour qu'il puisse leur donner une destination définitive. Je me suis occupé également de la place de Thionville, qui recevra demain un supplément de garnison. D'après cela, la vieille garde part demain matin pour la destination qui lui a été assignée.

«Comme je m'affaiblis beaucoup, le général Curial consent à me laisser la division de voltigeurs qui sort de Thionville, mais qui, étant en campagne, sera toujours à même d'exécuter les ordres de Sa Majesté.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 13 janvier 1814.



«Monsieur le duc de Raguse, je vous envoie l'instruction générale que l'Empereur m'a ordonné de vous adresser, ainsi qu'à MM. les maréchaux prince de la Moskowa, duc de Bellune, duc de Trévise, duc de Tarente, et au général Maison, commandant le corps d'Anvers. Lisez-la avec attention, et conformez-vous-y en tout ce qui peut vous concerner.

«Voici un aperçu de la situation des armées ennemies de la coalition. Ces armées ont conservé la même organisation qu'elles avaient pendant la campagne dernière.

«Les forces de l'ennemi sont divisées en trois armées:

«Celle du Nord, commandée par le prince royal de Suède;

«L'armée de Silésie, que commande le général Blücher;

«La grande armée, que commande le prince de Schwarzenberg.

«L'armée du Nord, que commande le prince royal de Suède, est vis-à-vis Hambourg; elle a une division vis-à-vis Wesel, et une autre, commandée par le général Bulow, sur Bréda.

«Le général Wintzingerode, avec une division légère d'environ trois mille cinq cents hommes, se porte sur le Wahal.

«L'ennemi a en outre vingt-cinq mille hommes devant Magdebourg, et seize mille devant Custrin et Glogau.

«L'armée de Blücher, selon tous les renseignements, a passé le Rhin avec quarante-cinq mille hommes; elle doit en avoir laissé vingt mille sur Mayence.

«On porte l'armée du prince de Schwarzenberg à quatre-vingt-dix mille hommes. Il en a environ vingt mille autour de Besançon, quinze ou vingt mille en Suisse pour maintenir ce pays, vingt mille pour observer Huningue et les autres places de l'Alsace.

«Cette armée sera bientôt obligée d'avoir une vingtaine de mille hommes pour couvrir le siège de Béford.

«D'après ces données, l'ennemi aurait donc sur notre territoire:

«Quinze mille hommes en Hollande;

«Cinq mille Hollandais;

«Cinq mille Anglais;

«Total: vingt-cinq mille hommes.

«Quarante-cinq mille de Blücher;

«Quatre-vingt-dix mille du prince de Schwarzenberg;

«Total: cent soixante mille hommes.

«L'ennemi prétend avoir deux cent mille hommes; il augmenterait ses forces réelles d'un huitième.

«Il a, outre cela:

«Trente-cinq mille hommes de l'armée du Nord devant Hambourg;

«Vingt-cinq mille devant Magdebourg;

«Quinze mille devant Custrin et Glogau;

«Quatre mille devant Würtzbourg;

«Douze mille devant Erfurth;

«Ce qui fait à peu près cent mille hommes sur la rive droite du Rhin.

«Cela, joint aux cent soixante mille hommes qu'il a sur notre territoire, à la rive gauche, forme environ trois cent mille hommes.

«Il doit avoir une centaine de mille hommes dans les hôpitaux, malades ou blessés; ce qui suppose quatre cent mille hommes indépendants de l'armée d'Italie.

«Les vingt-cinq mille hommes qu'il a en Hollande sont employés à observer le Helder, que nous occupons avec deux mille Français, qui ont des vivres pour neuf mois; les places de Naarden, Wesel, Berg-op-Zoom, Gorcum, où nous avons quatre mille hommes; ce qui doit faire présumer que l'armée du Nord n'a pas plus de dix mille hommes disponibles pour opérer.

«Il suit de cet aperçu qu'il ne paraît pas que l'ennemi soit en mesure de pénétrer davantage dans l'intérieur de la France, et que la position du corps commandé par le général Maison en avant d'Anvers,

«Du corps du duc de Tarente sur la Meuse, de votre corps sur la Sarre,

«Du corps du duc de Bellune et du prince de la Moskowa sur les Vosges,

«Du corps du duc de Trévise sur Langres,

«Et enfin de l'armée de réserve qui se forme à Paris, à Troyes et à Châlons, formant, par la réunion de tous ses corps, une armée de cent trente à cent cinquante mille hommes en avant de Paris, indépendamment d'une armée de cinquante mille hommes qui se forme à Lyon; tout cela, dis-je, donne donc lieu à Sa Majesté de penser que l'on est en mesure de tenir l'ennemi au delà des Vosges, et sans qu'il puisse faire des progrès, en deçà de la Sarre et en deçà de la Meuse, et que, si enfin on peut maintenir les choses une vingtaine de jours dans cette situation, on sera alors en mesure de rejeter l'ennemi au delà du Rhin.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 13 janvier 1814.



INSTRUCTION GÉNÉRALE

«Pour le corps d'armée d'Anvers;
«Pour le duc de Tarente;
«Pour le duc de Raguse;
«Pour le duc de Bellune;
«Pour le prince de la Moskowa;
«Pour le duc de Trévise.

«L'ennemi opère par trois masses:

«1° Il ne paraît pas que celle qui déboucherait par Bréda, et que commande le général Bulow, puisse opérer avec plus de neuf à dix mille hommes.

«Le général Maison est en mesure de la contenir et de la battre.

«2° Le général Blücher commande toute l'armée de Silésie, c'est-à-dire la division Saint-Priest, la division Langeron, celle d'York et celle de Sacken.

«Obligé de laisser vingt à vingt-cinq mille hommes sur Mayence et sur le Rhin, il ne peut pas opérer avec plus de trente mille hommes.--Il se porte sur la Sarre, et dès lors il devra masquer Sarrelouis. S'il passe la Sarre, et qu'il se porte sur la Moselle, il devra masquer Luxembourg, Thionville, Marsal et Metz. Son corps sera à peine suffisant pour toutes ces opérations.

«Le duc de Raguse doit l'observer, le contenir, manoeuvrer entre les places; et, si, par une chance qui n'est pas présumable, il était obligé de repasser la Moselle, il jetterait la division Durutte dans Metz et préviendrait toujours l'ennemi sur le grand chemin de Paris.

«Dans cette supposition, le duc de Tarente, qui réunit son corps sur la Meuse, observerait le flanc droit de l'ennemi, défendrait Liége et la Meuse, et suivrait toujours le flanc droit de l'ennemi, de manière à ne pas cesser de couvrir les débouchés de Paris.

«Si, au contraire, Blücher, après avoir tâté la Sarre, se porte sur la basse Meuse pour menacer la Belgique, le duc de Tarente défendra la Meuse et le duc de Raguse suivra le flanc gauche de l'ennemi pour observer ses mouvements, le contenir, le retarder, lui faire le plus de mal possible.

«3° L'armée du prince de Schwarzenberg a besoin de vingt mille hommes pour son opération de Besançon et vingt mille hommes pour contenir la Suisse, et de vingt à vingt-cinq mille hommes pour masquer les places d'Alsace: elle doit être contenue par le corps du duc de Trévise à Langres, par le corps du prince de la Moskowa sur Nancy à Épinal, et par celui du duc de Bellune sur les Vosges. Ces trois maréchaux doivent correspondre entre eux. On doit se réemparer des gorges des Vosges, les barricader, et y réunir les gardes nationales, les gardes champêtres, les gardes forestiers et les volontaires. Et, si enfin l'ennemi pénétrait en force dans l'intérieur, les troupes doivent lui barrer le chemin et couvrir toujours la route de la capitale, en avant de laquelle l'Empereur réunit une armée de cent mille hommes.

«Telle est l'instruction générale pour les opérations.

«Les maréchaux peuvent faire des proclamations pour repousser les invectives des généraux ennemis. Ils doivent faire connaître que deux cent mille hommes de gardes nationales se sont formés en Bretagne, en Normandie et en Picardie, et dans les environs de Paris, et qu'ils s'avancent sur Châlons, indépendamment d'une armée de réserve de ligne de plus de cent mille hommes; que, la paix étant faite avec le roi Ferdinand et les insurgés d'Espagne, nos troupes d'Aragon et de Catalogne sont en pleine marche sur Lyon, et celles de Bayonne sur Paris; enfin prédire aux ennemis que le territoire sacré qu'ils ont violé les consumera.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Metz, le 13 janvier 1814.



«Je reçois la lettre que Votre Altesse Sérénissime m'a fait l'honneur de m'écrire le 11.

«Les mouvements que j'ai exécutés sans combattre ont été le résultat nécessaire de la marche sur mes flancs de forces supérieures, qui menaçaient de s'emparer avant moi des seuls points par lesquels je pouvais effectuer ma retraite, et de la situation de mes troupes qui ne présentent que des cadres. Si je dois combattre avant d'avoir reçu des renforts, je le ferai avec beaucoup plus d'avantages derrière la Moselle, appuyé à toutes les places, et avec ma retraite assurée dans toutes les directions, que je ne l'aurais fait dans les défilés de la Lorraine allemande, car ces défilés ne peuvent être défendus que lorsqu'on les occupe tous, sous peine d'être dans la position la plus critique; et, pour les occuper tous, il fallait plus de monde que je n'en ai.

«J'ai fourni pour Metz, Sarrelouis et Thionville, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous en rendre compte, cinq cadres de bataillons, savoir: les bataillons du 28e léger, 22e, 59e, 69e de ligne, qui n'avaient pu rejoindre le duc de Tarente, et un bataillon du 14e de ligne.--Ces cadres, avec les conscrits qui leur seront donnés, donneront le moyen de compléter ces garnisons.

