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Poésies de Charles d'Orléans

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COPIE DE LA LECTRE DE RETENUE.


Dieu Cupido, et Venus la Deesse,

Ayans povoir sur mondaine liesse,

Salus de cueur par nostre grant humblesse,

A tous amans

Scavoir faisons que le DUC D'ORLÉANS

Nommé CHARLES à présent jeune d'ans,

Nous retenons pour l'ung de noz servans

Par ces presentes,

Et lui avons assigné sur noz rentes

Sa pension en joyeuses actentes

Pour en joir par noz lectres patentes

Tant que vouldrons,

En esperant que nous le trouverons

Loyal vers nous, ainsi que fait avons

Ses devanciers dont contens nous tenons

Tres grandement.

Pour ce donnons estroit commandement

Aux officiers de nostre Parlement

Qu'ilz le traictent et aident doulcement

En tout affaire,

A son besoing, sans venir au contraire;

Si chier qu'ilz ont nous obeir et plaire,

Et qu'ilz doubtent envers nous de forfaire

En corps et biens,

Le soustenant, sans y epargnier riens,

Contre Dangier avecques tous les siens,

Malle bouche plaine de faulx maintiens,

Et jalousie;

Car chascun d'eulx de grever estudie

Les vraiz subgietz de nostre Seigneurie,

Dont il est l'un, et sera à sa vie,

Car son serment

De nous servir devant tout ligement

Avons receu, et pour plus fermement,

Nous asseurer qu'il fera loyaument

Entier devoir,

Avons voulu en gaige recevoir

Le cueur de lui, lequel, de bon vouloir,

A tout soubzmis en noz mains et povoir;

Pourquoy tenus

Sommes à luy par ce de plus en plus,

Si ne seront pas ses biensfaiz perdus,

Ne ses travaulx pour neant despendus;

Mais pour monstrer

A toutes gens bon exemple d'amer,

Nous le voulons richement guerdonner,

Et de noz biens, à largesse donner,

Tesmoing nos seaulx

Cy actachiez, devant tous nos feaulx,

Gens de conseil, et serviteurs loyaulx

Venus vers nous par mandemens royaulx,

Pour nous servir.

Donné le jour saint Valentin martir,

En la cité de gracieux desir,

Où avons fait nostre conseil tenir.

Tres excellent, tres hault et noble Prince,

Tres puissant Roy en chascune province,

Si humblement que se peut serviteur

Recommander à son maistre et seigneur,

Me recommande à vous, tant que je puis,

Et vous plaise savoir que toujours suis

Tres desirant oir souvent nouvelles

De vostre estat, que Dieu doint estre telles,

Et si bonnes, comme je le desire,

Plus que ne scay raconter ou escrire;

Dont vous suppli que me faictes sentir

Par tous venans, s'il vous vient à plaisir,

Car d'en oir en bien, et en honneur,

Ce me sera parfaicte joye au cueur;

Et s'il plaisoit à vostre seigneurie

Vouloir oir, par sa grant courtoisie,

De mon estat; je suis en tres bon point,

Joyeux de cueur, car soussy n'ay je point,

Et Passetemps, ou lieu de Nonchaloir,

M'a retenu pour avec lui manoir

Et sejourner, tant comme me plaira,

Jusques à tant que Vieillesse vendra;

Car lors fauldra qu'avec elle m'en voise

Finer mes jours; ce penser fort me poise

Dessus le cueur, quant j'en ai souvenance,

Mais, Dieu mercy, loing suis de sa puissance,

Presentement je ne la crains en riens,

N'en son dangier aucunement me tiens.

En oultre plus, saichez que vous renvoye

Confort, qui m'a conduit la droicte voye

Vers Nonchaloir, dont je vous remercie

De sa bonne, joyeuse compaignie,

En ce fait, à vostre commandement,

De bon vouloir et tres soingneusement,

Auquel vueilliez donner foy et fiance,

En ce que lui ay chargié en creance,

De vous dire plus pleinement de bouche;

Vous suppliant qu'en tout ce qui me touche,

Bien à loisir, le vueilliez escouter,

Et vous plaise me vouloir pardonner

Se je n'escris devers vostre Excellence,

Comme je doy, en telle reverence

Qu'il appartient, car c'est par non savoir

Qui destourbe d'acomplir mon vouloir.

En oultre plus, vous requerant mercy,

Je cognois bien que grandement failly,

Quant me party derrainement de vous,

Car j'estoye si rempli de courrous

Que je ne peu ung mot à vous parler,

Ne mon congié, au partir, demander;

Avecques ce, humblement vous mercie

Des biens qu'ay euz soubz vostre seigneurie.

Autre chose n'escris, quant à present,

Fors que je pry à Dieu, le tout puissant,

Qu'il vous octroit honneur et longue vie,

Et que puissiez tousjours la compaignie

De faulx Dangier surmonter, et deffaire,

Qui en tous temps vous a esté contraire.

Escript ce jour troisiesme vers le soir,

En Novembre ou lieu de Nonchaloir.

Note 63: (retour) Nous trouvons le commencement de cette ballade dans un manuscrit de la Bibliothèque royale (Laval, 193); la fin manque.
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