Variétés Historiques et Littéraires (06/10): Recueil de piéces volantes rares et curieuses en prose et en vers
The Project Gutenberg eBook of Variétés Historiques et Littéraires (06/10)
Title: Variétés Historiques et Littéraires (06/10)
Editor: Edouard Fournier
Release date: March 12, 2015 [eBook #48477]
Most recently updated: October 24, 2024
Language: French
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VARIÉTÉS
HISTORIQUES
ET LITTÉRAIRES
Recueil de pièces volantes rares et curieuses
en prose et en vers
Revues et annotées
PAR
M. ÉDOUARD FOURNIER
Tome VI
A PARIS
Chez P. Jannet, Libraire
M.DCCCLVI
Les estranges et desplorables accidens arrivez en divers endroits sur la rivière de Loire et lieux circonvoisins par l'effroyable desbordement des eaux et l'espouvantable tempeste des vents le 19 et 20 janvier 1633. Ensemble les miracles qui sont arrivez à des personnes de qualité et autres qui ont esté sauvez de ces perilleux dangers.
A Paris, chez Jean Brunet, rue Neufve S. Louys, au Trois de chiffre[1].
M.DC.XXXIII.
Le dix neuf et vingtiesme jour de janvier present mois, il est arrivé que, par les grandes ravines d'eaux qui seroient tombées de quelques montagnes dans les rivières de Loire et d'Alliers, auroient tellement grossi les dites rivières, qu'en moins de quatre heures elles devinrent un des plus furieux et impectueux torrents que d'aage d'homme l'on n'aye peu remarquer.
Particulierement la rivière de Loire[2], de qui de tout temps les impetuositez ont tousjours fait de grands naufrages, pour autant qu'elle est platte et non profonde; cela cause son excessive rapidité, et icelle occasionne souventes fois la perte de beaucoup de biens et de personnes qui naviguent sur la dite rivière.
Ces deux eaux, mutuellement assistées et jointes, ont tellement bondy furieusement, qu'en moins de quatre heures, comme dit est, leur estendue a esté en d'aucuns endroits d'une lieue et demie et plus, où elles ont perdu et noyé nombre de villages et maisons de noblesse, ce qui n'a esté sans la perte d'un grand nombre de personnes, chose desplorable à raconter.
A plusieurs les effects miraculeux de la bonté de Dieu ont esté manifestez en ces effroyables perils; j'en specifieray quelques uns des plus admirables (et tous veritables) pour donner quelque chose aux curieux.
Entre autres, en un hameau (demie lieue de la rivière d'Ailiers[3]), paroisse de Sainct-George, un pauvre père de famille avoit sept enfans, lequel, bien empesché à se resoudre en tel danger, pensoit au salut de ses biens; mais, comme le torrent multiplioit sur luy, laissant ce soucy pour pourvoir au salut de sa famille, abandonna ses biens à la mercy de ce ravisseur impitoyable. Or, l'affection particulière qu'il portoit à l'un des dits enfans le rendit plus soigneux en ce danger de celuy-là, et, taschant de luy prester secours, fut repoussé par l'eau, qui l'avoit tellement avancé que tous ses efforts furent vains, ayant affaire pour soy de telle sorte qu'il fut contraint d'abandonner à ce désespoir ses biens et ses pauvres enfans et gaigner hativement le toict de sa maison, où il eschapa miraculeusement.
Un gentil-homme se promenoit un matin parmy ses heritages, et, jettant sa veue sur une colline, avisa un torrent d'eau qui descouloit d'icelle dans la rivière proche, qui se grossit en un instant, s'arresta tout estonné de voir chose si estrange pour estre survenu en un instant.
Les maisons, collines, vallées, bois, prairies, terres et semblables objets de sa remarque journalière, ne paroissoient plus. Telle nouveauté luy faisoit dementir ses yeux; enfin, s'arrestant plutost au sens qu'à son imagination, se retira hastivement et à pas redoublez au logis, advertit sa femme du danger qui les menaçoit de près, et mit toute sa famille en devoir de charger ce qu'un chacun pourroit porter, afin de sauver quelque partie de ses biens.
Mais cet ennemy debridé ne leur donna pas ce relasche; il fut plustost à la porte que leurs paquets ne furent troussez; ils furent contraints de quitter ce soucy pour pourveoir à leur sauver. Les fardeaux et les charges servirent à aucuns pour estre soustenus quelque temps sur l'eau et prolonger leur naufrage.
Ce gentil-homme, sa femme et ses enfans accoururent diligemment au plus haut estage du logis, se perchans sur deux solives, tous esperdus, et, ayant abandonné leurs sens à la frayeur, commençoient à mourir à l'aspect de la mort.
Ce pauvre père de famille, en telle perplexité, s'avisa d'une bougette[4] où estoient les papiers des acquisitions de ses biens, et, avec grand hazard de sa vie, l'alla querir et la lia fermement à l'une des dites solives, à celle fin (disoit-il) que, quoy qu'il arrivast de soy et de ses biens, l'eau venant à se vuider, il eust le moyen de rentrer en paisible possession de ses biens, si la fortune luy reservoit sa dite bougette.
Au milieu de ce triste confort, la rivière, roidissant plus fort, renversa de fond en comble la dite maison, tellement que qui n'avoit peu gaigner le dessus mourut doublement, accablé et noyé.
Ce fut un piteux et lamentable depart du mary d'avec sa femme, et tous deux d'avec leurs enfans. Ce pauvre gentil-homme affligé, ayant par fortune attrapé un arbre qui avoit esté deraciné par la vehemence du vent et du rude courant des eaux, monta dessus, et fut porté en ceste sorte la longueur de trois cars de lieux, et fut conduit miraculeusement à la rive d'une coline, où il mit pied à terre, grimpant en hault, d'où il descouvrit la sanglante tragedie qui se passoit devant ses yeux, sur sa femme, ses enfans et sa famille, contribuant de l'eau et des larmes en abondance au torrent où ils estoient miserablement suffoquez.
Quantité de personnes de divers aages, qualitez et sexe, ont estez peris en ces deluges et furieuses tempestes des vents, et plusieurs autres ont eschappez par des façons estranges et admirables.
Entr'autres l'on rapporte d'un homme et d'une femme, près de la ville de Nevers, voyant l'augmentation des eaux proches d'eux, et n'ayant lieu pour leur sauver (ayant esté surpris), furent contrains de monter sur un arbre, n'ayant devant les yeux que l'horreur d'une mort affreuse, apperceurent de loing une cuve, large et spacieuse, laquelle s'adressoit à eux et vint finallement (comme conduite par la Providence divine) s'arrester au pied du dit arbre. Eux, reconnoissant les graces infinies que Dieu leur faisoit, après l'en avoir remercié, s'embarquèrent en icelle, laquelle incontinent reprit le fil de l'eau, et furent par ce moyen rendus à bon port.
A quatre lieues au deçà de Rouane, sur la dite rivière de Loyre, fut pris un petit enfant aagé environ de quatre ans, tout nu en chemise, sur un rameau qui le portoit, avec un poussin dans le sein. Il est à présumer que la chaleur de ce petit animal ayda beaucoup ce pauvre enfant abandonné à la rigueur d'un tel froid.
Un habitant de la ville de Sancerre, estant surpris de ceste tempeste, se retira de sur un arbre avec sa femme et un laquais qui se dit estre de la ville de Troye en Champagne. Cet habitant, ayant peu d'asseurance en cet arbre, s'hazarda à la nage d'aller querir un bateau qui flotoit sur l'eau. Lors le pauvre garçon, ayant son seul et dernier recours en Dieu, s'adressant à sa maistresse (qui estoit de la religion pretendue reformée[5]): Or, priez maintenant Dieu, luy dit-il, à vostre mode et en quelle langue que vous voudrez; je le priray à la mienne. Et commença à faire le signe de la croix et prier à la façon de l'Eglise catholique. Son maistre cependant arrive avec le bateau, par le moyen duquel ils furent sauvez miraculeusement. Reconnoissant avoir receu un si grand benefice de Dieu, ont abjuré l'heresie de Calvin, et se sont convertis avec toute leur famille à la religion catholique, apostolique et romaine.
Plusieurs maisons ont estez entièrement sappées de leurs fondemens, et comme vaisseaux alloient demy noyez, flottant sur les vagues; les meubles et les provisions de plusieurs bourgs et villages ont estez miserablement ravis et entraisnez par l'eau, avec grand nombre de troupeaux de brebis et bœufs, qui, estant trop pesans à la nage, s'arestèrent au fond, où plusieurs hommes, femmes et enfans, sont demeurez ensevelis.
Ainsi quantité de semblables tragicomedies ont restées representées dans ces inondations. Le recit en seroit de trop longue haleine; ceux-cy pourront suffire pour tirer consequence des autres et faire voir quelque ressentiment des jugemens de Dieu, et donner à entendre qu'il est couroucé contre nous. Qu'ils suffisent donc aussi pour rendre les hommes plus soigneux à destourner son ire[6].
Le Feu royal, faict par le sieur Jumeau, arquebusier ordinaire de Sa Majesté[7]. Présenté au Roy.
A Paris, par Nicolas Callemont, demeurant à la rue Quiquetonne[8]. 1618.
Avec privilège du Roy.
Entre les lapidères, la pierre la plus précieuse estimée est le diamant, l'œuvre n'en rehaussant nullement l'excellence, mais seullement celuy qui a plus de pois et d'eclat a plus de pris: de mesme est-il des hommes, qui semblent que la nature les ayent formés en mesme moulle; mais l'esprit seullement leur donne le pois et le pris, et particullièrement ceux qui ont recherché l'invention des feux d'artifices, invention estimée par toutes les nations du monde, puisque aux choses memorables et aux actions les plus celebres, c'est l'ame des passetemps et le plaisir le plus estimé, puisque c'est celuy de nostre roy[9]. Aussi en ce jour heureux de Sainct-Cosme, pour lequel cest artifice avoit esté destiné et differé en consideration du voyage de Sa Majesté, où il s'agist de la commune resjouissance des François pour l'heureuse naissance de Louys le Juste, nostre roy invincible[10], où il s'est veu des effaits admirables du feu, que jadis celuy qui brusla ce que Alcide eust de mortel ne le peut esgaller, ny celuy dont Prometée anima ses statues ne fut jamais si glorieux.
En la première action il s'est veu cent fusées produire et nous monstrer diverses sortes de feu et de figures portées en l'air par des inventions admirables et qui n'ont jamais esté veues[11].
En la seconde action il s'est veu six geans, representant six nations en circonference, combatre les uns contre les autres au milieu de la rivière de Seine[12], qui avoient une perpétuelle action et un mouvement continuel, sans que l'on peust recoignoistre qui les faisoit mouvoir, au milieu de laquelle circonferance il y avoit un rocher eslevé d'une toise et demie de hauteur, sur lequel estoit un aigle d'une excessive grandeur, et Jupiter posé dessus, tenant son foudre à la main, qui lança sur les geans qui vouloient saper son trosne, lequel foudre il jetta sur eux et les reduit au neant.
Par la circonferance est representé le royaume de France, qui est tousjours demeuré ferme au milieu des ondes, bien qu'il aye esté battu, et quasi comme abbattu d'une infinité d'orages et de mouvemens divers que les siècles passés luy ont fait voir. Le mouvement continuel, c'est la sagesse et la raison qui balancent continuellement dans l'esprit de ceste Antipater de nostre Philippe François, que je puis nommer le premier cercle de ceste sphère et la première horloge dont le contre-poids tend tousjours au bien du public, que l'on peut dire avoir autant de faveur que son merite est eslevé entre les hommes; la vertu duquel l'on ne peut mettre en sa juste exaltation, car, si les souhets des sujets de Sa Majesté avoient lieu aux choses mortelles, je lui souhetterois de l'immortalité et luy donnerois toutes les louanges que les siècles que nous avons passé attribuent à l'integrité, au service et à la fidellité deue à son prince. Le rocher qui est au milieu de la circonferance, c'est la ville de Paris, ce miracle du monde, laquelle, encore qu'elle aye esté agitée et sa sainture aye esté veue de l'estranger, est tousjours demeurée ferme comme un rocher en l'obeissance de Sa Majesté.
L'aigle qui estent ainsi les ailes, c'est cet auguste parlement, ce nid de science qui protège, sous l'authorité du roy, le public et le particulier. Par Jupiter, qui est sur l'aigle assis, est representé Louys le Juste, nostre roy, qui, tout ardant de combattre comme un Cesar, tout redouté en son combat comme Henry le Grand, ayant le fer et le foudre en la main, le lance sur les nations qui le voudroient empescher de porter son espée sur les confins de l'univers, où nous luy verrons naistre les palmes dedans les mains et le laurier seindre son front glorieux.
En la troisième action il s'est veu sur un batteau sur lequel estoient des niches remplies de personnages et bordé de fleurs de lis coronnées d'une excessive grandeur avec L. L. d'or assises en des croissans soustenus par des septres, le tout semé de lances à feu qui rendent une clarté admirable, au milieu duquel estoit une piramide fort bien eslabourée et esmailée de toutes sortes de couleurs, aux angles de laquelle estoient quatre vazes dans lesquels estoient posez des bouquets de fleurs d'Italie representés au naturel, et à la pointe de laquelle estoit un soleil de huit pieds de diamètre, dont les rayons esbloissoient les yeux des assistans qui estoient accourus de toutes pars pour voir les merveilles de cet artifice. Le roy et la cour ayant veu ce soleil faire son cours en un quart d'heure, incontinent l'on entendit milles tonnerres retentir par le bruit des canons, qui sembloit que la machine du ciel devoit dissoudre.
Par ce pié d'estal[13] nous est figuré une cadrature qui est la mesme fermeté et asseurance, qui nous represante la paix, precieux gaige que le roy nous a donné, que nous ne pouvons plus dire que nostre bonne fortune soit chancellante, mais maintenant qu'elle est assise sur un ferme et durable fondement, durant laquelle voyons espanouir les fleurs de lis, non en l'orient ny au midy, mais au couchant de la journée, que nous pourrons dire estre animez de l'ardeur du soleil qui les regarde par une puissance extraordinaire.
