Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I
The Project Gutenberg eBook of Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I
Title: Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I
Author: Voltaire
Editor: A. J. Q. Beuchot
Release date: June 20, 2022 [eBook #68355]
Most recently updated: October 18, 2024
Language: French
Original publication: France: Chez Lefèvre, 1830
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ŒUVRES
DE
V O L T A I R E
AVEC
PRÉFACES, AVERTISSEMENTS,
NOTES, ETC.
PAR M. BEUCHOT.
———
TOME XIX.
SIÈCLE DE LOUIS XIV.—TOME I.
A PARIS,
CHEZ LEFÈVRE, LIBRAIRE,
RUE DE L’ÉPERON, Nº 6.
FIRMIN DIDOT FRÈRES, RUE JACOB, Nº 24.
WERDET ET LEQUIEN FILS,
RUE DU BATTOIR, Nº 20.
M DCCC XXX.
TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER VOLUME
DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.
PRÉFACE
DU NOUVEL ÉDITEUR.
Voltaire pensait, dès 1732, à donner l’histoire du Siècle de Louis XIV[1]. Ce ne fut toutefois qu’à la fin de 1739 qu’il publia un Essai sur le Siècle de Louis XIV. Ce morceau, composé de ce qui forme aujourd’hui à-peu-près les deux premiers chapitres de l’ouvrage, fait partie d’un Recueil de pièces fugitives en prose et en vers, par M. de V***, 1740, in-8º. Mais, malgré la date qu’il porte, ce volume avait paru à la fin de 1739, puisqu’un arrêt du conseil, du 4 décembre 1739, en ordonne la suppression. Parmi les variantes que présente l’Essai, j’ai conservé et mis en note (pages 267 et 268) deux passages qui m’ont semblé dignes de remarque. Je dirai, à cette occasion, que je n’ai pas trouvé dans l’édition de l’Essai autant de fautes que le croyait l’auteur[2].
Ce ne fut que dix à douze ans après que Voltaire publia enfin tout l’ouvrage. On fixe communément à l’année 1752 la publication du Siècle de Louis XIV. Cependant Voltaire lui-même, dans le XIIIᵉ de ses Fragments sur l’histoire générale (voyez tome XLVII), dit que son livre, composé en 1745, fut imprimé en 1750. Mais cela est contredit par une lettre à madame Denis, du 20 février 1751: Voltaire écrit qu’il s’amuse à finir le Siècle de Louis XIV. L’édition était commencée six mois après[3], et dut être achevée la même année. Il existe une édition en deux volumes petit in-12, sous le millésime de 1751. Elle a pour titre: Le Siècle de Louis XIV, publié par M. de Francheville, conseiller aulique de sa majesté, et membre de l’académie royale des sciences et belles-lettres de Prusse.
On conçoit que Voltaire, à la cour de Berlin, comblé «de bontés à tourner la tête[4],» occupé, non seulement de la composition de ses ouvrages, mais encore de la correction de ceux du roi[5], ait eu recours à quelqu’un pour les soins qu’exigeait l’impression de son livre. Le nom de Francheville, mis sur le titre de la première édition du Siècle, et conservé dans plusieurs des éditions suivantes, a fait dire à quelques personnes que cet ouvrage n’était pas de Voltaire, mais d’un Prussien. Voltaire déclare dans le Supplément (voyez tome XX) que M. de Francheville, Français réfugié, «voulut bien présider à la première édition du Siècle de Louis XIV,» c’est-à-dire se charger des détails et embarras de l’impression, qui durent être d’autant plus grands, que c’est, à ma connaissance, le premier livre imprimé tout entier avec l’orthographe de l’auteur.
A peine le Siècle parut-il, qu’il fut la proie des libraires. On en donna des éditions sous les noms de La Haye, deux volumes in-12; Dresde (Lyon ou Trévoux), deux volumes in-12; Leipsic (Paris), deux volumes, en quatre parties, in-12; Édimbourg, deux volumes in-12, etc. L’édition de Dresde (Lyon ou Trévoux), 1752, deux volumes in-12, est intitulée troisième. L’auteur n’avait pas encore donné sa seconde, qui parut à Leipsic, deux volumes in-12, ayant chacun deux parties. Cette seconde édition contient des additions et un Avis du libraire, qui parle de huit éditions faites en moins de dix mois. Elle avait été précédée de deux Avertissements imprimés successivement dans les journaux (Mercure, juin et novembre 1752). Je les ai imprimés tome XXXIX, pages 465 et 468.
C’est sur l’édition de La Haye, copie de celle de Berlin, 1751, que La Beaumelle donna son édition, Francfort, 1753, trois volumes in-12, dont je parlerai plus longuement (tome XX), dans ma Préface du Supplément au Siècle de Louis XIV, dont cette édition de La Beaumelle fut l’origine.
L’édition de Dresde, 1753, deux volumes petit in-8º, quoique donnée pour revue par l’auteur et considérablement augmentée, ne contient rien qui ne fût dans la seconde édition déjà mentionnée.
Voltaire ne cessa pourtant pas de revoir, corriger et augmenter son Siècle de Louis XIV. Lorsqu’en 1756 il donna son Essai sur l’histoire générale (voyez ma Préface du tome XV), il mit à la suite le Siècle de Louis XIV, qui y forme les chapitres CLXV à CCX. Le chapitre CCXI, intitulé: Résumé de toute cette histoire, est aujourd’hui le chapitre CXCVII de l’Essai sur les mœurs (voyez t. XVIII, p. 473). Le chapitre CCXII de 1756 est, depuis 1763, le chapitre XXXIV du Siècle de Louis XIV. Les chapitres CCXIII-CCXV forment, depuis 1768, les préliminaires du Siècle de Louis XIV.
Peu de temps après la publication de l’édition de 1756, Voltaire reçut de Lausanne le certificat de trois pasteurs, que j’ai rapporté dans une note, page 208. Empressé de faire usage de cette pièce favorable à Saurin, et ne voulant pas attendre la réimpression, il fit réimprimer les dernières feuilles du septième et dernier volume. Il put ainsi faire des additions aux articles Fontenelle, Gédoin, La Motte, et ajouter en entier les articles Destouches, Nivelle de La Chaussée, et Joseph Saurin. Il lui fallut en même temps changer les frontispices de l’ouvrage, qui, datés de 1756, ne pouvaient plus convenir à un ouvrage contenant un certificat du 30 mars 1757. Il n’en coûtait pas davantage de mettre à ces frontispices, seconde édition; cela fut fait. Mais les brocheurs et relieurs laissèrent souvent le frontispice de 1756 à des exemplaires qui contiennent le certificat.
Un nommé Lervêche[6], mécontent des expressions de l’article Saurin, et regardant le certificat comme surpris ou supposé, fit insérer, sans la signer, une assez longue lettre dans le Journal helvétique, d’octobre 1758. C’est pour répondre à Lervêche que Voltaire composa la Réfutation d’un écrit anonyme concernant la mémoire de feu M. Joseph Saurin[7], à laquelle Lervêche répliqua. Les pièces de cette querelle font partie de la Guerre littéraire, ou Choix de quelques pièces de M. de V***, 1759, in-12, de CXL et 183 pages, imprimé à Lausanne, chez Grasset. Voltaire, blessé de la publication de ce volume, composa Mémoire et Requête[8], pour en obtenir la suppression. Grasset, malgré la protection de Haller, craignant qu’on n’accédât à la demande de Voltaire, changea le titre du volume, et, sur le nouveau frontispice, mit seulement: Choix de quelques pièces polémiques de M. de V***[9]. C’était une précaution inutile; la demande de Voltaire n’eut aucune suite.
La réimpression de l’Essai sur l’histoire générale, en Hollande, 1757, sept volumes in-8º, fut faite sur un exemplaire de 1756, mais augmentée d’une table assez ample. Elle ne contient aucune des additions faites par l’auteur en réimprimant les dernières feuilles de son volume, ni conséquemment le certificat du 30 mars 1757, que Voltaire, au reste, supprima dans l’édition de l’Essai sur l’histoire générale, 1761-63, en huit volumes in-8º.
Dans cette édition de 1761-63 c’est au sixième volume que commence le Siècle de Louis XIV, volume qui est intitulé: Essai sur l’histoire générale, etc., tome sixième: ou suite, tome premier. Le Siècle de Louis XIV n’y a pas moins de soixante-deux chapitres. Le quarante-deuxième est consacré aux Artistes célèbres. Tous ceux qui le suivent sont relatifs à ce qui s’est passé après la mort de Louis XIV, et font, depuis 1768, partie du Précis du Siècle de Louis XV (voyez tome XXI). Le chapitre LXI, intitulé: D’un fait singulier concernant la littérature, et que les éditeurs divers ont placé les uns dans une division, les autres dans une autre, sera, dans la présente édition, au tome XLI (parmi les Mélanges, année 1763). C’est dans le même volume que je mettrai le chap. LXII de l’édition de 1763, sous son titre de: Conclusion et examen de ce tableau historique. C’est ce chapitre que les éditeurs de Kehl ont intitulé: Nouvelles remarques sur l’histoire à l’occasion de l’Essai sur les mœurs (et ont placé sous le nº XXIV des Fragments sur l’histoire); titre inexact, car ce morceau est antérieur aux Remarques publiées séparément en 1763, et qu’on peut voir aussi dans le tome XLI.
En 1768 parut le Siècle de Louis XIV, nouvelle édition, revue, corrigée, et augmentée, à laquelle on a ajouté un Précis du Siècle de Louis XV, quatre volumes in-8º. Le Précis du Siècle de Louis XV commence dans le troisième volume, et a trente-neuf chapitres (voyez ma Préface du tome XXI). C’est aussi en trente-neuf chapitres qu’est le Siècle de Louis XIV, qui est précédé de l’Avertissement que voici:
On a cru devoir commencer cette nouvelle édition du Siècle de Louis XIV par la liste de la maison royale et de tous les princes du sang de son temps. Elle est suivie de celle de tous les souverains contemporains, des maréchaux de France, des amiraux et généraux des galères, des ministres et secrétaires d’état, qui ont servi sous ce monarque. Après quoi vient le catalogue alphabétique des savants et artistes en tout genre. Cette instruction préliminaire est une espèce de dictionnaire dans lequel le lecteur peut choisir les sujets à son gré, pour se mettre au fait des grands événements arrivés sous ce règne.
Jusque-là, en effet, c’était à la fin du Siècle de Louis XIV, et quelquefois sous la forme de trois chapitres, qu’avaient été placés: 1º la Liste des enfants de Louis XIV, des souverains contemporains, etc.; 2º le Catalogue des écrivains; 3º les Artistes célèbres; objets qui, depuis 1768 (l’édition de madame de Genlis exceptée), ont été conservés en tête de l’ouvrage: voyez, dans le présent volume, pages 1, 47 et 223. C’était, ainsi que je l’ai dit, ce qui formait, en 1756 et 1757, les chap. CCXIII-CCXXV de l’Essai; et en 1763, les chap. XL-XLII du Siècle.
Dans l’édition in-4º des Œuvres de Voltaire, le Siècle de Louis XIV forme, avec le Précis du Siècle de Louis XV, les tomes XI et XII, datés de 1769. Le Siècle de Louis XIV se trouve dans les tomes XVIII et XIX de l’édition encadrée, ou de 1775: c’est la dernière édition authentique donnée du vivant de l’auteur.
Les éditions de Kehl contiennent quelques additions posthumes, parmi lesquelles il en est une qui me laisse quelques doutes de son authenticité. Dans la liste des maréchaux, à l’article Berwick (voyez page 20), on parle des Mémoires de Berwick, publiés par l’abbé Hook, en 1778. Ce sont les véritables mémoires du maréchal. Dans deux notes du chapitre XXI, Voltaire cite, pour les critiquer, ceux qui avaient été fabriqués par l’abbé Margon, et publiés en 1737. A-t-il vu la publication de l’édition de l’abbé Hook? Voltaire est mort dans la nuit du 30 au 31 mai 1778, après quelque temps de maladie. Le Catalogue hebdomadaire n’annonce les Mémoires que dans sa fouille du 13 juin. L’Année littéraire, en rendant compte des Mémoires, année 1778 (tome V, page 181 et suiv.), parle de Voltaire comme n’existant plus. Toutes les notes du Siècle de Louis XIV, où il est question des Mémoires publiés par Hook, sont des éditeurs de Kehl, qui, dans le chapitre XXI, à la suite d’une note de Voltaire, établissent que les Mémoires de Berwick, cités par Voltaire, ne sont pas ceux qu’a publiés l’abbé Hook.
De toutes les éditions qui ont paru depuis celles de Kehl, je ne parlerai que d’une qui fut publiée, il y a dix ans, sous ce titre: Siècle de Louis XIV, par Voltaire; nouvelle édition, avec des retranchements, des notes et une préface, par madame la comtesse de Genlis, 1820, trois volumes in-12. L’éditeur moderne annonce avoir ôté «tout ce qui souillait et déparait» cet ouvrage, qu’elle trouve «instructif et rempli de faits intéressants.» Ce qui choque surtout madame de Genlis, ce sont les «épigrammes sans nombre sur les prêtres; et la satire calomnieuse et continuelle de la religion et de la piété.» Aussi, en réduisant à trente-six les trente-neuf chapitres de Voltaire, a-t-elle supprimé le chapitre du Calvinisme, celui du Jansénisme, celui sur les Cérémonies chinoises; et çà et là beaucoup de morceaux. Les préliminaires ont été reportés à la fin du troisième volume.
