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Nouveau Code du Duel: Histoire, Législation, Droit Contemporain

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L'article 10 de ce duel a pu donner lieu à bien des réclamations.

On ne peut concevoir, on conteste sérieusement l'importance donnée au moment où l'un des adversaire tire, puisque, dit-on, l'un des pistolets est chargé et que l'autre ne l'est pas?

«Remarquez, disait à M. de Chateauvillard un honorable président, qu'à ce duel la chance, la seule chance est d'avoir ou de n'avoir pas l'arme chargée. Or, tirer avant ou après le signal, peu importe. On ne tuera pas avec le pistolet sans poudre, et l'on tuera avec l'autre. Ce n'est donc pas un assassinat de tirer trop tôt.»

Ici, nous laisserons la parole à M. de Chateauvillard, car, il a sur nous l'avantage d'avoir eu pour collaborateurs des hommes expérimentés; il peut donc parler ex professo «son Conseil d'État entendu».

«L'importance de tirer simultanément la voici: lorsqu'un homme se bat avec une arme chargée, il peut calculer ainsi: je tirerai le premier, se dit-il, si je tue mon adversaire, j'en serai débarrassé tout d'abord.

«Si j'ai eu le mauvais choix des armes, ma vie sera en sa puissance et comme c'est un homme courageux et généreux en même temps, j'aurai une grande chance dans sa générosité. En effet, celui qui vient d'acquérir la certitude que sa vie est hors de danger éprouve à son insu un bien-être qui le porte à tous les mouvements de générosité et puis, tirer sur un homme maintenant sans défense aucune, un homme qui ne peut plus lui faire du mal, à qui il peut donner la vie, accorder une grâce, un pardon, tout cela est entraînant; il tire en l'air et remet son arme aux témoins. Il a fait une bonne action, il le croit du moins, il s'en va le cœur content. Son offense est bien effacée, s'il a reçu l'offense; effacée s'il l'a faite, car il a rendu raison et on ne lui doit plus que de la reconnaissance.

«Il se dit tout cela et s'applaudit.

«Et moi, dit M. de Chateauvillard, je dis qu'il a laissé un félon sur la terre, un drôle qu'il faut punir sévèrement, qu'il faut flétrir, car il a eu pour lui toutes les chances d'un combat qui devait être égal. Cet homme eût commis un assassinat, je le répète, et c'est pour cela même que ces mots qui paraissent irréfléchis: «Il peut en toute conscience lui brûler la cervelle» ont été mis comme une digue à la trahison!»

Les témoins verront bien s'il faut poursuivre celui qui, faisant un calcul si bas, tue parce qu'il a eu la chance de l'arme chargée; car il ne peut plus obtenir sa grâce, celui qui la lui eût généreusement faite n'étant plus! (Chateauvillard, p. 124.)

Malgré notre déférence pour l'avis de l'honorable magistrat, il va sans dire que nous soutenons l'opinion de M. de Chateauvillard par la raison toute simple, que le point d'honneur ne juge pas au point de vue de la jurisprudence légale, mais à son point de vue naturel et particulier qui le porte à ne considérer que la violation de la foi jurée, sans se préoccuper des conséquences.

L'article 7 n'est pas d'une facile surveillance pour les témoins, ses prescriptions ne sont pas d'une facile exécution; comment définir, régler la marche régulière des deux combattants?

Dans le calcul des distances, nous nous sommes basé sur le pas militaire établi par la dernière ordonnance, à 75 centimètres, nous l'avons regardé comme une moyenne convenable, en ce que devant servir à la marche d'une troupe, qui se règle suivant la moyenne des forces physiques, il en résulte évidemment que l'homme isolé possède toujours un avantage de vitesse sur une troupe encadrée.

Grâce aux nouvelles institutions militaires en usage chez toutes les puissances, tout le monde peut avoir la prétention de connaître le pas militaire.

Le pas de 75 centimètres étant admis, une marche régulière donne environ 90 mètres par minute.

C'est à cette évaluation que doivent s'arrêter les témoins pour régler la marche des champions, suivant les prescriptions de l'article 7, en adoptant une vitesse moyenne de 30 mètres par minute.

Nous croyons opportun de leur renouveler le conseil de se munir d'une montre à secondes et à précision.

Nous parlions il y a quelques instants de l'excentricité des duels exceptionnels; quelles horreurs et quelles absurdités n'a-t-on pas vues! Tantôt des combattants blessés et mourants se faire porter en face l'un de l'autre pour s'achever, sans doute par jalousie pour la férocité des bouledogues...! d'autres avec une seule arme chargée, se viser à bout portant, en présence même du corbillard préparé d'avance pour emporter la victime!... ceux-ci armés chacun d'un pistolet chargé, se viser à bout portant dans une fosse creusée pour eux. Ceux-là s'égorgeant dans un cuvier avec des rasoirs.

N'a-t-on pas vu des hommes se chasser comme des bêtes fauves dans des champs de blé?

Un mot sur la chasse à l'homme, laquelle nous assure-t-on, a été, si la coutume ne l'admet pas encore aujourd'hui, en usage dans quelques contrées d'Amérique.

A une heure convenue les champions sont conduits par deux témoins adversaires à l'extrémité d'une forêt dans un périmètre limité.

A l'heure déterminée, les témoins se retirent et abandonnent à eux-mêmes les combattants qui se chassent à volonté pendant plusieurs jours jusqu'à ce que l'un succombe.

Les combattants emportent avec leurs vivres leurs armes qui sont la carabine, ou fusil, le révolver, suivant les conventions. (En Amérique les duels à la carabine et au révolver sont en usage!)

Les combattants accidentent cette chasse par toutes les ruses possibles, afin de pouvoir approcher de leur ennemi, le viser à leur aise, sans qu'il s'en aperçoive.

Par exemple, ils cachent un mannequin dans un fourré et se cachent au mieux à proximité dans une tanière voisine et bien dissimulée. L'adversaire venant à remarquer le mannequin et persuadé de n'être point aperçu, s'avance avec précaution et, au moment où il met en joue, reçoit une balle inattendue qui le couche par terre, ou, s'il a pu tirer, se trouve ainsi à la merci de son antagoniste. (A toute bonne fin, nous dirons, se non è vero è ben trovato.)

Pour couronner cet édifice d'horreurs et d'absurdités, parlons du duel au suicide. M. de Chateauvillard (p. 214) a cité l'exemple suivant: deux officiers servant dans le même régiment (en Autriche) étaient convenus d'un duel à mort. Les témoins très avisés décidèrent (sans doute pour éluder la loi sur les duels) que les adversaires devraient tirer au sort à qui se brûlerait la cervelle. Celui qui eut la funeste chance demanda trois jours pour régler ses affaires, et les trois jours révolus, le malheureux se suicida.

Les témoins furent condamnés à cinq ans de détention dans une forteresse.

Cette condamnation est très juste et très rationnelle, elle ne pèche à nos yeux que par un seul côté: la bénignité!

Et le carcere duro! est-il réservé pour les hannetons?

Si la mémoire ne nous fait défaut, cet exemple s'est encore renouvelé il y a quelques années seulement.

Anathème aux duels exceptionnels qui, nous le répétons, ne sont plus de notre temps et doivent moisir à jamais dans les archives poudreuses des siècles de barbarie! Nous invitons nos lecteurs à s'unir avec nous pour leur lancer des deux mains la Jettatura et la malédiction, urbi et orbi.

Nous avons cité quelquefois l'Essai sur le duel, de M. le comte de Chateauvillard; c'était justice, car n'a-t-il pas été l'initiateur de la route que nous avons modestement suivie, bien qu'avec des allures et des errements complètement différents?

Nous ne craignons pas d'ailleurs de protester contre certain anathème inconscient et inconsidéré, pour rendre hommage à la mémoire de M. le comte de Chateauvillard, à ses collaborateurs[1] et approbateurs distingués qui l'ont secondé dans son désir de travailler pour le bien public.

[1] MM. le général comte Excelmans, le comte du Hallay-Coëtquen, le général baron Gourgaud, Brivols, le vicomte de Contades.

TROISIÈME PARTIE
PIÈCES JUSTIFICATIVES

I

Lettre du roi Henri IV au comte de Soissons.

Cher cousin,

J'ai vu par l'écrit que vous m'avez envoyé par le comte de Saint-Paul, le maréchal de Brissac et de la Rochepot, le langage qu'on vous a rapporté avoir été tenu par M. de Rosny, duquel vous vous plaignez, et l'offre que vous faites de prouver qu'il a été dit par lui; mais je n'ai pas jugé à propos d'entrer en telles preuves, parce que je révoque en doute que ce rapport ait été fait; qu'il ne venait de M. de Rosny; que son intention ne fut jamais de dire chose qui vous pût offenser, étant votre serviteur comme il est, et désire que les choses s'adoucissent et se terminent à la satisfaction qui vous est due. Je vous prie de recevoir de M. de Rosny celle qu'il offre de vous faire et en demeurer satisfait.

Henri.

II

Jugement rendu par le connétable de Montmorency, président du tribunal des maréchaux, dans la querelle entre M. de Montespan et M. le marquis de Cœuvres.

Messieurs,

Nous avons ouï le discours de votre querelle par la bouche de l'un et de l'autre et nous avons trouvé qu'elle a procédé d'un seul désir que vous avez d'essayer vos épées, sans que vous y ayez été provoqués par aucune offense. Vous avez fait ce que vous avez pu pour vous contenter en cela. Vous en avez été empêchés. De sorte qu'il n'y a rien qui vous doive ou puisse empêcher que vous ne soyez amis, comme le roi le veut. Par ainsi, je vous commande de sa part de vous embrasser, et qu'il ne s'en parle jamais, ni pareillement de vos seconds ni entre eux.

III

Règlement de M. les maréchaux de France touchant les réparations des offenses entre les gentilshommes, pour l'exécution de l'Édit contre les duels.

Sur ce qui nous a été ordonné par ordre exprès du roi, et notamment par la déclaration de Sa Majesté contre les duels, lue, publiée et enregistrée au Parlement de Paris le 27 juillet dernier, de nous assembler incessamment pour dresser un règlement le plus exact et distinct qu'il se pourra sur les diverses satisfactions et réparations d'honneur que nous jugerons devoir être ordonnées suivant les divers degrés d'offenses, et de telle sorte que la punition contre l'agresseur et la satisfaction à l'offensé soient si grandes et proportionnées à l'injure reçue, qu'il n'en puisse renaître aucune plainte ou querelle nouvelle; pour être, le dit règlement, inviolablement suivi et observé à l'avenir par tous ceux qui seront employés aux accommodements des différends qui toucheront le point d'honneur et la réputation de gentilshommes, nous, après avoir vu et examiné les propositions de plusieurs gentilshommes de qualité de ce royaume qui ont eu ensemble diverses conférences sur ce sujet, en conséquence de l'ordre qui leur a été donné par nous, dès le 1er juillet 1651, lesquels nous ont présenté dans notre assemblée les dites propositions rédigées par écrit et signées de leurs mains et avons pris une mûre délibération, conclue et arrêté les articles suivants:

Article 1er.