Les personnages qui sont autour du piedestal representent la Force dont la Justice doit estre aydée, car depuis qu'elle est armée de puissance elle presse les passions violantes de l'ame du celerat qui a pour objet la punition qui le retient, et le bon à la vertu, qui l'engaige à bien faire. Les L. L. qui sont assises en des croissans representent le nom de Louys le Juste, que son peuple comble de benedictions, afin que, croissant en aage, en justice, pieté, clemence et en toutes autres sortes de vertus, nous puissions vivre en esperance que la France reverra encore le siècle doré. La piramide assise au milieu de la cadrature nous represente la Justice, qui est un des fondemens principaux du bastiment d'un Estat, justice qui vient du ciel divinement s'espandre sur la personne des roys; comme nous voyons l'humeur se puiser dedans l'eau, la chaleur venir du feu, la solidité du corps naistre de la terre et l'esprit se tirer de l'air, de mesme nous pouvons dire la justice venir de Dieu sur les roys, qui la renvoyent par reflection, comme les sources font leurs ruisseaux, dessus leurs peuples pour leur en faire user une plus tranquille et plus assurée. Aussi la justice est-elle la fin de la loy, la loy l'œuvre du prince, et le prince l'image de Dieu. Les quatre vases qui sont au pied de la piramide representent les quatre cas dont la Justice est animée, qui sont le commandement, la deffence, la permission et la punition, car la fin de la loi gist à commander, deffendre, permettre et punir. Cela estant inviolablement gardé fera que nous verrons le bouton et la fleur de la justice rendre les quatre coins du royaume tout odorans. En la pointe de la piramide est un soleil brillant qui porte le nom de ce grand roy, qui nous represente la Religion, qui est la première colonne, le principal apuy des royaumes, et le pivot qui donne le mouvement à ceste miraculeuse machine qui brille continuellement sur la justice, sur les lys et en la paix, et particulièrement au siècle où nous sommes, où nous voyons Sa Majesté estre le premier et principal protecteur, de sorte que nous pouvons dire que c'est un Cesar conquerant, un Auguste pacificateur de son Estat et un Constantin restaurateur de son Eglise.
En la quatriesme action, il s'est veu cent partemens de fusées enrichir le ciel d'un million d'estoilles, diverses sortes d'autres feux que l'on a veu serpenter dedans l'air et dedans l'eau[14]. L'on a veu des commettes non decendre du ciel, mais sortir de terre pour aller dans les cieux y porter les vœux et les prières de tous les sujets de Sa Majesté pour perpetuer les jours à la durée d'un siècle de ce grand roy, borner son royaume des confins de l'univers et le rendre le plus heureux monarque qui aye jamais veu le soleil.
Memoire veritable du prix excessif des vivres de la Rochelle pendant le siège.
Envoyé à la Royne mère.
A Paris, par Nicolas Callemont, demeurant rue Quiquetonne.
M.DC.XXVIII[15].
Depuis qu'une fois les hommes se retirent du sentier de la raison, non seulement ils se rangent au nombre des brutes, mais s'abaissent encore en un degré beaucoup plus bas: car, si les animaux iraisonnables souffrent quelquefois, ce n'est que par quelque accident, pour lequel eviter la nature leur a desnié la prevoyance; et les humains, qui prevoyent leur malheur et cognoissent bien le goufre dans lequel leurs violentes passions les vont precipiter, ne laissent pas de les suivre avec le mesme visage que si elles alloient les faire participant des honneurs d'un celèbre triomphe.
L'obstination des Rochelois donne assez de lumière à ceste verité, qui, soubs pretexte de mettre tous ceux de sa suitte en liberté, en a privez un bon nombre de la vie et fait abismer leurs ames aux creux des enfers, où elles sont reduictes en une horrible et perpetuelle servitude.
Elle a changé en un neant leur souveraineté pretendue, et, cependant qu'ils s'amusoient à forger de la monnoye[16], ils ne consideroient pas que ceste furie marquoit leurs ames à son coing pour les rendre là-bas de meilleur alloy et en faire un payement aux diables, desquels elle avoit emprunté les artificieuses inventions avec lesquelles elle avoit tant pris de peine pour les perdre.
Ainsi ceux qui mettoient l'esperance de leur conservation au ciel, à la mer et à la terre, ont trouvé que la terre, la mer et les cieux ont esté les propres ministres de sa ruyne, et que, lors qu'ils presumoient de faire estimer leurs courages affamez de gloire, leurs corps furent tellement affamez de vivres que le plus grand nombre a esté contrainct de succomber soubs les efforts de la necessité, et l'autre reduict à les achepter au prix dont le memoire suivant faict mention:
- Un biscuit de demy-livre, 25 livres.
- La livre de bœuf, ou vache, 12 livres.
- La livre de cheval, 6 livres.
- La livre de chien, 20 sols.
- La teste de chien, 10 livres.
- Un œuf, 8 livres.
- La pinte de vin, mesure de la ville[17], 7 livres.
- La livre de peau de bœuf apprestée, 3 livres[18].
- Une poulle, 24 livres.
- Un mouton, 300 livres.
- Une vache, 2,000 livres.
- La livre de sucre, 24 livres.
- La livre de castonnade[19], 16 livres.
- Une mourue, 10 livres.
- Une seiche, 6 livres.
- La livre de confiture commune, 16 livres.
- La livre de peau de bœuf seiche, 20 sols.
- Une racine de poirée, 8 sols.
- Deux feuilles de choux, 5 sols[20].
- Un oignon, 10 sols.
- Une trippe de bœuf, 3 livres.
- Une trippe de cheval, 20 sols.
- Une pomme, 32 sols[21].
- La pinte de lait, 3 livres[22].
- Le boisseau de bled, mesure de la Rochelle, 800 livres.
- La huictiesme partie du boisseau de bled, avec le sang de pigeon, 90 livres.
- Le boisseau de vaisse, 100 livres.
- La livre de viande d'asne, 32 sols.
- Un pasté d'une ruelle de bœuf, 100 livres.
- Un collet de mouton, 27 livres.
- La livre de lart, 12 livres.
- L'once de pain ordinaire, 32 sols.
- L'once de pain de paille fait avec sucre, 22 sols.
- Un reffort, 5 sols[23].
- La livre de raisins frais, 18 livres.
- La livre de beurre, 18 livres.
- La livre d'huille, 18 livres.
- L'once de pain d'iris, avec sucre, 24 sols.[24]
La grande proprieté des bottes sans cheval en tout temps, nouvellement descouverte, avec leurs appartenances, dans le grand magasin des esprits curieux.
SUBJECT DU PRESENT DISCOURS.
Je ne crains point d'avoir mon bas crotté,
Car en tout temps sans cheval suis botté.
Ce noble estat m'espargne argent et page,
Laquais, cheval, foin, avoine et fourrage.
A Paris, chez Nicolas Alexandre, rue des Mathurins.
M.DC.XVI.
O bella cosa! disoit dernierement un ramoneur lombard voyant la merveille des bottes. Disons donc: Ho! messieurs, venez voir, venez voir, et tost donc! Voicy l'invention des inventions, voire la plus belle chose qui se puisse trouver au ratelier du grand chosier. Or escoutez donc, car vous verrez et orrez merveilles. Je souppois dernierement avec le bon père Crito (je m'enten bien); il estoit aussi un peu philosophe, et venoit tout estonné de faire la ronde autour de l'esquadre des fols, et, pour m'assurer de son dire, me jura sur son court et large coutelas qu'il n'estoit plus si fol qu'il souloit estre au temps du philosophe Menippus, qui portoit tousjours le pacquet de sa folie sur luy, soit qu'il allast aux champs ou qu'il fust de sejour en la ville. Revenant donc, dit-il, de ce beau pays des fols, il dit qu'il eut beaucoup de peine à retrouver le chemin, car l'air inferieur en estoit tout obscurcy, et ne sçavoit lequel regarder, tant il y en avoit; entre autres il vit la nouvelle façon des bottes sans chevaux et en fut tout estonné, veu que ce n'est la coustume en France d'avoir des bottes s'il n'y a cheval en l'escurie. Mais il s'advisa et dit en soy-mesme: Peut estre, helas! que je me suis fourvoyé et que je suis en l'autre monde. Et, cherchant de tous costez, s'asseura, cognoissant qu'il estoit à Paris, et sceut par un savetier au coin d'une rue[25] l'occasion de tant de bottes sans chevaux; et, beuvans ensemble, ledit savetier (salva reverentia vestra) luy dit: Monsieur, vous qui venez de loin, n'avez-vous point appris par ouyr dire pourquoy vous voyez tant de gens bottez? Il y a icy, je me doute, de la ruse et de la finesse cachée.—Je vous le diray, puisqu'il vous plaist me faire cest honneur que bevions icy particulierement au fond de ceste cave: personne ne nous orra. C'est (mais à vos graces cependant) qu'un certain quidam, gentil-homme sans nom, botté et espronné comme un cocq, mais sans cheval, est arrivé en ceste ville n'y a pas long-temps, et, feignant estre quelque grand entrepreneur, promit à plusieurs un secret pour paroistre galand homme et contre-faire le courtisan. O! que cela plaist à plusieurs aujourd'huy, qui demandent à ces pauvres col-porteurs: Et bien! mon maistre, y a-il rien de nouveau? Qu'est-ce que tu as là dans ta bale? N'est-ce que cela de nouveau? Et disant cela n'oublient une autre nouvelle façon de se curer les dents; mais, helas! les miserables n'ont encor desjeuné, quoy qu'il soit trois heures après midy, faute d'un sol pour demy-septier et deux liards de pain, et ils demandent de la nouveauté. C'est bien raison, puis que Moustafa porte des bottes, cheminans superbement les mains sur les costez comme pots à anses, dedaignans moustachiquement tout ce qu'ils rencontrent. Leurs foudroyantes espées peuplent presque tous les cimetiers de corps, lesquels, après avoir esté tuez de tels gens, ne laissent de se bien porter par après[26], et qui pis est, de leur regard louchant soubs un branlant pennache de demy-quart d'escu[27], ils font presques fremir Juppin, qui est sur le point, ce leur semble, de leur cedder son foudre et son aigle pour avoir paix avec eux, nonobstant qu'ils ne facent peur qu'aux limaçons[28], mousches et sauterelles. Je m'assure que, si le plaisant Lucian les rencontrait, il s'en riroit demesurement, et par pitié leur donneroit de ses roses, pour d'asnes (comme il fut autrefois) les faire devenir hommes[29], afin qu'estans deschargez du fardeau de folie, ils peussent passer la barque de Charon et aller hors de nostre sphœre danser aux champs Elisiens. Mais, à propos de bottes[30] (nous en dirons ce qu'il faut sur la fin), nostre Crito dit avoir ouy une grande plainte: c'est que les chapeliers sont tout estonnez non seulement de tant de bottes nouvelles, mais aussi des nouveaux chappeaux pour accompagner les dites bottes dans plus de la moitié de la Savaterie, et disent qu'en cela ils perdent l'escrime et le meilleur de leur latin, quoy qu'il n'y en ait guères: car en la fabrique des chappeaux l'un les veut pointus en pyramides, à la façon d'un pain de sucre[31], qui dansent en cheminant sur la perruque acheptée au Palais, garnie de sa moustache[32] à queue de rat derrière l'oreille; autres les veulent plats façon de chasse, ou à la cordelière, retroussez d'un costé en façon de mauvais garçon, avec un morceau de plume verte, jaulne, rouge, grise ou autrement, et voilà le galand; autres en veulent en façon de turban levantin ou moscovite, ronds et peu de bords[33], pour dire: Je ne suis plus Francé. C'est comme on parle maintenant[34]. Je veux une nouvelle façon. Et quoy! ne paroistray-je pas botté, espronné, moustaché et guirlandé? Si feray dea! C'est la verité, Monsieur; vous estes brave comme cela, et si paroissez autrement, vous vous pourriez bien hardiment dire descheu du point d'honneur et n'oseriez vous trouver au lendit de Sainct-Denys[35]. Une autre nouveauté, c'est les habits de certaines damoiselles imprimées nouvellement qui sont habillées à la suisse, faisant boufer hors des manches le taffetas, comme les brayettes d'iceux Suisses[36], où il y a du nez, quoy qu'on en die; mais elles gastent toute la bigarure avec leurs fausses perruques, saulpoudrées de poudre de Cypre[37] (c'est discrettement fait), à sçavoir pour corrompre une plus mauvaise odeur cachée dessouz, et pro causa[38]. Je les entends desjà, ce me semble, car elles ont bon caquet: «Nostre-Dame, ma mie, ma commère, qu'est cecy? de quoy se mesle-on? qu'a-on affaire de nos menues folies?» Patience, damoiselettes, attendez, et non fumetis, ayez patience. Elles portent encore (Ha! maistre Crito, vous direz tout à la fin) le teton bondissant[39] et relevé par engins au dehors, pour donner appetit et passetemps aux alterez. Ainsi marchoit Thaïs de Corinthe, Flora, Romaine, et autres femmes lascives; et, suivant cela, on dit que bon vin n'a besoin de bouchon[40].