Avant d’être mutilé par madame de Genlis, le Siècle de Louis XIV avait été condamné à Rome les 22 février et 16 mai 1753.
Dans le chapitre 1ᵉʳ de son livre (voyez pages 237-38), Voltaire parle des quatre siècles des lettres et des arts. A.-J. Roustan, à qui Voltaire adressa, en 1768, des Remontrances et des Instructions (voyez tome XLIV), en publiant, en 1764, un volume in-8º, intitulé: Offrande aux autels et à la patrie, y comprit un Examen historique des quatre beaux siècles de M. de Voltaire. Roustan pense que Voltaire loue beaucoup trop Louis XIV. C’est aussi l’opinion de feu Lémontey, dans son Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV, 1818, in-8º.
Peu après les premières impressions du Siècle de Louis XIV, avait paru le Siècle politique de Louis XIV, ou Lettres du vicomte de Bolingbroke sur ce sujet, avec les pièces qui forment l’histoire du siècle de M. F. de Voltaire, et de ses querelles avec MM. de Maupertuis et La Beaumelle, à Sieclopolie, 1753, in-8º. Ce volume, dont je parlerai aussi dans ma Préface du Supplément au Siècle de Louis XIV, a eu plusieurs éditions en 1754 et 1755. On en a fait le tome IV des éditions du Siècle en trois volumes, et le tome V des éditions en quatre. Sur le faux titre de l’édition de 1753, on lit: Nouveau volume du Siècle de Louis XIV, pour suppléer à ce qui manque à cet ouvrage de M. de Voltaire. L’éditeur de ce volume fut Maubert de Gouvest; il y donne un fragment d’une lettre et deux lettres entières de Bolingbroke (voyez ma note, tome XXXIX, page 574), et un Recueil de pièces concernant le Siècle de Louis XIV, et les querelles de son auteur avec MM. de Maupertuis et de La Beaumelle.
Il est à remarquer que ni le Mercure, ni les Lettres sur quelques écrits de ce temps (par Fréron), n’aient rendu compte de la première édition du Siècle de Louis XIV, qui fut déchirée dans le Journal de Gottingue. Voltaire répondit par l’Avis à l’auteur du Journal de Gottingue[10].
J’ai dit que Voltaire n’avait cessé de revoir son livre. Ses notes surtout ont été successivement ajoutées: de là vient que quelques unes semblent contradictoires. Il dit quelque part[11] n’avoir point eu connaissance des Annales de l’abbé de Saint-Pierre, dont il rapporte cependant des passages. C’est pourquoi j’ai indiqué la date de quelques notes. J’ai fait la même chose pour quelques phrases du texte seulement. Il eût été fatigant, ce me semble, pour le lecteur, d’avoir, pour ainsi dire, l’acte de naissance de chacune.
Fontenelle était, en 1752, le seul qui fît exception à la règle que l’auteur s’était faite de ne mettre dans son Catalogue des écrivains aucun homme vivant (voyez ma note, p. 114). Voltaire fit en 1768 deux nouvelles exceptions en faveur de D’Olivet et du président Hénault (voyez pages 99-100 et 122). Mais plusieurs auteurs, sans y avoir d’article ont eu le plaisir de se voir louer dans le Siècle de Louis XIV: le président Hénault dès 1751 (v. ma note, p. 122); le duc de Nivernais dès 1756 (v. p. 269); B.-J. Saurin dès 1763 (v. p. 208); M. Jacques-Dominique Cassini, âgé aujourd’hui de quatre-vingts dix ans, dans les éditions posthumes (v. p. 75).
Je donne peu de variantes: il n’était nécessaire ni de les relever toutes, ni d’indiquer à quelle place se trouvaient, dans les premières éditions du Siècle de Louis XIV, des alinéa qui ont, depuis, été transportés dans l’Essai sur les mœurs.
Je possède un exemplaire de l’édition de 1751, avec un grand nombre d’additions et corrections, dont plusieurs sont de la main de Voltaire. J’ai eu en communication d’autres exemplaires corrigés aussi de la main de l’auteur, ou de celles de ses secrétaires[12]. Mais j’ai retrouvé toutes ces corrections employées dans les éditions subséquentes, à l’exception d’une seule, dont j’ai fait mon profit: c’est à la fin d’un alinéa du chapitre XXXVI (Du calvinisme).
Pour l’ordre alphabétique du Catalogue des écrivains, j’ai suivi plusieurs des éditeurs modernes; mais je dois faire remarquer que cet ordre n’est pas tout-à-fait celui de Voltaire lui-même.
Dans quelques éditions du Siècle de Louis XIV, on a imprimé à la suite plusieurs morceaux de Voltaire, que j’ai distribués autrement, savoir:
I. Éclaircissements sur quelques anecdotes; c’est le neuvième des Fragments sur l’histoire générale (voyez tome XLVII).
II. Sur la Révocation de l’édit de Nantes; c’est le quinzième des mêmes Fragments.
III. Défense de Louis XIV contre les Annales politiques de l’abbé de Saint-Pierre; c’est le treizième des Fragments.
IV. Extrait d’un mémoire sur les calomnies contre Louis XIV et contre Louis XV, etc.; c’est le onzième des Fragments.
V. Défense de Louis XIV contre l’auteur des Éphémérides du citoyen, qu’on trouvera dans le tome XLVI.
VI. Avis à l’auteur du journal de Gottingue. J’en ai déjà parlé, et je l’ai imprimé tome XXXIX, page 514.
VII. Anecdotes sur Louis XIV. Elles avaient paru avant le Siècle de Louis XIV (en 1748), et sont dans le tome XXXIX, page 3.
VIII. Journal de la cour de Louis XIV, avec des notes. C’est l’extrait des Mémoires de Dangeau, qu’on verra au tome XLVI.
IX. Extrait des Souvenirs de madame de Caylus, avec des notes, que je réserve aussi pour le tome XLVI.
X. Fragment sur le Siècle de Louis XIV. C’était, en effet, un lambeau de la Préface d’un volume publié par Voltaire, en 1754, et que j’ai imprimée tome XXXIX, pages 564-577. Le morceau donné sous le titre de Fragment commence à la page 573.
Les derniers passages du chapitre LXII de l’édition de 1763, dont j’ai parlé ci-dessus, sont aussi relatifs au Siècle de Louis XIV.
J’ai peur d’avoir fait cette Préface trop longue, et je me hâte de la terminer.
Les notes sans signature, et qui sont indiquées par des lettres, sont de Voltaire.
Les deux ou trois notes signées L sont prises dans l’édition de La Beaumelle.
Les notes signées d’un K sont des éditeurs de Kehl, MM. Condorcet et Decroix. Il est impossible de faire rigoureusement la part de chacun.
C’est avec l’autorisation de M. Clogenson que j’ai reproduit un grand nombre de ses notes. Elles sont signées Cl.
Les additions que j’ai faites à diverses de ces notes en sont séparées par un—, et sont, comme mes notes, signées de l’initiale de mon nom.
BEUCHOT.
Ce 9 mai 1830, anniversaire de la réception de Voltaire à l’académie française.
LISTE RAISONNÉE
DES
ENFANTS DE LOUIS XIV,
DES PRINCES DE LA MAISON DE FRANCE DE SON TEMPS, DES SOUVERAINS CONTEMPORAINS, DES MARÉCHAUX DE FRANCE, DES MINISTRES, DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS, ET DES ARTISTES QUI ONT FLEURI DANS CE SIÈCLE.
Louis XIV n’eut qu’une femme[13], Marie-Thérèse d’Autriche, née comme lui en 1638, fille unique de Philippe IV, roi d’Espagne, de son premier mariage avec Élisabeth de France, et sœur de Charles II et de Marguerite-Thérèse, que Philippe IV eut de son second mariage avec Marie-Anne d’Autriche. Ce second mariage de Philippe IV est très remarquable. Marie-Anne d’Autriche était sa nièce, et elle avait été fiancée, en 1648, à Philippe-Balthazar, infant d’Espagne; de sorte que Philippe IV épousa à-la-fois sa nièce et la fiancée de son fils.
Les noces de Louis XIV furent célébrées le 9 juin 1660. Marie-Thérèse mourut en 1683. Les historiens se sont fatigués à dire quelque chose d’elle. On a prétendu qu’une religieuse lui ayant demandé si elle n’avait pas cherché à plaire aux jeunes gens de la cour du roi son père, elle répondit: «Non, il n’y avait point de rois.» On ne nomme point cette religieuse, elle aurait été plus qu’indiscrète. Les infantes ne pouvaient parler à aucun jeune homme de la cour; et lorsque Charles Iᵉʳ, roi d’Angleterre, étant prince de Galles, alla à Madrid pour épouser la fille de Philippe III, il ne put même lui parler. Ce discours de Marie-Thérèse semble d’ailleurs supposer que s’il y avait eu des rois à la cour de son père, elle aurait cherché à s’en faire aimer. Une telle réponse eût été convenable à la sœur d’Alexandre, mais non pas à la modeste simplicité de Marie-Thérèse. La plupart des historiens se plaisent à faire dire aux princes ce qu’ils n’ont ni dit ni dû dire.
Le seul enfant de ce mariage de Louis XIV qui vécut fut Louis, dauphin, nommé Monseigneur, né le 1ᵉʳ novembre 1661, mort le 14 avril 1711. Rien n’était plus commun, long-temps avant la mort de ce prince, que ce proverbe qui courait sur lui: «Fils de roi, père de roi, jamais roi.» L’événement semble favoriser la crédulité de ceux qui ont foi aux prédictions; mais ce mot n’était qu’une répétition de ce qu’on avait dit du père de Philippe de Valois, et était fondé d’ailleurs sur la santé de Louis XIV, plus robuste que celle de son fils.
La vérité oblige de dire qu’il ne faut avoir aucun égard aux livres scandaleux sur la vie privée de ce prince. Les Mémoires de madame de Maintenon, compilés par La Beaumelle, sont remplis de ces ridicules anecdotes. Une des plus extravagantes est que Monseigneur fut amoureux de sa sœur, et qu’il épousa mademoiselle Choin[14]. Ces sottises doivent être réfutées, puisqu’elles ont été imprimées.
Il épousa Marie-Anne-Christine-Victoire de Bavière, le 8 mars 1680, morte le 20 avril 1690: il en eut
1º Louis, duc de Bourgogne, né le 6 auguste 1682, mort le 18 février 1712, d’une rougeole épidémique; lequel eut de Marie-Adélaïde de Savoie, fille du premier roi de Sardaigne, morte le 12 février 1712,
Louis, duc de Bretagne, né en 1705, mort en 1712;
Et Louis XV, né le 15 février 1710.
La mort prématurée du duc de Bourgogne causa des regrets à la France et à l’Europe. Il était très instruit, juste, pacifique, ennemi de la vaine gloire, digne élève du duc de Beauvilliers et du célèbre Fénélon. Nous avons, à la honte de l’esprit humain, cent volumes contre Louis XIV, son fils Monseigneur, le duc d’Orléans son neveu, et pas un qui fasse connaître les vertus de ce prince, qui aurait mérité d’être célèbre s’il n’eût été que particulier.
2º Philippe, duc d’Anjou, roi d’Espagne, né le 19 décembre 1683, mort le 9 juillet 1746;
3º Charles, duc de Berri, né le 31 auguste 1686, mort le 4 mai 1714.
Louis XIV eut encore deux fils et trois filles, morts jeunes.
ENFANTS NATURELS ET LÉGITIMÉS.
Louis XIV eut de madame la duchesse de La Vallière, laquelle s’étant rendue religieuse carmélite, le 2 juin 1674, fit profession le 4 juin 1675, et mourut le 6 juin 1710, âgée de soixante-cinq ans,
Louis de Bourbon, né le 27 décembre 1663, mort le 15 juillet 1666;
Louis de Bourbon, comte de Vermandois, né le 2 octobre 1667, mort en 1683;
Marie-Anne, dite Mademoiselle de Blois, née en 1666, mariée à Louis-Armand, prince de Conti, morte en 1739.
AUTRES ENFANTS NATURELS ET LÉGITIMÉS.
De Françoise-Athénaïs de Rochechouart Mortemar, femme de Louis de Gondrin, marquis de Montespan. Comme ils naquirent tous pendant la vie du marquis de Montespan, le nom de la mère ne se trouve point dans les actes relatifs à leur naissance et leur légitimation:
Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, né le 31 mars 1670, mort en 1736;
Louis-César, comte de Vexin, abbé de Saint-Denys et de Saint-Germain-des-Prés, né en 1672, mort en 1683;
Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, né le 6 juin 1678, mort en 1737;
Louise-Françoise de Bourbon, dite Mademoiselle de Nantes, née en 1673, mariée à Louis III, duc de Bourbon-Condé, morte en 1743; Louise-Marie de Bourbon, dite Mademoiselle de Tours, morte en 1681;
Françoise-Marie de Bourbon, dite Mademoiselle de Blois, née en 1677, mariée à Philippe II, duc d’Orléans, régent de France, morte en 1749.
Deux autres fils, morts jeunes, dont l’un de mademoiselle de Fontanges.
Louis, dauphin, a laissé une fille naturelle. Après la mort de son père on voulut la faire religieuse; madame la duchesse de Bourgogne, apprenant que cette vocation était forcée, s’y opposa, lui donna une dot, et la maria.
PRINCES ET PRINCESSES DU SANG ROYAL,
QUI VÉCURENT DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV.
