Variétés Historiques et Littéraires (01/10): Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers
La descouverture du style impudique des courtisannes de Normandie à celles de Paris, envoyée pour estrennes, de l'invention d'une courtisanne angloise.
A Paris, chez Nicolas Alexandre, demourant rue Neuve-des-Mathurins. 1618.
In-8o.
Chères sœurs, puis que l'amour, ce clairvoyant aveugle, cet argus aveuglant qui, avec ses yeux bandez, se glisse insensiblement dans les ames des courtisannesques, étant charmé des traicts de nos perfidies inventées, de la poison de nos malices, desquelles, comme compatriotes, nous vous envoyons ce petit narré pour vous instruire en cas de nécessité, pour user des moyens qui vous seront très utiles pour cacher les infirmitez de celles de votre confrairie, pour attraper et abuser ceux qui ordinairement sont en vos quartiers, en cas qu'ils veulent être si valeureux champions que de vouloir combattre seul à seul soubz la cornette de Vénus, lequel style nous vous prions de recevoir pour vos agreables estreines, vous asseurant qu'usant d'iceluy, vous cognoistrez que cet enfant, cet insigne voleur, ce grand detrousseur des ames, ce brigand renommé quy s'enrichit des depouilles d'autruy et qui endommage indifferemment tout ce qu'il rencontre, fera voir, par ce moyen, vos charmantes faintises, lesquels, par les moyens cy-après specifiez, penseront avoir quelques belle nymphe amadriade, auront le plus souvent la mère des dieux: et pour ce faire, chères compaignes, vous serez adverties et advertirez celles à qui nature n'a tant donné de perfection, qu'il est necessaire pour jouer au reversis, et qui plus souvent, par faute d'intelligence, demeure cazanière, gratant les cendres à leur foyer; c'est doncques à elles à qui ces preceptes pourront être utiles et necessaires; est qui s'ensuit.
Premierement, celles qui, par faute de devotion, n'auront jeûné le caresme souvent, et qui auront la face grosse et grasse, ce qui est fort mal séant d'être comme des mamulères, elles y pourront obvier et se faire paroistre poupines[236], moyennant qu'elles portent leurs fraises et collet plus grands et plus larges que d'ordinaire, et aussi leur coiffeure comme leur perrucque et moulle estroits; et pour l'ornement d'icelles, il est nécessaire, si leurs propres cheveux ne sont ni beaux ni longs, elles auront recours aux fausses perruques[237], lesquelles, étant bien agensées de roses de diverses couleurs et des plus voyantes, sans y oublier la poudre de Chypre[238], qu'elles pourront y applicquer avec une houppe de soie qu'elles tiendront pour cet effet ordinairement dans leurs petites boites, et surtout que, si tant est qu'elles aient recours aux fausses perruques, comme il n'est pas que quelqu'une n'est fait quelque voyage au royaume de Suède[239], et pourront avoir passé la forêt de la Pellade[240], qu'elles applicquent ces susdicts cheveux revenant à leurs sourcils.
Item, celles qui auront le visage blanc de trop, ainsi que pasle, trop rouge ou trop triste, elles pourront, pour la blancheur, y appliquer le vermillon destrempé sur la rondeur de leurs joues; et pour la rougeur, le blanc d'Espagne deslayé assez clairement, qu'elles appliqueront très doucement sur leurs visages, et sans y oublier la petite mouche[241] noire sur leurs tempes et la plume orangé pastel, meslée avec vert naissant, et puis après voilà un cheval de louage.
Item, celles quy auront la bouche belle et coraline, il ne faut qu'elles portent leurs masques longs, ains courts et fort relevés, à icelle fin qu'elles paroissent et soient à la vue des regardans, et que par ce moyen leur fasse envie d'en desirer des baisers.
Item, celles quy ne l'auront belle et bien faite, et leurs lèvres pasles, il leur sera necessaire de porter leurs dicts masques tant soit peu plus longs et leurs mentonnières un peu largettes, nonobstant leurs masques un peu relevés, pour suivre l'usage qui se pratique de les porter de la façon.
Item, celles qui auront la gorge blanche et bien taillée et les tetons blancs et bien relevez, qu'elles se donnent bien de garde de mettre rien de leurs affutages au devant, qui empechent la vue des regardans, mais leur fassent souhaiter de s'en servir de coucinets.
Item, celles quy l'auront au contraire ci-dessus, qu'elles mettent de larges paremens à leurs collets et robbes, et n'en fassent paroistre que des eschantillons.
Item, celles qui auront une espaule plus grosse que l'autre et seront bossues, par le moyen d'un corps de cuirasse et force garnitures à leurs robbes les feront paroistre esgalles et cacheront cette imperfection.
Item, celles qui sont d'une grosse stature et grossière taille, portent d'amples et larges manches et de grands vertugadins, ou, pour bien dire, cache-bastards[242], qui relèvent fort par derrière. Par iceluy moyen, on ne verra point cette desfectuosité.
Item, celles qui auront soufflé l'alquemie devant le siége de Soissons[243], quy seront maigres et descharnées, il faut pour cela faire paroistre d'une assez bonne façon, portant leurs coiffeures fort estroictes, et leurs collets assez petits, et leurs robbes moderement garnies.
Item, celles qui seront boiteuses, il leur est necessaire de porter un soulier plus haut que l'autre.
Item, celles quy seront d'une petite stature, et quy seront restées de la race des pygmés, pourront estre en un instant, sans esternuer, ne leur dire que Dieu les croisse, se faire de la riche taille par le moyen d'un soulier d'un demy-pied de liége de haut, quy sera caché par leurs longues robbes, et par ainsy, où la nature a denié la bienseance, il est necessaire de la trouver par artifice.
De plus, il vous est necessaire, chères compatriotes, qu'outre la bienseance des habits il se faut estudier à former vos actions, affin que l'un corresponde à l'autre, et que par ce moyen vous puissiez parler sans dire mot; et pour ce faire, vous employerez les yeux de quelque vieille matrone qui aura fait son cours en la phylosophie cyprienne, devant laquelle vous cheminerez, pour estre asseurées si votre allure est trop prompte, trop lente, trop affectée, trop niaise ou trop grave, afin de la former selon votre taille, votre air et votre naturel, pour ce qu'il faut laisser tousjours quelque chose de sa nature, qui veut avoir bonne grace.
Plus, pour votre dernier stile, pour voir ce que nous avons specifié vous estre convenable, vous aurez recours à un miroir pour y puiser vos secrets, et apprendrez par iceluy à regarder si votre visage est trop gay, trop triste, trop doux ou trop soucieux, et y reformerez et adjoutterez ce que vous y trouverez necessaire. Par ce moyen, vous instruirez vos yeux à donner des regards doux, et vos bouches à former en un instant des petits souris pour les accompagner, et apprendre à jeter de rudes œillades, et quelquefois de douces à ceux qu'il vous plaira; et suivant ces instructions, nous sommes asseurées, chères compatriotes, que jamais l'ambre n'attirera tant à soy que vos feintises amoureuses attireront à vous autres ces pauvres malheureux errans. Voilà donc ce que pour le present, à ce nouvel an, nous vous pouvons envoyer, que nous vous prions de recevoir d'aussy bon cœur que nous sommes à tout jamais vos chères compatriotes et humbles servantes.
De Rouen, aux fauxbours de Soteville, fripant la crème, ce premier jour de l'an mil six cens dix huict.
Amy lecteur, l'une des copies de ce discours m'estant tombée entre les mains, j'ay estimé que je serois très ingrat si je ne le faisois voir au jour, pour servir d'avertissement à ceux qui sont tellement abandonnez à leurs appetits charnels, et quy le plus souvent se laissent aller aux charmes et faintises de ces bestes envenimées, quy ne s'estudient, comme il paroist par ces salles et impudiques discours, que pour attraper ceux quy par trop aiment leurs salles et deshonnestes plaisirs, et quy le plus souvent, par le moyen de ces canailles, perdent le corps et l'ame. C'est pourquoy je m'en estonne si Aristote disoit que nature a faict les femmes plus belles et tendres que les hommes; aussi les a-t-elle faict plus fines, cauteleuses et malicieuses. Cela occasionna Codrus à dire que le ciel ne contenoit tant d'estoiles, ne la mer tant de poissons, que la femme couvoit de fraude et de malice dans son ame pleine de curiosité et de desirs. Chiron disoit qu'il estoit meilleur d'ensevelir une femme que de l'espouser. La femme chaste, pudique et vertueuse, se fait bien cognoistre et respecter sans mot dire.
La fille de joye porte preuve de son deshonneur en ses gestes et en sa contenance, disoit l'ancien tragique Eschylian, dans Athènes.
C'est le propre de la femme de se laisser tromper, dit sainct Hierosme, et de tromper les autres. Aussi, si la première femme ne se fust mise du party du diable, le diable se desesperoit de venir à bout du premier homme. Il suit encore son premier train, dont il s'estoit bien trouvé. Tu es la porte du diable, disoit Tertulian à sa femme, etc. La première qui a mis la main au fruict deffendu, la première qui a abandonné Dieu, et avec si peu de peine a faict perdre l'homme, quy est l'image de Dieu, que le diable n'avoit osé aborder. J'aurai recours, disoit ce malin, dans Origènes, quand il vouloit s'aider de la femme, j'aurai recours à mes anciennes armes, disoit-il, pour vaincre l'homme.
Les Sybarites convioient les femmes au festin un an avant le jour, afin qu'elles eussent le loisir de se parer de vestemens et joyaux pour y venir et s'y presenter. Ces festins sont aussy ruyneux à la bouche que les plaisirs charnels à ceux quy les frequentent.
Vous semblez aux tombeaux, peinturez au dehors;
Au dedans l'on n'y voit que pourriture et morts,
Où repaissent les vers leur extrême famine;
Vos visages sont feintz, vernissez et fardez;
De mille clouds luisans vos habits sont parez,
Mais vos corps sont remplis de puante vermine.
Vous fardez vos discours afin de nous flechir,
Vous emplastrez vos cols, afin de les blanchir,
De graisse et d'argent vif encorporez ensemble[244];
Puis, nous livrant l'assaut, vous laschez vos boutons,
Afin de nous monstrer vos estranquez tetons,
Que vous faictes enfler au moyen d'une sangle.
Vostre miroir vous fasche en disant verité;
Vous accusez le ciel pour n'avoir de beauté;
De vermeil et de blanc vous forcez la nature;
Vos visages fumez, barbouillez et rouillez,
Semblent des parchemins de lescive mouillez
Quand d'un fard espagnol vous raclez la peinture
Ny du foudre eclatant l'epouvantable bruict,
Ny les affreux demons quy volent jour et nuict,
Ny les crins herissez de l'horrible Cerbère,
Ny du Cocyte creux la rage et le tourment,
Ny du père des dieux le sainct commandement,
Ne sauroit empescher la femme de malfaire.
Un demon, une femme, sont tous deux compagnons:
L'un est maistre en malice, l'autre en inventions.
FIN.
La rubrique et fallace du monde, pasquin excellent.
A Paris. 1622.
In-8.
Voicy le siècle methodique
Où l'on voit la belle pratique
De servir Dieu mondainement
Et d'estre mondain sagement.
Il faut hanter les monastères
Et sçavoir en toutes matières
De nos devostes le babil;
Avoir un directeur subtil
Quy vous enseigne la méthode
De vous confesser à la mode;
Quy entende le compliment,
Et surtout qui soit indulgent;
Qu'en des scrupules ne vous mette,
Ains que plustost il vous permette
Poudres et frisons et bouquetz,
Et tous les petits affiquetz,
Pour, d'une façon non commune,
Quy n'est nullement importune,
Pratiquer la devotion
En diverse condition,
Chacun selon sa fantaisie,
Sans qu'il faille (quoy que l'on die),
Se priver du contentement
Qu'on prend à son habillement:
Car, pour estre un peu bigarrée
Et à la mode apropriée,
Cela n'empesche nullement
De vivre bien devotement.
La gorge honestement ouverte,
D'un petit quintain[245] clair couverte,
Lequel, se tournant à tous coups,
Monstre ce qu'il y a dessoubz.
Pierres brillantes, pierreries,
Ce sont de pures resveries
D'un faible cerveau, quy a dict
Qu'on cognoit le moine à l'habit.
Si parfois on a l'ame atteinte
De quelque devotion feinte,
Il faut avec humilité
Reclamer la divinité.
Lors à dix heures on s'esveille,
Et de bonne heure on s'apareille
Pour se confesser de bon cœur
Et recepvoir son createur.
On se met au confessionnal
Avec un maintien fort esgal,
Puis la petite coiffe claire
Sert d'ornement à tout l'affaire,
Quy, encore qu'avec les yeux,
Elle cache aussi les cheveux.
C'est une methode si belle,
Qu'on peut jouer de la prunelle
Et facilement regarder
Ce quy peut le plus contenter.
A tout cecy l'on trouve excuse
Et d'un terme souvent on use:
C'est que la bonne intention
Rend parfaite toute action.
Ainsi la femme mariée
Pour son mary sera parée,
Quy ne s'en soucie nullement;
Plustost le mecontentement
Qu'il a de sa grand braverie
Forge en son cœur la jalousie.
La fille doit se faire veoir,
Si elle veut bien se pourveoir;
Il faut qu'elle se rende aimable,
Afin qu'estant plus desirable,
Quelque party advantageux
Contente son cœur courageux.
Mais, las! la pauvrette, trompée,
A la fin du jeu est pipée
Par quelque trop leger amant:
Car il arrive rarement
Que les hommes, pleins de malice,
S'attrapent par cest artifice;
Ils cherchent de l'argent content
Et se donnent au plus offrant.
Mais si quelqu'une plus zelée
Et d'un saint desir attirée
Veut prendre avec humilité
L'habit, en sa simplicité,
Je luy donneray pour modelle
En la vie spirituelle
Des sainctes devostes d'humeur
La modestie et la douceur,
Et surtout la grande prudence
Quy reluit dans leur excellence,
La coiffe et les petits colletz,
Les grands croix et gros chappeletz;
Gaigner toujours quelque indulgence
Pour adoucir sa penitence,
Visiter fort les capucins,
Les minimes, les jacobins,
Principalement les jesuites,
Pour estre bonnes casuistes;
Mepriser la mondaineté
Et blasmer fort la vanité,
Cheminant la veüe baissée
D'une façon mortifiée,
Delaissant en cette façon
Toute la pompe à la maison,
Car les belles tapisseries,
Les lits de soie, les broderies,
Avec les vaisselles d'argent,
C'est leur commun ameublement.
Il court encore une manie
De certaine theologie
Pour asseurer l'entendement
De ceux quy vont plus simplement,
Ne sachant encor la pratique
Comme on peut, en bon catholique,
S'accommoder du bien d'autruy,
Pourveu que Dieu en soit servy
Et que pour nous ils fassent croire
Que c'est pour sa plus grande gloire,
Bien que par son commandement
Il le desfende absolument.
Par la voye extraordinaire,
Sans doute cela se peut faire,
Car les bons theologiens
Sont savants méthodiciens
Et trouvent par leur suffisance
Que c'est en bonne conscience.
S'il entre dans quelque famille
Quelqu'enfant qui soit malhabille,
Aussi tost il est destiné
Et par arrest predestiné
Qu'il sera bon ou mauvais moine,
Afin que de son patrimoine
On fasse une meilleure part
A ceux quy n'auroient que le quart;
Ou s'il advient qu'on apprehende
Des filles la charge trop grande,
Par forme de devotion,
On les met en religion.
Mais c'est plus tost un bon menage[246]
Pour espargner leur mariage;
On forcera leur volonté
Pour les mestre en captivité,
Dessoubz une reigle asservies,
Dont elles n'auront nulle envie.
Il faut parler avec honneur
De nos evesques de faveur,
Dont l'evesché est en tutelle
Pendant qu'ils sont à la mamelle,
Et, sans prolonger, sont mittrez
Auparavant d'estre sevrez.
Chacun a plusieurs abbayes
Priorez et commanderies,
Comme l'on voit les seculiers
Avoir des femmes à milliers.
Une favorable dispense
Vous donnera toute l'essence
D'estre abbé, evesque ou curé,
Sans qu'on soit escolier juré,
Ny qu'on sache en nulle manière
Dire service ou brevière;
L'assistance d'un suffragant,
Va tout cela accomodant.
Je n'en veux dire davantage,
Mettant mon perroquet en cage,
Ne croyant, sauf meilleur advis,
Qu'on aille ainsy en Paradis,
Si Dieu, par un miracle estrange,
Selon la mode ne se change.
FIN.
Plaidoyers plaisans dans une cause burlesque[247].
M.DCC.XLIII.
Avec permission. In-8o.
Plaidoyers burlesques.
Messieurs,
Je suis en cette cause pour Gerofflette-Perronelle Minette, veuve de Rominagrobis Mitoulet, ancien syndic de la communauté des Miaulans, chevalier de l'ordre des Gouttières, généralissime de l'armée des Chats, demanderesse, accusatrice;
Contre Boscot Polichinel, marchant de mort-aux-rats, défendeur, accusé.
Ma cause, Messieurs, est d'autant plus importante, qu'il s'agit non seulement de la vie de cette pauvre dame Chatte, ma partie, et de celle de six petits chatons, orphelins, ses enfants, issus du plus noble sang de la race des chats, mais encore de la tranquillité de la France, de l'Europe entière; que dis-je? de tout l'Univers, que le malheureux Polichinel a troublé par des crimes effroyables.
Un des plus graves, et qui trouble le plus la société, est qu'il a tué et assassiné, dans cette ville, le jour de Carême-prenant de l'année mil sept cent je ne sais combien, le fameux Mitoulet, mari de celle pour qui je parle, le plus fidèle sujet, le plus intelligent et le plus valeureux capitaine qui ait jamais paru dans les armées des chats; un chat, Messieurs, qui, comme le plus habile politique de la nation chatonne, avoit plusieurs fois été élu pour deputé vers les alliés, quand il s'agissoit d'y négocier quelque affaire importante pour la conservation de sa République, et qui, par surcroît de dignité, avoit passé par toutes les principales charges de la communauté des chats, et exercé, avec un jugement dont il se voit peu d'exemples, la marguillerie dans leurs assemblées nocturnes, je veux dire dans les sabats. Et pour comble de cruauté, et non content d'avoir massacré le mari de celle pour qui je parle, il a encore arraché les ongles de ma partie.
Si l'on mesure la punition du coupable à la qualité de la personne envers laquelle le crime a été commis, après ce que je viens d'avoir l'honneur de produire aux yeux de la Cour, il me paroît douteux qu'on puisse inventer un supplice assez affreux pour cet accusé.
Eh! quel motif a porté cet infâme meurtrier à massacrer ce héros, ou, pour mieux dire, à désoler cette famille entière? Vous ne le croiriez pas, Messieurs: le plus vil intérêt. Cet opérateur, cet empirique, en un mot ce marchand de mort-aux-rats, ne s'est porté à cet assassinat que pour mieux parvenir à débiter sa drogue. Le fameux Mitoulet étoit l'ennemi juré des rats; autant il en trouvoit, autant étoient-ils croqués par sa dent meurtrière. Mitoulet étoit le rempart le plus assuré de cette ville; il nuisoit par là au commerce et à la réputation de Polichinel. Personne n'étoit curieux d'acheter de la mort-aux-rats: Mitoulet suffisoit pour les détruire.
Voilà, Messieurs, voilà la source et la cause de la haine de Polichinel: il regarda cet illustre défenseur comme son plus mortel ennemi; Polichinel périssoit si Mitoulet conservoit des jours précieux. Il ne lui en fallut pas davantage pour l'engager à commettre le plus grand de tous les crimes, en portant ses mains hardies sur la personne de Mitoulet.
Eh! que deviendra la société, s'il est ainsi permis de massacrer ses plus grands bienfaiteurs, et si notre interêt nous engage à donner la mort à tous ceux qui peuvent nous nuire?
Marchands, puisque la notable race des chats est éteinte, qui mettra désormais vos marchandises à couvert de la morsure des rats?
Soldats! qui veillera à la conservation de la bourre et de la mèche de vos mousquetons?