Premièrement, que dans toutes les occasions et sujets qui peuvent causer des querelles et ressentiments, nul gentilhomme ne doit estimer contraire à l'honneur tout ce qui peut donner entier et sincère éclaircissement de la vérité.

Art. 2.

Qu'entre les gentilshommes plusieurs ayant déjà protesté solennellement et par écrit, de refuser toutes sortes d'appels, et de ne se battre jamais en duel pour quelque cause que ce soit: ceux-ci y sont d'autant plus obligés à donner leurs éclaircissements, que, sans cela ils contreviendraient formellement à leur écrit, et seraient par conséquent plus dignes de répréhension et de châtiment dans les accommodements de querelles qui surviendraient par faute d'éclaircissements.

Art. 3.

Que si le prétendu offensé est si peu raisonnable que de ne pas se contenter de l'éclaircissement qu'on lui aura donné de bonne foi, et qu'il veuille obliger celui de qui il croira avoir été offensé à se battre contre lui, celui qui aura renoncé au duel lui pourra répondre en ce sens ou autre semblable: qu'il s'étonne bien que sachant les derniers édits du roi, particulièrement la déclaration de plusieurs gentilshommes, dans laquelle il s'est engagé publiquement de ne point se battre, il ne veuille point se contenter des éclaircissements qu'il lui donne, et qu'il ne considère pas qu'il ne peut ni ne doit donner ni recevoir aucun lieu pour se battre, ni même lui marquer les endroits où il le pourra rencontrer; mais qu'il ne changera rien en sa façon ordinaire de vivre. Et généralement tous les autres gentilshommes pourront répondre que si on les attaque ils se défendront; mais qu'ils ne croient pas que leur honneur les oblige à s'aller battre de sang-froid et à contrevenir ainsi formellement aux édits de Sa Majesté, aux lois de la religion et à leur conscience.

Art. 4.

Lorsqu'il y aura eu quelque démêlé entre les gentilshommes dont les uns auront promis et signé de ne point se battre, et les autres non, ces derniers seront toujours réputés agresseurs, si ce n'est que le contraire paraisse par des épreuves bien expresses.

Art. 5.

Et parce qu'on pourrait aisément prévenir les voies de fait, si nous, les gouverneurs ou lieutenants généraux des provinces, étions soigneusement avertis de toutes les causes et commencements de querelles, nous avons avisé et arrêté, conformément au pouvoir qui nous est attribué par le dernier édit de Sa Majesté, enregistré au Parlement, le roi y séant, le 7 septembre 1651, de nommer et commettre incessamment en chaque bailliage et sénéchaussée de ce royaume un ou plusieurs gentilshommes de qualité, âge et suffisance requis, pour recevoir les avis des différends des gentilshommes, et nous les envoyer ou aux gouverneurs et lieutenants généraux des provinces, lorsqu'ils y sont résidents; et pour être généralement fait par lesdits gentilshommes commis, ce qui est prescrit par le second article dudit édit.

Et nous ordonnons, en conformité du même édit, à tous nos prévôts, vice-baillis, sénéchaux, lieutenants criminels de robe courte et autres officiers de maréchaussée, d'obéir promptement et fidèlement auxdits gentilshommes commis pour l'exécution de leurs ordres.

Art. 6.

Et afin de pouvoir être plus soigneusement avertis des différends des gentilshommes, nous déclarons, suivant le 3e article du même édit, que tous ceux qui se rencontreront, quoique inopinément, aux lieux où se commettront des offenses soit par rapports, discours ou paroles injurieuses, soit par manquements de paroles données, soit par démentis, menaces, soufflets, coups de bâton ou autres outrages à l'honneur, de quelque nature qu'ils soient, seront à l'avenir obligés de nous en avertir, ou les gouverneurs ou les lieutenants généraux des provinces; ou les gentilshommes commis, sous peine d'être réputés complices desdites offenses et d'être poursuivis comme y ayant tacitement contribué; et que ceux qui auront connaissance des procès qui seront sur le point d'être intentés entre gentilshommes pour quelques intérêts d'importance, seront aussi obligés, suivant le même article 3 dudit édit, de nous en donner avis ou aux gouverneurs et lieutenants des provinces, ou aux gentilshommes commis dans les bailliages, afin de pourvoir aux moyens d'empêcher que les parties ne sortent des voies de la justice ordinaire pour en venir à celles de fait et se faire raison par elles-mêmes.

Art. 7.

Et parce que, dans toutes les offenses qu'on peut recevoir, il est nécessaire d'établir quelques règles générales pour les satisfactions, lesquelles répareront suffisamment l'honneur dès qu'elles seront reçues et pratiquées, puisqu'il n'est que trop constant que c'est l'opinion qui a établi la plupart des maximes du point d'honneur, et considérant que dans les offenses il faut regarder avant toutes choses, si elles ont été faites sans sujet, et si elles n'ont point été repoussées par quelques reparties ou revanches plus atroces, nous déclarons que dans celles qui auront été ainsi faites sans sujet et qui n'auront point été repoussées, si elles consistent en paroles injurieuses, comme de sot, lâche, traître et semblables, on pourra ordonner pour punition que l'offensant tiendra prison pendant un mois, sans que le temps en puisse être diminué par le crédit ou prière de qui que ce soit, ni même par l'indulgence de la personne offensée; et qu'après qu'il sera sorti de la prison, il déclare à l'offensé que, mal à propos et impertinemment, il l'a offensé par des paroles outrageantes qu'il reconnaît être fausses et lui en demande pardon.

Art. 8.

Pour le démenti ou menaces de coups de main ou de bâton, on ordonnera deux mois de prison, dont le temps ne pourra être diminué non plus que ci-dessus; et après que l'offensant sera sorti de prison, il demandera pardon à l'offensé avec des paroles encore plus satisfaisantes que les susdites et qui seront particulièrement spécifiées par les juges du point d'honneur.

Art. 9.

Pour les offenses actuelles du coup de main ou autres semblables, on ordonnera pour punition que l'offensant tiendra prison durant six mois, dont le temps ne pourra être diminué non plus que ci-dessus, si ce n'est que l'offensant requière qu'on commue seulement la moitié du temps de ladite prison en une amende qui ne pourra être moindre de quinze cents livres, applicable à l'hôpital le plus proche du lieu de la demeure de l'offensé, et laquelle sera payée avant que ledit offensant sorte de prison; et après même qu'il en sera sorti, il se soumettra encore de recevoir de la main de l'offensé des coups pareils à ceux qu'il aura donnés, et déclarera, de parole et par écrit, qu'il l'a frappé brutalement et le supplie de le pardonner et oublier cette offense.

Art. 10.

Pour les coups de bâton ou autres pareils outrages, l'offensant tiendra la prison un an entier; et ce temps ne pourra être modéré, sinon de six mois, en payant trois mille livres d'amende, payables et applicables en la manière ci-dessus; et après qu'il sera sorti de prison, il demandera pardon à l'offensé, le genou en terre, se soumettra en cet état de recevoir de pareils coups; le remerciera très humblement, s'il ne les lui donne pas comme il le pourrait faire et déclarera, en outre, de parole et par écrit, qu'il l'a offensé brutalement, qu'il le supplie de l'oublier, et que, s'il était en sa place, il se contenterait des mêmes satisfactions; et dans toutes les offenses de coups de main, de bâton ou autres semblables, outre les susdites punitions et satisfactions, on pourra obliger l'offensé de châtier l'offensant par les mêmes coups qu'il aura reçus, quand même il aurait la générosité de ne pas les vouloir donner, et cela en cas seulement que l'offense soit jugée si atroce par les circonstances qu'elle mérite que l'on réduise l'offensé à cette nécessité.

Art. 11.

Et lorsque les accommodements se feront en tous les cas susdits, les juges du point d'honneur pourront ordonner tel nombre d'amis de l'offensé qu'il leur plaira pour voir faire les satisfactions qui seront ordonnées, et les rendre plus notoires.

Art. 12.

Pour les offenses et outrages à l'honneur qui se feront à un gentilhomme, pour le sujet de quelque intérêt civil, ou de quelque procès qui serait déjà intenté devant les juges ordinaires, on ne pourra, dans les offenses ainsi survenues, être trop rigoureux dans les satisfactions; et ceux qui régleront semblables différends pourront, outre les punitions spécifiées ci-dessus en chaque espèce d'offense, ordonner encore le bannissement, pour autant de temps qu'ils jugeront à propos, des lieux où l'offensant fait sa résidence ordinaire; et lorsqu'il sera constant par notoriété de fait ou autres preuves, qu'un gentilhomme se soit mis en possession de quelque chose par les voies de fait ou par surprise, on ne pourra faire aucun accommodement, même touchant le point d'honneur, que la chose contestée n'ait été préalablement mise dans l'état où elle était devant la violence ou la surprise.

Art. 13.

Et pour ce, outre les susdites causes de différends, les paroles qu'on prétend avoir été données et violées en produisant une infinité d'autres, nous déclarons qu'un gentilhomme qui aura tiré parole d'un écrit sur quelque affaire que ce soit, ne pourra y faire à l'avenir aucun fondement, ni se plaindre qu'elle ait été violée, si on ne la lui a donnée par écrit ou en présence d'un ou plusieurs gentilshommes; et ainsi, tous gentilshommes seront désormais obligés de prendre cette précaution non seulement pour obéir à nos règlements, mais encore pour l'intérêt que chacun a de conserver l'amitié de celui qui a donné sa parole et de ne pas être déclaré agresseur, ainsi qu'il sera dorénavant dans tous les démêlés qui arriveront ensuite d'une parole sans écrit ni témoins, et qu'il prétendra n'avoir pas été observée.

Art. 14.

Si la parole donnée par écrit ou par-devant d'autres gentilshommes se trouve violée, l'intéressé sera tenu d'en demander justice à nous, aux gouverneurs ou lieutenants généraux de provinces ou aux gentilshommes commis; à faute de quoi il sera réputé agresseur dans tous les démêlés qui pourront arriver en conséquence de ladite parole violée; comme aussi tous les témoins de ladite parole violée qui n'en auront point donné avis, seront responsables de tous les désordres qui en pourront arriver; et quant à ce qui regarde lesdits manquements de la parole, les réparations et satisfactions seront ordonnées suivant l'importance de la chose.

