Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
Gap, le 6 mars 1815.
Aux habitans des départements des Hautes et Basses-Alpes.
Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'empire, empereur des Français, etc., etc., etc.
Citoyens,
J'ai été vivement touché de tous les sentimens que vous m'avez montrés; vos voeux seront exaucés; la cause de la nation triomphera encore! Vous avez raison de m'appeler votre père; je ne vis que pour l'honneur et le bonheur de la France. Mon retour dissipe toutes vos inquiétudes; il garantit la conservation de toutes les propriétés; l'égalité entre toutes les classes, et les droits dont vous jouissiez depuis vingt-cinq ans, et après lesquels nos pères ont tous soupiré, forment aujourd'hui une partie de votre existence.
Dans toutes les circonstances où je pourrai me trouver, je me rappellerai toujours avec un vif intérêt tout ce que j'ai vu en traversant votre pays.
NAPOLÉON.
Grenoble, 9 mars 1815.
Aux habitans du département de l'Isère.
Citoyens,
Lorsque, dans mon exil, j'appris tous les malheurs qui pesaient sur la nation, que tous les droits du peuple étaient méconnus, et qu'il me reprochait le repos dans lequel je vivais, je ne perdis pas un moment. Je m'embarquai sur un frêle navire; je traversai les mers au milieu des vaisseaux de guerre de différentes nations; je débarquai sur le sol de la patrie, et je n'eus en vue que d'arriver avec la rapidité de l'aigle dans cette bonne ville de Grenoble, dont le patriotisme et l'attachement à ma personne m'étaient particulièrement connus.
Dauphinois, vous avez rempli mon attente.
J'ai supporté, non sans déchirement de coeur, mais sans abattement, les malheurs auxquels j'ai été en proie il y a un an; le spectacle que m'a offert le peuple sur mon passage, m'a vivement ému. Si quelques nuages avaient pu arrêter la grande opinion que j'avais du peuple français, ce que j'ai vu m'a convaincu qu'il était toujours digne de ce nom de grand peuple, dont je le saluai il y a plus de vingt ans.
Dauphinois! sur le point de quitter vos contrées pour me rendre dans ma bonne ville de Lyon, j'ai senti le besoin de vous exprimer toute l'estime que m'ont inspirée vos sentimens élevés. Mon coeur est tout plein des émotions que vous y avez fait naître; j'en conserverai toujours le souvenir.
NAPOLÉON.
Lyon, 13 mars 1815.
Aux habitans de la ville de Lyon.
Lyonnais!
Au moment de quitter votre ville pour me rendre dans ma capitale, j'éprouve le besoin de vous faire connaître les sentimens que vous m'avez inspirés. Vous avez toujours été au premier rang dans mon affection. Sur le trône ou dans l'exil, vous m'avez toujours montré les mêmes sentimens. Ce caractère élevé qui vous distingue spécialement vous a mérité toute mon estime. Dans des momens plus tranquilles, je reviendrai pour m'occuper de vos besoins et de la prospérité de vos manufactures et de votre ville.
NAPOLÉON.
Lyon, 13 mars 1815.
Décret.
Napoléon, etc., etc., etc.
Considérant que la chambre des pairs est composée en partie de personnes qui ont porté les armes contre la France, et qui ont intérêt au rétablissement des droits féodaux, à la destruction de l'égalité entre les différentes classes, à l'annullation des ventes des domaines nationaux, et enfin à priver le peuple des droits qu'il a acquis par vingt-cinq ans de combats contre les ennemis de la gloire nationale;
Considérant que les pouvoirs des députés au corps législatif étaient expirés, et que dès-lors, la chambre des communes n'a plus aucun caractère national; qu'une partie de cette chambre s'est rendue indigne de la confiance de la nation, en adhérant au rétablissement de la noblesse féodale, abolie par les constitutions acceptées par le peuple, en faisant payer par la France des dettes contractées à l'étranger pour tramer des coalitions et soudoyer des armées contre le peuple français; en donnant aux Bourbons le titre de roi légitime, ce qui était déclarer rebelles le peuple français et les armées, proclamer seuls bons Français les émigrés qui ont déchiré, pendant vingt-cinq ans, le sein de la patrie, et violé tous les droits du peuple en consacrant le principe que la nation était faite pour le trône, et non le trône pour la nation.
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:
Art. 1er. La chambre des pairs est dissoute.
2. La chambre des communes est dissoute; il est ordonné à chacun des membres convoqué, et arrivé à Paris depuis le 7 mars dernier, de retourner sans délai dans son domicile.
3. Les collèges électoraux des départemens de l'empire seront réunis à Paris, dans le courant du mois de mai prochain, en Assemblée extraordinaire du Champ-de-Mai, afin de prendre les mesures convenables pour corriger et modifier nos constitutions selon l'intérêt et la volonté de la Nation, et en même temps pour assister au couronnement de l'impératrice, notre très-chère et bien-aimée épouse, et à celui de notre cher et bien-aimé fils.
4. Notre grand-maréchal, faisant fonctions de major-général de la grande armée, est chargé de prendre les mesures nécessaires pour la publication du présent décret.
NAPOLÉON.
Paris, 26 mars 1815.
Réponse de Napoléon à une adresse de ses ministres.
Les sentimens que vous m'exprimez sont les miens. Tout à la nation et tout pour la France! voilà ma devise.
Moi et ma famille, que ce grand peuple a élevés sur le trône des Français, et qu'il y a maintenus malgré les vicissitudes et les tempêtes politiques, nous ne voulons, nous ne devons, et nous ne pouvons jamais réclamer d'autres titres.
Réponse de Napoléon à une adresse du conseil d'état.
Les princes sont les premiers citoyens de l'état. Leur autorité est plus ou moins étendue, selon l'intérêt des nations qu'ils gouvernent. La souveraineté elle-même n'est héréditaire que parce que l'intérêt des peuples l'exige. Hors de ces principes, je ne connais pas de légitimité.
J'ai renoncé aux idées du grand empire, dont depuis quinze ans je n'avais encore que posé les bases. Désormais le bonheur et la consolidation de l'empire français seront l'objet de toutes mes pensées.
Réponse de Napoléon à une adresse de la cour de cassation.
Dans les premiers âges de la monarchie française, des peuplades guerrières s'emparèrent des Gaules. La souveraineté, sans doute, ne fut pas organisée dans l'intérêt des Gaulois, qui furent esclaves ou n'eurent aucuns droits politiques; mais elle le fut dans l'intérêt de la peuplade conquérante. Il n'a donc jamais été vrai de dire, dans aucune période de l'histoire, dans aucune nation, même en Orient, que les peuples existassent pour les rois; partout il a été consacré que les rois n'existaient que pour les peuples. Une dynastie, créée dans les circonstances qui ont créé tant de nouveaux intérêts, ayant intérêt au maintien de tous les droits et de toutes les propriétés, peut seule être naturelle et légitime, et avoir la confiance et la force, ces deux premiers caractères de tout gouvernement.
Réponse de Napoléon à une adresse de la cour des comptes.
Ce qui distingue spécialement le trône impérial, c'est qu'il est élevé par la nation, qu'il est par conséquent naturel, et qu'il garantit tous les intérêts: c'est là le vrai caractère de la légitimité. L'intérêt impérial est de consolider tout ce qui existe et tout ce qui a été fait en France dans vingt-cinq années de révolution; il comprend tous les intérêts, et surtout l'intérêt de la gloire et de la nation, qui n'est pas le moindre de tous.
Réponse de Napoléon à une adresse de la cour impériale de Paris.
Tout ce qui est revenu avec les armées étrangères, tout ce qui a été fait sans consulter la nation est nul. Les cours de Grenoble et de Lyon, et tous les tribunaux de l'ordre judiciaire que j'ai rencontrés, lorsque le succès des événemens était encore incertain, m'ont montré que ces principes étaient gravés dans le coeur de tous les Français.
Réponse de Napoléon à une adresse du conseil municipal de la ville de Paris.
J'agrée les sentimens de ma bonne ville de Paris. J'ai mis du prix à entrer dans ces murs à l'époque anniversaire du jour où, il y a quatre ans, tout le peuple de cette capitale me donna des témoignages si touchans de l'intérêt qu'il portait aux affections qui sont le plus près de mon coeur. J'ai dû pour cela devancer mon armée, et venir seul me confier à cette garde nationale que j'ai créée, et qui a si parfaitement atteint le but de sa création. J'ambitionne de m'en conserver à moi-même le commandement. J'ai ordonné la cessation des grands travaux de Versailles, dans l'intention de faire tout ce que les circonstances permettront pour achever les établissemens commencés à Paris, qui doit être constamment le lieu de ma demeure et la capitale de l'empire; dans des temps plus tranquilles, j'achèverai Versailles, ce beau monument des arts, mais devenu aujourd'hui un objet accessoire. Remerciez en mon nom le peuple de Paris de tous les témoignages d'affection qu'il me donne.
Au palais des Tuileries, le 25 mars 1815.
Décrets impériaux.
Napoléon, empereur des Français, etc., etc., etc.
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:
Art. 1er. Les biens rendus aux émigrés par le dernier gouvernement depuis le 1er avril 1814, et qu'ils auraient aliénés en forme légale et authentique avant nos décrets du 13 du présent mois, ne sont pas compris dans les mesures de séquestres ordonnées par lesdits décrets, sauf aux agens de l'enregistrement à poursuivre, sur les tiers-acquéreurs, le paiement de ce qui pourra être dû sur le prix des aliénations.
2. Si quelques-unes de ces aliénations, bien qu'antérieures à nos décrets du 13 mars présent mois, portaient le caractère de la fraude et de la simulation, la régie de l'enregistrement devra en poursuivre l'annulation devant les tribunaux ordinaires, après avoir rassemblé tous les documens propres à établir la fraude.
3. Les ventes faites par les émigrés désignés aux articles précédens, depuis nos décrets du 13 mars, sont déclarées nulles, sauf aux acquéreurs à prouver devant nos tribunaux qu'elles ont été faites de bonne foi.
4. Les biens que des émigrés rentrés avec la famille des Bourbons auraient acquis depuis le 1er avril 1814 ne seront point soumis au séquestre. Néanmoins, lesdit émigrés seront tenus de vendre, ou mettre hors de leurs mains ces biens, dans le délai de deux ans.
5. Nos décrets du 13 mars, présent mois, seront exécutés dans le surplus de leurs dispositions non contraires aux présentes.
Au palais des Tuileries, le 11 avril 1815.
Au général Grouchy.
«Monsieur le comte Grouchy, l'ordonnance du roi en date du 6 mars, et la déclaration signée le 13 à Vienne par ses ministres, pouvaient m'autoriser à traiter le duc d'Angoulême comme cette ordonnance et cette déclaration voulaient qu'on traitât moi et ma famille; mais constant dans les dispositions qui m'avaient porté à ordonner que les membres de la famille des Bourbons pussent sortir librement de France, mon intention est que vous donniez les ordres pour que le duc d'Angoulême soit conduit à Cette, où il sera embarqué, et que vous veilliez à sa sûreté et à écarter de lui tout mauvais traitement. Vous aurez soin seulement de retirer les fonds qui ont été enlevés des caisses publiques, et de demander au duc d'Angoulême qu'il s'oblige à la restitution des diamans de la couronne qui sont la propriété de la nation. Vous lui ferez connaître en même temps les dispositions des lois des assemblées nationales, qui ont été renouvelées, et qui s'appliquent aux membres de la famille des Bourbons qui entreraient sur le territoire français. Vous remercierez en mon nom les gardes nationales du patriotisme et du zèle qu'elles ont fait éclater et de l'attachement qu'elles m'ont montré dans ces circonstances importantes.»