Et vous, dames si bien parées! qui les empêchera de ronger vos habits magnifiques, vos blondes, et d'insulter même jusqu'à votre visage, en y léchant le lard dont vous empruntez vos teints fleuris[248] et vos grâces artificielles?
Avocats, procureurs, greffiers, tabellions, huissiers, sergens, en un mot tout ce que la chicane a de plus formidable! que ne devez-vous pas craindre pour vos papiers?
Ce n'est là, Messieurs, qu'une légère partie de tous les maux que va causer la mort du fameux Mitoulet.
Au premier bruit de cet assassinat, tous les chats sont accourus. Que de miaulemens! que de regrets! que de plaintes! que de gémissemens! On perdoit en lui un vaillant capitaine, l'espoir de sa nation, plus grand encore par les rares qualités du cœur et de l'esprit que par ses talens. Lion dans les combats, mais modeste après la victoire; libéral, désintéressé; pour tout dire enfin, entièrement dévoué aux intérêts de sa patrie, chacun le pleura comme un ami, un protecteur et un père.
Mais quelle fut la désolation de dame Minette, ma partie? Bien moins sensible au supplice que ce malheureux lui avoit fait subir qu'à la perte qu'elle venoit de faire, représentez-vous, Messieurs, ce que la douleur a de plus amer, et à peine vous formerez-vous un tableau de sa triste situation.
............... Quis, talia fando,
Mirmidonum, Dolopumve, aut duri miles Ulixei,
Temperet a lacrimis!
Il ne revenoit jamais que chargé des dépouilles de ses ennemis; ses premiers regards se tournoient toujours vers Minette, sa chère épouse; il lui miauloit amoureusement, il la léchoit avec délectation, il lui faisoit patte de velours. Elle, à son tour, recevoit ce vainqueur dans ses pattes: il confondoit ses lauriers dans les tendres caresses de sa moitié. Peu semblable à ces héros qui se croyent tout permis, Mitoulet étoit fidèle à son épouse. Aux vertus d'un grand chat il joignoit encore celle d'un chat de bien.
Qu'allez-vous devenir, Minette infortunée? Veuve de cet Hector[249], vous allez essuyer le sort de la malheureuse Andromaque: vos fils sont autant d'Astianax qui éprouveront le sort du fils de ce héros troyen. Polichinel est pire pour eux que tous les Grecs ensemble: c'est un Ulisse, un Pyrrhus acharné à leur ruine; ils ressembleroient à leur père, il les massacrera également.
............... Venez, famille désolée;
Venez, pauvres enfans devenus orphelins,
Venez faire parler vos esprits enfantins;
Oüi, Messieurs, vous voyez ici notre misère:
Nous sommes orphelins[250].....
Qui ne seroit touché de l'état pitoyable où ils sont réduits!... C'est à vous, Messieurs, à les vanger et leur mère. La mort d'un père et d'un époux crie et demande justice. Faut-il laisser un semblable forfait impuni? Polichinel mérite les tourmens les plus inouïs. Après ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire, pourroit-il échapper à la rigueur de vos jugemens? L'intérêt particulier de mes parties, l'intérêt public, tout se lie et se joint contre cet infâme meurtrier pour qu'il subisse la peine due à ses crimes.
Ne croyez pas, en l'épargnant, de laisser un ennemi aux rats: sa drogue n'est que celle d'un opérateur, plus nuisible, plus dangereuse qu'utile; les fils de Mitoulet, bientôt devenus grands, feront revivre leur père et rendront à l'univers sa tranquillité.
Je conclus, Messieurs, à ce qu'il plaise à la Cour déclarer ledit Polichinel düement atteint et convaincu du meurtre commis en la personne de messire Rominagrobis Mitoulet, et, pour réparation de ce crime, ordonner que son enseigne sera dépendüe et lui y être pendu à la place; déclarer ses biens acquis et confisqués au profit de la veuve et de ses fils, avec tous dépens, dommages et intérêts, et, en cas de récidive, le condamner aux galères.
Leu et approuvé par moi, censeur pour la police, ce 29 août 1743.
Vu l'approbation, permis d'imprimer. A Paris, ce 2 septembre 1743.
Plaidoyer pour Boscot Polichinel, marchand épicier-droguiste, défendeur;
Contre Gerofflette Perronnelle Minette, veuve de Rominagrobis Mitoulet, demanderesse, accusatrice.
Messieurs,
Je parle ici pour Boscot Polichinel, bourgeois de cette ville, marchand épicier-droguiste, contre Gerofflette Perronnelle Minette, veuve de Rominagrobis Mitoulet, demanderesse, accusatrice.
Le combat qui s'engage entre les parties a de quoi vous surprendre. C'est une chatte qui poursuit la mort de son prétendu mari; eussiez-vous jamais cru avoir à juger de la destinée d'un chat? Mais Mitoulet n'étoit pas, ainsi qu'on vous l'a dit, de ces chats ordinaires; ses vertus et ses talens devoient le distinguer de ceux de son espèce. Des vertus et des talens dans un chat! Pour moi, j'avois jusque alors vécu dans l'opinion que tout le mérite d'un chat consistoit à croquer une souris; mais il appartenoit à nos adversaires d'ennoblir de si petites idées.
Quels pleurs cependant n'a pas coûté la mort d'un si noble chat! Vous avez entendu les miaulemens de notre partie adverse; on n'a rien oublié pour vous attendrir. Rappellez-vous ces tristes images: une veuve désolée, six petits chatons orphelins, un mari, un père assassiné! A des traits si frappans, peu s'en faut que je n'aye moi-même versé des larmes; et quel est le barbare qui n'eût pas pleuré? Daignez pour un instant calmer des mouvemens si vifs, et accordez-moi une audience favorable.
Quand je ne serois pas aussi persuadé que je suis, Messieurs, de la solidité de vos jugemens, le bon droit du malheureux accusé dont j'embrasse ici la défense me donne une juste confiance que vous voudrez bien vous déclarer hautement protecteurs de son innocence. C'est un misérable disgracié de la nature, à qui elle ne semble avoir refusé tous ses dons extérieurs que pour l'orner plus libéralement du don le plus précieux de tous, je veux dire de celui de l'esprit, qualité qu'il possède au suprême degré et dont il fait un si bon usage, qu'elle ne lui gagne pas moins l'estime de tous ceux qui le voyent et qui l'entendent que son triste état leur fait de compassion.
Ce Polichinel, Messieurs, né de parens obscurs et pauvres, n'a reçu d'eux qu'une éducation convenable à leur triste état; mais son heureux génie, et plus encore sa probité, l'ont toujours soutenu jusques aujourd'huy, sans que jamais la pauvreté l'ait porté à quelque mauvais coup, ainsi que notre partie adverse a l'audace de nous le reprocher.
Je ne nierai point cependant, Messieurs, qu'il n'ait tué Rominagrobis Mitoulet, ce chat si vanté et peint par nos adversaires d'un si ridicule pinceau. Oui, il l'a tué; mais jamais attentat mérita-t-il mieux un pareil châtiment? Aux belles qualités qu'on lui a si libéralement attribué, on eût dû ajouter la perfidie et l'ingratitude dont il s'est si souvent noirci envers celui pour qui je parle. Ces vertus eussent encore rehaussé son tableau. Ma partie ne l'a que trop long-temps gardé chez lui: il étoit depuis deux ans l'objet de son amitié, et les artificieuses caresses de ce traître animal avoient sçu si bien gagner son cœur, que, quelque dure que fût sa pauvreté, Mitoulet (grâce à la vigilance et aux soins de son maître) ne s'en étoit presque jamais senti; mais tel est le caractère d'un traître, que rien ne peut jamais mériter sa reconnoissance.
Un soir que Polichinel, accablé d'inanition et d'inquiétude, étoit assis au coin de son feu, plus triste de n'avoir rien pour le souper de Mitoulet que pour le sien propre, ce scélérat, que dis-je? ce trop digne chat, ne pouvant plus long-temps se retenir, s'élance avec furie sur Polichinel; il eût sans doute ajouté à toutes les belles actions qu'on vous a décrites celle d'étrangler son maître, si Polichinel, dans ce danger, n'eût eu la présence d'esprit de prendre son sabot et d'en casser la tête de cet ingrat animal, qui ne payoit tous les bons traitemens de son maître que par la plus noire de toutes les perfidies.
Vous voyez bien, Messieurs, par ce récit aussi vrai que touchant:
Premièrement, que Polichinel, en tuant le traître Mitoulet, ne l'a puni que comme il le méritoit;
Secondement, que les tourmens les plus affreux n'auroient pu effacer la noirceur de son crime;
Troisièmement, qu'un scélérat capable d'une telle trahison n'avoit été que trop long-temps comblé de caresses par Polichinel;
Quatrièmement, enfin, que l'aversion que quantité de gens ont pour cette maudite engeance est on ne peut mieux fondée, puisque nous ne voyons que trop tous les jours une infinité d'exemples de leur monstrueuse malice. Je vous en retracerois la mémoire, si je ne craignois d'entrer dans un détail d'autant plus inutile, sans doute, que vous n'en ignorez pas les tragiques avantures. Voilà cependant quel est le premier crime dont on ose nous accuser? On transforme en forfait une action de justice de la part de Polichinel! Devoit-il donc se laisser étrangler? devoit-il, pour conserver les jours d'un chat si respectable, s'abandonner au meurtre et à la trahison?
Nos ennemis, Messieurs, ne se sont pas contentés de nous accuser de ce prétendu crime: à la médisance ils ont joint la calomnie. Polichinel, disent-ils encore effrontément, a arraché les ongles de cette veuve. Quelle perte, en effet, que les ongles de cette chatte! Si je voulois pour un moment me prêter à toute son illusion, je vous dirois que sans ongles elle en sera plus traitable et plus retenüe; ses ongles ne repousseront que trop tôt, et lui rendront toute sa férocité. Eh! connoît-on Polichinel, pour le croire coupable de cette action?
Non, Messieurs, Polichinel n'a jamais fait le mal de dessein prémédité. Je pourrois, pour prouver ce que j'avance, emprunter la voix de tous ceux qui le connoissent, et pas un d'eux ne me contrediroit; mais, pour démontrer invinciblement ce que j'ai l'honneur de vous exposer, j'aurai seulement recours à la base fondamentale de toutes les accusations qui se font juridiquement:
Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando;
et par là je vous ferai voir combien cette accusation est mal fondée.
Cette Perronnelle Minette demeuroit chez un voisin de Polichinel, sur le même pallier, et, en digne veuve de Mitoulet, elle ne lui céda jamais en aucune de ses belles qualités. Le peu d'intelligence qui avoit été entre ce beau couple n'affligea pas extrêmement la survivante, et six petits chatons, fruits de leur mariage, et par conséquent héritiers de la méchanceté de leurs parens, devinrent bientôt les objets de sa haine et de son aversion. Comme Polichinel ne connut jamais la vengeance, il oublia bientôt l'attentat de son mari, la reçut volontiers chez lui et ne lui témoigna aucun ressentiment.
Un jour de fête solemnelle dans toutes les cuisines, je veux dire un jour de mardi-gras, le pauvre Polichinel faisoit boüillir son pot (chose qui ne lui arrive pas souvent). Cette bête affamée entra furtivement chez lui, attirée par l'odeur de la cuisine; elle voulut, aussi bête que gourmande, pêcher la viande dans le pot qui boüilloit; mais sa gourmandise lui coûta cher: ses griffes s'y dessolèrent et y restèrent pour preuve de sa gloutonnerie. A ses miaulemens, Polichinel, occupé à autre chose, se retourna, et, par une douceur qu'on voit rarement en semblable occasion, se contenta de la mettre dehors de chez lui.
Après cela, Messieurs, elle osera porter l'audace et l'effronterie jusqu'à paroître en ce lieu en qualité d'accusatrice, lorsqu'elle y devroit elle-même redouter la rigueur de vos jugemens! assurément il faut être de la dernière des impudences pour faire un pareil coup. Mais il est aisé de voir ce qui l'a portée à cette extrémité: elle s'est imaginé, jugeant de Polichinel par elle-même, qu'il alloit sans doute la poursuivre criminellement; et, pour éluder le châtiment qu'elle méritoit, elle est venüe l'attaquer la première. N'est-ce pas là le comble de la méchanceté, et un pareil monstre d'iniquité devroit-il encore voir le jour? Elle accuse Polichinel d'avoir tué son mari. Ah! connut-elle jamais les liens conjugaux, pour être sensible à leur rupture? Bien plus, elle l'accuse de lui avoir arraché les ongles... Ne faut-il pas être bien hardie pour oser seulement parler de ce qui la devroit couvrir de honte, si elle en étoit capable? A-t-on jamais fait un crime à un homme de gagner légitimement sa vie? Non, assurément. C'est cependant, Messieurs, ce qu'elle prétend faire. Polichinel fait un petit négoce d'épicerie, dont le gain est aussi modique que légitime. Parmi plusieurs drogues, il vend de la mort-aux-rats, qui en fait partie. Elle ne laisse pas de lui en faire un crime, quoiqu'il me seroit aisé, si je voulois, de prouver que cette drogue est plus commode et plus propre que les chats pour se défaire des rats et des souris. Sans entamer cette question, je finis en deux mots, Messieurs, par vous supplier d'examiner quelle est l'accusation et quel est l'accusé. Ces deux considérations, jointes à ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire, me font espérer que vous voudrez bien, en terrassant les méchans, faire triompher l'innocence. Par ces raisons,
Je conclus, Messieurs, à ce qu'il vous plaise confirmer Polichinel dans le droit de vendre et débiter de la mort-aux-rats, le déclarer indüement accusé du meurtre commis en la personne de Mitoulet, condamner Minette, sa veuve, à lui faire réparation d'honneur authentique, dont sera dressé acte et déposé au greffe; la condamner, elle et toute sa race, au bannissement perpétuel, avec tous dépens, dommages et intérêts.
Jugement.
Parties oüies, nous avons ordonné que l'action de ladite Perronnelle Minette sursoira jusqu'à sa qualité certaine, ses enfans étant mineurs, et n'ayant point fait apparoir d'acte de délibération de parens par lequel elle eût été nommée tutrice à iceux, et cependant provisoirement défend à Polichinel d'user du métier de droguiste, même de vendre aucunes drogues, pour quelque cause que ce soit, sans qu'il justifie de sa lettre de maîtrise, dépens réservés.
Lû et approuvé par moi, censeur pour la police, ce 29 aoust 1743.
Vû l'approbation, permis d'imprimer. A Paris, ce 2 septembre 1743.
Registré sur le livre de la communauté des libraires-imprimeurs de Paris, no 2199, conformément aux règlemens, et notamment à l'arrêt de la cour du parlement du 3 décembre 1705. A Paris, ce 13 septembre 1743.—Signé Saugrain, syndic.
Les merveilles et les excellences du salmigondis de l'aloyau, avec les Confitures renversées.
A Paris, chez Jean Martin, 1627. In-8.
Le Roux, ta gentille humeur
Merite bien qu'un rimeur,
Des plus gentils de sa race,
Pour toy grimpe sur Parnasse.
Un jour, beuvant rejouys
A la santé de Louys
Et de Charles ton bon maistre,
Il t'en souviendra peut-estre,
Tu laissas les mets royaux
Pour manger les alloyaux.
Tu me fy promestre, en somme,
Sur la foy d'un galant homme,
Qu'en vers je celebrerois
Ces morceaux dignes des rois.
Je m'acquitte de ma debte
En monnoie de poëte.
Si Rouillard s'est esbatu
Sur le renom d'un festu[251]
Qu'un miserable asne mange;
Si Pasquier, en sa loüange
De la puce de Poitiers[252],
A du bruict en nos quartiers,
Loüant l'aloyau, j'espère
La faveur autant prospère,
Voire plus, car le subject
Est plus noble et moins abject.
Arrière donc, ô viandes
Delicates et friandes,
Et de quy l'enorme coust
Faict à maint perdre le goust!
A la table epicurée
Vous servirez de curée;
Soient de vos morceaux disnez
Les hommes effeminez!
Vous fistes perdre Capoue:
Aux vils corbeaux je vous voüe.
Hercule ne vouloit pas
Vous avoir en ses repas;
Au goust des Alcibiades
Vous eussiez esté trop fades:
Le bœuf seul les contentoit;
Un aloyau seul estoit
La solide nourriture
Convenable à leur nature.
Aux geants membrus et forts,
Aux athlètes grands de corps,
Les chairs grosses et charnues
Plaisent mieux que les menues;
Les poussins, les pigeonneaux,
Les bizets[253], les estourneaux,
Les moineaux, les allouettes,
Sont pour les marionettes,
Pour les petits marjolets,
Pour les petits hommelets
Quy n'osent paroistre en rue,
Tant ils ont peur de la grue[254].
Tant de mets et d'entremets
Ne furent propres jamais
Aux phylosophes antiques.
Je m'en rapporte aux ethiques.
Les diverses qualitez
Amènent des cruditez;
Les cruditez indigestes
Sont à la santé molestes;
De là viennent les douleurs
Tant aux intestins qu'ailleurs,
Les choliques, les tranchées,
Sinistres aux accouchées;
Les vertiges du cerveau
Avec la fièvre de veau[255].
Quy soi-mesme se commande,
Et quy, sobre, ne demande
Qu'un aloyau pour tout mets
N'est point malade jamais.
Un aloyau profitable
Repare tout une table
Du beau lustre coloré
De son rouge sur-doré.
Il paist nostre faim plus grosse,
Et l'on retrouve en la sausse
L'appetit perdu souvent:
De mort il le rend vivant.
Nutritive est la fumée
A la personne affamée;
Et, si vous ne me croyez,
Feuilletez les plaidoyez.
Entre la Rotisserie,
Jadis, et la Gueuserie,
Il se mut un gros procez.
N'ayant mangé leurs pains secz,
Mais, au flair de la viande,
Les gueux payèrent l'amende[256];
Et mesmement aux faulx dieux
Le flair en est gracieux:
Il les contente, où leur prestre
Veult la chair pour en repaistre.
Les prestres et les devins
Des sacrifices divins,
Aux solennelles journées,
Enlevoient les charbonnées:
C'est tout un et l'aloyau,
J'en croy le boucher Croyau.
Il sera de bonne sorte,
Et tel qu'on nous en apporte
De Sainct-Etienne-du-Mont[257]
Ou de nostre Petit-Pont[258].
Ceux de la pièce première
N'ont pas la gloire dernière.
Les uns sont à deux costez,
Et les autres, escourtez,
N'en ont qu'un: c'est au choix vostre
Que de prendre l'un ou l'autre.
Les plus gras sont les meilleurs.
Manquent-ils, allez ailleurs.
La viande est tant plus franche
Que la graisse en est plus blanche,
Et plus tendre elle sera.
La dame l'embrochera
D'une gentille manière,
Sinon vostre chambrière,
Ou bien vostre marmiton.
A la guerre, un long baston
Sert bien souvent d'une broche.
Le feu ne sera trop proche,
D'autant qu'il le raviroit[259]
Plustost qu'il ne le cuiroit.
Moyenne soit la distance.
C'est au feu qu'est l'importance:
Il doibt estre bel et bon;
Le meilleur est de charbon.
Celuy quy vire et quy tourne
Ordinairement sejourne
Sur le plus espais costé.
Qui le brusle soit frotté.
Il vaut mieux que l'on n'y mette
Qu'une personne discrette.
Ne tournez pas au rebours:
Je hais trop les mauvais tours
A l'ancienne coustume.
Cuite est la chair quy ne fume;
Sèche, elle a moins de saveur.
Je tiendrois à grand'faveur
Qu'elle mouillast mon assiette.
Sur l'espaule une serviette,
Vous le desembrocherez,
Au plat vous le poserez.
Le sel et l'eau sont la sausse.
Tel y a quy la rehausse
Avec du vinaigre aux aulx;
Mais ce sont les Champenaux.
Il n'est meilleure poyvrade,
Meilleure capylotade,
Ny meilleur salmygondis,
Tel qu'en apprestoit jadis
Nostre maistre La Fontaine,
La Fontaine Marmitaine.
L'amy que j'ayme d'amour
Avoit dict qu'à mon retour
J'en trouverois un en broche.