Art. 15.

Si par le rapport des présentes ou par d'autres preuves, il paraît qu'une injure ait été faite de dessein prémédité, de gaieté de cœur et avec avantage, nous déclarons que, suivant la loi de l'honneur, l'offensé peut poursuivre l'agresseur et ses complices par-devant les juges ordinaires, comme s'il avait été assassiné, et ce procédé ne doit point sembler étrange, puisque celui qui offense un autre avec avantage se rend par cette action indigne d'être traité en gentilhomme; si toutefois la personne offensée n'aime mieux se rapporter à notre jugement, ou à celui des autres juges du point d'honneur, pour la satisfaction et pour le châtiment de l'agresseur, lequel doit être beaucoup plus grand que tous les précédents qui ne regardent que les offenses qui se font dans les querelles inopinées.

Art. 16.

Au cas qu'un gentilhomme refuse ou diffère, sans aucune cause légitime, d'obéir à nos ordres ou à ceux des autres juges du point d'honneur, comme de se rendre par-devant nous ou eux, lorsqu'il aura été assigné par acte signifié à lui ou à son domicile, et aussi lorsqu'il n'aura pas subi les peines ordonnées contre lui, il sera nécessairement contraint, après un certain temps prescrit, par garnison dans sa maison ou emprisonnement, conformément au 8e article de l'édit; ce qui sera soigneusement exécuté par nos prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux, lieutenants criminels de robe courte et autres lieutenants, exempts, archers de maréchaussée, sous peine de suspension de leurs charges et privation de leurs gages; et ladite exécution se fera aux frais et dépens de la partie désobéissante et réfractaire.

Art. 17.

Et suivant le même article 8 dudit édit, si nos prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux, lieutenants criminels de robe courte et autres officiers de maréchaussée ne peuvent exécuter lesdits emprisonnements, ils saisiront et annoteront tous les revenus desdits désobéissants, donneront avis desdites saisies à MM. les procureurs généraux ou à leurs substituts, suivant la dernière déclaration contre les duels, enregistrée au parlement le 29 juillet dernier. Pour être lesdits revenus appliqués et demeurés acquis durant tout le temps de la désobéissance, à l'hôpital de la ville où sera le parlement dans le ressort duquel seront les biens des désobéissants conjointement avec l'hôpital du siège royal d'où ils dépendront aussi, afin que, s'entr'aidant dans la poursuite, l'un puisse fournir l'avis et la preuve, l'autre la justice et l'autorité. Et au cas qu'il y ait des dettes précédentes qui empêchent la perception du revenu confisqué au profit desdits hôpitaux, la somme à quoi pourra monter ledit revenu deviendra une dette hypothéquée sur tous les biens meubles et immeubles du désobéissant pour être payée et acquittée en son ordre, suivant le même article 8 dudit édit.

Art. 18.

Si ceux à qui nous et les autres juges du point d'honneur aurons donné des gardes s'en sont dégagés, l'accommodement ne sera point fait qu'ils n'aient tenu prison durant le temps qui sera ordonné.

Art. 19.

Et généralement dans toutes les autres différences d'offenses qui n'ont point été ci-dessus spécifiées et dont la variété est infinie, comme si elles avaient été faites avec sujet, et si elles ont été repoussées par quelques réparties plus atroces ou si, par des paroles outrageantes, l'offensant s'est attiré un démenti ou quelque coup de main; et en un mot, dans toutes les autres rencontres d'injures insensiblement aggravées, nous remettons aux juges du point d'honneur d'ordonner les punitions et satisfactions telles que le cas et les circonstances le requerront, les exhortant de faire toujours une particulière considération sur celui qui aura été l'agresseur et la première cause de l'offense; et de renvoyer par-devant nous tous ceux qui voudront nous représenter leurs raisons conformément au second article du dernier édit de Sa Majesté, enregistré comme dit est, au parlement, le 7 septembre 1651.

Fait à Paris, le 22 août 1653.

Signé: D'Estrées de Grammont,
de Clerembault.

Et plus bas: Guillet.

IV

Déclaration publique et protestation solennelle de plusieurs gentilshommes de refuser toutes sortes d'appels et de ne se battre jamais en duel, pour quelque cause que ce puisse être.

Les soussignés font le présent écrit, déclaration publique et protestation solennelle, de refuser toutes sortes d'appels et de ne se battre jamais en duel pour quelque cause que ce puisse être, et de rendre toutes sortes de témoignages de la détestation qu'ils ont du duel, comme d'une chose tout à fait contraire à la raison, au bien et aux lois de l'État, et incompatible avec le salut et la religion chrétienne, sans pourtant renoncer au droit de repousser par toutes voies légitimes, les injures qui leur seraient faites, autant que leur profession et leur naissance les y obligent, étant aussi toujours prêts de leur part d'éclaircir de bonne foi ceux qui croiraient avoir lieu de ressentiment contre eux, et de n'en donner sujet à personne.

Nota.—Les noms des gentilshommes qui ont signé se voient dans l'original de la déclaration sur laquelle MM. les maréchaux de France ont rendu leur jugement, le 1er juillet 1651.

V

Voici cette approbation:

«Nous avons approuvé et approuvons le contenu dans ledit écrit, le déclarons conforme aux édits du roi, exhortons tous les gentilhommes de ce royaume d'y souscrire et de l'observer en tous les points comme aussi les soussignés audit écrit et tous ceux qui voudront y souscrire et remédier aux désordres des duels, de conférer et aviser ensemble sur les satisfactions qu'ils croiraient pouvoir raisonnablement tenir lieu de celles qu'on espère par le duel, pour en dresser mémoire et les mettre incessamment entre les mains de notre secrétaire de la maréchaussée de France, afin que les ayant vues et examinées, nous en puissions faire rapport à Sa Majesté, pour être, si elle juge à propos, confirmées par un nouvel édit ou déclaration à l'avantage de la religion et du bien de son Etat.»

VI

Edit du roi portant règlement général sur les duels, donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois d'août 1679, enregistré au parlement le 1er jour de septembre de la même année.

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous présent et avenir, salut.

Comme nous reconnaissons que l'une des plus grandes grâces que nous ayons reçues de Dieu dans le gouvernement et conduite de notre État, consiste en la fermeté qu'il lui a plu de nous donner pour maintenir la défense des duels et combats particuliers et punir sévèrement ceux qui ont contrevenu à une loi si juste et si nécessaire pour la conservation de notre noblesse, nous sommes bien résolu de cultiver avec soin une grâce si particulière, qui nous donne lieu d'espérer de pouvoir parvenir pendant notre règne à l'abolition de ce crime, après avoir été inutilement tentée par les Rois, nos prédécesseurs. Pour cet effet, nous nous sommes appliqué de nouveau à bien examiner tous les édits et règlements faits contre les duels, et tout ce qui s'est fait en conséquence, auxquels nous avons estimé nécessaire d'ajouter divers articles.

A ces causes et autres bonnes et grandes considérations à ce nous mouvant, de l'avis de notre conseil et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, après avoir examiné en notre dit conseil ce que nos très chers cousins les maréchaux de France qui se sont assemblés plusieurs fois, sur ce sujet, nous ont proposé; nous avons en renouvelant les défenses portées par nos édits et ordonnances et celle des Rois nos prédécesseurs et en y ajoutant ce que nous avons jugé nécessaire, dit, déclaré, statué et ordonné, disons, déclarons, statuons et ordonnons par notre présent édit perpétuel et irrévocable, voulons et nous plaît:

Article 1er.

Nous exhortons tous nos sujets et nous leur enjoignons de vivre à l'avenir ensemble dans la paix, l'union et la concorde nécessaires pour leur conservation, celle de leur famille et celle de l'Etat, à peine d'encourir notre indignation et de châtiment exemplaire. Nous leur ordonnons aussi de garder le respect convenable à chacun, selon sa qualité, sa dignité et son rang, et d'adopter mutuellement les uns avec les autres tout ce qui dépendra d'eux pour prévenir tous différends, débats et querelles, notamment celles qui pourraient être suivies de voies de fait; de se donner les uns aux autres, sincèrement et de bonne foi, tous les éclaircissements nécessaires sur les peines et mauvaises satisfactions qui pourront survenir contre eux; d'empêcher qu'on ne vienne aux mains en quelque manière que ce soit, déclarant que nous respectons ce procédé pour un effet de l'obéissance qui nous est due et que nous tenons être plus conforme aux maximes du véritable honneur aussi bien qu'à celles du christianisme, aucun ne pouvant se dispenser de cette mutuelle charité, sans contrevenir aux commandements de Dieu aussi bien qu'aux nôtres.

Article 2.

Et autant qu'il n'y a rien d'aussi honnête ni qui gagne davantage les affections du public et des particuliers que d'arrêter le cours des querelles en leur source, nous ordonnons à nos très chers et bien-aimés cousins les maréchaux de France, soit qu'ils soient à notre suite ou en nos provinces, et nos gouverneurs généraux en icelles, de s'employer eux-mêmes très soigneusement et incessamment à terminer tous les différends qui pourront arriver entre nos sujets, par les voies et ainsi qu'il leur est donné pouvoir par les édits et ordonnances des Rois, nos prédécesseurs. Et en outre, nous donnons pouvoir à nos dits cousins de commettre en chacun des bailliages ou sénéchaussées de notre royaume un ou plusieurs gentilshommes, selon l'étendue d'icelles, qui soient de qualité, d'âge et capacité requise, pour recevoir les avis des différends qui surviendront entre les gentilshommes, gens de guerre et autres, nos sujets, les renvoyer à nos dits cousins les maréchaux de France, ou aux plus anciens d'eux ou aux gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants généraux en icelles, lorsqu'ils y seront présents; et donnons pouvoir auxdits gentilshommes qui seront ainsi commis de faire venir par-devant eux, en l'absence des gouverneurs et lieutenants généraux, tous ceux qui auront quelque différend, pour les accorder ou les renvoyer par-devant nosdits cousins les maréchaux de France, au cas que quelqu'une des parties se trouve lésée par l'accord desdits gentilshommes ou ne veuille pas se soumettre à leurs jugements. Même lorsque les dits gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants généraux en icelles seront dans nos provinces, en cas que les querelles qui surviendront requièrent un prompt remède pour en empêcher les suites, et que les gouverneurs fussents absents du lieu où le différend sera survenu, nous voulons que lesdits gentilshommes commis y pourvoient sur-le-champ, et fassent exécuter le convenu aux articles du présent édit, dont ils donneront avis à l'instant aux dits gouverneurs généraux de nos provinces ou, en leur absence, aux lieutenants généraux en icelles, pour travailler incessamment à l'accommodement; et pour cette fin nous enjoignons très expressément à tous les prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, leurs lieutenants, exempts, greffiers et archers d'obéir promptement et fidèlement, sur peine de suspension de leurs charges et privation de leurs gages, auxdits gentilshommes commis sur le fait desdits différends, soit qu'il faille assigner ceux qui auront querelle, constituer prisonniers, saisir et annoter leurs biens ou faire tous autres actes nécessaires pour empêcher les voies de fait et pour l'exécution desdits gentilshommes ainsi commis, le tout aux frais et dépens des parties.