NAPOLÉON.
Paris, le 22 avril 1815.
Acte additionnel aux constitutions de l'empire.
Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, à tous présens et à venir, salut.
Depuis que nous avons été appelés, il y a quinze années, par le voeu de la France, au gouvernement de l'état, nous avons cherché á perfectionner, à diverses époques, les formes constitutionnelles, suivant les besoins et les désirs de la nation, et en profitant des leçons de l'expérience. Les constitutions de l'empire se sont ainsi formées d'une série d'actes qui ont été revêtus de l'acceptation du peuple. Nous avions alors pour but d'organiser un grand système fédératif européen, que nous avions adopté comme conforme à l'esprit du siècle, et favorable aux progrès de la civilisation. Pour parvenir à le compléter et à lui donner toute l'étendue et toute la stabilité dont il était susceptible, nous avions ajourné l'établissement de plusieurs institutions intérieures, plus spécialement destinées à protéger la liberté des citoyens. Notre but n'est plus désormais que d'accroître la prospérité de la France par l'affermissement de la liberté publique. De là résulte la nécessité de plusieurs modifications importantes dans les constitutions, sénatus-consultes et autres actes qui régissent cet empire. A ces causes, voulant, d'un côté, conserver du passé ce qu'il y a de bon et de salutaire, et de l'autre, rendre les constitutions de notre empire conformes en tout aux voeux et aux besoins nationaux, ainsi qu'à l'état de paix que nous désirons maintenir avec l'Europe, nous avons résolu de proposer au peuple une suite de dispositions tendantes à modifier et perfectionner ses actes constitutionnels, à entourer les droits des citoyens de toutes leurs garanties, à donner au système représentatif toute son extension, à investir les corps intermédiaires de la considération et du pouvoir désirables, en un mot, à combiner le plus haut point de liberté publique et de sûreté individuelle avec la force et la neutralisation nécessaire pour faire respecter par l'étranger l'indépendance du peuple français, et la dignité de notre couronne. En conséquence, les articles suivans, formant un acte supplémentaire aux constitutions de l'empire, seront soumis à l'acceptation libre et solennelle de tous les citoyens, dans l'étendue de la France.
Titre 1er—Dispositions générales.
Art 1er. Les constitutions de l'empire, nommément l'acte constitutionnel du 23 frimaire an 8, les sénatus-consultes des 14 et 16 thermidor an 10, et celui du 28 floréal an 12, seront modifiés par les dispositions qui suivent. Toutes les autres dispositions sont confirmées et maintenues.
2. Le pouvoir législatif est exercé par l'empereur et deux chambres.
3. La première chambre, nommée chambre des pairs, est héréditaire.
4. L'empereur en nomme les membres, qui sont irrévocables, eux et leurs descendans mâles, d'aîné en aîné en ligne directe. Le nombre des pairs est illimité. L'adoption ne transmet point la dignité de pair à celui qui en est l'objet. Les pairs prennent séance à vingt-un ans, mais n'ont voix délibérative qu'à vingt-cinq.
5. La chambre des pairs est présidée par l'archi-chancelier de l'empire, ou, dans le cas prévu par l'article 51 du sénatus-consulte du 18 floréal an 12, par un des membres de cette chambre désigné spécialement par l'empereur.
6. Les membres de la famille impériale, dans l'ordre de l'hérédité, sont pairs de droit. Ils siègent après le président. Ils prennent séance à dix-huit ans, mais n'ont voix délibérative qu'à vingt-un.
7. La seconde chambre, nommée chambre des représentans, est élue par le peuple.
8. Les membres de cette chambre sont au nombre de six cent vingt-neuf. Ils doivent être âgés de vingt-cinq ans au moins.
9. Le président de la chambre des représentans est nommé par la chambre, à l'ouverture de la première session. Il reste en fonctions jusqu'au renouvellement de la chambre. Sa nomination est soumise à l'approbation de l'empereur.
10. La chambre des représentans vérifie les pouvoirs de ses membres et prononce sur la validité des élections contestées.
11. Les membres de la chambre des représentans reçoivent, pour frais de voyage, et durant la session, l'indemnité décrétée par l'assemblée constituante.
12. Ils sont indéfiniment rééligibles.
13. La chambre des représentans est renouvelée de droit en entier tous les cinq ans.
14. Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être arrêté, sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivi en matière criminelle ou correctionnelle, pendant les sessions, qu'en vertu d'une résolution de la chambre dont il fait partie.
15. Aucun ne peut être arrêté ni détenu pour dettes, à partir de la convocation, ni quarante jours après la session.
16. Les pairs sont jugés par leur chambre, en matière criminelle ou correctionnelle, dans les formes qui seront réglées par la loi.
17. La qualité de pair et de représentant est compatible avec toutes fonctions publiques, hors celles de comptables. Toutefois les préfets et sous-préfets ne sont pas éligibles par le collège électoral du département ou de l'arrondissement qu'ils administrent.
18. L'empereur envoie dans les chambres des ministres d'état et des conseillers d'état qui y siègent et prennent part aux discussions, mais qui n'ont voix délibérative que dans le cas où ils sont membres de la chambre comme pair ou élu du peuple.
19. Les ministres qui sont membres de la chambre des pairs ou de celle des représentans, ou qui siègent par mission du gouvernement, donnent aux chambres les éclaircissemens qui sont jugés nécessaires, quand leur publicité ne compromet pas l'intérêt de l'état.
20. Les séances des deux chambres sont publiques. Elles peuvent néanmoins se former en comité secret; la chambre des pairs, sur la demande de dix membres, celle des représentans sur la demande de vingt-cinq. Le gouvernement peut également requérir des comités secrets pour des communications à faire. Dans tous les cas, les délibérations et les votes ne peuvent avoir lieu qu'en séance publique.
21. L'empereur peut proroger, ajourner et dissoudre la chambre des représentans. La proclamation qui prononce la dissolution, convoque les collèges électoraux pour une élection nouvelle, et indique la réunion des représentans dans six mois au plus tard.
22. Durant l'intervalle des sessions de la chambre des représentans, ou en cas de dissolution de cette chambre, la chambre des pairs ne peut s'assembler.
23. Le gouvernement a la proposition de la loi; les chambres peuvent proposer des amendemens. Si ces amendemens ne sont pas adoptés par le gouvernement, les chambres sont tenues de voter sur la loi, telle qu'elle a été proposée.
24. Les chambres ont la faculté d'inviter le gouvernement à proposer une loi sur un objet déterminé, et de rédiger ce qui leur paraît convenable d'insérer dans la loi. Cette demande peut être faite par chacune des deux chambres.
25. Lorsqu'une rédaction est adoptée dans l'une des deux chambres, elle est portée à l'autre, et si elle y est approuvée, elle est portée à l'empereur.
26. Aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, les rapports des ministres sur les lois qui sont présentées et les comptes qui sont rendus, ne peut être lu dans l'une ou l'autre des chambres.
Titre II.—Des collèges électoraux et du mode d'élection.
27. Les collèges électoraux de département et d'arrondissement sont maintenus, conformément au sénatus-consulte du 16 thermidor an 10, sauf les modifications qui suivent.
28. Les assemblées de canton rempliront chaque année, par des élections annuelles, toutes les vacances dans les collèges électoraux.
29. A dater de l'an 1816, un membre de la chambre des pairs, désigné par l'empereur, sera président à vie et inamovible de chaque collège électoral de département.
30. A dater de la même époque, le collège électoral de chaque département nommera, parmi les membres de chaque collège d'arrondissement, le président et deux vice-prèsidens. A cet effet, l'assemblée du collège de département précédera de quinze jours celle du collège d'arrondissement.
31. Les collèges de département et d'arrondissement nommeront le nombre de représentans établi pour chacun par l'acte et le tableau.
32. Les représentans peuvent être choisis indifféremment dans toute l'étendue de la France. Chaque collége de département ou d'arrondissement qui choisira un représentant hors du département ou de l'arrondissement, nommera un suppléant qui sera pris nécessairement dans le département ou l'arrondissement.
33. L'industrie et la propriété manufacturière et commerciale auront une représentation spéciale. L'élection des représentans commerciaux et manufacturiers sera faite par le collége électoral de département, sur une liste d'éligibles dressée par les chambres de commerce et les chambres consultatives réunies suivant l'acte et le tableau.
Titre III.—De la loi de l'impôt.
34. L'impôt général direct, soit foncier, soit mobilier, n'est voté que pour un an; les impôts indirects peuvent être votés pour plusieurs années.
Dans le cas de la dissolution de la chambre des représentans, les impositions votées dans la session précédente sont continuées jusqu'à la nouvelle réunion de la chambre.
35. Aucun impôt direct ou indirect en argent ou en nature ne peut être perçu, aucun emprunt ne peut avoir lieu, aucune inscription de créance au grand-livre de la dette publique ne peut être faite, aucun domaine ne peut être aliéné ni échangé, aucune levée d'hommes pour l'armée ne peut être ordonnée, aucune portion du territoire ne peut être échangée qu'en vertu d'une loi.
36. Toute proposition d'impôt, d'emprunt ou de levée d'hommes, ne peut être faite qu'à la chambre des représentans.
37. C'est aussi à la chambre des représentans qu'est porté d'abord, 1º budget général de l'état, contenant l'aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l'année à chaque département du ministère; 2º le compte des recettes et dépenses de l'année ou des années précédentes.
Titre IV.—Des ministres et de la responsabilité.
38. Tous les actes du gouvernement doivent être contre-signés par un ministre ayant département.
39. Les ministres sont responsables des actes du gouvernement signés par eux, ainsi que de l'exécution des lois.
40. Ils peuvent être accusés par la chambre des représentans, et sont jugés par celle des pairs.
41. Tout ministre, tout commandant d'armée de terre ou de mer peut être accusé par la chambre des représentans, et jugé par la chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l'honneur de la nation.
42. La chambre des pairs, en ce cas, exerce, soit pour caractériser le délit, soit pour infliger la peine, un pouvoir discrétionnaire.
43. Avant de prononcer la mise en accusation d'un ministre, la chambre des représentans doit déclarer qu'il y a lieu à examiner la proposition d'accusation.
44. Cette déclaration ne peut se faire qu'après le rapport d'une commission de soixante membres tirés au sort. Cette commission ne fait son rapport que dix jours au plus tôt après sa nomination.
45. Quand la chambre a déclaré qu'il a lieu à examen, elle peut appeler le ministre dans son sein pour lui demander des explications. Cet appel ne peut avoir lieu que dix jours après le rapport de la commission.
46. Dans tout autre cas, les ministres ayant département ne peuvent être appelés ni mandés par les chambres.
47. Lorsque la chambre des représentans a déclaré qu'il y a lieu à examen contre un ministre, il est formé une nouvelle commission de soixante membres tirés au sort, comme la première, et il est fait, par cette commission, un nouveau rapport sur la mise en accusation. Cette commission ne fait son rapport que dix jours après sa nomination.
48. La mise en accusation ne peut être prononcée que dix jours après la lecture et la distribution du rapport.
49. L'accusation étant prononcée, la chambre des représentans nomme cinq commissaires pris dans son sein, pour poursuivre l'accusation devant la chambre des pairs.
50. L'article 75 du titre VIII de l'acte constitutionnel du 22 frimaire an 8, portant que les agens du gouvernement ne peuvent être poursuivis qu'en vertu d'une décision du conseil-d'état, sera modifié par une loi.
Titre V.—Du pouvoir judiciaire.
51. L'empereur nomme tous les juges. Ils sont inamovibles et à vie, dès l'instant de leur nomination, sauf la nomination des juges de paix et des juges de commerce, qui aura lieu comme par le passé.
