Mémoires inédits de Mademoiselle George, publiés d'après le manuscrit original
De longtemps on ne verra une pareille Agrippine, une semblable Clytemnestre; ni Lucrèce Borgia, ni Marie Tudor ne trouveront une interprète de cette force. Le souvenir de Mlle George se mêlera toujours à ces deux formidables rôles, où elle a vraiment collaboré avec le poète, et ceux qui n'auront pas vu les deux pièces jouées par la grande actrice n'en comprendront pas aussi bien l'effet irrésistible, immense.
Revenons à cette curieuse et triomphale représentation où s'est produit un phénomène bien rare: celui d'un soleil levant et d'un soleil couchant vis-à-vis l'un de l'autre, c'est-à-dire Mlle Rachel et Mlle George, la fleur qui grandit, la splendeur qui va s'envelopper d'ombres, l'espérance et le souvenir, hier et demain, bonjour et bonsoir. C'était une belle lutte que celle de ces deux femmes: toutes deux la gloire du théâtre; l'une que nos pères ont admirée, l'autre qu'admireront nos fils. C'était un intéressant spectacle que cette bataille tragique à grands coups d'alexandrins, où personne n'a été vaincu.
Des intermèdes de chant et de danse, un air par Mme Pauline Viardot-Garcia, ajoutaient encore à l'attraction puissante de ces deux noms: Rachel et George, Rachel, qui joue pour la dernière fois avant de partir en congé; George, qui ne jouera plus.
AUGUSTE VACQUERIE
Profils et Grimaces.—4e édition. 1 vol. in-8o. Paris, Pagnerre, 1864, pages 270 et suivantes.
LES DESSOUS DE LA TRAGÉDIE
Il s'est passé hier un fait singulier. Mlle George et Mlle Rachel ont été sifflées toutes deux.
C'était la représentation de retraite de Mlle George. Mardi, on enterrait Mme Dorval; dans la même semaine, Mlle George se retire: autre mort. La retraite est la première tombe des comédiennes. Lorsqu'elles ne sont plus là, tous les soirs, sous le regard de la foule qu'elles passionnent, émues, applaudies, illuminées par la rampe et par la poésie, mêlant à leur âme accrue le génie et le peuple, elles ne sont plus qu'une ombre d'elles-mêmes, elles n'existent plus, elles s'évanouissent. Leur monde réel, c'est le monde du rêve, c'est l'idéale région où passent les immortels fantômes des poètes, c'est là qu'elles respirent à pleins poumons. Le néant commence pour elles à la réalité, à la rue, au ménage, aux arbres, aux sources; leur nuit, au soleil. La vie est leur mort.
Mlle Rachel n'était pas venue à l'enterrement de Mme Dorval. Elle n'avait pas daigné reconduire cette bohémienne, cette échevelée, cette inspirée, cette insolente. Mais Mlle George, elle, avant de jouer le drame, a joué la tragédie. Athalie a obtenu la grâce de Marie Tudor.
Elles allaient donc se trouver en présence pour la première et la dernière fois, les deux seules tragédiennes qui restent—le couchant et le midi, la tragédie tout entière, passé et présent; il y manquait l'avenir, mais la tragédie n'en a pas.
Tout ce qu'elle a, elle le donnait. Mlle George, Mlle Rachel et Racine! car la fête n'eût pas été complète avec Corneille. La conjonction des deux étoiles tragiques avait lieu dans Iphigénie. On voyait les vieux de l'orchestre du Théâtre-Français s'attendrir dans les rues devant l'affiche, et, s'essuyant une larme avec leur mouchoir, se charbonner les yeux de tabac.
Ce jour prodigieux est arrivé. Le théâtre ne s'est pas abîmé dans un tremblement de terre. Les portes se sont ouvertes. Le rideau s'est levé.
Mlle Rachel, qui jouait Ériphyle, a paru la première, et a été honorablement applaudie à son entrée. Elle a dit avec beaucoup de justesse le récit de la prise de Lesbos, sa haine d'Achille avant de l'avoir vu et la fonte de sa colère au premier regard de ce «héros aimable». Çà et là, des battements de mains.
Quand Mlle George est entrée, le vacarme a été tout autre. Une triple salve a fait trembler la salle; puis, pendant toute la scène, les transports ont continué, et tous les vers ont été ponctués de bravos.
Les amis de Mlle Rachel ont été piqués de cette inégalité dans la distribution des applaudissements. Ils se sont dit que Mlle George était en quelque sorte chez elle; que, la représentation étant à son bénéfice, le public devait être principalement composé de ses amis et qu'un accueil si modéré fait à l'étrangère, en face du triomphe décerné à la maîtresse de la maison, surtout lorsque l'étrangère venait pour lui rendre service, offensait tout ensemble l'hospitalité et la reconnaissance.
L'exaspération les a pris, si bien qu'au troisième acte, quand Mlle George a reparu, un violent coup de sifflet s'est fait entendre.
Tumulte, cris de fureur, tempête d'acclamations, grêles de bouquets. Un ami habile n'aurait pas mieux imaginé pour faire une ovation à Mlle George.
Si ce maladroit sifflet n'avait produit qu'une multiplication de succès pour la regrettable actrice à qui l'on disait adieu, à merveille; malheureusement, la réplique a été plus loin. Le parti de Mlle George a usé de représailles à la seconde entrée de Mlle Rachel, et Ériphyle a reçu en plein cœur un coup de sifflet non moins aigu que celui de Clytemnestre.
Quelques applaudissements ont protesté, mais la tribu de Mlle Rachel n'était pas en nombre; de sorte que Mlle Rachel a perdu un peu de contenance, et n'a plus joué la fin du rôle comme le commencement. Tandis que Mlle George, escortée par la sympathie générale, s'épanouissait de plus en plus dans l'ampleur de sa beauté et de son talent, Mlle Rachel, abandonnée, irritée, seule, se rétrécissait et disparaissait. Et ainsi s'est réalisé le mot que disait Mlle Rachel elle-même, lorsque Victor Hugo donna les Burgraves au Théâtre-Français, et qu'il fut question un moment d'engager Mlle George pour jouer Guanhumara. Mlle Rachel s'opposa à l'engagement et dit à cette occasion cette parole intelligente: «Le jour où Mlle George sera au Théâtre-Français, je ne serai plus qu'une statuette.»
Les vieux de la tragédie pleuraient sous leurs besicles. Moi, j'étais assez content.
Tout finit, même les tragédies. Le rideau baissé, on a rappelé les deux actrices; Mlle Rachel a refusé de reparaître.
Puis, Mme Viardot a prêté à des airs espagnols pleins d'originalité sa voix si puissante et si souple; puis, Mlle Plunkett a écrit du bout de ses pieds un ravissant petit poème; puis, on a attendu le Moineau de Lesbie, qui terminait l'affiche. Mais, au lieu de la maîtresse de Catulle, un monsieur noir s'est présenté, s'est avancé jusqu'à la rampe, et, après les trois saluts d'usage, a annoncé que Mlle Rachel se trouvait trop fatiguée pour jouer.
Mlle Rachel a dû être médiocrement flattée de l'effet produit par ce manque de parole de l'affiche. Personne n'a réclamé. Le monsieur noir ayant ajouté que Mme Viardot s'offrait à chanter encore un air pour remplacer le Moineau de Lesbie, les bravos ont éclaté comme si l'on gagnait au change, et quelqu'un même a dit: «On ne nous devait qu'un moineau, et l'on nous donne un rossignol.»
Et voilà comme il faut que la comédie soit toujours quelque part! La tragédie lui dit: «Va-t'en!» mais la comédie ne s'en va pas. Chassée de la scène, elle vient dans la salle, et le parterre complète l'auteur. Il y a la pièce, mais il y a la représentation; il y a l'héroïne, mais il y a l'actrice. O Clytemnestre au profil terrible! O Ériphyle sinistre! O cabotines!
Mai 1849.
ARSÈNE HOUSSAYE
Les Confessions d'un demi-siècle (1830-1899). Tome VI, page 29.—Paris, Dentu, éditeur.
Pendant toute une période, la beauté fut de rigueur au Théâtre-Français. Toutes les comédiennes de talent devaient être belles. C'était mon programme. On se rappelle encore ce décaméron radieux qui succéda à deux beautés incomparables: Mlle Mars et Mlle George. Ces deux grandes comédiennes, dignes de l'histoire, ne sont pas oubliées. On peut dire qu'on revit plus ou moins dans la postérité selon la place conquise dans la mémoire de ses contemporains; on a beau dire que l'avenir n'accepte pas toujours les enthousiasmes du passé, il en tient toujours compte.
On avait donné à Mlle George une dernière représentation de retraite. Elle voulait remonter sur la scène; je l'ai suppliée de rester dans la coulisse. Elle m'a dit avec un amer sourire. «Ah! si j'avais dix ans de moins, vous ne me chanteriez pas cette chanson-là, car je vous donnerais une de ces heures dont un homme se souvient toujours.»
Or, elle avait quatre-vingts ans!
Bien heureuse celle qui meurt sous le ciel du théâtre. Dès que les actrices ne sont plus dans le riant cortège, dès que les amours s'en vont, la fortune rebrousse chemin.
Mlle Guimard, qui avait refusé la main d'un prince dans le beau temps où elle avait dans son hôtel une salle de spectacle et un jardin d'hiver, fut heureuse à la fin d'épouser un professeur de grâces, c'est-à-dire un maître de danse. Sophie Arnould après avoir traversé toutes les splendeurs d'un luxe sans exemple, alla, sans se plaindre, demander un asile et du pain à son perruquier. Mlle Clairon, qui avait vécu comme une reine et comme une sultane, se trouvait, à soixante-cinq ans, réduite à raccommoder ses robes en lambeaux, elle qui n'avait jamais daigné tenir une aiguille! Insolente dans la fortune, elle eut assez de cœur pour être fière dans la pauvreté. Quand un ancien ami allait la voir, elle parlait encore de ses hautes relations, et au lieu de dire: «Je suis pauvre,» elle disait: «Je suis philosophe.»