Article 3.

Nous déclarons, en outre, que tous ceux qui assisteront ou se rencontreront, quoique inopinément, aux lieux où se commettront des offenses à l'honneur soit par des rapports ou discours injurieux, soit par manquement de promesse ou de parole donnée, soit par démentis, coups de main ou autres outrages, de quelque nature qu'ils soient, seront à l'avenir obligés d'avertir nos cousins les maréchaux de France ou lesdits gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants généraux en icelles, ou les gentilshommes commis par nos dits cousins, sur peine d'être réputés complices desdits offenses et délit, poursuivis comme y ayant tacitement contribué, pour ne s'être pas mis en devoir d'en empêcher les mauvaises suites. Voulons pareillement et nous plaît que ceux qui auront connaissance de quelque commencement de querelle et animosité causées par les procès qui seraient sur le point d'être intentés entre gentilshommes pour quelque intérêt d'importance, soient obligés à l'avenir d'en avertir nosdits cousins les maréchaux ou les gouverneurs généraux de nosdites provinces et lieutenants généraux en icelles ou, en leur absence, les gentilshommes commis dans les bailliages, afin qu'ils empêchent de tout leur pouvoir que les parties ne sortent des voies civiles et ordinaires pour venir à celles de fait. Et pour être d'autant mieux informé de tous les duels et combats qui se font dans nos provinces, nous enjoignons aux gouverneurs généraux et lieutenants généraux en icelles, de donner avis aux secrétaires d'État, chacun en son département, de tous les duels et combats qui arriveront dans l'étendue de leurs charges; aux premiers présidents de nos cours de parlement, et à nos procureurs généraux en icelles, de donner pareillement avis à notre très cher et féal le sieur Letellier, chancelier de France, et aux gentilshommes commis, et nos officiers de maréchaussée, aux maréchaux de France; pour nous en informer chacun à leur égard. Ordonnons encore à tous nos sujets de nous en donner avis par telles voies que bon leur semblera, promettant de récompenser ceux qui donneront avis des combats arrivés dans les provinces, dont nous n'aurons pas reçu d'avis d'ailleurs, avec les moyens d'en avoir la preuve.

Art. 4.

Lorsque nosdits cousins les maréchaux de France, les gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants généraux en icelles en leur absence ou les gentilshommes commis auront eu avis de quelque différend entre les gentilshommes et entre tous ceux qui font profession des armes dans notre royaume et pays de notre obéissance, lequel procédant de paroles outrageantes ou autre cause touchant l'honneur, semblera devoir les porter à quelque ressentiment extraordinaire, nosdits cousins les maréchaux de France enverront aussitôt des défenses très expresses aux parties de se rien demander par des voies de faits, directement, et les feront assigner à comparaître incessamment par-devant eux pour y être réglés. Que s'ils appréhendent que lesdites parties soient tellement animées qu'elles n'apportent pas tout le respect et la déférence qu'elles doivent à leurs ordres, ils leur enverront incontinent des archers et gardes de la connétablie et maréchaussée de France, pour se tenir près de leur personne, aux frais et dépens desdites parties, jusqu'à ce qu'elles se soient rendues par-devant eux; ce qui sera ainsi pratiqué par les gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants généraux en icelles dans l'étendue de leurs gouvernements et charges, en faisant assigner par-devant eux ceux qui auront querelles, en leur envoyant de leurs gardes ou quelques autres personnes qui se tiendront près d'eux pour les empêcher d'en venir aux voies de fait, et nous donnons pouvoir aux gentilshommes commis dans chaque bailliage de tenir, en l'absence des maréchaux de France, gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants généraux en icelles, la même procédure envers ceux qui auront querelles, et se servir des prévôts des maréchaux, leurs lieutenants, exempts et archers, pour l'exécution de leurs ordres.

Art. 5.

Ceux qui auront querelles étant comparus devant nos cousins les maréchaux ou gouverneurs généraux de nos provinces et lieutenants en icelles ou en leur absence devant lesdits gentilshommes, s'il apparaît de quelque injure atroce qui ait été faite avec avantage, soit de dessein prémédité ou de gaieté de cœur, nous voulons et entendons que la partie offensée en reçoive une réparation ou satisfaction si avantageuse qu'elle ait tout sujet d'en demeurer contente; confirmant en temps que besoin est, par notre présent édit, l'autorité attribuée par les feus Rois, nos très honorés aïeux et père à nosdits cousins les maréchaux de France, de juger et de décider par jugement souverain tous différends concernant le point d'honneur et réparation d'offense, soit qu'ils arrivent dans notre cour ou en quelque autre lieu de nos provinces où ils se trouveront, et auxdits gouverneurs et lieutenants généraux, le pouvoir qu'ils leur ont aussi donné pour mettre fin, chacun en l'étendue de sa charge.

Art. 6.

Et parce qu'il se commet quelquefois des offenses si importantes à l'honneur que non seulement les personnes qui les reçoivent en sont touchées, mais aussi que le respect qui est dû à nos lois et ordonnances y est manifestement violé, nous voulons que ceux qui auront fait de semblables offenses, outre les satisfactions ordonnées à l'égard des personnes offensées, soient encore condamnés par lesdits juges du point d'honneur à souffrir prison, bannissement et amendes.

Considérant qu'il n'y a rien qui soit si déraisonnable ni si contraire à la profession d'honneur que l'outrage qui se ferait pour quelque intérêt civil ou de quelque procès qui serait intenté par-devant les juges ordinaires, nous voulons que dans les accommodements des offenses provenues de semblables causes lesdits juges du point d'honneur tiennent toute la rigueur qu'ils verront raisonnable pour la satisfaction de la partie offensée, et que pour la disposition de notre autorité blessée, ils ordonnent, ou la prison pendant l'espace de trois mois au moins, ou le bannissement pour autant de temps des lieux où l'offensant fera sa résidence, ou la privation du revenu d'une année ou de deux de la chose contestée.

Art. 7.

Comme il arrive beaucoup de différends entre lesdits gentilshommes à cause des chasses, des droits honorifiques des églises et autres prééminences des fiefs et seigneuries, pour être fort mêlés avec le point d'honneur, nous voulons et entendons que nosdits cousins les maréchaux de France, les gouverneurs de nos provinces et nos lieutenants en icelles et les gentilshommes commis dans lesdits bailliages et sénéchaussées apportent tout ce qui dépendra d'eux pour obliger les parties de convenir d'arbitres qui jugent sommairement avec eux, sans aucune consignation ni espèces, le fonds de semblables différends à la charge de l'appel en nous corps du parlement, lorsqu'une des parties se trouvera lésée par la sentence.

Art. 8.

Au cas qu'un gentilhomme refuse ou diffère sans aucune cause légitime d'obéir aux ordres de nos cousins les maréchaux de France ou à ceux des autres juges du point d'honneur, comme de comparaître par-devant eux, lorsqu'il aura été assigné par acte signifié à lui ou à son domicile et aussi lorsqu'il n'aura pas subi le bannissement ordonné contre lui, il sera incessamment contraint, après un certain temps que lesdits juges lui prescriront, soit par garnison qui sera posée dans sa maison ou par l'emprisonnement de sa personne, ce qui sera soigneusement exécuté par les prévôts de nosdits cousins les maréchaux de France, vice-baillis, vice-sénéchaux, leurs lieutenants, exempts et archers sous peine de suspension de leurs charges et de privation de leurs gages, suivant les ordonnances desdits juges; ladite exécution sera faite aux frais et dépens de la personne désobéissante ou réfractaire. Que si lesdits prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux, leurs lieutenants, exempts et archers ne peuvent exécuter ledit emprisonnement, ils saisiront et annoteront tous les revenus dudit banni ou désobéissant, pour être appliqués et demeurer acquis durant tout le temps de la désobéissance, savoir: la moitié à l'hôpital de la ville où il y a parlement établi et l'autre moitié à l'hôpital du lieu où il y a siège royal, dans le ressort duquel parlement ou siège royal les biens dudit banni et désobéissant se trouvent, afin que, s'entr'aidant dans la poursuite, l'un puisse fournir l'avis et la preuve, et l'autre interposer notre autorité par celle de la justice pour l'effet de notre intention. Et au cas qu'il y ait des dettes précédentes qui empêchent la perception de ce revenu, applicable aux profits desdits hôpitaux, la somme à quoi il pourra monter vaudra une dette hypothéquée sur tous les biens meubles et immeubles du banni, pour être payée et acquittée dans son ordre, du jour de la condamnation qui interviendra contre lui.

Art. 9.

Nous ordonnons en outre que ceux qui auront eu des gardes de nos cousins les maréchaux de France, des gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants d'icelles ou des dits gentilshommes commis, et qui s'en seront dégagés en quelque manière que ce puisse être, soient punis avec rigueur, et ne puissent être reçus à l'accommodement sur le point d'honneur que les coupables de ladite garde enfreinte n'aient tenu prison; qu'à la requête de notre procureur de la connétablie et des substituts aux autres maréchaussées de France, le procès en leur ait été fait selon les formes requises par nos ordonnances. Voulons et nous plaît que sur le procès-verbal ou rapport des gardes qui seront ordonnés près d'eux, il soit, sans autre information décrété contre eux à la requête desdits substituts et leur procès sommairement fait.

Art. 10.

Bien que le soin que nous prenons de l'honneur de notre noblesse paraisse assez par le contenu des articles précédents et par la soigneuse recherche que nous faisons des moyens estimés les plus propres pour éteindre les querelles dans leur naissance et rejeter sur ceux qui offensent le blâme et la honte qu'ils méritent, néanmoins, appréhendant qu'il ne se trouve encore des gens assez osés pour contrevenir à nos volontés si expressément expliquées et qui présument d'avoir raison en cherchant à se venger, nous voulons et ordonnons que celui qui, s'estimant offensé, fera un appel à qui que ce soit pour soi-même demeure déchu de pouvoir jamais avoir satisfaction de l'offense qu'il prétendra avoir reçue, qu'il tienne prison pendant deux ans et soit condamné à une amende envers l'hôpital de la ville la plus proche de sa demeure, laquelle ne pourra être de moindre valeur que la moitié du revenu de ses biens pendant une année, et de plus, qu'il soit suspendu de toutes ses charges et privé des revenus d'icelles pendant trois ans. Permettons à tous juges d'augmenter lesdites peines, selon que les conditions des personnes, les sujets des querelles, comme procès intentés ou autres intérêts civils, les défenses ou gardes enfreintes ou violées, les circonstances des lieux et des temps rendront l'appel plus punissable.