Mais j'ay pensé oublier le principal: c'est que, pour porter proprement telles bottes, il faut s'accoustumer à dire: chouse, je venés, je disés, j'estés, Anglés, Francés, et autre tel barraguin estranger; et qui n'a ceste pièce en sa valise, qu'il se garde bien pour son honneur de porter des bottes de cordonnier, soit de la savaterie, car elles sont aujourd'huy cause d'un grand bruit, d'autant que les maistres cordonniers sont sur le point de se bien galer avec les savetiers, car il n'y a qu'eux qui vendent des bottes frippées à un quart d'escu ou vingt sols. Ils veulent aussi aux ferronniers de la vallée de Misère[41] pour les vieux esperons. Autre grand debat s'est esmeu entre les maquinons, vendeurs de chevaux, avec les sus dits savetiers, car ils veulent sçavoir, quoy qu'il en soit, d'où ils ont tant de bottes, et eux ne vendent point de chevaux, et asseurent en leurs articles qu'il y a de la tromperie, veu qu'il ne peut avoir tant de bottes sans chevaux[42]. Mais l'affaire n'a point esté si aigre, car les savetiers ont représenté (descouvrant le secret du sus dit gentil-homme sans nom) que les grandes boues de Paris estoient cause de telle confusion de bottes[43], et qu'un homme a plus tost trouvé vingt sols pour une paire de bottes que vingt escus pour un meschant cheval, joint qu'elles sont propres du tout pour espargner souliers, bas de chausses, se garder des crottes et espargner le foin et l'avoine pour un cheval; et, qui plus est, un homme botté et esperonné est estimé, peu s'en faut, gentil-homme, et a plus de credit à la rotisserie et au tripot, attendant les foins nouveaux[44]. Ces considerations diligemment et meurement pesées, burelées et justifiées, les commoditez des bottes recognues si grandes, qui sera si hardy d'en oser medire? Voyons-nous pas qu'elles servent en tout temps pour aller à pied sans cheval? Y a-il rien de plus gentil et mirlifique que voir un homme perruqué, escharpé, botté et esperonné? Est-ce pas un traict d'espargne provenant d'un bon esprit? Le pauvre Platon fut estimé fol autrefois parce qu'il descendit de cheval aussi tost qu'il y fut monté. Il me semble d'en avoir ouy la cause, et ay ouy dire que ce fut parcequ'il se recogneut estre sans bottes. Ainsi, par consequent, je concluds, soit en baroco[45], padesmo ou autrement, comme on le trouvera meilleur, qu'un homme est tousjours plus asseuré des chiens avec des bottes qu'avec un bas de toile, principalement quand les esperons y tiennent, et qu'il ne doit pour son honneur aller à cheval sans bottes. Ainsi se trouve verifiée ceste generale et merveilleuse prediction du grand Artus, au large bonnet flocqué[46], qui vivoit du temps de son grand frère Desiré[47], bon homme des Entomures[48], souz le pilier verd des gras fromages, aux hasles, qui a predit qu'au temps que les grues pondroient en l'air on verroit de très grandes merveilles, à sçavoir des chevaux en pourpoint et des hommes bottez sans mule. Finalement, pour eviter à toutes questions, noises, frais et debats, a esté d'un mutuel accord et consentement conclud, clos et arresté entre tous les autres estats qui y pourroient ou voudroient pretendre quelque interest, et les sus dits savetiers, tant des hasles, savaterie, rue de la Poterie et ailleurs, tous ès lieux de leur fripperie, assemblez à la Table Roland[49], et partout où le vin a esté trouvé le meilleur, que les dits savetiers n'achepteront ny vendront desormais, tant en gros qu'en detail, aucunes bottes, tant crottées qu'autrement, si le cheval, mulet ou asne à selle ne les cautionne duement et suffisamment; mais il est apparent et notoire qu'il n'y a point de cheval à l'estable faute d'avoine, de foin et d'argent, qui est le pis, ergo gluc, etc. Les bottes sans cheval sont fessées, biffées et annulées, et remises ès pieds et jambes de ceux qui auront le moyen de les entretenir avec leurs despendances, et ce soubs ceste moderation:
Vade pede quando copia deficit equi.
Je vay botté en attendant un cheval.
Je vous conseille donc, bonnes gens bottez sans cheval, laissez ces bottes aux seigneurs et gentils-hommes qui ont moyen d'avoir des chevaux. Cela vous eschaufe trop les jambes et vous empesche. Aussi n'avez-vous accoustumé d'en porter, comme n'estant vostre estat. Je vous assure qu'on se mocquera de vous, et ce que je voy arriver de pis, c'est qu'il les faudra à la fin vendre à mespris pour payer voz gistes, car les hostesses de Paris n'ont que faire de bottes: elles veulent d'argent. Adieu; soyez sages.
Les etrennes de Herpinot[50], presentées aux dames de Paris, desdiez aux amateurs de la vertu, par C. D. P.[51], comedien françois.
A Paris, jouxte la copie imprimée à Rouen, chez Michel Talbot, imprimeur, demourant rue du Gril.
1618. In-8.
Mes dames, voicy un don incomparable, produit de la bienveillance de vostre très intime et fidelle Herpinot, premier joueur de cornemuse, sorty du tige d'Apolon et de Pan, grand aumonier de ce qu'il trouve et baron de nul lieu, et gouverneur de son vent soufflé du plus profond de ses grègues, entonné au bout d'une pièce de bois percé, et fait entendre en ce premier jour d'année en vostre faveur, en vous donnant le meilleur timbre de son harmonie et le meilleur plat de son mestier, pour et à celle fin de vous faire mourir de rire et vous donner autant de contentement comme il a eu à etudier ce ballet qu'il vous garde pour vos estrennes, qui est sur le chant:
Gaudinette, je vous aime tant[52],
air fort nouveau et amoureux, lequel vous promet vous faire entendre se par cas il se trouve disposé à vous venir trouver, et que la gelée n'empesche son entreprise, car il désire vous entretenir jusqu'au carême. Prenant tousjours de quelque chose de nouveau, et principalement en ce premier jour d'année, il se monstre vaillant de vous faire paroistre son affection en son petit ouvrage, que vous recevrez, s'il vous plait, de la main de vostre mignard Herpinot, avec plusieurs beaux stances et sonnets vouez et desdiez aux pieds de vos autels, et par ce moyen vous vous apresterez à luy presenter les siennes de votre part, lesquelles il desire de recevoir avec une affection toute particulière, et autant sinsaire qu'amiable, comme il s'apert que ce n'est un homme lequel divulgue jamais l'amitié que les dames luy portent, et aime mieux leur dire quelques gaillardises en segret qu'en compagnie, comme, par exemple, par ce discours, qu'il presente aux dames de Paris pour leurs etrennes secrettement, comme une trompette qui sonne la retraite, car le sire Herpinot ne dit chose qu'il ne veuille bien que le curieux sache, parce qu'il s'en pourra servir en parfaite occurance. Voilà comme Herpinot se gouverne en ce subtil subjet, et ne croyez pas qu'il ressemble à une infinité d'amoureux, lesquels passeront cent fois par une porte où il y aura quelque fille de chambre, laquelle aura servy en chambre vingt ans pour le moins sans n'avoir nullement fait servir son lit, mais aura bien fait servir celuy du maistre[53]. A force de jouer à la faucette, le pauvre amoureux viendra cent fois à la porte pour tacher de parler à madame la cheville, luy demander s'il luy plaist de l'avoir pour agreable et l'aimant. Douée d'une infinité de belles parolles et de discours, de dons et de presens, elle luy fera un beau refus, se disant fille de bonne maison, et non de bordeau, l'appelant insolent et indiscret en parolle, tant soit peu touché de la vérité contre son honneur. Mais le sire Herpinot n'est pas de ceste façon basty, car il propose en soy-mesme ce qu'il a envie de dire, comme, par exemple, les Etrennes des dames de Paris, où il dit:
Sonnet.
Je vous supplie de recevoir
Ce present qu'Herpinot vous donne,
Car son cœur seul vous abandonne,
Belles, si le voulez avoir.
Ce n'est rien si ne me voyez
En ma force, qui est si grande,
Car je dance la sarabande
Sur l'entredeux de vos beautez.
Je joue de ma cornemuse
Et fais dancer toutes les Muses
De ma flutte et mon flajolet.
J'invoque la deesse Flore
Vous donner, au point de l'aurore,
Un bouton de rose ou d'œillet.
Quel desir pourrois-je, mes dames, souhaiter et demander en mon cœur, sinon qu'un parfait contentement et accomplissement de vous servir en tout ce qui me sera possible effectuer pour l'hommage que je doy rendre à vos commandemens, tant au lict qu'à la table, tant pour vous contenter que pour le desir de vostre cher amy Herpinot, lequel vous a tousjours porté en son cœur, comme une espousée a coustume de porter son cher epoux huict jours après ses nopces, comme, par exemple, le proverbe nous enseigne qu'il n'y a plus grand contentement au monde que d'avoir ce que l'on desire. Je croy que non, pour mon particulier; j'en ay gousté de plusieurs sortes, mais je n'en ay point treuvé de meilleur, et dirois volontiers comme ce bon Alluchon, lequel courtise secrettement de sa jeunesse les lechefrites des plus nettes cuisinières des halles aux doubles ressorts de leurs serrures, accommodiez au tourne-clés des bons compagnons, lesquels profére ces mots:
Mes dames, que desirez-vous?
Voulez-vous que je vous baise
L'une après l'autre, à mon aise,
Pour contenter nos amours?
Je suis d'un cœur fort constant,
Et constamment je m'appreste
Au bruict du foudre et tempeste.
Je ne suis facheux amant.
Celle-là qui me desire
Jamais n'aura le martire
Et vivra joyeusement.
S'elle est gaillarde et joyeuse,
Sentant ma flame amoureuse,
Aura son contentement.
Aussy jamais, mes dames, vous n'avez gousté les delicatesses d'amour, si vous n'avez esprouvé, savouré, tasté, essayé, gousté, esprouvé, mangé et cultivé le parfait amour de vostre cher et inthime Herpinot, lequel il vous faict present à ce premier jour de l'an en bonne estrenne, et vous dit:
Sonnet.
En ce premier jour d'année,
Que vous donray-je pour present?
Belle, tenez-vous asseurée
De vivre tousjours constamment:
Car, estant avec moy couchée,
Vous y prendrez vos passetemps,
Et en ce premier jour d'année
Nous ferons rehausser le temps.
Vous vivrez joyeuse et gaillarde,
Car vous m'aurez pour sauvegarde;
De peur vous n'aurez ny soupçon.
Vous aurez la delicatesse
Qu'Amour promet à sa deesse,
En neuf mois un bel enfançon.
Sixain.
Quand nous serons couchez ensemble,
N'ayez pas crainte que je tremble;
Mais la couche bien tremblera.
Nous ferons, à force d'eschine,
Branler la chambre et la cuisine;
Mais le grenier ne tombera.
Ainsy, le sieur Herpinot desire contenter les dames, et ne parle pas seulement à une, mais en general et particulierement à celles qui aiment les dances. Dancez et branlez par le branle naturel d'Herpinot, le plus parfait danceur de ce temps, tant en basse salle que haute. Il ne craint aucune personne, tant soit-il fort de rains que garny de force naturelle. Je m'en rapporte à celles qui en ont tasté et essayé, lesquelles ne s'en plaignent, et disent au contraire de celles qui se plaignent des instrumens et des joueurs qui jouent le jour de leurs nopces, refrognant le nez comme rhinoceros eschauffez et disant: Voilà de beaux gratte-boyaux! voilà de braves joueurs! Vrayment, Herpinot touche bien mieux les boyaux que cela et a bien une autre eloquence. C'est dommage que l'espousée n'en a tasté: jamais ne voudroit d'autre joueur. Oh! que n'est-il icy? Nous aurions bien du contentement. Je voudrois m'en avoir cousté cent mille gigos, monnoie de Flandre, payez tous en cars d'escus, et deussions-nous les emprunter au magasin du grand Turc, à rendre d'aujourd'huy en un an. Ma foy, nous aurions nostre contentement. Et par ainsy le sieur Herpinot est honoré des dames pour sa vaillantise et bonne renommée. Qu'un chacun fasse de mesme, et il aura l'honneur, comme luy, tant des femmes que des filles.
Aux Dames.
Dames de quy la bienveillance
Honore le pauvre Herpinot,
Je vous promets sa diligence,
Ainsy que faisoit Adenot,
Alors qu'amoureux il estoit
De la deesse Babillette,
Quy estoit gaie et godinette,
Pour la grant amour qu'elle avoit.
Voyant la grace et le maintien
De son amoureux si fidelle,
Ne demandoit point de querelle,
Mais vouloit voir son entretien.
La chose quy la reconforte,
C'est qu'estoit contente à souhait
De la chosette qu'avoit fait
Adenot derrière la porte.
Aux Filles.
Filles quy desirez avoir la cognoissance
Du sire Herpinot, vivez en asseurance
Que, si vous le voyez avec sa gaie humeur,
Vous ne rougirez pas de honte et de frayeur.
Mais, entendant le son de sa voix amoureuse,
Avec le dieu d'Amour vous viverez heureuses;
Vous chasserez bien loin le chagrin, la tristesse,
Et vivrez pour jamais d'amour et d'allegresse.
Harangue de Turlupin le Soufreteux[54]
M.DC.XV. In-8.
Harangue de Turlupin le Soufreteux.
AU ROY.