Les juges actuels nommés par l'empereur aux termes du sénatus-consulte du 12 octobre 1807, et qu'il jugera convenable de conserver, recevront des provisions à vie avant le 1er janvier prochain.
52. L'institution des jurés est maintenue.
53. Les débats en matière criminelle sont publics.
54. Les délits militaires seuls sont du ressort des tribunaux militaires.
55. Tous les autres délits, même commis par les militaires, sont de la compétence des tribunaux civils.
56. Tous les crimes et délits qui étaient attribués à la haute cour impériale, et dont le jugement n'est pas réservé par le présent acte à la chambre des pairs, seront portés devant les tribunaux ordinaires.
67. L'empereur a le droit de faire grâce, même en matière correctionnelle, et d'accorder des amnisties.
58. Les interprétations des lois demandées par la cour de cassation, seront données dans la forme d'une loi.
Titre VI—Droit des citoyens.
59. Les Français sont égaux devant la loi, soit pour la contribution aux impôts et charges publiques, soit pour l'admission aux emplois civils et militaires.
60. Nul ne peut, sous aucun prétexte, être distrait des juges qui lui sont assignés par la loi.
61. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu, ni exilé que dans les cas prévus par la loi et suivant les formes prescrites.
62. La liberté des cultes est garantie à tous.
63. Toutes les propriétés possédées ou acquises en vertu des lois, et toutes les créances sur l'état, sont inviolables.
64. Tout citoyen a le droit d'imprimer et de publier ses pensées, en les signant, sans aucune censure préalable, sauf la responsabilité légale, après la publication, par jugement par jurés, quand même il n'y aurait lieu qu'à l'application d'une peine correctionnelle.
65. Le droit de pétition est assuré à tous les citoyens. Toute pétition est individuelle. Les pétitions peuvent être adressées, soit au gouvernement, soit aux deux chambres: néanmoins, ces dernières mêmes doivent porter l'intitulé: à S. M. l'Empereur. Elles seront présentées aux chambres sous la garantie d'un membre qui recommande la pétition. Elles sont lues publiquement, et si la chambre les prend en considération, elles sont portées à l'Empereur par le président.
66. Aucune place, aucune partie du territoire ne peut être déclarée en état de siége que dans le cas d'invasion de la part d'une force étrangère, ou de troubles civils. Dans le premier cas, la déclaration est faite par un acte du gouvernement. Dans le second cas, elle ne peut l'être que par la loi. Toutefois, si, le cas arrivant, les chambres ne sont pas assemblées, l'acte du gouvernement déclarant l'état de siége doit être converti en une proposition de loi, dans les quinze premiers jours de la réunion des chambres.
67. Le peuple français déclare en outre que, dans la délégation qu'il a faite et qu'il fait de ses pouvoirs, il n'a pas entendu et n'entend pas donner le droit de proposer le rétablissement des Bourbons ou d'aucun prince de cette famille sur le trône, même en cas d'extinction de la dynastie impériale, ni le droit de rétablir, soit l'ancienne noblesse féodale, soit les droits féodaux et seigneuriaux, soit les dîmes, soit aucun culte privilégié et dominant, ni la faculté de porter aucune atteinte à l'irrévocabilité de la vente des domaines nationaux; il interdit formellement au gouvernement, aux chambres et aux citoyens, toute proposition à cet égard.
Paris, 30 avril 1815.
Décret.
En convoquant les électeurs des collèges en assemblée du Champ-de-Mai, nous comptions constituer chaque assemblée électorale de département en bureaux séparés, composer ensuite une commission commune à toutes, et, dans l'espace de quelques mois, arriver au grand but, objet de nos pensées.
Nous croyions alors en avoir le temps et le loisir, puisque notre intention étant de maintenir la paix avec nos voisins, nous étions résigné à souscrire à tous les sacrifices qui déjà avaient pesé sur la France.
La guerre civile du midi à peine terminée, nous acquîmes la certitude des dispositions hostiles des puissances étrangères, et dès-lors il fallut prévoir la guerre, et s'y préparer.
Dans ces nouvelles occurrences, nous n'avions que l'alternative de prolonger la dictature dont nous nous trouvons investi par les circonstances et par la confiance du peuple, où d'abréger les formes que nous nous étions proposé de suivre pour la rédaction de l'acte constitutionnel. L'intérêt de la France nous a prescrit d'adopter ce second parti. Nous avons présenté à l'acceptation du peuple un acte qui à la fois garantit ses libertés et ses droits, et met la monarchie à l'abri de tout danger de subversion. Cet acte détermine le mode de la formation de la loi, et dès-lors contient en lui-même le principe de toute amélioration qui serait conforme aux voeux de la nation, interdisant cependant toute discussion sur un certain nombre de points fondamentaux déterminés qui sont irrévocablement fixés.
Nous aurions voulu aussi attendre l'acceptation du peuple avant d'ordonner la réunion des collèges, et de faire procéder à la nomination des députés; mais également maîtrisé par les circonstances, le plus haut intérêt de l'état nous fait la loi de nous environner, le plus promptement possible, des corps nationaux.
A ces causes, nous avons décrété et décrétons ce qui suit:
Art. 1er. Quatre jours après la publication du présent décret au chef-lieu du département, les électeurs des collèges de département et d'arrondissement se réuniront en assemblées électorales au chef-lieu de chaque département et de chaque arrondissement; le préfet pour le département, les sous-préfets pour les arrondissemens, indiqueront le jour précis, l'heure et le lieu de l'assemblée, par des circulaires et par une proclamation qui sera répandue avec la plus grande célérité dans tous les cantons et communes.
2. Pour cette année, à l'ouverture de l'assemblée, le plus ancien d'âge présidera, le plus jeune fera les fonctions de secrétaire, les trois plus âgés après le président seront scrutateurs. Chaque assemblée ainsi organisée provisoirement nommera son président; elle nommera aussi deux secrétaires et trois scrutateurs; ces choix se feront à la majorité absolue.
3. On procédera ensuite aux élections des députés à la chambre des représentans, conformément à l'acte envoyé pour être présenté à l'acceptation du peuple, et inséré au Bulletin des lois, nº 19, le 22 avril présent mois.
4. Les préfets des villes, chefs-lieux d'arrondissemens commerciaux, convoqueront, à la réception du présent, la chambre de commerce et les chambres consultatives pour faire former les listes de candidats sur lesquelles les représentans de l'industrie commerciale et manufacturière doivent être élus par les collèges électoraux, appelés à les nommer, conformément à l'acte joint à celui énoncé en l'article précédent.
5. Les députés nommés par les assemblées électorales se rendront à Paris pour assister à l'assemblée du Champ-de-Mai, et pouvoir composer la chambre des représentans, que nous nous proposons de convoquer après la proclamation de *de l'acceptation de l'acte constitutionnel.
NAPOLÉON.
Paris, 24 mai 1815.
Réponse de l'empereur à une députation des fédérés de Paris.
Soldats fédérés des faubourgs St.-Antoine et St.-Marceau,
Je suis revenu seul, parce que je comptais sur le peuple des villes, les habitans des campagnes et les soldats de l'armée, dont je connaissais l'attachement à l'honneur national. Vous avez tous justifié ma confiance. J'accepte votre offre. Je vous donnerai des armes; je vous donnerai pour vous guider des officiers couverts d'honorables blessures et accoutumés à voir fuir l'ennemi devant eux. Vos bras robustes et faits aux pénibles travaux, sont plus propres que tous autres au maniement des armes. Quant au courage, vous êtes Français; vous serez les éclaireurs de la garde nationale. Je serai sans inquiétude pour la capitale, lorsque la garde nationale et vous vous serez chargés de sa défense; et s'il est vrai que les étrangers persistent dans le projet impie d'attenter à notre indépendance et à notre honneur, je pourrai profiter de la victoire sans être arrêté par aucune sollicitude.
Soldats fédérés, s'il est des hommes dans les hautes classes de la société, qui aient déshonoré le nom français, l'amour de la patrie et le sentiment d'honneur national se sont conservés tout entiers dans le peuple des villes, les habitans des campagnes et les soldats de l'armée. Je suis content de vous voir. J'ai confiance en vous: Vive la Nation!
Paris, 1er juin 1815.
Discours de l'empereur au Champ-de-Mai.
Messieurs les électeurs des collèges de département et d'arrondissement,
Messieurs les députés de l'armée de terre et de mer au Champ-de-Mai,
Empereur, consul, soldat, je tiens tout du peuple. Dans la prospérité, dans l'adversité, sur le champ de bataille, au conseil, sur le trône, dans l'exil, la France a été l'objet unique et constant de mes pensées et de mes actions.
Comme ce roi d'Athènes, je me suis sacrifié pour mon peuple dans l'espoir de voir se réaliser la promesse donnée de conserver à la France son intégrité naturelle, ses honneurs et ses droits.
L'indignation de voir ces droits sacrés, acquis par vingt-cinq années de victoires, méconnus et perdus à jamais, le cri de l'honneur français flétri, les voeux de la nation m'ont ramené sur ce trône qui m'est cher parce qu'il est le palladium de l'indépendance, de l'honneur et des droits du peuple.
Français, en traversant au milieu de l'allégresse publique les diverses provinces de l'empire pour arriver dans ma capitale, j'ai dû compter sur une longue paix; les nations sont liées par les traités conclus par leurs gouvernemens, quels qu'ils soient.
Ma pensée se portait alors toute entière sur les moyens de fonder notre liberté par une constitution conforme à la volonté et à l'intérêt du peuple. J'ai convoqué le Champ-de-Mai.
Je ne tardai pas à apprendre que les princes qui ont méconnu tous les principes, froissé l'opinion et les plus chers intérêts de tant de peuples, veulent nous faire la guerre. Ils méditent d'accroître le royaume des Pays-Bas, de lui donner pour barrières toutes nos places frontières du nord, et de concilier les différens qui les divisent encore, en se partageant la Lorraine et l'Alsace.
Il a fallu se préparer à la guerre.
Cependant, devant courir personnellement les hasards des combats, ma première sollicitude a dû être de constituer sans retard la nation. Le peuple a accepté l'acte que je lui ai présenté.
Français, lorsque nous aurons repoussé ces injustes agressions, et que l'Europe sera convaincue de ce qu'on doit aux droits et à l'indépendance de vingt-huit millions de Français, une loi solennelle, faite dans les formes voulues par l'acte constitutionnel, réunira les différentes dispositions de nos constitutions aujourd'hui éparses.
Français, vous allez retourner dans vos départemens. Dites aux citoyens que les circonstances sont grandes!!! Qu'avec de l'union, de l'énergie et de la persévérance, nous sortirons victorieux de cette lutte d'un grand peuple contre ses oppresseurs; que les générations à venir scruteront sévèrement notre conduite; qu'une nation a tout perdu quand elle a perdu l'indépendance. Dites-leur que les rois étrangers que j'ai élevés sur le trône, ou qui me doivent la conservation de leur couronne, qui, tous, au temps de ma prospérité, ont brigué mon alliance et la protection du peuple français, dirigent aujourd'hui tous leurs coups contre ma personne. Si je ne voyais que c'est à la patrie qu'ils en veulent, je mettrais à leur merci cette existence contre laquelle ils se montrent si acharnés. Mais dites aussi aux citoyens, que tant que les Français me conserveront les sentimens d'amour dont ils me donnent tant de preuves, cette rage de nos ennemis sera impuissante.
Français, ma volonté est celle du peuple; mes droits sont les siens; mon honneur, ma gloire, mon bonheur, ne peuvent être autres que l'honneur, la gloire et le bonheur de la France.
Paris, 7 juin 1815.
