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The Epistles on the Romance of the Rose, and other documents in the debate

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A prudent, honnouree et sauent damoiselle Christine.
Femme de hault et esleué entendement, digne d’onneur et
recommendacions grans, j’ay ouy parler par la bouche de
5pluseurs notables clers que entre tes aultres estudes et euures
vertueuses moult a louer, comme ie entens par leur relacion,
tu as nouuellement escript par maniere de inuectiue aucunement
contre ce que mon maistre, enseigneur et familier feu
maistre Jehan de Meun, vray catholique, solennel maistre, et
10docteur en son temps en saincte theologie, philosophe tresperfont
et excellent, sachant tout ce qui a entendement humain
est scible, duquel la gloire et renommee vit et viura
es aages a venir [fol. 88 b] entre les entendemens par ses merites
leuez par grace de dieu et euure de nature, fist et compila
15ou liure de la Rose. Et comme dient les relateurs ou
refferendaires de ceste chose, t’efforces et estudies de le reprendre
et chargier de faultes en ta dicte œuure nouuelle,
laquelle chose me vient a grant admiracion et merueille inextimable,
et ad ce non croire me meut l’experience et exercite
20de toy d’auoir sceu, leu, et entendu lui ou dit liure, et en ses
autres fais en francois, et autres pluseurs et diuers docteurs,
aucteurs, et poetes. Et pour ce que les denunciateurs de ceste
chose tiennent et gardent, les aucuns par auenture comme
enuieux sur les fais du dit feu maistre Jehan, ta dicte inuectiue
25comme chose singuliere et haultement composee, edefiee et
conduicte a leur plaisir et intencion, si que de eulx n’en puis
auoir copie ne original, te pry et requier sur l’amour que tu as
a science que ta dicte œuure, telle que elle est, me vueilles
enuoier par cest mien message ou autre tel comme il te plaira,
30afin que sur ce je puisse labourer et moy emploier a soustenir
mon maistre et ses fais, dont il ne fust ia besoing que moy ne
autre mortel s’en meslast s’il fust en vie, laquelle mieulx
ameroie auoir esté en mon temps que estre empereur des Romains
presentement. Et pour toy ramener a vraie verité et
35que plus auant saches et cognoisses les fais du dit de Meun;
pour toy donner matiere de plus escripre contre lui, se bon te
semble, ou a tes [fol. 88 verso a] satalices [read satellites], qui en
ce fait t’ont boutee, pour ce que touchier n’y osoient ou ne
sauoient, mais de toy veulent faire chappe a pluye; pour dire
40que plus y sauroient que une femme et plus reprimer la renommee
(indeficient entre les mortelz) d’un tel homme,
t’enuoie patentement et hastiuement un pou de tresor[36] que il
compila pour estre de ses enuieux et de aultres congneu a sa
mort; lequel est incorrect par faulte d’escripuain, qui pas ne
45l’entendi comme il y pert, et n’ay eu espace ne loisir de le veoir
ne corrigier au long pour la haste et ardeur que j’ay de veoir
ton dessusdit œuure, et mesmement qu’il est a supposer
que bien sçaras les fautes de l’escripuain en ceste compilacion
corrigier et entendre. Et quant ad ce qu’il fist du liure de la
50rose, ou plus a lettres et sentences estranges et diuerses, l’as
voulu ou osé chargier, corrigier et reprendre comme ilz dient,
une chose ne vueil oublier ne passer soubz dissimulacion: que
se de ce ne te rappelles et desdis, je, confiant de bonne et vraye
iustice et que verité (qui ne quiert angles) sera o moy, combien
55que en grans autres occupacions soye de present astraint
et aye esté le temps passé, entreprendray le soustenir contre
tes autres escrips quelconques.
Escript hastiuement, presens maistres Jehan de Quatre
Mares, Jehan Porchier, conseilliers, et Guillaume de Neauuille,
60secretaire du roy nostre sire, le mardi XIII. jour de septembre,
l’an mil C/iiii et un.
Le tien, tant comme loy d’amistié puet souffire—Gontier
Col, secretaire du roy nostre sire.
NOTES

[l. 1] (Ms. A) (Maistre Gontier Col) wanting C D E.

[l. 2] (Christine) followed by de Pizan D.

[l. 8] (enseigneur) et seigneur C.

[l. 11] (et excellent) wanting D.

[l. 13] (entre) contre D.

(entendemens) enseignemens C.

[l. 16] (le) la A C.

[l. 24] (Jehan) followed by de Meun A B.

[l. 32] (mieulx ameroie) ameroie mieulx B.

[l. 44] (pas) point A.

[l. 47] (mesmement) followed by qu’il est a supposer B.

[l. 48] (en ceste compilacion) wanting A.

(en ceste) corriger brieue B.

[l. 49] (ad ce) en ce A a ce C.

[l. 54] (o) auec C.

[l. 57] (tes) followed by a faint mark above, which resembles the abbreviation of ‘et.’

[l. 58] (maistres) maistre A, wanting B.


[36] Cf. Le Trésor de maistre Jehan de Meung ou les Septs Articles de la Foi, Méon, Roman de la Rose, t. 3, p. 331.

VI.
GONTIER COL TO CHRISTINE, REPROVING HER FOR HER ATTITUDE TOWARDS THE ROMAN DE LA ROSE.

Maistre Gontier Col.
A femme de hault entendement damoyselle Christine.
Pour ce que la diuine escripture nous enseingne et comande
que quant on voit son ami errer ou faire faulte, on le doit
5corrigier et reprendre premierement a part, et se il ne se
veult amender pour celle fois, que on le corrige deuant gent;
et se pour ce ne se veult corrigier, que on le tiengne tanquam
eunucus[37] et publicanus, et je te aime loyaument pour tes [fol.
92 b] vertus et merites, t’ay premierement par une mienne
10lettre, que auant yer t’enuoyay, exortee, auisee, et priee de
toy corrigier et amender de l’erreur manifeste, folie ou demenance
trop grant a toy venue par presompcion ou oultrecuidance
et comme femme passionnee en ceste matiere—ne te
desplaise se ie dy voir. Je ensuiuant le commandement diuin
15ayant de toy compassion par amour charitable te pry, conseille
et requier la seconde fois par ceste moye cedule que ton
dessusdit erreur tu vueilles corrigier, desdire et amender
enuers le tresexcellent et irreprehensible docteur en saincte
diuine escripture, hault philosophe et en toutes les sept ars
20liberaux, clerc tresperfont, que si orriblement oses et presumes
corrigier et reprendre a sa grant charge et aussi enuers ses
vrais et loyaulz disciples Monseigneur le preuost de Lysle
et moy et aultres, et confesser ton erreur. Et nous arons
pitié de toy et te prendrons a mercy en te baillant penitence
25salutaire. Et de ce auec la response de mon aultre lettre te
plaise moy ta bonne voulenté faire sauoir a ton aise et loisir,
auant que ie me mette en peine d’escripre encontre tes faulses
(sauue ta reuerence) escriptures, que de lui tu as voulu escripre.
Et se ores et aultreffois, quant ie te escripray, te appelle en singulier,
30ne te desplaise, ne le me imputes a arogance ou orgueil,
car c’est et a esté tousiours ma maniere, quant j’ay escript a
mes amis, especialment quant sont lettrés. Dieux vuelle
briefment ramener ton cuer et entendement a vraye lumiere
et cognoiscence de verité, car ce seroit dommage se plus demouroies
35en tel erreur soubz les tenebres [fol. 92 verso a]
d’ignorance. Escript ce jeudi XV iour de septembre.
le tien Gontier Col.
Cy apres s’ensuit la response enuoyee au dit maistre Gontier
Col.
NOTES

[l. 1] Ms. A.

[l. 6] (pour) a C.

[l. 8] (et je) et pour ce que je C.

[l. 11] (folie ou demenance) folie ou demenance trop grant A folie ou dememance trop grant B folie C folie ou demence D E.

[l. 16] (fois) wanting C.

[l. 18] (et) wanting B C.

[l. 23] (aultres) preceded by les D.

[l. 24] (en te baillant) en toy baillant C.

[l. 27] (en peine d’) a C D E.

[l. 28] (tu) wanting A.

(as) a D.

[l. 29] (se) si E.

[l. 31] (tousiours) preceded by de B D.

[l. 37] (le tien Gontier Col) wanting C D E.


[37] Eunucus Beck suggests ethnicus with reference to St. Matthew’s gospel, XVIII, 15 sqq.

VII.
CHRISTINE’S REPLY TO NO. VI.

A tresnoble et souffisant personne, maistre Gontier Col,
secretaire du roy nostre sire.
O clerc soubtil d’entendement philosophique, stillé es
5sciences, prompt en polie rethorique et subtilité poetique, ne
vueilles par erreur voulontaire reprendre et reprouuer ma
veritable opinion justement meue pourtant, s’elle n’est a ta
plaisance. Et comme i’ay sceu par tes premieres lettres a
moy enuoiees, tu desirant auoir la copie d’un petit traictié en
10maniere d’epistre de par moy ja enuoyé a sollennel clerc,
monseigneur le preuost de Lisle, ouquel est traictié et dit au
long, selons l’estendue de mon petit engin, l’oppinon de moy
tenue a la siene contraire de la grant louenge qu’il attribue
a la compilacion du Romans de la Rose, comme il m’apparu
15par un sien dictié adrecé a un soubtil clerc docteur sien ami
contraire a sa dicte oppinion a laquelle la moye se confere, et,
pour vouloir emplir ton bon mandement, le t’ay enuoyé. Parquoy,
apres la veue et visitacion d’ycellui comme ton erreur
pointe et touchee de verité, meu de impatience m’as escript
20tes deusiesmes lettres plus iniurieuses reprochant [fol. 92 verso
b] mon femenin sexe, lequel tu dis passioné comme par nature
et meu de folie et presompcion d’oser corrigier et reprendre si
hault docteur, si gradué et tant sollennel, comme tu claimes
l’aucteur d’ycellui. Et de ce moult m’enortes que ie m’en desdie
25et repente et mercy piteuse sera encore vers moy estendue, ou
se non, de moy sera fait comme du publican, etc. Ha! homme
d’entendement ingenieux, ne sueffres a propre voulenté tenir
close la soubtilleté de ton engin! Regardes droit selon voye
theologienne la plus souueraine, et tu tant ne condempneras
30mes diz ainsi comme les ay escrips, et considereras se louenge
affiert es pas particuliers que ilz reprennent. Et toutefois
soit bien de toy notté en toutes pars quelz choses je condempne
et quelles non. Et se tu tant desprises mes raisons pour la
petitece de ma faculté, laquelle tu me reproches de dire comme
35femme passionnee, etc., saches de voir que ce ne tiens ie a villenie
ou aucun reproche pour le renconfort de la noble memoire
et continuele experience de tresgrant foison vaillans femmes
auoir esté et estre tresdignes de louenge et en toutes vertus
apprises, auxquieulx mieulx vouldroie ressembler que estre
40enrichie de tous les biens de fortune. Mais encore, se a toutes
fins veulz pour ce amenuisier mes vehementes raisons, vueilles
toy reduire a memoire que une petite pointe de ganiuet ou coutelet
puet percier un grant sac plein et enflé de materieles
choses. Et ne sces tu que une petite mustellete assault un
45grant lion et a la fois le [fol. 93 a] desconfist? Si ne cuides
aucunement moy estre meue ne desmeue par legiereté par quoy
soye tost desdicte, ja soit ce que en moy disant villennie me
menaces de tes soubtilles raisons, lesquelles choses sont communement
espouentement aux couars. Mais afin que tu
50puisses retenir en brief ce que au long ay autrefois escript, je
dis derechief et replique et triplique tant de fois comme tu
vouldras que le dit intitulé Romant de la Rose, nonobstant y
ait de bonnes choses (et de tant est le peril plus grant comme
le bien y est plus autentique, comme autrefois ay dit) mais,
55pour ce que nature humaine est plus descendent au mal, je dis
qu’il puet estre cause de mauuaise et peruerse exortacion en
tresabhominables meurs, confortant vie dissolue, doctrine
pleine de deceuance, voie de dampnacion, diffameur publique,
cause de souspeçon et mescreandise et honte de pluseurs personnes
60et puet estre d’erreur; et tresdeshonneste lecture en
pluseurs pars. Et tout ce ie vuel et ose tenir et maintenir
partout et deuant tous et prouuer par lui mesmes et m’en raporter
et attendre au iugement de tous iustes preudeshommes,
theologiens et vrays catholiques, et gens de honneste et saluable
65vie.
la tienne Christine de Pizan.
NOTES

(Ms A.)

[l. 1] (Christine) wanting C D E.

[l. 2] (tresnoble) tresnotable A tresnottable B.

[l. 6] (reprouuer) reprimer C.

[l. 15] (adrecé) adrecant B.

[l. 20] (deusiesmes) secondes C.

[l. 24] (aucteur) acteur C D E.

[l. 25] (repente) me repente C.

[l. 26] (homme d’entendement) hault entendement C D E.

[l. 32] (soit bien) interverted A B.

(je condempne) j’ay condempnees A.

[l. 39] (vouldroie) followed by plustost A.

[l. 44] (mustellete) motelle B moustelle C.

[l. 46] (desmeue) demennee A.

[l. 50] (ce que) followed by plus A.

[l. 52] (intitulé) followed by le A.

[l. 53] (tant) followed by y C.

[l. 56] (mauuaise) mauuaistié C.

[l. 58] (publique) plublique [sic] A.

[l. 62] (tous) followed by publiquement A.

(3. et) wanting A B D E.

[l. 66] (Christine de Pizan) Christine C. Followed in mss. C D E by Explicit (cy finent D) les epiltres (epistres E) sur (sus E) le rommant de la rose.

VIII.
CHRISTINE’S DEDICATORY EPISTLE TO THE QUEEN OF FRANCE.

[Fol. 87 a] CI COMMENCENT LES EPISTRES DU
DEBAT SUR LE ROMANT DE LA ROSE ENTRE NOTABLES
PERSONNES, MAISTRE GONTIER COL, GENERAL
5PREUOST DE LILLE, MAISTRE PIERRE COL,
ET CHRISTINE DE PIZAN.
A tresexcellent, treshaulte, et tresredoubtee princesse,
madame Ysabel de Bauiere, par la grace de dieu royne de
10France.
Treshaulte, trespoissant et tresredoubtee dame, toute
humble recommendacion mise auant toute œuure. Et comme
ie aye entendu que vostre tres noble excellence se delicte
a ouir lire dictiez de choses vertueuses et bien dictes, laquelle
15chose est accroisement de vertus et bonnes meurs a vostre
noble personne; car si comme dit un sage: vertus auec vertus,
sagece auec noblece rendent la personne reuerend, qui puet
estre entendue perfaicte. Et ma tresredoubtee [dame], pour
ce que telle vertu est trouuee en vostre noble entendement,
20est chose conuenable que dictiez de choses esleues vous soient
presentés comme a souueraine. Pour tant moy simple et
ignorant entre les femmes, vostre humble chamberiere soubz
vostre obeissance, desireuse de vous seruir, se tant valoye en la
confiance de vostre benigne humilité, suis meue a vous enuoier
25les presentes epistres, esquelles, ma tresredoubtee dame, s’il
vous plaist me tant honnorer que ouir les daigniez, pourrez
[fol. 87 b] entendre la deligence, desir et voulenté, ou ma
petite poissance s’estent, a soustenir par deffences veritables
contre aucunes oppinions a honnesteté contraires et aussi l’onneur
30et louenge des femmes, laquelle pluseurs clers et autres
se sont efforcés par leurs dictiez d’amenuisier, qui n’est chose
loisible ne a souffrir ne soustenir. Et combien que foible soie
pour porter tel charge contre si soubtilz maistres, non obstant
ce, comme de verité meue ainsi com ie sçay de certaine science
35leur bon droit estre digne de deffence, mon petit entendement
a voulu et veult soy emploier, comme ycy appert et en autres
miens dictiez, a debatre leurs contraires et accusans. Si
suppli humblement vostre digne haultece que a mes raisons
droicturieres, non obstant que ne les sache conduire et mener
40par si beau language comme autre mieulz le feroit, y vueilliez
adiouster foy et donner faueur de plus dire se plus y sçay; et
tout soit fait soubz vostre sage et benigne correction. Treshaulte
et tresexcellent, ma tresredoubtee dame, je pri la vray
Trinité qu’il vous octroit bonne vie et longue et accomplissement
45de tous voz bons desirs.
Escript la veille de la chandeleur, l’an mil  c/iiii et un.
La toute vostre treshumble creature—
CHRISTINE DE PIZAN.
NOTES

[l. 1] (Ms. A) (commencent) commence le liure des epistre B.