Jean-Baptiste Gaston, duc d’Orléans, second fils de Henri IV et de Marie de Médicis, né à Fontainebleau en 1608, presque toujours infortuné, haï de son frère, persécuté par le cardinal de Richelieu, entrant dans toutes les intrigues, et abandonnant souvent ses amis. Il fut la cause de la mort du duc de Montmorenci, de Cinq-Mars, du vertueux de Thou. Jaloux de son rang et de l’étiquette, il fit un jour changer de place toutes les personnes de la cour à une fête qu’il donnait; et prenant le duc de Montbazon par la main pour le faire descendre d’un gradin, le duc de Montbazon lui dit: «Je suis le premier de vos amis que vous ayez aidé à descendre de l’échafaud.» Il joua un rôle considérable, mais triste, pendant la régence, et mourut relégué à Blois, en 1660.
Élisabeth, fille de Henri IV, née en 1602, épouse de Philippe IV, très malheureuse en Espagne, où elle vécut sans crédit et sans consolation: morte en 1644.
Christine, seconde fille de Henri IV, femme de Victor-Amédée, duc de Savoie. Sa vie fut un continuel orage à la cour et dans les affaires. On lui disputa la tutèle de son fils, on attaqua son pouvoir et sa réputation. Morte en 1663.
Henriette-Marie, épouse de Charles Iᵉʳ, roi de la Grande-Bretagne, la plus malheureuse princesse de cette maison; elle avait presque toutes les qualités de son père. Morte en 1669.
Mademoiselle de Montpensier[15], nommée la Grande Mademoiselle, fille de Gaston et de Marie de Bourbon-Montpensier, dont nous avons les Mémoires, et dont il est beaucoup parlé dans cette histoire; morte en 1693.
Marguerite-Louise, femme de Cosme de Médicis, laquelle abandonna son mari et se retira en France.
Françoise-Magdeleine, femme de Charles-Emmanuel, duc de Savoie.
Philippe, Monsieur, frère unique de Louis XIV, mort le 9 juin 1701. Il épousa Henriette, fille de Charles Iᵉʳ, roi d’Angleterre, petite-fille de Henri-le-Grand, princesse chère à la France par son esprit et par ses graces, morte à la fleur de son âge en 1670. Il eut de cette princesse Marie-Louise, mariée à Charles II, roi d’Espagne, en 1679, morte à 27 ans, en 1689; et Anne-Marie, mariée à Victor-Amédée, duc de Savoie, depuis roi de Sardaigne. C’est à cause de ce mariage que dans la plupart des mémoires sur la guerre de la succession, on nomme le duc d’Orléans oncle[16] de Philippe V.
Ce fut lui qui commença la nouvelle maison d’Orléans. Il eut de la fille de l’électeur palatin, morte en 1722,
Philippe d’Orléans, régent de France, célèbre par le courage, par l’esprit, et les plaisirs; né pour la société encore plus que pour les affaires; et l’un des plus aimables hommes qui aient jamais été. Sa sœur a été la dernière duchesse de Lorraine. Mort en 1723.
LA BRANCHE DE CONDÉ EUT UN TRÈS GRAND ÉCLAT.
Henri, prince de Condé, second du nom, premier prince du sang, jouit d’un crédit solide pendant la régence, et de la réputation d’une probité rare dans ces temps de trouble. Possédant environ deux millions de rente selon la manière de compter d’aujourd’hui, il donna dans sa maison l’exemple d’une économie que le cardinal Mazarin aurait dû imiter dans le gouvernement de l’état, mais qui était trop difficile. Sa plus grande gloire fut d’être le père du grand Condé. Mort en 1646.
Le grand Condé, Louis II du nom, fils du précédent et de Charlotte-Marguerite de Montmorenci, neveu de l’illustre et malheureux duc de Montmorenci, décapité à Toulouse, réunit en sa personne tout ce qui avait caractérisé pendant tant de siècles ces deux maisons de héros. Né le 8 septembre 1621: mort le 11 décembre 1686.
Il eut de Clémence de Maillé de Brézé, nièce du cardinal de Richelieu,
Henri-Jules, nommé communément Monsieur le Prince, mort en 1709.
Henri-Jules eut d’Anne de Bavière, palatine du Rhin,
Louis de Bourbon, nommé Monsieur le duc, père de celui qui fut le premier ministre sous Louis XV: mort en 1710.
BRANCHE DE CONTI.
Le premier prince de Conti[17], Armand, était frère du grand Condé; il joua un rôle dans la fronde. Mort en 1666.
Il laissa d’Anne Martinozzi, nièce du cardinal Mazarin,
Louis, mort sans enfant de sa femme Marie-Anne, fille de Louis XIV et de la duchesse de La Vallière, en 1685;
Et François-Louis, prince de la Roche-sur-Yon, puis de Conti, qui fut élu roi de Pologne en 1697; prince dont la mémoire a été long-temps chère à la France, ressemblant au grand Condé par l’esprit et le courage, et toujours animé du désir de plaire, qualité qui manqua quelquefois au grand Condé: mort en 1709.
Il eut d’Adélaïde de Bourbon, sa cousine,
Louis-Armand, né en 1695, qui survécut à Louis XIV[18].
BRANCHE DE BOURBON-SOISSONS.
Il n’y eut de cette branche que Louis, comte de Soissons: tué à la bataille de La Marfée, en 1641.
Toutes les autres branches de la maison de Bourbon étaient éteintes.
Les Courtenai n’étaient reconnus princes du sang que par la voix publique, et ils n’en avaient point le rang. Ils descendaient de Louis-le-Gros; mais leurs ancêtres ayant pris les armoiries de l’héritière de Courtenai, ils n’avaient pas eu la précaution de s’attacher à la maison royale, dans un temps où les grands terriens ne connaissaient de prérogative que celle des grands fiefs et de la pairie. Cette branche avait produit des empereurs de Constantinople, et ne put fournir un prince du sang reconnu. Le cardinal Mazarin voulut, pour mortifier la maison de Condé, faire donner aux Courtenai le rang et les honneurs qu’ils demandaient depuis long-temps; mais il ne trouva pas en eux un grand appui pour exécuter ce dessein.
SOUVERAINS CONTEMPORAINS.
PAPES.
Barberini, Urbain VIII. Ce fut lui qui donna aux cardinaux le titre d’éminence. Il abolit les jésuitesses[19]: il n’était pas encore question d’abolir les jésuites. Nous avons de lui un gros recueil de vers latins. Il faut avouer que l’Arioste et le Tasse ont mieux réussi. Mort en 1644.
Pamphilo, Innocent X, connu pour avoir chassé de Rome les deux neveux d’Urbain VIII, auxquels il devait tout; pour avoir condamné les cinq propositions de Jansénius sans avoir eu l’ennui de lire le livre, et pour avoir été gouverné par la Dona Olympia, sa belle-sœur, qui vendit sous son pontificat tout ce qui pouvait se vendre: mort en 1655.
Chigi, Alexandre VII. C’est lui qui demanda pardon à Louis XIV, par un légat a latere. Il était plus mauvais poëte qu’Urbain VIII. Long-temps loué pour avoir négligé le népotisme, il finit par le mettre sur le trône. Mort en 1667.
Rospigliosi, Clément IX, ami des lettres sans faire de vers, pacifique, économe, et libéral, père du peuple. Il avait à cœur deux choses dont il ne put venir à bout: d’empêcher les Turcs de prendre Candie, et de mettre la paix dans l’Église de France. Mort en 1669.
Altieri, Clément X, honnête homme et pacifique comme son prédécesseur, mais gouverné: mort en 1676.
Odescalchi, Innocent XI, fier ennemi de Louis XIV, oubliant les intérêts de l’Église en faveur de la ligue formée contre ce monarque. Il en est beaucoup parlé dans cette histoire[20]. Mort en 1689.
Ottoboni, Vénitien, Alexandre VIII. Nul ne secourut plus les pauvres, et n’enrichit plus ses parents. Mort en 1691.
Pignatelli, Innocent XII. Il condamna l’illustre Fénélon; d’ailleurs il fut aimé et estimé. Mort en 1700.
Albani, Clément XI. Sa bulle contre Quesnel, qui n’a qu’une feuille, est beaucoup plus connue que ses ouvrages en six volumes in-folio. Mort en 1721.
MAISON OTTOMANE.
Ibrahim. C’est lui dont Racine dit avec juste raison,
Traine, exempt de péril, une éternelle enfance.
Tiré de sa prison pour régner après la mort d’Amurat, son frère. Tout imbécile qu’il était, les Turcs conquirent l’île de Candie sous son règne. Étranglé en 1649.
Mahomet IV, fils d’Ibrahim, déposé et mort en 1687[21].
Soliman III, fils d’Ibrahim, et frère de Mahomet IV, après des succès divers dans ses guerres contre l’Allemagne, meurt de sa mort naturelle en 1691.
Achmet II, frère du précédent, poëte et musicien. Son armée fut battue à Salenkemen par le prince Louis de Bade. Mort en 1695.
Mustapha II, fils de Mahomet IV, vainqueur à Témesvar, vaincu par le prince Eugène à la bataille de Zenta sur le Tibisk, en septembre 1697, déposé dans Andrinople, et mort dans le sérail de Constantinople en 1703.
Achmet III, frère du précédent, battu encore par le prince Eugène à Peterwaradin et à Belgrade, déposé en 1730.
EMPEREURS D’ALLEMAGNE.
On n’en dira rien ici, parcequ’il en est beaucoup parlé dans le corps de l’histoire.
Ferdinand III, mort en 1657[22].
Léopold Iᵉʳ, mort en 1705.
Joseph Iᵉʳ, mort en 1711.
Charles VI, mort en 1740.
ROIS D’ESPAGNE.
Idem.
Philippe IV, mort en 1665.
Charles II, mort en 1700.
Philippe V, mort en 1746.
ROIS DE PORTUGAL.
Jean IV, duc de Bragance, surnommé le Fortuné. Sa femme, Louise de Gusman, le fit roi de Portugal. Mort en 1656.
Alfonse VI, fils du précédent. Si Jean fut roi par le courage de sa femme, Alfonse fut détrôné par la sienne en 1667; confiné dans l’île de Tercère, où il mourut en 1683[23].
Dom Pèdre, frère du précédent, lui ravit sa couronne et sa femme; et pour l’épouser légitimement le fit déclarer impuissant, tout débauché qu’il était. Mort en 1706.
Jean V, mort en 1750.
ROIS D’ANGLETERRE, D’ÉCOSSE, ET D’IRLANDE,
DONT IL EST PARLÉ DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV.
Charles Iᵉʳ, assassiné juridiquement sur un échafaud, en 1649.
Cromwell (Olivier), protecteur, le 22 décembre 1653, plus puissant qu’un roi: mort le 13 septembre 1658.
Cromwell (Richard), protecteur immédiatement après la mort de son père, dépossédé paisiblement au mois de juin 1659: mort en 1685[24].
Charles II, mort en 1685.
Jacques II, détrôné en 1688: mort en 1701.
Anne Stuart, morte en 1714.
George Iᵉʳ, mort en 1727.
ROIS DE DANEMARK.
Christian IV, mort en 1648.
Frédéric III, reconnu, en 1661, par le clergé et les bourgeois, pour souverain absolu, supérieur aux lois, pouvant les faire, les abroger, les négliger, à sa volonté. La noblesse fut obligée de se conformer aux vœux des deux autres ordres de l’état. Par cette étrange loi, les rois de Danemark ont été les seuls princes despotiques de droit; et ce qui est encore plus étrange, c’est que ni ce roi ni ses successeurs n’en ont abusé que rarement. Mort le 19 février 1670.
Christian V, mort en 1699.
Frédéric IV, mort en 1730.
ROIS DE SUÈDE.
Christine. Il en est parlé beaucoup dans le siècle de Louis XIV. Elle avait abdiqué en 1654. Morte à Rome en 1689.
Charles X, plus communément appelé Charles-Gustave: il était de la maison palatine, et neveu de Gustave-Adolphe par sa mère. Il voulut établir en Suède la puissance arbitraire. Mort en 1660.
Charles XI, qui établit cette puissance: mort en 1697.
Charles XII, qui en abusa, et qui, par cet abus, fut cause de la liberté du royaume: mort en 1718[25].
ROIS DE POLOGNE.
Ladislas-Sigismond, vainqueur des Turcs. Ce fut lui qui, en 1645, envoya une magnifique ambassade pour épouser par procureur la princesse Marie de Gonzague de Nevers. Les personnes, les habits, les chevaux, les carrosses des ambassadeurs polonais, éclipsèrent la splendeur de la cour de France, à qui Louis XIV n’avait pas encore donné cet éclat qui éclipsa depuis toutes les autres cours du monde. Mort en 1648.
Jean-Casimir, frère du précédent, jésuite, puis cardinal, puis roi, épousa la veuve de son frère, s’ennuya de la Pologne, la quitta en 1670[26], se retira à Paris, fut abbé de Saint-Germain-des-Prés, vécut beaucoup avec Ninon. Mort en 1672.
Michel Viesnovieski, élu en 1670. Il laissa prendre par les Turcs Kaminieck, la seule ville fortifiée et la clef du royaume, et se soumit à être leur tributaire: mort en 1673.
Jean Sobieski, élu en 1674, vainqueur des Turcs et libérateur de Vienne. Sa vie a été écrite par l’abbé Coyer, homme d’esprit et philosophe. Il épousa une Française, ainsi que Ladislas et Casimir[27]; c’était mademoiselle d’Arquien. Mort en 1696.
Auguste Iᵉʳ[28], électeur de Saxe, élu en 1697, par une partie de la noblesse, pendant que le prince de Conti était choisi par l’autre. Bientôt seul roi; détrôné par Charles XII, rétabli par le czar Pierre Iᵉʳ: mort en 1733.