Discours de l'empereur à l'ouverture de la chambre des représentans.
Messieurs de la chambre des pairs et de la chambre des représentans, depuis trois mois les circonstances et la confiance du peuple m'ont investi d'un pouvoir illimité, et je viens aujourd'hui remplir le premier désir et le besoin le plus pressant de mon coeur en ouvrant votre session et en commençant ainsi la monarchie constitutionnelle.
Les hommes sont impuissans pour fixer les destinées des nations; ce n'est que par des institutions sages que leur prospérité peut être établie sur des bases solides. La monarchie est nécessaire à la France pour assurer sa liberté et son indépendance. Nos constitutions sont encore éparses, et un de nos premiers soins sera de les réunir et d'en coordonner les différentes parties en un seul corps de loi. Ce travail recommandera l'époque actuelle à la postérité. J'ambitionne de voir la France jouir de toute la liberté possible, je dis possible, parce que l'anarchie conduit les peuples au despotisme.
Une coalition formidable d'empereurs et de rois en veut à notre indépendance; la frégate la Melpomène a été prise, après un combat sanglant, par un vaisseau anglais de 74; ainsi le sang a coulé pendant la paix. Nos ennemis comptent sur nos dissensions intestines, et cherchent à en profiter; on communique aujourd'hui avec Gand comme on communiquait en 1789 avec Coblentz.
Des mesures législatives seront nécessaires pour réprimer ces complots; je confie à vos lumières et à votre patriotisme les destinées de la France et la sûreté de ma personne. La liberté de la presse est inhérente à nos institutions; on n'y peut rien changer sans porter atteinte à la liberté civile, mais des lois sages seront nécessaires pour en prévenir les abus: je recommande à votre attention cet objet important.
Mes ministres vous feront connaître successivement la situation de nos affaires: nos finances offriraient de plus grandes ressources sans les sacrifices indispensables qu'ont exigés les circonstances, et si les sommes portées dans le budget rentraient aux époques déterminées. Il est possible que le premier devoir des princes m'appelle à la tête des enfans de la patrie. L'armée et moi nous ferons notre devoir. Vous, pairs, et vous, représentans, secondez nos efforts en entretenant la confiance par votre attachement au prince et à la patrie, et la cause sainte du peuple triomphera. Paris, 11 juin 1815.
Réponse de l'empereur à une députation de la chambre des pairs.
Monsieur le président et messieurs les députés de la chambre des pairs,
La lutte dans laquelle nous sommes engagés est sérieuse. L'entraînement de la prospérité n'est pas le danger qui nous menace aujourd'hui. C'est sous les Fourches Caudines que les étrangers veulent nous faire passer!
La justice de notre cause, l'esprit public de la nation et le courage de l'armée, sont de puissans motifs pour espérer des succès; mais si nous avions des revers, c'est alors surtout que j'aimerais à voir déployer toute l'énergie de ce grand peuple; c'est alors que je trouverais dans la chambre des pairs des preuves d'attachement à la patrie et à moi.
C'est dans les temps difficiles que les grandes nations, comme les grands hommes, déploient toute l'énergie de leur caractère, et deviennent un objet d'admiration pour la postérité.
Monsieur le président et messieurs les députés de la chambre des pairs, je vous remercie des sentimens que vous m'exprimez au nom de la chambre.
Paris, 11 juin 1815.
Réponse de l'empereur à une députation de la chambre des représentans.
Monsieur le président et messieurs les députés de la chambre des représentans,
Je retrouve avec satisfaction mes propres sentimens dans ceux que vous m'exprimez. Dans ces graves circonstances, ma pensée est absorbée par la guerre imminente, au succès de laquelle sont attachés l'indépendance et l'honneur de la France.
Je partirai cette nuit pour me rendre à la tête de mes armées; les mouvemens des différens corps ennemis y rendent ma présence indispensable. Pendant mon absence, je verrais avec plaisir qu'une commission nommée par chaque chambre méditât sur nos constitutions.
La constitution est notre point de ralliement; elle doit être notre étoile polaire dans ces momens d'orage. Toute discussion publique qui tendrait à diminuer directement ou indirectement la confiance qu'on doit avoir dans ses dispositions, serait un malheur pour l'état; nous nous trouverions au milieu des écueils, sans boussole et sans direction. La crise où nous sommes engagés est forte. N'imitons pas l'exemple du Bas-Empire, qui, pressé de tous côtés par les Barbares, se rendit la risée de la postérité en s'occupant de discussions abstraites, au moment où le bélier brisait les portes de la ville.
Indépendamment des mesures législatives qu'exigent les circonstances de l'intérieur, vous jugerez peut être utile de vous occuper des lois organiques destinées à faire marcher la constitution. Elles peuvent être l'objet de vos travaux publics sans avoir aucun inconvénient.
Monsieur le président et messieurs les députés de la chambre des représentons, les sentimens exprimés dans votre adresse me démontrent assez l'attachement de la chambre à ma personne, et tout le patriotisme dont elle est animée. Dans toutes les affaires, ma marche sera toujours droite et ferme. Aidez-moi à sauver la patrie. Premier représentant du peuple, j'ai contracté l'obligation que je renouvelle, d'employer dans des temps plus tranquilles toutes les prérogatives de la couronne et le peu d'expérience que j'ai acquis, à vous seconder dans l'amélioration de nos institutions.
Charleroy, le 15 juin, à neuf heures du soir.
NOUVELLES DE L'ARMÉE EN 1815.
(Extrait du Moniteur.)
L'armée a forcé la Sambre, pris Charleroy, et poussé des avant-gardes à moitié chemin de Charleroy à Namur, et de Charleroy à Bruxelles. Nous avons fait quinze cents prisonniers, et enlevé six pièces de canon. Quatre régimens prussiens ont été écrasés. L'empereur a perdu peu de monde, mais il a fait une perte qui lui est très-sensible, c'est celle de son aide-de-camp, le général Letort, qui a été tué sur le plateau de Fleurus, en commandant une charge de cavalerie.
L'enthousiasme des habitans de Charleroy, et de tous les pays que nous traversons, ne peut se décrire.
Dès le 13, l'empereur était arrivé à Beaumont. Sur toute la route, des arcs de triomphe étaient élevés dans toutes les villes, dans les moindres villages. Le 14, S. M. avait passé l'armée en revue, et porté son enthousiasme au comble par la proclamation suivante, datée d'Avesnes le même jour.
Soldats,
C'est aujourd'hui l'anniversaire de Marengo et de Friedland, qui décidèrent deux fois du destin de l'Europe. Alors, comme après Austerlitz, comme après Wagram, nous fûmes trop généreux; nous crûmes aux protestations et aux sermens des princes que nous laissâmes sur le trône. Aujourd'hui cependant, coalisés entre eux, ils en veulent à l'indépendance et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste des agressions; marchons à leur rencontre: eux et nous, ne sommes-nous plus les mêmes hommes!
Soldats, à Jéna, contre ces mêmes Prussiens aujourd'hui si arrogans, vous étiez un contre trois, et à Montmirail un contre six. Que ceux d'entre vous qui ont été prisonniers des Anglais, vous fassent le récit de leurs pontons et des maux affreux qu'ils y ont soufferts.
Les Saxons, les Belges, les Hanovriens, les soldats de la confédération du Rhin gémissent d'être obligés de prêter leurs bras à la cause de princes ennemis de la justice et des droits de tous les peuples. Ils savent que cette coalition est insatiable. Après avoir dévoré douze millions de Polonais, douze millions d'Italiens, un million de Saxons, six millions de Belges, elle devra dévorer les états du second ordre de l'Allemagne.
Les insensés! un moment de prospérité les aveugle; l'oppression et l'humiliation du peuple français sont hors de leur pouvoir.
S'ils entrent en France, ils y trouveront leur tombeau.
Soldats, nous avons des marches forcées à faire, des batailles à livrer, des périls à courir; mais, avec de la constance, la victoire sera à nous; les droits de l'homme et le bonheur de la patrie seront reconquis. Pour tout Français qui a du coeur, le moment est arrivé de vaincre ou de périr.
NAPOLÉON.
Charleroi, le 15 juin au soir.
(Extrait du Moniteur.)
Le 14, l'armée était placée de la manière suivante.
Le quartier impérial à Beaumont.
Le premier corps, commandé par le général d'Erlon, était à Solre, sur la Sambre.
Le deuxième corps, commandé par le général Reille, était à Ham-sur-Heure.
Le troisième corps, commandé par le général Vandamme, était sur la droite de Beaumont.
Le quatrième corps, commandé par le général Gérard, arrivait à Philippeville.
Le 15, à trois heures du matin, le général Reille attaqua l'ennemi et se porta sur Marchiennes-au-Pont. Il eût différens engagemens, dans lesquels sa cavalerie chargea un bataillon prussien et fit trois cents prisonniers.
A une heure du matin, l'empereur était à Jamignan-sur-Heure.
La division de cavalerie légère du général Daumont sabra deux bataillons prussiens et fit quatre cents prisonniers.
Le général Pajol entra à Charleroi à midi. Les sapeurs et les marins de la garde étaient à l'avant-garde, pour réparer les ponts. Ils pénétrèrent les premiers en tirailleurs dans la ville.
Le général Clari, avec le premier de hussards, se porta sur Gosselines, sur la route de Bruxelles, et le général Pajol sur Gilly, sur la roule de Namur.
A trois heures après midi, le général Vandamme déboucha avec son corps sur Gilly.
Le maréchal Grouchy arriva avec la cavalerie du général Excelmans.
L'ennemi occupait la gauche de la position de Fleurus; à cinq heures après-midi, l'empereur ordonna l'attaque. La position fut tournée et enlevée. Les quatre escadrons de service de la garde, commandés par le général Letort, aide-de-camp de l'empereur, enfoncèrent trois carrés; les vingt-sixième, vingt-septième et vingt-huitième régimens prussiens furent mis en déroute. Nos escadrons sabrèrent quatre à cinq cents hommes et firent cent cinquante prisonniers.
Pendant ce temps, le général Reille passait la Sambre à Marchiennes-au-Pont, pour se porter sur Gosselies avec les divisions du prince Jérôme et du général Bachelu, attaquait l'ennemi, lui faisait deux cent cinquante prisonniers, et le poursuivait sur la route de Bruxelles.
Nous devînmes ainsi maîtres de toute la position de Fleurus.
A huit heures du soir, l'empereur rentra à son quartier-général à Charleroi.
Cette journée coûte à l'ennemi cinq pièces de canon et deux mille hommes, dont mille prisonniers. Notre perte est de dix hommes tués et de quatre-vingt blessés, la plupart des escadrons de service qui ont fait les charges, et des trois escadrons du vingtième de dragons, qui ont aussi chargé un carré avec la plus grande intrépidité. Notre perte, légère quant au nombre, a été sensible à l'empereur, par la blessure grave qu'a reçue le général Letort, son aide-de-camp, en chargeant à la tête des escadrons de service. Cet officier est de la plus grande distinction; il a été frappé d'une balle au bas-ventre, et le chirurgien fait craindre que sa blessure ne soit mortelle.
Nous avons trouvé à Charleroi quelques magasins. La joie des Belges ne saurait se décrire. Il y a des villages qui, à la vue de leurs libérateurs, ont formé des danses, et partout c'est un élan qui part du coeur.
Dans le rapport de l'état-major-général on insérera les noms des officiers et soldats qui se sont distingués.
L'empereur a donné le commandement de la gauche au prince de la Moskowa, qui a eu le soir son quartier-général aux Quatre-Chemins, sur la route de Bruxelles.
Le duc de Trévise, à qui l'empereur avait donné le commandement de la jeune garde, est resté à Beaumont, malade d'une sciatique qui l'a forcé de se mettre au lit.