Au temps que les hommes se mouchoient à la manche, Sire, se trouva un philosophe, lequel, ayant hasardé toute sa chevance à la mercy de la mer, comme après de longues attentes il receust les nouvelles asseurées du naufrage, sans se passionner[55] autrement ny faire le malade, comme les hommes de ce temps, il se consola de ceste sorte: fortuna jubet me expeditius philosophari. Si un sage peut usurper les discours d'un fol, et celuy qui par son destin est miserablement exposé en butte aux rigueurs de la fortune se servir des termes sortis de la bouche de celuy qui ne se doit plaindre que de sa sottise, je diray le mesme aujourd'huy: à mesure que la Fortune a joué de mes restes, elle m'a desantravé de tous les empeschemens qui m'ostoient le loisir de me venir arraisonner avec Vostre Majesté. Lors que par faute de prise elle a cessé de me meffaire, elle a commancé de me permettre de me plaindre, et certes je ne pouvois plus à propos vous mettre en veue mes disgraces que lors qu'elles sont arrivées à leur feste. Je voy Vostre Majesté froncer le sourcil et dire à part soy: N'entendray-je jamais autre chose que doleances? D'où nous vient ce transi avec sa maigre mine? De quoy a-il à se plaindre? Qui est-il? qui me l'a emmené icy? Helas! Sire, donnez-moy un quart d'heure d'audiance, et vous sçaurez le tout. Je suis Turlupin, fils de Jacques Bonhomme[56], non de celui qui crioit antan[57] comme les anguilles de Melun[58] et se plaignoit à tort. Le vray Jacques, qui feust mon père, mourut il y a bonne pièce de temps; mon ayeul avoit nom Bontemps[59]. Si vous voulez que je repète plus haut mon origine, je descens en droitte ligne de l'un des fils de Noé, je ne vous sçaurois dire lequel; j'avois ung frère qui fust estranglé par ung chat qu'il avala dans une pottée de laict[60], dont bien luy en prinst: il ne partist pas à jeun de ce monde. Mon education feust chés mon oncle le curé, frère de ma mère, qui m'enseigna à lire et escrire, et du latin autant qu'il en peut suffire pour mourir de faim dans une bonne ville, et se pendist à la fin de gayeté de cœur l'année des grandes foüasses[61]. L'avoir de mon père consistoit en une maison, un champ et une vigne, qu'il me conserva et laissa en mesme estat qu'il l'avoit receu de son père, mon ayeul. Le bon homme alla de vie à trespas l'an de grace mil cinq cens quatre-vingts-six, et tomba malade le propre jour qu'il ouyst publier deux ou trois douzaines de nouveaux edicts. J'estois lors assez jeune, et toutesfois de tel aage qu'à peu d'années de là je me sentis les espaules assés fortes pour la voiture d'ung mousquet, que je portay heureusement soubs la banderolle des catholiques zelez jusques à l'année quatre-vingts-dix-sept, qui feut celle mesme de l'enterrement de la saincte union et de mon bonheur tout ensemble. Dès lors la misère me vint accueillir; je commançay d'espouser avec le soing de mon mesnage ung chagrin qui ne m'a depuis quitté. La première attaque que la Fortune me livra feust la saysie de ma maison pour les tailles accumullées de quatre ou cinq années, subhastation[62] et adjudication à vil prix à ung frère du collecteur qui avoit jetté les yeux de concupiscence dessus. Despuis ce temps-là mes maux allèrent tousjours croissant à veue d'œil. J'estois voisin d'ung gentil-homme, lequel pour mon malheur n'estoit point pensionné, et si croyoit avoir droict et cause de l'estre. Ses discours n'estoient que reniemans et menaces qu'il s'assigneroit luy-mesmes sa pension sur tel qui n'y pensoit pas. De faict il ne tarda guères que je me veis prins au collet par quatre de ses valets, et mené pieds et poings liez dans son chasteau, où Monsieur me feist entendre, par la bouche de son palefrenier, qu'ayant receu de grands et notables dommaiges durant ces derniers troubles, tant en bestail qu'en une maison qui auroit esté soubslevée par la poudre, il auroit souvant demandé au roy une pension pour son desdommagement, qui lui auroit esté refusée, à raison de quoy il se prenoit à moy, qui avois vendu la terre de laquelle feust faitte la poudre dont ses ennemys bouleversèrent sa dicte maison. J'euz beau alleguer toutes les excuses qui pouvoient servir pour ma justification et protester de tous depens, dommaiges et interests, mon arrest me feut incontinant prononcé, par lequel on me condamna, pour reparation du dommage receu par monsieur de Peu de Credit (ainsi s'appelloit le gentil-homme), ceder au dict seigneur le champ dont avoit esté tirée la terre pour la confection de la dite poudre, si mieux je n'aymois estre pendu par les pieds et estouffé de fumée de foing mouillé, sauf mon recours contre ceux qui auroient fait jouer la saucisse[63]. Mal conseillé que je feus, je feis ce que plusieurs veaux eussent faict: je prestay obeissance à l'arrest avec moins de raison que le gentil-homme qui esclaira maugré luy l'audiance de vostre parlement en plein midy, ce mois de juillet dernier, et permis l'execution en estre faitte au gré de Monsieur, par deux notaires et quelques tesmoings qui m'aidèrent à la passation d'un contract de vente du dit champ, et faction de quittance par moy du prix dont estoit convenu. Ma mauvaise fortune ne s'arresta pas là: je suis adjourné un lundy gras après diner, à la requeste du docteur Fripesausse, se plaignant de ce que le jour precedant moy, Turlupin, estant en masque, aurois traicté injurieusement sa robe doctoralle et deffait deux plis d'icelle, pour reparation duquel tort il requeroit que je feusse condamné à les remettre en tel estat qu'ils estoient auparavant, et en tous les depens, dommages et interests par luy souffert, et à souffrir l'impertinence de la requeste; assignation qui me convia d'honorer de quelques coups de poing le grouin de monsieur le sergent, qui ne manqua pas d'en charger son exploit; tant procedé que me voilà condamné par l'ordinaire en je ne sçay combien de livres d'amende pour la rebellion par moy faicte, et pour le principal à reparer l'injure et le dommage que le demandeur avoit receu en la deformation de sa robe par un reagencement des plis, et en tous les depens de l'instance.
Appel par moy au presidial; sentence par laquelle celle de l'ordinaire est confirmée en ce qui touche la rebellion, et, pour le surplus, hors de cours et de procez. Appel par la partie adverse au parlement de Paris. Cependant je supplieray Vostre Majesté de remarquer que pour subvenir aux frais de la justice, qui sont grands, comme vous sçavez, j'ay vendu les trois tiers de ma vigne; quoy faict, je me suis acheminé grand erre[64] en ceste ville, où, tandis que mon affaire meurissoit, je n'ay eu que trop de loysir de me promener, et tomber entre les mains des marchans de chair humaine, autrement peripateticiens du pont Neuf[65]. Il y aura tantost trois mois qu'un d'entr'eux, me tirant par la manche, me porta parole d'amour de la part d'une damoiselle, femme, ainsi qu'il disoit, à un des archers de vostre corps, sur le cœur de laquelle j'avois faict rejaillir, sans penser en mal, un traict de mon amour, urinant au dessous de sa fenestre[66]. La bonne opinion en laquelle, Dieu graces, j'ai tousjours eu ma personne, m'obligea non seulement de le croire, mais de m'en imaginer au double de ce qu'il disoit, et mon bon naturel de luy aller faire promptement exhibition de ma gentillesse. Pour n'estre importun à Vostre Majesté, je tairay ce qui se passa de menus entretiens entre nous ceste première journée et les suivantes: tant y a que je demeuray aussi satisfaict de ceste cognoissance qu'un escolier balotant à credit, d'autant que la damoyselle refusa un present de deux pistolles que je luy voulus faire. Ce calme dura jusques au jour fatal que je trouvay la suppliante toute esplorée, maugreant le ciel et la terre de son mauvais destin, qui vouloit qu'à faute de cent escus elle vist trainer honteusement son frère en galères. Ces lamentations estoient secondées de celles du mary, lequel adjoustoit qu'il contribueroit volontiers tous ses moyens, et engageroit jusques à sa casaque pour rachepter une personne que l'alliance luy avoit rendu si proche. Moy, qui suis de mon naturel plus sensible aux maux d'autruy qu'aux miens propres, me laissay toucher à la pitié et promis de faire prester la somme moyennant que le mary entrast solidairement en obligation. La condition fust acceptée et les cent escus delivrez par mon procureur, qui me prestoit le nom. Je n'oubliay pas de stipuler tacitement avec la demanderesse une rente quotidienne sur ses basses marches pour l'interest de la somme; et, m'estant retiré pour ce soir sans coup ferir, il me tarda qu'il ne fust jour pour aller lever mon usure. Mais, dieux! que devins-je le lendemain, quand, heurtant à la porte de cest honorable hostel, je feus adverty par les voisins que la locatairesse à laquelle j'avois affaire avoit demenagé dès les cinq heures du matin, et que j'eus aprins, de plus, que celuy qui prenoit qualité d'archer et de mary n'estoit mie ny l'un ny l'autre, ains un chirurgien ou empyrique qui luy avoit fait suer la verolle? Ce fust lors qu'il tinst à peu que ma constance ne fist nauffrage. Toutesfois, je me roidis contre mon affliction, et me resolus d'atendre de pied ferme l'issue de mon procez. Le pis fust quand, destitué de toutes sortes de moyens, je me vis en mesme temps frustré de l'assistance de mon advocat, lequel, imitant la statue de Memnon, cessoit de chanter à mesure que les beaux escus-sol[67] commançoient de ne l'animer plus de leurs divins rayons, et que je tournay mon soing à la solicitation des affaires de mon ventre, qui s'en alloit desesperé. Ma bource, comme dict est, estoit espuisée jusques au dernier rouge double. La necessité me suggera une invention qui fust telle: si mon hotesse estoit rioteuse[68] et mal gratieuse en mon endroit, à cause de ses vieux ans, j'avois un grand support et confidence en la chambrière. Cela ne me servist pas de peu, car, dès le jour que mon argent feust à la lie, je feis marché avec un honneste marchant, recelateur des meubles et ustensiles qui estoient dans ma chambre, que je divertissois par après aux heures les plus favorables, et apportois chez le dit marchant, sous le bon plaisir de Guillemette. Le premier meuble que je desplaçay fust une bonne double couverte, qui fust vendue cinquante sols; le tapis de la table ne fust pas des derniers; le ciel de lict et les rideaux suivirent après. Mon ventre alloit se repaissant de telles viandes, prest de contester et rapporter le prix sur celuy de l'autruche[69]. Peu à peu mes boyaux s'endurcirent tellement qu'enfin je me ruay sur un chandelier de leton; de là je vins aux chenets, qui estoient de fer; à une poesle de haute graisse, à la paile, aux pincettes; je reservay pour le dernier mets le pot-de-chambre, qui fust de haut gout. A peine les gons, serrures et autres ferremens des portes se preservèrent de mon enragé appetit, tandis je vois ma chambre ne me fournir plus d'alimans, non plus qu'un os d'esclanche de mouton rongé par quatre sergens à jeun. Je laisse à deviner, Sire, à ceux qui se sont trouvez quelquesfois en un tel accessoire, quelles furent lors mes pensées, et combien estranges les diverses resolutions qui esbranlèrent ma constance. Le premier advis que ma rage me proposa fust de m'arracher les dents, depuis la plus grande jusqu'à la plus petite[70], lequel me passa bien tost de l'entendement, à cause de l'estrangeté. Il me sembla plus expediant de m'aller lancer la teste première dans la Seine, ou m'escarbouiller[71] le moulle du bonnet contre le paroy. Mais ce dessein fust bien tost rebouché par l'apprehension des cruautez que la justice exerceroit après ma mort sur mes miserables reliques[72]; et, descendant aux remèdes plus doux, je pensay s'il ne seroit point meilleur de prendre le sac et la besace et commencer une vie apostolique; mais aussi tost je me resouvins des arrests de la court de parlement et de la Charité[73], que j'avois veu prester quelques jours auparavant par deux sergens à un mandiant valide qu'ils despouillèrent en pleine rue jusqu'à la chemise inclusivement. Adonc succeda à cest advis un autre qui sembloit d'apparence plus salutaire: ce fust d'achepter un estat de coupeur de bources, voleur de nuict, ou de quelque autre sorte de larron[74], et cestuy-là me sembla d'autant plus plausible que de tous les mestiers il n'y en a aucun qui soit aujourd'huy plus pratiqué en vostre royaume, ny plus impunement. Mais de ceste resolution fust-il diverty par le quatrain latin qui dict:
Et comme un clou chasse l'autre, je perdis ceste fantasie, ayant veu pendre au fauxbourg Saint-Germain, à l'entrée de la foire, le tableau d'un homme sans bras qui prenoit un sol pour se laisser voir[75]. Sa condition me sembla bien heureuse, et à l'instant me prinst envie de me faire coupper les bras et les jambes pour participer à un gain si légitime; mais, pour comble de toute affliction, je ne trouvay point de chirurgien-barbier qui en voulust prendre la peine, et me renvoyoient tous au maistre intendant des hautes œuvres, auquel m'estant addressé, me respondit qu'il ne l'oseroit entreprendre sans une ordonnance des medecins de la Tournelle. De là ma pensée se tourna vers l'hospital des Quinze-Vingts[76], et eusse desiré n'avoir jamais veu le soleil et pouvoir dire avec ces bien-heureux aveugles de bien bon cœur après desjeuner les devotes antiennes et oraisons accommodées à chacun jour de l'an, qui leur valent autant de doubles tournois. Ceste saincte et louable emulation me porta sur le point de me crever les deux yeux; et je vous jure, Sire, foy de chartier, qu'une seule consideration m'en garda, qui fust le desir de vous accompagner au voyage que vous preparez pour la reception de vostre maistresse. Non, dis-je lors, m'arraisonnant moy-mesme; prends courage, Turlupin: le ciel reserve une meilleure fortune à ta vertu; arme-toy de patience pour quelques jours: un chien trouve bien sa vie! En tout cas, l'Hostel-Dieu ou la galère ne te sçauroit manquer, et qui sçait si quelque folle de ceste cour, te voyant si detraict et descharné, ne sera bien aise de recouvrer un tel valet que toy pour luy secouer ses hauts-de-chausses en deffaut de ceux qui ne le veulent faire à moins d'une enseigne de diamans[77]. Donne-toy bien de garde de deffaire ainsi mal à propos ce bel ouvrage de nature que les autres estiment si cher, et le pleurent avec de si veritables larmes l'ayant perdu; conserve soigneusement ces agreables lumières que tu devrois souhaiter avoir aussi clairvoyantes et dreues que les eust jamais le concierge d'lo, pour les employer à la contemplation des merveilles qui sont aprestées au jour de ce grand convoy, de ce celèbre hymenée[78]. Alors, si parmy une si generale resjouissance ton mauvais destin ne te donne trefves, il te sera loisible ou d'executer quelqu'un de tes premiers desseins, ou de passer les monts Pyrennées pour aller gaigner quelques reales du jour au lendemain à la conduite de ces affetées, pied-plates, constipées Castillanes.