L'heure du souper approche:
Je m'en vay voir s'il est cuit.
Adieu, bonsoir, bonne nuit.
Les Confitures renversées.
Quy veult empescher un vilain,
Il luy faut mestre un œuf en main.
Que tu m'empeschas, ô Voicture[260],
Avec tes pots de confiture!
Il te souvient qu'à mon depart
J'en pris en mes mains bonne part,
Ayant serré l'autre partie
Dans ma pochette appesantie.
De chez toy chez nous y a loin,
Et tout du long de ce chemin
Il n'y eut fils de bonne mère,
Quy ne me creust apothicaire.
Ayant les deux mains à mes pots
(Ils cuidoient choir à tout propos),
Le moyen de faire l'honneste!
Mon chapeau tenoit à ma teste,
Les uns m'estimoient desdaigneux,
Les autres m'appeloient teigneux.
Je ne sçay qui disoit: Malherbe,
Qui sçait bien, n'est pas tant superbe.
En evesque, non autrement,
Je les saluois froidement,
Rasserenant ma triste mine,
En tournant le col vers l'eschine.
Quoy qu'assez chiche de salut,
Le malheur toutefois voulut
Que je repandisse la saulce
Tant sur le manteau que la chausse.
De mal en pis, un autre effect
Dedans ma pochette se faict:
Tout pesle-mesle se renverse,
Et n'est doubleure qu'il ne perse.
Mes vers se trouvèrent dessous,
Bon Dieu! que mes vers estoient doux!
Ma bienheureuse gibecière
En fut enduicte toute entière.
Il ne fut sol ny carolus[261]
Quy ne fust lors pris à la glus.
Alors j'appris que chose aucune
N'est si douce que la pecune.
Du travers de la cuisse au corps
La douceur me passa dès lors.
Si Dieu veut qu'elle y persevère,
Je ne seray plus tant sevère.
Le plus petit chien de chez nous
Me trouva plus que son laict doux;
Il fut si friand de la sausse,
Qu'il a presque avallé ma chausse.
Tant et tant ce petit coquin
En barboüilla son musequin,
Qu'il n'est chien au mont Sainct-Hilaire
Quy ne le suive et ne le flaire.
Amy Voicture, étant sur tous
Et plus que confiture doux,
Ne me donne plus confiture
Sans un laquay pour la voiture.
FIN.
TABLE DES MATIÈRES.
- Préface. v
- 1. Ensuit une remonstrance touchant la garde de la librairie du Roy, par Jean Gosselin, garde d'icelle librairie. 1
- 2. Le Diogène françois, ou les facetieux discours du vray anti-dotour comique blaisois. 9
- 3. Histoires espouvantables de deux magiciens qui ont esté estransglez par le diable, dans Paris, la semaine sainte. 23
- 4. Discours fait au parlement de Dijon sur la presentation des Lettres d'abolition obtenues par Helène Gillet, condamnée à mort pour avoir celé sa grossesse et son fruict. 35
- 5. Histoire veritable de la conversion et repentance d'une courtisanne venitienne, laquelle, après avoir demeuré long temps souillée dans les lubricitez et ordures de son peché, Dieu a faict reluire dans son ame les rayons de son amour, et l'a retirée à soy. 49
- 6. Les singeries des femmes de ce temps descouvertes, et particulièrement d'aucunes bourgeoises de Paris. 55
- 7. La Chasse et l'Amour, à Lysidor. 65
- 8. Dialogue fort plaisant et recreatif de deux marchands: l'un est de Paris, et l'autre de Pontoise, sur ce que le Parisien l'avoit appelé Normand; ensemble deffinition de l'assiette d'icelle ville de Pontoise selon les Chroniques de France. 75
- 9. Discours prodigieux et espouvantable de trois Espaignols et une Espagnolle, magiciens et sorciers, qui se faisoient porter par les diables de ville en ville; avec leur declaration d'avoir fait mourir plusieurs personnes et bestail par leurs sorcillèges, et aussi d'avoir fait plusieurs degâts aux biens de la terre. Ensemble l'arrest prononcé contre eux par la Cour du parlement de Bordeaux, le samedi 10 mars 1610. 87
- 10. Histoire admirable et declin pitoyable advenu en la personne d'un favory de la cour d'Espagne. 95
- 11. Examen sur l'inconnue et nouvelle caballe des frères de la Rozée-Croix, habituez depuis peu de temps en la ville de Paris. Ensemble l'histoire des mœurs, coustumes, prodiges et particularitez d'iceux. 115
- 12. Role des presentations faictes aux Grands Jours de l'Eloquence françoise. 127
- 13. Recit veritable du grand combat arrivé sur mer, aux Indes Occidentales, entre la flotte espagnole et les navires hollandois, conduits par Lhermite, devant la ville de Lima, en l'année 1624. 141
- 14. Discours veritable de l'armée du très vertueux et illustre Charles, duc de Savoie et prince de Piedmont, contre la ville de Genève, ensemble la prise des chasteaux que tenoyent les habitans de la ditte ville, par J. K. S. sieur de la Chapelle. 149
- 15. Histoire miraculeuse et admirable de la comtesse de Hornoc, flamande, estranglée par le diable, dans la ville d'Anvers, pour n'avoir trouvé son rabat bien godronné, le 15 avril 1616. 163
- 16. Discours au vray des troubles naguères advenus au royaume d'Arragon, avec l'occasion d'iceux, et de leur pacification et assoupissement. 169
- 17. Recit naïf et veritable du cruel assassinat et horrible massacre, commis le 26 août 1652, par la Compagnie des frippiers de la Tonnellerie, en la personne de Jean Bourgeois. 179
- 18. Les Grands Jours tenus à Paris par M. Muet, lieutenant du petit criminel. 193
- 19. La revolte des Passemens. 223
- 20. Ordonnance pour le faict de la police et reglement du camp. 259
- 21. Combat de Cyrano de Bergerac avec le singe de Brioché, au bout du Pont-Neuf. 277
- 22. La prinse et deffaicte du capitaine Guillery. 289
- 23. Le bruit qui court de l'Espousée. 305
- 24. La conference des servantes de la ville de Paris, soubs sainct Innocent, avec protestations de bien ferrer la mule ce caresme pour aller tirer à la blanque à la foire de Sainct-Germain, et de bien faire courir l'anse du panier. 313
- 25. Le triomphe admirable observé en l'alliance de Betheleem Gabor, prince de Transylvanie, avec la princesse Catherine de Brandebourg. 323
- 26. La descouverte du style impudicque des courtisannes de Normandie à celles de Paris, envoyée pour estrennes, de l'invention d'une courtisanne angloise. 333
- 27. La Rubrique et fallace du monde. 343
- 28. Plaidoyers plaisans dans une cause burlesque. 349
- 29. Les merveilles et les excellences du Salmigondis de l'Aloyau, avec les Confitures renversées. 363
Notes
1: Jean Gosselin succéda à Mathieu LaBssie comme garde de la bibliothèque du Roi à Fontainebleau. (Discours sur l'histoire de la bibliothèque du Roi, en tête du 1er volume du catalogue imprimé, p. 16.)
2: Cette déclaration si positive de Jean Gosselin rétablit un fait altéré dans le Discours cité tout-à-l'heure. Il devient constant que ce ne fut pas sous Henri IV, en 1595, comme les auteurs de cette notice, d'ailleurs excellente, l'ont avancé, mais long-temps auparavant, sous Charles IX, que la bibliothèque fut transférée de Fontainebleau à Paris.
3: Jean Gosselin a fait ailleurs une autre constatation de cet acte de violence et des pillages qui en furent la conséquence. Entre autres choses précieuses, un manuscrit françois, Marguerites historiales de Jean Massuë, avoit été distrait de la bibliothèque. Il y fut réintégré après les troubles, mais un cahier y manquoit. J. Gosselin, qui étoit encore garde de la librairie, afin de renvoyer à qui de droit la responsabilité de cette mutilation, écrivit cette note sur le côté intérieur de la couverture du manuscrit: «Mémoire que le président de Nully, durant la ligue et durant la trève, s'est saisi de la librairie, laquelle il a possédée jusqu'à la fin du moys de mars, en MDXCIV, qui sont six mois, pendant lequel temps on a coupé ou emporté le premier cahier du présent livre, auquel cahier estoient contenues choses remarquables. Item, durant le temps susdit, ont esté emportez de cette dite librairie plusieurs livres dont le commissaire Chenault feist enqueste bientôt après que le dit président eut rendu cette librairie. Signé Gosselin, ita est.» Dans le Discours qui sert d'introduction au catalogue (p. 17), cette curieuse note est citée, puis il est dit après: «Ce garde (Jean Gosselin) parle ensuite des tentatives que Guillaume Rose, evesque de Senlis, et Pegenac, docteur de Sorbonne, fameux ligueurs, firent dans un autre temps pour envahir la Bibliothèque royale; et il a adjouté qu'ils en furent toujours empeschez par le président Brisson, à la requête et à la sollicitation de lui Gosselin.» Cette circonstance, comme le remarquent les auteurs du Discours, est en contradiction avec ce qu'assure Joseph Scaliger dans ses Lettres (lib. I, epist. 63). A l'entendre, Barnabé Brisson «ayant eu chez lui un bon nombre des livres du Roi, sa veuve les vendit presque rien.» Il faut sans doute être moins rigoureux que Scaliger, et ne pas faire un crime de ces simples emprunts au malheureux président, qui ne fut que trop empêché pour rendre ce qu'il avait emprunté; mais il faut regretter la perte qui en résulta pour la bibliothèque, et qui ne fut que trop réelle. Parmi les livres qui ne reparurent plus se trouvait l'un des deux seuls exemplaires échappés à l'auto-da-fé que le numismatiste Hautin avoit fait de son Traité des Médailles. Gardant l'un pour lui, il avait donné l'autre à la bibliothèque du Roi: «Il en fut tiré, avec quelques autres, par M. Brisson, qui, les ayant portez chez lui, selon sa coutume, pour les examiner plus à loisir, et dans le dessein de les remettre à leur rang, fut prévenu de la mort, ayant péri malheureusement dans les désordres de la ligue. Sa veuve, qui trouva ce livre parmi ceux de son mari, sans démêler s'il étoit de la Bibliothèque royale ou non, le vendit avec les autres.» (Essais de littérature pour la connoissance des livres, etc.) La Haye, 1703, in-12, p. 15.—Les Sainte-Marthe ont aussi parlé des pertes faites alors par la bibliothèque. Le père en fait mention dans l'un de ses opuscules, le fils dans un Discours au Roi sur la bibliothèque de Fontainebleau. Le Prince, dans son essai historique sur la Bibliothèque du Roi, ne fait que reproduire à ce sujet ce qu'il a trouvé dans le Discours préliminaire; il ajoute, toutefois, dans une longue note, que parmi les livres disparus se trouvoit le manuscrit des Statuts et livre armorial des escripts et blasons des armes des chevaliers et commandeurs de l'ordre et milice du Saint-Esprit, institué par Henri III en 1578, manuscrit magnifique qui, plus tard, passa de chez Gaignat dans la bibliothèque du duc de la Vallière.
4: Il ne faut pas confondre ce livret avec un autre paru sous le même titre en 1615, réimprimé dans l'un des volumes du recueil A. Z, et le même dont Malherbe écrivoit à Peiresc, le 13 février 1615: «Il s'est fait un Diogène françois, mais ridicule et impertinent; et, hormis trois ou quatre mots où il contrefait le baragouin d'un certain homme et bouffonne sur la physionomie d'un autre, je n'en donnerois pas un clou à soufflet.»
5: La forme écourtée des manteaux dont on parle ici, et qui, ne descendant guère plus bas que les reins, eussent été si favorables aux apothicaires qui poursuivoient Pourceaugnac, fait comprendre de reste le sens de ce mot clistérique.
6: On avoit dit aussi chappons pour lettres galantes; on les écrivoit surtout en vers. Il s'en trouve plusieurs dans les poésies de Christophe de Beaujeu. «On conçoit aisément, est-il dit à ce propos dans les Mélanges d'une grande bibliothèque, tome VII, pag. 297, que les poulets galants sont des diminutifs de ces chapons-là.»
7: Périphrase pour désigner les maîtres paumiers.
8: Ce sont les événements qui, de 1614 à 1617, devoient le plus préoccuper les esprits.
9: C'étoit la friture à la mode depuis que Henri IV, pour répondre à cette rodomontade de l'ambassadeur d'Espagne: «Votre Paris danseroit dans notre Gand», lui avoit dit: «J'ai une Loche (il parloit de cette ville de Touraine et de sa grosse tour) si grosse et si grande que tout le beurre d'Espagne ne suffiroit pas pour la frire.»
10: Ce quatrain rappelle les nombreuses facéties et chansons qui furent faites au XVIe siècle contre la milice si promptement discréditée des Francs-Taupins. La plus curieuse chanson sur ce sujet se trouve dans le recueil Maurepas, avec son refrain:
Deriron, vignette sur vignon.
M. L. de Lincy l'a aussi donnée dans ses Chants historiques du XVIe siècle, mais c'est Le Duchat qui l'imprima le premier, dans sa note sur le passage de Rabelais ayant trait à »Bon Joan, capitaine des Franc-Topins.» (Liv. I, ch. 35.)
11: Il est parlé de ces oyselletz de Chippre dans la plaisante chronicque du petit Jehan de Saintré, chap. 43. «C'étoient, lit-on dans le Ducatiana (t. I, p. 39), de petites balottes de toutes grandeurs remplies de parfums exquis, et qu'on joignoit ensemble avec de la gomme, pour leur faire prendre la forme de certains petits oiseaux de la peau desquels on les composoit, afin de les faire crever à propos. Un ancien inventaire, inséré t. II, p. 921, de l'Histoire de Bretagne de D. Lobineau, contient: Deux cagettes d'argent veirrées pour mettre oyseletz de Chypre.»
12: M. Leber (V. Catalogue de sa bibliothèque, no 4222, t. II, p. 266) pense qu'il s'agit ici 1o «du fameux Cosme Ruggieri, ou, comme on disoit alors, Cosme le Florentin», astrologue de Catherine de Médicis; 2o du maréchal d'Ancre, «pour lequel le bon peuple faisoit des vœux de potence et de bûcher», et qui pourtant, ajoute M. Leber, ne s'en portoit pas moins bien alors. Il a raison pour l'un, et tort, je crois, pour l'autre. Je préfère l'opinion émise dans la Biographie universelle (supplément), au mot Ruggieri. Notre pièce y est citée, et, sans se préoccuper de pseudonymes, on y conserve au premier de nos deux magiciens son nom de César, qu'un sorcier de ce temps-là portait en effet. Quant au second, c'est Ruggieri. Tout s'accorde à le prouver, notamment la date de sa mort, qui eut lieu en effet dans la Semaine-Sainte de 1615. V. le Mercure françois, t. IV, p. 46.
13: C'est bien probablement le même César, magicien, qui, selon Tallemant des Réaux (Historiettes, édit. in-12, t. I. p. 173), s'étoit entremis avec ses sortiléges dans le mariage du connétable de Montmorency, qui eut lieu le 13 mars 1593. C'est Louise de Budos, la future connétable, qui avoit recouru à lui. «On a dit, écrit Tallemant, qu'elle s'étoit donnée au diable pour épouser M. le connétable, et que César, un Italien, qui passoit pour magicien à la cour, avoit été l'entremetteur de ce pacte.» Il ajoute un peu plus loin: «Le bonhomme de La Haye, un vieux gentilhomme huguenot, qui avoit bien vu des choses, m'a dit que César n'étoit qu'un fourbe. «Vous me voulez, lui disoit-il, faire voir le Diable dans une cave où cinq ou six coquins charbonnés me viendront peut-être bien étriller. Je le veux voir dans la plaine Saint-Denis.»—Le vrai nom de ce César étoit Jean du Chastel, voy. le baron de Fæneste, édit. Jannet, p. 112. Comme si ce n'étoit pas assez de ces deux noms, Jean de Lannel, qui parle longuement de lui dans son Roman satirique, p. 1105, l'appelle Perditor. V. l'abbé d'Artigny, Nouv. Mém. de litt., VI, p. 44-47.
14: Je ne sais si ce César avoit prédit la mort du maréchal de Biron, mais on pensoit sous Louis XIII que Nostradamus l'avoit clairement pronostiquée. V. Historiettes de Tallemant, in-12, t. X, p. 58.
15: Un autre magicien, Olerius, bénéficier de Barcelonne, dans son Almanach, publié à Valence en novembre 1609, avoit prédit la mort de Henri IV. Riquier, Vie de Peiresc, p. 128.
16: Une fameuse sorcière de cette époque, Marie Boudin, qui exploitoit surtout les prophéties d'amour et de mariage, faisoit aussi agir un chien noir dans ses maléfices. V., d'ailleurs, sur le rôle des chiens dans la magie, Louandre, la Sorcellerie, p. 32.
17: Ce maléfice, qu'on appeloit envoûtement ou envoultement, de in, contre, et vultus, visage, consistoit à faire modeler à la ressemblance de la personne à qui l'on vouloit mal de mort une figurine de cire, et à la piquer au cœur d'une longue épingle, avec l'espoir que la personne représentée mourroit d'une pareille blessure. V. un article de l'Illustration, 22 mai 1852, dans lequel nous nous sommes étendu sur cette espèce de sortilége. Quelquefois, et nous en avons des exemples au XIIe siècle, on se contentoit de faire chanter des messes par maléfice devant ces images de cire. On peut voir ce qu'en dit Pierre-le-Chantre, Histoire littéraire de France, t. XV, p. 290.
18: Cette phrase, qui a fait sans doute l'erreur de M. Leber, peut s'appliquer fort bien à Ruggieri. «Vers la fin de sa vie, dit de lui M. Bazin, il trouva dans le maréchal d'Ancre, comme lui Florentin, un nouveau protecteur.» La Cour de Marie de Médicis, etc. Paris, 1830, in-8o, p. 139.
19: A partir de 1604, Ruggieri publia, dit-on, un almanach chaque année.
20: Gabriel Peignot ne connoissoit pas ce livret lorsqu'il écrivit son intéressante brochure: Histoire d'Hélène Gillet, ou Relation d'un événement extraordinaire et tragique survenu à Dijon dans le XVIIe siècle, etc., par un ancien avocat. Dijon, 1829, in-8o, brochure qui a inspiré le dramatique article de Nodier, publié d'abord la même année dans la Revue de Paris, puis dans ses Œuvres, t. III, p. 373. Peignot, toutefois, connoissoit notre livret en substance, puisque sa relation est faite d'après le recueil d'où toutes les pièces de celui-ci procèdent (le Mercure françois, 1625, t. XI, p. 526-541.)
21: Ch. Fevret, né à Semur en Auxois, le 16 décembre 1583, fut l'un des plus célèbres avocats du Parlement de Dijon au XVIIe siècle; en outre de ce plaidoyer, qui lui fait un si grand honneur, il se distingua par sa harangue à Louis XIII en faveur des paysans dont la révolte avait exigé la présence royale à Dijon en février 1630. Il mourut très âgé, le 16 août 1661.
22: Le Morimont est la place des exécutions à Dijon. Elle tient son nom d'une ancienne abbaye de Champagne, dont les abbés avoient leur hôtel à l'un des angles de cette place.
23: C'étoit une espèce d'entraves où l'on mettoit les mains et les pieds des criminels.
24: Ce mariage eut lieu le 11 mai 1625. Ainsi, les noces d'un roi qui devoit tomber sous la hache furent signalées par un acte de clémence pour celle qui s'étoit miraculeusement échappée d'un supplice pareil.
25: C'est le chancelier d'Aligre.
26: Cette harangue de Ch. Fevret long-temps oubliée comme tout le reste de cette dramatique affaire, à laquelle Desessart seul a consacré 27 lignes de son Essai sur l'Histoire des Tribunaux (Paris, 1778-1784, t. VII, p. 134), a été reproduite mutilée et dénaturée dans un recueil publié en 1836 sous le nom de M. Berryer, Leçons et modèles d'éloquence judiciaire et parlementaire, etc., t. I, p. 77-79.