Le quatrième corps, commandé par le général Gérard, arrive ce soir au Châtelet. Le général Gérard a rendu compte que le lieutenant-général Bourmont, le colonel Clouet et le chef d'escadron Villoutreys ont passé à l'ennemi.
Un lieutenant du onzième de chasseurs a également passé à l'ennemi.
Le major-général a ordonné que ces déserteurs fussent sur-le-champ jugés conformément aux lois.
Rien ne peut peindre le bon esprit et l'ardeur de l'armée. Elle regarde comme un événement heureux la désertion de ce petit nombre de traîtres qui se démasquent ainsi.
Philippeville, le 19 juin 1815.
(Extrait du Moniteur.)
Le 17, à dix heures du soir, l'armée anglaise occupa Mont-Saint-Jean par son centre, se trouva en position en avant de la forêt de Soignes: il aurait fallu pouvoir disposer de trois heures pour l'attaquer, on fut donc obligé de remettre au lendemain.
Le quartier-général de l'empereur fut établi à la ferme de Caillou près Planchenois. La pluie tombait par torrens.
Bataille de Mont-Saint-Jean.
A neuf heures du matin, la pluie ayant un peu diminué, le premier corps se mit en mouvement, et se plaça, la gauche à la route de Bruxelles, et vis-à-vis le village de Mont-Saint-Jean, qui paraissait le centre de la position de l'ennemi. Le second corps appuya sa droite à la route de Bruxelles, et sa gauche à un petit bois à portée de canon de l'armée anglaise. Les cuirassiers se portèrent en réserve derrière, et la garde en réserve sur les hauteurs. Le sixième corps avec la cavalerie du général d'Aumont, sous les ordres du comte Lobau, fut destiné à se porter en arrière de notre droite, pour s'opposer à un corps prussien qui paraissait avoir échappé au maréchal Grouchy, et être dans l'intention de tomber sur notre flanc droit, intention qui nous avait été connue par nos rapports, et par une lettre d'un général prussien, que portait une ordonnance prise par nos coureurs.
Les troupes étaient pleines d'ardeur. On estimait les forces de l'armée anglaise à quatre-vingt mille hommes; on supposait qu'un corps prussien qui pouvait être en mesure vers le soir, pouvait être de quinze mille hommes. Les forces ennemies étaient donc de plus de quatre-vingt-dix mille hommes, les nôtres moins nombreuses.
A midi, tous les préparatifs étant terminés, le prince Jérôme, commandant une division du deuxième corps, et destiné à en former l'extrême gauche, se porta sur le bois dont l'ennemi occupait une partie. La canonnade s'engagea; l'ennemi soutint par trente pièces de canon les troupes qu'il avait envoyées pour garder le bois. Nous fîmes aussi de notre côté des dispositions d'artillerie. A une heure, le prince Jérôme fut maître de tout le bois, et toute l'armée anglaise se replia derrière un rideau. Le comte d'Erlon attaqua alors le village de Mont-Saint-Jean, et fit appuyer son attaque par quatre-vingts pièces de canon. Il s'engagea là une épouvantable canonnade, qui dut beaucoup faire souffrir l'armée anglaise. Tous les coups portaient sur le plateau. Une brigade de la première division du comte d'Erlon s'empara du village de Mont-Saint-Jean; une seconde brigade fut chargée par un corps de cavalerie anglaise, qui lui fit éprouver beaucoup de perte. Au même moment, une division de cavalerie anglaise chargea la batterie du comte d'Erlon par sa droite, et désorganisa plusieurs pièces; mais les cuirassiers du général Milbaud chargèrent cette division, dont trois régimens furent rompus et écharpés.
Il était trois heures après midi. L'empereur fit avancer la garde pour la placer dans la plaine, sur le terrain qu'avait occupé le premiers corps au commencement de l'action, ce corps se trouvant déjà en avant. La division prussienne, dont on avait prévu le mouvement, s'engagea alors avec les tirailleurs du comte Lobau, en prolongeant son feu sur tout notre flanc droit. 11 était convenable, avant de rien entreprendre ailleurs, d'attendre l'issue qu'aurait cette attaque. A cet effet, tous les moyens de la réserve étaient prêts à se porter au secours du comte Lobau, et à écraser le corps prussien lorsqu'il se serait avancé.
Cela fait, l'empereur avait le projet de mener une attaque par le village de Mont-Saint-Jean, dont on espérait un succès décisif; mais par un mouvement d'impatience, si fréquent dans nos annales militaires, et qui nous a été souvent si funeste, la cavalerie de réserve s'étant aperçue d'un mouvement rétrograde que faisaient les Anglais pour se mettre à l'abri de nos batteries, dont ils avaient déjà tant souffert, couronna les hauteurs de Mont-Saint-Jean et chargea l'infanterie. Ce mouvement, qui, fait à temps, et soutenu par les réserves, devait décider de la journée, fait isolément et avant que les affaires de la droite ne fussent terminées, devint funeste.
N'y ayant aucun moyen de le contremander, l'ennemi montrant beaucoup de masses d'infanterie et de cavalerie, et les deux divisions de cuirassiers étant engagées, toute notre cavalerie courut au même moment pour soutenir ses camarades.
Là, pendant trois heures, se firent de nombreuses charges gui nous valurent l'enfoncement de plusieurs carrés et six drapeaux de l'infanterie anglaise, avantage hors de proportion avec les pertes qu'éprouvait notre cavalerie par la mitraille et les fusillades.
Il était impossible de disposer de nos réserves d'infanterie jusqu'à ce qu'on eût repoussé l'attaque de flanc du corps prussien. Cette attaque se prolongeait toujours et perpendiculairement sur notre flanc droit; l'empereur y envoya le général Duhesme avec la jeune garde et plusieurs batteries de réserve. L'ennemi fut contenu, fut repoussé, et recula: il avait épuisé ses forces, et l'on n'en avait plus rien à craindre. C'est ce moment qui était celui indiqué pour une attaque sur le centre de l'ennemi. Comme les cuirassiers souffraient par la mitraille, on envoya quatre bataillons de la moyenne garde pour protéger les cuirassiers, soutenir la position, et, si cela était possible, dégager et faire reculer dans la plaine une partie de notre cavalerie.
On envoya deux autres bataillons pour se tenir en potence sur l'extrême gauche de la division qui avait manoeuvré sur nos flancs, afin de n'avoir de ce côté aucune inquiétude; le reste fut disposé en réserve, partie pour occuper la potence en arrière de Mont-Saint-Jean, partie sur le plateau en arrière du champ de bataille qui formait notre position en retraite.
Dans cet état de choses, la bataille était gagnée; nous occupions toutes les positions que l'ennemi occupait au commencement de l'action; notre cavalerie ayant été trop tôt et mal employée, nous ne pouvions plus espérer de succès décisifs. Mais le maréchal Grouchy ayant appris le mouvement du corps prussien, marchait sur le derrière de ce corps, ce qui nous assurait un succès éclatant pour la journée du lendemain. Après huit heures de feu et de charges d'infanterie et de cavalerie, toute l'armée voyait avec satisfaction la bataille gagnée et le champ de bataille en notre pouvoir.
Sur les huit heures et demie, les quatre bataillons de la moyenne garde qui avaient été envoyés sur le plateau au-delà de Mont-Saint-Jean pour soutenir les cuirassiers, étant gênés par la mitraille, marchèrent à la baïonnette pour enlever les batteries. Le jour finissait; une charge faite sur leur flanc par plusieurs escadrons anglais les mit en désordre; les fuyards repassèrent le ravin; les régimens voisins qui virent quelques troupes appartenant à la garde à la débandade, crurent que c'était de la vieille garde et s'ébranlèrent: les cris tout est perdu, la garde est repoussée, se firent entendre; les soldats prétendent même que sur plusieurs points, des malveillans apostés ont crié sauve qui peut! Quoi qu'il en soit, une terreur panique se répandit tout à la fois sur tout le champ de bataille; on se précipita dans le plus grand désordre sur la ligne de communication; les soldats, les canonniers, les caissons se pressaient pour y arriver; la vieille garde, qui était en réserve, en fut assaillie, et fut elle-même entraînée.
Dans un instant, l'armée ne fut plus qu'une masse confuse; toutes les armes étaient mêlées, et il était impossible de reformer un corps. L'ennemi, qui s'aperçut de cette étonnante confusion, fit déboucher des colonnes de cavalerie; le désordre augmenta; la confusion de la nuit empêcha de rallier les troupes et de leur montrer leur erreur.
Ainsi une bataille terminée, une journée de fausses mesures réparées, de plus grands succès assurés pour le lendemain, tout fut perdu par un moment de terreur panique. Les escadrons même de service, rangés à côté de l'empereur, furent culbutés et désorganisés par ces flots tumultueux, et il n'y eut plus d'autre chose à faire que de suivre le torrent. Les parcs de réserve, les bagages qui n'avaient point repassé la Sambre, et tout ce qui était sur le champ de bataille sont restés au pouvoir de l'ennemi. Il n'y a eu même aucun moyen d'attendre les troupes de notre droite; on sait ce que c'est que la plus brave armée du monde, lorsqu'elle est mêlée et que son organisation n'existe plus.
L'empereur a passé la Sambre à Charleroi le 19, à cinq heures du matin; Philippeville et Avesne ont été donnés pour points de réunion. Le prince Jérôme, le général Morand et les autres généraux y ont déjà rallié une partie de l'armée. Le maréchal Grouchy, avec le corps de la droite, opère son mouvement sur la Basse-Sambre.
La perte de l'ennemi doit avoir été très-grande, à en juger par les drapeaux que nous lui avons pris, et par les pas rétrogrades qu'il avait faits. La nôtre ne pourra se calculer qu'après le ralliement des troupes. Avant que le désordre éclatât, nous avions déjà éprouvé des pertes considérables, surtout dans notre cavalerie, si funestement et pourtant si bravement engagée. Malgré ces pertes, cette valeureuse cavalerie a constamment gardé la position qu'elle avait prise aux Anglais, et ne l'a abandonnée que quand le tumulte et le désordre du champ de bataille l'y ont forcée. Au milieu de la nuit et des obstacles qui encombraient la route, elle n'a pu elle-même conserver son organisation.
L'artillerie, comme à son ordinaire, s'est couverte de gloire. Les voitures du quartier-général étaient restées dans leur position ordinaire, aucun mouvement rétrograde n'ayant été jugé nécessaire. Dans le cours de la nuit, elles sont tombées entre les mains de l'ennemi.
Telle a été l'issue de la bataille de Mont-Saint-Jean, glorieuse pour les armées françaises, et pourtant si funeste.
Philipeville, 19 juin 1815.
Extrait d'une lettre de l'empereur à son frère Joseph.
..... Tout n'est point perdu; je suppose qu'il me restera, en réunissant mes forces, cent cinquante mille hommes. Les fédérés et les gardes nationaux qui ont du coeur, me fourniront cent mille hommes; les bataillons de dépôt cinquante mille. J'aurai donc trois cents mille soldats à opposer de suite à l'ennemi; j'attellerai l'artillerie avec des chevaux de luxe; je lèverai cent mille conscrits; je les armerai avec les fusils des royalistes et des mauvaises gardes nationales; je ferai lever en masse le Dauphiné, le Lyonnais, la Bourgogne, la Lorraine, la Champagne; j'accablerai l'ennemi; mais il faut qu'on m'aide et qu'on ne m'étourdisse point. Je vais à Laon; j'y trouverai sans doute du monde. Je n'ai point entendu parler de Grouchy. S'il n'est point pris (comme je le crains), je puis avoir dans trois jours cinquante mille hommes; avec cela j'occuperai l'ennemi et je donnerai le temps à Paris et à la France de faire leur devoir. Les Autrichiens marchent lentement; les Prussiens craignent les paysans et n'osent pas trop s'avancer. Tout peut se réparer encore; écrivez-moi l'effet que cette horrible échauffourée aura produit dans la chambre. Je crois que les députés se pénétreront que leur devoir, dans cette grande circonstance, est de se réunir à moi pour sauver la France. Préparez-les à me seconder dignement; surtout du courage et de la fermeté.
