Nouveau Code du Duel: Histoire, Législation, Droit Contemporain
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Title: Nouveau Code du Duel: Histoire, Législation, Droit Contemporain
Author: comte Charles Du Verger de Saint-Thomas
Release date: December 13, 2012 [eBook #41614]
Most recently updated: October 23, 2024
Language: French
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NOUVEAU CODE
DU DUEL
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
| EN SARDAIGNE: | |
|---|---|
| Améliorations de la race chevaline dans l'île de Sardaigne | 1849 |
| Essai sur la réorganisation de l'école de cavalerie dans l'armée sarde | 1849 |
| Une parole sur le recrutement et sur l'avancement dans l'armée sarde | 1850 |
| Lettre sur l'armée sarde et sur le corps expéditionnaire de Crimée | 1854 |
| Biographie du général Alexandre de La Marmora | 1854 |
| L'ordre militaire de Savoie et la paix | 1854 |
| Divers articles dans le Spectateur militaire, la Gazette militaire de Turin et autres journaux. | |
| EN FRANCE: | |
| L'Italie et son armée en 1865. 1 vol. in-18 | 1866 |
Clichy.—Imprimerie Paul Dupont, 12, r. du Bac-d'Asnières (1763-78).
NOUVEAU CODE
DU DUEL
HISTOIRE
LEGISLATION—DROIT CONTEMPORAIN
PAR
Le Comte DU VERGER SAINT-THOMAS
Officier supérieur de cavalerie
ancien député
PARIS
E. DENTU, LIBRAIRE-ÉDITEUR
PALAIS-ROYAL, 15, 17 ET 19, GALERIE D'ORLÉANS
1879
Tous droits réservés
AVANT-PROPOS
S'il est vrai, s'il est justement admis dans toute société civilisée que l'honneur ne soit pas chose moins sacrée que les lois qui régissent les États; bien que le duel soit depuis plusieurs siècles déclaré hors la loi; bien que dans l'ordre légal on ne puisse attribuer la qualité de code qu'à celui sanctionné par la loi; dans l'ordre moral, et suivant les conseils toujours prépondérants de l'esprit pratique, nous ne craindrons jamais de présenter ni de défendre sous le nom de Code, les règles imposées par l'honneur.
—Chacun, nous dit M. de Chateauvillard, est exposé à cette dure nécessité de risquer sa vie pour venger une offense, une injure. C'est donc une affaire assez importante dans l'existence pour qu'elle soit d'avance réglée selon les formes voulues par la délicatesse et le droit.
Des exemples sans cesse renaissants nous prouvent chaque jour la nécessité de l'établir d'une manière formelle et d'éviter ainsi des fautes qui compromettent l'existence d'un ami, des assassinats que l'on croit devoir passer sous silence pour ne pas donner aux familles le déshonneur d'une récrimination; enfin, ce droit, c'est la sauvegarde de tous; s'il est enfreint, si le sang d'une victime vient à crier vengeance, il sera là accablant pour l'homme sans foi; il sera là encore pour soutenir l'homme courageux qu'on viendrait taxer d'homicide, pour le défendre, pour l'absoudre et faire tomber sur ceux qui l'attaquent l'infamie d'une blâmable accusation (Chateauvillard, Essai sur le duel, page 5).
—Les édits des rois prononçant les peines les plus sévères contre les duels, enchérissant même par des peines accessoires sur la peine de mort prononcée contre les délinquants; les arrêts des parlements; les injonctions et promesses des administrateurs d'hôpitaux chargés de la confiscation des biens des duellistes; les règlements de MM. les maréchaux de France; les efforts de la Ligue du Bien public, et la protestation publique de plusieurs gentilshommes de refuser toutes sortes d'appels; les mercuriales des prélats, des docteurs en théologie; les décrets des conciles; les foudres pontificales et l'excommunication encore en vigueur aujourd'hui; de nos jours, enfin, la vigilance, l'activité déployées par les agents préposés à la sûreté publique; ces mesures répressives que les législateurs contemporains cherchent à faire adopter par les tribunaux de leur pays; rien n'a pu arrêter le cours du duel qui, à son temps et à son heure, sait renverser toutes les digues.
—Ce fait incontestable ne nous donne-t-il pas le droit de penser et d'affirmer que la question du duel est l'un des problèmes d'économie sociale les plus difficiles à résoudre, les plus dignes par là même d'exciter l'intérêt de tout philanthrope désireux de servir les intérêts de l'humanité?
—Établir les règles du duel, le réglementer en un mot, telle est la préface naturelle de toute étude sur cette plaie sociale, jusqu'ici rebelle à la répression. C'est ainsi que l'ont pensé avant nous les hommes honorables qui, en 1836, sont venus engager M. le comte de Chateauvillard, membre distingué du Jockey-club de Paris, à publier un Essai sur le duel.
Ce nouveau code du duel fut appuyé par l'approbation des hommes de l'époque les plus autorisés par leur haute position dans la société.
«Intimement convaincus, disent-ils, que les intentions de l'auteur, loin de propager les duels, tendent au contraire à en diminuer le nombre, à les régulariser, à en éviter les chances funestes, les soussignés donnent leur entière approbation aux règles établies et développées dans le présent ouvrage.»
Suivent les nombreuses signatures d'hommes distingués, parmi lesquels nous remarquons des maréchaux, des pairs de France, députés, officiers généraux, officiers supérieurs, hommes de lettres et gentlemen, etc. (Voir l'Essai sur le duel, par le comte de Chateauvillard, pages 87 et suivantes.)
Nous ne saurions passer sous silence le nom de l'un des signataires les plus compétents, que nous avons eu l'avantage de connaître et d'apprécier: nous voulons parler de M. le marquis de Hallay-Coëtquen, gentilhomme accompli dont les décisions, jusque dans ses dernières années, faisaient autorité en matière de point d'honneur.
—Ces réflexions sembleraient suffisantes pour justifier la publication d'une nouvelle étude sur le duel, si des considérations afférentes à l'utilité pratique ne nous eussent induit à persévérer dans notre dessein de l'entreprendre.
—Le code de M. de Chateauvillard est presque introuvable aujourd'hui, et, non seulement nous voyons renaître à chaque instant les abus qu'il avait pour but essentiel de combattre, mais encore des irrégularités très-regrettables se sont introduites depuis sa publication.
Bien que les prescriptions de ce code soient nettes et précises, publiées au moment où les rencontres étaient plus fréquentes, elles nous ont semblé parfois plutôt destinées à être interprétées par des hommes ayant déjà quelque expérience des usages de la société, et par conséquent susceptibles de développements pour être bien comprises et mises en pratique par le plus grand nombre.
Des personnes honorables, dont l'influence morale pourrait être utile soit pour arranger les affaires d'honneur, soit pour en rendre les conséquences moins désastreuses, se refusent à accepter le rôle de témoins, alléguant leur complète inexpérience dans de semblables questions. Un guide sûr ne suffirait-il pas pour atténuer les scrupules de quelques-uns?
Ce serait autant de gagné dans l'intérêt de l'humanité!
Notre étude sur le duel sera divisée en trois parties:
La première contiendra un précis historique sur les origines du duel; un aperçu analytique sur la législation des principales puissances étrangères, sur la législation et la jurisprudence des tribunaux français, et, enfin, la conclusion fera connaître notre opinion personnelle sur les moyens les plus sûrs de diminuer le nombre des duels, ou tout au moins, d'en atténuer les effets, sans porter atteinte au point d'honneur, lequel, selon nous, ne saurait tomber en désuétude dans toute société civilisée;
Dans la seconde partie on trouvera un code du duel. Les règles établies comporteront les développements, observations et exemples dont l'utilité nous a été démontrée par l'expérience;
Dans la troisième partie, nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs quelques pièces justificatives.
Avons-nous besoin de le proclamer, notre Code du duel n'est nullement pour le favoriser, mais bien pour le cantonner sans des limites étroites que, seules, les nécessités réelles et reconnues du point d'honneur puissent lui permettre de franchir; pour déterminer les devoirs comme les droits de chacun; pour persuader à quiconque se trouve dans la nécessité de venger une injure qu'il ne doit confier son honneur et sa vie qu'à des hommes sérieux et entourés de l'estime publique; pour apprendre enfin aux témoins les principes qui doivent les guider dans l'accomplissement du redoutable et important mandat qu'ils ont accepté volontairement, leur montrer l'étendue de la responsabilité qu'ils encourent soit envers l'ami qui leur a confié son honneur et sa vie, soit envers les familles, soit envers la société.
Puissions-nous être assez heureux pour atteindre le but humanitaire que nous nous sommes proposé.
Puissions-nous obtenir par la précision et la clarté des conseils puisés au creuset de l'expérience, que toutes les querelles suscitées par les écarts de l'imagination ou par l'effervescence des passions humaines, et de nos jours, surtout, ce qui est profondément regrettable, par les animosités politiques, soient apaisées dès leur début et que les rencontres que l'honneur et la nécessité imposent à l'homme de cœur aient des suites moins funestes, moyennant la salutaire influence de règles connues et admises «à titre de droit commun à tous» par l'opinion générale dans la société.
PREMIÈRE PARTIE
PRÉCIS HISTORIQUE
SUR LE DUEL
ET SUR SA LÉGISLATION
CHAPITRE PREMIER
PRÉCIS HISTORIQUE SUR LE DUEL ET SUR SA LÉGISLATION
JUSQU'A LA RÉVOLUTION DE 1789.
Le duel, tel que nous aurons à le définir plus tard, est une institution toute moderne que les anciens ne connurent jamais, dont ils n'eurent pas même l'idée, car ils ne connurent jamais ce que, dans nos mœurs, on appelle le point d'honneur.
D'ailleurs, les anciens n'étaient point chrétiens, et le duel est une institution chrétienne, car il représente la foi complète dans l'omniscience et dans l'ingérence divines, sentiments inconnus des païens, et que nous verrons plus tard servir de base au jugement de Dieu, dont le duel moderne est le successeur direct.
En entrant dans le champ clos, un chevalier prononçait cette formule: «Me voici prêt avec l'Évangile d'une main, et l'épée de l'autre.» En 971, Vivence, champion du clergé, disait: Ecce me paratum cum Evangelio et scuto et fuste.
Les souverains accordaient la prérogative de décerner la patente du camp à des évêques, à des chapitres. En 1028, l'empereur Conrad l'accordait par une charte à Pierre, évêque de Novare.
On trouve encore dans les anciens missels: Missa pro duello. Basnage cite des prêtres, des moines, des évêques, des cardinaux et des papes, lesquels non seulement ont admis, mais pratiqué et même imposé le duel. Selon cet auteur, le pape Martin IV lança une censure, même une excommunication: «pour défaut de comparution sur le terrain». Nicolas Ier appelait le duel un combat légitime. Le pape Eugène III disait à propos du duel: Utimini consuetudine vestra.
Il n'en est plus de même aujourd'hui: l'Église s'est unie au bras séculier pour défendre le duel. (Voir 3e partie, Pièces justificatives, no VII, Décret du concile de Trente.)
Et pourtant, en consultant les plus anciens et les plus célèbres historiens romains, on remarque que dans les premiers âges de la fondation de Rome, ses habitants ne connurent d'autres juges pour le partage de leurs biens que le hasard des combats.
Laissant à part l'enlèvement des Sabines, ce célèbre combat motivé par le besoin de satisfaire à des nécessités conjugales, et ensuite la lutte entre les Horaces et les Curiaces, ces usages régnèrent jusqu'à la publication de ce recueil de lois dues à la sagesse des législateurs romains, lequel, après avoir traversé la suite des âges, constitue encore aujourd'hui la base de toutes nos législations contemporaines.
Les Gaulois, ce peuple entreprenant, guerrier, ami des querelles et des discussions, ne pouvaient manquer de pousser ce caractère batailleur jusqu'à ses dernières limites. Toujours armés (usage qui ne se rencontrait ni chez les Grecs ni chez les Romains), ils avaient toutes facilités pour satisfaire leurs inclinations. Faute de trouver des ennemis à combattre, ils se battaient entre eux. Chez eux les combats singuliers devinrent une sorte de divertissement public que nous verrons plus tard se perpétuer jusque dans le moyen âge. Les différends se terminaient par les armes; c'était également par les armes que les témoins fournissaient les preuves de leur témoignage. Le sanctuaire même où résidaient leurs dieux ne leur semblait pas profané par cette coutume. La chaise curule du grand prêtre, chef des Druides, devenait le prix d'un combat singulier entre ceux qui ambitionnaient sa succession.
Les compagnes de nos ancêtres partageaient les instincts belliqueux de leurs époux. Elles conservaient dans leur sein le germe de cet esprit guerrier fidèlement transmis à leurs descendants.
Le gracieux et sympathique auteur du Mérite des Femmes, M. Legouvé, a consacré de bien belles pages à nous représenter la femme comme toujours supérieure à notre sexe.
Ange consolateur de la famille, la femme supporte avec une indomptable énergie de grandes infortunes qui trompent la vigueur du sexe fort; son dévouement inépuisable la porte à faire en souriant le sacrifice de sa vie pour le salut des êtres qui lui sont chers. Et, sans remonter bien haut, n'avons-nous pas vu la belle et vaillante princesse Marie-Pie, reine de Portugal (digne fille de notre ancien et bien-aimé souverain Victor-Emmanuel dont tout un peuple pleure aujourd'hui la perte prématurée), n'avons-nous pas vu la femme courageuse terrifier des courtisans affolés, en s'élançant elle-même dans les flots pour reconquérir ses enfants emportés par les vagues envahissantes?
Aux nobles princes, ses aïeux, la bravoure dans les combats, le courage militaire! A la femme couronnée, le dévouement maternel, le courage civil!
Dans sa faiblesse même, la femme puise l'admiration pour la force. Tout indice de pusillanimité lui fait regarder comme indigne de son affection, celui-là même qu'elle eût volontiers choisi pour son protecteur.
La finesse exquise, le tact infiniment supérieur de la femme, les sentiments généreux qui abondent dans son cœur, impriment à ses jugements le cachet de la vérité.
Aussi, n'hésitons-nous pas à regarder cette gracieuse moitié du genre humain comme le meilleur juge du point d'honneur.
Avez-vous remarqué ce jeune homme lancé dans une discussion irritante qui côtoie l'agression et va peut-être bientôt dégénérer en violence? Tout à coup l'orage s'apaise. On le voit reprendre le ton courtois de la bonne société... Un simple regard de l'objet aimé l'a ramené dans la bonne voie.
La tendresse de la femme patronnant la cause de la justice et de la raison ne lui donne-t-elle pas le droit au commandement sur tout homme de cœur?
La femme voit-elle l'objet de ses préférences subir une insulte aussi grave qu'imméritée, un regard calme et fier viendra l'encourager à suivre le sentier de l'honneur. Comment pourrait-il y manquer, puisqu'il a la certitude que son courage sera partagé?
C'est encore dans le sentiment de l'honneur que la femme puise la force nécessaire pour donner l'exemple de deux vertus qui lui sont pourtant si souvent contestées: le silence et la discrétion.
Citons un exemple:
Il y a quelque vingt ans, dans une armée étrangère, une querelle entre deux honorables officiers nécessite un duel à outrance. Pour des motifs que nous ne croyons pas devoir préciser, la rencontre ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du terme de trois mois.
Pendant cette longue attente, des mères, une femme, des sœurs, les deux familles enfin, cachent leurs angoisses, leurs inquiétudes, jusqu'au jour du dénouement qui mit l'un des champions hors de combat et fit craindre pendant quelque temps pour la conservation de ses jours.
A quel puissant mobile attribuer un si long silence, une pareille discrétion, si ce n'est au profond sentiment de respect pour le point d'honneur!
Nous le répétons, les sentiments généreux, le respect pour le point d'honneur, l'amour-propre ne sont pas moins développés chez les femmes que chez les hommes. Les mères et les épouses n'aiment point seulement la personne, mais plus encore, si c'est possible, la considération et la dignité de ceux qui leur sont chers.
Et les fiancées surtout, n'ont-elles point voix au chapitre? Souffriront-elles que l'objet de leurs plus chères affections, celui qui doit être bientôt pour elles un protecteur, soit livré au ridicule, aux sourires, aux dédains dans la société? L'amour-propre n'emporte-t-il pas tout?
Jeune homme, si vous osez vous révolter contre l'opinion, vous êtes médusé, quand bien même vous vous seriez assuré l'appui de quelques douairières bien pensantes, en étalant la rigidité de principes du pratiquant, amorce infaillible, rivale de la liqueur à carpes Moriçaud, dans la pêche... à la dot!... Tout est inutile! Une violente secousse brise inopinément la mort-à-pêche!
Quoi qu'il en soit de cette digression, faite pour accidenter la sécheresse de notre course au clocher dans les domaines de l'histoire, c'est chez les peuples barbares dont les diverses agglomérations ont donné naissance aux sociétés modernes, que l'on s'accorde généralement à reconnaître la véritable origine du duel qui dut passer par diverses phases sociales avant de devenir ce qu'il est de nos jours.
Ainsi, le duel nous apparaît d'abord comme une institution judiciaire, un mode de preuve adopté dans les procès, pour obtenir l'éclaircissement des faits contestés.
En justice, il est un principe admis: c'est qu'il appartient au demandeur de fournir la preuve des faits qu'il avance; dans le cas contraire, le défendeur est renvoyé de la plainte.
Des lois barbares méconnurent ce principe en ordonnant que le défendeur prêtât le serment. (Loi des Visigoths, lib. II, tit. II, c. V).
La dissolution progressive des mœurs, l'affaiblissement graduel des caractères et l'abus du serment lui-même, qui n'était plus réservé pour des cas extrêmes, atténuèrent le respect pour la religion du serment qui, au temps de Rome antique, avait enfanté des prodiges.
Placé entre l'alternative de se condamner par un aveu ou de se libérer par un parjure, le défendeur jurait. Pour suppléer à l'insuffisance du serment, on imagina d'exiger que la véracité de celui qui le prêtait, fût attestée par un certain nombre de personnes: conjuratores sacramentales. Le nombre de ces certificateurs de serment était déterminé par la loi, suivant l'importance du procès. (Lib. VI, cap. I, Alamannorum.) Ils juraient sur l'Evangile en même temps que leurs clients. En multipliant les serments, on multiplia les parjures. C'est pour faire disparaître cet abus que fut institué le combat judiciaire.
L'usage de ce combat fut consacré pour la première fois dans la loi des Bourguignons connue sous le nom de loi gombette (du nom de Gondebaud son auteur, tit. XLV).
Cette institution se généralisa bientôt et s'introduisit successivement dans les habitudes juridiques des autres peuples barbares. On la rencontre dans les lois des Francs ripuaires, dans celles des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens, des Frisons, des Saxons et des Lombards. L'histoire romaine (Velleius Paterculus, lib. II, 118) nous apprend que c'était la coutume des anciens Germains de terminer par les armes, leurs différends privés.
La loi salique, sauf dans quelques cas très rares et exceptionnels, n'admettait ni la preuve négative par serment ni le combat judiciaire. On observa bientôt combien les mœurs l'emportent sur les lois écrites: cette loi tomba dans l'oubli, et le combat judiciaire s'établit, même parmi les peuples qu'elle régissait.
Au IXe siècle, ce préjugé avait pris de si profondes racines dans les habitudes publiques, et les abus du système qu'il avait remplacé étaient si grands que Charlemagne crut devoir le tolérer par une disposition expresse. (L. Longobard., lib. II, tit. LV, 1, 23.) Forcé d'opter entre deux maux, ce souverain s'efforçait de choisir le moindre.
Cependant, dès son origine même, le combat judiciaire dut essuyer les résistances et les protestations de l'Église. Saint Avit, archevêque de Vienne, adressa à Gondebaud lui-même ses remontrances. Plus tard, saint Agobard, archevêque de Lyon, sollicita énergiquement auprès de Louis le Débonnaire l'abolition de la loi gombette et le retour à la loi salique. L'Église ne se borne pas à adresser de simples remontrances aux souverains, elle établit des peines.
Ainsi on remarque dans les actes du 3e concile de Valence, tenu l'an 855, sous le pontificat de Léon IV, un canon qui déclare assassin celui qui en pareil combat se sera rendu coupable d'homicide ou de blessures graves, le bannit de l'assemblée des fidèles, etc., etc.
Quiconque aura succombé dans le combat, sera considéré comme s'étant suicidé et sera privé de la sépulture ecclésiastique. (Concile de Valence, canon 12.)
Le pouvoir ecclésiastique soutint la lutte dans deux conciles, en demandant que la véracité d'une charte produite pour prendre possession d'un héritage fût certifiée par le serment dans les églises. Les seigneurs persistaient de leur côté à demander le jugement de Dieu, c'est-à-dire la preuve par combat.
Enfin, l'empereur Othon II donne gain de cause à la noblesse par une constitution publiée l'an 969 (V. L. Longobard., lib. II, tit. LV, cap. XXXIV).