Que si celui qui est appelé au lieu de refuser l'appel et d'en donner avis à nos cousins les maréchaux de France ou aux gouverneurs généraux de nos provinces et nos lieutenants en icelles ou aux gentilshommes commis, ainsi que nous lui enjoignons de le faire, va sur le lieu de l'assignation ou fait effort pour cet effet, il soit puni des mêmes peines que l'appelant. Nous voulons de plus que ceux qui auront appelé pour un autre ou qui auront accepté l'appel sans en donner l'avis auparavant soient punis des mêmes peines.

Art. 11.

Et d'autant qu'outre la peine que doivent encourir ceux qui appelleront, il y en a qui méritent doublement d'être châtiés et réprimés, comme lorsqu'ils s'attaquent à ceux qui sont leurs bienfaiteurs, supérieurs ou seigneurs et personnes de commandement et relevées par leurs qualités et charges, et spécialement quand les querelles naissent pour des actions d'obéissance auxquelles une condition, charge ou emploi subalterne les ont soumis, ou pour des châtiments qu'ils ont subis par l'autorité de ceux qui ont le pouvoir de les y assujettir, considérant qu'il n'y a rien de plus nécessaire pour le maintien de la discipline, particulièrement entre ceux qui font profession des armes, que le respect envers ceux qui les commandent, nous voulons et ordonnons, que ceux qui s'emporteront à cet excès, et notamment qui appelleront leurs chefs ou autres qui ont droit de leur commander, tiennent prison pendant quatre ans, soient privés de l'exercice de leurs charges pendant ledit temps, ensemble des gages et appointements y attribués, qui seront donnés à l'hôpital général de la ville la plus prochaine; et en cas que ce soit un inférieur contre son supérieur ou seigneur, il tiendra prison pendant les mêmes quatre années, et sera condamné à une amende qui ne pourra être moindre qu'une année de son revenu; enjoignant très expressément à nosdits cousins maréchaux de France, gouverneurs généraux de nos provinces et lieutenants généraux en icelles, et gentilshommes commis, et singulièrement aux généraux de nos armées, dans lesquelles le désordre peut être plus fréquent qu'en tout autre lieu, de tenir la main à l'exacte et sévère exécution du présent article. Que si les chefs ou officiers supérieurs et les seigneurs qui auront été appelés reçoivent l'appel et se mettent en état de satisfaire les appelants, ils seront punis des mêmes peines de prison, de suspension de leurs charges et revenus d'icelles et amendes ci-dessus spécifiées, sans qu'ils puissent en être dispensées, quelques instances et supplications qu'ils nous fassent.

Art. 12.

Et d'autant que nous avons résolu de cesser et priver entièrement de leurs charges tous ceux qui se trouveront coupables dudit crime, même par notoriété; si ceux qui auront été ainsi cassés et privés de leurs dites charges s'en ressentent contre ceux que nous en aurons pourvus, en les appelant ou excitant au combat par eux-mêmes ou par autrui, par rencontre ou autrement, nous voulons qu'eux et ceux dont ils se seront servis tiennent prison pendant six ans et soient condamnés à l'amende de six années de leurs revenus, sans pouvoir jamais être relevés desdites peines; et généralement ceux qui viendront pour la seconde fois à violer notre présent édit comme appelants, et notamment ceux qui se seront servis de seconds pour porter leurs appels, soient punis des mêmes peines de prison, destitution de charges et amendes, encore qu'il ne s'en soit ensuivi aucun combat.

Art. 13.

Si contre les défenses portées par notre présent édit, l'appelant et l'appelé venaient au combat actuel, nous voulons et ordonnons qu'encore qu'il n'y ait aucun blessé ou tué, le procès criminel et extraordinaire soit fait contre eux, qu'ils soient sans rémission punis de mort, que tous leurs biens meubles et immeubles nous soient confisqués, le tiers d'eux applicables à l'hôpital de la ville où est le parlement dans le ressort duquel le crime aura été commis et conjointement à l'hôpital du siége royal le plus proche du lieu du délit, et les deux autre tiers tant aux frais de capture et de la justice qu'en ce que les juges trouveront équitable d'adjuger aux femmes et enfants, si aucuns il y en a, pour leur nourriture et entretènement, seulement leur vie durant.

Que si leur crime se trouve commis dans les provinces où la confiscation n'a pas lieu, nous voulons et entendons qu'au lieu de ladite confiscation il soit pris sur les biens des criminels au profit des hôpitaux, une amende dont la valeur ne pourra être moindre de la moitié des biens des criminels.

Ordonnons et enjoignons à nos procureurs généraux, leurs substituts et ceux qui auront l'administration desdits hôpitaux, de faire de soigneuses recherches et poursuites desdites sommes et confiscations, pour lesquelles leur action pourra durer pendant le temps et espace de vingt ans, quand même ils ne feraient aucune poursuite qui la pût proroger, lesquelles sommes et confiscations ne pourront être remises ni diverties pour quelque cause et prétexte que ce soit. Que si l'un des combattants ou tous les deux sont tués, nous voulons que le procès criminel soit fait contre la mémoire des morts, comme contre criminels de lèse-majesté divine et humaine et que leurs corps soient privés de la sépulture, défendant à tous curés, leurs vicaires et autres ecclésiastiques de les enterrer ni souffrir être enterrés en terre sainte, confisquant en outre comme dessus leurs biens meubles et immeubles. Et quant au survivant qui aura tué, outre la susdite confiscation de tous ses biens ou amende de la moitié de la valeur d'iceux dans les pays où la confiscation n'a point lieu, il sera irrémissiblement puni de mort suivant la disposition des ordonnances.

Art. 14.

Les biens de celui qui aura été tué et du survivant seront régis par les administrateurs des hôpitaux pendant l'instruction du procès qualifié pour duel, et les revenus employés aux frais des poursuites.

Art. 15.

Encore que nous espérions que nos défenses et des peines si justement ordonnées contre les duels retiendront dorénavant tous nos sujets d'y retomber, néanmoins, s'il s'en rencontrait encore d'assez téméraires pour oser contrevenir à nos volontés, non seulement en se faisant raison par eux-mêmes, mais en engageant de plus dans leurs querelles et ressentiments, des seconds, tiers ou autre plus grand nombre de personnes, ce qui ne peut se faire que par une lâcheté artificieuse qui fait rechercher à ceux qui sentent leur faiblesse la sûreté dont ils ont besoin dans le courage d'autrui, nous voulons que ceux qui se trouveront coupables d'une si criminelle et si lâche contravention à notre présent édit soient sans rémission punis de mort, quand même il n'y aurait aucun de blessé ni de tué dans ces combats, que tous leurs biens soient confisqués comme dessus, qu'ils soient dégradés de noblesse, déclarés roturiers, incapables de tenir jamais aucunes charges, leurs armes noircies et brisées publiquement par l'exécuteur de la haute justice.

Enjoignons à leurs successeurs de changer leurs armes et d'en prendre des nouvelles pour lesquelles ils obtiendront nos lettres à ce nécessaires, et en cas qu'ils reprissent les mêmes armes, elles soient de nouveau noircies et brisées par l'exécuteur de haute justice et eux condamnés à l'amende de deux années de leur revenu, applicable, moitié à l'hôpital général de la ville la plus proche, et l'autre moitié à la volonté des juges.

Et comme nul châtiment ne peut être assez grand pour punir ceux qui s'engagent si légèrement et criminellement dans le ressentiment d'offenses où ils n'ont aucune part et dont ils devront plutôt procurer l'accommodement pour la conservation et satisfaction de leurs amis que d'en poursuivre la vengeance par des voies aussi destituées de véritable valeur et courage comme elles le sont de charité et d'amitié chrétienne, nous voulons que tous ceux qui tomberont dans le crime d'être seconds, tiers ou autre nombre également soient punis des mêmes peines que nous avons ordonnées contre ceux qui les emploieront.

Art. 16.

D'autant qu'il se trouve des gens de naissance ignoble et qui n'ont jamais porté les armes qui sont assez insolents pour appeler les gentilshommes, lesquels refusent de leur faire raison à cause de la différence des conditions, ces mêmes personnes suscitent contre ceux qu'ils ont appelés d'autres gentilshommes; d'où il s'en suit quelquefois des meurtres d'autant plus détestables qu'ils provenaient d'une cause objecte, nous voulons et ordonnons qu'en tels cas d'appels ou de combats, principalement s'ils sont suivis de quelque grande blessure ou de mort, lesdits ignobles et roturiers qui seront dûment atteints et convaincus d'avoir causé et procuré semblables désordres, soient sans rémission pendus et étranglés, tous leurs biens meubles et immeubles confisqués, les deux tiers aux hôpitaux des lieux les plus prochains et l'autre tiers employé aux frais de la justice, à la nourriture et entretènement des veuves et enfants des défunts, si aucuns il y a; permettant en outre aux juges desdits crimes, d'ordonner sur les biens confisqués telle récompense qu'ils aviseront raisonnable au dénonciateur et autres qui auront découvert lesdits cas, afin que dans un crime si punissable chacun soit invité à la dénonciation d'icelui; et quant aux gentilshommes qui se seront ainsi battus pour des sujets et contre des personnes indignes, nous voulons qu'ils souffrent les mêmes peines que nous avons ordonnées contre les seconds, s'ils peuvent être appréhendés, sinon il sera procédé contre eux par défaut et contumace suivant la rigueur des ordonnances.

Art. 17.

Nous voulons que tous ceux qui porteront sciemment des billets d'appel ou qui conduiront aux lieux des duels ou rencontres, comme laquais ou autres domestiques, soient punis du fouet et de la fleur de lis pour la première fois, et, s'ils retombent dans la même faute, des galères à perpétuité. Et quand à ceux qui auront été spectateurs d'une duel, s'ils s'y sont rendus exprès pour ce sujet, nous voulons qu'ils soient privés pour toujours des charges, dignités et pensions qu'ils possèdent; que s'ils n'ont aucunes charges, le quart de leurs biens soit confisqué et appliqué aux hôpitaux; et si le délit à été commis en quelque province où la confiscation n'a pas lieu, qu'ils soient condamnés à une amende au profit desdits hôpitaux, laquelle ne pourra être de moindre valeur que le quart des biens desdits spectateurs que nous réputons avec raison complices d'un crime si détestable, puisqu'ils y assistent et ne l'empêchent pas tant qu'il peuvent, comme ils y sont obligés par les lois divines et humaines.

Art. 18.

Et d'autant qu'il est souvent arrivé que pour éviter la rigueur des peines ordonnées par tant d'édits contre les duels, plusieurs ont cherché les occasions de se rencontrer, nous voulons et ordonnons que ceux qui prétendront avoir reçu quelque offense et qui n'en auront point donné avis aux susdits juges du point d'honneur, et qui viendront à se rencontrer et se battre seuls, ou en pareil état et nombre, avec armes égales de part et d'autre à pied ou à cheval, seront sujets aux mêmes peines que si c'était en duel. Et pour ce qu'il s'est encore trouvé de nos sujets qui ayant pris querelle dans nos États, et s'étant donné rendez-vous pour se battre hors d'iceux ou sur nos frontières, ont cru par ce moyen pouvoir éluder l'effet de nos édits, nous voulons que tous ceux qui en useront ainsi soient poursuivis criminellement, s'ils peuvent être pris, sinon par contumace, et qu'ils soient condamnés aux mêmes peines et leurs biens confisqués, comme s'ils avaient contrevenu au présent édit dans l'étendue et sans sortir de nos provinces, les jugeant d'autant plus criminels et punissables que les premiers inconvénients dans la chaleur et nouveauté de l'offense ne peuvent plus les excuser, et qu'ils y ont eu assez de loisir pour modérer leur ressentiment, et s'abstenir d'une vengeance si défendue, sans que, dans les deux cas mentionnés au présent article, les prévenus puissent alléguer le cas fortuit, auquel nous défendons à nos juges d'avoir aucun égard.

Art. 19.

Et pour éviter qu'une loi si sainte et si utile à nos États ne devienne inutile au public faute d'observation d'icelle, nous y enjoignons et commandons très expressément à nos cousins les maréchaux de France, auxquels il appartient, sous notre autorité, la connaissance et décision des contentions et querelles qui concernent l'honneur et la réputation de nos sujets, de tenir la main exactement et diligemment à l'observation de notre présent édit, sans y apporter aucune modération, ni permettre que par faveur, connivence et autre voie il y soit contrevenu en aucune manière.

Et pour donner d'autant plus de moyens et de pouvoirs à nosdits cousins les maréchaux de France, d'empêcher et réprimer cette licence effrénée des duels et des rencontres; considérant d'ailleurs que la diligence importe grandement pour la punition desdits crimes, et que les prévôts de nosdits cousins les maréchaux, les vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, se trouvent le plus souvent à cheval pour notre service, pour être plus prompts et plus propres pour procéder contre les coupables des duels et rencontres, nous avons de nouveau attribué et attribuons l'exécution du présent édit, tant dans l'enclos des villes que hors d'icelles, aux officiers de la connétablie et maréchaussée de France, prévôts généraux de ladite connétablie de l'Ile-de-France et des monnaies, et tous les autres prévôts généraux, provinciaux et particuliers, vice-baillis et vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, concurremment avec nos juges ordinaires, et à la charge de l'appel en nos cours de parlement auxquelles il doit ressortir, dérogeant pour ce regard à toutes déclarations et édits à ce contraire, portant défense auxdits prévôts de connaître des duels et rencontres.

Art. 20.

Les juges ou autres officiers qui auront supprimé et changé les informations, seront destitués et privés de leurs charges et châtiés comme faussaires.

Art. 21.

Et d'autant qu'il arrive assez souvent que lesdits prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, sont négligents dans l'exercice des ordres de nosdits cousins les maréchaux de France, nous voulons et ordonnons que lesdits officiers manquant d'obéir au premier mandement de nosdits cousins les maréchaux ou l'un d'eux, ou autres juges du point d'honneur, de sommer ceux qui auront querelle de comparaître au jour assigné, de les saisir et arrêter, en cas de refus et de désobéissance, et finalement d'exécuter de point en point, et toutes affaires cessantes, ce qui leur sera mandé et ordonné par nosdits cousins les maréchaux de France et juges du point d'honneur, ils soient par nosdits cousins punis et châtiés de leurs négligences par suspension de leurs charges et privation de leurs gages, lesquels pourront être réellement arrêtés et saisis sur la simple ordonnance de nosdits cousins les maréchaux de France ou de l'un d'eux, signifiée à la personne ou au domicile du trésorier de l'ordinaire de nos guerres qui sera en exercice. Nous ordonnons en outre auxdits prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux, leurs lieutenants et archers, chacun en leur ressort, sur les mêmes peines de suspension et de privation de leurs gages, que sur le bruit d'un combat arrivé, ils se transporteront à l'instant sur les lieux pour arrêter les coupables et les constituer prisonniers dans les prisons royales les plus proches du lieu du délit, voulant que pour chacune capture il leur soit payé la somme de quinze cents livres, à prendre avec les autres frais de justice sur le bien le plus clair des coupables, et préférablement aux confiscations et amendes que nous avons ordonnées ci-dessus.

Art. 22.

Et comme les coupables, pour éviter de tomber entre les mains de la justice, se retirent d'ordinaire chez les grands de notre royaume, nous faisons très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque nature et condition qu'elles soient, de recevoir dans leurs hôtels et maisons ceux qui auront contrevenu à notre présent édit. Et en cas qu'il se trouve quelques-uns qui leur donnent asile et qui refusent de les mettre entre les mains de la justice, sitôt qu'ils en seront requis, nous voulons que les procès-verbaux qui en seront dressés et dûment arrêtés par lesdits prévôts des maréchaux et autres juges soient incontinent et incessamment envoyés aux secrétaires d'État de nos commandements, chacun en son département, ensemble aux procureurs généraux de nos cours du parlement et à nosdits cousins les maréchaux, afin qu'ayant pris avis d'eux, nous fassions procéder à la punition de ceux qui protégeront de si criminels désordres.

Art. 23.

Que si nonobstant tous les soins et diligences prescrits par les articles précédents, le crédit et l'autorité des personnes intéressées dans ces crimes en détournaient les preuves par menace ou artifice, nous ordonnons que, sur la simple réquisition qui sera faite par nos procureurs généraux et leurs substituts, il soit décerné des mémoires par les officiaux des évêques des lieux, lesquels seront publiés et fulminés selon les formes canoniques contre ceux qui refuseront de venir à la réclamation de ce qu'ils sauront touchant les duels et rencontres arrivés. Nous ordonnons en outre qu'à l'avenir nos procureurs généraux en la cour du parlement et leurs substituts, sur l'avis qu'ils auront des combats qui auront été faits, former leurs réquisitions contre ceux qui par notoriété en seront estimés coupables, et que, conformément à icelles, nosdites cours, sans autres preuves, ordonnons que, dans les délais qu'elles jugeront à propos, ils seront tenus de se rendre dans les prisons, pour se justifier et répondre sur les réquisitions de nosdits procureurs généraux; et à faute dans ledit temps de satisfaire aux arrêts qui seront signifiés à leurs domiciles, nous voulons qu'il soit procédé contre eux par défaut et contumace; qu'ils soient déclarés atteints et convaincus des cas à eux imposés, et comme tels, qu'ils soient condamnés aux peines portées par nos édits, et leurs biens à nous acquis et confisqués et mis à nos mains; et sans attendre que les cinq années des défauts et contumaces soient expirées, que toutes leurs maisons soient rasées et leurs bois de haute futaie coupés jusque à une certaine hauteur, suivant les ordres que nous en donnerons; et eux déclarés infâmes et dégradés de noblesse, sans qu'ils puissent à l'avenir entrer en aucune charge.

Défendons à toutes nos cours de parlement et nos autres juges de les recevoir en leur justification après les arrêts de condamnation, même pendant cinq années de la contumace, qu'auparavant ils n'aient obtenu nos lettres portant permission de se représenter et qu'ils n'aient payé les amendes auxquelles ils seront condamnés et ce nonobstant l'article 18 du titre VII de notre ordonnance criminelle, auquel nous avons dérogé et dérogeons pour ce regard et sans tirer à conséquence.

Art. 24.

Et lors même que les prévenus auront été arrêtés et mis dans les prisons ou qu'ils s'y seront mis, nous voulons qu'en cas que nos procureurs généraux trouvent de la difficulté à administrer les preuves desdits combats, nos cours leur donnent les délais qu'ils requerront, se mettant à l'honneur et conscience de nosdits procureurs généraux de n'en user que pour le bien de la justice.

Art. 25.

Pendant le temps que les accusés ou prévenus desdits crimes ne se rendront point prisonniers, nous voulons que la justice de leurs terres soit exercée en notre nom, et nous pourvoirons pendant ledit temps aux offices et bénéfices dont la disposition appartiendra auxdits accusés ou prévenus.

Art. 26.

Et que pour éviter que pendant l'instruction des défauts et contumaces, les prévenus ne puissent se servir des moyens qu'ils ont coutume de pratiquer pour détourner les preuves de leurs crimes, en intimidant les témoins, en les obligeant de se rétracter dans le récolement, nous voulons que nonobstant l'article 3 du titre XV de notre ordonnance du mois d'août 1670, auquel nous avons dérogé et dérogeons pour ce regard dans les crimes et duels seulement, il soit procédé par les officiers de nos cours et lieutenants criminels des bailliages où il y a siège présidial, au récolement des témoins dans les vingt-quatre heures, et le plus tôt qu'il se pourra, après qu'ils auront été entendus dans les informations, et ce avant qu'il y ait aucun jugement qui l'ordonne, sans toutefois que les récolements puissent valoir confrontation qu'après qu'il aura été ainsi ordonné par le jugement de défaut et contumace.

Art. 27.

Nous déclarons les condamnés par contumace incapables et indignes de toutes successions qui pourraient leur échoir depuis la condamnation encore qu'ils soient dans les cinq années, et qu'ils se fussent ensuite restitués contre la contumace. Si les successions sont échues avant la restitution, la seigneurie et la justice des terres seront exercées en notre nom et les fruits attribués aux hôpitaux, sans espérances de restitution, à compter de la condamnation par contumace.

Art. 28.

Nous voulons pareillement et ordonnons que dans les lieux éloignés des villes où nos cours de parlement sont situés, lorsqu'après toutes les perquisitions et recherches susdites, les coupables des duels et rencontres ne pourront être trouvés, il soit, à la requête des substituts de nos procureurs généraux, sur la simple notoriété du fait, décerné prise de corps contre les absents, et qu'à faute de les pouvoir appréhender en vertu du décret, tous leurs biens soient saisis, et qu'il soit procédé contre eux suivant ce qui est porté par notre ordonnance du mois d'août 1670, au titre XVII, des défauts et contumaces, et sans que nosdits procureurs généraux ou leurs substituts soient obligés d'informer et de faire preuve de notoriété.