«Mes forces sont aujourd'hui de six mille hommes d'infanterie en quarante-huit bataillons et deux mille cinq cents hommes de cavalerie.--J'aurai l'honneur de vous adresser demain un état de situation détaillé.

«Si j'avais trente mille hommes disponibles ici, je ferais changer tout le système de campagne de l'ennemi, et, appuyé aux places, je le forcerais à se concentrer, après avoir battu tous ses corps séparés;--si j'en avais la moitié, je remplirais une grande partie de ce plan.

«L'avant-garde du corps de Sacken, avec laquelle nous avons eu affaire à Saint-Avold, est arrivée devant nous ce matin. Il est arrivé également par la route de Sarrelouis un corps de cavalerie, qui appartient sans doute au corps d'York. Cependant il semblerait qu'une partie de ce corps vient de quitter la direction qu'il suivait sur Metz pour se porter sur Thionville.

«Je prépare par tous les moyens possibles une bonne défense de la Moselle, autant que tout ce qui se passera du côté de Nancy le permettra


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Metz, le 14 janvier 1814.



«Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Altesse que, d'après mes rapports, le corps prussien a pris position à une lieue de la Moselle, sur la rive droite, entre Thionville et Metz. Le corps de Sacken est devant moi, à quelque distance; son avant-garde a ses postes établis en présence des miens. Il n'y a eu aujourd'hui aucun engagement sur ce point. J'ai envoyé une division à Pont-à-Mousson pour garder ce poste important. L'ennemi y a présenté cinq ou six cents chevaux, qui ont été repoussés. Cette division me sert d'avant-garde et m'éclaire du côté de Nancy. D'après les nouvelles que j'ai reçues, l'ennemi doit être dans cette ville depuis ce matin. Je l'ai envoyé reconnaître. Mon intention était, aussitôt qu'il serait entré dans cette ville, de marcher sur lui, couvert par la Moselle, contre les corps que j'ai en présence, afin de le prendre en flanc dans son mouvement sur Toul; mais une crue de la Moselle, qui est sans exemple, a couvert d'eau, dans la journée, tout le pays entre Metz et Pont-à-Mousson, au point de le rendre tout à fait impraticable aux voitures pour le moment.

«J'occupe toujours, par une forte avant-garde, le dehors de Metz à une lieue, et je me lie, par de la cavalerie, sur la rive gauche, avec Thionville.

«Mes rapports m'annoncent la présence de partis du côté de Luxembourg.

«La nécessité indispensable de mettre de l'ordre dans le service de la place de Metz, où rien n'était établi pour ta sûreté de la ville, l'incapacité absolue du général Roget et le peu de confiance dont il jouit parmi les habitants, m'ont déterminé à nommer un commandant supérieur à Metz, en attendant celui qu'il plaira à Sa Majesté d'y envoyer, et j'ai fait choix du général de division Durutte, qui, par son exactitude et son zèle, me parait propre à ces fonctions.

«La ville de Metz est dans un très-bon état de défense. Le préfet a beaucoup fait pour son approvisionnement, et il y aura, soit en troupes, soit en gardes nationales armées, soit en canonniers et ouvriers militaires ou bourgeois, douze mille hommes.

«J'ai fait partir presque tous les dépôts pour Châlons, et les derniers partiront demain; j'en préviens le ministre, afin qu'il leur assigne les destinations qu'il jugera convenables. Le matériel de l'équipage de camp, qui était ici, s'est mis en route ce matin; toute l'artillerie de la garde est également partie.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL

«Metz, le 15 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'étant informé de l'entrée de l'ennemi à Nancy, et de la retraite des troupes françaises sur Toul, d'un autre côté, le général Ricard, qui avait reçu la nouvelle de la marche de l'ennemi sur Thiaucourt, ayant cru devoir se mettre en marche de Pont-à-Mousson, qu'il occupait, pour se rendre sur ce point; d'après ces divers mouvements, je me trouve forcé de quitter les bords de la Moselle pour me rapprocher de la Meuse.

«Je compte partir demain, laissant Metz dans un très-bon état de défense.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL

«Metz, le 16 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte que je viens de recevoir une lettre du duc de Bellune, en réponse aux nouvelles que je lui avais demandées, par laquelle il m'annonce qu'il a pris position à Toul et que le prince de la Moskowa occupe... et Ligny. La lettre du duc de Bellune me faisant supposer qu'il a l'intention de rester quelque temps dans cette position, je prends moi-même position à Gravelotte à deux lieues de Metz, observant la Moselle et ayant une avant-garde dans la direction de Pont-à-Mousson.

«Je pourrai garder cette position autant de temps que le duc de Bellune restera à Toul, et que l'ennemi ne débouchera pas sur moi ou sur Saint-Mihiel avec des forces supérieures. Il est extrêmement fâcheux que le prince de la Moskowa n'ait pas ordonné de couper le pont sur la Moselle à Frouard, à l'instant où il a évacué Nancy. Le général Ricard aurait également fait couper celui de Pont-à-Mousson, et il aurait pu rester sur les bords de la Moselle sans s'occuper de Thiaucourt, sur lequel on lui a dit que l'ennemi se portait par Bernecourt.

«Quoi qu'il en soit, depuis que je sais que le duc de Bellune tient à Toul, j'ai donné l'ordre au général Ricard de garder Thiaucourt le plus longtemps possible, voulant rester à Gravelotte et conserver la communication avec Metz tant que cela sera possible, et que je ne courrai pas risque de voir ma communication compromise.

«J'ai envoyé sur Verdun la division de la jeune garde, conformément à l'ordre que j'ai reçu. Il serait utile que ces troupes restassent sur la Meuse pour me soutenir au besoin.

«Je viens de recevoir la lettre de Votre Altesse, du 13, et l'instruction qui y est jointe. Aux détails que votre lettre contient sur l'armée de Silésie, il faut ajouter le corps de Kleist qui, d'après le rapport que j'ai reçu hier au soir, vient de rejoindre, et un corps bavarois et badois de sept à huit mille hommes, qui était près de Bitche il y a huit jours, et qui paraîtrait avoir opéré sur Dieuze et revenir maintenant sur Metz; un corps considérable, qui ne peut être que celui-là, ayant été vu avant-hier descendant la côte de Delme, route de Strasbourg à Metz.

«Le corps de Sacken m'a suivi de fort près, et a pris position sur la Nied, le jour où je me suis établi en avant de Metz, à la croisée des routes de Sarrebrück et de Sarrelouis.

«Le lendemain, ce corps s'est porté, par des chemins de traverse, dans la direction de Pont-à-Mousson, en passant par Soigne. Les troupes ont été vues et comptées par un habitant digne de foi. Le même jour, ce corps a été remplacé devant moi par les troupes du corps d'York, et il paraît qu'hier le corps de Kleist est arrivé aux environs de Thionville, et s'est placé entre Thionville et Metz.

«Le 13, j'ai envoyé une division à Pont-à-Mousson, afin de défendre ce poste important; mais Sacken n'y a rien entrepris. Quant au corps de Saint-Priest, qui fait également partie de l'armée de Silésie, il paraît que c'est lui qui est entré à Trèves, mais il n'y est plus, et je ne sais ce qu'il est devenu; il est possible qu'il ait fait face au duc de Tarente. Le corps de Langeron est devant Mayence.

«D'après le mouvement du général Sacken, je me serais porté en masse sur Pont-à-Mousson, afin de me lier davantage avec les troupes du duc de Bellune, laissant Metz et Thionville me couvrir contre le corps prussien, si la crue subite de la Moselle et les inondations qui en ont été la suite, occasionnées à ce qu'il paraît par l'ouverture de plusieurs étangs des Vosges, n'avaient couvert la route de la rive gauche de la Moselle de manière à la rendre tout à fait impraticable aux voitures, et cela deux heures après le passage de la division Ricard. Maintenant que l'ennemi est maître du défilé de Pont-à-Mousson, cette opération ne serait plus praticable, lors même que les inondations viendraient à disparaître.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

»Paris, le 16 janvier 1814.



«Monsieur le duc de Raguse, je viens de faire connaître à M. le maréchal duc de Bellune que l'Empereur a été surpris qu'il ait abandonné Saint-Nicolas et Nancy sans se battre et sans défendre la Meurthe, quand vous avez votre corps d'armée en avant de Metz et que vous faites occuper Pont-à-Mousson; je lui mande que le duc de Trévise est en avant de Langres où il arrête l'ennemi; que l'on ne doit pas supposer qu'il ait devant lui autant de forces qu'il l'annonce, puisque l'ennemi a une grande partie de ses troupes dans l'Alsace et devant nos places, devant Gênes et sur Bourg-en-Bresse, pour menacer Lyon. Je préviens le duc de Bellune que la Meurthe et la Moselle forment une barrière qu'il doit défendre, et que l'essentiel est de retarder la marche de l'ennemi autant qu'il sera possible, et de pouvoir attendre jusqu'au 15 février; nous aurons alors une grande armée. Concertez-vous avec le duc de Bellune et le prince de la Moskowa.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Paris, le 17 janvier 1814, onze heures du soir.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'Empereur espère que vous n'aurez pas quitté Metz, car c'est très-mal à propos que le duc de Bellune a quitté Nancy pour se porter à Toul; rien n'est aussi ridicule que la manière dont ce maréchal évacue le pays: je lui donne l'ordre de tenir à Toul. L'Empereur va se porter à Châlons. J'écris au duc de Tarente de se rapprocher de nous en suivant nos mouvements. Je reçois à l'instant votre lettre du 16 à midi. Je vais la mettre sous les yeux de l'Empereur.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Harville, le 17 janvier 1814.