Stanislas, établi au contraire par Charles XII, et détrôné par Pierre Iᵉʳ: mort en 1765[29].
ROIS DE PRUSSE.
Frédéric, le premier roi: mort en 1700[30].
Frédéric-Guillaume, le premier qui eut une grande armée et qui la disciplina, père de Frédéric-le-Grand, le premier qui vainquit avec cette armée: mort en 1740.
CZARS DE RUSSIE,
DEPUIS EMPEREURS.
Michel Romanov[31], fils de Philarète, archevêque de Rostou, élu en 1613, à l’âge de quinze ans. De son temps les czars n’épousaient que leurs sujettes; ils fesaient venir à leur cour un certain nombre de filles, et choisissaient. Ce sont les anciennes mœurs asiatiques. C’est ainsi que Michel épousa la fille d’un pauvre gentilhomme qui cultivait ses champs lui-même: mort en juillet 1645.
Alexis, fils de Michel, qui combattit les Ottomans avec succès: mort en février 1676[32].
Fédor, fils d’Alexis, qui voulut policer les Russes, ouvrage réservé à Pierre-le-Grand: mort en 1682.
Ivan, frère de Fédor, et aîné de Pierre, incapable du trône: mort en 1696.
Pierre-le-Grand, vrai fondateur: mort en janvier 1725[33].
GOUVERNEURS DE FLANDRE.
Les Pays-Bas ayant presque toujours été le théâtre de la guerre sous Louis XIV, il paraît convenable de placer ici la suite des gouverneurs de cette province, qui ne vit aucun de ses rois depuis Philippe II.
Le marquis Francisco de Mello D’Asumar, le même qui fut battu par le grand Condé: démis en 1644.
Le grand commandeur Castel Rodrigo: mort en 1647[34].
Léopold-Guillaume, archiduc d’Autriche, c’est-à-dire portant le titre d’archiduc, mais n’ayant rien dans l’Autriche, frère de Ferdinand II. Ce fut lui qui envoya un député au parlement de Paris pour s’unir avec lui contre le cardinal Mazarin. Mort en 1656.
Don Juan d’Autriche, fils naturel de Philippe IV, fameux ennemi du premier ministre d’Espagne, le jésuite Nitard, comme le prince de Condé du cardinal Mazarin, mais plus heureux que le prince de Condé, en ce qu’il fit chasser Nitard pour jamais. Ce fut lui qui fut battu par Turenne à la bataille des Dunes. Mort en 1659[35].
Le marquis de Caracène: mort en 1664.
Le marquis de Castel Rodrigo, qui soutint mal la guerre contre Louis XIV, et qui ne pouvait pas la bien soutenir: mort en 1668.
Fernandès de Velasco, connétable de Castille: mort en 1669.
Le comte de Monterey, qui secourut sous main les Hollandais contre Louis XIV: mort en 1675.
Le duc de Villa Hermosa, l’homme le plus généreux de son temps: mort en 1678.
Alexandre Farnèse, second fils du duc de Parme. Ce nom d’Alexandre était difficile à soutenir: démis en 1682.
Le marquis de Grana: mort en 1685.
Le marquis de Castanaga: mort en 1692.
Maximilien-Emmanuel, électeur de Bavière, fut gouverneur des Pays-Bas, après la bataille d’Hochstedt, et en garda le titre jusqu’à la paix d’Utrecht en 1714. Mort la même année.
Le prince Eugène, vicaire général des Pays-Bas. Il n’y résida jamais. Mort en 1736.
MARÉCHAUX DE FRANCE
MORTS SOUS LOUIS XIV, OU QUI ONT SERVI SOUS LUI.
Albret (César-Phœbus d’), de la maison des rois de Navarre, maréchal de France en 1653[36]. Il ne fit point de difficulté d’épouser la fille de Guénégaud, trésorier de l’épargne, qui fut une dame d’un très grand mérite. Saint-Évremond l’a célébrée. Il fut amant de madame de Maintenon et de la fameuse Ninon; chéri dans la société, estimé à la guerre. Mort en 1676.
Alègre (Yves d’), ayant servi près de soixante ans sous Louis XIV, n’a été maréchal qu’en 1724: mort en 1733.
Asfeld (Claude-François Bidal d’) s’acquit une grande réputation pour l’attaque et la défense des places. Il contribua beaucoup à la bataille d’Almanza: maréchal en 1734: mort en 1743.
Aubusson de la Feuillade (François d’), maréchal en 1675. C’est lui qui, par reconnaissance, fit élever la statue de Louis XIV à la place des Victoires. Mort en 1691. Son fils ne fut maréchal que long-temps après, en 1725.
Aumont (Antoine d’), petit-fils du célèbre Jean, maréchal d’Aumont, l’un des grands capitaines de Henri IV. Antoine contribua beaucoup au gain de la bataille de Rethel en 1650. Il eut le bâton de maréchal pour récompense, et mourut en 1669.
Balincourt (Testu de), maréchal en 1746.
Barwick, ou plutôt Berwick (Jacques Fitzjames, duc de), fils naturel du roi d’Angleterre, Jacques II, et d’une sœur du duc de Marlborough. Son père le fit duc de Barwick en Angleterre. Il fut aussi duc en Espagne. Il le fut en France. Maréchal en 1706; tué au siége de Philipsbourg en 1734. Il a laissé des Mémoires que M. l’abbé Hook a publiés en 1778; on y trouve des anecdotes curieuses, et des détails instructifs sur ses campagnes[37].
Bassompierre (François de), né en avril 1579, colonel général des Suisses, maréchal en 1622; détenu à la Bastille depuis 1631 jusqu’à la mort du cardinal de Richelieu. Il y composa ses Mémoires qui roulent sur des intrigues de cour et ses galanteries. César, dans ses Mémoires, ne parle point de ses bonnes fortunes. L’on ignore assez communément qu’il fit revêtir de pierres, à ses dépens, le fossé du Cours-la-Reine, qu’on vient de combler. Mort en 1646.
Bellefonds (Bernardin Gigault, marquis de), maréchal en 1668; il gagna une bataille en Catalogne, en 1684. Mort en 1694.
Belle-Isle (Charles-Louis-Auguste Fouquet, comte de), petit-fils du surintendant, distingué dans les guerres de 1701; duc et pair, prince de l’empire, maréchal en 1741. Il fit avec son frère (Louis-Charles) tout le plan de la guerre contre la reine de Hongrie[38], où son frère fut tué. Mort ministre et secrétaire d’état de la guerre, en 1761.
Bezons (Jacques Bazin de), maréchal en 1709: mort en 1733.
Biron (Armand-Charles de Gontaut, duc de), qui a fait revivre le duché de sa maison[39]. Ayant servi dans toutes les guerres de Louis XIV, et perdu un bras au siége de Landau, n’a été maréchal qu’en 1734.
Boufflers (Louis-François, duc de), l’un des meilleurs officiers de Louis XIV; maréchal en 1693: mort en 1711.
Bourg (Éléonor-Marie du Maine, comte du), gagna un combat important sous Louis XIV, et ne fut maréchal qu’en 1725. Mort la même année.
Brancas (Henri de), ayant servi long-temps sous Louis XIV, fut maréchal en 1734.
Brézé (Urbain de Maillé, marquis de), beau-frère du cardinal de Richelieu, maréchal en 1632, vice-roi de Catalogne: mort en 1650.
Broglio (Victor-Maurice), ayant servi dans toutes les guerres de Louis XIV, maréchal en 1724: mort en 1727.
Broglio (François-Marie, duc de), fils du précédent. L’un des meilleurs lieutenants-généraux dans les guerres de Louis XIV, maréchal en 1734; père d’un autre maréchal de Broglio[40], qui a réuni les talents de ses ancêtres.
Castelnau (Jacques de), maréchal en 1658, blessé à mort, la même année[41], au siége de Calais.
Catinat (Nicolas de), maréchal en 1693. Il mêla la philosophie aux talents de la guerre. Le dernier jour qu’il commanda en Italie, il donna pour mot, Paris et Saint-Gratien, qui était le nom de sa maison de campagne. Il y mourut en sage, après avoir refusé le cordon bleu, en 1712.
Chamilli (Noël Bouton, marquis de), avait été au siége de Candie; maréchal en 1703, il s’est rendu célèbre par la défense de Grave en 1675; le siége de cette petite place dura quatre mois, et coûta seize mille hommes à l’armée des alliés. Les gens de l’art regardent encore cette défense comme un modèle. Mort en 1715.
Chateau-Regnaud (François-Louis Rousselet, comte de), vice-amiral de France, servit également bien sur terre et sur mer, nettoya la mer des pirates, battit les Anglais dans la baie de Bantri, bombarda Alger en 1688, mit en sûreté les îles de l’Amérique. Maréchal en 1703: mort en 1716.
Chaulnes (Honoré d’Albert, duc de), maréchal en 1620: mort en 1649.
Choiseul-Francières (Claude, comte de), troisième maréchal de France de ce nom, en 1693: mort en 1711.
Clérembault (Philippe de), comte de Palluau, maréchal en 1653: mort en 1665.
Clermont-Tonnerre (Gaspard, marquis de), ayant servi dans la guerre de 1701, maréchal en 1747.
Coigni (François de Franquetot, duc de), long-temps officier général sous Louis XIV, maréchal en 1734, a gagné deux batailles en Italie[42].
Coligni (Gaspard de), petit-fils de l’amiral; maréchal en 1622; il commanda l’armée de Louis XIII contre les troupes rebelles du comte de Soissons. Tué à La Marfée: mort en 1646.
Créqui (François de Bonne de), maréchal en 1668; mort avec la réputation d’un homme qui devait remplacer le vicomte de Turenne, en 1687. Il était de la maison de Blanchefort.
Duras (Jacques-Henri de Durfort, duc de), neveu du vicomte de Turenne, fut maréchal en 1675, immédiatement après la mort de son oncle: mort en 1704.
Duras (Jean-Baptiste de Durfort, duc de), maréchal de camp sous Louis XIV; maréchal de France en 1741[43]; fils de Jacques-Henri, et père du maréchal de Duras actuellement vivant.
Estampes (Jacques de La Ferté-Imbaut d’), maréchal en 1651: mort en 1668[44].
Estrées (François-Annibal, duc d’), maréchal en 1626. Ce qui est très singulier, c’est qu’à l’âge de quatre-vingt-treize ans il se remaria avec mademoiselle de Manicamp, qui fit une fausse couche. Il mourut à plus de cent ans, en 1670.
Estrées (Jean, comte d’), vice-amiral en 1670, et maréchal en 1681: mort en 1707.
Estrées (Victor-Marie, duc d’), fils de Jean d’Estrées, vice-amiral de France, comme son père, avant d’être maréchal. Il est à remarquer qu’en cette qualité de vice-amiral de France il commandait les flottes française et espagnole en 1701; maréchal en 1703. Mort en 1737.
Fabert (Abraham), maréchal en 1658. On s’est obstiné à vouloir attribuer sa fortune et sa mort à des causes surnaturelles. Il n’y eut d’extraordinaire en lui que d’avoir fait sa fortune uniquement par son mérite, et d’avoir refusé le cordon de l’ordre, quoiqu’on le dispensât de faire des preuves[45]. On prétend que le cardinal Mazarin lui proposant de lui servir d’espion dans l’armée, il lui dit: «Peut-être faut-il à un ministre de braves gens et des fripons. Je ne puis être que du nombre des premiers.» Mort en 1662.
Fare (de La), fils du marquis de La Fare, célèbre par ses poésies agréables; officier dans la guerre de 1701, maréchal en 1746.
Ferté-Sennecterre (Henri, duc de La), fait maréchal de camp sur la brèche de Hesdin, commanda l’aile gauche à la bataille de Rocroi; maréchal en 1651: mort en 1681.
Force (Jacques Nompar de Caumont, duc de La), maréchal en 1622. C’est lui qui échappa au massacre de la Saint-Barthélemi, et qui a écrit cet événement dans des Mémoires[46] conservés dans sa maison. Mort à quatre-vingt-dix-sept ans, en 1652.
Foucault (Louis), comte de Daugnon, maréchal en 1653: mort en 1659.
Gassion (Jean de), élève du grand Gustave, maréchal en 1643. Il était calviniste. Il ne voulut jamais se marier, disant qu’il fesait trop peu de cas de la vie pour en faire part à quelqu’un. Tué au siége de Lens, en 1647.
Grammont (Antoine de), maréchal en 1641: mort en 1678.
Grammont (Antoine de), petit-fils du précédent, maréchal en 1724, père du duc de Grammont, tué à la bataille de Fontenoi: mort en 1725.
Grancei (Jacques Rouxel, comte de), maréchal en 1651: mort en 1680.
Guébriant (Jean-Baptiste Budes, comte de), maréchal en 1642, l’un des grands hommes de guerre de son temps; tué, en 1643, au siége de Rotveil, enterré avec pompe à Notre-Dame.
Harcourt (Henri, duc d’). On peut dire que c’est lui qui mit fin à l’ancienne inimitié des Français et des Espagnols, lorsqu’il était ambassadeur à Madrid. Sa dextérité et son art de plaire disposèrent si favorablement la cour d’Espagne, qu’enfin Charles II n’eut point de répugnance à instituer son héritier un petit-fils de Louis XIV. Il devait commander à la place du maréchal de Villars, l’année de la belle campagne de Denain; mais il lui aurait été difficile de mieux faire. Maréchal en 1703: mort en 1718. Son fils maréchal depuis, en 1746.