La force d'impulsion fut telle que le combat judiciaire pénétra jusque dans les tribunaux ecclésiastiques, et, non seulement les parties contondantes, mais les témoins et même les juges pouvaient être appelés en champ clos (Voir l'Esprit des lois, liv. XXI, chap. XXIII et suivants). Les femmes soutenaient leurs querelles par le moyen de champions.
Cependant avec le temps, la raison commença à prendre le dessus. Les tribunaux ecclésiastiques se mirent à obéir aux injonctions pontificales. La réaction qui s'opérait déjà dans les esprits, se manifesta dans la charte accordée par le roi Louis le Jeune à la ville d'Orléans, en 1168. Cette charte porte qu'il ne pourra y avoir bataille entre deux parties pour une dette de cinq sols et de moins (Laurière, t. I, page 15).
Le premier de nos rois qui ait cherché à abolir le combat judiciaire, fut saint Louis: ce sage prince, persuadé que la meilleure autorité d'un chef, c'est l'exemple, le donna lui-même dans ses domaines, espérant avec juste raison que l'exemple du souverain influerait sur la conduite des barons.
Par son ordonnance ou établissement, en date de l'an 1260, il substitua au combat judiciaire la preuve par témoins et réduisit le nombre des cas dans lesquels ce combat pourrait être demandé. Ses ordonnances sont contenues dans l'important recueil appelé Établissements de saint Louis.
Il est bon d'observer qu'à cette époque de désordre social, outre les préjugés invétérés et les habitudes chères à la noblesse belliqueuse, il existait encore un abus plus important et non moins déraisonnable que le combat judiciaire: celui des guerres privées que se faisaient les seigneurs entre eux et les villes entre elles. Cet abus déplorable était dans toute sa force, lorsque saint Louis monta sur le trône.
Ce sage prince fit d'abord admettre ce que l'on appela la trêve de Dieu. Pendant un intervalle de 40 jours à dater de l'offense, les voies de fait étaient interdites.
Philippe le Bel continua l'œuvre réformatrice de son père. Son ordonnance de 1296 défendait les guerres privées pendant tout le temps que durerait la guerre du roi. Pendant le même temps le combat judiciaire était également défendu, et les procès devaient se terminer par les voies ordinaires.
L'ordonnance de 1303 renouvela les mêmes défenses. Les malfaiteurs n'en furent que plus audacieux, quand ils pouvaient commettre leurs méfaits sans témoins. Le nombre des crimes ne fit que s'accroître, et, en 1306, Philippe le Bel, dans une nouvelle ordonnance, accepte le retour aux gages de bataille.
Le dernier combat judiciaire eut lieu en 1387, sous le règne de Charles VI (le premier qui porta le titre de Dauphin de France), entre messire Jean de Carrouge, seigneur d'Argenteuil, et Jacques Legris, tous deux vassaux du duc d'Alençon. Jean de Carrouge ayant cité par-devant le parlement le sieur Legris, comme ayant attenté à l'honneur de sa femme, le parlement déclare qu'il échoit gage, ordonne le combat, et Legris fut tué. On reconnut son innocence dans la suite.
Ce qui amena peu à peu l'abolition du combat judiciaire, ce fut précisément l'attribution exclusive conférée au parlement de Paris du droit de l'ordonner, quand il y aurait lieu, dans toutes les parties du royaume, sans distinction.
On ne saurait donner la date précise de cette réforme; mais ce que l'on peut assurer, c'est qu'elle s'accomplit progressivement à mesure que la juridiction du roi empiéta sur celle des seigneurs et par suite de l'affranchissement des communes, lesquelles préférèrent naturellement faire juger leurs querelles par leurs échevins plutôt que par les seigneurs qui s'étaient soigneusement réservé le droit de donner le gage de bataille.
Cependant, tandis que le préjugé du combat judiciaire s'affaiblissait de jour en jour, l'habitude des guerres privées opposait à nos rois une résistance opiniâtre. Le règne de Jean II, surtout, fut fécond en édits d'une grande sévérité, justifiés d'ailleurs par la présence des Anglais au cœur de la France.
Quand les résistances durent céder devant l'autorité royale, au lieu de disparaître entièrement, l'abus ne fit pour ainsi dire que se transformer, et c'est alors que prit naissance un autre abus qui tenait à la fois du combat judiciaire et des guerres privées.
Nous voici arrivés au Duel.
Cette transformation commença à la fin du XIVe siècle, et se poursuivit pendant le XVe.
On présentait au roi une requête, pour obtenir l'autorisation de combattre en champ clos. L'autorisation obtenue, le cartel était signifié par un héraut d'armes, au nom du Roi.
Le roi assistait à ces combats, et lorsqu'il croyait devoir y mettre fin, jetait son sceptre entre les combattants.
Ainsi agit François Ier dans le combat qui eut lieu, avec son autorisation, entre deux gentilshommes du Berry, les sieurs Vermiers et Harzay.
Le duel n'était permis qu'aux nobles, et au roi seul appartenait le droit de décerner les combats (Etienne Pasquier, Recherches sur la France, liv. IV, chap. XV).
François Ier avait refusé à deux gentilshommes de sa cour, François de Vivonne, seigneur de la Chasteigneraye, et Guy Chabot, seigneur de Montlieu, connu sous le nom de Jarnac, la permission de se battre; ceux-ci obéirent, attendirent le règne de Henri II, son successeur: ce prince, par son ordonnance de 1547, autorisa le duel.
La Chasteigneraye, son favori, ayant succombé (telle est l'origine du coup de Jarnac), il jura de ne jamais plus accorder semblable autorisation.
Sous le règne de Henri II commença une nouvelle phase dans l'histoire du duel. Quand on ne put plus obtenir l'autorisation royale, on s'en passa, et les duels se multiplièrent d'une manière effrayante.
Un abus aussi monstrueux ne pouvait être toléré par l'Église, qui avait si énergiquement protesté contre le combat judiciaire.
Le concile de Trente, par un canon (encore en vigueur aujourd'hui) de l'année 1563 (Session 25, De Reformatione, chap. XIX) fulmina l'excommunication non seulement contre les combattants, mais contre les parrains (témoins), et priva de la sépulture chrétienne ceux qui trouvaient la mort dans le combat. (Voir ce canon aux Pièces justificatives, page 453.) Nous résumerons ici les règles que les duellistes reconnaissaient au XVIe siècle (Voir Brantôme, Discours sur les duels).
Il commence par recommander de ne pas se battre sans témoins, d'abord pour ne pas priver le public d'un beau spectacle, et ensuite, pour ne pas s'exposer à être recherché et puni comme meurtrier.
«Les combattants, ajoute-t-il, doivent être soigneusement visités et tastés pour savoir s'ils n'ont drogueries, sorcelleries et maléfices. Il est permis de porter reliques de N. D. de Lorette et autres choses saintes. En quoi pourtant il y a dispute, si l'un s'en trouvait chargé et l'autre non, car dans ces choses, il faut que l'un n'ait pas plus d'avantages que l'autre. Il ne faut pas parler de courtoisie; celui qui entre en champ clos doit se proposer de vaincre ou de mourir, et surtout de ne se rendre point, car le vainqueur dispose du vaincu tellement qu'il en veut, comme de le traîner par le camp, de le pendre, de le brusler, de le tenir prisonnier, bref, d'en disposer comme d'un esclave.» En lisant les mémoires des contemporains, on est édifié sur la quantité de meurtres que l'on regardait comme des duels, on en trouve mille preuves dans les ouvrages de Brantôme, de d'Audiguier, de L'Estoile, de Tallemand des Réaux, etc.
Le pouvoir civil tenta de s'associer à l'Eglise dans la voie de répression.
En 1560, les États généraux réunis à Orléans avaient présenté leurs doléances et leurs demandes pour obtenir la répression des duels. Le roi Charles IX y fit droit par une ordonnance rendue à Marchois en 1566 (en même temps que la célèbre ordonnance de Moulins, mais par un acte séparé) et dont l'honneur revient au chancelier de L'Hôpital. Cette ordonnance défend aux gentilshommes de vider leurs querelles par des combats, leur enjoint de soumettre les démentis au gouverneur de la province, au connétable et aux maréchaux de France, lesquels décideront de la valeur du démenti et pourront le déclarer nul: en ce cas, celui qui l'aura donné sera tenu d'en faire amende honorable à celui qui l'aura reçu.
Il convient de noter ici un point essentiel: Cette sage ordonnance ne se contentait pas de punir les duels, mais elle s'attachait à les prévenir, en assurant une légitime satisfaction à celui qui aurait reçu un démenti ou toute autre injure. Ce n'est pas tout d'édicter des lois, il faut veiller à leur impartiale exécution. C'était précisément ce qui manquait. Quand les coupables, souvent favoris ou fidèles serviteurs du roi, demandaient grâce, il ne savait pas résister. Le mal ne faisait donc que s'accroître en raison de l'impunité accordée à la faveur.
Pour donner satisfaction à l'opinion publique et faire droit aux réclamations formulées par les États généraux, rassemblés à Blois en 1575, une ordonnance royale, rendue dans cette ville en 1579, confirme par son article 194 les précédents édits, et l'article 278 déclare criminels de lèse-majesté les gentilshommes qui se réuniraient pour vider leurs querelles particulières.
Ce fut en 1580 que s'introduisit la règle pour les seconds de prendre fait et cause pour leurs tenants; jusque-là, ils n'avaient été que témoins. Ce déplorable usage est, avec juste raison, blâmé par Montaigne.
«C'est une espèce de lâcheté, dit-il, qui a introduit dans nos combats singuliers cet usage de nous accompagner de seconds, tiers et quarts. C'étaient anciennement des duels; ce sont à cette heure rencontres et batailles. Outre l'injustice d'une telle action et vilenie d'engager à la protection de notre honneur autre valeur et force que la nôtre, je trouve du désavantage à mesler sa fortune à celle d'un second. Chacun court assez de hasard pour soye, sans le courir encore pour un aultre.»
Parmi les plus célèbres duellistes de cette époque, nous devons citer les Mignons de Henri III. La manie des querelles était du reste devenue si commune que Montaigne disait: «Mettez trois Français aux déserts de Lybie, ils ne seront pas un mois ensemble sans se harceler et s'égratigner.»
Les temps étaient-ils bien propices pour opérer une pareille réforme, au moment où les passions étaient surexcitées par les luttes religieuses, où les partis étaient en armes, quand le pouvoir était lui-même chancelant par suite des désordres d'une guerre civile?
Était-il possible d'espérer triompher d'habitudes profondément invétérées dans les mœurs de la noblesse et d'autant plus puissantes qu'elles étaient fondées sur un sentiment noble en soi et fécond en généreuses inspirations, le sentiment de l'honneur?
Henri III ne possédait dans son caractère ni assez de fermeté ni assez de grandeur pour dominer la situation. Les historiens contemporains nous le prouvent surabondamment en nous racontant que lors du célèbre duel entre Caylus et Maugiron, et qui coûta la vie à tous les deux, le roi au lieu de punir Caylus, ne quittait point son chevet, lui présentait lui-même les bouillons, et faisait les plus belles promesses aux chirurgiens, s'ils conservaient la vie à son favori (Brantôme, Mémoire touchant les duels; Pierre de L'Estoile et d'Audiguier, le Vrai en ancien usage des duels).
Le mal, aggravé par les troubles de la Ligue, était arrivé à son comble au moment de l'avénement de Henri IV (1589).
Ce prince s'applique à en tarir la source, en apaisant par son influence personnelle les différends des seigneurs de sa cour. Le parlement seconda les efforts du souverain par la rigueur qu'il déploya contre les duellistes, lesquels, dans son Arrêt de règlement en date du 26 juin 1599, il déclara criminels de lèse-majesté et perturbateurs du repos public, etc.
Nous avons déjà vu plus haut que l'ordonnance de Blois en avait agi de même pour les assemblées de gens faites pour vider les querelles particulières ou autres. En effet, le droit de rendre la justice est l'attribut le plus précieux et le plus essentiel de la souveraineté, et, se faire justice soi-même, c'est usurper le droit du souverain, c'est offenser la majesté royale.
Dans nos institutions modernes, le droit de justice est délégué à la magistrature qui rend les arrêts au nom du souverain.
En avril 1602, intervint un édit royal donné à Blois, pour la défense des duels. Cet édit prononçait la peine du crime de lèse-majesté, c'est-à-dire, la mort et la confiscation totale des biens, contre les duellistes et contre ceux qui les seconderaient en quelque manière que ce fût, et ordonnait à la partie offensée d'adresser sa plainte au gouverneur de la province, au connétable et aux maréchaux de France pour obtenir la réparation de l'injure qu'elle avait soufferte.
Telle fut l'origine de la juridiction du point d'honneur.
L'excessive sévérité de cet édit produisit l'effet diamétralement contraire au but du législateur. Sully, dont les prévisions à cet égard eussent dû être écoutées, avait fait de vifs efforts pour obtenir que les peines prononcées fussent plus douces, et par conséquent, plus facilement et plus rigoureusement appliquées.
De là, nombreuses lettres de grâce; de là, scandaleuse impunité.
Sully, paraît-il, possédait un don bien essentiel pour gouverner les hommes et les choses, l'esprit pratique!
Les auteurs contemporains et notamment Pierre de l'Estoile (sur l'année 1609, 27 juin), nous apprennent que depuis l'avénement de Henri IV en 1589, jusqu'à la fin de l'année 1608, sept mille lettres de grâce auraient été expédiées en matière de duel, et sept ou huit mille gentilshommes auraient péri en combat singulier dans le même intervalle.
Ces résultats accusaient hautement les vices de l'édit de 1602, et démontraient péremptoirement l'inutilité de toute réforme qui heurterait de front le préjugé dominant. Aussi, fut-on bientôt amené à lui faire des concessions, c'est-à-dire à tolérer le duel comme un mal nécessaire quand l'honneur des parties semblerait l'exiger. C'est dans cet esprit que le roi Henri IV publia l'édit de Fontainebleau, en juin 1609. Le combat pouvait être accordé par le roi ou par le tribunal des maréchaux, lorsqu'ils le jugeraient indispensable pour réparer l'honneur offensé.
Par contre, l'édit prononçait contre les duels non autorisés, des peines plus ou moins sévères selon la gravité des cas. Ainsi, si l'un des combattants succombait, il y avait peine de mort et confiscation des biens contre le survivant; privation de sépulture pour celui qui avait succombé.
Pour une simple provocation non suivie de combat, le provocateur était privé de ses charges, et, en outre, déclaré «deschu de pouvoir jamais se comparer par les armes à aucun».
Le roi faisait défense à la reine, aux princes de son sang, de lui demander aucune grâce, protestant qu'il n'en accorderait aucune.
Cet édit fut d'un excellent effet (Voir d'Audiguier et plus tard le Préambule de la déclaration de 1611). La licence des duels fut réprimée; on ne cite aucun cas où l'autorisation de combattre fut accordée. Le roi lui-même, par son intervention personnelle, évita souvent l'effusion du sang. Son caractère chevaleresque, sa bravoure reconnue, le rendaient éminemment propre à accomplir cette mission toute conciliatrice, digne d'un bon père de famille désireux de conserver tous ses enfants.
Parmi les affaires arrangées durant le cours du règne du bon roi Henri IV, on cite principalement celle de Duplessis-Mornay, dit le Chevalier théologien, avec un gentilhomme nommé Saint-Phalle, qui l'avait bâtonné en pleine rue et laissé pour mort sur le pavé (Voir le Journal de Pierre de l'Estoile, et le Recueil imprimé concernant le tribunal des Maréchaux, tome I, page 344); celle du prince de Joinville avec le sieur de Bellegarde, grand écuyer de France; enfin, celle de Charles de Bourbon, comte de Soissons, proche parent du roi, avec le ministre Sully que le prince accusait d'avoir tenu des propos injurieux contre sa personne (Voir Pièces justificatives, page 409).
Après la mort d'Henri IV, arrivée peu de temps après la promulgation de l'édit de 1609, la fureur des duels recommença, et continua pendant la minorité de Louis XIII. On éludait la loi en représentant le duel sous les apparences d'une rencontre fortuite. Afin d'ôter cette ressource aux duellistes, intervint une déclaration du roi, portant défense d'user d'appels ou de rencontres suivant l'édit de 1609. Donnée à Paris, le 1er juillet 1611, cette déclaration fut enregistrée le 11 du même mois au parlement de Paris.
Une autre déclaration du roi, donnée à Paris le 18 janvier 1613, prescrivait une nouvelle publication de l'édit de 1609, ordonnait aux gentilshommes qui se croiraient offensés de se pourvoir, dans le délai du mois, par-devant le tribunal des maréchaux, sauf, passé ce délai, à subir la juridiction des tribunaux ordinaires. Cette déclaration réserve aux parlements et aux tribunaux ordinaires la connaissance des poursuites relatives aux duels et rencontres, à l'exclusion de tous juges d'exception, et notamment de la prévôté de l'Hôtel. Elle fut confirmée par lettres patentes adressées au parlement de Paris, le 14 mars suivant.
Cette déclaration du roi contre les duels, en date de 1613, avec protestation de n'en accorder jamais la grâce, fut faite à l'occasion du duel du baron de Luz, tué par le chevalier de Guise.
Chose digne de remarque, peu de temps après, le même chevalier de Guise tua le fils du baron de Luz; on n'en fit aucune recherche, parce qu'alors la reine ménageait MM. de Guise, pour les détacher du parti du prince de Condé. Dans ce temps-là, la politique interceptait parfois le cours de la justice. Pouvons-nous répondre qu'il en soit autrement de nos jours?
Un arrêt de la cour du parlement, sur l'exécution de l'édit sur les duels et combats, parut le 27 janvier 1614.
Autre déclaration du roi sur les édits de pacification et sur les duels et rencontres, donnée à Paris le 1er octobre 1614.
Les rigueurs contenues dans l'édit de 1609 ayant paru insuffisantes, on les aggrava par les lettres patentes du 14 juillet 1617, qui donnèrent lieu à l'arrêt du parlement sur l'exécution de l'édit contre les duels et combats, en date du 6 mars 1621.
Plus rigoureux encore fut l'édit de Saint-Germain-en-Laye, en date du mois d'août 1623, et publiant une amnistie. Cet édit effaça les distinctions établies par la sagesse du législateur de 1609 entre des faits d'une culpabilité souvent inégale. Tout y est confondu. Le fait principal et la participation même la plus indirecte à ce fait sont punis de la même peine.
Cette aggravation dans la pénalité était loin de procurer la diminution des duels. Ils allaient au contraire en croissant.
«Les duels, nous dit Richelieu dans ses Mémoires (Collection Petitot, page 40 et suivantes), étaient devenus si communs, que les rues commençaient à servir de champ de combat, et comme si le jour n'était pas assez long pour exercer leur furie, ils se battaient à la faveur des astres et à la lumière des flambeaux qui leur servaient d'un funeste soleil.»
Ces lois ne pouvaient avoir d'influence, et les peines terribles qu'elles édictaient, n'étaient presque jamais exécutées. Les coupables se dérobaient aux recherches de la justice et, plus tard, obtenaient des lettres d'abolition, motivées même sur la gravité des peines qu'ils avaient encourues.
Plus tard, arrêt du parlement contre les sieurs Bouteville, comte de Pongibaud, le baron de Chaulais et des Salles, pour s'être battus en duel le jour de Pâques (24 avril 1624).
Ordonnance du roi portant défense aux seigneurs de favoriser les duels, en date du 26 juin 1624.
Arrêt du parlement contre ceux qui se sont battus en duel, 28 du mois de janvier 1625.
Édit du roi sur les faits de duels et de rencontres, donné à Paris en février 1626.
Cet édit fut un nouvel essai législatif tenté en même temps que l'on publiait une seconde amnistie générale à l'occasion du mariage d'Henriette de France avec Charles Ier roi d'Angleterre. Richelieu nous apprend qu'il exerça sur la rédaction de ces édits une influence décisive.
Il fit rejeter la proposition de permettre le duel en certains cas, mais il fit prévaloir un système de sévérité modérée et proportionnée à la gravité des circonstances:
Le simple appel comportait la privation des charges et offices, la confiscation de la moitié des biens et le bannissement pendant trois années.
Le duel non suivi de mort emportait la perte de la noblesse, l'infamie et la peine capitale suivant le degré de criminalité.
Les peines du crime de lèse-majesté, c'est-à-dire la mort, et de la confiscation totale des biens étaient appliquées en cas de mort de l'un des combattants.
La sévérité des anciennes ordonnances pouvait être encore appliquée quand l'atrocité des faits semblait mériter un châtiment exemplaire.
La peine de mort était prononcée à titre de lascheté contre ceux qui appelaient d'autres personnes à les soutenir dans leurs querelles comme seconds.
Le roi donnait non seulement sa parole de ne plus accorder aucune grâce, mais il fit jurer à son secrétaire des commandements de ne plus signer aucune grâce en cette matière, et au chancelier de n'en plus sceller.