(Ci commencent) Apres s’ensuiuent C.

[l. 2] (sur) sus B E.

[l. 3-4] (general conseillier du roy, maistre Jehan Johannes) wanting B. There is the slight change in order in B that le preuost de Lisle is mentioned before maistre Gontier Col.

[l. 4] (du roy) followed by nostre sire & A.

[l. 5] (maistre Pierre Col) wanting C D E (which do not contain letters to or by this personage).

(Pierre Col) followed by son frere B (cf. change of order mentioned above).

[l. 6] (Christine) preceded by damoiselle C.

[l. 7] (La premiere epistre, a la royne de France) followed by Christine B.

(a la royne de France) wanting C.

[l. 8] (princesse) damece A.

[l. 11] (Treshaulte) preceded by A, C.

[l. 13] (excellence) personne A.

[l. 14] (lire) les C.

(dictiez) redictiez C.

(dictes) dites B dictiés C D.

[l. 18] (tresredoubtee) followed by dame D.

[l. 24] (suis) followed by suis (sic) A.

[l. 25] (dame) wanting C.

[l. 32] (1. ne) wanting A.—followed by a B D.

[l. 41] (foy et donner) wanting C.

[l. 42] (soubz) wanting B.

[l. 43] (la) preceded by a D E.

[l. 44] (qu’il) que B E.

[l. 46] (la veille) followed by de la veille (sic) D.

(c/iiii) quatre cens C.

IX.
CHRISTINE’S DEDICATORY EPISTLE TO GUILLAUME DE TIGNONVILLE.

A mon treschier seigneur, noble cheualier et sage, messire
Guillaume de Tignonville, preuost de Paris.
A vous monseigneur le preuost de Paris par la grace de
5dieu et prouidence de vostre bon sens esleu a si digne siege et
office comme garde de si haulte iustice, recommendacion auec
obeissance premise, de par moy Christine de Pizan, foible d’entendement
et la mendre des femmes desireuses vie honneste!
Sauoir vous fais que soubz la fiance de vostre sagece et valeur
10suis meue a vous segnefier le debat gracieux et non haineux
meu par oppinions contraires entre sollenneles personnes,
maistre Gontier Col, a present general conseillier du roy nostre
sire, et maistre Jehan Johannes preuost de Lisle et secretaire
du dit seigneur, duquel dit debat vous pourrez ouir les premisses
15par les epistres enuoyees entre nous, et par les memoires,
qui de ce feront cy apres mencion. De laquelle chose, tressage
preuost, je supplie vostre humilité que non obstant les laborieuses
occupacions de plus grandes et necessaires negoces,
vous plaise par maniere de soulas vouloir entendre les raisons
20de nos discors. Et auec ce suppli la bonne discrete consideracion
de vostre sauoir que vueille discuter et proprement eslire
le bon droit de mon opinion, non obstant ne le sache viuement
disvulguer ne mettre en termes consonans et propices a la
deffense de mon dit droit, si comme aultre mieulx le scaroit.
25Pour ce requier vous tressauent que par compassion de ma
femmenine ignorance vostre humblece s’encline a ioindre a
mes dictiez vraies opinions par si que vostre sagece me soit
force, aide, deffence et appuial contre si notables et esleus
maistres, desquelz les soubtilles raisons aroient en petit d’eure
30mis au bas ma iuste cause par faulte de sauoir soustenir. Et
aliance soie plus hardiement inanimee de continuer la guerre
encommencee contre les diz poissans et fors, et de ce vous
plaise n’estre reffusant pour consideracion de leur grant faculté
35et la moye petite, comme vostre bon sens soit expert qu’il
appartiengne a vostre office soustenir en tous cas la plus foible
partie par si que cause ait iuste. Aussi, chier seigneur, ne vous
soit a merueille, pour ce que mes autres dictiez ay a coustume
a rimoyer, cestui estre en prose. Car comme la matiere ne le
40requiere autressi, est droit que je suiue le stile de mes assaillans,
combien que mon petit sauoir soit pou respondent a leur belle
eloquence. Si vous ottroit paradis cil qui toutes choses a
crees.
Comme ja pieça paroles fussent meues entre monseigneur le
45preuost de Lisle, maistre Jean Johannes, et Christine de Pizan
touchans traictiez et liures de pluseurs materes, esquelles dictes
paroles le dit preuost ramentut le Romant de la Rose en lui
attribuant tresgrant et singuliere louenge et grant digneté, de
laquel chose en repliquant et assignant pluseurs raisons la dicte
50dist que (sauue sa reuerence) si grant louenge ne lui appartenoit
aucunement selon son avis.
Item.Apres pluseurs jours enuoya le dit preuost a la dicte
Christine la copie de une epistre, laquelle adreçoit a un sien ami,
notable clerc, lequel dit clerc meu de raison estoit de la meismes
55oppinion de la dicte contre le dit romans, et pour lui ramener
auoit le dit preuost escript la dicte epistre, moult notablement
aournee de belle rethorique, et pour estre en deux pars valable,
Item.Comme la dicte veu et consideré la dicte epistre
60rescript audit preuost si comme cy apres pourra estre veu.
Item.Comme apres ces choses venist a cognoiscence a
notable personne maistre Gontier Col, que la dicte Christine auoit
escript contre le dit Romant de la Rose, lequel comme inanimez
contre elle lui escript la present epistre qui s’ensuit. [i. e. Cf.
NOTES

[l. 1] (Ms. A) (La seconde epistre) as a heading A only.

[l. 7] (de Pizan) wanting A E.

[l. 10] (segnefier) signifier B C D.

[l. 13] (sire) seigneur B.

(Lisle et) Lille et C, Lisle B E, Lile D.

[l. 14] (2. dit) wanting D.

[l. 16] (de ce feront cy apres mencion) de ce apres feront mencion B D E.

[l. 31] (pour) par B C D E.

(pour ce ... mestier) par ce que comme leur bon droit ait mestier B.

[l. 36] (office) followed by de A.

[l. 38] (a) wanting A.

(merueille) merueilles D.

(ay a coustume) ay acoustumez E.

[l. 49] (la dicte) la dite Christine B, la dicte Christine D.

[l. 52] (enuoya) follows preuost B D.

(la dicte) wanting B.

[l. 54] (dit clerc) wanting B.

[l. 55] (romans, et pour lui ramener auoit le dit) wanting D.

[l. 58] (a elle icelle) a la dicte Christine ycelle A, a la dicte Christine ycellui B.

[l. 59] (la dicte veu) Christine veu A B.

[l. 63] (dit) wanting A.

(lequel comme ... escript) si luy enuoya A.

(comme) wanting B.

X.
GERSON’S TRACTATUS.

JOANNIS GERSONII

Doctoris & Cancellarii Parisiensis

TRACTATUS,
CONTRA
ROMANTIUM DE ROSA,
Qui ad illicitam Venerem & libidinosam amorem utriusque
status homines quodam Libello excitabat.