Hocquincourt (Charles de Monchi), maréchal en 1651: tué en servant les ennemis devant Dunkerque, en 1658.
Hospital-Vitri (Nicolas de L’), capitaine des gardes de Louis XIII; maréchal en 1617, pour avoir tué le maréchal d’Ancre: mais il mérita d’ailleurs cette dignité par de belles actions. On le compte parmi les maréchaux de ce siècle, parcequ’il mourut sous Louis XIV, en 1644.
Humières (Louis de Crevant, duc d’), maréchal en 1668: mort en 1694.
Isenghien (d’), de la maison de Gand, officier sous Louis XIV, maréchal en 1741.
Joyeuse (Jean-Armand de), maréchal de France en 1693: mort en 1710.
Lorges (Gui-Aldonce de Durfort, duc de), neveu du vicomte de Turenne; maréchal en 1676: mort en 1702.
Luxembourg (François-Henri de Montmorenci, duc de), l’élève du grand Condé; maréchal en 1675. Il y a eu sept maréchaux de ce nom, indépendamment des connétables; et depuis le onzième siècle, on n’a guère vu de règne sans un homme de cette maison à la tête des armées. Mort en 1695.
Luxembourg (Christian-Louis de Montmorenci), petit-fils du précédent, s’est signalé dans la guerre de 1701. Maréchal en 1747.
Maillebois (Jean-Baptiste-François, marquis de), fils du ministre d’état Desmarets, s’étant signalé dans toutes les occasions pendant la guerre de 1701; fait maréchal en 1741.
Marsin ou Marchin (Ferdinand, comte de), ayant passé du service de la maison d’Autriche à celui de France; maréchal en 1703: tué à Turin en 1706.
Matignon (Charles-Auguste Goyon de Gacé de), maréchal en 1708: mort en 1729.
Maulevrier-Langeron, maréchal en 1745.
Médavi (Jacques-Léonor Rouxel de Grancei, comte de), n’a été fait maréchal qu’en 1724, quoiqu’il eût gagné une bataille complète en 1706: mort en 1725.
Meilleraye (Charles de La Porte, duc de La), fait maréchal en 1639, sous Louis XIII, qui lui donna le bâton de maréchal sur la brèche de la ville de Hesdin. Il était grand-maître de l’artillerie, et avait la réputation d’être le meilleur général pour les siéges. Mort en 1664.
Montesquiou-d’Artagnan (Pierre de), maréchal en 1709: mort en 1725.
Montrevel (Nicolas-Auguste de La Baume, marquis de), maréchal en 1703: mort en 1716.
Mothe-Houdancourt (Philippe de La), maréchal en 1642. Il fut mis au château de Pierre-Encise en 1645; et il est à remarquer qu’il n’y a aucun général qui n’ait été emprisonné ou exilé sous les ministères de Richelieu et Mazarin. Mort en 1657. Son petit-fils, maréchal en 1747.
Nangis (Louis-Armand de Brichanteau, marquis de), servit avec distinction, sous le maréchal de Villars, dans la guerre de 1701. Maréchal sous Louis XIV: mort en 1742.
Navailles (Philippe de Montault-Bénac, duc de), maréchal en 1675, commanda à Candie sous le duc de Beaufort, et après lui. Mort en 1684.
Noailles (Anne-Jules, duc de), maréchal en 1693. Il se signala en Espagne, où il gagna la bataille du Ter. Mort en 1708.
Noailles (Adrien-Maurice de), fils du précédent, général d’armée dans le Roussillon, en 1706, grand d’Espagne en 1711, après avoir pris Gironne. Il n’a été maréchal de France qu’en 1734. Il gouverna les finances en 1715, et a été depuis ministre d’état. Personne n’a écrit des dépêches mieux que lui. M. l’abbé Millot a publié, en 1777, des Mémoires[47] tirés de ses manuscrits; on y trouve des anecdotes curieuses sur les deux règnes où il a vécu. Ses deux fils ont été faits maréchaux de France en 1755. Mort en 1766.
Plessis-Praslin (César, duc de Choiseul, comte de), maréchal en 1645. Ce fut lui qui eut la gloire de battre le vicomte de Turenne à Rethel, en 1650. Mort en 1675.
Puységur (Jacques de Chastenet, marquis de), maréchal en 1734, fils de Jacques, lieutenant général sous Louis XIII et Louis XIV, qui s’est acquis beaucoup de considération, et qui a laissé des Mémoires. Le maréchal a écrit sur la guerre[48]. C’était un homme que le ministère consultait dans toutes les affaires critiques.
Rantzau (Josias, comte de), d’une famille originaire du duché de Holstein, maréchal en 1645, catholique la même année, mis en prison en 1649, pendant les troubles, relâché ensuite: mort en 1650. Il avait été souvent blessé; et Bautru disait de lui «qu’il ne lui était resté qu’un de tout ce dont les hommes peuvent avoir deux.» On lui fit une épitaphe qui finissait par ce vers:
Richelieu (Louis-François-Armand du Plessis, duc de), brigadier sous Louis XIV, général d’armée à Gênes, maréchal en 1748, a pris l’île de Minorque sur les Anglais, en 1756.
Rochefort (Henri-Louis d’Aloigni, marquis de), maréchal en 1675: mort en 1776.
Roquelaure (Gaston-Jean-Baptiste-Antoine, duc de), maréchal en 1724.
Rosen ou Rose (Conrad de), d’une ancienne maison de Livonie, vint d’abord servir simple cavalier dans le régiment de Brinon; mais son mérite et sa naissance ayant été bientôt connus, il fut élevé de grade en grade. Jacques II le fit général de ses troupes en Irlande. Maréchal de France en 1703: mort à l’âge de quatre-vingt-sept ans, en 1715.
Saint-Luc (Timoléon d’Épinai, seigneur de), fils du brave Saint-Luc, dont l’éloge est dans Brantôme; maréchal en 1628: mort en 1644.
Schomberg (Frédéric-Armand), élève de Frédéric-Henri, prince d’Orange; maréchal en 1675, duc de Mertola en Portugal, gouverneur et généralissime de Prusse, duc et général en Angleterre. Il était protestant zélé, et quitta la France à la révocation de l’édit de Nantes. Tué à la bataille de La Boyne, en 1690.
Schulemberg (Jean de), comte de Mondejeu, originaire de Prusse; maréchal en 1658: mort en 1671.
Tallard (Camille de Hostun, duc de). Ce fut lui qui conclut les deux traités de partage. Maréchal en 1703, ministre d’état en 1726: mort en 1728.
Tessé (René de Froulai, comte de), maréchal en 1703: mort en 1725.
Tourville (Anne-Hilarion de Costentin, comte de), se fit connaître, étant chevalier de Malte, par ses exploits contre les Turcs et les Barbaresques. Vice-amiral en 1690, il remporta une victoire complète sur les flottes d’Angleterre et de Hollande, et perdit, en 1692, celle de La Hogue; défaite qui l’a rendu plus célèbre que ses victoires. Maréchal de France en 1693: mort en 1701.
Turenne (Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de), né en 1611; maréchal de France en 1644, maréchal général en 1660: mort en 1675.
Uxelles (Nicolas Châlon du Blé, marquis d’), maréchal en 1703, président du conseil des affaires étrangères en 1718: mort en 1730.
Vauban (Sébastien Le Prêtre, marquis de), maréchal en 1703: mort en 1707[49].
Villars (Louis-Claude, duc de), qui prit le nom d’Hector, maréchal en 1702, président du conseil de guerre en 1718[50], représenta le connétable au sacre de Louis XV en 1722. Mort en 1734. Il est assez mention de lui dans cette histoire, ainsi que de Turenne.
Villeroi (Nicolas de Neuville, duc de), gouverneur de Louis XIV en 1646; maréchal la même année: mort en 1685.
Villeroi (François de Neuville, duc de), fils du précédent, gouverneur de Louis XV, maréchal en 1693. Son père et lui ont été chefs du conseil des finances, titre sans fonction qui leur donnait entrée au conseil. Mort en 1730.
Vivonne (Louis-Victor de Rochechouart, duc de), gonfalonier de l’Église, général des galères, vice-roi de Messine; maréchal de France en 1675. On ne le compte point comme le premier maréchal de la marine, parcequ’il servit long-temps sur terre: mort en 1688.
GRANDS AMIRAUX DE FRANCE
SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIV.
Armand de Maillé, marquis de Brézé, grand-maître, chef et surintendant-général de la navigation et du commerce de France en 1643: tué sur mer d’un coup de canon, le 14 juin 1646.
Anne d’Autriche, reine régente, surintendante des mers de France en 1646: elle s’en démit en 1650.
César, duc de Vendôme et de Beaufort, grand-maître et surintendant-général de la navigation et du commerce de France en 1650.
François de Vendôme, duc de Beaufort, fils de César, tué au combat de Candie le 25 juin 1669.
Louis de Bourbon, comte de Vermandois, légitimé de France, amiral au mois d’août 1669, âgé de deux ans: mort en 1683.
Louis-Alexandre de Bourbon, légitimé de France, comte de Toulouse, amiral en 1683, et mort en 1737.
GÉNÉRAUX DES GALÈRES DE FRANCE
SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIV.
Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, pair de France en 1643, du vivant de François son père; et se démit de cette charge en 1661.
François, marquis de Créqui, lui succéda, et se démit en 1669, un an après avoir été nommé maréchal de France.
Louis-Victor de Rochechouart, comte, puis duc de Vivonne, prince de Tonnai-Charente, en 1669.
Louis de Rochechouart, duc de Mortemar, en survivance de son père: mort le 3 avril 1688.
Louis-Auguste de Bourbon, légitimé de France, prince de Dombes, duc du Maine et d’Aumale, en 1688; et s’en démit en 1694.
Louis-Joseph, duc de Vendôme, en 1694: mort en 1712.
René, sire de Froulai, comte de Tessé, maréchal de France en 1712, et s’en démit en 1716.
Le chevalier d’Orléans[51], en 1716: mort en 1748. Après lui cette dignité a été réunie à l’amirauté.
MINISTRE D’ÉTAT.
Giulio Mazarini, cardinal, premier ministre, d’une ancienne famille de Sicile transplantée à Rome, fils de Pietro Mazarini et d’Hortenzia Bufalini, né en 1602; employé d’abord par le cardinal Sacchetti. Il arrêta les deux armées française et espagnole prêtes à se charger auprès de Casal, et fit conclure la paix de Quérasque, en 1631. Vice-légat à Avignon, et nonce extraordinaire en France en 1634. Il apaisa les troubles de Savoie, en 1640, en qualité d’ambassadeur extraordinaire du roi. Cardinal en 1641, à la recommandation de Louis XIII. Entièrement attaché à la France depuis ce temps-là. Admis au conseil suprême, le 5 décembre 1642, sous le nom de spécial conseiller. Il y prit place au-dessus du chancelier. Déclaré seul conseiller de la reine régente pour les affaires ecclésiastiques, par le testament de Louis XIII. Parrain de Louis XIV avec la princesse de Condé-Montmorenci. Il se désista d’abord de la préséance sur les princes du sang, que le cardinal de Richelieu avait usurpée; mais il précédait les maisons de Vendôme et de Longueville: après le traité des Pyrénées, il prit le pas en lieu tiers sur le grand Condé. Il n’eut point de lettres patentes de premier ministre, mais il en fit les fonctions. On en a expédié pour le cardinal Dubois. Philippe d’Orléans, petit-fils de France, a daigné en recevoir après sa régence. Le cardinal de Fleuri n’a jamais eu ni la patente, ni le titre. Le cardinal Mazarin, mort en 1661.
CHANCELIERS.
Charles de l’Aubespine, marquis de Châteauneuf, long-temps employé dans les ambassades. Garde des sceaux en 1630, mis en prison en 1633 au château d’Angoulême, où il resta dix ans prisonnier. Garde des sceaux en 1650, démis en 1651, vécut et mourut dans les orages de la cour. Mort en 1653.
Pierre Séguier, chancelier, duc de Villemor, pair de France. Il apaisa les troubles de la Normandie en 1639, hasarda sa vie à la journée des barricades. Il fut toujours fidèle dans un temps où c’était un mérite de ne l’être pas. Il ne contesta point au père du grand Condé la préséance dans les cérémonies, quand il y assistait avec le parlement. Homme équitable, savant, aimant les gens de lettres, il fut le protecteur de l’Académie française[52] avant que ce corps libre, composé des premiers seigneurs du royaume et des premiers écrivains, fût en état de n’avoir jamais d’autre protecteur que le roi. Mort à quatre-vingt-quatre ans, en 1672.
Matthieu Molé, premier président du parlement de Paris en 1641, garde des sceaux en 1651, magistrat juste et intrépide. Il n’est pas vrai, comme le disent deux nouveaux dictionnaires[53], que le peuple voulut l’assassiner; mais il est vrai qu’il en imposa toujours aux séditieux par son courage tranquille. Mort en 1656.
Étienne d’Aligre, chancelier en 1674, fils d’un autre Étienne, chancelier sous Louis XIII. Mort en 1677.
Michel Le Tellier, chancelier en 1677, père de l’illustre marquis de Louvois. Sa mémoire a été honorée d’une oraison funèbre par le grand Bossuet. Mort en 1685.
Louis Boucherat, chancelier en 1685. Sa devise était un coq sous un soleil, par allusion à la devise de Louis XIV. Les paroles étaient, Sol reperit vigilem. Mort en 1699.