Avant d'enregistrer cet édit, le parlement adressa au roi des remontrances, afin que la sévérité des anciens édits fût maintenue. Le roi envoya des lettres de jussion, et l'édit fut enregistré le 24 mars 1626.
Déclaration du roi pour le retour des ducs d'Halluin et sieur de Liancourt, donnée à Paris le 14 mai 1627.
Richelieu n'eut garde de laisser tomber des lois qui pouvaient si bien le servir dans le projet qu'il avait formé d'abaisser la noblesse. Il persuada au roi de témoigner par quelques actes de sévérité sa volonté d'en poursuivre la rigoureuse exécution. Le comte de Montmorency-Bouteville, déjà deux fois condamné par contumace, irrité de n'avoir pu obtenir la permission de reparaître à Paris et à la cour, était venu braver l'autorité du roi, en se battant sur la Place Royale, en plein midi, avec le marquis de Beuvron. Il avait pour seconds La Frette et François de Rosmadec, comte des Chapelles; son adversaire était assisté de son écuyer et de Henri d'Amboise, sieur de Bussy. Ce dernier avait été tué par des Chapelles. Tous prirent la fuite. Bouteville et des Chapelles furent arrêtés, mis à la Bastille et condamnés par arrêt du parlement, du 21 juin 1627, à être décapités en place de grève. La grâce fut refusée, et l'arrêt exécuté.
L'effet salutaire produit par cet exemple ne fut que passager. L'habitude reprit le dessus. Au mois de mai 1634, le roi rendit une nouvelle ordonnance datée de Fontainebleau pour remettre en vigueur l'édit de 1626.
L'année suivante, en 1635, à l'occasion de la naissance de Louis XIV, une nouvelle amnistie fut proclamée. C'était la troisième, indépendamment des grâces particulières.
Les efforts de Louis XIII pour réprimer le duel étaient nécessairement frappés de stérilité, car le législateur se donnait à lui-même un démenti, en absolvant le lendemain ce qu'il avait si rigoureusement condamné la veille.
Arrêt de la cour du parlement sur le fait des duels, du 3 mars 1638.
Arrêt de la cour du parlement contre ceux qui contreviendront aux édits du roi touchant les duels et rencontres, du 4 mars 1639.
Lettre du roi, envoyée à Messieurs du parlement, sur la défense des duels et rencontres, avec l'arrêt du parlement du 7 décembre.
Arrêt de la cour du parlement, en exécution des édits des duels et rencontres, du 7 décembre 1640.
Malgré tous ces édits et arrêts, à l'avénement de Louis XIV, la fureur des duels était à son comble. On fit sortir l'édit du roi sur la prohibition et punition des duels, donné à Paris au mois de juin 1643.
Cet édit abolissait tous les précédents, afin d'empêcher les juges de choisir à leur volonté, mais il reproduisait toutes leurs dispositions.
Les troubles de la minorité de Louis XIV n'étaient guère propres à diminuer les querelles, aussi évalue-t-on à quatre mille le nombre des gentilshommes qui périrent en combat singulier pendant les huit années que dura la régence d'Anne d'Autriche. Pendant la fureur des duels, pour la cause la plus frivole, on allait se battre à mort, deux contre deux, quatre contre quatre, sur la Place Royale. Le baron de Chantal, père de madame de Sévigné, apprend dans l'église même où il venait de faire ses pâques qu'il est attendu par Bouteville à la porte Saint-Antoine pour lui servir de second; aussitôt il y court en petits souliers à mules et sans se donner le temps de changer d'habits (Mémoires de Conrart; Mémoires de Bussy-Rabutin). Le mari de madame de Sévigné est accusé d'avoir mal parlé du chevalier d'Albret; il n'en est rien, et il le nie; mais seulement, dit-il, pour rendre hommage à la vérité, et non pour se justifier, ce qu'il ne fait jamais que par la voie des armes. Ensuite il se rend sur le terrain, et après avoir assuré le chevalier d'Albret qu'il est son serviteur et l'avoir embrassé, il met l'épée à la main et tombe mort au bout d'un instant (13 janvier 1651). Bussy-Rabutin a un duel, ce qui lui arrivait souvent, et un gentilhomme inconnu vient lui offrir ses services; mais comme Bussy avait déjà son monde, le gentilhomme lui fait force compliments et révérences et va s'offrir à son adversaire; puis, sur le lieu du rendez-vous s'étant trouvés cinq contre quatre, l'un des seconds court se poster sur le Pont-Neuf, accoste un mousquetaire qui passait, lui conte l'embarras où l'on se trouve, et celui-ci, plein d'empressement, monte en croupe et va se battre à mort contre des gens qu'il n'avait jamais vus. Tout ceci cependant ne se passait que dans une seule famille.
Louis XIV, s'il ne réussit pas à extirper un abus aussi contraire à la paix publique, fut tout au moins le seul souverain qui le combattit avec une énergie et un succès qu'on n'avait point vus jusqu'alors.
Dans son premier lit de justice, tenu à Paris le 7 septembre 1651, il fit lire un nouvel édit qui reproduisait à peu près les dispositions de ses prédécesseurs et faisait encore étendre à la postérité des délinquants, les peines de roture et d'infamie prononcées contre eux.
Une nouvelle déclaration, donnée à Paris en 1653, contenait un principe plus conforme aux idées nouvelles qui commençaient à poindre et que le dix-huitième siècle devait faire triompher.
Les dégradations devinrent personnelles. On comprenait enfin, et ce n'était pas trop tôt, que la postérité des délinquants n'étant pas coupable du crime ne devait point avoir part à la punition. Les héritiers du duelliste mort dans le combat pouvaient se porter partie civile et ils évitaient la confiscation, en procurant la condamnation du meurtrier.
Louis XIV alla plus loin: il créa une institution dont tout l'honneur revient à son règne: la Ligue du Bien public, formée au nom de la religion et de la morale, et dans laquelle il s'efforça de faire entrer les seigneurs dont l'exemple devait avoir le plus d'influence et d'autorité morale. Les associés signaient en entrant une déclaration par laquelle ils promettaient de refuser toute sorte d'appels et de ne se battre en duel pour quelque cause que ce pût être. Le roi fit approuver solennellement cette déclaration par le tribunal des maréchaux.
Nous reproduisons in extenso (Voir 3e partie. Pièces justificatives):
I.—La lettre du roi Henri IV au comte de Soissons (Différend entre le comte de Soissons et Sully. Pièces justificatives, page 409).
II.—Le jugement rendu par le connétable de Montmorency (Différend entre MM. de Montespan et de Cœuvres. Pièces justificatives, page 410).
III.—Le règlement de MM. les maréchaux de France, touchant les offenses entre les gentilshommes, pour l'exécution de l'édit contre les duels, du 22 août 1653 (page 411).
IV.—La déclaration publique de plusieurs gentilshommes de refuser toute sorte d'appels, etc., sur laquelle MM. le maréchaux de France ont rendu leur jugement le 1er juillet 1651 (page 422).
V.—Approbation de MM. les maréchaux de France (page 423).
VI.—L'édit du roi portant règlement général sur les duels, donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois d'août 1679, enregistré au parlement le 1er septembre de la même année (page 424).
VII.—L'extrait du concile de Trente sur la répression du duel, Session 25, De Reformatione, chap. XVIII (page 453).
M. de Chateauvillard reproduit en outre un recueil des édits et arrêts sur les duels (Chateauvillard, page 220 et suivantes).
On y remarque de plus: la résolution de MM. les prélats sur cette matière;
L'avis des docteurs en théologie de la faculté de Paris sur le même sujet.
Nous renvoyons nos lecteurs à ce recueil, n'ayant point jugé nécessaire de reproduire toutes ces pièces dans cet exposé purement analytique.
On voit au surplus, par lettres-circulaires de MM. les administrateurs de l'Hôtel-Dieu de Paris aux administrateurs des Hôtels-Dieu des autres villes de France, que ces derniers étaient chargés de la confiscation des biens au profit des hôpitaux, qu'ils créaient des dénonciateurs, des espions: «Pour avoir plus de facilité, disaient-ils, d'arracher le crime et de procurer quelque bien aux pauvres, sur le tiers qui leur est destiné, on fera quelque part de ce tiers à ceux qui dénonceront les duels commis, en s'obligeant par eux d'en administrer les preuves, si d'ailleurs on en peut avoir la conviction, et de donner des lumières des biens, si on ne pouvait autrement en avoir connaissance. Cela se fera eu égard aux circonstances des choses et des personnes.»
Et cependant dans ces temps de loyauté les administrateurs ne trouvaient pas de dénonciateurs.
Pour déterminer les gentilshommes à faire partie de la Ligue du Bien public, on inséra dans un règlement des maréchaux, en date du 22 août 1653, un article ainsi conçu:
«Lorsqu'il y aura démêlé entre des gentilshommes dont les uns auront promis et signé de ne point se battre et les autres non, ces derniers seront toujours réputés agresseurs, à moins que le contraire ne parût par des preuves bien expresses.»
La combinaison de ces mesures, la fermeté de Louis XIV, l'adoucissement des mœurs par l'action civilisatrice des sciences et des lettres qui prirent sous ce règne un si brillant essor, contribuèrent à diminuer le nombre des duels.
Nous ne passerons pas sous silence un arrêt de la cour du parlement portant réitération de la défense contre les duels, du 30 juillet 1657;
Une déclaration du roi, en explication de celle du mois de mai 1653, touchant la succession de ceux qui auraient été tués en duel, donnée à Saint-Germain-en-Laye, au mois d'août 1658.
Nous nous arrêterons quelques instants sur la nouvelle ordonnance rendue en août 1679, proprement appelée l'Edit des Duels, parce qu'elle a fixé définitivement la législation sur cette matière.
Ses dispositions sont rangées en deux classes principales, comprenant, l'une, les mesures préventives, l'autre, les mesures répressives.
Les mesures préventives consistaient dans l'intervention du tribunal des maréchaux. Ce tribunal, déjà institué pour connaître des faits de guerre et des différends entre gentilshommes touchant le service militaire, joignit à ces attributions la connaissance des affaires d'honneur, en sa qualité de juge naturel de la noblesse et de l'armée.
Le droit de convoquer le tribunal des maréchaux appartenait au doyen. Ses collègues se réunissaient toujours à son domicile, au jour et à l'heure qu'il lui convenait d'indiquer.
Dans l'intervalle des séances de ce tribunal, le doyen des maréchaux avait le droit de prononcer sur toute rixe, querelle ou rencontre; de décerner des mandats d'arrêt contre les agresseurs et enfin contre tous contrevenants aux édits et ordonnances.
A peine informé qu'une querelle s'était élevée entre deux gentilshommes, le doyen des maréchaux, ou le gouverneur de la province, ou le lieutenant général, envoyait auprès de chacun d'eux un garde de la connétablie pour lui intimer de s'abstenir de toutes voies de faits ou rencontre, avant d'avoir répondu à l'assignation qui leur était faite de comparaître devant eux. L'affaire était examinée et décidée dès le lendemain. Le moindre retard eut été en effet préjudiciable au milieu des passions surexcitées de cette noblesse française habituée à porter, trop souvent peut-être, la susceptibilité envers le point d'honneur jusqu'à l'exagération. Il est, du reste, plus facile de remédier aux excès de l'exagération qu'aux inconvénients de la décadence!
Les historiens citent le jugement rendu par le connétable de Montmorency dans la querelle qui eut lieu entre M. de Montespan et le marquis de Cœuvres, et après lequel ces deux gentilshommes s'embrassèrent, entièrement satisfaits et réconciliés (Voir Pièces justificatives, page 410).
Le tribunal des maréchaux de France était assisté par un rapporteur, chargé de l'instruction des affaires et choisi, de droit, parmi les maîtres des requêtes au parlement de Paris.
Les maréchaux étaient supplées par les gouverneurs des provinces et subsidiairement par les lieutenants généraux. Des délégués leur rendaient compte dans chaque bailliage ou sénéchaussée.
La juridiction de ce tribunal s'étendait sur tous les gentilshommes et militaires, même étrangers. Les veuves avaient également le droit de porter plainte devant le tribunal des maréchaux.
Les affaires mixtes, en raison de la qualité des parties, étaient renvoyées à la justice ordinaire. Ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, pour que le tribunal des maréchaux fût saisi, il n'était pas nécessaire d'une plainte. Il informait d'office, quand il avait connaissance d'un crime de quelque manière que ce fût.
Les maréchaux pouvaient employer les voies coercitives pour citer les gentilshommes à leur barre. En cas de désobéissance, les revenus des biens des délinquants étaient appliqués aux hôpitaux pendant toute la durée de leur absence. Les maréchaux avaient toute latitude pour apaiser les différends. En cas d'insuccès, ils devenaient juges et appliquaient des peines suivant la nature de l'offense.
La pénalité que l'édit les autorisait à établir, était déterminée par un règlement dressé en vertu de l'ordre contenu dans la déclaration royale du 27 juillet 1653 et publiée sous la date du 22 août suivant. (Voir Pièces justificatives, page 411.)
Le 22 août 1679, parut un nouveau règlement confirmant les dispositions du premier avec quelques modifications que nous résumons pour donner un aperçu des mœurs du temps:
Quiconque, se trouvant présent à une offense, s'abstenait d'en donner avis à qui de droit, devait être puni de six mois de prison. (Art. 6.)
Celui qui aura offensé, subira deux mois de prison, et, lors de sa sortie, devra déclarer à celui qu'il aura offensé: que mal à propos et impertinemment il l'a offensé par des paroles outrageantes, qu'il reconnaît être fausses, et lui en demande pardon. (Art. 7.)
Quel législateur oserait aujourd'hui imposer de pareilles obligations? Les excuses présentées spontanément sont seules acceptables. Par contre, les excuses imposées par une autorité quelconque sont de nulle valeur. Celui qui aurait la faiblesse de s'y soumettre pour éviter les rigueurs de la loi pénale s'empresserait d'en dénier la valeur ou de les tourner en dérision, quelques minutes seulement après être sorti du prétoire. C'est précisément cette raison qui nous a fait considérer la réunion des témoins comme le meilleur et le plus efficace tribunal d'honneur, car ils n'ont d'autorité que celle qui leur est spontanément accordée par les parties. Acceptée, elle ne peut plus être déniée.
Celui qui aura offensé par parole subira quatre mois de prison et, à sa sortie, devra demander pardon à celui qu'il aura offensé. (Art. 8.)
En cas d'offense par soufflet ou coups donnés dans la chaleur des démêlés et précédés d'un démenti, l'agresseur subira un an de prison; s'ils n'ont point été précédés par un démenti, l'agresseur subira deux ans de prison; cela sans aucune diminution pour quelque cause que ce soit, même sur la demande de l'offensé. De plus, à sa sortie de prison, l'agresseur devra se soumettre à recevoir de la main de l'offensé des coups pareils à ceux qu'il aura donnés, et déclarer par parole et par écrit qu'il l'a frappé brutalement, et le supplie de lui pardonner et d'oublier cette offense. (Art. 9.)
D'un seul offensé par la plus grave des insultes, on en créait deux! C'était une excellente réparation!!
Si les coups de bâton et autres semblables outrages ont été donnés après un soufflet ou coup de main, celui qui aura frappé du bâton ou autrement sera passible de deux ans de prison, et, s'il n'avait point été frappé auparavant, il subira quatre ans de prison, et après sa sortie, demandera pardon à l'offensé. (Art. 10.)
Quiconque, soit par témoignage, par autorité ou autres preuves, sera convaincu d'avoir commis une injure de coups de bâton, canne ou armes de pareille nature, avec préméditation, par surprise ou avec avantage, aura frappé seul et par devant, subira quinze ans de prison. Celui qui aura frappé par derrière, quoique seul et avec avantage, soit en se faisant accompagner ou autrement, subira vingt ans de prison. Cette peine sera subie dans une ville, forteresse ou citadelle, éloignée au moins de trente lieues du domicile ordinaire de l'offensé. D'ordre de Sa Majesté, défense est faite à l'offensant de se sauver de la prison, à peine de vie, et à l'offensé de s'approcher de ladite prison de dix lieues, à peine de désobéissance. (Art. 15.)
Au bas de ce règlement, on rencontrait les signatures de MM. les maréchaux de Villeroy, de Grancey, duc de Navailles, d'Estrades, Montmorency-Luxembourg.
Passons aux mesures de répression contre ceux qui, au lieu de soumettre leurs différends au tribunal des maréchaux, tentaient le sort des armes.
Suivant l'édit d'août 1679, la juridiction appartenait aux officiers et prévôts de la connétablie, prévôts généraux, provinciaux et particuliers, même aux vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, concurremment avec les juges ordinaires, mais toujours à charge d'appel par-devant la cour du parlement.
Pour éviter cette concurrence qui entravait la marche des procédures, Louis XIV, par une déclaration du 14 octobre suivant, rendit aux cours du parlement le droit qui leur avait été conféré par les édits antérieurs de connaître en premier et dernier ressort les causes de duels et d'évoquer à elles toutes les autres affaires dont elles voudraient connaître.
Quand des juges différents avaient commencé une procédure, elle devait être continuée par le magistrat qui avait informé le premier ou par celui qui avait provoqué l'arrestation du prévenu.
Les officiers de justice avaient droit à 1,500 francs pour chaque capture.
Les parlements pouvaient prolonger la détention préventive pour compléter ou pour acquérir des preuves.
Dans la procédure par contumace, sur la simple notoriété publique, un décret de prise de corps était lancé. Faute par les absents d'y obéir, leurs biens étaient immédiatement saisis, et après trois assignations à briefs jours, sans autre forme de procès, les défaillants étaient, dans la huitaine après le crime, déclarés coupables et condamnés aux peines terribles portées par l'édit.
Les biens confisqués étaient aussitôt mis sous le séquestre, leurs maisons démolies et rasées, leurs bois de haute futaie coupés à moitié. Ils étaient privés de toute succession. S'ils venaient à purger leur contumace, ils perdaient les fruits jusqu'au jugement de restitution.
Les condamnations personnelles étaient exécutées immédiatement, telles que dégradation de noblesse et décret d'infamie.
Le condamné ne pouvait purger sa contumace qu'en obtenant des lettres de permission de se représenter, et sur justification du payement intégral des amendes prononcées.
L'action principale contre le duel ne s'éteignait par aucune prescription; bien plus, elle faisait revivre toutes les autres actions criminelles déjà éteintes pour d'autres faits.
Les peines étaient plus ou moins sévères suivant la nature des affaires.
Le simple appel non suivi de duel entraînait la privation de pouvoir jamais obtenir satisfaction d'une offense; la prison pendant deux années; suspension des charges et privation du revenu pendant trois ans; amende égale au moins à la moitié du revenu des biens pendant une année.
L'appelé acceptant était sujet aux mêmes peines.
En cas de duel consommé: peine de mort, confiscation totale des biens pour les deux combattants, quand bien même le duel n'eût occasionné ni mort ni blessures.
Dans les provinces où la confiscation n'était pas admise (et ce n'était que justice!), elle était remplacée par une amende au moins égale à la moitié de la valeur des biens des condamnés.
En cas de mort:
La peine était la même pour le survivant; toutefois, le législateur indiquait qu'elle serait irrémissiblement appliquée.
Quant à celui qui aurait succombé, sa mémoire était soumise à un procès pour crime de lèse-majesté; il était privé des honneurs de la sépulture; ses biens étaient soumis à la confiscation et à l'amende.
Ceux qui engageaient des seconds étaient dégradés de la noblesse; leurs armes étaient brisées et noircies par l'exécuteur de haute justice.
Les enfants n'étaient plus atteints comme autrefois par cette dégradation, mais ils étaient tenus de se pourvoir d'armoiries nouvelles.
Mêmes peines pour les seconds.
Quant au roturier qui avait provoqué des gentilshommes à lui servir de seconds, il était passible de la potence et de la confiscation.
Tout laquais qui avait sciemment porté un billet d'appel, était puni, pour la première fois, du fouet et de la fleur de lis, et, en cas de récidive, des galères à perpétuité.
Les spectateurs eux-mêmes étaient punis, s'ils s'étaient rendus exprès sur le terrain. Ils étaient réputés complices du crime auquel ils avaient assisté et qu'ils n'avaient point empêché de tout leur pouvoir, ainsi qu'ils y étaient obligés, disait l'édit, par les lois divines et humaines.
Louis XIV finissait en protestant que pour aucune circonstance générale ou particulière il ne permettrait sciemment être expédiée aucune lettre contraire à cet édit.
Louis XIV tint-il toujours impartialement sa parole? Cette gloire lui a été contestée par des contemporains et principalement par un magistrat, M. Fougeroux de Campigneulles, dans son intéressante Histoire des duels. L'amélioration obtenue sous le règne de Louis XIV, sur ses prédécesseurs, y est attribuée à la marche graduelle de l'esprit humain, aux progrès de la raison humaine, et, comme nous l'avons indiqué plus haut, à l'influence civilisatrice des arts et des sciences.
L'exagération de cette législation prouvait l'impuissance en même temps que la colère du législateur.