Voilà sommairement, Sire, sur quoy j'en suis. Or ay-je jugé à propos, avant tout œuvre, de venir offrir à Vostre Majesté la continuation de mon très humble service et obeyssance et ma très fidelle compagnie en un si long voyage, et, après la descharge de ces devoirs, vous exposer l'histoire de mes maux, afin que, par la pitié que vous en aurez et le remède que vous y apporterez de vos graces, je voye adjouster mon parfaict et entier contentement à ceste publique allegresse. Je ne suis pas icy, Sire, pour vous demander le don de quelque evesché en recompense de la bonne, loyalle et passionnée affection que j'ay à vostre service; aussi bien me fait on entendre qu'elles ne sont plus que pour des gens de delà les monts[79] (combien que ces paroles ne sortent que de quelques bouches effrenées et gouvernées par une malicieuse et detestable envie, qui les fera enfin crever de despit). Quoy qu'il en soit, je ne demande point, je ne souhaite pas non plus d'estre couché sur l'estat et d'estre enrollé aux pensionnaires: ma vertu, qui n'est point mercenaire, et ma naturelle bonté, qui n'aspire qu'à des choses justes, me le deffend; et, quand j'aurois tellement franchi les bornes de la modestie et du devoir que d'en mandier le brevet, je suis très asseuré que j'en serois esconduit. Si puis-je dire avec verité que tel a aujourd'huy plus d'escus de pension que son père n'avoit de sols vaillant, qui ne l'a pas mieux merité que moy. Je ne me laisse pas emporter à des desirs si deraisonnables; encores moins vous demanderay-je une notable somme, au moyen de laquelle il me feust aysé de bondir de ce bourbier de misère où je suis bien avant plongé, ou, pour mieux dire, enfoncé. Vos finances sont assez espuisées sans qu'il soit besoin de les divertir à ces liberalitez; ceste royale vertu de beneficence[80] sera de raison en quelque autre siècle. Je ne suis pas abillé en homme qui se presente pour impetrer de Vostre Majesté la creation et octroy d'un nouvel office. Pleust à Dieu eussiez-vous mis au billon[81] et refondu tous ceux qui sont en vostre royaume! Si vous agreez que je parle un peu librement et donne la bonde à la bonne foy à ce qui me reste sur l'ame, vous sçaurez que j'ay encores un oncle, aagé de quatre-vingt-dix-sept ans un mois et quelques jours, qui fust par son père, mon ayeul, institué heritier par egalles portions avec mon deffunct père. Il luy reste autant de bien que mon dit père m'en avoit transmis. J'ay ceste obligation à sa brayette, qui n'a jamais recogneu autres loix que celles de la nature, ny voulu avoir rien à demesler qu'en public, par crainte de cocuage ou autrement, qu'elle ne l'a point fait père d'aucuns enfants legitimes. Le bon homme m'a souvent protesté que ses veues ne s'estendoient point sur un heritier estranger; qu'au contraire il partiroit très contant de ce monde de m'avoir fidellement rendu ce qu'il avoit si long-temps avec tant de soin gardé en depost; il adjoustoit, pour un supresme tesmoignage de la bonne volonté qu'il avoit pour moy: Je t'en souhaitte, mon nepveu, la possession plus tranquille et aysée que je ne l'ay eue avec tout le bon mesnage que j'y ay sceu apporter, et le siècle auquel tu me survivras moins remply de malice, de corruption et de confusion que celuy-cy. Or, Sire, c'est maintenant à moy d'assembler en consultation tout ce qu'il y a dans mon cerveau de bon sens et de raison pour deliberer si, mon oncle decedant en ceste volonté, je dois recueillir sa succession ou la donner en proye au premier occupant, ne plus ne moins que les despouilles d'un pestiferé: car, pour ne mentir point, s'il me falloit estre exposé à tant d'accidans qui m'ont traversé par le passé, j'y renonce très volontiers. Or ne voy je rien qui m'en puisse exempter, les choses demeurant en mesme etat. J'aymeray tousjours à faire chère lie, n'estraissir mon ventre ny faire trefves de machoires ou du poignet au gré des collecteurs, fermiers ou commissaires; cependant les tailles, les subsides, les gabelles, n'iront point diminuant. J'auray tousjours ung gentilhomme non appointé pour voisin, et les pensions des autres ne seront point cassées. Je ne me pourray garder de frotter ma laine avec quelque chicanoux, et cependant l'exercice de la justice ne recevra point d'amendement. L'affaire vaut bien le consulter: on a beau se dire heritier par benefice d'inventaire, toutes successions, en quelle qualité qu'on les accepte, sont fort onereuses à des gens de nostre sorte. C'est vendre son repos à trop vil prix, avoir trente années de moleste et de chagrin pour trois mois de paisible jouissance. Je declare d'ores et desjà que je ne pretens rien à telles hoiries, se on ne m'invite au contraire par un aneantissement des inconvenians susdits et establissement d'un nouvel ordre à l'advenir. J'entens quelcun gromelant autour de Vostre Majesté et marmotant entre les dents: Vrayment, c'est bien turlupiné! il nous la donne là belle! Il y va sans doute de l'interest du roy ou du public à l'adition ou repudiation de l'heredité deferée à ce delicat! Je demande à ce veau, quel qu'il soit, qu'est-ce qu'il dira quand tous les laboureurs du plat païs, les vignerons, les beurières et autres bourgeois des champs, poussez d'un pareil desespoir, abandonneront la culture de leurs terres pour se faire vendeurs de triacle[82], joueurs de gobelets, tireurs de cors, ou de quelque autre profession privilegiée et exempte de tailles?
Quelle condition sera la meilleure, ou de ceux qui commenceront de respirer d'un tas de vexations et angoisses qui leur estoient plus ordinaires que le manger, ou de ceux qui seront contraints de mettre au croc les robes, les chaperons, les bonnets, les espées, pour gaigner leur pain, comme le premier père, à la sueur de la raye de leurs molles fesses? Helas! Sire, il y a je ne sçay combien de millions de Turlupins en France, de souffreteux, dis-je, qui reclament avec moy vostre bonté et justice, aussi depourveus de bonne resolution que moy, et les ames desquels sont preoccupées d'une telle desolation qu'il ne seroit pas besoin de rhetorique pour leur persuader qu'il ne sçauroit arriver rien de pis que leur condition presente. Ils sont tous vos fidèles subjets, et tellement nourris en vostre obeissance que, quelque croyance qu'ils ayent, ils esliront plustost leur perte que vostre disgrace; et c'est ce qui doit inviter vostre royale et naturelle debonnaireté de leur departir vostre soin paternel, et tendre vostre main à leur secours. Si les affaires du monde se gouvernoient par souhaits, j'aurois à faire le mesme souhait pour vostre pauvre royaume que faisoit un philosophe antien pour tous les hommes: il souhaittoit que la nature eust fait une fenestre au milieu de la poictrine d'un chacun, au moyen de laquelle il eust esté loisible de voir à decouvert le cœur, le foye, le poumon, les entrailles, et autres parties qui y resident, et appliquer les remèdes des plus convenables lors que la necessité y escherroit. Combien seroit-il plus à desirer que ce grand architecte du monde eust fait une fenestre par laquelle Vostre Majesté peut jetter la veue dans le cœur de vostre royaume, et s'y promener d'un bout à autre avec les yeux! O que ce seroit un present digne d'un roy s'il se trouvoit des lunettes bonnes à cet usage! Pleust à Dieu en eussé-je donné une pinte de mon sang! Vous verriés une infinité d'hommes trainer miserablement leur vie sous un eternel travail, qui ne leur produit pour tout profit que quelques bouchées de pain exposées aux extorsions et concussions de vos officiers, et, d'une part, à la rigueur des exacteurs de vos tailles; d'autre, à l'avarice des usuriers, à la vexation et rapine de vos sergens, sans une infinité d'autres accidans qui les font mescognoistre par eux-mesmes et s'estimer en leur creation au dessous des plus abjects et contemptibles animaux. Vous arresteriez vostre regard sur tant de mortuissantes images de la mort, sur tant de visages mornes, plombez, haves et ressemblant plustost à des phantasmes qu'à ce qu'ils sont, tandis vostre tendre cœur se fondroit tout en pitié et se laisseroit saisir d'un aussi veritable et passionné remors que celuy qui a fait meriter à un des rois vos predecesseurs, qui portoit vostre mesme nom, le surnom de père du peuple. Il est estrange d'ouyr dire que sous un règne si paisible, à l'ombre des palmes eslevées par l'incomparable valeur de ce grand heros Henry le Grand, d'heureuse memoire, sous un si fortuné genie que celuy qui preside à vostre royale maison, aucune calamité autre que fort legère vienne infester vos sujets; et toutesfois nous apprenons, non par un bruit incertain, mais par le tesmoignage d'une infinité de personnes dignes de foy, qu'en quelques unes de vos provinces on en a veu ceste année plusieurs gesir roides morts de male rage de faim. Jà à Dieu ne plaise que je voulusse procurer à Vostre Majesté un si piteux et funeste spectacle! mais quand Dieu auroit permis, pour le bien de vostre peuple, que quelc'un de ceux-là eust rendu l'ame à vos pieds ou à vostre veue, je ne pense pas qu'après cela il fust besoin de l'eloquence de monsieur Savaron[83], ou autre de vos desputez, pour vous faire des supplications ou remonstrances sur ce suject. Qu'on ne m'aille, maintenant, revoquer en doubte qui auroit plus ou moins à perdre en la desertion des terres sises en vostre royaume. J'ay souvent ouy plaindre vostre noblesse que leurs fiefs leur raportent aujourd'huy beaucoup moins qu'ils ne faisoient à leurs bisayeuls; qui ne comprend assez que ce deffaut ne vient nullement de nostre commune mère nourrissière, qui exhibe tousjours liberalement ses flancs pour y fouiller dedans et cueillir de ses biens à pleines mains, ains plustost du decouragement du paysan, lequel, considerant qu'il travaille moins pour sa chetive nourriture que pour le luxe d'autruy, attelle ses beufs à regret, desrobe par fois la semance à la terre, laisse en friche les possessions, et, ce qui est plus deplorable, prend le sac et la besace, et s'exile volontairement de son patrimoine pour aller à la requeste d'une meilleure fortune. Ceste desolation ne s'arreste pas à la campagne: il y a quantité de villes en France qui ont autrefois porté le nom de bonnes, belles et florissantes, lesquelles, ores que de leur enceinte elles puissent aller du pair avec les plus superbes des provinces estrangères, estans par leur malheur posées hors de tout commerce et abord de commoditez, soustiennent neantmoins de si grandes et immenses charges, et, partant, sont accablées de tant de misères, qu'à bon droit elles portent envie à l'heureuse condition des hospitaux de Paris, et changeroient volontiers leurs murs avec le benoist enclos qui defend ces bienaymés enfans de Dieu de la faim et de l'oppression. De là vient que, quel ordre que puisse mettre le Parlement et quelles diligences que fassent vos officiers, Paris, qui estoit autrefois la nourricière des bonnes lettres, un theatre de vertu, un abord de beaux esprits, est aujourd'huy la retraitte de tant de fenéans, gens sans adveu, voleurs de nuict et de jour, tireurs de laine, passe-Irlandois[84], charlatans, pipeurs, garces, maquereaux. Ce sont tous gens qui se feussent contenus près de leur foyer, si la necessité ne les en eust chassez, ausquels il est aucunement pardonnable s'ils se sont laissez flatter à l'opulance de la première ville du royaume; le danger, la honte, le vitupère, attachez à quelque peu d'acquest, leur a semblé plus sortable qu'une mort languissante. Mais pourquoy vay-je consumer inutilement le temps au recit des maux qui sont si visibles et palpables? Il resteroit maintenant de discourir des remèdes que vostre seule main, Sire, assistée et guidée de celle du Tout-Puissant, y pourroit apporter, si la modestie et la discretion ne me commandoit de m'en taire après tant d'excellans esprits qui ont contribué de leur advis, avec plus de grace que je ne sçaurois faire. Les cayers des estats generaux parlent assez clair; les moyens et memoires du sieur du Noyer[85], avec leurs supplemens, sont fort intelligibles, Dieu mercy (excepté que, comme les plus fameux charlatans, il ne nous a pas voulu descouvrir tout le secret de l'art). Toutesfois, puisque la France est comparée à ces malades qui, pour l'estat deploré de leur santé, estoient exposés en public à la veue de tout le monde, au soulagement desquels il estoit permis à ung chacun d'apporter ce que l'art, l'experience, ou son bon sens naturel luy suggeroit de salutaire, il ne sera pas du tout hors de propos si soubs vostre bon plaisir et en toute humilité je prends la hardiesse de dire qu'en vain se travaille-on de remedier aux maux de ce royaume nisi causa morbi fugerit venis, et aquosus albo corpore langor; si on ne retranche les pensions[86], ne reduict les tailles et abolit les subsides et gabelles, ne supprime un tiers pour le moings de ce nombre effrené d'offices, et ne casse ou suspend pour cent ans le droict annuel[87]. Quelcun me dira que je ne dis rien de nouveau, et que pour estaller ung advis si trivial il ne falloit venir par de si longues traverses. J'ay bien encores autre chose à dire; cependant il est à notter que les choses bonnes ne sçauroient estre assés inculquées, mesmement aujourd'huy que tant de gens conspirent unanimement à la malice. Certainement, si on ne met la main à la guerison de ces grandes ulcères, je deplore la condition de messieurs les deputés qui se sont venus crotter à credit, le long de l'hyver, sur ce quay des Augustins[88], pour attirer à leur retour sur eux toute l'envie de la mauvaise issue, et les maudissons de tous leurs concitoyens et compatriotes. Or, Sire, les moyens de pourvoir à ces maux, comme ils sont très necessaires, sont aussi très aisés, par la grace de Dieu. Pour le premier il suffiroit de dire à ceux qui se trouveront les mains vuydes, et ausquels ce calice semblera ung peu amer: Deus dedit, Deus abstulit; mais d'abondant pour leur consolation on leur representera le tort qu'ils se faisoient par le passé de vendre si sordidement leur fidelité; la candeur et la vertu de leurs ayeulx, qui ne recherchoient autre loyer que l'honneur et la gloire d'avoir fidellement et courageusement servy leur Roy, et, finallement, le contentement d'esprit qui leur reviendra d'avoir nettoyé leur conscience d'une tache si incessante et indigne de la qualité qu'ils portent; et, s'il est besoin, on leur repetera tout ce qui se lit dans le Caton françois sur ce subject, avec un advertissement de mesnager d'ores en avant leur revenu avec plus de retention et precaution, et n'engager ou estrousser[89] que bien à propos les fiefs qui leur ont esté acquis par la valeur de leurs ancestres. Il ne restera pour tout point de difficulté pour le second, quand vous aurés passé sur le ventre au premier; il ne vous sera pas plus malaisé d'accourcir vostre tribut qu'à ung tailleur d'estraissir et appetisser la juppe d'ung geant pour en faire une casaque de nain. Pour le troisiesme, qui concerne la plus dangereuse playe, et comme une pernicieuse gangrène qui gaigne le corps politique pour le perdre, il me semble que, sans s'arrester aux cayers des deputez du tiers-ordre, qui sont en ce point recusables pour la plus part, les plus violans et hardis remèdes