Louis Phélypeaux, comte de Pontchartrain, descendant de plusieurs secrétaires d’état, chancelier en 1699. Se retira à l’institution de l’Oratoire en 1714. Mort en 1727.
Daniel-François Voisin, mort en 1717, prédécesseur du célèbre D’Aguesseau.
SURINTENDANTS DES FINANCES[54].
Claude Le Bouthillier, d’abord surintendant, conjointement avec Claude de Bullion, en 1632; seul en 1640. Ce fut lui qui le premier fit imposer les tailles par les intendants. Retiré en 1643. Mort en 1655.
Nicolas Bailleul, marquis de Château-Gontier, président du parlement, surintendant des finances, en 1643 jusqu’en 1648; mort en 1652: plus versé dans la connaissance du barreau que dans celle des finances. Il eut sous lui, pour contrôleur-général, Particelli, dit Émeri, connu par ses déprédations[55].
Cet Émeri était le fils d’un paysan de Sienne, placé par le cardinal Mazarin. Il disait que les ministres des finances n’étaient faits que pour être maudits.
Émeri imagina bien des sortes d’impôts, de nouveaux offices de jurés mesureurs et porteurs de charbon; de mouleurs, chargeurs et porteurs de bois; de premiers commis de la taille et des ponts-et-chaussées, du sou pour livre, d’augmentations de gages; de contrôleurs des amendes et des épices, etc.
Le même Émeri fut surintendant en 1648; mais, quelques mois après, on le sacrifia à la haine publique en l’exilant.
Le maréchal duc de La Meilleraye, surintendant en 1648, pendant l’exil d’Émeri. On avait déjà vu des guerriers dans cette place. Il avait la probité du duc de Sulli, mais non pas ses ressources. Il vint dans le temps le plus difficile, et le duc de Sulli n’avait eu la surintendance qu’après la guerre civile. Il taxa tous les financiers et tous les traitants. La plupart firent banqueroute, et on ne trouva plus d’argent. Il abandonna la surintendance en 1649. Mort en 1664.
Émeri reprit la surintendance immédiatement après la démission du maréchal. Un Italien, nommé Tonti, imagina alors les emprunts en rentes viagères, rentes distribuées en plusieurs classes, et qui sont payées au dernier vivant de chaque classe. Elles furent appelées Tontines, du nom de l’inventeur. Il y en eut pour un million vingt-cinq mille livres annuelles, ce qui forma un revenu prodigieux pour le dernier qui survécut; invention qui charge l’état pour un siècle, mais moins onéreuse que celle des rentes perpétuelles, qui chargent l’état pour toujours. Mort en 1650.
Claude de Mesme, comte d’Avaux, d’une ancienne maison en Guienne, homme de lettres qui unissait l’esprit et les graces à la science; plénipotentiaire avec Servien; chéri de tous les négociateurs autant que Servien en était redouté. Surintendant en 1650: mort la même année.
Charles, duc de La Vieuville, le même que le cardinal de Richelieu avait fait chasser du conseil, et enfermer dans le château d’Amboise, en 1624, qui, échappé de ce château, avait fui en Angleterre, et qui avait été condamné à mort par contumace. Créé duc et pair en 1651, et surintendant la même année. Mort en 1653.
René de Longueil, marquis de Maisons, président à mortier, surintendant en 1651. Il ne le fut qu’un an. On a prétendu qu’il avait bâti pendant cette année le château de Maisons[56] qui est un des plus beaux de l’Europe; mais il fut construit un an auparavant. C’est le coup d’essai et le chef-d’œuvre de François Mansard, qui était alors un jeune homme, et simple maçon. Il y a sur cela une singulière anecdote, que plusieurs personnes ont apprise comme moi du petit-fils[57] du surintendant. Son hôtel, démoli aujourd’hui, formait un impasse dans la rue des Prouvaires. Un jour, en fesant fouiller dans un ancien petit caveau, il y trouva quarante mille pièces d’or au coin de Charles IX. C’est avec cet argent que le château de Maisons fut bâti. Mort en 1677.
On voit que les surintendants se succédaient rapidement dans ces troubles.
Abel Servien, après avoir négocié la paix de Westphalie avec le duc de Longueville et le comte d’Avaux, et en ayant eu le principal honneur, surintendant en 1653, conjointement avec Nicolas Fouquet, administra jusqu’à sa mort, arrivée en 1659. Mais Fouquet eut toujours la principale direction.
Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Isle, surintendant en 1653, quoiqu’il fût procureur-général du parlement de Paris. On a imprimé par erreur, dans les premières éditions du Siècle de Louis XIV, qu’il dépensa dix-huit cent mille francs à bâtir son palais de Vaux, aujourd’hui Villars; c’est une erreur de typographie; il y prodigua dix-huit millions de son temps, qui en feraient près de trente-six du nôtre.
Le cardinal Mazarin, depuis son retour en 1653, se fesait donner, par le surintendant, vingt-trois millions par an pour les dépenses secrètes. Il achetait à vil prix de vieux billets décriés, et se fesait payer la somme entière. Ce fut ce qui perdit Fouquet. Jamais dissipateur des finances royales ne fut plus noble et plus généreux que ce surintendant. Jamais homme en place n’eut plus d’amis personnels, et jamais homme persécuté ne fut mieux servi dans son malheur. Condamné cependant au bannissement perpétuel[58], par commissaires, en 1664: mort ignoré en 1680[59].
Après sa disgrace, la place de surintendant fut supprimée.
Sous les surintendants il y avait des contrôleurs-généraux. Le cardinal Mazarin nomma à cette place un étranger, calviniste d’Augsbourg, nommé Barthélemi Hervart, qui était son banquier. Cet Hervart avait en effet rendu les plus grands services à la couronne. Ce fut lui qui, après la mort du duc Bernard de Saxe-Veimar, donna son armée à la France, en avançant tout l’argent nécessaire. Ce fut lui qui retint cette même armée et d’autres régiments dans le service du roi, lorsque le vicomte de Turenne voulut la faire révolter, en 1648. Il avança deux millions cinq cent mille livres de la monnaie d’alors pour la retenir dans le devoir; deux importants services qui prouvent qu’on n’est le maître qu’avec de l’argent.
Lorsqu’on arrêta le surintendant Fouquet, il prêta encore au roi deux millions. Il jouait un jeu prodigieux, et perdit souvent cent mille écus dans une séance. Cette profusion l’empêcha d’avoir la première place. Le roi eut avec raison plus de confiance en Colbert. Hervart, mort simple conseiller d’état, en 1676.
Sa famille quitta le royaume après la révocation de l’édit de Nantes, et porta des biens immenses dans les pays étrangers.
SECRÉTAIRES D’ÉTAT
ET CONTROLEURS-GÉNÉRAUX DES FINANCES.
Henri-Auguste de Loménie, comte de Brienne, eut le département des affaires étrangères pendant la minorité de Louis XIV. Sa fierté ne lui fit point de tort, parcequ’elle était fondée sur des sentiments d’honneur. Nous avons de lui des Mémoires[60] instructifs. Mort en 1666.
François Sublet des Noyers, retiré en 1643, mort en 1645.
Léon Le Bouthillier de Chavigni, fils de Claude Le Bouthillier, eut le département de la guerre: mort en 1652.
Louis Phelypeaux, marquis de La Vrillière, eut le département des affaires du royaume: mort en 1681.
Louis Phelypeaux, son fils, fut reçu en survivance; mais la charge fut donnée à un autre de ses enfants, Balthasar Phelypeaux, qui eut pour successeur un autre Louis Phelypeaux, son fils. Balthasar Phelypeaux, reçu en survivance en 1669, entre en exercice en 1676: mort en 1700. Tous trois estimés pour leurs vertus, et aimés pour leur douceur. Cette charge de secrétaire d’état est restée sans interruption dans la famille des Phelypeaux pendant cent soixante-cinq ans, depuis Paul Phelypeaux, fait secrétaire d’état en 1610, jusqu’à Louis Phelypeaux, duc de la Vrillière, retiré en 1775[61].
Henri-Louis de Loménie, comte de Brienne, fils de Henri-Auguste, eut la vivacité de son père, mais n’en eut pas les autres qualités. Étant conseiller d’état dès l’âge de seize ans, et destiné aux affaires étrangères, envoyé en Allemagne pour s’instruire, il alla jusqu’en Finlande, et écrivit ses voyages en latin. Il exerça la charge de secrétaire d’état des affaires étrangères à vingt-trois ans; mais ayant perdu sa femme, Henriette de Chavigni, il en fut si affligé que son esprit s’aliéna; on fut obligé de l’éloigner de la société. Le reste de sa vie fut très malheureux. On a déchiré sa mémoire dans les derniers Dictionnaires historiques[62]; on devait montrer de la compassion pour son état et de la considération pour son nom[63].
Hugues, marquis de Lyonne, d’une ancienne maison de Dauphiné, eut les affaires étrangères jusqu’en 1670. On a de lui des Mémoires. C’était un homme aussi laborieux qu’aimable: son fils avait obtenu la survivance de sa charge; mais à la mort du père elle fut donnée à M. de Pomponne. Mort en 1671.
Jean-Baptiste Colbert s’avança uniquement par son mérite. Il parvint à être intendant du cardinal Mazarin. S’étant instruit à fond de toutes les parties du gouvernement, et particulièrement des finances, il devint un homme nécessaire dans le délabrement où le cardinal Mazarin, le surintendant Fouquet, et encore plus le malheur des temps, avaient mis les finances. Louis XIV le fit travailler secrètement avec lui pour s’instruire. Il perdit Fouquet de concert avec Le Tellier, alors secrétaire d’état; mais il se fit pardonner cet acharnement par l’ordre invariable qu’il mit dans les finances, et par des services dont on ne doit point perdre la mémoire. Contrôleur-général en 1664, on peut le regarder comme le fondateur du commerce et le protecteur de tous les arts: il n’a point négligé l’agriculture, comme on le dit dans tant de livres nouveaux. Son génie et ses soins ne pouvaient négliger cette partie essentielle. On ne peut lui reprocher peut-être que d’avoir cédé au préjugé qui ne voulait pas que le commerce des grains avec l’étranger restât libre. Mort en 1683.
Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelai, fils du précédent, d’un esprit plus vaste encore que son père, beaucoup plus brillant et plus cultivé: secrétaire d’état de la marine, qu’il rendit la plus belle de l’Europe. Mort en 1690.
Charles Colbert de Croissi, frère du grand Colbert; secrétaire d’état des affaires étrangères, en 1679, après plusieurs ambassades glorieuses. Il eut la place de secrétaire d’état d’Arnauld de Pomponne; mais on le place ici pour ne pas interrompre la liste des Colbert. Mort en 1696.
Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torci, fils du précédent, secrétaire d’état des affaires étrangères, à la mort de son père. Il joignit la dextérité à la probité, ne donna jamais de promesse qu’il ne tînt, fut aimé et respecté des étrangers. Mort en 1746.
Simon Arnauld de Pomponne, secrétaire d’état des affaires étrangères en 1671, homme savant et de beaucoup d’esprit, ainsi que presque tous les Arnauld, chéri dans la société, et préférant quelquefois les agréments de cette société aux affaires, renvoyé en 1679, et remplacé par le marquis de Croissi. Il ne fut point secrétaire d’état toute sa vie, comme le disent les nouveaux Dictionnaires historiques; mais le roi lui conserva le titre de ministre d’état, avec la permission d’entrer au conseil, permission dont il n’usa pas. Mort en 1699.
Michel Le Tellier, le chancelier, secrétaire d’état jusqu’en 1666.
François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, le plus grand ministre de la guerre qu’on eût vu jusqu’alors, secrétaire d’état en 1666. Il fut plus estimé qu’aimé du roi, de la cour, et du public; il eut le bonheur, comme Colbert, d’avoir des descendants qui ont fait honneur à sa maison, et même des maréchaux de France; il n’est pas vrai qu’il mourut subitement au sortir du conseil, comme on l’a dit dans tant de livres et de dictionnaires. Il prenait les eaux de Balaruc, et voulait travailler en les prenant: cette ardeur indiscrète de travail causa sa mort, en 1691[64].
Louis-François-Marie Le Tellier, marquis de Barbesieux, fils du marquis de Louvois, secrétaire d’état de la guerre, après la mort de son père, jeune homme qui commença par préférer les plaisirs et le faste au travail. Mort à trente-trois ans, en 1701.
Claude Le Pelletier, président aux enquêtes, prevôt des marchands, homme de bien, modeste, retiré, travailla au code de droit canon. Cette étude ne paraissait pas le désigner pour successeur du grand Colbert; cependant il le fut en 1683. On dit[65] au roi qu’il n’était pas propre pour cette place, parcequ’il n’était pas assez dur: c’est pour cela que je le choisis, répondit Louis XIV. Il quitta le ministère et la cour au bout de six ans. Toute sa famille a été renommée, comme lui, pour son intégrité. Mort en 1711.
Louis Phelypeaux, comte de Pontchartrain, le même qui fut chancelier, commença par être premier président du parlement de Bretagne; contrôleur-général en 1690, après la retraite du contrôleur-général Le Pelletier; secrétaire d’état après la mort du marquis de Seignelai, la même année 1690. C’est lui qui, par l’avis de l’abbé Bignon, soumit toutes les académies aux secrétaires d’état, excepté l’académie française, qui ne pouvait dépendre que du roi.
Jérôme Phelypeaux, comte de Pontchartrain, fils du précédent, secrétaire d’état du vivant de son père le chancelier, exclu par le duc d’Orléans, à la mort de Louis XIV.