27: «Et dont la mère est petite fille de feu M. le président Fabry.» Relation manuscrite qui se trouve au tome XCIII des manuscrits Du Puy, Bibliothèque impériale.
28: «Bien demeuroit-elle d'accord qu'il y avoit quelques mois qu'un jeune homme, curé d'un village voisin de Bourg, qui demeuroit au logis d'un sien oncle, venant à celui de son père pour apprendre à lire et à écrire à ses frères, l'avoit connue, une fois seulement, au moyen d'une servante de sa mère, qui l'avoit enfermée dans une chambre avec ledit curé, qui la força.» (Ibid.)
29: Partus, accouchement.
30: Le rang qu'occupoit sa famille l'avoit fait condamner non à la pendaison, mais à la mort par le glaive, supplice des nobles.
31: «Le bourreau, lisons-nous dans la relation citée tout à l'heure, qui n'entendoit pas son métier, lui fait hausser le menton et retirer le cou pour la prendre de côté, et à l'instant lui décharge un coup sur la mâchoire gauche, glissant au cou, dans lequel il entre du travers d'un doigt. La patiente tombe sur le côté droit. Le bourreau quitte ses armes, se présente au peuple et demande de mourir. On commençoit déjà à exaucer sa demande, les pierres volant de tous côtés, lorsque la femme du bourreau, qui assistoit son mari en cette occasion, releva la patiente, qui en même temps marcha d'elle-même vers le poteau, se remit à genoux et tendit le cou. Le bourreau éperdu reprend le coutelas, que sa femme lui présentoit, et décharge un second coup, que la pauvre victime reçoit sur l'épaule droite, sans la blesser que légèrement. La sédition se renouvelle et s'augmente. Le bourreau se sauve en la chapelle qui est au bas de l'échafaud; la femme du bourreau demeure seule avec la patiente, qui étoit tombée sur le coutelas, duquel assurément la bourelle se fût servie si elle l'eût vu. Elle prit en son lieu la corde que la patiente avoit apportée au supplice, la lui met au cou. Elle se défend, et jette ses mains sur la corde. L'autre lui donne des coups de pied sur l'estomac et sur les mains, et lui donne cinq ou six secousses pour l'étrangler, puis, comme elle se sentit frappée à coups de pierres, elle tire ce corps demi-mort, la corde au cou, la tête devant, à bas la montée de l'échafaud. Comme elle fut au dessous, proche des degrés, qui sont de pierre, elle prend des ciseaux qu'elle avoit apportés pour couper les cheveux de la condamnée, longs de deux pieds, et la veut égorger; comme elle n'en peut venir à bout, elle les lui fiche en divers endroits.»
32: «Outre les deux coups de coutelas, elle a six coups de ciseaux: un qui passe entre le gosier et la veine jugulaire; un autre sous la lèvre d'en bas, qui lui égratigne la langue et entre dans le palais; un au dessous du sein, passant entre deux côtes, proche de l'emboiture du dos; deux en la tête, assez profonds, quantité de coups de pierres, les reins entamés fort avant du coutelas, sur lequel elle étoit couchée, lorsqu'on la secouoit pour l'étrangler, et son sein et son cou plombés de coups de pieds de la bourelle.» Même relation.
33: Hélène Gillet, en effet, se retira du monde. Elle entra dans un couvent de la Bresse, et y vécut très saintement de longues années. Sa mort fut des plus édifiantes. V. Vie de Madame de Courcelles de Pourlans, etc., par Edme-Bernard Bourrée, oratorien, Lyon, 1699, in-8., p. 264.
34: Valère-Maxime.
35: M. Leber, qui possédoit ce livret, l'indique comme rare dans son catalogue, no 2504, 5e pièce.
36: Au 17e siècle, comme aujourd'hui encore à Orléans, le peuple disoit carne pour corne. (V. Molière, le Malade imaginaire acte I, sc. 2).
37: On trouve de pareilles plaintes sur le luxe croissant des bourgeoises dans les Caquets de l'accouchée (passim), et dans une autre pièce du même temps: le Satyrique de la court, 1624, in-8o, pag. 13-15.
38: Rabelais, dans un passage de son Gargantua, chap. XL, passage que Voltaire a visiblement imité dans sa satire du Pauvre diable, sans que personne l'ait encore remarqué, établit entre les moines et les singes la même comparaison qui a été faite ici entre les singes et les femmes.
39: Faire rentrer dans le bois. Regnard a employé ce verbe d'une façon très comique dans sa comédie du Bal (sc. 2).
40: Le débat qui va suivre sur la position de Pontoise, et sur la question de savoir si elle est ou non cité normande, fut jusqu'à la révolution et est sans doute encore à l'ordre du jour chez les bourgeois de la bonne-ville.
41: La Guide des chemins de France. A Paris, chez Charles Estienne, imprimeur du Roy, M.D.LII, avec privilége dudict seigneur. In-12. (Attribué à Charles Estienne.) On y lit en effet, page 15: «Pontoise, V. ch., etc.—Après avoir passé la rivière d'Oyse sur le pont qui donne le nom à la ville, l'on entre en la Normandie.»
42: Ce fait suffiroit pour faire de Pontoise une ville de Normandie, quoi qu'en dise l'interlocuteur qui va parler après. L'abbé Expilly, du moins, le pense ainsi: «A l'exception du seul faubourg de l'Aumosne, dit-il, Pontoise a toujours été, comme il est aujourd'hui (1768), du diocèse de Rouen. Il ne faut, pour se le persuader, que la simple lecture de l'histoire. Cependant ses habitants ont prétendu répandre quelques doutes sur cette matière. Aujourd'hui encore la plupart d'entre eux se plaisent à en faire une question problématique.» Dictionnaire de la France, 1768, in-fol., au mot Pontoise.
43: Assemblée à son de cloche. (Dict. de Trévoux.)
44: Tout étoit complexe, il est vrai, dans l'administration de la ville de Pontoise. Ainsi, tandis qu'elle dépendoit du siége de Rouen pour les affaires ecclésiastiques, et du Parlement de Paris pour les choses judiciaires, elle étoit soumise, pour tout ce qui dépendoit du service militaire, au lieutenant général du Vexin françois.
45: R. Gaguini rerum gallicarum annales. Francfort, 1577, in-fol. Pag. 71.
46: On a vu plus haut que, d'après l'abbé Expilly, le faubourg de l'Aumosne étoit, de toute la ville de Pontoise, la seule partie non comprise dans le diocèse de Rouen.
47: A tous ces méfaits des Normands, Pontoise auroit pu ajouter la prise et l'incendie de son château, dont s'emparèrent les hommes du nord, et qu'ils brûlèrent en 880 ou 883. C'est peut-être du souvenir qu'on en avoit gardé que venoit la haine des gens de Pontoise contre les Normands.
48: Nous connoissons une autre édition de cette pièce sous la date de 1626, Paris, même format, même titre. Nodier, qui la possédoit, ne la place pas moins parmi les plus rares. Nouveaux mélanges d'une petite bibliothèque, no 58.
49: C'est le même que Le Sage a mis en scène dans Gil Blas, liv. VIII, chap. 2-13, etc. Ce qu'il en dit, tout à fait d'accord avec ce qu'on va lire, prouve combien dans son roman il savoit respecter l'histoire. Cette pièce, qui peut servir utilement à commenter le chef-d'œuvre dans cette partie, n'a pas été connue de François de Neufchâteau, ou, disons mieux, de M. Victor Hugo, véritable auteur des notes du Gil Blas, que l'académicien mit sous son nom, faisant ainsi payer à l'enfant sublime la protection qu'il lui accordoit.
50: La mère de D. Rodrigue s'appeloit en effet Marie Sandelen. L'histoire dit qu'elle étoit Flamande.
51: Ceci répond très bien a ce qu'on lit dans Gil Blas (liv. VIII, chap. 3), et justifie à merveille les courbettes que Le Sage fait faire à son héros lors de sa première visite à D. Rodrigue.
52: De Siete Iglesias.
53: D. Rodrigue avoit, dit-on, commencé par renier son père; mais les reproches que cette conduite lui attira le firent se raviser, comme il est dit ici. Le Sage, que l'histoire de Calderon préoccupe à chaque page des livres VIII et IX de son Gil Blas, fait allusion à ces sentiments et à ce retour repentant du favori; mais, pour les mettre mieux en relief, il les prête à Gil Blas lui-même, qu'il nous montre alors admis avec Calderon au partage des faveurs du duc de Lerme. «Me reprochant moi-même que j'étois un fils dénaturé, je m'attendris, lui fait-il dire. Je me rappelai les soins qu'on avoit eus de mon enfance et de mon éducation; je me représentai ce que je devois à mes parents, etc.» Liv. VIII, chap. 13.
54: «Son logement communiquoit à celui du duc de Lerme, et l'égaloit en magnificence. On auroit eu de la peine à distinguer par les ameublements le maître du valet.» Gil Blas, liv. III, chap. 8.
55: Le Sage parle de ces grandes daces (taxes) que D. Rodrigue levoit sur ceux qui demandoient sa faveur. «Il (D. Roger de Rada) avoit envie, fait-il dire à Scipion, de s'adresser à don Rodrigue de Calderon, dont on lui a vanté le pouvoir; mais je l'en ai détourné en lui faisant entendre que ce secrétaire vendoit ses bons offices au poids de l'or, etc.» Gil Blas, chap. 7.
56: La disgrâce du duc de Lerme (1618) mit le comble à celle de D. Rodrigue et acheva sa perte.
57: Marguerite d'Autriche, fille de l'archiduc Charles, duc de Styrie, femme du roi Philippe III, morte le 8 octobre 1611.
58: Cette exécution eut lieu le 21 octobre 1621. Il y avoit trois ans que le procès de D. Rodrigue étoit commencé. On ne l'avoit ainsi fait traîner en longueur que pour entretenir la haine du peuple contre tout ce qui rappeloit le ministère du duc de Lerme, et, créer de nouveaux obstacles à ce ministre s'il tentoit de rentrer en grâce. Il y réussit un instant: Philippe III le rappela de l'exil, et il y eut quelque espérance de salut pour D. Rodrigue; mais la mort du roi et l'avénement de Philippe IV, qui fut tout à fait contraire à ces idées de clémence, firent renvoyer le duc de Lerme en exil et hâter le supplice de son favori.
59: «Calderon mourut, dit Saavedra en ses devises politiques, avec une constance héroïque, qui changea en estime et en compassion cette haine universelle que sa fortune lui avoit attirée.»
60: Il y avoit eu une édition de cette pièce l'année précédente, Paris, Pierre de le Fosse, 1623, in-8. Le titre est le même, sauf cette différence que les frères de la Rose-Croix y sont appelés frères de la Croix-Rosée. M. Leber possédoit cette édition. V. le Catalogue de sa bibliothèque, no 3390.—
Les frères de la Rose-Croix, qui reconnoissoient pour fondateur Christian Rosenkreutz, avoient commencé de se révéler en 1604, après que l'ouverture du tombeau du maître eut livré aux disciples les grands arcanes écrits en lettres d'or. «Entre toutes ces raretez, dit Naudé, parlant des momeries de la secte nouvelle, il n'y en avoit pas de plus remarquable qu'une inscription, laquelle ils trouvèrent sous un vieil mur: «Après six vingts ans, je seray descouverte», car elle nous desnote l'an 1604, qu'ils ont commencé à paroistre.» Instruction à la France sur la verité de l'histoire des frères de la Roze-Croix, Paris, 1623, in-8, pag. 38. Ce livre de G. Naudé, que M. Hœfer a indiqué par erreur sous le titre de Advis à la France, etc. (Hist. de la Chimie, tom. II, pag. 326), est une curieuse satire des pratiques de ces thaumaturges. C'est la plus considérable de celles qui furent publiées alors dans la même intention, et parmi lesquelles nous nous contenterons de citer: 1o Effroyables factions faictes entre le diable et les prétendus Invisibles...., pièce que nous comptons donner dans l'un de nos volumes; 2o Advertissement pieux et très utile des frères de la Rosée-Croix... escrit et mis en lumière pour le bien public par Henry Neuhous de Dantzic... Paris, 1623, traduction d'une pièce latine: Pia et utilissima admonitio de fratribus Roseæ-Crucis, etc., parue l'année précédente. Les pièces en latin sur ce sujet furent surtout nombreuses; M. Leber en possédoit un plein portefeuille. Il en cite sept, avec leurs titres, sous le no 3391 de son Catalogue, et il n'en épuise pas la liste. Elles sont datées de 1616 à 1622, et la plupart viennent d'Allemagne. Ce même pays nous avoit envoyé, mais écrite dans l'idiome national, une autre critique de la doctrine des Rose-Croix sous ce titre bizarre: les Noces chimiques de Christian Rosen-Kreutz, etc. Strasbourg, 1616, in-8.—Nous ne citons ce livre que d'après M. Hœfer, loc. cit.
61: Dans l'une des pièces citées tout à l'heure, Advertissement pieux et très utile, etc., pag. 1, on retrouve cette pensée, que les Rose-Croix étoient précurseurs de l'Antechrist et apportoient au monde «l'advertissement que Notre-Seigneur nous a donné par sa bouche, et signes qui doivent précéder son dernier avénement.»
62: Les Rose-Croix s'attaquèrent surtout aux gens de robe pour les endoctriner. «Ils produisent, dit G. Naudé, des advocats et presidents qui pourroient rendre tesmoignage de cette congregation.» Instruction à la France, etc., pag. 5.
63: Dans l'Advertissement pieux et très utile, etc., pag. 5, l'apparition des Rose-Croix à un avocat de Paris est racontée d'une manière moins défavorable pour eux, bien qu'elle aboutisse aussi à une fuite prudente: «Selon le commun bruict, se sont apparus à un advocat qui faisoit des escritures pour une de ses parties; mais étant survenu quelqu'un qui avoit affaire à luy, après luy avoir dit qu'ils reviendroient une autre fois, soudain ils disparurent; ce que l'advocat ayant raconté à un sien amy quelques jours après, on dit que ces frères s'apparurent de rechef à luy dans le faubourg Saint-Germain, et luy reprochèrent qu'il n'avoit pu garder le secret, qui est le premier principe de leur secte, et qu'oncques depuis il ne les a reveus.»
64: Tous les frères de la Rose-Croix, et, «de quatre qu'ils estoient au commencement, ils s'estoient accreuz et augmentez jusqu'au nombre de huit», s'arrogeoient la grâce de guerir les malades, grâce «si abondante en eux que la multitude des affaires leur causoit de l'empeschement.» G. Naudé, Instruction à la France, etc., pag. 33, 35, 36.
65: Cette affiche des Rose-Croix est reproduite dans l'Advertissement pieux et très utile, etc., pag. 1. G. Naudé la donne aussi (pag. 5), en la faisant précéder de ces curieux détails: «Et, de fait, il y a environ trois mois que quelqu'un d'iceulx, voyant que, le roy estant à Fontainebleau, le royaume tranquille, Mansfeld trop esloigné pour avoir tous les jours des nouvelles, l'on manquoit de discours sur le change par toutes les compagnies, s'advisa, pour vous en fournir, de placarder par les carrefours ce billet, contenant six lignes manuscrites.» Instruction à la France, etc., pag. 26.
66: Les Rose-Croix appeloient en effet collége le lieu de leur réunion. Ils en avoient trois: «l'un aux Indes, en une île toujours flottante sur la mer; un autre au Canada, et le troisième en la ville de Paris, en certains lieux souterrains.» Avertissement pieux et très utile, etc., pag. 4-5.
67: Cette date, pour une pièce, qui a trait sans doute aux séances de l'Académie françoise, est fort intéressante à remarquer, en ce qu'elle devance de près d'une année celle des lettres royales qui constituèrent ce corps illustre. Ces lettres-patentes sont du 5 janvier 1635; or il seroit évident, d'après notre curieux livret, que dès les premiers mois de l'année précédente la docte assemblée tenoit ses assises, non plus à huis clos, comme elle avoit fait d'abord dans le petit logis de Conrart, rue Saint-Denis, mais ouvertement et à la connoissance de tous. Il ne faudroit donc plus dater de 1635, mais bien de 1634, l'existence réelle de l'Académie françoise.
68: Le saint homme n'échappoit du reste au bon langage que par ses néologismes de spiritualité; il faut même se hâter de dire qu'il étoit l'un des plus fervents admirateurs des bons écrivains de son époque, fussent-ils assez peu chrétiens, comme Balzac, par exemple, qu'il admiroit par dessus tout. Vigneul-Marville, Mélanges d'histoire et de littérature, Paris 1699, in-12, pag. 90.
69: Il faut lire Hersent, car il doit s'agir ici du docteur de Sorbonne Charles Hersent, l'un des plus forts casuistes de cette époque. Il avoit été prêtre de l'Oratoire, dans les premiers temps de son établissement par M. de Berulle. En remettant à son examen les livres du cardinal, on les soumettoit donc à un bon juge.
70: Étienne Binet, jésuite, mort en 1639, après avoir été recteur en différentes maisons de son ordre, et avoir publié grand nombre d'ouvrages de piété. Dans le plus excellent de tous, omis pourtant par la Biographie universelle: Quel est le meilleur gouvernement, le rigoureux ou le doux, Paris, 1636, in-8, se trouve, au chapitre IV, cette phrase sur la famille de Dieu, que Bossuet appliqua plus tard si éloquemment à la congrégation de l'Oratoire: «Jamais il ne fut une telle famille, où tout le monde obéit sans que personne y commande.» V. édit. de 1776, pag. 90.
71: Charlotte des Ursins, vicomtesse d'Auchy, tenoit chez elle une sorte d'académie de théologie, que l'archevêque de Paris dut interdire. (Tallemant, in-12., t. II, p. 6-7.) Elle publia un livre qu'elle n'avoit point fait elle-même, sous ce titre: Homélies sur l'épître de S. Paul aux Hébreux, par Charlotte des Ursins, vicomtesse d'Ochy. Paris, Charles Rouillard, 1634, in-4.
72: P. de Montmaur, le fameux parasite tant moqué par Ménage, dont Sallengre a donné l'Histoire satirique, 2 vol. in-8, 1715. On l'appeloit Montmaur le Grec depuis qu'il avoit succédé au P. Goulu dans la chaire de professeur royal en langue grecque.
73: Peut-être faut-il substituer l'initiale M à celle-ci, car je pense qu'on veut parler ici du président de Mesmes, chez qui Montmaur avoit plein accès, et qu'en bon parasite il flattoit, même dans son mauvais langage.
74: Nous ne savons quelle est cette prude marquise.
75: Ce mot de passe-volant sent bien son soldat de contrebande. C'est en effet le nom qu'on donnoit aux hommes que, les jours de revue, les capitaines incorporoient dans leurs compagnies pour en combler les vides. Une ordonnance de 1668 comdamna les passe-volants à être marqués à la joue d'une fleur de lis.
76: Ce sont les écrivains publics, qui, on le sait, se tenoient en grand nombre sous les charniers de Saint-Innocent.
77: Mot redevenu fort à la mode, et que les poètes et les femmes employoient alors à tout propos. Voiture s'en servoit plus que personne. V. le Dictionnaire de Richelet, 1re édit., à ce mot.
78: C'étoit un nœud de ruban que les femmes portoient alors sur la poitrine. Le mot, sur lequel on jouoit souvent, comme ici, étoit venu d'Italie avec la mode de cet ornement coquet. En cette année 1634, elle étoit en pleine faveur et faisoit la fortune des mercières du Palais. Corneille, dans une de ses premières pièces, jouée justement à cette époque, met en scène, devant une de leurs boutiques, une suivante à qui un valet parle ainsi:
Si tu fais ce coup-là, que ton pouvoir est grand!
Viens, je te veux donner tout à l'heure un galant.
(La Galerie du Palais (1634), act. 4, scène 15.)
Le beau galand de neige que Gros-René rend à Marinette dans le Dépit amoureux (acte IV, sc. 4) se trouve ainsi expliqué.