«J'ai eu l'honneur de rendre compte à Votre Altesse Sérénissime de mon mouvement pour me rapprocher de la Meuse. J'avais envoyé, dès hier matin, des officiers en poste pour préparer la défense de la Meuse, et faire sauter les ponts depuis Saint-Mihiel jusqu'à Verdun.--Mais la fatale imprévoyance du prince de la Moskowa, qui, en évacuant Nancy, n'a pas fait sauter le pont de Frouard sur la Moselle, a donné à l'ennemi le moyen d'arriver sur la Meuse avant moi, et a empêché que les dispositions eussent leur effet.

«L'officier que j'avais envoyé à Saint-Mihiel arrive et m'annonce que l'ennemi y est entré ce matin en forces.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL

«Verdun, le 18 janvier 1814.



«Monseigneur, j'ai eu l'honneur de vous écrire hier que l'armée ennemie était en mouvement sur Saint-Mihiel et que son avant-garde y était arrivée hier matin. Cette nouvelle était fausse; cependant j'étais autorisé à y croire, puisqu'elle m'était donnée par un des officiers que j'emploie habituellement à courir le pays pour avoir des nouvelles, et qui arrivait des environs de Saint-Mihiel pour m'en informer, et qui m'a fait jusqu'ici des rapports exacts. Elle était d'ailleurs probable, puisque l'ennemi possédait, depuis le 14, le pont de Frouard et qu'il n'y a que deux petites marches de Nancy à Saint-Mihiel, et que c'était hier le 17, ce qui aurait supposé que l'ennemi avait commencé son mouvement du 15 au 16, dans l'espérance de remplir l'objet important de surprendre le passage de la Meuse. Enfin, rien ne contredisait cette nouvelle, puisque le général Ricard, qui occupait Pont-à-Mousson, s'était retiré tout à fait en arrière sans s'arrêter à Thiaucourt, d'où il aurait su à quoi s'en tenir sur les mouvements prétendus de l'ennemi: mais il avait cru utile de s'éloigner, et dès lors j'étais privé d'avoir des nouvelles par lui. J'ai eu ce matin des rapports qui m'ont fait présumer que l'ennemi n'était point en force à Saint-Mihiel, et j'y ai envoyé en toute hâte un détachement d'infanterie et de cavalerie sous les ordres du colonel Fabvier. On y a surpris cinq cents Cosaques, qu'on a chassés et à qui on a fait quelques prisonniers. En ce moment, Saint-Mihiel est occupé; on dispose tout pour rompre le pont à l'approche des forces de l'ennemi, et je suis en situation de défendre la Meuse autant de temps qu'on voudra: tout dépend de celui que restera le duc de Bellune. Mes troupes sont à Verdun et sur les bords de la Meuse, et j'ai une forte avant-garde à Haudeaumont, dont les postes sont à Manheulle. Dans cette position, je suis à même d'exécuter tous les mouvements que les circonstances pourront exiger.»



LE MARÉCHAL MARMONT AU MARÉCHAL NEY.

«19 janvier 1814.



«Monsieur le maréchal, les forces ennemies de toutes armes que vous supposez exister à Saint-Mihiel se réduisent à quatre cents Cosaques. Des rapports semblables à ceux que vous avez reçus m'avaient été faits et présentés avec quelque apparence de vérité, mais j'en ai bientôt reconnu l'exagération. Alors je me suis décidé à envoyer sur ce point des troupes qui en ont chassé les Cosaques, qu'elles ont surpris et à qui elles ont pris quelques hommes, et j'occupe Saint-Mihiel avec deux mille hommes et six pièces de canon.

«J'ai placé sept à huit cents chevaux pour éclairer la rive gauche de la Meuse depuis Saint-Mihiel jusqu'aux postes du duc de Bellune. J'ai fait détruire tous les ponts entre Verdun et Saint-Mihiel; on va en faire autant entre Saint Mihiel et Commercy, et, dans la journée, le pont de Saint-Mihiel sera miné et prêt à sauter à la moindre apparence d'attaque sérieuse de l'ennemi.

«Il serait bien nécessaire de prendre les mêmes dispositions sur la haute Meuse, à Commercy, à Pagny, etc., etc.; car c'est en créant des obstacles partout que vous pouvez arrêter ou retarder l'ennemi.

«J'ai une forte avant-garde à Haudeaumont; j'en ai une autre à Dieuze, et le reste de mes troupes est ici, sous ma main. Dans cette position, je suis en situation de défendre la Meuse, et j'y resterai tant que l'ennemi ne la passera pas au-dessus de moi. Voilà, monsieur le maréchal, quelle est ma position.

«J'ai l'honneur de vous prévenir que, des quatre à cinq cents Cosaques qui étaient à Saint-Mihiel, cent sont sur la rive gauche de la Meuse. On a barricadé le pont pour empêcher leur retour; il serait peut-être possible de les atteindre.

«Jusqu'ici, je vois des démonstrations faites par l'ennemi, mais je ne vois point d'opérations sérieuses de sa part, et je suis persuade que ses masses sont encore sur la Moselle et sur la Meurthe.--Un voyageur venant de Nancy a assuré même qu'avant-hier il n'y était pas encore entré d'infanterie. Il y a deux jours que le corps de York était devant Metz; une portion a été vue remontant la Moselle dans la direction de Pont-à-Mousson. Le corps de Kleist parait être entre Thionville et Metz.

«Si j'apprends quelque chose d'important, j'aurai l'honneur de vous en informer. Je vous prie, monsieur le maréchal, de me communiquer ce qui viendra à votre connaissance.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU DUC DE BELLUNE

«19 janvier 1814.



«Monsieur le maréchal, j'ai l'honneur de vous informer que, ayant appris votre mouvement sur la Meuse, je m'en suis rapproché. Je pense comme vous que vous pouvez défendre la Meuse, et je crois pouvoir répondre d'y réussir dans l'étendue du pays que j'occupe maintenant, et tant que vous tiendrez à Commercy et à Pagny.

«Voici quelle est la position de mes troupes. J'occupe Saint-Mihiel avec deux mille hommes et six pièces de canon. J'ai placé sept à huit cents chevaux pour éclairer la rive gauche de la Meuse depuis Saint-Mihiel jusqu'à vos postes. J'ai une forte avant-garde à Haudeaumont, dont les postes sont à Manheulle. J'en ai une autre à Dieuze; le reste de mes troupes est ici sous ma main. J'ai fait détruire tous les ponts entre Saint-Mihiel et Verdun, etc., etc.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL

«19 janvier 1814.



«J'ai eu l'honneur de vous rendre compte hier de l'établissement de nos troupes à Saint-Mihiel. J'ai sur ce point la deuxième division de voltigeurs de la garde, forte de deux mille cinq cents hommes, qui était la plus à portée de s'y rendre.

«Tous les travaux relatifs à la rupture du pont seront terminés ce soir à dix heures; mais le pont ne sera coupé qu'en cas d'attaque sérieuse de l'ennemi.

«Divers rapports m'ont annoncé que l'ennemi n'avait avant-hier presque aucune infanterie sur la rive gauche de la Moselle. Cependant le général Decous assure que l'ennemi a deux mille hommes d'infanterie à Bouconville et Xivrai. Je lui ai donné l'ordre de faire demain matin une reconnaissance au delà d'Apremont, afin de savoir d'une manière certaine à quoi s'en tenir.

«Mon avant-garde de Manheulle et Haudeaumont a été attaquée ce soir par un millier de chevaux prussiens. Nous avons eu huit hommes blessés et nous en avons blessé ou pris une quarantaine à l'ennemi, dont un officier. La perte de l'ennemi est le résultat d'une charge qu'il a faite sur le village de Manheulle, qui était occupé par de l'infanterie bien postée, et qui l'a bien reçu. Le rapport du général Piquet, qui commande cette avant-garde, porte que les prisonniers faits annoncent que le corps qui a attaqué est de douze cents chevaux, trois bataillons et plusieurs pièces de canon. J'attends les prisonniers pour les questionner moi-même.

«On a vu huit cents chevaux et deux pièces de canon, mais ni infanterie, ni le reste des pièces indiquées, de manière que je ne puis dire si c'est l'avant-garde d'un corps d'armée. Je le vérifierai demain.

«Dans le cas où l'armée ennemie n'aurait pas fait de mouvement en avant de la Moselle comme des rapports l'annoncent, ou si ce mouvement n'a pas en lieu d'ici à deux jours, je crois qu'il serait tout à fait convenable de se reporter sur la Moselle, car cette ligne est bonne. Mais, pour que cela puisse s'exécuter, pour qu'on y arrive sans danger et de façon à conserver la ligne, il faudrait agir méthodiquement et que toutes les troupes fussent sous le même commandement; car, sans cela, avec l'éloignement des corps de troupes que la garde de cette ligne comporte, il y a beaucoup de chances à courir si elles ne sont pas toujours dans la même main. Dans le placement des troupes sur la Moselle, je pense qu'elles devraient être ainsi disposées:

«Une division sur Pont-à-Mousson, une sur Marbach et Pompey, une sur Toul, une à Bernecourt et une à Thiaucourt avec le quartier général. Quelques postes suffiraient pour se lier avec Metz; mais il faut, je le répète, un seul chef pour diriger tout cela.


