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Variétés Historiques et Littéraires (07/10): Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers

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Notes

1: Grand faiseur de bourdes. On jouoit volontiers sur ce mot. «Monsieur L. D. S., lit-on dans l'Esprit de Guy-Patin, p. 278, turlupinoit quelquefois contre son fils, qu'il reconnoissoit pour un insigne menteur, en lui disant que, quelque part qu'il allât, il étoit toujours dans la rue des Bourdonnois, que sa canne lui sembloit un bourdon, et qu'il croyoit l'avoir fait à Bourdeaux plutôt qu'à Paris; il rioit ensuite après ces dictons, et personne ne rioit que lui.»

2:

Faute d'argent est douleur non pareille.

Sur ce refrain, V. notre t. 5, p. 224.

3: Il y a ici quelque jeu de mot, peu à l'honneur du dieu voleur, sur le verbe pesciller ou perciller, qui en argot signifie prendre.

4: On sait que nos meilleurs marais salants sont autour de Brouage, dans la Basse-Saintonge.

5: Nous trouvons cette pièce dans la quatriesme partie, p. 54-63, du Recueil de pièces en prose les plus agreables de ce temps, composées par divers autheurs. Paris, Ch. Sercy, MDCLXI, in-12.—La faiseuse dont il s'agit ici est sans doute celle chez qui il étoit de bon ton d'aller se fournir, et qui se trouve vantée dans le dernier couplet d'une chanson sur les mouches que Tallemant cite dans son historiette du P. André (1re édit., t. 3, p. 326):

Mais surtout soyez curieuse
Et difficile au dernier point,
Et gardez de n'en porter point
Que de chez la bonne faiseuse.

Sur cette mode, on peut lire la note 368e du Palais Mazarin.

6: Les mouches rondes étoient les plus vantées. On les appeloit assassins. On lit dans la chanson que cite Tallemant:

Vous auriez beau être frisée
Par anneaux tombant sur le sein,
Sans un amoureux assassin
Vous ne serez guère prisée.

Les hommes eux-mêmes en portoient: «Il sera encore permis à nos galants de la meilleure mine de porter des mouches rondes et longues.» (Les lois de la galanterie 1644, édit. Aug. Aubry, p. 18.)

7: La mouche collée près de l'œil s'appeloit la passionnée.

8:

Portez-en à l'œil, à la temple,
Ayant le front chamarré,
Et sans craindre votre curé
Portez-en jusque dans le temple.

Les hommes portoient «l'emplastre noire assez grande sur la temple, ce que l'on appelle l'enseigne du mal de dent; mais pour ce que les cheveux la peuvent cacher, plusieurs ayant commencé depuis peu de la porter au-dessous de l'os de la joue, nous y avons trouvé beaucoup de bienséance et d'agrément. Que si les critiques nous pensent reprocher que c'est imiter les femmes, nous les estonnerons bien lorsque nous leur respondrons que nous ne scaurions faire autrement que de suivre l'exemple de celles que nous admirons et adorons.» (Les loix de la galanterie, p. 19.)

9: Au coin de la bouche, c'étoit la baiseuse; sur les lèvres, la coquette.

10: Sur le nez, c'étoit l'effrontée.

11: La majestueuse.

12: Au milieu de la joue, la galante; sur le pli de la joue en riant, l'enjouée.

13: C'est l'emplâtre dont il est parlé dans l'une des précédentes notes.

14: Parure. «Elle estoit tousjours quatre heures à sa toilette à compasser son ajustesse.» (Contes de la reine de Navarre, nouv. 36e.)

15: Tout le monde en eut, si bien que dans une mazarinade, Maximes morales et chrétiennes pour le repos des consciences dans les affaires présentes, etc., 1649, in-4., il est dit qu'on voit «abbés frisés, poudrés, le visage couvert de mouches, tous les jours dans un habit libertin parmi les cajoleries des Cours et des Tuileries.»

16: Je suis porté à croire que cette pièce a beaucoup de ressemblance avec celle qui a pour titre: Le voyage raccourci de trois bourgeoises de Paris, avec leurs ruses et finesses, nouvellement découvertes par leurs maris; Paris, veuve du Carroy (vers 1618), in-8 de 24 feuillets. Malheureusement, je n'ai pu la retrouver pour faire la comparaison.

17: Il se trouve dans les Caquets de l'accouchée, p. 217, une histoire à peu près pareille, où deux femmes, pour jouer un tour semblable à leurs maris, feignent d'aller non plus à la noce, comme ici, mais en pèlerinage. Dans les anciennes poésies françoises des XVe et XVIe siècles, publiées par M. A. de Montaiglon, se trouve, t. 3, p. 331-334, une chanson qui roule aussi sur une aventure du même genre, au moins par le scandale: Chanson nouvelle de certaines bourgeoises de Paris qui, feignant d'aller en voyage ès fauxbourg Saint-Germain-des-Prez, furent surprinses en la maison d'une maquerelle et menées en prison à leur deshonneur et confusion.

18: On appeloit ainsi les plus forts écus, les seuls que les juges voulussent recevoir pour leurs épices. Chaque quart d'écu étoit de 16 sols, et, par conséquent, l'écu quart valoit 3 livres 4 sols.

19: C'est-à-dire que les oreilles leur tintoient, comme aux gens de qui l'on parle mal. Cela nous donne l'étymologie du mot tintouin, qui d'abord ne s'employoit pas autrement. On trouve même dans Montaigne le verbe tintouiner.

20: On sait que couratier, couratière, sont les anciennes formes des mots courtier, courtière. Ils se prenoient souvent, comme ici, en mauvaise part, pour désigner de bas entremetteurs:

Il devint en un jour savant en tel metier,
Maquignon, revendeur, affronteur, couratier.

(Ronsard, Hymnes, liv. 2, 10.)

21: C'est ce qu'on appelle encore le chaudeau dans quelques villes de province où cet usage s'est gardé. Les convives de la noce l'apportoient de bon matin en grande cérémonie, à la suite d'une aubade sous la fenêtre des époux. V. notre Histoire des lanternes de Paris, p. 12, et une très curieuse chanson qui se trouve dans le Recueil du Savoyard. En Ecosse, on appeloit cette boisson nuptiale le sack-posset. Il y entroit du vin, de la crème, du sucre, de la muscade. V. W. Scott, Quentin Durward, conclusion.

22: Ce mot, avec le sens de galant, étoit depuis long-temps dans la langue. V. Rabelais, liv. 1, ch. 8, et liv. 4, ch. 43. Ce passage de Roger de Collerye, édit. Ch. d'Héricault, p. 286, semble en donner l'étymologie:

Cy-gist le bon honorable Huguet...
Qui en son temps ne feist jamais le guet
Aux amoureux qui cueillent le muguet.

23: Imposture, tromperie. Mairet fait dire à l'un des personnages de sa comédie, Le duc d'Olonne:

Indubitablement l'on m'a donné la trousse

24: Chevaux de main, dont les plus fins venoient d'Espagne.

25: On sait que c'est un des noms de l'avoine.

26: Jusqu'au dernier siècle le manchon se portoit attaché au corps avec une ceinture serrée par une boucle, ou bien, comme ici, avec une chaîne d'or ou d'argent.

27: Interprète.

28: On sait qu'on disoit alors de gens attaqués de maladies honteuses qu'ils alloient en Bavière voir sacrer l'Empereur (V. Francion), ou qu'ils revenoient de Suerie ou de Suède.

29: Cette pièce est dirigée contre quelque farceur qui vouloit faire concurrence au Prince des sots (Angoulevent), et qui, pour prendre un titre au dessus du sien, s'étoit adjugé celui d'archi-sot. Peut-être est-ce la même querelle sur laquelle le Parlement fut appelé à statuer, et qui s'étoit élevée au sujet de la Principauté des Sots, entre Angoulevent, qui la déclaroit sa propriété exclusive, et Valentin le Comte (Valeran), qui, avec Jacques Resneau (Rameau) prétendoit la lui disputer. Angoulevent, défendu par maistre Julien Peleus, obtint gain de cause; mais le procès fut très long, si l'on en juge par la date des arrêts successivement rendus. Le premier est du 2 mars 1604, le dernier du 19 février 1608. Cette grave affaire étoit donc pendante, en 1605, quand parut cette pièce. On peut consulter, pour les détails, le Recueil des plaidoyers de maître Julien Peleus, les Récréations historiques de Dreux du Radier, t. 1, p. 41-42, et de la Place, Choix des Mercures, t. 56, p. 158-160, et 5 pour Valeray, Tallem., édit. in-12, t. 10, p. 40; l'Estoille, édit. du Panthéon, II, p. 424; l'Espadon satyrique, 1680, in-12, p. 25.

30: C'est-à-dire les registres énormes où se trouvoient portés les noms de tous ceux qui payoient l'impôt.

31: Ces déesses sont les nymphes de Jean Goujon à la fontaine des Innocents, placée alors au coin de la rue aux Fers et de la rue Saint-Denis. L'auteur les invoque ici parceque c'est à leur pied qu'Angoulevent, avec la troupe des farceurs de l'hôtel de Bourgogne, venoit faire sa montre ou parade. Il devoit aller aussi au carrefour de la Pointe-Saint-Eustache, près de ce Pont-Alais qui avoit donné son nom à un autre farceur. V. Nouvelles de Des Periers, édit. Louis Lacour, p. 133-134, et notre tome 3, p. 142.

32: Ceci donne raison à notre première note.

33: L'entrée par la grande porte étoit un des points en litige. Angoulevent prétendoit qu'il y avoit seul droit, et l'arrêt du 19 février 1608 lui conserva en effet ce privilége. Il y est dit que Nicolas Joubert (c'étoit le vrai nom d'Angoulevent) sera «maintenu et gardé en sa possession et jouissance de sa Principauté de Sots et des droits appartenant à icelle, même du droit d'entrée par la grande porte dudit hôtel de Bourgogne, etc.»

34: Le vert étoit, comme on sait, la couleur des fous.

35: Je ne sais ce qu'étoient ce Martin Gan et l'espèce de pourpoint dont il semble avoir amené la mode; mais je suppose que celui-ci auroit pu fort bien s'assortir avec les fameuses chausses à la martingale dont parle Rabelais. Le Duchat pense qu'on les appeloit ainsi parceque la forme en étoit empruntée aux mariniers de Martègue en Provence. C'est donc peut-être Martéguan, et non Martin Gan, qu'il faut lire ici. V. Rabelais, l. 1, ch. 20, et l. 2, ch. 7.

36: C'est-à-dire que son haut de chausses étoit attaché au pourpoint avec des aiguillettes, et qu'il étoit aiguilleté, comme l'Harpagon de Molière.

37: On faisoit alors rafle de tous les gueux irlandois et autres qui se trouvoient à Paris, et on les embarquoit pour le Canada ou Nouvelle-France. Les quartiers qui en fournissoient le plus étoient ceux des Fossés-Montmartre (V. Tallemant, édit. in-12, t. 2, p. 23), de la Ville-Neuve-sur-Gravois, où se trouvoit, comme on sait, l'une des plus fameuses cours de Miracle, etc. C'est sans nul doute à cause des nombreuses bandes de mendiants qui en partoient pour le Canada que cette partie de Paris commença de s'appeler alors la Nouvelle-France, nom qui s'est étendu au faubourg Poissonnière, qui en étoit la continuation. La caserne qui s'y trouve l'a seule gardé.

38: Se parer avec forfanterie. Ce mot est dans Montaigue, liv. 3, ch. 10.

39: C'est-à-dire un tableau bouffon, une affiche-caricature, qu'on mettra à la porte du théâtre de l'hôtel de Bourgogne.

40: Les peintres Zeuxis et Parashius.

41: Un âne.

42: Les harpies.

43: On voit que les farceurs se couvroient le visage de farine, comme notre Pierrot, qui a seul gardé la tradition. De là le sobriquet d'enfarinés qu'on leur donne partout. On voit par un passage de Montaigne (liv. 3, en. 10), que c'étoit déjà l'usage des apprentis badins de son temps. On lit dans les Jeux de l'inconnu (1645, in-8, p. 158), au sujet de Jean Farine, qui, lui non plus, ne doit pas son nom à autre chose: «A le voir si blanchastre, il semble qu'il soit déjà enfariné.»

44: On appeloit habit de vinaigre, selon le Dictionnaire de Trévoux, tout habit trop léger porté en hiver, sans doute parcequ'il n'empêchoit pas le froid de vous piquer.

45: Sans doute le cabaret de la Licorne, qui a donné son nom à l'une des rues de la Cité. En 1816, selon la Tynna, il s'y trouvoit encore, au no 8, un marchand de vin ayant une licorne pour enseigne. On disoit, pour prédire à quelqu'un quelque bonne raillerie: Les petits enfants en iront au vin et à la moutarde, d'où le nom trivial de moutard donné à ceux-ci. Ce que disent ces deux vers répond évidemment à cette locution, qui se trouve déjà dans Villon, et que Malherbe, dans ses lettres à Peiresc, employoit encore.

46: C'est-à-dire couvert de bigarrures. On connoît le proverbe: «Piolé riolé comme la chandelle des Rois», qui étoit en effet de deux couleurs. Un fol, comme celui qui parle dans ces stances, pouvoit bien s'exprimer ainsi. Les badins, selon Henri Estienne, dans la préface de son Apologie pour Hérodote, portoient des «robes bigarrées de bandes larges.»

47: Sorte d'insecte. Voy. Ronsard, éd. Jannet, t. 1, p. 395, note 4.

48: Cette pièce se trouve, p. 278-282, dans le curieux recueil Le tableau de la vie et du gouvernement de MM. les cardinaux Richelieu et Mazarin, et de M. Colbert, représenté en diverses satyres et poésies ingénieuses, etc. Cologne, P. Marteau, 1694, in-12. Seulement, elle est fautive dans cette édition; nous l'avons rétablie d'après celle qui avoit paru l'année précédente, et qui est bien plus correcte.

49: Il s'agit encore ici du retranchement des fêtes, au sujet duquel nous avons déjà publié une pièce (t. 5, p. 245), et qui avoit été ordonné par le roi, en 1666, sur un Mémoire de Colbert, reproduit dans la Revue rétrospective, 2e série, t. 4, p. 257-258.

50: On n'avoit pas retranché moins de dix-sept fêtes. V. Journal ms. d'Olivier d'Ormesson, 2e partie, fol. 139. Le peuple, qui tenoit à quelques-unes, cria fort et si bien qu'on finit par les rétablir. Celle de saint Roch étoit du nombre. V. notre t. 5, p. 249-250. C'est pour celle-ci surtout qu'il commença sa désobéissance: «Le mardy 16 août (1667), feste de saint Roch, dit encore M. d'Ormesson, fol. 151, tout le monde festa nonobstant le retranchement.»

51: C'est ce que Marigny a développé avec tant de verve et d'esprit dans son charmant poème du Pain bénit, où se trouve entr'autres ce vers:

Il fait cher mourir à Paris,

repris par Regnard lorsqu'il fait dire par le Crispin du Légataire, à la scène du testament:

Il fait trop cher mourir.

52: Il faut encore entendre Marigny faisant expliquer par les marguilliers de Saint-Paul les détails d'un convoi de première classe, avec les beaux ornements que leur avoit donnés M. de la Rivière, évêque de Langres, leur riche paroissien de la place Royale. La grosse sonnerie n'y est pas non plus oubliée:

Tout le convoi fut fort heureux,
Aucun critique n'y peut mordre;
Les enfants, gris, rouges et bleux,
Marchèrent dans un fort bel ordre.
Grande cour, chambres, escalier
Bien garnis de tapisserie,
Vous eûtes nos grands chandeliers
Et notre belle argenterie.
Nos beaux ornements bien brodés,
Que monsieur de Langre a donnés;
Et puis qu'il faut qu'on vous le die,
La croix de Fieubet a marché
Avec sa grosse sonnerie.

53: C'est aussi le propos de Marigny:

Cette sorte d'exaction
Est un infâme monopole
Honteux à la Religion.

54: Les frais du crieur étoient compris dans ceux de l'enterrement:

Vous ignorez, pour le certain,
Qu'il faut les droits de la fabrique,
D'un crieur et du sacristain.

C'étoit lui qui apportoit dans les maisons l'attirail des convois, comme dit Regnard dans le Légataire, acte IV, scène dernière, et qui régloit le tarif, comme on le voit ici.

55: On sait qu'alors tout paroissien d'importance se faisoit enterrer dans l'église.

56: Sur cette expression, v. notre t. 5, p. 250, note.

57: Alors on prononçoit craire. C'est ce qui donne raison à la singulière rime qui se trouve ici. Toutefois, dans les vers il étoit d'usage d'employer la prononciation qui a prévalu. V. Journal de l'Académie françoise, par l'abbé de Choisy (1696), fol. 7. On ne vouloit pas sans doute que l'accident qui arriva un jour à une actrice de province pût se renouveler. Elle avoit à dire ce vers:

Le prince vit encore! ô ciel! puis-je le croire?

Elle le prononça suivant la mode admise dans la conversation; aussi son interlocuteur, pour ne pas manquer la rime à craire, riposta tout aussitôt:

Oui, princesse, il arrive, et tout couvert de glaire.

58: V. l'une des notes précédentes.

59: Mais, dit encore Marigny, dans la discussion qu'il établit entre les marguilliers de Saint-Paul et un parent révolté de la somme énorme des frais:

—Mais, s'il meurt sans laisser de bien,
Qu'avez-vous coutume de faire,
Suivant votre honnête métier
De ne faire rien pour rien?...
—Sans prière ni luminaire
On le fait porter, comme un chien,
Dans quelque coin du cimetière;
Et, de plus, sachez qu'en ce cas
L'exactitude est si précise,
Que même nous ne souffrons pas
Que le corps passe par l'église.

60: La fête des Saints-Innocents étoit au nombre de celles qu'on avoit retranchées. V. notre t. 6, p. 249.