79: Le genre du mot navire n'étoit pas en effet encore bien décidé. Pour la plupart, esclaves de l'étymologie latine, c'étoit encore un mot féminin, suivant l'usage observé jusqu'au XVIe siècle; d'autres lui donnoient déjà le genre qui lui est resté, et que Du Bellay avoit été le premier à lui attribuer en son Illustration de la langue françoise, au risque des critiques, qui ne lui furent pas épargnées, surtout par Charles Fontaine (Quintil Censeur, 1576, in-12, pag. 206). En 1666, le débat n'étoit pas encore vidé. «Ce mot, écrit Ménage, est encore présentement masculin et féminin, surtout en vers.» Observations sur les poésies de Malherbe, 1666, in-8, pag. 268.—Quant au mot affaire, il est vrai qu'on pouvoit aussi discuter encore sur le genre à lui attribuer. On l'employoit souvent au masculin. Nous renverrons, sans chercher d'autre exemple, à une phrase de la pièce françoise concernant Antoine Perez, que nous donnons dans ce volume à la suite de celle-ci.
80: On veut qu'il intervienne en ces questions, non seulement pour ses œuvres, où le mot navire se trouve toujours au féminin, mais comme étant l'un de ces curateurs des poésies de Malherbe dont il est parlé plus haut.
81: Dans sa Requeste des Dictionnaires à Messieurs de l'Académie, Ménage met en scène Mlle de Gournay pour la même cause:
..... Depuis trente années
On a par diverses menées
Banny des romans, des poullets,
Des lettres douces, des billets,
Des madrigaux, des élégies,
Des sonnets et des comédies,
Ces nobles mots: moult, ains, jaçois
............
Pieça, servant, illec, ainçois
Comme estant de mauvais françois,
Et ce sans respect de l'usage.
..........
Et bien que telle outrecuidance
Fît préjudice aux suppliants,
Vos bons et fidèles clients,
Et que de Gournay la pucelle,
Cette sçavante damoiselle,
En faveur de l'antiquité
Eust nostre corps sollicité
De faire des plaintes publicques
Au decry de ces mots anticques.
82: J.-B. Croisille, abbé de la Couture, mort en 1651. Tallemant a écrit son historiette (édit. P. Paris, t. III, p. 27-36). On a de lui: Héroïdes ou épistres amoureuses à l'imitation des épistres d'Ovide, 1619, in-8o.
83: Fou célèbre, que Sarrazin donne pour père à Dulot dans son poème de Dulot vaincu, ou la Défaite des bouts rimés, et auquel G. Colletet consacra l'une de ses épigrammes, avec ce titre: Pour l'Herty, fou sérieux des Petites-Maisons. (Epigrammes de Colletet, Paris, 1653, in-12, pag. 213.)
84: C'est le pseudonyme pris par le comte de Cramail pour son livre grotesque les Jeus de l'inconnu, Rouen, 1630, in-8. Un petit livret, l'Herti ou l'universel, s. l., attribué au même auteur, parut aussi en 1630. V. Rev. franç., 20 mai 1855, p. 483, notre article sur le comte de Cramail.
85: Jacques Cordier, dit Bocan, du nom d'une terre que M. de Montpensier lui avoit donnée, étoit bon violon, comme il est dit ici, et fameux maître à danser. Tout ce qu'on lit sur lui dans les biographies est pris à la Description de Paris, par Piganiol, tom. II, pag. 215-216. Une danse qu'il avoit composée, et qui à cause de lui s'appeloit la bocane, se dansoit encore au commencement du XVIIIe siècle. (V. Compan, Dict. de danse.) C'est lui qui joua sur son violon l'air de la sarabande que le cardinal de Richelieu dansa pour plaire à Anne d'Autriche. Brienne, qui raconte le fait, l'appelle par erreur Boccau pour Bocan. (Mémoires, tom. I, pag. 276.)
86: «Manière de violon, qui est un instrument de musique que les maîtres à danser portent en ville dans leur poche lorsqu'ils vont montrer à leurs escoliers, et qui n'a esté appelé poche que parcequ'on le met dans la poche.» Dictionnaire de Richelet, 1re édit.
87: C'est le bureau d'adresse auquel nous avons déjà consacré une note dans le Roman bourgeois, édit. P. Jannet, pag. 106. Comme c'étoit un centre de compagnie, on l'avoit d'abord appelé bureau de rencontre. En 1631, on avoit eu la singulière idée de le mettre en ballet. Il y est appelé, en assez mauvais vers:
Un rendez-vous en titre de bureau,
Pour ceux qui ne savent que faire,
...........
Pour nos trois sols nous y pourrons entrer
Et trouver quelque chose ou blanque.
88: V., sur la grande querelle académique que souleva ce mot, accepté par les uns, repoussé par les autres, et par Gomberville surtout, notre article du Constitutionnel, 30 janvier 1852, Histoire du trente-sixième fauteuil de l'Académie françoise.
89: Cette expédition des Hollandois contre Lima étoit entreprise à l'imitation de celle que trois ans auparavant Jacob Villekens avait tentée contre San-Salvador avec tant de bonheur, et qui avoit valu à la compagnie des Indes occidentales formée au Zuyderzée l'occupation momentanée de cette belle colonie portugaise. Le Pérou, la plus riche des possessions espagnoles en Amérique, étoit surtout convoité par les aventuriers de toutes les nations, qui commençoient dans ces mers des courses dont les flibustiers firent bientôt de si terribles expéditions. D'Aubigné, dans son Baron de Fæneste, cite, par exemple, «le general Stincs et huict autres grands pirates qui ont boulu bailler au roy d'Angleterre deux millions d'or pour conquerir le Pérou à leurs despens.» Liv. III, chap. 17.—On conçoit que les Hollandois missent les premiers à exécution cette entreprise de conquête seulement projetée par d'autres. Enlever le Pérou aux Espagnols, c'étoit en effet les détruire presque complétement dans l'Amérique du Sud, et aussi les ruiner en Europe. Decker le dit en termes formels au commencement de la relation qu'il fit de cette expédition de Jacques-Lhermite, relation excellente, selon Paw (Recherches philosophiques sur les Américains, tom. I, pag. 300-301), publiée d'abord en allemand à Strasbourg (1629, in-4o), puis reproduite en latin dans le 13e partie des Grands Voyages de De Bry, et enfin en françois, au tom. IX, pag. 1-104, du Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement et aux progrès de la compagnie des Indes orientales, Rouen, 1725, in-12. Voici les premières lignes de ce curieux journal, d'après le Recueil que nous venons de citer, où il porte pour titre: Voyage de la flotte de Nassau aux Indes orientales par le détroit de Magellan, commencé l'an 1623, sous le commandement de l'amiral Jacques Lhermite, et fini l'an 1626: «Tous les politiques qui ont particulièrement connu les affaires du royaume d'Espagne ont jugé qu'il n'y avoit pas de meilleur moyen pour le reduire sur l'ancien pié et pour faire cesser les tyrannies qu'il exerçoit en divers endroits de l'Europe, que de lui enlever ce qu'il possedoit en Amerique, ou de lui en faire perdre les revenus: car c'est par le secours des richesses qu'il en tire qu'il fait la guerre aux autres pays de la chrétienté.»
Notre relation dit que l'expédition se composoit de 12 navires; Decker ne parle que de 11 vaisseaux, qui, portant 294 canons et 1637 hommes, dont 600 soldats, «firent voile de Goerée ou Gourée le 29 avril 1623.»
90: Cette année s'étoit écoulée tout entière tant aux environs du détroit récemment découvert par Lemaire, dont la flotte franchit enfin la passe, que sur les côtes de la Terre-de-Feu, où Jacques Lhermite laissa son nom à la petite île située au sud, dont le fameux cap Horn est la pointe. Les Hollandois n'arrivèrent en vue de Callao de Lima que le 8 mai 1621. (Decker, lieu cité, pag. 59-64).
91: Decker dit cinquante. Id., pag. 65.
92: Dans ce conseil, Jacques Lhermite, qui étoit gravement malade depuis deux mois (Id., pag. 52), voyant que sa foiblesse ne lui permettoit pas d'agir, «établit le vice-amiral en sa place, et son beau-frère, nommé Corneille Jacobsz, pour sergent-major.» Id. pag. 61.
93: La description de ce combat est tout à fait différente de celle que Decker a écrite. Or, l'une étant faite, comme on l'a vu, sur des on dit, l'autre par un homme qui fut témoin et acteur, il n'y a pas à hésiter pour savoir à laquelle il faut demander la vérité. Cette pièce n'est donc, en réalité, qu'une invention de nouvelliste, un véritable canard, pour l'appeler par son nom. Elle n'en reste pas moins curieuse comme spécimen d'un genre renouvelé de nos jours avec tant d'habileté et de fécondité. On y voit de quelle manière les mensonges d'outre mer s'exploitoient déjà, et comment d'une défaite on faisoit une victoire. L'attaque de Lima fut en effet un échec pour les Hollandois. Ayant perdu leur amiral Jacques Lhermite, que sa maladie emporta le 2 juin 1624 en vue de Callao (Decker, pag. 71), ils se contentèrent de brûler un certain nombre de vaisseaux espagnols; puis ils quittèrent ces parages en suivant la côte jusqu'à Acapulco.
94: Ce nom ne se trouve pas dans la liste des onze vaisseaux donnée par Decker aux premières pages de sa Relation.
95: Ce Discours véritable n'est qu'un pamphlet catholique qui prouve jusqu'où pouvoit aller, au temps de la Ligue, la violence des écrits contre les protestants.
96: Charles-Emmanuel Ier, dit le Grand, mort le 26 juillet 1630, après s'être vu dépouillé non seulement de ses conquêtes, mais d'une partie de ses états, par l'armée de Louis XIII. C'est de lui qu'on a écrit: «Prince trop inquiet pour être pleuré de ses sujets, trop infidèle pour être regretté de ses alliés, il étoit si dissimulé qu'on disoit que son cœur étoit inaccessible comme son pays.»
97: Henri de Navarre et Henri III. C'est en effet celui-ci qui, menacé sur ses frontières par Charles-Emmanuel, déjà maître du marquisat de Saluces, avoit poussé les Genevois à lui faire la guerre.
98: Charles-Emmanuel avoit épousé l'infante dona Catherine, fille de Philippe II.
99: Bourg du Chablais, en Savoie, situé sur le lac de Genève, entre Thonon et Evian. La vie voluptueuse qu'y avoit menée Amédée VIII, duc de Savoie, et plus tard pape sous le nom de Félix V, a fait croire que le nom de ce bourg étoit pour quelque chose dans l'étymologie de notre locution faire ripaille (Spon, Histoire de Genève, 2e édit., tom. 1, pag. 107-108). Il faut plutôt croire, avec Le Duchat, que c'est une contraction du mot repaissaille, employé par Rabelais (Ducatiana, tom. 1, pag. 76).
100: Cette prise de Ripaille eut lieu le 1er mai 1589. Spon, Hist. de Genève, Lyon, 1680, in-12, tom. 2, pag. 74-75.
101: «Le duc mesme vint en personne, avec deux gros canons et quatre pièces de campagne, devant le chasteau de Terny, qui n'estoit qu'une tour antique non flanquée, et seulement avec une muraille fort épaisse..... Les assiegez se rendirent, sur la promesse qu'on leur fit de leur laisser la vie sauve; mais, nonobstant cela, estant sortis, ils furent garottez et penduz par ordre du duc, quoy que ceux de sa suite lui en representassent la consequence.» Id., pag. 77-78.
102: Il s'agit du fort d'Arve, où, dit Spon, Son Altesse «eut du pire, quoy que son armée fust de sept à huit mille hommes.»
103: Il est curieux de voir ici comment l'écrivain catholique pallie la défaite du duc; mais il est plus intéressant encore de lui opposer le récit de Spon, l'écrivain huguenot. (V. Hist. de Genève, II, 78-79.)
104: Notre auteur omet à dessein les entreprises malheureuses tentées par les troupes du duc, à la fin de juin, contre Bonne. Spon, au contraire, n'a garde de les oublier. «La garnison, dit-il, n'étoit que d'environ cent cinquante hommes, et ceux-là, croyant déjà les tenir, leur crioient, en les raillant, qu'ils leur apprêtassent à dîner; mais ils ne furent servis que de prunes bien dures et de mortelle digestion, qui les contraignirent de sonner la retraite après y avoir perdu quelques uns des leurs.» Id., pag. 32.
105: Le duc étoit las de cette guerre avec Genève, et, d'un autre côté, la mort de Henri III et la prévision des troubles qui en résulteroient et qui affaibliroient la France venoient ranimer ses anciennes idées de conquête sur la Provence. C'est donc vers ce point que, laissant le territoire genevois, il tourna ses espérances et dirigea son armée. Auparavant, il bâtit le fort dont il est parlé ici. «Pour les brider, écrit Spon, il fit tracer un fort nommé Saint-Maurice, à Versoy, et dressa une plate-forme sur le bord du lac, pour battre avec de grandes pièces d'artillerie toutes les barques qui se hasarderoient sur le lac de Genève. Il y laissa pour gouverneur le baron de la Serra, s'étant retiré lui-même avec son armée delà les mnts,» Id., pag. 84-85.
106: Godronné ne vient pas, comme on pourroit le croire, du mot goudron, qui toutefois n'eût pas été mal employé pour des rabats et des fraises aussi solidement empesés que ceux dont il s'agit ici; il dérive du mot godron, dont se servoient les anciens architectes pour désigner une sorte d'ornement ou de moulure en forme d'œuf, d'amande, ou plutôt de godet, pour remonter tout de suite à la première source de toutes ces étymologies. Dans le langage des lingères et empeseuses, le godron étoit le pli rond et rebondi qu'on multiplioit à l'infini sur les collets à plusieurs étages que portoient les femmes, et sur les larges fraises mises à la mode, puis délaissées, par Henri III. «Le roy...., dit l'Estoile, alloit tous les jours faire ses prières et aumônes en grande dévotion, laissant ses chemises à grands godrons, dont il étoit auparavant si curieux, pour en prendre à collet renversé à l'italienne.» Les orfèvres employoient le mot godronné à peu près dans le même sens: ils s'en servoient pour désigner la vaisselle d'or ou d'argent à filets. Aujourd'hui encore, quand une étoffe ou une feuille de papier font un pli, on dit qu'elles godent.
107: Pièce très intéressante, en ce qu'elle est peut-être le seul document françois relatif à cette partie de l'histoire d'Antonio Perez. M. Mignet, qui aurait puy trouver quelques faits nouveaux pour son excellent livre, semble ne pas l'avoir connue.
On verra tout à l'heure, et ce n'est pas l'une des particularités les moins curieuses de cette pièce, jusqu'où notre ligueur françois pousse l'admiration pour Philippe II, à la suite duquel il se trouve.
108: Le flatteur de Philippe II oublie avec intention de rappeler la captivité de Perez, pendant deux années, dans la forteresse de Tarruegano. Mignet, Antonio Perez et Philippe II, 1re édit., Paris, 1845, in-8, pag. 88-91.
109: Cette demi-délivrance de Perez ne fut pas un effet de la clémence de Philippe II; elle fut motivée par la maladie assez grave qu'il avoit contractée pendant son emprisonnement sévère à Tarruegano. «Dona Juana Coello, dit M. Mignet, obtint qu'il fût transporté à Madrid, où il jouit de nouveau, pendant quatorze mois, d'une demi-liberté dans une des maisons les meilleures de la ville, et reçut les visites de toute la cour.» Id., pag. 91.
110: Notre ligueur glisse encore habilement sur tous les détails qui pourroient rendre le roi odieux, «les perfides interrogatoires auxquels Perez fut soumis, la torture qu'on lui fit subir, etc.» Mignet, loc. cit., pag. 99-114.
111: Selon M. Mignet (pag. 118), Perez prit «un vêtement et une mante de sa femme»; mais ce qui est dit ici des habits de servante endossés par le fugitif s'accorde bien mieux avec ce qui suit dans le récit de l'excellent historien: «Il passa, dit-il, sous ce déguisement, à travers les gardes, et sortit de sa prison. Au dehors l'attendoit un de ses amis, et plus loin se tenoit l'enseigne Gil de Mesa, avec des chevaux tout prêts pour le transporter en Aragon. A peine avoient-ils fait quelques pas dans la rue avant de joindre Gil de Mesa, qu'ils rencontrèrent des gens de justice faisant la ronde. Sans se troubler, l'ami de Perez s'arrêta et causa avec eux, tandis que Perez restoit silencieusement et respectueusement derrière eux, comme un domestique.» Id., 118-119.
112: M. Mignet ne parle pas de cette députation vers Philippe II, qui nous semble du reste fort invraisemblable.
113: Philippe II, à qui Perez échappoit toujours comme coupable, avoit en effet trouvé moyen de le rendre justiciable de l'Inquisition en le chargeant du crime d'impiété; et ce furent non pas les officiers du roi, comme il est dit ici, mais les alguazils du saint-office, qui eurent ordre d'aller se saisir de lui pour le mener de la prison des Manifestados dans celle de l'Inquisition, ce qui fut cause du mouvement populaire dont il va être parlé.
114: C'est pendant qu'on l'entraînoit loin de son palais que le gouverneur, à qui l'on avoit arraché son bonnet et sa cape, reçut trois coups de couteau à la tête et un à la main. «On le déposa tout meurtri et ensanglanté dans la prison vieille, et quatorze jours après il mourut de ses blessures.» Mignet, pag. 159-160.
115: Cette nouvelle insurrection eut lieu le 24 septembre.
116: M. Mignet entre dans de grands détails sur cette insurrection et sur la délivrance définitive de Perez, mais il ne parle pas de ce coche brûlé. Pag. 185-189.
117: Perez s'y réfugia en effet.
118: M. Mignet ne dit que «six mille hommes de pied et quinze cents hommes de cavalerie légère.» Antonio Perez et Philippe II, 1re édit., pag. 199. Quand il dit tous Espaignolz, l'auteur de la lettre veut dire tous Castillans.
119: M. Mignet ne parle pas de cette première destination de l'armée de Philippe II.
120: «Les membres de la députation permanente et les cinq juges de la cour suprême avoient proclamé la légalité et la nécessité de la défense, prescrit la formation d'une armée, nommé le grand justicier pour la commander, conformément à sa charge, et désigné don Martin de la Nuza pour lui servir de mestre de camp.» Mignet, pag. 198.
121: M. Mignet n'indique pas le lieu où l'armée aragonaise alla attendre l'armée castillane, commandée par Vargas. Quant à la défection de Juan de la Nuza, il la donne comme une simple retraite: «Cédant à la faiblesse de son caractère et au sentiment de son impuissance, il se retira dans un de ses châteaux. Le député du royaume don Juan de Luna, et le jurat de Saragosse, qui étoient avec lui, en firent autant.» Id. pag. 200.
122: Il ne faut pas oublier qu'il s'agit toujours ici de Philippe II.
123: Cette pièce est la plus intéressante de celles qui furent écrites au sujet de cet assassinat, lesquelles, celle-ci comprise, ne s'élèvent pas à moins de dix, toutes citées, avec leur titre exact, dans la Bibliographie des Mazarinades, par M. Moreau. Ce sont: 1o Relation, véritable de ce qui s'est passé au meurtre d'un jeune garçon.... nommé Bourgeois, Paris, Simon le Porteur, 1652, 8 pages; 2o Histoire véritable et lamentable d'an bourgeois de Paris cruellement martyrisé par les Juifs de la synagogue, le 26 août 1652, (S. L.,) 1652, 7 pages en vers; 3o Monitoire publié par toutes les paroisses de la ville de Paris contre les Juifs de la synagogue, le 1er jour de septembre 1652, pour avoir cruellement martyrisé, assassiné et tué un notable bourgeois de la dite ville de Paris, Paris, ve J. Guillemot, 1652, 6 pages; 4o La cruauté de la synagogue des juifs de la dernière génération, de plus le jugement de Minos rendu à l'âme du pauvre massacré, aux Champs-Elysiens, le repos des âmes heureuses, P. A. C. L. A. M. B. D. R. T. A. P., Paris, 1652, 8 pages; 5o La fureur des Juifs, dédiée à Messieurs de la synagogue, en vers burlesques, par Cl. Veyras, Paris, Jacq. Le Gentil, 1652; 6o La synagogue mise en son lustre, avec l'épitaphe du bourgeois pour mettre sur son tombeau, 12 pages; 7o Le jugement criminel rendu contre la synagogue des fripiers, portant que ceux de leur nombre qui se trouveront circoncis (qui est la marque de la juiverie) seront châtrés ric à ric, afin que la race en demeure à jamais éteinte dans Paris, (S. L.,) 7 pages; 8o Examen de la vie des Juifs, de leur religion, commerce et trafic, dans leur synagogue, Paris, Fr. Preuveray, 1652, 8 pages; 9o Réponse des principaux de la synagogue, présenté (sic) par articles aux notables bourgeois de Paris, où il montre (sic) leur ordre, leur reigle, leur loy, et leur procez avec le complaignant, Paris, 1652, 8 pages. Cette pièce est dirigée contre la précédente. Celle que nous donnons ici est la requête présentée au Parlement par le père et les parents du pauvre épinglier. M. de Boyvin Vaurouy fut nommé rapporteur.