LE DUC DE BELLUNE AU MARÉCHAL MARMONT

«Void, le 20 janvier 1814,
cinq heures du soir.




«Une forte colonne de cavalerie ennemie a passé la Meuse pendant la nuit dernière entre Vaucouleurs et Neufchâteau: il est vraisemblable qu'elle est suivie par le corps de Blücher qui est arrivé depuis deux jours à Nancy. Les Cosaques de Platow ont pris la direction de Langres par Saint-Thiébault. Ils ont été remplacés hier à Neufchâteau par un corps bavarois. Un autre corps est devant nous à Commercy, simulant, je pense, un passage pour nous donner le change, car il me paraît que les armées alliées manoeuvrent par leur gauche pour nous prévenir sur la Marne dans les directions de Joinville et de Langres. Peut-être que ceux qui ont passé la Meuse ce matin se dirigent-ils sur Ligny par Gondrecourt. Dans ce cas, notre position sur la Meuse ne serait plus tenable. J'engage M. le maréchal prince de la Moskowa à tenir un parti sur Gondrecourt, afin d'être prévenu à temps des mouvements que les ennemis pourraient faite sur cette route. Je prie Son Excellence d'avoir la bonté de m'en instruire.

«J'envoie par courrier extraordinaire le rapport de ces événements au prince major général.

«LE MARÉCHAL DUC De BELLUNE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Châlons, le 20 janvier 1814.



«Monsieur le duc de Raguse, j'arrive à Châlons, j'y trouve votre lettre du 19 à neuf heures du soir; vous avez fait une excellente opération en reprenant Saint-Mihiel; il paraît que le duc de Bellune occupe Commercy, Void où il a son quartier général, Vaucouleurs et Cudelincourt, derrière Gondrecourt, point important, car l'ennemi paraît avoir beaucoup de cavalerie à Neufchâteau. Le général Defrance a eu une belle affaire de cavalerie à Vaucouleurs contre quatorze cents hommes de cavalerie ennemie qu'il a repoussés. On dit Platow à Neufchâteau avec dix régiments de Cosaques cherchant à inquiéter la droite du duc de Bellune. Le duc de Trévise est à Chaumont où il a l'ordre de tenir; Langres est au pouvoir de l'ennemi.

«Je pars à l'instant pour voir le prince de la Moskowa à Bar-sur-Ornain, et le duc de Bellune à Void; de là je reviens à Châlons. Le duc de Valmy est dans cette ville, le général Belliard m'y remplace en mon absence. Envoyez-moi l'état de situation détaillée de toutes les troupes à vos ordres. J'adresse à l'Empereur votre lettre du 19 qui contient vos projets pour reprendre la ligne de la Moselle; je crois qu'il faut y penser en faisant attention à la droite du duc de Bellune et à l'espace qui se trouve entre Gondrecourt et Chaumont en Bassigny.

«Je ne vous parle point de la place de Verdun, ni de toutes les dispositions que votre prévoyance aura prises. Je recommande au duc de Bellune de se défendre sur la Meuse.

«Je donne l'ordre au payeur général de l'armée, à qui il reste deux cent mille francs en or, de vous les envoyer pour payer les masses de linge et chaussure et ferrage jusqu'au 1er janvier 1814, et ce qui peut être dû sur les deux mois de solde dont le payement a été ordonné par l'ordre du jour; et, s'il reste de l'argent, payer les officiers, mais sans acquitter aucune espèce de traitement extraordinaire.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«20 janvier 1814.



«Les troupes qui se sont présentées hier à Haudeaumont sont bien réellement l'avant-garde du corps d'armée d'York qui débouche. Je ne puis pas douter que ce corps ne marche sur Verdun. Tous mes rapports s'accordent également à dire que le corps de Sacken est en marche sur Saint-Mihiel.

«J'ai rapproché mon avant-garde de Verdun, je l'ai renforcée, et, si un corps ennemi proportionné à mes forces se présente ici, j'espère le bien recevoir.

«Toutes les dispositions sont prises de manière à bien défendre la Meuse, et je doute que l'ennemi parvienne à la passer de vive force sur mon front. Je suis en communication réglée avec le duc de Bellune qui a fait également, à ce qu'il paraît, de bonnes dispositions sur le point qu'il est chargé de défendre.

«La Meuse est tellement gonflée et débordée, qu'il n'est plus possible d'entreprendre de la passer; ainsi les opérations de l'ennemi sont, sur ce point, nécessairement suspendues.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

Verdun, le 21 janvier 1814.



«J'ai reçu la lettre que Votre Altesse Sérénissime m'a fait l'honneur de m'écrire hier. Les espérances que vous aviez conçues sur la défense de la Meuse, et qui étaient extrêmement fondées, ne se sont pas réalisées, car je viens de recevoir une lettre du duc de Bellune, qui m'annonce que l'ennemi a passé la Meuse entre Vaucouleurs et Neufchâteau, et qu'il marche sur Gondrecourt. Il est déplorable qu'on ait néglige de couper les ponts dans cette partie; car avec de la surveillance et de faibles moyens nous pouvions contenir l'ennemi sur cette ligne pendant sept à huit jours.

«Puisque la Meuse n'a pas arrêté l'ennemi un instant, il n'y a pas de raison pour que nous tenions position nulle part, ou au moins il faut changer de méthode.

«J'envoie ordre aux troupes d'évacuer Saint-Mihiel après avoir rompu le pont, et de prendre position sur la route de Verdun à Bar-le-Duc. Je me détermine à me porter moi-même demain dans cette direction pour soutenir le duc de Bellune et le prince de la Moskowa, ou à réunir mes troupes sur Clermont, suivant les nouvelles que je recevrai dans la journée, soit des tentatives que l'ennemi pourrait faire sur la Meuse, soit sur les projets du duc de Bellune; car, si je marche sur Bar-le-Duc, je ne veux pas courir le risque d'y arriver après que cette ville aura été évacuée.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«21 janvier 1814.



«Je réponds à la lettre que Votre Altesse Sérénissime m'a fait l'honneur de m'écrire le 18. Le corps d'York est en ce moment devant moi, au moins la plus grande partie, et le corps de Sacken à sa gauche.

«J'estime, d'après les renseignements que j'ai recueillis, que la force de ce dernier corps est de douze mille hommes. Quant au corps d'York, j'ai moins de données à son égard; mais je pense qu'on peut évaluer sa force de dix-huit à vingt mille hommes.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU DUC DE TARENTE.

«Huitz-le-Maurup, le 24 janvier 1814.



«Monsieur le maréchal, j'ai l'honneur de vous prévenir que le mouvement de l'ennemi par sa gauche s'est tout à fait prononcé.--Il parait même qu'il n'y a plus, ou presque plus personne derrière la Meuse. L'ennemi a attaqué hier, à Ligny, le duc de Bellune, qui s'est retiré à Saint-Didier et Vitry, pendant que j'étais en marche pour me porter sur Bar-le-Duc.

«Je n'ai point de détail de l'affaire qu'il a eue, mais je crois que c'est très-peu de chose. D'après cela, je me suis mis en marche moi-même pour Vitry, afin de le soutenir et de me rapprocher du duc de Trévise, que les manoeuvres de l'ennemi tendent à séparer de nous. L'ennemi paraît avoir une forte avant-garde à Joinville.

«J'ai laissé mon avant-garde aujourd'hui à Bar-le-Duc jusqu'à deux heures, mais personne ne s'est présenté. Il paraît que l'ennemi a suivi la même route que le duc de Bellune et a marché sur Saint-Dizier.

«Le prince de la Moskowa occupait hier Saint-Dizier avec un détachement; le reste de ses troupes s'y est porté cette nuit, et il marche aussi aujourd'hui sur Vitry.

«J'ai envoyé le général Ricard aux Islettes; je compte l'en rappeler après-demain.

«Toul s'est rendu sans faire aucune résistance: nous y avons perdu cinq cents hommes, que le duc de Bellune y avait laissés.

«Telle est, mon cher maréchal, notre situation d'aujourd'hui.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Vitry, le 25 janvier 1814.



«J'ai l'honneur de vous rendre compte que je suis arrivé ici avec la division de la jeune garde et la brigade de cuirassiers. J'ai placé dans les villages touchant Vitry la division Lagrange avec l'artillerie qui est établie à Vitry-le-Brûlé, et la cavalerie légère à Changy et Outrepont.

«Vous savez que la division du général Ricard est aux Islettes avec le 10e hussards et le régiment des gardes d'honneur.

«Je n'ai avec moi qu'une seule compagnie de sapeurs, les deux autres étant avec la division Ricard, parce que je les avais laissées à Verdun lorsque j'en suis parti pour achever de mettre en état cette place.--Cette compagnie, avec les officiers du génie que j'ai, se rendra, aussitôt son arrivée, pour travailler à la réparation de la route en avant de Vitry, conformément à ce que vient de me dire, de votre part, le général Girardin.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Vitry, le 26 janvier 1814,
neuf heures et demie du matin.




«L'Empereur est arrivé à cinq heures du matin à Châlons, et Sa Majesté va être bientôt ici. L'intention de l'Empereur est que je donne l'ordre au duc de Bellune de manoeuvrer pour se réunir tout entier à Saint-Dizier, et que vous, monsieur le maréchal, vous appuyiez le duc de Bellune avec tout votre corps, en vous plaçant entre lui et Vitry.

«Quant aux deux divisions de la jeune garde, elles sont réunies aujourd'hui à Vitry, sous les ordres du maréchal prince de la Moskowa. Toutes les troupes qui étaient à Châlons et échelonnées sur la grande route de Vitry y arrivent. Vous connaissez la position de ce maréchal.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

26 janvier 1814.