Louis XIV pouvait-il se soustraire comme homme au préjugé qu'il combattait comme roi?
On sait comment le fameux Jean Bart, après avoir reçu les compliments du grand roi sur ses nombreux exploits, finit par lui demander la grâce de Keyser, l'un de ses braves matelots, condamné à mort pour avoir tué son adversaire en duel.
Le roi hésitait.
Mais Jean Bart qui regardait son matelot comme un frère, fait feu de bâbord et tribord, si bien que la Sainte-Barbe sauta.
«—Jean Bart, dit Louis XIV, je vous accorde ce que j'ai refusé à Tourville.
«—Sire, répondit Jean Bart, mon père, deux de mes frères, vingt autres membres de ma famille sont morts au service de Votre Majesté. Vous me donnez aujourd'hui la vie de mon matelot, je vous donne quittance pour celles des autres.»
La famille de l'illustre Jean Bart était-elle la seule en mesure de mettre sous les yeux du grand roi de pareilles quittances?
Écoutons le témoignage de son propre fils.
«J'ai vu, a dit le comte de Toulouse, le feu roi sévère pour les duels, mais en même temps, si dans son régiment, qu'il approfondissait plus que les autres, un officier avait une querelle et ne s'en tirait pas suivant l'honneur mondain, il approuvait qu'on lui fît quitter le régiment.»
Il y avait des compagnies de gendarmes où l'on ne recevait personne qui ne se fût battu au moins une fois ou qui ne jurât de se battre dans l'année.
D'autres écrivains, au contraire, rendent justice à Louis XIV, et déclarent qu'il poursuivit son œuvre avec une persévérance et un succès dont aucun de ses prédécesseurs n'avait donné l'exemple. Cette justice lui a été rendue par des écrivains dont l'autorité ne saurait être contestée.
Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, termine ses considérations en disant qu'il s'est produit cent fois moins de duels sous le règne de ce prince que sous celui de Louis XIII. Ce jugement est confirmé par un célèbre écrivain anglais, Addisson, dans le Spectator (no 99, 23 juin 1711).
Basnage, protestant réfugié en Hollande depuis la funeste révocation de l'édit de Nantes, rend à Louis XIV un hommage plus éclatant encore.
«Louis XIV, dit-il dans sa dissertation historique sur les duels, a arrêté le cours d'un mal que l'on croyait sans remède. Il a sauvé la vie à une infinité de personnes en ne faisant grâce à personne. Il a assuré le repos d'un très grand nombre de familles, en jetant l'affliction dans quelques-unes par la punition des coupables, etc.»
A ces témoignages imposants, nous ajouterons celui de M. Cauchy, lequel dans son ouvrage remarquable couronné par l'Institut, repousse le reproche d'impuissance adressé par quelques-uns à la législation de Louis XIV.
Tout en ayant pour les opinions de ces messieurs la déférence qu'elles méritent, nous n'en noterons pas moins, et cela nous suffit, que malgré toute sa rigueur et sa persévérance le grand roi ne parvint pas à abolir le duel.
La mort de ce prince fut comme le signal d'une réaction. Le duel apparut comme une sorte d'assainissement au libertinage de la régence. Philippe, le régent, s'en occupait fort peu. D'Aguesseau, dans sa correspondance, nous assure qu'il n'omit rien pour exciter le zèle des parlements. Quelques condamnations rigoureuses suivies de grâces ne produisirent naturellement aucun effet. La douceur des mœurs de cette époque produisit sur la diminution du duel un effet bien supérieur à celui des lois.
Nous ne passerons pas sous silence une condamnation prononcée par le parlement de Grenoble, à la date du 16 septembre 1769, contre un conseiller à ce parlement, du Chélaz, coupable d'avoir tué en duel un capitaine de la légion de Flandre nommé Laurent Béguin. Le fait de ce duel se trouvait aggravé par des irrégularités accessoires. Les conditions d'égalité n'avaient point été observées; ainsi: l'arrêt constate que du Chélaz; «s'étant rendu au lieu du combat avec des armes défensives, avait traîtreusement assassiné son adversaire de plusieurs coups d'épée.» Certes, c'était le cas ou jamais de déployer la plus grande sévérité; aussi, l'arrêt après avoir déclaré du Chélaz «déchu de son état et office de conseiller à la cour», l'avoir dégradé de noblesse et noté d'infamie, ordonne-t-il qu'il sera conduit en chemise, tête nue et la corde au cou, ayant au poing une torche enduite de cire jaune, devant la porte de la principale église où, à genoux, il déclarera que méchamment et traîtreusement il a assassiné le dit Béguin de plusieurs coups d'épée, à terre et étant hors de défense, et qu'il en demande pardon à Dieu, au roi et à la justice; et qu'ensuite il sera appliqué au supplice de la roue, ses armes préalablement noircies et brûlées au pied de l'échafaud.
Le même arrêt supprime la mémoire du sieur Béguin, comme mort du crime de duel; il prononce en outre la peine de la marque et de quatre années de galères contre le domestique de du Chélaz, pour avoir accompagné son maître, et l'avoir favorisé dans son crime.
Ce dernier fut le seul qui subit la peine. L'arrêt contre du Chélaz ne fut exécuté que par effigie.
A cette époque, la philosophie s'attacha elle-même à combattre le duel. Tout le monde connaît la protestation de J.-J. Rousseau contre cette barbare coutume, et pourtant encore, non seulement dans la noblesse et dans l'armée, mais dans la bourgeoisie même, quiconque eût refusé de se battre était déshonoré.
Le règne de Louis XVI ne diffère pas essentiellement de celui de son prédécesseur, malgré ses excellentes intentions. Il fallait, avant tout, reconnaître que les édits de Louis XIV n'étaient plus en harmonie avec les temps, etc. Une réforme législative aussi importante ne pouvait guère être entreprise par un pouvoir qui s'ébranlait toujours davantage.
La Révolution fit table rase de tout. Quelles ont été depuis cette époque les destinées du duel soit dans les mœurs, soit dans les lois? Avant d'aborder cette question et de signaler l'opinion actuellement admise dans la société française sous ces deux rapports, nous croyons devoir donner un aperçu des législations contemporaines chez les principales puissances, afin de voir comment, dans les autres nations civilisées, le législateur a cherché à résoudre le difficile problème de la répression du duel.
Voir et consulter le magnifique recueil de jurisprudence générale de M. Dalloz. Tables de 22 années. Voir Duel, page 534, vol. I.
Répertoire, vol. XIX, de la page 254 à 313.
Voir l'intéressante Histoire anecdotique du duel dans tous les temps et dans tous les pays, par M. Emile Colombey.
CHAPITRE II.
LÉGISLATIONS ÉTRANGÈRES CONTEMPORAINES.
Nous ne nous proposons pas dans ce chapitre de retracer l'histoire du duel chez les nations étrangères, nous nous limiterons à présenter une simple analyse de la législation contemporaine chez les principales puissances, afin, tout en faisant nous-même les remarques nécessaires pour motiver notre conclusion, de procurer au lecteur l'avantage d'y trouver la matière d'intéressantes comparaisons et d'utiles rapprochements.
§ 1er.—ANGLETERRE.
Les phases du duel n'ont point suivi, en Angleterre, la même marche qu'en France. Le combat judiciaire et le duel y ont longtemps existé simultanément, le premier comme institution régulière, et le deuxième comme procédé illicite. Le combat judiciaire subsiste en Angleterre jusqu'au XIXe siècle. Il était tombé en désuétude surtout en matière civile. L'ancienne législation qui, en matière criminelle, permettait à un accusé d'assassinat de se justifier par un combat singulier, fut invoquée en 1817 dans le procès Thornton qui fit grand bruit en Angleterre. Le combat n'eut pas lieu, parce que l'adversaire, moins sûr de sa force que de la justice de sa cause, se désista.
Ce rappel à une législation oubliée provoqua le bill d'abrogation adopté par le parlement en 1819. Quant au duel proprement dit, tel qu'il existe encore aujourd'hui dans le Royaume-Uni, on comprend que ni dans les siècles antérieurs ni de notre temps, il n'ait point exercé des ravages aussi conséquents qu'en France, et, qu'aujourd'hui même, il y soit d'un moins fréquent usage. La raison de ce fait s'explique par la différence de caractère entre les deux peuples. Le flegme britannique peut-il être comparé à l'esprit violent et impressionnable du Français? Il faut aussi remarquer que l'offensé, en Angleterre, est toujours sûr d'obtenir, par les voies légales, la réparation de l'injure qui est faite. (??!!) «Là, dit M. Fougeroux de Campigneulles (Hist. des duels, t. II, page 162), on peut plaider en toutes matières, sans craindre ou la capricieuse indifférence du juge ou les malins commentaires de l'opinion.» (?!!)
Blackstone, dans son Commentaire sur les lois anglaises (t. V, page 545), parlant des duellistes, approuve la loi qui les a «déclarés avec justice coupables de meurtre et punissables comme tels avec leurs seconds.»
Le duel suivi de la mort de l'un des combattants est donc puni comme le meurtre.
S'il n'a pas entraîné la mort, il est puni comme une rixe ou batterie, avec la circonstance aggravante de la préméditation.
L'appel est considéré comme une offense punissable par la loi, puisque c'est un acte conduisant à la perpétration du crime. (Blackstone, tome VI, page 28; Cauchy, tome II, page 126 en note.)
Le code militaire, tout en laissant le duel, quant à ses résultats, sous l'empire du droit commun, contient quelques dispositions au sujet de la provocation. Elles sont citées dans l'ouvrage de M. Louis Dufour (Répression des duels). Ainsi, l'injure, la provocation par parole et gestes, l'appel ou l'envoi d'un cartel donnent lieu à des peines variables, selon qu'il s'agit d'un officier non commissionné ou d'un soldat.
Tout officier commissionné ou non commissionné commandant une garde, qui souffrira sciemment qu'une personne quelconque sorte pour se battre en duel, sera considéré comme auteur et puni en conséquence. Il en est de même des promoteurs, seconds et porteurs de cartel.
Tout officier, quel que soit son grade, a le pouvoir d'empêcher et de réprimer toute querelle et d'ordonner aux officiers les arrêts, et aux officiers non commissionnés et soldats la prison, sauf à rendre compte aux chefs. Quiconque refuserait de lui obéir sera puni à la discrétion de la cour martiale.
Sir H. Hardinge a donné connaissance à la Chambre des communes de quelques articles nouveaux (11 mars 1844).
Tout officier qui enverra un cartel, l'acceptera ou n'empêchera pas un duel projeté, s'il en a connaissance; qui reprochera à un autre de n'avoir pas envoyé de cartel ou d'avoir refusé de se battre, qui rejettera ou conseillera de rejeter des propositions d'arrangement honorables, sera déféré à la cour martiale pour être cassé ou soumis à telle peine que la cour avisera.
L'officier traduit devant la cour pour avoir été second, s'il est établi qu'il a fait ses efforts pour provoquer un arrangement, sans pouvoir y réussir, subira une punition telle que la cour avisera.
Enfin, la reine fait dans le même acte la déclaration suivante, que sir Hardinge signalait à l'attention du Parlement.
«Nous déclarons, par ces présentes, notre approbation de la conduite de ceux qui, ayant eu le malheur d'offenser ou d'injurier, d'insulter autrui, en viennent à rendre franche explication, s'excusent et offrent de réparer leurs torts, ou de ceux qui ayant eu le malheur de recevoir une offense, une injure ou une insulte, acceptent cordialement les explications franches, les excuses ou les réparations qui leur sont offertes. Si on refuse de donner ou d'accepter de telles explications, excuses ou réparations, nous voulons que le cas soit soumis à l'officier commandant le régiment, le détachement ou la place, et nous déclarons entièrement quittes de tout déshonneur ou opinion désavantageuse, tous officiers et soldats qui, étant disposés à accepter ou à faire de telles réparations, refuseront d'accepter des cartels, attendu qu'ils auront agi comme il convient au caractère d'hommes d'honneur et auront fait leur devoir de bons militaires en obéissant à la discipline.»
Nous avons vu la défense invoquer la prohibition de la loi et, ensuite, citer la précédente déclaration dans un conseil de discipline tenu à l'étranger.
L'officier qui avait refusé de se battre, fut condamné à la perte de son épaulette, à l'unanimité! La sentence fut approuvée par l'autorité supérieure, et exécutée.
En Angleterre, la veuve d'un officier qui a perdu la vie par duel ou suicide est déchue de ses droits à la pension. Sans doute, la vie d'un officier appartient à la patrie, mais cette loi nous paraît rigoureuse et même injuste, car elle rend responsables une femme et des enfants d'une faute qui n'est pas la leur; et, d'ailleurs, les services n'ont-ils pas été rendus?
On admet quelquefois des circonstances atténuantes, seulement le droit est perdu. Le pouvoir discrétionnaire de la couronne en décide.
Cet article de la loi est pour l'élément militaire; mais, comme le faisait observer sir Hardinge, si les officiers de l'armée et de la flotte donnent l'exemple de prendre la voie des accommodements pour obtenir les réparations de leurs offenses ou de leurs torts, il est à penser que les particuliers suivront cet exemple.
Toujours est-il que les duels subsistent (beaucoup plus rarement qu'ailleurs, nous en avons signalé la cause), parce que la loi est en désaccord avec l'opinion, et que les verdicts d'acquittement des jurys refusent de confondre le duel avec l'homicide et l'assassinat. Cette situation anormale n'a pas laissé que de préoccuper l'opinion favorable à une réforme. Un député, M. Turner, fit une motion tendant à ce qu'il fût avisé aux moyens de procurer l'abolition du duel; cette motion donna lieu à une discussion intéressante à laquelle prirent part les membres les plus éminents de la Chambre. La motion fut retirée pour être représentée dans des temps plus favorables. Toutefois, dans cette discussion, il fut fait mention d'une association fondée entre personnages éminents de l'ordre civil et de l'armée, ayant pour premier moyen celui de faire prendre aux associés l'engagement de soumettre toute affaire d'honneur à la décision des juges-arbitres qui seraient nommés annuellement par la Société. Les seconds exposeraient l'affaire, et les juges-arbitres dicteraient les termes de la satisfaction, dans le cas où il y aurait lieu à satisfaction soit par une des parties, soit par toutes les deux, et sir Robert Peel déclare que l'influence d'une association ainsi composée et répudiant par une déclaration publique tout envoi ou acceptation de cartel, lui paraissait plus efficace que tout changement dans la loi.
Nous ne nions pas l'efficacité relative, mais l'expérience montre qu'elle est loin d'être absolue. Du reste l'honorable homme d'État constate un fait important, à savoir: que le recours à l'influence de l'opinion publique est plus efficace que l'appel à un changement dans la loi répressive.
§ 2.—ÉTATS-UNIS.
La Confédération américaine est composée de différents États ayant chacun leur autonomie, et par conséquent leurs institutions particulières. Sans parcourir toutes ces diverses législations, nous nous y arrêterons cependant dans la mesure absolument nécessaire pour donner à nos lecteurs un aperçu de la législation de ces pays.
A New-York, Massachusetts, Vermont, au Maine, l'homicide commis en duel est puni de mort. Le cadavre du meurtrier est livré, après l'exécution, à la salle d'anatomie.
Dans la plupart des États, le duel, quelle que soit son issue, est puni de l'amende et de l'emprisonnement; cette dernière peine est plus ou moins rigoureuse suivant les circonstances et la diversité des systèmes pénitentiaires.
En Pennsylvanie, l'envoi ou l'acceptation d'un cartel de duel, sont punis d'une amende de 500 dollars et d'un emprisonnement d'un an avec travail pénible.
En cas de mort, le survivant encourt la peine de l'assassinat au 2e degré, c'est-à-dire de quatre à douze ans de prison.
La récidive entraîne la prison à vie.
Tout cela avec privation soit absolue, soit temporaire des droits politiques.
En Virginie, cette dernière peine est la seule dont le duel soit passible. Tous les fonctionnaires quelconques doivent jurer de ne s'être jamais battus en duel et de respecter et faire respecter toujours les lois contre le duel. Ce moyen paraît avoir donné des résultats satisfaisants.
Nous nous arrêterons principalement sur le projet de code rédigé pour la Louisiane par M. Livingstone.
L'exposé des motifs prouve la liaison étroite qui existe entre le duel et l'injure, et établit comme conséquence qu'une législation complète sur cette dernière est le préliminaire obligé d'une répression efficace du duel.
«Partout, dit-il, où l'honneur n'obtiendra pas une entière satisfaction, les passions humaines s'efforceront de suppléer à l'insuffisance de la loi.»
Ce fait nous paraît indiscutable, mais est-il possible d'obtenir dans la pratique que toute offense ou injure reçoive sa complète réparation? Nous soutenons la négative.
M. Livingstone ne consacre pas moins de 43 articles (de 362 à 405), pour définir les délits qui portent atteinte à la réputation. Ces délits sont tous confondus sous le nom de diffamation. Il les définit (art. 363): «un préjudice porté à la réputation d'un autre par une allégation qui est fausse ou qui, si elle est vraie, n'est pas faite avec intention justifiable.»
La diffamation peut avoir lieu par signes ou par parole: elle est alors appelée ou médisance ou calomnie; ou par écrits ou peintures: elle est alors qualifiée de libelle (Art. 364). Il faut pour constituer ce délit qu'il y ait un préjudice porté.
On peut exprimer son avis sur une personne qui veut remplir une place (370); critiquer un ouvrage d'histoire et de littérature, donner son opinion sur la capacité de l'auteur, pourvu que l'opinion ainsi publiée ne serve pas de prétexte pour couvrir l'intention perverse de préjudicier à la partie qui en est l'objet (370).
L'allégation signifie non seulement l'assertion directe d'un fait, mais toute espèce de discours, de caricature ou d'allusion, par lesquels les auditeurs ou spectateurs peuvent comprendre ce que l'on désire insinuer (384).
L'article 386 trace les limites dans lesquelles doit se renfermer la discussion dont les actes officiels ou la conduite des hommes publics peuvent être l'objet; il établit ce qu'il est permis de dire ou d'écrire par les juges, avocats ou témoins, dans les procès pendants ou à intenter.
La mémoire des morts devant être protégée sans léser les droits de l'histoire, l'article 383 établit:
1o Que nulle poursuite ne peut avoir lieu que par délibération d'une assemblée de famille.
2o Tout exposé critique est permis pourvu qu'il soit le résultat impartial de recherches historiques ou littéraires et non celui d'un projet de diffamation.
Quant aux peines applicables, elles consistent dans l'amende et l'emprisonnement ou dans tous les deux ensemble.
L'emprisonnement est simple, quand il se limite à la prison commune, avec faculté d'étudier, d'écrire, de communiquer avec la famille aux heures fixées par les règlements. Il est étroit ou restreint, quand le détenu est renfermé en cellule, soumis à la ration des prisonniers et sans communication avec le dehors.
L'imputation d'un crime est punie d'une amende ne dépassant pas 3000 piastres ou d'un emprisonnement d'une année ou de deux. L'emprisonnement peut être restreint pendant une partie ou la totalité de la peine. Si la diffamation n'impute pas un crime, la peine est diminuée d'un quart.
Si la diffamation est faite par libelle, l'emprisonnement est toujours étroit dans la peine prononcée (Art. 362).
En Amérique, le jury a compétence tant en matière civile qu'en matière criminelle.
D'après la législation française, la médisance et la calomnie sont placées sur la même ligne dans le délit de diffamation, c'est-à-dire que le débat ne peut porter sur la vérité ou sur la fausseté des faits allégués. Aussi, l'honneur de la personne diffamée n'obtient-il aucune satisfaction par la condamnation du diffamateur.
Contrairement à cette législation, l'article 397 du code de la Louisiane porte que, dans le jugement d'un procès en diffamation, le jury doit déclarer expressément dans son verdict s'il trouve les allégations fausses en totalité ou en partie, et si elles sont malicieuses; et cet article ajoute que: l'imputation faite par le défendeur, le prononcé du jury, les jugements de la Cour seront, si le demandeur le requiert, publiés aux frais du défendeur.
Enfin l'article 396 contient la disposition conciliatrice suivante: La cour a le pouvoir discrétionnaire de prononcer la remise de la peine en tout ou en partie, si l'offenseur fait à l'offensé des réparations dans la forme à prescrire par la cour elle-même.
L'article 398 établit que si l'offenseur se déclarant l'auteur du libelle ou des paroles offensantes a reconnu que la charge qu'ils impliquent est sans fondement ou ne concerne pas le plaignant, etc., que l'on s'est mépris sur le vrai sens qu'il explique (à sa manière!) il sera exempt de payer les frais, mais les actes du procès peuvent être publiés.
