Variétés Historiques et Littéraires (04/10): Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers
The Project Gutenberg eBook of Variétés Historiques et Littéraires (04/10)
Title: Variétés Historiques et Littéraires (04/10)
Editor: Edouard Fournier
Release date: March 3, 2015 [eBook #48401]
                Most recently updated: October 24, 2024
Language: French
Credits: Produced by Mireille Harmelin, Guy de Montpellier, Christine
        P. Travers and the Online Distributed Proofreading Team
        at http://www.pgdp.net (This file was produced from images
        generously made available by the Bibliothèque nationale
        de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
VARIÉTÉS
  HISTORIQUES
  ET LITTÉRAIRES
Recueil de pièces volantes rares et curieuses
  en prose et en vers
Revues et annotées
PAR
  M. ÉDOUARD FOURNIER
Tome IV
A PARIS
  Chez P. Jannet, Libraire
  MDCCCLVI
Brief Discours pour la reformation des mariages.
A Paris, de l'imprimerie d'Anthoine du Brueil, rue Saint-Jacques, au dessus de Saint-Benoist, à la Couronne.
M.DC.XIV. In-8.
Encor que le mariage soit sainct, selon son institution et premiere origine, voire mesme necessaire pour la multiplication du genre et societé humaine, si est-ce qu'à la deduction des difficultez quy s'y rencontrent l'on y trouvera beaucoup plus d'espines que de roses, et d'amertume que de miel. C'est pourquoy la plus part des sages de l'antiquité, pour despeindre le mariage, ils representoyent en leurs hieroglyphiques toutes sortes de gehennes et tortures qu'ils se pouvoient imaginer, afin que par leurs diverses significations on fust instruict à eviter les escueilz et perilz quy journellement s'y rencontrent; ce que le sieur Desportes a bien sceu faire cognoistre et expliquer en ces Stances du Mariage, où il commence[1]:
  De toutes les fureurs dont nous sommes pressez,
  De tout ce que les cieux, ardemment courroucez,
  Peuvent darder sur nous de tonnerre et d'orage,
  D'angoisses[2], de langueurs, de mœurtre ensanglanté,
  De soucys, de travaux, de faim, de pauvreté,
  Rien n'approche en rigueur la loy de mariage.
Il vaudroit beaucoup mieux que nostre premier père, lors de sa creation, fust demeuré en cest estat d'innocence, sans avoir effrenement desiré une compagne et abandonné en luy-mesme ceste perfection et prerogative que nostre Dieu luy avoit donnée en sa creation, et mis en fief comme un tiltre d'aisnesse et premier et unique en son estre, ce que les anciens appellent androgine, quy est à dire tout un en sa perfection. Neantmoins, curieux de son malheur et du nostre, il suscita nostre Dieu de l'assister d'une compagne, ce quy luy fut accordé, et tirée de soy-mesme, quy nous apporta pour douaire tous les malheurs du monde dont elle nous a affublez, punition de Dieu quy envers nous se void journellement executée par tous les inconvenients quy nous surviennent, tant durant nostre vie que lors de nostre trepas; le tout prevenu par ceste première association quy, à nos despens, a porté et porte encore tiltre de mariage envers les mortels,
 Dure et sauvage loy nos plaisirs meurtrissant[3],
  Quy, fertille, a produit un hydre renaissant
  De mespris, de chagrin, de rancune et d'envie,
  Du repos des humains l'inhumaine poison[4],
  Des corps et des esprits la cruelle prison,
  La source des malheurs, le fiel de nostre vie.
Pour inscription à ceste loy rigoureuse du mariage, je serois d'advis qu'elle portast sur le front en belle et grosse lettre: LE BREVIAIRE DES MALHEUREUX.
  Helas! grand Jupiter, si l'homme avoit erré[5],
  Tu le devois punir d'un mal plus moderé,
  Et plustost l'assommer d'un eclat de tonnerre
  Que le faire languir durement enchaisné,
  Hoste de mille ennuys, au dueil abandonné,
  Travaillant son esprit d'une immortelle guerre.
Depuis que le serpent a mis la curiosité et l'ambition en la teste de la femme, toutes choses se sont revoltez qui auparavant avoient esté creez à la submission et hommages deues et acquyses à nostre premier père et aux siens, c'est-à-dire à la posterité, quy est nous autres, quy avons herité de la mort par son crime, c'est-à-dire par la seduction d'Eve, nostre marastre, quy s'est servie de sa fragilité pour le rendre serf et assugety par ses blandices à toutes les infirmitez du monde.
  De là le mariage eust son commencement[6],
  Cruel, injurieux[7], plein de commandement,
  Que la liberté fuit comme son adversaire,
  Plaisant à l'abordée à l'œil doux et riant,
  Mais quy, sous beau semblant, traistre nous va liant
  D'un lien que la mort seulement peut deffaire.
Les femmes sont du naturel des sergents: quand elles veulent attraper quelques uns, elles font bien les douces et traictresses; puis, estant prins, elles peuvent bien dire: Nous tenons le couïllaut dans nos retz attrapé.
Puis, estant logé à la valée de Misère, il doit la foy et hommage en tiltre de relief à sainct Innocent, à sainct Prix[8], et sainct Mar, ribon, ribeine, sans pouvoir desdire, où le plus souvent il faut
  Languir toute sa vie en obscure prison[9],
  Passer mille travaux, nourrir en sa maison
 Une femme bien laide et coucher auprès d'elle;
  En avoir une belle et en estre jaloux,
  Craindre tout, l'espier, se gêner de courroux,
  Y a-t-il quelque peine en enfer plus cruelle?
L'on dit ordinairement que là où la vache est liée, il faut qu'elle broute[10]; ainsi où le pauvre idiot est attrapé, il faut qu'il demeure en ces liens; il tient beaucoup mieux que par le pié; le geolier en ces affaires-là s'emprisonne soy-mesme, et, en cette restrainction, il ne peut trouver de caution quy l'en delibère; tel octroy est à la mort et à la vie. Quant à ceux quy ont de belles femmes, sont heureux et ne peuvent pas par elles estre incommodez; quand une belle femme est bien entretenue, elle est de plus grand rapport qu'un moulin à vent; comme au contraire, quand elles sont laides, elles baillent de l'argent pour faire ce qu'on faict de là les pontz, quy, outre l'injure, fait souvent faire banqueroute au pauvre malotru confraire de Saint-Prix[11].
Le commun dire est bien veritable, que la femme fait ou ruine le mesnage, et comme dict le sage en ses problesmes par ces termes: La meilleure et plus excellente richesse qu'un homme puisse avoir, c'est de s'allier avec une femme sage et vertueuse, parce qu'après il se pourra vanter d'avoir en possession un heritage merveilleusement fertile.
 Escoutez ma parole, ô mortels esgarez[12],
  Quy dans la servitude aveuglement courez,
  Et voyez quelle femme au moins vous devez prendre:
  Si vous l'espousez riche, il vous faut[13] preparer
  De servir, de souffrir, de n'oser murmurer,
  Aveugle en tous ses faictz et sourd pour ne l'entendre.
Le plus grand malheur que puisse avoir un homme qui desire avoir l'esprit tranquille et en repos, c'est de prendre une femme qui luy mettra à tous propos sur le tapis les moyens et commoditez qu'elle luy aura apporté, afin que, par ces reproches que journellement elle luy fera, jouer au pair, et tirer au court baston quand besoing en sera, ce quy contraindra le pauvre Job de faire le muet, comme vous entendrez cy après en ces vers.
  Desdaigneuse et superbe, elle croit tout savoir[14];
  Son mary n'est qu'un sot trop heureux de l'avoir;
  En ce qu'il entreprend elle est toujours contraire,
  Ses propos sont cuisantz, hautains et rigoureux.
  Le forçat miserable est beaucoup plus heureux
  A la rame et aux fers d'un outrageux corsaire.
C'est de pareilles femmes que l'on tient ce discours: que la poulle chante ordinairement devant le coq[15]. De mesme, donnez un pied d'advantage à une femme, elle en prendra dix; c'est ce que conseilloit un ancien poète:
Ne souffre jamais pour rien
  De ta femme un pied sur le tien:
Car après la pauvre beste
  Le voudra mestre sur ta teste.
Et toutefois en ce discours je ne desire pas faire une reigle generale: car, comme en toutes autres, il y peut avoir quelque default.
  Si vous la prenez pauvre, avec la pauvreté[16]
  Vous espousez ainsy[17] mainte incommodité,
  La charge des enfants, la peine et l'infortune.
  Le mespris d'un chacun vous fait baisser les yeux;
  Le soin rend vos esprits chagrins et soucieux.
  Avec la pauvreté toute chose importune.
La pauvreté est mère de beaucoup de travaux, de soupçons, de meffiance; c'est d'elle d'où ce vieux proverbe a prins son estre et origine, quy dit: necessité contraint la loy; encore que pauvreté ne soit pas vice[18], mais une espèce de ladrerie, que plusieurs fuyent comme la peste.
 Si vous la prenez belle[19], asseurez-vous aussy[20]
  De n'estre jamais franc de craincte et de soucy.
  L'œil de vostre voisin comme vous la regarde;
  Un chacun la desire, et vouloir l'empescher,
  C'est esgaler Sysiphe et monter son rocher.
  «Une beauté parfaicte est de mauvaise garde.»
Les belles femmes et les beaux chevaux sont merveilleusement souhaitez, non seullement pour les plaisirs du monde, mais aussy (admirez les plus religieux personnages, quy, par ce moyen, ont subject de louer le Createur) par la perfection de ses creatures tant recommandables. Toutefois je diray estre un grand soin au maistre quy les possède, quy, quand mesme ayant en sa puissance tous les yeux d'Argus, y pourroit bien estre trompé, parce que la garde de ces creatures là est un peu dangereuse: tant de vieux historiens tesmoins, quy nous ont laissé leurs fragments par escript, comme la guerre de Troie et autres, outre les meurtres et querelles quy se commettent pour cet effect.
  Si vous la prenez laide, adieu toute amitié[21];
  L'esprit, venant du corps, est plain de mauvaistié.
  Vous aurez la maison pour prison tenebreuse;
  Le soleil desormais à vos yeux ne luira;
  Bref, l'on peut bien penser s'elle vous desplaira,
  Puisqu'une femme belle[22] en trois jours est fascheuse.
Encore que la femme soit laide, voire mesme contrefaicte en plusieurs parties de son corps, si dois-tu recognoistre qu'elle est ta compagne et adjacente à toutes tes entreprises; toutefois je veux que ce soit une très grande incommodité pour la deffectuosité quy peut subvenir en la generation des enfants, comme, par example, estant un jour interrogé Pittacus pourquoy il ne vouloit espouser aucune femme: Parce, dit-il, que, la prenant belle, elle sera commune à tous; et si elle est laide, ce sera un martyre à moy seul.
Pour conclusion, je pourrois dire ce qu'a dict le mesme Desportes en ces stances, quoy que je ne m'y veuille resoudre; et toutefois je repetteray,
  A l'exemple de luy quy doit estre suivy[23]:
  Tout homme qui se trouve en ses lacs asservy
  Doit par mille plaisirs alleger son martyre,
  Aimer en tous endroitz sans esclaver son cœur,
  Et chasser loing de luy toute jalouse peur.
  Plus un homme est jaloux, plus sa femme on desire.
Et après, fermant la porte à toutes ses prepositions, fait une grande admiration en ces termes:
  O supplice infernal en la terre transmis[24]
  Pour gêner les humains! gêne les ennemis
  Et les charge de fers[25], de tourments et de flamme;
  Mais fuy de ma maison, n'approche point de moy:
  Je hay plus que la mort ta rigoureuse loy,
  Aymant mieux espouser un tombeau qu'une femme.
Demosthène disoit que les hommes ayment les femmes pour le plaisir qu'ils espèrent, sans avoir esgard qu'elles sont ordinairement le travail de l'esprit et le fleau le plus violent qu'ils puissent avoir.
Quoy que j'ay parlé de mariages en diverses façons, si neantmoins je cognois que c'est une necessité à la nature humaine pour plusieurs et diverses raisons, tant pour la generation qu'autres commoditez qu'ils apportent; mais il faut regarder premierement, pour bien et deuement choisir une femme, qu'elle soit chaste et vertueuse, venue de bon lieu, issüe de parents sans reproches, bonne mesnagère, et surtout mediocre en habitz, parce que la superfluité la rend orgueilleuse et mescognoissante[26], tout ainsy que ces joüeurs de tragedies, où un faquin, estant revestu, representera librement le personnage d'un roy ou empereur en gravité et audace; de mesme elle sera hautaine, et quelques fois contraincte pour son entretient faire des metamorphoses domestiques, comme dict un poète françois en ces vers:
  Du temps passé nous lisons que les fées
  Firent changer d'homme en cerf Actéon,
  Et maintenant ceste mutation
  S'exerce encor par des nymphes coiffées.
Ceux quy se veulent marier, il faut qu'ils s'interrogent eux-mesmes s'ils sont puissans assez pour s'acquitter d'un si pesant fardeau: car de joüer après à Jan-qui-ne-Peut, le diable seroit bien aux vasches. Or, pour le bien choisir, je serois de l'avis du sieur Desportes en ces Stances du Mariage, qui dict:
  Il faut un bon limier, penible et poursuivant[27],
  Nerveux, le rable gros et la narine ouverte,
  Quy roidisse la queue et l'alonge en avant
  Sitost qu'il sent la beste ou qu'il l'a descouverte.
Non pas des petits darioletz[28] effeminez, à quy leurs femmes sont contrainctes dire, peu de temps après qu'elles sont mariées: Jan, ne trouvez pas estrange que, si ne faites mieux qu'avez faict ces jours passez, je mettray un autre à vostre place. Voilà, en somme, mon amy, comme il y a beaucoup de cornards par leurs fautes.
Quiconque se veut marier et s'employer à son devoir, il faut qu'il soit d'un age mediocre, fort et bien sain en tous ses membres, bonne veüe et point subject à ce reproche, pourtant lunettes, d'estre banni du bas mestier, comme disoit un jouvenceau de ce temps:
  Veillard quy portez des lunettes,
  Retirez-vous loin des fillettes,
  Et permettez-nous que l'amour
  De chacun se serve à son tour:
  Car, si vous prenez ma maistresse
  Pour vos biens et vostre richesse,
 Cela n'est rien: il faut un poinct
  Pour conserver son embonpoinct.
Voilà en bref ce que je puis dire du mariage, non pas pour l'avoir esprouvé, car, Dieu mercy, je suis puceau, et si le veux estre tout le temps de ma vie, afin qu'après ma mort je me voye promener en terre avec de belles torches blanches, en tesmoignage de ma chasteté: car je me puis bien vanter d'estre vierge, ou jamais vache ne le fust. Adieu.
Les Jeux de la Cour.
MDCXX. In-8.
Cessez de plus jouer à la rejouissance:
  C'est un jeu sans plaisir et quy n'est pas heureux;
  Le reversis n'est bon que pour les amoureux,
  Et la prime pour ceux quy sont pleins de finance[29].
  Le piquet à l'abort m'offence quand j'y pense;
  Au quatorze de may, quy fut si malheureux[30],
  Formant par un grand flux un point de consequence,
  Quy depuis a ruyné et gasté nostre France.
J'ayme les quatre jeux modernes de la cour:
  Nous y voyons un roy de mains en mains quy court,
  La dame et le valet quy suivent en sequence,
  Les deux roynes au pair, une seule à l'escart[31].
  Les princes joueront à tirer le bon bout.
  Il n'y a apparence de demeurer en cour:
 Car ils sont mal contens[32], et ils ont bien raison,
  Du fredon[33] de trois ases[34] qui pillent et raflent tout.
Au Roy.
  On dit que les crapauds armèrent autres foys,
  Avant les fleurs de lys, l'ecusson de nos roys[35],
  Mais qu'en les retournant, un de nos vieux Alcides
  Changea par ces beaux lys ces vilains animaux.
  Ha! sire, je crains bien que par ces parricides
  Vous perdiez ces beaux lys pour garder trois crapaux!
Autre.
  Le fils de Cresus, muet du ventre de sa mère,
  Voit l'espée sur son père et recouvre la voix:
  «Cruel, ne le tuez, luy quy m'a donné l'estre!»
Sire, aujourd'huy faites paroistre
En mesme peril vostre voix.
  Prince, vous avez eu beaucoup moins de ruines,
  Endurant doucement vostre captivité[36],
  Qu'à faire le magot, estant en liberté,
  D'Arnoux[37], de Cadenet, de Brante et de Luynes.
Responce.
  Pensez-vous, si j'estois vraiment prince du sang,
  Que je voulusse tant m'eslongner de mon rang
  Que d'aimer ces caphars et ceux dont le bas aage
  Se passa soubs l'habit de vallet et de page[38]?
  L'on m'a trop faict savoir que là où la faveur
  Se rencontre, il luy faut faire un temple d'honneur.
  Ce coyon[39], quy estoit porté de sa maistresse,
  Me feit bien eslancer dans une forteresse.
 Il se vantoit encor de me faire juger,
  Non pas prince bastard, mais fils d'un muletier,
  Mes mœurs en faisant foy et mon infame vice;
  Et je serois encor près d'un tel precipice
  Si je n'allois tout doux faisant le grenouillet
  Aux Pères[40], à Luynes, à Brante, à Cadenet.
A la France.
  France, je plains bien vostre sort!
  Car on cognoist vostre impuissance:
  Un coyon vous mit en balance;
  Trois coquins vous mettent à mort.
Quatrain.
  Autant il y a difference
  A surprendre des oysillons[41]
  Et de dresser des bataillons
  Diffèrent ces deux pairs de France.
Le Favory.
  Une personne s'en estonne:
  Le roy m'a voulu faire grand
 Pour monstrer que mon père-grand
  Portoit sur son chef la couronne[42].
Luy-mesme.
  Le duc est un oyseau, moy duc par les oiseaux;
  Le duc est un oiseau servant à la pipée,
  Moy duc pipant du roy l'ame preoccupée.
  Le duc oyseau de nuict, et moy duc aux flambeaux.
  Je suis duc non oyseau; la fortune est muable:
  Fussé-je nay d'un veau, je serois connestable.
Songe.
1616[43]. In-8.
Porté sur les aisles d'un songe
  Dans une ville de Xaintonge[44],
  J'ay veu ce que je vay compter:
  Je vis un homme de la Chine
  Quy, brullé d'encre sur l'eschine[45],
  Se faisoit riche à culetter.
Il estoit d'assez belle taille,
  De poil tout propre à la bataille
  De ce petit demon d'Amour;
  Sa fraize estoit à l'espagnolle,
  Et sa moustache en banderolle
  Chassoit aux mouches de la cour.
 Ayant près de luy sa Cassandre,
  Il se marchoit en Alexandre,
  Il aboyoit comme un roquet;
  Il chevauchoit sur une mule,
  Et, discourant sur une bulle,
  Il parloit comme un perroquet.
Il avoit la mine d'un prestre
  Et croy qu'il desire de l'estre
  Pour avoir le couronnement[46];
  Mais, n'estant de trempe assez bonne
  Pour bien porter une couronne,
  Il en porte une à l'instrument.
Il portoit dessoubs son aisselle
  Le bout d'une vieille escarcelle
  D'où sortoit un fer de cheval,
  Et je cognus à ceste marque
  Que ce n'estoit pas un monarque,
  Mais seulement un mareschal.
Il parloit de la Normandie[47],
  Mais il aymoit la Picardie[48],
  Comme un pays tout plein d'honneur,
  Et, fuyant le sort de sa vie,
  Il mouroit de rage et d'envie
  Pour estre dict le gouverneur[49].
 Il estoit bon naturaliste:
  Il avoit une longue liste
  Des postures de l'Aretin;
  Il sçavoit toute la caballe,
  Et, monté sur une cavalle,
  Se panadoit en saint Martin.
Pour lui servir de medecine,
  Il mangeoit la chaude racine
  Du plus friand satyrion;
  Il portoit un livre assez large
  Où l'on voyoit escrit en marge
  Les coyonnades du Coyon[50].
Sa suitte est de gens d'escritoire
  Quy cachent d'une robbe noire
  Un venin d'infidelité,
  Et quy, comme des chatemites,
  Attrapent les grosses marmittes,
  Et tout cela par charité.