«J'exécute le mouvement prescrit par Sa Majesté, et je serai établi ce soir à Heils-Luthier.

«Je laisse cependant trois cents hommes d'infanterie et quatre pièces de canon au pont de Vitry-le-Brûlé, jusqu'à ce qu'ils aient été relevés, ce point me paraissant ne pas devoir rester dégarni; ce qui réduira les troupes d'infanterie à mes ordres de trois mille sept cent hommes jusqu'à l'arrivée du général Ricard.»


LE MARECHAL MARMONT AU MAIRE DE BAR-LE-DUC

Saint-Dizier, le 27 janvier 1814.



«Sa Majesté a rejoint l'armée hier, à la tête de puissants renforts. Elle est entrée sur-le-champ en opération et a chassé ce matin l'ennemi de Saint-Dizier. De prompts succès couronneront sans doute ses entreprises.

«Sa Majesté me charge, monsieur le maire, de vous dire qu'elle ordonne la mise en activité immédiate de la garde nationale de Bar, et qu'elle rend la ville responsable de l'entrée de l'ennemi, lorsqu'il ne se présentera pas en forces, avec de l'infanterie et du canon.

«J'envoie mon aide de camp pour vous faire cette notification et vous faire connaître les ordres de l'Empereur.

«Sa Majesté désire aussi que vous fassiez les plus grands efforts pour envoyer sur-le-champ à Saint-Dizier de nombreux convois de vivres pour l'armée.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES POUR LE 28 JANVIER 1814.

Ordre pour le duc de Raguse.

«Le général Lefebvre-Desnouettes partira sur-le-champ, prendra la tête de la marche, se dirigera sur Éclaron, de là sur Montier-en-Der: il aura avec lui ses douze pièces d'artillerie à cheval.

«Le prince de la Moskowa, avec la division Meunier et la division Decous, suivra: chaque brigade aura son artillerie.

«Le duc de Reggio suivra avec ses deux divisions. Le parc de la garde et celui de l'armée suivront le duc de Reggio, qui les fera escorter.

«Le duc de Raguse formera l'arrière-garde et suivra le parc: il laissera une arrière-garde dans Saint-Dizier toute la journée d'aujourd'hui et pendant toute la nuit. Cette arrière-garde n'évacuera Saint-Dizier que par ordre.

«Le général Ricard, qui est à Bassué, près Vitry, entrera dans Vitry et se portera sur Margerie, route de Vitry à Brienne-le-Château pour se lier avec nous.

«Le général Duhesme restera en position toute la journée où il se trouve, et, à la nuit, il filera sur Vassy. Le duc de Bellune se portera entre Montier-en-Der et Boullencourt, de sa position de Vassy.

«La ville de Vitry continuera d'être tenue en force par la garnison. Il ne sera plus rien expédié de Vitry sur Saint-Dizier.

«Le général Gérard, qui est à Soudé-Sainte-Croix, viendra sur Saint-Ouen, route de Vitry-le-Français à Nogent-sur-Aube.

«Le prince vice-connétable, major général.

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Mézières, le 29 janvier 1814.



«Monsieur le duc de Raguse, nous avons eu une affaire aujourd'hui; l'ennemi a montré de l'artillerie; il est probable que nous nous battrons encore demain. En conséquence, monsieur le maréchal, il est nécessaire que vous partiez demain, 30, avant le jour, avec votre corps, pour vous rendre en diligence sur Brienne, dont nous nous sommes emparés ce soir.

«Le prince vice-connétable, major général,

«Signé: ALEXANDRE.»

LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT

Mézières, le 30 janvier 1814,
deux heures du matin.




«Monsieur le maréchal duc de Raguse, l'Empereur trouve qu'il serait avantageux de couvrir Saint-Dizier; mais Sa Majesté vous laisse le maître de faire ce que vous voudrez.

«Quant à votre corps, ce que vous avez à faire, c'est de vous rendre le plus tôt possible à Brienne.

«Le prince vice-connétable, major-général,

«ALEXANDRE.»

«P. S. Le général Bruler a reçu l'ordre de prendre position entre Sommevoire et Doulevent; si vous avez de ses nouvelles, faites lui dire qu'il doit se diriger sur Brienne.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT

«Brienne, le 31 janvier 1814, neuf heures du soir.



«Monsieur le duc de Raguse, je donne l'ordre au maréchal duc de Bellune d'avoir demain, à la pointe du jour, son corps d'armée et sa cavalerie sous les armes, avec leur artillerie attelée, et de chercher à communiquer avec vous sur Soulaine. Faites en sorte, de votre côté, de communiquer avec lui. Ce maréchal est au Petit-Mesnil.

«Les autres corps d'armée seront pareillement sous les armes; on attendra dans cette position des nouvelles de l'ennemi, et tout se tiendra prêt à partir dans la direction qui sera donnée.

«On profitera de cela pour passer la revue des armes et prendre note des places vacantes.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

Brienne, le 31 janvier 1814, onze heures et demie du soir.



«Monsieur le duc de Raguse, l'aide de camp de l'un des généraux de brigade de la division Lagrange arrive à Brienne et annonce à l'Empereur que votre corps est en marche de Soulaine pour Brienne, et qu'il a laissé la division Lagrange à moitié chemin de Soulaine ici. S'il est vrai que vous ayez quitté la position de Soulaine, l'Empereur ordonne, monsieur le duc, que vous vous établissiez entre Brienne et Soulaine, et que vous vous mettiez en communication avec M. le maréchal duc de Bellune, qui est au Petit-Mesnil sur la route de Brienne à Bar-sur-Aube.

L'Empereur désire, monsieur le duc, avoir de suite les renseignements sur l'engagement qui paraît avoir eu lieu ce soir, au dire de cet aide de camp, entre vos troupes et l'ennemi à Soulaine. Il désire aussi connaître quelles troupes vous avez eu à combattre.

«Je vous prie, monsieur le duc, aussitôt que vous serez établi, de m'envoyer un officier pour faire connaître votre position.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Brienne, le 1er février 1814, neuf heures du matin.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, j'ai mis sous les yeux de l'Empereur votre lettre du 1er février à une heure du matin, datée de Morvilliers: vous ne faites pas connaître le nombre de pièces de canon, le nombre d'hommes d'infanterie et de cavalerie que vous avez perdus. Y a-t-il des aigles avec l'infanterie? Votre arrière-garde, composée de cinq cents hommes de cavalerie et de trois cents d'infanterie, est assez forte pour une arrière-garde destinée à marcher à une demi-lieue de vous, et l'Empereur trouve qu'elle était évidemment insuffisante lorsqu'au lieu d'arrière-garde vous en avez fait un détachement, et vous en avez fait un détachement quand vous lui avez fait prendre une autre direction, lorsque vous vous saviez environné d'ennemis; que pouvaient faire alors trois cents hommes d'infanterie 8?

Note 8: (retour) La division Ricaud m'ayant été enlevée, et se trouvant placée alors à Dienville-sur-l'Aube, mes troupes de toutes armes ne s'élevaient pas à plus de trois mille hommes: je demande comment j'aurais pu organiser une arrière-garde plus forte.

«L'Empereur désire toutefois, monsieur le duc, avoir un état exact des pertes en matériel et chevaux.

«On nous a dit aussi qu'un de vos parcs avait été pris par l'ennemi. Sa Majesté pense que cela n'aurait pas eu lieu si vous aviez suivi l'ordre donné. Je vous avais fait connaître que la route de Montier-en-Der était très-mauvaise et presque impraticable, et que le parti le plus sage était de suivre la chaussée. Vous seriez arrivé de bonne heure et sans accident 9.

Note 9: (retour) Il n'y avait qu'une difficulté, c'est que la grande route était occupée par deux corps ennemis, celui de Wittgenstein, à Doulevent, et celui de Wrede devant Soulaine. (Notes du duc de Raguse.)

«L'intention de l'Empereur est que vous portiez votre quartier général à Chaumesnil, et que vous gardiez les bois de Morvilliers; le grand chemin de Brienne à Soulaine; que vous vous liiez par votre droite au duc de Bellune qui occupe la Rothière et le Petit-Mesnil; que votre cavalerie soit en force au village de la Chaise ou dans toute autre position de cette route, de manière à bien éclaircir ce que fait l'ennemi à Soulaine. L'ennemi paraît être en position à Frannes et à Selames. Faites aussi aller des patrouilles de cavalerie jusqu'à Maizières pour en imposer aux Cosaques qui voudraient battre les bois. Placez vos équipages et vos embarras derrière Chaumesnil, route de Brienne. Concertez-vous avec le due de Bellune pour vous secourir mutuellement au premier coup de canon de l'ennemi; reconnaissez bien ensemble une position appuyant la droite à l'Aube, à cheval sur la route de Bar et sur celle de Soulaine. S'il est dans ce moment difficile de remuer la terre, il doit être facile de couper des arbres pour améliorer cette position qui serait couverte par trois cents pièces de canon et toute la réserve qui est à Brienne, dans le cas où l'ennemi marcherait sur nous pour nous attaquer.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Morvilliers, le 1er février 1814.



«Monseigneur, je reçois la lettre que vous m'avez écrite à neuf heures du matin. Je vais me rendre à Chaumesnil et prendre la position qui m'est indiquée.

«Les reproches que contient votre lettre sont injustes, et je ne puis me dispenser d'y répondre. J'ai dû prendre la route que j'ai suivie, sous peine d'être détruit ou de mettre bas les armes. Il eût été absurde de faire une marche de flanc de cinq lieues dans un défilé des hauteurs duquel l'ennemi était maître, lorsque la route était bordée à ma droite par une rivière qui n'est guéable que dans peu d'endroits, et que j'avais l'ennemi en tête, en queue et sur mon flanc.