Matutino quodam tempore paulò antequàm evigilasset
igneum meum cor, mihi visum est volare pennis & aliis diversarum
cogitationum de loco uno ad alium, ad Curiam usque
sanctæ Christianitatis; talem quidem, qualis esse solet.
5Illic erat Justitia Canonica & legalis, Throno æquitatis insidens,
sustentata hàc Misericordiâ, illàc verò Veritate. Justitia manu
sua dextra sceptrum tenebat remunerationis, levâ verò scindentem
gladium punitionis. Oculos habebat vivos, honorabiles,
& matutinâ stellâ, immò verò sole ipso splendidiores. Pulchra
10erat ejus societas; ex uno enim latere sapientissimum suum erat
Consilium, & in circuitu universa nobilis sua Societas, militia &
omnium virtutum Baronatus, quæ filiæ sunt propriæ Dei &
liberæ voluntatis, ut sunt Charitas, Fortitudo, Temperantia,
Humilitas, & aliæ in magno numero. Caput Consilii, & veluti
15miles, subtile erat Ingenium, firma societate Domini Rationi
sapienti junctum. Secretarii ejus erant Prudentia & Scientia.
Fides bona Christiani, & Sapientia divina, atque coelestis de
stricto, seu secreto erant Consilio. In auxilium earum erant
Memoria, Providentia, bonus Sensus, & alii complures. Eloquentia
20Theologica, quæ mediocris & temperati erat sermonis,
se Curiæ gerebat Patronum, sive Advocatum. Causarum
Promotor Conscientia nominabitur; nihil enim est, quin ipse
sciat & deferat.
Cum sic delectarer, magna quidem admiratione, omnem
25pulchrum ordinem Curiæ istius Christianitatis & Justitiæ jus
tribuentis contemplando: vidi (ut mihi videbatur) Conscientiam
exurgere, quæ ex officio suo Curiæ causas promovet, cum
jure, quòd se Magistrum gerebat Requestarum. Conscientia
in manu sua, & in sinu suo multas habebat supplicationes.
30Inter alias erat quædam, cujus singula memoriæ teneo verba,
quæ continebat miserandam querimoniam pulcherrimæ &
purissimæ Castitatis. Quæ quidem Castitas nunquam dicere
voluit, aut cogitare aliquam turpitudinem, nec immunditiam.
Justitiæ legali, locum Dei in terra tenenti, & universæ
35Curiæ suæ religiosæ, devotæ & Christianissimæ supplicat humiliter,
& conqueritur Castitatis legitima vestra subdita, ut
remedium ponatur, & brevis provisio de intolerabilibus
forefactis, quæ mihi intulit, necdùm inferre cessat, quidam
fatuus, Amator appellari volens. Et hi sunt Articuli.
40Articulus Primus.
Fatuus hic Amator omnem adhibet conatum, ut me de
terra expellat, quæ innocens sum, & bonas meas custodes, quæ
sunt Verecundia, Pudor & Damnum, quod quidem Damnum
bonus est janitor, quæ nec auderent nec dignarentur concedere
45unicum quidem turpe osculum, aut dissolutum aspectum, aut
attrahentem risum, seu verbum leve. Et hoc facit per maledictam
quandam vetulam diabolo pejorem, quæ docet, monstrat,
& adhortatur, qualiter juveniles virgines omnes corpus
earum vendere debent citò, & charè, absque pavore, & sine
50verecundia: nec magni pendant fallere, aut pejerare, modò
semper aliquid inde assequantur. Nec curant, aut damnum
aliquod judicant, si festinent se citò prosternere, intereà dùm
pulchræ sunt, omni turpitudini, & carnalitatis immunditiæ,
sive Ecclesiasticis, sive laïcis, sive Presbyteris, absque ullo
55discrimine.
 Articulus Secundus.
Reprobare vult Matrimonium sine ulla exceptione, per
contemptum quendam suspiciosum, odiosum, & litigiosum,
tam per seipsum stultum amatorem, quàm per aliqua adversariorum
60meorum. Et potiùs consulit, ut quisquam se suspendat,
submergat, aut peccata faciat, quæ nominari non
debent, quàm se Matrimonio jungat. Et vilipendit omnes
mulieres, nullam excipiendo, ut eas reddat odiosas viris omnibus,
eo quidem pacto, ne velint capere eas in fidem Matrimonii.
65Articulus Tertius.
Vilipendit homines juvenes, qui se dedunt Religioni.
Ideò dicit semper eos tendere, ut eorum exuant naturam, &
hoc in meum est præjudicium, specialiter enim dedicata sum
Religioni.
70Articulus Quartus.
Jacit undique ignem ardentiorem, & magis fœtidum,
quàm sit ignis græcus, & sulphureus. Jacit, inquam, ignem
luxuriosorum verborum, immundorum & prohibitorum, interdùm
nomen Veneris, Cupidinis aut Genii, sæpiùs proprio
75suo nomine, per quod ardent, & comburuntur pulchræ
meæ domus & habitationes, sacrata templa mea humanarum
animarum, & turpissimè dejicior.
 Articulus Quintus.
Infamat Dominam Rationem, bonam meam Magistram,
80imponendo ei talem rabiem, & turpe vituperium, quòd loqui
consulat nudè, illotè & turpiter, juxta libidinem, sine verecundia,
de omnibus rebus, quantumcumque abominabilibus,
aut erubescendis, ut dicantur, aut fiant, & inter personas
quidem admodùm dissolutas, & mihi adversas, heu! Si mihi
85utique parcere non vellet, quidnam mali contra eum egit
Ratio? Attamen ita est. Profectò prælium movet in omnes
virtutes.
 Articulus Sextus.
Cùm loquitur de rebus sanctis, divinis & spiritualibus;
90&c. mox immiscet verba dissolutissima, ad omnemque immunditiam
moventia. Et tamen immunditia non ingredietur
Paradisum tale, quale ipse describit.
 Articulus Septimus.
Promittit Paradisum, gloriam, & præmium, omnibus his,
95qui carnalia opera complebunt, præsertim non in Matrimonio:
consulit enim in propria sua persona, & ad suum exemplum
cum omnibus modis feminarum indifferenter congredi, &
periculum facere; maledicitque omnibus his, qui sic non
fecerint, saltem his omnibus, qui me recipient, & conservabunt.
100Articulus Octavus.
Nominat in persona sua partes corporis inhonestas, &
peccata immunda atque turpia, per verba sancta & sacrata;
veluti si omnia talia opera res essent divinæ, & sacratæ,
ac odorandæ, etiam si non fiant in Matrimonio, sed fiant
105per fraudes & violentias.
Nec contentus est supradictis injuriis publico undique ore
dictis, sed & eas curavit juxtà posse suum tàm scribi & depingi
curiosè, & pretiosè ad citiùs alliciendas personas, ut eas audiant,
videant, & contineant. Sed adhuc pejus restat: ut
110enim subtiliùs falleret, mel miscuit veneno, saccarum intoxicationi,
serpentes veneficos sub viridi verbo devotionis latentes,
& hoc facit congregando materias diversas, parùm sæpiùs ei
conducendas, nisi ad supradictam causam, & ut meliùs illi fides
adhiberetur, & majoris esset autoritatis, quantò plura appareret
115eum vidisse, & ad majorem operam studiis impendisse.
Supplico igitur, Domina Justitia, de festinanti, & convenienti
remedio, & provisione super his omnibus injuriis, & aliis majoribus,
quas parva præsens non solùm continet supplicatio,
verumetiam Liber ejus fidem facit multò majorem, quàm
120foret necessarium.
Posteaquam hæc Castitatis supplicatio lecta fuit distinctè
& in aperto, illic percipere potuisses universum Consilium, &
omnem nobilem militiam, quæ in vultu suo & apparatu, indignationem
præ se ferebat. Attamen tanquam sapiens &
125temperata dixit, quòd pars altera audienda esset: sed quoniam
fatuus amator, cùm accusatus esset, non aderat (transierat
enim passum altum, à quo nullus regreditur) interrogatur,
si in Curia Christianitatis sint aliqui Procuratores, fautores,
aut faventes cuicumque illi.
130Tum ecce magna turba & homines sine numero, juvenes
& senes, omnium sexuum & ætatum, qui non servando
ordinem, sed distortè, & ex transverso voluerunt, unus quidem
excusare, alius tutari, alius laudare eum, alius veniam quærebat
ob juventutem & stultitiam, allegando illum amatorem pœnitentiâ
135ductum fuisse, quando scripsit. Feci, inquit, in juventute
mea varia dicteria per vanitatem. Alius eum sustinebat,
eò quod talis fuerit & tam notabiliter eruditus, & quia in
loquela Gallica non habuit similem: aliqui ob eam causam,
quòd tam aptè veritatem dixerat de omnibus statibus, non
140parcendo Nobilibus, non ignobilibus, patriis, nationi, nec
seculo, nec Religioni. Et quid mali est (ait unus inter alios
consultior) quid mali est, precor, si homo iste talium sensuum,
talis studii, & famæ talis, componere voluerit Librum, in quo
introducuntur personæ magno artificio, unaquæque secundùm
145jus suum, & proprietatem loquentes? Nonne dicit Propheta
in persona fatui, Deum non esse? Et Sapiens Salomon, nonne
specialiter totum Ecclesiasticen tali tenore composuit? Ideoque
salvatur, & defenditur à centum erroribus, qui eo in Libro
scripti reperiuntur. Si hic amator levibus verbis usus sit,
150conditio est Veneris, vel Cupidinis, aut fatui cujusdam amatoris,
quem repræsentare volebat per verba, quæ trahi possent
ad malum. Veruntamen nonne leguntur, quæ loquebatur
Salomon in Canticis suis modo amatorio per verba? Si dicat
in persona Rationis omnia nominari debere suis nominibus,
155videntur ejus motiva. Sed quid mali est in nominibus, qui
non ibi immoratur? Nomina sunt sicut alia nomina, posteaquàm
ergò per unum nomen una res intelligitur, & per aliud
illa eadem, quid obesse potest per quod nomen res detur intelligi?
Certum est in natura nihil turpe esse. Turpitudo
160enim solùm est ex peccato, de quo tamen verba fiunt quotidiè
per propria ejus nomina, sicut de homicidio, furto, fraudibus,
& rapinis. Demùm si locutus fuerit de Paradiso, & de rebus
devotis, quarè vilipenditur de hoc, de quo laudari meritò
deberet? Sed esto aliquid mali in Libro suo sit, non dubium
165est, multo plùs boni illic esse. Sumat unusquisque bonum,
& malum dimittat. Expressè testatur, se solùm in malos viros,
& mulieres invehere, & quisquis se senserit reum & culpabilem,
vitam suam emendet. Nec etiam est adeo sapiens, quin
quandoque erret; quinimmò & magnus erravit Homerus, &
175hoc potiùs flectere, & inclinare debebit ad veniam, & benignitatem
sapientem hanc Christianitatis Curiam. Constat
divum Aurelium Augustinum, & ferè omnes alios Doctores in
quibusdam punctis errasse, qui tamen non sunt accusati ob id,
neque condemnati, verùm honorati. Et profectò non habere
175debet in suo serto pulchram rosam, qui rosam hanc vituperat,
qui se nominat Romantium de Rosa.
Ad hæc verba facilè videbatur amicis, aut fautoribus,
fatui amatoris causam suam esse justam, & obtinuisse victoriam
neque responderi posse ad dicta. Unus arridebat alteri, &
180sese mutuo intuebantur, cachinumque facientes, diversa signa
ostendebant.
Tum Eloquentia Theologica, quæ Christianæ Curiæ Advocata
est, ad petitionem tùm Conscientiæ, tùm Castitatis,
admodùm sibi dilectæ; ob rationem etiam officii sui, in pedes
185sese erexit, pulchro quidem gestu, & modo temperato, autoritate
magna, & veneranda gravitate.
Ipsa tanquam sapiens, & probè docta, postquàm faciem
suam paulisper deorsùm declinasset, instar hominis cogitabundi,
maturè & securè suspexit, vertensque intuitum suum
190ad Justitiam, ad omnemque ejus comitativam, aperuit os
suum, & sonora voce, suavi & mediocri sic orsa est, causamque
suam sic coepit defensare.
Optarem, si Deo libitum esset, quem tu jam repræsentas, ô
Domina Justitia, Auctorem qui hîc accusatur, in propria
195persona præsentem adesse, redeundo de morte ad vitam. Nec
enim tunc opus esset verba multiplicari, nec Curiam prolixa
accusatione occupari. Opinor enim, quòd velociter, ultrò,
& æquo animo delictum suum fateretur, veniamque pro delicto
satisfaciendo esset petiturus. Ad id præsumendum multæ me
200movent conjecturæ, præcipuè verò illa, quam nonnulli
allegarunt, quòd adhuc superstes, & vivens pœnitentiam
egerit, Librosque interea de vera Fide, & sancta doctrina,
ediderit, atque excuderit. Adsum illi testis (quantum damnum
fuit) juventutem, aut malam aliam inclinationem, illum
205fellisse Clericum, atque induxisse inutiliter, & nimis vagè ad
hanc reprobam levitatem, subtile suum ingenium, magnam
scientiam, servens studium, pulchram eloquentiam in rithmis
atque fictionibus. Utinam melius his usus fuisset, heu! bone
amice & vir subtilis, heu! nonne erant sufficientes in mundo
210fatui amatores, etiamsi te huic turbæ non admisceres?
Nonne erant, qui ducerent & docerent eos in stultitia sua,
absque hoc, ut te eorum præberes Primipilum, Capitaneum
Ductorem, Ducem & Magistrum. Fatuus est, qui fatuitatem
facit, fatuitas non est sensus, nimis vituperari vult, qui se
215diffamat, & officium suscipit infamis. Eras profectò alio
Magisterio, alioque officio dignus: vitia & peccata (mihi crede)
facillimè discuntur, nec opus est quoque Magistro; natura
humana, præsertim in teneris Annis, & in adolescentia, nimiùm
prona & inclinata est ad cadendum, præcipitandumque se, &
220immergendum in immunditiam, spurcitiamque totius carnalitatis.
Non erat opus, te illos attrahere, & lacessere, aut vi
quadam compellere. Quid enim faciliùs capi potest, &
inflammari igne turpium delectationum, quàm cor humanum?
Quare ergò subministras & auges tu fœtidum hunc ignem ventis
225omnium levissimorum verborum, & autoritate personæ tuæ,
& exemplo tuo? Si tunc Deum non timebas, neque vindictam
ejus, si te non faciebat prudentem & circumspectum pœna &
supplicium, quod de impudico Ovidio sumptum fuit, saltem
tui honor retrahere te debuisset. Erubuisses proculdubiò, si
230clara die, palam in loco stolidarum muliercularum inventus
fuisses, quæ sese pro pretio prostituunt, sicque loqui quemadmodùm
scribis. Et tu pejus agis, ad pejus hortatis. Occidisti
stultitiâ, & incarcerasti (quantùm in te est) mille & mille
homines per diversa flagitia, & id adhuc facis in dies per
235stolidum Librum tuum. Nec excusari potest propter tuum
loquendi modum, per personas, sicut in sequentibus clarè tibi
sum probaturus. Nec tamen semel & unico actu omnia dicere
possum.
O Deus, Optime, Maxime! si tu stulté amator (quia sic
240appellari cupis) si in adolescentia tua per vanitatem aliqua
scripseras, cur ea perdurare & extare sinebas? Nonne
exuri debebant? Mala est provisio venenum, aut intoxicatio
in mensa, aut ignis inter oleum & festucas: qui sparserit undique
ignem, & non aufert, quomodò absolvetur à domibus,
245quæ comburentur? Ecquis est pejor ignis, atque ardentior,
igne luxuriæ? Quænam domus pretiosior est humanis animabus,
sicut planè continetur in supplicatione Dominæ Castitatis?
Debent enim animæ illæ Templa esse Spiritus sancti, esse
sacratæ; sed quid plus urit, & inflammat has animas, quàm
250verba dissoluta, spurca, & luxuriosæ, scripturæ & picturæ?