Vous eussiez veu ceste canaille,
  Baillant comme un huistre à l'ecaille
  Et portant un petit collet,
  Aprendre à ceux de la pratique
  Le secret de la rethorique
  Pour faire un tour de bon vallet.
Ils babillent comme des pies,
  Ils vollent comme des harpies,
 Ils sautent comme des genetz[51],
  Ils sifflent comme des linottes,
  Ils trottent doux comme bigottes
  Et parlent comme sansonnetz.
Aussi froidz que saint de caresme,
  Les yeux baissez, la face blesme,
  Leur souche a tousjours le cul net.
  Ce sont des singes de Seville,
  Et comme furets de Castille
  Ils se glissent au cabinet.
Ainsy suivy de ceste trouppe,
  Il portoit la valise en croupe
  Et la couardise au devant[52].
  C'estoit un second dom Quychotte,
  Accompagné de sa marotte
  Pour battre les moulins à vent.
Son bouclier estoit fait de carte,
  Sa cuirasse d'un cul de tarte,
  Son casque d'une peau d'ognon;
  Sa lance estoit d'une baguette,
  Son gantelet d'une brayette,
  Et sa masse d'un champignon.
Il estoit faict en sentinelle;
  Ses brassards estoient de canelle,
  Son pennache de deux harengs,
  Sa visière d'une raquette,
 Son hausse-col d'une etiquette,
  Et sa devise: Je me rends.
Ce n'estoit que rodomontades,
  Mais en effet les coyonnades
  Servoient de lustre à son bonheur.
  C'estoit un Roland en les rues,
  Pour batailler contre les grues
  Quand ce venoit au point d'honneur.
Mais je me ris, c'est une fable:
  Il n'est bon qu'à mettre à l'estable,
  Ou bien à battre les carreaux,
  Et, s'il peut servir en bataille,
  C'est peut-estre en homme de paille
  Pour faire peur aux passereaux.
Et pour ce qu'en bon astrologue,
  Vollant au ciel, il n'epilogue
  Que l'influance des jumeaux,
  Il faut qu'un Jaquemard d'horloge
  Luy quitte la place[53] et le loge:
  Pour faire la guerre aux corbeaux.
Il donne bien dans la quintaine[54],
  Il y faict du grand capitaine
 Et l'embroche le plus souvent;
  Mais, s'escartant de la carrière,
  Il fait la ronde par derrière
  Pour mieux s'enfoncer au devant.
On ne parle que de ses gestes:
  Il est mis aux rangs des celestes.
  Sur un autel faict de chardons
  Il se panade en effigie,
  Un catze servant de bougie,
  Et d'encensoir et de pardons.
Mais cependant que je regarde
  Ce petit homme de moutarde
  Bravant au milieu de la cour,
  Je voy un prince plain de gloire[55],
  Un petit Cæsar en victoire
  Et quy semble un petit Amour.
La Valeur en fait son image,
  La Fortune luy rend hommage,
  Et Mars lui donne les lauriers;
  C'est le mignon de la Vaillance,
  Le subject de la Bienveillance
  Et l'estonnement des guerriers.
Esclatant d'un riche equipage,
  La Terreur luy servant de page,
  L'Effroy le suivoit pas à pas;
  Sans luy la terre estoit en poudre,
  Et son bras, comme faict la foudre,
  Portoit l'horreur et le trepas.
 Ce monstre à la teste cornue,
  Quy bravoit avant la venue
  De ce miracle de valeur,
  Plus penaut qu'un loup pris au piège,
  Et plus leger que n'est un liège,
  Évite en courant son malheur.
Il s'enfuit[56], quittant sa pratique,
  Comme un veau qu'une mouche pique;
  Faisant de l'aveugle et du sourd,
  Et craignant le vert de la sauce,
  Il conchie son haut de chausse,
  Petant comme un roussin quy court.
Envieux, cesse de le mordre:
  Ce qu'il en faict, c'est qu'il veut l'ordre
  Pour estre au rang des chevaliers:
  Car ainsy, pendant la remise,
  L'enseigne en est à la chemise,
  Et le cordon à ses souliers.
Mais, las! estant pris à la piste,
  Il jure qu'il est arboriste,
  Et qu'il ne fouille sans raison,
  Et dict, touchant l'architecture,
  Qu'il monte assez bien de nature
  Pour bien bastir une maison.
Enfin, qu'on luy fasse une grace,
 Qu'on luy permette qu'il embrasse
  Les genoux de ce jeune Mars,
  Qu'il se soumette à sa puissance,
  Et qu'il luy preste obeissance
  Comme à la gloire des Cesars.
Admis aux yeux de cest Achille,
  Il promet de quitter la ville
  Et de se rendre pellerin,
  S'en allant faire une neufvesne,
  Afin de guerir sa migrenne,
  Au bonhomme sainct Mathurin[57].
Mais, chacun luy faisant la morgue,
  On le soufflette comme un orgue;
  On espoussette ses habitz,
  L'on se met sur sa friperie[58]
  Comme un gros valet d'ecurie
  Dessus la souppe et le pain bis.
Ce prince, voyant qu'on le frotte,
  Qu'on le chatouille à coup de motte,
  Et qu'il est dessus demy nu,
  Commande à ses gens qu'on le choie,
  Et puis aussi tost le renvoie
  Plus chargé qu'il n'estoit venu.
Au cry qu'il fist je me reveille,
 Estonné de ceste merveille
  Et tout esperdu de ce bruit;
  Mais, afin de vous faire rire,
  Icy je l'ay voulu descrire,
  Puisque ce n'est qu'un jeu de nuit.
Le Tableau des ambitieux de la Cour, nouvellement tracé du pinceau de la Verité, par maistre Guillaume, à son retour de l'autre monde[59].
M.DC.XXII.
Les plus sots sont ceux-là qui se ventent sans cesse
  De leurs extractions, sans argent ny noblesse;
  Qui presument, boufis de magnanimité,
  Faire jambes de bois à la necessité.
  Pauvres et glorieux veulent pousser fortune
  A contre-fil du ciel, qui leur porte rancune,
  Font la morgue au destin, et, chetifs obstinez,
 Fourrent jusqu'au retraict leurs satyriques nez.
  Ils font les Rodomonts, les Rogers, les Bravaches,
  Ils arboriseront[60] quatre ou cinq cens pennaches
  Au feste sourcilleux d'un chapeau de cocu,
  Et n'ont pas dans la poche un demy quart d'escu.
  Monsieur, vous plairoit-il me payer? Il replique:
  Je n'ay point de monnoye, au courtaud de boutique;
  Puis, pompeux, se braguant[61] avecques majesté,
 Dira à son valet: Suis-je pas bien botté?
  Fraizé comme Medor, n'ay-je pas bonne grace?
  C'est mon[62], dict le laquay, mais garde la besace,
  De gripper la fortune assez vous essayez;
  Mais tandis les marchands veulent estre payez,
  Et n'y a dans Paris tel courtaud de boutique[63]
  Qui, vous voyant passer, ne vous face la nique,
  Et ne desire bien que tous les courtisans
  Fussent aussi taillez comme les paysans,
  Qui, taillables des grands, n'ont point d'autres querelles
  Que tailles et qu'impots, que guets et que gabelles.
  L'on ne fait rien pour rien, et pour l'odeur du gain
  Le manœuvre subtil prend l'outil en la main.
  Mais vous, guespes de cour, gloutonnes sans pareilles,
  Vous mangez le travail et le miel des abeilles,
  Et ne ruchez jamais, ny d'esté ny d'hyver.
  Quand ils sont attachez à leurs pièces de fer,
  Et qu'ils ont au costé (comme un pedant sa verge)
  Joyeuse, Durandal, Hauteclaire et Flamberge[64],
  Ils presument qu'ils sont tombez de paradis,
  Ils pissent les ducats pour les maravedis;
  Les simulacres vains des faux dieux de la Chine
 Ne s'oseroient frotter contre leur etamine,
  Et Maugis, le sorcier, prince des Sarrazins,
  Ni le fameux Nembroth, n'est pas de leurs cousins.
  Bragardans en courtaut de cinq cens richetales[65],
  Gringottans leur satin comme ânes leurs cimbales[66],
  Piolez, riolez, fraisez, satinisez,
  Veloutez, damassez et armoirinisez[67],
  Relevant la moustache à coup de mousquetade,
  Vont menaçant le ciel d'une prompte escalade,
  Et de bouleverser, cracque! dans un moment
  Arctos, et Antarctos, et tout le firmament.
La maison de Cécrops, d'Attée, de Tantale,
  Champignons d'une nuict, leur noblesse n'egale;
  Ils sont, en ligne oblique, issus de l'arc-en-ciel,
  Leur bouche est l'alambic par où coule le miel;
  Leurs discours nectarez sont sacro-saincts oracles,
  Et, demy-dieux çà bas, ne font que des miracles.
  Mais un lion plus tost me sortiroit du cu
  Que de leur vaine bourse un miserable escu;
  Ils blasphèment plus gros dans une hostellerie
  Que le tonnerre affreux de quelque artillerie:
  Chardious! morbious! de po cab-de-bious[68]!
  Est-ce là appresté honnestement pour nous?
  Torchez ceste vaisselle, ostez ce sale linge,
  Il ne vaut seulement pour attifer un singe.
 Fi ce pain de Gonès! apportez du mollet[69],
  Grillez cet haut costé. Sus, à boire! valet;
  Donne moy ce chapon au valet de l'estable,
  Car c'est un Durandal, il est plus dur qu'un diable,
  C'est quelque crocodil! tau, tau! pille, levrier;
  Que ce coc d'inde est flac! va dire au cuisinier
  S'il se dupe de nous, s'il sçait point qui nous sommes,
  Et luy dis si l'on traitte ainsi les gentils hommes.
  L'hoste, qui ne cognoit qu'enigme au tafetas:
  «Gentil homme! Monsieur! je ne le sçavois pas.
  Et, quand vous seriez tel, c'est assez bonne chère,
  Monsieur. Que Dieu pardoin à feu vostre grand-père,
  Il estoit bon marchand; j'achetay du tabit
  Du pauvre sire Jean pour me faire un habit.
  Il m'invita chez luy à curer la machoire;
  Mais là le cuisinier n'empeschoit sa lardoire,
  N'ayant albotté[70] que trois pieds de moutons,
  Et falloit au sortir payer demy teston.
  L'on n'y regarde plus, soit sot ou gentil homme,
  Massette de Regnier, on prend garde à la somme:
 Car, selon que l'on frippe on paye le gibier,
  Le noble tout autant que le plus roturier.
  Quand c'est semblable laine, autant vert comme jaune.
  Ainsi bien manioit vostre grand-père l'aune.»
A vray dire, ces fats sont quelquefois issus
  D'un esperon, d'un lard, d'un ventre de merlus,
  D'un clistère à bouchon, d'un soulier sans semelle,
  D'une chausse à trois plis, d'un cheval, d'une selle,
  D'un frippier, d'un grateur de papier mal escrit,
  D'un moyne defroqué, d'un juif, d'un ante-christ.
  D'un procureur crotté, d'un pescheur d'escrevice,
  D'un sergent, d'un bourreau, d'un maroufle, d'un suisse,
  Et cependant ils font les beaux, les damerets,
  Et ne pourroient fournir pour deux harencs sorets.
  Mais lisez vos papiers, vos pancartes, vos tittres,
  Et vous vous trouverez tous issus de belistres,
  Mille fois plus petits encor que des cirons
  Et plus nouveaux venus que jeunes potirons;
  Qu'il vous faut humer fraiz comme l'huistre en escaille,
  Et que vostre maison n'est pas une anticaille.
  Venons sur memento, nous sommes tous cinis,
  Mais d'un reverteris gardez d'estre punis.
  Qui faict plus qu'il ne peut au monde de despence,
  Il a plus qu'il ne veut au monde d'indulgence.
  Pour amortir l'orgueil de mille vanitez,
  Considerons jadis quels nous avons estez,
  Et, faisant à nature une amende honorable,
  Dis, superbe: J'estois vilain au prealable
  Que d'estre gentilhomme; et, puis que de vilain,
  Je me suis anobly du jour au lendemain,
  Du jour au lendemain je peux changer de tittre
  Et de petit seigneur devenir grand belistre,
 Et en siècle d'airain changer le siècle d'or,
  Et devenir soudain de consule rethor.
  J'ay veu des pins fort hauts eslever leurs perruques
  Par sus le front d'Iris, et tout d'un coup caduques,
  Arrangez sur la terre, et ne servir qu'au dueil
  D'un cadaver puant pour faire son cercueil;
  J'ay veu de Pharaon les pompeux exercites,
  Et contre Josué les fiers Amalechites
  Gripper, triper, friper; et après un combat
  Je passe de rechef, et ecce non erat[71].
  Sur la flotante mer je voyois un navire
  Qui menaçoit la terre et les cieux de son ire;
  Mais, tout soudain rompant le cordage et le mast,
  Je cherche mon navire, et ecce non erat.
  J'ay veu ce que j'ay veu, une rase campagne
  Enceinte devenue ainsi qu'une montaigne,
  Qui pour mille geants n'enfanta qu'un seul rat;
  Où est-il? je regarde, et ecce non erat.
  Bref que n'ay-je pas veu, que ne contemplé je ores?
  Et avant que mourir que ne verray-je encores?
  Le monde est un theatre où sont representez
  Mille diversitez de foux et d'esventez[72].
 O constante inconstance! ô legère fortune!
  Qui donne à l'un un œuf, et à l'autre une prune[73];
  Qui fait d'un charpentier un brave mareschal,
  Et qui fait galoper les asnes à cheval;
  Qui fait que les palais deviennent des tavernes,
  Qui, sans miracles, fait que vessies sont lanternes;
  Qui fait que d'un vieil gant les dames de Paris
  Font des gaudemichés, à faute de maris;
  Que le sceptre d'un roy se fait d'un mercier l'aune,
  Que le blanc devient noir et que le noir est jaune;
  Qui change quelquefois les bonnets d'arlequins
  Aux couronnes des grands[74] et les grands en coquins,
  Les marottes en sceptre, en tripes les andouilles,
  Les chapperons en houpe, en glaives les quenouilles,
  Le rosti en bouilli, une fille en garçon,
  Le coutre[75] en bon castor et la buse en faucon!
Je suis, sans y penser, des stoïques escoles;
  Je croy ce que disoient ces sçavans Picrocoles[76],
  Qui, sans hypothequer cinq cens pieds de mouton
  Où l'on n'en void que quatre, arrestez au fatum,
  Disoient de toute chose: Ainsi plaist à Fortune!
 Que si quelqu'un gardoit les brebis à la lune[77],
  Pendillant tout ainsi qu'un bordin vermoulu,
  Ils repliquoient: Ainsi Fortune l'a voulu.
  Si d'autres ils sentoient de qualité fort basse
  Elever jusqu'au ciel leur grand bec de becasse,
  Ils disoient, en voyant tout Crœsus dissolu:
  Que voulez-vous? Ainsi Fortune l'a voulu,
  Donnant comme elle veut à chacun sa chacune,
  Car tel ne cherche rien qui rencontre Fortune,
  Et souvent c'est à ceux qui ne la cherchent pas
  Qu'elle fait les doux yeux de ses doubles ducats[78].
Ha! que si l'alchimie avoit dans sa cabale
  Cette pierre trouvé, qu'on dit philosophale,
  Les doctes porteroient jusques au ciel leur nez,
  Et chimistes, sans plus, se diroient fortunez;
  De Fortune icy-bas l'on ne parleroit mie,
  Ceux là seuls seroient grands qui sçauroient l'alchimie.
  Vous ne verriez alors tant de doctes esprits
  Bottez jusqu'au genouil des crottes de Paris,
  Mal peignez, deschirez, le soulier en pantoufle,
  Les mules aux talons, n'ayant rien que le souffle,
  Et, le fouet en la main, pauvres predestinez,
  Recouvrer au Landy[79] deux carts d'escus rognez,
  Pour se traitter le corps le long d'une semaine,
 Domine, sans conter ny l'huile ny la peine,
  Les plumes, le papier, l'ancre de son cornet;
  Un sol pour degresser les cornes du bonnet,
  Deux sols au savetier qui son cuir rapetasse
  Un double au janiteur[80] pour balier la classe,
  Sans conter le barbier, qui luy pend au menton
  Une barbe de bouc, d'Albert[81] et de Platon;
  Un pair de rudiments, un bon Jan Despautaire,
  Et mille autres fatras qui sont dans l'inventaire
  D'un pedant affamé comme un asne baudet,
  Plus amplement à vous quæ glosa recludet.
Mais aujourd'huy l'on tient à mepris la science,
  Et Fortune ne rit sinon à l'ignorance;
  Un homme bien versé, ce n'est rien qu'un pedan;
  Les asnes vont en housse, et tout est à l'encan.
  La vertu sur un pied fait sentinelle à l'erte[82];
  Madame la Faveur tient par tout cour ouverte;
  Et dans les magistrats parents fourrent parents,
  Ainsi que l'on entasse en cacque les harens;
  Suyvant comme poussins sous l'aisle de leur mère,
  Tout va au grand galop par compère et commère;
  Le vieillard Phocion et le docte Caton
  N'y ont pas du credit pour un demy-teston.
  Dans ces jeunes conseils la vieillesse ravasse;
  Quelque riche bedon[83], fol et jeune couillasse;
 S'il a, sans droit, sans loix, quantité de ducas,
  Se fera preposer à dix mille advocats
  Qui auront dans l'esprit la science et l'escole
  De Jason, de Cujas, de Balde, et de Bartole[84];
  L'univers aujourd'huy est sans foy et sans loy,
  La vertu de ce monde est quand l'on a dequoy[85];
  Le sçavoir est un fat, l'argent nous authorise.
  L'on ne peint la vertu avec la barbe grise:
  Son habit est de femme, et jeune est sa beauté;
  Pourquoy les femmes donc n'ont cette dignité,
  Plustost que ces friands, ces obereaux de Beausse[86],
  Qui de l'homme n'ont rien que le simple haut de chausse?
  Que si cela est vray, pensez-vous, courtisans,
 Sans argent ni faveur parvenir de cent ans?
  Pensez-vous, sans argent, noblesse ny doctrine,
  Obtenir des estats pour vostre bonne mine?
  Que, pour friser, porter belle barbe au menton,
  Un banquier vous voulust prester demy-teston?
  Vous estes de grands sots si de ces ombres vaines
  Vous allez repaissant vos travaux et vos peines.
  Pour faire rien de rien, il faudroit estre Dieu;
  Mais vous n'avez argent, ny sçavoir, ni bon lieu.
  Tu viens accompagné des neuf muses d'Homère,
  Mais tu n'apportes rien: rien l'on ne te revère:
  Tu n'es qu'un Triboulet, et quand et quand pour lors
  Avecques tes neuf sœurs tu sortiras dehors.
  Dieu d'amour peut beaucoup, mais monnoye est plus forte;
  L'argent est toujours bon, de quelque lieu qu'il sorte.
  N'espérez seulement un estat de sergent,
  Si, pour vous faire tel, vous n'avez de l'argent;
  Si quartier chez le roy vostre bon heur recouvre,
  Sera au Chastelet plutot que dans le Louvre;
  Alors vous ne vivrez, n'ayant pas le dequoy
  De vous entretenir, sinon du pain du roy:
  Là vous n'aurez besoin de chevaux ny de guides,
  Exempts de guets, d'imposts, de tailles et subsides.
  Tous ces esprits falots, boufis comme balons,
  Qui veulent estre grands[87] de simples pantalons,
  Qui le fient de porc veulent nommer civette,
  Et faire un brodequin d'une simple brayette;
  Qui de l'esclat d'un pet veulent peser un cas,
  Et d'un maravedis faire mille ducats;
  Tous ces dresseurs d'espoirs, ces foux imaginaires,
 Ces courtisans parez comme reliquiaires,
  Ces fraisez, ces Medors, ces petits Adonis,
  Qui portent les rabats bien froncez, bien unis;
  Ces fils gauderonnez[88], d'un patar[89] la douzaine,
  Voyent presque tousjours leur esperance vaine;
  Que celle qu'enfantant se promet un geant
  Ne produira sinon du fumier tout puant,
  Lequel, pour tout guerdon, donnera la repue
  A quelque nez camard qui jà en eternue.
  Avecques leurs espoirs les courtisans sont foux;
  Que bienheureux sont ceux lesquels plantent des choux!