«Je ne pouvais point arriver de bonne heure, puisque j'avais dix lieues à faire, et que j'ai été obligé d'attendre en position toute la journée sur les hauteurs de Vassy et en bataillant. Les troupes que j'avais à Saint-Dizier auraient été infailliblement prises si j'avais laissé l'ennemi s'emparer de Vassy avant leur arrivée. Je n'ai point fait un détour, puisque mon arrière-garde avait ordre de me suivre sur Anglure, qui n'est qu'à une lieue et demie de Montier-en-Der, et que sa communication avec moi était protégée par le ruisseau de Saint-Cloud, dont les bords sont marécageux. Si cette arrière-garde s'est retirée directement sur Brienne, c'est que, quelques Cosaques s'étant montrés entre elle et moi, elle a pris cette direction de son choix. Je n'ai point, laissé, comme l'Empereur le suppose, deux cents hommes d'infanterie en arrière, mais plus de sept cents, et six cents chevaux. Or, lorsqu'à une heure et demie de moi, dans un pays dont les communications sont difficiles, ayant les flancs bien couverts, ayant donné ordre de rompre le pont de l'Éronne, je laisse le cinquième de mon infanterie et le grand tiers de ma cavalerie; que je donne pour instruction au général qui commande de tenir aussi longtemps que possible sans se compromettre, et de se retirer lorsque des forces supérieures se présentent, quel que soit l'événement, je n'ai rien à me reprocher, et les reproches sont aussi injustes que décourageants.

«Je n'ai point perdu de canon, parce que, cette arrière-garde étant destinée à se retirer légèrement devant l'ennemi, je ne lui en ai pas laissé.--Il a été pris quatorze ou quinze caissons, dont cinq vides, et trois forges qui avaient été dételées pour renforcer les autres attelages, et qui auraient été enlevés si l'arrière-garde avait pu tenir deux heures de plus, parce que les chevaux qui allaient les chercher étaient à une demi-lieue de Montier-en-Der lorsque l'ennemi y est entré.

«J'ignore la perte en hommes, parce que je n'ai reçu sur cette affaire aucun rapport officiel, que ce qui m'est parvenu de Brienne; mais j'ai appris indirectement que le colonel Hubert, qui a commandé après la prise du général Vaumerle, avait couché cette nuit à Maizières. Il est évident qu'il y est arrivé avec une portion de son monde, et que ceux qui sont arrivés à Brienne sont des fuyards. Le 2e régiment de marine, qui formait l'infanterie de l'arrière-garde, avait son aigle avec lui.

«Tel est l'état de choses, monseigneur. Je désirerais savoir ce qu'il était possible de faire de mieux, avec une poignée de monde embarrassé par un matériel considérable, dans un pays difficile, à treize lieues de l'armée, ayant de tous les côtés à la fois des forces triples des miennes.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Brienne, le 1er février 1814,
cinq heures et demie du matin.




«Monsieur le duc de Raguse, je reçois votre lettre de Morvilliers à une heure du matin. Il faut vous mettre en communication avec le duc de Bellune qui est au Petit-Mesnil, et vous lier bien avec lui. Éclairez bien la route de Soulaine.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Brienne, le 1er février 1814,
onze heures et demie du soir.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, je vous envoie les dispositions générales arrêtées par l'Empereur, lisez-les avec attention et exécutez-les en ce qui vous concerne.

«Le prince vice-connétable, major général.

«ALEXANDRE.»


DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

«Brienne-le-Château, le 1er février 1814,
onze heures et demie du soir.




«La retraite de l'Empereur étant sur Lesmont, le général Sorbier s'occupera, avec les moyens qui lui restent, d'organiser une batterie de six pièces d'artillerie à cheval.

«Les ducs de Bellune et de Raguse doivent avoir des batteries d'artillerie à cheval pour la retraite.

«Le général Dulouloy prendra le commandement de ces batteries à cheval.

«Les trois divisions d'infanterie de la jeune garde ont chacune une batterie, ce qui fait vingt-quatre pièces;

«Les batteries à cheval de la ligne et de la garde font vingt-quatre pièces;

«Total, quarante-huit pièces,

«Demain, 2 février, à quatre heures du matin, on aura pris la position suivante:

«Le général Nansouty, avec trois mille chevaux, sera en position sur la gauche un peu en arrière de Brienne-la-Vieille, avec douze pièces d'artillerie à cheval;

«Le général Gérard, avec deux pièces, sera en position en avant de Brienne-la-Vieille; il sera sur trois lignes: l'une à la tête du village, l'autre à la queue, la troisième dans le bois à la hauteur de Brienne;

«Le général Ricard passera à deux heures du matin le pont de Brienne-la-Vieille, avec la cavalerie de la garde, et s'arrêtera; à trois heures, il coupera le pont de Brienne, après quoi il marchera sur Piney, suivant la route de Lesmont par la rive gauche;

«Le général Grouchy, avec la cavalerie du cinquième corps, sera sur la gauche de la garde;

«Le général Curial, avec sa division, sera en position devant Brienne, occupant la ville en colonne de marche;

«La division Meunier sera rangée en deux colonnes sur l'extrême gauche, l'une à peu près au chemin de Maizières, l'autre plus en arrière;

«La division Rothembourg, à trois heures du matin, traversera Brienne, et ira prendre position sur les hauteurs à mi-chemin de Lesmont. Elle aura sa batterie et occupera le bois et la hauteur du Moulin-à-Vent;

«On placera les batteries de douze près de Lesmont, afin que, si l'Empereur était trop pressé, il pût faire usage de toute son artillerie, et coucher au besoin sur la rive droite, au Moulin-à-Vent.

«Le duc de Bellune partira à deux heures du matin, traversera Brienne, et prendra position au Moulin-à-Vent.

«Le duc de Raguse, avec six pièces d'artillerie et un demi approvisionnement, partira à trois heures du matin, prendra position sur les hauteurs de Perthes, s'assurera du pont de Rosnay, où il y a un bataillon de garde, et prendra position sur les hauteurs de Rosnay, se retirant, s'il y est forcé, par le pont d'Arcis-sur-Aube.

«Le général Defrance, avec les gardes d'honneur, se mettra en marche à une heure après minuit, passera le pont de Lesmont, jettera des partis sur la route de Piney et sur la rive gauche de l'Aube en remontant; s'il a besoin d'artillerie, le général Ruty lui en donnera.

«Demain au jour, le général Ruty aura soin de choisir des emplacements pour y placer de l'artillerie, à droite et à gauche, sur la rive gauche de l'Aube.

«Les troupes, à mesure de leur passage, se rangeront en bataille: le duc de Bellune à droite, la garde à gauche; dans cette situation, on pourra passer la nuit de demain.

«Le général Corbineau se rendra de suite de Maizières à Rosnay, à l'intersection des routes de Rosnay à Lesmont, et fera brûler le pont de Rosnay lorsqu'il en recevra l'ordre; ou, s'il est pressé par l'ennemi, il prendra sous ses ordres le bataillon qui est à Rosnay et les pièces. Il prendra ainsi position, ayant la gauche à la Voire et la droite au pont de Lesmont, en flanquant l'arrière-garde, pour arriver avec elle à Lesmont.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Troyes, le 3 février 1814,
onze heures et demie du soir.




«L'Empereur a appris avec plaisir, par votre aide de camp, les succès que vous avez obtenus sur l'ennemi. Je ne reçois votre lettre datée d'une heure après midi qu'à dix heures du soir; c'est bien long: je ne sais d'où vient ce retard de l'estafette. Je donne l'ordre au général Sorbier de faire partir sur-le-champ votre parc pour Arcis. Envoyez en avant pour accélérer son arrivée. Vous savez que le général Ricard est à Aubeterre.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Troyes, le 3 février 1814,
quatre heures du matin.




«L'Empereur ordonne qu'avec votre corps vous vous portiez en toute diligence sur Nogent-sur-Seine, afin de garder le pont de cette ville, qui pourrait être menacé par la colonne qui a passé devant Arcis depuis hier. Vous prendrez aussi le commandement d'une division de l'armée d'Espagne qui doit arriver, demain, 6, à Provins. Il est nécessaire que vous preniez une position sur la rive droite de la Seine qui commande ce débouché important.

«L'Empereur se porte en toute diligence à Nogent-sur-Seine; il sera ce soir à la hauteur de Méry.

«Il sera nécessaire, monsieur le maréchal, que vous fassiez garder le pont de Méry, jusqu'à ce que la troupe que vous en chargerez puisse être relevée par les premières troupes de l'armée qui viendront de Troyes, afin qu'aucun parti ne passe la Seine et n'inquiète la marche.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT A NAPOLÉON

Fontaine-Denis, le 7 février 1814.



«Sire, j'ai reçu la lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire à trois heures après midi. Quelque diligence que nous ayons faite, je n'ai pu arriver ici qu'à plus de huit heures du soir, c'est-à-dire à trois lieues de Sézanne.

«La masse de mes troupes est encore à deux lieues en arrière. J'ai envoyé une forte reconnaissance sur Barbonne pour avoir des renseignements. Elle n'est pas encore rentrée. A son retour, j'aurai l'honneur de vous faire mon rapport, qu'un de mes aides de camp, qui a un cheval à Villemeux, vous portera en toute diligence. Les habitants des villages que j'ai parcourus assurent qu'il a passé hier beaucoup de troupes, infanterie et cavalerie, à Sézanne, se portant dans la direction de la Ferté. Ce qu'il y a de certain, c'est que, de midi à quatre heures, on a entendu une forte canonnade de ce côté. Les rapports sont unanimes à cet égard. Les troupes qui sont en arrière partiront deux heures avant le jour pour me rejoindre, et je partirai à la pointe du jour pour Sézanne.