Certes, voilà une belle série d'articles, pour réprimer la diffamation; sont-ils suffisants pour prévenir ou pour réprimer toutes les atteintes portées à l'honneur? Nous soutenons encore la négative. Pour ce qui regarde le duel, M. Livingstone repousse son assimilation à l'assassinat. «Un combat sanctionné par l'opinion publique, dit-il, et qui n'est marqué par aucune circonstance particulière de méchanceté, ne sera jamais considéré ou puni comme assassinat... que la sévérité de la peine soit réservée pour les cas de férocité ou de perfidie... N'infligez qu'une peine légère aux duels loyalement conduits et punissez les insultes.»
Comme on le voit, c'est dans la modération et dans le choix intelligent des peines que le législateur a cherché un remède contre un mal qui, à la Louisiane particulièrement, avait fait de cruels ravages.
La gradation des peines est la suivante:
Insulte par paroles et par gestes:
Amende de 50 à 300 piastres, prison restreinte de cinq à trente jours (Art. 549).
Le déni ou réparation jugés suffisants par la cour, peuvent exempter l'insulteur de la peine; les frais restent à sa charge (Art. 550).
Le jugement doit même insérer la cause d'absolution dans le cas où le plaignant serait satisfait comme ci-dessus (Art. 551).
Envoi et acceptation de cartel:
Prison étroite de deux à six mois, suspension pendant quatre ans de l'exercice des droits politiques (Art. 551).
Celui qui inflige une blessure qui ne cause ni la mort ni l'incapacité permanente, est puni de prison étroite de douze à dix-huit mois, avec suspension de l'exercice de ses droits politiques pendant huit ans (Id.).
La blessure qui a causé une incapacité physique permanente emporte la prison pendant douze mois au moins (la loi laisse au juge le droit d'établir le maximum) avec suspension, pendant sept ans, de l'exercice des droits politiques et des droits civils de la 1re et de la 3e classe (Id.).
Les droits civils sont divisés en trois classes.
La première comprend:
Le droit d'être exécuteur testamentaire, administrateur, tuteur, curateur, mandataire légal ou procureur fondé, ou de remplir toute charge privée actuellement établie ou à établir par la loi.
La deuxième:
Le droit d'ester en justice, soit en personne, soit par procureur, comme partie dans une instance quelconque, soit comme demandeur, soit comme défendeur.
La troisième:
Le droit de porter les armes pour la défense du pays, et de remplir les fonctions de juré.
On peut se demander ici quelle perturbation l'application de quelques-unes de ces peines doit porter dans les familles comme dans la société.
La mort, ou une blessure mortelle données dans le duel, emportent la prison étroite de deux à quatre ans avec déchéance absolue des droits politiques de la 1re et de la 3e classe (Id.).
Celui qui donne traîtreusement la mort à son adversaire ou lui fait une blessure mortelle est considéré comme assassin et puni comme tel (Id.).
Suivant l'article 563, la mort est traîtreusement infligée, si elle est donnée en violant les lois qui régissent le combat, ou en prenant tels autres avantages qui, quoique non expressément proscrits par les dites lois, ne peuvent pas être supposés avoir été intentionnellement permis.
Les articles 564 et 565 déterminent encore d'autres cas où l'homicide commis en duel doit être considéré comme assassinat.
Ainsi: quand la blessure mortelle est à dessein et sciemment infligée à un adversaire hors d'état de faire résistance, soit parce qu'il est désarmé ou autrement, soit qu'il ait ou non agi en conséquence de quelque règle convenue préalablement au combat.
Quand la mort est donnée par une partie qui a obtenu par le fait d'une chance convenue d'avance le pouvoir de l'infliger sans risque pour elle-même; par exemple, si un seul pistolet avait été chargé.
Suivant l'article 556, quiconque conseille à un autre de se battre en duel, tient des discours réprobateurs ou méprisants contre une personne parce qu'elle n'aurait pas donné ou accepté un cartel, qu'elle ne se serait pas battue, subira une amende de 50 à 500 piastres et un emprisonnement étroit de trente jours à six mois, avec suspension de l'exercice des droits politiques pendant trois ans.
La loi garde un silence absolu envers les témoins. Ils tombent donc sous les dispositions générales de l'article 62 du code des délits:
Sont aussi réputés auteurs principaux ceux qui ayant conseillé ou approuvé le délit, ont été présents à sa perpétration, soit qu'ils y aient ou non coopéré.
Du reste, l'exposé des motifs a clairement expliqué l'intention de M. Livingstone, de les punir comme les combattants eux-mêmes, afin de rendre les duels aussi rares que possible par la difficulté de trouver des témoins.
Le but de l'auteur du projet a-t-il été atteint en partie? Oui. Totalement? Non. La pratique est là pour témoigner le contraire.
Nous entendions si souvent vanter les institutions américaines, que nous avons cru devoir nous en occuper quelques instants, supposant que nos lecteurs voudront bien nous accorder un bill d'indemnité pour cet acte de déférence envers la mode.
§ 3.—BELGIQUE
La loi du 8 janvier 1841 est dominée par le principe général: qu'il convient d'appliquer au duel des peines modérées que l'on pourra aggraver dans la suite, à mesure que l'opinion se prononcera plus fortement contre les combats singuliers.
L'amende et la prison correctionnelle y sont graduées suivant la gravité des faits.
Dans certains cas déterminés par la loi, les tribunaux peuvent ajouter:
1o La privation temporaire de tous les emplois civils et militaires et du droit de porter des décorations;
2o L'interdiction également temporaire de l'exercice de la totalité ou d'une partie des droits mentionnés à l'article 42 du Code pénal.
La durée de l'une ou de l'autre de ces peines, ne peut excéder dix années. Le temps ne court qu'à partir du jour où le délinquant subit sa peine.
En réfléchissant qu'un emploi a été souvent obtenu par de longs services ou à titre onéreux; qu'une décoration est souvent le prix du sang versé pour la patrie, quel est le juge sérieux qui se résoudra à appliquer de pareilles peines?
La loi a justement pensé que l'injure est la cause première du duel, et que la provocation n'est le plus ordinairement que la réponse à l'injure.
Passons aux articles:
Article 1er.—La provocation au duel sera punie d'un emprisonnement de un à trois mois, et d'une amende de 100 à 500 francs.
Art. 2.—Seront punis de la même peine ceux qui décrient publiquement ou injurient une personne pour avoir refusé un duel.
Art. 3.—Celui qui a excité au duel, ou par une injure quelconque a donné lieu à la provocation, sera puni d'un emprisonnement de un mois à un an, et d'une amende de 100 à 1,000 francs.
(Comment déterminer qu'il y a eu injure suffisante pour amener la provocation? L'injure, comme nous l'avons dit ailleurs, est telle qu'on la sent. Le pouvoir discrétionnaire du juge doit donc suppléer ici aux définitions que la loi ne saurait lui donner.)
Art. 4.—Celui qui dans un duel a fait usage de ses armes contre son adversaire, sans qu'il en soit résulté ni homicide ni blessure, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à dix-huit mois et d'une amende de 200 à 1,500 francs.
Celui qui n'aura pas fait usage de ses armes, sera puni conformément à l'article 1er.
Art. 5.—Lorsque dans un duel l'un des combattants a donné la mort à son adversaire, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 1,000 à 10,000 francs.
Lorsqu'il sera résulté du duel des blessures qui auront causé une maladie ou une incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 400 à 2,000 francs.
Art. 6.—Si les blessures résultant du duel n'ont occasionné aucune maladie ni incapacité de l'espèce mentionnée dans l'article précédent, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 400 à 2,000 francs.
Le combattant qui a été blessé sera puni des peines portées par le § 1er ou le § 2 de l'article 4, selon qu'il aura fait ou n'aura pas fait usage de ses armes contre son adversaire.
L'article 11 prescrit que dans tous les cas prévus par le § 1er de l'art. 4, l'art. 5, et le § 1er de l'art. 6, lorsque l'emprisonnement est prononcé, les tribunaux peuvent, en outre, ajouter les peines facultatives que nous avons signalées plus haut, c'est-à-dire la privation temporaire des emplois et décorations, l'interdiction des droits mentionnés dans l'article 2 du Code pénal.
Le duelliste blessé dans le combat n'est point sujet à ce surcroît de peines.
L'article 12 décide qu'en cas de nouveaux délits de même nature, les récidivistes seront condamnés au maximum de la peine qui pourra être portée au double.
Le législateur, en dehors de la récidive, laisse toutes les circonstances aggravantes à l'appréciation des juges.
La loi a restreint l'admission possible des circonstances atténuantes, à la provocation, à l'injure, à l'excitation et au cas où l'un des combattants se soit abstenu de faire usage de ses armes.
Art. 14 et dernier.—Dans tous les cas prévus par les articles 1, 2, 3, et § 2 de l'article 5 de la présente loi, si des circonstances atténuantes sont reconnues, les tribunaux auront la faculté d'abaisser la peine depuis six jours de prison et 16 francs d'amende. Ils pourront même ne prononcer que l'une ou l'autre de ces peines dans le cas prévu par la deuxième disposition de l'article 4.
La loi du 8 janvier 1841 a dérogé aux principes généraux du Code pénal en fait de complicité.
Aux termes de l'article 7 de cette loi, sont réputés complices des délits commis en duel ceux qui, par dons, promesses et menaces, abus d'autorité et de pouvoir, machinations ou artifices coupables, ont provoqué à les commettre. Cet article ajoute que les complices seront punis comme les autres.
Les témoins ne sont pas considérés comme complices par cela seul qu'ils sont témoins: il faut que leur conduite présente les caractères déterminés par l'article 7.
Nous avons intérêt à faire remarquer ici qu'une grave discussion s'éleva dans la Chambre des représentants au sujet du traitement à infliger aux témoins, contre lesquels il n'y aurait point à relever de circonstances aggravantes; lesquels, au contraire, se seraient bien comportés. Quelques orateurs auraient voulu (et plus tard nous émettrons avec insistance un avis semblable) que quand ils ont loyalement accompli leur devoir, on ne leur appliquât aucune peine, parce qu'alors leur intervention ne peut produire que d'heureux effets, et que, selon l'expression d'un homme dont la parole fait autorité, M. le duc Pasquier, leur présence est secourable à la cause de la raison et de l'humanité. En effet, avant que le combat commence, ils renouvellent leurs tentatives de conciliation et souvent, à ce moment suprême, leurs efforts sont couronnés de succès. Lorsqu'ils ne peuvent empêcher le duel, ils en rendent les conditions plus équitables et moins funestes. Il réussissent quelquefois à l'interrompre et même, en cas de blessure, leurs soins empressés peuvent sauver la vie de celui qui aurait succombé, etc... A cela on répondit que le duel étant un délit, on ne pouvait, sans inconséquence, innocenter la coopération à ces faits, etc.
La réponse était logique. Mais comment faire pour ne point s'écarter des conseils de l'utilité pratique? C'est précisément ce que nous nous proposons d'exposer dans notre conclusion.
En fait, dans l'article 8, on rencontre cette disposition: «Dans les cas prévus par les articles 5 et 6, les témoins, s'ils ne sont pas complices, seront punis d'un emprisonnement de un mois à un an, et d'une amende de 100 à 1,000 francs.»
Lorsque le duel a eu lieu, mais qu'il n'a été suivi ni de mort ni de blessures, la loi ne poursuit pas les témoins, parce qu'elle présume que c'est à la sagesse de leurs dispositions qu'il faut attribuer cet heureux résultat.
La peine facultative portée par l'article 11 peut être ajoutée aussi bien pour les complices que pour les auteurs du délit.
La loi du 8 janvier 1841 ne contient aucune disposition relative à la compétence; il s'en suit que cette loi n'a pas dérogé pour les duels aux règles du droit commun, et qu'ils sont de la compétence des tribunaux correctionnels.
Quelques représentants ont bien proposé de déférer la répression du duel au jury; mais cette sage disposition n'a point prévalu...
Nous mentionnerons encore une disposition de la même loi relative aux militaires.
L'article 9, après avoir déclaré qu'il n'est pas dérogé aux lois qui règlent la compétence des tribunaux militaires, porte cependant que le militaire qui se sera battu avec un individu non militaire sera soumis à la juridiction ordinaire, lors même que ce dernier ne sera pas poursuivi.
§ 4.—AUTRICHE-HONGRIE
La loi autrichienne, suivant les errements de la loi française, divise en trois classes les diverses infractions auxquelles elle applique des peines.
Celles de la première classe, les plus graves, qualifiées de crimes dans la loi française, sont appelées délits.
Celles de la deuxième classe, en France désignées sous la dénomination de délits, sont appelées graves infractions de police.
La troisième classe, enfin, comprend les simples contraventions.
Les peines seules applicables aux délits, c'est-à-dire aux infractions les plus graves, sont la mort et l'emprisonnement.
L'emprisonnement a trois degrés:
1o la prison simple; 2o la prison dure (carcere duro); 3o la prison très dure (carcere durissimo).
L'isolement, plus ou moins complet, est accompagné dans les degrés plus ou moins élevés, de la mise aux fers.
Le duel est classé comme délit.
Art. 140. (Code pénal.)—Celui qui, pour quelque cause que ce soit, défie un autre à se battre avec des armes meurtrières, et celui qui, après un tel défi, se présente au combat, commettent le délit de duel.
Ce délit, quand bien même il n'entraînerait aucune conséquence, est puni du carcere duro de un à cinq ans (Art. 141).
S'il en est résulté une blessure, la peine est le carcere duro de cinq à dix ans (Art. 142).
Si le duel est suivi de la mort de l'un des deux combattants, le meurtrier est puni du carcere duro de dix à vingt ans. Le cadavre du mort, s'il est demeuré sur place, est transporté sous l'escorte de la garde dans un lieu hors du cimetière commun pour y être inhumé (Art. 143).
La provocation est simplement considérée comme une circonstance aggravante du duel. «Dans tous les cas, porte l'article 144, le provocateur est puni plus sévèrement que le provoqué et, par conséquent, pour un temps plus long qu'il ne l'eût été s'il eût été provoqué.»
Ici nous demanderons quel est le véritable provocateur? Selon la loi, qui n'envisage que le délit matériel, le provocateur est celui qui envoie le défi. Selon l'opinion publique, d'accord avec la vérité morale et pratique, le véritable provocateur, c'est l'auteur de l'offense, car c'est l'offense reçue qui a donné lieu au défi.
Art. 145.—Ceux qui, d'une manière quelconque, contribuent à la provocation ou à l'acceptation d'un duel, ou qui font des menaces ou des démonstrations méprisantes à celui qui était disposé à se dispenser de l'accepter, sont punis de la prison; mais, s'ils ont particulièrement influé sur la détermination, et si, dans le duel, il y a eu blessure ou mort, ils sont punis de la prison dure de un à cinq ans.
Art. 146.—Ceux qui se présentent au duel comme assistants ou comme seconds pour l'un des combattants, sont punis de la prison dure pendant un an, et, selon l'influence qu'ils ont exercée et le mal advenu, la prison dure peut être étendue à cinq ans.
Les duels sont de la compétence des tribunaux criminels ordinaires.
Les dispositions de la loi contre le duel entre militaires, sont contenues dans le code militaire de 1855 (Militar Strafgesetz), 4me partie, chapitre XIV.
§ 437.—Tout militaire qui en défie un autre en combat singulier, ou qui en accepte le défi, commet le délit de duel (Zweikampf).
§ 438.—Si le duel n'a pas eu lieu, les coupables encourent une punition disciplinaire de un jusqu'à trois mois d'arrêts.
S'il a eu lieu sans qu'aucun des deux adversaires ait été blessé, la peine est de six mois de prison jusqu'à un an.
§ 439.—En cas de blessure, la prison peut être portée d'une année jusqu'à cinq ans.
§ 440.—En cas de mort de l'un des deux adversaires, le meurtrier subira de cinq à six ans de prison. Si pourtant on avait mis pour condition du duel que la mort de l'un des deux adversaires devait s'ensuivre, la peine sera portée jusqu'à vingt ans de prison dure. (Carcere-duro).
§ 441.—Le provocateur sera toujours puni avec plus de rigueur que celui qui aura accepté le défi.
§ 442.—Quiconque favorise d'une manière quelconque la perpétration du délit, sera puni de six mois de prison à un an; et si le duel a pour issue une blessure ou la mort de l'un des deux adversaires, le complice aura la même peine que celui qui aura donné la blessure ou la mort.
§ 443.—Les parrains ou seconds, seront punis de six mois de prison à un an; selon l'influence qu'ils auront exercée, et le mal qui s'en sera suivi, cette peine pourra s'étendre jusqu'à cinq ans.
§ 444.—Ne sont point coupables de ce délit:
Ceux qui s'étant défiés, s'abstiennent volontairement de la rencontre.
Ceux qui bien qu'impliqués dans l'affaire, se sont efforcés d'empêcher le duel.
Les officiers qui auront servi de seconds, si parmi les adversaires il se trouve au moins un officier, et s'il résulte qu'ils aient fait tout leur possible pour empêcher la rencontre.
§ 445.—(Punit avec diverses peines graduelles, ceux qui sans défi préliminaire mettent la main aux armes qu'ils portent au côté pour venger une offense personnelle.)
§ 446.—Si le défi a lieu entre militaires de grades inégaux, le délit prend le caractère d'insubordination, et comme tel, est contenu dans la deuxième partie du Code, chapitre II.
§ 447.—Le commandant supérieur d'une localité où le duel aurait lieu, et qui n'a pas fait tous les efforts possibles pour l'empêcher, ou le juge militaire qui ne punit pas les coupables encourront des peines de diverse nature, suivant les conséquences plus ou moins graves qui en dérivent.
2e PARTIE.—CHAPITRE II.—INSUBORDINATION.
§ 155.—Tout militaire qui, en service ou hors de service, provoque un supérieur en grade, quand bien même la rencontre n'aurait pas lieu, se rend coupable d'insubordination, et est punissable de la prison de un an à cinq ans.
Les dispositions que nous venons de parcourir sont très rigoureuses, mais dans la pratique, elles ne sont jamais appliquées.
Nous noterons ici, quant à la compétence, que les militaires qui commettent le délit du duel (Zweikampf), doivent être jugés par un tribunal militaire, et jamais par un tribunal civil, quand bien même un des adversaires serait civil.
Mais par suite d'une habitude invétérée, si un duel a lieu, les tribunaux se préoccupent peu de commencer l'instruction du procès, parce que, si l'affaire est de peu d'importance, aucune autorité militaire n'en fera d'observation, et si au contraire l'affaire est grave, une ordonnance de l'empereur invitera le tribunal à fermer l'œil.
L'année dernière à Vienne, on eut une preuve évidente de cette assertion. Le comte K*** tua dans un duel au pistolet le comte A***. Le premier était caporal dans un régiment, le second était civil, parent du président du conseil, et appartenant à une illustre famille de la Bohême. On croyait que tout au moins pour donner une satisfaction à la famille, le comte K*** serait mis en jugement, quitte à être gracié ensuite. Il n'en fut rien, S. M. l'empereur fit suspendre le procès, et le coupable s'en tira avec quelques jours de consigne à la caserne.
Il est arrivé quelquefois de même, lorsqu'un duel a eu lieu entre supérieur et inférieur, et que le tribunal d'honneur consulté, ou le corps des officiers déclarent que le duel était justement motivé par le point d'honneur. Dans ce cas, l'empereur use de sa prérogative souveraine pour arrêter les poursuites.
Le fait s'est présenté il y a quelque temps: un capitaine C*** contraint presque un jeune officier à jouer avec lui. Pendant la partie, le capitaine oublie la dignité de son grade au point d'adresser des insultes de nature à attaquer l'honneur de son partner. Le jeune officier oppose le calme, et, la partie finie, se retire et envoie demander raison à son supérieur.
Le duel fut approuvé par le corps d'officiers, et le jeune officier ne fut point poursuivi.
Le capitaine se garda bien de se prévaloir de sa supériorité de grade pour refuser la satisfaction demandée, car le refus eût pu lui être funeste.
En effet quelques individualités, assez rares, il est vrai, peu conscientes ou pénétrées du véritable esprit des institutions militaires, semblent considérer le grade comme un pouvoir féodal donnant le droit de cuissage sur leurs subordonnés.
La discipline qui est l'âme des armées, donne au grade le droit constant à l'obéissance et au respect, pour le bien du service et dans l'intérêt de l'État.
Les abus commis par les supérieurs en service ou à l'occasion du service, s'ils n'exemptent pas le subordonné de l'obéissance et du respect, n'enlèvent pas à ce dernier le droit de recourir à l'autorité supérieure, laquelle trouve dans les règlements militaires les moyens de répression suffisants.
Mais il est dans la vie sociale et en dehors du service, des abus que l'autorité disciplinaire est impuissante à compenser, car ils attaquent le point d'honneur.
Dans ces cas exceptionnels, l'intervention de l'autorité suprême s'explique tout naturellement, car, le respect pour le point d'honneur sévèrement maintenu dans les corps d'officiers, produit soit en faveur de la discipline, soit en faveur de la solidité de l'armée, des conséquences morales que le cadre de notre sujet ne nous permet pas de développer.
Le règlement de discipline (service intérieur), ne mentionne point de duel.