61: Cette pièce, qui n'a été publiée que par le Journal de l'Institut historique, avril 1841, p. 133-134, n'est pas la seule du même genre que nous trouvions dans la première moitié du 17e siècle. Lorsque les temps devenoient durs pour les pauvres gens, il n'étoit pas rare de voir s'élever de pareilles requêtes, et, comme on en va voir la preuve, le Parlement y faisoit presque toujours droit, du moins dans une certaine mesure. Voici, par exemple, ce que nous trouvons à l'une des époques les plus difficiles du règne de Louis XIII: Sentences et réglement donnés par monsieur le prevost de Paris ou monsieur le lieutenant civil, le present mois d'aoust mil six cent vingt deux, contenant les diminutions ordonnées pour les loyers des maisons de la ville et fauxbourgs de Paris. A Paris, chez la veuve Hubert Velut, rue de la Tannerie, près de la Grève, 1628, in-8. Il s'agit d'un certain nombre de maîtres de logis et chambres garnies qui, après avoir demandé vainement à leurs propriétaires une diminution pour le loyer des maisons qu'ils sous-louoient en détail, ont adressé au Parlement la même rère, exaucée alors, mais à condition toutefois que la diminution accordée entraîneroit d'elle-même la résiliation des baux. Les demandeurs, pour appuyer la requête à laquelle on faisoit droit ainsi, avoient dit: «Que, pour essayer à gagner quelque chose pour subvenir à leurs familles, ils avoient pris à ferme les logis où ils sont, demeurant siz au quartier du Louvre, pour y loger en chambre garnie et prendre des pensionnaires; mais, à cause de la longue absence du roy qui rend ledit quartier du Louvre, voire toute la ville de Paris, déserte de monde, au prix de ce qu'il y en a lorsque Sa Majesté est résidente, ils n'ont personne de logé chez eux, soit en pension, soit en chambre garnie, tellement que lesdits logements, dont ils payent de grands loyers, leur sont du tout inutiles et à grandes charges.» La même année parut Sentence de monsieur le prévost de Paris, ou monsieur son lieutenant civil, commissaire député de la Cour, portant réglement sur la diminution des loyers des maisons de celle ville et faulxbourgs de Paris, requise par les locataires contre les propriétaires. A Paris, chez Isaac Mesnier, rue Saint-Jacques, 1622. L'année suivante, autre arrêt, mais d'une importance plus grande: Règlement général pour le rabais des loyers des maisons. A Paris, chez P. Rocolet, libraire et imprimeur de la ville, 1623, in-8. Il est rendu, «veu l'arrêt de la Cour de Parlement obtenu sur la requeste présentée par les pauvres locataires qui tiennent logis et chambres garnies en la dicte ville de Paris, le 27 octobre 1623, portant que, pour leur estre pourveu sur la diminution par eux requise à cause de la maladie contagieuse advenue en ceste dite ville et fauxbourgs, ils se pourvoyroient par devers nous, et que ce qui seroit par nous ordonné seroit exécuté, nonobstant opposition ou appellation quelconques... et, tout veu, nous disons, par délibération du conseil, ouy sur ce le procureur du roy, que diminution est faicte aux dits locataires qui n'ont payé, du quart du terme de Saint-Jean à la Saint-Remy, et du demi-quart du terme de Saint-Remy à Noël prochain.» Deux ans après, un arrêt du même genre fut encore rendu, mais nous ne savons sur quels motifs; nous ne le connoissons, en effet, que par son titre, reproduit ainsi, sous le no 818 du Catalogue des livres de M. Leroux de Lincy: Règlement général pour le rabais des loyers des maisons du 22 août 1625, signé Musnier. Paris, 1625, in-8.—Au temps de la Fronde, les plaintes recommencèrent avec la misère des pauvres gens, et le Parlement, plus que jamais souverain, ne manqua pas d'y faire droit. La pièce donnée ici est de cette époque, mais dans la dernière période. Les années qui avoient précédé furent celles où les arrêts de cette nature se multiplièrent le plus. Nous n'en comptons pas moins de cinq pour la seule année 1649. En voici les titres et le résumé: 1o Arrêt de la Cour de parlement pour la diminution des loyers des maisons dans la ville et fauxbourgs de Paris, du 10 avril 1649, in-4. Il est rendu sur neuf requêtes présentées par les locataires des maisons du faubourg Saint-Antoine; par quelques habitants du faubourg Saint-Marcel; par les pauvres bourgeois et chambrelans (logeurs en chambre) de cette ville et fauxbourgs; par les marchands de la salle Dauphine et des autres parties du Palais, notamment Réné Autié; par les hôteliers du quartier Saint-Martin; par les locataires des environs du Palais-Royal, rues des Petits-Champs, Coquillière, des Vieux-Augustins; par ceux qui louent en chambre garnie au quartier du Louvre et du Palais-Royal; enfin par les habitants du faubourg Saint Germain.—2o Arrêt de la Cour de Parlement pour la descharge entière des loyers des maîtres du quartier de Pasques, en la ville et fauxbourgs de Paris, rendu en interprétation de celui du 10 avril dernier, avec réglement pour les baux du 14 avril 1649, in-4. Cette sentence, que M. Moreau a consignée sous le no 264 de son excellente Bibliographie des mazarinades, est rendue sur requête présentée par des habitants de la Draperie, de la Barillerie, par des marchands du Palais, «par Florent Martel, chirurgien ordinaire du roy en son artillerie, et autres, tous particuliers demeurant en l'isle Notre-Dame»; par les locataires des maisons sises rues Saint-Honoré, Frementeau (sic), des Bons-Enfants; par Jean Lemoine et autres locataires principaux des maisons «baties sur le pont Marie et esles d'iceluy»; et ceux qui louent en chambres garnies rues des Poulies, du Louvre, du Coq, de Champfleury, du Chantre, de Jean-Saint-Denis, Frementeau, de Beauvais, Saint-Thomas du Louvre; par les cabaretiers de la place Maubert et environs; par les pauvres bourgeois «demeurant en la Villeneuve-sur-Gravois, les Petits-Carreaux aboutissant en la rue Mont-Orgueil, cour de Miracle, rue appelée la rue Neuve-Saint-Sauveur, rues de Cléry, de Bourbon, et autres rues adjacentes, sur le chemin qui conduit vers la Nouvelle-France et Montmartre».—3o Arrest de la Cour de Parlement en faveur des locataires et sous-locataires des maisons de la ville et fauxbourgs de Paris, pour leur descharge du loyer de Pasques dernier, avec reglement pour les baux, rentes foncières et autres constituées pour la construction des bâtiments, donné sur les requestes des proprietaires des dites maisons, et pour l'execution des arrêts precedents, des 10 et 14 du present mois et an, du 27 avril 1649, in-4.—4o Arrêt de la Cour de Parlement portant confirmation des arrêts des 10 et 14 de ce mois, pour la descharge du terme de Pasques, avec deffense aux propriétaires de presenter aucune requeste. Paris, Michel Metayer, demeurant isle Notre-Dame, sur le pont Marie, au Cygne, in-4. C'est d'abord la supplique de P. Chaoues, marchand fripier, artisan bourgeois de Paris, locataire d'une portion de maison sise au coin de la Petite-Friperie. Elle est dirigée contre maître Charles Fustel, bourgeois de Paris, qui, «en depit des arrêts precedemment rendus pour la descharge du loyer echu à Pasques», a fait saisir les meubles du requérant. Vient ensuite l'arrêt qui donne droit à la supplique, dans un dispositif où se trouve cette phrase, dejà en substance sur le titre: «Faict deffense de presenter aucune requeste en nom collectif des propriétaires.»—5o Arrest de la Cour de Parlement pour la descharge entière des loyers des maisons du quartier de Noël, escheu à Pasques dernier, du 19 may 1649. A Paris, chez Jean Brunet, rue Neuve-Saint-Louys, au Canon-Royal, près le Palais. Il est rendu sur une requête signée par un grand nombre des marchands qui figurent aussi dans celle que nous reproduisons. Ils ont leurs boutiques au Palais, aux grandes et petites salles, aux galeries des prisonniers en la Cour, «et aux environs des gros murs du Palais, rue Barillerie, et sur le Pont-aux-Changeurs». Ils objectent que ce qui les a engagés à se charger desdits loyers «a esté l'esperance qu'ils ont eue que le commerce et les manufactures, ausquels ils se sont appliqués les années dernières, continueroient comme du passé; mais il en arrive autrement dans les rencontres des barricades, suivies du blocus de Paris; et le malheur de ce temps a esté tel que tout le commerce des suppliants a esté ruiné; ils ont mesme perdu l'occasion des foires Saint-Germain, de Rennes et de Caen, pour lesquelles ils auroient preparé et où ils avoient accoustumé de debiter grand nombre de marchandises, qui leur sont demeurées inutiles pour estre changées de mode et de prix; et les suppliants ont encore souffert beaucoup de pertes au sujet des assemblées presque continuelles de la Cour, occupée aux affaires publiques, pendant lesquelles lesdits suppliants ont esté obligés de tenir presque toujours leurs boutiques fermées.»—En 1652, époque de la dernière Fronde, qui fut signalée par une nouvelle crise de misère, les requêtes des locataires recommencent. Celle que nous publions ici en est un exemple. Mais nous n'avons pu trouver l'arrêt qu'elle dut motiver, non plus que celui qui donna sans doute raison à une autre supplique du même genre, signée de Lefèvre, avocat au Conseil. Voici le titre de cette pièce, rappelée par M. Moreau, sous le no 3504 de sa Bibliographie des mazarinades: Requête presentée au roi, en son château du Louvre, par les pauvres locataires de la ville et faubourgs de Paris, le jeudi 24 octobre 1652, pour les exempter du paiement des termes de Pâques, Saint-Jean et Saint-Remy derniers. Paris, Noël Poulletier, 1604, in-4. On ne s'en étoit pas tenu alors à ces requêtes contre les propriétaires; quelques uns, notamment un nommé de Verneuil, avoient eu le projet de les faire financer par force pour les fonds nécessaires à l'expulsion du Mazarin. M. Moreau (no 2772) a donné une curieuse analyse du placet où se trouve émise cette singulière idée: Placet presenté à Son Altesse Royale par Jean Le Riche, sieur de Verneuile (sic), bourgeois et habitant de Paris, sur le moyen qu'il a donné à messieurs les princes de faire le dernier effort pour chasser le cardinal Mazarin sans fouler les peuples. Paris, veuve Marette, 1652, 7 pages, très rare, signé Verneuil. «Ce Verneuil, dit M. Moreau, propose de prendre aux propriétaires le quart du quartier échu à Pâques dernier, et offre d'en faire la recette. Il offre en outre de vendre deux maisons, l'une à la ville et l'autre à la campagne, pour les frais de la guerre et pour le prix de la tête de Mazarin!»

62: V. sur ce chef de bandes une pièce de notre t. 1er. Celle-ci contient quelques faits nouveaux sur lui et sur les bandits qui pilloient à son exemple et renchérissoient même sur ses ravages. On peut voir, au sujet de ces picoreurs du parti des princes, notre t. 5, p. 215, et le t. 6, p. 324, note 2.

63: V. t. 1er, p. 293, note.

64: Ce que fit le brigand Carrefour, enrôlé quelque temps dans le parti du duc de Nevers, est bien une preuve de la vérité de ce qu'on lit ici.

65: Cette exclamation revient comme une sorte de refrain à la fin de plusieurs paragraphes.

66: C'est à peu près ce qu'on lit textuellement dans la pièce de notre t. 1er, p. 294.

67: Guillery poussoit en effet ses entreprises jusqu'à Rouen; v. t. 1er, p. 298. Le coup de main dont le récit suit ne se trouve pas raconté dans la première pièce que nous avons donnée.

68: Cette devise de Guillery est donnée autrement dans le Journal de l'Estoille (11 sept. 1608): «Ils avoient pris pour devise, qu'ils avoient affichée en plusieurs arbres de grands chemins: Paix aux gentilshommes, la mort aux prevosts et archers et la bourse aux marchands. Ce qu'ils ont réellement exécuté maintefois, ayant tué tous les prevosts et archers qui estoient tombés entre leurs mains et devalisé les marchands. En sorte que, dans ces derniers temps, personne n'ose negotier ni aller aux foires à trente et quarante lieues de la retraite de ces voleurs.»

69: Les mots picoreur, picorer, que Ménage, d'accord en cela avec le Dictionnaire des rimes de La Noue, p. 35, dérive du latin pecorare, enlever des troupeaux, étoient arrivés dans la langue vers le temps d'Estienne Pasquier. Voir ses Recherches de la France, livre 3, ch. 8. On se rappelle la jolie phrase des contes d'Eutrapel sur ces gens de maraude «accoustrés de bons habillements que la damoiselle Picorée avoit faits et filés». Ce n'étoit pas seulement au temps des guerres que les soldats vivoient de ces pillages, ils n'en faisoient pas moins lorsqu'ils alloient pacifiquement par les provinces à la suite du roi. Un des Nouveaux satires d'Angot, sieur de l'Eperonnière, intitulé Les picoreurs, nous apprend ce que le voyage de Louis XIII, en 1620, coûta ainsi aux riches campagnes de la Normandie:

..... Un jeune pitaut me dit tout esperdu,
Les soldats sont au bourg, Monsieur, tout est perdu!
Cette engeance d'enfer, que la faim espoinçonne,
Froisse tout, pille tout, sans respect de personne;
Ils ont le diable au corps, et jurent devant tous
Que, par la digne tête, ils logeront chez vous.
J'aurois, j'aurois horreur de vous dire de bouche
Le desastre qu'ils font et dont le cœur me touche.
Ce ne sont point soudars, ce sont des picoreurs,
Qui sont de l'Ante-Christ les vrais avan-coureurs;
Leurs buletins sont faits, et déjà par la voie,
Comme loups affamés, ils courent à la proie.
Ils ont presque tué Flipin d'un coup d'estoc,
En defendant Janet, ses poules et son coq;
Ils ont rompu son meuble, et sa feme Isabelle
A perdu son sanfaix, son fil et sa cordelle;
Ils ont mangé sa cresme, ils ont son lard ravy.
Jamais un tel desordre au monde je ne vy.

70: C'étoit un genre de torture exercé sur les paysans par ces bandits, et qui consistoit à serrer violemment avec de fortes cordes le front du patient jusqu'à ce qu'il eût dit où se trouvoit tout ce qu'il avoit d'argent.

71: C'est-à-dire qu'ils leur serroient les pouces dans les ressorts de leurs arquebuses à rouets. Les locutions, encore populaires, serrer les pouces, faire mettre les pouces à quelqu'un, pour le faire céder, doivent venir de là.

72: C'est-à-dire comme Bulgares. Ils partageoient alors la réputation d'ivrognerie des Polonais, leurs voisins.

73: Il fut, en effet, rompu vif à La Rochelle; v. t. 1er, p. 300. La destruction de la bande de Guillery fut considérée comme un si grand bienfait pour les provinces ainsi délivrées que Henri IV accorda des lettres d'anoblissement à A. Legeay, l'un de ceux qui y avoient le plus contribué. Ces lettres ont été publiées par M. B. Fillon dans la Revue des provinces de l'ouest, no de décembre 1856.

74: Ce capitaine de la Garde nous est connu par une pièce non moins rare que celle-ci, et dans laquelle tous les faits curieux dont il ne donne ici qu'un résumé sont expliqués en détail. Cette pièce a pour titre: Factum de Pierre du Jardin, sieur et capitaine de la Garde, natif de Rouen, province de Normandie, prisonnier en la Conciergerie du Palais de Paris, contenant un abrégé de sa vie et des causes de sa prison, pour oster à un chacun les mauvais soupçons que sa détention pourroit avoir donnez, in-8, s. l. n. d. Il ne dit pas ici les causes de cette détention, mais son factum en parle longuement. Il paroît qu'il avoit été pourvu d'un office de contrôleur général, et que, pour quelques malversations dans l'exercice de cette charge, il avoit été arrêté et mis à la Bastille en 1615. Afin de donner une autre raison à son emprisonnement, et surtout pour attirer sur lui l'attention et la clémence du roi, il s'étoit mis à rappeler ou plutôt à imaginer de toutes pièces, au sujet du crime de Ravaillac, les révélations contenues ici, et dont une explication plus détaillée, mais non pas plus curieuse, se trouve dans son factum. Je ne pense pas qu'il soit question ailleurs de ces faits, qui, si l'on pouvoit en constater l'authenticité, seroient si intéressants pour l'histoire de l'assassinat de Henri IV.

75: C'est ce fameux ligueur dont on prétendoit que son homonyme, l'auteur des Caractères, étoit le descendant. Il avoit été lieutenant civil, et, en 1592, il avoit entamé des négociations particulières pour faire sa paix avec le roi. V. l'excellente édition donnée par M. Victor Luzarche du Journal historique de P. Fayet, p. 118-119.

76: V. sur ces faits notre t. 2, p. 296-297, notes.

77: Dans son Factum, le capitaine place cette visite chez Charles Hébert, après, et non pas avant, cette qu'il fit chez le jésuite Alagon. Voici comment il y raconte l'arrivée de Ravaillac, qu'il ne nomme pas, comme ici: «Pendant qu'ils estoient à table survint un certain homme à luy incogneu, vestu d'escarlatte violette, qui fut receu de la compagnie avec grandes caresses, et prié de manger avec eux. Il s'assit à table, et, enquis par quelqu'un des sus nommez quelles affaires l'amenoient à Naples, respond qu'il apportoit des lettres au vice-roy de Naples de la part d'un seigneur françois, lequel nomma, et dont le sieur de la Garde a déclaré le nom devant nos seigneurs du Parlement, lorsqu'il a esté interrogé, desquelles lettres il vouloit retirer responce après disner pour s'en retourner en France, où estant, il falloit qu'aux despens de sa vie il tuast le roy, et qu'il s'asseuroit de faire le coup. Le sieur de la Garde, estonné de ce discours, s'informa du plus proche de soy qui estoit cet homme. Il le luy nomma. Durant le disner furent tenuz plusieurs autres propos entremeslez de ce damnable dessin.»

78: D'après le Factum, la Garde auroit eu deux entrevues avec le jésuite. Dans la seconde, il lui auroit demandé de quelle manière il entendoit qu'il falloit tuer le roi. «Alagon respond que cela se pourroit faire d'un coup de pistolet à la chasse du cerf.»

79: Le fameux Sébastien Zamet, dans l'hôtel duquel Gabrielle d'Estrées sentit les premières atteintes du mal dont elle mourut. Il a déjà été souvent parlé de lui dans les notes de ces Variétés.

80: Dans le Factum, ce nom est écrit Rabbi. Suivant la même pièce, le capitaine, se rendant de Naples à Rome, se seroit arrêté à Gaëte, et c'est là qu'il auroit reçu, toujours au sujet du complot, des lettres de La Bruyère dont il sera parlé plus loin.

81: Savary, sieur de Brèves, qui fut en effet pendant six ans, de 1608 à 1614, notre ambassadeur à Rome. Les pièces relatives à son ambassade forment 3 vol. in-fol., conservés parmi les manuscrits de la Bibliothèque impériale. Gaillard en a donné des notices très curieuses. (Notices des manuscrits, t. 1.) V., sur M. de Brèves, Walckenaër, Vies de plusieurs personnages célèbres, in-8, t. 1, p. 232-238.

82: Sauf cette dernière phrase, si bien dans le caractère de Henri IV, tout ce qui précède se trouve, mais en d'autres termes, dans le Factum.