Videmus pia & sancta verba, honestas scripturas, & imagines
incitare ad devotionem, ut dicebat Pythagoras. Ob hanc causam
Sermones fiunt, & Imagines in Ecclesiis. Multò faciliùs è
contrariò mala & impura verba ad dissolutionem trahunt, nec
255est quisquam, quin in se experiatur, plurimæque historiæ
illud ostendunt.
Sed ô bone amice! supervacaneè, & frustrà tibi loquòr,
qui absens sis, cui factum hoc prorsùs displicet, & ut prædixi,
si adesses, displiceret. Et si tunc hoc nescivisses, didicisti
260intereà magnis verberibus, & expensis, saltem in igne purgatorio,
aut per pœnitentiam in hoc mundo. Dices fortassis,
non potuisse te Librum tuum denuò consequi, aut habere
posteaquàm editus & divulgatus fuerat, aut fortassis fuerat
furto ablatus, te nescio, aut quovis alio modo ignoto.
265Id scio quòd Berengarius, Petri Abellart discipulus,
(cujus meministi sæpiùs) cùm ad horam mortis devenisset, in
qua veritas declarat hunc qui benè fecerit, eratque dies Apparitionis
Domini Nostri, suspirando dixerit: “Deus meus,
inquit Berengarius, hodiè mihi apparebis ad meam salvationem,
270ut spero, propter pœnitentiam meam, aut ad duram
meam damnationem, sicut timeo, propter eos quos perversa
doctrina decepi, quos nequivi reducere ad veram viam tui
Sacramenti.” Sic fortassis & tu dices breviter: jocus non
est, neque est res ulla periculosior, quàm perversam disseminare
275doctrinam in cordibus mortalium, quòd pœna illorum,
præcipuè qui damnati sunt, in dies magis atque magis crescit.
Si in igne purgatorio fuerint, eorum liberatio impeditur, &
protelatur.
De Salomone, qui omnium totius mundi fuit Sapientissimus,
280dubitant plerique Doctores, si salvatus sit. Quare?
Quoniam ante mortem suam non curavit demoliri Idolorum
Templa, quæ fieri jusserat ob fatuum amorem exterarum
mulierum. Pœnitentia non sufficit, cùm non aufertur occasio
suorum propriorum peccatorum & aliorum, pro virili sua.
285Veruntamen quidquid de tua fuerit pœnitentia, si acceptata
fuerit à Deo, aut non desidero quod sic, loquor duntaxat de
facto & opere in seipso, ac de Libro tuo; quia eum non defendis
more Sapientis, convertam omnem querimoniam meam in
illos, qui ultra proprium tuum judicium & voluntatem, &
290grave præjudicium honoris tui & salutis tuæ, nituntur, sive
distortè, sive ex transverso, sustinere, nec sustinere solùm;
sed & adjuvare, & accumulare, tuam vanitatem. Et in hoc te
confundunt, arbitrantes te defendere, displicentque tibi &
nocent, volentes tibi gratificari, more violenti & importuni
295Medici, qui sanare putat, & occidit; & instar inutilis Advocati,
qui opinatur clientulum suum adjuvare, & ejus destruit causam.
Ego, è diverso, hoc obsequium, & servitium præstabo animæ
tuæ, eamque illi faciam gratificationem, aut hoc alleviamen,
ob causam tuæ doctrinæ & studii, quod arguam in hoc, quia
300omninò argui desideras in omnibus. Qualis ignorantia est
hæc chari amici? Sed quænam fatua præsumptio vestrûm,
quos hîc loqui percipio, vestrûm, inquam, qui excusare nitimini
prorsùs omnem stultitiam, aut errorem ejus qui seipsum condemnat,
ejus qui in fronte sua titulum offert suæ condemnationis;
305nec me intueamini, se gerit per prædicta vestra pro
fatuo quodam amatore.
Profecto cùm plures infamias de tali dicere velim Autore,
nequaquàm potero quidquam ei turpius & pejus imponere,
quàm stultum eum amatorem nominare. Nomen hoc grande
310nimiùm importat onus, & pondus nimiæ lubricitatis, atque
bestialis carnalitatis, omnium virtutum homicidium, incensorem
ignis ubicumque quieverit locorum: sic dicunt Plato,
Archita Tarentinus, Tullius, & alii complures. Quis succendit
magnam Trojam crudeliter igni & flamma? Stultus amator.
315Quis tùm interire fecit plures quàm centum mille Nobiles:
Hectorem, Achillem, Priamum, & alios? Fatuus amor.
Quis expulit urbe Tarquinium Regem & ejus sobolem? Fatuus
amator. Quis decipit per fraudes & perjuria illegitima filias
honestas, & virgines Deo sacras, atque Religiosas? Stultus
320amor. Quis obliviscitur Dei, & Sanctorum, & Sanctarum,
demùm verò ipsius Paradisi? Stultus amor. Quis nihilipendit
Parentes, omnes propinquos, amicos, & quaslibet virtutes?
Stultus amator. Unde prodierunt conspirationes civiles,
unde rapinæ & latrocinia? Ad stultam enutriendam prodigalitatem.
325Unde spurii, unde puerorum suffocationes, unde
spontanei aborsus, unde odia & maritorum intoxicationes &
mortes? Et ut summatim dicatur, omne malum, & omnis
stultitia oritur ex fatuo amatore. Sed video quod pertitulum,
& hoc opprobrium eum excusare vultis à stultitia sua, eò quod
330fatuus nil quærere debet præter fatuitatem. Sed reverà,
bone Amice, stulto sua demonstrari stultitia debet, & multò
plus sapienti, cùm stultum agit; & ampliùs, si hoc est in
gravissimum malum maximæ Patriæ & in destructionem turpem
bonorum morum, Dominæ quoque Justitiæ, & totius
335nobilis Curiæ ejus Christianitatis. Videtis planè, quonam
pacto Domina Castitas conqueritur. Verecundia, Timor, &
Domina Ratio Magistra mea, dolore afficiuntur, breviter omne
Consilium, & Nobilis Virtutum militia (videtis in earum gestu)
indignantur vehementer. Et quare non? quoniam dicitis
340quòd Autor hîc non loquitur, sed alii, qui ab eo hîc
introducuntur.
Defensio hæc exigua nimis est pro tam grandi crimine.
Quæro enim, si quis Regis Franciæ nominaretur adversarius,
& sub nomine tali, & uti talis illi bellum inferret, nomen hoc
345defenderetne eum, ne proditor esset, & à morte? ita esse
nequaquam affirmaretis. Si in persona alicujus hæretici,
aut Saraceni, immò verò diaboli quispiam scribit, aut seminat
contrà Christianitatem errores, excusabiturne? Aliàs quidam
illud facere tentaverat, sed mox per quendam Ecclesiæ Parisiensis
350Cancellarium in plena Aula Episcopi, & Auditorio
revocare, & erratum suum corrigere compellebatur; non obstante,
quod loqueretur coram Doctis, intelligentibus, quando,
ait, loquor ut Judæus, revocabis, inquit Cancellarius, ut
Christianus. Si quisquam Libellos scribit diffamatorios, aut
355 famosos, de persona aliqua sive exigui status, sive non, sive
malè, aut illegitimè nata, & per introductas personas; Jus
censet, talem castigandum esse, atque infamem. Quid ergo
dicere debebunt Leges, & tu Domina Justitia, non de uno
Libello solum, verùm de grandi volumine, omnibus infamationibus
360resperso, atque referto; non contra homines modò,
sed & contra Deum, contra Sanctos, & Sanctas, qui amore
prosequuntur Virtutes? Dic mihi, essetne audiendus aliquis,
qui diceret Principi, aut alicui ex Magnatibus? certè, Domine,
dico vobis in persona unius zelotypæ, aut vetulæ, aut per
365somnium, mulierem vestram esse flagitiosissimam, & dirumpere
ac solvere Matrimonium; cavete diligenter, nec in ullo
illi confidatis, & filiabus vestris, quæ usqueadeò pulchræ sunt
& Juvenes, consulo ut mox se prorsùs operi tradant carnali, &
unicuique se viro prostituant, qui gratum illis pretium largiatur.
370Dicite Amici charissimi, estisne adeò effrontes & imperiti,
ut judicaretis hujuscemodi hominem non esse puniendum;
sed sustinendum, audiendum & excusandum? Et multò
ampliùs, si præter verba, Libellos etiam transmitteret, aut
imagines, & picturas. Prætereà, quod est pejùs, aut Christianum
375Clericum in persona Saraceni prædicare contra Fidem,
aut quòd adduceret Saracenum loquentem, vel scribentem?
Nunquam tamen secundum toleraretur opprobrium; nihilominùs
pejus est primum, factum scilicet Christiani, quantò
clandestinus inimicus magis est nocivus quàm apertus, eò
380quod citiùs & faciliùs recipitur, auditur, & illi fides adhibetur.
Dabo venenum in melle absconditum, aliquis moritur, sumne
excusatus? Feriam osculando, occidam amplexando, erone
liber? Dicam publice alicui devotæ personæ; certè invidi, & qui
vos oderunt, dicunt vos esse hypocritam, & palliatum latronem,
385& homicidam, & se offerunt ad hoc probandum, excusaborne
de infamia hac? Dissolutus aliquis & malus faciet ac dicet
omnem lubricitatem, quæ inveniri potest inter virum & mulierem
coram puella aliqua innocente, dicendo: non sic agas,
quemadmodùm nos cernis agere, sic & sic, considera benè:
390excusabiturne? Certè non, quia castitas, fama, oculus &
Fides, non patiuntur ludum, aut jocum; nimis enim facilis
sunt læsionis & corruptionis.
Sed intelligo, quid ad invicem murmuretis, quòd unus
vestrùm priùs allegavit; Salomonem scilicet, & Davidem sic
395fecisse. Hæc est magna temeritas nimis, ut excusetur fatuus
aliquis amator, accusare Deum & Sanctos ejus, èos in accusationem
ducendo, immò hoc fieri non potest. Vellem stultum
hunc amatorem non fuisse usum his personis, nisi ut sancta
utitur Scriptura, reprobando scilicet malum, & taliter, ut
400unusquisque percepisset detestationem mali, & boni approbationem,
& (quod præcipuum est) ut omnia hæc fierent sine
levitatis excessu: sed non omne videtur esse dictum in persona,
omne videtur tam verum sicut Evangelium, & specialiter
stultis & vitiosis amatoribus, ad quos loquitur, & (quod doleo)
405citiùs inflammat ad luxuriam, etiam cùm eam videtur reprobare:
verùm casti, si dignarentur ipsius Libro operam dare,
audire eum, aut legere, pejores hinc essent futuri.
Dicunt Doctores, Cantica Salomonis, quamvis benè in se
sobria sint, olim legi non fuisse solita, nisi ab his qui triginta
410nati essent Annos, aut supra, ne ullam inde sumerent impuram
carnalitatem. Juniores ergo homines vitiosi, & instabiles,
quid in tali facient Libro, scilicet in tali igne magis inflammante
quàm ignis Græcus, aut quàm vitrea fornax. Ad ignem,
chari homines, ad ignem. Tollite omnia, quæso, tollite,
415fugite omnes, salvate vos, & conservate vos, & filios vestros
sapienter. Non melius remedium. Qui non vitat periculum,
incidet in illud, & capietur veluti rattus, aut glis lardo, &
lupus in fovea lupina; aut papilio ab igne candelæ, propter
suam claritatem; vel fatui & pueri à micantibus gladiis, aut
420incensis carbonibus, propter eorum pulchritudinem, si quis
talia eis non aufert.
Si dicatis; in Libro hoc multa esse bona: suntne, quæso,
proptereà mala in eo deleta? Ignis est periculosior, hamus
nocet pisci, si coopertus sit escâ. Gladius unctus melle, feritne
425minùs? Non. Sed prætereà; defeceruntne alicubi puræ &
bonæ doctrinæ, absque mixtione mali seminis? Nec necessarium
fuit bonum aliquod involuto malo servare, charè
tenere, & laudare. Dico quòd Mahometus maximâ malitiâ
miscuit nostræ Fidei Christianæ veritates suis immundis erroribus.
430Quare? Ad alliciendos citiùs Christianos ad Legem
suam, & ad cooperiendas temeritates suas. Nonne diabolus
multas quandoque dicit veritates per dæmoniacos, per Cantatores,
per Magicos, & etiam per hæreticos? Sed hoc est, ut
latentiùs fallat: doctrina enim mala eò pejor est, quò plus boni
435continet.
Mihi credite, non mihi, sed Apostolo Sancto Paulo, 1 Cor.
XV. 33. Senecæ & experientiæ, quòd mala colloquia & Scripturæ
corrumpunt bonos mores, & faciunt peccata absque verecundia
perpetrari, omnemque auferunt pudorem, qui est in
440juvenibus præcipuus & principalis eorum custos, omnium conditionum
bonarum ipsorum juvenum contra universa mala,
persona juvenis expers verecundiæ, prorsùs est perdita. Cur?
nam Ovidius, vir utique doctus, ac ingeniosissimus Poëta,
missus fuit in exilium perpetuum. Ipsemet testis est, hoc ei
accidisse propter miserabilem suam Artem amandi, quam
445temporibus Octaviani Imperatoris scripserat, quamvis edidisset
ex adverso alium de remedio amoris Librum. Ovidius
benè novisset loqui per somnia, aut personas, si per hoc excusari
potuisset.
450O Deus! ô Sancti & Sanctæ! ô devota Christianæ Religionis
Curia! ô præsentis temporis mores! Inter Paganos Paganus
Judex & incredulus Paganum condemnat, qui doctrinam
scribit, quæ ad fatuum alliciebat amorem: & inter Christianos,
& per Christianos tale, aut pejus Opus sustinetur, laudatur,
455defenditur! Reverà nequaquam satis rei hujus indignitatem
& horrorem exprimere possum, verba me deficiunt in ejus
reprobatione. Quod autem opus tale, Ovidii pejus sit Opere,
manifestè liquet, Ars enim amandi, quam scripsit Ovidius,
non solùm in dicto Romantii continetur Libro, sed translati
460sunt, aggregati, & vi quadam tracti, absque proposito ullo
complures alii Libri, tùm Ovidii, tùm aliorum, qui non sunt
minùs inhonesti & periculosi, ut sunt dicta Eligii, & Petri
Arbellart, Juvenalis, & fabellæ fictæ omninò ad perversum
hunc finem de Marte & Venere, Vulcano & Pigmalione, de
465Adonide, aliisque. Ovidius expressè protestatur, se non velle
loqui de bonis Matronis, & Dominabus Matrimonio conjunctis,
nec de illis, quæ licitè amari non possent. Liber vester annè
sic faciat? Reprehendit omnes, vilipendit omnes, contemnit
omnes sine ulla exceptione, saltem postquàm se Christianum
470faciebat, & de rebus loquebatur interdùm coelestibus. Quare
non demebat Gloriosas & Sanctas puellas, aliosque innumeros,
qui usque ad durissima tormenta, crudelemque mortem,
castitatem in cordis eorum templo servaverunt? Quare non
exhibet eam reverentiam Sanctæ Sanctarum? Sed non;
475erat enim fatuus amator, ideò non curabat quemquam excipere,
ut majorem omnibus se prosternendi daret audaciam.
Nec hoc meliùs poterat complere, quàm ut per eum mulieres
intelligerent, omnes esse tales, nec sese servare posse, quin
illud agant.
480Necessitas non habet Legem. O qualis doctrina: non
quidem doctrina, sed blasphemia & hæresis. Hoc pacto
demonstrat juniores homines nec firmos esse, nec stabiles in
Religionibus, quæ falsa est doctrina, & contra experientiam.
Sed si quis immorari vellet, omnia taxare, & reprehendere,
485quæ malè in hoc Libro ponuntur, potiùs dies deficeret, quàm
querela, & posset etiam forsitan nimia particularitas magis
bonis nocere moribus, quàm prodesse. Incidere possem in
hoc vitium quod reprehendo: rescindam igitur verba mea,
& dumtaxat dicam de Articulis, in Supplicatione Dominæ
490Castitatis per conscientiam porrecta contentis, & jamjam me
liberatam sentio de facilioribus Articulis. Ideò tempus est,
ut ad graviores, & inexcusabiliores descendam.
Res ardua est, Domina Justitia: Consilium tuum attentum