Art. 29.

Quand le titre de l'accusation sera pour le crime de duel, il ne pourra être fourni aucun règlement de juges, nonobstant tout prétexte de prévention, assassinat ou autrement, et le procès ne pourra être poursuivi que par-devant les juges du crime de duel.

Art. 30.

Et afin d'empêcher les surprises de ceux qui pour obtenir des grâces nous déguiseraient la vérité des combats arrivés, et mettraient en avant de faux faits, pour faire croire que lesdits combats seraient survenus inopinément et ensuite de querelle prise sur-le-champ, nous ordonnons que nul ne pourra poursuivre au sceau l'expédition d'aucune grâce ès cas où il y aura soupçon de duel ou rencontre préméditée, qu'il ne soit actuellement prisonnier à notre suite ou bien dans la principale prison du parlement dans le ressort duquel le combat aura été fait; et après qu'il aura été vérifié qu'il n'a contrevenu en aucune sorte à notre présent édit, et avoir sur ce pris l'avis de nos cousins les maréchaux de France, nous pourrons lui accorder des lettres de rémission en connaissance de cause.

Art. 31.

Et d'autant qu'en conséquence de nos ordres, nos cousins les maréchaux de France se sont assemblés pour revoir et examiner de nouveau le règlement fait par eux sur les diverses satisfactions et réparations d'honneur, auquel, par nos ordres, ils ont ajouté des peines plus sévères contre les agresseurs, nous voulons que ledit règlement en date du 22e jour du présent mois, ensemble celui du 22 août 1653, ci-attachés, sous le contre-scel de notre chancellerie, soient inviolablement suivis et observés à l'avenir par tous ceux qui seront employés aux accommodements des différends qui touchent le point d'honneur et la réputation des gentilshommes.

Art. 32.

Et d'autant plus que quelquefois les administrateurs des hôpitaux ont négligé le recouvrement des amendes et confiscations adjugées auxdits hôpitaux et autres personnes qui auront été négligées pendant un an à compter du jour des arrêts de condamnation, soit fait par le receveur général de nos domaines auquel la moitié desdites confiscations et amendes appartiendra pour les frais de recouvrement, nous réservant de disposer de l'autre moitié en faveur du tel hôpital qu'il nous plaira, outre que celui auquel elles auront été adjugées.

Art. 33.

Voulons de plus que lorsque les gentilshommes n'auront pas déféré aux ordres des maréchaux de France et qu'ils auront encouru les amendes et confiscations portées par le présent édit et le règlement desdits maréchaux de France, il en soit à l'instant donné avis par lesdits maréchaux de France à nos procureurs généraux en nos cours de parlement ou à leurs substituts, auxquels nous enjoignons de procéder incessamment à la saisie des biens, jusqu'à ce que cesdits gentilshommes prévenus aient obéi; et en cas qu'ils n'obéissent dans trois mois, les fruits seront appliqués en pure perte aux hôpitaux jusqu'à ce qu'ils aient obéi, les frais de prévôts de procédure, de garnison et autres frais par préférence; et pour cet effet, nous voulons que les directeurs et administrateurs desdits hôpitaux soient mis en possession et jouissance desdits biens. Enjoignons à nosdits procureurs généraux, leurs substituts, de se joindre auxdits directeurs et administrateurs, pour être faite une prompte et réelle perception desdites amendes.

Faisons très expresses défenses aux juges d'avoir aucun égard aux contrats, testaments et autres actes faits six mois avant les crimes commis.

Art. 34.

Lorsque dans les combats il y aura eu quelqu'un de tué, nous permettons aux parents du mort de se rendre parties dans trois mois du délit, contre celui qui aura tué et en cas qu'il soit convaincu du crime, condamné et exécuté; nous faisons remise de la confiscation du mort au profit de celui qui aura poursuivi, sans qu'il soit tenu d'obtenir d'autres lettres de don que le présent édit. A l'égard de celui des parents, au profil duquel nous faisons remise de la confiscation, nous voulons que le plus proche soit préféré au plus éloigné, pourvu qu'ils se soient rendus parties dans les trois mois, à condition de rembourser les frais qui auront été faits.

Art. 35.

Le crime de duel ne pourra être éteint ni par la mort, ni par aucune prescription de vingt ni de trente ans, ni aucune autre, encore qu'il n'y ail ni exécution, ni condamnation, ni plainte, et pourra être poursuivi, après quelque laps de temps que ce soit, contre la personne ou contre la mémoire; même ceux qui se trouveront coupables de duel depuis notre édit de 1651, registre en notre cour du parlement de Paris, au mois de septembre de la même année, pourront être recherchés pour les autres crimes par eux commis auparavant et depuis, nonobstant ladite prescription de vingt et trente ans, pourvu que leur procès leur soit fait en même temps pour le crime de duel et par les mêmes juges, et qu'ils en demeurent convaincus.

Art. 36.

Toutes les peines contenues dans le présent édit, pour la punition des contrevenants à nos volontés, seraient inutiles et de nul effet si, par des motifs d'une justice et d'une fermeté infaillibles, nous ne maintenions les lois que nous avons établies. A cette fin, nous jurons et promettons en foi et parole de Roi, de n'exempter à l'avenir aucune personne, pour quelque cause et considération que ce soit, de la rigueur du présent édit; qu'il ne sera accordé par nous aucune rémission, pardon et abolition à ceux qui se trouveront prévenus desdits crimes de duels et rencontres.

Défendons très expressément à tous princes et seigneurs près de nous de faire aucune prière pour les coupables desdits crimes, sous peine d'encourir notre indignation.

Protestons de rechef que ni en faveur d'aucun mariage de prince ou princesse de notre sang, ni pour les naissances des princes et enfants de France qui pourront arriver durant notre règne, ni pour quelque considération générale et particulière qui puisse être, nous ne permettrons sciemment être expédiées aucunes lettres contraires à notre présente volonté. L'exécution de laquelle nous avons jurée expressément et solennellement au jour de notre sacre et couronnement, afin de rendre plus authentique et plus inviolable une loi si chrétienne, si juste et si nécessaire.

Si donnons un mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre cour de parlement, que ces présentes ils fassent lire, publier et registrer, et le contenu en icelles garder et observer inviolablement, sans y contrevenir ni permettre qu'il y soit contrevenu, car tel est notre bon plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes.

Donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois d'août, l'an de grâce 1679, et de notre règne le 37e.

Signé: LOUIS.

Et plus bas:

Par le Roi: Colbert.

Et scellé du grand sceau de cire verte, sur lacs de soie rouge et verte.

Registrées, ouï et ce requérant, le procureur général du Roi, pour être exécutées suivant leur forme et teneur.

A Paris, en Parlement, le 1er septembre mil six cent soixante-dix-neuf.

Signé: Dongois.

VII

Voici comme parle le saint concile de Trente sur le même sujet des duels, session vingt-cinquième, de Reformatione, chapitre XIX.

«L'usage détestable des duels, qui a été introduit par l'artifice du démon pour perdre les âmes après avoir donné cruellement la mort au corps, doit être entièrement aboli parmi les chrétiens.»

Et après il dit: «Nous excommunions, dès à présent et sans autre forme de procès, tous empereurs, tous rois, ducs, princes, marquis, comtes et autres seigneurs temporels, à quelque titre que ce soit, qui auront assigné et accordé quelque lieu pour le duel entre chrétiens.»

Ensuite il ajoute: «Pour ceux qui se seront battus, et les autres vulgairement nommés leurs parrains, nous voulons qu'ils encourent la peine de l'excommunication et de la proscription de tous leurs biens, et passent désormais pour gens infâmes, et soient traités avec la même sévérité que les sacrés canons traitent les homicides; et s'il arrive qu'ils soient tués dans le combat, ils seront pour jamais privés de la sépulture en terre sainte. Nous ordonnons, en outre, que non seulement ceux qui auront approuvé ou donné le conseil de se battre ou qui auront induit et porté quoiqu'un en quelque manière que ce soit, mais encore ceux qui auront assisté en qualité de spectateurs soient excommuniés, frappés d'anathème perpétuel, sans avoir égard à aucun privilège ou mauvaise coutume introduite, quoique de temps immémorial.»

OBSERVATIONS.

Bien qu'établies dans des temps très différents des nôtres, les prescriptions du concile de Trente sont encore en vigueur de nos jours. Il n'est pas trop rare, cependant, de voir les autorités ecclésiastiques en mitiger la rigueur, lorsque les circonstances en indiquent l'opportunité.

Cette manière d'agir peut s'expliquer par les considérations suivantes:

Le duel n'est point un acte attaquant directement les dogmes de notre sainte religion; c'est une faute grave contre un canon, contre un simple règlement disciplinaire de l'Église.

Ce canon n'existait pas dans les temps où florissaient le jugement de Dieu ou le combat judiciaire, dont le duel n'est que le successeur naturel.

Le duel n'a point pour instigateur un sentiment anti-religieux, mais bien le sentiment de l'honneur.

N'a-t-on pas vu en effet, par le passé; ne voit-on pas encore tous les jours des hommes connus par leurs sentiments religieux, prêts même à répandre leur sang pour défendre la liberté de leurs croyances, se prosterner aux pieds des autels quelques heures, quelques instants même avant de se rendre sur le terrain?

Qui peut assurer que celui qui se bat en duel, au moment même où il reçoit le coup mortel, ne balbutie pas quelques paroles d'invocation envers Dieu?

Ou bien même, si la parole lui fait défaut, ne les profère-t-il pas mentalement en tournant son suprême et dernier regard vers le ciel?

Cette présomption n'est-elle pas surtout légitime en faveur de celui dont les sentiments religieux étaient notoires?

Les instances, les larmes de sa famille pour lui obtenir une sépulture chrétienne, ne sont-elles pas un solennel hommage rendu à la religion, qu'on l'a vu respecter et pratiquer la veille de sa mort?

Une dernière considération.

Quelques individualités connues sous le nom de libres penseurs ou de solidaires, tendent, nous le déplorons, à introduire l'usage des enterrements civils.

Un convoi suivi par d'honorables corporations, par l'élite de la société, ne leur fournit-il pas une superbe occasion qu'ils se gardent bien de laisser échapper pour manifester leurs tendances, en se groupant à la suite du convoi, suscitant ainsi parmi la multitude des curieux des commentaires plus ou moins édifiants?