83: Nous trouvons cette pièce, si intéressante pour l'histoire des mœurs littéraires au XVIIe siècle, dans l'ouvrage très rare auquel nous avons déjà fait plusieurs emprunts: Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, par divers autheurs; à Paris, chez Charles de Sercy, M. DC. LXI, in-12, deuxiesme partie. Nous ne savons quel est le pauvre diable, à la fois poète et musicien, double métier de gueuserie, qui se trouve représenté ici sous le nom de Sibus. Il étoit d'autant plus difficile de le découvrir qu'un grand nombre de poètes de ce temps-là partageoient la même misère, et que c'est à peine si la plupart nous ont fait parvenir leurs noms. Est-ce Maillet, le Mytophilacte du Roman bourgeois, le poète crotté de Saint-Amant? Plus d'un détail le donneroit à penser; mais il étoit mort vieux en 1628, et il n'eût plus été en 1661 une figure de circonstance, surtout auprès de tant de pauvres diables qui n'avoient que trop bien rajeuni le type déguenillé. Je pencherois plutôt pour quelqu'un de ceux qui traînoient leur vie mendiante au milieu du Paris de la Fronde, comme cet auteur de Mazarinades qui, dans la pièce Les généreux sentiments de Mademoiselle, etc., Paris, 1652, in-4, raconte de quelle façon, «ayant été présenter des vers mal fagotés à un prince, il fut égratigné par un singe parcequ'il étoit mal vêtu»; comme Gomez encore et comme Civart, dont il est parlé dans une autre Mazarinade, La fourberie découverte, ou Le renard attrapé, 1650, in-4, p. 7:

Paris, qui m'a vu destiné
A cultiver la poésie...
Mais ce métier plein de folie,
Combien qu'il ait beaucoup d'appas,
N'apporte pas un bon repas.
Soyez-m'en témoin, je vous prie,
Et vous Gomès, et vous Civart,
Qu'on montre au doigt dedans le Louvre.

Le nom de Civart—si ce n'est pas encore un pseudonyme—est celui qui se rapproche le plus de celui de Sibus. C'est tout ce que nous pouvons dire, car ce Civart ne nous est connu que par cette seule pièce, et nous ne pouvons savoir si son existence eut quelque ressemblance avec celle qui est racontée ici, et qui semble avoir été plutôt faite à plaisir que d'après la réalité. Parmi les grands déguenillés de ce temps, n'oublions pas le géomètre Vaulezard, dont G. Naudé nous a fait le portrait à la page 270 du Mascurat.

84: Ce singulier traité de Heinsius a été traduit par Mercier de Compiègne; un autre du même genre, écrit par Th. Canterius, a été mis en françois par Simon, de Troyes. Le poème burlesque de J. Wolcott, the Lousiad, roule sur un sujet pareil. L'insecte chanté s'appelle, comme on sait, louse en anglois. Sur des facéties de même espèce, on peut chercher dans le recueil de Dornau, Amphitheatrum sapientiæ socraticæ jocoseriæ, Hanau, 1670, en deux parties.

85: Ce musicien, beau-père de Lulli, est trop connu depuis la 3e satire de Boileau et par quelques anecdotes de Tallemant pour qu'il soit besoin d'entrer sur son compte dans quelques détails.

86: C'est-à-dire comme Poucet, qui portoit, à ce qu'il paroît, dans les contes de nourrice, le nom qu'on lui donne ici, avant que Perrault eût immortalisé l'autre. Il n'a pas respecté cette particularité de sa naissance, mais elle a été religieusement conservée dans l'histoire de Tom-Thumb (Tom-Pouce), le petit Poucet des Anglois.

87: «C'estoit ainsi qu'on habilloit, dit Furetière (Roman bourgeois, édit. elzev., p. 330), les pauvres orphelins et les enfans de l'hospital, témoin ceux du Saint-Esprit et de la Trinité.»

88: Ce collége, l'un des plus fameux de l'ancienne Université de Paris, se trouvoit alors, non pas rue Saint-Jean-de-Beauvais, où il fut dans les derniers temps qui précédèrent la Révolution, et où il fut remplacé par une caserne, mais rue Saint-Etienne-des-Grès.

89: C'est-à-dire valet de classe, de l'allemand küster. Dans les Cent nouvelles nouvelles, on lit coustre.

90: Il faut lire ici, je crois, Manchy, abréviation de Mantchourie.

91: Les naïres sont, parmi les Indiens, les nobles qui portent les armes.

92: On connoît ces vers d'Alceste à Célimène sur cette mode des muguets du XVIIe siècle (le Misanthrope, acte 2, sc. 2):

Mais au moins, dites-moi, Madame, par quel sort
Votre Clitandre a l'heur de vous plaire si fort?
Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime
Appuyez-vous en lui l'honneur de votre estime?
Est-ce par l'ongle long qu'il porte au petit doigt
Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit?

On lit aussi dans la nouvelle tragi-comique de Scarron, Plus d'effet que de paroles, au sujet du prince de Tarente: «Il s'étoit laissé croître l'ongle du petit doigt de la gauche jusqu'à une grandeur étonnante, ce qu'il trouvoit le plus galant du monde.» Cette mode venoit sans doute de ce qu'il falloit gratter avec l'ongle, et non pas frapper, à la porte de la chambre du roi, pour annoncer qu'on désiroit entrer. Porter l'ongle long, c'étoit donc montrer indirectement qu'on étoit reçu chez Sa Majesté. Par flatterie, on grattoit aussi chez les gens les plus puissants. Tallemant, voulant donner une preuve du crédit de Desnoyers lorsqu'il mourut, dit: «On grattoit déjà à sa porte comme à celle du cardinal.» (Edit. in-12, t. 3, p. 78.)

93: C'étoit souvent alors le métier des pauvres diables d'auteurs ou de prêtres. V. dans notre tome 2, p. 79, le Factum du procez de messire Jean contre dame Renée.

94: C'est Lucien qui nous donne ce détail dans sa satire contre un ignorant qui faisoit une bibliothèque: «Mais pourquoi, dit-il, te rapporter les exemples d'Orphée et de Neanthus? De notre temps, il s'est trouvé un homme, et il est encore en vie, qui a acheté la lampe de terre d'Epictète trois mille drachmes: car il espéroit qu'en lisant les nuits à la lueur de cette lampe, la sagesse d'Epictète viendroit incontinent à lui pendant son sommeil, et qu'il deviendroit tout semblable à ce merveilleux vieillard.» Lucien parle encore du collectionneur qui acheta le bâton de Protée le cynique moyennant un talent (5,500 fr. à peu près). De notre temps, la canne de Voltaire, je dis la vraie, n'auroit pas été à la moitié de ce prix.

95: Ce sont les fragments mêmes d'un livre d'Erasistrate qu'Aulu-Gelle cite à ce sujet. (Noctes atticæ, lib. 16, cap. 3.)

96: C'est-à-dire de grosse toile, comme celle dont les paysans et les maçons avoient des habits. (Dict. de Trévoux.) Ce mot est mis ici par ironie, à cause de sa ressemblance avec celui de trélis, fine étoffe depuis très long-temps célèbre. (V. Fr. Michel, Recherches sur les étoffes de soie, t. 1, p. 115), et dont on fait encore l'habillement de jambe des gens à la mode:

Puis le bas de trélis honnête
Lui fait la jambe encor mieux faite.

(Vers à la Fronde sur la mode des hommes, 1650, in-4.)

97: C'est à Ratisbonne que se tenoient alors les diètes de l'Empire, à cause de la commodité qu'avoient les princes allemands d'y faire venir de leurs Etats des vivres à peu de frais.

98: C'étoit une étoffe de soie à longs poils dont on doubloit les manteaux.

99: C'est un des noms donnés à Montmaur dans l'une des nombreuses satires dont Sallengre a publié le recueil.

100: Nous avons vu Turlupin le souffreteux presque réduit à la même extrémité (V. t. 6, p. 62).

101: Cormier étoit l'un des fameux opérateurs du Pont-Neuf, l'une des célébrités populaires du Paris de la Fronde, époque badaude s'il en fut. Il est parlé de lui dans l'Agréable récit des barricades, dans le Ministre d'Etat flambé (1649, in-4), où il est mis au nombre des gens que les événements avoient ruinés:

Sur le Pont-Neuf, Cormier en vain
Plaint sa gibecière engagée.

Une autre mazarinade de la même année le met en scène: Les entretiens du sieur Cormier avec le sieur La Fleur, dit le Poitevin, sur les affaires du temps. Enfin, tout me porte à croire que c'est de lui qu'il est aussi question dans les Mémoires de Daniel de Cosnac (t. 1, 127-128), au sujet d'une querelle de préférence que Molière eut à soutenir pour être admis à jouer au château de la Grange, près de Pézenas, devant M. le prince de Conti. Cormier est en effet le nom du directeur dont on opposoit la troupe à la sienne. Or, notre opérateur devoit en avoir une. Tous ceux de son métier, surtout s'ils avoient sa célébrité et son importance, n'y manquoient pas alors. On le sait par l'Histoire de Barry, que le fils de ce grand charlatan a écrite à la suite du rarissime petit volume le Voyage de Guibray, etc., p. 146 et suiv.: «Mon père, dit-il, étoit à ces belles foires avec une troupe d'acteurs et d'actrices si excellents et si bien faits qu'on ne pouvoit les voir sans admiration... Il avoit les plus belles femmes de l'Europe et le plus magnifique théâtre qui fut jamais, soit pour les acteurs, soit pour les riches décorations qu'il avoit apportées de Venise.» Plus loin, il parle aussi du théâtre d'un autre illustre charlatan, de Mondor, qui avoit, dit-il, «fait le dessein de venir passer l'hiver à Rouen avec les débris de sa troupe, dont on avoit enlevé presque tout ce qu'il y avoit de bon pour l'hôtel de Bourgogne... La comédie, ajoute-t-il, n'étoit pas sur le pied qu'elle est aujourd'hui; les comédiens et les opérateurs vivoient amis et se voyoient très familièrement, comme gens qui avoient une très grande relation.» Cela dit, il ne vous semblera plus étonnant que Cormier eût, comme Barry, comme Mondor, une belle troupe, avec laquelle, lorsqu'il désertoit Paris, à l'exemple encore de ces grands opérateurs, il faisoit des caravanes par les provinces; et il vous paroîtra très vraisemblable que, dans une de ses courses à travers le midi, il ait pu se rencontrer avec Molière. Voici maintenant ce qui arriva lors de cette rencontre, où le grand comique, à ses commencements, faillit être obligé de céder le pas à un arracheur de dents, comme peu auparavant, à Nantes, il avoit vu pâlir son succès devant celui des marionnettes du Vénitien Segalla! (A. Guépin, Hist. de Nantes, p. 317.) Dans le récit de l'abbé de Cosnac, qui seul a parlé du fait, Cormier n'est que nommé, et personne ne s'étoit encore occupé de savoir qui il pouvoit être. «J'appris, dit l'abbé, que la troupe de Molière et de la Béjart étoit en Languedoc; je leur mandai qu'ils vinssent à La Grange. Pendant que cette troupe se disposoit à venir sur mes ordres, il en arriva une autre à Pézenas, qui étoit celle de Cormier. L'impatience naturelle de M. le prince de Conti et les présents que fit cette dernière troupe à Mme de Calvimont engagèrent à les retenir. Lorsque je voulus représenter à M. le prince de Conti que je m'étois engagé à Molière sur parole, il me répondit qu'il s'étoit depuis long-temps engagé à la troupe de Cormier, et qu'il étoit plus juste que je manquasse à ma parole que lui à la sienne. Cependant Molière arriva, et, ayant demandé qu'on lui payât au moins les frais qu'on lui avoit fait faire pour venir, je ne pus jamais l'obtenir, quoiqu'il y eût beaucoup de justice; mais M. le prince de Conti avoit trouvé bon de s'opiniâtrer à cette bagatelle. Ce mauvais procédé me touchant de dépit, je résolus de les faire monter sur le théâtre à Pézenas et de leur donner mille écus de mon argent plutôt que de leur manquer de parole. Comme ils étoient prêts de jouer à la ville, M. le prince de Conti, un peu piqué d'honneur par ma manière d'agir, et pressé par Sarazin, que j'avois intéressé à me servir, accorda qu'ils viendroient jouer une fois sur le théâtre de La Grange. Cette troupe ne réussit pas, dans sa première représentation, au gré de Mme de Calvimont, ni par conséquent au gré de M. le prince de Conti, quoiqu'au jugement de tout le reste des auditeurs elle surpassât infiniment la troupe de Cormier, soit par la bonté des acteurs, soit par la magnificence des habits. Peu de jours après, ils représentèrent encore, et Sarazin, à force de prôner leurs louanges, fit avouer à M. le prince de Conti qu'il falloit retenir la troupe de Molière, à l'exclusion de celle de Cormier. Il les avoit suivis et soutenus dans le commencement à cause de moi; mais alors, étant devenu amoureux de la Du Parc, il songea à se servir lui-même. Il gagna Mme de Calvimont, et non seulement il fit congédier la troupe de Cormier, mais il fit donner pension à celle de Molière.» M. Sainte-Beuve (Causeries du lundi, t. 6, p. 240) a écrit avec raison qu'après «ce passage, qui nous touche par la destinée du grand homme qui y est mis en jeu et s'y agite si indifféremment, on se sent pénétré d'une amère pitié». Qu'eût-il dit s'il eût été amené à savoir que le chef de troupe qu'on faillit lui préférer n'étoit, comme je le crois, qu'un arracheur de dents!

102: C'est-à-dire s'il est pris. Le plus souvent cette locution s'employoit pour un homme marié. V. Oudin, Curiosités françoises.

103: On peut rapprocher de cet éloquent boniment, pour employer l'expression argotique en cours aujourd'hui, les discours que Sorel, dans le Francion (1673, in-12, p. 530 et 562), fait tenir sur le Pont-Neuf à un arracheur de dents et à un charlatan. C'est de la réclame de même force et de même style. Cette ressemblance et quelques autres détails de fait et de forme me donneroient presque à penser que cette histoire du poète Sibus pourroit bien être de Sorel.

104: Furetière, dans sa satire les Poètes, parle aussi des procédés de ces mendiants à la dédicace:

Il espéroit tirer cent écus du libraire,
Et vendre cent louis l'epistre liminaire,
Prenant pour protecteur quelqu'orgueilleux faquin
Qui payroit chèrement l'or et le maroquin.

105: C'est justement la manœuvre que M. Scribe a renouvelée dans son Charlatanisme pour faire vendre le livre de son intéressant médecin, le docteur Rémy.

106: C'est sans doute le lieu, voisin du Pont-Neuf, où se tenoit le charlatan qui vendoit la drogue fameuse dont nous avons déjà parlé dans une note de notre édition du Roman bourgeois (p. 106), et qui lui devoit son surnom. L'Orviétan est souvent rappelé dans les Mazarinades; il y est même mis en scène, témoin les Sanglots de l'Orviétan sur l'absence du cardinal Mazarin et son adieu, en vers burlesques, 1649, in-4; Dialogue de Jodelet et de l'Orviatan (sic) sur les affaires de ce temps, 1649, in-4.—Je dois à une obligeante communication de M. J. Ravenel de savoir le véritable nom de cet homme célèbre. Voici la mention qu'il a trouvée à l'Hôtel-de-Ville, dans les registres de la paroisse de Saint-Jacques-du-Haut-Pas: «Christophe Contugi, dit de Lorvietan (il signe Lorvietano), temoin (4 janvier 1652) au mariage de Jean-Baptiste Valeri et Catherine Marcovis.»

107: Tragédie de Tristan Lhermite, qui, jouée en 1636, balança le succès du Cid (Histoire du théâtre français, t. 5, p. 191). Mondory jouoit le rôle d'Hérode, qui lui coûta bon, comme dit Tallemant, «car, comme il avoit l'imagination forte, dans le moment il croyoit quasi être ce qu'il representoit, et il lui tomba, en jouant ce rôle, une apoplexie sur la langue qui l'a empêché de jouer depuis.» (Edit. in-12, t. 10, p. 45.)

108: Tragédie de du Ryer, jouée en 1639. C'est là que M. le duc de La Rochefoucauld prit les deux vers dont il fit la devise de son amour pour Mme de Longueville:

Pour obtenir un bien si grand, si précieux,
J'ai fait la guerre aux rois, je l'aurois faite aux dieux.

109: C'est la tragédie de Corneille, jouée en 1647.

110: Comédie de Desmarets, représentée en 1637 avec un immense succès. On l'appeloit l'inimitable comédie.

111: On sait que c'est l'exclamation de Chimène, dans le Cid:

Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau:
La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau.

112: C'est la tragédie de Rotrou, jouée en 1643, imprimée l'année suivante, Paris, Anthoine de Sommaville, in-8.

113: Ce vers est en a parte dans la scène 2 du 1er acte.

114: Tragi-comédie de Gabriel Gilbert, imprimée en 1642, puis réimprimée plus tard sous le titre de Philoclée et Téléphonte. «Cette pièce, où Richelieu déposa quelques pensées et quelques vers, fut jouée par les deux troupes royales.» (Catal. Soleinne, t. 1, p. 265.) La Chapelle en reprit le sujet en 1682, et en tira une tragédie qui eut quelque succès.

115: C'étoit l'opinion de La Fontaine, et l'on sait comment un jour, au milieu même d'une discussion à ce sujet, Boileau lui prouva par un argument ad hominem la vraisemblance des a parte. (V. Walckenaer, Histoire de la vie et des ouvrages de J. de La Fontaine, 1re édit., p. 78-79.)

116: Ces dénoûments étoient de tradition antique. Il est rare que les pièces de Térence ou de Plaute finissent autrement.

117: «Qui cuide estre plus qu'il n'est, dit Nicot, qui a trop grande opinion de soi.» Montaigne l'a employé dans une phrase où, comme le remarque Coste, il avoit mis vain dans la première édition. C'est établir au mieux la synonymie très prochaine de ces deux mots.

118: C'est, comme vous savez, le beau mouvement de la 1re scène du 5e acte du Cid.

119: C'est parodier sans bonne foi l'admirable vers de cette même pièce:

Sors vainqueur d'un combat dont Chimène est le prix.

120: Huet, dans son traité de l'Origine des romans, a aussi employé ce mot, en même temps que celui de romancier.

121: C'est le roman en 10 vol. de La Calprenède. Son grand succès avoit commencé en 1642.

122: C'est le roman satirique décoché par Sorel contre les ridicules de l'Astrée et autres pastorales prétentieuses. L'éloge qu'on en fait ici me confirme dans l'opinion que Sorel pourroit bien être l'auteur de cette Histoire de Sibus. On n'est jamais si bien loué que par soi-même. Et qui alors auroit loué Sorel, si ce n'est Sorel?

123: Typhon, ou la Gigantomachie, poème burlesque de Scarron.

124: Ici Mamurin est bien Montmaur. Ces apophthegmes ne se trouvent pas dans le recueil de Sallengre, Histoire de P. de Montmaur.

125: C'est-à-dire une série de sommaires commençant par ce mot comme. C'étoit un des procédés adoptés dans les ouvrages burlesques en prose. Sarrazin l'a employé pour la Pompe funèbre de Voiture. On en trouvera un exemple plus loin.

126: On a raconté cette anecdote de beaucoup d'autres et avant Colomb. V. notre petit livre l'Esprit dans l'histoire, p. 10, note.

127: Ce qui va suivre rentre dans la catégorie des Bibliothèques imaginaires, et il se pourroit que Furetière s'en fût inspiré pour le Catalogue des livres de Mytophylacte (Roman bourgeois, édit. elzev., p. 312).

128: Fameux stoïque, trop fidèle aux doctrines de sa secte pour tomber dans cette mendicité des dédicaces.

129: L'Aventurier Buscon, histoire facetieuse, et le Chevalier de l'Epargne, traduit de l'espagnol de Francisco Quevedo (par de la Geneste). Paris, P. Billaine, 1633, in-8.

130: C'est ainsi qu'on disoit alors. V. Fr. Michel, Etudes de philologie comparée sur l'argot, p. 107-108.—Pour les fameux de l'ordre, il y avoit même un titre plus élevé; on disoit un marquis de l'industrie. Le 25 janvier 1698 le Théâtre-François joua une pièce sous ce titre.

131: On peut lire sur Rangouze un intéressant chapitre des Essais de littérature de l'abbé Trigaud (1703, in-12, t. 2, p. 72), et sur ses procédés louangeurs une bonne note de la Bibliographie des mazarinades, par M. Moreau (t. 1, p. 421). C'est Tallemant surtout qui nous édifie au mieux sur les mille subtilités de son négoce et sur les profits qu'il y fit: «Il n'en a plus montré, dit-il en parlant de ses Lettres, que celles qu'il a écrites en son nom à toutes les personnes de l'un et l'autre sexe qui pouvoient lui donner quelque paraguante; il en fit un volume imprimé de ces nouveaux caractères qui imitent la lettre bastarde, et, par subtilité digne d'un gascon, il ne fit point mettre de chiffre aux pages, afin que, quand il presentoit son livre à quelqu'un, son livre commençant toujours par la lettre qui estoit addressée à celui à qui il le presentoit, car il change les feuillets comme il veut en le faisant relier. Vous ne sçauriez croire combien cela luy a vallu. Il y a dix ans qu'il advoua à un de ses amys qu'il y avoit gaigné quinze mille livres, qu'il employa fort bien en son pays, car je crois qu'il a famille; depuis, il a toujours continué. Le comte de Saint-Aignan lui donna cinquante pistoles.» (Edit. P. Paris, t. 5, p. 2.)—On peut se convaincre de la vérité de ce que dit Tallemant par l'examen de quelques exemplaires du recueil de Rangouze. V., sur ses dédicaces, le Roman comique, édit. V. Fournel, Biblioth. elzev., t. 1, p. 253.

132: Ces dons d'habits plus ou moins complets étoient fort bien de mise en ce temps-là. Les comédiens, qui ne s'affubloient guère qu'avec des défroques prises à la friperie, comme dit Tallemant aux premières lignes de l'Historiette de Mondory, s'en accommodoient mieux que personne. L'Eslite des bons vers, choisis dans les ouvrages des plus excellents poëtes de ce temps (Cardin Besongne, 1653, 2e partie, Recueil de diverses poésies, p. 15), contient des «stances adressées au duc de Guise sur les presents qu'il avoit faits de ses habits aux comediens de toutes les troupes». Parmi les comédiens nommés se trouvent Beys, la Béjart et Molière.

133: Ce may des imprimeurs étoit un placard en vers, assez maigrement payé sans doute à quelque rimeur famélique, comme Sibus, et que les membres de la corporation affichoient dans leur boutique, auprès du rameau de verdure détaché du mai annuel et votif de la confrérie. A Lyon, l'arbre consacré étoit planté devant la porte du gouverneur. On connoît les vers que Clément Marot fit pour le may de 1529, en l'honneur de Théodore de Trivulce, alors gouverneur de Lyon. V. Delandine, De la milice et garde bourgeoise de Lyon, 1767, in-4; Œuvres de Marot, édit. Longlet Dufresnoy, in-12, t. 3, p. 36.

134: C'est-à-dire la balance à mettre les sonnets, pour voir s'ils avoient le poids, comme les pistoles bien trébuchantes dont parle l'Harpagon de Molière.

135: Le patagon ou patacon étoit une monnoie d'argent en cours en Espagne, et de la valeur d'une once. De là vient, selon M. Francisque Michel, l'origine de la locution populaire sur la poudre de patagon, qui fait courir les filles après les garçons. (Etudes de philologie comparée sur l'argot, p. 314.)

136: Cette pièce, à en croire le P. Le Long, est de du Haillan. Rien ne répugne à cette opinion. On retrouve en effet dans les pensées et dans le style, avec plus de concision toutefois et plus de logique, les procédés de l'historiographe de Charles IX et de Henri III. Du Haillan d'ailleurs étoit de Bordeaux, et c'est ce qui expliqueroit pourquoi c'est dans cette ville que parut la première édition de son Discours, qui ne fut réimprimé à Paris que huit ans plus tard, c'est-à-dire en 1594. Le titre de cette édition parisienne, donnée par P. L'Huillier, pet. in-8, porte 1574, mais à tort: car le Discours de Jean Bodin, dont l'auteur de celui-ci déclare s'être inspiré, n'avoit paru qu'en 1578, c'est-à-dire l'année même où l'extrême cherté de toutes choses avoit ému le gouvernement et lui avoit donné l'idée de réunir, afin d'y aviser, tous les notables du commerce, de la bourgeoisie et de la magistrature. Ces assemblées, sortes d'états généraux de l'économie politique, comme l'a fort bien dit M. Paul Lacroix dans un récent et remarquable travail sur cette matière (Rev. contemporaine, 31 déc. 1856), se tinrent à Sain-Germain-des-Prés. Elles n'aboutirent à rien, sinon à faire prouver, en paradoxes, par les gens du roi, les sieurs de Malestroit et François Garrault, sieur de Gorges, «que rien n'estoit enchery depuis trois cents ans». Les gouvernements sont toujours les mêmes: dire que le mal n'existe pas, voire le faire prouver, au besoin, leur paroît plus facile que d'y remédier. Le meilleur avis qui fut donné étoit, comme toujours, de ceux qu'on ne demandoit pas: c'est celui de Jean Bodin. De lui-même, et un peu à l'instigation du duc d'Alençon, frère du roi, qui, là comme partout, ne cherchoit qu'à jouer un rôle d'opposition, Bodin eut à cœur de dire leur fait à M. de Malestroit et à ses paradoxes, comme ledit sieur intituloit lui-même sa façon de penser, tant il la savoit opposée à la manière de voir de tout le monde, autant dire au sens commun. De là l'origine du Discours de Bodin, dont, encore une fois, celui de du Haillan n'est qu'une sorte de résumé venu après coup, mais non pas inutilement toutefois. En 1586, en effet, le mal avoit empiré, et, à défaut de Jean Bodin lui-même, alors perdu dans la Démonomanie, il falloit bien que quelqu'un reprît sa thèse. M. P. Lacroix, dans l'article cité plus haut, pense (p. 361) que l'auteur qui se cache ici pourroit bien être Michel Montaigne. Il est vrai qu'il n'insiste pas. Cette idée lui étoit venue sans doute en voyant que Bordeaux étoit le lieu de première publication. Mais nous avons dit que cette particularité s'explique fort bien pour du Haillan.

137: Pour tout ce qui suit, Bodin donne les mêmes chiffres (Discours de Jean Bodin sur le rehaussement et diminution des monnoyes tant d'or que d'argent, et le moyen d'y remédier; et responce aux paradoxes de M. de Malestroict. Paris, 1578, in-8, sans pagination); seulement, non plus que du Haillan, il ne complète pas la comparaison en disant à quel prix les choses se payoient de son temps. Tout le monde le savoit si bien qu'il croyoit oiseux d'en donner le détail. Nous allons tâcher de remplir cette lacune, en ne nous éloignant que le moins possible de l'époque dont il est question.

138: En 1567, jugez de l'augmentation: elle se vendoit 5 sols, et cela d'après l'ordonnance donnée cette année-là, le 4 février, et relative à la police générale du royaume, chap. pour la volaille.

139: Dans l'ordonnance de février 1567, le prix de la perdrix est marqué à 5 sols.

140: En 1601, d'après l'Essai sur les monnoies, par Dupré de Saint-Maur, un mouton se vendoit 4 livres.

141: Un porc, d'après un livre de 1582, le Miroir des François, par de Montaud, chap. Taux des vivres, se vendoit 15 livres vers l'époque dont il s'agit.

142: Loysel dit que de son temps, c'est-à-dire toujours à l'époque dont il est question, le setier de froment, mesure de Paris, se vendoit 5 livres 12 sols. Voy., dans ses opuscules, Remontrances à M. Dupin sur les magasins de blé.

143: En 1577, le botteau ou la botte de foin se vendoit dix fois autant. L'ordonnance donnée cette année-là, le 21 novembre, sur la police générale, marque, au chapitre Police pour le foin, que la botte se payoit 1 sol.

144: En 1582, d'après de Montaud (Miroir des François, chap. Taux des vivres), le prix du muids de vin, mesure de Paris, étoit de 12 livres.

145: En 1600, d'après Dupré de Saint-Maur, Essai sur les monnoies, elle étoit de 5 sols.

146: Nous ne savons quel étoit alors le prix de l'oie, mais, d'après de Montaud (Ibid.), celui du dindon étoit de 20 sous en 1582.

147: Lapin. D'après l'ordonnance de février 1567 sur la police des tavernes et cabarets, le prix du connil de garenne est marqué à six sous, et celui du connil de clapier à trois.

148: On sait qu'au moyen âge on servoit sur les tables des paons rôtis.

149: En 1567, le gros ramier se vend trois sols, et le bizet vingt deniers. Ce sont les prix de l'ordonnance du mois de février.

150: D'après le Reglement du prevost de Paris donné le 17 octobre 1601, on payoit 45 livres de gages au premier valet de charrue, 25 livres aux autres valets, 12 livres à la ménagère, 36 au maître berger.

151: L'altération des monnoies étoit aussi alors un des grands sujets de plainte. Jean Bodin, qui veut entre autres choses qu'on réduise «toutes les monnoies à trois sortes et au plus haut titre qu'il sera possible», s'occupe longuement de cette question. Elle est abordée avec plus de détail et de compétence encore dans le Traicté et advis sur les poincts controversez au faict des monnoyes (par François Le Bogue, advocat général du roy en la Cour des monnoyes). Paris (1600), in-8. On y trouve, p. 12-14, un chapitre des Pieces fausses et altérées. Les monnoies du cardinal de Bourbon, ayant, dit l'auteur, «l'effigie et legende d'un roi imaginaire», sont du nombre. Elles avoient cours, «à notre grande confusion», dit Le Bogue, et, à ce qu'il paroît, en grand nombre.

152: La plupart des détails qui suivent se trouvent aussi dans le Discours de Jean Bodin, mais avec moins d'étendue. Du Haillan, contre son ordinaire, développe au lieu de résumer. Il s'agit de faits historiques, et l'historiographe, s'y laissant prendre, bavarde malgré lui.

153: Du Haillan s'inspire ici directement et presque textuellement de Jean Bodin, qui voit, lui aussi, dans l'abondance de l'or circulant alors en France, une des grandes raisons du renchérissement général, la cause «principale et presque seule, que, dit-il, personne jusques icy n'a touchée»... M. H. Baudrillart (J. Bodin et son temps, Paris, 1853, in-8, p. 169) loue en cela la sagacité de ses appréciations et la portée de ses vues. M. Paul Lacroix, qui ne peut nier que, sous le rapport de l'accroissement du numéraire, cette période du XVIe siècle ressemble beaucoup à notre époque inondée par l'or de la Californie et de l'Australie, trouve aussi beaucoup de justesse dans le raisonnement de Bodin, dans les expédients qu'il propose, lesquels, dit M. Lacroix, «l'économie politique du XIXe siècle ne sauroit repousser ni dédaigner complétement». (Revue contemporaine, 31 déc. 1856, p. 357.)

154: Bodin parle ainsi du monopole organisé en véritable conspiration contre l'acheteur, et qu'il propose d'anéantir, comme le vouloit le chancelier Poyet, par le retranchement des confréries: «Rien, dit-il, n'est aussi considerable comme occasion de cherté que les monopoles des marchands, artisans et gaigne-deniers; lorsqu'ils s'assemblent pour asseoir le pris des marchandises ou pour encherir leurs journées et ouvrages, et parceque telles assemblées se couvrent ordinairement du voile de religion, le chancelier Poyet avoit sagement advisé qu'on devoit oster et retrancher les confrairies, ce qui a esté confirmé à la requeste des Estats d'Orléans, tellement qu'il n'y a point faute de bonnes loix.» Seulement il faudroit les exécuter. Bodin ne le dit pas, mais ce n'est pas faute de le penser. Du Haillan reviendra plus loin lui-même sur cette idée de supprimer les confrairies.

155: Encore une idée de Bodin. Il en vient à dire qu'en raison des dégâts de la traitte qui fait passer en Espagne et en Flandre tout le blé françois, on doit presque souhaiter d'avoir la guerre avec les Espagnols; tant qu'elle dure, en effet, le grain ne sort pas de France et le pain est à meilleur marché. Il s'explique ainsi sur l'avidité des Espagnols et des Portugais à se jeter sur nos grains, leurs terres étant presque toutes incultes, à cause des expéditions d'outre-mer, qui enlevoient tous les bras disponibles: «Or, dit-il, il est certain que le blé n'est pas si tost en grain que l'Espagnol ne l'emporte, d'autant que l'Espagne, hormis l'Aragon et la Grenade, est fort sterile, joint la paresse qui est naturelle au peuple, comme j'ay dit, tellement qu'en Portugal les marchands blattiers ont tous les priviléges qu'il est possible, et, entr'autres, il est défendu de prendre prisonnier quiconque porte du blé à vendre, autrement le peuple accableroit le sergent, pourvu que celuy qui porte le blé dise tout haut: Traho trigo, c'est-à-dire je porte du blé.»

156: J. Bodin parle aussi du goût croissant pour les tableaux et du haut prix qu'on y mettoit: «Nous en avons, dit-il, de Michel-Ange, Raphaël Durbin, de Durel (Durer), et, sans aller plus loing, un de M. de Clagny (P. Lescot) en la galerie de Fontaine-Beleau, qui est un chef-d'œuvre admirable que plusieurs ont parangonné aux tableaux d'Appelles... C'est donc, en partie, ajoute-t-il, le plaisir des grands seigneurs qui fait les choses enchérir.»

157: Du Haillan, remarquez-le, écrit en 1586; or, en 1578, Malestroit se plaignoit de même, ce qui prouve qu'alors les années se suivoient et se ressembloient, c'est-à-dire étoient toutes désastreuses. Selon Malestroit, l'année 1578 avoit été tellement mauvaise qu'il eût été injuste d'évaluer d'après elle le prix courant des denrées. «Pour en faire le compte, dit-il, parlant des marchandises qui sont plus périssables, comme bled, vins, etc., il n'est pas raisonnable de nous fonder sur cette année, qui est la plus estrange et irregulière qui ait, par aventure, jamais été vue en France, que les bleds et vins ont esté quasi tous perdus, voire le bois des vignes et les noyers gelez.» (Les paradoxes du seigneur de Malestroict, conseiller du roy et maistre ordinaire de ses comptes, sur le faict des monnoyes, presentez à Sa Majesté au moys de mars MD. LXXVI. Paris, 1578, in-8, sans pagination.)

158: Aujourd'hui l'on diroit le cœur. Léon Trippault, dans ses Antiquités d'Orléans, se sert de la même expression pour la ville dont il parle, quand il dit qu'elle est le nombril de Loyre.

159: Ce commerce d'échange se faisoit surtout pour les menus objets. A Rome, les petits marchands d'allumettes ne demandoient pas d'argent, mais seulement du verre cassé. V. Juvenal, sat. 5, v. 47; Stace, Sylves, liv. 1, sylv. 6, v. 72. A Paris, au moyen âge, le pain se vendoit comme monnoie courante: on le voit par les Crieries de Guillaume de Villeneuve. A Londres, on entendoit partout crier: L'eau pour le pain; les fagots pour le pain; l'aiguille pour le vieux fer; des balais pour de vieux souliers (Old shoes for some broom)!

160: Aussi ces mines, comme la plupart de celles de l'Europe, avoient-elles été abandonnées. V. Monteil, Hist. des François des divers états, édit. Lecou, XVIe siècle, p. 257, et aux notes, p. 73-74.

161: Sur la richesse de ce commerce en France, voy. notre t. 3, p. 3, note.

162: Le meilleur venoit de France, surtout d'Angoulême. C'est là que les Elzeviers se fournissoient. Jusqu'au 18e siècle l'Angleterre s'approvisionnoit encore chez nous. V., sur la cherté du papier dans ce pays à cette époque, Le pour et le contre, de l'abbé Prevost, t. 1, p. 323.

163: Sur cette précieuse monnoie, dont on attribuoit la fabrication à Raymond Lulle, V. la Notice de M. de Lécluze sur cet alchimiste, p. 28, et le Rabelais, édit. Variorum, t. 2, p. 344.

164: Bodin dit la même chose: «Cela fait, écrit-il, que l'Anglois, le Flameng et l'Ecossois, qui font grande trafique de poissons salez, chargent bien souvent de sables leurs vaisseaux, à faute de marchandises, pour venir acheter notre sel à beaux deniers comptant.»

165: Ce mot étoit alors du féminin. La citation donnée dans la note précédente en est un exemple. On lit aussi dans Des Periers (conte XI): «Une jeune femme... fut mariée à un marchand d'assez bonne traficque.»

166: Sur l'importance et l'étendue de notre commerce d'exportation à cette époque, voyez plusieurs pages très curieuses de la Galerie philosophique du XVIe siècle, par de Mayer, t. 2, p. 323-326. V. aussi le Discours de Bodin.

167: C'étoit un mot importé d'Espagne depuis quelque cinquante ans. Dans le Moyen de parvenir, il est parlé du conte de Madame des Manigances, édit. 1757, t. 1, p. 130. «Le mot manganilla (intrigue, tour d'adresse), mot à peu près perdu en Espagne aujourd'hui, dit M. Philarète Chasles, devient manigance et se conserve parmi nous.»

168: Ceci est pris à peu près textuellement dans le Discours de Bodin. Dans le Traicté et advis de François de Bogue, p. 43, il est aussi parlé de ces monnoies qu'on peut appeler de nécessité: «Les princes, dit-il, se sont servi, pour la fabrication de leurs monnoies, de matière vile et de peu de valeur, comme de cuyvre-cuir dont parle Senèque, et comme il fut fabriqué par Frideric, qui la retira par après, plomb et papier, comme il se veoit en quelques autheurs.»

169: C'est le cardinal de Tournon qui, en 1543, à son retour d'Italie, avoit conçu le projet de cette banque. François Ier l'adopta et, sur le conseil du cardinal, ouvrit l'emprunt à huit pour cent. (De Mayer, Galerie philosophique, t. 1, p. 144.) On ne s'en tint pas là. «Le roy François Ier, dit Bodin, commença à prendre l'argent à huict, et son successeur à dix, puis à seize, et jusques à vingt pour cent, pour sa nécessité.» Jugez dès lors de l'empressement des Italiens à venir verser leur argent dans cette caisse, par préférence à toute autre.

170: Les rentes constituées sur la ville de Paris montoient alors, selon Bodin, à trois millions trois cent cinquante mille livres tous les ans.

171: Mêmes réflexions dans le discours de J. Bodin, mais appuyées d'exemples: «Vray est, dit-il, avec une sûreté de raison dont du Haillan n'a fait que s'inspirer et qui seroit bonne encore à écouter aujourd'hui, vray est que les ars mecaniques et la marchandise auroient bien plus grand cours, à mon advis, sans être diminués par la traficque d'argent qu'on fait; et la ville seroit beaucoup plus riche si on faisoit comme à Gênes, où la maison Saint-Georges prend l'argent, de tous ceux qui en veulent apporter, au denier vingt, et le baille aux marchands, pour trafiquer, au denier douze ou quinze, qui est un moyen qui a causé la grandeur et richesse de cette ville-là, et qui me semble fort expedient pour le public et pour le particulier.»

172: Tout le passage qui suit est cité par de Mayer, dans la Galerie philosophique du XVIe siècle, t. 2, p. 162, mais sans indication de la source, ce qui embarrasse beaucoup les lecteurs de son livre très curieux.

173: Du Haillan est tout près de demander ici qu'on en revienne à l'édit somptuaire de Philippe-le-Bel, rappelé un peu plus tard, comme on sait, dans les Caquets de l'accouchée. V. notre édition, p. 12.

174: C'étoient les fameux cabaretiers du temps. Dans le Discours de Bodin, le More est seul cité; il étoit de tous le plus en vogue; L'Estoille en parle. Un peu plus tard il y eut le cabaret du Petit-More, où alloit Saint-Amand, et dont l'enseigne: Av peti Mavre, se voit encore au dessus d'un marchand de vin faisant le coin de la rue de Seine et de celle des Marais-Saint-Germain. Sur ces cabarets à gros écots, dont le prix ne fit qu'augmenter au 17e siècle, V. notre édit. des Caquets, p. 28, note, et notre t. 3, p. 318.

175: Le chancelier de L'Hospital en avoit pensé ainsi. Sa proscription s'étoit étendue jusqu'aux petits pâtés, jusqu'aux brioches et pains d'épices, qu'en 1568 il avoit défendu à toutes personnes de vendre en leurs maisons, par la ville et fauxbourgs de Paris. Au mois de janvier 1563, il avoit rendu un édit par lequel sont réglementées de la façon la plus sévère toutes les choses dont du Haillan déplore ici la prodigalité et l'abus. On voit par-là de quelle manière l'édit avoit été observé: «On a fait de beaux édits, mais ils ne servent de rien», dit Bodin dans son Discours, et c'est vrai là, comme partout à cette époque, la plus sagement réglée en théorie et la plus déréglée en pratique.

176: Plus tard on dit carrousse, faire carrousse; le premier mot se rapprochoit davantage de la racine allemande gar-auss (tout vidé). H. Etienne (Dialogue du nouveau langage françois italianizé) se moque de l'introduction de ce mot, auquel il donne l'orthographe qu'il a ici:

«Nous pouvons en certains cas, dit-il, non seulement italianizer, mais aussi hespagnolizer, voire germanizer; ou (si vous aimez mieux un autre mot) alemanizer, comme aussi nous faisons, et notamment en un mot qui est introduit depuis peu de temps. Phil. Quel mot? Celtoph. Carous. Car j'ay ouy dire souvente fois depuis mon retour faire carous; et quelquefois tout en un mot aussi carousser. Et n'est-ce pas la raison de retenir le mot propre des Allemands, puisque le mestier vient d'eux, comme aussi desjà nos ancestres avoient pris d'eux ce proverbe: Bon vin, bon cheval.»

177: Il en fut ainsi dans plusieurs parties de la France, à ce point que, la quantité de blé s'en trouvant trop diminuée, «quelques parlements, dit Lemontey (Histoire de la régence), ordonnèrent qu'on arrachât les vignes plantées depuis 1700.»

178: V., sur la mode des pavillons qui remplaça alors celle des tours rondes, du Cerceau, Des bastiments de la France, 1576, chap. Chambord.

179: Sur ces belles boiseries à cannelures et à moulures dont du Haillan a tort de médire ici, V. l'Architecture de Philibert Delorme, liv. 2, ch. 5.

180: Rabelais parle déjà lui-même de ces beaux faîtiers en plomb, avec ornements dorés. V. Gargantua, liv. 1, ch, 53, Comment feust bastie l'abbaye de Thelesmes.

181: Sur tout ce luxe de tapisseries, V. encore Rabelais, ibid., ch. 55; V. encore Antiquités de Paris, liv. 9, ch. Tapisseries.

182: On doroit alors déjà le bois des fauteuils, ou bien on l'argentoit. V. Description de l'isle des Hermaphrodites, au chap. Suite de la relation.

183: On faisoit alors des crêpes de soie d'or et d'argent, des satins rayés d'or, des velours à ramages d'or. V. Statuts des tissatiers, rubanniers, ouvriers en draps d'or, homologués par le roi, en août 1585, art. 26; v. aussi l'Ordonnance du roy pour le règlement et réformation de la dissolution et superfluité qui est ès habillements et ornements d'iceux, 24 mars 1583.

184: On diroit qu'il y a dans ce passage un souvenir de celui-ci, de Martin du Bellay, au sujet de la magnificence des seigneurs lors de l'entrevue de François Ier et de Henri VIII: «On nomma la dite assemblée le Camp du drap d'or..., tellement que plusieurs y portèrent leurs moulins, leurs forêts et leurs prez sur leurs espaules.» (Mémoires de sire Martin du Bellay, coll. Petitot, 1re série, t. 17, p. 286.) La même chose avoit été mise en farce, comme on le voit par le Journal d'un bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, publié par M. Lud. Lalanne. On lit à la date du 24 avril 1515: «En ce temps, lorsque le roy estoit à Paris, y eust un prestre qui se faisoit appeler Monsr Cruche, grand fatiste, lequel, parce que un peu devant, avec plusieurs autres, avoit joué publiquement à la place Maubert, sur eschafaulx, certains jeux et novalitez, c'est assavoir sottye, sermon, moralité et farce, dont la moralité contenoit des seigneurs, qui portoient le drap d'or à Credo, et emportoient leurs terres sur leurs espaules, avec autres choses morales et bonnes remonstrations; et à la farce fut le dit Monsr Cruche, et avec ses complices, qui avoit une lanterne par laquelle voyoit toutes choses.» Maître Cruche se trouvoit déjà nommé dans les poésies de P. Grognet: De la louange et excellence des bons facteurs, mais on ne savoit ce qu'il avoit fait, et M. de Paulmy pensoit qu'il ne pouvoit avoir que son nom de remarquable. (Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, t. 7, p. 61.)

185: Tous ces ornements sont les mêmes qui sont nommés dans l'édit de Henri III que nous avons cité plus haut.

186: Broderies, de l'italien ricamare. Les Nanni d'Udine avoient dû à leur habileté dans cette industrie le surnom de Recamatori. Le nom de Recamier en vient aussi sans doute. V. Fr. Michel, Recherches sur le commerce, la fabrication et l'usage des étoffes de soie, t. 2, p. 369.

187: Ceci est encore presque textuellement tiré du Discours de Jean Bodin.

188: Depuis Henri II jusqu'à l'époque où écrivoit du Haillan, il n'y avoit pas eu moins de dix règlements contre le luxe des habits. On voit à quoi ils avoient servi. En voici la date et les titres: 1o (12 juillet 1549) Itérative prohibition de ne porter habillement de drap d'or, d'argent et de soye, etc. Un an après, l'ordonnance étoit si mal exécutée que le Parlement étoit obligé d'en donner avis au roi par des Doutes... sur l'interprétation de l'ordonnance de 1549 sur la réformation des habillements. Ces Doutes portent la date du 17 octobre 1550.—2o (22 avril 1561) Règlement sur la modestie que doivent garder ès habillements tous les sujets du roy, tant de la noblesse, du clergé, que du peuple, avec défense aux marchands de vendre draps de soye à crédit à qui que ce soit.—3o (17 janvier 1563) Ordonnance du roy sur le reiglement des usaiges de draps, toilles, passements et broderies d'or, d'argent et soye, et autres habillements superfluz.—4o La même année, le même mois (21 janvier 1563), Défense d'enrichir les habillements d'aucuns boutons, plaques, grands fers ou esguillettes d'or et d'orfèvrerie, et prohibition du transport hors du royaume des laines qui ne sont mises en œuvre.—5o (janvier 1563) Ordonnance du roy sur le taux et imposition des soyes, florets et fillozelles entrant dans son royaulme, outre tout autre gabelle cy-devant ordonnée.—6o (10 avril 1563) Interprétation et ampliation de l'article onzième de l'ordonnance du 17 janvier 1563. Ici pourtant il ne s'agit pas d'une défense, mais au contraire d'une permission donnée aux femmes et filles des officiers royaux «qui sont damoyselles», pour qu'elles puissent porter «taffetas et samis de soye en robbes». Il est certain que ce commentaire de l'ordonnance fut mieux exécuté que l'ordonnance elle-même.—7o (25 avril 1573) Arrest de la Cour de Parlement, et lettres patentes du roy prohibitives à toutes personnes de porter sur eux en habillement n'autre ornement aucuns draps, ne toilles d'or et d'argent, profileures... et aussi de porter soye sur soye (excepté ceux auxquels il a pleu à Sa Majesté en réserver), avec defense aux bourgeois de changer leur estat.—8o (2 janvier 1574) Lettres patentes du roy à messieurs de la Cour de Parlement, leur enjoignant très expressément de faire garder et observer de poinct en poinct l'ordonnance faicte par Sa Majesté pour reprimer la supperfluité de ses sujets en leurs habits et accoustrements.—9o (juillet 1576) Declaration du roy sur le faict et reformation des habits, avec defense aux non nobles d'usurper le tiltre de noblesse et à leurs femmes de porter l'habit de damoyselle, sur les peines y contenues.—10o Enfin l'ordonnance du 24 mars 1583, dont nous avons déjà parlé.

189: C'étoit l'expression déjà consacrée. La banqueroute n'étoit que la conséquence de la faillite. Quand celle-ci étoit constante, par l'aveu même du marchand, qui s'étoit déclaré faillito, le banc qu'il avoit le droit d'avoir à la place du Change étoit rompu (banco rotto, banca rotta). «Ces glorieux de cour, dit Rabelais, les quels voulant en leurs divises signifier bancqueroupte, font pourtraire un banc rompu

190: V. une des notes précédentes.

191: Bodin entre dans quelques autres détails sur cette paresse des Espagnols, qui avoit si bien trouvé son compte dans la vie facile que lui faisoit l'or d'Amérique, et qui étoit cause qu'un grand nombre de nos travailleurs émigroient continuellement vers ses provinces. On y trouvoit tout à faire et au meilleur prix, «même le service et les œuvres de main», ce qui, dit Bodin, attire nos Auvergnats et Limosins en Espagne, comme j'ay seu d'eux-mêmes, par ce qu'ils gaignent le triple de ce qu'ils font en France: car l'Espagnol, riche, hautain et paresseux, vend sa peine bien cher, tesmoing Clénard, qui met en ses epistres, au chapitre de despense, en un seul article, pour faire sa barbe, en Portugal, quinze ducats par an.» Ce n'étoient pas seulement des Limosins et des Auvergnats dont l'émigration continuelle alimentoit l'Espagne de travailleurs. Le Gevaudan en fournissoit beaucoup, surtout pour les bas métiers, auxquels répugne la dignité castillane. De là le sens méprisant que les Espagnols ont donné au mot gavasche, qui est le nom de ces laborieux montagnards. V. le Lougueruana, p. 39; de Méry, Hist. des proverbes, t. 1, p. 306; Fr. Michel, Hist. des races maudites, t. 1, p. 346. Encore aujourd'hui l'Andalousie est pleine d'Auvergnats; ce sont eux surtout qui font le vin. Quand Olavidès établit dans la Sierra Morena, à la fin du 18e siècle, la petite colonie de la Caroline, c'est en partie avec des François qu'il la peupla.

192: V. une des premières notes.

193: Bodin dit la même chose, avec quelques détails de plus. Il est certain que Henri II n'aimoit pas le luxe des vêtements et le combattit autant qu'il put, surtout par son exemple. Lorsqu'on a écrit dans toutes les histoires de France qu'il fut le premier à porter des bas de soie, on a dit tout le contraire de la vérité. Il fut le seul de sa cour qui n'en voulut pas porter. V. notre livre L'esprit dans l'histoire, p. 152-53, note.

194: Par exemple, pour ne parler que de la taille, impôt dont le peuple étoit souvent grevé, il est certain que depuis Louis XII le chiffre en avoit triplé: de quatre millions il s'étoit élevé à douze. V. Guy Coquille, Hist. du Nivernois, au chapitre Assiette et naturel du Nivernois. De même pour la gabelle, dont on avoit trouvé moyen de faire un impôt fixe, comme la taille, en forçant les particuliers à manger ou à prendre une quantité de sel déterminée, ou tout au moins à payer comme s'ils le prenoient ou le mangeoient, ce dont Bodin se plaint fort dans sa République, liv. 6, ch. 2. V. aussi Journal de Henri III, 1er août 1581. Sur l'accroissement excessif des impôts à cette époque, on peut consulter avec fruit un livre paru en même temps que le Discours de du Haillan, c'est le Traité de taille, par Jean Combes; Poitiers, 1586.—Dans la première moitié du 17e siècle, les impôts augmentèrent dans une proportion encore plus sensible. On le voit par une très intéressante et très sérieuse mazarinade: La promenade ou les entretiens d'un gentilhomme de Normandie avec un bourgeois de Paris sur le mauvais ménage des finances; Paris, 1649, in-4.—Une élection qui, en 1628, payoit 40,000 livres pour les tailles, en payoit 200,000 en 1645 ou 1646. «Mais le roi, dit M. Moreau avec beaucoup de raison, n'en recevoit pas davantage.» (Bibliographie des mazarinades, t. 2, p. 384.) En effet, il ne falloit, en 1528, que 6,000 fr. de frais de perception, tandis qu'en 1646 «les traitants percevoient 50,000 livres pour les gages des officiers, qui ne les touchoient pas; puis 50,000 livres de non-valeurs, à cause de la pauvreté des paroisses; enfin 5 sous pour livre en payant le quart comptant et 50,000 livres en promesses à plusieurs termes. Les ministres traitoient de ces 50,000 livres avec des sous-fermiers à un tiers de remise. C'étoient des prête-nom.»

195: Du Haillan oublie, dans les causes de la misère publique, la mauvaise administration des finances. On diroit qu'il craint d'en parler. N. Froumenteau, dans son très curieux livre Le secret des finances de France descouvert et departi en trois livres, etc., paru à la même époque, n'avoit pas eu pareille retenue. Ses plaintes se font jour jusque dans l'Epistre au roy, en tête de son ouvrage. Il y montre les finances «merveilleusement altérées, et tout par faute de n'avoir été fermées sous une bonne et asseurée clef; car il y a, dit-il, des crochets de tous calibres: crochets tortus, crochets mignards, crochets prodigues, crochets subtils, crochets de femmes.»

196: Dans son livre Secret des finances, cité tout à l'heure, Froumenteau fait le compte des pertes de toutes sortes que fit la France pendant les guerres de religion: «36,300 preudhommes y ont été massacrés, dit-il; 1,200 femmes ou filles y ont été estranglées ou noyées; 650,000 soldats, tous naturels françois, y ont perdu la vie. Bref, cette litière est couverte de plus de 765,000 livres perdues, à l'entour de laquelle vous y voyez 12,300 femmes et filles violées; elle est esclairée de plus de 7,000 ou 8,000 maisons qui ont esté brûlées.»

197: Chichement. Pour donner du mot échars et de ses dérivés un exemple qui se rapporte aux faits contenus dans cette pièce, nous rappellerons qu'on se servoit du verbe écharser pour exprimer la diminution imposée au titre d'une pièce de monnoie. V. Ordonnances des rois de France, t. 2, p. 428.

198: Sur les dégâts commis par les gens de guerre dans les pays qu'ils étoient chargés de défendre, V. plusieurs pièces des tomes précédents, et, dans celui-ci, p. 77, note. V. aussi Journal de Henri III, édit. Petitot, p. 292, 293. «Les soldats en étoient venus à un tel degré d'insolence, dit l'ambassadeur vénitien Jérôme Lippomano, qu'ils prétendoient pouvoir vivre de pillage.» Relat. des ambassad. vénitiens (docum. inédits, t. 2, p. 380.)

199: V. l'une des notes précédentes, au sujet de la mesure prise par Poyet contre les confrairies. C'est aussi en haine de ces corporations engraissées par le monopole que parut l'ordonnance royale déclarant qu'un maître reçu à Paris pourroit exercer son métier dans toute la France. (Isambert, Anciennes lois françoises, t. 14, p. 399.)—«C'étoit presque affranchir l'industrie du monopole des corporations», dit M. Chéruel (Histoire de l'administration monarchique, etc., t. 1, p. 225).

200: Taxes.

201: Tout ce que du Haillan va dire sur la liberté du commerce: et l'utilité du libre échange est encore emprunté au Discours de Bodin, dont M. H. Baudrillart ne peut, en cela, trop louer la hardiesse et l'élévation des vues (J. Bodin et son temps, p. 176-177). Le système prohibitif, qui s'est si bien perpétué en France, y étoit nouveau alors. Il a pour vrai parrain chez nous le ministre de Charles IX, René de Birague, qui fut chancelier depuis la mort de Lhôpital jusqu'en 1578. Il importoit d'Italie ces idées qui sont aujourd'hui si difficiles à extirper de notre sol. «Il posa le premier en principe, dit M. Baudrillart, la double defense de faire sortir du pays les matières propres à la fabrication et d'y faire entrer les produits des manufactures étrangères.» (Id., p. 14.)

202: Du Haillan ne donne guère ici que le détail des choses que nous exportions alors en Angleterre, et dont on trouve le compte plus étendu et plus circonstancié dans la Galerie philosophique de de Mayer, t. 2, p. 323. Quelques unes des marchandises que l'Angleterre nous envoie aujourd'hui, couteaux, peignes, clincailleries (sic), figurent parmi celles que nous lui envoyions alors. On y trouve aussi des miroirs, du papier, comme nous l'avons déjà dit, des cartes. Ce dernier commerce, dont le centre étoit à Rouen, s'étendoit très loin. L'Espagne ne s'approvisionnoit que chez nous, pour elle et ses colonies. V. Archives curieuses, 2e série, t. 12, p. 230, année 1695.

203: Lisez fustet. C'est un arbre qui croît en Provence et en Languedoc, et dont la racine et l'écorce servent pour la teinture, tandis que les feuilles sont employées par les corroyeurs.

204: Sur l'abus du monopole des marchands de blé, dont il a déjà été parlé, V. notre t. 3, p. 316-317.

205: A la fin d'avril 1620, Louis XIII s'étoit mis en route pour aller jusqu'à Tours se réconcilier avec sa mère. A peine étoit-il à Orléans, que Luynes, qui le conduisoit, changea de pensée et le ramena brusquement à Paris; de là ce compliment poétique. Le départ avoit du reste soulevé bien des plaintes. V. notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 57, note 2.

206: C'étoit en effet l'usage, mais il commençoit à se perdre alors. Au XVe siècle, personne n'y manquoit, pas un amant surtout. On lit dans le Sermon joyeux auquel est contenu tous les maux que l'homme a en mariage, nouvellement composé à Paris:

Quand vient le premier jour de may
A son huys fault planter le may,
Et le premier jour de l'année
Faut-il qu'elle soit estrennée.

Cette coutume galante avoit fait créer le joli verbe émayoler, qui se trouve dans ces vers de Froissard:

Pour ce vous veux, Madame, émayoler.
En lieu de may, d'un loyal cœur que j'ay.

207: Pour tempes. V. plus haut, p. 15.

208: C'est le soudard Brabançon, rendu si fameux par le dicton populaire. Né dans la Gueldre, simple soldat de fortune, il étoit arrivé au commandement de l'armée bavaroise après la mort d'Aldringer, en 1634. Il n'y avoit pas de chef de bandes que l'on redoutât plus en France, aussi ce fut une véritable panique à Paris, lorsqu'on y sut, en 1636, que la prise de Corbie par les Espagnols venoit de lui ouvrir un libre passage jusqu'aux portes de la capitale. V. notre t. 5, p. 338, note. C'est alors que Scarron écrivoit au chant du Typhon:

On dit que quelques bons esprits
Ordonnèrent qu'on fît des grilles
Pour se garentir des soudrilles
Du redoutable Jean de Vert.

Deux ans après, les Parisiens prirent leur revanche de cette belle frayeur. Jean de Werth et le duc de Bernard de Weimar, qui commandoit pour la France, se rencontrèrent près de Rheinfeld. Il y eut deux actions. Dans la première, le 18 février, les François furent défaits; mais dans la seconde, cinq jours après, c'étoit le tour de Jean de Werth, qui fut complètement battu et fait prisonnier. Pour que les Parisiens n'en doutassent point, on le leur amena. C'est à Vincennes qu'il fut enfermé. Tout le monde l'alla voir, et beaucoup sans doute eurent des déconvenues pareilles à celle des curieux dont on raconte ici le voyage. Les chansons allèrent leur train, chacune ramenant à la fin des couplets le nom du chef qu'on avoit tant redouté, mais dont on se moquoit à présent qu'on ne le craignoit plus. De là le dicton: Je m'en moque comme de Jean de Werth. Lui cependant ne se moquoit pas moins des moqueurs. Il passoit ses journées en véritable Allemand, c'est-à-dire à boire, et, dit Bayle, «à prendre du tabac en poudre, en cordon et en fumée.» V. son Dictionnaire, art. Werth. On le garda jusqu'en 1642, et ces quatre ans, dit Mlle Lhéritier, l'une des dernières qui l'aient chansonné, furent appelés le Temps de Jean de Werth. V. Mercure galant, mai 1702, p. 77. A peine libre, il ne chercha qu'une revanche; il la trouva bientôt à Tudlingen, où, le 25 novembre, il aida vigoureusement Merci et le duc Charles à battre le maréchal de Rantzau.

209: Il ne s'agit pas ici du Cours la Reine, mais de celui qui se trouvoit bien loin de là, près de l'Arsenal, où il longeoit la Seine, puis en retour les fossés de la Bastille. Le mail, planté par Henri IV, et qui est devenu le quai Morland, en occupoit une partie, et le quai des Ormes en étoit le prolongement. Les carrosses s'y promenoient en revenant de Vincennes, comme au Cours la Reine en revenant du bois de Boulogne. Il fut abandonné lorsque, vers 1670, Louis XIV eut fait planter le Cours de la porte Saint-Antoine, aujourd'hui le boulevard Beaumarchais. V. Piganiol, t. 5, p. 33, 54, et G. Brice, édit. de 1752, t. 2, p. 242.—C'est de ce Cours, voisin de l'Arsenal, qu'il est parlé dans une pièce de cette époque, la Promenade du Cours à Paris, 1630, in 8. On y lit entre autres détails:

A voir du haut de la Bastille
Tant de carrosses à la fois,
Qui ne croiroit que quatre roys
Font leur entrée en ceste ville?...

Puis voici les reines qui viennent, et toutes les dames qui se démasquent et les saluent:

Amy, voicy venir les reines
Avec autant de majestez
Que toutes les divinitez,
Qui sortent du bois de Vincennes;
Il faut que tant d'astres errans
Qui paroissent dessus les rangs
Deviennent fixes à leur veue:
Il se faut descouvrir icy,
Que Cloris n'est-elle veneue!
Je la verrois sans masque aussy.

Ces ombrages autour de l'Arsenal faisoient dire à Cl. Le Petit dans son Paris ridicule:

Le sujet quadre-t-il au nom?
On y compte plus de mille arbres,
Et l'on n'y voit pas un canon.

210: Cette ordonnance est du 21 février 1565. Je ne sache pas qu'elle ait jamais été recueillie.

211: Sur la conduite des domestiques au XVIe et au XVIIe siècle, on peut lire avec fruit: De ceux qui servent à gages ès maisons des grands seigneurs et bourgeois, par Jean des Gouttes, Lyon, Fr. Juste, 1537, in-16; Flaminio et Colomana, ou Miroir de la fidélité des domestiques, par J. P. Camus, Lyon, 1626, in-12.

212: En 1628, ces sortes de livrets exigés des domestiques et des maîtres furent remplacés par d'autres formalités. On créa un bureau où tout serviteur devoit être enregistré et avoir son signalement; en 1690 ce bureau existoit encore dans la cour Lamoignon; toute personne venant à Paris pour exercer un métier devoit, aussi bien que les domestiques, aller s'y faire inscrire. (Hurtaut, Dict. histor. de la ville de Paris, t. 1, p. 701-702.) Il étoit défendu aux domestiques de rester hors de service. La fille de chambre trouvée sans condition étoit fouettée et on lui coupoit les cheveux; l'homme de chambre étoit envoyé «en galère». L'hôtelier qui les logeoit étoit condamné à de fortes amendes; après une double récidive, on confisquoit sa maison au profit de l'Hôtel-Dieu. (Delamare, Traité de la Police, tit. 9, Juridict. du prévôt de Paris, ch. 3.)

213: V., sur la famille, Colletet, notre t. 4, p. 161.

214: Anne de Joyeuse, duc, pair et amiral de France, l'un des favoris de Henri III. Il fut tué cette même année, le 20 octobre, à Coutras.

215: Jean de Beaumanoir, marquis de Lavardin, fait plus tard maréchal de France. Il avoit d'abord servi dans les rangs des huguenots. Il étoit colonel de l'infanterie françoise depuis 1580; il mourut en 1614.

216: «Le dit sieur duc de Joyeuse, lit-on dans les Œconomies royales, avec une grande et belle armée abondamment pourvue de toutes choses, et luy accompagné de tous les principaux seigneurs et plus galands hommes de la cour, s'achemina en Poitou.» (Collect. Petitot, 2e série, t. 1, p. 383.)

217: Lisez Chemillé. C'est un important chef-lieu de canton du département de Maine-et-Loire, arrondissement de Beaupréau.

218: Lisez Maillezais.

219: «Le roi de Navarre, lit-on encore dans les Œconomies Royales, avoit quatre ou cinq régiments, dont les deux premiers estoient ceux des sieurs Charbonnières et Desbories, lesquels il destina pour estre mis en garnison dans la ville de Saint-Maixent, en cas de siége; et pour éviter qu'ils ne mangeassent les vivres de la place et les tenir neantmoins tout prêts à se jeter dedans lorsqu'il en seroit besoin, il les fit loger à La Motte Sainct-Eloy, appartenant ce nous semble à M. de Lansac, leur ordonnant de s'assurer du chasteau; mais, à la prière du sieur de Saint-Gelais, qui estoit parent du seigneur d'iceluy et qui leur en respondit, ils n'y mirent personne dedans.» (Collect. Petitot, ibid.)

220: Le roy de Navarre étoit à La Rochelle, dit encore Sully, «lorsqu'il eut nouvelles de la defaite de ses deux régimens dans la butte Sainct-Eloy, où il fut exercé des cruautés inouyes, ce malheur estant arrivé par faute de s'estre logé dans le chasteau, dans lequel on logea des hommes peu à peu par lesquels ils furent attaquez.»

221: Ce qu'on souhaite ici n'arriva pas, puisque, comme je l'ai dit en commençant, Joyeuse, quelques mois après, fut tué à Coutras. Ce furent les représailles du massacre dont vient de nous parler Sully. Lorsqu'il fut pris, il demanda grâce en offrant cent mille écus de rançon. Les soldats huguenots lui crièrent: «La Mothe Sainct-Eloy!» et le tuèrent sans merci. Il est fait mention du massacre de La Mothe et de la vengeance qui en fut prise dans une pièce très curieuse du temps de Louis XIII: Pasquil satyrique du duc de (***) sur les affaires de France, depuis l'année 1585 jusques en l'année présente 1623, in-8:

Les Anglois qu'on deffit en bières (sic)
Furent tous tués de sang-froit
Il se fict un semblable exploict
A La Mothe de Sainct-Eloy.
Il fait bon maintenir sa foy,
L'on s'en repentit à Coutras.

222: Viande alors, comme victus, dont il est le dérivé, se prenoit pour toute espèce de vivres. V., pour divers exemples, L. de Laborde, Glossaire, p. 541.

223: Buter dans le sens de tendre à. Quelquefois on se servoit d'une autre expression dont celle-ci n'est que l'abréviation:

Voilà bien frappé en la butte
Pour les faire tous tourmenter.

(L'Apocalypse saint Jean Zébédée, etc.
1541, in-fol. goth., feuillet X.)

224: C'est-à-dire en foudres. Les carreaux étoient de grosses flèches à fer carré qui se lançoient avec l'arbalète. Les carreaux du jeu de cartes viennent de là; comme les piques, ils ont été empruntés aux armes de la chevalerie. On leur a donné la couleur rouge, parceque le trait qu'ils rappellent étoit souvent rougi au feu avant d'être lancé. Le vireton et le matras étoient des projectiles d'une plus grande force encore que les carreaux. V. Etudes sur le passé et l'avenir de l'artillerie, par Louis-Napoléon Bonaparte, t. 1er, p. 18.

225: C'étoient deux des capitaines de ces troupes ligueuses qui l'année précédente s'étoient emparées du château de Montargis.

226: Chef lieu de canton du département du Loiret, arrondissement de Montargis; Anquetil en étoit prieur. On montre encore la tour du château où il écrivit une partie de son Histoire de France. (Boyard, Statist. de l'arrondiss. de Montargis, p. 67.)

227: Commune du même arrondissement, canton de Lorris.

228: Nous trouvons cette pièce dans le Tableau de la vie et du gouvernement de messieurs les cardinaux Richelieu et Mazarin et de monsieur Colbert, representé en plusieurs satyres et poésies ingenieuses, etc. Cologne, P. Marteau, 1694, in-12, p. 29-33. Elle avoit été publiée séparément, sous un titre moins atténué que celui qui se lit ici: Sur l'enlevement des reliques de saint Fiacre, pour la guerison du cul de M. le cardinal de Richelieu, 1643, in-8.

229: C'est le mot de François Ier sur les Guise, mot mis ainsi en quatrain par Passerat:

Françoys premier predit ce point,
Que ceux de la maison de Guise
Mettroient ses enfants en pourpoinct
Et son pauvre peuple en chemise.

230: Je n'ai pas besoin de faire remarquer qu'il s'agit ici du P. Joseph, l'éminence grise.

231: «Le cardinal estoit sujet aux hemorroïdes, dit Tallemant, et Juif l'avoit une fois charcuté à bon escient.» (Edit. in-12, t. 2, p. 229.) C'est de Jean-Jacques Juif que Tallemant parle ici. Il étoit chirurgien du roi, et célèbre pour ces sortes d'opérations. Il en avoit fait une pareille à Voiture, qui l'en remercia dans ces vers:

J'ai reçu deux coups de ciseau
Dans un lieu bien loin du museau,
Landerirette
Je m'en porte mieux, Dieu merci!
Landeriri.

Juif mourut en 1658.

232: La maladie dont souffroit le cardinal se rapprochoit de celle qu'on appeloit fic ou ficus, et que la ressemblance de son nom avec celui de saint Fiacre avoit fait placer sous l'invocation de ce patron. V. Gloss. de du Cange, au mot Ficus, t. 3, p. 280, col. 3, et Le Duchat, remarques sur le chap. 2, liv. 2, de la Confession de Sancy. On lit dans l'Etymologie des proverbes françois de Fleury de Bellingen, p. 317, un plaisant passage de l'Hippocrate dépaysé, au sujet de cette maladie et de son opération:

Grand bien fait ce mal de saint Fiacre.
Qui veut dire autant que fi atre
Quand on vuide le sang du cul
A gens mornes comme un cocu,
A la phrenesie arrangée;
Par le cul la teste est purgée.

233: Saint Fiacre avoit vécu en solitaire dans le diocèse de Meaux, et c'est dans cette ville que sont encore ses reliques. V. Mabillon, Acta SS. Benedict., t. 2, p. 599.

234: C'est Bautru, l'un des amuseurs du cardinal. Sa femme, qui craignoit que la reine Marie de Médicis et plus tard Mazarin ne prononçassent son nom à l'italienne, ne se faisoit appeler que madame de Nogent. (Menagiana, 1715, in-8, t. 1, p. 267. Fr. Barrière, La Cour et la ville, p. 32-33.)

235: Cette pièce est citée dans les Curiosités littéraires; Paris, Paulin, 1845, in-12, p. 373. C'est la seule chose que nous connoissions de l'ordre burlesque dont elle est la charte. Ces sortes de chevaleries bouffonnes étoient alors un amusement à la mode. Nous en citerons quelques unes des moins connues, sans nous éloigner de la fin du XVIIe siècle et du commencement du XVIIIe: Les Chevaliers de la Grappe, institués à Arles par Damas de Gravaison; les statuts ont été publiés en 1697, in-12; l'Ordre de la Meduse, fondé à Toulon par M. de Vibray, et dont les prouesses se trouvent racontées dans le rare petit volume: Les agreables divertissemens de la table, ou Le reglement de l'illustre societé des frères et sœurs de l'Ordre de Meduse; Marseille, de l'imprimerie de l'Ordre, s. d., in-12. Mère Meduse, c'est la bouteille. Les mystères ou banquets de l'ordre avoient lieu tous les mois; chaque membre avoit un surnom significatif, par lequel seul on devoit le désigner. Il étoit défendu de se servir des mots vin, boire, monsieur et madame; on les remplaçoit par huile, lamper, mon frère et ma sœur. Citons encore l'Ordre de la mouche à miel, créé à la cour de madame la duchesse du Maine, à Sceaux, et sur lequel on peut lire de très curieux détails dans les Mémoires de madame de Staal, édit. Collin, in-12, t. 1, p. 129; l'Ordre des Allumettes, le moins connu de tous, fondé vers 1643 à Chaumont en Bassigny, dans la société de la marquise d'Eseau (V. Mém. de l'abbé Arnauld, coll. Petitot, 2e série, t. 34, p. 209-210); enfin l'Ordre des Baise-Cul, qui ne nous est connu que par un passage des Lettres de madame du Noyer, t. 1, p. 304.

236: L'ordre de la Mouche à miel avoit aussi sa médaille; elle a été gravée dans les Récréations numismatiques de Duby.

237: Nous avons déjà publié plusieurs pièces du genre de celle-ci, notamment dans notre t. 3, p. 147, 159, 297; t. 5, p. 69. On peut voir d'ailleurs, sur «ces divers ordres de plaisir institués pour l'amusement des oisifs», le Rabelais de l'Aulnaye, Paris, 1820, in-12, t. 3, p. 7-8.

238: Cette pièce est tout à fait dans le goût des Caquets de l'accouchée, et paroîtroit sortie de la même plume. Elle est d'ailleurs du même temps, et traite de faits dont il y avoit été dit un mot, p. 158.

239: Louis XIII étoit venu mettre le siége devant Montpellier en août 1622.

240: Ce mauvais jeu de mots sur le nom de Montpellier se trouvoit presque justifié par les menaces que le prince de Condé prêtoit au roi: «Il avoit dit, en plusieurs endroits, que si le roy entroit dans Montpellier, il donneroit la ville au pillage.» (Abrégé chronol. de l'Hist. de France, pour faire suite à celui de Franç. de Mezeray, t. 1, p. 308.)

241: Ces vers sont une altération de ceux de Virgile, Æneid., lib. 12, v. 600-605.

242: C'est-à-dire portant chaperon, ce qui étoit la marque de la petite bourgeoisie. V. notre t. 1, p. 306, et les Caquets de l'Accouchée, p. 21.

243: Ce mot se prenoit alors dans le sens de malheur, accident fâcheux. Dolet, dans son Epistre au très chrestien et très puissant roy Françoys, a dit:

Prends garde icy, Françoys, vertueux roy,
Car c'est le point qui te faira entendre
Trop clairement l'abuz de mon esclandre.

Loret l'employa plus tard dans le sens de déroute:

Car on dit que dans cette esclandre
Plusieurs Hollandois firent Flandre, etc.

Aujourd'hui on ne l'emploie plus que pour une querelle, une rixe et on l'a rapproché ainsi de l'étymologie qu'en donne du Cange. Il le fait venir de scandalum.

244: Le siége de Montauban, dont il est parlé à plusieurs reprises dans les Caquets de l'Accouchée, p. 53, 157, 256, avoit été tenté sans succès en 1621. Après trois mois d'attaques infructueuses, on l'avoit abandonné.

245: Henri, duc de Mayenne, fils du chef de la Ligue. Après avoir agi avec vigueur dans la haute Guienne, il étoit venu se mettre sous les ordres du connétable de Luynes, qui commandoit devant Montauban. En qualité de lieutenant général, c'est lui qui fit la seconde attaque, l'une des plus vigoureuses. Il y fut tué d'un coup de mousquet dans l'œil. Il avoit 43 ans.

246: Ces bandes de cavaliers allemands (reiter), après avoir long-temps ravagé la France, finirent par se mettre à notre solde. Au siége de Juliers, en 1610, il y en avoit que le prince d'Anhalt avoit amenés, et qui combattoient de concert avec nos troupes, commandées par M. de La Châtre. Il s'en trouvoit aussi, comme on le voit, au siége de Montpellier, où on leur donnoit pour adversaires ces mêmes réformés qu'ils étoient venus secourir au temps de Coligny. Autre temps, autre drapeau. Sur les premiers de ces condottieri allemands qui vinrent en France pendant les règnes de Charles IX et de Henri III, on ne peut rien lire de plus curieux que le livre rarissime ayant pour titre: Mémoires non encore veus du sieur Fery de Guyon, escuyer. Tournay, 1664, in-8.