sit ad hos audiendos Articulos, ad sestinanter providendum.
495Certè in dicto Libro (si Liber appellari mereatur) convenienter
& aptè locum habet commune dicterium; In cauda jacet
venenum. Irrisio Horatii hîc locum habet de pictore pulcherrimam
feminam in capite pingente, & desinentem in piscem:
tales dicuntur esse Harpyiæ, quæ vultum gerunt virginum,
500ventres vero, & reliquas partes immundissimas. Heu qualis
immunditia illic est posita & accumulata, quæ blasphemiæ,
quis se ibi seminando sparsit diabolus? Habere modò verba
de eo, de Paradiso, de dulci Agno & castissimo, de pulchro
fonticulo & puteo, in persona Auctoris subito & citissimè recensere
505dissolutissimam vitam suam, quam perpetrando
nullus est tam inhonestus, quin rubore suffunderetur & verecundia,
hortari ut omnes feminei sexus, sive corruptæ, sive
virgines, sese dedant, & tradant, ut de quolibet viro, &c.
experiantur. Et (quæ est summa mali) asserit res tales sanctas,
510& opera sacra atque veneranda. Dicere potiùs debuit execrabilia,
damnanda, & detestabilia. O quid hîc sum dictura?
proculdubiò abominatio est magna, duntaxat hæc in animo
volvere, atque meditari. Os meum non contaminabitur
ampliora dicendo, nec aures vestræ sanctæ gravabuntur, nec
515Curia hæc inficietur audiendo. Oro nihilominùs vos, ne ullum
causæ meæ fiat præjudicium. Et si verum est quod dicit sanctus
Augustinus, & utique verum est, quòd Minus malum non est,
spernere sanctum Dei verbum, quàm Corpus Jesu Christi. Nec
minus irreverentiæ sic loquendo Deo fecit, res vilissimas inter
520divina verba & consecrata miscendo, quàm si pretiosissimum
Corpus Domini nostri Jesu Christi ante porcos projecisset, aut
in, vel suprà fimum. Cogitate qualis temeritas, quàm despectibile
facinus, & qualis horror. Non pejus egisset projiciendo
Evangeliorum textum, aut Crucifixi Imaginem in lutum
525magnum, immundum & profundum. Dicit Aristoteles, ut
recitat Seneca, quòd Nunquam se tenendum est reverentius &
honestius, quàm cûm sermo de Deo habeatur. Et est hîc projicere
simul ad immundum quoddam lutum & fœtidum, pretiosum
lapidem & sanctum Christianæ veritatis de Deo loquentis.
530Hîc argumentari libet: aut credebat id quod de
Paradiso dicebat, sicut opinor. Heu! quare ergo non id
meditabatur quod credebat? Si non credebat; falsus erat,
hæreticus & fictus. Sic cùm arguo de dissoluta vita, de qua
gloriatur & se jactat.
535Ulteriùs dicerem, nisi esset quod aliqualiter meliùs salvari
potest: dicerem quomodò in persona modò naturæ, modò
genii, secundùm quod proposuit, & verum est, hortatur, &
præcipit, sine differentia omni uti carnalitate, & cunctos maledicit
homines, qui ea non utuntur, neque de Matrimonio
540mentio fiet, quod nihilominùs per naturam est ordinatum.
Nulla erit sobrietas loquendi, & se servandi: custodit & promittit
Paradisum omnibus his, qui ita facturi sunt. Fatuus
igitur esset, qui illi non crederet, qui illam non imitaretur
doctrinam, qui eam non undique decantat. Verum est, hanc
545fictionem poëticam corruptè extractam fuisse ex Alani
magni Libro, quem De planctu naturae scripsit. Quia etiam
maxima pars illius, quod fatuus noster amator facit, est quasi
solum translatio dictorum aliorum Auctorum. Hoc probè scio,
humilis erat, qui mutuari dignabatur à vicinis suis, & se variis
550munivit plumis, ut de cornicula fabulæ referunt. Sed hoc
parùm me movet. Revertor ad Alanum & dico, per nullam
personam eum unquam tali modo locutum fuisse; hoc enim
immeritò fecisset, dumtaxat execratur & reprobat vitia contra
naturam, & bono quidem jure: hoc idem facio ego. Maledicti
555sint hi qui non abstinebunt, & justitia illos exurat; sed hoc
non est ut hortetur ad peccatum quodcumque, ut aliud evitetur
peccatum. Stulta esset chirurgia, velle unum vulnus,
aut plagam, per alteram curare, & ignem igni extinguere.
Qui autem ejus opera & temeritates excusare studet, loquatur.
560Pro te respondeo, Domina Natura, nunquam te consuluisse,
aut persuasisse peccatum, nec voluisse, ut quispiam contra
decem ageret Præcepta, quæ tua quidem Præcepta naturæ
Præcepta vocamus; qui secùs diceret & contrarium, erraret in
Fide: hoc est dicere, quòd secundùm Jus naturale, opus
565naturæ viri & mulieris præter Matrimonium peccatum non
esset.
Domina Justitia, diu locuta sum, & id (benè considero)
diu quidem quoad tempus, sed brevissimè quoad forefacti &
sceleris magnitudinem, quamvis tu & sapientissimum Consilium
570omnia brevi captis sermone. Odio habeatis omnem
turpem immunditiam, quæ scitis omnes Leges & Jura, multoque
priùs hac de causa (quæ sine magna curiositate dicta
est) verba fieri audistis. Scio enim, cui loquar, coram quo,
& pro quo. Quodigitur dictum est, sufficere quidem posset
575ad condemnandum dictum Librum & ad excommunicandum,
sicuti factum est de aliis, quæ Fidei nostræ, bonisque moribus,
damnum & detrimentum afferre videbantur; sicut Apostoli
fecerunt noviter conversis; sicut & fecerunt Veteres de cujusdam
Poëtæ Libris, qui Archilocus nominabatur, non quia
580magna editi essent arte & industria; sed quoniam nocebant
plus bonis juvenum moribus, quàm eorum prodessent ingeniis.
Idem per omnia hîc videmus.
Hîc igitur finem statuerem, finemque dictis imponerem,
nisi quod Domina Ratio sapiens, sed bona mea Magistra mihi
585signum facit ulterius dicendi, quod mirandum non est: magnus
enim dependet honor, si bene ipsa manifestam rem hanc
tutari posset; sed quia dicere cœpi, & ita ei visum est me
continuare sermonem, faciam libenter, & satis breviter,
multòque succinctiùs, quàm crimen ipsum expostularet. Si
590error hic est irrationabilis, ô vos qui hîc adestis pro stulto
amatore, qui Rationi rabiem imponit: nonne rabies est,
dicere, loquendum esse nudè, apertè & sine verecundia quantumcunque
inhonesta sint verba, secundùm omnium judicium,
etiam illorum, qui sine Lege essent, & sine verecundia?
595Si error hic, inquam, non fuisset jamdudùm explosus, & per
antiquos Philosophos reprobatus; Auctor hic, aut vos, qui
eum defenditis, immò verò accusatis, non essetis tantoperè
vituperandi. Sed veritas est, Tullium ante Jesu Christi
adventum in suo De Officiis Libro, & alios Philosophos (intereà
600quoque, Sanctos Doctores, ut modò legere potestis, & scire)
hanc reprobasse stultitiam, immò & bona consuetudo (quæ
æquivalet naturæ) ipsam contemnit, & despicit, & aspernatur.
Quomodò ergò sustineri potest, ut Dominæ Rationi talis
adaptetur persona, veluti si qui sic non faciunt insensati forent
605& absque ratione, sicut loquebatur Ratio, non quidem sapiens,
sed stulta & insulsa? Profecto hæc persona meliùs spectasset
ad porcos, aut canes, quàm ad Rationem. Nec hoc dictum
meum impugnes: nam plerique priscorum, qui Philosophi
dicebantur, appellati sunt canes, seu canini, propter infamem
610hanc doctrinam. Nonne Cham maledictus fuit & servus vilis,
solummodò quià vidit secretas & obscœnas Patris sui Noë
partes, non eas tegendo? Iste error etiam error erat Thure
lupinorum sustinentium quòd esset status innocentiæ &
summæ perfectionis in terra. Quomodò res magis irrationabilis
615rationi potuit imponi? Quomodò major audacia omnibus
irrationabilibus dari potuit, quàm ut sic ratio loqueretur,
præcipuè cùm inter loquendum res recitet allicientes, & ad
omnem inclinantes levitatem.
620Committite, committite filias vestras, & pueros tali Doctori,
& si non satis fuerint sapientes, dirigite eos ad scholas illius
Rationis, docete eos in omnibus malis, si non sufficienter per
seipsos invenire queant, eos verberibus afficite, si non loquantur
secundùm quod Ratio præcepit. Sed prætereà ex eadem
radice & motivo probaretur nudè incedendum esse, & omnia
625facere ubique, & nudè, sine pudore. Credo, pudorem id
sustinere debere, secundùm illius Auctoris positionem.
Considera etiam, si quis sustineat hoc per vicos. Experientia
sumatur, quomodò Ratio defendet eum quin acclametur,
allatretur, & vilipendatur. Si saltem Ratio locuta fuisset
630docto viro rerum naturas intelligenti, aut magno Theologo
qui noscit quòd si non esset peccatum originale, nihil nobis
ad verecundiam imputaretur, haberet excusationem talem,
qualem allegare posset Evæ & Adæ nuditatem, quamvis non
sit simile pro statu innocentiæ, & nostro; talis enim est differentia
635& comparatio, sicuti dicit sano ad infirmum, vinum
quod non noceret sano, insensatum reddet eum qui febribus
contremiscit. Sic est quòd videre, aut audire carnales actus,
& præcipuè secundùm præsentem Statum peccatores aspicientes,
aut audientes, ad turpissima movent desideria, sed
640pro innocentiæ statu non sic accidisset. Hoc omninò apparet,
quoniam antè peccatum Adam & Eva positi erant sine verecundia;
posteà peccaverunt, & mox se absconderunt, & magna
cum verecundia operuerunt. Nec opus est quærere, quare
unus loquendi modus potiùs prohibitus sit, quàm alter, quando
645dicitur una & eadem res hîc & illìc. Non convenit, ut quis
immoretur causam naturalem reddendo, experientia satis
declarat; est enim propter phantasiam, quæ plùs movetur: &
phantasia ea est, quæ totum parit desiderium. Inde est, quod
Domina Otiositas, janitrix est fatui amoris; non enim reperit
650imaginationem ac phantasiam hominis occupatam, ideoque
carnalia hujusmodi ei desideria immittit, quocircà non est
remedium efficacius, quàm sese in bono aliquo negotio occupare.
Hinc oritur, quòd persona aliqua melancholica, infirma,
& debilis complexionis interdum ardentiùs de carnalitate
655tentabitur, quàm persona incolumis, sana & sanguinea,
quæ tam spurcas suggestiones facilè vincit ridendo atque
jocando: & omne id ex phantasia procedit. Quid mirum si
ignis cinere coopertus non tam citò comburat, quàm si nudus
sentiretur. Idem est de rebus carnalibus nudè dictis, aut
660inspectis. Sed sumo propositum meum, & dico, quòd si
persona Rationis sapienti & maturo viro locuta fuisset, aliquid
esset, sed non; immò loquitur stulto amatori. Et hîc malè
servabat Auctor nostræ regulas palestræ. Regula Rhetoricorum
est, ut is qui loquitur, consideret, cui loquatur, & quo
665tempore loquatur: & non solùm hic defectus est, sed in
pluribus aliis locis attribuit personæ quæ loquitur, id quod ad
eummet spectat; ut si introducat naturam de Paradiso loquentem,
& de Fidei nostræ Mysteriis, & Venerem per carnem Dei
jurantem. Sed illud nihilipendo, quàmvis error sit in illo
670quem nonnulli usqueadeò supra omnes alios, qui ferè unquàm
fuerunt, imitari velint. Nimiùm tristor propter Dominam
Rationem, & propter Castitatem, de hoc quod per sapientem
Rationem fatuo amatori dici voluit tales ineptias, quas priùs
Cupido (qui Deus dicitur amoris) defenderat, omnia verba
675turpia, obscœna & immunda, omniaque mulierum vituperia,
ac si Cupido castior esset & rationabilior, quàm Domina Ratio,
& Castitas. O Deus! Erro, non fuit idem Auctor, sed fuit
ille à principio, cujus est Auctor de quo loquor. Ædificavit
enim omne opus suum; dudùm fundamenta jacta fuerant per
680primum, & propria manu sua, atque materia, non mendicando
hîc & illic, & non aggregando talem turpitudinem luti & fimi
multùm fœtidi, sicut ponitur in hoc opere. Nescio, si successor
eum honorare opinabatur, & si id credidit, profecto
deceptus est. Nam initio, quòd forsitan satis admitteretur
685secundùm factum suum, etiam inter Christianos adjungit
turpissimum finem, & medium irrationabile contrà rationem.
Quem quidem finem & media, infideles in Republica eorum
(ut prius dixi) Octavianus & Philosophi nunquam pati potuerunt,
neque sustinere. Sancti etiam Doctores correxerunt
690dicta sua, & emendarunt, quamvis non sint falsæ hîc, & alibi.
Concludo igitur coram te Domina Justitia, & nobili Curia
tua Canonica, quòd provisio poni debet per Arestum, nulla
parte contradicente. In hoc defectu nihil concludo contra
personam Auctoris: hoc enim Deo convenit. Sed de errore,
695qui magnus est nimiùm loquor, quomodò nimis magnum
errorem ostendit superiùs; & succinctim repeto, valde magnum
in occasionibus errorum, in blasphemiis, in veneficis doctrinis,
in destructionibus & desolationibus pauperum animarùm
Christianorum, in illicita perditione temporis, quod usque
700adeò pretiosum est, in præjudicium Castitatis, in dissipationem
fidelitatis, extra Matrimonium & intra, in expulsionem timoris,
& verecundiæ, in diffamationem Rationis, in maximam inhonorationem
tui, Domina Justitia Canonica, Legum tuarum
& Jurium, totiusque hujus religiosæ Curiæ totius Christianitatis,
705immò verò omnium vestrûm, & malorum, qui hinc pejores
efficiuntur.
Auferatur ergo Liber talis, & exterminetur absque ullo
usu in futurum, specialiter autem in his partibus, in quibus
utitur personis infamibus, & prohibitis; sicut vetula damnata,
710quæ judicari debet ad supplicium pillorii; & Venere, hoc est,
luxuria, quæ est peccatum mortale; & fatuo amore, qui non
ad placitum suum stultitias exercere debet, permitti ei major
contrarietas fieri non posset, nec ipsum magis odio habere.
Hæc ergo petitio meo Deo placens, & tibi Domina Justitia
715rationabilis, toti Curiæ tuæ accepta, & fatuis amatoribus
(quantumcumque modò reclament) utilissima & amabilis, &
postquam sanati fuerint, placidissima, & delectabilis. Et ne
quisquam existimet, aut conqueratur, me aliud accusare
quam vitia, & non personas ipsas, facio nomine Castitatis, &
720Conscientiæ talem petitionem, & conclusionem contra omnes
picturas, aut scripturas, aut dicta ad lubricitatem moventia.
Nimis enim de se nostra inclinata est fragilitas absque ulteriori
inflammatione, & prostratione in profundum vitiorum, longè
à virtutibus, & Deo, qui est gloria nostra, amor noster, nostra
725salus, jocunditas & felicitas.
Eloquentia suam finierat Orationem, cum perciperem
horam, in qua cor meum ad pristinum revolabat statum, &
nil audiendo sententiæ apud meipsum, fui in Bibliotheca mea
vesperi. Anno gratiæ Millesimo quadringentesimo secundo,
73018, Maji. Ibi aliam reperi materiam ad cor meum occupandum,
ne amodò usquè adeò vagum esset. Et fuit materia de benedicta
Trinitate in unitate divina & simplici. Deinde de
Sacramento Sancto Altaris.