Michel de Chamillart, conseiller d’état, contrôleur-général en 1699, secrétaire d’état de la guerre en 1701, homme modéré et doux, ne put porter ces deux fardeaux dans des temps difficiles, obligé bientôt de les quitter: son fils, qui avait la survivance du ministère de la guerre, se démit, en 1709, en même temps que lui. Mort en 1721.
Daniel Voisin, secrétaire d’état de la guerre en 1709, exerça le ministère, quoique chancelier, en 1714, jusqu’à la mort de Louis XIV.
Nicolas Desmarets, contrôleur-général en 1708, zélé, laborieux, intelligent, ne put réparer les maux de la guerre. Démis après la mort de Louis XIV. En quittant sa place, il donna au régent une apologie de son administration qu’on a imprimée depuis. Il y parle avec franchise des opérations injustes en elles-mêmes auxquelles il a été forcé, par le malheur des temps, pour prévenir de nouveaux malheurs et de plus grandes injustices. Ce mémoire prouve qu’il avait des talents, une grande modestie, et des intentions droites. On peut le regarder comme un modèle de la manière simple, noble, respectueuse, et ferme, qui convient à un ministre obligé de rendre compte de son administration. Il fut immolé à la haine publique, et ses successeurs le firent regretter. Mort en 1721.
CATALOGUE
DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
QUI ONT PARU DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV,
POUR SERVIR A L’HISTOIRE LITTÉRAIRE DE CE TEMPS.
Abadie ou Labadie[66] (Jean), né en Guienne, en 1610, jésuite, puis janséniste, puis protestant, voulut faire enfin une secte et s’unir avec Antoinette Bourignon, qui lui répondit que chacun avait son Saint-Esprit, et que le sien était fort supérieur à celui d’Abadie. On a de lui trente et un volumes[67] de fanatisme. On n’en parle ici que pour montrer l’aveuglement de l’esprit humain. Il ne laissa pas d’avoir des disciples. Mort à Altena, en 1674.
Abbadie (Jacques), né en Béarn, en 1658, célèbre par son traité de la Religion chrétienne, mais qui fit tort ensuite à cet ouvrage par celui de l’Ouverture des sept sceaux. Mort en Irlande[68], en 1727.
Acheri (Dom Jean-Luc d’), bénédictin, grand et judicieux compilateur. Né en 1608, mort en 1685.
Alexandre (Noël), né à Rouen, en 1639, dominicain. Il a fait beaucoup d’ouvrages de théologie, et disputé beaucoup sur les usages de la Chine contre les jésuites qui en revenaient. Mort en 1724.
Amelot de La Houssaie (Nicolas), né à Orléans, en 1634. Ses traductions avec des notes politiques et ses histoires sont fort recherchées; ses Mémoires, par ordre alphabétique, sont très fautifs. Il est le premier qui ait fait connaître le gouvernement de Venise. Son histoire déplut au sénat, qui était encore dans l’ancien préjugé qu’il y a des mystères politiques qu’il ne faut pas révéler. On a appris depuis qu’il n’y a plus de mystères, et que la politique consiste à être riche et à entretenir de bonnes armées. Amelot traduisit et commenta le Prince de Machiavel, livre long-temps cher aux petits seigneurs qui se disputaient de petits états mal gouvernés, devenu inutile dans un temps où tant de grandes puissances, toujours armées, étouffent l’ambition des faibles. Amelot se croyait le plus grand politique de l’Europe; cependant il ne sut jamais se tirer de la médiocrité, et il mourut dans la misère: c’est qu’il était politique par son esprit, et non par son caractère. Mort en 1706.
Amelotte (Denys), né en Saintonge, en 1606, de l’Oratoire. Il est principalement connu par une assez bonne version du Nouveau Testament: mort en 1678.
Amontons (Guillaume), né à Paris, en 1663, excellent mécanicien: mort le 11 octobre en 1705.
Ancillon (David), né à Metz, en 1617, calviniste, et son fils Charles, mort à Berlin en 1715, ont eu quelque réputation dans la littérature.
Anselme[69], moine augustin, le premier qui ait fait une histoire généalogique des grands officiers de la couronne, continuée et augmentée par Dufourni, auditeur des comptes. On a une notion très vague de ce qui constitue les grands officiers. On s’imagine que ce sont ceux à qui leur charge donne le titre de grand, comme grand écuyer, grand échanson; mais le connétable, les maréchaux, le chancelier, sont grands officiers, et n’ont point ce titre de grand, et d’autres qui l’ont ne sont point réputés grands officiers. Les capitaines des gardes, les premiers gentilshommes de la chambre, sont devenus réellement de grands officiers, et ne sont pas comptés par le père Anselme. Rien n’est décidé sur cette matière, et il y a autant de confusion et d’incertitude sur tous les droits et sur tous les titres en France, qu’il y a d’ordre dans l’administration. Mort en 1694.
Arnauld (Antoine), vingtième fils de celui qui plaida contre les jésuites, docteur en Sorbonne, né en 1612. Rien n’est plus connu que son éloquence, son érudition, et ses disputes, qui le rendirent si célèbre et en même temps si malheureux, selon les idées ordinaires qui mettent le malheur dans l’exil et dans la pauvreté, sans considérer la gloire, les amis, et une vieillesse saine, qui furent le partage de cet homme fameux. Il est dit dans le supplément au Moréri qu’Arnauld, en 1689, pour avoir les bonnes graces de la cour, fit un libelle contre le roi Guillaume, intitulé: «Le vrai portrait de Guillaume-Henri de Nassau, nouvel Absalon, nouvel Hérode, nouveau Cromwell, nouveau Néron.» Ce style, qui ressemble à celui du père Garasse, n’est guère celui d’Arnauld. Il ne songea jamais à flatter la cour. Louis XIV eût fort mal reçu un livre si grossièrement intitulé; et ceux qui attribuent cet ouvrage et cette intention au fameux Arnauld[70] ne savent pas qu’on ne réussit point à la cour par des livres. Mort à Bruxelles, en 1694.
L’auteur du Dictionnaire historique, littéraire, critique, et janséniste[71], dit à l’article Arnauld qu’aussitôt que son livre sur la Fréquente Communion parut, l’enfer en frémit, et que le jésuite Nouet fit la première attaque. Il est difficile de savoir au juste quelle est l’opinion de l’enfer sur un livre nouveau; et, à l’égard des hommes, ils ont entièrement oublié le P. Nouet. Il est très vrai que la plupart des écrits polémiques d’Arnauld ne sont plus connus aujourd’hui. C’est le sort de presque toutes les disputes. Le Dictionnaire historique, littéraire, critique, et janséniste, s’emporte un peu contre cette vérité; il a raison: mais l’auteur devrait savoir que les injures prodiguées au sujet des querelles théologiques sont aujourd’hui aussi méprisées que ces querelles mêmes, et c’est beaucoup dire.
Arnauld-d’Andilli (Robert), frère aîné du précédent, né en 1588, l’un des plus grands écrivains de Port-Royal. Il présenta à Louis XIV, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, sa traduction de Josèphe, qui de tous ses ouvrages est le plus recherché. Il fut père de Simon Arnauld, marquis de Pomponne, ministre d’état; et ce ministre ne put empêcher ni les disputes ni les disgraces de son oncle le docteur de Sorbonne. Mort en 1674.
Auberi (Antoine), né en 1616. On a de lui les vies des cardinaux de Richelieu et de Mazarin, ouvrages médiocres, mais dans lesquels on peut s’instruire. Mort en 1695. C’est lui qui le premier fit connaître la fourberie de l’auteur du Testament politique du cardinal de Richelieu.
Aubignac (François d’), né en 1604. Il n’eut jamais de maître que lui-même. Attaché au cardinal de Richelieu, il était l’ennemi de Corneille. Sa Pratique du théâtre est peu lue; il prouva par sa tragédie de Zénobie que les connaissances ne donnent pas les talents. Mort en 1676.
Aulnoi (La comtesse d’). Son Voyage et ses Mémoires d’Espagne, et des romans écrits avec légèreté, lui firent quelque réputation. Morte en 1705.
Avrigni (Hyacinthe Robillard d’), jésuite[72] auteur d’une nouvelle manière d’écrire l’histoire. On a de lui des Annales chronologiques depuis 1601 jusqu’à 1715. On y voit ce qui s’est passé de plus important dans l’Europe exactement discuté, et en peu de mots; les dates sont exactes. Jamais on n’a mieux su discerner le vrai, le faux, et le douteux. Il a fait aussi des Mémoires ecclésiastiques[73]; mais ils sont malheureusement infectés de l’esprit de parti. Marcel et lui ont été tous deux effacés par l’Histoire chronologique de France du président Hénault, l’ouvrage à-la-fois le plus court, le plus plein que nous ayons en ce genre, et le plus commode pour les lecteurs.
Baillet (Adrien), né près de Beauvais, en 1649; critique célèbre. Mort en 1706.
Baluze (Étienne), du Limousin, né en 1630. C’est lui qui a formé le recueil des manuscrits de la bibliothèque de Colbert. Il a travaillé jusqu’à l’âge de quatre-vingt-huit ans. On lui doit sept volumes d’anciens monuments. Exilé pour avoir soutenu les prétentions du cardinal de Bouillon, qui se croyait indépendant du roi, et qui fondait son droit sur ce qu’il était né d’une maison souveraine, et dans la principauté de Sédan, avant que l’échange de cette souveraineté avec le roi eût été consommé. Mort en 1718.
Balzac (Jean-Louis Guer, de), né en 1594. Homme éloquent, et le premier qui fonda un prix d’éloquence. Il eut le brevet d’historiographe de France et de conseiller d’état, qu’il appelait de magnifiques bagatelles. La langue française lui a une très grande obligation. Il donna le premier du nombre et de l’harmonie à la prose. Il eut de son vivant tant de réputation, qu’un nommé Goulu, général des feuillants, écrivit contre lui deux volumes d’injures. Mort en 1654[74].
Baratier, le plus singulier peut-être de tous les enfants célèbres. Il doit être compté parmi les Français, quoique né en Allemagne[75]. Son père était un prédicant réfugié. Il sut le grec à six ans, et l’hébreu à neuf. C’est à lui que nous devons la traduction des voyages du Juif Benjamin de Tudèle avec des dissertations curieuses. Le jeune Baratier était déjà savant en histoire, en philosophie, en mathématique. Il étonna tous ceux qui le connurent pendant sa vie, et en fut regretté à sa mort; il n’avait que dix-neuf ans lorsqu’il fut ravi au monde; il est vrai que son père travailla beaucoup aux ouvrages de cet enfant.
Barbeyrac (Jean), né à Béziers, en 1674; calviniste, professeur en droit et en histoire à Lausanne, traducteur et commentateur de Puffendorf et de Grotius. Il semble que ces Traités du droit des gens, de la guerre, et de la paix, qui n’ont jamais servi ni à aucun traité de paix, ni à aucune déclaration de guerre, ni à assurer le droit d’aucun homme, soient une consolation pour les peuples des maux qu’ont faits la politique et la force. Ils donnent l’idée de la justice, comme on a les portraits des personnes célèbres qu’on ne peut voir. Sa préface de Puffendorf mérite d’être lue: il y prouve que la morale des Pères est fort inférieure à celle des philosophes modernes. Mort en 1729.
Barbier d’Aucour (Jean), connu chez les jésuites sous le nom de l’Avocat Sacrus, et dans le monde par sa Critique des entretiens du P. Bouhours, et par l’excellent plaidoyer pour un homme innocent appliqué à la question et mort dans ce supplice; il fut long-temps protégé par Colbert, qui le fit contrôleur des bâtiments du roi; mais ayant perdu son protecteur, il mourut dans la misère, en 1694.
Barbier (Mademoiselle) a fait quelques tragédies[76].
Baron (Michel). On ne croit pas que les pièces qu’il donna sous son nom soient de lui[77]. Son mérite plus reconnu était dans la perfection de l’art du comédien, perfection très rare, et qui n’appartint qu’à lui. Cet art demande tous les dons de la nature, une grande intelligence, un travail assidu, une mémoire imperturbable, et surtout cet art si rare de se transformer en la personne qu’on représente. Voilà pourtant ce qu’on s’obstine à mépriser. Les prédicateurs venaient souvent à la comédie dans une loge grillée étudier Baron, et de là ils allaient déclamer contre la comédie. C’est la coutume que les confesseurs exigent des comédiens mourants qu’ils renoncent à leur profession. Baron avait quitté le théâtre en 1691, par dégoût. Il y avait remonté en 1720, à l’âge de 68 ans: et il y fut encore admiré, jusqu’en l’année 1729. Il était alors âgé de près de soixante et dix-huit ans: il se retira encore et mourut la même année, en protestant qu’il n’avait jamais eu le moindre scrupule d’avoir déclamé devant le public les chefs-d’œuvre de génie et de morale des grands auteurs de la nation; et que rien n’est plus impertinent que d’attacher de la honte à réciter ce qu’il est glorieux de composer.
Basnage (Jacques), né à Rouen en 1653. Calviniste, pasteur à La Haye, plus propre à être ministre d’état que d’une paroisse. De tous ses livres, son Histoire des Juifs, celles des Provinces-Unies et de l’Église, sont les plus estimés. Les livres sur les affaires du temps meurent avec les affaires; les ouvrages d’une utilité générale subsistent. Mort en 1723.
Basnage de Beauval (Henri), de Rouen, frère du précédent, avocat en Hollande, mais encore plus philosophe, qui a écrit De la tolérance des Religions. Il était laborieux, et nous avons de lui le Dictionnaire de Furetière augmenté. Mort en 1710.