  Car ils ont l'un des pieds, dit Rabelays, en terre,
  Et l'autre en mesme temps ne s'eloigne de guière;
  Il n'est que le plancher des vaches et des bœufs;
  J'ayme mieux qu'un harenc une douzaine d'œufs,
  Et je m'aymerois mieux passer de molue fraische
  Que d'hazarder mon corps à pratiquer la pesche.
  Ostez-moy cet espoir; car je n'espère rien
  Que d'estre un pauvre Job, sans secours et sans bien;
  Que fortune tousjours, qui de travers m'aguette,
  Ne me voudra jamais baiser à la pincette,
  Et je mourray plustost sur un fumier mauvais
  Que dans quelque cuisine ou dans quelque palais.
  Vous diriez que je suis un baudet et un asne
  D'attaquer de brocards la secte courtisane,
  Veu mesme que je vais, il y a plus d'un an,
  Botté, esperonné, ainsi qu'un courtisan;
  Que c'est estre ignorant, avoir l'ame peu caute,
 Que reprendre l'autruy et ne voir pas sa faute:
  Car de la sapience et le don et l'arrest,
  C'est cognoistre son cœur et sçavoir qui l'on est;
  Il faut avant l'autruy soy mesme se cognoistre,
  Et, comme Lamia, nous ne devons pas estre[90]
  Des taupes dans chez nous et des linx chez l'autruy[91],
  De peur qu'au charlatan, qui ouvre son estuy
  Pour panser l'empesché, et luy-mesme a la perte,
  L'on ne dise: Monsieur, vous n'estes qu'une beste;
  Avant que de donner aux autres guerison,
  Monsieur le charlatan, medica te ipsum.
  Il est vray, par ma foi, j'ai suivy ceste vie,
  Mais en après, Messieurs, je n'en ay plus d'envie;
  J'ay franchi ce fossé, et, en sortant du lieu,
  Je n'ai pas oublié mesme à leur dire à Dieu.
A Dieu[92].
Lettre d'ecorniflerie et declaration de ceux qui n'en doivent jouyr.
A Paris, par Pierre Menier, portier de la porte Saint-Victor[93]. Sans date. In-8.
Lettre generale autentique et perpetuel privilége d'escorniflerie, soit pour l'entrée ou issue[94] de quelque repas que ce soit.
Engorgevin[95], par la clemence bacchique roy des Francs Pions[96], duc des Movinateurs[97], comte de Glace, prince des Morfondus, marquis de Frimas, archiduc de Gelée, vicomte de Froidure, damoiseau de Neige, admiral des Gresles, vicomte de Tremblay, baron de Poylen, capitaine des Paniers Vendangez, grand colonnel des Vents de Bize, viel caporal de Frepaut, seigneur de Frepillon[98], commandeur des Escervelez, grand goulpharin de Grève, prevost de la cour de Miracle et premier messaire de nostre case prochaine;
A tous nos falotissimes et mirelifiques abbez, amis et confederez, gaudichonnement fanfruchés, continuels millions de saluts[99], vieux, s'ils estoient d'or ils vaudroient mieux, pris sur notre espargne, au four de Vanves.
Sçavoir faisons que pour le bon amour et zèle que tous portent à nos brocgardissimes et croustelevez cousins, tous bons pilliers de tavernes, champgaillardiers[100], fins galliers[101], francs lipeurs, escumeurs de marmites, vendeurs de triacle[102], gueux de l'hostière[103], friponniers, crieurs de vieux fer, vieux drapeaux; repetasseurs, chicaneurs, vieux laridons, briphe-miches[104], froid-aux-dents, porteurs de rogatons[105], raboblineurs[106], lorpidons[107], garde-clapiers, morte-paye cassez[108], ramonneurs de cheminée, dégresseurs de vieux chapeaux gras, trousse-lardiers, rongneux, morpionnaires, chassieux, grateleux, pediculaires, farcineux, alterez, bauquedenares[109], tatonniers, malotrus, bailleurs de belles vessies, loqueteurs[110], besaciers, ragoins, baille-luy-belle, bedondiers[111], vielleurs, emoleurs, beffleurs, baille-luy-bon-branle, et generallement à tous nos ordinaires sujets et vassaux, tous bons bigorniers[112], à ceux, pour plusieurs causes et autres à ce nous mouvans, avons donné et octroyé, donnons et octroyons ces presentes lettres authentiques perpetuelles et general privilége d'escorniflerie, duquel leur avons permis et permettons jouyr et user plainement, paisiblement et franchement par tous les lieux et endroits de nos royaumes, pays, terres, seigneuries et dominations sous la souveraineté de nostre tres-fort et invinciblissime monarque Bacchus, et en ce faisant, pourront corner au Corne, se saisir de la Croix blanche[113] pour chasser le Petit Diable[114], assaillir l'une et l'autre Bastille[115], visiter les beuvettes des Magdelaines[116], flatter et escumer la Marmitte, demander l'Audience, se ruer sur les Trois Poissons[117], s'asseoir aux Chaizes, mirer au Miroir, grenouiller aux Grenouilles, jouer aux Pommes de Pin, se retirer sur le Bœuf, se deffendre au Pourcelet, heurler après le Loup, ne laissant brusler la Souche, se conduire aux Torches[118] et Lanternes, prendre plaisir au Cigne blanc et rouge, s'accomoder avec le Fer de Cheval, se rafraichir à la Heure[119], parfois à la Corne[120], voguer la Galère[121], entrer en l'Arche de Noé, contempler la Blanque, se mettre à l'ombre de l'Orme, prendre l'Escu d'Argent[122] et plusieurs autres lieux estans en nostre obeyssance, et d'une mesme traitte jouer souvent des gobelets, desseicher verres, hanaps, taces, couppes, godets; vuider brocs, barils, flacons, bouteilles, calebasses; alleger quartes, pintes et chopines; n'espargner vin sec, hypocras, rosette[123], bastard[124], Romeny, muscadet[125], blanc, clairet et fauveau; donner cargue à Beaune, Orleans, Ay, Irancy[126], Gascongne, Grèce, Anjou, Seure, Seurène, Saint-Clou, Argenteuil, Icy et Panorille; leur defendant très expressement la cervoise, la Belle Guillemette Tourne-Moulin[127], la tezanne, la godalle[128], la bière, si ce n'est en cas d'urgente alteration, et d'avoir trop croqué la pie[129] et trop soufflé en l'encensoir, et non autrement; donnant une allarme à jambons, andouilles, cervelats, eschignées et semblables vieux aiguillons.
En outre enjoignons à nos dits sujets que, en cas d'escorniflerie, autant maistres que valets trinquent (tanquam sposus) tant que les larmes leur en viennent aux yeux, à la mode du bon pion Biffaut et son valet Riffleandouille[130], qui mieux vaut.
Et davantage, leur commandons très expressement qu'en quelque part ou lieu que ce soit, là où ils trouveront aucun de quelque estat ou qualité qu'ils soient, qui se voudront mesler d'entremettre et user du dit privilége d'escorniflerie (s'ils n'en ont lettres speciales et generales, telles et semblables que ces presentes), de ne les en laisser jouyr, ains les condamner sur le champ en telle amende qu'ils verront estre à faire par raison.
Et encore par ces dites presentes deffendons generalement à toutes personnes, tant soient mestoudins[131] ou esvetez, de ne troubler ou empescher nullement nos dits subjets et vassaux, ny aucuns d'iceux, en la jouyssance de leur dit present privilége, et, en ce faisant (pour harnois de gueule), ne prendre n'exiger d'eux aucuns deniers, or, argent, ny gage quelconque, nonobstant l'ordonnance d'un commun usage qu'on dict:
  A Paris, à bon usage,
  Qui n'a argent si laisse gage;
et ce sur peine d'encourir nostre perpetuelle disgrace.
Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nostre rubicondissime conseiller Magistrum Trigorinus Triory, ou, en son absence, à son lieutenant, le seigneur d'Ortouaillon, qu'il fasse ces presentes publier par tous les endroits de nostre obeyssance, et icelles face observer inviolablement de point en point selon leur forme et teneur, nonobstant l'amy Baudichon[132], ny Gautier ou Mitaine, à ce contraires: car tel est nostre plaisante et envinée volonté. Donné en poste, à nostre chasteau d'Appetit, pres Longue-Dent, et l'avons fait sceller par nostre grand chancelier de paste d'eschaudez[133], par faute de cire bleue, et signé par maistre Cruche Hebriaque[134], nostre grand secretaire et premier chambelan du Port-au-Foin, baillé l'an entier, au mois qui a si a, le jour si tu n'en a cherches-en, si tu en trouves si en prend, et au-dessous la chasser, par nostre greffier Belle-Dare, autrement dit Maunourry; voulons au surplus foy estre adjoustée au vidimus de ces presentes, comme au foye d'un canard à la dodine[135], pourveu qu'elles soient collationnées à l'original d'icelles. Ce fut fait ès presances de Robinet Trinquet, seigneur de Nifles; Grisard, chastelain de Tremblemont, controleur Gelard des Mouches Blanches; Floquet-Javelle, grand escuyer des Mules aux talons, et autres seigneurs des Morfondus.
Declaration de ceux qui ne doivent jouyr du privilége et droict d'escorniflerie.
Nous n'entendons avecques nous
  Recevoir le vin de Lion,
  Sçavoir: gens plein d'ire et courroux
  De noise et de rebellion,
  Jureurs, faiseurs de millions
  De blasphèmes très execrables;
  Ceux-là, avec Pigmalion,
  S'en voisent boire à tous les diables.
Le vin de Bone, pareillement,
  N'est receu en nostre banquet.
  Sont vilains qui incessamment
  N'ont que d'ordes vaines caquet,
  Leur langue souillans au bacquet
  D'infections à tous propos.
  Arrière de nostre banquet
  Bouquins de luxure supposts.
Vuidez d'icy, melancholiques,
  Vieux resveurs farcis de chagrin,
  Frenezieux et fantastiques;
  Vers nous de credit n'avez grain.
  De vous aussi ne voulons brin,
  Qui, tenant du vin de pourceau,
  Vous yvrés et dormez soudain
  Comme porcs après le morceau.
Responce des Lyonnistes, Boucquins et Porcelins.
  La terre les eaux va beuvant,
  L'arbre la boit par la tremine,
  La mer espesse boit le vent
  Et le soleil boit la marine;
  Le soleil est beu de la lune,
  Tout boit à son ordre et compas.
  Suivant ceste reigle commune,
  Pourquoy donc ne boirons-nous pas?
Ceux qui jouyront dudit privilége d'escorniflerie
  Tous ceux qui ont le vin de singe
  Joyeux, disant le mot,
  Soit d'Oriane ou de Marsinge,
  Sont bien venus en nostre escot;
  Part auront à nostre piot
  Pour leur gaillardise et plaisance,
  Et tous ceux de vin de marmot
  Ne tendans qu'à resjouyssance.
L'estrange ruse d'un filou habillé en femme, ayant duppé un jeune homme d'assez bon lieu soubs apparence de mariage.
Sans lieu ni date, in-8.
Il est comme impossible d'esviter les ruses des filoux de Paris, puis qu'elles sont precautionnées de tant de douceur et de naifveté qu'il semble n'estre permis à un homme de bon jugement d'en avoir aucune sorte de doute, la malice des dits filoux estant montée en un point qui leur faict entreprendre des choses dont l'invention paroist estre plustost partie d'un cauteleux demon que de l'esprit d'un homme.
Il n'y a pas encores huict jours qu'un jeune homme d'assez bon lieu, faisant profession de lettres, que par raison secrette je nommeray Orcandre, estant en chemin pour s'en retourner en son logis, que l'on dit estre dans la rue Sainct-Jacques, il y auroit rencontré un filou habillé en femme, merveilleusement bien desguisé, qui, après une profonde reverence, luy dit (avec une effronterie inconcevable): Monsieur, je crains que vous n'ayez perdu le souvenir de m'avoir veuë en la compagnie d'une personne qui vous honore fort. A quoy Orcandre, après l'avoir attentivement regardée avec beaucoup d'estonnement, luy respond: Madame, il se peut faire que j'ay eu l'honneur de vous voir en quelque part; mais il y a donc fort long temps, puis qu'il ne m'en est resté aucune sorte de memoire.
Sans mentir, luy repart le filou, je suis extremement marrie de quoy vous ne vous souvenez point d'avoir parlé à moy, et encore plus de me voir si peu consolée du mal et de la peine que je souffre depuis un an ou environ qu'il y a de cette veuë, où je me trouvay si fort touchée de la bonté de vostre humeur que depuis les desirs d'en gouster les fruicts à mon aise ne m'ont pas seulement gehenné l'esprit et l'ame, mais mesme m'ont faict mespriser mille rencontres qui se sont offertes pour me marier avantageusement.
Ces paroles plaines de miel ayant doucement frappé l'oreille d'Orcandre, et quant et quant les organes de sa voix, il en perdit comme la parole, se laissant emporter dans l'espoir d'une fortune où il n'avoit jamais pensé, et qu'il croyoit indubitable.
De quoy le filou s'appercevant, et que son dessein reüssissoit si bien en ses premiers effects, en continuant sa pointe, dit à Orcandre: Et quoy! Monsieur, d'où procède le silence que vous gardez si fort? Est-ce à cause de me voir si hardie à vous descouvrir ma passion? Si cela est ainsi, representez-vous la nature de la parfaicte amour, et vous trouverez qu'elle auctorise en tout point la force de mon courage, qui me faict parler de la façon.
Orcandre ayant un peu repris ses esprits, luy repart qu'il s'estimeroit heureux si elle ne se mescontoit point et ne le prenoit pour un autre, et lui tesmoigneroit en toute sorte d'occasion qu'il estoit personne à aymer parfaictement une femme qui l'obligeroit à cela par la douceur et par la modestie.
Ceste repartie donnant plainement à cognoistre au filou que Orcandre avoit desjà un pied dans le piége, il ne s'oublia point de poursuivre pour attaindre la fin de son dessein, et à cet effet de se servir particulierement des choses qui pouvoient desgager l'esprit d'Orcandre de toutes les craintes dont il pouvoit estre touché.
Il luy dit donc que ce n'estoit point en plaine ruë où il falloit parler d'affaires, et qu'elle seroit très aise que ce fut en quelque honneste lieu que Orcandre choisiroit chez ses amis, où elle luy feroit entendre plus particulierement ses intentions, et voir que les biens dont elle avoit la libre possession et jouissance estoient plus que suffisans à leur faire gouster les douceurs d'une vie tranquille, et que mesme elle avoit grande raison de rechercher l'appuy d'un homme faict comme luy, pour mieux regir et gouverner les effects de ses negoces.
Ceste proposition parut si douce en l'esprit d'Orcandre, qu'en mesme temps elle y fut si fort empreinte, qu'il sembloit que ce pauvre abusé ne respiroit plus qu'un air de langueur en l'attente du jour qu'on devoit parler plus precisement de cette affaire, et par effect il luy dict:
Madame, puis qu'il vous plaist me faire le bien et l'honneur de me rechercher en une chose que je ne crois point meriter, ce sera donc, si vous l'avez pour agreable, chez ma cousine de Vauguerin, fort honneste femme et bien congnue pour sa vertu, que nous pourrons traicter de toutes les conditions necessaires en une semblable rencontre; là où vous pourrez apprendre que, si la fortune m'a esté avare de biens, du moins ne l'a-elle pas esté de reputation à l'endroit de toute la famille dont je suis issu. A quoy le fillou luy fit responce en ceste sorte:
Vous avez la façon trop aimable, Monsieur, pour estre autre que je ne me suis imaginée, et je prens le ciel à tesmoin si je desire d'autre caution pour m'asseurer de vostre vertu et du merite de la maison de votre naissance. Or, puisque l'heur m'en a voulu de vous avoir disposé au mesme point où je desirois vous voir, je demeure fort volontiers d'accord du lieu que vous avez choisi pour conferer nos volontez avec celles de vos amis et connoissans, et vous prie que ce soit au plustost, car je crains que la longueur ne donne moyen à mes parens de destourner une chose que je desire faire malgré eux, et dont je souhaite pationnement l'arrivée.
Pour esviter d'escrire tant d'autres discours qu'ils eurent ensemble sur ce subject, je diray seulement qu'il fut resolu que le lendemain, à deux heures de relevée, on se trouveroit chez la dite de Vauguerin, cousine d'Orcandre, à quoy il fut satisfaict et de part et d'autre.
Au quel lieu ledit Orcandre avoit assemblé beaucoup de personnes d'honneur, des connoissans, qui estoient extrêmement aises qu'une si bonne occasion luy fut escheuë, s'asseurans qu'il la mesnageroit à son advancement et à la grandeur de sa fortune.
Les compliments de part et d'autre ayant esté parachevez, le filou, qui n'avoit point oublié de se parer pour rendre sa commedie plus accomplie, ne manqua point aussi de joindre à cet apas celuy d'un visage riant, plain de douceur et de bonne grace; et, ayant jugé qu'il estoit temps de commencer sa harangue trompeuse, il dit:
Messieurs, je m'asseure qu'il n'y a pas un de vous qui ne sçache bien le subject de cette assemblée, et que les grands discours ne sont pas tousjours ceux qui advancent les choses, celle-cy particulierement n'en desirant point de semblable. Je n'ay donc rien à vous dire, sinon qu'il y a plus d'un an que j'ayme Monsieur que voilà, parlant d'Orcandre, et que je desire luy en donner une forte preuve par le lien que je recherche, n'estant pas maintenant à m'informer de ses biens, et voudrois qu'il eust faict la mesme chose des miens, afin qu'il vous peut faire entendre luy-mesme en quoy ils consistent; et, pour vous les exprimer sommairement, je vous diray que je possède par succession, tant de père que de mère, trois maisons, dont la moindre est louée six cens livres, des heritages à plus de huict cens livres de revenu, et environ huict ou neuf mil livres en marchandise qu'on amène à Paris par batteau; et, s'il y a quelqu'un qui en doute, je seray très aise qu'on diffère de parachever la chose commencée jusques à ce que, par une bonne information, on aye receu dans Melun, lieu de ma naissance et de ma demeure, le tesmoignage des veritez que je vous dis; ne craignant rien, sinon que, nos desseins venans à s'esventer, mes parens n'y apportent de l'empeschement à leur possible, me remettant toutes fois à tout ce qu'on en voudra faire.
Ce pauvre Orcandre et tous ceux qu'il avoit assemblez furent si fort esblouys de la naifveté dont le filou desguisoit si bien sa malice et sa ruse qu'en mesme temps ils dirent tous ensemble qu'il n'estoit pas besoin de s'informer davantage, craignant de perdre pour vouloir trop serrer, et mesme que les parens n'empeschassent un effect qu'ils estimoient estre le plus haut degré où la fortune d'Orcandre pouvoit jamais monster.
Tellement qu'en mesme temps le filou fut supplié à se resoudre de faire quelques largesses de ses biens à Orcandre en faveur du mariage. A quoy ne faisant aucune difficulté: Je luy donne de bon cœur, dit-il, dix mil livres en consideration de l'amour que je luy ay porté et luy porte encore plus que jamais.
Cette donnation de vent et de fumée fit naistre des impatiences nouvelles à Orcandre et à tous ses amis que les choses fussent promptement faictes, en sorte qu'ils demandèrent au filou s'il desiroit passer outre; que, pour eux, ils ne demandoient aucun delay.
Le filou, mesnageant ceste chaleur pour le dernier article de son roolle, leur dict: Messieurs, differons encore quelques jours, afin que, par la vente que je desire de faire d'un batteau de foin que j'attends de jour à autre, je puisse avoir en main de quoy rendre celuy de nos nopces plus solemnel et plus celèbre, ne desirant pas qu'il en couste à personne qu'à moy.
Ceste dernière ruse fit un puissant effect pour son dessein: car et Orcandre et tous ceux qu'il avoit assemblez, enivrez de l'esperance d'une chose dont la feinte estoit si accomplie par les desguisemens que le filou y praticquoit, lui dirent: Madame, si peu de chose ne nous doit arrester en si beau chemin; sçachez que vous ne recherchez pas l'alliance d'un homme qui manque d'amis et de connoissances; nous nous offrons de luy donner la main en tout ce qui nous sera possible, et, si nos forces ne s'y trouvoient assez grandes, nous ne craindrons pas d'y employer encores celles de nos amis, puis que c'est pour une si bonne œuvre.