sont les plus convenables et les plus aysés quant et quant. Vous avez veu avec combien d'allegresse on a embrassé les Memoires de Beaufort[90] touchant le restablissement de la chambre de Justice, nonobstant les oppositions du Financier[91], et quel fruict tout le monde en attend. Ceux qui sçavent combien le maniement des loix requiert plus de syncerité et integrité que celluy des finances, et combien le public a plus d'interest à la conservation de l'un que de l'autre, jugeront avec moy si l'establissemant d'une salle de justice pour la recherche des malversations des officiers de justice sera moings necessaire. Le fruict que j'en veux tirer est tel: vous supprimerez quant et quant les offices de ceux qui seront attaincts et convaincus d'avoir malversé en leurs charges, et, en ce faisant, ne sera besoin d'autre fonds pour indemniser les depossedés que de bon nombre de galères, dans lesquelles vous assignerés à chacun de mes galans ung estat de mesme ordinaire de rames. O! que c'est ung beau moyen pour reduire à centuries tant de legions innombrables de juges! Pour le quatriesme, la cure en est bien si aysée que, sans vous donner la peyne de supprimer nommement ceste peste, il suffist de la suspendre pour trois ans pour en abolir à jamais la memoire. Reste seulement à mettre hors d'interest les casuites, qui se trouvent avoir avancé une notable somme, à ce qu'on dict. J'ay leur remboursement tout prest si Votre Majesté erige la chambre dont est question, et me donne, sans consequance, ad tempus et par commission, ung estat de tresorier des amandes qui se leveront sur les condamnez. C'est à ce dernier point, Sire, que visent tous ceux qui desirent le restablissement de la justice en son premier et ancien lustre, et son exercice aussi rond, entier et prompt qu'il estoit du temps de nos aveux; car de conserver la paulète[92], exterminer les espices et augmenter les gages des officiers, ce seroit, à vray dire, nous faire tomber de fiebvre en chaud mal; nous n'aurions pas meilleur compte de nos juges que des ouvriers auxquels on a payé le prix faict avant main: nostre besogne s'acheveroit à leur loysir. Je ne parle pas du vin du clerc, des espingles de madame[93] et autres fictions de memoire: tout cela est à deviner; mais pour de longueurs et langueurs insupportables, je prevois qu'elles ne nous sçauroient manquer. Faittes mieux: tirés du purgatoire l'ame du deffunct partisan, et espargnés à sa fille les jeusnes, les coups de discipline et autres austeritez avec lesquelles elle se resoult d'expier la coulpe de son père; effacez de la conscience de cest autre transy le remords qui le ronge jour et nuict et le faict dessecher comme un genet morfondu. Ce sont, en somme, les points les plus importans de ma très humble remonstrance, que je vous ai expliquez avec d'autant plus d'ardiesse que je les ay creu autorisés des vœux de tous les bons François. De vous aller icy deduire par le menu tous les maux qui ont aujourd'huy cours par vostre royaume et vous discourir incontinent des remèdes, je ne me sens pas les reins assez forts pour une declamation de si longue haleine; après, ce seroit oster le mestier à messieurs les deputez des estats-generaux, et vouloir faire, par une grande temerité et presomption, en un quart d'heure, ce qu'à peine tant de gens entendeus ensemble ont fait en cinq ou six moix. Quand il aura pleu au Ciel et à vous, Sire, de me faire jouir du fruict de ma très humble suplication, les ordonnances qui vous ont esté laissées par les rois vos predecesseurs sont si belles, si sainctes, si pleines d'equité, et celles que vous allez mouler sur les cayers des dits estats si conformes aux desirs des gens de bien, qu'après l'observance d'icelles j'estime que ce seroit impieté de souhaiter une plus certaine et parfaite reformation. Si ne puis-je que pour mon interest particulier je ne vous face encores ceste prière de donner la plus prompte expedition et congé qui se pourra à messieurs les deputez, qui ont depuis le mois d'octobre fait enrichir les chambres garnies de plus d'un tiers. Ils s'endorment sur la besongne; les bonnes gens oublient insensiblement leur pays, et pensent ou voudroient bien, par charité réformative, que les estats durassent encores quarante ou cinquante ans. J'en sçay qui ont enmené leurs femmes; les autres ont loué maison pour un an; ceux-cy ont achepté des meubles pour garnir ung hostel entier, comme s'ils ne deussent bouger de leur vie de Paris; j'en cognoy qui espèrent de gagner les douaires de trois ou quatre filles avant s'en retourner; ung autre s'attend d'achepter à son fils ung estat de conseiller (ils seront tantost à bon marché) des deniers provenans de la deputation. J'en veis ung samedy dernier qui faisoit trotter derrière luy soixante ou quatre-vingts charbonniers avec autant de charges de charbon, qu'il ne sçauroit avoir bruslé de six mois. Prenez quelque pitié de leur zèle et les randez à leurs femmes, qui les attendent à cuisses ouvertes, sicut terra sine aqua; à leurs enfans, qui les auront tantost mescogneus; à leur bercail, que le loup a beau infester tandis que le pasteur s'endort à l'ombre. Je vous demande ce surcroy d'obligation pour eux, et promets en tout cas en faire mon propre debte, la peine qu'ils ont prise pour moy, qui fais plus qu'il plaist à Dieu. Une partie du public merite bien ce petit tesmoignage de recognoissance, qui ne sera pas le dernier que j'espère leur rendre. Je reserve le remerciement et la louange deue à leurs sainctes intentions et à la sincère sollicitude avec laquelle ils ont cooperé au salut de la France après que je me seray dechargé envers Vostre Majesté des actions de graces qu'exige de tout vostre peuple ung si grand et si signalé benefice, et que j'auray acquitté les vœus que j'ay faits avec tous vos fidelles subjects pour l'accroissement de vostre gloire et continuation de toute prosperité en vostre royalle maison. J'ay dict.
Sommaire traicté du revenu et despence des finances de France, ensemble les pensions de nosseigneurs et dames de la cour, escrit par Nicolas Remond, secretaire d'estat.
M.DC.XXII[94].
Les finances s'appellent communement le nerf de la guerre et l'ornement de la paix. Autres tiennent que cela se doit plustost dire de la valeur et de la justice. Mais il me semble qu'elles se doivent comparer au sang, sans lequel les nerfs perdent leurs forces et les esprits leur vie; si bien qu'estant une des parties plus nobles de l'estat, il est aisé de se persuader combien la cognoissance en est utile et necessaire, surtout à ceux que la vertu et le merite appellent aux charges publiques.
Des autres estats nous n'en parlerons point; mais au nostre, le nom mesmes des finances, qui est originaire, monstre combien elles y ont esté estimées: car il vient d'un vieux mot françois qui signifie mettre quelque chose à fin[95], comme si ce moyen en estoit plus capable que nul autre.
L'autre nom equivalent est deniers, qui se prennent ordinairement l'un pour l'autre, de sorte que la division des finances se fait en mesmes termes de deniers ordinaires et extraordinaires.
Anciennement les deniers ordinaires s'appellent seulement ceux du domaine, qui se subdivise en muable et immuable.
L'immuable consiste en cens, rentes et autres choses payables en argent, qui ne peut changer.
Le muable est celuy qui provient des bleds, vins, volailles et autres choses dont le prix peut augmenter ou diminuer.
Les deniers extraordinaires s'appelloient tout ce qui se levoit outre le domaine, c'est-à-dire à temps, et ont receu de grandes diversitez, selon les despenses et les necessitez des affaires.
On tient que la première imposition, qui dure encores de present, fut le huitiesme du vin, soubs le règne de Chilperic, environ l'an 580[96]; l'equivallent suit après, qui est l'equipollent du sol pour livre sur toutes denrées et marchandises, qui se leva, environ l'an mil trois cens soixante, pour tirer d'Angleterre le roy Jean, qui y estoit prisonnier[97]. Des autres natures de deniers nous en parlerons puis après.
Mais, le domaine ayant esté alliené depuis ces guerres civilles, comme chacun sçait, et ne s'en tirant aucune chose en la pluspart des generalitez, des autres peu, nous laisserons ceste partie, encores que ce soit le fondement des autres, et dirons qu'il se fait une division des finances en mesmes termes de deniers ordinaires et extraordinaires.
Les deniers ordinaires sont ceux dont le roy fait estat comme de son domaine, s'il y en a, de ce huictiesme, et autres impositions sur le vin, qui s'appellent aydes, de ces equivalens, tailles, taillon, fermes et autres deniers employez en recepte ès estats de Sa Majesté.
Les deniers extraordinaires sont ceux des quels il n'est point fait estat, qui se sont plus autrefois estenduz qu'à present, et qui sont presque reduicts aux nouvelles creations d'offices.
De sorte que, cette seconde espèce estant peu de chose, cazuelle, et par consequent sans règle, nous parlerons seulement de la première, qui se subdivise en deux parties à peu près esgales, l'une en ce qui se tire du peuple, l'autre en ce qui revient des fermes, qui semblent être ce que les Romains appelloient tributa et vectigalia: le premier desquels se levoit par les officiers, et les autres par les fermiers. Nous parlerons premièrement de la partie première, secondement de la partie seconde, et finalement de la despence qui se fait de l'une et de l'autre.
Mais, pour en avoir plus facile intelligence, il semble à propos de dire que, comme la France se divise par provinces pour les gouvernemens, et par parlemens pour la justice[98], aussi fait-elle pour les finances et generalitez, qui sont au nombre de vingt et une; et, bien que Blois se nomme aussi generalité, toutes fois, à cause que c'est seulement pour ce qui regarde le domaine du comte de Bloys, ainsi qu'il se manioit soubs Louys XII, nous ne le mettrons pas en ce nombre de vingt et un, qui sont:
Paris, Soissons, Orleans, Amyens, Chaallons, Tours, Poictiers, Lymoges, Bourges, Moulins, Ryom, Lyon, Rouen, Caën, Bourdeaux, Nantes, Thoulouze, Montpellier, Dijon, Aix, Grenoble.
Soubs les quelles quinze premières generalitez il y a sept vingt-neuf eslections[99], et soubs les quelles eslections, vingt-trois mil sept cens quatre-vingt-dix-sept parroisses[100], sçavoir:
Soubs Paris, vingt eslections et dix-neuf cens soixante et dix parroisses.
Soubs Soissons, six eslections et douze cens soixante parroisses.
Soubs Amiens, six eslections et quatorze cens soixante parroisses.
Soubs Chaallons, neuf eslections et deux mil deux cens sept parroisses.
Soubs Orleans, douze eslections et douze cens trente-huict parroisses.
Soubs Tours, quatorze eslections et quinze cens soixante et trois parroisses.
Soubs Poictiers, neuf eslections et seize cens parroisses.
Soubs Lymoges, neuf eslections et six cens parroisses.
Soubs Bourges, neuf eslections et huict cens trente-deux parroisses.
Soubs Moulins, huict eslections et quatorze cens quatre-vingt parroisses.
Soubs Ryon, quatre eslections et huict parroisses.
Soubs Lyon, trois eslections et sept cens vingt parroisses.
Soubs Rouën, vingt-neuf eslections et deux mil huict cens soixante et seize parroisses.
Soubs Caën, neuf eslections et quatorze cens vingt-six parroisses.
Soubs Bourdeaux, quinze eslections et trois mil cinq cens huict parroisses.
Si les generalitez, les eslections ou parroisses, estoient semblables, il seroit beaucoup plus aisé d'éviter les grandes inegalitez qui se treuvent lors qu'il est question d'en parler generalement: car il s'en treuve où la plus grande estendue et le plus grand nombre portent le moins, à cause des infertilitez du pays, de la pauvreté du peuple et d'autres occasions qui se verront en suitte.
Pour la generalité de Bretagne; elle est composée de dix-sept receptes particulières, qui sont la pluspart eveschez, et s'appellent receptes de fouages, à cause que les impositions se font par feu; il y a, en outre, une ferme ordinaire qui s'appelle imposts et billots[101].
Pour celle de Bourgogne, elle n'a autres receptes particulières que celles de Bresse. Bugey et Vivonnay, du marquisat de Saluës, ont esté donnez à la couronne par ledit marquisat de Sallus[102].
Pour celles de Thoulouze et Montpellier, elles ont chacune unze receptes particulières, qui s'appellent la pluspart diocèzes.
Celle de Provence n'a aucunes receptes particulières.
Celle de Dauphiné a huict baillages, qui portent le revenu du domaine à la recepte generale.
Ces cinq dernières s'appellent petites generalitez, non, comme j'ay dit, pour avoir moins d'estendüe que les autres, et la raison est, pour celles du Dauphiné et Provence, qu'elles ont esté donnez par leurs seigneurs à la couronne, et que celles de Languedoc et Bourgogne s'y sont soubmises chacunes soubs certaines conditions ausquelles la consideration qu'elles sont frontières par terre semble les oster, autant maintenues qu'autre chose, et c'est pourquoy elles se gouvernent aussi par estats et deputez; comme aussi fait la Bretagne, qui est la dernière joincte à la couronne[103].
Or, bien qu'en chacune des dites generalitez, qui sont vingt et un, il y ait dix thresoriers de France (excepté en celles d'Amiens, Rouen et Montpellier, où il y en a unze en chacune, en celle de Nantes seulement deux, en celle d'Aix sept, en celle de Grenoble cinq, qui est en tout le nombre de neuf vingt dix-sept thresoriers de France[104]), toutesfois, il n'y a des esleus[105] qu'en celles où il y a des eslections, qui sont les quinze premières generalitez cy-devant nommées, en la pluspart des quelles eslections il y a dix esleus, et, pour en conter le nombre au vray, l'on peut les estimer à neuf l'une portant l'autre, faisant à ceste raison le nombre de neuf cens trente-six esleus[106].
Pour le regard des receptes et controlles qui s'exercent triennalement, sinon en celles où le triennal est vague, aux anciens et alternatifs, ou bien a esté remboursé, tout ainsi qu'en chacune des dites generalitez, ils s'appellent receveurs et controlleurs generaux des finances, ainsi qu'en chacune des dites receptes particulières, tant en celles où il y a des eslections qu'aux autres, ils s'appellent receveurs et controlleurs des tailles.
Il y a aussi aux dites vingt et une generalitez des receveurs et controlleurs generaux du taillon qui ont des receveurs particuliers soubs eux, les quels receveurs generaux mettent les deniers entre les mains des thresoriers de l'ordinaire des guerres pour le payement des compagnies d'ordonnances.
Voilà succinctement le nombre des generalitez, des eslections et de la pluspart des parroisses et des officiers, par le moyen des quels ce qui porte generalement le nom de tailles se lève, car les natures de deniers sont diverses, comme nous dirons en son lieu; toutes fois, pour ce qui porte l'un porte l'autre, c'est-à-dire qui porte la taille porte le tallion et autres impositions, elles s'entendent toutes soubs appellation commune de tailles, et s'en fait de trois sortes: l'une appellée réelle, comme en Provence et Languedoc, où le roy mesme paye la taille s'il y a quelques terres; l'autre personnelle, d'autant qu'elle regarde de plus près les personnes et leurs biens, en quelque lieu qu'ils soient scituez et assis[107].