En 1871, furent institués les tribunaux d'honneur auxquels on soumit quelquefois des questions regardant le duel, non pour s'occuper de la répression des coupables, mais pour examiner les circonstances et faits qui précèdent la provocation, pour juger de l'honorabilité des personnes avec lesquelles un officier aurait à se battre, pour prononcer un verdict de blâme quelquefois suffisant pour motiver le renvoi de l'armée contre celui qui ayant reçu une offense, ne se serait pas battu, et autres affaires semblables.
D'après ce, l'on voit que les tribunaux d'honneur en matière de duel ne peuvent avoir qu'une compétence modératrice, et jamais répressive ni même préventive.
§ 5.—ITALIE.
Dans les États Sardes qui ont servi de base à la monarchie Italienne d'aujourd'hui, les lois sur le duel ont suivi, comme partout ailleurs, des phases en rapport avec les besoins de l'état social. Ces besoins, du reste, ont toujours été bien compris par la maison de Savoie, dont le gouvernement paternel, même dans les temps les plus reculés, s'est toujours efforcé de se conformer à l'esprit d'actualité, et d'employer la prérogative souveraine pour adoucir avec à propos la rigoureuse application des lois.
Dans le royaume d'Italie, le duel est encore régi par la législation des États Sardes. Nous la rencontrons dans le titre X, section VII du Code pénal de 1859.
Art. 588.—Il y a délit de duel lorsqu'ensuite d'un défi accepté, un des adversaires mis en présence de l'autre, a fait usage des armes destinées au combat.
Art. 589.—L'homicide commis en duel est puni d'un emprisonnement d'un an au moins.
S'il est résulté du duel des blessures constituant par elles-mêmes un crime, celui qui en sera l'auteur sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus.
S'il est résulté du duel des blessures moins graves, l'auteur sera puni d'un emprisonnement qui pourra être porté à six mois.
Si le duel n'a occasionné ni homicide, ni lésions personnelles, les duellistes seront punis d'un emprisonnement qui pourra s'étendre à un mois.
Art. 590.—Dans tous les cas prévus par l'article précédent, la peine de l'emprisonnement pourra, suivant les circonstances, être remplacée par celle du confinement.
(Le confinement consiste dans l'obligation imposée à un délinquant d'habiter une commune désignée et distante, d'un myriamètre et demi au moins, soit du lieu du délit, soit de la commune où le délinquant et la partie offensée ou lésée, ont leur domicile respectif.)
Art. 591.—A la peine de l'emprisonnement ou du confinement, sera toujours jointe une amende correctionnelle qui pourra être portée à mille livres.
Art. 592.—Le minimum de la peine ne sera jamais appliqué à celui des duellistes qui aura été le provocateur de l'altercation, ayant occasionné le duel.
Art. 593.—Les témoins ne seront considérés comme complices que dans le seul cas où ils auraient été les instigateurs du duel.
Art. 594.—Tout militaire ou autre individu faisant partie de la force publique, venant à rencontrer des personnes qui se disposent à se battre ou se battant, devra leur intimer au nom du Roi, de déposer les armes et de se séparer: pour le seul fait de désobéissance à cette intimation, les duellistes seront punis d'un mois d'emprisonnement.
Art. 595.—Les peines prononcées comme ci-dessus contre le duel, seront applicables aux duellistes, lors même qu'ils auraient choisi le lieu du combat hors des Etats, si d'ailleurs le défi et l'acceptation du défi, ont été échangés dans les Etats.
Après cette législation encore en vigueur actuellement en Italie, nous croyons devoir reproduire ici, à titre de renseignement, les articles relatifs au duel, contenus dans le nouveau projet de Code pénal, présenté au Sénat, par le ministre Vigliani, au mois de février 1874.
TITRE XII.—CHAPITRE VII.—DU DUEL.
Art. 396. § 1.—Quiconque défie un autre à se battre en duel, est puni d'une amende extensible jusqu'à 500 francs, quand bien même le défi n'aurait pas été accepté, et le duel n'aurait pas eu lieu.
§ 2.—Sera puni de la même peine, celui qui aura accepté le défi, bien que le duel n'ait pas eu lieu.
§ 3.—Les peines sont augmentées d'un degré, s'il a été exprimé dans le défi, ou qu'il résulte du genre de duel adopté, la condition que l'un des combattants doive y laisser la vie.
Art. 397. § 1.—Tant le provocateur que celui qui accepte le défi, qui se présentent sur le lieu du combat, sont punis par une amende extensible à 4,000 francs, et par la suspension de tout emploi public jusque pendant la durée de cinq ans.
§ 2.—S'ils font usage des armes, bien qu'il n'en résulte aucune lésion personnelle, ils sont en outre punis par la détention de quatre mois à un an.
Art. 398.—Le duelliste qui tue son adversaire, ou lui inflige une blessure qui occasionne la mort, est puni par la détention pendant cinq ans, extensible à huit ans, avec une amende supérieure à 6,000 francs, et de plus, la suspension de tout emploi public pendant dix ans.
Art. 399. § 1.—Le duelliste qui inflige à son adversaire une lésion personnelle est puni:
1o Dans les cas spécifiés par les numéros 1 et 2 de l'article 372 (voir page 79), par la détention supérieure à trois ans, et avec l'amende supérieure à 4,000 francs, extensible à 6,000.
2o Dans les cas indiqués par le no 3 de l'article 372, par la détention extensible à un an, et avec une amende supérieure à 1,000 francs, et extensible à 4,000.
3o Dans les cas spécifiés par l'article 373, d'une amende au-dessus de 500 francs, et extensible à 4,000 francs.
§ 2.—Les peines établies par le présent article, sont toujours accompagnées par la suspension de tout emploi public pendant cinq ans.
Art. 400.—Le provocateur du duel est puni par le maximum de la peine établie pour le duel.
Art. 401. § 1—Ceux qui portent le défi, soit écrit, soit verbal, sont punis, si le duel n'a pas eu lieu, par une amende jusqu'à 1,000 francs, ou s'il a eu lieu, par les peines établies pour les duellistes.
§ 2.—Si ceux qui ont porté le défi, ont empêché le combat, ils sont exempts de peines.
Art. 402. § 1.—Les parrains ou seconds sont punis avec les mêmes peines établies pour les duellistes.
§ 2.—Les parrains ou seconds sont punis avec les mêmes peines diminuées d'un degré, s'ils ont contribué à rendre moins graves les conséquences du duel; et, s'ils ont empêché le combat, ils sont exempts de peines.
Art. 403. § 1.—Quiconque fait une injure publique à une personne, et la signale au mépris public pour avoir refusé le duel, est puni par la détention supérieure à quatre mois, extensible à un an, et par une amende extensible à 1,000 francs.
§ 2.—Quiconque, montrant ou menaçant de son mépris, excite les autres au duel, est puni par les peines établies contre ceux qui portent le défi.
Art. 404.—Les dispositions du présent chapitre s'appliquent même quand le duel a lieu en pays étranger, entre deux citoyens ou entre un citoyen et un étranger, si le défi a été porté dans le royaume, indépendamment des conditions établies pour les crimes commis sur le territoire étranger.
Art. 405. § 1.—Aux peines restrictives de la liberté personnelle, indiquées par les articles 397, 398, 399, 401 et 402, sont respectivement substituées celles de l'homicide volontaire, ou de la lésion personnelle volontaire, établies dans les chapitres I et II du présent titre:
1o Si la discussion n'a pas été préalablement déférée à un jury d'honneur;
2o Si les conditions du combat n'ont pas été préalablement réglées par les parrains ou seconds;
3o Si le combat n'a pas eu lieu en présence des parrains ou seconds;
4o Si les armes employées dans le combat ne sont pas égales ou ne sont pas des épées, des sabres ou des pistolets également chargés, en excluant les armes de précision;
5o Si dans le choix des armes ou dans le combat, il y a eu fraude ou violation des conditions convenues et réglées;
6o Si la convention a été exprimée ou qu'il résulte du genre de duel choisi que l'un des combattants doive y laisser la vie;
7o Si, dans le duel au pistolet, les duellistes n'ont pas été éloignés par une limite de la distance de 16 mètres au moins, et dans tous les cas, à une distance supérieure de la moitié du point en blanc de l'arme.
§ 2.—Dans les cas prévus par le précédent paragraphe, ceux qui ont porté le défi, les parrains ou seconds, sont punis avec les mêmes peines et selon les règles ordinaires, comme complices de l'homicide volontaire et de la lésion personnelle volontaire, étant maintenues les amendes indiquées dans les articles 398 et 399.
§ 3.—Les circonstances indiquées dans le no 5 du paragraphe 1er, sont à charge non seulement de l'auteur de la fraude et de la violation des conventions, mais encore de celui des duellistes parrains ou seconds qui en a eu connaissance auparavant ou au moment du combat.
Art. 406.—Lorsque les duellistes ou l'un d'eux sont étrangers à la dispute qui a occasionné le duel et se battent à la place de celui qui y est directement intéressé, aux peines restrictives de la liberté personnelle indiquées dans les articles 397, 398, 399, 401 et 402, sont substituées celles de l'homicide volontaire et de la lésion personnelle volontaire établies dans les chapitres I et II du présent titre.
Voici les articles 372 et 373 mentionnés plus haut:
Art. 372.—Celui qui se rend coupable de lésion personnelle et volontaire est puni:
§ 1.—Par la réclusion de cinq à dix ans, si la lésion produit une maladie d'esprit et de corps, certainement ou probablement incurable, ou la perte de l'usage d'un sens, d'un organe, de la parole ou de la faculté génératrice, ou si, étant commise contre une femme enceinte dont l'état était connu, cette lésion a produit l'avortement.
§ 2.—Par la prison supérieure à deux ans, si la lésion a produit une maladie d'esprit ou de corps, de la durée de trente et plus de jours, ou, pour un temps égal, une incapacité de vaquer à ses occupations ordinaires, vu l'affaiblissement permanent d'un sens ou d'un organe, ou une difficulté permanente dans la parole ou une détérioration permanente de la figure.
§ 3.—Par la prison de quatre mois à trois ans dans les autres cas.
Art. 373. § 1.—Si la lésion a produit une incapacité de vaquer à ses occupations ordinaires, ou une maladie d'esprit ou de corps pendant un temps qui ne dépasse pas quinze jours, le coupable est puni par la détention jusqu'à trois mois et par une amende extensible à 500 livres, etc., etc.
Nous avons reproduit sous toutes réserves, et à titre de renseignement, ce projet de loi, lequel sans nul doute devra subir quelques modifications avant d'être adopté par les Chambres italiennes. Toutefois, nous devons noter que le législateur s'est acheminé dans la voie d'un véritable progrès. Il ne se borne pas, en effet, à attaquer le duel en lui-même, mais il s'occupe des faits qui le précèdent, l'accompagnent, et de ses résultats.
Le Code militaire italien ne fait nullement mention du duel; seulement, le règlement de discipline de 1872 contient à son égard les articles suivants:
§ 27.—L'inférieur qui provoque en duel son supérieur ou en accepte le défi commet un acte d'insubordination.
§ 28.—Le supérieur qui provoque en duel son inférieur ou qui en accepte le défi, commet une faute grave contre la discipline.
§ 29.—Le militaire qui défié, pour un motif concernant le service, par quiconque a cessé pour quelque cause que ce soit d'appartenir à l'armée, ne refuserait pas d'accepter la provocation, se rendrait coupable d'une faute grave contre le service.
§ 30.—Il en est de même du militaire provoqué par un autre militaire promu à un grade égal au sien, quand le défi est motivé par des raisons de service antérieures à la promotion.
§ 31.—Les dispositions des quatre paragraphes précédents ne préjudicient en rien aux dispositions du Code pénal commun contre le duel.
Ce dernier paragraphe semble prouver que, même entre militaires, le duel est considéré comme un délit de droit commun.
En pratique, si les conséquences du duel ont été telles qu'il soit parvenu aux oreilles de l'autorité civile qui ne puisse l'ignorer, la justice informe.
Dans le cas de duel entre militaires et civils, l'instruction suit toujours son cours.
Dans le cas de duel entre militaires seulement, l'information aboutit assez rarement à la mise en jugement, à moins de conséquences graves: par exemple la mort de l'un des combattants.
Les supérieurs ignorent toujours les duels avant leur accomplissement.
Un officier qui se permettrait d'avertir les supérieurs ou de réclamer leur intervention pour apaiser la querelle, serait d'abord fort mal reçu par eux, et, de plus, si le fait venait à s'ébruiter, courrait, quel que soit son grade, le risque d'avoir à rendre compte au corps d'officiers.
Les chefs de corps ignorent le duel, même après son accomplissement, quand tout s'y est passé suivant les lois de l'honneur. Ils n'en font rapport à leurs supérieurs que dans le cas où le duel aurait eu pour résultat soit une blessure mortelle ou de nature à nécessiter la mise en réforme, ou enfin la mort.
Il peut arriver que le colonel ou un supérieur juge à propos de punir deux officiers qui se sont battus.
C'est uniquement parce que le motif du duel a été scandaleux, et, dans ce cas, ils ne sont pas punis pour s'être battus, mais pour avoir commis un scandale contraire à la dignité de l'épaulette.
On n'admet pas que dans une discussion, des officiers échangent successivement plusieurs offenses ou injures. A la première offense ou injure, la provocation doit s'en suivre. Elle doit être reçue par un acquiescement immédiat. La conversation doit changer de sujet; si le besoin l'exige, les camarades ou les plus anciens d'entre eux interviennent pour inviter les interlocuteurs à la cesser.
Si un officier refuse de se battre, il est soumis à un conseil de discipline ou obligé de quitter le régiment, par délibération du corps d'officiers, pour s'être laissé insulter; pour avoir insulté un camarade; pour avoir manqué à l'honneur, à la dignité de l'épaulette, mais non pour avoir refusé de se battre en duel.
D'après ce, l'on remarque que dans l'armée italienne, malgré la diversité des éléments dont elle a été successivement composée, les traditions du point d'honneur sont aussi rigoureusement conservées que dans l'ancienne armée sarde.
§ 6.—PRUSSE.—EMPIRE D'ALLEMAGNE
Le nouveau Code pénal de l'empire allemand a été voté le 15 mai 1871 et mis en vigueur le 1er janvier 1872.
Les dispositions relatives au duel sont contenues dans la seconde partie, au chapitre quinzième.
Art. 201.—La provocation en duel avec des armes meurtrières, ainsi que l'acceptation d'une pareille provocation, sont punies d'une détention dans une enceinte fortifiée, pouvant aller jusqu'à six mois.
Art. 202.—La détention sera de deux mois à deux ans, lorsque dans la provocation, l'intention a été énoncée, ou bien cette intention résulte du genre de duel choisi, que l'une des deux parties doive perdre la vie.
Art. 203.—Ceux qui se chargent de la mission d'une provocation et la remplissent (porteurs de cartel) sont punis d'une détention pouvant aller jusqu'à six mois dans une enceinte fortifiée.
Art. 204.—La punition de la provocation et de son acceptation, ainsi que la punition des porteurs du cartel n'a plus lieu, lorsque les parties ont volontairement renoncé au duel avant qu'il ait commencé.
Art. 205.—Le duel est puni de la détention dans une enceinte fortifiée, de trois mois à cinq ans.
Art. 206.—Celui qui tue en duel son adversaire est puni d'une détention qui ne sera pas moindre de deux ans, dans une enceinte fortifiée; et, si le duel était tel qu'il devait amener la mort de l'un d'eux, d'une détention non moindre de trois ans dans une enceinte fortifiée.
Art. 207.—Dans le cas de mort ou blessure résultant d'une violation intentionnelle des règles convenues ou établies par la coutume, l'auteur de la violation, pour autant qu'il ne sera pas le cas d'appliquer une peine plus forte, en vertu des dispositions précédentes, devra être puni conformément aux prescriptions générales relatives au crime de meurtre et de blessure.
Art. 208.—Si le duel a eu lieu sans seconds, la peine à appliquer pourra être augmentée de la moitié, mais toutefois, pas au delà de quinze ans.
Art. 209.—Les porteurs de cartel qui se sont employés sérieusement pour empêcher le duel, les seconds ainsi que les témoins appelés à assister au duel, les médecins et les chirurgiens n'encourent pas la peine.
Art. 210.—Celui qui pousse intentionnellement un autre au duel avec un tiers, spécialement au moyen de témoignages ou de menaces de mépris, est puni, dans le cas où le duel ait eu lieu, d'un emprisonnement qui ne sera pas moindre de trois mois.
Remarque.—Le Code pénal allemand de 1871 a été révisé par une loi en date du 26 février 1876.
L'article 208 ci-dessus figure parmi les articles qui ont été modifiés à cette occasion. En 1871, il avait été établi que la peine, pouvant être augmentée de la moitié, ne devait pas dépasser dix ans: en 1876 le maximum a été porté à quinze ans.
Dans le Code pénal militaire allemand mis en vigueur le 1er octobre 1872, nous trouvons l'article suivant (Code pénal militaire, 2e partie, chapitre VI):
Art. 112.—Celui qui, à l'occasion d'affaires de service, provoque en duel un supérieur ou un officier occupant un rang plus élevé, est puni d'une détention qui ne sera pas moindre d'un an, dans une enceinte fortifiée; et, si le duel a lieu, d'une détention qui ne sera pas moindre de trois ans dans une enceinte fortifiée. Il sera en outre licencié du service.
Les mêmes peines frappent le supérieur qui accepte là provocation ou accomplit le duel.
Avant de nous occuper des duels entre militaires et officiers, nous nous arrêterons quelques instants sur l'institution des cours d'honneur.
Ces cours avaient pour but de veiller d'une manière générale à la conservation de la discipline dans l'armée et de maintenir intact l'honneur individuel des officiers ainsi que l'honneur collectif des corps auxquels ils appartiennent.
Leurs attributions ont été fixées par deux ordonnances du 20 juillet 1843 et en dernier lieu, par un décret royal et une ordonnance et date du 2 mai 1874.
S. M. le roi de Prusse, empereur d'Allemagne, a rendu, le 2 mai 1874, un décret réglant la composition des tribunaux d'honneur pour les officiers de l'armée prussienne. Dans cette ordonnance, Sa Majesté s'est proposé le double but, de conserver intactes les traditions chevaleresques du corps des officiers, et, dans le cas où un officier encourt le reproche d'avoir souffert dans son honneur, ou bien qu'il le craigne lui-même, de procéder, dans cette circonstance, par une voie régulière. Sa Majesté attribue donc aux tribunaux d'honneur: le double but de laver l'honneur d'un officier des soupçons mal fondés dont il pourrait être l'objet, et pour détruire lesquels, il n'ait pas d'autres voies ouvertes dans son état; et de procéder contre tout officier dont la conduite ne répondrait pas au juste sentiment d'honneur et à la dignité d'un membre du corps des officiers. Le décret adressé au ministre de la guerre et accompagnant l'ordonnance du 2 mai 1874, abroge la 2e ordonnance royale du 20 juillet 1843.
La nouvelle ordonnance règle tous les détails de l'organisation de la justice d'honneur des officiers dans l'armée prussienne; la composition des tribunaux selon le rang des officiers, la procédure, etc.
Les tribunaux d'honneur des officiers ont pour but de sauvegarder l'honneur des corps d'officiers, comme l'honneur de chacun des membres en particulier (Art. 1).
1o D'intervenir contre tout officier dont la conduite n'est point conforme au droit sentiment de l'honneur et à sa position, et de proposer, quand l'honneur des corps d'officiers le demande, l'exclusion des membres indignes d'en faire partie;
2o De justifier les officiers attaqués dans leur honorabilité par des soupçons non fondés, en tant qu'il n'existe pas pour cela d'autres voies légales.
COMPÉTENCE
Il appartient aux tribunaux d'honneur de juger:
A) Tous les actes et toutes les fautes des officiers qui sont contraires au droit sentiment de l'honneur, à la dignité de leur position, ainsi que tout ce qui peut porter atteinte à l'honneur collectif des corps d'officiers;
B) Les circonstances dans lesquelles les officiers eux-mêmes, pour sauvegarder leur honneur, réclament un jugement constatant leur honorabilité;
C) Lorsqu'un acte ou une faute d'un officier est soumis à la justice ordinaire, et qu'il est également de la compétence du tribunal d'honneur, ce dernier doit attendre que la sentence soit rendue, et, même en cas d'acquittement, il est en droit d'examiner les faits éclaircis par l'information judiciaire, de reconnaître s'ils portent atteinte à l'honneur du corps d'officiers, et de prononcer en conséquence (Art. 3).
Si, au contraire, une condamnation a été prononcée, il appartient exclusivement à l'autorité compétente de provoquer une enquête, et de décider ensuite s'il y a lieu de réclamer un verdict de la part du tribunal d'honneur.