Encore, si cette représentation avait été la vraie représentation de retraite pour Mlle George, c'est-à-dire l'autre retraite dans l'autre monde!
Elle se devait à elle-même, au souvenir de sa beauté, à sa renommée éclatante, de ne plus montrer ses ruines dans les théâtres: cela porte malheur d'appeler les oiseaux nocturnes.
JULES JANIN
Les Reines du monde, par nos premiers écrivains. Ouvrage publié sous la direction d'Armengaud. 1 vol. in-4o, Ch. Lahure et Cie, 1862. Mlle George, pages 1 et suivantes.
Jules Janin a été l'amant de George; il lui a consacré de belles pages. Nous détachons de ces pages les extraits suivants:
«Pour elle, Alexandre Dumas écrivit cette histoire d'horreur et de ténèbres intitulée la Tour de Nesle, un des épouvantements de ce siècle. Ah! qu'elle y fut terrible et désespérée! Avec quelle ardeur elle se précipita dans cette mêlée ardente, et dans les crimes et dans toutes ces histoires abominables où le hasard est un dieu, où l'impossible est une force! Et, chose étrange! elle a trouvé le geste et l'accent de toutes ces œuvres si contraires à tout ce qui avait été l'objet de son culte et de ses études. Fille de la tradition par les œuvres anciennes, elle eut, à son tour, la tradition vivante du nouveau drame, et, par son exemple et par les souvenirs qu'elle a laissés, elle enseigne encore aujourd'hui le chemin qui conduit aux domaines romantiques. Elle a laissé sa trace autant que Bocage au milieu des sanglantes ténèbres et des histoires du moyen âge!—Avant de s'appeler Marguerite de Bourgogne, elle avait représenté, dans toutes les phases si variées et si diverses de sa vie abandonnée à tous les hasards, la reine Christine de Suède, encore un drame étrange et nouveau d'Alexandre Dumas, jeune homme enivré de toutes les fièvres du style et de l'innovation.
«Dans cette Christine, à vingt ans, à soixante, et passant par toutes les phases de l'autorité, de l'abdication, du meurtre et de la vengeance, de la jeunesse et de l'amour, Mlle George déploya des ressources infinies: elle avait le sourire et la fureur, elle était reine, elle était femme, elle était le châtiment, elle était le règne et l'abdication. Ces drames nouveaux d'un art qui ne savait pas s'arrêter, et qui ne demandaient pas moins de quatre ou cinq heures d'un zèle infini, trouvèrent Mlle George au niveau d'un si pénible et douloureux labeur. Rien ne pouvait lasser son courage! Elle était toujours prête, et d'un pas infatigable elle traversait ces émeutes, ces passions, ces douleurs, ces désespoirs, ces grandes batailles qui tenaient son peuple attentif.
«Certes, le temps n'était plus des rôles d'un instant, des tragédies où deux ou trois scènes suffisaient à la popularité du comédien. Rodogune, Athalie et Clytemnestre, à elles trois, ne représentaient pas la peine et le labeur de la seule Marie Tudor.
«Par ce rôle implacable de Marie Tudor, Mlle George s'empara, triomphante, du génie et de la volonté de M. Victor Hugo, maître absolu des esprits et des âmes. M. Victor Hugo avait donné le rôle de doña Sol et la Thisbé à Mlle Mars. M. Victor Hugo avait fait pour Mme Dorval le rôle de la Catarina. Il écrivit pour Mlle George ces crimes, ces pitiés, ces douleurs. Marie Tudor et Lucrèce Borgia! deux mémoires impérissables! Était-elle assez terrible sous les traits de la sanglante Marie! Était-elle assez pardonnable à l'heure où Lucrèce Borgia se rappelle qu'elle est mère! C'était bien la femme «habile à passionner la foule par le grand et par le vrai», telle que le poète l'avait rêvée...
«L'éloge est superbe et surtout partant d'une telle bouche. «Ah! tu le prends ainsi. Ah! ton amant! Que m'importe ton amant? Est-ce que toutes les filles de l'Angleterre vont vous demander compte de leurs amants à cette heure? Pardieu! je sauve le mien comme je peux et aux dépens de tout ce qui se trouve là!» Ainsi parlant elle était féroce et touchante à la fois.
«Même admiration du poète et même reconnaissance aussi, pour Lucrèce Borgia. Lui seul, M. Victor Hugo, il était le juge absolu de la façon dont s'accomplissaient ses grands rêves, et le lendemain de ces grandes batailles, mieux que la critique elle-même, il se rendait compte de l'effet produit par ses comédiens...
«Elle fut admirable aussi, mais la pièce était difficile à faire vivre, dans cette Maréchale d'Ancre, que M. Alfred de Vigny avait trouvée en ses jours de colère. En même temps, elle acceptait, vaillante, avec joie, avec orgueil, tous les drames de la nouvelle école; elle était un jour la Brinvilliers, elle était le lendemain la reine Caroline d'Angleterre; ou bien, si parfois elle s'arrêtait dans ces sentiers de ronces et de lauriers poétiques, la voilà qui redevenait lady Macbeth, Agrippine, Athalie et Rodogune. Elle a joué la Clytemnestre et l'Agrippine de Soumet, elle n'a pas dédaigné les drames de M. Arnault. C'était un talent souple, abondant, une imagination féconde, et tant de vaillance unie à tant d'invention; jamais lasse et toujours prête! Un soir, elle défia, en son propre champ clos, Mlle Rachel, dans tout l'éclat de la vie, à l'apogée ardente de son talent. Elle jouait Clytemnestre, Mlle Rachel Ériphyle. Après les premières courtoisies, quand ces deux rivales d'un instant, Mlle Rachel à son apogée et Mlle George à son déclin, se furent bien étudiées l'une et l'autre, on les vit, par un accord tacite, réunir, chacune de son côté, toutes ses forces, et lutter franchement à qui l'emporterait dans l'admiration de cet auditoire attentif. On vit alors l'élève de Mlle Raucourt, rappelant à soi toute sa beauté superbe, et, de ce grand geste et de sa voix souveraine, écraser la frêle Ériphyle, et celle-ci se débattre en vain contre cette force et cette puissance irrésistibles. Grande lutte, et mémorable entre toutes! Mais la Clytemnestre arrivait au bout de son sentier; sa tâche était accomplie; elle disait comme le vieux lutteur de Virgile: «Voici mon ceste et mon disque; et toutes les armes de mes luttes passées!»
«Certes disparaître après ce grand triomphe, après avoir forcé sa jeune et malheureuse rivale de l'applaudir publiquement, voilà un cinquième acte inattendu, inespéré dans cette tâche illustre qui comprend plus d'un demi-siècle de combats, de succès et de labeurs.
«J. Janin.»
CATALOGUE
Des Livres, Autographes Gravures, Dessins, Meubles et Curiosités provenant de Mlle GEORGE, tragédienne, et de feu M. TOM HAREL, ancien directeur de théâtre, et dont la vente aura lieu, hôtel Drouot, salle nº 8, le samedi 31 janvier 1903, à deux heures précises de l'après-midi.
Samedi 31 janvier 1903.
Livres, Autographes, Estampes, nos 1 à 118.
Curiosités, Bronzes, Porcelaines, Meubles, Gravures.
Livres en lots.
CONDITIONS DE LA VENTE
La vente se fait au comptant.
Les acquéreurs payeront 10 pour 100 en sus du prix d'adjudication.
Les livres vendus devront être collationnés dans les vingt-quatre heures de l'adjudication. Passé ce délai, ils ne seront repris pour aucune cause.
M. Sapin se réserve la faculté, dans l'intérêt de la vente, de réunir ou de diviser les numéros du catalogue. Il remplira les commissions qu'on voudra bien lui confier.
DÉSIGNATION
LIVRES ANCIENS ET MODERNES
1. Almanach des spectacles, par K. Y. Z., seconde année. Paris, Janet, 1819, in-18, fig. col., cart. de l'édit., dans un étui.
2. Balzac, Œuvres complètes. Paris, Houssiaux, 1853, 20 vol. in-8o, fig., demi-rel.
3. Biographie universelle, ancienne et moderne. Paris, Michaud, 1829, 66 vol. in-8o, demi-rel.
4. Bis (H.), Attila, tragédie. Paris, 1823, in-8o, front., mar., gauf, et fil., tr. dor.
Première édition. Envoi d'auteur à Mlle George: «D'Attila, je vous fais hommage. Que dis-je, offrir?... je vous rends votre ouvrage.»
5. Blanc (Louis), Histoire de dix ans, 1830-1840. Paris, 1846, 5 vol. in-8o, figures, dem.-rel.
6. Bossuet, Discours sur l'Histoire universelle. Paris, 1829, 2 vol. in-8o, mar. bleu, dent. int., dos ornés, tr. dor.—Sacy, les Saints Évangiles. Paris, Dubochet, 1837, gr. in-8o, dem.-rel.
7. Brumoy, Théâtre des Grecs. Paris, Cussac, 1785, 13 vol. in-8o, figures, v. é.
8. Byron (Lord), Œuvres complètes. Paris, Ladvocat, 1827, 19 tomes en 10 vol. in-18, figures, dem.-rel.
Gravures sur chine.
9. Cervantès, Histoire de l'admirable Don Quichotte de la Manche. Paris, Dupart, 1798, 4 vol. in-8o, figures, v. é.
Gravures avant la lettre.
10. Chateaubriand, Atala, René. Paris, Lefèvre, 1830, in-8o, figures, mar. rose, gauf., dos orné.—Saint-Pierre (B. de), Paul et Virginie. Paris, Furne, 1829, in-12, figures, mar. rose, gauf., dos orné (exempl. sur Chine).