NAPOLÉON.
Le 20 juin 1815.
Fragment d'un discours de l'empereur dans une séance du conseil d'état, tenue à l'Elysée.
.... Je n'ai plus d'armée, je n'ai plus que des fuyards. Je retrouverai des hommes, mais comment les armer? Je n'ai plus de fusils. Cependant avec de l'union, tout pourrait se réparer. J'espère que les députés me seconderont, qu'ils sentiront la responsabilité qui va peser sur eux; vous avez mal jugé, je crois, de leur esprit; la majorité est bonne, est française. Je n'ai contre moi que Lafayette, Lanjuinais, Flaugergues et quelques autres. Ils ne veulent pas de moi, je le sais, je les gêne. Ils voudraient travailler pour eux..... Je ne les laisserai pas faire. Ma présence ici les contiendra.....
..... Nos malheurs sont grands. Je suis venu pour les réparer, pour imprimer à la nation, à l'armée, un grand et noble mouvement. Si la nation se lève, l'ennemi sera écrasé; si, au lieu de levée, de mesures extraordinaires, on dispute, tout est perdu. L'ennemi est en France. J'ai besoin, pour sauver la patrie, d'un grand pouvoir, d'une dictature temporaire. Dans l'intérêt de la nation, je pourrais me saisir de ce pouvoir, mais il serait utile et plus national qu'il me fût donné par les chambres....
.....La présence de l'ennemi sur le sol national rendra, je l'espère, aux députés, le sentiment de leurs devoirs. La nation ne les a pas envoyés pour me renverser, mais pour me soutenir. Je ne les crains point. Quelque chose qu'ils fassent, je serai toujours l'idole du peuple et de l'armée. Si je disais un mot, ils seraient tous assommés. Mais en ne craignant rien pour moi, je crains tout pour la France. Si nous nous querellons entre nous au lieu de nous entendre, nous aurons le sort du Bas-Empire, tout sera perdu. Le patriotisme de la nation, son attachement à ma personne, nous offrent encore d'immenses ressources, notre cause n'est point désespérée.....
Au palais de l'Elysée, le 22 juin 1815.
Déclaration au peuple français.
Français! en commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les autorités nationales. J'étais fondé à en espérer le succès, et j'avais bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances paraissent changées. Je m'offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France. Puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n'en avoir jamais voulu qu'à ma personne! Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français. Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L'intérêt que je porte à mon fils m'engage à inviter les chambres à organiser sans délai la régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public et pour rester une nation indépendante.
NAPOLÉON.
Paris, 22 juin 1815.
Réponse de l'empereur à une députation de la chambre des représentans, envoyée pour le féliciter sur sa seconde abdication.
Je vous remercie des sentimens que vous m'exprimez; je désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la France, mais je ne l'espère point; elle laisse l'état sans chef, sans existence politique. Le temps perdu à renverser la monarchie aurait pu être employé à mettre la France en état d'écraser l'ennemi. Je recommande à la chambre de renforcer promptement les armées; qui veut la paix doit se préparer à la guerre. Ne mettez pas cette grande nation à la merci des étrangers. Craignez d'être déçus dans vos espérances. C'est là qu'est le danger. Dans quelque position que je me trouve, je serai toujours bien si la France est heureuse.
Paris, 23 juin 1815.
Discours de Napoléon aux ministres, en apprenant que la chambre des représentans venait de nommer une commission de gouvernement composée de cinq membres.
Je n'ai point abdiqué en faveur d'un nouveau directoire; j'ai abdiqué en faveur de mon fils. Si on le proclame point, mon abdication est nulle et non avenue. Les chambres savent bien que le peuple, l'armée, l'opinion, le désirent, le veulent, mais l'étranger les retient. Ce n'est point en se présentant devant les alliés, l'oreille basse et le genou à terre, qu'elles les forceront à reconnaître l'indépendance nationale. Si elles avaient eu le sentiment de leur position, elles auraient proclamé spontanément Napoléon II. Les étrangers auraient vu alors que vous saviez avoir une volonté, un but, un point de ralliement; ils auraient vu que le 20 mars n'était point une affaire de parti, un coup de factieux, mais le résultat de l'attachement des Français à ma personne et à ma dynastie. L'unanimité nationale auraient plus agi sur eux que toutes vos basses et honteuses déférences.
La Malmaison, le 25 juin 1815.
PROCLAMATION.
Aux braves soldats de l'armée devant Paris.
Soldats!
Quand je cède à la nécessité qui me force de m'éloigner de la brave armée française, j'emporte avec moi l'heureuse certitude qu'elle justifiera par les services éminens que la patrie attend d'elle, les éloges que nos ennemis eux-mêmes ne peuvent pas lui refuser.
Soldats! je suivrai vos pas, quoiqu'absent. Je connais tous les corps, et aucun d'eux ne remportera un avantage signalé sur l'ennemi, que je ne rende justice au courage qu'il aura déployé. Vous et moi nous avons été calomniés. Des hommes indignes d'apprécier vos travaux ont vu, dans les marques d'attachement que vous m'avez données, un zèle dont j'étais le seul objet; que vos succès futurs leur apprennent que c'était la patrie pardessus tout que vous serviez en m'obéissant; et que si j'ai quelque part à votre affection, je la dois à mon ardent amour pour la France, notre mère commune.
Soldats! encore quelques efforts et la coalition est dissoute. Napoléon vous reconnaîtra aux coups que vous allez porter.
Sauvez l'honneur, l'indépendance des Français; soyez jusqu'à la fin, tels que je vous ai connus depuis vingt ans, et vous serez invincibles!
NAPOLÉON.
Paris, 25 juin 1815.
Discours de l'empereur à un membre de la chambre des représentans, en apprenant que MM. de Lafayette, de Pontécoulant, de Laforêt, d'Argenson, Sébastiani et Benjamin Constant (ce dernier en qualité de secrétaire), étaient nommés par le gouvernement provisoire pour se rendre auprès des souverains alliés.
...........Lafayette, Sébastiani, Pontécoulant, Benjamin Constant ont conspiré contre moi; ils sont mes ennemis, et les ennemis du père ne seront jamais les amis du fils. Les chambres, d'ailleurs, n'ont point assez d'énergie pour avoir une volonté indépendante; elles obéissent à Fouché. Si elles m'eussent donné tout ce qu'elles lui jettent à la tête, j'aurais sauvé la France; ma présence seule à la tête de l'armée aurait plus fait que toutes vos négociations; j'aurais obtenu mon fils pour prix de mon abdication; vous ne l'obtiendrez pas. Fouché n'est point de bonne foi. Il jouera les chambres, et les alliés le joueront. Il se croit en état de tout conduire à sa guise; il se trompe: il verra qu'il faut une main autrement trempée que la sienne, pour tenir les rênes d'une nation, surtout lorsque l'ennemi est chez elle.... La chambre des pairs n'a point fait son devoir; elle s'est conduite comme une poule mouillée. Elle a laissé insulter Lucien et détrôner mon fils; si elle eût tenu bon, elle aurait eu l'armée pour elle, les généraux la lui auraient donnée. Son ordre du jour a tout perdu. Moi seul je pourrais tout réparer, mais vos meneurs n'y consentiront jamais; ils aimeraient mieux s'engloutir dans l'abîme que de s'unir avec moi pour le fermer.
La Malmaison, 27 juin 1815.
En abdiquant le pouvoir, je n'ai point renoncé au plus noble droit de citoyen, au droit de défendre mon pays.
L'approche des ennemis de la capitale ne laisse plus de doutes sur leurs intentions, sur leur mauvaise foi.
Dans ces graves circonstances, j'offre mes services comme général, me regardant encore comme le premier soldat de la patrie.
NAPOLÉON.
La Malmaison, 27 juin 1815.
Plaintes de Napoléon à ses amis, en apprenant que les membres du gouvernement provisoire refusaient d'acquiescer à sa demande de servir sa patrie en qualité de général.
Ces gens-là sont aveuglés par l'envie de jouir du pouvoir et de continuer de faire les souverains; ils sentent que s'ils me replaçaient à la tête de l'armée, ils ne seraient plus que mon ombre, et ils nous sacrifient, moi et la patrie, à leur orgueil, à leur vanité. Ils perdront tout.... Mais pourquoi les laisserais-je régner? J'ai abdiqué pour sauver la France, pour sauver le trône de mon fils. Si ce trône doit être perdu, j'aime mieux le perdre sur le champ de bataille qu'ici. Je n'ai rien de mieux à faire pour vous tous, pour mon fils et pour moi, que de me jeter dans les bras de mes soldats. Mon apparition électrisera l'armée; elle foudroiera les étrangers; ils sauront que je ne suis revenu sur le terrain que pour leur marcher sur le corps, ou me faire tuer; et ils vous accorderaient, pour se délivrer de moi, tout ce que vous leur demanderez. Si, au contraire, vous me laissez ici ronger mon épée, ils se moqueront de vous. Il faut en finir: si vos cinq empereurs ne veulent pas de moi pour sauver la France, je me passerai de leur consentement. Il me suffira de me montrer, et Paris et l'armée me recevront une seconde fois en libérateur....
(Le duc de Bassano lui représentant que les chambres ne seraient pas pour lui)... Allons, je le vois bien, il faut toujours céder... Vous avez raison, je ne dois pas prendre sur moi la responsabilité d'un tel événement. Je dois attendre que la voix du peuple, des soldats et des chambres me rappelle. Mais comment Paris ne me demande-t-il pas? On ne s'aperçoit donc pas que les alliés ne vous tiennent aucun compte de mon abdication? (Bassano repart qu'on paraît se fier à la générosité des souverains alliés.) Cet infâme Fouché vous trompe. La commission se laisse conduire par lui; elle aura de grands reproches à se faire. Il n'y a là que Caulincourt et Carnot qui vaillent quelque chose, mais ils sont mal appareillés. Que peuvent-ils faire avec un traître (Fouché), deux niais (Quinette et Grenier) et deux chambres qui ne savent ce qu'elles veulent? Vous croyez tous, comme des imbéciles, aux belles promesses des étrangers. Vous croyez qu'ils vous mettront la poule au pot, et vous donneront un prince de leur façon, n'est-ce pas? Vous vous abusez: Alexandre, malgré ses grands sentimens, se laissera influencer par les Anglais; il les craint; et l'empereur d'Autriche fera, comme en 1814, ce que les autres voudront.
Rochefort, le 13 juillet 1815.
Au prince-régent d'Angleterre.
Altesse royale,
En butte aux factions qui divisent mon pays et à l'inimitié des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme Témistocle, m'asseoir aux foyers du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de votre altesse royale, comme le plus puissant, le plus constant et le plus généreux de mes ennemis.
NAPOLÉON.
DIVERSES PIÈCES COMMUNIQUÉES APRÈS L'IMPRESSION.
Passeriano, le 4 vendémiaire an 6.
A Barcas.
Citoyen,
Je suis malade et j'ai besoin de repos; je demande ma démission, donnes-là si tu es mon ami; deux ans dans une campagne près de Paris rétabliraient ma santé, et redonneraient à mon caractère la popularité que la continuité du pouvoir ôte nécessairement... Je suis esclave de ma manière de sentir et d'agir, et j'estime le coeur bien plus que la tête.