Ces dispositions sont très rationnelles, car, par suite d'un acquittement obtenu par défaut de preuves légales suffisantes, la considération personnelle de l'individu, comme celle d'un corps d'officiers, n'en sont pas moins susceptibles d'être atteintes. Il en est de même en cas de condamnation. L'officier condamné pour une faute contre la prescription de la loi civile, peut, très souvent, n'avoir manqué en rien au point d'honneur, ni à la dignité personnelle, ni avoir compromis en rien la considération du corps d'officiers; dans cette dernière circonstance, surtout, l'officier peut avoir lui-même tout intérêt à le faire constater par un verdict du tribunal d'honneur.
JURIDICTION
§ 3.—Sont soumis à la juridiction des tribunaux d'honneur:
1o Tous les officiers en activité de service;
2o Tous les officiers en disponibilité (réserve et landwehr) et les officiers en non activité, mais susceptibles d'y être rappelés;
3o Les officiers à la suite de l'armée;
4o Les officiers de gendarmerie;
5o Les officiers retraités avec pension, ou ayant obtenu l'autorisation de porter l'uniforme militaire.
COMPOSITION DES TRIBUNAUX D'HONNEUR.
§ 5.—Peuvent exclusivement être compris dans la composition du corps les officiers suivants:
1o Ceux qui sont membres du corps d'officiers;
2o Ceux qui, en vertu du § 13 suivant, peuvent être spécialement désignés à cet effet.
§ 6.—Sont considérés comme membres du corps d'officiers:
1o Dans les corps d'officiers en activité de service, tous les officiers qui font partie d'un régiment, d'un bataillon formant corps, d'une division d'artillerie formant corps, et ceux qui portent l'uniforme de ces troupes, pourvu qu'ils ne soient point détachés dans un autre corps;
2o Dans le corps d'officiers de la disponibilité, le commandant du cercle de landwehr et tous les officiers de réserve et de landwehr, d'un bataillon de landwehr sans distinction d'arme.
§ 7.—Les tribunaux d'honneur se divisent ainsi:
1o Pour les capitaines et officiers subalternes, ils sont composés par les officiers appartenant au corps;
2o Pour les officiers supérieurs, par des officiers de ce grade désignés à cet effet.
S'il s'agit d'un officier général ou d'un officier supérieur ayant rang de général ou d'un chef nommé par Sa Majesté, d'un officier dépendant directement de Sa Majesté ou d'un prince allemand, ou d'un officier supérieur détaché en dehors du rayon de l'armée, Sa Majesté se réserve de pourvoir à la convocation du tribunal d'honneur, selon qu'elle le jugera nécessaire.
Par les capitaines et officiers subalternes, dans tous les corps ou bataillons de landwehr, le corps d'officiers réuni forme le tribunal d'honneur.
Les officiers résidants et ne faisant pas partie d'un corps sont soumis à un tribunal d'honneur désigné par le général commandant en chef le corps d'armée et pris dans l'étendue de son commandement.
En temps de guerre, le droit de soumettre les officiers à un tribunal d'honneur de leur commandement, appartient à toutes les autorités ayant qualité pour ordonner une enquête de tribunal d'honneur.
Dans l'armée active, les tribunaux d'honneur sont présidés par les chefs de corps.
Dans l'armée de réserve, ils sont présidés par les commandants des cercles de landwehr.
§ 13.—Pour ce qui regarde les officiers supérieurs, il est formé un tribunal d'honneur dans chaque corps d'armée, composé d'un général et de neuf officiers ayant leur garnison ou leur résidence dans l'étendue du territoire du corps d'armée.
Le général président est choisi par le général en chef avec lequel il communique directement.
Les autres membres et suppléants pour chacun d'eux sont pris parmi les colonels, lieutenants-colonels, officiers supérieurs du corps d'armée. L'élection a lieu le 1er septembre de chaque année, à la majorité relative des voix. Les membres sont élus pour une année; ils sont rééligibles.
En temps de guerre, tout commandant investi des pouvoirs de général en chef peut rassembler un tribunal d'honneur pour juger les officiers supérieurs dans l'étendue de son commandement.
Si, pour un même fait, des officiers supérieurs et des officiers subalternes doivent être soumis au tribunal d'honneur, le tribunal pour les officiers supérieurs est seul convoqué et retient la cause.
CONSEIL D'HONNEUR
A chaque tribunal d'honneur est adjoint un conseil d'honneur qui instruit les affaires au nom du président du tribunal d'honneur et sous sa direction.
La présidence en est dévolue au plus ancien.
Pour les officiers subalternes, il est composé ainsi:
- 1 capitaine;
- 1 lieutenant en 1er;
- 1 lieutenant en 2e;
- Et leurs suppléants.
Ils sont élus, au 1er septembre, pour un an, et peuvent être réélus.
Ils sont pris parmi les membres du tribunal d'honneur, à la majorité relative des votes, de la manière suivante:
Le corps d'officiers, en entier, choisit le lieutenant en 2e;
Les officiers supérieurs, les capitaines et les lieutenants en 1er choisissent le lieutenant en 1er;
Les officiers supérieurs et les capitaines choisissent le capitaine.
Le président du tribunal d'honneur préside au vote qui résulte de l'envoi ou de la remise du bulletin de vote.
Dans les corps qui ne peuvent former un tribunal d'honneur chez les membres de la justice militaire, les individus appartenant aux établissements militaires, l'autorité supérieure pour former un conseil d'honneur suit les mêmes principes.
En temps de guerre, les chefs peuvent, pour plusieurs fractions de troupes trop faibles, ne faire former qu'un seul conseil d'honneur.
Pour les officiers supérieurs, le conseil d'honneur est composé comme suit:
- 1 colonel;
- 1 lieutenant-colonel;
- 1 officier supérieur, et leurs suppléants.
Ces membres sont choisis parmi les membres du tribunal d'honneur qui ont obtenu le plus de voix dans l'élection.
Tout officier a le droit de porter les actes, peu conformes au point d'honneur, d'un collègue, à la connaissance du conseil d'honneur ou du supérieur immédiat de l'inculpé.
Le conseil d'honneur doit aussitôt en faire part au président du tribunal d'honneur qui statue sur les poursuites à faire.
L'information ordonnée, le conseil doit éclaircir les faits et en faire rapport au président de vive voix ou par écrit.
Tout officier soumis à un tribunal d'honneur a le droit de réclamer une déclaration d'honorabilité, comme aussi le devoir de fournir tous les renseignements désirables au conseil d'honneur.
PROCÉDURE DES TRIBUNAUX D'HONNEUR
§ 27.—Si le président du tribunal d'honneur juge qu'il y a lieu de faire statuer par ce tribunal sur la conduite d'un officier, il doit dresser l'acte d'accusation et le soumettre à l'approbation de l'autorité à laquelle il appartient de donner l'ordre de saisir le tribunal d'honneur, en y joignant les pièces suivantes:
A) Tous les actes et informations avec les conclusions du conseil d'honneur;
B) Un mémoire personnel de l'accusé, contenant les explications nécessaires sur sa conduite.
§ 28.—La procédure du tribunal d'honneur ne peut être ordonnée, s'il s'agit d'un capitaine ou officier subalterne, que par l'autorité compétente sous le commandement de laquelle se trouve le corps dont fait partie l'accusé.
S'il s'agit d'un officier supérieur, que par le général en chef du corps d'armée; et en temps de guerre, par l'officier pourvu du commandement en chef, et sous les ordres duquel se trouve l'officier mis en accusation.
S'il s'agit d'un chef de corps et d'un officier assimilé, Sa Majesté se réserve de statuer.
Sur le rapport du président, le chef compétent juge s'il y a lieu de réunir un tribunal d'honneur. Il a le droit également de proposer la suspension de l'officier dans ses fonctions.
§ 30.—Le recours contre la décision du commandant en chef n'est admissible que lorsque, par l'effet de cette décision, il est refusé à un officier de faire établir une enquête du tribunal d'honneur, malgré sa demande.
Dans ce cas, la décision souveraine devrait être demandée par voie d'instance.
§ 33.—L'enquête du tribunal d'honneur étant ordonnée, ne peut plus être suspendue avant sa clôture par un arrêt de ce même tribunal.
L'absence ou le déplacement de l'accusé ne détruisant pas la compétence du tribunal saisi de l'affaire le concernant, l'instruction de l'affaire est faite par écrit, par le conseil d'honneur, sous la responsabilité du président, et sous sa direction. Il donne au conseil les instructions nécessaires pour effectuer l'enquête.
Le président provoque la comparution de l'accusé et des témoins par-devant le conseil d'honneur chargé de l'instruction. S'ils sont absents ou éloignés de la localité, il décerne des commissions rogatoires soit au conseil d'honneur le plus proche, soit aux magistrats militaires ou civils.
Les conseils d'honneur dressent les procès-verbaux des dépositions reçues. Pour leur validité, il est nécessaire que tous les membres ou leurs suppléants soient présents.
Avant de faire sa déposition, l'accusé prend connaissance des griefs articulés contre lui.
Les officiers allemands qui sont témoins, ne sont point sujets au serment, mais ils doivent promettre sur leur honneur de dire la vérité.
§ 37.—Avant la clôture de l'affaire, l'accusé seul ou son défenseur et les tribunaux supérieurs militaires ont le droit de prendre connaissance des actes, mais seulement en présence d'un membre du conseil d'honneur.
§ 38.—Dans le cas où une enquête judiciaire deviendrait nécessaire par suite de la procédure du tribunal d'honneur, les actes de ce dernier peuvent être communiqués à la justice pour lui servir de point de départ, si l'on en reconnaît l'utilité.
§ 39.—En cas de divergence d'avis dans le conseil, le président décide de la marche à suivre et ordonne la clôture de l'information, lorsqu'il la juge suffisante.
§ 41.—Après la clôture de l'instruction, l'accusé est mis en demeure de déclarer de quelle manière il entend se défendre.
Soit vis-à-vis le conseil d'honneur, soit plus tard, vis-à-vis le tribunal d'honneur, il est loisible à l'officier d'exposer sa défense de vive voix ou par écrit, et de se faire défendre par un collègue, pourvu que ce dernier ne soit pas d'un grade inférieur au sien.
La défense doit être présentée dans les huit jours.
L'accusé peut exercer un droit de récusation sur quelques membres du tribunal d'honneur. Il appartient au commandant en chef de statuer sans appel sur les récusations.
«Nous voudrions que le droit de l'accusé fût absolu, c'est-à-dire qu'il eût de plein droit la faculté de récuser un nombre déterminé des membres du tribunal.»
Sont exclus du vote les plaignants, intéressés, parents, etc. Le président rassemble le tribunal d'honneur; il expose l'affaire, et communique les pièces. Pareille communication est faite après cette première séance aux membres absents.
Dans la séance définitive, on procède au vote.
Tous les membres absents doivent envoyer leur vote, et le procès-verbal indique la raison de leur absence.
Pour la validité du vote, la présence de 9 membres au moins est nécessaire.
L'arrêt est rendu à la majorité des voix. Le vote commence par le moins ancien, et se termine par le président, dont la voix, en cas de partage, est prépondérante.
L'arrêt et les actes du procès sont envoyés à l'empereur par le commandant en chef qui a ordonné l'enquête.
La décision impériale est communiquée à l'accusé en même temps que l'arrêt du tribunal.
Après cette communication, la décision souveraine et l'arrêt sont rendus publics.
L'arrêt sur lequel la décision souveraine a prononcé est sans appel, à moins que l'autorisation de l'empereur n'en décide autrement.
Dans ce cas, Sa Majesté se réserve la révision et le jugement définitif de l'affaire.
L'arrêt du tribunal d'honneur peut prononcer:
1o L'incompétence, lorsque l'affaire ne lui paraît pas regarder un tribunal d'honneur ou bien qu'elle semble de la compétence d'un autre tribunal d'honneur;
2o Le renvoi à plus amples et plus complètes informations;
3o L'acquittement;
4o La culpabilité, compromettant l'honneur de la position, avec proposition de donner un avertissement, lorsque le tribunal est d'avis que les faits articulés ne comportent pas l'indignité de l'officier. Dans ce cas, l'officier est maintenu au service;
5o La culpabilité portant atteinte à l'honneur de la position, avec proposition de renvoi en non-activité, lorsque le tribunal d'honneur est d'avis que l'officier ne peut être maintenu dans son emploi;
6o Enfin, la culpabilité portant atteinte la plus grave à l'honneur de l'officier, avec proposition de la destitution du grade d'officier, lorsque le tribunal d'honneur est d'avis que l'officier est indigne de conserver son épaulette.
§ 52.—La non-activité du renvoi simple comporte la perte de l'emploi.
La destitution comporte immédiatement la perte de la qualité d'officier.
§ 53.—Pour les officiers en non-activité selon le § 4, art. 5, le congé avec le renvoi simple, emporte la privation du droit de porter l'uniforme; et la destitution emporte en outre la perte de la qualité d'officier.
Dans cette ordonnance et ce règlement d'exécution dont nous avons cru devoir citer les points essentiels, nous rencontrons pourtant une lacune qui nous paraît regrettable. L'absence d'un tribunal d'honneur suprême pour les chefs de corps, généraux et commandants supérieurs de l'armée. Comme nous l'avons vu, S. M. l'empereur se réserve de pourvoir à leur égard.
Les abords du pouvoir souverain ne sont-ils pas souvent obstrués par des influences auxquelles le souverain le plus intègre et le plus sévère ne sait pas résister?
Pour maintenir la discipline et le point d'honneur dans une armée, l'exemple et la rigueur ne doivent-ils pas partir d'en haut? La confiance, le respect, l'obéissance du soldat, ne sont-ils pas à ce prix? Les chefs supérieurs ne doivent point être soupçonnés! Ces mêmes principes nous les avons développés dans un opuscule publié à Turin en 1851. Soumis ensuite à la haute appréciation de M. le maréchal de Saint-Arnaud, alors ministre de la guerre, en France, ce travail fut de sa part l'objet d'une indulgente approbation écrite que nous conservons encore.
Aux attributions générales que nous venons d'examiner, les tribunaux d'honneur joignent celles d'intervenir dans les querelles et duels entre officiers.
Cette intervention résulte du décret impérial suivant qui précède l'ordonnance:
«Dans l'espoir que les bonnes manières et l'esprit chevaleresque se conserveront dans les corps d'officiers de mon armée, et que ces querelles ou insultes entre officiers deviendront toujours de plus en plus rares, j'ai abrogé l'ordonnance du 20 juillet 1813.»
Dorénavant tout officier qui aura une querelle d'honneur avec un autre officier, devra prévenir ou faire prévenir par un camarade, son conseil d'honneur, au plus tard quand il aura envoyé ou reçu la provocation. Le conseil d'honneur doit aussitôt en donner avis au commandant du corps, et, quand la possibilité en est admise par les usages du corps, essayer de réconcilier les parties. En cas de non-réussite, le tribunal d'honneur doit s'employer pour que les conditions du duel ne soient point disproportionnées avec la gravité du fait. Si le duel a lieu, le président du tribunal d'honneur ou l'un des membres devra se rendre sur le terrain pour y assister comme témoins et veiller à ce que tout s'y passe conformément aux usages admis entre officiers.
Le tribunal n'ouvrira de procédure pour cause de duel contre des officiers que dans le cas où l'une des parties aurait manqué à l'honneur du corps des officiers soit dans l'origine, soit dans la suite de l'affaire. Spécialement, cette procédure aura lieu lorsqu'un officier aura offensé gravement un camarade, sans raison et d'une manière criminelle.
«Car je ne tolérerai pas plus dans mon armée un officier capable de blesser d'une manière criminelle l'honneur d'un camarade, que je n'y tolérerais un officier qui ne saurait pas défendre son honneur.
«Berlin, 2 mai 1874.
«Signé: Guillaume.»
L'ordonnance impériale ne prescrit ni ne défend le duel; celui-ci rentre dans le droit commun. L'ordonnance ne s'en occupe qu'au point de vue du fait, dans ses rapports avec la question d'honneur soit du corps des officiers, soit de l'officier individuellement.
En résumé, l'institution des tribunaux d'honneur nous paraît excellente. Tout officier, quel que soit son grade, doit pouvoir y trouver un appui pour défendre sa délicatesse et son honneur militaire lorsqu'ils sont attaqués par la malveillance ou par la calomnie. La discipline, le respect pour le commandement dans l'armée sont à ce prix. Ai-je besoin de rappeler l'exemple du brave général Forey (depuis maréchal) dans la campagne de Crimée? Dans ce cas, un tribunal d'honneur composé des principaux généraux, se fût rassemblé sous la présidence du général en chef. Sa sentence avec les actes de l'enquête eût été transmise à la justice militaire pour lui servir de base d'informations et lui permettre de poursuivre et de faire condamner sévèrement les insubordonnés ou mal intentionnés qui faisaient courir des bruits calomnieux portant atteinte à l'honneur militaire d'un chef respecté et estimé.
Nous ferons toutefois les plus amples réserves sur la seconde partie des attributions des tribunaux d'honneur, c'est-à-dire sur leur ingérence préventive dans les querelles ou duels entre officiers.
Cette ingérence maintenue dans le décret royal que nous venons de reproduire se trouve réglée par la 1re ordonnance du 20 juillet 1843, laquelle n'est point abrogée.
Les altercations et offenses à l'honneur, entre officiers, sont soumises au conseil d'honneur, lequel procède à une enquête.
Suivant l'ordonnance royale du 18 juillet 1844, toute personne interrogée doit répondre dans cette enquête. Le conseil d'honneur, si l'offense n'est pas trop grave, propose une réparation, laquelle, consentie par les parties, doit être soumise à l'approbation du commandant, sous la direction duquel la cour d'honneur est placée.
Cette autorisation d'arranger l'affaire étant obtenue, elle est signifiée aux parties par le conseil d'honneur. Si les parties ou l'une d'elles refusent toute conciliation, si, l'incident étant tombé dans le domaine de la publicité (rien de plus facile avec toutes ces lenteurs), le corps d'officiers exprime une opinion divergente, ou que le conseil d'honneur ne regarde pas le fait comme susceptible d'être l'objet d'une conciliation amiable, l'affaire est portée par-devant le tribunal d'honneur qui ouvre une enquête.
Suivant le résultat de cette enquête, si l'honneur individuel ou celui du corps des officiers est attaqué, le tribunal procède sur l'ordre du commandant, comme il a été prescrit par l'ordonnance du 2 mai 1874. Dans le cas contraire, il peut proposer des explications ou des accommodements, ordonner à l'offensant de faire des excuses ou même de demander pardon. Le plus souvent, les officiers obéissent à ces injonctions. (Voir les Études sur l'armée prussienne, par le lieutenant-colonel de Labarre-Duparc.) Croit-on pouvoir obtenir, dans les autres armées, que beaucoup d'officiers se soumettent à de pareilles injonctions? Nous en doutons.
Les excuses par ordre, n'ont, à nos yeux, aucune valeur; elles ne sont qu'une humiliation inutile imposée solennellement. Celui-là même qui s'y sera soumis, ne peut-il pas les dénier comme imposées par le devoir d'obéissance envers l'autorité? Ne peut-il pas les tourner en ridicule même dans le vestibule de la salle du conseil? et alors?... aggravation d'offense, duel inévitable et plus sérieux!
A notre sens, les excuses présentées librement par la seule influence amicale des témoins qui en appellent au cœur, à l'esprit de justice, à la loyauté de l'offensant, ne peuvent être déniées par lui, sans forfaire à l'honneur; elles terminent la querelle d'une manière définitive et satisfaisante pour l'honneur des parties.
Lorsque les parties ou l'une d'elles refusent de se soumettre à l'injonction du tribunal d'honneur, le duel devient inévitable. Le conseil d'honneur (délégué du tribunal) règle les conditions, et assiste à la rencontre pour veiller à ce que tout s'y passe honorablement. Une correspondance de Munster, du 1er juillet 1846, citée par M. Colombey, donne un exemple de cette intervention.
Deux officiers, le baron de D... et M. de B..., ayant eu une querelle au billard, le premier laissa échapper quelques paroles offensantes pour son camarade. Le tribunal d'honneur, n'ayant pu induire M. de D... à retirer ses paroles, rendit une sentence de laquelle il résultait que les paroles prononcées par M. de D... compromettaient effectivement l'honneur de M. de B..., lequel n'aurait pu continuer à servir dans l'armée sans en avoir obtenu une rétractation publique, et que cette rétractation étant péremptoirement refusée par M. de D..., le tribunal autorisait le duel entre les deux officiers suivant les usages militaires.
Sur une place de la ville fut élevée une tribune pour le conseil juge du camp. Vis-à-vis cette tribune se trouvait une lice assez vaste entourée de pieux unis par des cordes. Des détachements de cavalerie et d'infanterie entouraient la lice et les tribunes pour contenir la foule qui s'y était portée dès le matin. Le conseil siégeait en uniforme. Les champions se présentèrent également en uniforme.
Le conseil après avoir renouvelé sans succès une dernière tentative de conciliation (c'était bien le moment, vis-à-vis l'impatience du public!) ordonna le combat. Suivant les conventions des champions approuvées par le conseil, le combat devait avoir lieu au sabre et à outrance, c'est-à-dire, qu'il ne devait cesser que lorsque l'un des deux adversaires serait mis hors de combat.