Messieurs, il en sera tout ce qu'il vous plaira, luy repart le filou, et, en quelque façon que le tout se paracheve, je le tiendrai tousjours à grand bonheur pour moy.
La partie ayant esté remise au lendemain matin, on ne manqua point de se trouver, sur les huict heures, chez la dite de Vaugrin, où, les dernières resolutions du mariage ayant esté prises, et la donnation de dix mil livres faicte par le filou à Orcandre, en faveur de nopces, renouvellée par plusieurs fois, il fut deliberé de faire les fiançailles, pour ne rien obmettre en un si beau dessein.
Les fiançailles estant faictes, le filou se voit importuné de toutes parts de prendre les presens qu'on luy offroit à la foulle, les quels il recevoit avec beaucoup de froideur, faisant semblant d'estre faschée de la despense où l'on se mettoit. Cependant on parle du disner, qu'on avoit faict apprester au logis d'un de ceux qui s'estoient tousjours trouvés aux assemblées, et se mit-on en peine d'avoir un carrosse à prix d'argent pour le reste de la journée, tellement que, l'heure du disner estant venue, on emmena le fiancé et la fiancée en grande magnificence dans le dit carrosse, où estoient aussi tous les connaissans d'Orcandre, ravis du bonheur qui lui estoit arrivé, et tesmoignoient mesme en avoir quelque sorte d'envie.
Pendant le disner, il ne fut parlé que du negoce que l'on pouvoit faire par eau; en quoy le filou tesmoignoit par ses discours avoir une grande experiance, ce qui augmentoit tousjours d'autant plus l'oppinion de ceux qu'il trompoit si couvertement.
L'après diner fust convertie en visites que l'on fit, par la commodité du dit carosse de louage; et, sur l'entrée de la nuict, le fiancé et la fiancée, après avoir pris congé de la compagnie, s'en retournèrent au logis de la dite de Vaugrin, où le filou, desirant clorre son dessein par une dernière feinte, fit semblant de se trouver mal, en attribuant la cause au carrosse, dont il disoit n'avoir point accoustumé les secousses; et en mesme temps, la bonne femme de Vaugrin prenant dans l'un de ses coffres la meilleure de ses robbes et beaucoup d'autres hardes, elle en couvrit ce plus que hardy filou; ce qui l'ayant mis en bel humeur, il commença de caresser Orcandre, le priant de ne s'ennuyer pas, et l'asseurer que le lendemain, après avoir receu de l'eglise ce qu'ils en devoient esperer en leur mariage, il cueilleroit à son aise les fruicts qu'il s'en estoit promis; et cependant il entretenoit sa duperie par quelques baisers, dont il ne luy estoit point chiche.
Le lendemain venu, le filou se leva environ une heure avant le jour, et, faisant semblant de craindre de n'estre pas assez matinière[136] pour aller aux espousailles, il esveilla Orcandre et luy dict: Monsieur, avez-vous oublié ce qui fut resolu hier au soir avec messieurs vos amis et connoissans? Prenez garde: je m'assure qu'ils seront bien tost icy. Et ayant dit la mesme chose à la dite de Vaugrin, pour rendre sa fuitte moins dangereuse, il demanda si l'on ne pourroit point avoir de la lumière pour s'habiller, afin que ces messieurs venant ils les trouvassent tous prests. Et la dite de Vaugrin luy ayant respondu qu'elle alloit se lever, et qu'en après elle trouveroit bien moyen d'allumer la chandelle, le filou, encores qu'il sceust bien qu'il ne falloit que sortir la porte de la chambre pour aller aux aisemens, luy repart: Vrayment, Madame, vous ne me sçauriez obliger d'avantage qu'en faisant ce que vous dictes: car, estant extremement pressée, comme je suis, d'aller à la scelle, je ne puis guères attendre davantage et n'ose en entreprendre le chemin sans lumière, craignant que les aisemens ne soient fort esloignez de ceste chambre et de me blesser en la montée, où il faict encore bien noir. La bonne femme de Vaugrin, ne se deffiant de rien, luy repart de rechef: Puis que vous estes si pressée, vous n'avez qu'à ouvrir la porte, dont elle luy donna en mesme temps la clef, et vous trouverez les aisemens à deux ou trois montées au dessus, sans aucun danger et sans aucune peine.
Cet insigne filou, qui avoit vestu les habits de la dite de Vaugrin sur les siens, et avoit les mains pleines de bagues et autres presens qu'on luy avoit faicts le jour auparavant, qui se montoient à plus de deux à trois cens livres, ayant ouvert la porte, il prit la fuitte, et laissa le pauvre Orcandre et la bonne femme de Vaugrin dans des estonnemens et des desplaisirs incroyables.
Voilà, sans aucun artifice, le recit de ce qui a esté dict et faict de plus remarquable en ceste rencontre.
Le Passe-port des bons Beuveurs, envoyé par leur prince pour conserver ses ordonnances, dedié à ceux quy sont capables d'en jouir. Ensuitte la lettre generalle d'escorniflerie[137] et l'arrest des Paresseux.
A Paris.
S. D. In-8.
A tous presens, passez et à venir. De la part de monseigneur, monseigneur le recteur, vice-recteur, doctorateur, chancelier, garde des bouteilles, procureur general, controlleur des viandes et autres subjects du corps chancelant de l'université bachique establie pour l'erudition de ceux quy aiment à savourer le nectar, et principallement les enfans de ceste celèbre ville de Paris, soubs la protection de monseigneur, salut et dilection sempiternelle en celuy quy primus plantavit vineam.
Comme ainsy soit ceux qui font profession de bien laver leurs tripes du jus quy sort des pipes, comme a fort bien remarqué Bruscambille sur le quatrième chapitre de l'epitre Ad ebrios, in vino veritas, la verité est dans le vin, comme le vin dans la bouteille, que nous susdits, desirant satisfaire à ce point assez à la verité, savoir faisons à tous ceux qu'il appartiendra qu'aujourd'huy nostre bien-aimé et tous nos consorts, après avoir esté interrogé sur plusieurs points, ayant beu en prelude à la santé du roy, à la Royale, à la Ducale, à la Turcque, à la Grecque, à la Suisse, à la Pistache, à la Romanesque, à la Grimouche, à la Comedienne, en Joueur de paume, à l'Occasion, en Vigneron, en Musicien, en Je ne sçay qui intermedium, à la Sourdine, à la Bobille, en Tirelarigot[138], tanquam sponsus, sicut terra sine aqua, en Courtier, en Epilogue, etc., etc., etc., etc., etc., etc.; après avoir recogneu par amples certificats qu'ils sont tonsurez et qu'ils peuvent d'un poignet asseuré lever le cul d'une bouteille; que leurs escripts sçavans leur serviront de commencement à leur dessert à conter merveilles; qu'ils boivent le vin par les nazeaux comme l'arc-en-ciel fait des eaux; que jamais le soleil ne les a veu lever si matin qu'ils n'eussent beu, et qu'au soir jamais la nuict noire, tant fust-il tard, ne les aye veu sans boire, ont acquis honorifiquement les degrez de docteurs en la faculté de l'Université bachique.
Voulons et faisons savoir à tous ceux de nostre dicte caballe que, pour les recompenser de leurs vertus et merites, il leur sera permis de vivre jusqu'à leur mort, en depit de tous ceux quy y voudront mettre empeschement, et leur dite mort ne sera qu'un passage pour aller escorniffler en l'autre monde et in transmigrationem Babilonis, c'est-à-dire qu'ils seront logez par etiquette dans un merveilleux chasteau, dont la description s'ensuit[139]:
Premierement, le pont levis dudict chasteau est faict de pain de Gonnesse.
Les fossez sont pleins de bons vins muscat, où l'on voit ordinairement potage gras et espissé à la mode des Suisses, gigots de moutons, jambons tous en vie quy se jouent dedans en guise de brochets et de carpes.
Les murailles sont faictes de grosses pièces de bœuf salé entassées les unes sur les autres en façon de pierres de taille.
Les moulures frisées, corniches et architectures sont composez de cervelas, andouilles, boudins et saucisses.
La tapisserie qui est dedans ne sont que perdrix rosties, oisons farcis, pastez chauds, levraux à la sauce douce, poulets fricassez, salades, grillades, capilotades et carbonades.
La fontaine du lieu est tousjours pleine de hachis et de salmigondis.
Les portes sont composez de belles, bonnes et friandes tartes attachez avec des gonds de macarons et biscuis.
La court est pavée de toute part de dragées, poix musquez, noix confites, muscadins et mirobolans.
La couverture est faite d'ecorce de citron, arrangée comme fines ardoises.
L'arsenac dudict chasteau est remply d'un grand attiral de poilles, de poillons, bassins, chaudrons, lechefrites, pots, pintes, chopines, cruches, assiettes, escuelles, plats, cuillers, fourchettes, grils, cousteaux, chesnets, chandeliers, lampes, broches, marmites, bancs, tables, tabourets, landiers, chaudières, seaux, nappes, serviettes, tisons, fagots, busches, bourrées, entonnoirs, verres, tasses, gondoles et autres menus fatras.
Certifions toutes lesdites choses certaines et veritables; mandons à tous ceux quy ne le voudront croire d'y aller voir: car tel est nostre plaisir.
Enjoignons à tous nos ordres fessiers, je veux dire officiers, de ne jouir de ladicte escorniflerie sans au prealable avoir pris de nos lettres, et deffendons à tous nos subjects de l'un et l'autre sexe, de quelque qualité et condition qu'ils soient, de troubler ces presentes.
Donné en nostre chasteau de Breses, à onze heures du matin, jour de septembre trente-deuxième, quatre mille quatorze cens quatorze vingts quatorze ans, quatorze mois, quatorze septmaines, quatorze jours, quatorze heures, quatorze minutes et quatorze momens après la creation du monde.
Factum du procez d'entre messire Jean et dame Renée.
Quicquid tentabat dicere versus erat.
S. D. In-8.
De Mesme[141], à toy-mesme semblable
  Pour la justice inviolable,
  Et vous, les anges du conseil
  De vostre Mesme non pareil,
  Il vous faut la verité dire.
Il est vray que nostre messire,
  Clerc alors, alors escolier,
  Laïque alors et seculier,
  Je ne sçay pas en quelle année,
  Des mains de madame Renée
  A reçeu la somme de tant,
  Mais sans luy demander pourtant.
Comme il se plaignoit à sa tante,
  Sa compagne, outre son attente,
  Avec des escus intervint,
  Dont il en prit environ vingt.
  Eust-il refusé leur bel offre?
 Elles en ont d'autres au coffre!...
  Les plus reformez sont vaincus
  Par le blond lustre des escus[142].
Vrai est que par obeissance
  Il leur en fit recognoissance,
  Et vray qu'en l'obligation
  Il a mis la condition
  De ne payer qu'au prealable
  Il n'eust moyen. Au cas semblable,
  Il est très veritable encor
  Que la dame, en livrant cest or,
  L'asseura que de la cedule
  Ne s'ensuivroit poursuite nulle,
  Et qu'elle en soit prise à serment:
  Il ne ment, pour luy, nullement.
  Et toutesfois dame Renée,
  Contre la parole donnée,
  A tout propos, mal à propos,
  Ne le laisse point en repos.
  A peine est-il seur en l'eglise,
  Où les criminels ont franchise[143].
  Elle en veut, il n'a pas de quoy.
  Necessité n'a point de loy.
  Messire Jean est pauvre prestre.
  Riche de rien l'on ne peut estre.
  Il n'a rente ny revenu,
  Gros benefice ny menu;
  Il n'a pas mesme une chapelle:
 Au blanc il est[144], blanc on l'appelle[145]:
  De tout il est destitué:
  Il n'est pas mesme habitué[146].
Bien est vray que dame Simonne[147]
  A cure pour qui la sermonne;
  Mais ce n'est pour luy ses morceaux,
  C'est aux Angevins et Manceaux:
  Sur Monstreuil Bellay son attente
  Encore incertaine est flotante;
  Sur la Flocelière il ne peut,
  Le marquis toutesfois le veut.
  Dès qu'il aura le benefice,
  Le moindre annuel ou service,
  Il luy promet de s'acquitter.
  Soy-mesme il veut s'executer.
  Si la fortune n'en envoyé,
 Il ne sçait point un autre voye.
  Ses escoliers sont enlevez
  Par les jesuites arrivez.
  Il n'a plus ny landis[148], ny toiles,
  Ny chandelles: il lit aux estoiles.
  Un petit clerc des Bernardins,
  Attentif après ses jardins,
  Perd la memoire de l'année;
  Un autre à demy l'a donnée.
  Celuy qui payoit pour Renaut
  En Champagne a gaigné le haut;
  L'un est allé moisne se rendre,
  L'autre ne veut plus rien apprendre;
  La maille il n'a pas de Maillé,
  D'en avoir il n'est pas taillé.
  Il n'est plus de galand au monde;
  Un autre plus ne le seconde;
  Il n'est plus d'abbé de Tyron[149]
  Qui le retienne en son giron.
  Un seul moyen luy reste à vivre:
  Au libraire il revoit un livre
  Et violente son humeur
  Pour corriger un imprimeur,
  Et c'est où la demanderesse
  Pour avoir de l'argent s'adresse.
Quel besoin qu'il vint un huyssier
 Encor, appellé Menecier,
  Luy signifier la requeste?
  Il a bien autre affaire en teste:
  Il soigne à la correction
  De l'espineuse impression;
  Il veille après le Sainct-Gregoire[150];
  Il perd le manger et le boire;
  L'Aristophane qu'il traduit
  Interrompt son repos la nuict:
  Liber encor est à la porte,
  Qui de ses feuillages apporte.
  Les escoliers chomment après,
  Et les imprimeurs sont tous prests
  De faire de nouveaux dimanches,
  Donnant au Blanc des formes blanches.
Colas le Duc, à Laon, d'ailleurs,
  Emporte ses habits meilleurs,
  Et son argent; il le fait courre
  Pour essayer à le recourre;
  Il faut qu'à son autre garçon
  Il face rendre sa leçon;
  Le Clerc le presse de sa rime;
  Il n'a pas encore dit Prime,
  Il n'a pas dit son chapelet,
  Comment aller au Chastelet?
Sans paroistre à l'heure assignée,
  Il consent que dame Renée
  Se paye sur Pierre le Lon[151].
 Or il est à la paye long.
  Plus, il luy cede une autre somme
  Que luy doit Freval[152], pareil homme,
  Et les mois de son escolier;
  Il l'avoit jà dit à Choulier,
  Qui n'a laissé de le poursuivre;
  Mais sans plaider il ne peut vivre.
Quand au payement de tous frais,
  Despens, dommages, interests,
  De leurs nullitez il proteste,
  Puisqu'il a rendu manifeste
  A Choulier, et puis au sergent,
  Qu'il cedoit l'arrest de l'argent.
Quant à l'usuraire demande,
  Elle en devroit payer l'amende.
  Au quatorzième chant royal,
  Tout usurier est desloyal,
  L'on doit fuir sa compagnie:
  Un saint canon l'excommunie.
Vous avez au bon droit esgard.
  Cependant, Messieurs, Dieu vous gard!
  Vous mesme à nul autre semblable
  Pour la justice inviolable,
  Et vous, les anges du conseil,
  De vostre Mesme nompareil.
Perdere scit, donare nescit.
Le Purgatoire des Hommes mariez, avec les peines et les tourmentz qu'ils endurent incessamment au subject de la malice et mechanceté des femmes, quy le plus souvent leur sont données pour penitence en ce monde. Traicté non encore imprimé jusqu'à present, et adressé à ceux et celles quy ne se comportent en leur mesnage selon les loix de la raison.
A Paris, jouxte la coppie imprimée à Lyon, par François Paget, imprimeur.
M.DC.XIX.
In-8o.
Les anciens payens, bien qu'ilz ne recognoissent le mariage pour un grand mistère, comme nous, estoient neantmoing en ce subject plus religieux que nous: car ils estimoient que les mariz estoient les maistres du corps et de la substance des femmes, pour en disposer à leurs plaisirs.
Et maintenant l'on voit ordinairement que quelques hommes pensent prendre des femmes pour en tirer de la compagnie, de l'amitié, de la consolation en leurs adversitez, et neantmoing, quand ils mènent leurs femmes en leurs maisons, ils mettent le plus souvent un enfer pour les tourmenter incessamment et pour combler leur vie de toutes les misères et tribulations, et ce quy est la cause du raccourcissement de leurs jours.
Car souventefois il se trouve des femmes quy font honte à des furies infernales, nées en ce monde pour tourmenter leurs maris; et encore en ces ames molles d'hommes, quy, trop uxorieux[153] et attendriz de ce sexe, trouvent estrange que des maris usent quelques fois de main mise, les quelles à tout le moins doivent recognoistre que les maris ont autant de puissance sur les femmes que l'esprit sur le corps en servitude, pour ne perdre la dignité que Dieu luy a donnée, ce qui occasionne les maris de chastier les femmes quand, au lieu de fidelles compagnes, elles veulent estre la gêne, la torture et la croix des maris; que les femmes ostent le ver quy leur ronge les esprits[154], incessamment plus pernicieux pour elles que ne sont des lions ou serpens, estant les feux quy leur rongent et devorent journellement les veines.
Les femmes doivent estre tellement conjointes et obtemperées à la volonté des maris que, quant bien ils les battroient, les affligeant de paroles fastidieuses et grossières, elles sont toutefois tenues de fleschir à leurs maris. Sont-ils subjets au vin? La nature les a conjoinct ensemble. Sont-ils sevères, cruels, fascheux et implacables? Ce sont neantmoings leurs membres, voire leur chef, le plus excellent de leurs membres, comme disoit elegamment sainct Basile (Homel. 7, Exameron).
Les esclaves pouvoient entierement changer de maistre, mesme auparavant le decès des leurs; mais, quant à la femme, elle est serve pendant que son mary est en vie, et liée à la loy et volonté de son mary, ce dit sainct Chrysostome (Inferm., de lib. repud.), et les humeurs fascheuses des maris ne peuvent excuser les femmes de se separer d'avec eux. Nous voyons qu'en nostre corps nous avons plusieurs vices et imperfections: l'un est boiteux, l'autre est tortu, l'autre a la main sèche, et ainsy des autres defaux, et neantmoing il ne se treuve personne si imparfait qui prenne en haine sa propre chair; mais un chacun la nourrit et l'entretient. Il ne se plaint point, il ne coupe point la partie vitieuse, mais la prefère le plus souvent à celle quy est la meilleure: car elle est à luy. Aussy ne faut-il pas que les femmes, quy sont mesme chair avec leurs maris, et quy sont faictes leurs membres par le mariage, se separent d'avec eux pour quelques causes et imperfections que ce puisse estre; tant s'en faut qu'elles les puissent trainer en justice comme une personne estrangère.
Premierement, la loy de Dieu, qui veut que les femmes laissent pères et mères pour suivre leurs maris (Genes., chap. 1), et donne puissance au mary des vœux de sa femme (Numer., chap. 30), qui luy est subject comme les membres sont à leur chef (Ester., cap. 1, 1; Corint., 2 et 1; Petr., 3 chap.); c'est pourquoy que la langue saincte, qui a nommé toute chose selon la vraye nature et proprieté, appelle le mary Basal, c'est le seigneur et maistre, pour monstrer que c'est aux maris à commander, et de chastier les femmes quand elles leur desplaisent et sont desobeissantes à leurs commandements.
Mais, pour abreger les descriptions des femmes, usant des termes de ce que dit un certain poète, sans toutesfois y mettre au nombre d'ycelles celles quy ont la prudence et la sagesse en recommandation, comme estant chose très contraire,
Le premier père Adam, prestre, par l'Eternel,
  Dès sa creation fut rendu immortel.
  Tout le temps qu'il fut seul, sa vie fut heureuse;
  Mais lorsque de sa chair la femme s'anima,
  Elle ravit son cœur, et luy si fort l'aima
  Qu'il mourust pour l'amour de sa faim malheureuse.
Ouy, femme, ô que ton cœur est faux et enragé!
  Les plus sainctz et devotz tu as trop outragé;
 Tu as remply les cœurs de rage et de furie.
  Ce grand poète, grand roy, ce grand prophète sainct,
  De la crainte de Dieu ne fut jamais atteinct
  Quand il perdit pour toy son capitaine Urie.
L'on ne voit animaux soubz la voute des cieux
  Plus cruels et felons et tant pernicieux
  Qu'est ce genre maudit, o très maudites femmes!