Bassompierre (François, maréchal de). Quoique ses Mémoires[78] appartiennent au siècle précédent, on peut le compter dans cette liste, étant mort en 1646.
Baudrand (Michel-Antoine), né à Paris en 1633, géographe, moins estimé que Sanson. Mort en 1700.
Bayle[79] (Pierre), né au Carlat dans le comté de Foix, en 1647, retiré en Hollande plutôt comme philosophe que comme calviniste, persécuté pendant sa vie par Jurieu, et après sa mort par les ennemis de la philosophie. Ce savant, que Louis Racine appelle un homme affreux[80], donnait aux pauvres son superflu: et quand Jurieu lui eut fait retrancher sa pension, il refusa une augmentation de l’honoraire que lui donnait Reiniers Leers, son imprimeur. S’il avait prévu combien son Dictionnaire serait recherché, il l’aurait rendu encore plus utile, en retranchant les noms obscurs, et en y ajoutant plus de noms illustres. C’est par son excellente manière de raisonner qu’il est surtout recommandable, non par sa manière d’écrire, trop souvent diffuse, lâche, incorrecte, et d’une familiarité qui tombe quelquefois dans la bassesse. Dialecticien admirable, plus que profond philosophe, il ne savait presque rien en physique. Il ignorait les découvertes du grand Newton. Presque tous ses articles philosophiques supposent ou combattent un cartésianisme qui ne subsiste plus. Il ne connaissait d’autre définition de la matière que l’étendue: ses autres propriétés reconnues ou soupçonnées ont fait naître enfin la vraie philosophie. On a eu des démonstrations nouvelles, et des doutes nouveaux: de sorte qu’en plus d’un endroit le sceptique Bayle n’est pas encore assez sceptique. Il a vécu et il est mort en sage. Des-Maizeaux a écrit sa vie en un gros volume[81]; elle ne devait pas contenir six pages: la vie d’un écrivain sédentaire est dans ses écrits. Mort en 1706.
Il ne faut jamais oublier la persécution que le fanatique Jurieu suscita dans un pays libre à ce philosophe. Il arma contre lui le consistoire calviniste sous plusieurs prétextes, et surtout à l’occasion du fameux article de David. Bayle avait fortement relevé les excès, les trahisons, et les barbaries, que ce prince juif avait commises dans les temps où la grâce de Dieu l’abandonnait. Il n’eût pas été indécent à ce consistoire d’engager Bayle à célébrer ce prince juif qui fit une si belle pénitence, et qui obtint de Dieu que soixante et dix mille de ses sujets mourussent de la peste, pour expier le crime de leur roi qui avait osé faire le dénombrement du peuple. Mais ce qui doit être soigneusement observé, c’est que ces pasteurs, dans leur censure, le reprennent d’avoir quelquefois donné des éloges à des papes gens de bien, et lui enjoignent de ne jamais justifier aucun pape, parceque, disent-ils expressément, ils ne sont pas de leur Église. Ce trait est un de ceux qui caractérisent le mieux l’esprit de parti. Au reste, on a voulu continuer son Dictionnaire; mais on n’a pu l’imiter[82]. Les continuateurs ont cru qu’il ne s’agissait que de compiler. Il fallait avoir le génie et la dialectique de Bayle pour oser travailler dans le même genre.
Beaumont de Péréfixe (Hardouin), précepteur de Louis XIV, archevêque de Paris. Son Histoire de Henri IV, qui n’est qu’un abrégé, fait aimer ce grand prince, et est propre à former un bon roi. Il la composa pour son élève. On crut que Mézerai y avait eu part; en effet, il s’y trouve beaucoup de ses manières de parler; mais Mézerai n’avait pas ce style touchant et digne, en plusieurs endroits, du prince dont Péréfixe écrivait la vie, et de celui à qui il l’adressait. Les excellents conseils qui s’y trouvent pour gouverner par soi-même ne furent insérés que dans la seconde édition, après la mort du cardinal Mazarin. On apprend d’ailleurs à connaître Henri IV beaucoup plus dans cette histoire que dans celle de Daniel, écrite un peu sèchement, et où il est trop parlé du P. Coton, et trop peu des grandes qualités de Henri IV, et des particularités de la vie de ce bon roi. Péréfixe émeut tout cœur né sensible, et fait adorer la mémoire de ce prince, dont les faiblesses n’étaient que celles d’un homme aimable, et dont les vertus étaient celles d’un grand homme. Mort en 1670.
Beausobre (Isaac de), né à Niort, en 1659, d’une maison distinguée dans la profession des armes, l’un de ceux qui ont fait honneur à leur patrie qu’ils ont été forcés d’abandonner. Son Histoire du manichéisme est un des livres les plus profonds, les plus curieux, et les mieux faits. On y développe cette religion philosophique de Manès, qui était la suite des dogmes de l’ancien Zoroastre et de l’ancien Hermès; religion qui séduisit long-temps saint Augustin. Cette histoire est enrichie de connaissances de l’antiquité; mais enfin ce n’est (comme tant d’autres livres moins bons) qu’un recueil des erreurs humaines. Mort à Berlin, en 1738.
Benserade (Isaac de), né en Normandie, en 1612. Sa petite maison de Gentilli, où il se retira sur la fin de sa vie, était remplie d’inscriptions en vers, qui valaient bien ses autres ouvrages; c’est dommage qu’on ne les ait pas recueillies. Mort en 1691.
Bergier (Nicolas) a eu le titre d’historiographe de France; mais il est plus connu par sa curieuse Histoire des grands chemins de l’empire romain, surpassés aujourd’hui par les nôtres en beauté, mais non pas en solidité. Son fils mit la dernière main à cet ouvrage utile, et le fit imprimer sous Louis XIV[83]. Mort en 1623.
Bernard[84] (mademoiselle), auteur de quelques pièces de théâtre, conjointement avec le célèbre Bernard de Fontenelle, qui a fait presque tout le Brutus. Il est bon d’observer que la Fable allégorique de l’imagination et du bonheur, qu’on a imprimée sous son nom, est de l’évêque de Nîmes, La Parisière, successeur de Fléchier.
Bernard (Jacques), du Dauphiné, né en 1658, savant littérateur. Ses journaux ont été estimés. Mort en Hollande, en 1718.
Bernier (François), surnommé le Mogol; né à Angers, vers l’an 1625. Il fut huit ans médecin de l’empereur des Indes. Ses Voyages sont curieux. Il voulut, avec Gassendi, renouveler en partie le système des atomes d’Épicure; en quoi certes il avait très grande raison, les espèces ne pouvant être toujours reproduites les mêmes, si les premiers principes ne sont invariables: mais alors les romans de Descartes prévalaient. Mort en vrai philosophe, en 1688.
Bignon (Jérôme), né en 1589. Il a laissé un plus grand nom que de grands ouvrages. Il n’était pas encore du bon temps de la littérature. Le parlement, dont il fut avocat général, chérit avec raison sa mémoire. Mort en 1656.
Billaut (Adam), connu sous le nom de Maître Adam, menuisier à Nevers. Il ne faut pas oublier cet homme singulier qui, sans aucune littérature, devint poëte dans sa boutique. On ne peut s’empêcher de citer de lui ce rondeau, qui vaut mieux que beaucoup de rondeaux de Benserade:
Qui te retient comme un paralytique
Dedans ton lit sans aucun mouvement,
Prends-moi deux brocs d’un fin jus de sarment,
Puis lis comment on le met en pratique.
Dessus l’externe où la douleur te pique;
Et tu boiras le reste promptement
Pour te guérir.
Car je te fais un serment authentique
Que si tu crains ce doux médicament,
Ton médecin, pour ton soulagement,
Fera l’essai de ce qu’il communique
Pour te guérir.
Il eut des pensions du cardinal de Richelieu, et de Gaston frère de Louis XIII. Mort en 1662.
Bochart (Samuel), né à Rouen, en 1599, calviniste, un des plus savants hommes de l’Europe dans les langues et dans l’histoire, mais systématique, comme tous les savants. Il fut un de ceux qui allèrent en Suède instruire et admirer la reine Christine. Mort en 1667. [85] Boileau Despréaux (Nicolas), de l’académie, né au village de Crône auprès de Paris, en 1636. Il essaya du barreau, et ensuite de la Sorbonne. Dégoûté de ces deux chicanes, il ne se livra qu’à son talent, et devint l’honneur de la France. On a tant commenté ses ouvrages, on a chargé ces commentaires de tant de minuties, que tout ce qu’on pourrait dire ici serait superflu.
On fera seulement une remarque qui paraît essentielle; c’est qu’il faut distinguer soigneusement dans ses vers ce qui est devenu proverbe d’avec ce qui mérite de devenir maxime. Les maximes sont nobles, sages, et utiles. Elles sont faites pour les hommes d’esprit et de goût, pour la bonne compagnie. Les proverbes ne sont que pour le vulgaire, et l’on sait que le vulgaire est de tous les états.
On me verra dormir au branle de sa roue[86].
Chaque âge a ses plaisirs, son esprit, et ses mœurs.
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Voilà ce qu’on doit appeler des maximes dignes des honnêtes gens. Mais pour des vers tels que ceux-ci,
S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine.
Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir.
Aimez-vous la muscade? on en a mis partout.
La raison dit Virgile, et la rime Quinault.
ce sont là plutôt des proverbes du peuple que des vers dignes d’être retenus par les connaisseurs. Mort en 1711.
Boileau (Gilles), né à Paris, en 1631, frère aîné du fameux Boileau. Il a fait quelques traductions qui valent mieux que ses vers: mort en 1669.
Boileau (Jacques), autre aîné de Despréaux, docteur de Sorbonne: esprit bizarre, qui a fait des livres bizarres, écrits dans un latin extraordinaire, comme l’Histoire des flagellants, les Attouchements impudiques, les Habits des prêtres, etc. On lui demandait pourquoi il écrivait toujours en latin: C’est, dit-il, de peur que les évêques ne me lisent; ils me persécuteraient. Mort en 1716.
Boindin (Nicolas), trésorier de France et procureur du roi de sa compagnie, de l’académie des belles-lettres, connu par d’excellentes recherches sur les théâtres anciens, et sur les tribus romaines, par la jolie comédie du Port de mer. C’était un critique dur; le Dictionnaire historique et janséniste[87] le traite d’athée. Il n’a jamais rien écrit sur la religion. Pourquoi insulter ainsi à la mémoire d’un magistrat que les auteurs de ce Dictionnaire n’ont point connu? Quelle insolence punissable! Comme il était mort sans sacrements, les prêtres de sa paroisse voulaient lui refuser la sépulture, espèce de juridiction qu’ils prétendent avoir droit d’exercer; mais le gouvernement et les magistrats, qui veillent au maintien des lois, de la décence, et des mœurs, répriment avec soin ces actes de superstition et de barbarie. Cependant on craignit que ces prêtres n’ameutassent le petit peuple contre le convoi de Boindin, ainsi qu’ils l’avaient ameuté contre celui de Molière; et Boindin fut enterré sans cérémonie: mort en 1751.
Boisrobert (François Le Metel de), plus célèbre par sa faveur auprès du cardinal de Richelieu, et par sa fortune, que par son mérite. Il composa dix-huit pièces de théâtre qui ne réussirent guère qu’auprès de son patron. Mort en 1662.
Boivin (Jean), né en Normandie, en 1663, frère de Louis Boivin, et utile comme lui pour l’intelligence des beautés des auteurs grecs: mort en 1726.
Bossuet (Jacques-Bénigne), de Dijon, né en 1627, évêque de Condom, et ensuite de Meaux. On a de lui cinquante-un[88] ouvrages; mais ce sont ses Oraisons funèbres et son Discours sur l’Histoire universelle qui l’ont conduit à l’immortalité. On a imprimé plusieurs fois que cet évêque a vécu marié; et Saint-Hyacinthe[89], connu par la part qu’il eut à la plaisanterie de Mathanasius, a passé pour son fils; mais c’est une fausseté reconnue. La famille des Secousses, considérée dans Paris, et qui a produit des personnes de mérite, assure qu’il y eut un contrat de mariage secret entre Bossuet, encore très jeune, et mademoiselle Desvieux[90]; que cette demoiselle fit le sacrifice de sa passion et de son état à la fortune que l’éloquence de son amant devait lui procurer dans l’Église; qu’elle consentit à ne jamais se prévaloir de ce contrat, qui ne fut point suivi de la célébration; que Bossuet, cessant ainsi d’être son mari, entra dans les ordres; et qu’après la mort du prélat, ce fut cette même famille qui régla les reprises et les conventions matrimoniales. Jamais cette demoiselle n’abusa, dit cette famille, du secret dangereux qu’elle avait entre les mains. Elle vécut toujours l’amie de l’évêque de Meaux, dans une union sévère et respectée. Il lui donna de quoi acheter la petite terre de Mauléon, à cinq lieues de Paris. Elle prit alors le nom de Mauléon, et a vécu près de cent années. On raconte qu’ayant dit au jésuite La Chaise, confesseur de Louis XIV: «On sait que je ne suis pas janséniste,» La Chaise répondit: «On sait que vous n’êtes que mauléoniste.» Au reste, on a prétendu que ce grand homme avait des sentiments philosophiques différents de sa théologie, à peu près comme un savant magistrat qui, jugeant selon la lettre de la loi, s’élèverait quelquefois en secret au-dessus d’elle par la force de son génie. Mort en 1704.
Boudier (Réné), de La Jousselinière[91], auteur de quelques vers naturels. Il fit en mourant, à quatre-vingt-dix ans, son épitaphe: