Variétés Historiques et Littéraires (06/10): Recueil de piéces volantes rares et curieuses en prose et en vers
Stances sur le retranchement des festes en 1666[311].
Adieu, mon cher amy, je pars de cette ville
Qu'on me rompe les os si je revois Paris.
Quoy! je demeurerois en ce maudit pays,
Où la vertu n'a point d'asile,
Et qui ne se trouve fertile
Qu'en putins, qu'en bigots et qu'en malins esprits!
Le sejour m'en seroit funeste,
Je m'en vais chercher d'autres gens,
De peur qu'avec ces habitans,
Le peu de vertu qui me reste
Ne m'abandonne en peu de temps.
Mais enfin où faut-il que j'aille?
Les jesuites sont en tous lieux;
Il n'est plus d'endroits sous les cieux
Exemts d'une telle canaille;
Cette hypocrite nation,
Sous ombre de devotion,
A toujours de secrettes trames,
Et ces maîtres archibigots,
Feignant de convertir les ames,
Attrapent quantité de sots.
Auroient-ils esté dans la Chine,
Dans le Perou, dans le Japon,
S'ils n'avoient pas connu que ce pays est bon
Pour faire rouler leur cuisine?
Ces illustres marchands de bled
N'ont pas l'esprit assez troublé
Pour demeurer en mauvais giste;
Et, si ces lieux ne payoient pas
Leurs sermons et leur eau benite,
Ils changeroient bien de climats.
Valent-ils mieux dans la Sorbonne?
Non: car on m'a dit qu'en ce lieu
Le pape, vicaire de Dieu,
N'y peut faire sa cause bonne.
Pas un ne veut signer l'infaillibilité,
De peur de se faire une affaire;
Et l'on estime mieux souscrire au formulaire[312]
Que les docteurs ont arresté
Que courir risque de deplaire
A messieurs de la Faculté.
Dedans ce lieu ce n'est que brigue;
Les docteurs sont toujours de differents avis,
Et ceux qui sont les plus suivis
Sont ceux qui font le plus d'intrigue.
Le seul caprice y règle tout;
L'un blâme ce que l'autre absout;
Chacun, suivant son sens, règle le Paradis,
Et fait des loix en nôtre Eglise,
Comme le roi fait des edits.
Dans ce maudit tems on retranche
La fête de beaucoup de saints,
Et c'est justement que je crains
Qu'on ne reforme le dimanche.
Pourquoy jadis festions-nous saint Thomas[313],
Ou pourquoy maintenant ne le festons-nous pas?
D'où vient ce changement etrange?
En voicy la raison: aujourd'huy le clergé
Pretend qu'un apôtre et qu'un ange
Ne peuvent rien sans son congé.
Les saints, jaloux les uns des autres,
Vont avoir un procès bien grand:
Un evangeliste pretend
Valoir autant que les apôtres[314];
Saint Marc ne peut souffrir ces abus inouïs,
Il veut estre festé comme on feste saint Louis;
Le bon saint Joseph paroît triste
Du tort qu'on luy fait aujourd'hui,
Et soutient que saint Jean-Baptiste,
Dont on feste le jour, ne vaut pas mieux que luy.
Eh quoy! disent les Innocens[315],
Quoy! souffrirons-nous que l'eglise,
Qui nous chôma toujours, aujourd'huy nous meprise?
Ne valons-nous pas bien autant que saint Laurent?
S'il repandit son sang, nous versâmes le nôtre,
Nous avons tous souffert autant que pas un autre;
Pourquoy n'aurons-nous plus d'encens?
Ne seroit-ce point que la France,
Qui ne vit plus dans l'innocence,
Ne peut souffrir les Innocens?
Tous les patrons de confrerie
Ont fait un bon serment entr'eux
De n'exaucer jamais nos vœux,
Puisque leur feste est abolie.
Si saint Roch une fois nous oste son secours[316],
Que de maux croîtront tous les jours!
Et, si sainte Reine se pique,
Je prevois que Martot, Gayan et d'Alencé[317]
Auront cent fois plus de pratique
Qu'ils n'en avoient au temps passé.
Que de galeux, que de teigneux,
Que de verole et que de peste!
La reforme des saints nous sera trop funeste
Si nous ne faisons pas notre paix avec eux.
Si l'on veut retrancher les festes de l'année,
Qu'on oste celles-là dont la veille est jeunée,
Je consens volontiers à leur retranchement:
Qu'on oste saint André, mais non pas sainte Reyne,
Car nous avons trop frequemment
Besoin de l'eau de sa fontaine[318].
Pour moy, qui crains trop la colère
Des saints irritez contre nous,
Je vais chercher une autre terre
Pour m'exemter de leur courroux,
Adieu, je sors de cette ville.
Qu'on me rompe les os si je revois Paris!
Quoy! je demeurerois en ce maudit pays,
Où la vertu n'a point d'asile,
Et qui ne se trouve fertile
Qu'en putains, qu'en bigots et qu'en malins esprits!
Le sejour m'en seroit funeste;
Je m'en vais chercher d'autres gens,
De peur qu'avec ces habitans
Le peu de vertu qui me reste
Ne m'abandonne en peu de temps[319].
Le Pont-Breton[320] des Procureurs. Dedié aux Clercs du Palais.
M.DC.XXIV.
L'Autheur aux Clercs du Palais.
Compaignons, le sommeil me causa l'autre jour une certaine vision nocturne. Je n'ay voulu manquer vous en faire part; non pas que le subject soit digne de vos merites, mais à cause qu'il est risible. Vous y trouverez beaucoup de fautes; je vous prie que ce ne soit sans la consideration que je me suis fort peu mis en peine de parvenir au doctorat.
Si quelques uns de vous y remarquent leurs maistres, vous pourrez d'autant plus juger si les histoires sont veritables ou fabuleuses. Vous pouvez croire que, si j'eusse eu quelque partie d'eloquence, ma plume ne se seroit espargnée à berner les messieurs desquels je traicte (car il est bien certain que leurs actions le meritent). J'estime que vos bontez suppléeront le defaut de cela aussi bien que mon incapacité, et que vous ne regarderez ce Pont-Breton de mauvais œil, puisqu'il vous est adressé de la part de celuy qui s'efforcera de vous tesmoigner en toutes occurences qu'il est
Le Pont-Breton des Procureurs, dedié aux Clercs du Palais.
Desjà les tenèbres descendoient le grand galop des montagnes, et desjà ma plume s'alentissoit si fort que le cageoleur babil d'un procureur, dictant à un sien copiste, m'estoit très ennuyeux[321]. Lors, me soustrayant un peu de l'obeissance deue, je me desrobay de l'estude, non sans faire imaginer à ce procureur, qui estoit ravy en des enthousiasmes de practique, que je luy desrobois une partie du pain que sa liberalité m'avoit eslargy ce jour-là. Je ne fus pas si tost à la halle aux draps que l'un des ministres de Morphée, captivant mon esprit dans la corbeille de mensonge, le pourmena en une multitude d'actions procuratoires, et luy fit voir tant de merveilles que le temps de la descrire me defaudroit plustost que la matière. Toutesfois je vous feray participant de celles qui se sont peu arrester dans les cellules de ma cervelle (quoy que mal timbrée), afin de faire voir à la posterité clerique que je ne suis moins affectionné vers mes confrères que justement irrité contre les actions odieuses de ces attrape-minons[322].
Ainsi donc, ce fantasque dieutelet ayant troussé mon esprit leger sur ses espaules, je luy fis faire diverses virevoustes[323], non sans l'egayer beaucoup en des considerations capables de faire dillater, à force de rire, les poulmons d'un Desmocrite. Je ne me souviens pas de quel costé le vent estoit viré, mais je puis bien asseurer que la première pose fut en une rue abboutissant en la rue Sainct-Martin, qui est la penultiesme d'auprès Sainct-Nicolas[324], où je remarquay une admirable querelle entre le maistre et le clerc: et quoy qu'elle proceda de fort peu de chose, le superieur s'efforça à faire jouer les ressorts du poignet au maniement de M. Martin Baston[325]; mais le mal fut pour luy que l'inferieur, renforcé en une resolution provoquée diverses fois par la prise d'une medecine bachique, se rendit possesseur de ce M. Martin, laquelle possession luy ayant accreu le courage, il fit voir que son adversaire en avoit plus que de force, et de presomption que d'effect. Il est vray qu'il ne fut pas si vilainement accoustré que le satyre Marsias par Apollon: aussi la contestation n'estoit-elle survenue pour le jeu des flustes, puisque cela procedoit de la mauvaise opinion d'un cocuage. Toutesfois, je vous asseure (s'il n'y a point d'erreur en mon calcul) que jamais vilain ne fut si delicatement epousté. La rencontre me fut grande en ce logis, car cette action ne fut pas si tost close par la sortie de l'epousteur, qu'un incident relevé en bosse par le merite du subject parut, procedant de la reception faicte par la procureuse de quatre testons envoyez pour une presentation; ce qui fascha tellement monsieur, qui avoit l'imagination grandement preoccupée de l'asseurance de les toucher, que, s'en voyant descheu, il se constitua en une alteration autant approchée de sa raison ordinaire, que son anxieté estoit extravaguante: d'où vint qu'il ne peut pas retenir la bonde d'un tonneau d'injures qui scandalisèrent fort la procureuse, non pas sans reverberation. De là je retrograday, car j'avois passé pardevant la Croix de fer[326]. Estant en cet endroit, j'apperceu une certaine lumière; et quoy que j'apprehende fort les ardants[327], je ne laissay de m'en approcher. Ce qui m'esmeut à la charité fut la cruauté barbaresque d'un, lequel, estant bien Fourré[328], ressembloit la damoiselle qui, après s'estre bien chauffée, n'avoit plus froid. C'estoit au temps (je m'en souviens) que le soleil estoit au signe d'Aquarius: et encor que l'on die que nos esprits sont impassibles, et par consequent qu'ils ne sont susceptibles au froid, je ne laissay d'en sentir quelque chose, d'où j'inferay que les pauvres clercs (que je puis appeler souffrans) n'en estoient pas exempts. Je penetray plus avant en l'humeur de ce venerable Fouré (que l'on dit n'estre chicaneur) par le moyen d'une riotte[329] qui se passa entre luy et son maistre clerc, fondée sur l'obmission de bailler un defaut à juger à poinct nommé, ce qui n'est rien à comparaison des frequentes clabauderies du personnage, que je laissay continuer en ses fantasques discours, qui m'estourdirent beaucoup plus que ne fit l'autre jour un concert querelleux d'une grande partie des harangères des halles. Je continuay mon chemin, qui hazardeusement se rencontra en une rue où le noir manteau de l'obscurité ne peut estre si dominant que je n'apperçusse quantité de testes portant bois. Il me souvint d'Acteon, mais je m'y arrestay particulierement, car je sçavois bien que je ne cognois rien en l'arithmetique, et neantmoins il en estoit besoing, d'autant que le nombre des poinctes esgalloient quasi celles des picques d'un bataillon carré. J'en laisse la decision à ceux qui en sçavent les particularitez, ou qui prendront la peine de les considerer de jour, pour dire qu'en ceste mesme rue deux certains[330] persistent en leurs habits; et si l'un d'eux a une mulle qui est souvent couverte d'un mullet[331], cela n'empesche pas la froideur de leurs cuisines, car l'on tient pour très constant que leurs clercs n'ont les estomachs offensez par la quantité des viandes qui leur sont presentées, et si je me suis laissé dire que la qualité d'icelles est fort cheftive; et toutesfois (selon mon jugement) cela n'est rien au prix de la prodigalité de deux autres, lesquels, comme ils sont d'une mesme reception, sont aussi demeurans en une mesme rue aboutissante en la rue Saincte-Avoye (n'estoit que j'ay peu de papier, je cotterois les autres tenans); ils ne rougissent point d'enfermer la pluspart du temps le pain gaigné à la sueur des visages pendant qu'ils se farcissent abondamment le ventre de viandes delicates. Il vaudroit bien mieux pour l'un d'eux d'espier les menées qui se passent en sa maison, qui le touchent bien près du chef. O malheur! faut-il qu'il y ait des hommes si aveuglez qu'ils ne puissent voir les blesseures les plus mortelles! Y a-il partie plus susceptible du danger de la mort que la teste? et neantmoins ils n'y prennent pas garde, et font la sourde oreille comme cestuy-cy. Je ne sçay pas s'il a leu l'unziesme fable du second livre des Metamorphoses, où il est fait mention que le corbeau descouvrit à Phœbus qu'il avoit veu Coronis couchée avec un jeune homme de Thessalye, pour raison de quoy il banda son arc et atteignit la poictrine de cette pauvre Coronis d'une flesche inevitable, poitrine qu'il avoit si souvent joincte à la sienne. Mais, pauvre corbeau! quel salaire receus-tu pour la juste divulgation de ce forfait, sinon que ta couleur, auparavant blanche, fut muée en une lugubre qui ne nous represente autre chose que la tristesse? La punition de nostre procureur ne fut pas beaucoup dissemblable, car il donna congé au revelateur de la chasteté de sa femme. Ainsi il n'y eut point mutation de couleur, mais d'habitation. Je ne reprendray pas Phœbus de son action, car il n'est pas bien de reprendre les dieux; mais celle-cy ayant esté commise par un homme mortel, je diray, quand on devroit m'appeler audacieux et temeraire, qu'il ne fait pas bien et qu'il ne meritoit pas d'avoir un clerc si fidelle. La commiseration que j'ay de l'infortune non meritée de ce pauvre jeune homme (si vous appellez infortune d'avoir les dents un peu longues durant deux ou trois mois qu'il fut bourgeois) me fait bondir le cerveau. L'apprehension que j'ay que les larmes ne mouillent mon papier me fait passer à la consideration des actions enragées, voire endiablées, d'un demeurant près Saincte-Opportune; et quoy qu'il soit bien haut de taille, si est-ce qu'elles le surpassent de la hauteur d'une pyramide. Je brisay à main gauche, assez près de la rue Mauvaise parolle[332], où j'aperceus la sordidité d'un qui est reputé avoir autant de finance en bourse que le duc de Bar. Je voyois certains buffets et coffres qui n'estoient pas moins remplis de pistolles, ce qui fut cause que je vous y souhaitois, ô compagnons! mais il falloit que ce fût corporellement (car nos esprits ne peuvent pas transferer les finances), et vos corps estoient enveloppez dans les doux linceuls du sommeil. Je jure que je vous eusse fait une exhortation larronnesque, en quoy n'y eût point eu de peché si le proverbe est veritable: Tous biens sont communs; il n'y a que moyen de les avoir. Et si d'avanture vous eussiez fait les scrupuleux, encor que je ne sois incube[333], vos pouvoirs ne m'eussent empesché l'emprunt d'un de vos corps. Or, ne pouvant faire autre chose que de contenter ma fantasie, je tournay la veue d'un autre costé, et, voyant quelques autres coffres, j'estois desjà ravy d'estonnement, croyant que par le dedans ils ressemblassent les autres. Cela fit que je m'escriay: O! que de richesses! elles surpassent celles de la Bastille[334]. Mais je fus deschu de ma croyance; car, au lieu de ce precieux metal, je n'y apperceus que des haillons rapiecetez diverses fois: en sorte que ceux qui comme moy les ont veuz peuvent asseurer affirmativement qu'en cela le maistre est aussi peu superflu que prodigue en la despense de l'achapt des meubles persiens qui se remarquent en ce venerable logis. En suitte, mon chemin s'adressa vers Sainct-Eustache, chez un qui est accreu en biens sans faire tort à personne; et neantmoins il est rentré en quelque espèce de modestie; car, au lieu qu'il souloit porter la calotte de satin, il ne porte plus que celle de taffetas, ce que j'estime beaucoup: car les hommes de nostre siècle se portent fort peu au rabais de leur estat quand leurs biens augmentent; mais j'appris qu'il est tant soit peu chicaneur. Baste! puis qu'il traicte bien ses clercs. Je n'eus pas si tost la consideration vague qu'elle fut remplie. Ce fut assez près de la Monnoye, où l'on me voulut faire croire qu'il y en avoit de la cornardise. Je ne le voulois pas, mais cela me fut asseuré, voire quasi prouvé par des conjectures, indices et preuves si manifestes, mesme particularisé par des entrevues de la femelle et d'un certain moyenneur[335] de faveur et praticque, que ma croyance fut contraincte de changer au desavantage du procureur, non pas sans m'estonner de son exhuberance, parce qu'elle diffère beaucoup des humeurs farouches et discourtoises de quantité d'autres hommes qui ne considèrent pas que la simplicité est la mère d'innocence, et que Jean est un beau nom[336]. Je tiray à droicte file par dessus le Pont-Neuf et continuay vers la rue Dauphine, où j'appris qu'il y avoit eu querelle entre le maistre, la maistresse et la chambrière, pour raison du vol domestique par elle commis, en ce que l'on pretendoit qu'elle avoit tiré un demy-septier de vin au clerc, outre son ordinaire: «Comment, larronnesse (dit la procureuse), avez-vous esté si hardie de nous voller de la façon? Ce n'est pas d'aujourd'huy que vous usez de ces tours là; vous en faictes bien d'autres! Je m'en estois bien apperceue, et neantmoins, pour esprouver vostre fidelité, je vous ay commise ce soir pour tirer du vin, et vous me volez, meschante et malheureuse que vous estes! Je vous feray bailler le fouet. Sus, qu'on m'aille querir un commissaire pour faire punir cette galande, afin de luy apprendre et à ses semblables à voller leurs maistres. Vertu de ma foy, coquine! je vous baille de bons gages, voire mesme plus que vous ne gaignez; outre cela, les clercs de mon mary vous donnent plus d'un escu par mois (du moins c'est mon intention)[337], et neantmoins vous ne sçauriez vous empescher d'un larcin punissable. Allez, gueuse, quand il m'en devroit couster cinquante escus, je vous feray pourrir en une prison.» La servante, toute esperdue par le moyen de la crainte de ces espouvantables menaces, eut de l'astuce parmy sa simplicité, quoy qu'elle fût saisie d'apprehension et d'estonnement. «Madame, dit-elle, vous baillez au maistre clerc chopine à dîner et chopine à souper. Aujourd'huy vous avez vous-mesme tiré chopine pour son dîner dans le pot de trois demy-septiers, lequel ayant negligé de transferer en un autre vaisseau, j'ay tiré dessus. Vous trouvez ce pot plain; vous n'en sçauriez inferer autre chose sinon que j'ay accomply fidellement la charge que vous m'avez donnée. Pensez-vous, Madame, que je sois telle que vous dictes? J'aymerois mieux estre morte. On me cognoist bien: je suis aussi femme de bien que vous; je n'ay jamais affronté personne. Puisque vous me jugez de cette qualité, je suis preste de m'en aller, en me payant.—O la meschante femme! repliqua la procureuse, voyez comme elle pallie son larcin, pensant m'arracher de la fantaisie la croyance de la verité! Ouy, ouy, tu t'en iras; mais ce ne sera pas sans payer une sallière d'etain pesante demy-livre, deux serviettes et un torchon, que tu m'as laissé prendre ou que tu m'as toy-mesme vollé.» Sur ces discours qui se tenoient en une salle haute, voicy arriver le procureur, venant de son estude, lequel avoit le ventre creux comme un tabourin. Il demandoit à soupper, non pas sans subject, car il avoit fait un dîner de fort peu de consequence. La procureuse n'eut pas la patience de le laisser entrer pour luy dire: «Monsieur, voylà une cagnarde[338] qui nous volle; elle a mesme ce soir tiré un demy-septier de vin à vostre maistre clerc. Pour moy, je ne suis pas resolue de l'endurer.—Aussi ne l'entens-je pas», respondit le procureur. S'adressant à la tireuse de vin, qui trembloit comme la feuille: «Escoutez, dit-il, ma mie, cela n'est pas beau de voller son maistre; du petit l'on vient au grand. Ignorez-vous qu'il y a eu des serviteurs domestiques pendus pour cinq sols? J'ay leu l'Escriture saincte, ou j'ay veu qu'il s'est manqué peu qu'un homme n'ayt esté damné pour un denier, et vous me prenez un demy-septier de mon vin, qui revient à près de trois sols la pinte rendu ceans! Remerciez bien Dieu que je ne suis point homme vindicatif, et l'heure qu'il est, car sans cela je vous ferois emprisonner.» La servante vouloit repliquer, lorsque la procureuse luy ferma bouche, disant: «Tais-toy, effrontée! Mort de ma vie! je ne sçay qui me tient que je ne t'assomme.» La parole du maistre donna trefve à cette querelle. Je ne sçay si ce fut à cause que la creusité de son cerveau ne pouvoit endurer de bruit, lequel, estant remply, il fut en son estude exprès pour faire une reprimande à ce maistre clerc; et, n'eust esté qu'il est bon cheval de trompette, il l'eust mis au fond de ses chausses. «Vrayement, dit-il, il fait beau voir que vous suborniez ma servante pour vous faire tirer du vin! N'en avés-vous pas assez d'une chopine que je vous donne à chaque repas? Il y a beaucoup de procureurs qui n'en donnent pas tant à leurs clercs.» De quoy ce clerc ne fit pas grand compte, ains se contenta de faire une response convenable au merite de l'action; et quoy qu'il fût à propos de parler de la manière en laquelle on estoit traicté chez luy, neantmoins il se retint, encor qu'il soit intollerable de se veoir bailler quasi tous les jours du vent à guise de viande, du vin mixtionné d'eau, des draps estre trois mois en un lict, et le reste s'accomoder en sorte qu'il n'y a pas un de sa vacquation chez qui on soit bien accommodé[339]. Cette retenue ne l'a neantmoins empesché de s'efforcer de le decrier à l'un d'une façon, l'autre d'une autre, sans pouvoir dire pourquoy ny fonder sa malignité sur autre chose que sur un simple mescontentement non causé. Il est vray qu'autrement il s'esloigneroit de l'influence quasi particulière à ceux de son pays, en quoy toutesfois sa gloire et sa presomption le rendent tant soit peu excusable.
Mais, a ce que je voy compagnons, ma prolixité vous est ennuyeuse; vous en avez du subjet; aussi vous promets-je, pourveu que vous vouliez me donner encor tant soit peu d'audience, une livre de dragées à distribuer entre vous au sol la livre à la prochaine foire Sainct-Germain.
La rue Sainct-André n'est pas beaucoup esloignée du lieu duquel je viens de parler. J'y remarquay quatre personnages abondamment humbles pour leurs conditions; l'on les void souvent rabrouer un pauvre clerc à double carillon et l'expedier à leur fantaisie, sans considerer que son maistre ne prend leurs bricolles en payement. Leur malice est bien affectée, s'ils se souviennent d'un distique qui se remarque dans le cimetière Sainct-Innocent en ces termes:
Nous avons esté comme vous,
Et serez aussi comme nous[340].
Ils en peuvent bien dire autant; mais ils n'ont garde, car cet abaissement seroit trop vil pour des personnes qui sont vallets des parties. Leur vanité n'empeschera pas ma muse de le repeter d'une autre façon au mesme sens:
Comme nous vous avez estez,
Et comme vous vous nous verrez.
Encor avons-nous cet advantage sur eux qu'ils ne peuvent pas estre ce que nous sommes, et nous pouvons estre ce qu'ils sont, tellement que nous avons plus de faculté qu'eux.
L'humeur fantastique d'un autre, demeurant près les Cordeliers, n'est pas moins semblable, car il s'est porté à frapper un clerc faisant les requestes, parce qu'il poursuivoit un huissier de faire voir la fin de ses chicaneries touchant la reddition d'un procez; mais le compère ne fut si mal advisé qu'il ne luy rendît une febve pour un poix. A ce propos, je supplie vos jugemens très solides, ô compagnons! de considerer si ce procureur avoit bonne grace. Ce clerc representoit son maistre et ne demandoit que la justice, et neantmoins, dans le lieu le plus sacré sainct de cette Astrée[341], dans la salle du plus auguste Parlement, il ne peut pas retenir sa main, tant sa passion fut dereglée et remplie d'erreur. Pour moy, je suis d'advis qu'il ne faisoit pas bien. Je ferois tort à la reputation d'un demeurant rue de La Harpe si je disois qu'il ne void pas mieux des despens qu'un autre, et neantmoins il sçait si bien charlater[342], que souvent il faict croire à de jeunes barbes qu'il a bien rencontré. C'est un bon violon[343], vrayement. Il est venu à Paris avec des sabots, et son fils porte tous les jours le manteau doublé de panne. Passant de là en la rue des Anglois, l'on me fit recit qu'un demeurant bien près de la rue du Plastre bricolle d'un costé et sa femme de l'autre. Que l'on en die ce que l'on voudra, ce ne sont qu'actions semblables; ils sont à deux de jeu, et sont quasi tousjours cartes esgalles. Je m'asseure que vous autres ne monstrerez aucune action envieuse de l'heur de ces deux personnages; et pourquoy, puisqu'ils vivent contents? Leur consideration est bien fondée, car il n'y a rien au monde qui contente plus l'homme que la nouveauté. Je fus transporté en la rue des Trois-Portes[344], où je cogneu qu'un procureur veut louer le devant de sa maison à une bordeliste, sans toutesfois en vouloir souffrir l'entrée. Cela n'est pas raisonnable, car toutes conventions doivent estre observées s'il n'y a lettres fondées sur la minorité, la force ou la lezion: encor faut-il qu'elles soient entherinées; mais rien de tout cela ne se rencontre en la personne de ce procureur, car il est autant capable de contracter que d'avoir beaucoup de practique; et neantmoins l'on dit qu'il n'a pas le moyen de nourrir un clerc. La rue Sainct-Jean-de-Beauvais est du mesme quartier, au bout d'embas de laquelle demeure un certain qui n'est cocu qu'à demy. Il y a peu qu'il fut autheur d'un dialogue d'entre luy et un certain clerc qui demandoit le sien. Il commença l'exorde de son discours par ces motifs choisis: «Mon amy, pourquoy venez-vous desbaucher mon clerc?» Il eust continué sans l'interruption de celuy auquel il s'adressoit, qui n'est pas grue. «Monsieur, dict-il, j'ay affaire à vostre clerc, et pretends fort peu de le desbaucher; mon intention est esloignée de cette action, que je sçay estre desagreable à vous autres, messieurs.» A quoy ce venerable cagot repliqua: «Vous ne sçauriez m'oster cela de la fantaisie, vous estes tous des desbauchez. Sans mentir, dict-il, adressant sa parole à une de ses parties, la jeunesse est bien corrompue. Aussi ne sçaurions-nous plus tirer de service de nos clercs. Je vois bien que celuy-cy a esté de la societé du cordon rouge[345].—Monsieur, respondit le clerc, vous m'excuserez si je vous dicts que vous me prenez pour un autre; l'affaire pour laquelle je viens est fort pressée (à la verité c'estoit pour une assignation de gueule).» Nonobstant ceste remontrance, la promptitude l'emporta à dire: «Mon amy, vous le verrez demain au Palais si bon vous semble; il a affaire pour le present, et quoy que vous ayez peu à luy dire, cela ne laisserait de le destourner de mes affaires. Bon souhait et bonne santé.—Grand mercy, Monsieur, dit le clerc; vostre courtoisie m'oblige beaucoup; elle m'obligeroit davantage si elle permettoit que mon desir reussist, ce que je ne desirerois toutesfois, puisque l'abondance de vos affaires ne le permet, sur lesquelles je n'ay que voir; mais je ne laisseray de dire, avec vostre permission, que naguères vous luy faisiez coppier des bulles de nostre sainct-père pour gaigner les pardons à Pasques, et ce à faute d'autre besongne. Ne faictes point tant l'empesché.» Ce clerc, ainsi esconduit, sortit à l'instant de ce cornard logis, non pas sans barbotter diverses imprecations contre ce tyran clerc en ces termes: «Ah! faut-il qu'un homme de si peu de merite soit procureur! Ah! faut-il qu'un mesprizeur de gens de bien se voye eslevé par dessus eux! Ah! que l'influence qui a causé cet effect estoit mauvaise! A la mienne volonté que j'eusse la super-intendance de la justice pour quelque temps! je ferois de belles ordonnances, et commencerois par la deposition de beaucoup de ces ignares qui ne sçavent guère par delà la facture d'un defaut simple. Je me trompe tant soit peu, car aucuns d'eux taschent de faire une production lorsqu'il y a un advertissement; encore est-ce fort peu, car l'urgence de leurs grandes et importantes affaires cause qu'ils imittent la cour, car ils en font renvoy, non pas aux enquestes, mais à leurs clercs.»
En la mesme rue demeurent quatre autres personnages de mesme qualité, qui sont aussi remarquables pour les cornes que ceux de la rue Quinquempoix[346]. Il est vray que l'un d'eux se recompense d'un autre costé, car, par artifice et contre le gré de sa femme, il faict en sorte d'avoir de belles servantes, ce qui n'est pas tant reprehensible qu'une sienne action toute recente envers l'un de ses clercs. Je croy qu'elle luy fut inspirée par les furies infernales, car, ayant faict trelantantan avec une certaine brunette, sa malice affectée donna ordre que le pauvre clerc mist aussi fremin dans le bissac, d'où s'ensuit la perfection d'une petite creaturette, laquelle, venue avant terme à compter du jour que le niais avoit esté leurré, l'on le fait constituer prisonnier, supposant contre verité qu'il avoit fait ce dont il n'avoit peut estre fait qu'une oreille[347], tellement qu'estant janne, il a fallu cracher au bassin[348], et par ce moyen descharger monsieur le procureur en son honneur et en ses biens. Or, compagnons, dictes-moy ce que vous eussiez faict en cette rencontre. Vous avez du subject de vous faire remarquer estonnez; pour moy, si on m'en avoit fait autant, j'en aurois la raison ou je mourrois en la peine. Aussi ceste meschanceté m'est-elle si odieuse que, si je continuois sur ce subject le fil de mon discours, je m'asseure que j'entrerois en une invective qui pourroit me causer une opilation de ratte. Pour esviter cet inconvenient, continueray de cheminer en la mesme rue, où je fus spectateur des actions de deux procureurs et de leurs femmes, qui jouent au change à qui mieux mieux. Ce qui faict remarquer cela plus drolle est la jalousie de l'une. Qu'elle le dissimule tant qu'elle voudra, pour me l'oster de la fantaisie, il faudroit qu'elle s'abstînt d'espionner si souvent, sur le pas de sa porte, les allées et venues de son mary. Toutesfois ce n'est pas sans raison car c'est grand pitié de frustrer une pauvre femme de son ordinaire. Je le juge par moy-mesme, en ce que, quand je ne trouve rien à disner chez mon maistre, cela me fasche fort.
Cela n'est pourtant pas si esloigné de la raison qu'une autre action d'un petit procureur crotté qui fait donner assez souvent un plat de lentilles fricassées avec du vinaigre et le beurre resté d'un plat de morue qu'il avoit mangé à son disner à deux clercs qui ne manquent aucunement d'appetit, s'emancipans fort peu de visiter le cabaret, et, en consequence d'un si bon repas, sans aucun relasche, non pas seulement d'excrementer à loisir, les faict travailler toute la nuict, tesmoing ces paroles addressées à un qui y avoit esté trop longtemps à sa fantaisie: «Vous ne devriez pas revenir de ce privé! J'ay grossoyé la moitié d'un inventaire sur un defaut depuis que vous y estes. Il faut mettre au net les contredits d'un tel: je veux les faire offrir demain en baillant.—Monsieur, respondit le clerc, ad impossibile nemo obligatur. Il entend bien le latin, et ne chante qu'en françois: il est neuf heures sonnées, les contredits contiennent huict rooles de minute bien pressez: quand j'y travaillerois toute la nuict, je n'en pourrois pas venir à bout.—Mon amy, dit le maistre, au bout de l'ausne faudra le drap. Travaillez tousjours et ne perdez point de temps. Si vous n'aviez pas yvrongné tout le long du jour (le pauvre garçon n'y avoit point songé), vous ne concluriez comme vous faictes à aller bien tost coucher. Estes-vous plus grand seigneur que moy? Avant qu'estre parvenu à ma charge, j'en ay bien faict d'autres! Ignorez-vous qu'au temps où nous sommes on n'a point de bien sans mal?»
Je ne vous diray pas quelle fut la suitte de l'action, car sur ces entre-faicts mon somme se termina: c'estoit sur le poinct que l'Aurore s'ennuyoit de son decrepité jaloux. Lors le procureur que j'avois quitté le soir, esveillé aussi matin qu'il s'estoit couché tard, commença à crier: «Holà! ho! n'avez-vous pas encor assez dormy? Je vay vous faire porter un bouillon.—Vous me feriez grand plaisir, dy-je à basse voix; cela referoit un peu ma cervelle, qui a esté ceste nuict excessivement travaillée en la consideration des actions de vos confrères.»
Cest importun crieur, reyterant cest Holà! diverses fois, me contraignit contre mon gré à lever ma teste de dessus le chevet, non pas sans incommoder la profondité de ma pensée, en laquelle repassoient les considerations sus dictes. Je m'habillay, faisant le sault de l'Allemand, du lict à la table, car j'avois reservé la veille quasi demy-septier de vin. Cela me rafraischit un peu. Aussitost je descends en l'estude, non pas sans m'imaginer qu'il y avoit quelque similitude de cette descente avec celle d'un qui seroit envoyé aux enfers. Je me consolay sur la consideration qu'il faut necessairement suivre ce qui nous est prescript par le destin et les diverses vicissitudes de la fortune.
La plaisante nouvelle apportée sur tout ce qui se passe en la guerre de Piedmont, avec la Harangue du capitaine Picotin[349] faicte au duc de Savoye sur le mescontentement des soldats françois.
A Bezié, par Claude Moret.
1615, in-8.
Çà, çà, çà, où sont-ils? A la guerre! à la guerre! Me voicy tout prest à bien faire. A quoy tient-il qu'on ne m'employe? Vite, vite, Picotin meurt de faim! une bonne table, une bonne cuisine! Qu'on se depesche! j'ay plus d'envie d'escrimer des dentz que de jouer de la picque. Mais quoy! j'ay beau dire, pour tout cela point de table mise, point de cuysine qui fume, personne ne rinse des verres, point de flascon, point de bouteille, rien; je ne vois que la campagne, et me faut paistre de boire la poussière. Ha! pauvre Picotin, quand j'estois ché le bon homme[350], je faisois chère de cavaliers, je me faisois traicter en marchand et payois en soldat; et maintenant je ne treuve pas d'eau fresche pour me gargariser la dent!
A! ventre sus ventre! tue! tue! tue! L'ennemy, voyant mes moustaches relevez, fuira devant moy. Guara, guara gli signor Picotin! Tu seras maistre de Milan, tu mesureras le velours à la picque. Çà, qui en veut achepter? Envoyez-moy des marchands, j'en feray bon marché. Toutes les villes seront à toy, te voilà maistre du païs. Ha! les belles signore qui seront à ton commandement! A la guerre, à la guerre, Picotin!
Mais je pensois puis après d'autre sorte. Où vas-tu, Picotin? Tu t'en vas à la guerre, tu n'as point d'argent, on n'en reçoit point: comme feras-tu pour t'entretenir et tes compaignons? Faudra se curer les dents à la napolitaine: un peu de pain seulement, et bien souvent point; tes souliers finis, faut marcher sur la chrestienté[351]. Nuict et jour, couché sus la dure, à la pluye, aux vents, aux orages, l'ennemy en teste, il se faut battre; on tue, on estropie, l'on ne regarde à qui l'on donne, l'on ne prefère personne. Que diable est cela? Alte, alte, Picotin! je me donne à cinq cens mil pistoles des plus belles et pesantes qui soient dans le Curial[352] de Madrid si je vas à la guerre!
Mais quoy! capitaine Picotin, tu as esté tousjours si vaillant, jamais il ne t'a manqué de valeur, et maintenant que le grand Turc veut attaquer les Maltois[353], perdras-tu courage? Nenny, nenny. Où sont-ilz? Vitte une croix de Malte, un vaisseau prest, que je m'embarque; despechons vitte: en trois coups à Malte, à l'armée contre le Turc; prenons Tripoly, allons vite assieger Constantinople[354]. Il est nostre. Courage! Rends toy, grand Turc! Je le tiens prisonnier, prisonnier! Il est à moy. Donne-moy ton cimeterre. Ha! le vilain! comme il pu! Il a chié en ses chausses de la peur. Teste de Mahom! comme ces diables de Turcs fuyent! J'en veux aujourd'huy plus tuer que jamais ne fit Oger le Dannois. Petardons le serail, allons viste prendre ces sultannes. A la guerre, à la guerre! Vive le capitaine Picotin, par mer et par terre!
Ha! Picotin, où veux-tu aller? Ce n'est pas peu de faict de t'embarquer. La mer a des grosses ondes: si une fois tu estois enveloppé là dedans, il y a des poissons qui t'avalleroyent en un mourceau, et te faudroit puis sortir par le trou du cul. Vive ceux qui plantent des choux! ilz ont un pied en terre, et l'autre pas guère loing[355]. Puis tu serois canonné, tu ne pourrois pas retenir les balles de canon à ta main pour les renvoyer contre tes ennemis, comme faisoit Gargantua, qui pour une nuict, ayant eu tout le jour la teste pesante[356], treuva plus de dix mil grosses balles d'artillerie dans ses cheveux. J'aymerois mieux faire comme Cleopatre, qu'en se pignant tumboit des grosses perles precieuses, qu'elle faisoit puis disoudre pour festoyer ce pauvre abusé de Marc Antoine; puis tant d'incommodité, boire d'eau sale, manger le biscuit, et bienheureux quelquefois qui en peut avoir; à la mercy des vents et de l'eau, tous les jours et nuicts en crainte d'estre attaquez de l'ennemy, qui sont gens rudes et infidelles. Ha! pauvre Picotin, s'ilz te tenoient, ilz t'enchaîneroient, ilz te feroient couper les couilles; ilz auroient autant de regretz de toy comme un laquay d'un pety paté. Je n'en suis pas; non, non, je n'en suis pas. Je vous rends vostre croix; je vous remercie, je ne veux pas estre chevallier par eau: je vas planter des choux. A Dio siaz. Je me donne à autant de doubles sequins comme il y a de grains de moutarde dans un boisseau si j'y vas.
Voicy la troisième fois, prince très illustre, qu'ayant appellé à vostre ayde le peuple courageux de France, vous l'avez congedié à mains vuides: sy bien qu'à ce coup la pluspart de ces vaillans capitaines et soldats qui, soubs l'ombre de voz banières, avoient esperance de desnicher le superbe Espagnol de la Lombardie, se voyent frustrez de leur attente; et moy entre tous les autres ay sujet d'un extrême mescontentement, me voyant avoir employé tout mon peu de pouvoir pour m'acquerir quelque petit coing en voz graces, me vois à ceste heure reduit au petit point, l'escarcelle vuide d'argent, pleine de vent; destitué de mes soldats, accompagné d'une trouppe de chevaliers de l'hospital; bref, contraint de faire le demy-crucifix et demander la passade aux païsans[357], desquels nous avons l'hyver passé plaisamment plumé les poules. Ha! Picotin, quel tort fais-tu à la France, à ta femme esplorée, à tes pauvres enfans! Que Vostre Altesse regarde à ma pauvre famille, laquelle j'ay reduit à la besace, ayant vendu tout autant de moyens qui me restoyent en fonds pour m'equipper, soubs le pretexte de vostre service et l'asseurance que j'avois de ne m'en retourner si à la legère et si peu chargé des ducatons et soyes milanoises. Quittez, quittez, pauvres enfans de Picotin, les pretentions que vous aviez de vous voir un jour fils d'un mareschal de France, aggrandi par sa valeur martiale; allez, allez, contentez-vous d'estre nez d'un serrurier ou crocheteur; contentez-vous au son d'une lime sourde, non au bruyant fanfare de la trompette; contentez-vous au battement des marteaux sur l'enclume, non au tonnerre impetueux du canon. Mais quoy! grand prince, vostre courage, qui ne s'est jamais mesuré en aucune de voz actions, se laira-il maintenant r'accourcir et regler à l'aulne d'un bruit vulgaire qui court parmy la France? Vrayement, j'ay appris qu'il se dit coustumierement que vous estes fort charitable d'avoir en ceste dernière guerre piedmontoise fait quasi autant d'hospitaux que de capitaines françois ont suyvi voz estendards. Mais quelle charité, faire des hospitaux sans les arrenter! Ce n'est pas tout: l'opinion que nous avons conceu en general du peu d'estime qu'avez faict de noz troupes, les ayant exposées à la furie de l'ennemy, a esté l'alumette qui a mis le feu de mescontentement dans noz testes, qui en fument encores; et prenez-vous garde que de ce feu ne naisse un embrasement dans vostre estat que vous ne pourriez jamais esteindre avec toute l'eau de l'Ocean, si ce n'est avec le payement et les gages deu à noz compagnies. Qui ne croira à ceste heure que la fin de voz intentions ne visoit à rien autre sinon à espuiser nostre France de gens-d'armes pour en faire une boucherie, et vous en descharger par les mains de voz adversaires? Pensiez-vous desarmer notre jeune monarque, affin de l'exposer aux hostilitez estrangères? Non, vous ne rayerez jamais du livre de la memoire publique ceste croyance, que vous avez trop bien imprimée par les charactères sanglans de la deffaicte de huict cens de noz compatriotes, les marques d'une infidelité que nous pretendons sur Vostre Altesse, croyant que de guet-à-pand vous nous avez vendu à l'ennemy. Sera-il dit, le permettrez-vous, illustrissime seigneur, que la recompense de tant de genereux guerriers qui se sont employez, au prix de leur vie, à la defence de vostre estat, soit le seul mescontentement qu'ils remportent en leurs maisons? Ce leur est oster l'esperance de jamais aller en vostre service, les faire abhorrer ce brave desir qu'ils avoient de planter voz armes victorieuses dans la citadelle de Milan, et vous rendre reellement possesseur de voz pretentions. Somme toute, ce sera nous coupper chemin de vous aller jamais favoriser par le port des armes françoises, et à Vostre Altesse la voye de jamais passer à Milan.
Le Carquois satyrique, par Antoine Gaigneu, Foresien[358].
Ridendo dicere verum quis vetat?
A Monsieur Jean-Baptiste Palleron, Lyonnois.
Monsieur,
L'asseurance que j'ay en vostre amitié et courtoisie me faict esperer que vous agreerez ces gaillardes poesies. Je les vous offre, comme à celuy qui a toujours favorablement œilladé tout ce qui est provenu de ma muse. Outre que vous estes tellement ennemy de la melancolie que ce Carquois ne vous peut estre desplaisant et ennuyeux, vous pourrez voir et visiter toutes les flesches et traicts qui sont dans iceluy en peu de temps. Ce peu de temps me fera beaucoup d'honneur et de faveur, principalement si, le bien-heurant[359] d'une benigne reception, vous me permettez de me publier à jamais,
Monsieur,
Le Carquois satyrique, contre les alchimistes et rechercheurs de pierre philosophale.
Stances.
Enfans de la vaine science,
Qui distillez vostre substance
Et faictes fumer vostre bien,
Cherchez autre philosophie,
Car qui en cette-cy se fie
Multiplie le tout en rien.
Enfans de la folle esperance
Qui dissipez vostre chevance[360]
Pièce à pièce, comme en destal,
Cherchez autre metaphysyque,
Car qui à cette-cy s'applique
Prend le chemin de l'hospital.
Enfans de l'incertain Mercure[361],
Qui, dans un jour, avez la cure
De souffler cinq cent mille fois[362],
Cherchez autre mathematique,
Car qui en cette-cy pratique
Boit dans une escuelle de bois.
Enfans adorants l'alchimie,
Qui dedans vostre academie
Falsifiez l'or à tous coups,
Cherchez autre metempsicose,
Car qui en cette se repose
Un jour sera mangé des pouds.
Enfans de doctrine volage
Qui consommez vostre heritage,
Le plus beau bien tout le premier,
Cherchez un autre art ou science,
Car qui en cette a confiance
Mourra tout nud sur un fumier.
Enfans de la pure follie,
Qu'ores la raison vous deslie
De ce cordage trop pippeur;
Rompez allambicqz et cornues;
Que vos plaintes persent les nues,
Disans: Mercure est un trompeur.
Contre les astrologues qui se mêlent de predire les choses futures.
Stances.
Comme peux-tu, fol astrologue,
Trop orgueilleux, superbe et rogue,
Cognoistre la force des cieux,
Leurs mouvemens et influance,
Puisque ta belle suffisance
N'est que d'avoir du sable aux yeux?
Tu ne cognois pas, grosse beste,
Alors que tu lèves la teste
Pour voir les astres si souvent,
Que tu tombes dans une fosse[363].
Dieu! que ta science est bien fausse,
Puis qu'elle te va decevant!
Il convient que je t'accompare
Au trop audacieux Icare,
Qui tresbucha dedans la mer;
Tu verras bien tost que tes aisles
Fondront aux cœlestes chandelles,
Et que tu ne peux qu'abysmer.
Tu trompes par ephemerides
Les esprits de sçavoir cupides;
Si le sort est bon ou mauvais,
Tu crois de le pouvoir predire;
Et comme au ciel pourrois-tu lire,
Puisque tu ne le vis jamais?
Tu ne vois ta follie extresme:
Tu ne te cognois pas toy-mesme,
Et tu veux sçavoir le futeur;
C'est une chose imaginée,
Ce qu'on appelle destinée,
Car Dieu de nos maux n'est l'autheur.
Insensé, ne crains-tu la chaisne,
Le tourment, le mal et la peine
De celuy à qui le vautour
Le cœur mange, arrache et desvore?
Puny plus griefvement encore
On te pourra voir quelque jour.
Contre un certain bragamasque[364] subject au mal caduc et à la pince[365]
Stances.
Prestres qui vivez sainctement,
Apportez le sainct sacrement,
Auquel nous avons tous refuge,
Et venez chasser Lucifer,
Qui se veut bastir un enfer
Dedans le corps d'un pauvre juge.
Ce demon ennemy des cieux
Luy rend si farouche les yeux
Que de frayeur mon poil s'herisse;
S'il ne plaict à Dieu l'en guerir,
On ne verra jamais tarir
Les gros ruisseaux de l'injustice.
Voyez comme il grince les dents,
Par le demon qui, au dedans
Le bourrellant, faict qu'il se pame!
Il s'allonge et roidit si fort
Que je ne donne point de tort
A ceux qui le jugent sans ame.
Hé! prestres, venez, accourez,
Ce pauvre juge secourez;
Que vostre eau salubre le lave,
Et n'oblyez le pain benit[366],
A celle fin que l'aconit[367]
Ne vienne à naistre de sa bave.
Comme peut-il en ce bas lieu
Estre l'image du grand Dieu,
Ayant en soy le roy des vices?
Il devient demon peu à peu;
On n'esteindra jamais ce feu,
Car il ayme trop les espices[368].
Non, non, prestres, ne venez pas:
En vain vous feriez tant de pas,
Puisque ce demon le possède;
Celuy-là qui s'est destiné
Pour vivre et mourir obstiné
N'a besoing de vostre remède.
Contre le fils d'un apothicaire qui vouloit estre coucu mal-gré la volonté de tous ses parens et amys.
Stances.
Jour et nuict à sa dame
Discourir de sa flame,
Se dire son vaincu,
L'appeller son idole,
Bon Dieu! que de parole
Pour devenir coucu!
Inconstant en pareure,
Couvert de biguarreure
Comme un cameleon,
S'habiller sans prudence,
Bon Dieu! quelle despence
Pour estre un Acteon!
Emmieller sa maîtresse,
D'une voix de liesse
Chantant quelque chanson,
Luy donner des ballades,
Bon Dieu! que de gambades
Pour estre un lymaçon!
User de mille ruses,
Espoinçonner les muses
Contre un amant nouveau,
Luy reprendre son vice,
Bon Dieu! que de supplice
Pour devenir toureau!
Bref, s'aveugler soy-mesme
D'une superbe estresme,
Issu d'un souffle-cul,
Ne voir point sa sottise,
Bon Dieu! que de bestise
Pour devenir coucu!
Stances.
A certain goulu du tout ennemy des Muses et de Mars.
Grand guerrier de cuisine,
Très expert à la mine
Et au faict du canon,
Non contre quelque place,
Mais contre une beccasse,
Je chante ton renom.
Grand guerrier, ton espée
Est la broche trempée
Au sang d'un lappereau,
Ton bouclier est la poelle
Où l'on a frit la moelle
De quelque goudiveau.
De tes armes le casque
Est un bon double flasque[369]
Plein de douce liqueur.
Il faut qu'on t'y attache
Du pampre pour panache
En signe de vainqueur.
La lardoire est la lance
Qui faict voir ta vaillance
Aux peaux des animaux;
Ton eschelle guerrière
Est une cremallière,
Et les bancs tes chevaux.
Tes petards sont marmites,
Tes targues[370] lesche-frites,
Tes balles œufs moulets,
Ton enseigne est la nappe;
Tu sçais donner la sappe
Aux perdrix et polets.
Le mortier plein d'espice
Est le tambour propice
A trouver le vin bon;
L'antonnoir de bouteille
Le fiffre qui l'esveille
A l'assaut du jambon.
Ainsi, brave courage,
Qui, vaillant au potage,
Merites le laurier
Que l'on met aux viandes
Pour les rendre friandes,
Tu es ce grand guerrier;
Ce guerrier admirable
Qui fait voir, redoutable,
Estant dedans Paris,
Vuides les boucheries,
Caves, rostisseries;
Et les flascons tariz.
Guerrier au nom de beste,
Ta plus grande conqueste,
Mais tes plus grands esbats,
Ce sont cave et cuisine,
Et non pas Mnemosyne,
Ou le dieu des combats.
Apollon et Bellonne
Estiment ta personne
Autant qu'un vieux cheval.
Ha! que ma pauvre muse
Esprouvast une buse,
Te donnant son travail!
Sonnet lyrique.
A sa cruelle et rigoureuse.
Belle et fière maîtresse,
Source de ma douleur,
Cause de mon malheur,
Trop cruelle tygresse,
Trop pleine de rudesse,
Trop pleine de rigueur,
Flesche de ma langueur,
Poincte de mon angoisse;
La seule vanité,
La mesme cruauté,
De tous mes maux l'escorte;
La tombe de mes jours,
Comète à mes amours,
Que le diable t'emporte!
Epigramme équivocante
Sur le nom et misère des poètes.
Les muses qui m'ont amusé,
Ou plustost qui m'ont abusé,
A la fin trompent les poètes;
Poètes amys de renom,
On ne vous a donné ce nom,
Que pour ce que pleins de pouds estes.
De quelques gentilhommeaux qui pour aller braves faisoient maigre chère, et mouroient presque de faim.
Tous ces petits gentilhommeaux
Me font souvenir des tombeaux
Qui ne sont beaux qu'en apparence:
Car, pour avoir des beaux habits,
Ils ne boivent à suffisance
Et ne mangent que du pain bis[371].
L'autheur prend congé des Muses, avec resolution de ne plus les courtiser, puisqu'elles ne recompensent les poètes que de pauvreté.
Non, non, je ne suis esbahy,
Si je me vois ores trahy
De vous, pucelles de Parnasse;
Vous promettez beaucoup de bien,
Mais vous ne donnez jamais rien
Que sur la fin une besace.
Je croyois que vos doux fredons
M'enrichiroient de mille dons,
Et des pouds seulement j'amasse;
Par vous je pensois prosperer,
Mais, las! je ne puis esperer
Que sur la fin une besace.
Vos chansons et vos instruments
Ne sont que peines et tourments,
Vostre malheur du tout m'embrasse.
Vous donnez quelque passe-temps;
Mais pour sallaire je n'attends
Que sur la fin une besace.
Je devrois me voir assouvy
De biens, pour vous avoir servy,
Et malheur sur malheur j'entasse.
O! que maigre est vostre pouvoir!
De vous on ne sçauroit avoir
Que sur la fin une besace.
Ovide pour vous fust banny,
Et se vist rudement puny
Pour avoir suivy vostre audace;
Vous luy causates son mal-heur,
Il n'eust de vous autre faveur
Que sur la fin une besace.
Homère, mignon d'Apollon,
Avec son grave violon,
Ne receut de vous autre grace
Que de mandier en tous lieux.
Que puis-je donc pretendre mieux,
Que sur la fin une besace?
Ainsi, belles et doctes sœurs,
Pour avoir gousté vos douceurs,
Je suis une horrible carcasse,
Je suis la mesme pauvreté:
Vous n'avez autre charité
Que sur la fin une besace.
Adieu doncques, Muses, adieu,
Je n'iray plus en ce beau lieu
Où je contemplois vostre face,
Où vos lauriers je cherissois,
Puisque de vous je ne reçois
Que sur la fin une besace.
L'estrange et veritable accident arrivé en la ville de Tours, où la royne courroit grand danger de sa vie sans le marquis de Roüillac et Monsieur de Vignolles. Le vendredy vingt-neufviesme janvier 1616.
A Paris, chez Guillaume Marette, rue de la Parcheminerie, à l'image Sainct-Martin.
1616. In-8.
Le vendredy 29 janvier, Sa Majesté ayant faict assembler le conseil, où estoient messieurs le comte de Soissons et duc de Guise, monsieur d'Espernon, messeigneurs le Chancellier, de Villeroy et autres seigneurs conseillers d'Estat, pour adviser à ce qui se devoit chanter pendant la conference et chercher les moyens les plus propres pour la resolution de la paix[372], le plancher de la chambre où le conseil se tenoit commença à fondre vers la cheminée, et petit à petit la ruine croissoit au lieu où estoient messieurs le comte de Soissons, d'Espernon, de Villeroi, Bassompierre, Biron, le marquis de Villaine et plus d'une vingtaine de seigneurs de qualité. Elle les emporta avec elle dans une salle basse, où à l'instant il s'esmeut un grand bruit par ceux qui estoient dans l'antichambre et dedans la basse court, pour ne sçavoir comme ce malheur estoit arrivé. L'un crioit: Où est la roine? Un autre: Où est monsieur le comte de Soissons? L'autre: Où est monsieur d'Espernon? Et, tous l'espée haute, chacun parloit selon son sens et son affection; et, pendant ceste grande rumeur, la royne se fust veue seule, abandonnée, et en grand peril de sa vie[373], si le marquis de Rouillac[374], le premier, ne fust couru à elle, et après luy monsieur de Vignolles[375], lesquels, au lieu de faire comme les autres, qui ne pensoient qu'à se sauver, preferant le salut de Sa Majesté au leur particulier, aymans mieux mille fois mourir que si il luy fust mesarrivé. Ceux qui demeurèrent blessez furent messieurs d'Espernon[376], fort legerement toutesfois, lequel en cet etat assista le premier et tant qu'il peut, monsieur le comte de Soissons, messieurs de Villeroy, marquis de Villaines, et plusieurs autres, sont demeurez davantage blessez[377]. Sa Majesté, pour ne se montrer ingratte envers Dieu, qui l'avoit retirée de ce danger en faveur de toute la France, s'en alla incontinent à l'eglise cathedralle luy rendre actions de grace. Le peuple entendit comme miraculeusement elle avoit esté sauvée, fit la mesme chose et d'extrêmes contentemens: c'est ce que tous les vrais François doivent faire, sa vie estant la conservation des nostres et de toute la France[378].
Arrest notable donné au profit des Femmes contre l'impuissance des Maris, avec le plaidoyé et conclusions de Messieurs les gens du Roy.
M.DC.XXVI[379]. In-8.
Catherine Moreau, âgée de trente et quarante ans ou environ, espouze en seconde nopce François Picot, aussi âgé de trente huit ans, avec lequel l'inthimée est mariée y a deux ans huict mois ou environ, pendant lequel temps ladicte Moreau n'a eu aucune lignée du deffendeur, de telle sorte que, se voyant du tout frustrée et hors d'esperance d'avoir aucun enfant provenant du mariage passé entre les parties, et aussi que, cela advenant, qu'elle pourroit avoir de grandes contestations et desbats avec les parens de son mary (en cas que Dieu voulût disposer de son dit mary le premier); sur telles considerations, après une grande infinité de plaintes, ladite Moreau auroit esté contrainte de faire citer pardevant l'officier[380] d'Angers ledit Picot son mary, à celle fin de voir dire et ordonner que, veu son impuissance, que le mariage cy-devant contracté par l'advis et consentement des parens et amis de part et d'autre, et passé en face de nostre mère saincte Eglise, seroit déclaré nul et de nul effect, et permis aux parties de leur pourvoir ainsi qu'elles verront bon estre.
Sur lesquelles poursuites ledict Picot prolonge et esquive le plus qu'il peut de comparoistre pardevant ledict official d'Angers, sy bien que, se voyant condamné par coustumace à la demande de l'inthimée avec les conclusions du promotheur à son advantage, il auroit esté contraint de presenter requeste audict official, et par icelle auroit remonstré que, pendant les poursuites et surprises faictes par ladicte Moreau, sa femme, il auroit tousjours esté absent de ladicte ville, ce qui auroit esté la seule cause qu'il n'auroit faict aucunes responces aux pretendues demandes de ladicte Moreau, et les conclusions de sa dicte requeste portant qu'il supplie ledict official d'ordonner que le jugement par luy donné, comme il dit, par surprise et souz de très faux donné entendre, soit déclaré nul, et que les parties viendront au premier jour.
Sur la requeste ainsi presentée par ledict Picot au dict official, souz les falacieuses allegations: car, pour montrer la Cour qu'elles estoient comme dit est fallatieuses et mensongères (c'est que sauf la correction et reverence d'icelle), ledict Picot n'estoit point absent, comme il alleguoit par sa dicte requeste, veu que l'une des citations a esté donnée parlant à sa personne.
Cependant, souz telle dissimulée parolle, ledict official auroit ordonné, sur ladicte requeste, que les parties viendront plaider au premier jour pardevant luy, pour sur icelle ordonné ce que de raison, en refondant preuvent par ledict Picot tous et un chacun les fraiz qu'auroit faict ladicte Moreau, desquels elle seroit au prealable remboursée.
Picot rembourse donc lesdicts fraiz à sa femme, et viennent plaider au fond de sa demande; soustient vives raisons qu'il est homme parfaict (sçavoir par les choses dont est question entre les parties) et qu'il est capable d'engendrer, et que, si la demanderesse n'avoit sçeu avoir enfant, que cela ne provenoit nullement de sa faute et de son impuissance, comme il estoit prest de verifier[381].
Sur ses allegations, ladicte Moreau remontre que tout ce qu'il pouvoit dire et alleguer estoit, souz correction de la Cour, très faux; que veritablement il estoit impuissant et incapable de mariage, et que c'estoit un abuseur de femme, homme en apparence, et rien plus, capable de donner subject à une femme jeune comme elle estoit de faire de faux bons et bresches à son honneur, si elle n'estoit pourveue d'esprit et mures considerations; voire que jusque là, pour montrer et verifier que l'impuissance de lignée ne provenoit point de la demanderesse, c'est que de son premier mary elle avoit eu trois enfans, l'un desquels estoit encore vivant.
L'official d'Angers, sur les remonstrances faictes de part et d'autre, ordonne que ledict Picot sera veu et visité tant par les medecins que matrosnes, pour cognoistre la verité du faict, et, attendu la preuve de ladicte Moreau, ordonne qu'elle passera outre à sa demande, et à elle de faire continuer lesdictes poursuites.
Picot estant visité, tant par les medecins, chirurgiens, que matrosnes, et recogneu impuissant d'avoir lignée, bien que la demonstration estoit fauce, sur ce rapport l'official declare le mariage nul et permet aux parties de se pourvoir ainsi que leur semblera bon estre, et condamne ledict Picot aux despens.
De cette sentence le deffendeur se porte pour appelant et relevé son appel de telle sorte que maintenant il plaira à la Cour de considerer, par son judicieux jugement accoustumé, les justes demandes de ladicte Moreau, et sur l'exemple de l'Emperiera Pulceries, femme de l'empereur Marchian, laquelle, pour estre mariée, ne perdit point sa virginité, ne fut pas femme en verité, mais de nom seulement.
Disoit davantage que, si c'est une servitude très miserable qu'un vieil mary, on devoit estimer que c'estoit le comble de tous les malheurs d'en avoir un froid et languissant, glacé jusque à la moëlle des os, qui ne peut rien faire de ce qu'il a promis à sa femme, comme n'estant chose qui soit en sa puissance; qui contrefaict l'homme, et ne l'est qu'en apparence et de gestes seulement, sous la couverture de mariage.
Que c'est grande pitié d'espouser un homme, ou un estropiat, et à plus forte raison celuy qui est plus froid que la neige par tous ses membres,
... Cui minimus gelido jam corpore sanguis[382],
Coitus cui longa oblivio: velsi;
Coneris, jacet exiguus cum ramice nervus,
Et, quamvis tota palpetur nocte, quiescit.
... Merito suspecta libido est
Quæ venerem affectat sine viribus.
Voilà quels estoient les plaidoyez de la demanderesse contre le dict Picot, son mary.
Lesquelles raisons aportées par la dicte Moreau, comme l'appelant estant aux foibles reparties du dict mary, qui seroient ennuyant d'inserrer en ce petit discours, portèrent monsieur de Villiers, pour lors advocat du roy, personnage admirable pour la grandeur de ses vertus, et fit qui tourna les armes de sa grave eloquence contre le mary.
Pour montrer qu'il devoit estre deboutté de son appel et de toutes autres preuves pour fins de non recevoir, dict qu'il se fondoit sur diverses raisons dont la première estoit que le mary avoit laissé passer une grande longueur de temps de defini par l'Eglise pour faire preuve de sa virilité, et par ce moyen sembloit avoir renoncé à son droit et aux nopces de la demanderesse et recognoistre la froideur naturelle, et conclut que le dit mariage soit declaré nul et la sentence de l'official executée, et condamne le deffendeur aux despens de la cause d'appel et à l'amende, pour avoir esté si temerayre que d'avoir persisté en son impuissance.
La Cour, sur les plaidoyez des parties et conclusions de monsieur l'advocat du roy, ordonna que, veu l'impuissance du dict Picot de pouvoir engendrer lignée, que la sentence de l'official d'Angers seroit executée de poinct en poinct selon la forme et teneur, et permet à la dicte Moreau de se marier pour la troisiesme fois à qui bon lui sembleroit; condamne le dict Picot, son second mary, en tous les despens, et à deux cens livres parisis d'amende; le tout nonobstant oppositions ny appellation quelconque, pour laquelle amende le dict Picot seroit condamné au payement d'icelle tant par saisie de ses biens que par emprisonnement de sa personne[383].
Satyre sur la barbe de monsieur le President Molé[384].
Je chante d'un chant satirique
Une laide barbe cynique,
La barbe et le menton barbu
De Molé, juge corrompu;
Barbe sale, barbe vilaine!
Barbe infame, barbe inhumaine,
Barbe qu'a fait un partisan
Aux frais du pauvre paysan;
Barbe affreuse, barbe maudite,
Barbe d'un diable d'hypocrite,
Barbe d'un infame Martin,
Grand defendeur de Mazarin,
Qui s'offriroit pour un ecu
De serviette à torcher le cul;
Barbe qui tout prend et devore,
Barbe que tout le monde abhorre,
Barbe ravalée en pendant,
Barbe à qui je porte une dent,
Barbe cruelle, barbe fière!
Barbe que je souhaite en bière,
Par tel et semblable danger
Que le president Boulanger[385];
Barbe qui voudroit voir la France
En Grève, au bout d'une potence;
Barbe pendante au vieux menton
D'un avare et lâche poltron;
Barbe de boue, barbe de chèvre;
Barbe qui descend d'une lèvre
Qui cache un ratelier de dents
Plus puantes que souffre ardant;
Barbe qui entoure une bouche
Qui produit une voix farouche;
Barbe qui pend le long d'un col
A qui je souhaite un licol;
Barbe qui couvre une poitrine
D'où sort le mal qui nous ruine;
Barbe d'un maudit loup-garoux
Qui cause mon juste courroux.
Tu sentiras, barbe de laine,
Les traits plus piquans de ma haine;
De laine, non, je me desdis:
Il m'est permis, si j'ay mal dit,
De me reprendre et de mieux dire.
Disons donc mieux, et faisons rire
Tous ceux qui ces vers ecriront[386],
Ou ecrits après les liront.
N'appelons plus barbe de laine
Une barbe qu'avons en haine:
Ce mot est trop doux pour celuy
Qui s'engraisse du bien d'autruy;
Qui, abandonnant sa patrie,
Noircit sa memoire fletrie,
Et, comme un lache renegat,
Trahit son roy et le senat.
Apellons-la barbe piquante,
Du sang du peuple degoutante;
Barbe plus fière qu'un griffon,
Barbe du grand geant Tiphon;
Nommons-la barbe de Megère,
L'appentil de notre misère,
Le fondement de nos malheurs
Et la base de tous nos pleurs;
Nommons-la barbe à l'escopette,
Barbe qui fait notre disette,
Barbe d'un pilote infernal,
Barbe de crain d'un vieux cheval,
Barbe de soie à porc farouche,
Les brins faits en pointe de souche,
En piquans d'herisson faché,
De porc-epic effarouché,
De chardons, de ronces, d'epines
Qui piquent jusques aux racines;
Barbe d'un laid et vieux magot,
Barbe d'un traître et d'un bigot.
Je voudrois, ô barbe vilaine!
Que de merde tu fusses pleine;
Que les mules et les mulets,
Les poules et tous les poulets,
Tous les chevaux et les cavales
Des ecuries cardinales,
Les chiens, les chiennes et les chats,
Toutes les souris et les rats,
Puissent sur toy, barbe bouquine,
Barbe qui pue comme ravine,
Jetter comme sur un fumier
Tout ce qui sort de leur fessier;
Que les poux, les puces et lentes,
Morpions et punaises puantes,
Fussent dedans ton poil epars
Comme etrons dessus des remparts;
Que les chancres et les ulcères,
Plus venimeuses que vipères,
Les pustules et les poulains
Que l'on gagne avec les putains,
Et tous les autres grains semblables
Que les François prirent à Naples,
Puissent tous affliger le corps,
Tant par dedans que par dehors,
De celuy, ô barbe bigote!
Qui te cultive et te frotte;
Qu'en tombant tu sois tôt ou tard
Comme celle de Duremard:
Ainsi, menton et barbe infame,
Tu deviendras menton de femme:
Je te souhaite encore plus,
Et cecy n'est pas superflus,
Que, si les choses souhaitées
Etoient un jour executées,
Tous les poils chus ou arrachés
A un masque soient attachez
Pour servir de bouffonne trogne
Aux foux de l'hôtel de Bourgogne.
C'est là, plutost qu'au Parlement,
Que tu paroîtras dignement.
Recit veritable de l'execution faite du capitaine Carrefour, general des voleurs de France, rompu vif à Dijon, par arrest du parlement de Bourgongne, le 12e jour de decembre 1622, avec un sommaire de son extraction, vols, assassinats, et des plus signalées actions qu'il a faits durant sa vie[387]. In-8.
Rien de plus furieux, de plus superbe ny de plus insolent qu'un homme eslevé de la poussière: il gourmande le ciel, il depite les destins et croit que les astres luy sont redevables de leurs influences. Ses paroles sont foudres, ses regards des esclairs et ses deliberations des arrests irrevocables; mais ce bravache maintien ne peut longtemps durer: la violence est trop grande et les efforts trop furieux. Sçachez, ô volleur, qu'il y a encore des Hercules et des Thesées dans nostre France qui vous sçauront bien punir selon vos demerites. Nous avons des acravanteurs[388] de monstres aussi bien que l'antiquité. Puisque le capitaine est bas, la compagnie sera bientost mise en deroute. Voicy où vous devez vous mirer et apprendre que tost ou tard la justice se rend partie contre vos desportemens.
Le capitaine Carrefour estoit un soldat de fortune natif d'un village nommé Montigny-sur-Armanson, près Saint-Roque en Bourgogne, le père duquel estoit boucher et le voulut employer au labourage dès sa jeunesse; mais il le quitta et fit profession de porter les armes et de frequanter la noblesse du pays, et, entre autres choses, il se rendit fort expert à manier un cheval, ce qui luy donna libre accez en plusieurs maisons de seigneurs et gentilshommes, qui luy pratiquèrent un mariage avec une damoiselle fille d'un pauvre gentilhomme nommé le sieur de Lantyl, demeurant à Bagarre, près Auxerre, où ledit Carrefour a demeuré quelque temps en assez bonne reputation, et acquist une petite maison proche le pont de Mailly, qui avoit esté bastie par un gentilhomme nommé Vaudoisy. Enfin ledit Carrefour fut gendarme de la compagnie de monseigneur le duc de Lorraine, de laquelle le feu sieur de la Rochebaron estoit lieutenant, qui recogneut les deportemens dudit Carrefour, lequel menoit une vie de boëmien, comme il en avoit la vraye semblance, et trompoit ordinairement ses camarades, qui ne se pouvoient garder d'estre attrapez[389] de luy; dont ayant receu plusieurs plainctes, ledit sieur de Rochebaron le manda en une sienne maison nommée Rochetaillé, prez Langres, et, luy ayant remonstré ses mauvais deportemens et que ses camarades en estoient offensez, après l'avoir exorté de mieux vivre à l'advenir en une autre compagnie, le congedia; ce qui fut cause que ledit Carrefour se rallia avec de mauvais garnimens comme luy, et courut en Lorraine et jusques proches de Francfort, où il fit plusieurs vols, et après se retira en sa maison audit Mailly, où l'on tient qu'il apporta force argent; et dès lors commença de mener un trin de gentilhomme. Mais la noblesse de l'Auxerrois, qui recogneut bien que l'advancement dudit Carrefour ne pouvoit provenir que de volleries, ne le voullurent admettre en leur compagnie, qui fut cause qu'il s'acosta encores plus que devant de bandolliers[390] et gens de sa sorte. Les derniers mouvemens estans arrivez[391], il fut trouver feu madame la duchesse de Nyvernois, de laquelle il tira subtilement quatre cens pistoles[392] pour louer une compagnie de carabins[393] qu'il mit sur pied, fort bien montez et esquipez; et, ayant eu son departement au Chastel-Sensoy pour y tenir garnison, il en fut chassé par le feu sieur de Collanges, qui tenoit rang de lieutenant en la province de Nyvernois, lequel commanda audict Carrefour de se rendre à Nevers, proche madicte dame, au lieu de quoy faire il se mit à piller et ravager tout le païs de l'Auxerrois; et, comme madicte dame estoit assiegée par l'armée du roy, conduitte par feu monsieur le marechal de Montigny, elle despecha le sieur marquis de Gallerande pour aller en Champagne trouver monsieur son mary[394], assisté de peu de gens; et, craignant quelque rencontre à cause qu'il falloit passer dans ledit païs de l'Auxerrois, il se fit assister dudit Carrefour, avec dix ou douze de ses soldats, pour luy faire escorte huit ou dix lieues. Mais ledit Carrefour fut bientost las: car, quand il fut à une lieue de sa maison, il dit audit sieur marquis: «Mordieu! je suis serviteur du roy, je vous fais mon prisonnier et vous veux mener à la reyne-mère.» Dont ledict seigneur fut bien estonné et luy fit plusieurs remonstrances que ledit Carrefour ne prit pour argent comptant, ains le mena en sa maison audit Mailly, où il ne fut pas vingt-quatre heures que ledit sieur de Collanges et la noblesse du païs, qui tenoient le party des princes, s'assemblèrent au nombre de trois cens chevaux, qui investirent ladite maison et se mirent en devoir de la forcer; dont ledit Carrefour ne s'esmeut nullement, et leur dict que, s'ils ne se retiraient, il poignarderoit ledit sieur marquis et leur jetteroit du haut en bas de sa maison; et, craignant qu'il n'executast ses paroles, ils furent contraints capituler avec luy et luy promettre une grosse rançon pour ledit sieur marquis, lequel il retint prisonnier jusqu'à ce qu'il l'eut receue; mais, après que lesdits mouvemens furent lessez, ledit sieur marquis en eust bien sa raison: car il luy fit faire son procez par contumace et le fit condamner à estre pendu, et fit executer la sentence par effigie à Villeneufve-le-Roy. Je ne vous dirai point tout ce que ledit Carrefour a faict du depuis, parceque je n'en suis pas bien informé; mais le bruit commun a esté partout que ledit Carrefour, qui se faisoit nommer le baron de Mailly, a fait plusieurs vols et actes meschans, tant sur les frontières que dedans le royaume mesme, en la ville de Paris, où il se faisoit ordinairement suivre de cinquante volleurs à qui il donnoit rendez-vous; et l'an 1621, au retour du roy, on ne parloit que de volleurs en ceste ville, qui tous estoient sous la conduite de Carrefour[395]. Il a esté cogneu à diverses fois, mais il se desguisoit et n'estoit possible de l'attraper. Un jour les archers du prevost des mareschaux le rencontrèrent dans la forest de Fontainebleau desguisé en hermite[396] et luy demandèrent s'il n'avoit eu aucun vent de Carrefour. Il leur dict qu'il sçavoit où il estoit, et les mena fort avant dans le bois, où enfin ils se virent investis de cinquante volleurs qui les poursuivirent jusqu'au dehors de la forest. On n'entendoit parler que de Carrefour, et dejà le tenoit-on pour un autre Guillery[397]. Ce bruit luy fit prendre la fuite, et, se voyant couru de tous les prevosts des mareschaux de France, il s'advisa de se retirer avec un nommé Chenevasson, dit La Roche, soldat dudit Mailly, en la ville de Chambery en Savoie, où il feignoit avoir des procez au Parlement; et parcequ'il avoit offensé grand nombre de personnes d'authorité, il fut recommandé par tous les pays estrangers voisins de ce royaume, où l'on envoya son tableau, qui fut cause qu'un senateur dudit Chambery qui avoit la charge de la police, ayant veu ledit Carrefour, eut opinion que c'estoit le grand et insigne volleur dont l'on parloit tant en France; et, lorsqu'il le vit promener sous la halle dudit Chambery avec un gentilhomme du païs de Charolois qui s'y estoit refugié à cause d'un mariage clandestin, ledit senateur, assisté des officiers de la police dudit Chambery, le prist et l'arresta prisonnier[398]; et, l'ayant retenu quelque temps, le parlement de Dijon en fut adverty, qui l'envoya querir et fit apporter toutes les informations qui estoient faites contre ledit Carrefour, tant à Auxerre, Vezelay que ailleurs, sur lesquelles et autres crimes desquels il estoit chargé il a esté condamné à estre rompu vif avec son vallet par arrest dudit Parlement, qui fut executé le douziesme decembre dernier 1622, en laquelle execution ledit Carrefour s'est montré resolu autant qu'il a esté pendant sa vie: car, quoy qu'il eust grand nombre de complices, quelques adjurations qu'on luy ait peu faire et remonstrances de son père confesseur, il n'a voulu accuser aucun de sesdits complices, et dit qu'il se contentoit de souffrir la mort et qu'il ne vouloit estre cause que d'autres mourussent. Voilà l'abbregé de la vie et de la mort dudit Carrefour.
Brief dialogue exemplaire et recreatif entre le vray soldat et le marchand françois, faisant mention du tems qui court, avec l'adieu à la guerre.
A Lyon, par Benoist Rigaud.
Avec permission. In-8.
M.D.LXXVI[399].
Le Soldat.
Je voy venir deçà un homme à cheval portant la bougette[400], lequel va beau train. Je pense que c'est un marchand. S'il eust esté rencontré il y a trois mois, on luy eust bien serré les doigts, ou bien il eust payé rançon[401]. Je parleray à luy: «Dieu vous gard, Monsieur; où tirez-vous ainsi? Mais qu'il ne vous deplaise.»
Je m'en vay à Lyon.
Le Soldat.
Que faire là?
Le Marchand.
Traffiquer, puis qu'il a pleu à Dieu nous donner la paix, au moyen de laquelle les passages sont maintenant libres.
Le Soldat.
Il faut, à mon advis, user en cest endroict de distinction, encores que je sois soldat, et non pas dialecticien. Les passages sont libres et ouverts par les villes, et non pas sus les champs: car il se commet aujourd'huy beaucoup de massacres et brigandages sus les pauvres marchands et voyageurs, et se faict beaucoup plus de volleries en ce temps de paix qu'il ne se faisoit tandis que nous avions la guerre.
Le Marchand.
Comment cela?
Le Soldat.
Je vous le diray. Sçavez-vous pas que Mars, dieu de la guerre et cruaulté, se sert aussi aucunes fois et volontiers de ministres barbares et cruels? De sorte qu'à ce propos l'on dit communement que l'homme de bien qui abhorre le sang et est pourveu d'une parfaicte humanité ne vault rien à la guerre. Ainsi donc pouvez-vous juger de là que les meschans garnemens volontiers s'y retirent, et que la guerre, où neantmoins se font les braves hommes, est ordinairement la retraicte des voleurs[402], meurtriers et assassinateurs, pour ce qu'en temps de guerre le marchand ne va plus sur les champs, et que chacun se tient clos et fermé en sa maison; ce qui fait que les meschans, ne trouvans plus aucunes pratiques, sont contrains aller à la guerre? Que pensez-vous qu'ils facent maintenant, estant cassez?
Le Marchand.
Ils se retireront en leurs maisons, comme le roy commande[403].
Le Soldat.
Je confesse bien que les bons se retireront chascun en leur domicile; mais les maisons des autres sont les bois, où ils se mettent pour destrousser et voiler les passans quand la guerre est faillie.
Le Marchand.
Vous voulez donc inferer de là que la guerre seroit meilleure que la paix?
Le Soldat.
Encores que je soy soldat, si est ce qui n'est pas mon intention, car je ne doute pas que la paix (comme j'ay ouy dire autres fois à mon capitaine, homme vertueux et sçavant), à quelque condition qu'elle soit, ne vaille mieux que la guerre; dequoy (pour n'avoir mon propos besoin d'aucune preuve) je me rapporte à vous-mesmes et à tout homme de sain jugement.
Le Marchand.
Voire; mais vous m'avez naguères, ce semble, voulu induire à penser tout le contraire par les malheureux accidens qui surviennent volontiers après la guerre.
Le Soldat.
Mais de tels accidens, la guerre mesme en est la cause, pour ce qu'elle traîne une infinité de maulx à sa queue.
Le Marchand.
Vous la me faites ressembler au scorpion, qui porte le venin mortel à la queue, dont luy-mesme est le preservatif et remède: car vous m'avez dict qu'en temps de paix les voleurs se mussent[404] aux bois et aux lieux propres à guetter les passans, et qu'en temps de guerre ils se retirent au camp. Ainsi donc, la guerre oste en cet endroit l'occasion de mal faire, de laquelle la queue est dangereuse quand un camp est rompu et que les soldats sont debandez.
Le Soldat.
Il n'y a rien plus certain, combien qu'il s'en trouve beaucoup de bien nez, et ayans le cœur en bon lieu assiz, qui n'abusent pas de la guerre, mais la suivent seulement pour faire service au prince, et, quand les parties sont d'accord, s'en vont (comme j'ay dict) en leurs maisons, l'un à un estat et vacation, l'autre à un autre, bien que je confesse qu'il en demeure tousjours quelqu'un en chemin.
Le Marchand.
Pourquoy?
Le Soldat.
Pource qu'il fasche beaucoup à aucuns de se remettre à travailler en leur mesnage après avoir gousté la licence de la guerre, et par ainsi, venans en oubly d'eux-mesmes et se bandans les yeux de la raison, se mectent à mal faire et ayment mieux voler et rober que retourner en leur première subjection[405].
Le Marchand.
C'est pourquoy vous dites que la guerre ameine à sa queue tant de maux et inconveniens?
Le Soldat.
Ouy.
Le Marchand.
Vous avez bien dit que ceux qui demeurent en chemin pour mal faire et continuer leur licentieuse vie ont les yeux de la raison bandez, car je sçay bien qu'il y a des gens de guerre signalez, lesquels n'ont dedaigné de laisser l'espée et leurs autres armes pour prendre en main les outils desquels ils gaignoyent leur vie avant qu'il feust bruict de guerre.
Le Soldat.
Je le sçay bien, et à la verité je me retire en ma maison, vers ma femme et mes enfans, pour en faire ainsi, combien que je ne sois des signalez.
C'est très bien faict de vous en aller de bonne heure, avant que la necessité vous presse, et de vous mectre en train d'exercer l'estat auquel il a pleu à Dieu vous appeller. A ce propos, je veux vous amener l'exemple d'un certain capitaine hardy et vertueux, et ayant assez bien faict en ces dernières guerres, lequel (comme je disoy) ne s'est, tant s'en faut, descogneu, bien qu'il feust en credit et eust accoustumé d'estre richement habillé, que mesmes il n'a faict difficulté de laisser le coutelas et la targe pour prendre les instrumens de son mestier, et a adverty un mien amy qu'il estoit tout prest de s'en servir toutesfois et quantes qu'on le voudroit employer.
Le Soldat.
J'ay autresfois esté à l'escole, et cognoy bien par l'histoire que c'est là le propre d'un homme sage de s'accommoder au temps. Les grands seigneurs rommains appellez à quelque expedition de guerre n'en faisoyent pas moins lorsqu'ils estoyent de retour en leurs maisons, car on lit que volontiers ils retournoyent au soc et à la charrue, où ils avoyent esté trouvez devant embesognez par ceux qui les alloyent querir à une si honorable charge.
Le Marchand.
O! que vous dites bien! Pleust à Dieu que chascun feust aussi advisé que vous! Nous n'aurions que faire de craindre sur les champs et ne serions pas tant en danger de tomber entre les mains des brigans que nous sommes.
Celuy qui faict mal n'est jamais asseuré, ains tremble à la moindre haleine de vent et au mouvement des feuilles des bois; il est tousjours bourrellé en sa conscience, et cuide tousjours estre suivy d'un prevost des mareschaulx, tellement que ce soucy luy sert continuellement de gibet, lequel il ne peut quelque jour eviter; mais celuy qui ne faict mal, qui ne sent sa conscience chargée d'aucun meffaict, est ferme et asseuré comme le roc et va par tout la teste levée, sans craindre d'estre repris de justice. Ainsi, tandis que la guerre a duré, j'ay porté les armes, suivant le party auquel Dieu m'avoit appellé. Maintenant que la paix est retournée visiter cette pauvre France, je les vay pendre aux pieds de ceste deesse eu luy tenant ce propos:
«O sacrée et heureuse paix[406], qui tant de fois as esté banie de ce pauvre royaume tant desolé et affligé, tu sois la très bien venue! chascun enjonche de belles fleurs le chemin par lequel tu passeras, pour te faire honneur et pour cacher le sang dont tu sçais bien que la terre est imbue et couverte. Qu'il te plaise faire en cete terre eternelle demeure, et resister, par le moyen de la Justice ta compagne, à tous ceux-là qui s'efforceront de te rompre: car, si toutes deux estes unies, je voy la Guerre civile morte à jamais; mais, si la Justice te faulce compagnie, je m'asseure que tu viendras incontinent après à defaillir. Parquoy je te supplie de t'en tenir près, à fin que tu sois honnorée et respectée de tout le monde, et que nous voyons retourner en France comme ce premier aage d'or auquel on vivoit en innocence et en abondance de tous biens; en esperance de quoy, ô gracieuse Paix! j'appens à tes pieds toutes mes armes, pour monstrer que je te veux obeir et vivre à jamais soubs ton bon plaisir et commandement.»
Le Marchand.
Mais aussi direz-vous pas à Dieu à la Guerre?
Le Soldat.