«Le chemin, jusqu'à une grande lieue et demie en avant de Villemeux, est une chaussée. Ensuite il est fort mauvais, cependant praticable, surtout le jour, car les plus grandes difficultés que nous ayons éprouvées ont été de le reconnaître à cause de l'obscurité. On marche toujours dans des bruyères, et on peut changer de direction à chaque instant. Après Barbonne, on trouve la chaussée.

«Nous avons trouvé à Villemeux des postes de Cosaques qui se sont repliés devant nous.»


LE MARÉCHAL MARMONT A NAPOLÉON.

«Fontaine-Denis, le 7 février 1811.



«Sire, je reçois à l'instant des rapports positifs et circonstanciés de Barbonne, où nos soldats sont entrés après avoir chassé des lanciers ennemis. L'avant-garde a été jusqu'à une demi-lieue. On n'a trouvé que de la cavalerie, qui s'est repliée. Les habitants assurent, et un, entre autres, parti à six heures du soir de Sézanne, qu'il n'y a dans cette ville que sept à huit cents lanciers prussiens et point d'infanterie, quoiqu'il y ait eu hier assez de troupes qui se soient postées en avant dans la direction de la Ferté; mais toutes étaient de la cavalerie, à ce qu'on assure. L'opinion des habitants de Barbonne est que la canonnade qu'on a entendue est à peu près dans la direction d'Épernay. Le bruit du canon a diminué, ce qui annonce qu'il s'est éloigné d'une manière sensible.

«Tels sont, Sire, les rapports que j'ai reçus et d'après lesquels il semblerait que les forces de l'ennemi ne sont pas encore au delà de Sézanne. Au surplus, j'y serai demain matin de bonne heure, et j'aurai l'honneur de vous écrire une demi-heure après mon arrivée. De Sézanne il y a différentes directions qui rendent ce point extrêmement important. Arrivé là, je serai en mesure d'exécuter tous les ordres que Votre Majesté voudra me donner. J'enverrai de fortes reconnaissances sur Montmirail, Épernay et la Ferté.»

LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Nogent-sur-Seine, le 7 février 1814.



«L'Empereur ordonne qu'avec votre corps vous vous mettiez en mouvement pour vous rendre à Sézanne.

«ALEXANDRE.»


MARÉCHAL MARMONT A NAPOLÉON.

«Sézanne, le 8 février 1814.



«Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté que nous avons trouvé ici environ huit cents Cosaques ou Prussiens.

«Nous avons fait quelques prisonniers, qui nous ont donné les renseignements consignés dans la note ci-jointe. Deux escadrons se sont retirés sur la route de Montmirail, et un détachement par la route d'Épernay. D'après l'ensemble de tous les renseignements, il serait constant que toute l'armée de Silésie a marché sur Épernay. Quatre à cinq cents chevaux de cavalerie légère suivent la cavalerie ennemie, qui s'est retirée par la Ferté-Gaucher.

«Nous communiquerons, s'il est possible, avec le duc de Valmy et le duc de Tarente. J'envoie la plus grande partie de ma cavalerie, soutenue par de l'infanterie et du canon, sur Champaubert, afin d'occuper la communication de Montmirail, ou au moins avoir des nouvelles de ce qui s'y passe. Je fais éclairer aussi la route de Châlons. Il est arrivé ici, samedi au matin, cinq à six cents chevaux ennemis. Cette cavalerie a poussé dans la direction de la Ferté-Gaucher, et a été remplacée par sept à huit cents autres chevaux, dont une portion a suivi les premiers. Enfin quatre à cinq cents chevaux sont arrivés hier pour renforcer ce qui était resté ici, et la totalité des huit cents chevaux qui étaient ce matin à Sézanne, a pris la direction que j'ai indiquée.

«D'après cela, il me semble que l'ennemi opère d'une manière tout à fait sérieuse dans le bassin de la Marne, et qu'en me portant immédiatement sur Champaubert, et y étant soutenu, je pourrais lui faire beaucoup de mal. J'espère pouvoir, dans quatre heures d'ici, envoyer un nouveau rapport à Votre Majesté.»


LE MARÉCHAL MARMONT A NAPOLÉON.

«Sézanne, le 8 février 1814.



«Sire, j'ai eu l'honneur de rendre compte à Votre Majesté que je dirigeais la plus grande partie de ma cavalerie avec un peu d'infanterie et de l'artillerie sur Champaubert. J'ai envoyé trois cents chevaux sur la Ferté, afin de communiquer avec le duc de Valmy. Je n'ai pas cru devoir envoyer plus de forces de ce côté, parce que les renseignements de Sézanne et de la Ferté-Gaucher, où hier il n'avait paru personne, prouvent que l'ennemi n'est pas en force dans cette direction. J'établis ce soir une division entre Chapton et Soissy-le-Bois. J'établis mon quartier général à Chapton, d'où on peut regagner par la Villenauxe, Charleville et la Garde, la route de Montmirail. Je place à Chapton à peu près la moitié de mon artillerie, et je laisse le reste à Sézanne. Mon autre division, sans son canon, quittera Sézanne à l'arrivée de la garde, et ira coucher à Lachy; enfin je place les quatre cents chevaux du deuxième corps de cavalerie à la Villenauxe, et ils pousseront des patrouilles sur la Gaule. Par ces arrangements, je serai en mesure de connaître positivement cette nuit, de bonne heure, où l'ennemi est en forces, et Votre Majesté pourra déterminer s'il lui convient d'agir sur Champaubert ou sur Montmirail. Je serai également à même d'exécuter l'un ou l'autre de ces mouvements.»


LE MARÉCHAL MARMONT A NAPOLÉON.

«Chapton, le 8 février 1814.



«Sire, je ne perds pas un instant pour rendre compte à Votre Majesté de la position de l'ennemi.

«Des renseignements, qui me paraissent avoir le caractère de la vérité, annoncent que l'ennemi est arrivé hier à Montmirail avec de la cavalerie, et de l'infanterie à Champaubert, et cette infanterie a suivi le mouvement. Si la chose est vraie et que je sois soutenu, il est possible de le chasser et de lui faire éprouver de grandes pertes.

«J'occupe Pont-Saint-Prix-en-Bail, qui était occupé par cinq mille hommes d'infanterie ennemie. Un grand parc d'artillerie est arrivé à Champaubert et a continué sa route sur Fromentière. La cavalerie légère, que j'avais placée sur la route de la Ferté, me rend compte que l'ennemi a, comme je l'avais prévu, changé de direction, et s'est porté sur la route de Montmirail.

«Il me paraît donc démontré que le corps de Sacken est en plein mouvement par la route de Montmirail, et que la tête de son infanterie y est arrivée aujourd'hui. Reste à savoir si Votre Majesté veut attaquer l'ennemi sur Montmirail ou sur Champaubert. Je n'ai point encore le rapport des reconnaissances qui ont été faites sur la Gaule, route de Montmirail; mais l'ensemble des renseignements qui m'ont été donnés me paraît consacrer suffisamment la position de l'armée ennemie telle que je viens de l'indiquer.

«Les troupes ont souffert beaucoup de la marche de ce soir, par de mauvais chemins et par une nuit obscure; elles éprouvent de grands besoins de vivres. Les villages de cette province ne sont rien. Je prie donc Votre Majesté de me faire connaître promptement de quel côté elle veut agir, afin que je fasse des dispositions convenables. Cela est d'autant plus nécessaire, qu'ayant laissé la moitié de mon artillerie et mes équipages militaires à Sézanne, avec un bataillon du 115e il faut du temps pour qu'ils reçoivent l'ordre qui déterminera leur direction.

«J'attends avec impatience les ordres de Votre Majesté, et je la prie de faire connaître à l'officier porteur de ma dépêche le point sur lequel je dois marcher, afin qu'il... l'ordre d'en partir une heure avant le jour pour me rejoindre dans la direction que vous lui aurez fait connaître.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Nogent-sur-Seine, le 8 février 1814.



«Monsieur le duc de Raguse, l'Empereur comptait aller coucher ce soir à Sézanne; mais il est retenu ce soir ici par quelques objets d'intérêt général.

«La garde à cheval, la première division de vieille garde, doivent être arrivées.

«Le prince de la Moskowa doit être échelonné de Villenauxe à Sézanne. Il importe beaucoup à Sa Majesté d'avoir de vos nouvelles. Elle charge le général Girardin d'aller près de vous, en toute hâte, de manière à être de retour à une heure du matin.

«Sa Majesté ne sait à quoi attribuer la privation où elle est de vos nouvelles.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Nogent-sur-Seine, le 9 février 1814.



«Monsieur le maréchal duc de Raguse, le prince de la Moskowa a mandé qu'il ne pourrait être à Sézanne que dans la journée. L'ennemi ne doit être arrivé qu'aujourd'hui à Montmirail, et il a dû attendre son artillerie. S'il est à Montmirail, il faut l'y attaquer demain. Vous partirez de Chapton, et le prince de la Moskowa de Sézanne. Une colonne partira de la Ferté sous-Jouarre. Si, au contraire, l'ennemi avait rétrogradé sur Champaubert, il faudra marcher sur Champaubert. Hier, le duc de Tarente était maître de Château-Thierry; ainsi l'ennemi n'aura pu se diriger sur cette ville, à moins que le duc de Tarente n'ait été forcé devant Château-Thierry.