  Les dieux, nous punissant, vous logèrent çà bas
  Pour cizailler nos cœurs d'un eternel trepas.
  Des damnez malheureux plus saintes sont les ames.
Ny du foudre eclatant l'epouvantable bruit,
  Ny les affreux demons quy volent jour et nuit,
  Ny les crins herissez de l'horrible Cerbère,
  Ny du Cocyte creux la rage et le tourment,
  Ny du Père eternel le sainct commandement,
  Ne sçauroit empescher la femme de mal faire.
Memoire touchant la seigneurie du Pré-aux-Clercs, appartenante à l'Université de Paris, pour servir d'instruction à ceux qui doivent entrer dans les charges de l'Université.[155]
A Paris, chez la veuve de Claude Thiboust et Pierre Esclassan, libraire-juré et imprimeur ordinaire de l'Université, place de Cambray, vis-à-vis le collége Royal.
M.DC.XCIV.
In-4.
Anno Domini 1694, die quarta mensis septembris, habita sunt comitia ordinaria delegatorum Universitatis apud amplissimum D. Rectorem M. Edmundum Pourchot, in collegio Mazarinæo, in quibus inter cætera dixit ampliss. D. Rector sibi semper summopere cordi et curæ fuisse ne amplius Academiæ bona in incerto essent, sed tuto loco collocarentur eaque deinceps citra fraudem administrarentur; ideoque diplomate regio, ad Prætorem urbanum, jurium Academiæ facultatem conficiendi librum censualem, quo quincunque in dominio academico seu Prato Clericorum, ut vocant, prædia possident, nomen suum profiterentur, unde acquisivissent, quidve annui census aut reditus deberent singuli declararent; rem jam ad exitum esse perductam, paratamque brevem eorum omnium prædiorum simul et possessorum descriptionem, ex qua, si modo, et olim jam placuit, publici juris fieret, documentum commode capiant viri Academici; proinde sibi videri e re esse Academiæ eum typis mandari.
Re in deliberationem missa, audito prius M. Gilberto Hebert, pro procuratore generali Universitatis, qui una cum M. Medardo Colletet, Academico quæstore, in eam quoque rem incubuerat, omnes sententiam dixerunt hoc ordine.
M. Petrus Guischard, sacræ Facultatis Theologiæ decanus, dixit summo se affici gaudio quod tandem absolutum esset illud opus jam diu a se expectatum, de quo sæpius ad sacrum ordinem retulisset, nec quicquam morari se quin statim in lucem prodeat.
M. Vincentius Collesson, consultissimæ utriusque Juris Facultatis decanus, idem censuit, addiditque certissimam esse hanc viam occurrendi fraudibus hactenus in administratione patrimonii Academici fieri solitis; atque universam Academiam amplissimas teneri agere gratias iis omnibus qui in id opus, ex quo tantum emolumenti sperare liceat, aliquid contulerint; maxime ampliss. D. Rectori, auctori et suasori hujus consilii, quo res Academiæ restituit.
M. Claudius Berger, saluberrimæ Facultatis Medicinæ decanus, idem comprobavit, eoque libentius, quod, ubi, primum jam ab octodecim mensibus sermonem ea de re fecisset ampliss. D. Rector, palam testatus fuerit nihil posse fieri utilius ut prospiceretur rebus Academiæ.
M. Joannes-Baptista Freteau, honorandæ Gallorum nationis procurator, gratias quoque habuit ampliss. D. Rectori de suo in rem Academicam studio, ejus consilium approbavit, et opus, cui etiam ipse allaboraverat, protinus in lucem edendum, quasi Academiæ utilissimum futurum, censuit.
M. Guillelmus Jourdain, fidelissimæ Picardorum nationis procurator, in eamdem sententiam abiit.
Idem olim censuerant M. Joannes Desauthieux, et M. Cornelus Nary: ille venerandæ Normanorum, hic constantissimæ Germanorum nationis procurator; quod etiam ab eorum successoribus fuit confirmatum, atque ita ab ampliss. D. Rectore conclusum.
Memoire instructif touchant la seigneurie du Pré-aux-Clercs, appartenante à l'Université de Paris.
La seigneurie que l'Université de Paris possède au fauxbourg Saint-Germain s'appelle communement le Pré-aux-Clercs, parce qu'anciennement ce n'estoit qu'un grand pré qui estoit destiné pour la promenade des ecoliers. Ce pré estoit divisé en deux parties par un fossé ou cours d'eau de treize à quatorze toises de large, qui commençoit à la rivière de Seine, et, traversant sur le terrain des Petits-Augustins, à peu près à l'endroit où est aujourd'huy l'eglise, alloit se rendre dans les fossez de l'abbaye, proche la poterne qui y estoit alors; c'est-à-dire que ce cours d'eau repondoit à peu près au coin de la rue de Saint-Benoist, à l'extremité du jardin de l'abbaye; on le nommoit la petite Seine[156]. La partie du Pré la plus proche de la ville, comme plus petite, fut nommée le petit Pré, et celle qui s'estendoit vers la campagne, comme plus grande, s'appella le grand Pré-aux-Clercs.
L'Université tient incontestablement ce patrimoine de la libéralité de nos rois. L'opinion la plus commune est que l'empereur Charlemagne le demembra de la couronne sur la fin du huitième siècle, pour le donner à l'Université, qu'il avoit etablie. Mais, quand mesme elle ne le tiendroit que de quelqu'un de ses plus proches successeurs, elle peut toujours se vanter avec asseurance qu'elle n'a point eu d'autres fondateurs que nos rois, temoin le nom illustre de leur fille aînée, dont ils ont bien voulu l'honorer.
Elle possède donc ce domaine en pleine propriété et seigneurie, sans aucune servitude, et comme une terre de franc-aleu, et tous les procès qui luy ont esté faits sur ce sujet en divers temps ont plutost regardé l'étendue que la propriété du fond[157].
Ceux qui ont le plus souvent inquiété l'Université pour raison de ce bien ont esté messieurs les abbés et religieux de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prez, parceque, leurs murailles touchant, pour ainsi dire, au grand et petit Pré-aux-Clercs, ils le trouvoient fort à leur bienseance, et ils auroient bien voulu l'incorporer à leur domaine, ou du moins en empieter la meilleure partie; mais les ecoliers y alloient trop frequemment pour ne pas s'appercevoir des entreprises qu'ils y auroient pu faire; c'est ce qui engageoit ces religieux à leur susciter tous les jours de nouvelles querelles, afin de les degouter tout-à-fait de cette promenade et pouvoir plus aisement s'etendre sur l'un et l'autre pré, ou s'en emparer dans la suite, comme d'un bien abandonné.
En l'année 1254, messire Raoul d'Aubusson, chanoine d'Evreux, ayant acheté de ces messieurs de l'abbaye une pièce de terre de 160 pieds en quarré, moyennant 4 sols de redevance annuelle, cette place[158] luy parut tout-à-fait propre à faire un chemin commode aux ecoliers pour aller à leur pré, et, jugeant que c'estoit le veritable moyen de leur oster le pretexte de se quereller avec les domestiques de l'abbaye, il en disposa quatre ans après en faveur de l'Université.
Cette pièce de terre fut dans la suite l'origine et la source, ou du moins le pretexte, de bien des chicanes et des troubles; car messieurs de l'abbaye, fachés de la voir au pouvoir de l'Université, n'oublièrent rien pour la luy oster, et, ne pouvant en venir à bout par les voyes de droit, parce qu'ils l'avoient alienée sans contrainte, ils mirent en usage les voyes de fait, jusques là mesme que, dans une querelle qui s'emeut en l'année 1278[159] entre les ecoliers et les domestiques des moines, il y eut deux ecoliers de tués, sans compter un grand nombre de blessez dangereusement[160]; de quoy l'Université ayant porté ses plaintes devant Philippe-le-Hardy, lors regnant, ce prince, après avoir fait soigneusement informer de la verité, rendit, au mois de juillet de cette année 1278, un arrest celèbre par lequel il ordonna, entr'autres choses, qu'il seroit fondé deux chapelles aux depens de l'abbaye, l'une dans la vieille chapelle de Saint-Martin-des-Orges, joignant les murailles de l'abbaye, et l'autre dans l'eglise du Val-des-Ecoliers, où les deux qui avoient esté tuez estoient inhumez; lesquelles deux chapelles seroient rentées de 20 livres parisis chacune, et que, vacance avenant, les chapellenies d'icelles seroient à la nomination du recteur de l'Université[161].
Cependant, comme l'Université vit qu'il luy seroit assez difficile de se conserver cette place d'Aubusson, messieurs de l'abbaye temoignant trop d'empressement pour la r'avoir, elle aima mieux la leur ceder, à la charge neanmoins qu'ils y souffriroient un grand chemin de 18 pieds de large, pour que les ecoliers pussent aller commodement au Pré-aux-Clercs; et comme le chemin creux ou cours d'eau[162] qui faisoit la separation du grand et petit pré pouvoit encore donner occasion à quelque nouvelle querelle et qu'il accommodoit fort messieurs de l'abbaye, parce qu'outre qu'il conduisoit l'eau dans leurs fossez, il estoit encore fort poissonneux, l'Université, par la transaction qu'elle passa alors avec eux, eut la facilité de le leur abandonner avec le droit de pêche, qui luy appartenoit comme seigneur du lieu, le tout moyennant 14 livres de rente annuelle, ce qu'ils acceptèrent avec joie, et firent mesme confirmer par lettres-patentes du roi Philippe le Hardy.
L'Université, pensant avoir acquis la paix par la cession qu'elle venoit de faire à messieurs de l'abbaye de la place d'Aubusson et du fossé de separation d'entre le grand et le petit pré, crut ne devoir plus songer qu'à l'entretenir religieusement; mais elle se vit bientost tombée dans de nouveaux troubles: car, quoy qu'il fût specialement porté par la transaction qui avoit esté faite que les ecoliers auroient sur cette place d'Aubusson un chemin libre de la largeur de 18 pieds, pour aller au Pré-aux-Clercs, cela n'empêcha pas qu'on ne les insultât toutes les fois qu'ils y passoient, et que mesme on ne les maltraitât. L'Université eut beau deputer de ses officiers vers l'abbaye, elle n'en eut pas plus de satisfaction; et comme elle apprehendoit avec assez de raison qu'il n'arrivât encore quelque affaire pareille à celle de l'année 1278, elle s'adressa au pape, qui nomma, par son rescrit du 15 juin 1317, les evêques de Senlis et de Noyon, pour informer des voyes de fait que l'Université alleguoit avoir esté pratiquées ou du moins autorisées par les religieux contre ses supposts et ecoliers[163].
Messieurs de l'abbaye ne se trouvèrent pas dans la disposition de se soumettre à la jurisdiction des commissaires nommez par le pape, et, pour l'eluder avec plus de pretexte, ils soutinrent que la justice sur le Pré-aux-Cleres leur appartenoit, et qu'elle leur avoit esté usurpée par l'Université; sur quoy, ayant presenté leur requeste à la cour, ils eurent l'adresse de la faire sequestrer par arrest du 2 may 1318, pendant la contestation (debato durante).
Enfin, après vingt-sept années de chicane, l'Université, fatiguée de tant de traverses pour un terrain qui luy estoit infructueux, et voulant acheter la paix à quelque prix que ce fût, souscrivit à une nouvelle transaction avec les dits religieux, par laquelle elle leur ceda de nouveau la place d'Aubusson avec le fossé ou bras d'eau de la rivière de Seine, et les religieux payèrent de leur part à l'Université la somme de 200 livres parisis pour les arrerages qui pouvoient estre dus de la rente de 14 livres qu'ils s'estoient obligez de leur payer cinquante-trois ans auparavant, lors de la première transaction qu'ils passèrent avec elle; et, pour mieulx confirmer cette paix et pour avoir mieulx l'amour et la faveur de l'Université, les dits religieux perpetuellement donnèrent, delaissèrent et transportèrent tout ce qu'à eux appartient ou appartenir pourroit au temps advenir à la dite Université ès patronages des eglises, c'est à sçavoir de Saint-André-des-Arcs et de Saint-Cosme et Saint-Damien à Paris, ce qu'ils firent approuver par une bulle de Clément VI l'an 1345.
En 1368, les religieux, ayant eu ordre de fortifier leur abbaye et d'abattre les maisons qui en estoient proches, pour en faire une espèce de citadelle qui pût resister aux incursions des Anglois, la chapelle de Saint-Martin-des-Orges[164] avec la maison du chapelain, qui estoient sur le fonds de l'Université, se trouvant estre du nombre de celles qu'il falloit demolir, ils donnèrent à l'Université, par forme de dedommagement tant du patronage de cette chapelle que de la maison du chapelain, le patronage qui leur appartenoit de la cure de Saint-Germain[165]-le-Vieil, avec 8 livres de rente, à prendre en une de 10 livres qui leur estoit due sur une maison sise dans la ville près du couvent des Augustins; et, comme ils avoient encore besoin de terrain pour élargir leurs fossez et faire des tranchées, l'Université leur accorda deux arpens dix verges de terre à prendre dans l'un et l'autre pré, et eux s'obligèrent de luy en rendre deux arpens et demi joignant le petit pré vers la rivière.
Les choses demeurèrent paisibles, du moins en apparence, jusques vers l'année 1538, que, Paris commençant à s'augmenter et à s'aggrandir, les religieux de l'abbaye alienoient tous les jours de leur fonds, qu'ils donnoient à cens et rentes; et, comme il estoit contigu au Pré-aux-Clercs, il leur estoit fort facile d'en demembrer toujours quelque morceau, l'Université ne pouvant pas, à cause de ses occupations continuelles, estre toujours presente ny aller toiser les places que messieurs de l'abbaye vendoient aux particuliers.
Cependant, comme sur la fin de l'année 1539 l'Université s'apperçut que le petit Pré-aux-Clercs, outre qu'il diminuoit tous les jours, ne luy estoit qu'à charge, elle fut conseillée de le bailler aussi à cens et rentes pour y bastir des maisons[166], ce qu'elle a aussi fait dans la suite d'une bonne partie du grand Pré.
Mais, pour plus aisement concevoir comment ce domaine, qui de son origine n'estoit qu'une grande place vague et infructueuse, a changé de nature dans la suite des temps, nous le diviserons en trois parties par rapport aux trois differens temps qu'il a esté donné à cens et rentes par l'Université, tant pour empescher les usurpations qui se faisoient journellement que pour en retirer quelque profit.
La première partie sera composée de ce qui est communement appellé petit Pré-aux-Clercs, donné à cens et rentes par l'Université à M. Pierre le Clerc, vice-gerent du conservateur des privileges apostoliques de l'Université, par contract du dernier mars 1543, à la charge de 2 sols parisis de cens et de 18 livres de rente par arpent, aux droits duquel l'Université a esté subrogée dans la suite au moyen d'un acte passé par le dit le Clerc le 17 aoust 1548, qu'il confirma par un contract de retrocession du 31 octobre 1552.
La seconde partie fera mention des six arpens de terre dependans du grand Pré, donnez à cens et rentes par l'Université à la reine Marguerite par contract du dernier juillet 1606, contre lequel l'Université s'estant pourveue aussi bien que contre l'arrest du parlement qui l'avoit homologué, intervint arrest contradictoire de la dite cour, le 23 octobre 1622, par lequel il fut ordonné que, sans s'arrester au dit contract du dernier juillet 1606, ny à l'arrest d'homologation d'iceluy, les baux faits par la dite reine Marguerite ou par les Augustins, ses donataires, retourneroient au profit de l'Université.
Et la troisième partie consistera au surplus du dit grand Pré-aux-Clercs, donné à différens particuliers aussi à cens et rentes, depuis le 31 aoust 1639 jusqu'à présent.
PREMIÈRE PARTIE,
Contenant l'alienation du petit Pré-aux-Clercs.
Ce fut en l'année 1540 que l'Université passa un premier contrat d'alienation du petit Pré à M. Pierre Le Clerc, vice-gerant du conservateur des priviléges apostoliques de la dite Université; mais la minute et la grosse de ce contrat s'estant trouvées adirées, et le dit Le Clerc ayant esté troublé, l'Université luy fit un nouveau bail le 31 mars 1543[167], à la charge du cens et de 18 livres de rente par arpent.
Ce nouveau preneur commença d'abord par disposer de partie du dit petit Pré-aux-Clercs en faveur de plusieurs particuliers, à la charge du cens envers l'Université et d'une rente applicable à son profit à proportion de la quantité de terre qu'il donnoit.
Ce procedé fit murmurer quelques officiers de l'Université, et, pour les appaiser, le dit Le Clerc passa un acte le 17 avril 1548, qui fut suivy d'un contrat d'abandon du dernier octobre 1552, au profit de l'Université, de tous les emolumens qu'il auroit pu retirer de ses sous-baux[168], à la charge par l'Université de les entretenir; et par le mesme contrat le dit Le Clerc se reserva une place qu'il avoit fait enclorre de murs, à la charge du cens tel qu'il plairoit à l'Université.
Sous-Baux faits par le sieur Le Clerc.
Le premier, d'un morceau de terre propre à faire maison, par contrat du 4 octobre 1543, à M. Martin Fretté, clerc au greffe criminel de la Cour, moyennant 10 deniers parisis de cens, 10 livres tournois de rente.
Le deuxième, du 9 des dits mois et an, d'une autre petite portion de terre, à Nicolas Delamarre, moyennant 1 denier de cens et 2 sols de rente.
Le troisième, du 5 janvier 1544, à Guillaume Maillard, libraire, d'une pièce de terre contenant 142 toises, moyennant 4 deniers parisis de cens et 17 livres 15 sols de rente.
Le quatrième, du dit jour 5 janvier 1544, à Husson Frerot, doreur sur fer, d'une pièce de terre contenant 146 toises, moyennant 4 deniers de cens et 25 livres 10 sols de rente.
Le cinquième, des dits jour et an, à Richard Carré, brodeur, d'une pièce de terre contenant 138 toises, moyennant 4 deniers parisis de cens et 24 livres de rente.
Le sixième, du 18 juin 1545, à Nicolas Baujouen, aussi brodeur, d'une pièce de terre contenant 157 toises, moyennant 4 deniers parisis de cens et 15 livres 14 sols de rente.
Le huitième, des mesmes jour et an, à Jean Dupont, sergent à verge au Chastelet, d'une pièce de terre contenant 168 toises, moyennant 4 deniers parisis de cens et 16 livres 16 sols de rente.
Le neuvième et dernier, du 7 may 1546, à Jean Courjon, marchand mercier, d'une pièce de terre contenant 380 toises, moyennant 8 deniers de cens et 25 livres de rente.
De manière que le dit sieur Le Clerc avoit disposé de 15 à 16 cens toises de terre du dit petit Pré avant la retrocession qu'il en fit après à l'Université, sans y comprendre le jardin qu'il se reserva, sur lesquelles places sont aujourd'huy baties plusieurs maisons dans les rues du Colombier et des Marais, dans l'ordre et ainsi qu'il va estre expliqué.
Première maison, rue du Colombier[169].
La première maison où se trouve aujourd'huy commencer la censive de l'Université est la sixième que l'on rencontre à main droite dans la rue du Colombier, y entrant par la rue de Seine, la gauche et le commencement de la dite rue estant aujourd'huy de la censive de l'Abbaye.
Cette maison est bastie sur 64 toises de terre, faisant partie de 138, que M. Pierre Le Clerc donna à cens et rente, par contrat du 5 janvier 1544, à Richard Carré, brodeur, moyennant 4 deniers parisis de cens et 24 livres de rente, laquelle, par acte du 3 juillet au dit an, ayant esté reduite à 17 livres 5 sols, il en fut le dit jour racheté 13 livres 15 sols, et le surplus, montant à 3 livres 10 sols, declaré non rachetable[170].
Ces 64 toises de terre furent vendues par le dit Carré au sieur Adam Godard, marchand au Palais, par contract du 28 aoust 1554; sur lesquelles ayant fait bastir une maison avec cour et jardin, il la revendit, par contract du 29 janvier 1556, à François Desprez, commis à relier les livres de la chambre des comptes[171], et à Catherine Longis, sa femmes[172].