Voyons maintenant l'ordre qui se tient en l'imposition et levée desdits deniers, et, affin que ce soit plus clairement, prenons l'une des huict années dernières, qui ont esté à bien près toutes semblables, non seulement en ceste première partie, qui regarde les tailles, et en la seconde, qui regarde les fermes, mais aussi en la despence des deniers provenant de l'un et de l'autre[108].
Le roy, au commencement de l'advenement à sa couronne, prevoyant la despence qui luy convenoit faire tous les ans pour la conservation de son estat et entretenement de sa maison, en fait un abregé qui s'appelle project, lequel se signe de la main du roy et d'un secretaire d'estat.
La somme totale arrestée, qui est estimée chacune des dites huict années à près de dix-sept millions, Sa Majesté règle là-dessus le creu extraordinaire, qui monte à quatre millions quatre cens mil livres[109]; mais elles se lèvent sur quatorze des dites quinze premières generalitez, celle d'Amiens estant exempte.
Grande taille.
Paris, trois cents soixante et dix milles livres.
Soissons, quatre cens quatre vingt mil livres.
Amyens, six cens vingt mil livres.
Orléans, trois cens trois mil livres.
Chaallons, quatre cens mille livres.
Tours, huict cens dix mil livres.
Poictiers, sept cens vingt-deux mil livres.
Limoges, trois cens quarante mil livres.
Bourges, six cens trente mil livres.
Moulins, huict cens quarante mil livres.
Rion, quatre cens quinze mil livres.
Lyon, six cens quarante mil livres.
Rouën, un million quatre cens douze mil livres.
Caen, six cens quarante-cinq mil livres.
Bourdeaux, quatre cens quarante cinq mil livres.
Pour celle de Bretagne, il s'expedie aussi commission pour les fouages ordinaires à raison de sept deniers pour feu, non compris les douze deniers pour livre pour la creue des prevosts des marchands[110], douze mil soixante livres pour partie des postes, revenant le tout, avec le taillon, qui est de cinquante six mil quatre cens livres, à quatre-vingt mil quatre cens soixante livres.
Pour Thoulouze et Montpellier, il ne s'expedie qu'une commission aux estats de Languedoc, qui s'assemblent par chacune année, portant pour tout la somme de six cens cinquante et un mil cinq cens quarante-deux livres.
Dijon porte pour l'octroy des prevots des marchands la somme de huict vingt dix-sept mil six cens quarante livres.
Aix, pour Provence, porte pour l'octroy et pour le taillon la somme de quatre-vingt-sept mil quatre cens soixante et douze livres.
Grenoble, pour Dauphiné, pour l'octroy et pour le taillon, dix mil soixante livres; pour les officiers du pays, trente mil livres; pour le taillon, vingt-sept mil cinq cens livres. Cy soixante et dix mil livres.
Somme des dites generalitez, un million trois cens soixante et quatorze mil cent quatre-vingt-neuf livres.
Somme toute des sommes contenues au dit brevet qui se lèvent aus dites generalitez en vertu des commissions des tailles, unze millions quatre-vingt-neuf mil livres.
Le dit brevet arrêté, il s'en envoye un à chacune des dites generalitez avec une lettre au cachet du roy, et une autre du superintendant des finances, adressante aux tresoriers generaux de France, par les quelles leur est mandé d'en faire le departement par les eslections de leur generalité, et c'est lors qu'ils doivent avoir fait leurs chevauchées par les dites eslections, pour sçavoir celles qui se sont enrichies ou appauvries, afin d'augmenter les uns et de soulager les autres, tout ainsi que les esleus font peu après par les parroisses de leurs eslections pour y garder l'esgallité, comme Sa Majesté leur a recommandé sur toute chose, et qui est aussi d'une extresme importance, comme il se peut facilement imaginer.
Les thresoriers generaux de France ayant envoyé à Sa Majesté, c'est-à-dire au superintendant, le departement qu'ils ont fait par les eslections de la somme que doit porter leur generalité, et avec cela donner avis de l'incommodité que chacun a receu, Sa Majesté règle là-dessus la creue extraordinaire, autrement dit grand'creue des garnisons, dont l'estat, compris quelques autres creues, monte pour la dite année à quatre millions quatre cens mil livres[111], dont chacune des dites generalitez portent,
A sçavoir:
Paris, quatre cens cinquante-sept mil livres.
Soissons, cent seize mil livres.
Amyens, neant.
Chaallons, trois cens quatre-vingt-dix mil livres.
Orleans, quatre cens soixante et treize mil livres.
Tours, deux cens quatre-vingt-dix-sept mil livres.
Poictiers, quatre cens quarante mil livres.
Limoges, cent neuf mil neuf cens livres.
Bourges, quatre-vingt-dix-sept mil cent trente-neuf livres.
Moulins, cent neuf mil quatre cens quarante livres.
Rion, sept vingt-six mil livres.
Lyon, neuf vingt douze mil livres.
Rouen, neuf cens vingt-cinq mil livres.
Caen, quatre cens soixante et dix mil livres.
Bourdeaux, quatre cens soixante et dix-huict mil livres.
Somme toute, quatre millions sept cens quatre mil livres[112].
Il y a ceste difference en l'imposition de ces deux natures de deniers que, pour la première, c'est à sçavoir l'ordinaire, il s'expedie aux esleus de chacune eslection une commission particulière de Sa Majesté, signée d'un secretaire d'Estat; et pour ce qui est de la grande creue, il s'expedie seulement une commission aux thresoriers generaux de France en chacune generalité, lesquels tresoriers generaux en font le departement par les eslections et en envoyent leurs commissions, celle des tailles aux esleus, ce qui se fait au commencement du mois de novembre.
Si tost que les esleus les ont receus, ils font le departement des finances y contenues par les paroisses, adjoustans ou diminuans à l'année precedente[113], suivant la commodité ou l'incommodité qu'ils ont recognues par leurs chevauchées.
Leurs departemens faits, ils envoyent leurs commissions à chacune parroisse, laquelle crée aussitost des consuls et des collecteurs qui dressent avec ceux de l'année précédente le roolle de la taxe et cotte de chacun particulier, et, iceluy fait, le porte aux esleus pour sçavoir s'ils n'ont pas outrepassé leurs commissions, et, ce fait, les dits esleus l'arrestent et le signent.
En ce mesme temps les thresoriers generaux de France dressent un estat de la valeur des finances dans le quel sont comprises toutes les charges estans tant sur les receptes particulières que sur la generale, les quels ils envoyent au conseil, c'est-à-dire au superintendant des finances.
Sur le dit estat l'on fait celuy du roy, qu'on appelle estat des finances; mais ils se reiglent plus tost sur l'autre de Sa Majesté de l'année precedente que sur celuy des thresoriers generaux, et s'en envoye un aus dits thresoriers de France et un au receveur general des finances estant en exercice, avec commission sur l'un et sur l'autre pour le suivre de poinct en poinct selon la forme et teneur.
Dans l'un et l'autre des dits estats sont compris par le menu et par les eslections toutes les natures des deniers dont nous avons cy-devant parlé, ensemble les charges qui sont dessus et ce qui en revient de net à Sa Majesté, la quelle se paye tousjours par preferance, attendu que c'est là-dessus, ainsi que nous avons dit cy-devant, que sont fondées les despenses de son estat et de sa maison. Voyons donc ce que Sa Majesté fait estat de retirer ladite année 1620, et de chacune des susdites vingt et une generalitez, tant pour l'ordinaire que pour l'extraordinaire, qu'on appelle,
A sçavoir:
Premièrement.—Recette de l'espargne.
De Paris, toutes charges desduictes, six cens quinze mil soixante et treize livres tant de den[114].
De Soissons, cent six mil huict cens livres.
D'Amiens, quatre-vingt-trois mil quatre cens quarante livres.
De Chaallons, neuf vingt dix-neuf mil quatre cens deux livres.
D'Orleans, six vingt-trois mil quatre cens treize livres.
De Tours, sept cens dix mil six cens trente-huict livres.
De Poictiers, huict cens soixante mil livres.
De Limoges, sept cens soixante et quatre mil huict cens vingt-quatre livres.
De Bourges, trois cens dix mil trois cens soixante et deux livres.
De Moulins, trois vingt et un mil six cens soixante et une livre.
De Ryon, cinq cens cinquante mil sept cens quatre livres.
De Lyon, un million cent vingt-deux mil livres.
De Rouen, un million quatre-vingt-un mil quatre cens dix-huict livres.
De Caën, sept cens sept mil trois cens cinquante-deux livres.
De Bourdeaux, sept cens dix-neuf mil deux cens soixante et treize livres.
De Nantes, sept vingt-un mil neuf cens sept livres.
De Tholouze, quatre-vingt-un mil six cens livres.
De Montpellier, six vingt-un mil six cens livres.
De Dijon, sept vingt-trois mil quatre cens vingt-trois livres.
D'Aix, huict vingt cinq mil trois cens dix livres.
De Grenoble, neant, pour ce que le tout se consume sur le lieu.
Somme, sept millions deux cens quatre-vingt mil quatre cens vingt-cinq livres[115].
Seconde recepte de l'espargne.
L'estat de ces deniers s'appelle première recette de l'espargne; la seconde est celle des finances, dont nous avons secondement promis de parler; mais ce sera beaucoup plus succinctement que de l'autre, attendu qu'il n'y a autre ceremonie que de les bailler, comme elles sont au conseil, au plus offrant et dernier encherisseur, pour 2, 3, 4, 5, 6, 7 ou autre nombre d'années, et, après cela, les fermiers sont tenus la plus part d'apporter immediatement les deniers entre les mains du thresorier de l'espargne, ou d'acquitter de quartier en quartier les assignations qui se lèvent sur eux, tout ainsi que les receveurs generaux, les quels à ceste occasion contraignent les receveurs particuliers et les particuliers les collecteurs[116], chacun en divers temps qui se mesurent à chacun des dits quatre quartiers. Voyons donc ceste seconde recepte:
Des parties casuelles sur les quelles n'y a aucune charge, dix-huit cens mil livres.
Des receptes des bois, quatre-vingt-dix mil livres.
Des aydes et allienations, les charges montent par estimation à quinze cens mil livres, et en revient sept cens dix mil livres[117].
Des gabelles de France, les charges montent deux millions deux cens vingt-six mil cinq cens dix-sept livres, outre trois sols neuf deniers qui se lèvent en plusieurs greniers pour le payement des gages de la commission des aydes, et en revient deux millions quatre vingt quatorze mil cinq cens livres.
Des gabelles de Lyonnois, les charges montent à vingt-huict mil cent vingt-huict livres, et en revient la somme de sept cens mil livres.
Des gabelles de Languedoc, les charges montent six vingt-huict mil neuf cens soixante-sept livres, et en revient deux cens quatre-vingt-treize mil deux cens quatre-vingt-quatre livres.
Des gabelles de Dauphiné, affermées deux cens soixante-dix-sept mil livres, attendu qu'il s'employe par chacun an cent cinquante mil livres au rachapt du domaine dauphinal, et six vingt-six mil livres au payement de quelques debtes, celle-cy à neant.
De la ferme du convoy de Bourdeaux[118], les charges payées, deux cens quatre-vingt-dix mil livres.
De la ferme de la comptabilité de Bourdeaux, trois cens soixante mil livres.
Des traictes foraines d'Anjou[119], deux cens quatre-vingt mil livres.
Des peages de Loire, quatre cens mil livres.
De la subvention des villes franches, et l'escu pour thonneau de vin, six cens cinquante mil livres.
De l'escu pour muid de sel passant à Rouën, cent cinquante mil livres.
De l'escu pour muid de sel passant par Ingrande, soixante-dix mil livres.
Des sept deniers pour minot de sel entrant en Bourgongne, trente mil livres.
Du vin de Picardie, cinquante mil livres.
Des trente sols pour muid de sel qui se prend en Brouage, soixante mil livres.
De l'escu du thonneau de vin entrant à Rouën, cent cinquante mil livres.
De la ferme des cartes et tarotz, celle-cy à neant[120].
De l'escu pour muid de vin qui se vend en Bretagne, cent trente-quatre mil livres.
Des quatre cens mil livres dont le pays de Languedoc fait present au roy de quatre ans en quatre ans, quatre cens mil livres.
De trente sols pour muid de sildre entrant à Rouën, soixante mil livres.
L'entrée des drogues et espiceries, soixante-dix mil livres.
Des droicts qui se prennent le long de la rivière de Charente, cinquante mil livres.
Des droicts qui se prennent le long de la rivière de Loire, cent mil livres.
Des quatre mil livres du sel à Langres, celle-cy à neant.
Somme totale de la despence cy-dessus, dix-neuf millions cent trente-six mil trois cens trente-cinq livres.
Laquelle somme arrestée, y compris les charges tant sur les generalitez que sur les fermes, le tout revient à trente-six millions neuf cens vingt-six mil cinq cens trente-huict livres, qui se lèvent annuellement en France[121].
Cy trente-six millions neuf cens vingt-six mil six cens trente-huict livres.
Chapitre de despence.
La chambre aux deniers, c'est à sçavoir ce qu'il faut pour la bouche de Sa Majesté et des officiers de sa maison, trois cens trente mil livres.
Les gages des officiers domestiques, trois cens mil livres[122].
L'ecurie, neuf vingt-six mil livres.
L'argenterie, quatre-vingt-dix-huict mil quatre cens livres.
Les menus plaisirs du roy, six vingt-neuf mil livres.
Les offrandes et aumosnes, huict mil quatre cens livres.
La venerie, douze mil livres[123].
Les chevaux et oyseaux, dix-huict mil livres.
Les gentils-hommes de sa maison, deux cens mil livres[124].
Les Suisses, vingt-deux mil livres.
Les gardes du corps, tant François que Suisses, deux cens mil livres.
Le prevost de l'autel, cinquante-deux mil deux cens livres.
Les bastimens, compris Fontaine-bleau, quatre cens quatre-vingt mil livres.
Maison de la royne, trois cens mil livres.
Maison de monsieur le duc d'Anjou[125], frère du roy, sept vingt-deux mil livres.
Les garnisons, quinze cens mil livres.
Les autres gens de guerre, treize cens mil livres.
Artilleries, outre les sommes employées dans l'estat des finances, deux cens quatre-vingt mil livres.
Fortifications et reparations, quatre cens soixante-dix-sept mil neuf cent soixante livres.