«Ayant les habitants pour vous et de la cavalerie, il est facile de vous éclairer. Il est probable que l'Empereur sera ce soir à Sézanne à six heures; faites en sorte qu'il y trouve des renseignements précis. Faites-vous rejoindre par votre artillerie, puisque c'est avec des canons qu'on se bat.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MARÉCHAL MARMONT AU MAJOR GÉNÉRAL.

«Chapton, le 9 février 1814.



«Je suis arrivé hier matin à Sézanne, et, ainsi que j'en ai rendu compte à Sa Majesté, j'ai pu avoir des notions de la situation de l'ennemi. J'attendais, pour me porter plus loin, que quelque chose indiquât l'arrivée de l'Empereur. La garde a été annoncée, le service de Sa Majesté est arrivé. Je me suis porté immédiatement en avant, éclairant le pays dans toutes les directions, et j'ai acquis la certitude que la tête de l'infanterie ennemie était arrivée à Montmirail, et que sa queue était encore hier au soir à Champaubert.

«Convaincu que Sa Majesté était en marche, et que tout était en mouvement pour agir ce matin, j'avais poussé le plus de troupes que j'avais pu en avant pour arriver de bonne heure à Champaubert, plein d'espérances dans le résultat que ce mouvement devait nous donner. Mais, les circonstances ayant forcé l'Empereur à rester à Nogent, je n'ai pu, avec une poignée de monde, me jeter au milieu de l'ennemi à une grande distance au delà de défilés très-difficiles et de chemins presque impraticables, sans avoir la certitude absolue d'être soutenu par de puissantes forces. Ce mouvement, différé de vingt-quatre heures, n'est plus exécutable, parce que le principal avantage qu'il nous donnait était de surprendre l'ennemi. Notre mouvement lui étant connu, notre situation a entièrement changé. L'ennemi serait en mesure de nous recevoir réunis, puisqu'il voyage sur une route pavée, et que nous, nous ne pourrions arriver à lui qu'en surmontant des difficultés de communication extrêmes, et qui sont beaucoup plus grandes que je ne l'avais imaginé.

«Ainsi ce mouvement qui, ce matin, nous aurait donné de grands résultats, nous serait funeste demain.

«D'après ces considérations et la conviction où je suis qu'en ce moment l'Empereur ne peut plus faire autre chose que d'exécuter le mouvement qu'il avait projeté sur Meaux, et qu'il n'y a pas un moment à perdre, je partirai ce soir d'ici pour me rendre à Sézanne et être en mesure de marcher promptement sur la Ferté si, comme je l'imagine, j'en reçois l'ordre. Ma présence ici aura toujours eu pour objet de retarder au moins d'un jour la marche de l'ennemi en le forçant à se réunir.

«J'avais préféré le mouvement sur Champaubert, parce qu'il n'y a qu'une lieue de mauvaise route; le reste est ferré, mais cette lieue est mauvaise à un point dont on ne se fait pas d'idée, et cependant on la prétend meilleure que le chemin direct de Sézanne à Montmirail. S'il en est ainsi, il n'est pas humainement possible de se tirer de ce dernier.

«Un autre motif aussi, c'est qu'en passant à Champaubert nous étions sûrs de franchir la rivière qui passe à Montmirail; marchant directement sur Montmirail, on n'aurait pas eu de chances pour y arriver, parce que cette rivière est débordée depuis hier, et que, pour peu que l'ennemi voulût défendre ou couper le pont, on ne pourrait pas la franchir.

«Les dernières nouvelles que j'ai de l'ennemi sont que c'est le neuvième corps russe que j'avais hier en présence à Champaubert; ces troupes sont commandées par Langeron, et arrivent du blocus de Mayence, où elles ont été remplacées par des milices. Je pense qu'elles suivent le corps de Sacken. Les dernières sont parties de Champaubert, marchant sur Montmirail, à huit heures et demie du soir.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Champaubert, le 10 février 1814,
huit heures du soir.




«Monsieur le duc de Raguse, faites partir demain, à trois heures du matin, la division du général Ricard, avec son artillerie, pour se rendre à Montmirail. Gardez à Étoges la division Lagrange et le premier corps de cavalerie; faites faire des patrouilles pour ramener les hommes isolés; tâchez d'être informé cette nuit de ce que fait le général Blücher; se dirige-t-il sur Châlons, sur Épernay, ou annonce-t-il le projet de nous attaquer? Il faut lui en imposer afin de le déterminer à ta retraite; cela est important pour nous. Aussitôt qu'il sera constaté que nous n'avons plus rien à craindre de Blücher, et qu'il est décidément en retraite, il faut diriger le général Doumerc sur Montmirail; alors la cavalerie légère, la division Lagrange et douze pièces de canon tiendront une position pour masquer Blücher et même le poursuivre.

«Tâchez d'envoyer quelqu'un sur Vertus, et d'avoir des nouvelles.

«Le prince, vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Champaubert, 11 février 1814.



«Monsieur le duc de Raguse, l'Empereur part à l'instant pour Montmirail. Voici l'état des choses. Le 9 au soir, le duc de Tarente s'est battu au village de Morar, en avant de la Ferté-sous-Jouarre. Une charge à la baïonnette, faite par le général Albert, a tué à l'ennemi six cents hommes et lui a fait beaucoup de prisonniers. York était encore à une journée de la Ferté-sous-Jouarre. Le duc de Tarente a jugé convenable de se porter le 10 entre Meaux et la Ferté-sous-Jouarre; là il doit recevoir des renforts; il est donc probable qu'hier 10 York et Sacken ont fait leur réunion. Sacken était de sa personne, avant-hier, 9, à Vieux-Maison; il n'a pu être qu'hier, 10, à la Ferté. Nous sommes entrés à Montmirail à minuit; avant quatre heures du matin, Sacken a dû savoir l'état de la question; que fera-t-il aujourd'hui? Se portera-t-il sur Montmirail pour ouvrir sa communication? Il se trouverait ainsi entre deux feux; ou bien abandonnera-t-il toute la ligne de la Ferté-sous-Jouarre à Montmirail pour se rejeter à Château-Thierry, ayant ses communications assurées par la chaussée d'Épernay à Chalons? Il paraît que Blücher à Vertus n'a pas de cavalerie. Dans cet état de choses, monsieur le duc, aussitôt que nous saurons que Sacken prend le parti de se porter sur Château-Thierry, nous reviendrons sur vous pour lui couper la route de Châlons et marcher sur cette ville. Si, au contraire, Sacken vient sur nous à Montmirail pour ouvrir sa communication, il faudra que vous veniez nous rejoindre.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«Montmirail, 11 février 1814, huit heures du soir.



«Monsieur le duc de Raguse, nous avons aujourd'hui complétement battu le corps de Sacken; nous avons fait plus de deux mille prisonniers, pris vingt pièces de canon, et tué horriblement du monde à l'ennemi. Sacken fait son mouvement de retraite sur Château-Thierry. Les chemins sont affreux, et il y a apparence que nous prendrons toute son artillerie et ses bagages.

«L'Empereur pense, monsieur le maréchal, que le général Blücher ne doit plus être à Vertus, et qu'il aura fait un mouvement par sa droite pour se porter sur Épernay, ou qu'il aura pris le parti de se retirer sur Châlons. L'Empereur désire, monsieur le duc, que vous lui envoyiez le plus promptement possible tous les renseignements que vous avez pu obtenir aujourd'hui sur le corps du général Blücher.

«Il paraît, d'après des rapports des prisonniers, que le duc de Tarente a attaqué ce matin l'ennemi du coté de la Ferté-sous-Jouarre.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»


LE MAJOR GÉNÉRAL AU MARÉCHAL MARMONT.

«De la ferme de l'Épine, le 12 février 1814,
huit heures du matin.




«Monsieur le duc de Raguse, l'ennemi s'est retiré sur Château-Thierry. Nous l'avons repoussé de tous côtés. Il marche sur Vertus. De cette ville, il se décidera à marcher sur Épernay ou sur Châlons. Que fera l'ennemi? De Château-Thierry passera-t-il le pont pour se jeter sur Reims, ou voudra-t-il forcer la chaussée à Épernay pour arriver à Châlons. Dans tous les cas, la position paraît bien difficile. Votre cavalerie, monsieur le maréchal, doit faire un ravage affreux sur les derrières de l'ennemi, vu que sa cavalerie est en avant, et que ces gens-ci ne sont pas accoutumés à voir leurs derrières compromis. Faites des proclamations pour que partout on se lève et qu'on les arrête. Faites imprimer vos proclamations par le premier imprimeur que vous trouverez. Annoncez que soixante régiments russes ont été détruits, qu'on leur a pris cent vingt pièces de canon; que le général en chef est tué ou blessé mortellement; qu'il est temps que le peuple français se lève pour tomber sur eux; que l'Empereur est à leur poursuite; qu'il faut qu'on arrête tous les Cosaques, tous les détachements; qu'on coupe les ponts devant eux; qu'on arrête les bagages, et qu'on ne leur donne aucuns vivres.

«Si vous allez à Épernay, et que l'ennemi y vienne, vous aurez là une belle position à prendre pour le resserrer contre la Marne.

«Nous recevons à l'instant votre lettre, datée d'aujourd'hui à une heure et demie du matin; cela ne change rien aux dispositions de cette lettre; marchez sur Vertus.

«Le prince vice-connétable, major général,

«ALEXANDRE.»

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