La dite veuve Desprez, après la mort de son mary, donna, par contrat du 29 janvier 1557, en contr'échange de la moitié de la dite maison (l'autre luy appartenant, à cause de la communauté), à Nicolas Bonfils, à cause de Michelle Desprez, sa femme, et à Raoul Brojard, à cause de Nicole Desprez, aussi sa femme, filles et heritières du dit defunt et d'elle, une rente sur la ville, au moyen de quoy la totalité de la dite maison luy appartint[173].
La dite veuve Desprez epousa en secondes noces Christophe Godin, chirurgien, dont elle eut Jean et Catherine Godin, lesquels, après sa mort, echangèrent, par contract du 23 juillet 1597, la susdite maison, avec Jean Petit, procureur au parlement, contre 600 livres comptans et 100 livres de rente sur un particulier.
Le dit M. Petit racheta, le 22 avril 1598, la rente de 35 sols dont la dite maison estoit chargée.
Le 8 juillet 1624, damoiselle Anne Petit, sa fille et heritière, veuve de M. Jerôme Godefroy, procureur au parlement, vendit la dite maison à M. Michel Pousteau, aussi procureur.
Le 17 septembre 1643, le dit Pousteau la vendit à damoiselle Marguerite Rollot, veuve de Georges de Bourges, et depuis de Vincent de la Prime, avocat, dont elle eut Charles de la Prime, sur qui la dite maison ayant esté saisie reellement, elle fut adjugée, par sentence du nouveau Chastelet du 14 septembre 1675, à Guillaume de Voulges, marchand, qui en passa titre nouvel le 6 novembre suivant.
Jeanne Varet, veuve de Guillaume de Voulges, a passé titre nouvel par devant Baglan et son confrère, notaires à Paris, le 11 septembre 1694.
Deuxième maison.
Cette maison, joignant la precedente, est bastie sur 69 toises de terre, faisant moitié des 138 mentionnées en l'article precedent, données au dit Carré par Le Clerc.
M. Marin Duhuval, prestre habitué à Saint-André-des-Arts, les acquit du dit Carré, par contract du 22 aoust 1545.
Il y fit bastir une maison, laquelle ses heritiers vendirent après sa mort à messire Jean de Feu[174], conseiller au parlement, par contract du , chargée de 35 sols de rente et de 4 deniers parisis de cens envers l'Université.
Les heritiers du dit sieur de Feu vendirent, par contract du 16 may 1634, la susdite maison à M. Pierre Hardy, controlleur des fortifications de Picardie, et à damoiselle Marie Barret, sa femme.
La dite maison ayant depuis esté saisie reellement sur les dits sieur et damoiselle Barret, elle fut sur eux vendue et adjugée, par sentence des requestes du Palais du 30 may 1646, à M. Claude Noël, receveur general des finances en Berry, lequel en passa aussitost declaration au profit de messire Nicolas-Jean Chevalier, seigneur de Breteville[175], conseiller au grand conseil.
Les heritiers et creanciers du dit sieur de Breteville ont vendu depuis la dite maison à Gilles Dupont, marchand, par contract du 8 juillet 1671, lequel en a fait declaration au profit de Charles Gohier, secretaire du roy, par acte du 30 decembre 1675. Le dit sieur Charles Gohier a passé titre nouvel par devant Baglan, notaire, le 25 octobre 1694.
Cette maison est bastie sur 142 toises de terre bailliées à cens et rentes le 5 janvier 1544, par le dit sieur Le Clerc, à Guillaume Maillard, marchand libraire et doreur de livres, moyennant 4 deniers parisis de cens et 24 livres 10 sols de rente, reduite après à 17 livres 15 sols, dont il en pourroit estre racheté 14 livres 5 sols.
Jean Bonamy, aussi libraire, ayant acquis les droits du dit Maillard, passa au dit Le Clerc titre nouvel des dites 142 toises de terre le 19 aoust 1545.
Les heritiers du dit Bonamy vendirent par contract du à messire Jean De Feu, conseiller au parlement, la maison bastie sur la dite place, chargée seulement de 3 livres 10 sols de rente et de 4 deniers parisis de cens envers l'Université, dont ses heritiers passèrent titre nouvel le 1er septembre 1631.
Ces mesmes heritiers vendirent, par contract du 16 may 1634, la dite maison avec ses appartenances, à M. Pierre Hardy, controleur des fortifications de Picardie, et à damoiselle Marie Barret, sa femme.
Elle fut dans la suite, conjointement avec la precedente, sur eux saisie réellement, et enfin adjugée au dit M. Noël, qui en passa declaration au profit du dit sieur de Breteville.
Gilles Dupont, marchand, qui avoit acquis des heritiers du dit sieur de Breteville la precedente maison, acheta encore celle-cy par le mesme contract.
Elle appartient presentement au dit sieur Charles Gohier, secretaire du Roy, qui a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 25 octobre 1695.
Quatrième maison.
Cette maison est batie sur partie de 146 toises de terre données à cens et rentes, par contract du 5 janvier 1544, par le dit sieur Le Clerc, à Husson Frerot, doreur sur fer[176], moyennant 4 deniers parisis de cens et 25 livres de rente, reduite après à 18 livres. M. René Reignier, ayant acquis les droits du dit Frerot, fit bastir deux maisons sur la dite place, et, après sa mort, Marguerite Lespicier, sa veuve, ayant fait saisir reellement la dite maison sur M. Pageot, tuteur des enfans mineurs du dit défunt Reignier et d'elle, par sentence des requestes du palais du 31 mars 1628, elle fut adjugée à M. Athanase Amy, avocat en la Cour, chargée de 9 livres de rentes et de 4 deniers parisis de cens envers l'Université. Le dit sieur Amy en passa titre nouvel le 25 juillet 1631; damoiselle Marie Prevost, sa veuve, en passa encore titre nouvel le 21 decembre 1661, et depuis les heritiers des dits sieurs et damoiselle Amy en ont passé titre nouvel pardevant Baglan, le 26 may 1695, savoir: M. Athanase Amy, prestre; M. Gilles Amy, avocat en parlement; damoiselle Magdelaine Rousseaux, veuve de Bon Charles Amy, bourgeois de Paris.
Cinquième maison.
Cette maison est batie sur l'autre moitié des dites 146 toises de terre mentionnées en l'article precedent; elle fut vendue par le sieur Reignier, comme estant aux droits du dit Frerot, à M. Estienne Bonnetz, procureur en la Cour, chargée de 4 deniers parisis de cens et de 9 livres de rente, par contract du 4 aoust 1607.
Le dit sieur Bonnet, mariant Marguerite Bonnet, sa fille, avec M. Pierre Calluze, principal commis au greffe criminel de la Cour, luy donne la dite maison par son contract de mariage du 7 octobre 1629.
La dite veuve Calluze, après la mort de son mary, vendit la dite maison à M. Henry Mouche, avocat, par contract du 25 janvier 1658; le dit sieur Mouche, par son codicille du 27 aoust 1678, passé par devant Savigny, notaire, substitua à M. Theodore Raffou, son neveu, la dite maison, chargée de 2 deniers de cens et 9 livres tournois de rente foncière; le dit sieur Raffou a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 6 may 1695.
Sixième et septième maison.
Ces deux maisons, qui en faisoient autrefois trois, sont basties sur 157 toises de terre données à cens et rente par le dit Le Clerc à Robert Sourdeaux, praticien, par contract du 18 juin 1545, moyennant 10 deniers parisis de cens et 15 livres 14 sols de rente foncière.
Le 27 janvier 1547, le dit Sourdeau echangea la dite place avec M. Jean Mallet, prestre habitué de Saint-André-des-Arcs.
André Mallet, son frère et heritier, vendit les trois maisons basties sur la dite place à M. Ambroise Amy, procureur, par contract du 20 decembre 1559, lesquelles il fit après reduire en deux.
M. Athanase Amy, aussi procureur en la dite Cour, fils et heritier du dit defunt, eut les dites deux maisons.
Elles echurent après en partage à M. Ambroise et Jean Amy, auxquels M. Guillaume Amy, substitut de M. le procureur general du parlement, ayant succedé, il en a fait donation entre vifs, par contract passé pardevant Garnier, notaire, et son confrère, le 30 mars 1689, à damoiselles Jeanne et Marie-Magdelaine Amy, sœurs, lesquelles en ont depuis vendu une, sçavoir:
La sixième, à M. Jean Prarcos, avocat en la Cour, le 28 may 1687, par contract passé par devant Le Roy et Taboüé, notaires, de laquelle le dit Prarcos en a passé titre nouvel par devant Lorimier, notaire, le 1er janvier 1692.
La septième appartient aujourd'huy à damoiselle Jeanne Amy, fille majeure, comme donataire du dit Guillaume Amy, laquelle en a passé titre nouvel le dit jour, premier janvier 1692, pardevant Lorimier, notaire.
Ces deux maisons sont basties sur 168 toises de terre baillées à cens et rente par le dit le Clerc à Jean Dupons, sergent à verge au Chastelet de Paris, par contract du 18 juin 1545, à la charge de 16 livres 16 sols de rente et quatre deniers parisis de cens.
Le 13 mai 1582, Louis et Marie Dupont, enfans et heritiers du dit Jean Dupont, vendirent à M. Guillaume Guyon, procureur en la cour, la susdite place.
Le 17 mai 1605, Nicole Hardricourt, veuve du dit Guyon, vendit conjointement avec ses enfans une maison bastie sur partie de la dite place à M. Estienne Tricot.
Le 10 juin 1619, Barbe Guyon, veuve de Louis de Vezines, et Magdeleine Guyon, sa sœur, filles et heritières du dit feu Guyon, vendirent par echange à M. Jean Boyer et à Marthe le Prestre, sa femme, les deux tiers à elles appartenant sur une autre maison bastie sur le restant de la dite place.
Les 21 janvier 1631 et 28 decembre 1635, Philippes Demontgé, tailleur, et Jeanne Dubreuil sa femme, acquirent de Hugues Macquerel et de Barbe Lebassy l'autre tiers de la dite maison.
Les 7 aoust et 7 octobre 1645, Charles Tricot, secrétaire de la chambre du Roy, fils et heritier du dit Estienne Tricot, et les dits Demontgé et sa femme vendirent à messire Charles Loiseau, conseiller en la Cour des aydes, les dites deux maisons basties sur les dites 168 toises de terre, dont il passa titre nouvel le 27 novembre au dit an.
M. Charles Loiseau, conseiller en la cour, fils et heritier du dit feu sieur Loiseau, a passé titre nouvel et reconnoissance pardevant Baglan et son confrère, notaires à Paris, le 29 juillet 1694, au terrier de l'Université.
Dixième maison.
Cette maison est bastie sur la petite place et jardin que le dit sieur Le Clerc s'estoit reservée par le contract de retrocession qu'il fit à l'Université, le dernier octobre 1552, du bail qu'elle luy avoit fait de tout le petit Pré-aux-Clercs, moyennant deux sols parisis de cens.
Monsieur le cardinal de Givry acquit des héritiers du dit Le Clerc la dite place et jardin, et les vendit à M. Guillaume Lusson, docteur en la faculté de médecine, par contract du 9 avril 1604, dont messire Guillaume Lusson, son fils, president en la Cour des monnoyes, passa titre nouvel le 2 may 1646.
Le dit sieur Loiseau, conseiller en la Cour des aydes, a, depuis, acquis cette maison des heritiers du dit sieur Lusson, par contract du 23 septembre 1658.
M. Charles Loiseau, conseiller en la Cour, fils et heritier de M. Charles Loiseau, conseiller en la Cour des aydes, en a passé titre nouvel, et ensemble des deux precedentes maisons, pardevant le dit Baglan, notaire, le 29 juillet 1674.
Onzième et douzième maison.
Ces deux maisons sont basties sur 380 toises de terre, données à cens et rente, le 7 mars 1546, par le dit sieur Le Clerc à Jean Courjon, bourgeois de Paris, moyennant 8 deniers parisis de cens et 25 livres de rente.
Le 24 janvier 1547, Jean Beddon, ayant les droits cedez du dit Courjon, racheta 19 livres de la sus dite rente, laquelle fut, par ce moyen, reduite à 6 livres.
Le 2 aoust 1582, François Coquet, sieur de Pontchartrain, et damoiselle Heleine de Servient, son epouse, acquirent de Jeanne Beddon, fille et heritière du dit Beddon, une grande maison sur partie des dits 380 toises.
Le 12 novembre au dit an, les dits sieur et damoiselle de Pontchartrain echangèrent la dite maison et le restant des dites 380 toises avec Jean Honore, sieur de Bagis.
Damoiselle Marie Honoré, sa fille et heritière, epouse de M. Claude Thiballier, ecuyer, sieur d'Anglurre, en passa titre nouvel le 11 novembre 1645.
Dame Marie Thiballier, fille et heritière du dit feu sieur Thiballier et de la dite dame Marie Honoré, ayant acquis du sieur François Thiballier, son frère, la dite maison et place, comme luy estant eschue en partage, elle la fit abattre, et en fit construire deux neuves au lieu d'icelle.
Elle en vendit une[177], le 16 may 1665, à M. Georges Baudouin, controlleur de la maison du roy, sur lequel l'Université l'ayant fait saisir reellement, faute de payement des lods et ventes, elle fut adjugée par sentence des requestes du palais du 18 aoust 1666, à M. Guillaume Le Juge, secretaire du Roy, et à damoiselle Marie Haslé, veuve de Michel Petit, controlleur des decimes, dont la dite veuve Le Juge et les heritiers de la dite damoiselle Haslé, veuve Petit, ont passé titre nouvel le 17 mars 1688, pardevant Baglan et Le Sec de Launay, notaires.
Et à l'egard de l'autre maison, ayant esté saisie reellement sur la dite dame Thiballier, elle fut adjugée par sentence des requestes du palais du dernier fevrier 1672, à M. Jacques Pannart, avocat, qui en passa declaration au profit de M. Jean Thuault, procureur en la Cour, le juin 1695.
Le dit M. Thuault, par sentence des requestes du palais du aoust 1694, a esté condamné, de son consentement, à payer seulement 10 deniers de cens, la dite sentence portant au surplus titre nouvel.
Et a le dit sieur Thuault passé titre nouvel, le 28 juin 1695, pardevant Baglan et son compagnon[178], notaires.
Treizième et quatorzième maison.
Ces deux maisons sont basties sur 59 perches de terre, données à cens et rente par l'Université à Alexandre Papin, par contract du 21 fevrier 1565, moyennant 12 livres de rente et deux sols parisis de cens.
Le 25 fevrier 1584, le dit sieur Papin vendit à Christophle Lemercier, masson[179], les dites 59 perches de terre, à la charge du cens et de la rente envers l'Université; sur lesquelles le dit Lemercier fit bastir une maison, qui est la quatorzième, faisant l'encoignure des rues Jacob et des Petits-Augustins.
Le 11 novembre 1584, le dit Lemercier en vendit la moitié à Baptiste Androuet, sieur du Cerceau[180], architecte du roy.
Le 23 mars 1602, Marguerite Raguidier, sa veuve, la revendit à Jacques Androuet, aussi sieur du Cerceau[181].
Damoiselle Marie Androuet, sa fille et heritière, epousa Elie Beddée, sieur des Fougerais, docteur en medecine.
Et damoiselle Marie Beddée, leur fille, veuve de M. André Colombet, possède aujourd'huy la dite maison, qui est la quatorzième, et elle en a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 6 juillet 1687.
Le 11 juillet en l'an 1602, Marin Bricard et Antoinette Delaistre, sa femme, veuve auparavant du dit Lemercier, vendirent l'autre moitié de la dite place à M. Jean Beddée, sieur de la Gourmandière, avocat au parlement, sur laquelle il fit bastir une maison, qui est la treizième, de laquelle David et Elie Beddée, ses enfans et donataires universels, passèrent titre nouvel le 29 aoust 1669.
M. Alexandre Simon Bolé, seigneur de Champlay, a acquis, par contract du 29 fevrier 1669, la dite maison de Benjamin Beddée.
M. Louis Jules Bolé, marquis de Champlay[182], marechal des camps et armées du roy, fils unique et seul heritier du dit feu sieur Bolé et donataire entre vifs de dame Marguerite Lemaçon, sa mère, possède aujourd'huy la dite maison, lequel a esté condamné, par sentence du Chastelet du 9 fevrier 1695, à passer titre nouvel à la dite Université.
Rue des Marais[183].
Il n'y avoit anciennement dans cette rue qu'une grande maison et jardin, bastie sur deux places données à cens et rentes par le dit sieur Le Clerc, par contracts des 4 et 9 octobre 1543, à Mathurin Fretté[184] et à Nicolas de la Marre, à la charge de 6 livres de rente et de 2 sols parisis de cens.
Ces deux places furent, quelque peu de temps après, acquises par Thomas de Burgensis, qui y fit bastir la dite maison, qui avoit deux corps de logis en aile avec cour au milieu et jardin au derrière, dont Jeanne de Burgensis, sa fille, veuve de Hierome Berzeau, herita, et dont elle fit ensuite donation entre vifs, par acte du 5 septembre 1576, à Hierome de Berzeau, sieur de la Marcillière, son fils.
Le 2 juillet 1583, Guillaume Taveau, bourgeois de Paris, fondé de procuration du dit sieur de la Marcillière du 25 juin precedent, vendit la dite maison à Jean Robineau, sieur de Croissy-sur-Seine, secretaire du roy.
Le 11 janvier 1602, le dit sieur Robineau vendit la susdite maison à Claude Lebret.
Le 28 mars 1607, le dit Lebret la revendit à M. Nicolas le Vauquelin, seigneur des Yveteaux et de Sacy, conseiller d'estat, laquelle il fit decreter sur le dit Lebret, et s'en rendit adjudicataire par sentence du Chastelet du 19 septembre au dit an.
Le dit sieur des Yveteaux la donna à M. Nicolas le Vauquelin, seigneur de Sacy, son neveu, et à dame Marguerite Dupuis, son epouse, en faveur de leur contract de mariage du 17 octobre 1644.
Le dit sieur de Sacy, tant en son nom, comme donataire du dit sieur des Yveteaux, son oncle, de la moitié de la dite maison, que comme tuteur de damoiselle Charlotte Gabrielle le Vauquelin, sa fille et de la dite defunte dame Marguerite Dupuis, vendit la totalité d'icelle, par contract d'echange du 30 decembre 1658, à M. Jacques Lemaçon, seigneur de la Fontaine, intendant et controlleur general des gabelles de France.
Le dit sieur de la Fontaine fit après construire trois maisons au lieu de celle qu'il avoit acquise du dit sieur de Sacy, et, depuis, ses creanciers ayant vendu ses biens, les dites trois maisons ont esté partagées en sept, desquelles:
Première maison.
La première, ayant face sur la rue des Petits-Augustins, bastie sur toises de terre, appartient à M. Edme Robert, cy-devant intendant et tresorier de feu Son Altesse Royale Mademoiselle de Montpensier, lesquelles il a acquises de Pierre Sinson, charpentier, et de Marie Bequet, sa femme, sous le nom de Martin de la Croix, par contract du 6 mars 1672, dont il a passé titre nouvel le 13 février 1691, pardevant Baglan, notaire.
Au derrière de laquelle maison il y a joint vingt-quatre toises et demie de terre qu'il a acquises des heritiers de feu M. le president Le Boulanger, par contract du , qui les avoit acquises de M. le president Thevenin ou de ses heritiers, à qui dame Claude de la Roue de Gallardon les avoit vendues, laquelle les avoit acquises de Gabriel Montagne, par contract du 14 mai 1606, qui les avoit aussi acquises de Nicolas Beaujouen, lequel les avoit pris à cens et rentes du dit sieur Le Clerc, par contract du 18 juin 1645[185], moyennant 8 deniers de cens et 49 sols de rente.
La seconde, faisant face sur la rue des Augustins, joignant la precedente, avec issue à porte cochère dans la rue des Marais, bastie sur.... toises de terre, a esté acquise par M. Jean de Joncoux, avocat au parlement, de M. Jacques Lemaçon, seigneur de la Fontaine, par contract passé pardevant Plastrier, notaire, le 10 juin 1659.
Troisième maison.
Cette maison, qui est bastie sur 161 toises de terre, a esté acquise par le mesme sieur de Joncoux, du dit sieur de la Fontaine, par contract du dernier septembre 1672, passé pardevant le dit Plastrier, notaire, lesquelles deux maisons ont esté vendues par damoiselle Françoise Marguerite de Joncoux[186], fille majeure, seule et unique heritière du dit M. Jean de Joncoux, à M. Jean Chastelier, avocat en parlement, par contract passé pardevant Couvreur et son compagnon, notaires, le 24 may 1695, lequel sieur Chastelier en a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 7 juin 1695.