Ces considérations, certes, ne peuvent échapper à la haute sagesse des vénérables princes de l'Église qui, unissant le tact, l'esprit de conciliation, la mansuétude évangélique à la fermeté dans le devoir, ont jugé convenable de mitiger quelquefois, comme nous l'avons indiqué plus haut, la sévérité des prescriptions du concile de Trente; donnant ainsi raison à un axiome goûté par les théologiens eux-mêmes.

Odia sunt restringenda.
Favores sunt ampliandi.

Que si quelque casuiste, rencontrant dans nos points d'interrogation une trop forte offense pour son système nerveux, nous octroyait les férules, nous ne chercherions pas à aggraver la situation en lui citant les deux vers célèbres du Lutrin de Boileau, et, pour ce qui nous regarde, nous n'aurions pas besoin de recourir au chloroforme; nous avons à notre portée un baume réparateur pour cicatriser nos blessures.

La mère de Dieu étend sa main protectrice sur le modeste chalet où nous écrivons ces lignes. Nous nous transporterons, et ce ne sera ni la première ni la dernière fois, au pied ne son autel privilégié, et nous lui dirons:

«Sainte Vierge! nous sommes soldat, catholique et Savoyard! nous ne vous disons que ça! Voilà notre plan:

«Réglementer et diminuer un mal incurable, éviter des scandales nuisibles à la religion que nous avons toujours professée et vénérée. Si nos moyens moraux doivent sécher au soleil, si notre plan ne vaut rien; eh bien! Mère de miséricorde, vous daignerez nous accorder notre pardon. Nous vous le demandons au nom de celui qui, naguère, faisant sonner le clairon du silence pour étouffer les bourdonnements des Pharisiens et des intransigeants, prononçait cette indulgente parole, belle et grande leçon pour les sages et les puissants de la terre: «Laissez venir à moi les petits enfants.»

Et, v'lan!

VIII

Procès-verbaux pour les Duels.

OBSERVATIONS.

Nous ne croyons pas devoir présenter un modèle pour la rédaction des procès-verbaux des rencontres. Dans sa forme générale, cette pièce dont nous avons signalé toute l'importance est rédigée comme toutes les autres pièces du même genre.

Nous nous bornerons donc à quelques remarques et à quelques indications particulières.

Le procès-verbal d'une affaire de ce genre doit être aussi court que possible. Il ne doit contenir que la simple et unique relation des faits, sans appréciation ni discussion, ni épithète peu déférente pour aucune des parties. Son style doit être bref, concis, très correct, de manière à éviter toute expression dont le sens pourrait être contesté ou bien donner lieu à équivoque.

Ceci établi, cette pièce se divise en deux parties.

Première Partie.

§ 1. (Indiquer) l'année, le mois, le jour, l'heure, le lieu de la réunion des soussignés réunis pour examiner le différend ou la querelle entre MM. tel et tel.

§2. Les motifs de la querelle ayant été constatés et les faits reconnus exacts d'un commun accord, et comme suit

(Indiquer) les motifs et les faits.

§3. Après une discussion tendant à proposer un arrangement satisfaisant et honorable pour les deux parties, tout arrangement ayant été reconnu impossible, ou bien, rejeté par...

Les soussignés ont reconnu la rencontre inévitable, et les conditions en ont été établies comme suit:

(Indiquer) les conditions, le jour, l'heure, le lieu du rendez-vous.

Les conditions ci-dessus mentionnées ont été soumises aux parties et ratifiées et acceptées par elles, avec promesse de s'y conformer suivant les lois de l'honneur.

En foi de quoi, etc.

(Indiquer) le lieu, le jour, le mois, l'heure, l'année.

SIGNATURE DES TÉMOINS.

Les témoins de M. M*** Les témoins de M. N***
A. C.
B. D.

Deuxième Partie.

La rencontre déterminée par la première partie du présent procès-verbal a eu lieu au jour, à l'heure, au lieu indiqués.

Après 10 minutes de combat, M. M*** ayant reçu une blessure (Indiquer la nature et l'importance de la blessure).

Les témoins soussignés ont déclaré l'honneur satisfait.

(Indiquer si les adversaires se sont réconciliés.)

En foi de quoi, etc.

(Indiquer) le lieu, l'heure, le jour, le mois, l'année.

SIGNATURE DES TÉMOINS.

Les témoins de M. M*** Les témoins de M. N***
A. C.
B. D.

A) Dans la réunion des témoins, les témoins d'un champion déclarent qu'ils refusent en vertu d'une question préalable (indiquer les motifs), les témoins en dressent procès-verbal, et bien entendu, le procès-verbal n'est alors composé que d'une seule partie.

B) Si les témoins jugent à propos de suspendre la séance pour prendre de nouvelles informations, ils doivent l'indiquer, ou désigner l'heure de l'interruption et ensuite l'heure de la reprise, et pour le reste suivent le § 2.

C) Si les témoins tombent d'accord sur un projet d'arrangement, ils l'indiquent au § 3, en détaillant les conditions, et faisant connaître s'il est accepté ou refusé par les parties ou par l'une d'elles.

En cas d'acceptation, la 2e partie du procès-verbal certifie que les conditions de l'arrangement ont été exécutées loyalement en présence de quatre témoins, etc.

(Indiquer) si les adversaires se sont réconciliés.

D) Si après quelque temps les témoins jugent convenable de faire reposer les champions, ils doivent le mentionner en déterminant le temps du repos accordé.

E) S'ils jugent à propos de faire terminer le combat, les champions s'étant battu bravement, l'indiquer. En cas de refus de la part de l'un des champions, ou de la part de tous les deux, le mentionner.

F) Si la blessure reçue n'est pas assez sérieuse suivant la gravité de l'affaire ou les conditions établies, les témoins doivent le déclarer et motiver ainsi la continuation du combat.

G) Si, pendant le combat, les témoins remarquent quelque irrégularité, violations des règles du duel ou des conditions établies, ils doivent faire cesser le combat, et dresser procès-verbal suivant les prescriptions du chapitre IV.

NOTE DE L'AUTEUR

Dès janvier 1876, nous avions fait connaître à l'éditeur notre intention d'entreprendre la présente étude. En février 1877, elle était terminée. Des circonstances indépendantes de notre volonté en ont retardé la publication jusqu'à ce jour.

A cette même époque, paraissait un projet de loi sur la répression du duel, dû à l'initiative de M. le sénateur Hérold. Inspiré par les anciens errements, ce projet ne fit qu'affirmer nos convictions sur la nécessité de réglementer le duel, de faire revivre en conséquence les traditions oubliées du code Chateauvillard, et de trouver un mode de répression présentant des garanties d'efficacité par son accord soit avec les principes de notre droit public, soit avec les mœurs de notre société actuelle.

Parmi les différentes critiques dont le projet Hérold fut l'objet de la part de quelques organes de la presse, nous signalerons l'article du Figaro, sous la signature Ignotus. Cet article, remarquable par le sens pratique, la verve spirituelle et attrayante qui sont l'apanage ordinaire des collaborateurs distingués de M. de Villemessant, se termine par ces mots auxquels nous ne pouvons manquer d'applaudir des deux mains:

«Le sénat ne votera pas une loi que la Chambre des députés, mieux avisée, rejetterait peut-être. En France, aucun parti politique n'osera soutenir une loi qui tend à faire du descendant des Gaulois, un Français sans honneur et sans humeur.»

Nos lecteurs reconnaîtront avec nous que cette étude ne saurait être exempte de quelques lacunes ou erreurs. Nous osons compter sur leur indulgence pour y suppléer ou les corriger. Si quelqu'un d'entre eux voulait bien prendre la peine de nous honorer de quelques critiques ou observations, elles seraient reçues par nous avec gratitude et déférence, et nous nous empresserions d'y faire droit, si jamais nous en trouvions l'occasion.

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos.   V
PREMIÈRE PARTIE.
Précis Historique et Législation.
I.— Précis historique sur le duel et sur sa législation jusqu'à la Révolution de 1789 3
II.— Législations étrangères et contemporaines 46
  §   I.—Angleterre 46
  §  II.—États-Unis 52
  § III.—Belgique 60
  § IV.—Autriche-Hongrie 65
  §  V.— Italie 72
  § VI.—Prusse, Empire d'Allemagne 83
  §VII.—Russie 107
III.— Du duel depuis la Révolution et suivant notre droit actuel 117
IV.— Conclusion 146
DEUXIÈME PARTIE.
Code du duel
  Définition du duel 163
I.— De l'offense 166
  Observations 171
II.— De la nature des armes 183
  Observations 184
III.— De l'appel et du duel 186
  Observations 192
IV.— Des témoins et de leurs devoirs 206
  Observations 216
V.— Exemples 270
VI.— Du duel à l'épée 334
  Observations 340
VII.— Des duels au sabre 347
  Duel au sabre sans coups de pointes 353
  Observations sur les duels au sabre 354
VIII.— Des duels au pistolet 359
  Duel au pistolet de pied ferme 359
  Duel au pistolet à volonté 364
  Duel au pistolet à marcher 364
  Duel au pistolet à marche interrompue 367
  Duel au pistolet à lignes parallèles 368
  Duel au pistolet au signal 371
IX.— Observations sur les duels au pistolet 375
X.— Des duels exceptionnels 386
  Combat à cheval 389
  A la carabine 389
  Au fusil 390
  Au pistolet 390
  Au pistolet à distances plus rapprochées 391
  Au pistolet avec une seule arme chargée 392
  Au pistolet à marche non interrompue et à ligne parallèle 395
XI.— Observations sur les duels exceptionnels 397
TROISIÈME PARTIE.
Pièces justificatives.
I.— Lettre du roi Henri IV au comte de Soissons (différend entre le comte de Soissons et Sully 409
II.— Jugement rendu par le connétable de Montmorency (différend entre MM. de Montespan et Cœuvres) 410
III.— Règlement de MM. les maréchaux de France touchant les réparations et les offenses entre les gentilshommes pour l'exécution de l'édit sur les duels 411
IV.— Déclaration et protestation solennelle de plusieurs gentilshommes de refuser toutes sortes d'appels et de ne se battre jamais en duel pour quelque cause que ce puisse être 422
V.— Approbation de MM. les maréchaux de France 423
VI.— Edit du roi portant règlement général sur les duels, donné à Saint-Germain-en-Laye au mois d'août 1679, enregistré au Parlement le 1er jour de septembre la même année 424
VII.— Le saint concile de Trente sur le même sujet des duels. Session vingt-cinquième de Reformatione, chap. XIX 453
VIII.— Procès-verbaux pour les duels 457
Note de l'auteur   461

Clichy.—Imp. Paul Dupont, 12, rue du Bac-d'Asnières. (1763, 12-78).

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