BONAPARTE.
Du camp impérial de Boulogne, le 10 fructidor an 13.
Copie d'une lettre de Napoléon à M. Dejean.
Monsieur Dejean, le ministre de la guerre a dû vous faire passer différens ordres, pour mettre en état de faire la guerre, une armée d'Italie et du Rhin; vous pouvez la regarder comme certaine. «J'ai donné des ordres pour pourvoir aux capotes et souliers nécessaires à l'armée; faites-moi connaître si vous avez quelque chose de disponible à Paris.» J'ai besoin que vous donniez des ordres à tous les régimens de cavalerie de se remonter à toute force. Je ne vois pas d'inconvénient à leur distribuer pour cela un million. J'ai mis à votre disposition une somme extraordinaire de deux millions deux cent mille francs, dont un million pour l'achat de chevaux de train et d'artillerie, et un million deux cent mille francs pour les capotes et souliers. Occupez-vous du charrois; faites construire à Sampigny; il y a un marché pour des transports ici; voyez à lui donner une plus grande extension. J'imagine que vous avez pourvu à ce que j'aie du biscuit à Mayence et Strasbourg; j'en ai ici beaucoup. Il faut faire manger la partie faite depuis vingt mois; il restera ici plus de vingt mille bouches; la partie qui est faite depuis douze mois pourra être conservée. Il se peut que les affaires s'arrangent après quelques batailles, et que je revienne sur la côte. Faites hâter la fourniture de draps de l'an 14, c'est de la plus grande urgence.
Vous allez avoir, dans toute la cinquième division militaire, depuis Mayence jusqu'à Schelestatt, cinq à six mille chevaux d'artillerie, neuf mille chevaux de dragons, huit ou neuf mille de chasseurs et de hussards, quatre à cinq mille de grosse cavalerie, et quinze cents de la garde, indépendamment de tous ceux de l'état-major. Je désire que le service soit fait par la même administration qu'à Boulogne, surtout pour le pain et la viande. Ne perdez pas un moment à faire accaparer des vins et des eaux-de-vie à Landau, Strasbourg et Spire. Landau sera un des principaux points de rassemblement.
J'imagine que Vanderberghe envoie à Strasbourg les mêmes individus qu'à Boulogne. Les premières divisions sont parties; voyez-les pour cela. «Je vous ai demandé cinq cent mille rations de biscuit à Strasbourg, je ne verrais pas d'inconvénient à les diviser ainsi: deux cent mille à Strasbourg, deux cent mille à Landau, et cent mille à Spire. J'attends de vous deux états, dont le premier me fasse connaître le nombre existant des chevaux propres au service de chaque régiment de cavalerie; ce qui existe en caisse de leur masse, et l'état des chevaux qu'ils peuvent se procurer: le second état me fera connaître la situation de l'habillement de tous les corps de la grande armée, et le temps où ils auront l'habillement de l'an 14.» Le ministre de la guerre vous aura envoyé l'organisation de la grande armée partagée en sept corps. Pensez aux ambulances, et occupez-vous sans délai des détails de l'organisation de cette immense armée. Je vous dirai, mais pour vous seul, que je compte passer le Rhin le 5 vendémiaire; organisez tout en conséquence. Il me reste à vous ajouter que cette lettre doit être pour vous seul, et qu'elle ne doit être lue par personne. Dissimulez, dîtes que je fais seulement marcher trente mille hommes pour garantir mes frontières du Rhin. Avec les chefs de service auxquels on ne peut rien dissimuler, vous leur ferez sentir l'importance de dire la même chose que vous. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.
NAPOLÉON.
Ingolstadt, le 18 avril 1809, à cinq heures du soir.
Instruction.
Le capitaine Galbois retournera sur-le-champ près du maréchal Davoust; il passera par Vohbourg et Neustadt, et de là à Ratisbonne: aussitôt qu'il aura causé avec le maréchal Davoust, il reviendra me rendre compte.
Il fera connaître au maréchal Davoust qu'il apprendra ce qui s'est passé dans la journée au corps du duc de Dantzick; que je n'en ai aucune connaissance, mais que je suppose que le corps du duc de Dantzick, fort de trente mille hommes, a battu la plaine jusqu'à l'Isère, et l'a secouru si cela a été nécessaire.
Le général Demont est à Vohbourg avec sa division, huit mille hommes de cavalerie.
La division Nansouty et la cavalerie wurtembergeoise sont en colonne sur la route d'ici à Vohbourg.
Le général Vandamme, avec douze mille Wurtembergeois, couche ce soir à Ingolstadt.
Le duc de Rivoli, avec le général Oudinot et quatre-vingt mille hommes, doivent arriver à Pfaffenhoffen.
L'empereur, à une heure du matin, se décidera à se porter de sa personne à Neustadt, après qu'il aura reçu le rapport de la journée; il lui importe donc bien de connaître la situation du duc d'Auerstaedt et des différens corps de l'ennemi.
Si cela ne détourne pas cet officier, il verra le général Wrede ou le duc de Dantzick, pour causer avec eux et leur donner connaissance de ces détails.
NAPOLÉON.
P.S. Cet officier engagera celui qui commande à Vohbourg, celui qui commande à Neustadt et les généraux de division bavarois, de m'envoyer des officiers et les rapports de ce qui se serait passé ou de ce qu'ils apprendraient.
Commission et pleins-pouvoirs donnés aux commandans de place en juin 1815.
NAPOLEON, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, etc., etc.
La place de Vitry étant en état de siège, armée, bien approvisionnée, à l'abri de toute attaque, pouvant soutenir un siège, nous avons résolu de nommer pour commandant supérieur de cette place un officier d'une bravoure distinguée, dont nous aurions éprouvé le zèle et la fidélité dans maints combats; nous avons pris en considération les services du sieur Baron, adjudant-commandant de nos armées, et nous l'avons nommé et nommons, par ces présentes signées de notre main, commandant supérieur de la place de Vitry en état de siège. Nous lui enjoignons de ne plus sortir des remparts de ladite place, au moins au-delà d'une portée de fusil de ses ouvrages avancés, sous quelque prétexte que ce soit; d'inspecter et de visiter fréquemment les approvisionnemens de siège et les magasins d'artillerie, d'avoir soin qu'ils soient abondamment fournis et conservés à l'abri des attaques de l'ennemi et de l'intempérie des saisons. Nous lui enjoignons de prendre toutes les précautions pour accroître lesdits approvisionnemens et pour que les babilans aient pour six mois de vivres, faisant sortir de la ville tous ceux qui n'auraient pas ledit approvisionnement. Nous lui ordonnons de nous conserver cette place et de ne jamais la rendre sous aucun prétexte. Dans le cas où elle serait investie et bloquée, il doit être sourd a tous les bruits répandus par l'ennemi, ou aux nouvelles qu'il lui ferait parvenir, lors même qu'il voudrait lui persuader que l'armée française a été battue, que la capitale est envahie, etc. Il n'en résistera pas moins à ses insinuations, comme à ses attaques, et ne laissera point ébranler son courage. Sa règle constante doit être d'avoir le moins de communications que possible avec l'ennemi. Il aura toujours devant les yeux les conséquences inévitables d'une contravention à nos ordres ou d'une négligence à remplir les devoirs qui lui sont imposés. Il n'oubliera jamais qu'une conduite différente lui ferait perdre notre estime et encourir toute la sévérité des lois militaires, qui condamnent à mort tout commandant et son état-major, s'il livre la place sans avoir fixé l'impossibilité de soutenir un second assaut, et s'il n'a satisfait à toutes les obligations qui lui sont imposées par notre décret du 24 décembre 1811. Enfin, nous voulons et entendons qu'il coure les hasards d'un assaut, pour prolonger la défense et augmenter la perte de l'ennemi. Il songera qu'un Français doit compter sa vie pour rien, si elle doit être mise en balance avec son honneur, et que cette idée doit être le mobile de toutes ses actions; la reddition de la place ne devant être que le dernier terme de tous ses efforts, et le résultat d'une impossibilité absolue de résister, nous lui défendons d'avancer cet événement malheureux par son consentement, ne fût-ce que d'une heure, et sous le prétexte d'obtenir par là une capitulation plus honorable.
Nous voulons que toutes les fois que le conseil de défense sera réuni pour consulter sur les opérations, il y soit fait lecture desdites lettres-patentes, à haute et intelligible voix.
Donné au palais de l'Elysée, le neuvième jour du mois de juin de l'an de grâce mil huit cent quinze.
NAPOLÉON.
Par l'empereur,
Le ministre secrétaire-d'état.
H. B. MARET.
L'Éditeur poursuivra, suivant toute la rigueur des lois, les contrefacteurs et vendeurs des oeuvres qu'il publie.
Afin de satisfaire l'impatience des nombreux souscripteurs des Oeuvres de Napoléon Bonaparte, nous joignons au tome troisième de la collection deux pièces originales qui appartiennent au tome premier, et qu'il faudra plus tard faire relier à la fin de ce premier volume.
Les plus habiles bibliographes savaient très-bien que Bonaparte avait publié au commencement de la révolution les deux brochures que nous plaçons ici; mais on croyait impossible de se procurer ces deux écrits de la jeunesse d'un sous-lieutenant d'artillerie, devenu depuis le souverain maître de l'Europe. Le style et les idées du jeune soldat à la naissance de la révolution, comparés aux discours de l'empereur, offriront sans doute des rapprochemens intéressans; on y trouvera peut-être déjà quelques points de départ de cette carrière où la fortune, après avoir comblé un mortel de tous ses dons les plus brillans, semble s'être plu à les lui ravir en un instant, pour le frapper, à la fin de sa carrière, de ses coups les plus déchirans. Après beaucoup de recherches que nous avions même cru désormais infructueuses, nous sommes parvenus à ces découvertes importantes dans la collection des oeuvres d'un homme aussi extraordinaire.
La lettre à M. Buttafoco, député de la Corse à l'Assemblée nationale, nous a été communiquée par l'imprimeur même de cette brochure, qui en conservait un exemplaire précieusement: nous en devons la communication à M. J. B, Joly, imprimeur à Dôle4.
Bonaparte était alors lieutenant d'artillerie à Auxonne. Il vint trouver M. Joly avec son frère Louis, auquel il enseignait les mathématiques: l'ouvrage fut imprimé à ses frais au nombre de cent exemplaires, et il les fit passer dans la Corse.
Bonaparte avait aussi composé un ouvrage qui aurait pu former deux volumes, sur l'histoire politique, civile et militaire de la Corse. Il engagea M. Joly à aller le voir à Auxonne pour traiter de l'impression de cet ouvrage. M. Joly s'y rendit en effet. Bonaparte occupait, au pavillon, une chambre presque nue, ayant pour tous meubles un mauvais lit sans rideaux, une table placée dans l'embrasure d'une fenêtre, et chargée de livres et de papiers, et deux chaises: son frère couchait sur un mauvais matelas, dans un cabinet voisin. On fut d'accord sur le prix d'impression; mais il attendait d'un moment à l'autre une décision pour quitter Auxonne ou pour y rester. Cet ordre arriva en effet quelques jours après: il partit pour Toulon, et l'ouvrage ne fut pas imprimé. Il est douteux que l'on puisse jamais retrouver cet écrit dont il ne reste aucune trace. On lui avait confié le dépôt des ornemens d'église de l'aumônier du régiment, qui venait d'être supprimé. Il les fit voir à M. Joly, et ne parla des cérémonies de la religion qu'avec décence: Si vous n'avez pas entendu la messe, ajoutât-il, je puis vous la dire.