Cette maison appartient aux sieurs Le Doux, procureur au Chastelet, et Domillier, comme l'ayant acquise de M. Charles Sinson, avocat en la cour, et autres, par contract passé pardevant Lebeuf et Boindin, notaires, le 2 septembre 1688.
Cinquième maison.
La cinquième maison, bastie sur.... toises de terre, appartenante à M. François Commeau, avocat, comme l'ayant acquise des creanciers et directeurs des creanciers du dit sieur de La Fontaine, par contrat passé pardevant Baglan et son confrère, notaires, le 31 janvier 1682.
Sixième maison.
La sixième maison, bastie sur.... toises de terre, acquises par M. Antoine de Massanes, secretaire du roy, des creanciers et directeur des creanciers du sieur de La Fontaine, par contrat passé par devant Prieur et Baglan, notaires, le 17 janvier 1682.
M. Thomas Hardy, ecuyer, seigneur de Beaulieu, oncle et tuteur d'Auguste et de Jacques de Massanes, enfans et heritiers de M. Antoine de Massanes, ecuyer, lequel estoit fils et heritier du dit sieur de Massanes, secretaire du roy, en a passé titre nouvel le 20 février 1691 par devant Baglan, notaire.
Septième et dernière maison.
La septième et dernière maison, bastie sur.... toises de terre, acquises par M. Augustin de Louvancourt, conseiller du roy, maistre ordinaire en sa chambre des comptes, et l'un des quatre secretaires d'icelle[187], des creanciers et directeurs des creanciers du dit sieur de La Fontaine, par contrat passé par devant Dettoyes et Baglan, notaires, le 27 février 1682, dont le dit sieur de Louvancourt a passé titre nouvel par devant Barbar et Baglan, notaires, le 20 fevrier 1691.
Toutes ces sept maisons, basties sur les dites places données à cens et rentes aus dits Fretté et Delamarre par le dit Le Clerc, ne sont aujourd'huy chargées que de 2 sols 6 deniers de cens, la rente de 6 livres ayant esté rachetée par le dit sieur Hercules de Vauquelin, par quittance passée par devant Baglan et son collègue, notaires, le 8 mars 1690.
Concernant les six arpens de terre dependans du grand Pré donnés à cens et rente à la reine Marguerite par contract du dernier juillet 1606
On a dejà dit, dans la division de ce memoire, que, l'Université s'etant pourveüe contre le contrat de bail à cens et rente qu'elle avoit fait à la reine Marguerite de 6 arpens de terre dependans du grand Pré[188], parcequ'ils ne luy produisoient que 60 livres de rente, pendant que les Augustins reformés, qu'on nomme Petits-Augustins, à qui cette reine les avoit donnez[189], en retiroient près de 2000 livres annuellement, il intervint arrest contradictoire, le 23 decembre 1622, entre l'Université, les Augustins, comme donataires de la dite reine, et les particuliers ausquels il avoit esté fait des sous-baux[190]; par lequel arrest il est porté que les rentes constituées sur les places dependantes des dits six arpens données à cens et rentes par les dits Augustins ou la dite reine tourneroient au profit de l'Université, desquels sous-baux suit la teneur.
Sous-baux faits par la reine Marguerite ou par les Augustins, ses donataires.
Le premier, par contrat passé pardevant Guillard et Bontemps, notaires au Chastelet, le 12 février 1611, à M. Nicolas Le Prestre, sieur de la Chevalerie, secretaire de la chambre du roy, de 396 toises de terre, y compris 176 toises, à cause de 4 toises de face sur 44 de longueur, qui luy furent delaissées franches et quittes, à la charge par luy de faire faire à ses propres frais et depens, à l'endroit où estoit l'egout, une voute et arcade de maçonnerie de 6 pieds de large sur hauteur competente, pour le passage des eaux et immondices du fauxbourg[191], après lequel fait il pourroit appliquer à son profit et à tel usage qu'il jugeroit à propos le surplus des dites 176 toises de terre, ou mesme celles sur ledit egout; et à l'egard des 220 toises faisant le surplus des dites 396 toises mentionnées au dit contrat, il payeroit aus dits religieux 88 livres de rente, et à l'Université 12 deniers parisis de cens.
Le deuxième, par contrat passé pardevant les mesmes notaires le 12 juillet 1613, par les dits Augustins au dit sieur de la Chevalerie, de 750 toises de terre, moyennant 225 livres de rente.
Le troisième, par contrat passé pardevant les mesmes notaires, le 8 janvier 1618, par les dits Augustins au dit sieur de la Chevalerie, de 180 toises, moyennant 48 livres de rente.
Le quatrième, par contract passé par devant les mesmes notaires le 12 juillet 1613, par les dits Augustins, à Jean Clergerie, marchand au Palais, de 200 toises de terre, moyennant 60 livres de rente et 2 deniers de cens.
Le cinquième, par contract passé par devant les mesmes notaires le dit jour 12 juillet 1613, par les dits Augustins, à Alphonse Mesnard, marbrier, de 103 toises, moyennant 31 livres de rente.
Le sixième, par contrat passé par devant les mesmes notaires le dit jour 12 juillet 1613, par les dits Augustins, à Jacques Prudhomme, boulanger, de 100 toises de terre, moyennant 30 livres de rente et 1 denier de cens.
Le septième, par contract passé par devant les mesmes notaires le 12 avril 1613, par les dits Augustins, à Guillaume Lelamer, orfévre, qui en passa déclaration au profit de René Lebreton et de François Percheron, de 300 toises de terre, moyennant 90 livres de rente et 3 deniers de cens.
Le huitième, par contract passé par devant les mesmes notaires le 12 avril 1613, par les dits Augustins, à Simon Devaux, parfumeur[192], de 300 toises de terre, moyennant 90 livres de rente et 3 deniers de cens.
Le neuvième, par contrat passé par devant les mesmes notaires le 18 avril 1613, par les dits Augustins, à Jacques Rousseau, brodeur[193], de 100 toises de terre, moyennant 30 livres de rente et 1 denier de cens.
Le dixième, par contract passé par devant les mesmes notaires le 10 avril 1613, par les dits Augustins, à Jean Dubut, de 100 toises de terre, moyennant 30 livres de rente et 1 denier de cens.
Le onzième, par contract passé par devant les mesmes notaires par les dits Augustins, le 13 avril 1613, à Mathieu Ladant, de 100 toises de terre, moyennant 30 livres de rente et 1 denier de cens.
Le douzième, par contrat passé par devant les mesmes notaires par les dits Augustins, le 18 may 1613, à Mathieu Hautecloche, de 100 toises de terre, moyennant 30 livres de rente et 1 denier de cens.
Le treizième, par contract passé pardevant les mesmes notaires par les dits Augustins, le 18 may 1613, à Pierre Hanon, de 150 toises de terre, moyennant 45 livres de rente et 4 deniers de cens.
Le quatorzième, par contract passé pardevant les mesmes notaires par les dits Augustins, à Philippe Bacot, peintre[194], le 24 octobre 1613, de 199 toises de terre, moyennant 59 livres 14 sols de rente et 2 deniers de cens.
Le quinzième, par contract passé pardevant les mesmes notaires par les dits Augustins, au dit Pierre Hanon, le 12 juillet 1613, de 205 toises de terre, moyennant 61 livres de rente et 10 deniers de cens.
Le seizième, par contract passé pardevant les mesmes notaires par les dits Augustins, à Jean Hovalet, le dit jour 12 juillet 1613, de 105 toises de terre, moyennant 31 livres 15 sols de rente et 1 denier de cens.
Le dix-septième, par contract passé pardevant les mesmes notaires, par les dits Augustins, à Pasquier Ruelle, boulanger, le dit jour 12 juillet 1613, de 108 toises de terre, moyennant 31 livres 3 sols 6 deniers de rente et 2 deniers de cens.
Le dix-huitième, par contract passé pardevant les mesmes notaires, par les dits Augustins, le dit jour 12 juillet 1613, de 100 toises et demie, à Hubert-le-Sueur, moyennant 33 livres 3 sols de rente.
Le dix-neuvième, par contract passé pardevant les mesmes notaires, le 9 octobre 1613, par les dits Augustins, à Nicolas Dehene, de 117 toises et demie, moyennant 35 livres 5 deniers de rente.
Le vingtième, par contract passé pardevant les mesmes notaires, le 12 juillet 1613, par les dits Augustins, aux religieux de la Charité, de 1275 toises de terre, moyennant 382 livres 14 sols de rente et 12 deniers parisis de cens par arpent[195].
Tous les particuliers denommez dans les dits sous-baux ayant donc eté obligez, au moyen du dit arrest contradictoire du 23 decembre 1622, de payer à l'Université non seulement les cens, mais encore les rentes à la charge desquelles les dits baux leur avoient esté faits, ils en passèrent declaration au profit de l'Université.
Le premier preneur, qui estoit messire Nicolas Le Vauquelin, seigneur des Yveteaux[196] et de Sacy, conseiller d'estat, lequel, sous le nom de M. Nicolas Le Prestre, sieur de la Chevalerie, avoit acquis des dits Augustins, par trois differens contracts, 1130 toises de terre, en passa declaration, titre nouvel et reconnoissance à l'Université, le 13 mars 1624, et promit luy payer à l'avenir les 361 livres de rente à la charge desquelles les dites 1130 toises de terre avoient esté données au dit sieur de la Chevalerie.
Le dit sieur des Yveteaux joignit à ces 1130 toises de terre autres 602 toises 2 tiers 4 pieds, qu'il avoit dejà acquises sous le nom du dit sieur de la Chevalerie, par contract du 14 juillet 1610, de François Fontaine, secretaire du roy, qui les avoit acquises de Richard Tardieu, sieur du Mesnil, à qui l'Université en avoit fait bail, le 5 septembre 1688, moyennant 43 livres de rente et 2 sols parisis de cens.
Cette rente fut rachetée par le dit sieur des Yveteaux, sous le nom du dit sieur de la Chevalerie, par quittance du 6 novembre 1610, moyennant 914 livres sols, lesquelles furent employées, sçavoir: 445 livres 5 sols à payer à M. Germain Gouffé, receveur de l'Université[197], pareille somme à lui due pour reste de compte, et les 468 livres 17 sols 5 deniers restans furent donnés à constitution de rente au collége des Cholets, qui fut rachetée le 12 octobre 1617.
Le dit sieur des Yveteaux, de toutes ces quatre places qui estoient joignantes l'une à l'autre et contenoient 1732 toises 2 tiers 4 pieds, tenant d'un bout à la rue lors appellée de la Petite-Seine, et aujourd'huy des Petits-Augustins, d'autre à M. Pierre Calluze, qui estoit au lieu de Jean Clergerie, et au nouveau jardin des dits Augustins, contenant trois quartiers six perches de terre des dits six arpens, d'un costé à la rue Jacob et d'autre au monastère des dits Augustins, composa un grand clos et jardin, planté en partie d'arbres de haute futaye, lequel avoit communication avec sa maison et jardin, sise rue des Marais, au moyen d'une voute qui avoit esté pratiquée sous terre, dans la dite rue de la Petite-Seine[198].
Le dit sieur des Yveteaux donna, le 18 octobre 1644, à messire Nicolas Le Vauquelin, seigneur de Sacy, son neveu, et à dame Marguerite Dupuis, son epouse, en faveur de leur contract de mariage, le dit grand clos et jardin, avec les batimens qu'il y avoit fait construire, et le dit sieur de Sacy, après la mort de la dite dame Marguerite Dupuis, son epouse, tant comme donataire pour moitié du dit sieur des Yveteaux, son oncle, que comme tuteur de damoiselle Charlotte-Gabrielle Le Vauquelin, sa fille, vendit, par contract du 10 decembre 1659, à messire Jacques Le Maçon, sieur de la Fontaine, intendant et controleur general des gabelles de France, 1200 toises ou environ, faisant partie du grand clos et jardin, chargées seulement de deux sols six deniers de cens; et, pour les 361 livres de rente, il declara qu'elles devoient estre payées et acquittées à la decharge de la succession du dit feu sieur des Yveteaux, son oncle, par messire Hercules le Vauquelin, maistre des requestes, au moyen d'un contract passé entre le dit defunt sieur des Yveteaux et le dit sieur de Vauquelin, maistre des requestes, le vingt-septième jour de decembre 1644, ce qui fut fait par quittance du douzième jour de juillet 1685[199].
Sur ces 1200 toises de terre ou environ acquises par le dit sieur de la Fontaine, il a esté dans la suite basti plusieurs maisons, par differens particuliers, au moyen des achapts qui ont esté faits.
Premierement, M. Pierre Dubois, maçon, acquit du dit sieur de la Fontaine 14 toises de face sur 25 toises et 2 pieds de profondeur, faisant partie desdites 1200.
L'Hôtel-Dieu de Paris acquit du dit Dubois et de Marie Arnoult, sa femme, par contract du 12 novembre 1670, deux grandes maisons, joignantes l'une à l'autre, basties sur les dites 14 toises de face et 25 toises 2 pieds de profondeur, ayant vue sur la rue des Petits-Augustins, desquelles deux maisons a esté passé titre nouvel le 24 novembre 1694, pardevant Baglan, notaire.
La troisième maison, bastie sur sept toises de face dans la dite rue des Augustins, sur 25 de profondeur, fut vendue par le dit sieur de la Fontaine à Pierre Tapa, masson, laquelle maison a esté depuis acquise par M..... de Vigny, par contract du..., et a passé titre nouvel le dixième jour de juillet 1694, pardevant Baglan, notaire.
La quatrième maison, bastie sur sept toises de face dans la dite rue, sur 25 de profondeur, contenant cour et jardin, appartenant à M. Salomon Domanchin[200], qui a passé titre nouvel le dix-septième jour de juillet 1690, pardevant Baglan, notaire.
La cinquième maison, acquise par damoiselle Magdeleine de Galmet, femme separée quant aux biens d'avec M. Gilles Launay, historiographe de France[201], bastie sur 52 toises et demie de superficie, ayant face dans la dite rue des Petits-Augustins, laquelle elle a depuis vendue aux religieux de la Charité, par contract du dix-huitième jour de juillet 1676, pardevant Huart et Duparc, notaires, lesquels religieux en ont passé titre nouvel le premier jour de mars 1695, pardevant Baglan et son confrère.
La sixième, bastie sur sept toises de face dans la dite rue, sur 25 de profondeur, acquise par Cesar Baudet, marchand, et depuis par lui vendue à M. Louis Rellier, par contract du..., qui a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le vingt-quatrième jour d'aoust 1694.
La septième maison, bastie sur trois toises et demie de face dans la dite rue, sur 10 de profondeur, appartenante à M. Estienne Magueux, avocat, au moyen du contract du dix-neuvième jour d'avril 1668, pardevant Dupuys et Plastrier, notaires, et a le dit sieur Magueux passé titre nouvel le septième jour d'aoust 1694, pardevant Baglan, notaire.
La huitième maison, bastie sur six toises de face dans la dite rue, sur dix de profondeur, et faisant l'encoigneure d'icelle rue et de la rue Jacob, appartenante à M. Gilles de Launay, historiographe de France, au moyen de l'acquisition par luy faite de la dite place du sieur de la Fontaine par deux differents contracts..., passez pardevant Sadot et Plastrier, notaires, dont le dit sieur de Launay a passé titre nouvel le vingt-quatrième decembre 1686, et depuis encore, le troisième jour de mars 1695, pardevant Baglan, notaire.
La neuvième maison, bastie sur quatre toises de face dans la dite rue Jacob, sur dix de profondeur, appartenante au dit M. Estienne Magueux, avocat, qui a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le septième jour d'aoust 1694.
Les dixième et onzième maisons, basties sur onze toises et demie de face dans la dite rue Jacob, sur quinze toises trois pieds de profondeur, appartenantes à M. Jacques Poignet, charpentier, et Judith Guyerreau, sa femme, au moyen du contract d'acquisition passé pardevant Plastrier et son confrère le dix-neuvième jour d'avril 1668, de messire Jacques le Maçon, seigneur de la Fontaine, lequel sieur Poignet a passé titre nouvel, pardevant Baglan et son confrère, le 6 may 1687.
La douzième maison, bastie sur cinq toises de face dans la dite rue, sur quinze de profondeur, appartenante cy-devant au dit M. Estienne Magueux, avocat et à la damoiselle sa femme, au moyen de l'acquisition par eux faite de messire Jacques le Maçon, seigneur de la Fontaine, par contract du dix-neuvième jour d'avril 1668, pardevant Dupuys et Plastrier, notaires, laquelle ils ont depuis vendue à M. Jacques Laugeois, secretaire du roy, par contract passé pardevant Devin et Sainfray, notaires au Chastelet de Paris, le 21 juillet 1670, dont le dit sieur Laugeois a passé titre nouvel et reconnoissance pardevant Baglan et Boucher, notaires au Chastelet, le huitième jour de mars 1687.
La treizième maison, bastie sur sept toises de face dans la dite rue, sur vingt-deux de profondeur, où pend pour enseigne l'Hôtel de Suède[202], bastie par Bernardin Fouques, qui l'avoit acquise de..., laquelle il a depuis vendue à M. André Bihoreau l'aîné par contract du..., qui en a passé titre nouvel le huitième jour de fevrier 1695, pardevant le dit Baglan, notaire.
La quatorzième maison, où pend pour enseigne l'Aigle-Noir, bastie sur huit toises de face dans la dite rue, pareille quantité sur le derrière, sur vingt-trois de profondeur, revenant à cent quatre-vingts toises en superficie, appartenante à messire Louis de Lasseré, conseiller au parlement[203], comme fils unique et seul heritier de messire Jean de Lasseré, aussi conseiller en la dite cour, qui l'avoit acquise par echange de messire François Deshotels, secretaire de Son Altesse Royalle, et de Marie Balisson, sa femme, par contract passé pardevant Gabillon et Plastrier, notaires, le trentième jour de juillet 1661, dont le dit sieur de Lasseré a passé titre nouvel et reconnoissance pardevant Baglan et Boucher, notaires, le vingt-deuxième jour de may 1691.
La quinzième maison, bastie sur dix toises deux pieds de face dans la dite rue, contenant en superficie deux cens huit toises un tiers, appartenante, sçavoir: la moitié et les deux tiers en l'autre moitié à M. Nicolas Henin, secretaire du roy, au moyen de l'acquisition qu'il en a faite à titre d'echange de M. Claude de la Haye, seigneur de Vaudetart[204], maistre d'hôtel du roy et de la reine, de M. Estienne Bulleu, conseiller du roy, president au grenier à sel de Paris; dame Denise de Malaquin, son epouse, et autres ès noms qu'ils ont procedé, heritiers en partie de defunt messire Charles de la Haye et dame Denise de Baillou, sa première femme, par contract passé pardevant Galloys et Laurent, notaires au Chastelet de Paris, le quatorzième jour de septembre 1610, ausquels defunts sieur et dame de la Haye la dite maison appartenoit au moyen de l'acquisition faite de..., par contract du..., dont le dit sieur Henin a passé titre nouvel le 16 avril 1687.
La seizième maison, bastie sur six toises de face sur ladite rue Jacob, cinq toises et demie sur le derrière, sur vingt toises un pied de profondeur, revenant en superficie à 115 toises et demie, appartenante à M. Louis de Lasseré, conseiller au parlement, comme fils unique et seul heritier de defunt M. Jean de Lasseré son père, aussi conseiller en la dite cour, lequel avoit acquis la dite maison de M. Nicolas le Vauquelin, tant comme donataire du sieur des Yveteaux, son oncle, que comme tuteur de damoiselle Charlotte-Gabrielle le Vauquelin, sa fille, par contract passé pardevant le Bœuf et Boindin, notaires, le 27 octobre 1661, dont le dit sieur de Lasseré a passé titre nouvel et reconnoissance pardevant Boucher et Baglan, notaires, le 21 may 1689.
Les 17e, 18e et 19e maisons, sont basties sur cent six toises deux tiers, lesquelles ont esté acquises par maistre Laurent Reverend, secretaire du roy, du dit sieur de Sacy, par contract passé pardevant Manchon et son confrère, notaires, le 14 mars 1663, les biens duquel sieur Reverend sont aujourd'huy en direction.