247: Jean Zamet, fils légitimé du fameux financier Sébastien Zamet et de Madelaine Leclerc du Tremblay, sœur du père Joseph. Les calvinistes, contre lesquels il fut toujours un enragé guerroyeur, l'appeloient le grand Mahomet. Il fut tué à ce siége de Montpellier. (Mémoires de Bassompierre, collection Petitot, 2e série, t. 20, p. 462, et Mémoires de Pontis, ibid., t. 31, p. 369.) Son tombeau se trouvoit, avec celui de sa famille, dans la nef des Célestins de Paris. On lisoit sur l'épitaphe: «Etant mestre de camp du régiment de Picardie, il mérita la charge de maréchal de camp dans l'armée du roi, laquelle exerçant au siége de Montpellier, il marchoit à grands pas aux premiers honneurs militaires, lorsqu'un boulet, lui brisant la cuisse, arrêta le cours de sa vie, pour le faire jouir dans le ciel de la vraie gloire, dont il n'eût pu recevoir que les ombres sur la terre. Il fut blessé un samedi, jour dédié à la Sainte-Vierge, le troisiesme septembre 1622, et mourut le jeudi ensuivant de la Nativité de la même Vierge.» (Piganiol de la Force, Description de Paris, t. 4, p. 247-248.)

248: C'est-à-dire maltraités, meurtris, couverts de bleus.

249: Cette fameuse robe de Rabelais étoit, comme toutes celles des clercs de médecine a celle époque, faite de drap rouge, à larges manches, avec un collet de velours noir sur lequel étoient brodées en or les initiales F. R. C. (Franciscus Rabelœsus Chinonensis). En 1610, à force d'être dépecée par la vénération des bacheliers, dont chacun vouloit son lambeau, elle étoit si courte qu'elle descendoit à peine à la ceinture des récipiendaires. On en mit une neuve. Lazare Meyssonnier, qui l'endossa, ne déclare pas moins avec onction qu'il a revêtu la robe de Rabelais «dans la salle où se font les actes publics et où se donne le bonnet a ceux qui y prennent leurs degrez en médecine.» (Almanach illustré, composé de plusieurs pièces curieuses, pour l'an 1639.) Avec toutes les précautions possibles, chaque vénérable robe ne pouvoit pas durer plus d'un siècle. En 1720, celle de 1610 n'étoit qu'un lambeau. François Ranchin, chancelier de la Faculté, en donna une nouvelle à ses frais (Astruc, Mémoires pour l'Histoire de la Faculté de médecine de Montpellier, liv. 2, p. 329). Depuis lors, je ne sais combien de fois on a dû faire la même dépense, mais il paroît qu'à la fin on mettoit, pour renouveler la précieuse robe, moins de soin que n'en avoit mis Jeannot pour son fameux couteau. On la reproduisoit sans souci d'exactitude. Ainsi, celle des derniers temps ne portoit plus les initiales, ce qui fait que M. Kuhnholtz a nié qu'elles aient jamais existé sur le collet du vêtement doctoral (Notice hist., bibliogr. et crit. sur Fr. Rabelais, Montpellier, 1827, in-12, p. 32). Desgenette, dans le curieux article de la Biog. médicale qu'il a consacré à Rabelais, parle ainsi de sa robe et des rajeunissements, dont il exagère peut-être le nombre: «Nous sommes réputés nous-mêmes avoir porté cette robe, mais c'étoit une pure commémoration, car elle avoit été renouvelée au moins vingt fois, puisque environ cinquante docteurs annuellement reçus à Montpellier en ont constamment emporté des lambeaux, avant, pendant ou après l'acte probatoire dit de rigueur (punctum rigorosum)». C'est dans la grande salle, comme nous l'avons dit, qu'on l'endossoit, et qu'elle étoit toujours pendue (Degrefeuille, Hist. de Montpellier, liv. 12, ch. 1). Piron la prit pour sujet de cette épigramme où il apostrophe Montpellier:

Secourable mont des Pucelles,
Puissiez-vous long temps prospérer!
Puissent de vos plantes nouvelles
Les vertus toujours opérer,
Et ne jamais dégénerer,
Comme la robe mémorable
Qui fut un harnois honorable
Tant que Rabelais l'eut sur lui,
Mais qui, par un sort déplorable,
N'est plus qu'un bât d'âne aujourd'hui.

250: Sur les époques climatériques, v. notre t. 2, p. 212.

251: Les jours caniculaires passoient pour être funestes aux plaisirs de l'amour. Cette Rochelloise a donc raison de les donner comme très néfastes. Camerarius a écrit un gros livre sur cette thèse-là. Molière fait très vertement maudire par la Cléanthis de son Amphitryon (acte 2, scène 3) cette superstition médicale:

Je me moque des médecins,
Avec leurs raisonnements fades;
Qu'ils règlent ceux qui sont malades,
Sans vouloir gouverner les gens qui sont bien sains.
Ils se mêlent de trop d'affaires,
De prétendre tenir nos chastes jeux gênés;
Et sur les jours caniculaires
Ils nous donnent encore, avec leurs lois sévères,
De cent sots contes par le nez.

Chez les anciens, c'est le mois de mai qui étoit néfaste pour l'amour. V., sur le scrupule qu'ils avoient de se marier ce mois-là, une lettre publiée dans l'Esprit des journaux, sept. 1786, p. 215.

252: M. de Soubise avoit été malheureux partout: le 25 juin 1621, il avoit capitulé dans Saint-Jean-d'Angely; l'hiver suivant, il avoit été complétement défait dans les Sables d'Olonne, et avoit dû quitter la France. V. Caquets de l'accouchée, p. 35, 56.

253: Tous ces détails semblent avoir été pris textuellement dans une pièce publiée quelques années avant celle-ci: Le reveil du chat qui dort, par la cognoissance de la perte du pucellage de la pluspart des chambrières de Paris; avec le moyen, de le raccoutrer, suivant le rapport des plus signalées matrones, tant béarnoises que françoises, appelées à cet effet; avec les noms des ustencilles par elles trouvées dans leurs bas guichets; mis en lumière en faveur des bons compagnons à marier. A Paris, jouxte la copie imprimée par Pierre Le Roux, M. DC. XVI, in-8. Le passage si curieusement technique qu'on a repris ici se trouve après ces mots: «Voyons maintenant la deposition des Parisiennes qui font leur rapport d'une qui estoit deflorée: «Nous Marie Teste, Jane de Meaux, Jane de la Guignans et Magdelaine la Lippue, matrones jurées de la ville de Paris, certifions à tous qu'il appartiendra que, le quatorzième jour de juin dernier, par ordonnance de ladicte ville, nous sommes transportées en la rue de Frepault, où pend pour enseigne la pantoufle, où nous avons veue et visitée Henriette Pelicière, jeune fille aagée de dix-huit ans ou environ, sur la plaincte par elle faicte à justice contre Simon le Bragard, duquel elle dict avoir esté forcée et deflorée, et le tout veu et visité au doigt et à l'œil, nous trouvons, etc.» Le reste est comme ici.

254: Cette pièce est dirigée, comme son titre le donne à entendre, contre les intrigants d'Italie qui étoient venus à la suite des Médicis, et qui infestoient la cour et la ville. On y apprend, au sujet de leurs manœuvres, notamment contre les revenus de l'Hôtel-Dieu de Paris, des choses qui ne se trouvent point ailleurs.

255: Adroit. Il y avoit aussi le verbe adextrer. V. Nicolas Pasquier, lettre 8, liv. 6.

256: C'est-à-dire en déroute.

257: Sur le mot hart, V. notre édition des Caquets de l'accouchée, p. 172.

258: Poison, comme on sait, étoit alors du féminin (V. t. 4, p. 7). C'est d'Italie qu'on nous expédioit ces substances dangereuses, avec la manière de s'en servir. Bodin, dans son Discours sur le rencherissement de toutes choses, dit avec raison que nous aurions bien pu nous passer de faire de tels emprunts à l'Italie, en échange de choses saines et profitables.

259: C'est-à-dire faire les beaux parleurs sur des choses dont ils ne savoient pas le premier mot. On a cru longtemps que ce mot étoit de Ronsard. Jacques Pelletier, dans son Art poétique, lui en a même fait honneur, mais à tort. Le mot est dans Rabelais, liv. 2, ch. 6: «Seigneur, sans nulle doubte, ce gallant veut contrefaire la langue des Parisiens; mais il ne fait que escorcher le latin, et cuide ainsi pindariser

MM. Burgaud des Marets et Rathery, dans leur excellente édition de Rabelais, t. 1, p. 254, sont les premiers qui lui ont fait cette restitution. Au 17e siècle, ce mot avoit vieilli. (Vigneul-Marville, Mélanges d'hist. et de littérature, 1re édit., p. 102.) M. J. Chenier le rajeunit avec esprit dans son épigramme contre La Harpe, qui, «dans un écrit sur la langue révolutionnaire, avoit proscrit le verbe fanatiser, et avoit posé, comme règle générale, qu'aucun adjectif en ique ne peut produire un verbe en iser»:

Si par une muse électrique
L'auditeur est électrisé.
Votre muse paralytique
L'a bien souvent paralysé;
Mais quand il est tyrannisé,
Souvent il devient tyrannique:
Il siffle un auteur symétrique,
Il rit du vers symétrisé,
D'un éloge pindarisé
Et d'une ode anti-pindarique.
Vous avez trop dogmatisé:
Renoncez au ton dogmatique;
Mais restez toujours canonique,
Et vous serez canonisé.

260: Intrigues, cabales. Le recteur Rose, dans sa harangue, dit au duc de Mayenne: «Ces politiques ont des dragons sur les champs qui prennent tous vos pacquets et devinent par politique tous vos chiffres..., si bien qu'ils sçavent toutes vos faciendes, et à Rome, et à Madrid, et en Savoye, et en Allemagne...» (Satire Menippée, édit. Charpentier, p. 106.) De ce mot étoit venu celui de faciendaire, que Pasquier (Recherches de la France, liv. 6, ch. 27) a employé au sujet du pape Pie II: «Homme grand faciendaire, dit-il, ainsi qu'il l'avoit bien fait paroître par ses déportements.»

261: Mot que celui de bandit a remplacé depuis. V. notre t. 6, p. 323, note.

262: Quoiqu'on eût mis des entraves à l'établissement des banquiers italiens à Paris, ils s'y étoient bientôt trouvés en grand nombre. Ils avoient payé la pension de 15,000 écus sols qu'on exigeoit d'eux au préalable, d'après l'ordonnance de Saint-Germain-en-Laye de 1561, et ainsi autorisés ils s'étoient mis en mesure de la reprendre par fractions sur ceux qui vouloient bien se faire leurs clients. Pendant la régence de Marie de Médicis, le nombre des banques italiennes augmenta encore à Paris. V. notre édition des Caquets, p. 40, note, et notre t. 6, p. 279-280, note. Toutes les grosses affaires de France étoient aux mains de ces hommes d'argent, «sortis du fin fond de la Lombardie», comme il est dit dans une pièce de notre t. 3, p. 174. Cette pièce, qui roule toute sur les malversations des gens de finance à cette époque, Lombards ou autres, a pour titre: La rencontre merveilleuse de Piedaigrette avec maistre Guillaume, etc. Le nom de l'auteur nous avoit échappé. Notre ami Ch. d'Héricault nous a fait remarquer qu'il se trouve en acrostiche dans les vers qui terminent la pièce. Toutes les initiales réunies forment Noel Mauraisin.—Pour en finir avec ces banquiers d'Italie, nous nommerons encore l'un des plus célèbres, Lumagna, qui a déjà été cité au passage dans une pièce de notre t. 2, p. 99. Mademoiselle de Polaillon, veuve de notre résident à Raguse et fondatrice de l'institut des filles de la Providence, au faubourg Saint-Victor, en 1630 (Tallem., in-12, t. 10, p. 114-116), étoit de cette famille, sur laquelle on trouvera de très intéressants détails dans les Œuvres posthumes de Grosley, Biographie des Troyens célèbres, à l'article des Colbert, qui furent les correspondants des Lumagna.

263: Catherine de Médicis.

264: Ce château, bâti au XIIIe siècle, sur l'emplacement de la Grange aux Queux, par Jean, évêque de Wincester, dont le nom, altéré dans le langage parisien, devint celui de Vicestre ou Bicestre, étoit passé, au siècle suivant, entre les mains du duc de Berry, frère de Charles VI, qui en avoit fait don au chapitre de Notre-Dame. Jusqu'en 1632, il ne changea plus de propriétaire. C'est Louis XIII qui l'acheta alors. Il tomboit en ruine, et il fallut le rebâtir tout entier. «L'an 1632, lit-on dans le Supplément des Antiquités de Paris de Du Breuil, 1639, in-4, p. 87, ce château fut entièrement rasé jusqu'aux fondements, et de la grande place où il estoit on desseigna y faire un lieu pour y loger et recevoir les soldats estropiez aux guerres pour le service du Roy, et, dès lors, on commença la closture des murailles, avec quatre pavillons aux quatre coings, où on fit bastir une chapelle qui fut béniste par l'archevesque.»

265: Sur cette enseigne, V. notre t. 6, p. 5, note.

266: «L'an 1633, lit-on encore dans le Supplément de Du Breul, p. 87, le Roy fit une déclaration par laquelle il se déclaroit fondateur d'une commanderie qui se commençoit avoir lieu sous le nom de Sainct-Louys, et dès lors les allignements furent pris pour les bastiments, qui doivent être en quarré...»

267: La maison de la Charité chrestienne, fondée par Nicolas Houel, rue de Lourcine, avec le patronage royal de Henri III et de son successeur, avoit été le premier asile qu'on eût ouvert aux soldats invalides. V. notre t. 6, p. 64-65, note, et Isambert, Anciennes lois franç., t. 14, p. 599; t. 15, p. 301. Pendant la Fronde, Bicêtre leur servoit encore de refuge; mais une partie des bâtiments, qui s'étoient construits à grand peine et surtout lentement, car en 1639 ils étoient loin d'être achevés, souffrirent beaucoup des troubles: ils furent presque démolis. Les invalides, réfugiés dans ce qui avoit été respecté, furent sollicités à la révolte par les Frondeurs. Ils s'y seroient laissé entraîner si, lit-on dans une mazarinade, l'influence factieuse n'eût été heureusement combattue «par un ecclésiastique de grande maison, qui, avec un autre ecclésiastique et un maréchal de France, avoit été chargé de la conduite de Bicêtre.» (Remontrance au peuple par L. S. D. N. L. S. C. E. T., 1649, in-4.)—Jusqu'en 1656 les invalides y restèrent. Cette année-là, par ordonnance royale en date du 27 avril, les enfants trouvés durent prendre leur place, «en attendant, lit-on dans l'ordonnance, que les pauvres fussent renfermez, à quoy les lieux et bastiments de Bicestre ont été par nous affectez, revoquant, en tarit que de besoin seroit, tous autres brevets et concessions qui pourroient en avoir été obtenus en faveur des pauvres soldats estropiez.» Quelque temps après, Bicestre recevoit sa part des dix mille pauvres dont on avoit fait raffle dans les rues de Paris. V. notre édit. du Roman bourgeois, p. 311, note.

268: Nous donnons cette pièce, beaucoup moins à cause de son intérêt, qui, nous en convenons, est à peu près nul, que comme un nouveau spécimen du genre de plaisanteries lourdes et pédantes alors populaires à Paris. Cette pièce, en effet, est de celles qui se crioient par les rues et sur le Pont-Neuf, où maistre Guillaume les vendoit lui-même. V. notre t. 4, p. 53-84. L'Estoile, qui aimoit à faire collection de ces sortes de niaiseries, n'a pas oublié celle-ci: «On m'a donné, dit-il, trois fadèzes nouvelles, qu'on crioit par les rues, D'un gentilhomme de Savoye defendu des voleurs par son chien; LA SCIENCE DES FEMMES, TROUVÉE DANS UN DES SABOTS DE MAISTRE GUILLAUME; et un nouveau miracle avenu près de Barcelonne, de deux enfans mangés d'un pourceau, et de deux autres brûlés par la mère, dans son four, sans y penser.» C'est sous la date du 13 mars 1607 qu'il a écrit cela dans son Journal, et notre pièce porte celle de 1622. Ainsi, non seulement ces sottises se vendoient, mais se vendoient bien, et l'on en faisoit de nouvelles éditions! M. G. Brunet a consacré à ces canards du temps passé un intéressant article dans le Bulletin de l'alliance des arts. (25 décembre 1843.)

269: Le livre du Soldat françois, qui, en 1607, époque de la première edition de cette pièce, faisoit beaucoup de bruit.

270: Rideaux de lit. On lit dans Du Lorens, satire VII, p. 167:

Ils lui baillent souvent le fouet sous la custode.

V. aussi p. 176. Ce mot étoit du féminin, et non du masculin, comme on le donne ici. Peut-être vient-il de cultz, couche, qui se trouve dans la Chanson de Roland, ch. 3, v. 686. Avant que le mot alcôve nous fût arrivé d'Espagne et eût été introduit dans notre langue par les Précieuses (V. Walckenaer, Mém. sur la vie de Madame de Sévigné, t. 2, p. 387), c'est custode qui se prenoit dans le même sens. La mazarinade qui a pour titre: La custode du lit de la reine, est fameuse. On devine les scandales qu'elle raconte.

271: M. Leber possédoit cette pièce, qui se trouve comprise sous le no 4320 du Catalogue de sa bibliothèque, t. 2, p. 300. Il n'a pas dit de qui elle est, nous ne le dirons pas davantage. On en trouva une copie dans les papiers de Charles Perrault, ce qui fit croire par quelques personnes qu'il en étoit l'auteur; mais c'est tout simplement impossible: la date du poème suffit pour le prouver. En 1637, Charles Perrault n'avoit que neuf ans, et il n'y avoit alors que le petit Beauchâteau capable de faire, surtout de pareils vers, à cet âge-là. C'est à cause de la singularité du poème et de sa rareté que Ch. Perrault en avoit sans doute pris copie. L'autographe de 8 pages in-fol. accompagné d'un dessin représentant le génie de la règle se trouve indiqué dans le Catalogue d'une belle collection d'autographes, etc. (16 avril 1846), p. 53, no 363.

272: On sait qu'enfermé avec son fils Icare dans le Labyrinthe, il parvint à se sauver avec les ailes qu'il inventa, tandis que son fils périt.

273: C'est lui qui avoit fabriqué la fameuse vache dans laquelle s'enferma Pasiphaé, amoureuse du taureau.

274: C'est-à-dire de ses tempes, de sa tête.

275: V., pour le meurtre de Perdix par Dedale, et sa métamorphose en perdrix, les Métamorphoses d'Ovide, liv. 8, v. 244 et suiv.

276: Ce poëme, dont il n'est pas besoin de faire remarquer l'académique ingéniosité, est bien du temps où l'on sembloit s'évertuer à refaire des Métamorphoses à la façon de celles d'Ovide; où l'on voyoit Habert de Cerizy composer la Métamorphose des yeux de Philis en astres, 1639, in-8 (V. Roman bourgeois, édit. elzevir., p. 149, note); où l'abbé Cotin écrivoit Uranie ou la Métamorphose d'une nymphe en orange, poëme à la suite duquel il donnoit les Amours du Jour et de la Nuit, par le comte de Cramail. V. notre travail sur celui-ci, Revue française, t. 2, p. 287.