Pour constater davantage l'authenticité de cette lettre, nous citerons le passage suivant du Journal de Dijon, du 4 août 1821.
«L'exemplaire que nous possédons nous a été donné, il y a environ dix-neuf ans, par une personne d'Auxonne, qui le tenait elle-même ex autoris dono.
«Deux fautes d'impression, l'une à la première ligne de la page 8, et l'autre à la fin de la sixième ligne de la page 9, sont corrigées de la main de l'auteur.
«Il n'y avait pas long-temps que nous étions en possession de notre exemplaire, lorsque dans un voyage à Dôle (Jura) nous eûmes occasion de visiter M. Joly (Jos.-Fr.-Xav.), imprimeur en cette ville, possesseur d'une bibliothèque qui atteste ses connaissances et son bon goût. Nos yeux se promenaient avec complaisance sur les richesses bibliographiques de son cabinet; ils s'arrêtèrent sur un volume fort mince, qui se faisait distinguer, au milieu d'une quantité de reliures de luxe, par la recherche qui avait été mise à la sienne: c'était la Lettre de M. Buonaparte à M. Matteo-Buttafoco. Nous apprîmes alors, de la bouche de M. Joly, que cette brochure était sortie de ses presses, en 1790; que Bonaparte, qui était alors lieutenant au régiment de la Fère, artillerie, en garnison à Auxonne, en avait revu lui-même les dernières épreuves; qu'à cet effet il se rendait à pied à Dôle, en partant d'Auxonne à quatre heures du matin; qu'après avoir vu les épreuves il prenait, chez M. Joly, un déjeuner extrêmement frugal, et se remettait bientôt en route pour rentrer dans sa garnison, où il arrivait avant midi, ayant déjà parcouru dans la matinée huit lieues de poste.»
«Bonaparte entra dans le corps royal de l'artillerie en 1785. Du régiment de la Fère, où il fit ses premières armes, il passa dans celui de Grenoble, en garnison à Valence, où il était en 1791, le quatrième des premiers lieutenans de première classe (Voyez l'État militaire du corps de l'artillerie de France pour l'année 1791, imprimé chez Firmin Didot, petit in-12 de 166 pages). Nous remarquons que le nom de Bonaparte qui est employé trois fois dans l'État militaire cité, y est écrit, page 60, Buonaparté, tandis qu'on lit, pages 94 et 139, Buona parté.»
La petite brochure intitulée: Le souper de Beaucaire, semblait devoir ne pas échapper à l'oubli. Bonaparte passait, en 1793, à Beaucaire; il s'y trouva à souper dans une auberge le 29 juillet, avec plusieurs commerçans de Montpellier, de Nîmes et de Marseille. Une discussion s'engagea sur la situation politique de la France: chacun des convives avait une opinion différente.
Bonaparte, de retour à Avignon, profita de quelques momens de repos pour consigner ce dialogue dans une brochure qu'il intitula: Le souper de Beaucaire. Il fit imprimer cet opuscule chez Sabin Tournal, rédacteur et imprimeur du Courier d'Avignon.
L'ouvrage ne fit alors aucune sensation; ce ne fut que lorsque Bonaparte devint général en chef, que M. Loubet, secrétaire du feu M. Tournal, qui en avait conservé un exemplaire, y attacha quelque prix, parce que cet exemplaire était signé de la main de son auteur. Il le montra alors à plusieurs personnes d'Avignon. M. Loubet étant mort, on s'est adressé à son fils par l'intermédiaire de M. M...., et on a obtenu la copie exacte de cet opuscule, dont il n'existe plus sans doute que ce seul exemplaire.
GALERIE MILITAIRE
DE NAPOLÉON BONAPARTE
RECUEIL DE TOUS LES TABLEAUX ET MONUMENS
OU SONT REPRÉSENTÉS
LES PRINCIPAUX ÉVÉNEMENS DE SA CARRIÈRE MILITAIRE;
PAR DAVID, GÉRARD, GIRODET, GROS, GUÉRIN, LBJEUNE, LETHIERS, GAUTHEROT, TAUNAY, (Carle et Horace) VERNET, VINCENT, BACLER D'ALBE, BERTBON, BOURGEOIS, CALLET, CARTELLIER, CLODION, DEBRET, DESEVE, ESPERCIEUX, MEYNIER, MONGIN, PAJOU, PONCE CAMUS, RHOEN, THÉVENIN, etc., etc.
(FAISANT SUITE AUX OEUVRES DE NAPOLÉON.)
Gravés par G. NORMANT père et fils.
C.L.F. PANCKOUCKE, ÉDITEUR,
L'ouvrage contient QUARANTE planches in-folio sur papier vélin superfin.
Il paraîtra en CINQ livraisons de chacune HUIT planches.
Le prix de chaque livraison est de SIX FRANCS, et de tout l'ouvrage TRENTE FRANCS.
Il faut ajouter trente centimes pour recevoir chaque livraison franc de port.
Lorsque la victoire, qui avait guidé nos phalanges en Italie et en Égypte sous la conduite de Napoléon, l'eut élevé sur les débris d'un gouvernement éphémère, il sembla, pendant quelque temps, vouloir suivre l'exemple qu'il avait donné lui-même, d'ériger des monumens à la gloire nationale. C'était en effet à la patrie qu'avaient été consacrés les chefs-d'oeuvre des arts, les plus beaux prix de nos conquêtes, par l'armée d'Italie, dont les triomphes avaient peuplé ce Musée, devenu le point de réunion des plus magnifiques productions de l'art antique et moderne. Ce fut alors que le ciseau de nos plus habiles statuaires, que le pinceau des disciples de Raphaël et de Michel-Ange s'empressèrent de perpétuer les nombreux exploits de nos plus grands guerriers. Quelque jaloux que fût Napoléon d'occuper seul les cent voix de la renommée, pour entretenir cette ardeur belliqueuse, il fallut que sa gloire se confondît avec la gloire nationale, qu'elles fussent toutes deux réunies dans des monumens consacrés à l'utilité publique, aux hommes éminens par la bravoure et le mérite, qui avaient bien servi la patrie, ou qui étaient morts pour elle dans les combats.
Dans cette collection, nous avons placé les tableaux qui retracent la carrière militaire de Napoléon Bonaparte, parce qu'il y est représenté entouré des guerriers qui ont parcouru avec lui cette longue et brillante période. En réunissant ces tableaux, le lecteur suivra, avec les progrès de notre gloire militaire, ceux des efforts de tous les arts pour l'immortaliser: chaque dessin rappellera à la mémoire le souvenir de plusieurs événemens.
En célébrant ainsi de nouveau cette suite de hauts faits, nous rendrons en même temps hommage au génie de nos grands artistes, aux David, Gérard, Girodet, Gros, Guérin, Lejeune, Taunay, Vernet, etc., etc.
La galerie fondée par le prince Berthier contient huit tableaux, sujets de batailles, par nos premiers artistes; nous avons obtenu de les faire dessiner.
Nous avons cru devoir aussi nous réduire à un simple trait, suffisant pour donner exactement le dessin des objets, et révéler toute la pensée de l'artiste.
Voici la liste et tordre dans lequel nous présenterons ce Recueil.
Les gravures sont classées dans l'ordre chronologique, et forment une suite de tableaux historiques de la vie de Napoléon Bonaparte.
PREMIÈRE LIVRAISON.
(10 mai 1796.) Passage du pont de Lodi, peint par Taunay: salon de 1818.—(15 novembre 1796.) Bataille d'Arcole, peint par Bacler d'Albe: salon de 1804.—(13 janvier 1797.) Bataille de Rivoli, peint par Lafitte: salon de 1804.—(14 janvier 1797.) Bataille de Rivoli, peint par C. Vernet: salon de 1810.—(18 avril 1797.) Préliminaires de la paix de Léoben, peint par Lethiers: salon de 1806,—(8 octobre 1797.) Établissement de la république cisalpine, peint par Lafitte: salon de 1804.—(13 juillet 1798.) Harangue aux Pyramides, peint par Gros: salon de 1810.—(25 juillet 1798.) Bataille des Pyramides, peint par Vincent: salon de 1810.
DEUXIÈME LIVRAISON.
(21 octobre 1798.) Révolte du Kaire, peint par Girodet: salon de 1810.—(29 octobre 1798.) Pardon accordé aux révoltés du Kaire, peint par Guérin: salon de 1808.—(3 mars 1799.) Les pestiférés de Jaffa, peint par Gros: salon de 1804.—(15 juillet 1799.) Bataille d'Aboukir, peint par Lejeune: salon de 1804.—(15 juillet 1799.) Bataille d'Aboukir, peint par Gros: salon de 1806.—(mai 1800.) Passage de l'armée de réserve dans le défilé d'Albarède, peint par Mongin: salon de 1812.—(mai 1800.) Passage du Mont-Saint-Bernard, peint par Thévenin: salon de 1806.—(17 mai 1800.) Bonaparte au sommet du Saint-Bernard, peint par David: salon de 1806.
TROISIÈME LIVRAISON.
(14 juin 1800.) Bataille de Marengo, peint par Lejeune.—(15 juin 1800.) Mort de Dessaix, peint par Broc: salon de 1806—(12 octobre 1805.) Harangue de Napoléon à l'armée, peint par Gautherot: salon de 1808.—(octobre 1805) Napoléon honorant le malheur des blessés ennemis, peint par Debret: salon de 1806.—(octobre 1806.) Napoléon au tombeau du Grand-Frédéric, peint par Ponce-Camus: salon de 1800.—(novembre 1806.) Napoléon recevant à Berlin les députés du sénat, peint par Berthon: salon de 1810.—(17 octobre 1805.) Capitulation devant Ulm (quatrième bas-relief de l'arc du Carrousel), par Cartelier.—(24 octobre 1805.) Entrée à Munich (deuxième bas-relief de l'arc du Carrousel), par Clodion.
QUATRIÈME LIVRAISON.
(13 novembre 1805.) Napoléon recevant les clefs de Vienne peint par Girodet: salon de 1808.—(13 novembre 1805.) Entrée dans Vienne (troisième bas-relief de l'arc du Carrousel), par Desenne.—(2 décembre 1805.) Le matin de la bataille d'Austerlitz, peint par Carle Vernet: salon de 1808.—(2 décembre 1805.) Bataille d'Austerlitz, peint par Gérard: salon de 1810.—(2 décembre 1805.) Victoire d'Austerlitz (cinquième bas-relief de l'arc du Carrousel), par Espercieux: salon de 1810.—(2 janvier 1805.) Fin de la bataille d'Austerlitz, peint par Meynier: salon de 1810.—(5 décembre 1805.) Entrevue des deux empereurs, peint par Gros: salon de 1812.—(décembre 1806.) Napoléon à Osterode, peint par Ponce-Camus: salon de 1810.
CINQUIÈME LIVRAISON.
(19 décembre 1806.) Entrée à Varsovie, peint par Callet.—(8 février 1807.) Champ de bataille d'Eylau, peint par Gros: salon de 1808.—(juillet 1807.) Distribution des décorations de la légion-d'honneur, aux braves de l'armée russe, peint par Debret: salon de 1808.—(4 septembre 1808.) Prise de Madrid, peint par Gros: salon de 1810.—(23 avril 1809.) Prise de Ratisbonne, peint par Thévenin.—(22 mai 1809.) Rentrée dans l'île de Lobau, peint par Meynier: salon de 1812.—(31 mai 1809.) Napoléon aux derniers momens du duc de Montebello, peint par Bourgeois: salon de 1810.—(6 juillet 1809.) Bataille de Wagram, peint par Gros: salon de 1810.
Ces planches sont gravés avec la perfection reconnue de
Mr. C. Normant.