Après avoir quitté leurs habits et leurs casques, les combattants croisent le fer sur un signe du président, et s'attaquent avec acharnement. M. de B... reçoit deux blessures légères au bras, mais riposte par un violent coup de sabre qui blesse son adversaire à la cuisse et le met hors de combat.
Pendant que les chirurgiens accomplissaient leur devoir, le conseil invitait les deux adversaires à se réconcilier, ce qu'ils firent en véritables gentlemen, sans difficulté, en se serrant la main et ensuite en s'embrassant.
Le public qui avait observé jusqu'alors le plus rigoureux silence (ce qui serait tout au plus possible dans d'autres pays!) accueille cette réconciliation par de vifs applaudissements.
M. de B... aida à transporter M. de D... dans sa voiture.
Nous partageons entièrement l'avis de M. Colombey et de son correspondant: ce duel autorisé légalement, nous offre une réminiscence du moyen âge, sauf la fin de ce drame émouvant, qui reflète les mœurs douces et courtoises, chevaleresques de la société de nos jours.
Si les parties entendent procéder au duel sans s'adresser à la cour d'honneur, ou bien, si, la cause étant pendante vis-à-vis cette cour, les parties se mettent en devoir de passer outre, sans attendre la décision, le conseil d'honneur a le droit de se rendre sur les lieux, de chercher à les accommoder et, faute de pouvoir y réussir, de réglementer les conditions du duel, d'y assister, non sans avoir averti les champions des peines portées contre le duel.
Le conseil de guerre informé, instruit l'affaire et applique des peines suivant les circonstances. Dans aucun cas les conseils ne prononcent la peine capitale, même en cas de déloyauté ou de violation des conditions du duel ayant entraîné la mort de l'un des combattants.
Dans certains cas de peu de gravité, et quand tout s'est passé honorablement, les délinquants sont renvoyés à la punition disciplinaire des chefs de corps.
Dans une circonstance, le tribunal d'honneur ayant condamné l'offensant à faire des excuses, et ce dernier ayant obéi, l'offensé ne se tint pas pour satisfait, exigea le duel et tua son adversaire. Le conseil d'honneur avait assisté au duel comme plus haut, et pourtant le survivant fut puni pour meurtre.
Nous respectons la loi générale de l'Etat qui défend le duel. Nous n'accordons à ce dernier qu'une tolérance de fait, circonscrite dans les limites tracées par l'opinion, nous ne saurions donc admettre, en regard de la loi, une institution gouvernementale ayant le pouvoir d'autoriser le duel, d'en régler la condition, d'y assister publiquement avec la protection de la force armée, ou même simplement d'ordonner des excuses ou réparations lésant la liberté d'autrui.
L'utile institution des tribunaux d'honneur doit avoir pour but, en matière de querelles ou duels, 1o de définir en principe les questions du point d'honneur et de réglementation des rencontres; 2o de donner leur avis sur les affaires qui leur sont soumises librement par les parties ou par leurs témoins, ces derniers trouvant dans ces avis une base sûre et efficace pour les diriger dans l'accomplissement de leur importants devoirs.
Leur ingérence ne doit par aller plus loin.
L'intervention du commandement et du tribunal d'honneur nous paraît dangereuse lorsqu'elle s'impose dès le principe d'une affaire. Après les faits accomplis, rien de plus juste que le tribunal d'honneur, le cas échéant, examine l'affaire pour s'assurer que tout a été réglé suivant les lois de l'honneur et les convenances particulières à l'ordre des officiers.
Peut-être avons-nous donné une trop grande extension à notre exposé analytique sur la législation prussienne; nos motifs sont faciles à comprendre.
En France, et nous ne demandons pas de brevet d'invention pour le répéter, nous nous laissons facilement entraîner par deux courants opposés.
Le plus fort, le chauvinisme ou l'admiration pour nous-mêmes, nous persuade et nous induit trop souvent à proclamer (cela coûte cher!) que nous n'avons rien à apprendre de l'étranger. L'autre courant qui devient plus ou moins envahissant, suivant les passions du moment, nous persuade au contraire que nous pouvons prendre sans examen les institutions étrangères. Tour à tour, nous sacrifions à l'anglomanie aux institutions américaines, aujourd'hui à la prussomanie, quitte à passer plus tard à un autre engouement.
Nous ne nous laissons entraîner par aucun de ces deux systèmes. Nous aimons les études comparatives sur les institutions étrangères, car l'expérience nous en démontre journellement, et quelquefois à nos dépens, l'utilité comme la nécessité. Mais un examen sérieux et approfondi tenant compte de nos institutions, de nos mœurs, de notre caractère national, de nos traditions, sous le double point de vue de l'économie politique et militaire, nous paraît devoir s'imposer péremptoirement, avant d'en demander l'introduction totale ou partielle dans notre pays.
Cette pensée nous a guidé en soulignant quelques passages dignes de remarques.
§ 7.—RUSSIE
La législation russe concernant le duel se résume ainsi:
A) DISPOSITION DU CODE DE POLICE PRÉVENTIVE
Art. 355.—Il est défendu en cas d'offense personnelle de provoquer en duel, soit verbalement, soit par écrit, soit par intermédiaire, et il est également défendu d'accepter le duel sur la provocation d'autrui.
Art. 357.—Il est défendu de transmettre une provocation au duel, d'exciter au duel et, en général, de faciliter un duel de quelque façon que ce soit.
Art. 361.—Les témoins du duel ont le droit de défendre le duel au nom de la loi, et, s'ils supposent que les combattants ne voudront pas leur obéir, ils doivent, pour leur propre justification, dénoncer le fait, pour les personnes employées au service de l'État, à leurs supérieurs immédiats, et, pour toutes les autres personnes, à la police locale.
(Cet article est-il d'une exécution facile?)
Art. 367.—Les individus coupables d'un délit se rapportant à un duel sont renvoyés devant les tribunaux criminels pour y être jugés conformément aux prescriptions des articles 1497, 1512 du Code pénal (édition 1866).
B) DISPOSITION DU CODE PÉNAL (éd. 1866)
Art. 1497.—Quiconque aura adressé une provocation au duel pour quelque raison que ce soit, excepté les cas prévus ci-dessous par l'article 1499, si cette provocation n'a pas eu de résultat, quand bien même ce serait par suite de circonstances indépendantes de la volonté du provocateur, sera puni:
D'une arrestation de trois à sept jours.
Si la provocation a eu pour résultat une rencontre, mais si cette rencontre s'est terminée sans effusion de sang, le provocateur sera puni:
D'une arrestation de trois semaines à trois mois.
Celui qui se sera rendu coupable de ce délit pour la seconde fois, sera puni:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de deux à quatre mois.
Art. 1498.—Les peines établies par l'article 1497 seront augmentées d'un ou deux degrés si la provocation a été faite par celui qui a été la cause première de la querelle.
Art. 1499.—Si la provocation en duel a été motivée par une offense grave faite au provocateur même, à son père, à sa mère, ou à un autre de ses parents en ascendance, ou bien à sa femme, sa fiancée, sa sœur, sa fille, sa bru, sa belle-sœur, ou aux personnes dont la tutelle lui est confiée, et si la provocation n'a pas eu de suites, le provocateur n'encourt aucune peine, ou bien est seulement puni:
D'une arrestation d'un à trois jours.
Art. 397.—Tout fonctionnaire qui aura osé provoquer son chef, sera puni, selon les circonstances:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de quatre à huit mois.
Ou de la privation de certains droits civiques, selon l'article 50 du présent Code, et de la réclusion dans une maison de correction pour un temps de huit mois à un an et quatre mois.
Si avec cela le fonctionnaire a provoqué son chef pour une cause provenant de leurs rapports officiels, ou pour se venger d'une peine disciplinaire qu'il aura encourue, le provocateur sera puni:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'un an et quatre mois à quatre ans et de la privation de certains droits civiques selon l'article 50.
Art. 1500.—Quiconque sera convaincu d'avoir excité un autre à se battre en duel, sera puni selon les circonstances, au cas où il s'en est suivi une rencontre:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'un an et quatre mois à quatre ans, ou d'un emprisonnement de quatre mois à un an et quatre mois.
Les mêmes peines sont prononcées contre celui qui aura excité quelqu'un à se rendre coupable d'une injure grave à l'égard d'une autre personne dans le but de la provoquer en duel, au cas ou un duel s'en est réellement suivi.
Art. 1501.—Quiconque aura transmis une provocation en duel, s'il n'a pas fait tout son possible pour empêcher ce conflit, ou bien s'il n'a pas autrement tâché que la provocation n'ait pas de suites, sera passible des peines établies par l'article 1497 pour la provocation même.
Art. 1502.—Quiconque, ayant accepté une provocation en duel, se sera rendu au lieu convenu, quand bien même la rencontre serait empêchée par des circonstances indépendantes de sa volonté, sera puni:
D'une arrestation de un à trois jours.
Mais au cas qu'il ait tiré l'épée ou fait usage des armes contre son adversaire, bien que la rencontre n'ait pas eu pour suite l'effusion du sang, sera puni:
D'une arrestation de trois à sept jours.
Art. 1503.—Quiconque s'étant battu en duel aura tué son adversaire ou lui aura causé de graves blessures, s'il est avec cela l'agresseur ou bien si l'on ne peut décider qui est l'agresseur, mais s'il est prouvé qu'il est le provocateur, est puni en cas de mort:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de quatre à six ans et huit mois.
Et en cas de blessures graves et de mutilation:
De la même peine pour un temps de deux à quatre ans.
Si pourtant ce n'était pas lui qui était cause de la rencontre et que la provocation lui ait été adressée par son adversaire, il sera puni en cas de mort:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de deux à quatre ans.
Et en cas de mutilation ou de blessures graves mais non mortelles:
De la même peine pour un temps de huit mois à deux ans.
Art. 1504.—Si en acceptant la provocation il a été convenu entre les combattants de se battre à mort et si par suite d'une telle convention l'un des adversaires a été tué ou mortellement blessé, le coupable sera puni, au cas où cette condition aura été proposé par lui:
De la privation de tous les droits civils et de la déportation en Sibérie.
Et au cas où il a seulement accepté cette condition, de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de six ans et huit mois à dix ans;
Les témoins, pour avoir admis une telle condition, seront punis:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de deux à quatre mois.
Art. 1505.—Si un duel s'est terminé, bien qu'avec effusion de sang, mais avec des blessures légères ne mettant pas la vie en danger et ne causant ni mutilation, ni dommages sérieux à la santé du blessé, les coupables sont punis d'un emprisonnement ou de la détention dans une enceinte fortifiée;
Celui qui a été l'agresseur, ou, si cela demeure indécis, le provocateur:
Pour un temps de huit mois à quatre mois l'un, et l'autre pour un temps de deux à quatre mois.
Art. 1506.—Si les personnes convenues de se battre en duel, après s'être préparées pour le combat, mais avant d'avoir versé le sang, se réconcilient de leur propre mouvement, ou par suite des conseils des témoins, mais non par des circonstances indépendantes de leur volonté, elles n'encourent aucune peine.
Art. 1507.—Les témoins, qui, avant ou pendant le duel, n'auront pas employé tous les moyens possibles de persuasion pour empêcher ou prévenir le combat, seront punis, si le duel a eu pour suite la mort ou une blessure mortelle de l'un des adversaires:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de quatre à huit mois.
Et dans les autres cas d'un emprisonnement de deux à quatre mois.
N. B. Les médecins invités pour porter secours aux blessés ne sont pas considérés comme témoins.
Art. 1508.—Si les témoins du duel sont convaincus non seulement de n'avoir pas employé tous les moyens possibles de persuasion pour prévenir ou faire cesser le combat, mais d'avoir au contraire excité les combattants à continuer ou à renouveler le duel, ils seront punis:
De la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de deux ans huit mois à quatre ans.
Art. 1509.—Si le duel a eu lieu sans témoins, et s'il a eu pour résultat la mort ou des blessures graves, le coupable sera puni:
De la peine instituée par l'article 1504, pour avoir proposé ou accepté de se battre à mort.
Mais si cette rencontre n'a eu pour suite ni la mort, ni des blessures graves, les coupables ne seront punis que de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'un an et quatre mois à trois ans.
Art. 1510.—Quiconque aura tué en duel son adversaire ou lui aura porté une blessure grave, en employant la trahison, sera puni:
Du maximum de la peine établie par l'article 1454 du présent Code pour meurtre avec préméditation.
Et si le duel a eu lieu sans témoins:
De la peine établie pour meurtre avec préméditation, en cas des circonstances aggravantes citées dans l'article 1453.
En cas de blessures graves, le coupable encourt:
Le maximum des peines établies par l'article 1497 pour blessures graves avec préméditation.
Les témoins qui auront aidé le coupable à porter le coup mortel ou à causer une blessure grave, en employant la trahison, subiront la même peine.
Art. 1511.—Quiconque se sera trouvé fortuitement présent à un duel, et n'aura pas profité de cette occasion pour tâcher de persuader les combattants de se réconcilier, sera puni, si le duel a pour suite la mort ou des blessures graves, d'une des peines contenues dans l'article 1521, pour n'avoir pas prêté secours à un homme se trouvant en péril.
Art. 1512.—Quiconque aura reproché à une autre personne ou l'aura injuriée, soit verbalement, soit par voies de fait, de n'avoir pas accepté une provocation en duel ou d'avoir fait cesser le duel par suite d'une réconciliation, sera puni, si le duel en est résulté:
D'une des peines établies par l'article 1509 pour avoir excité au duel, etc...; en cas contraire:
D'une des peines instituées pour injures plus ou moins graves. (Code des peines de la juridiction des juges de paix, art. 130-135.)
Jusqu'à l'année 1845, la législation russe n'admettait aucune distinction entre le meurtre et le duel. Il est vrai que les peines édictées contre le meurtre n'ont jamais été appliquées dans toute leur rigueur aux duellistes. Ce n'est que depuis 1845, c'est-à-dire depuis la promulgation du Code pénal que le législateur a considéré le duel comme un crime spécial (sui generis), établissant en même temps différentes catégories de duels auxquelles sont appliquées des peines proportionnées à la gravité des faits. Dans le plus grand nombre de cas, la peine établie est la détention dans une forteresse, peine qui est considérée comme moins infamante que la prison et n'est appliquée d'ailleurs qu'à peu de crimes ayant plus ou moins un caractère politique.
Le Code de 1866, dont nous avons reproduit plus haut les dispositions, s'inspire des mêmes errements.
Le nouveau Code pénal militaire de 1875 ne mentionne d'une manière explicite qu'un seul cas de duel, celui où le subordonné aurait provoqué son supérieur.
Art. 99.—Celui qui provoquera son supérieur en duel pour une affaire relative au service militaire, est passible d'être exclu du service avec perte de son grade, ou d'être détenu dans une forteresse de seize mois à quatre ans; ou d'être cassé de son grade et remis simple soldat.
Le supérieur qui a accepté la provocation est passible de la même peine que celui qui l'a faite.
Si par suite de la provocation le duel a lieu, la peine est fixée d'après les règles admises en matière de connexité de crimes.
Cependant comme ledit Code militaire, dans son premier article, pose en principe que tous les cas non exceptés par une de ses dispositions rentrent dans le droit commun, il est évident que les peines édictées par le Code pénal «ordinaire» contre le duel, sont applicables aux militaires aussi bien qu'aux civils.
Depuis l'année 1867, année de la promulgation de la loi sur les tribunaux militaires (d'arrondissement), tous les duels entre militaires sont soumis au jugement de ces tribunaux. Mais, sauf des cas exceptionnels où la discipline militaire est en jeu, les peines applicables aux délinquants sont celles énumérées plus haut dans les articles du Code civil.
Les sentences des tribunaux militaires sont presque toujours soumises à la sanction de S. M. l'empereur, et, dans la plupart des cas, les peines sont commuées, selon la nature des motifs qui ont amené le délinquant sur le terrain.
Les tribunaux d'honneur sont également institués dans les corps de troupes, avec les mêmes attributions que dans les autres armées, mais ils n'ont pas le droit d'autoriser le duel entre les militaires.
CHAPITRE III
DU DUEL DEPUIS LA RÉVOLUTION ET SUIVANT LE DROIT ACTUEL
Lors de la révolution de 1789, on ne songea pas à remplacer par des lois plus appropriées aux idées du moment, les anciens édits sur le duel.
Le préjugé du point d'honneur, né avec la noblesse et enfermé dans les limites de cette caste privilégiée, devait, pensait-on, disparaître avec elle et sombrer sous les coups de la régénération sociale qui confondait toutes les classes de la société dans la grande unité nationale.
On oubliait, ce nous semble, de prévoir les conséquences pratiques de ce principe d'égalité. Le duel pouvait se reproduire moins souvent, par suite, comme nous l'avons précédemment indiqué, de l'adoucissement des mœurs, de l'influence des arts et des sciences, des développements mêmes donnés aux intérêts matériels. Mais aussi, par suite de ce principe d'égalité qui mettait toutes les classes au même niveau, tout individu instruit, et surtout bien élevé, devait croire, avec juste raison, pouvoir faire, autant que quiconque, profession expresse d'honneur et de délicatesse et, par conséquent, pouvoir et devoir même recourir au point d'honneur pour obtenir une réparation à toute injure qu'il serait dans le cas de recevoir.
On ne prévit pas davantage les conséquences des luttes d'opinions politiques; aussi, se prit-on à réfléchir un peu plus sérieusement, lorsque l'on vit commencer les duels politiques entre des membres de l'Assemblée nationale qui appartenaient au parti de la cour et d'autres qui soutenaient les idées libérales. Le duel qui eut le plus de retentissement à cette époque, fut celui de M. de Castries avec M. Charles de Lameth, et dans lequel ce dernier fut blessé.
L'opinion publique s'émut, et l'Assemblée (4 février 1791), enjoignit a ses comités de lui présenter dans le plus bref délai possible un projet de loi contre les duels. Cette injonction resta sans effet.
Le 6 octobre 1791, le Code pénal fut promulgué.
Il n'y fut fait aucune mention du duel. Après avoir spécifié dans quels cas l'homicide peut être déclaré innocent ou excusable, ce Code dispose ainsi (Art. 7, sect. Ire):
«Hors les cas déterminés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelque personne et avec quelque arme ou instrument, et par quelque moyen que ce soit, sera qualifié et puni ainsi qu'il suit, etc...»
Dans l'année même qui suivit la promulgation de ce Code, des poursuites furent intentées contre quelques membres de l'Assemblée, sous l'inculpation de provocation au duel. L'Assemblée annula ces poursuites par un décret d'amnistie (17 septembre 1792) abolissant tous procès et jugements contre les citoyens, sous prétexte de provocation au duel, depuis le 14 juillet 1789, jusqu'à ce jour.
Deux ans après, la Convention nationale, consultée au sujet de savoir si l'article du Code militaire du 12 mai 1793 (Art. 11, sect. IV) qui punissait tout militaire convaincu d'avoir menacé son supérieur de la parole et du geste, devait s'appliquer à la provocation en duel adressée par un inférieur à son supérieur, hors le cas de service, décidait, sur le rapport de son comité de législation, que l'application de la loi devant être restreinte à ce qu'elle avait prévu, et l'article précité ne contenant ni sens ni expression qui s'appliquât à la provocation en duel, il n'y avait pas lieu à délibérer; et, à cette occasion, cette Assemblée renvoya à la commission du recensement et de la rédaction complète des lois, «l'examen de la proposition et des moyens à prendre pour empêcher les duels, et de la peine à infliger à ceux qui s'en rendraient coupables et les provoqueraient.» (Décret du 29 messidor an II, 17 juillet 1794.)
Il en fut de même du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV, qui reproduisit presque entièrement les dispositions du Code de 1791.
Le gouvernement consulaire fut bientôt appelé à exprimer son opinion sur la répression des duels.
Le grand juge, en plusieurs lettres et circulaires (Voir notamment une circulaire du 13 prairial, an IX, au Recueil administratif de Fleurigeon, tome V, p. 290, vo Duel), posa en principe que d'après les lois en vigueur, le duel, en lui-même, ne constituait ni crime ni délit, et que, par conséquent, le duel qui n'avait été suivi d'aucun meurtre, d'aucune blessure ni contusion, ne pouvait donner lieu à aucune poursuite judiciaire; mais, qu'il était hors de doute que les blessures, contusions, meurtres effectués, étant eux-mêmes des atteintes portées à la sûreté et à la vie des citoyens qui en auraient été victimes, ces voies de fait rentraient dans la catégorie de toutes celles de même nature qu'avaient prévues les lois pénales, et que devaient poursuivre les tribunaux, d'après la nature des circonstances et la gravité du fait matériel.
Le Code pénal de 1810 ne nommait même pas le duel. L'exposé des motifs présenté par l'orateur du Conseil d'État, garde le même silence; mais il n'en est pas de même du rapport présenté au Corps législatif par M. de Monseignat, organe du comité de législation.