124: Selon la Relation véritable... il étoit fils d'un marchand épinglier de la rue Saint-Denys.
125: La plupart des fripiers étoient des Juifs, ou de nouveaux convertis, toujours prêts à s'offenser quand on leur rappeloit leur ancienne religion. V. l'une des pièces de ce volume, les Grands Jours tenus à Paris par M. Muet, etc. Paris, 1622, pag. 198-199.
126: Loret raconte ainsi la première partie du drame:
On dit que messieurs les fripiers,
La plupart de vrais frelampiers,
Aucuns d'eux meschans et damnables,
Et d'autres assez raisonnables,
Traitèrent d'estrange façon
L'autre jour un certain garçon
Qui d'un ton fort hardy et rogue
Les nommoit gens de synagogue.
Dès qu'il eut dit ce mot piquant,
Un d'eux luy donna quant et quant
Six ou sept coups de hallebarde
(Car ils retournoient de la garde).
Ensuite ces gens mutinez
Luy crachèrent cent fois au nez,
Luy dirent ses fièvres quartaines,
Et lui donnèrent trois douzaines
De soufflets des plus inhumains
Avec leurs pataudes de mains.
(Muse historique, liv. III, lettre 35e, 1er sept. 1652.)
127: Il étoit situé rue de la Heaumerie, où il donnoit son nom à un impasse. On l'appelait For-aux-Dames, parcequ'il fut, jusqu'en 1674, le siége de la juridiction des religieuses de Montmartre.
128: M. Moreau dit que l'ordre de relâcher le fripier Forget fut donné par le prévôt des marchands, Broussel, à qui Amand et les autres s'étoient adressés. Bibliog. des Mazarinades, no 2997.
129: Nom fameux depuis long-temps dans la draperie. Dans le Pathelin, le drapier s'appelle Guillaume Joceaume.
130: «On dit qu'ils ont une lisière longue d'une aulne et large de quatre doigts, et que dans cette lisière ils mettent des balles de plomb ou quelques pièces de fer, avec quoi ils frappent les vendeurs de vieux chapeaux ou ceux qu'ils veulent chastier.» Relation véritable de ce qui s'est passé au meurtre d'un jeune garçon...
131: Loret fait raconter par le patient lui-même toutes les indignités qu'il eut à subir avant sa mort:
«..... Helas! ils me martirent,
Leurs rigueurs à tous coups s'empirent;
Ils m'ont mené, me malmenant,
Du capitaine au lieutenant,
Et maintenant on me ramène
Du lieutenant au capitaine;
Ils m'ont fait mainte indignité,
Moqué, tiraillé, souffleté.
Bref, la nation judaïque
Ne fut guère plus tyrannique
Quand elle tourmenta jadis
Le createur du Paradis.»
132: Un autre bon prêtre donna les derniers soins à la victime. Il en est parlé dans le rapport manuscrit que des chirurgiens dressèrent de l'état du cadavre, et qui a été retrouvé par M. Moreau dans un volume de la Bibliothèque de l'Arsenal. Voici l'extrait qu'il en donne (Bibliogr. des Mazarinades, III, pag. 11 no 2997): «Premièrement, ils reconnurent qu'il avoit esté lié d'une grosse corde par le milieu, de son corps, dont les marques en estoient encore toutes recentes, et particulièrement le nœud de ladite corde qui avoit enfoncé dans son corps de la profondeur d'une grosse noix. Un honneste ecclesiastique de ses amis, nommé M. Butel, s'estant rencontré lorsqu'on le visitoit, s'offrit à lui rendre les derniers devoirs de charité, qui furent de l'ensevelir; ce que s'estant mis en devoir d'exercer, luy ayant levé la teste pour mettre sa coiffe, une partie de sa cervelle tomba dans ses mains, qui fut un spectacle d'horreur et de compassion à tous les assistans. Il remarqua sur son corps quantité de meurtrissures, provenantes des grands coups de lisière qu'ils lui avoient donnés, comme aussi la plaie d'un coup de hallebarde qu'il receut au dessus de la cuisse, de la largeur de quatre doigts, et plusieurs piqueures de poinçons aux genoux.»
Loret donne aussi quelques détails qui s'accordent bien avec ceux qu'on vient de lire:
Un d'entre eux, le plus perverty,
Le frappa de façon cruelle
Et luy fit sortir la cervelle.
133: «Ce meurtre, dit M. Moreau, causa une très vive émotion dans Paris. La Justice dut en connoître, mais je ne sais pas quel arrêt fut rendu.» Nos recherches n'ont pas été plus heureuses. Il dut y avoir de longs débats, au milieu desquels, en ces temps de troubles de toutes sortes, la vérité et la justice eurent certainement peine à se faire jour. Loret, presque toujours si bien renseigné, et qui, en qualité de voisin assez proche, puisqu'il logeoit rue de l'Arbre-Sec, devoit avoir été édifié mieux que personne sur les détails du drame de la Tonnellerie, donne lui-même à penser qu'il y eut dans toute cette affaire beaucoup de contradiction et d'obscurité. Mais, dit-il,
... De ce noir evenement
On parle si diversement,
Que certes l'on ne sait que croire
D'une si malheureuse histoire.
134: M. Leber possédoit deux exemplaires de cette pièce, qui, selon lui, et son éloge n'est pas exagéré, «est une critique enjouée et fort piquante du barreau, des mœurs et de diverses personnes». (V. Catal. de sa biblioth., nos 4226, 5625.—V. aussi Catal. Monmerqué, no 1569.) Cette satire fit grand bruit dans le monde de la basoche. On y répondit et on l'imita. La pièce qui servit de réplique a pour titre: la Reponse aux Grands jours et plaidoyers de M. Muet, par quelques mal contents du Chastelet, 1622, in-8o. Quant aux imitations qui parurent dans l'année qui suivit, voici le titre de celles que nous avons pu retrouver: les Assizes tenues à Gentilly, par le Sr Balthazar, bailly de S.-Germain-des-Prez (Paris), 1623, in-8o;—les Estats tenus à la Grenouillère les 15, 16, 17, 18, du present mois de juin (Paris,) 1623, in-8o.—M. Veinant, qui a été dans ces recherches notre guide obligeant, pense qu'une autre pièce, les Actions du temps, 1622, pourroit aussi se rapporter à cette sorte de cycle moqueur et parodiste. Quelques petits livrets parus huit ou neuf ans auparavant semblent s'y rattacher aussi et en être les précédents. Ce sont: les Conférences d'Antitus, Panurge et Guéridon, S. L. N. D., in-8o;—les Grands jours d'Antitus, Panurge, Guéridon et autres, S. L. N. D., pet. in-8o;—Continuation des Grands jours interrompus d'Antitus, Panurge et Guéridon, S. L. N. D. (1614), in-8o.—La plupart de ces pièces se trouvoient chez le duc de la Vallière et chez Méon. V. Catal. de sa bibliothèque, no 3470.
135: Fameux cabaret dont il est parlé avec détail dans le curieux livre: Visions admirables du pèlerin du Parnasse, etc., Paris, 1635, in-12.
136: Les gens de justice, avocats et procureurs, passoient alors pour des piliers de taverne et de brelan:
Mais vous ne dites pas qu'ils sont fort desbauchez,
Et que tout leur estude est de jouer aux billes,
A la boule, à la paulme, aux cartes et aux quilles.
Puis les bons compagnons, comme le viel Lymière,
Le gros Grouart, Bricot, La Joue et La Rivière,
Dont le ventre à la suisse et le rouge museau
Temoignent qu'à leur vin ils ne mettent pas d'eau.
(La Responce à la misère des clercs de procureur, etc.,
par mad. Choiselet et consorts, ses disciples,
Paris, 1638, in-8o, p. 8.)
137: Cette connivence des fripiers et des voleurs appelés Rougets ou Manteaux-rouges duroit, à ce qu'il paroît, depuis long-temps. Il est déjà parlé, dans une pièce de 1614, de ces effets volés, jetés par les détrousseurs de nuit dans les caves des fripiers, leurs receleurs:
Ceux qui vous font gagner sont des tireurs de laine,
Desquels ceste cité est de tout temps si pleine.
Si de vos caves estoyent les soupirails bouschez,
Tant de manteaux de nuict n'y seroient tresbuchez
Car, à ce que je voy, ils sont si bien hantez,
Que jamais, ô araignes! vos toiles n'y tendez.
...............
Tous les habitz qu'avez viennent de ces penduz.
(Discours de deux marchands fripiers et de deux maistres tailleurs, etc., avec le propos qu'ils ont tenu touchant leur estat. Paris, 1614, in-8o, p. 6.)]
138: Presque tous les fripiers des halles étoient juifs, mais cachoient avec soin leur religion. V. la pièce qui précède, Recit naïf et veritable, etc., pag. 181.
140: Sans doute tout près de la cour du Roi François, qui étoit en effet une cour des Miracles, succursale de celle dont l'emplacement a gardé le nom. Cette cour du Roi François existe encore presque entière dans la rue Saint-Denis, no 328. Elle doit, dit-on, son nom aux écuries de François Ier, qui l'occupèrent d'abord.
141: Les échevins disposoient de ces offices de charbonniers, et les vendoient à de pauvres gens, qui les exerçoient à leur profit. Il est parlé de ce trafic des petits métiers dans le Caquet de l'accouchée (première journée du Recueil général, ad fin.) V. la note de notre édition.
142: Nom équivoqué, qu'il n'est pas difficile de deviner sous l'interversion de ses deux syllabes, si l'on pense à l'office du baron de Malva et à la population soumise à sa police.
143: Semmoneur d'enterrement ou crieur de corps morts, comme dit Tallemant (édit. IV, pag. 345). V. une note de notre édition du Roman bourgeois, pag. 225.
145: Dénomination qui s'explique par les mots qui suivent, et qui rappellent la marque qu'on met sur les ânes.
146: Il s'agit ici, soit des officiers de justice, qui durent trouver leur profit dans les procès entre les locataires et les propriétaires, conséquence naturelle de l'incendie des maisons du Pont-au-Change; soit des marchands d'encre, qui étoient nombreux autour de l'église Saint-Bon, et auxquels le même incendie et la destruction des boutiques renommées des marchands leurs concurrents avoient dû, en effet, envoyer bon nombre de pratiques.
147: Il y avoit alors à Paris plusieurs Italiens qui s'occupoient, comme celui dont on parle ici, de travaux hydrauliques. Olivier de Serres, dans son Théâtre d'agriculture (in-4o, II, 555-557), s'étend longuement, par exemple, sur les travaux de Balbani, qui vers le même temps construisit une magnifique citerne dans l'hôtel de Sébastien Zamet.
148: Le fameux opérateur de la place Dauphine, dont Tabarin étoit le valet. V. nos notes sur la Seconde après disnée du caquet de l'accouchée.
149: V., sur cette expression argotique souvent employée alors pour désigner les voleurs, Études de philologie comparée sur l'argot, par M. Francisque Michel.
150: Refrain d'une complainte faite à propos du supplice de Guillery. On y jouoit sur le surnom du fameux brigand, qui se trouvoit aussi être le nom que le peuple donnoit au moineau franc.
151: Chalange, fameux partisan dont il est parlé dans les satires de Régnier et dans la Chasse aux larrons de J. Bourgoing, avoit fait rendre par le connétable de Luynes, à la condition d'en partager avec lui les profits, un édit contre les procureurs, dont toute la basoche s'étoit émue. Il en est dit un mot dans les Caquets de l'accouchée (V. les notes de notre édition); mais l'Anti-Caquet s'en explique plus longuement. «Tu te plains de Chalange, y est-il dit, et tu ne cognois pas le plaisir qu'il a fait au plat pays lorsqu'il a fait l'edit des procureurs. Il est cause que les clercs, n'ayant plus d'esperance d'estre receus, ils se sont retirez en leur pays; il s'en est engendré une pepinière d'esleus, grenetiers, sergens, receveurs du taillon et autres menus offices, pour lesquels achepter ils ont fait boursiller leurs parents et amis, qui sont à present secqs comme bresil.» (L'Anti-Caquet, 1622, in-8o, p. 12-13.)
152: Aventure qui pourroit être la même que celle à laquelle il est fait allusion à la fin du petit livret reproduit plus haut: les Singeries des femmes de ce temps.
153: Canif. Une rue de Paris porte encore ce nom, qu'elle devoit à une enseigne de coutelier.
154: Mode du temps, dont le nom venoit de l'air d'une danse fameuse alors. Tout bon courtisan devoit
Avoir gands à la Cadenet.
.........
A la guimbarde le colet.
(Pasquil de la Court, pour apprendre à discourir, à la suite de le Satyrique de la Court, 1624, in 8o, p. 29.)
155: V. encore, sur cette frayeur que l'apparition de Mansfeld avec son armée sur les frontières de Lorraine jeta dans Paris et par toute la France, une note de notre édition des Caquets de l'accouchée.
156: Grondé, admonesté. Ce verbe, très peu usité, avoit grommeler pour diminutif.
157: C'est le jardin dont nous avons parlé tout à l'heure, et qu'on avoit sans doute transformé en jardin public et en bal champêtre, en même temps que l'on avoit donné aux appartements de l'hôtel les locataires et la destination que vous savez. On le désignoit sous le nom de: Allée de la Reine-Marguerite. La population y étoit la même que celle du logis. Dans le Ballet nouvellement dansé à Fontainebleau par les dames d'amour. Paris, 1625, in-8, pag. 1, l'une des héroïnes, la dame Guillemette, est appelée gouvernante des Allées de la feue royne Marguerite. Elle est conduite au bal par une commère des mêmes quartiers, «la petite Jeanne des fossez S.-Germain des Prez.»
158: Bouffon de la reine Marguerite, qui, à la mort de la princesse, eut la misère pour dernier salaire de ses turlupinades. V. les Caquets de l'accouchée, et Sauval, Galanteries des rois de France. Edit. in-12, 3e partie, pag. 70. «Il prenoit la qualité de maître de requêtes de la reine Marguerite et de son orateur jovial.»
159: Type caricature créé en haine et en moquerie des Espagnols, dont, comme Polichinelle, il exagéroit encore sur sa physionomie le nez proéminent et la mâchoire saillante. De ganassa, qui est ce mot mâchoire en espagnol, on lui avoit fait le nom cité ici, et dont notre mot ganache est encore aujourd'hui une altération transparente. Le Livre des singularités, par Philomneste (G. Peignot), pag. 105.
160: Nous empruntons cette pièce, intéressante pour l'histoire des modes, au Recueil de pièces en pose les plus agreables de ce temps, composées par divers autheurs (quatriesme partie). Paris, Charles Sercy, MDCLXI. Elle doit avoir été écrite par quelqu'un de la société de Mme de Sévigné. La dédicace à Mlle de la Trousse le feroit du moins penser.
161: Elle étoit fille de François le Hardi, marquis de la Trousse, et de Henriette de Coulange, tante de Mme de Sévigné. Après une existence beaucoup moins frivole que la dédicace qui lui est faite ici et que plusieurs couplets de Bussy pourraient le faire croire, elle mourut saintement aux Feuillantines, où elle s'étoit retirée, en décembre 1685.
162: Cet édit porte la date du 27 novembre 1660; c'est le même dont Molière a dit par la bouche de Sganarelle:
Oh! trois et quatre fois béni soit cet édit,
Par qui des vêtements le luxe est interdit!
Les peines des maris ne seront pas si grandes,
Et les femmes auront un frein à leurs demandes!
Oh! que je sais au roy bon gré de ces descris
Et que, pour le repos de ces mêmes maris,
Je voudrais bien qu'on fît de la coquetterie
Comme de la guipure et de la broderie.
163: Dentelle unie, qui devoit à sa simplicité le nom significatif qu'elle portoit.
164: La mode de ces dentelles d'Italie commença en France à la fin du XVIe siècle (V. Le vray theatre d'honneur et de chevalerie, 2e partie, chap. XL, p. 502), et dura pendant tout le XVIIe. (V. Mémoires de Saint-Simon, édit. in-8o, t. 4, P. 286, année 1704.)
165: Le traité des Pyrénées, signé l'année précédente, avoit mis fin à la guerre avec l'Espagne.
166: Fameux marchand de Paris à cette époque. La vogue de sa maison, consacrée par un passage des Précieuses ridicules, duroit encore en 1692, comme le prouve ce qu'en dit Palaprat dans son Arlequin Phaëton. V. notre Paris démoli, 2e édit., p. 45, chapitre l'Almanach des adresses de Paris sous Louis XIV.
167: Cravate, qui étoit alors un mot nouveau, se mettoit indistinctement au féminin, comme dans la lettre de madame de Sévigné du 22 avril 1672, et au masculin, comme ici. C'est, du reste, avec intention qu'on lui donne ce genre dans cette pièce, où tous les objets de toilette ont un rôle si viril et si belliqueux. On sait, en effet, que la cravate a une origine toute militaire. On en doit la mode et le nom aux soldats croates ou cravates, comme on prononçoit alors, qui servoient dans les armées du roi: ils se garnissoient le cou d'une bande d'étoffe aidant à soutenir sur leur nuque l'amulette qui devoit les garantir des coups de sabre. Ce qui étoit superstition chez eux devint mode et est resté usage chez nous. Dans cette pièce, le cravate de dentelle intervient à la façon guerroyante de son patron, le vrai Croate: nous l'entendrons dire tout à l'heure qu'il a fait deux campagnes sous monsieur le Prince!
168: Louis-Charles-Gaston Nogaret de Foix, duc de Candale, petit-fils du duc d'Epernon, favori de Henri III, avoit été le roi de la mode pendant la minorité de Louis XIV. Il étoit mort, n'ayant que trente-un ans, le 28 janvier 1658; mais les modes auxquelles il avoit donné son nom lui avoient survécu. En 1666, quand parut le Roman bourgeois, on parloit encore des chausses à la Candale. V. notre édition de ce livre de Furetière (Jannet, 1854, in-12, p. 73, note), et les Mélanges d'histoire et de littérature de M. Craufurd, Paris, 1817, in-8, p. 186-187.
169: C'étoit le quartier des brodeuses. Madame Dumont, que le comte de Marsan avoit amenée de Bruxelles à Paris, et à qui il avoit fait obtenir le privilége exclusif des ateliers de dentelles, s'y établit à la fin du XVIIe siècle, et ajouta ainsi à la réputation industrielle de ce faubourg, déjà si bien commencée.
170: Erres, en terme de vénerie, se prend pour les traces du cerf. On dit qu'il va hautes erres quand il suit ses anciennes voies, grandes erres ou belles erres quand il va vite. Au figuré, cette expression signifioit faire grande dépense, aller grand train. Montaigne l'employoit, et Voltaire s'en servoit encore. V. sa lettre à M. de Fourmont, 7 septembre 1731.
171: Sans doute les dentelles de Flandres, dont la réputation commençoit.
172: Sorte de dentelle venue «des bords de l'Ibère», comme il est dit plus haut. Elle devoit sans doute son nom aux dessins morisques ou arabesques dont elle étoit ouvragée.
173: Neige, «dentelle faite au métier, de peu de valeur.» (Dict. de Trévoux.) On connoît le beau galand de neige que Gros-René rend à Marinette.