XI.
PIERRE COL’S LETTER REPLYING TO CHRISTINE AND TO GERSON.

La responce maistre Pierre Col, Chanoine de Paris aux
d[e]ux traictiés precedens.
[fol. 185 b][38] Apres ce que je oy parler de ton hault entendement,
cler engien, et de ton eloquance melodieuse, j’é
5desiré tres ardemment veoir de tes epistres et autrestelz
chosettes. Si est, apres grant sollicitude d’en querir, venue
entre mes mains une certaingne tienne espistre, addrecee a
mon aduis, a ung mien seigneur et maistre especial, monseigneur
le preuost de Lisle, laquelle fu commancé: “Reuerance,
10honneur,” etc.; et par laquelle tu t’efforces de reprandre
[fol. 185 vo. a] ce tres deuolt catholique et très esleuey
theologien, ce tres diuin orateur et poete et tres parfait philozophe,
maistre Jehan de Meung, en aucunes particularités de
son liure de la Rose, pour lequel louer, je n’ose ouurir la bouche,
15ne que je feroye auancie[r] mon pié pour entrer en ung abisme.
Car selonc ce que nous lison de Herode, qui pourfita plus aux
innocens par hayne en les faisant occirre qu’il n’eust peu fere
par amour; pareillemant toy et aultres, qui s’eufforcent
comme toy a impugner ce tres noble escripuain Meung, le
20loués plus en le cuidant blasmer que je ne pouroye le louer
pour y user tous mes membres, fussent ilz ores tous convertis
en langues; tant pour la rudesse de mon engien, grosseur
d’entendement, labile memoyre et langaige mal ordonné,
comme plus vraiemant pour l’abbisme multipliee de biens
25qui y sont non disibles a homme, lesquelz vous fe[t]es avertir
en le cuidant blasmer. Toutefois, je confiant de verité par
les raisons de luy meismes me efforceray de respondre aux
tiennes plus polies de langaige que ton langaige n’est poly de
raison des aultres ses adversaires par moy veues ou oyes, dont
30je ne[39] puis auoir memoire; et ne me soit imputey a presumpcion
ou arogance, (ce ne le me fait mie faire en verité), mais
pour ce que entre les aultres disciples dudit Meung je desire
estre au moins le manre, (et que les raisons que tu amainnes
encontre ses raisons [qui] doiuent estre nommees sont telles
35qu’il n’est ja besoing) je ne dis pas des plus auanciés disciples
dudit Meung, mais des moyens ou assés aprés au dessoubz
qu’ilz y respondent. Confiant aussy du grant droit que
je uueil soustenir, ja soit ce que trop se soustiengne de leur
[sic] meismes. Mais j’en fais mon escu; et me pardonne si je
40parle par “tu,” car je le fais pour monstrer que ceste mienne
responce vient pour bonne amour, c’est assauoir, pour toy
ramener a droite voye, et auxi pour parler plus proprement
selonc que nos anciens maistres ont parley.
Premierement—tu (sans raison) commences ou chapistre
45[fol. 185 vo. b] de Raison et dis qu’elle nomme les
secrés membres d’omme par leur propre nom.[40] Et respons a
tel argument que diex fist les choses—dont sont elles bonnes,
donc les puet on bien nommer. Vraiement se dis tu: “Je
confesse que dieu crea toutes choses pures et nettes venans
50de soy; n’adonc en l’estat d’ignocence n’eust esté laidure de
les nommer; mais par la polucion de peché devint homme
immonde”; et fais exemple de Lucifer, qui fut premierement
bel et le nom bel, qui puis par peché fu rameney a orrible
laidesse; par quoy le nom, tout soit il de soy bel, donne il
55erreur aux oyans. Oultre tu dis que le nom ne fait pas la
deshonnesteté de la chose, mais la chose fait le nom deshonneste.
Ycy resambles tu le pellican; tu te tues de ton bec.
Par ta foy, ce la chose fait le nom deshonneste, quel nom
pués tu baillier a la chose qui ne soit deshonneste, se la chose
60ne se change comme le nom. Mais je viens a ce que tu dis,
que en l’estat d’ingnocence estoit licite de nommer les secrés
membres, et que dieu les forma en tel estat. Je te demande se
tu parloies des secrés membre[s] d’ung enfant de deux ou de
trois ans, (car tu ne niroyes pas que dieu ne nous forme trestous)
65les oseroies tu bien nommer par leur propre nom? Se
tu dis que non, toutevoies est il en l’estat d’ignocence sans
polucion en fait et en parolle.[41] Et ne vault riens si repliques
tu [que c’est pechié orig]inel[42], car il vint par inobedience.
Et si la polucion de nos premiers parans fait le nom des secrés
70membres si lait qu’on ne les puisse licitement nommer, je
dy que par plus fort raison on ne deuroit pas nommer yceulx
nos premiers parens. Car se sunt ceulx qui pecherent, et non
pas membres. Se tu dis que oy, c’est assauoir, c’on puisse
nommer les secrés membres d’ung enfant, je te prie que tu
75nous declaires l’aage jusques auquel il est [licite] de les nommer,
et auxi s’on peut nommer par leur nom les membres secrés
d’ung aagié homme chaste et vierge toute sa vie; pareillement
des [fol. 186 a] mambres pareilz aux membres secrés qui sont
es bestes mues, se tu les oseroies nommer (car ceulx ne pechent
80point), affin qu’apraignes a Raison et aux disciples dudit
Meung comment on doit parler. En verité l’Amant ou
chapistre de Raison fait plus d’argumens et de plus fors la
moitié que tu ne fais; au quelx Raison [fait] respons, et toutevoies
tu ne respons pas aux raisons d’icelle meisme, laquelle
85chose tu deusses faire auant que tu la reprisses. Si n’est plus
besoing de te respondre quant ad ce.
MAIS J’AY VEU ung escript[43] fait en maniere d’une
plaidoierie en la court sainte de Crestienté, en laquelle estoit
Justice canonique establie comme juge, et les vertus entour
90elle comme son conseil, duquel le chief et comme chancellier
estoit Entendement subtil, joint par compaignie a dame
Raison, Prudence, Science, et autres comme secretaires,
Eloquence theologienne comme aduocat de la court; et le
prometeur des causes estoit Conscience, lequel prometeur
95out fait leuer et presenter une requeste pour Chastetey, contenant
ceste forme: “A Justice la droituriere, tenant le lieu
de dieu en terre, et a toute sa religieuse court deuote et tres
crestienne, supplie humblement et se complaint Chasteté,
vostre feable subiecte, que remede soit mis et prouision
100briefue sur les forfaitures intollerables lesquelles m’a fait et
ne cesse faire ung qui se fait nommer le fol amoureux;” et met
aprés huit ou neuf articles. OR EN VERITE, je cuide congnostre
la personne qui celle plaidoierie a compilee, et ne
doubte qu’il ne parle de fol amoureux comme clerc d’armes,
105et ne li desplaise. Car par ma foy je tiens qu’ainsy comme il
meismes, quant il prescha en greue le jour de la Trinité, dist
que icelle Trinité nous veons et cognoissons en guivre, et
comme par ung mirouer. Ainssy voit, entent et parle d’ung
fol amoureux, car je panse qu’il ne le fut onques, ne n’y ot
110onques pensé(e); en tant que je oseroie dire qu’il contoit
mieulx la Trinité qu’il ne fait fol amoureux. Aussi y a il plus
pansé. Et pour yce j’eusse cause assés de dire a toute celle
[fol. 186 b] plaidoirie, qu’il n’y fault point respondre, car tout
le plaidoié est fondé sur ung fol amoureulx, et l’aucteur ne
115sceit qu’est fol amoureux. Et ne vault riens de dire que,
ja soit ce qu’il ne soit fol amoureux, si entent il par auenture
mieulx que tel [qui] l’est ou a esté—ce puet estre. Mais j’ose
bien dire que c’il meismes l’eust esté et ne le fust aparent il
entendist mieux la moitié, qu’il ne fait. Car trop plus a
120experience de ne say quelle puissance que n’a meismes l’effait
de viue voix. Toutevoies la verité et le bon droit sont telz
et si clers pour celluy qu’il appelle fol amoureux, qu’il ne me
greuera riens respondre aux particulieres raisons que propose
dame Eloquance theologienne, comme on li met seure. Car
125par ma foy elle nel se pansa onques, la bonne dame, comme je
diray cy aprés. Je suppose encor que le dit Meung eust esté fol
amoureux par aucun temps.
PREMIEREMENT donc dame Eloquance theologienne
dist que maistre Jehan de Meung porte en son front le tiltre
130escript de sa condampnacion par ce mot fol amoureux, en
disant: “Qui craventa jadis par feu et flamme Troye la grant?
FOL AMOUREUX. Qui fist destruyre lors plus de cent mil
gentilz hommes, Hector, Achilles, et autres? Fol amoureux.
Qui chassa hors de Ronme le roy Tarquinius? Fol amoureulx,”
135—et d’autres similitudes parelles. JE DEMANDE a dame
Eloquance se cest argument tent a blasmer estre fol amoureulx,
ou a blasmer le liure de la Rose pour ce qu’un qui fut
fol amoureulx l’a fait? Si tent[44] a blasmer fol amoureux,
je n’y respons point, car je confesse que c’est folie et sans
140raison que de l’estre, et ne fault ja qu’on c’efforce de plus
blasmer fol amoureux que fait le liure de la Rose. Auise
bien, qui le lit, ne dit-il pas du dieu d’Amours:
“C’est le dieu qui tous les desuoye”[45] et depuis:
“Mais de la fole amour se gardent,
145Tant les cuers esprennent et ardent.”[46]
“C’est ce que la pel t’a maigroié.”[47]
“Son cuer mis en amour de famme,
Dont maint ont perdu corps et ame.”[48]
“C’est l’amour, qui souffle et atise
150La brese qui t’a ou cuer mise.”[49]
“Quiconques a raison s’accorde
Jamais par amours n’amera.”[50]
[fol. 186 vo. a] “Que ceulx qui plus le hantent
En la fin plus s’en repantent”[51]
155et en plus de cent autres lieux que je laisse pour cause de
brieté. Si non, ung ver qui souffir[o]it assés pour tous, c’est
assauoir:
“Maint y perdent, bien dire l’os,
Sens, temps, chatel, corps, ame, los.”[52]
160Or espluchent hardiement ce “los,” ceulx qui
plus veulent blasmer fol amoureux que maistre Jehan
de Meung ne fait, et je croy que n’y troueront
que rengier; et quant maistre Jehan de Meung
appelle les secrés membres de famme “saintuaires,” et “reliques,”[53]
165il le fist pour monstrer la grant folie qui est en fol
amoureux. Car ung fol amoureux ne pense a aultre chose
que a ce bouton, et est son dieu et la onre comme son dieu.
Aussi en ce pas la y faigny poetiquement, et aux poetes et
paintres a tousiours esté license pareille de tout faindre,
170comme dit Orace:[54] si n’est ce pas si mal appellé c’on pouroit
bien dire d’appeller ses secrés mambres ceintuaires, car les
portes et les murs d’unne citey selonc les loys sont appellés
saintes pour ce que s’on y commet force ou les trespasse sans
congié il (l)y a poinne. Ainssy est il des secrés membres de
175fame, il y a peine qui y fait force ou qui sans force indeuement
les trespasse; et si dit la Bible qu’on souloit saintifier les
secrés manbres de femme.[55] MAIS se l’argument tant a
blasmer le liure de la Rose pour ce qu’un qui fut fol amoureux
l’a fait, je me merueille comment dame Eloquance ne fait
180premierement ses conclusions contre Salmon, Dauid, et aultres
folz amoureux, qui furent trop deuant Meung, desquelz les
liures sont meslés en la sainte escripture et les paroles ou saint
mistere de la messe. Qui fist tuer Urie le bon cheualier par
trahison pour commettre adultere auec sa femme? Fol
185amoureux. Qui fist edifier temples aux ydoles pour l’amour
de fammes estranges? Fol amoureulx,—et trop d’autres
que je trespasse. Contre ceulx cy deust premieremant parler
dame Eloquance, se son argument protestast. Mais nannin
voir. Ne lisons nous pas que Saint Pierre et Saint Pol aprés
190leur pechié furent plus fermes en la foy, et plusseurs autres
[fol. 186 vo. b] pareillement? Je dy que maistre Jehan de
Meung, puisqu’il fut fol amoureux, fu tres fermes en raison;
car de tant qu’il congnut mieux la folie qui est en fole amour
par experience, de tant la desprisa il plus et loua raison. Et
195quant il fist ce liure de la Rose il n’estoit plus fol amoureux,
ains s’en repantoit de l’auoir esté, comme il appert par ce
qu’il sceut si bien parler de raison. S’il ne l’eust congnue,
amee et entendue, il n’en[56] eust ainssy seu parler, comme il en
parla. Et toutevoies il est vray que fol amoureux ne la congnoist,
200aime, ou entent. Et si dit, en chapistre de Nature,
quant il parle de paradis, que les choses du Vergier Deduit ne
sont que fanfelues.[57] Et de la fontaine Narcisus dit:
“Dieux! que bonne fontaine et sade,
Ou li saint deuienent malade.”[58]
205Et qu’elle
“enjure de mort les vifs.”[59]
Comment pouoit il mieux monstrer qu’il n’estoit pas
fol amoureux, et qu’il amoit raison que en blasment le Vergier
Deduit et les choses qui y sont; et en louant raison et mettant
210ung aultre part[60] ou Vergier, ouquel il figure si noblement la
Trinitey et l’Incarnacion par l’escharboucle et par l’oliue qui
prent son acroissement de la rousee de la fontaine,[61] etc. Des
qu’il commensa ce[ste] escripture, il entre en raison et dieu
sceit combien il se tient, a painne se peut il oster. Aussy ne
215s’i estoit gaires tenu le premier aucteur. Et ne cuide pas que
ce qu’il dit en son Testament: “J’ay fait en ma jonesse maint
dit par vanitey”[62]—qu’il entende de ce liure de la Rose. Car
vraiement comme je monstreray mais, il entendoit d’aucunes
balades, rondiaux [et] virelais que nous n’auons pas par
220escript, au moins moy. MAIS VENONS A CE QUI FAIT A
TON PROPOS—dame Eloquance, adressant ses parolles a
ceulx qui soustiennent ce fol amoureux, dit ainssy: “N’est
ce pas,” fait elle, “rage dire que on doye parler muement et
baudement, et sans vergoingne, tant soient deshonnestes les
225parolles au jugement de toute gent, etc?” Ha! dame Eloquance,
on vous impose cy mal reciter vostre fait principal,
sur quoy vous fondés tous vos argumans ensuiuans. Mais
n’en sachiés mal gré a celluy qui ce fait; car je tieng veritablement
qu’i[l] ne le fait pas essienment. [fol. 187 a] Certes il a
230eu pou plaisance a ce tres noble liure de la Rose, par quoy il
l’a pou veu, ou noyant, ou, comme je cuideroie mieux, [de]
ce qu’il a pou veu y a il desplaisance. Je ne doubte point
que, c’il eust veu et releu par fois souuent recordees, que de
tant comme son entendement passe tant d’autres que je ne
235say lesquelz non, de tant plus le louast, prisast, amast et
honnourast. VEES CI, VEES CI les parolles que dit Raison:
“Biaux amis, je puis bien nommer,
Sans moy faire mal renommer,
Appertement par propre nom
Chose qui n’est ce bonne non
Voire du mal seürement
Puis je bien parler proprement”[63]
etc. Il ne dit pas c’on en doye parler. Il dit qu’on en puet
parler; ce n’est pas tout ung deuoir et pouoir. Je confesse
245que querir occasion de parler de l’euure de nature, en laquelle
se fait la polucion qu’aucuns tant abhominent, et se soubtiuer
a en parler diuersement pour le plaisir c’on y auroit, trop ce
seroit mal fait. Et ainsy l’entent Tulle ou liure des Offices[64]
et les autres philozophes qui pareillement en parlerent. Mais
250quant on parle de plusseurs choses diuerses, et, sans y venir
par affeccion particuliere, on descent aux secrés membres, on
en puet parler proprement. Et ainssy en parle maistre Jehan
de Meung ou chapistre de Raison. Et par dieu une fois en
conuient il parler au moins, quant on leur meist non premierement,
255et on ne meist pas le non premierement pour en parler a
celle fois seulement et non jamais aprés. Et s’il est licite d’en
parler en la maniere que Raison en parle. Ainssy les nomme
la sainte escripture par leur propre non et tres proprement;
pareillement les loys en plusseurs lieux; et oultre les secrés
260membres sont necessaires et utiles et proufitables et biaux et
bons. Encor deffent la Bible que homme a qui on les a
coupés n’entre en l’eglise.[65] Et la les nomme elle tres proprement,
ne je ne croy pas que Jhesu Crist eust membre qu’on ne
pouist nommer honnestement. Toy et tes complices aussy