Je luy veux dire en ceste façon: «O cruel Mars! duquel j'ay longuement suivy les enseignes, desployées à la perte et ruine de ce pays de France, à jamais te puissay-je dire à Dieu! A Dieu ta cruaulté, à Dieu ta barbarie, que tu dois plustost aller exercer contre les infidèles payens que contre nous! Contente-toy de la mort de cent et cent mille hommes, des prises, saccagemens et bruslemens de tant de villes, de chasteaux et bourgades, des desmolitions des temples, violemens de femmes et vierges, des rapines et brigandages faicts en ce pays, et te retires à jamais loing de nous! Ta detestable cruauté est si grande que chascun est saoul de te supporter. Va-t'en avec Discorde, ta sœur et compagne, soliciter les Turcs infidèles à faire la guerre les uns aux autres, et nous laisse jouyr en repos et tranquillité de la paix tant desirée. Puisses-tu, ô Dieu de cruauté! estre à jamais bany de la France, et, s'il faut que quelque jour tu t'en approches, ce soit pour la deffence et manutention d'icelle contre l'estranger qui la voudroit assaillir, grever et molester, non pas à la ruine et destruction d'icelle, comme tu as faict. Par ce moyen, l'ecclesiastique vivra en paix, le senateur fera justice, le marchand traficquera, le laboureur sèmera son champ, et l'artizan fera son mestier hors de tout soupçon et inconvenient.»
Le Marchand.
Vrayment, vous parlez en vray soldat et homme de bien. Dieu me face la grace de trouver souvent telle rencontre!
Le Soldat.
Vous priez bien, car (comme nous avons dit) il faict dangereux sur les champs, et principalement à ceux qui vont seuls comme vous. Atant feriez-vous bien d'attendre en la prochaine ville quelque compagnie à fin d'aller seurement.
Je le feray.
Le Soldat.
Je prie à Dieu qu'il vous veuille conduire.
Le Marchand.
Et vous aussi. A Dieu.
La Musique de la taverne et les Propheties du cabaret, ensemble le Mespris des Muses.
Lorsque l'on met la nappe sur la table avec assiettes et serviettes, c'est l'ouverture du livre.
Pour les Notes.
Si la nappe n'a point servy, c'est une blanche.
Si la maistresse n'est pas trop blonde, c'est une noire.
Si la servante est boiteuse, c'est une croche.
Pour les Mesures.
Si la pinte est pleine, c'est plaine mesure.
Si quelque alteré en entrant estrangle trois verres de vin sans manger, c'est mesure triple.
Pour les Tons.
Si le valet apporte un pot quy ne soit pas plein, on luy donne rafle de cinq: c'est une quinte.
Si le vin qu'il apporte n'est pas bon, c'est un sol.
S'il en apporte d'autre quy ne soit meilleur, c'est un fa.
Si le maistre, montant en hault, veult discourir, on luy faict reprendre son vin, c'est ré, ut.
Si, par après, quelqu'un en apporte de bon, c'est la, my.
Si quelqu'un, faisant semblant d'aller coucher, au lieu de son lict prent celuy de sa servante, c'est une feinte d'Isis[407].
Pour les Clefs.
Lorsqu'on est sur la servante, l'on y entre par B dur ou B carre, et l'on y travaille par nature, et l'on en sort par B mol.
Le reste de la Musique.
Si le valet, estant fasché, donne sur les oreilles à quelqu'un avec un pot de deux pintes, c'est une quarte.
Si celuy qu'il a attrapé courant après luy tombe sept ou huict degrez, c'est une octave.
Si quelqu'un est yvre, s'il se couche sur un lict et dort deux ou trois heures, c'est une pause.
Si, après estre reveillé il ecorche le renard[408], c'est une diminution.
Lorsque l'on est bien saoul et que le ventre est si bien tendu qu'on pourroit tuer un pou dessus, c'est l'unisson.
Lorsque l'on vient à compter, si le maistre demande cent et qu'on ne luy en veuille donner que soixante, c'est un contre-point.
Si le maistre veult argent comptant et qu'on n'en aye point, ce sont les soupirs.
Si deux ou trois, craignant de laisser le manteau, prennent la fuitte, ce sont les fugues.
Si l'hoste descend et crie dans la rue après ceux qui fuyent: «Au voleur! au voleur! arrestez! Ils m'emportent mon bien!» c'est la dernière note, quy est plus longue que toutes les autres.
Le Mepris des Muses.
Nous perdons temps de retiver[409].
Amis, il nous faut festiver!
Voicy Bacchus quy nous convie
A bien mener une autre vie!
Laissons là ce fat d'Apollon,
Chions dedans son viollon.
F.... du Parnasse et des Muses!
Elles sont vieilles et camuses;
F.... de leur sacré ruisseau,
De leur archet, de leur pinceau
Et de leur verve poetique,
Que j'appelle ardeur frenetique!
Pegase, enfin, n'est qu'un cheval
Quy ne nous faict ny bien, ny mal,
Et quy le suyt et luy faict feste
Ne suit et n'est rien qu'une beste.
Voyez comme il pleut au dehors!
Faisons pleuvoir dans nostre corps
Du vin. Tu l'entends sans le dire,
Et c'est là le seul mot pour rire.
Chantons, dansons, faisons du bruict!
Beuvons icy toute la nuict,
Tant que demain la belle Aurore
Nous trouve tous à table encore,
Sans avoir sommeil ny repos!
Fayet[410], icy nos pauvres os
Seront enfermez dans la tombe
Par la Mort, sous quy tout succombe
Et quy nous poursuit au galop.
Las! nous ne dormirons que trop!
Prenons de ce doux jus de vigne.
Je voy Revol quy se rend digne
De porter ce dieu dans son sein.
Dieux! comme il avalle ce vin!
Bacchus! quy vois nostre desbauche,
Par ton sainct pourtraict que j'ebauche
En m'enluminant le museau
De ce traict que je boy sans eau,
Par ta couronne de lierre,
Par la splendeur de ton grand verre,
Par ton eternelle santé,
Par ton sceptre tant redouté,
Par tes innombrables conquêtes,
Par l'honneur de tes belles festes,
Par ton maintien si gracieux,
Par tes attribus specieux,
Par tes haults et profonds Ansthères[411],
Par les furieuses panthères,
Par ton bouc paillard comme nous,
Par ce lieu si frais et si doux,
Par ton jambon couvert d'espice,
Par ce long pendant de sausisse,
Par ce vieux fromage pourry,
Bref, par Gillot[412], ton favory,
Reçois-nous dans l'heureuse troupe
Des francs chevaliers de la coupe,
Et, pour te monstrer tout divin,
Ne la laisse jamais sans vin.
Celle que j'ayme a tant d'appas
Et tant de doux attraicts pour être caressée
Que, ma foy, je ne voudrois pas
Pour une autre beauté l'avoir jamais laissée.
Quand je la voy, je me sousris,
Je la mets sur le cul et je lève la teste,
Je la mignarde et la cheris,
Elle souffre toujours que je lui fasse feste.
Soit qu'elle soit blanche d'humeur,
Ou qu'elle aie la couleur d'une vermeille rose,
Toujours d'une même rumeur
Elle va m'aigayant, et jamais ne repose.
Quand je la tiens entre mes bras,
J'agence un chose long dans une fente rouge,
Et, sans la mestre entre deux draps,
J'en prens mille plaisirs, jamais elle n'en bouge.
Que si l'adresse me desfault,
Elle semble m'ayder et soulager ma peine;
Elle lève le cul si hault
Qu'elle me faict aller jusques à perdre haleine.
Je la baise et rebaise après
En joignant dextrement ma bouche sur sa bouche,
Et je la serre de si près,
Que tout son petit trou avec le mien se bouche.
Cinq ou six coups je faics cela,
Roide, prompt et hardy, sans que je m'en degouste;
Elle ne dict jamais Holà!
Tant que j'aye tiré à la dernière goute.
Que s'il me reste encor du cœur,
Comme je fus vaillant à ce doux exercice,
Ou qu'elle manque de liqueur,
Je vay au changement sans qu'elle entre en caprice.
Car, lassé de ces doux esbats,
Pendant qu'en ce beau jeu je la baise et me joue,
Souvent elle me jette en bas
Et me montre le cul, auquel je fais la moue.
J'ayme mieux, pour passer mon temps,
De ces grosses dondons aux humeurs bien remplies;
Ces petites sans passe-temps,
Estant seiches trop tot, me semblent moins jolies.
Faictes tous l'amour comme moy;
Beuvons, chantons, rions: la bouteille est remplie.
C'est estre ladre, sur ma foy,
De ne pas la vuider, la voyant si jolie.
Autre chanson à boire.
Quy vit jamais une rigueur pareille
A la rigueur que je souffre en aimant?
Un feu me brusle et me va consumant,
Et, si je n'avois ma bouteille,
Je fusse mort il y a vingt ans.
J'ay beau souffrir et plaindre ma malaise,
Philis pourtant est pleine de rigueur,
Elle se plaist à nourrir ma langueur;
Mais ma bouteille, je la baise
Et m'arrose de sa liqueur.
Doy-je cherir cette douce inhumaine,
Ou preferer à ses roses et ses lis
Celle qui tient mes maux ensevelis?
Ah! pour toy je laisse Philis.
FIN DU TOME SIXIÈME.
TABLE DES PIÈCES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
- 1. Les estranges et desplorables accidens arrivez en divers endroits sur la rivière de Loire et lieux circonvoisins par l'effroyable desbordement des eaux et l'espouvantable tempeste des vents, le 19 et 20 janvier 1633. Ensemble les miracles qui sont arrivez à des personnes de qualité et autres qui ont esté sauvées de ces perilleux dangers. 5
- 2. Le feu royal, faict par le sieur Jumeau, arquebusier ordinaire de Sa Majesté. 13
- 3. Histoire veritable du prix excessif des vivres de la Rochelle pendant le siège. 23
- 4. La grande propriété des bottes sans cheval en tout temps, nouvellement descouverte, avec leurs appartenances, dans le grand magazin des esprits curieux. 29
- 5. Les estrennes de Herpinot, presentées aux dames de Paris, desdiez aux amateurs de la vertu, par C. D. P., comedien françois. 41
- 6. Harangue de Turlupin le souffreteux, 1615. 51
- 7. Sommaire traicté du revenu et despence des finances de France, ensemble les pensions de nosseigneurs et dames de la Cour, escrit par Nicolas Remond, secretaire d'Estat. 85
- 8. Quatrains au roy sur la façon des harquebuses et pistolets, enseignans le moyen de recognoistre la bonté et le vice de toutes sortes d'armes à feu et les conserver en leur lustre et bonté, par François Poumerol, arquebusier. 131
- 9. Zest-Pouf, historiette du temps. 167
- 10. Catechisme des Normands. 173
- 11. Edit du roy portant suppression des charges de capitaines des levrettes de la chambre du roy. 181
- 12. Histoire veritable de la mutinerie, tumulte et sedition faite par les prestres Sainct-Medard contre les fidèles, le samedy XXVIIe jour de decembre 1561. 185
- 13. Les choses horribles contenues en une lettre envoyée à Henry de Valois par un enfant de Paris le vingt-huitième de janvier 1589. 201
- 14. Le Cochon mitré, dialogue. 209
- 15. Stances sur le retranchement des festes, en 1666. 245
- 16. Le Pont-Breton des procureurs. 253
- 17. La plaisante nouvelle apportée sur tout ce qui se passe en la guerre de Piedmont, avec la harangue du capitaine Picotin faicte au duc de Savoye sur le mescontentement des soldats françois. 279
- 18. Le Carquois satyrique. 287
- 19. L'estrange et veritable accident arrivé en la ville de Tours, où la royne couroit grand danger de sa vie sans le marquis de Rouillac et de M. de Vignolles, le vendredy vingt-neufviesme janvier 1616. 303
- 20. Arrest notable donné au profit des femmes contre l'impuissance des maris, avec le plaidoyé et conclusion de Messieurs les gens du roy. 307
- 21. Satyre sur la barbe de M. le president Molé. 315
- 22. Recit veritable de l'execution faite du capitaine Carrefour, general des voleurs de France, rompu vif à Dijon le 12e jour de decembre 1622. 321
- 23. Brief dialogue, exemplaire et recreatif, entre le vray soldat et le marchand françois, faisant mention du temps qui court. 329
- 24. La musique de la taverne et les propheties du cabaret, ensemble le Mepris des Muses. 341