174: Ce passage est curieux, en ce qu'il nous apprend à quelle époque fut donnée pour la première fois cette pastorale en musique, à trois parties, avec intermèdes, que nous pensions dater seulement de 1672, année où elle fut encore représentée devant le roi, à Saint-Germain-en-Laye. Il faut l'ajouter aux deux ballets royaux l'Impatience et les Saisons, que M. Walckenaer pensoit avoir été les seuls qui furent dansés en 1660 et 1661 (Mémoires sur madame de Sévigné, t. II, p. 490).
175: Elle ne se trouve pas parmi les Ordonnances recueillies du code Henry, etc., par le capitaine Saint-Chamant, Rouen, 1636, in-12. C'est un règlement pour l'armée catholique placée sous les ordres du duc d'Anjou. La date que porte cette ordonnance toute belliqueuse et hostile aux huguenots prouve à elle seule combien l'on avoit eu raison d'appeler boiteuse et mal assise la paix signée le 2 mars précédent. On n'avoit même pas désarmé. C'est à Lonjumeau que la paix s'étoit faite, et c'est d'Etampes, à quelques lieues de là, que le futur vainqueur de Jarnac et de Montcontour datoit l'ordonnance disciplinaire de son armée, prête à rentrer en campagne.
176: Ici le chef catholique semble prendre à tâche d'imiter les prescriptions pieuses des chefs huguenots. Il ordonne le prêche: l'armée catholique va donc avoir, elle aussi, ses écoles buissonnières, pareilles à celles qu'un arrêt du Parlement de 1552 avoit défendues aux Calvinistes. «Quelquefois, dit M. Michelet, ils s'assembloient en plein champ, au nombre de huit ou dix mille personnes; le ministre montoit sur une charrette ou sur des arbres amoncelés; le peuple se plaçoit sous le vent, pour mieux recueillir la parole, et ensuite tous ensemble, hommes, femmes et enfants, entonnoient des psaumes. Ceux qui avoient des armes veilloient à l'entour, la main sur l'épée.»
177: C'est celle qui vient à la suite de celle-ci.
178: S'il eût fallu renvoyer de l'armée tous les vagabonds, on l'eût sans doute singulièrement décimée, car on n'étoit pas loin du temps où elle ne se recrutoit de fantassins que parmi les garnements dont Brantôme nous a laissé ce portrait: «C'estoient, pour la plupart, des hommes de sac et de corde, meschants garniments eschappés à la justice, et surtout force marqués de la fleur de lys sur l'épaule, essorillés, et qui cachoient les oreilles, à vrai dire, par de longs cheveux herissés, barbes horribles, tant pour ceste raison que pour se monstrer plus effroyables à leurs ennemys.» (Brantôme, édit. du Panthéon littéraire, t. 1, p. 580.)—Un peu auparavant, il nous avoit montré l'armée de Louis XII, aussi bien que celle de François Ier, «composée de marauts, belistres, mal armés, mal complexionnés, faict-néants, pilleurs, mangeurs de peuple.» (Ibid., 578-579.)
179: L'ordonnance de 1586, art. 3, renouvela cette prescription sévère.
180: Ordinairement, le connétable seul avoit le droit de faire pendre sans procès. (Brantôme, Vie d'Anne de Montmorency.) Quand il falloit que les prévôts en vinssent à ces extrêmes rigueurs, ils devoient se faire assister de dix notables avocats du plus prochain siége. Alors la condamnation à mort pouvoit être sans appel. (Jean des Caurres, Œuvres, liv. v, chap. 6.)
181: Sous Henri II, la désertion, même simple, étoit considérée comme crime de lèse-majesté, et punie du dernier supplice. (La Chesnaye, Dict. milit., au mot Déserteur.)
182: Louis XII vouloit qu'on ne logeât les troupes que dans les villes closes (ordonn. du 15 janvier 1514, art. 3); mais ce règlement ne pouvoit être exécutoire en campagne. D'autres ordonnances militaires, telles que celle du 15 février 1566 et celle du 1er juillet 1575, permirent donc, non seulement de loger dans les villages, mais même décrétèrent la peine de mort contre tout fourrier qui accepteroit de l'argent des habitants d'un bourg pour les exempter du logement de sa compagnie.
183: Les logements pris, le fourrier devoit, sous peine du fouet, inscrire sur la porte les noms des soldats logés. (Règl. milit. de Villers-Cotterets, 29 décembre 1570.)
184: On s'étonnera de ce que, dans cette ordonnance pour la sauvegarde des églises, chapelles et oratoires, il n'est rien dit contre le vol et la vente des ornements et vases sacrés. Le duc d'Anjou auroit peut-être craint, en se montrant sévère sous ce rapport, de donner un démenti indirect aux ordres que, dès le commencement de la guerre, le roi son frère avoit envoyés à certains gouverneurs de province, pour qu'ils eussent à s'entendre avec les évêques et autres gens d'église sur l'argent à tirer de ces saintes richesses. Mon ami M. Anatole de Montaiglon veut bien me communiquer à ce sujet une lettre adressée en 1562 par Charles IX à M. de Matignon, et dont il a pris copie d'après l'original conservé à Rouen, dans la collection Leber. (V. Catal., no 5735.)
«Monsieur de Matignon, ce m'a été un grand desplaisir d'entendre que les choses de la Basse-Normandie commencent à se brouiller si fort que je l'ay veu par vostre lettre du IXe de ce moys, et entendu encore plus particulièrement par ce que le porteur m'en a dict de vostre part, ne faisant point de doubte que le feu qui va ainsi saultant de lieu en lieu et de ville en ville ne procède de plus loin, et que ce ne soyt à la suscitation ou par un complot faict et accordé avec ceux qui ont commencé les premiers. Et pour ce que je considère bien qu'il ne vous est pas possible de pourveoir ne pareillement de contenir longtemps les villes de ces pays-là en mon obéissance sans quelque force, je ne sçauroys que bien fort louer l'ouverture que vous me faictes d'en faire fournir la despense sans que je mecte la main à ma bourse, laquelle, comme vous sçavés, n'est que trop chargée d'ailleurs, estant bien d'advis, quant à laditte force, que vous la faictes d'une cornette de cent harquebuziers à cheval, si mieulx vous n'aymez cc. harquebuziers à pied, dont je vous remet le choix et l'election. Mais il faut que, au même temps que vous les ferez lever, vous accordez avec les evesques du pays et aultres gens d'eglise du paiement de leur solde, pour lequel effect je ne trouveray poinct mauvais qu'ils s'aydent de l'argenterie des châsses et reliques qu'ils ont en leurs eglises, actendu qu'il va en cela de la conservation d'eulx et de leurs biens, aussy bien que de celle de mon autorité et obeissance, et qu'ils sont touz les jours en dangiers, parmy tous ces troubles, que aultres s'en saisissent, pour convertir contre eulx-mêmes ce qu'ils peuvent aujourd'huy employer à leur entière seureté. Il est vray qu'il sera bien necessaire d'adviser quel ordre et police ils auront à tenir en cela pour garder qu'il n'y ait personne qui en abuse et qui en convertisse chose, quelle qu'elle soyt, à aultre usaige que au paiement des d. forces, suivant ce que vous en ordonnerez par chacun moys. Vous en confererez et accorderez avec eulx, et me ferez service de me tenir ordinairement adverty du progrez que prendront les choses de la dicte Basse-Normandie, et de la provision que vous y sçaurez bien donner, selon la necessité du temps, pour y maintenir mon obeyssance et les pays en repos et trancquilité. Priant Dieu, mons. de Matignon, qu'il vous ayt en sa garde.—Escript à Monceaux, le XVIIe jour de may 1562.
185: Ce livret a été publié plusieurs fois, et n'en est pas pour cela moins rare: c'est ce qui nous engage à le donner ici. M. Ch. Magnin pense que la première édition, devenue tout à fait introuvable, dut suivre de près la mort de Cyrano de Bergerac, arrivée en 1655. (Hist. des marionnettes. Paris, 1852, in-8o, p. 136.) En 1704, il en parut une autre, celle-là même dont nous suivons le texte, d'après l'exemplaire qui a appartenu à Ch. Nodier, et que M. Le Roux de Lincy, son possesseur actuel, a bien voulu nous communiquer. M. Ch. Magnin parle d'une troisième édition, donnée en 1707, et d'une autre parue de nos jours, aussi d'après celle de 1704.
186: Jean Brioché ou Briocci, ainsi que l'appelle M. Magnin (Id., p. 135), qui voit en lui un compatriote de Mazarin, avoit son théâtre de marionnettes à l'extrémité nord de la rue Guénégaud, en face d'une petite tour en encorbellement sur la Seine, qu'on appeloit le Château-Gaillard (V., à ce mot, le Paris ridicule de Cl. Le Petit), et dont le dernier reste, le cul-de-lampe de la tour même, n'a disparu que dans ces derniers temps, avec l'escalier de l'abreuvoir, auquel il attenoit. Boileau a parlé de
..... cette place où Brioché préside
au vers 104 de sa 7e épître, parue en 1677. Alors ce n'étoit plus Jean qui faisoit jouer les marionnettes, mais son fils, François ou Fanchon Brioché, comme Brossette l'appelle, d'après le nom que lui donnoit le peuple.
187: «N'étoit-ce pas plutôt le voisin, le compère de Polichinelle?» dit M. Ch. Magnin, qui cite ce passage. (Id., p. 140.)
188: Cette aventure de Brioché en Suisse est ainsi racontée dans les Nouveaux mémoires d'histoire, de critique et de littérature, par M. l'abbé d'Artigny, t. 5, p. 123-124. «L'ignorance a toujours été la mère de l'admiration et la source des préjugés les plus faux et les plus dangereux. Combien de fois n'a-t-elle pas attribué à la magie diabolique les effets de l'adresse et de l'industrie des philosophes, des mathématiciens, des artistes, les tours des charlatans, des joueurs de gobelets et de gibecière? On sait l'aventure de Brioché: Après avoir long-temps amusé Paris et la province avec ses marionnettes, il passe en Suisse, et ouvre son théâtre à Soleure. La figure de Polichinelle, son attitude, ses gestes, ses discours, surprennent, épouvantent les spectateurs. On tient conseil, et, après une longue et mûre délibération, on conclut tout d'une voix que Brioché est à la tête d'une troupe de diablotins. En conséquence, il est dénoncé au magistrat, qui le fait emprisonner. On travaille à son procès. M. Du Mont, capitaine aux gardes suisses, arrive à Soleure pour y faire recrue. La curiosité le prend, comme beaucoup d'autres, de voir le prétendu magicien. Il reconnoît Brioché, qui étoit dans des transes mortelles; il le console, et lui promet de travailler à son élargissement. M. Du Mont va trouver le magistrat; il lui explique le mécanisme des marionnettes, et l'engage à mettre Brioché hors de prison. Si le joueur de flûte de M. Vaucanson avoit alors paru à Soleure, auroit-on douté qu'il n'y eût quelque diable caché dans cet automate?»
189: C'est-à-dire la foule des laquais à livrées de toutes couleurs qui formoient le public le plus assidu des chanteurs du Pont-Neuf (V. Tallemant, in-12, t. 10, p. 188) et des joueurs de marionnettes (V. Furetière, Roman bourgeois, p. 117 de notre édition, Paris, Jannet, 1854, in-12). Cette diversité, ce bariolage des livrées, étoient si remarquables, que le P. Labbe voulut y trouver l'origine du mot valet. Il venoit, selon lui, de varius, variolus, «comme qui diroit variolet!» Mais notre étymologiste n'a pas fait attention que le mot valet est bien plus ancien que la mode des livrées de diverses couleurs. Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, les laquais portoient cet habit de nuance uniforme et peu voyante qui les avoit fait appeler grisons. C'est seulement en 1654, après une des échauffourées dont ils étoient souvent cause, et dans laquelle une bande d'entre eux tua M. de Tilladet, capitaine aux gardes, qu'il parut une déclaration royale ordonnant «qu'ils seroient dorénavant habillez de couleur diverse, et non de gris, afin qu'il fût possible de les reconnoître.» (Lettre de Gui Patin, du 26 janvier 1654.)
190: Néologisme qui ne fit pas fortune, et qu'on ne retrouve qu'à la page 342 du Qu'en dirait-on? pamphlet de la Beaumelle.
191: Le singe de Brioché, qui n'a jamais été si complètement pourtraict au vif, s'appeloit Fagotin. Molière le montre accompagnant les marionnettes dans leurs représentations nomades (Tartuffe, act. II, sc. 4). La Fontaine rappelle ses bons tours dans sa fable la Cour du Lion (liv. VII, fable 7), et Furetière lui a fait jouer un rôle important dans sa jolie nouvelle allégorique l'Amour esgaré. (V. Roman bourgeois, notre édition, p. 176, etc.)
192: Ce détail prouve que la scène eut lieu plus d'un an avant la mort de Cyrano, puisque la défense faite aux laquais de porter l'épée se trouve aussi dans la déclaration royale de 1654, rendue à propos du meurtre de M. Tilladet, et que nous avons citée tout à l'heure. Ce règlement contre les laquais décidoit, dit Gui-Patin (loc. cit.), «que, pour empêcher de tels abus, ils ne porteroient plus d'épée, ni aucune arme à feu, sur peine de la vie.... Cette déclaration, ajoute-t-il, a été envoyée au parlement pour être vérifiée et publiée. Cela a été fait. Elle est affichée par tous les carrefours et publiée par la ville; mais je ne sais combien de temps elle sera observée.» Elle le fut fidèlement, et la tranquillité publique s'en trouva bien. Les laquais firent toujours du désordre, mais n'allèrent plus jusqu'à l'assassinat. On lit dans les Annales de la cour et de Paris, pour les années 1697 et 1698, in-8, t. 2, p. 106, à propos d'une esclandre de laquais dans les Tuileries: «Ces malheureux donnent de temps en temps quelque scène au public; et c'étoit encore bien pis quand ils portoient des épées: il n'y en avoit point qui ne fît tous les jours quelque insolence; et l'on eut grande raison quand on leur en interdit le port.»
193: Cette pièce est l'une des plus curieuses, et pourtant des moins connues qui aient été faites sur le bandit saintongeois. Elle complète pour plusieurs détails, et rectifie, pour plusieurs autres, le petit livret qui, pendant plus de deux siècles, en popularisa l'histoire, et le même dont un érudit de Niort, M. Fillon, a donné en 1848 une édition annotée, sous ce titre, qui ne change presque rien à l'ancien: Histoire véridique des grandes et exécrables voleries et subtilitez de Guillery, depuis sa naissance jusqu'à la juste punition de ses crimes, remise de nouveau en lumière. Fontenay, imprimerie de Robuchon, 1848, in-8. A 50 exemplaires. Ce n'est, comme je l'ai dit, et comme M. Fillon le déclare lui-même, qu'une réimpression de la pièce dont je parlois, et qui, à cette même époque de 1848, avoit encore à Épinal ses éditions populaires sous le titre de: Histoire de Guillery, Pellerin, in-18, 22 pages (V. Nisard, Histoire des livres populaires ou de la Littérature du colportage, in-8, t. 1, p. 534). M. Fillon n'a ajouté qu'un épisode, c'est «l'anecdote drôlatique du trésorier de Saint-Michel-en-l'Herme, que la tradition, dit-il, a pris soin de conserver.» Il s'est aussi servi, dit-il encore, de la relation donnée par Fr. Rosset dans ses Histoires tragiques; mais c'étoit sans doute pour n'en rien tirer de nouveau, car nous avons lu ce récit, qui est la XIXe histoire du livre de Rosset dans l'édition de Lyon, 1701, in-8o, p. 349, etc., et nous n'y avons trouvé que la reproduction, mot pour mot, du livret populaire. Collin de Plancy, dans ses Anecdotes du XIXe siècle, Paris, 1821, in-8o, t. II, p. 267, avoit déjà donné un long extrait de ce chapitre des Histoires tragiques, et l'auteur d'un article du Mercure de France traitant du même sujet, reproduit par Merle dans l'Esprit du Mercure, etc., Paris, 1808, in-8, t. I, p. 27-29, l'avoit aussi suivi de tout point. Quant à la pièce que nous donnons, et qui, je le répète, est si bonne à lire après, l'autre, personne n'en a dit un mot. L'auteur de l'article Guilleri, dans la Biographie universelle, et après lui M. Fillon, la citent seulement, avec ce titre inexact: Prise et lamentation du capitaine Guilleri, in-8.
194: Le nom véritable du chef de bande ne se trouve pas davantage dans le livret réimprimé par M. Fillon; seulement une note curieuse de cet érudit nous donne la raison du sobriquet qu'il prit. Dans les légendes poitevines, saintongeoises et vendéennes, il existoit, bien avant le temps de Guillery, un type de chasseur ou de brigand nocturne connu sous le nom, presque semblable, de Guallery. On appeloit Chasse Guallery ses courses dans les bois, après lesquelles on trouvoit toujours quelque cadavre au fond des taillis. Plusieurs ballades furent faites sur Guallery et sa chasse. M. Fillon (p. 27-30) en cite une qu'il entendit chanter à Saint-Cyr en Talmondois, et dans laquelle Guallery, déjà moins redouté, est mis en scène, non pas tant comme un chasseur d'hommes que comme un dépisteur habile de lièvres et de perdrix. Son nom, toutefois, au commencement du dix-septième siècle, devoit avoir encore gardé tout son sinistre caractère, et il n'est pas étonnant que le noble Breton, se faisant bandit, voulût en prendre un qui le rappelât, et se donnât celui de Guilleri. Il en résulta entre les deux personnages une confusion inévitable, et dans laquelle on est surtout tombé au sujet de la chanson si populaire encore, surtout en Saintonge, avec ce refrain: Toto carabo, compère Guilleri. On pense qu'il s'agit de Guilleri le brigand; mais M. Fillon prouve fort bien qu'il doit être question de Guallery le chasseur fantastique, puisque trente ans avant l'arrivée du bandit dans le Bas-Poitou, on avoit imprimé une plaquette anonyme intitulée: Le vray pourtraict du Huguenot, MDLXXIX, petit in-8, 12 pages, où se trouve, page 7, cette allusion à l'un des épisodes de la chanson: «Comme Guallery, ils se casseront la jambe, si mieux n'aiment le col.»
195: Le duc de Mercœur, qui commandoit en Bretagne, et le dernier qui tint pour la Ligue. «En ce temps-là, lit-on dans le livret publié par M. Fillon (p. 7), le duc de Mercœur tenoit encore la Bretagne, et avoit amassé autour de lui force gens de toute sorte. Guillery s'alla enrôler sous ses étendards, où il ne fut pas long-temps sans conquérir réputation.»
196: Scinis, le brigand tué par Thésée.
197: Dans l'Histoire de la vie et grandes voleries, etc., il n'est parlé d'abord que «d'une quarantaine des plus résolus mauvais garçons», dont Guilleri se fait le chef.
198: Il avoit trois ou quatre retraites en Bas-Poitou, Bretagne et Saintonge, les plus sûres dans les forêts de Machecoul, des Essarts, de la Chastenerie. Id., p. 8.
199: Dans le livret populaire, cette aventure forme le chapitre 3e, qui a pour titre: «Comme il vola un paysan en lui faisant prier Dieu.» Le récit est le même à peu près; seulement la scène ne se passe pas sur la grande route de Nantes, mais sur «le grand chemin qui va de Nantes à La Rochelle». Le bonhomme se rendoit à cette dernière ville.
200: Le château de Saint-Hermine étoit la baronie de Jacques Desnouches, chevalier, seigneur de la Tabarière, baron de Saint-Hermine, mari de Anne de Mornay, fille de l'illustre Duplessis Mornay. Fillon, notes.
201: L'affaire du château de Mareuil est racontée, p. 12-13, dans le livret publié par M. Fillon.
202: Bessay, selon M. Fillon, appartenoit alors à Jonas de Bessay, chevalier, baron de Saint-Hilaire, seigneur de la Voute de Boisse, gouverneur de Talmond, mari de Louise Chasteigner, fille du seigneur de Saint-Georges.
203: C'étoit celle du bois des Essarts.