11. Chateaubriand, Œuvres complètes. Paris, Furne, 1837, 25 vol. in-8o, figures, dem.-rel.
12. Collection Lefèvre, 7 volumes gr. in-8o, mar. gauf. et dem.-rel.
Boileau, 1835.—Delille, 1834.—Montaigne, 1834.—Massillon, 1833, 2 vol.—B. de Saint-Pierre, 1833, 2 vol.
13. Crébillon, Œuvres, figures par Peyron. Paris, Maillard, 1793, 2 vol. in-8o, v. f., dos ornés.—Chénier (M.-J.) Théâtre. Paris, 1818, 3 vol. in-8o, v. é. (Manq. le port.)
14. Delavigne (Casimir), Messéniennes et poésies. Paris, Ladvocat, 1824, figures sur chine, mar. vert, gauf., dent, int., tr. dor.—Desbordes-Valmore (Mme), les Pleurs. Paris, 1833, in-8o, frontispice, ch. orn. sur les plats, dent. int., dos orné, tr. dor.
15. Delavigne (C.), Œuvres. Paris, Furne, 1835, 5 vol. in-8o, figures, dem.-rel., dos ornés.
16. Didot (Firmin), Poésies et traductions en vers. Paris, 1822, in-18, mar. rose, gauf., dent, int., tr. dor.
Envoi d'auteur à Mlle George:
Mon vaisseau s'expose à l'orage.
Je t'invoque, ô George Weimer!
Si Vénus ne calme la mer,
Qui peut me sauver du naufrage?
17. Doucet (Camille), Comédies en vers. Paris, 1858, 2 vol. in-8o, mal fil. et orn., dent. int., tr. dor.
Envoi d'auteur à Tom Harel.
18. Dulaure, Histoire de Paris. Paris, Furne, 1837, 8 vol. in-8o, dem.-rel.
19. Dumas (Alex.), Les Trois mousquetaires.—Vingt ans après. Paris, Fellens, 1846, 2 vol. gr. in-8o, figures, dem.-rel.—Monte-Cristo. Paris, 1846, 2 vol. gr. in-8o, figures. dem.-rel.
Premières éditions illustrées.
20. Dumas fils (Alex.), Péchés de jeunesse. Paris, 1847, in-8o, dem.-rel.
Première édition.
21. Duval (A.), Œuvres complètes. Paris, Barba, 1822, 9 vol. in-8o, dem.-rel.
22. Fénelon, les Aventures de Télémaque, avec figures dessinées par Cochin et Moreau le jeune. Paris, de l'imprimerie de Monsieur, 1790, 2 vol. in-8o, mar. gauf., dos ornés.
Figures avant la lettre.
23. Figures de l'Histoire de la république romaine. Paris, Myris, an VIII, in-4o de 180 planches, v. f., fil. et orn., tr. dor.
Prix donné au nom de l'empereur Napoléon à Harel.
24. Flaubert (G.), Madame Bovary. Paris, 1857, 2 vol. in-12, dem.-rel.
Première édition.
25. Foe (Daniel DE), la Vie et les aventures de Robinson Crusoë, gravures par Delignon. Paris, Verdière, s. d., 3 vol. in-8o, v. é.
26. Galland, les Mille et une nuits, contes arabes. Paris, Galliot, 1822, 6 vol. in-8o, mar. viol., gauf., dos ornés, tr. dor.
Gravures sur chine, avant la lettre. Reliures romantiques.
27. Halévy (Ludovic), Ba-ta-clan, chinoiserie. Paris, 1856, in-12, br., couv. imp.—Une Maladresse, nouvelle. Paris, 1857, pet. in-8o, br. couv.—Rosé et Rosette, drame, 1858, vig., cart. non rog.
Premières éditions, envois d'auteur.
28. Hugo (Victor), Notre-Dame de Paris, 8e édition. Paris, Renduel, 1832, 3 vol. in-8o, mar. rose, orn. sur les plats, dos ornés, tr. dor.
Envoi d'auteur à Mlle George.
29. Hugo (Victor), Marie Tudor, drame, 2e édition. Paris, 1833, in-8o, frontispice de C. Nanteuil, v. f., fil., dos orné.
Envoi d'auteur à Harel.
30. Hugo (V.), les Misérables. Paris, 1862, 10 vol. in-8o, dem.-rel.
On a ajouté: les Rayons et les Ombres, 1840, 1re édition.—La Légende des siècles, 1859, 2 vol.—Bug-Jargal, 1826, 1re édition.
31. Janin (Jules), l'Ane mort et la Femme guillotinée, 2e édition. Paris, 1830, in-18, rel., gauf., tr. dor.
Envoi d'auteur à Mlle George: «L'Ane, c'est moi, mon amie, qui voudrais mourir pour vous.»
32. Janin (Jules), Contes fantastiques et contes littéraires. Paris, 1832, 4 tomes en 2 vol. in-12, mar., orn. sur les plats, dent. int., tr. dor.
Première édition. Envoi d'auteur à Mlle George: «A vous, madame, votre ami toujours».
33. Janin (Jules), la Religieuse de Toulouse, 2e édition. Paris, 1850, 2 vol. in-8o, br., couv. imp.
Envoi d'auteur à Mlle George: «Prima inter priores. Son ami très sincère, très attaché et très dévoué.»
34. Journal des spectacles représentés devant Leurs Majestés sur les théâtres de Versailles et Fontainebleau. Paris, Ballard, 1764, in-8o, mar. rouge, tr. dor. Aux armes de France.
35. Lamartine, Œuvres. Paris, Gosselin, 1832, 4 vol. in-8o, v. gauf., dos ornés.
On a ajouté les Confidences, 1849, in-8o, br., couv. imp. (1re édit.)
36. Leclerc (Th.), Proverbes dramatiques. Paris, Sautelet, 1827, 6 vol. in-18, mar. rose, gauf. et orn. sur les plats, tr. dor.
37. Marillier, les Illustres Français, ou Tableaux historiques des grands hommes de la France, jusqu'en 1792. Paris, Maurice, s. d. 56 planches en un vol. in-fol., dem.-rel.
38. Meilhac et Halévy, les Brebis de Panurge, comédie.—La Clé de Métella, comédie. Paris, 1863, 2 vol. in-12, br., couv. imp.
Premières éditions. Envois des auteurs à Mlle George.
39. Molière, Œuvres, vignettes par T. Johannot. Paris, Dubochet, 1844, gr. in-8o, cart. illustr. de l'édit., tr. dor.
40. Napoléon III, Affiches du coup d'État, portraits, etc. 15 pièces.
41. Nerval, (Gérard DE) Élégies nationales et satires politiques, 2e édition. Paris, 1827, in-8o, mar. rose, gauf. fil., tr. dor.
42. Parent, Printemps d'une jolie femme. Paris, 1788, in-12, v. f., tr. dor.—Legouvé, le Mérite des femmes. Paris, 1830, in-18, figures, v. rose, tr. dor.
43. Picard, Œuvres, Théâtre. Paris, Barba, 1821, 10 vol. in-8o, dem.-rel.
44. Rabelais, Œvres. Paris, Ledentu, 1835, in-8o, port, mar. gauf., dos orné.—La Fontaine, Œuvres complètes. Paris. Delongchamps, 1826, in-8o, vignettes, v. gauf., fil., dos orné, tr. dor.
45. Racine (Jean), Œuvres complètes, figures de Moreau le jeune. Paris, imprimerie Crapelet, 1811, 4 vol. in-8o, mar. rouge, orn. sur les plats, dent, int., dos ornés, tr. dor.
Gravures avant la lettre.
46. Racine (Jean), Œuvres complètes. Paris, Furne, 1829, gr. in-8o, port. rel. à la cathédrale.
47. Recueils de pièces de théâtre, 1828-1840, 6 volumes in-8o, dem.-rel.
Pièces de théâtre de l'époque romantique, dont plusieurs avec envoi d'auteur à Mlle George.
48. Répertoire du Théâtre-Français. Paris, Duprat, 1826, 4 vol. in-8o, port., v. f., gauf. à la cathédrale, dent. int.
49. Riccoboni (Mme), Œuvres complètes. Paris, Foucault, 1818, 5 vol. in-8o, figures, v. f., dos ornés.
50. Rollin, Histoire ancienne des Egyptiens, des Carthaginois, etc. Paris, Estienne, 1740, 6 vol. in-4o, figures, v. é., tr. dor.—De la manière d'enseigner et d'étudier les belles lettres. Paris, 1740, 2 vol in-4o, v. é., tr. dor.
51. Romantiques. 3 volumes in-8o et in-12, figures, cart. de l'édit.
Poésies par Mme Tastu (exemp. pap. chamois).—Keepsake français, 1831.—Keepsake américain, 1831.
52. Sand (George), Œuvres. Paris, Michel Lévy. 31 vol. in-12, dem.-rel.
53. Scott (Walter), Paysages historiques et illustrations des romans de Walter Scott, scènes comiques de Cruikshank. Londres, s. d., in-4o cart. de l'édit.
54. Soulié (F.), Christine à Fontainebleau, drame. Paris, 1829, in-8o, dem.-rel., dos orné.
Première édition. Envoi d'auteur à Harel.
55. Soulié (F.), Christine à Fontainebleau, drame. Paris, 1827, in-8o, mar. gauf., fil., dos orné.
Première édition. Envoi d'auteur à Mlle George.
56. Soulié (F.), les Mémoires du diable. Paris, Dupont, 1837, 8 vol. in-8o, dem.-rel., dos ornés.
Envoi d'auteur à Mlle George.
On a ajouté: le Vicomte de Béziers, Paris, 1834, 2 vol. in-8o, demi-reliure.
57. Soumet (A.), Clytemnestre, tragédie, 2e édition, Paris, 1822, in-8o, cart., armes sur les plats.
Envoi d'auteur à Mlle George.
58. Soumet (A.), Une Fête de Néron, tragédie, ornée d'une lithographie par Raffet. Paris, 1830, in-8o, v. orn. sur les plats, dent, int., dos orné, tr. dor.