265les nommés par leur seur non, lesquelz seur nons, par ce que
les propres nons sunt communs a diuerses choses, furent
trouués pour plus specifier ycelles. Et si ne parle pas Raison
de l’euure en laquelle est pollucion, mais nomme les membres
ad ce: et autres choses deputés, non pour tant ce ses nons
270desplaisent [fol. 187 b] a aucuns: ne desplaisent il a chascun.
Je dis cecy pour ce que dame Eloquance dit “tant soient
deshonnestes les parolles au jugement de toutes gens.” N’il
ne faut ja dire que bonne coustume defent d’en parler proprement.
Se la coustume est bonne ou mauuaise, je me tais.
275Mais dire que fammes n’ont pas a coustume d’en parler ainsy
plainnement, dame Eloquance n’en aura pas les gans. Car ou
chapitre de Raison est dit:
“Se fammes nes nomment en France.
Ce n’est fors desacoustumance.”[66]
280et dit “en France” notablement[67] pour ce que son liure est en
franssois; et si puet estre qu’ailleurs qu’an France fammes
les nomment proprement. Encor suis ie esbahis de la coustume.
Car fammes nomment bien leurs secrés membres par
leur propre non; ilz ne veulent nommer ceulx des hommes.
285Si ne voy je pas qu’il soient plus honnestes que ceulx des
hommes. VOIRE mais, ce dit dame Eloquance, il garda mal
les regles de rethorique, car il deust auoir resgardé a qui
Raison parloit;—c’elle eust parlé a ung lé, clerc, ou theologien,
aucune chose feust. Mais elle parloit a ung fol amoureux,
290qui par telz parolles puet estre esmeu a charnalité, ce que
ne seroit ung grant clerc ou theologien. Et semble par ses
paroles qu’estre clerc, philozophe, ou theologien et fol amoureux,
ne se sueffrent pas ensemble, ains sont incompatibles.
Helas! il en va bien autrement, et est alé et ira. Donc c’est
295dommages, comme de Dauid et Salemon et autres. Aucuns
docteurs meismes dient que Salemon fist les cantiques pour
l’amour de la fille Pharaon, si fust il tenu le plus sage qui fust
deuant luy ne de son tamps. Brief, on y ameneroit plus de
mil exemples de gens qui furent clers et folz amoureux. Car
300il s’antresueffrent auxi bien ensemble qu’estre clerc et cheualereux
comme furent Pompee, Julius Cesar, Cipion, Tulle et
autres. Mais je croy pour ce que cil qui telle plaidoierie a
compilee est clerc, philozophe, et theologien sans estre fol
amoureux, qu’i[l] cuide qu’ausy soit il des autres. Et n’est
305il pas possible que il meismes ou tamps a venir soit fol amoureux?
Par dieu si est; si n’en seroit il ja moins clerc, au moins
au commansement de la fole amour. Aussy ne s’esmeut pas
ung homme a folement amer pour nommer deux ou trois
membres secrés, de par dieu, puis qu’il les fault ainssy nommer.
310Quant Raison les nomme elle presche au fol amoureux
qu’il s’ostast [fol. 187 vo. a] de la fole amour. Et en parlant
de diuerses choses vint a propos de parler des secrés membres.
Vrayement s’il eust tousiours ainsy esté auccupé,
Oyseuse ne luy eust ja ouuert l’uis du Vergier. Encore nonobstant
315qu’il fust desja fol amoureux, le fist Raison esmouuoir
de s’en oster, comme le dieu d’Amours luy reproche.[68] Et que
maistre Jehan de Meung ou chapistre de Raison ne descendi
pas a parler des secrés membres pour affeccion qu’il y eust
d’en parler nuement et baudement, mais pour ce qu’il
320vint a propos et pour monstrer la folie a ceulx qui dient qu’il
n’est licite d’en parler en nul cas par propres nons, appert
par ce que ailleurs, ou il parle de l’euure de nature, ne le
nomme il pas par propre non comme ou chapistre d’Ami et de
la Vielle, esquelz il nomme le “jeu d’amours,”[69] la “besongne
325d’amours,”[70] et “ce tripot:”[71] si ne fault ja dire qu’il garda mal
les regles de rethorique, car il monstre euidement qu’il les
auoit naturelement et par estude. J’ose dire que qui le dit[72]
et entent, il entendra auec maistre Jehan de Meung, ne deuoir
autremant parler qu’il parla. Et quant dame Eloquance dit
330qu’il atribue a nature parler de dieu, je dy qu’elle le puet et
doit faire. Et que la chamberiere peut bien parler a son
maistre; et pareillement Saint Augustin (ou liure de seul parlers,
la ou il fait l’ame deuote demander a la terre et aux
autres elemans, c’ilz estoient son dieu et qu’il respondent que
335non, et qu’elle la quiere plus hault) dit aprés que les responces
de choses sont la testacion de dieu.[73] Aussy veult monstrer
Meung qu’il estoit naturel et crestien en parlant de nature, et
sy estoit poete comme j’ay dit, pourquoy li [p]laissoit de tout
parler par ficcion. VOIRE-MAIS, FAIT DAME ELOQUANCE:
340“Ce fol amoureux fait dire a Raison ce que par
auant Cupido deffent et puis fait une meniere de se reprandre.”
“O! dya, fait elle, ce ne fu pas ung meisme aucteur, mais cil
sur le commensement duquel cestuy Meung edifia son ouuraige:
les fondemans estoient bons et nes et cestuy y fist ung
345fo[r]millon de fange.”
CERTES VESCY TROP BIEN DIT! a quel fin est ce,
je luy pry, que Cupido baille du bouton [fol. 187 vo. b] c’est a
dire, qu’il amengne a execucion fole amoureusse? Et veuci
trop contradiccion, qu’il blasme Raison qui chastie l’Amant
350d’estre fol amoureux, et loue Cupido qui ensaingne comment
on en venra a chief. MAIS TU NE PEUS TAIRE, se dis
tu de ce que Raison dit, que en la guerre amoureuse, mieulx
vault decepuoir que deceus estre[74]; et argues donc, s’ensuit il,
que tous deux sont bons, qui ne puet estre par mon serment.
355Se tu te fusses deportee d’escripre cest argument ce fust ton
honneur, il n’est pas a mettre en escript; nom, c’est pour les
enfans d’escole enpennee et defant d’autres, quant ilz sont
plusseurs, a arguer sur une mesme proposicion. Et ne dit pas
Jhesucrist que mieux fust a Judas s’il n’eust onques esté,
360qu’auoir [fait] trahison [a son] maistre? Il s’en suyroit par
ton argument que tous deux fussent bons. L’en ne doit pas
prendre ainssy les mos a la letre, mais selons les mos precedans
et l’entendement de l’aucteur. Le ver sans[75] moyen precedant
ces quatre que tu as allegués, est:
365“Mais se sont li moins deceü.”[76]
Je croy que ce n’est pas a dire que bon soit deceuoir.
En oultre je dy qu’il ne vaulroit mieux, c’est a dire, qu’il me
greu[er]oit moins faire samblant de toy amer pour moy aasier
de ton corps qu’il ne feroit pour celle meisme fin que j’en
370fuisse fol amoureux pour quoy j’en perdisse mon estude, sans,
tamps, chastel, corps, ame, los, comme dit est[77]. Car tous les
maux qui s’ensuiuent par le premier cas s’ensuyent par le
second, mais non pas tous ceulx qui s’ensuiuent par le second
s’ensuyent par le premier. Toutevoies tien je que ces quatre
375vers: “car adés vault il mieux, biau mestre,” etc. et aucuns
autres sont adioustés; donc ceux qui ce sont m’esprannent
trop. Car je ne voy pas c’on y peust adiouster n’y oster sans
empirer.
OR ALONS OULTRE. Quelle deshonnesteté a il, se dit
380dame Eloquence et toy aussy, en ce chapistre de Vielle, qu’i
peut on noter fors toute laidure, et pareillement, ou chapistre
de Jalousie, et voulroies [fol. 188 a] bien auoir trouué qui te
peust soulre par quoy ton entendement fust rasadiés! A
quoy peuent estre proufitables tant de parolles deshonnestes,
385qui en ce liure sont? Mais, sais tu, je ne condampne pas
l’aucteur en toutes pars dudit liure, comme se tu voulsisses
dire que tu le condampnes en ce en quoy tu le reprens, et te
fais juge aprés ce que tu as parlé par oppinion ou par
presumpcion oultrageuse. O tres fole oultrecuidance! O parolle
390trop tost yssue et sans auis de bouche de famme, qui condampne
homme de si hault entendement, de si feruant estude,
qui, a si grant labeur et meme deliberacion, a fait si tres noble
liure comme celluy de la Rose, qui passe aussy tous autres qui
oncques fussent en langage ou il escript son liure, duquel, quant
395tu l’aras leu cent fois, se tu entens la greigneur partie, tu
n’employeras onques mieulx temps ne ton entendement. Vrayement
celuy qui a compillee la plaidoierie dame Eloquance, a
esté plus prenant et gracieux que tu n’as. Car il dit a la fin
du plaidoyé qu’il n’oÿ point de sentence rendre. Mais quoy!
400selonc ce que dit Terence: veritey engendra hayne, et flaterie,
amis;[78] je me doubte pour ce qu’il dit verité que tu le vuelles
mordre. Mais je te conseille que tu gardes tes dens. Je
respons a dame Eloquance et a toy par ung meisme moyen, et
dy que maistre Jehan de Meung en son liure introduisy
405personnaiges, et fait chascun personnaige parler selonc qui luy
appartient, c’est assauoir, le Jaloux comme Jaloux, la Vielle
comme la Vielle, et pareillement des autres. Et est trop mal
pris de dire que l’aucteur tiengne les maulx estre en famme
que le Jalous, en faisant personnaige, propose;—non fait,
410certes, mais il recite ce que tous les jours ung jaloux dit de
toutes fammes pour monstrer et corrigier la tresgrant
desraisonnableté et passion desordenee, qui est en homme jaloux.
Et la cause pourquoy ung jaloux dit, c’est a dire, que le muer
[read muet] a dire tant de maulx de toutes fammes, et non pas
415seulement de la sienne, c’est a mon auis que regulierement
ung chascun homme marié, auant qu’il soit jaloux, cuide
auoir la milleur [fol. 188 b] famme, ou au moins auxi bonne
comme il en soit point, et vient ceste cuidance, comme je
tieng, partie pour l’amour qu’il a a elle—et chose amee n’est
420pas de legier mescrue, laquelle amour vient pour ce que la
famme est sienne, et nos choses nous samblent plus belles et
meilleurs que les estranges—partie aussy pour ce que famme
en la presence de son mary se maintient le plus bel et simplement
qu’elle peut; supposé c’en son[79] absence elle se tiengne
425baudement, et pour ce, comme dit Saint Jherome en une
sienne epistre, ung chascun seut sauoir le darrenier les maulx
de son ostel.[80] Je croy bien qu’il y a d’autres raisons assés.
Mais toutevoyes quelque raison qu’il y ait, experience monstre
ce que j’ay deuant dit, c’est assauoir, que l’omme auant qu’il
430soit jaloux, [croit] sa famme la meilleur ou auxi bonne comme
il en soit point, mesmement quant a chasteté, et c’est bien fait
d’ainsy cuidier en marraige parmy la moderacion terencienne,[81]
c’est assauoir sans riens trop, car autrement n’y auroit paix
entre gens mariés, et fut le moyen par quoy Aspasia mist
435accort entre Xenophon et sa famme, comme recite Tuelle en
sa rethorique.[82] Pour ce donc, quant jalousie surmeut a ung
mary et souspessonne mal en celle qu’il tenoit parauant pour
si bonne que maleur n’y suppose qu’elle n’y ait coulpe comme
il auient bien souuent, mannuement celle furent [read fureur]
440et passion desordenee de jalousie, qui propremant est appellee
mal felon ... dit il que toutes sont teles. Et c’est ce que dit
Aristote en sa rethorique[83] que qui a ung mauuais voisin, il
cuide que tous les autres soient telz. Ung cheualier a renon
d’estre le plus fort, le plus appert, le plus hardy, et le mieux
445auisé en armes d’ung royaume, et pour tel le tiengne chascun;
et il vient cheualier estrangier, qui le desconfesse cheualereusement;
on tenroit qu’il n’est autre cheualier d’icelluy royaume
que l’estrangier n’eust desconfit. Et pareillement juge ung
jaloux sur toutes fammes quant il tient la sienne pour abatue—
450en especial ceulx qui plus ont cuidé et tenu leurs fammes
bonnes et chastes, auant que jalousie y suruenist. Or aux
similitudes dame Eloquance. Se ung se nomme aduersaries
du [fol. 188 vo. a] Roy de France, ce dit dame Eloquance, et
soubz ce nom il li fait guerre; se en la personne d’ung sarrazin
455ung homme seme erreurs en la foy, en sera il excusé? Et
d’autres pareilles, qui tant soit pou ne sont a propos. Je li
demande pourtant, se Saluste recite la coniuracion de Catiline
encontre la chose publique de Ronme, en est il pour ce coulpable?
Pourtant, se Aristote recite les oppinions des anciens
460philozophes contenant erreurs en philozophie, est il semeur
d’erreurs en icelle? Pourtant, se la sainte escripture recite les
abominnables pechés de Soudome et Gomorre, enorte elle
yceulx ensuir? Quant tu vas au sermon, n’ois tu pas aux
prescheurs respondre[84] les vices que tous les jours font hommes
465et fammes, affin qu’ilz aillent le droit chemin? En bonne
foy, damoiselle, si fait; on doit rementeuoir le pié de quoy on
cloche pour plus droit aler. HA! DAME CHASTETÉ, est ce
le louyer que vous voulés rendre a maistre Jehan de Meung,
qui tant vous a prisee et toutes autres vertus et blasmés tous
470vices comme entendement humain le puet concepuoir? Voire,
comme entendement humain le puet concepuoir, non [read
n’en] vous soubzriés[85] ja. Je dy que qui bien lit se liure, et
souuent pour le mieux entendre, il y trouuera ensaignemans
pour fouir tous vices et ensuir toutes vertus. Et ne dit il pas
475en chapistre du Jaloux que:
“Nul qui viue chastement
Ne peut venir a dampnement?”[86]
Et ou chapistre de Raison:
“Celuy, qui va de ly querant,
480Sces tu qu’il se fait? Il se rent,
Commes serfs et chetif et nices
Du prince de trestous les vices;
Et que c’est de tous maulx la racine,
Si comme Tulle le determine.”[87]
485“Jeunesce met hommes es folies,
Es bobans, et es ribaudises,
Es luxures et es oultraiges.”[88]
Et pour plus blasmer vices dit que li mauuais ne sont pas
homme. Et, ou chapistre du Jaloux, dit que tous les vices
490firent faillir [sic] poureté d’enfer pour venir en terre.[89] Et de
Honte dit qu’elle refrene et dompte.[90] Encor parle il plus
contre les hommes que contre les fammes. Ne reprant il, ou
chapistre de Nature, vint et six vices dont hommes est enthechiés?
Et en tant d’autres lieux, que je trespasse, que
495c’est sans nombre. Ou chapistre de Nature [dit] que clers
abandonnés a vices doiuent estre plus pugnis que gens lais et
simples,[91] et que gentillesce gist en vertus; entre lesquelz
vertus, il met dames honnorer et damoiselles.[92]
Par dieu [fol. 188 vo. b] ce n’est pas blasme[r] tout le
500sexe femenin. Je dy cecy contre ton excusacion mise es
darreniers mos de ton epistre. Saint Ambroise, en ung sien
sermon, (le) blasme plus le sexe femenin, car il dit que c’est
ung sexe usagié a deceuoir. Vraiement aussy fais tu;—tu
blasmes plus que Meung, quant tu dis que s’on lisoit le liure
505de la Rose deuant les roynes, princesses et autres grans dames,
ilz leur conuenroit couurir leur face de honte rougie. Car
pourquoy rougiront ilz?[93] Il samble qu’ilz se sentiroyent
coulpables des vices que le Jaloux recite de famme. N’IL NE
BLASME pas religion, comme luy met sus dame Eloquance.
510Il est bien vray qu’il dit que ypocrisie
trahist mainte region Par habit de religion:[94]
il ne dit pas par religion, mais par l’abbit de religion. Car
comme il dit:
“Qui de la toison dam Belin,
515En lieu de mantel sebelin,
Sire Ysangrin affubleroit”[95] etc.
Et c’est ce que dame Eloquance et toy aués dit par autres mos,
c’est assauoir, de mesler miel auec venin pour plus nuyre.
Et quant dame Eloquance dit qu’il dit que jeunes gens ne
520sont point estallés en religion, je dy que quant ung jeune
homme entre en religion par jeunesce et non pas par deuocion,
qu’il n’est pas fermes en icelle. Et c’est ce que dit maistre
Jehan de Meung ou chapistre de la Vielle; et veés cy les
propres parolles:
525“Aussy vous dy [je] que li hom,
Quant il entre en religion
Et vient aprés qu’il s’en repent,
Par pou que de deuil ne se pent.”[96]
Et ainsy appert qui presuppose qu’i parle d’ome qui se repent
530d’estre entré en religion, comme il auient souuent. Lors dit
il aprés que:
“Ja si gran solers n’aura
Ne ja si faire ne saura
Grant chaperon, ne grant aulmuce,
535Que nature ou cuer ne se muce”[97]
etc. Et ung pou aprés dit:
“Ainssy est il, biaux filz, par m’ame
De tout homme et de toute famme
Quant a naturel apetit,”[98]
540etc. Il est certaing que naturel apetit d’omme n’est pas de
soy obligier a ne mengier jamais de char, ou estre chaste ou
poure toute sa vie, ou soy tenir [fol. 189 a] tousjours a une
famme, ne pareillement d’une famme a se tenir tousiours a
ung homme, comme propose mesmes dame Eloquance.
545Nostre fragilité est encline aux vices. Veult elle pour ce
louer les vices? Nannil. Aussy, se maistre Jehan de Meung
dit que naturel appetit n’est pas a religion mais au contraire,
ne vuelt il pas par ce blasmer religion et louer son contraire?
MAIS TU ME DIRAS a cecy, que je recite les bonnes paroles
550et non les mauuaises, lesquelles esmeuent a lubricité et
ensaingnent a prendre le chastel Jalousie. Et dame Eloquance
dit qu’il veult bouter hors de chasteté[99] toutes fammes. Je
respons et te dy qu’en toutes manieres de guerre c’est plus
grant auentaige d’estre deffendeur qu’asaillant, mais c’on en
555soit par auant auisé. Et presupposé, se Jalousie a fait faire
ung fort chastel et y a mis bonnes gardes pour le garder, et ce
chastel a esté pris par une certaingne maniere d’assault, se
maistre Jehan de Meung a escripte la maniere comment il fu
pris, ne fait il plus grant auentaige aux gardes du chastel de
560leur auoir enseingné par ou il fu pris, pour eulx en garder
dorenauent pour estouper le trou par ou ce fu, ou y mettre
meilleurs gardes qu’il ne fait a ceulx qui le vouldroient
assaillir? Par dieu, si fait! presupposey ce que j’ay dit auant,
que c’est auantaige que d’estre deffendeur et meismement
565qu’il escript la maniere du prendre en langaige commun a
hommes et fammes, jeunes et vielz, c’est assauoir, en franssois.
OUIDE, quant il escript l’Art d’Amours, il escript en
latin lequel n’entendent fammes; et ne le bailla qu’aux assaillans
pour aprandre a asaillir le chastel—c’estoit la fin de
570son liure sans parler par personnaiges. Mais il, comme Ouide,
bailla tous ses ansaingnemans. Pour ce, moyennant la tres
enorme jalousie des maris Rommains, fut il exillié—que ay je
dit moiennant—certainnement ce fu commensement, moyen,
et fin pourquoy il fu exillié, si le fu que la [fol. 189 b]
580Jalousie tresenorme et felonne des maris Rommains....
Comme, j’ay oy dire a ceulx qui ont esté par pays, la
femme du moins jaloux du pays d’Ytalie et de Rommenie est
plus estroit tenue que la famme du plus jaloux de France. Et
pour ce, s’Ouide fu exillié par jalousie, ce fust[100] comme ung
585homme pour escripre contre la foy. Si se rapelle ne sera point
exillié, mais son liure sera ars. Et le liure pour lequel Ouide
fu exillié dure, dura, et a duré en toute crestienté. Et si se
rappella aussy Ouide en faisant le liure de Remede d’Amours.
Vraiement je n’entens point comment cest exillement se
590soustiengne par raison. Je dy que si un liure est cause
d’exillier son aucteur, le liure doit estre premierement exillié.
Mais a propos de ce que dit dame Eloquance theologienne,
qu’un vin qui ne nuyra a ung sain, fera fors du sens ung qui
tremblera fieures. Pareillement di je qu’un regart fait par
595la fourme[101] ou la famme d’ung Rommain ou Ytalyen donra
occasion au mary, comme j’ay oy dire, de l’empoisonner et
ainssy le murdrier mauuaisement, la ou ung baisier en
France ne donroit pas occasion de tenser sa famme ou au
mains la ferir. Si ne fault ja dire que maistre Jehan de
600Meung ne mist pas tant seulement en son liure l’Art d’Amours
que Ouide fist, mais de biaucop d’autres aucteurs, car, de tant
comme il recite diuerses manieres d’assaillir, de tant aduise il
plus les garder du chastel pour eulx en deffendre, et a celle
fin le fist il. En verité, je cognois homme fol amoureux
605lequel pour soy oster de fole amour a emprunté de moy le
Rommant de la Rose, et luy ay oy jurer par sa foy que c’est la
chose qui plus li a aidié a s’en oster. Je di cecy pour ce que
tu quiers: “Quans en sont deuenus hermites ou entrés en
religion?” et “qui print grant paine pour noyant?”
610ENCORE QUI PLUS EST. La Vielle que dame Eloquance
et toy blasmés tant, auant qu’elle presche a Bel
Aqueil, dit en protestant:
“Je vous dy bien auant le cop
Ne vous vueil pas en amour mettre
620[fol. 189 vo. a] Mais soubz[102] en voulés entremettre,
Je vous mostreray voulantiers
Et les chemins et les santiers
Par ou je deusse estre allee,”[103]
etc. Et aprés dit expressement a Bell Aqueil, que ce qu’elle
625luy presche c’est affin qu’il n’y soit deceus:[104]
“Et qu’il est fol[105] certainnement
Qui pour jurer croit nul amant;”[106]
et s’il y a paroles qui samblent plus baudes ou plus diffamans
le sexe feminin, il recite les aucteurs qui dient ycelles, car,
630comme il dit, il n’y fait riens fors reciter, si me semble c’on
deust premierement blasmer les aucteurs que les reciteurs
d’iceulx comme j’ay desja dit. Mais tu me diras: pourquoy
les recitet il? Je di qu’il le faisoit pour plus ansaingnier les
portiers et a garder mieulx le chastel, et aussy qu’i[107] sont a
635propos, car son propos fu de poursuir la matiere commensee
et touchee par Guillaume de Lorris, et en ce faisant parler
de toutes choses selonc leur estat au proufit de creature humaine,
tant a l’ame comme au corps. Pour ce parle il de
Paradis et des vertus pour les suir, et des vices pour les fouir.
640Et de tant comme il parle de vices et de vertus d’enfer et
paradis pres a pres l’ung de l’autre, monstre il plus la beauté
des uns et la laidure des autres. Et ce qu’il dit ou chapistre
de Jalousie et de la Vielle et en autres lieux touchans le fait
d’amours, il le fist en poursuyant l’euure commencee par
645Guillaume de Lorris. Ne Genius ne permet pas paradis aux
folz amoureulx, comme li met sus dame Eloquance, car il
parle de ceulx qui exercitent bonnement les œuures de nature.
Ce n’est pas tout ung, exerciter les euures de nature bonnement
et estre fol amoureulx; ne Nature ne Genius n’enortent pas
650c’on soit fol amoureux, mais ilz enortent suyure les euures de
nature, lesquelz sont licites aux fins auxquelz ilz les enortent
d’exerciter, c’est assauoir, pour continuer l’espesse humaine,
et pour delaisser l’euure contraire a nature, qui est abhominnable
a plus exprimer. Et combien que je n’ose ne vueil dire
655que exercer l’euure de nature a ses deux fins dessusdictes, tant
seulement hors de marraige, ne soit pas pechié, toutevois
[fol. 189 vo. b] ose je dire qu’il est permis icelle exercer a ses
deux fins en l’estat de marraige, et c’est ce que dit maistre
Jehan de Meung ou chapistre de la Vielle. Pour ce fist on les
660mariaiges
Par les conseilz des hommes saiges,[108]
* * * * * * * * * * * * * * * * * * *
Pour oster dissolucions
Et contemps et occisions,
Et pour aidier les norretures,
665Dont il ont ensemble les cures.[109]
Par dieu ce n’est pas blasmer mariaige, di ie, qu’il fut ordenés
par sages gens, mais je te diray que Saint Augustin en dit en
son liure des confessions: “bonne chose est a homme ne
toucher famme,” et “qui est sans famme espousee, il panse
670aux choses qui sont de dieu pour luy plaire, mais cil qui est
joint par marraige panse les choses qui sont du monde pour
plaire a sa famme.”[110] Je te ramentoy cecy et a ceulx qui voullent
aprandre et corrigier par leur langaige sans raison aucteur,
lequel soit notable et non repris parauant, combien qu’il puet
675estre qu’il saiche mieulx que le ramenteueur. Mais il n’est si
mauuais sourt que cil qui ne vuelt oyr. IL SAMBLE DONQUES
que se l’euure de nature est licite an aucun cas, qu’elle
n’est pas mauuaise de soy, mais par aucun consequant; se
Genius ammonneste a suyre les euures de nature meismemant
680a ces deux fins que j’ay dites, et qu’il est licite a les exerciter
au moins par mariaige en permettant paradis a ceulx qui les
suyront bonnemant, mais qu’ilz se gardent bien des vices.
Car ce sont ses propres mos; je n’y voy point de mesprison.
ET POUR CE que chascun n’a pas leu le liure de la Rose, je
685reciteray ycy les propres mos de Genius, et me soit pardonné
se je suis trop prolix en recitant ores et autresffois les propres
mos du liure. Deux causes le me font faire, l’une ci est affin
c’on ne cuide que je die chose qui ne soit ou liure, pour ce que
mains [fol. 190 a] sont qui ne le lisent point, comme j’ay dit.
690L’autre raison est que je ne pouroye en prose aussi briefment
reciter une chose, comme maistre Jehan de Meung la dit en
rime leonine. Veés cy doncques les mos de Genius:
“Et qui de bien amer se painne
Sans nulle pensee villainne
695Et qui loyaulment s’i trauaille
Floris en paradis s’en aille;
Mais qu’il se face bien confes,
J’en praing sur moy trestout son fes
De tel pouoir comme jel puis prendre.”[111]
700Et pour recapituler son sermon dit:
“Pansés de nature honorer,
Serués la (bien) par bien labourer.[112]
* * * * * * * * * * * * * * * * *
Et se de l’autruy riens aués
Rendés le, se vous le saués
705Et se vous rendre ne poués
Les biens despendus ou joués,
Aiés en bonne voulenté
Quant des biens aurés a planté.
D’occision nul ne s’aprouche,
710Nettes aiés les mains et bouche,
Soyés loyal, soiés piteux,
Lors yras ou champ delicteux
Par trace l’aignelet suyant”[113]
et cetera. C’est en brief la recapitulacion de tout le sermon
715Genius et son entencion des choses qu’il a deuant dictes. Et
puis que c’est son entencion, quant tu l’as leu tout au long et
ceulx qui le reprennent, que n’y prenés vous garde? Si ne me
puis assés esmerueiller comme personne l’ose blasmer—je ne
dy pas seulement li, mais ceulx qui prisent et aiment son liure
720de la Rose. Quant a moy, en bonne verité je desire plus estre
des blasmés et repris por protisier [read prisier?] et amer le
liure de la Rose, que je ne fais estre soubtilz blasmeurs et
repreneurs d’icelluy. Et sachent tuit cil qui le reprennent,
qu’il reste encore ung mille, que ne ploienent [read ploieront]
725onques le genoul deuant Baal, qui sont tous prests de le deffendre.
S’il eust esté du tamps d’entre vous qui le blasmés, je
deisse que vous eussiés hayne particulere a sa personne, mais
vous ne le veïstes onques. Si ne puis ymaginer dont
ce vient, si non pour la tres eleuee haultesse du liure,
730plus hable a recepuoir les vens de souffles enuieux.
Ta ygnorance n’en est point cause en telz y a; celle
ne venoit [fol. 190 b] toutevoies par pou lire le dit
liure de la Rose; ou, par auenture, faignés vous blasmer
le dit liure pour cause de l’essaucer par esmouuoir les escoutans
735les paroles a le lire? Et vous saués bien que qui le lira, il
trouuera le contraire de vos escripts et tous ensaignemans
tres notables, et en ce cas les repreneurs deuroient estre tenus
assés pour excusés. Car la fin et leur entencion seroit bonne,
quelque moyen qu’il y eust. Si te prie, femme de grant engin,
740que tu gardes l’onneur que tu as pour la hautesse de ton
entendement et langaige bien ordené, et que s’on t’a loué pour
ce que tu as tirey d’un voulet pardessus les tours de Nostre
Dame, ne t’essayes pourtant a ferir la lune d’un bouion
pesant; garde que tu ne rassambles le corbel, lequel pour ce
745qu’on loua son chant se prist a chanter plus fort qu’il n’auoit
a coustume et laissa cheoir sa bouchie; et pour toutes solucions
prie a tous et toutes quil (read s’ilz) le veulent reprendre
ou blasmer en quelque part que ce soit qu’i le lisent auant
quatre fois du moins et a loisir pour mieulx l’entendre. Et je
750pren leur lecture bien entendue pour solucion, et c’ilz ne veulent
riens faire, qu’ilz aduisent la fin a laquelle il escript son
liure, et qu’ilz lisent son excusacion sans estre affecté au
contraire, et je ne doubte pas qu’ilz ne le tiengnent pour excusé,
car il n’y fault aultre excusacion ne responce que celle qu’i
755met droitement deuant le commencement de l’assault. Car
la seulement parle il comme aucteur et la comme aucteur dit:
“Que nul ne doit famme despire,
Si n’a cuer des mauvais le pire.”[114]
“Et si fait protestacion
760Que ce n’est pas s’entencion
De parler contre homme vivant,
Sainte religion suiant
Or qui vie usë en bonne euure
De quelque robe qu’il se cueure.”[115]
765Et
Que s’il y a paroles
Trop baudes ou trop foles,
Que ce requeroit sa matiere
Qui vers telz parolles le tire
770par les propretés de soy, et qu’il n’y fait riens fors reciter.
Et generalment dit qu’il ne dist onques riens qui ne fust pour
ensaignement, c’est assauoir, pour ung chascun auoir congnoissance
de luy meismes et d’autres. Et finablement,
[fol. 190 vo. a]
775“Que c’il y a parole
Que sainte esglise tiengne a fole”[116]
qu’il est tout prest de l’amender.
Si m’esbahis par trop, quant il metoit ce los en la bouche
dame Eloquance theologienne, et de tous ceulx de la court de
780sainte crestienté, d’auiser c’il y auoit en son liure que
reprendre, qu’il ont ainssy laissié dormir par l’espasse de cent
ans ou plus; et tant qu’il est maintenant publié par toute
crestienté et, qui plus est, translaté en estranges langaiges.
Mais je croy qu’ilz t’atendoient, toy et les autres qui le veulent
785reprandre. Car je say de vray que par deuant n’a esté
personne qui l’eust seu reprandre. Si sont piessa les quatres
ordres mandiens, entre lesquelz a eu de tres nobles clers,
lesquelz n’auoient pas petite auctorité enuers le pape et les
princes et princesses temporelz et lesquelx il ne flata mie
790grandement. Or resgardés quel prometeur que de Conscience,
qui laisse dormir une cause l’espace de cent ans;—par le corps
dieu! on ne fait point d’onneur a toute celle court sainte de
Crestienté de li mettre asseure telle negligence, et en especial
a dame Eloquance theologienne, qui propose mal son fait
795principal, et emprant mauuaise querelle en la faisant maintenir
et parler par la maniere que les maistres de rethorique
ont baillié en leurs liures, ce qui n’apartient a dame Eloquance
theologienne, comme dit Saint Augustin ou quart de doctrine
crestienne.[117] En bonne foy on li vouloit faire emprandre dure
800prouince a dame Eloquance, si ne li pouoit on trop bailler
d’ayde. Mais je say bien leur responce. Ilz diront qu’ilz n’y
panserent onques. Toutevoyes pri je a toute celle benoite
court qu’ilz pardonnent a celuy qui ce leur a imposé. Car je
say certainnement qu’il tent a bonne fin, c’est assauoir, celle
805meismes a quoy tend maistre Jehan de Meung. Vray est que
je ne le pouroye excuser du tout, qu’i n’y ait mesprenture en
les imputer si negligens et vouloir faire emprandre mauuaise
querelle, mais non pas par malice. Car je tiens que en li n’an
a point, ou si pou comme en homme viuant. Mais par ce tant
810seulement qu’il a pou veu ce noble liure de la Rose, [ne]
cointement ce qu’il en a veu. Veulliés luy donques pardonner,
vous, dame Justice [fol. 190 vo. b] canonique, Raison, Eloquance,
Conscience, et les autres barons de la court sainte
Crestienté et luy commender, en penitance de ce forfait, que
815il lise tout au lonc et au ley, et a loisir, ce tres noble liure de la
Rose, trois fois en l’onneur de celle benoite Trinitey en unité,
laquelle nous ottroit a tous toison si blanche que nous puissiens,
auec le dit de Meung, brouter de[s] herbes qui sont ou
parc a l’aignelet saillant. Amen.
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