204: Dans l'Histoire de la vie et grandes voleries, etc., il est parlé de ce luxe de Guilleri et de ce «cuir d'Espagne volé sur mer, près des Sables-d'Olonne, à la prise d'un vaisseau enlevé par ses gens, qui exerçoient aussi la piraterie, et avoient alliance avec les forbans de plusieurs pays.» Fillon, p. 13.
205: Guilleri fit souvent de ces mauvais partis aux prévôts. Il y a deux chapitres à ce sujet dans l'Histoire de la vie et grandes voleries...: savoir: Comme Guilleri prit prisonniers les prévosts de Niort et de La Rochelle.—Comme Guillery rencontra le prévost de Fontenay avec ses archers.
206: Nous n'avons trouvé qu'ici ces détails sur les excursions lointaines de Guilleri et de sa bande. Il est certain qu'ils furent alors redoutables par toute la France, et qu'on les trouve nommés avec les Rouget, Barbet, Grisons, et autres bandits qui désoloient le royaume sur ses points les plus opposés.
207: M. de Parabère, gouverneur de Niort, commandoit l'attaque, qui est ici racontée avec plus de détails que dans le livret de M. Fillon.
208: «... Guilleri, ne craignant ni Dieu ni diable, ayant exhorté ses gens à la défense, sortit le premier, monté sur un cheval, le pistolet en main, passa au travers les ennemis et se sauva.»
209: C'est le frère du grand Guillery, dont il est parlé au commencement de cette pièce. Quant à lui, il s'est sauvé, comme nous venons de le voir; d'après l'Histoire de la vie et grandes voleries.., il s'en va dans les environs de Bordeaux, y vit quatre années environ en riche gentilhomme, puis, découvert par un marchand qu'il avoit autrefois volé, il est pris et rompu sur la place publique de La Rochelle.
210: «Dire sa ratelée, c'est dire à son tour librement tout ce qu'on sait, tout ce qu'on pense de quelque chose.» (Leroux, Dict. comique.) C'est faire comme le jardinier, qui, lorsqu'il a bien promené son rateau par le jardin, finit par placer dans un coin sa ratelée d'ordures.
211: Sabrenaud se disoit pour un mauvais ouvrier, un gâcheur d'ouvrage. On en avoit fait le verbe sabrenauder, qui s'employoit encore au XVIIIe siècle.
212: C'est-à-dire s'est campée les poings sur les hanches comme en disant: Ecoutez-nous.
213: Le chaperon étoit la marque de la petite bourgeoisie; il consistoit, au XVIIe siècle, en une bande de velours placée sur le bonnet.
214: V., sur les noms qu'on donnoit à ces damoiselles par usurpation, Les XV joies de mariage, P. Jannet, 1853, in-8o, p. 168.
215: Les femmes de distinction, quand elles sortoient, portoient un masque de velours noir. Boileau, par une note sur le vers 322 de sa Xe satire, nous apprend qu'il en étoit encore ainsi pendant sa jeunesse. On peut voir, sur cet usage, de longs détails dans le Palais Mazarin de M. L. de Laborde, p. 314, note 367. C'étoit surtout la marque distinctive des femmes dont nostre espousée veut singer les manières. «Que ne diray-je pas des chirurgiens... (lisons-nous dans la Troisième après-disnée du Caquet de l'Accouchée, 1622 in-8o, p. 15). Quant à leurs filles, il ne leur manque que le masque qu'on ne les prenne pour damoiselles.»
216: Il étoit aussi ridicule pour les filles bourgeoises de se faire appeler madamoiselle que pour les femmes mariées de la même classe de prendre le titre de madame. Entre autres pièces publiées à ce propos contre ces dernières, nous connaissons un livret de la dernière moitié du XVIIe siècle: Satyre sur les femmes bourgeoises qui se font appeler madame, in-8o.
217: Pour: Notre-Dame.
218: Nous avons pensé d'abord qu'il s'agissoit ici du satin à fleurs que les damoiselles seules devoient porter, et dont plusieurs marchandes se paroient pourtant, au grand scandale des bourgeoises. «Si, lisons-nous dans la sixième partie des Caquets de l'accouchée, une marchande porte le satin à fleurs de velours cramoisy, faut-il en murmurer? etc.» Mais il est plus probable que ce mot florets doit s'entendre ici pour les touffes de fleurs et de verdure que la Mijolette s'étoit mises dans les cheveux. Ainsi s'explique le nom de royne des brandons que lui donnent plus loin les paysannes.
219: Encore un objet de la toilette modeste des bourgeoises; elles devoient s'en tenir au simple collet monté. S'il s'élevoit peu à peu jusqu'à devenir un collet à cinq étages, il encouroit le blâme des matrones.
220: L'auteur entend parler ici des paysannes, et il les désigne par leur coiffure, qui, surtout en Normandie et en Picardie, consistoit en un couvre-chef «morceau de toile empesée et tortillée dont elles entouroient leur tête.» Dict. de Trévoux.
221: Ce mot doit se prendre ici dans le sens qu'il avoit souvent alors, surtout à Lyon, où l'on n'appeloit pas autrement les rameaux verts du dimanche qui précède Pâques, et qu'on nommoit pour cela dimanche des brandons.
222: L'origine de cette locution remonte à une anecdote racontée par Suétone dans la Vie de Vespasien (cap. 23), et ainsi mise en françois par Moisant de Brieux: «Le muletier de Vespasien, sous pretexte que l'une des mules estoit deferrée, arresta long-temps la litière de l'empereur, et par là fit avoir audience à celuy auquel il l'avoit promise sous l'asseurance d'une somme d'argent, mais dont l'odeur vint frapper aussitost le nez de ce prince, qui l'avoit très fin pour le gain: en sorte, dit Suétone, qu'il voulut partager avec son muletier le profit qu'il avoit eu à ferrer la mule.» Origines de diverses coutumes et façons de parler, Caen, 1672, p. 101. Dans la traduction du Guzman d'Alpharache, par Chapelain, 1re part. liv. II, chap. 4, on trouve cette phrase: «Un serviteur malin, menteur et ferre-mule.»
223: Nous n'avons rien trouvé sur cette locution proverbiale, ni dans le livre de Moisant de Brieux, ni dans celui de Fleury de Bellingen, ni dans les Matinées senonoises de l'abbé Tuet, ni dans les Dictionnaires des proverbes de La Mésengère et de M. Quitard, pas même dans la Fleur des proverbes et l'Encyclopédie des proverbes de M. G. Duplessis; et nous avouons franchement n'avoir pu, avec nos seules lumières, en découvrir l'origine. La variante qui se trouve ici, et qui nous prouve qu'au XVIIe siècle on ne disoit pas, comme aujourd'hui, faire danser l'anse du panier, mais bien la faire courir, la faire cheminer, n'étoit pas de nature à nous rendre cette étymologie plus facile.
224: Les facéties du temps faites à propos des chambrières reviennent toujours sur ces accointances des maîtres avec leurs servantes. Lisez, par exemple, le Banquet des chambrières fait aux estuves le jeudi gras:
Un jour Monsieur descendoit à la cave
Avecque moy, qui suis sa chambrière,
Lequel, marchant dessus ma robe brave,
Sur les degrez me fit choir en arrière, etc.
225: Tout étoit bon pour les chambrières:
Autant le beau comme le laid,
Et le maistre que le valet,
Étoient reçus de la Doucette.
(Les Folastries de la bonne chambrière à Janot, Parisien, recitées au bouc de Estienne Jodelle.)
226: Temps opposé au carême, où il étoit permis de manger de la chair.
227: Ces pique-niques comptoient parmi les plus chers amusements des servantes. Voici ce que dit, dans les Ruses et finesses decouvertes sur les chambrières de ce temps, Babeau aux yeux friands:
.......... J'ai du porc frais,
Une andouille et quatre saucisses,
Que malgré nos maistresses chiches
Mangerons. As-tu rien, Perrette?
V. aussi les Doux entretiens des bonnes compagnies, 1634, in-12, chanson 57.
228: Demi-ceinture ou boucle d'argent, joyau très recherché des chambrières: leur ambition ne va pas au delà. «Quand nous avions servy sept ou huict ans, dit l'une d'elles dans le Caquet de l'Accouchée, 1622, in-8, p. 9, et que nous avions amassé un demy-ceint d'argent et cent escus comptant, tant à servir qu'à ferrer la mule, nous trouvions un bon officier sergent en mariage ou un bon marchand mercier.» Peut-être ce demy-ceint étoit-il un supplément de gage qu'on donnoit aux servantes, comme plus tard une aune de toile et en sus le prix du vin. (La Maison réglée, Amsterdam, Marret, 1697, chap. 4, Appointements des domestiques.) Chez les maîtres pris de la colique housset, selon l'expression de Tallemant, c'est-à-dire coureurs de servantes, elles avoient bien d'autres menus profits.
229: Les servantes étoient les joueuses les plus assidues à la blanque de la foire St-Germain. On fit sur leurs pertes à cette loterie, leur adoration de tous les temps, la pièce qui a pour titre: Apologie des chambrières qui ont perdu leur mariage à la blanque. Voici les plaintes de l'une des perdantes:
..... Je me suis obligée
Pour cinq testons à ma maîtresse,
Qui me cause au cueur grand' detresse,
Pensant gaigner mon mariage
Comme toy; oultre mis en gaige
Ma bonne robbe et mon corset,
Et de chemises encor sept.
230: Petite chambrière. Ce mot se perdit à la fin du XVIIe siècle, après avoir été fort en usage au commencement.
231: Justice d'église dont le chef étoit l'official. Il statuoit sur les actions en promesses ou dissolutions de mariage, et aussi sur les affaires du genre de celle-ci. Les intérêts à donner aux parties étoient réglés par le juge royal.—D'après ce qu'on vient de lire, il étoit donc possible aux chambrières de tirer profit de leur faute! Le père devenoit responsable en cas de flagrant délit, ou bien seulement par suite d'un aveu de sa part, quand on l'avoit mené devant l'official. Il devoit même, comme on le voit, des intérêts à la mère. Cette jurisprudence procédoit, je crois, d'une ordonnance de Henri II. Voyant les avortements se multiplier d'une manière effrayante, il avoit décrété que toute femme cachant sa grossesse seroit punie de mort. Pour compléter et surtout pour atténuer l'édit, on avoit ensuite encouragé les femmes à l'aveu, par les dommages et intérêts dont il est parlé ici. Les chambrières durent être des premières à en prendre leur part, comme auparavant elles avoient été les premières, sinon les seules que la terrible ordonnance contre les grossesses clandestines avoit frappées. «Il me souvient, dit Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, d'avoir vu pendre, à Paris, assez souvent des chambrières, pour ce crime, mais nulle d'autre qualité.»
232: Même plainte, et plus vive encore, dans le Caquet de l'accouchée, à l'endroit cité tout-à-l'heure: «A present, pour nostre argent, nous ne pouvons avoir qu'un cocher ou un palfrenier, qui nous fait trois ou quatre enfans d'arrache-pied, puis, ne les pouvant plus nourrir pour le peu de gain qu'ils font, sommes contraintes de nous en aller resservir, comme devant, ou de demander l'aumône; on ne voit autre chose par les ruës.»
233: Elle étoit sœur de l'électeur de Brandebourg. Avant de mourir, Bethlem Gabor, qui n'avoit pas d'enfants, ordonna que Catherine lui succéderoit; mais son ordre ne fut pas exécuté.
234: Bethlem Gabor tenoit d'autant plus à ses titres que, né d'un simple gentilhomme, il se devoit tout à lui-même.
235: A peu d'années de là, Bethlem Gabor, en guerre avec l'empereur Ferdinand II, et agissant de concert avec les troupes ottomanes, devoit, après une heureuse campagne, prendre pour lui-même ce titre de roi de Hongrie; mais il l'abdiqua bientôt, se contentant de garder ses conquêtes.
236: Être poupin, c'étoit avoir le visage et la taille mignonne.
237: On voit bien ici que c'est une Angloise qui parle. L'usage des faux cheveux, peu à peu délaissé en France, depuis l'époque ou Guil. Coquillard en avoit parlé, ne s'étoit jamais perdu en Angleterre, du moins chez les femmes (V. Fr. Junius, Comment. de Comâ, cap. 1.)
238: La première fois qu'il est parlé de la poudre pour les cheveux à cette époque, c'est dans le Journal de l'Estoille: il y est dit qu'en 1593, on vit se promener à Paris des religieuses frisées et poudrées.
239: «Manière de parler figurée qui signifie suer... le mal de Naples.» Leroux, Dict. comique.
240: Maladie du cuir chevelu, suite ordinaire d'un autre mal. S.-Amant a dit:
Que la tigne, que la pelade,
Se jette dessus ma salade.
241: C'est une mode qui ne datoit alors que de quelques années. V. Tallemant, édit. in-8o, t. III, p. 326, et L. de Laborde, le Palais Mazarin, p. 318, note 368.
242: Les vertugadins, si «favorables aux filles qui s'étoient laissé gâter la taille», comme il est dit dans le dictionnaire des jésuites de Trévoux, étoient pour cela nommés ironiquement vertu-gardiens. Les Espagnols, qui furent les derniers à en conserver la mode, les appeloient sérieusement garde-infante.
243: J'ignore ce qui se cache ici; je soupçonne seulement une grosse obscénité. La ribaudie de Soissons étoit déjà proverbiale au XIIIe siècle. Il en est parlé dans le Dit de l'Apostoile.
244: Dans le livre rare avant pour titre: Les amours, intrigues et cabales des domestiques des grandes maisons de ce temps, Paris, 1633, in-8o, p. 218, il est ainsi parlé de l'art d'une camériste pour attifer sa maîtresse: «Tout son crédit procède de ce qu'elle sait bien..... ajuster ses cheveux et appliquer ses mouches, bien preparer le sublimé, le blanc d'Espagne et la pommade, et tant d'autres mixtions, etc.» La sorcière de la Celestine «fabriquoit du sublimé, des fards..., des pommades, des eaux pour le teint, du blanc et autres drogues pour le visage.» (Trad. de M. Germond de La Vigne, in-12, p. 36).
245: Le quintin étoit une toile fort fine et fort claire, dont on faisoit des collets et des manchettes.
246: Une bonne économie. Quand Sganarelle, d'après Panurge, parle de vivre en ménage, il veut dire vivre d'économie (le Médecin malgré lui, acte I, sc. 1). V. encore, sur l'emploi de ce mot, Tallemant, édit. in-12, t. IX, p. 48.
247: C'est une facétie sans doute inspirée par celle de Moncrif, Histoire des chats, etc., dont le succès étoit très grand alors. Quelques détails nous donneroient toutefois à croire qu'elle devança peut-être l'ouvrage de Moncrif, et qu'une première édition, antérieure à celle que nous reproduisons ici, pourroit bien remonter au XVIIe siècle. Alors il faudroit y voir une imitation des plaidoyers de l'Intimé et de Petit-Jean, pour et contre le chien Ciron, dans les Plaideurs.
248: Le Gorgibus des Précieuses ridicules reproche à ses filles la grande quantité de lard dont elles faisoient un usage pareil; et un siècle après, on le sait, le maréchal de Richelieu demandoit au même procédé les apparences de son éternelle jeunesse.
249: Voyez l'Illiade d'Homère. (Note de l'auteur.)
250: Les Plaideurs, acte III, scène avant-dernière.
251: Allusion au livre singulier dont voici le titre: La magnifique doxologie du festu, par M. Sebastien Roulliard, de Melun, advocat au parlement. Paris, 1610, in-8o.
252: C'est la fameuse puce qu'Estienne Pasquier, étant à Poitiers pour les Grands jours, aperçut sur le sein de la belle Catherine des Roches, et au sujet de laquelle il ouvrit une sorte de concours poétique. Tous les célèbres auteurs y prirent part, non seulement ceux qui écrivoient en françois, mais ceux qui faisoient des vers grecs, latins, italiens et espagnols. Aussi le P. Garasse a-t-il dit: «Cette puce a tant couru et sauté dans les esprits fretillans des François, des Italiens, des Flamands, qu'ils en ont fait un Pégase.» (Recherche des recherches, liv. V, ch. 10.) Pasquier fit un recueil de tous ces vers, qu'il dédia à M. Achille du Harlay, président des Grands-jours, et qu'on trouve à la fin de son volume: la Jeunesse d'Estienne Pasquier et sa suite, Paris, Jean Petit-Pas, 1610, in-8o. Le recueil a lui-même pour titre: La Puce, ou jeux poétiques françois et latins composés sur la puce aux Grands jours de Poitiers, en 1579. Il avait déjà paru isolément en 1581 et 1583, sous le titre de: La Puce de madame des Roches.
253: Le biset est un pigeon sauvage un peu plus petit que le ramier, ayant les pieds et le bec rouges.
254: Comme les pygmées d'Homère, que les grues dévorèrent.
255: On appeloit ainsi l'espèce de malaise mêlé de frissons qui suit les débauches de bonne chère. «Il a fièvre de veau, il tremble quand il est saoul.» (Adages françois, XVIe siècle.)
256: «A Paris, en la roustisserie du Petit-Chastelet, au devant de l'ouvroir d'ung roustisseur, un facquin mangeoit son pain à la fumée du roust, et le trouvoit, ainsy parfumé, grandement savoureux. Le roustisseur le laissoit faire. Enfin, quand tout le pain fust bauffré, le roustisseur happe le facquin au collet, et vouloit qu'il luy payast la fumée de son roust. Le facquin disoit en rien n'avoir ses viandes endommaigé, rien n'avoir du sien prins, en rien luy estre debiteur. La fumée dont est question evaporoit par dehors: ainsi, comme ainsi se perdoit-elle, jamais n'avoit esté dit que dedans Paris on eust vendu fumée de roust en rue. Le roustisseur replicquoit que de fumée de son roust n'estoit tenu nourrir les facquins, et renioit, en cas qu'il ne le payast, qu'il luy osteroit ses crochets. Le facquin tire son tribart, et se mettoit en deffense. L'altercation fust grande; le badaud peuple de Paris accourut au debat de toute part. Là se trouva à propos Seigni Joan, le fol citadin de Paris. L'ayant aperceu, le roustisseur demanda au facquin: Veulx-tu sus nostre differend croire ce noble Seigni Joan? Ouy, par la sambre guroy! respondit le facquin. Adonc Seigni Joan, ayant leur discord entendu, commanda au facquin qu'il luy tirast de son bauldrier quelque pièce d'argent. Le facquin luy mist en main ung tournois Philippus. Seigni Joan le print et le mist sur son espaule gausche, comme explorant s'il estoit de poids; puis le timpoit sur la paulme de sa main gausche, comme pour entendre s'il estoit de bon alloy; puis le posa sus la prunelle de son œil droict, comme pour veoir s'il estoit bien marqué. Tout ce fust faict en grand silence de tout le badaud peuple, en ferme attente du roustisseur et desespoir du facquin. Enfin le feit sur l'ouvroir sonner à plusieurs fois; puis, en majesté presidentale, tenant sa marotte au poing, comme si feust un sceptre, et affublant en teste son chaperon de martres singesses, à aureilles de papier fraisé à poinct d'orgues, toussant prealablement deux ou trois bonnes fois, dist à haulte voix: La cour vous dict que le facquin qui a son pain mangé à la fumée du roust civilement a payé le roustisseur au son de son argent; ordonne la dicte cour que chascun se retire en sa chacunière, sans despens, et pour cause.» (Rabelais, liv. III, ch. 36.)
257: Il veut parler des boucheries voisines de cette église, et qui, dès le XIIe siècle, avoient fait donner à la rue Montagne-Sainte-Geneviève le nom de rue des Boucheries.
258: On vendoit toutes sortes de denrées sur le Petit-Pont, V. notre Paris démoli, 2e édit., p. XLV.
259: Vieux mot que la langue culinaire a seule conservé. Havir se dit pour l'action du feu trop vif, qui dessèche la viande par dehors sans la cuire à l'intérieur. C'est, selon Ménage, le mot grec αυειν, rôtir, brûler.
260: C'est Voiture le poète; nous le reconnaissons bien à ce cadeau de friandises.
261: Petite pièce de billon mise en cours par Charles VIII, et tout à fait baissée de valeur à l'époque où ces vers furent écrits. Elle ne valoit alors que dix deniers.