Première édition. Envoi d'auteur à Mlle George.
59. Soumet (A.), Norma, tragédie. Paris, 1832, in-8o, ch., dent. int., dos orné, tr. dor.
Première édition. Envoi d'auteur à Mlle George.
60. Soumet (A.), la Divine Épopée. Paris, 1840, 2 tomes en un vol. in-8o, dem.-rel.
Première édition. Envoi d'auteur à Mlle George.
61. Sue (Eugène), les Mystères de Paris, édition illustrée par Gavarni, Daumier, etc, Paris. Gosselin, 1843, 4 vol. gr. in-8o, dem.-rel., dos ornés.
Première édition.
62. Sue (Eugène), Romans. Paris, Paulin, 1845, 19 vol. in-18, dem.-rel. ch. vert, dos ornés.
On a ajouté 9 vol. par J. Sandeau, A. Karr, etc.
63. Thiers, Histoire de la Révolution française. Paris, 1834, 10 vol. in-8o, figures, dem.-rel.
64. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire. Paris, 1845, 21 vol. in-8o, figures, dem.-rel. Les deux dern. vol. sont br.
65. Vigny (A. de), la Maréchale d'Ancre, drame. Paris, 1831, in-8o, front., mar. vert. orn. sur les plats, dent, intr., tr. dor.
Première édition.
66. Voltaire, Œuvres complètes. Paris, Delangle, 1830, 97 vol. in-8o dem.-rel.
Mlle GEORGE—HAREL—TOM HAREL
67. Opinions et éloges des journaux de Paris sur les débuts de Mlle George à la Comédie-Française en 1802, 2 vol. in-fol. et in-8o, mar. rouge, fil. et orn. sur les plats.
Recueils réunis par le père de Mlle George.
68. George (Mlle). Pièces de vers et lettres adressées par des admirateurs de la province et de l'étranger.
Vingt-sept pièces.
69. Mouchoir de batiste offert par Alexandre Dumas à Mlle George, en souvenir des créations qu'elle fit dans ses drames. Ce mouchoir est orné à chaque coin d'une couronne magnifiquement brodée, reproduisant celle du personnage historique créé.
70. George (Mlle) en province et à l'étranger. Affiches, programmes, 1840-1847, 52 pièces.
71. George (Mlle). Comédie-Française. Représentation à son bénéfice, 17 décembre 1853, programmes, feuilles de la répétition, billet, état de la recette, etc.—État des rôles joués par Mlle George à la Comédie-Française, dressé par Fonta, en 1857.—Affiche de la Porte-Saint-Martin.—Brevet de sa pension, 1852.
Onze pièces.
72. George (Mlle), rôle d'Agrippine dans Britannicus.
Pierre lithographique.
73. Recueil de divers journaux sur la mort de Mlle George, en un vol. in-fol., obl. cart.
74. George (Mlle). Accessoires qui lui ont servi dans différentes pièces.
1o Couronne de Mérope.
2o Couronne-Bandeau de la Tour de Nesle.
3o Couronne de Sémiramis.
4o Couronne de Marie Tudor.
5o Couronne de Rodogune, portée par Mlle George à sa dernière
représentation à bénéfice donnée à la Comédie-Française, en 1853.
6o Croix d'Isabeau de Bavière dans Périnet Leclerc.
Ces objets seront vendus séparément.
75. Harel, mère. Souvenirs pour mes enfants.
Manuscrit.
76. Harel. Direction de l'Odéon et de la Porte-Saint-Martin, 1827-1836. Répertoire et États des recettes en un vol. in-fol., cart.
77. Harel, Discours sur Voltaire, qui a remporté le prix d'éloquence décerné par l'Académie française. 1844, in-4o, ch. dent, int., tr. dor., dans un étui.
On a joint la quittance de Harel, son passeport, le brevet de commandant de la garde nationale, et l'acte de société et le bilan de la faillite du théâtre de la Porte-Saint-Martin.
78. Folies-Dramatiques (Théâtre des). Direction Harel. États des recettes, comptabilité, etc. (1858-1864.) 11 registres in-fol. et in-4o cart.
79. Folies-Dramatiques (Théâtre des). Direction Harel. Pièce de théâtre, engagements d'artistes, affiches, etc.
AUTOGRAPHES
80. Artistes dramatiques. 29 lettres aut. sig.
Achard.—Anaïs.—Pierre Berton, 3 l.—Bocage,
2 l.—Boisselot.—Bouffé.—A. et M. Brohan,
2 l.—Capoul.—Coquelin.—Déjazet.—Dorval.—Dainoreau-Cinti.—Geoffroy,
2 l.—Emilie
Guyon.—Marie Laurent.—Levassor, 2 l.—Ligier, 2 l.—Provost,
2 l.—Samson.—Pauline
Viardot.—Mme Voluys.
81. Desbordes-Valmore (Mme), poète. Madame Emile de Girardin, pièce de vers et 2 lettres aut. sig.
82. Divers. 22 lettres aut. sig.
Abbatucci.—Comte d'Argout.—Asseline.—Baroche, 2 l.—Duc de
Bassano.—Bilhaut.—La
Guerronnière.—Magne, 2 l.—Princesse
Malhilde.—Mocquard, 2 l.—Napoléon Bonaparte.—Pierre
Bonaparte.—Pastoret.—Persigny.—Rémusat, 2 l.—Romieu.—Suchet,
duc d'Albuféra.
83. Doucet (Camille). Auteur dramatique, de l'Académie française. 16 lettres aut. sig.
84. George (Mlle), Livre de dépenses tenu par elle en 1828-1829 et 1841-1842. 2 vol. in-4o, mar. rouge.
On a ajouté son livre de comptes tenu par elle, 1864-1866, in-12, cartonné.
85. George (Mlle), les Débuts de Mélingue au théâtre de la Porte-Saint-Martin, en 1836, 2 pages in-fol., obl.
86. George (Mlle), célèbre comédienne. 4 lettres aut. sig. à Harel et à sa sœur.
On a ajouté une lettre de Harel à Mlle George, quelques jours avant sa mort.
87. George, Entrevue de Napoléon et de Mlle George au château de Saint-Cloud. 3 pages in-fol., obl.
Détails très intimes. Ces notes sont adressées à Mme Desbordes-Valmore, elle lui dit: «Je n'ose pas laissé (sic) lire ces détails à votre cher Hyppolite.»
88. Halévy (Ludovic), auteur dramatique. 5 lettres aut. sig.
89. Janin (Jules), littérateur, de l'Académie française, 7 lettres aut. sig.
90. Littérateurs. Auteurs dramatiques, 37 lettres aut. sig.
Mme Ancelot, 2 l.—Etienne Arago.—Th. Barrière.—Roger de
Beauvoir, 2 l.—Caroline Berton, 4 l.—Cham,
2 l.—D'Ennery.—Gabet.—Harel.—Lambert Thiboust.—Léo
Lespès.—Meilhac.—Mocquart, 2 l.—J. Moinaux,
2 l.—Ed. Plouvier, 2 l.—Jules de Premaray.—Nestor Roqueplan, 2 l.—V.
Sardon—Aurélien
Scholl—L. Ulbach.—A Villemot, 2 l.—Villemessant.—Villemain, 3 l.—Vitet, 2 l.
91. George (Mlle), Mémoires, 220 pages in-fol. autographe.
Ces mémoires sont inédits, mais n'ont malheureusement pas été terminés par la célèbre comédienne. Ils sont, malgré cela, d'un très grand intérêt pour l'histoire du théâtre sous l'Empire. Manque le feuillet 125.
Mme Desbordes-Valmore s'était chargée de récrire ces mémoires; nous joignons quelques cahiers de son travail.
92. Talma. Cheveux de Talma, avec cette note autographe de Mlle George: «Talma ne fut point un acteur, il fut un poète.»
93. Balzac, Vautrin, drame, in-4o br.
Manuscrit original, avec l'autorisation du ministre de l'intérieur, 6 mars 1840, signée par Cavé.
94. Dumas (Alexandre), la Tour de Nesle, drame, registre in-4o, cart.
Manuscrit original. On a ajouté 24 pages autographes du travail de Jules Janin sur la Tour de Nesle de Gaillardet. Dans ce fragment de Jules Janin, Gaultier d'Aulnay s'appelle Anatole. Ce travail fut repris, et la pièce complètement refaite par Alexandre Dumas, qui, dans une lettre à Harel, le directeur de la Porte-Saint-Martin, jugeait ainsi l'essai de Gaillardet:
«C'est un véritable chaos au fond duquel flotte une idée, qui reparaît et se perd à chaque instant. Je n'ai pas besoin de vous dire que cela n'a pas le sens commun, et cependant il y a quelque chose, et cependant ce n'est pas ennuyeux. Je vous demande jusqu'à demain soir pour y penser, puis, si je trouve moyen, je me mettrai à la besogne.»
TABLEAUX.—AQUARELLES.—ESTAMPES.—BRONZES.—PORCELAINES.—MEUBLES
95. Anonyme, Portrait de M. Weimer, père de Mlle George.
Aquarelle. Encad.
96. Anonyme, Harel, directeur de la Porte-Saint-Martin.
Miniature. Encad.
97. Anonyme, Weimer, père de Mlle George—Harel.
Deux portraits au crayon. Encad.
98. Anonyme, Harel (Léopold), portraits.
Une peinture et une aquarelle. Encad.
99. Bocage, rôle de Buridan dans la Tour de Nesle.
Statuette en bronze.
100. Cain, les Fables de La Fontaine.
Coupe en bronze.
101. Calvin, Portraits-charges des artistes et employés du Théâtre des Folies-Dramatiques en 1858. 24 portraits en un vol. in-fol. obl., cart.
102. Dantan et Tétard, Frédéric Soulié, Duprez, Rachel et Dorval.
Quatre charges en plâtre.
103. David, George Weimer.
Médaillon en bronze.
104. Gavarni, costumes de Lucrèce Borgia.
Quatre aquarelles.
105. Giraud (Eugène), Mlle George, dans la Nonne sanglante.
Aquarelle signée. Encad.
106. Ingres, Raphaël et Fornarina, grav. par Pradier.
Épreuve avant la lettre. Encad.
107. Jeu de cartes. Guerre d'Italie, 1859.
108. Johannot (Alfred), Scène de l'Ane mort, par Jules Janin.
Aquarelle signée, 1829. Encad.
109. Johannot (attribuée à Alfred). Léopold Harel, dit le Petit Gourmand.
Aquarelle. Encad.
110. Mélingue, Marceline Valmore.
Médaillon en bronze, 1833.
111. Mélingue, Scène des Mal-Contents, drame.
Aquarelle signée, 1835. Encad.
112. Mêne, Epagneul en bronze, sig.
113. Ponco-Camus, Napoléon Ier devant le tombeau de Frédéric.
Épreuve avant la lettre. Encad.
114. Saint-Èvre, Mlle George dans Christine.
Peinture signée, 1828.
115. Sauvageot (Mme), Portrait de Tom Harel. Peinture, 1829. Encadr.
116. Vernet (Horace), Apothéose de Napoléon.
Épreuve avant la lettre. Encad.
117. Wattier (Emile), Costumes de Mlle George.
Trois aquarelles.
118. Winterhalter, Napoléon III—Impératrice Eugénie, grav. par Cousins. Encad.
NOTES SUR QUELQUES ARTISTES NOMMÉS DANS LA PRÉFACE.
Voici quelques notes sur les artistes nommés dans la préface. Nous espérons qu'elles ne paraîtront pas trop hors de propos à la fin de ce volume, et que le lecteur nous pardonnera de les insérer, avec quelques souvenirs personnels se rattachant à la vie théâtrale.
HAREL
Jean-Charles Harel était né à Rouen en 1790; il mourut en 1846, à Châtillon, près Paris. Auditeur au Conseil d'État, puis secrétaire de Cambacérès, il avait été, à la fin de l'Empire, nommé sous-préfet. Il défendit Soissons avec beaucoup de courage contre les armées alliées. George raconte dans quelles circonstances il obtint de Charles X le privilège du second Théâtre-Français en 1829. Il le conserva jusqu'en 1831. Il se consacra ensuite à la direction de la Porte-Saint-Martin. Il avait écrit autrefois un éloge de Voltaire. Il fit jouer à son théâtre, en 1837, un mélodrame intitulé la Guerre des servantes, fait en collaboration avec Théaulon et Alboise; George y remplissait le principal rôle. C'est à la Porte-Saint-Martin qu'Harel a monté les drames romantiques les plus retentissants: la Tour de Nesle, Richard Darlington, Lucrèce Borgia, Marie Tudor. C'est sous sa direction que George et Frederick Lemaître eurent leurs plus beaux succès. Au fond, il était un peu classique; il n'aimait pas la littérature romantique.
Il avait connu George à Bruxelles, où il s'était réfugié comme proscrit, après Waterloo. George y vint donner des représentations. Il fut bientôt son amant: cette liaison a duré jusqu'à la mort d'Harel. C'était un causeur d'un esprit étincelant. Comme directeur, il avait des habiletés invraisemblables pour préparer le succès d'une pièce, pour emprunter de l'argent, pour faire patienter ses créanciers. Il y avait du Mercadet en lui. Il était d'une saleté proverbiale. Dumas raconte dans ses Mémoires qu'Harel avait fini par installer dans son appartement à lui, dans la maison qu'habitait George—devinez quoi? un cochon. Il l'avait surnommé Piaf-Piaf. Il avait pour son cochon une tendresse incroyable: il l'embrassait du matin au soir. Quand George et son entourage, Janin, Dumas et autres, décidèrent la mort de Piaf-Piaf, quand ils le firent égorger pendant une absence d'Harel, celui-ci fut d'abord inconsolable. Il se répandit en lamentations. Mais son appétit, qui était de premier ordre, finit par l'emporter. Il mangea sans remords une partie des côtelettes et des boudins qu'on avait préparés avec les débris funèbres du pauvre Piaf-Piaf.
J'ai entendu raconter sur Harel l'anecdote suivante qui met bien en relief la finesse et un peu la rouerie de l'impresario.
Il était un jour, avec Frédérick Lemaître, dans son cabinet directorial à la Porte-Saint-Martin. Il reçoit la visite du marquis de Custine, qui voulait faire représenter un drame. Harel obtient des sommes relativement élevées pour les décors, les costumes: il se fait faire des avances pour payer son personnel et ses créanciers. Le marquis de Custine, qui veut être joué à tout prix, consent à tout. Enfin Harel ne trouve plus rien à demander, et le marquis ouvre la porte pour se retirer. Harel se précipite, et veut le remercier. Frédérick lui saisit le bras et le retient en lui disant avec cette voix et ce geste qui n'appartenaient qu'à lui: «Malheureux! vous le laissez partir! Et il a encore sa montre[46]!»
FRÉDÉRICK LEMAITRE
Frédérick Lemaître, né au Havre le 21 juillet 1800, est mort à Paris, rue de Lancry, en 1876.
Il a été, à mon avis, le plus grand comédien qui ait existé. Qui n'a pas vu Frédérick dans Trente ans ou la Vie d'un joueur, dans Kean, dans Don César de Bazan, dans Robert Macaire, dans le Crime de Faverne, ne peut concevoir jusqu'où peut aller la puissance du comédien. La beauté du geste et des attitudes, la puissance et les modulations merveilleuses de la voix, les envolées de lyrisme, les cris de passion, la chaleur communicative de l'émotion, étaient au-dessus de tout ce qu'on peut imaginer. La salle entière frémissait; Frédérick Lemaître faisait passer parmi les spectateurs des frissons d'enthousiasme et de terreur.
J'ai dit combien son caractère était bizarre et difficile. Il était extraordinairement fantasque dans la vie de chaque jour.
Les représentations de Paillasse avaient rapporté à Frédérick beaucoup d'argent. Il se donna le luxe d'une voiture, mais il ne voulut plus porter à la ville que des chaussons de lisière. Je le vis arriver un jour avec ses chaussons chez Alexandre Dumas. L'auteur de Kean lui demanda: «Est-ce que tu as mal aux pieds?—Non, répondit Frédérick avec cette voix étonnante qu'il a gardée jusqu'à la fin; mais, maintenant que j'ai une voiture, je n'ai plus besoin de porter des bottes!»
M. Porel, directeur du Vaudeville, a raconté devant moi qu'il avait été un jour invité à déjeuner chez Frédérick avec quelques artistes. Frédérick avait à ce moment-là pour maîtresse une jeune comédienne charmante, qu'il bousculait, qu'il maltraitait, qu'il rendait horriblement malheureuse. Devant ses invités, à propos de rien, il lui fit une scène épouvantable; il la força à quitter la table et à se réfugier dans sa chambre, où elle se rendit fondant en larmes. Puis Frédérick se lança dans des divagations politiques qui n'avaient ni queue ni tête, sur l'avenir et la régénération de la France. Les invités ne savaient où il voulait en venir. Tout d'un coup, il abandonne la politique; il se met à parler théâtre, à disserter sur l'art du comédien. «Pendant près d'une heure, disait Porel, il parla avec une éloquence merveilleuse. Nous étions muets d'admiration.»
Frédérick vécut longtemps avec une actrice de talent, Clarisse Miroy. Il était effroyablement jaloux; il lui fit tant de scènes qu'elle finit par le quitter. Elle prit pour amant un jeune et très beau garçon, A..., comédien lui-même, qui faisait fureur parmi les comédiennes. Frédérick, la rage au cœur, allait voir jouer Clarisse et son jeune amant. Il se plaçait au premier rang des fauteuils d'orchestre, il fixait sur son heureux rival des regards chargés de haine, puis, à la fin du spectacle, il se retirait en disant: «Oh! les femmes! Encore, si ce misérable avait du talent!»
Un jour, pendant une scène de jalousie, il se mit à maltraiter Clarisse Miroy d'une façon indigne; il la rouait de coups. La mère de Clarisse voulut s'interposer «Misérable, lui criait-elle, frappez-moi donc aussi!»—Frédérick s'arrêta, et, dans une pose admirable, avec une de ces intonations dont il avait le secret, il lui dit: «Vous? madame! pourquoi vous battrais-je? Est-ce que je vous aime?»
Nous hésitons un peu devant une dernière anecdote, un peu risquée; mais elle peint si bien l'excentricité énorme et rabelaisienne de cet artiste génial que nous demandons à nos lecteurs la permission de les choquer un peu. Frédérick se trouvait, à une certaine époque, avoir pour directeur un comédien doué, dans son genre, d'un certain talent, qui joua d'une façon très remarquable le rôle de Rodin, dans le Juif errant, M. de Chilly. Froid et correct d'allures, Chilly était souverainement antipathique à Frederick. Un jour que celui-ci avait fait je ne sais quelle excentricité, un employé du théâtre vint le prier de se rendre dans le cabinet de M. de Chilly. Frederick le regarde, et répète le nom en appuyant sur la particule: «M. de Chilly! de Chilly.» Il paraît réfléchir un instant. «Au fait, pourquoi pas? on dit bien: «De la m...»
Frédérick jugeait George avec quelque sévérité. Il l'accusait de hauteur, d'amour du faste et de la réclame.
RACHEL
Élisabeth. Félix, dite Élisa.—Née à Mumph ou Numf, près d'Aarau, canton d'Argovie (Suisse), le 28 février 1820.—Salle Molière.—Théâtre du Gymnase.—Débute le 12 juin 1838 à la Comédie-Française.—Sociétaire le 1er avril 1842.—Pensionnaire en 1849.—Voyage d'Amérique, 1855.—Séjour de santé au Caire, 1856.—Morte au Cannet (Var) le 4 janvier 1858.—Relâche le 5.—Ramenée à son domicile parisien de la place Royale, et inhumée le lundi 11 au cimetière israélite du Père-Lachaise.—Deuxième relâche[47].
Nous parlerons du génie tragique de Mlle Rachel, d'une façon complète, lorsque nous publierons l'intéressante correspondance que nous avons le bonheur de posséder.
GEFFROY
Geffroy (Edmond-Aimé-Florentin).—Né à Maignelan (Oise) le 29 juillet 1804.—Débute le 17 juin 1829.—Sociétaire le 1er juillet 1335.—Retraité le 1er avril 1865.—Rentré pour Galilée en 1867.—Odéon, 1872-1878.—Décédé à Saint-Pierre-lez-Nemours le 8 février 1895.
Geffroy était un comédien d'une haute conscience artistique, d'une belle fierté d'attitude, composant ses rôles avec une science consommée. Il était admirable dans le Misanthrope; dans le Richelieu, de Diane, d'Augier; dans don Salluste, de Ruy-Blas.
Il avait travaillé dans l'atelier d'Ingres et possédait un réel talent de peintre. Le foyer de la Comédie-Française a de lui deux toiles intéressantes: le Foyer de la Comédie en 1840, qui fut exposé au Salon de 1841, sous le no 803, et le Foyer en 1864, qui fut exposé au Salon de la même année, sous le no 780.
MÉLINGUE
Mélingue était un très beau comédien, d'allures très distinguées, doué d'un talent de sculpteur et de peintre; un très galant homme. Il a joué avec un grand éclat les rôles principaux des drames qu'Alexandre Dumas a donnés au Théâtre-Historique: Lorin du Chevalier de Maison-Rouge, d'Artagnan, Monte-Cristo, Urbain Grandier, Catilina, le comte Hermann; puis Benvenuto Cellini, de Paul Meurice. Il avait une émotion communicative, beaucoup de noblesse et une grande action sur le public. Je crois que c'est dans la reprise de Ruy Blas, à l'Odéon, qu'il parut pour la dernière fois en scène. Il y jouait d'une façon remarquable le rôle de don César de Bazan.
Mélingue était né à Caen en 1808. Il est mort à Paris en 1875.
LAFERRIÈRE
Je n'ai jamais entendu un jeune premier jouer une scène d'amour comme Laferrière. Il avait des gestes, des intonations, un art délicieux pour parler aux femmes. Il a joué tous les rôles d'amoureux dans les pièces de Dumas: Antony, Buridan, le Chevalier de Maison-Rouge, le chevalier d'Harmenthal, Karl de Florsheim, dans le Comte Hermann. Il avait plus de soixante ans quand il a créé les Sceptiques, de Félicien Malle fille, au Théâtre-Cluny. Il était encore un amoureux incomparable. Il avait été très aimé de Virginie Déjazet.
Né à Alençon en 1800, il est mort à Paris en 1877.
ROUVIÈRE
Philibert Rouvière était un artiste bizarre, inégal, mais d'un talent bien personnel, et qui composait ses rôles d'une façon curieuse. Il a été très remarquable dans le Charles IX de la Reine Margot, dans l'Hamlet, de Dumas et Paul Meurice, dans le rôle du médecin Sturler du Comte Hermann. Je l'ai revu plus tard à l'Odéon, dans Maître Favilla, de George Sand. Après cette création, il fut engagé à la Comédie-Française, où il joua Néron de Britannicus, le comte Gormas du Cid, et Jacques dans Comme il vous plaira, de George Sand (12 avril 1856). Il n'eut à la Comédie que des demi-succès et ne put s'y maintenir.
Il faisait de la peinture avec talent. C'était un très galant homme, un artiste convaincu et visant à un idéal très élevé.
Il est mort le 19 octobre 1856, à cinquante-six ans.
FECHTER
Fechter était d'origine anglaise, et pouvait jouer avec une égale facilité en anglais et en français. C'était un beau jeune premier, qui avait une distinction toute britannique. Il avait été remarquable dans les Frères corses de Dumas père, et il a créé avec un éclat inoubliable le rôle d'Armand Duval dans la Dame aux camélias, de Dumas fils.
LES BROHAN
Brohan (Joséphine-Félicité-Augustine), femme d'Edmond de Gheest.—Née à Paris le 2 décembre 1824.—Débute le 19 mai 1841.—Sociétaire le 1er février 1843.—Retraitée le 1er janvier 1868.—Morte à Paris, rue Lord-Byron, no 5, le 15 février 1893.
Brohan (Madeleine), mariée à Mario Uchard le 7 juin 1873—Née à Paris le 21 octobre 1833.—Engagée le 1er septembre 1850.—Débute le 15 octobre 1850.—Sociétaire le 1er janvier 1852.—1855 en Russie.—Retraitée le 1er mai 1885.
Augustine Brohan, dans sa carrière de comédienne, a surtout personnifié l'esprit. Il était impossible de se montrer plus spirituelle, plus incisive, plus mordante dans l'interprétation des soubrettes de Molière. Elle était encore admirable dans Rosine du Barbier de Séville, dans Suzanne du Mariage de Figaro. Elle eut dans son temps une très grande action sur le public.
Sa sœur, Madeleine, était merveilleusement belle, lorsqu'elle débuta au Théâtre-Français, et parut dans les Demoiselles de Saint-Cyr et les Contes de la Reine de Navarre. Elle avait hérité de l'esprit de la famille, et devint une comédienne de grande allure. On se rappelle sa haute distinction, son ton persifleur de grande dame dans le rôle de la Duchesse de Réville, du Monde où l'on s'ennuie, et dans la marquise d'Humières, de l'Étrangère de Dumas.
J'étais encore un gamin lorsque, au moment de la reprise des Demoiselles de Saint-Cyr sous la direction d'Arsène Houssaye (8 septembre 1851), j'eus la bonne fortune de déjeuner à Monte-Christo, chez Alexandre Dumas, avec Mmes Augustine et Madeleine Brohan, Arsène Houssaye, et Mme Isabelle C..., qui était alors l'amie de Dumas.
A cette époque, je commençais à aller au Théâtre-Français. C'est alors que j'entendis Tartufe, le Misanthrope, les Précieuses ridicules, Mademoiselle de Belle-Isle, les Demoiselles de Saint-Cyr, Cinna et Diane (19 février 1852), avec Rachel.
Alexandre Dumas me donnait de temps à autre une lettre pour le secrétaire général du théâtre, Verteuil, et j'allais demander des places, que j'obtenais sans difficulté d'ailleurs. Dumas ne manquait jamais de me dire: «Avant de remettre ma lettre, n'oublie pas de caresser la levrette de Verteuil. Il l'aime comme un fou. Si la levrette te fait bon accueil, tu auras de lui tout ce que tu voudras.»—Je partais avec ma petite frimousse d'enfant, ma petite veste de velours, la lettre de Dumas dans ma poche. Je me faisais conduire au cabinet de Verteuil. Après avoir salué, et avant de remettre ma lettre, je m'écriais en voyant la levrette couchée sur un fauteuil: «Oh! la jolie bête! Comme elle est gentille! Est-ce qu'on peut la caresser?» Verteuil, ému, répondait: «Je crois bien qu'on peut la caresser! Elle est si douce! Elle est si bonne!» Et il exaltait toutes les qualités, toutes les vertus de sa chienne. Il me disait que les chiennes étaient meilleures, plus fidèles que les femmes; et moi, qui n'avais alors que dix à douze ans, je trouvai» ces discours un peu obscurs et sans portée. Après avoir joué avec la chienne, je donnais ma lettre, et Verteuil me disait d'un air attendri: «Alors, mon petit ami, c'est deux fauteuils que vous voudriez?—Oui, monsieur, pour ma mère et pour moi.—Eh bien, mais, est-ce que vous n'aimeriez pas mieux une bonne loge?—Oh! je crois bien, monsieur; je serais bien content.»—Et Verteuil me remettait le coupon de la loge.
Il en allait ainsi au Théâtre-Français, en 1852. On était heureux d'offrir une loge, car le théâtre ne faisait recette que les soirs où jouait Rachel. Les lendemains, il n'était pas de bon ton d'aller à la Comédie-Française. Et les artistes d'alors s'appelaient Geffroy, Samson, Provost, Régnier, Monrose, Brindeau, Maillard, Augustine Brohan, Madeleine Brohan, Nathalie, Judith, Bonval, etc. C'est M. Perrin qui a appris au public à venir au Théâtre-Français. Il a été un directeur incomparable à la Comédie, comme il l'avait été à l'Opéra. Les sociétaires d'aujourd'hui récoltent ce qu'il a semé; ils lui doivent une fameuse reconnaissance. Leurs aînés de 1850 n'ont pas connu d'aussi belles recettes; ils jouaient devant une salle à peu près vide.
Puisque j'ai parlé des Brohan, ma pensée se reporte involontairement vers leur adorable nièce, Jeanne Samary, qu'une mort cruelle a enlevée en 1890, en pleine jeunesse, en pleine floraison de talent et de beauté.
Je l'ai connue pendant l'Exposition de 1878. C'était une nature tellement attirante, tellement franche et droite, que la sympathie avec elle était instantanée. Au bout de dix minutes, nous nous sentions de vieux amis. Notre amitié a duré sans une défaillance jusqu'à sa mort.
Quand la Comédie-Française alla donner des représentations à Londres (2 juin-12 juillet 1879), je m'y rendis, et j'ai fait alors avec Jeanne et Marie Samary des promenades et des excursions délicieuses.
Nous avions parfois avec nous Blanche Baretta, la Victorine sans égale, la Rosine incomparable du Barbier de Séville.
Jeanne Samary et Blanche Baretta étaient deux comédiennes de premier ordre, deux femmes remarquablement intelligentes, très bien équilibrées, parfaitement honnêtes l'une et l'autre, décidées à se marier. On les aurait ennuyées d'une façon cruelle en leur faisant la cour, en leur débitant des fadeurs. J'avais assez de bon sens pour le comprendre. Aussi, quelle confiance, quelle cordialité, quelle bonne et franche amitié il y avait entre nous! Et quelles heures ravissantes nous avons passées en Angleterre!
Aujourd'hui, Mme Baretta-Worms est mariée à un grand comédien; elle est sociétaire retirée de la Comédie-Française, mère de famille, toujours jeune et charmante comme autrefois.
Quant à Jeanne Samary, qui s'était mariée, elle aussi, à un homme qu'elle aimait, elle est morte à trente-trois ans. Il y a déjà seize ans qu'elle nous a quittés. J'entends encore sa belle voix vibrante, son beau rire clair et sonore; je vois ses yeux étonnés de myope, toute sa personne si vive, si gaie, si allante, d'une bonne humeur si communicative.
Au moment de clore ce livre, consacré à la glorification d'une comédienne, je ne puis me défendre d'un sentiment de tristesse, en traçant ces lignes, inspirées par le souvenir de cette artiste exquise, de cette femme d'élite, de cette amie sûre et dévouée, qui fut Jeanne Samary.
Octobre 1906.
FIN
NOTES
[1] Eugène de Mirecourt, les Contemporains. Portraits et silhouettes au dix-neuvième siècle, 3e édition. Librairie des Contemporains.—Mademoiselle George, un vol. in-32, 1870.
[2] Galerie historique de la Comédie-Française pour servir de complément à la troupe de Talma, par E.-D. de Manne et C. Ménétrier.—Lyon, N. Scheuring, éditeur, 1876.
[3] 1er octobre 1822.
[4] 14 juin 1822.
[5] 9 novembre 1822. Mlle George joua en outre le Comte Julien, de Guiraud; Jane Shove, de Liadières (2 avril 1824).
[6] Cléopâtre (2 juillet 1824), Jeanne d'Arc (14 mars 1825).
[7] 13 octobre 1829.
[8] Une Fête sous Néron (29 octobre 1829).—Christine, d'A. Dumas (30 mars 1829).
[9] La première représentation de la Maréchale d'Ancre eut lieu le 25 juin 1830. Le 21 juin, la pièce avait dû être interrompue après le second acte, par suite d'une indisposition de George. La vraie première eut lieu le 25 juin. Le drame fut froidement accueilli.
[10] Jeanne la Folle, 28 août 1829.
[11] Janvier 1844.
[12] Décembre 1844.
[13] Marie Tudor (17 août 1848), Lucrèce Borgia (7 octobre 1848), la Tour de Nesle (24 juin 1849).
[14] Journal intime de la Comédie-Française, 1852-1871, par Georges d'Heylli.
[15] J'ai entendu dire—mais je ne puis affirmer le fait—que, pour l'Exposition universelle de 1855, elle avait obtenu la concession des petits chalets de nécessité. Triste compensation pour une reine de beauté et de tragédie! Hélas! pauvre Clytemnestre! pauvre Marie Tudor!
Comme il arrive souvent pour les prodigues, elle avait beaucoup d'ordre matériel, ses livres de dépenses sont admirablement tenus. Presque chaque jour, on y voit figurer dix centimes pour son tabac à priser, dont elle faisait une grande consommation, comme toutes les personnes de son temps.
[16] Le portrait de Gérard a appartenu à Vivant-Denon, le Spirituel surintendant des musées du premier Empire, et l'auteur de l'adorable conte: Pas de lendemain. A la vente qui eut lieu après le décès de Denon, en 1826, le portrait de George fut racheté moyennant un prix dérisoire (2,010 fr.) par le peintre Pérignon. Il appartient à Mme la comtesse de Pourtalès.
[17] Victor Hugo, l'Homme qui rit.—Paris, librairie Lacroix, Verboeckoven et Cie, 1869. Tome II, p. 86.
[18] George (Marguerite-Joséphine Weimer, dite Mlle).—Née à Bayeux le 23 février 1787.—Débute le 8 frimaire an XI (28 novembre 1802).—Sociétaire le 17 mars 1804.—Partie le 11 mai 1808.—Russie, 1811.—Rentrée le 29 septembre 1813.—Retirée le 8 mai 1817.—Odéon, 1822.—Porte-Saint-Martin, 1831.—Morte à Passy, 3, rue du Ranelagh, le 11 janvier 1867.—Inhumée au cimetière du Père-Lachaise. (Georges n class="smcap">n class="smcap">Monval, Liste alphabétique des sociétaires de la Comédie-Française, depuis Molière jusqu'à nos jours.—1 vol. in-8o, Charavay, 1900.)
[19] Dugazon (J.-B.-Henri Gourgaud, dit).—Né à Marseille le 15 novembre 1746.—Débute le 29 avril 1771.—Sociétaire le 10 avril 1772.—Passe au théâtre de la rue Richelieu en avril 1791.—Réunion générale de 1799.—Mort, encore au théâtre, à Sandillon (Loiret), le 10 octobre 1809. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[20] Raucourt (Françoise-Marie-Antoinette-Josèphe Saucerotte, dite Mlle).—Née à Paris, rue de la Vieille-Boucherie, le 3 mars 1756.—Élève de Brizard, de Mlle Clairon. Débute le 23 décembre 1772.—Partie le 28 mai 1776 (Russie).—Rentrée le 28 août 1779.—Reçue le 11 septembre suivant.—Réunion générale du 30 mai 1799.—Directrice d'une troupe française en Italie.—Morte à Paris, rue du Helder, le 15 janvier 1815.—Ses obsèques font scandale à Saint-Roch.—Inhumée au cimetière du Père-Lachaise. (Georges Monval, etc.)
[21] Contat aînée (Louise-Françoise, épouse du marquis de Parny-Deforges).—Née à Paris le 16 juin 1760.—Débute le 3 février 1776.—Reçue à l'essai le 26 mars 1777.—Sociétaire le 3 avril 1777.—Retirée le 6 mars 1809.—Décédée à Paris, 56, rue de Provence, le 9 mars 1813.—Inhumée au Père-Lachaise. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[22] La Hive (Jean Mauduit, dit de).—Né à La Rochelle le 6 août 1747.—Troupe Montansier, Tours, Lyon.—Débute le 3 décembre 1770.—Reçu à l'essai le 1er janvier 1771.—Parti en octobre 1771.—Province.—Rentré le 29 avril 1775.—Sociétaire le 18 mai suivant.—Retiré le 13 juin 1788.—Rentré comme acteur libre en 1790.—Mort à Montlignon, près de Montmorency, le 30 avril 1827.
[23] Saint-Fal (Etienne Meynier, dit).—Né à Paris, rue Saint-Séverin, le 10 juin 1752.—Comédie bourgeoise, troupe de la Montansier, Hollande, Lyon, Bruxelles.—Débute le 8 juillet 1782.—Sociétaire le 25 mars 1784.—Réunion générale du 30 mai 1799.—Retraité le 1er avril 1824.—Mort à Paris le 22 novembre 1835.
[24] Fleury (Marie-Anne-Florence-Bernarde Nones, dite Mlle, épouse du Dr Chevetel).—Née à Anvers le 20 décembre 1766.—Débute le 23 mars 1784.—Nouveau début le 23 octobre 1786.—Sociétaire le 5 avril 1791.—Réunion générale de 1799.—Retraitée le 1er avril 1807.—Décédée à Orly, près de Choisy-le-Roi, le 23 février 1818.
[25] Talma (Charlotte, dite Caroline Vanhove, femme Petit, puis épouse de Talma (1802) et du comte de Chalôt) (1828).—Née à La Haye (Hollande), le 10 septembre 1771.—Rôles d'enfant (1777).—Débute le 8 octobre 1785.—Sociétaire le 25 décembre suivant.—Réunion générale du 30 mai 1799.—Retraitée le 1er avril 1811.—Morte à Paris le 11 avril 1860.—Inhumée au cimetière du Mont-Parnasse. (Georges Monval, etc.)
[26] Clairon (Claire-Josèphe-Hippolyle Leris de la Tude, dite Mlle).—Née à Condé sur Escaut le 25 janvier 1723.—Débute au Théâtre-Italien le 8 janvier 1736.—Opéra (mars 1743).—Admise le 22 octobre 1743.—Sociétaire le 29 novembre 1743.—Retirée le 31 mars 1766.—Morte à Paris, rue de Lille, le 9 pluviôse an IX (29 janvier 1803).—Transférée du cimetière de Vaugirard au Père-Lachaise en 1838. (Georges Monval, etc.)
[27] Michot (Antoine Michaut, dit), beau-frère de Pigault-Lebrun.—Né à Paris, rue Jacob, le 12 janvier 1765.—Débute le 15 mai 1790 (Palais-Royal); Théâtre de la République (1792-93); Feydeau (1798).—Sociétaire à la réunion générale de 1799.—Retraité le 1er avril 1821.—Inhumé au cimetière de Montmartre, avenue de la Croix. (Georges Monval, etc.)
[28] Fleury (Abraham-Joseph Bénard, dit).—Né à Chartres le 27 octobre 1750.—Théâtre de Lyon (1765).—Débute le 7 mars 4774.—Retourne en province.—Nouveau début le 20 mars 1778.—Sociétaire le 12 mai suivant.—Réunion générale de 1799.—Retraité le 1er avril 1818.—Mort à Valençay (Loiret) le 3 mars 1822.—Inhumé au cimetière d'Orléans. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[29] Talma (François-Joseph), époux de Julie Carreau (1790), et de Caroline Vanhove (1802).—Né à Paris, rue des Ménestriers (paroisse de Saint-Nicolas-des-Champs), le 15 janvier 1763.—Elève de l'École de déclamation (1786).—Débute le 21 novembre 1787, par Séide, de Mahomet.—Sociétaire le 1er avril 1789.—Théâtre de la rue de Richelieu (avril 1791).—Réunion générale du 30 mai 1799.—Mort à Paris, rue de la Tour-des-Dames, le 19 octobre 1826.—Inhumé au cimetière du Père-Lachaise.
[30] Volnais (Claudine-Placide Croizet-Ferreire, dite Mlle), épouse Philippe Roustan, du Vaudeville (1822).—Née à Paris, rue Neuve-Saint-Eustache, le 4 mai 1786.—Débute à Versailles le 4 mai 1801.—Débute à Paris le 7 du même mois.—Sociétaire en 1802.—Retraitée le 1er avril 1822.—Morte en son château d'Ormes-le-Guignard, près Vendôme, le 16 juillet 1837. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[31] Molé (François-René).—Né à Paris, dans la Cité, rue Saint-Louis, le 24 novembre 1734.—Débute le 7 octobre 1754.—Lyon, Toulouse, Marseille.—Nouveau début le 28 janvier 1760.—Sociétaire le 30 mars 1761.—Parti le 1er septembre 1791.—Membre de l'Institut (1795).—Réunion générale de 1799.—Mort à Paris, rue Corneille, 1, le 20 frimaire an XI (11 décembre 1802).—Inhumé dans sa propriété d'Antony (Seine).
[32] Dazincourt (Joseph-J.-B. Albony dit).—Né à Marseille le 11 décembre 1747.—A Bruxelles (1772).—Débute le 21 novembre 1776.—Sociétaire le 23 mars 1778.—Mort à Paris, 24, rue de Richelieu, le 28 mars 1809.—Inhumé au cimetière Montmartre.
[33] De Vienne (Jeanne-Françoise-Sophie Thévenin, dite Mlle), femme Gévaudan (1809).—Née à Lyon le 21 juin 1763.—Débute le 7 avril 1785.—Reçue le 12 novembre suivant.—Théâtres Montansier et Feydeau.—Réunion générale de 1799.—Retirée le 1er avril 1813.—Morte à Paris le 20 novembre 1841. (Georges Monval, etc.)
[34] Duchesnois (Catherine-Joséphine Rafuin, dite Mlle).—Née à Saint-Saulves, près Valenciennes (Nord), le 5 juin 1777.—Débute à Versailles le 12 juillet; à Paris le 3 août 1802.—Sociétaire le 17 mars 1804.—Retraitée le 1er novembre 1829.—Morte à Paris, rue de La Rochefoucauld, 7, le 8 janvier 1835.—Inhumée au Père-Lachaise, avenue des Acacias (monument Lemaire). (Georges Monval, etc.)
[35] Dumesnil (Marie-Françoise Marchand, dit Mlle).—Née à Paris, rue des Marais, le 2 janvier 1713.—Strasbourg (1733).—Débute le 6 avril 1737.—Reçue le 8 octobre suivant.—Sociétaire le 2 février 1738.—Retirée le 31 mars 1776.—Décédée à Paris, 24, rue et barrière Blanche, le 1er ventôse an X (20 février 1803). (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[36] Monvel (Jacques-Marie Boutet, dit de).—Né à Lunéville le 25 mars 1745.—Débute le 28 avril 1770.—Reçu le 1er avril 1772.—Parti le 1er juillet 1781.—Lecteur du roi de Suède et directeur de la troupe française à Stockholm.—Théâtre de la rue Richelieu, 1791.—Membre de l'Institut, 1795.—Réunion générale de 1799.—Retraité le 1er mars 1806.—Mort à Paris le 13 février 1812. (Georges Monval, etc.)
[37] Il a paru en 1803 un opuscule intitulé: «La Conjuration de Mlle Duchesnois contre Mlle George Weymer pour lui ravir la couronne, avec les pièces justificatives recueillies par M. J. Boullault. Ouvrage dédié au Parterre, à l'Orchestre, aux Loges, aux Galeries, à l'Amphithéâtre et même au Paradis du Théâtre Français. A Paris, chez Pillet jeune, libraire, place des Trois Marie près du Pont-Neuf, n. 2, et chez Martinet, libraire, rue du Coq Honoré, n. 124. An XI-1803.» Cet opuscule n'a pas moins de quatre-vingts pages! Avec quelle passion dans ce temps-là on s'occupait du théâtre!
[38] Saint-Prix (Jean-Amable Foucault, dit).—Né à Paris, rue de Grenelle-Saint-Honoré, le 9 juin 1758.—Comédie bourgeoise, troupe de la Montansier, à Versailles.—Débute le 9 novembre 1782 et reçu à l'essai.—Sociétaire le 24 mars 1784.—Retraité le 1er avril 1818.—Mort le 28 octobre 1834. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[39] Bourgoin (Marie-Thérèse-Étiennette).—Née à Paris, rue des Deux-Anges, le 4 juillet 1781.—Débute le 13 septembre 1799.—Nouveaux débuts le 28 novembre 1801.—Sociétaire en mars 1802.—Retirée le 1er avril 1829.—Morte à Paris le 11 avril 1833.—Inhumée au Père-Lachaise. (Georges Monval, Liste alphabétique des sociétaires, etc.)
[40] Thénard mère (Marie-Magdelaine-Claudine Chevalier-Perrin, dite Mme).—Née à Voiron, en Dauphiné, le 11 décembre 1757.—Débute le 1er octobre 1777.—Nouveau début le 26 mai 1781.—Reçue le 1er juin suivant.—Réunion générale du 30 mai 1799.—Retirée le 1er avril 1819.—Morte à Paris le 20 décembre 1849. (Georges Monval, etc.)
[41] Voir le feuilleton de Th. Gautier dans la Presse du 14 avril 1845.
[42] Voici quel souvenir mon père avait gardé de la rivalité et du talent de ces deux actrices célèbres: «La liaison de l'empereur avec Mlle George fit quelque bruit. La société, j'en ai moi-même souvenir, était très animée sur cette controverse touchant le mérite respectif des deux tragédiennes. On se disputait vivement après chaque représentation de l'une ou de l'autre. Les connaisseurs, et, en général, les salons, étaient pour Mlle Duchesnois. Elle avait cependant assez peu de talent, et jouait sans intelligence. Mais elle avait de la passion, de la sensibilité, une voix touchante qui faisait pleurer. C'est, je crois, pour elle qu'a été inventée cette expression de théâtre: «Avoir des larmes dans la voix.» Ma mère et ma tante (Mme de Nansouty) étaient fort prononcées pour Mlle Duchesnois, au point de rompre des lances contre mon père lui-même qui était obligé administrativement à l'impartialité. Ce sont ces discussions sur l'art dramatique, entretenues par la facilité que les fonctions de mon père nous donnaient de suivre tous les événements du monde théâtral, qui éveillèrent de très bonne heure en moi un certain goût, un certain esprit de littérature et de conversation, qui n'étaient guère de mon âge. On me mena très jeune à la tragédie, et j'ai vu, presque dans leurs débuts, ces deux Melpomènes. On disait que l'une était si bonne qu'elle en était belle, l'autre si belle qu'elle en était bonne. Cette dernière, très jeune alors, se fiait à l'empire de ses charmes, et un organe peu flexible, une certaine lourdeur dans la prononciation ne lui permettaient pas d'arriver facilement aux effets d'une diction savante. Je crois cependant qu'elle avait au fond plus d'esprit que sa rivale, et qu'en prodiguant son talent à des genres dramatiques bien divers, elle l'a tout à la fois compromis et développé, et elle a mérité une partie de la réputation qu'on a essayé de lui faire dans sa vieillesse.»—(P. R.)
[43] Je crois que Stendhal exagère un peu. (Note de l'éditeur.)
[44] Il s'agit des trois lettres publiées dans le tome X de l'Espion anglais de Pidansat de Mairobert. Ces lettres et le manifeste Saphique, prononcé par la demoiselle Raucourt, présidente de la secte anandrine, ont été réédités, sous le titre d'Anandria ou Confessions de Mlle Sapho, en 1778-1779 et 1866. (Note de l'éditeur.)
[45] Dumas est moins sévère que Napoléon. (Note de l'éditeur.)
[46] Harel a laissé un fils, Louis-Marie, dit Tom Harel, né à Bordeaux, qui, après avoir été directeur de théâtre, puis attaché au chemin de fer du Nord, est décédé à Paris, 32, rue Saint-Paul, le 17 avril 1902, à quatre-vingt-trois ans. C'est à la vente qui eut lieu après son décès que j'ai acheté les Mémoires de George.
Dans son acte de décès, Tom Harel, qui avait débuté à l'Odéon, dans les Macchabées, le 14 juin 1822, est indiqué comme fils de Jean-Charles Harel et de dame Weymer, dont on n'a pu indiquer les prénoms.
Tom Harel était-il le fils de George, qu'il a toujours appelé sa tante? Était-il le fils de George cadette, qui a joué avec sa sœur à la Porte-Saint-Martin et au Théâtre-Historique, et qu'on avait surnommée Bébelle? Je n'ai pu parvenir à établir exactement la filiation[47] Ces renseignements et ceux qui suivent sont empruntés à l'excellent ouvrage déjà cité de MM. de Manne et Ménétrier: Galerie historique de la Comédie-Française.
TABLE DES MATIÈRES
PréfaceI
Introduction: Mlle GeorgeIX
Mémoires inédits 1
Feuilles détachées 173
Correspondance 211
Appendice: Appréciations de Geoffroy, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Auguste Vacquerie, Arsène Houssaye, Jules Janin.—Extraits des Mémoires de Mme de Rémusat, du général russe de Löwenstern, du Napoléon de Stendhal, des Mémoires d'Alexandre Dumas.—Catalogue de la bibliothèque de Mlle George—Notes sur divers artistes 229
PARIS
TYPOGRAPHIE PLON-NOURRIT ET Cie
Rue Garancière, 8