La vingtième maison appartient aux enfans et heritiers du dit sieur de Sacy, qui en estoit proprietaire, sçavoir: de la moitié comme donataire du sieur des Yveteaux son oncle, et de l'autre moitié comme l'ayant depuis acquise des heritiers de Charlotte-Gabrielle de Vauquelin sa fille, et de dame Margueritte Dupuis sa première femme, par transaction passée pardevant..., notaires, le..., dont les dits heritiers de Sacy ont passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 19 avril 1695.
Toutes lesquelles maisons sont basties tant sur les onze cens trente toises de terre acquises par le dit sieur des Yveteaux sous le nom du dit sieur de la Chevalerie[205] des dits religieux Augustins, que sur les six cens deux toises deux tiers quatre pieds qu'il avoit dejà acquises des dits Augustins, sous le nom du dit sieur de la Chevalerie, par contract du 14 juillet 1610.
Toutes les dites maisons ne sont aujourd'huy chargées que de trois sols neuf deniers de cens, les rentes de 361 livres d'une part, et 6 livres d'autre part, ayant esté rachetées par quittances des 12 juillet 1685 et 8 may 1690.
Derrière les dites maisons est le nouveau jardin des religieux Augustins, contenant trois quartiers six perches de terre, que la cour, par le sus dit arrest du 23 decembre 1622, leur a permis de se reserver, à la charge de payer à l'Université huit livres deux sols de rente et neuf deniers de cens, dont ils ont passé titre nouvel le 29 mars 1695, pardevant Baglan, notaire[206].
A la suite de la maison du sieur de Sacy est une vingt-unième maison bastie sur deux cens toises de terre données à cens et rente par les dits Augustins, par contrat du 12 juillet 1613, à Jean Clergerie, moyennant six livres de rente et deux deniers de cens.
Elle fut saisie reellement sur la succession du dit Clergerie, et adjugée, par sentence du Chastelet du 12 may 1627, à maistre Pierre Calluze, principal commis au greffe criminel de la cour.
Damoiselle Marguerite Calluze, sa fille et héritière, ayant epousé messire Claude Guyon, seigneur de la Houdinière, elle a esté sur eux saisie et adjugée, par sentence du Chastelet du 23 juin 1691, au sieur Marquis Desfeugerais, moyennant 26,700 livres, chargée de soixante livres de rente et deux sols de cens, lequel a esté condamné, par sentence du Chastelet du..., à passer titre nouvel; et il a passé ledit titre nouvel le 27 juin 1695, pardevant Baglan, notaire.
La vingt-deuxième est sur cent toises de terre données à cens et rente par les dits Augustins, par contract du 12 juillet 1613, à Jacques Prudhomme, boulanger, moyennant trente livres de rente et un denier de cens.
François Dubois, serrurier, en acquit la moitié, et les deux tiers en l'autre moitié, par sentence de decret du Chastelet de Paris du 25 may 1658, sur la veuve et heritiers du dit Prudhomme, et l'autre tiers de la seconde moitié de Jean Briest de Touteville, bourgeois de Paris, et Magdeleine Dragée, sa femme, par contract d'echange passé pardevant Lefranc et Gabillon, notaires, le 7 aoust 1664.
Le dit Dubois et Marguerite Fromentel, sa femme, vendirent la dite maison à Florent Fromentel, aussi serrurier, et Marie Thilorier, sa femme, par contract passé pardevant Levasseur et Mouffle, notaires au Chastelet, le 24 juillet 1666.
Le dit Fromentel et sa femme en passèrent titre nouvel pardevant les mêmes notaires le 16 septembre suivant, et ont passé un autre titre nouvel le 7 juin 1694, pardevant Baglan, notaire.
A la suite de cette maison estoit une place, contenant trois cens quatre-vingt-trois toises douze pieds, donnée anciennement à cens et rente par les dits Augustins à Alphonse Mesnard, marbrier, par contract du 12 juillet 1613, moyennant trente-une livres de rente, lequel contract ayant esté resolu par sentence du Chastelet du 18 decembre 1615, ils rentrèrent dans la dite place, dont ils furent condamnez par arrest contradictoire de la cour, du 19 aoust 1645, de payer à l'Université le rachapt de la dite rente de trente-une livres, montant en principal à 620 livres, ce qu'ils firent par quittance du 27 octobre 1657.
Les dits Augustins ont depuis fait bâtir sur cette place, qui fait l'encoigneure de la dite rue Jacob et de celle des Saints Pères, six maisons qui s'etendent jusqu'à la maison de M. de Bernage de S.-Maurice, maistre des requestes, et ont passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, tant de cette place que de leur nouveau jardin, le 29 mars 1695, comme il a esté dit à l'autre page.
De l'autre costé de la dite rue Jacob, à commencer à l'encoigneure de la rue cy-devant appelée des Egouts, et à present de Saint-Benoist[207], sont les maisons suivantes:
Première et seconde maisons.
Ces deux maisons sont bâties sur trois cens toises de terre données à cens et rente par les dits Augustins à Guillaume Le Camus, orfèvre, par contract du 12 avril 1613, moyennant 90 liv. de rente et deux sols six deniers de cens, lequel Le Camus en passa le mesme jour declaration au profit de René Le Breton et de François Percheron.
Les dits Le Breton et Percheron vendirent une maison, avec le commencement d'une autre bâtie sur la dite place, à maistre Michel Chauvin, procureur au grand conseil, par contracts des 4 decembre 1625 et 8 mars 1630.
Le dit sieur Chauvin en vendit une à messire Louis Dulac par contract du 13 may 1653.
Le dit sieur Dulac l'echangea le..., avec messire Christophe Sanguin, president en la cour.
Messire Denis de Palluau, conseiller en la dite cour, et dame Catherine Le Grand son epouse, acquirent une des dites deux maisons, qui est la seconde, par contract d'echange du 31 may 1669, de Florent Fleury, licencié ès lois, fondé de procuration des sieurs Denis Sanguin, aussi conseiller en la dite cour, Jacques Sanguin, et d'Antoine Sanguin, enfans et heritiers du dit messire Christophe Sanguin.
La dite dame veuve du dit sieur de Palluau en a passé titre nouvel le 5 janvier 1688.
A l'egard de l'autre maison, qui est la première et qui fait l'encoigneure des rues Jacob et Saint-Benoist, elle a esté adjugée sur la succession dudit Chauvin, par arrest de la Cour du 24 avril 1694, à François Nourry, ancien consul et marchand drapier, à la charge de payer à l'Université quarante-cinq livres de rente et quinze deniers de cens personnellement, faisant moitié de la somme de quatre-vingt-dix livres de rente, et deux sols six deniers de cens, à prendre solidairement sur la maison dudit sieur Nourry et sur celle de ladite dame de Palluau. Ledit sieur Nourry a passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 5 may 1694.
Troisième et quatrième maisons.
Ces deux maisons sont bâties sur trois cens toises de terre données à cens et rente par les dits Augustins au dit nom à Simon Devaux, parfumeur, par contrat du ... avril 1613, moyennant quatre-vingt-dix livres de rente et trois deniers de cens, lequel contrat ayant esté depuis resolu, lesdits religieux en firent un autre aux mesmes conditions à Jean de Lespine, charpentier, le 5 octobre 1618[208].
Ledit Jean de Lespine et Marie Bigot, sa femme, ayant fait bâtir deux maisons sur la dite place, vendirent la plus petite, par contract du 28 septembre 1628, à Robert Gillot, sieur des Periers, exempt des gardes du corps du roy, sans la charger d'aucune rente, mais seulement de deux deniers parisis de cens envers l'Université.
Le 2 janvier 1665, Elisabeth de la Planche, veuve du dit sieur des Periers, passant titre nouvel à l'Université, s'obligea seulement de luy payer les dits deux deniers de cens, conformément au contract d'acquisition de ladite maison, et à une transaction passée entre ladite Université et son defunt mary, le 5 mai 1629, homologuée par arrest de la Cour, du 19 novembre suivant, rendu entre ladite Université, ledit defunt sieur des Periers et ledit Delespine et sa femme, vendeurs, par lequel il fut ordonné que ladite rente de 90 livres par an, seroit assise et perçue sur l'autre grande maison appartenante audit Delespine et sa femme.
Valentin Drouyn, sieur de Boisimont, et damoiselle Jeanne Gillot des Periers, sa femme, fille et heritière desdits sieur et dame des Periers, vendirent ladite maison, par contrat du 14 mars 1671, à Louis Poncet et à la demoiselle Louise de la Grange, sa femme, chargée de deux deniers parisis de cens seulement, sur lesquels Poncet et sa femme ladite maison a été vendue et adjugée au sieur René le Sourd, marchand drapier, par sentence des requestes du Palais du 24 juillet 1673.
Ledit le Sourd en a fait donation à damoiselle Marguerite le Semelier, laquelle estant decedée, M. Thomas le Semelier, notaire au Chastelet, son père et son heritier, en a passé titre nouvel, par devant Baglan, notaire, le 15 juillet 1694, à la charge des dits deux deniers de cens. La dite maison est bastie sur 6 toises de face sur la rue Jacob, et sur 18 toises de profondeur, y compris le jardin, qui a 5 toises de largeur. Cette maison avoit esté supprimée dans les comptes pour couvrir une malversation, et elle y a esté remise par M. Colletet[209], receveur de l'Université, en 1695.
A l'egard de l'autre grande maison, elle fut vendue et adjugée sur le dit Delespine et sa femme, par arrest du 28 novembre 1640, à M. Louis Cochon, avocat, à la charge des dites 90 livres de rente et 5 deniers de cens envers l'Université.
Dame Denise de Roques, sa veuve, en passa titre nouvel, conjointement avec ses enfans, le 12 janvier 1669, pardevant Boucher et Levesque, notaires.
Cinq, six et septième maisons.
Ces trois maisons sont basties sur 100 toises de terre d'une part, données à cens et rentes par les dits Augustins, par contracts du 13 avril 1613, à Jacques Rousseau, brodeur, moyennant 30 livres de rente et 1 denier de cens, et 100 toises de terre d'autre part, données par les dits Augustins aux mesmes conditions, par contract du 18 des dits mois et an, à Jean Dubut.
Ledit Rousseau ayant fait bastir une maison sur la dite place, elle fut sur luy saisie, et adjugée à Charles Gazeau, masson, le 20 septembre 1617.
Le 21 juillet 1624, le dit Gazeau la vendit à Jean de la Jarrie, boulanger.
Le 5 aoust 1638, le dit de la Jarrie et Marguerite Lorillier, sa femme, la revendirent à damoiselle Marguerite Regnouet, femme separée de biens de M. Jean Baptiste Mathieu[210], historiographe de France.
A l'egard des autres 100 toises de terres acquises par le dit Dubut, il en vendit 50, le 18 octobre 1618, à Julien le Charetier.
Le dit le Charetier en retroceda depuis dix au dit Dubut, et n'en retint que 40, chargées de 12 livres de rente.
Le 18 janvier 1633, le dit Dubut et Charlotte Ladam, sa femme, vendirent à Jean Amy, bourgeois de Paris, une maison bastie sur 60 toises de terre, chargée envers l'Université de 18 livres de rente.
Le 14 may 1640, le dit Amy eschangea avec la dite damoiselle Mathieu la dite maison.
Le 22 decembre 1617, Innocent Loison acquit du dit le Charetier les dites 40 toises de terre, sur lesquelles il fit bastir une maison.
Le 19 novembre 1640, Anne Cochon, veuve du dit Loison, et Jean Desmarests, à cause de Catherine Loison, sa femme, et fille et heritière du dit defunt Loison, vendirent à la dite damoiselle Mathieu la dite maison, chargée de 12 livres de rente envers l'Université.
Au moyen de quoy la dite damoiselle Mathieu fut proprietaire des dites trois maisons, basties sur les dites 200 toises de terre, desquelles elle disposa par donnation entre vifs, du 23 fevrier 1674, en faveur des religieux de la Charité, lesquels, pour l'indemnité, payèrent, en 1675, 9,000 livres et 600 livres pour le rachapt de la rente de 30 livres. Les dits religieux ont passé titre nouvel le 6 juin 1687, et encore le 1er mars 1695, pardevant le dit Baglan, notaire.
Huitième maison.
Cette maison est bastie sur 200 toises de terre baillées à cens et rente par les dits Augustins au dit nom, par contracts des 13 avril et 18 mai 1613, à Mathieu Ladam et Mathieu Hautecloche, brodeurs, moyennant 60 livres de rente et quatre deniers de cens.
Les 18 juin et 4 juillet au dit an, les dits Hautecloche et Ladam cedèrent leurs droits à Mathieu Labbé, marchand.
Le 12 juin 1614, le dit Labbé vendit la dite place à M. Robert Frissard, avocat, sur laquelle il fit bastir la dite maison.
Le 5 decembre 1637, le dit sieur Frissard ceda la dite maison à damoiselle Marie Frissard, sa fille, pour demeurer quitte envers elle de ce qu'il luy devoit par son compte de tutelle.
La dite damoiselle Frissard epousa Claude Arnoullet, sieur de Bezons, controleur provincial du regiment de Champagne[211].
Damoiselles Angelique et Louise Arnoullet de Bezons, leurs filles et heritières, en ont passé titre nouvel le 6 juin 1687, pardevant Baglan et son confrère, notaires.
Neuf et dixième maisons.
Ces deux maisons sont basties sur 150 toises de terre données à cens et rente par les dits Augustins, au dit nom, à Pierre Hanon[212], par contract du 18 mars 1613, moyennant 45 livres de rente et 2 sols six deniers de cens.
Le 5 mars 1616, le dit Hanon en ceda 30 toises à Didier Deschamps et à Catherine Dudoigt, sa femme, à la charge de 9 livres de rente et de 2 deniers de cens.
Le 27 decembre 1617, les dits Deschamps et sa femme en vendirent 15 toises à André Millois.
Le 12 avril 1618, le dit Deschamps et sa femme vendirent à Nicolas de Hene, charpentier, une petite maison bastie sur les autres 15 toises de terre.
Le cinquième janvier 1622, le dit Millois vendit au dit de Hene une maison bastie tant sur les dites 15 toises à luy cedées par le dit Deschamps que sur autres 13 toises qu'il avoit depuis acquises du dit Hanon.
Le 17 may 1623, Arnaud de Lassaignes acquit du dit Hanon le restant des dites 150 toises, montant à 107 toises, lesquelles, avec les 30 qu'il avoit vendues au dit Deschamps et les 13 qu'il avoit pareillement vendues au dit Millois, faisoient les 150 qu'il avoit prises à cens et rente des dits Augustins.
Le dit de Lassaignes en passa aussi tost declaration au profit des religieux de la Charité.
Le 6 mars 1624, les dits de Hene et sa femme vendirent aux dits religieux les deux petites maisons par eux acquises des dits Deschamps et Millois, lesquelles les dits religieux firent decreter et s'en rendirent adjudicataires par sentence du Chastelet du 22 may au dit an.
Le 2 mars 1637, les dits religieux furent condamnez, par sentence des requestes du Palais, à payer et continuer à l'Université les dites 45 livres de rente, avec le cens et le droit d'indemnité.
Et le sixième jour de septembre 1647, Messieurs de l'Université estant convenus avec les dits religieux de la Charité de faire mesurer et arpenter tant les places que ces religieux possedoient de leur chef dans la censive de la dite Université que comme estant aux droits des nommez Hanon et Scourjon sur les rues Jacob, des Deux-Anges et du Colombier, il s'est trouvé, par l'arpentage qui a esté fait des dites places par le Mire, juré arpenteur, le dit jour, que l'ancienne place que les dits religieux avoient acquise des dits Augustins par contract du 12 juillet 1613 contenoit 1359 toises deux tiers, sçavoir: 28 toises de face sur la rue Jacob[213], 48 toises 2 pieds 8 pouces et 7 lignes du costé des dits Hanon et Scourjon, et 48 toises 4 pieds de face sur la dite rue des Saints-Pères, et qu'en deduisant 84 toises pour continuer, le cas y echeant, la rue des Deux-Anges[214], au travers de l'hôpital, jusqu'à la rue des Saints-Pères, ils possedoient reellement en la censive de la dite Université, non comprises les maisons qu'ils ont acquises depuis, 1291 toises 2 tiers de terre, et un peu plus, revenant en tout, à raison de 6 sols par toise, à 387 livres 11 sols 1 denier de rente par chaque an, laquelle rente a esté depuis rachetée par quittance du.... Les dits religieux ont passé titre nouvel pardevant Baglan, notaire, le 1er mars 1669.
Onze, douze, treize et quatorzième maisons.
Ces quatre maisons, sçavoir, deux dans la rue Saint-Benoist et deux dans la rue des Deux-Anges, sont basties sur 199 toises de terre, données à cens et rente par les dits Augustins à Philipes Bacot, peintre, par contract du 24 octobre 1613, moyennant 59 livres 14 sols de rente et 2 deniers parisis de cens.
Le dit Bacot ayant fait bastir sur ladite place et ne payant point ladite rente de 59 livres 14 sols, le bastiment et la place furent sur luy saisis reellement, et adjugez, par sentence des requestes du Palais du 6 novembre 1632, à M. Jean Lemoyne, contrôleur des guerres, lequel, par son testament du 19 novembre 1632, fit ses légataires universels M. Philippe Jolly, secretaire du roy, et damoiselle Jeanne Cressé, sa femme[215].
Le dit sieur Jolly fit abattre la maison construite par le sieur Bacot, et en fit faire quatre à sa place, dont la première, dans la rue Saint-Benoist, est à porte cochère; la seconde, tenante à la precedente, est aussi à porte cochère, avec une petite porte; les troisième et quatrième sont la première et seconde à gauche de la rue des Anges, en y entrant par la rue Saint-Benoist.
La dite damoiselle veuve Jolly en passa titre nouvel le 16 juillet 1661. Jeanne-Françoise Ranquet, veuve de Louis Jolly, fils et heritier de la dite damoiselle Jolly, au nom et comme tutrice des enfans mineurs du dit defunt et d'elle, en a passé titre nouvel pardevant Baglan le 5 mars 1696.
La quinzième maison.
Cette maison est bastie sur 49 toises de terre, vendues, par contract du 11 septembre 1620, à Philippes Leber, par Pierre Hanon, faisant partie de 205 toises qu'il avoit prise à cens et rentes des dits Augustins, par contract du 12 juillet 1613, moyennant 61 livres 10 sols de rente.
Les religieux de la Charité ont depuis acquis les droits des enfans et heritiers du dit Leber par contract du..., et ont passé titre nouvel le 1er mars 1695, pardevant Baglan, notaire.
La seizième maison.
Celle maison est bastie sur 36 toises de terre, derrière laquelle il y avoit un grand jardin contenant 120 toises, faisant en tout 156 toises, lesquelles, avec les 49 mentionnées en l'article precedent, font les 205 toises prises à cens et rente par le dit Hanon des dits Augustins.
Le dit Hanon fit bastir cette maison, laquelle fut vendue, le cinquième novembre 1644, par Pierre de Lespine et Françoise Belier, sa femme; Jean Belier et Germaine Merceau, sa femme; Denis des Hayes et Geneviève Belier, sa femme; Jean Lambert, tuteur de Jean, son fils et de Barbe Belier, sa femme, tous heritiers de Marguerite Lasseré, leur mère et ayeulle, troisième femme du dit Hanon, à Charles de Luppé et Barbe Hanon, sa femme, à laquelle Barbe Hanon le surplus de la dite place appartenoit, comme fille et heritière du dit Hanon.
Le 5 novembre suivant, les dits de Luppé et sa femme vendirent à Jacques Nau[216], secrétaire de la chambre du roy, et à Marie de la Lende, sa femme, le jardin, contenant 120 toises, estant derrière la dite maison.
Et, le 11 février 1645, ils vendirent aus dits sieur et damoiselle Nau la dite maison, laquelle les dits sieur et damoiselle Nau revendirent, avec le dit jardin, aux religieux de la Charité, par contract du 4 juin 1646, lesquels, au moyen de ce et de l'acquisition qu'ils avoient faite des droits du dit Leber, furent possesseurs et proprietaires des dites 205 toises de terre, chargées de 61 livres dix sols de rente, qu'ils furent condamnez à payer à l'Université par sentence des requestes du Palais du 20 decembre 1647, laquelle rente a depuis esté rachetée par quittance du...; et ont passé titre nouvel comme dessus.