Marines de Ponant, dix-huict mil livres.
Marines de Levant, deux cens soixante-dix-sept mil neuf cens soixante livres.
Les voyages, deux cens deux mil livres.
Les deniers, deux cens mil livres.
Les menus dons, deux cens mil livres.
Les grosses estrennes du roy, cent cinquante mil livres.
Comptant ez mains du roy, sept vingt mil livres.
Les gouverneurs des provinces, quatre-vingt-neuf mil livres.
Les ambassadeurs, neuf vingt quatorze mil neuf cens quatre-vingt-unze livres.
Les pensions, pour six millions quatre cens mil livres[126].
L'Angleterre et Pays-Bas, un million neuf cens cinquante mil livres[127].
Les deniers en acquit, six cens quatre-vingt dix mil livres.
Les seigneurs de ligues des Suisses, douze cens mil livres.
Le grand duc, pour debtes, cent mil livres.
Le duc de Lorraine, pour debtes, cent mil livres.
Le duc de Guyse, pour debtes[128].
Le cardinal de Joyeux, de Hombert, Bassompierre et Incarville, au lieu du domaine dont ils ont été depossedez, cent mil livres.
Le duc de Vendosme et madame de Mercure[129], pour debte, cent cinquante mil livres.
Le duc de Nemours, pour debte, quatre-vingt-dix mil livres[130].
Le duc de Mantoue, pour debte, quarante-cinq mil livres.
Jamect et Gondy, pour debte, quatre-vingt dix mil livres.
Debtes de Languedoc, soixante-quinze mil livres.
Fermes, demandes de dedommagemens, deux cens mil livres.
Rentes à Rouen, soixante-douze mil livres.
Interests d'advances, trois cens mil livres.
Parties inopinées et non values, cy deux millions cent sept mil cinq cens livres sept sols six deniers.
Somme toute de la despence cy-dessus, dix-neuf millions six cens trente-six mil trois cens trente cinq livres.
Voilà donc à quoy revient ces despens, ce grand amas de finances ausquels nous pouvons observer cet ordre de la nature, que, tout ainsi que des fontaines naissent des ruisseaux, les rivières qui tirent quelques fois leur origine de lacs dont les sources sont en eux-mesmes et se desgorgent toutes dans la mer, de mesme se peut-il voir des finances, en ce qu'après estre entrées en l'espargne, elles en sortent, comme nous avons monstré cy-devant, et, se jettans par les plus grosses veines, se respendent jusques aux plus moindres partyes, qui sont les laboureurs et artizans, ausquels il faut necessairement que la plus part s'en aille; et que si, pour conserver le repos du royaume, il en sort quelque partie, aussi en entre-il d'ailleurs par le moyen de ces quatre sources inexpirables: le bled, le vin, les toilles et le pastel[131], dont la paye entretient l'abondance et fait que le peuple se peut facilement acquitter de ce qui luy est imposé sur luy, vivre paisiblement et d'esperer encore mieux à l'advenir; car Sa Majesté veillant, comme elle a fait depuis la paix, par les yeux de ceux qu'elle a commis et dignement choisis en toutes les charges de son Estat, et recouvrant comme elle a fait le douaire de sa sacrée couronne, sçavoir est le domaine dont il y a party fait dès l'année mil six cens et douze[132], pour prest de trente millions de livres, c'est le moyen le plus asseuré pour l'enrichir, comme aussi le public, et en faire autant pour son peuple comme pour Sa Majesté mesme.
Pensions de nosseigneurs et dames de la cour.
A monsieur le Prince, pour sa pension de la présente année 1621, cent mil livres[133].
A monsieur le comte de Soissons, soixante-dix mil livres.
A monsieur de Guyse, cent mil livres.
A monsieur le duc de Nevers, cent mil livres.
A monsieur de Longueville, quatre-vingt mil livres[134].
A monsieur de Vandosme, cinquante mil livres.
A monsieur le duc d'Elbeuf, trente mil livres.
A monsieur le prince de Joinville, trente mil livres[135].
A monsieur le duc d'Epernon, soixante-dix mil livres.
A monsieur le duc de Bouillon, quatre-vingt mil livres[136].
A monsieur de la Trimouille, cinquante mil livres[137].
A monsieur le chevalier de Vandosme, trente mil livres.
A monsieur l'admiral, quarante mil livres[138].
A monsieur le duc de Redz[139], vingt mil livres.
A monsieur le comte de Laval, trente mil livres[140].
A monsieur le comte de Chombert, trente mil livres[141].
A monsieur d'Esdiguières[142], soixante mil livres.
A monsieur de Montbazon, quarante mil livres[143].
A monsieur le Connestable, soixante et dix mil livres[144].
A monsieur de Brante, trente mil livres.
A monsieur de Cadenet, vingt mil livres[145].
A monsieur de Bassompierre, trente mil livres.
A monsieur le duc de Rouennois[146].
A monsieur le comte de S.-Aignan[147], trente mil livres.
A monsieur le Grand[148], cinquante mil livres.
A monsieur le mareschal de Souvray, quarante mil livres.
A monsieur le Premier[149], quarante mil livres.
A monsieur le comte de la Roche-Foucault[150], vingt mil livres.
A monsieur de Termes[151], quinze mil livres.
A monsieur de la Roche Guyon, dix mil livres.
A monsieur le vicomte de Pardaillan, dix mil livres.
A monsieur de Rauquelaure[152], trente mil livres.
A monsieur le vicomte de Sardigny[153], soixante mil livres.
A monsieur de Suilly, quarante mil livres[154].
A monsieur le marquis de Rosny, vingt mil livres.
A monsieur le marquis de Nesles, vingt mil livres.
A monsieur le marquis de Cœuvre[155], dix mil livres.
A monsieur de Vantadour, vingt mil livres.
A monsieur le comte de Fiesques[156], vingt mil livres.
A monsieur le vidasme du Mans, vingt mil livres.
A monsieur le vidame de Chartres, vingt mil livres.
A monsieur de Mortemar, dix mil livres[157].
A monsieur de Biron, vingt mil livres[158].
A monsieur d'Antragues[159], dix mil livres.
A monsieur le comte de Chiverny[160], dix mil livres.
A monsieur le comte de Sanxerre, dix mil livres.
A monsieur de la Curée, six mil livres.
A monsieur Daigremont, dix mil livres.
A monsieur de Crequy, douze mil livres[161].
A monsieur de Praslin, dix mil livres.
A monsieur le marquis de Ragny, huict mil livres.
A monsieur le marquis de Mosny[162], huict mil livres.
A monsieur de Villepreux, dix mil livres[163].
A monsieur de Sainct-Gerant[164], huict mil livres.
A monsieur de Courtenvaux[165], dix mil livres.
A monsieur le chevalier de Souvray[166], dix mil livres.
A monsieur Dallincourt[167], vingt mil livres.
A monsieur Daumont[168], dix mil livres.
A monsieur de Salcedde, dix mil livres.
A monsieur le vicomte de Bourgueil, dix mil livres.
A monsieur le comte de S.-Paul[169], trente mil livres.
A monsieur de Nangy[170], vingt mil livres.
A monsieur de Montespan, dix mil livres.
A monsieur d'Argouges, dix mil livres.
A monsieur d'Aubigny, huict mil livres.
A monsieur de Razilly[171], huict mil livres.
A monsieur du Plessy-Mornay, trente-six mil livres.
A monsieur Benjamin[172], dix mil livres.
A monsieur de Vignolles[173], dix mil livres.
A monsieur le marquis de Conaquin, dix mil livres.
A monsieur de Riberpré[174], douze mil livres.
A monsieur le marquis de Nouailles, dix mil livres.
A monsieur de Mout[175], douze mil livres.
A monsieur d'Estisac[176], dix mil livres.
A monsieur de Pouille, huict mil livres,
A monsieur de Rohan, trente-six mil livres.
A monsieur de Bellangreuille, cinquante mil livres.
A monsieur de Cangey, huict mil livres.
A monsieur de Sauveterre[177], huict mil livres.
A monsieur le comte d'Auvergne, quarante mil livres.
A monsieur de Pommereuze, dix mil livres.
A monsieur de Moncanisy, dix-huict mil livres.
A monsieur de Matignon, dix mil livres.
A monsieur de Vaubecourt, douze mil livres.
A monsieur de la Pardis, douze mil livres.
A monsieur le marquis de Marrigny, dix mil livres.
A monsieur de Fourneaux, douze mil livres.
A monsieur de Baigneux, dix mil livres.
A monsieur de Grandmond, huict mil livres[178].
A monsieur de Martainville, six mil livres.
A monsieur Ribère, medecin[179], huict mil livres.
A monsieur de Blammesnil, six mil livres.
A monsieur du Bois-Chastellier[180], huict mil livres.
A monsieur de Lormeroux, dix mil livres.
A monsieur de Conflans, huict mil livres.
A monsieur de Beaugrand, escrivain du roy, trois mil livres.
A monsieur Gentil, joueur de paulme de Sa Majesté, deux mil livres.
Au sieur Hierosnime, espadacin du roy, trois mil livres[181].
Capitaines des gardes.
A monsieur de Saincte-Collombe, trois mil livres.
A monsieur de Fourrilles[182], deux mil livres.
A monsieur de Campaignolles, deux mil livres.
A monsieur de Formagères, deux mil livres.
A monsieur Tilladet, deux mil livres.
A monsieur de Meux, deux mil livres.
A monsieur de Bourdet, deux mil livres.
A monsieur de la Salle, deux mil livres.
A monsieur de Bourg, deux mil livres.
A monsieur de Nangy, deux mil livres.
A monsieur de Goaas[183], deux mil livres.
A monsieur de Grandpré, deux mil livres.
A monsieur de Castellier, deux mil livres.
A monsieur de Grandpré, deux mil livres.
A monsieur de Livroux, deux mil livres.
Pairs de France, Clergé.
A monsieur l'evesque de Noyon, douze mil livres.
A monsieur l'evesque de Chaallons, dix mil livres.
A monsieur l'evesque de Laon, dix mil livres.
A monsieur l'archevesque de Rheims, douze mil livres.
A monsieur l'evesque de Langres, dix mil livres.
A monsieur l'archevesque de Sens, quinze mil livres.
A monsieur l'archevesque de Lyon, douze mil livres.
A monsieur l'evesque de Paris, douze mil livres.
A monsieur l'evesque de Senlis, huict mil livres.
A monsieur l'archevesque d'Anbrun, huict mil livres.
A monsieur l'evesque de Chartres, huict mil livres.
A monsieur l'archevesque de Bourges, dix mil livres.
A monsieur l'evesque de Lisieux, dix mil livres.
A monsieur l'archevesque de Roüen, huict mil livres.
A monsieur l'archevesque de Tours, six mil livres.
A monsieur l'archevesque d'Arles, huict mil livres.
A monsieur l'evesque de Rennes, huict mil livres.
A monsieur l'evesque de Nantes, six mil livres.
A monsieur l'archevesque de Bourdeaux, huict mil livres.
A monsieur l'archevesque d'Aix, dix mil livres.
A monsieur l'evesque de Montpellier, dix mil livres.
A monsieur l'archevesque de Thoulouze, huict mil livres.
A monsieur le chancellier[184], soixante mil livres.
A monsieur le president du Vair, quatre-vingt mil livres.
A monsieur le premier president, douze mil livres[185].
A monsieur le president Jeannin, dix mil livres.
A monsieur le president de Hacqueville, dix mil livres[186].
A monsieur de Villemontée, huict mil livres.
A monsieur de Roissy, dix mil livres.
A monsieur de Villotreys[187], douze mil livres.
A monsieur de Vicq, dix mil livres[188].
A monsieur de Belesbat, douze mil livres.
A monsieur le president Crespin, dix mil livres.
A monsieur de Bullon[189], douze mil livres.
A monsieur le president de l'Escaloppier[190], dix mil livres.
A monsieur de Revol, dix mil livres.
A monsieur de Hacqueville, dix mil livres.
A monsieur de Harlay[191], douze mil livres.
A monsieur le Chevallier[192], douze mil livres.
A monsieur le president Gabellin, quatre mil livres.
A monsieur le president Hannequin, six mil livres.
A monsieur de Beaumont, huict mil livres.
A monsieur Durier[193], six mil livres.
A monsieur Ollier[194], dix mil livres.
A monsieur de Pont-Chartrain, douze mil livres.
A monsieur Puget[195], quatre mil livres.
A monsieur Phlippeaux[196], quatre mil livres.
A monsieur de Moram, quatre mil livres.
A monsieur D'Herbault[197], quatre mil livres.
A monsieur de Vausclans, douze mil livres.
A monsieur de Sancy, trente mil livres.
Gens du roy.
A monsieur le procureur general, huict mil livres[198].
A monsieur Servin[199], advocat general, six mil livres.
A monsieur le Bret[200], advocat general, six mil livres.
Secretaires d'Estat.
A monsieur de Seaux[201], vingt mil livres.
A monsieur de Pont-Chartrain, vingt mil livres.
A monsieur de Lermenye[202], vingt mil livres.
A monsieur Phlipeaux, vingt mil livres.
A monsieur de Flexelles, greffier du conseil, deux mil livres.
Aux cinq huissiers du conseil, six mil livres.
Dames.
A madame la Princesse, trente mil livres.
A madame la princesse de Conty, vingt mil livres.
A madame de Guyse, la douairière[203], vingt mil livres.
A madame d'Elbeuf, la mère, dix mil livres[204].
A madame de la Trimouille, dix mil livres.
A madame de Rohan, douze mil livres.
A madame de Longueville la mère, douze mil livres.
A madame la marquise de Verneuil[205], dix mil livres.
A madame la comtesse de Mouret[206], dix mil livres.
A madame des Essars[207], douze mil livres.
2. A mesdamoiselles de Rohan, huict mil livres[208].
2. A mesdamoiselles Daumalle, huict mil livres.
A madame la comtesse de Saux[209], dix mil livres.
A madame de Balligny[210], dix mil livres.
A madame de Guercheville[211], dix-huict mil livres.
A madame de Vauselaux, dix-huict mil livres.
A Françoise Joret, nourrice de Sa Majesté, six mil livres[212].
Aux servantes des Enfans de France, quatre mil livres.
A Mathurine, douze cens livres[213].
A Me Guillaume[214], par les mains de Me Jean Lobeys, son gouverneur[215], dix-huict cens livres.