277: Il est bien vrai que les dernières années du règne de Henri IV furent l'époque la plus heureuse pour les campagnes. On trouve un tableau délicieux de cette prospérité des champs aux premières pages des Mémoires de l'abbé de Marolles. M. Sainte-Beuve l'a déjà cité dernièrement dans un article sur l'Histoire d'Henri IV, par M. Poirson (Moniteur universel, 16 février 1857); nous ne pouvons mieux faire que de le reproduire aussi à propos des regrets de ces pauvres paysans champêtres: «Je revois, dit l'abbé de Marolles, avec un plaisir non pareil, la beauté des campagnes d'alors; il me semble qu'elles étoient plus fertiles qu'elles n'ont été depuis, que les prairies étoient plus verdoyantes qu'elles ne sont à présent, et que nos arbres avoient plus de fruit... Le bétail étoit mené sûrement aux champs, et les laboureurs versoient les guérets pour y jeter les blés que les leveurs de taille et les gens de guerre n'avoient pas ravagés. Ils avoient leurs meubles et leurs provisions nécessaires, et couchoient dans leur lit. Quand la saison de la récolte étoit venue, il y avoit plaisir de voir les troupes de moissonneurs, courbés les uns près des autres, dépouiller les sillons, et ramasser au retour les javelles, que les plus robustes lioient ensemble, tandis que les autres chargeoient les gerbes dans les charrettes et que les enfants, gardant de loin les troupeaux, glanoient les épis, qu'une oubliance affectée avoit laissés pour les réjouir. Les robustes filles de village scioient les blés, comme les garçons, et le travail des uns et des autres étoit entrecoupé de temps en temps par un repas rustique, qui se prenoit à l'ombre d'un cormier ou d'un poirier qui abattoit ses branches chargées de fruits jusqu'à la portée de leurs bras.» Le bon abbé donne un peu plus loin quelques détails particuliers à cette belle province de Touraine, où il étoit né en 1610. Il avoit donc dix ans à l'époque fortunée dont il fait la description, et c'est ce qui en explique le charme. Son style prosaïque ne pouvoit se colorer qu'aux souvenirs de l'enfance: «Après la moisson, dit-il, les paysans choisissoient un jour de fête pour s'assembler et faire un petit festin qu'ils appeloient l'Oison de métive (moisson); à quoi ils convioient non seulement leurs amis, mais encore leurs maîtres, qui les combloient de joie s'ils se donnoient la peine d'y aller. Quand les bornes gens faisoient les noces de leurs enfans, c'étoit un plaisir d'en voir l'appareil; car, outre les beaux habits de l'épousée, qui n'étoient pas moins que d'une robe rouge et d'une coiffure en broderie de faux clinquant et de perles de verre, les parents étoient vêtus de leurs robes bleues bien plissées, qu'ils tiroient de leurs coffres parfumés de lavande, de roses sèches et de romarin; je dis les hommes aussi bien que les femmes, car c'est ainsi qu'ils appeloient le manteau froncé qu'ils mettoient sur leurs épaules, ayant un collet haut et droit comme celui du manteau de quelques religieux; et les paysannes, proprement coiffées, y paroissoient avec leurs corps de cotte de deux couleurs. Les livrées des épousailles n'y étoient point oubliées; chacun les portoit à sa ceinture ou sur le haut de manche. Il y avoit un concert de musettes, de flûtes et de hautbois, et, après un banquet somptueux, la danse rustique duroit jusqu'au soir. On ne se plaignoit point des impositions excessives; chacun payoit sa taxe avec gaîté, et je n'ai point de mémoire d'avoir ouï dire qu'alors un passage de gens de guerre eût pillé une paroisse, bien loin d'avoir désolé des provinces entières, comme il ne s'est vu que trop souvent depuis par la violence des ennemis.—Telle étoit la fin du règne du bon roi Henri IV, qui fut la fin de beaucoup de biens et le commencement de beaucoup de maux, quand une furie enragée ôta la vie à ce grand prince...» (Mémoires de Michel de Marolles, 1755, in-12, t. 2, p. 20-24.)

278: La guerre civile, en effet, étoit imminente. Les princes, mécontents, venoient de se retirer de la cour et commençoient à armer. Pour obtenir une paix, qui ne fut que très peu durable, il fallut leur accorder tout ce qu'ils voulurent, par le traité signé le 15 mai à Sainte-Menehould.

279: Lisez coulage. Il arrive souvent qu'en juin, la vigne étant en fleur, des pluies froides surviennent et empêchent les raisins de se former. C'est ce qu'on veut dire ici.

280: Valets d'armée. V. t. 4, p. 364. Ils étoient aux campagnes ce qu'alors les laquais étoient aux villes, de vrais pillards. Peu de temps après l'époque où ceci fut écrit, on ne dit plus que goujat, forme sous laquelle le mot est resté, mais avec un autre sens. «Je me souviens bien, lit-on dans le Francion, que les soirs, auprès du feu, il contoit à ma mère qu'en sa jeunesse il s'étoit débauché pendant quelques troubles de la France, et avoit servy de goujat à un cadet d'une compagnie d'infanterie.» (Edit. 1663, in-8, p. 198.)

281: Le pauvre peuple s'appeloit toujours ainsi. V. t. 6, p. 53, note.

282: Barthélemy de Laffémas est l'un des hommes que notre siècle d'industrie doit glorifier avant tout autre de cette époque, voire presque à l'égal de Sully, et cela d'autant mieux que pendant deux cents ans ses services, si appréciables pour nous, ont été à peu près méconnus. C'est en 1558, comme on le sait par le Mémoire présenté au Roy le 17 avril 1598, qu'il naquit, dans le Dauphiné, au village de Beausemblant, dont le nom resta longtemps son sobriquet. Il avoit pour père Isaac Laffémas et pour mère Marguerite Bautor. Quoiqu'on puisse croire, en lisant ici ses titres et qualités, et ce nom de sieur de Bauthor qui donneroit à penser qu'il étoit de noblesse, Laffémas ne fut d'abord qu'un simple artisan, un tailleur. En 1582, il est attaché comme tel, avec vingt livres de gages, à la maison du roi de Navarre. (Champollion-Figeac, Documents histor. inéd., t. 4, 2e part., p. 2.) Laffémas étoit de la religion; ce dernier fait nous le donneroit à penser si déjà la France protestante, t. 6, ne nous l'avoit appris.—Dès 1576 il étoit dans les grandes affaires. On sait par deux de ses écrits: Advertissement à MM. les commissaires du Roy pour estre instruits en ceste œuvre publicque, etc., et Lettres et exemples de la feue Royne mère, que, cette année-là, profitant de ce qu'il étoit chargé de la fourniture des estoffes de soie de l'argenterie, en qualité de tailleur, et ne se contentant point de cette fourniture secondaire, il avoit étendu ses visées et avoit levé lui-même, à ses risques et périls, «la boutique d'argenterie du Roy». A cet effet, lui-même nous le dit dans son Avertissement à MM. les commissaires, «il avoit emprunté plus de deux cent mille escus, soit à Paris, à Tours, Lyon, etc.» En 1601, ajoute-t-il, «il ne devoit plus que mille cinq cents escus, ayant tout payé, même les intérêts, et ayant fait cet emprunt parcequ'il vouloit satisfaire à son superbe entendement.» Qu'entend-il par ces derniers mots? Le grand dessein de son propre avancement, et surtout des entreprises qu'il projette et qui, suivant ce qu'il espère, doivent tourner à la prospérité du commerce et au progrès de l'industrie. Quand il s'en ouvrit à Henri IV, dans un écrit qu'il présenta lui-même, il paroîtroit qu'il fut d'abord assez mal reçu par sa goguenarde majesté. Se riant de la profession de l'utopiste, le roi dit seulement «qu'il entendoit, puisque les tailleurs comme lui faisoient les livres, que ses chanceliers dorénavant lui fissent ses chausses.» C'est L'Estoile (11 janvier 1607) qui raconte l'anecdote, mais en la mettant à tort sur le compté de Laffémas le fils, qui ne fut jamais tailleur. Ce dédain ne dura guère. Chez Henri IV le bon sens l'emportoit vite sur la goguenardise, celle-ci une fois satisfaite. Laffémas fut lu, encouragé. En 1597 parut son premier écrit, du moins Brunet (Manuel, t. 3, p. 13) n'en connoît-il pas de plus ancien. Il a pour titre: Règlement général pour dresser les manufactures en ce royaulme et couper le cours des draps de soye, etc., ensemble les moyens de faire la soye par toute la France. Paris, Cl. Montrœil et Jean Riche, 1597, petit in-8. Ce sont deux traités réunis. Le dernier est signé Laffemas, dit Beausemblant, tailleur varlet de chambre du roy Henry IV. Le résultat de ces deux écrits ne se fit pas attendre, du moins pour l'auteur. Le 15 novembre 1602, il obtint du roi le titre de contrôleur général du commerce de France, qui lui est donné ici. L'ordonnance qui le nomme se trouve dans les Docum. hist. inéd., t. 4, 2e part., p. 30-31. Cette faveur y est motivée par le désir qu'avoit le roi «de recognoistre les longs services faits par ledit Laffémas depuis quarante ans.» Par son nouveau titre, Laffémas se trouvoit appelé à la présidence de l'assemblée du commerce, convoquée par Henri IV l'année précédente, et qui étoit, ainsi que l'a fort bien remarqué M. Champollion-Figeac, un véritable comité consultatif du commerce et de l'industrie. Le volume cité tout à l'heure en contient les procès-verbaux, et un Mémoire de Laffémas, publié dans les Archives curieuses, 1re série, t. 14, p. 221, en explique au mieux le but et la portée. La dernière séance de ce comité eut lieu le 22 octobre 1604. Laffémas mourut l'année suivante, épuisé, brisé de travail, comme l'a bien dit M. Poirson dans sa récente Histoire du règne de Henri IV, t. 2, 1re partie, p. 80. M. Champollion-Figeac, M. Philarète Chasles (Etudes sur le XVIe siècle, p. 20), M. Chéruel (Hist. de l'administration monarchique en France, t. 1, p. 350), avoient dignement apprécié son caractère et ses efforts, mais personne ne lui a rendu une aussi entière justice que M. Poirson, lorsqu'il a écrit: «Laffémas, le plus intelligent et le plus actif ministre des projets du roi, qui demandoit solennellement, en janvier 1597, qu'on étendît à la France entière l'industrie séricicole; qui, de sa propre personne, répandoit le mûrier et la soie dans les quatre provinces qui les reçurent les premières; qui inspiroit et dirigeoit à Paris toutes les délibérations de ce conseil des manufactures et du commerce chargé des détails de l'entreprise; qui succomba en 1605, épuisé par la fatigue de tant de travaux, et qui, littéralement, mourut à la peine.»—La pièce reproduite ici semble être le plus rare des écrits de Laffémas. Son peu de volume a fait qu'il a échappé à tout le monde, même à M. Champollion, qui a donné la liste la plus complète de ses traités. Il n'en compte pas moins de quinze. M. Weiss, dans sa Biographie universelle, en avoit oublié plusieurs, y compris, bien entendu, celui-ci, qui a trait, comme la plupart des autres, à l'industrie que Laffémas avoit le plus à cœur. Dans les derniers temps de sa vie, le titre que lui avoit accordé Henri IV s'étoit compliqué de celui de contrôleur du plant des meuriers. Il l'a pris en tête d'une pièce qui sera souvent citée plus loin: La façon de faire et semer la graine de meuriers, etc. Paris, 1604, in-8.

283: C'est à quoi tendoient les plus constants efforts de Laffémas. Henri IV l'y avoit secondé, et, en 1603, le but se trouvoit presque atteint. V. notre t. 3, p. 112, note 2, V. aussi le premier écrit de Laffémas, dont nous avons parlé tout à l'heure: Règlement général pour dresser les manufactures en ce royaume, etc.

284: Laffémas dit la même chose, mais avec quelques détails de plus, dans le Traité dont cette pièce n'est pour ainsi dire que la préface, ou plutôt le résumé par anticipation: «Les expers envoyez aux généralitez et eslections de Paris, Orléans, Tours et Lyon, pour faire la nourriture des dits vers, en l'année mil six cent trois, ont apperceu que ceux qui ne les avoient faict esclorre de bonne heure, la pluspart sont morts. Ce qui a donné sujet faire courir faux bruitz que le climat de France n'estoit propre, et allèguent les dits expers que ceux qui prennent trop grande quantité de vers à nourrir, n'ayant des personnes propres pour leur aider, cela est cause qu'ils retardent et ne peuvent venir à perfection.» (La façon de faire et semer la graine de meuriers, etc., p. 27.)

285: Cet hôtel de Retz étoit dans le faubourg Saint-Honoré. (Laffémas, La façon de faire et semer la graine de meuriers, p. 27.) Il devint plus tard l'hôtel de Vendôme, et la place de ce nom en occupe le terrain. Il ne faut le confondre ni avec l'hôtel de Retz de la rue des Poulies, qui étoit voisin du premier hôtel de Longueville, ni avec l'hôtel de Gondi, situé dans le faubourg Saint-Germain, rue de Condé.—Le maréchal de Retz y étoit mort le 12 avril 1602. (L'Estoille, édit. Michaud, t. 2, p. 332.) C'est sans doute ce qui l'avoit rendu disponible pour les plantations dont il est parlé ici. Ce n'étoit pas le seul lieu de Paris où l'on eût tenté alors la culture du mûrier. Dès l'année 1696 Henri IV avoit consacré à cet utile essai une grande partie du jardin des Tuileries. La plantation avoit prospéré, et sans tarder le roi l'avoit étendue encore, avec l'aide d'Olivier de Serres et de Claude Mollet, son premier jardinier. V. Théâtre d'agriculture d'Oliv. de Serres, édit. in-4, t. 2, p. 110, et P. Paris, Catal. des mss. franç., t. 5, p. 290. En 1601, nouvelle plantation et nouveau succès. Laffémas en parle ainsi à la page 29 de la pièce citée tout à l'heure et publiée en 1604: «Le principal est d'avoir des meuriers en abondance, et les faire semer, ainsi qu'a faict le sieur de Congis, gouverneur du jardin du roy aux Thuilleries, en ayant fait semer il y a trente mois qui sont creuz si haut qu'il n'y a homme qui les puisse atteindre, et ceux que Sa Majesté a fait planter aux allées il y a huit ans, et trois ans qu'ils avoient, on juge qu'ils en ont plus de vingt-cinq, tant qu'ils sont grands et beaux.» Toute la partie du jardin située à l'extrémité de la terrasse des Feuillants étoit occupée par des constructions où les magniaux (vers à soie) étoient élevés et où logeoient les hommes qui en avoient le soin. Laffémas fait un grand éloge de la femme qui les dirigeoit: «Dame Jule, Italienne, dit-il, qui nourrit les vers pour Sa Majesté au jardin des Thuilleries, femme des plus entendues qui se puisse trouver.» (Id., p. 28.) Plus tard, les bâtiments furent remplacés par une orangerie. Elle existoit déjà en 1640, et la rue Saint-Florentin, qui venoit y aboutir, lui dut son premier nom de rue de l'Orangerie. Les constructions, occupées en dernier lieu par la galerie de tableaux du comte de Vaudreuil ne disparurent qu'après la révolution. V. les Mémoires du marquis de Paroy, Revue de Paris, 14 août 1836, p. 106. On a vu tout à l'heure que c'étoit une Italienne qui dirigeoit la magnanerie royale des Tuileries. Il en étoit partout ainsi. Celle du château de Madrid étoit aussi aux mains d'ouvriers italiens. Selon M. Poirson, c'est l'un d'eux, Balbani, qui donna son nom à la route qui fut alors percée dans le bois de Boulogne pour faciliter les communications entre Paris et le château de Madrid. (Hist. du règne d'Henri IV, t. 2, 1re part., p. 65, note.) Claude Mollet, que nous ayons déjà nommé, et qui avoit pris part à la plantation du jardin des Tuileries en mûriers, ne s'en étoit pas tenu là: «En l'an mil six cent six, dit-il à la p. 340 de son livre: Théâtre des plans et jardinages, 1652, in-4, j'estois logé à l'hostel de Matignon, derrière Saint-Thomas-du-Louvre, où il y avoit une belle et grande place, laquelle est pour ce jourd'huy toute pleine de bastiments. De cette place j'en ai fait un très bon jardin, auquel j'avois eslevé une grande quantité de meuriers blancs...» Les vers qu'il nourrit avec les seuls émondages de ses arbres lui donnèrent, en 1606, jusqu'à douze livres de soie, aussi belle, dit-il, que celle d'Italie, et qu'il vendit 4 écus la livre.

286: Olivier de Serres, dont Laffémas ne fait souvent que répéter les préceptes, parle ainsi des tables sur lesquelles il conseille d'élever des magniaux: «Seront transportez, dit-il, dans une chambrete chaude et bien close, hors de la puissance du vent, sur des tables bien nettes et polies, couvertes de papier, pour commencer à y tenir rang.» La cueillette de la soie, etc., édit. annotée par M. Martin Bonafous. Paris, 1843, in-8, p. 70.

287: V. notre t. 3, p. 112-113.

288: A Lyon et à Tours, cette industrie étoit déjà en pleine prospérité. Vers 1582, Catherine de Médicis avoit voulu aussi en doter la ville d'Orléans, sa cité la plus chère, «à laquelle, comme elle écrit de Fontainebleau aux eschevins, le 4 août 1582, elle avoit toujours eu à cœur de procurer en tout ce qu'elle a peu la décoration, accroissement et enrichissement; depuis, ajoute-t-elle, qu'il a pleu aux roys messieurs mes enfants m'en delaisser la possession et jouissance»; mais les guerres de religion mirent tout à néant. En 1585, la manufacture, déjà bien établie, dut cesser son travail. «Ce qui accrut le mal, selon Laffémas, ce fut la jalousie et les actes haineux et coupables d'aucuns envieux estrangers ou revendeurs de leurs dits draps de soie.» (Lettres et exemples de la feue royne mère, Archives curieuses, 1re série, t. 9, p. 123-136.) Laffémas ajoute que ces envieux «allèrent jusqu'à jeter, d'animosité, en sa chaudière de teinture, un pot de résine ou de poix, et gâtèrent toutes les soies, ainsi qu'apert par les procédures sur ce faites, de sorte qu'enfin les pauvres ouvriers furent contraints tout quitter.» Ces ouvriers avoient été attirés de Flandre, et ils avoient reçu des échevins Orléanois un excellent accueil.

289: Au mois de mai de cette année-là, la paix s'étant faite entre le nouveau roi Henri III et les huguenots, un édit de pacification, très favorable à ceux-ci, avoit été rendu à Paris. Le prince de Condé, l'un des chefs du parti calviniste, avoit obtenu, entre autres avantages, le droit d'occuper Péronne, ce qui privoit de son gouvernement M. d'Humières, déjà fort attaché à la maison de Lorraine. Le due de Guise profita de cette nouvelle cause de mécontentement pour envoyer au gouverneur dépossédé la copie du traité d'union, qu'il avoit depuis long-temps élaboré, et dans lequel se trouvoient jetées les premières bases de la Sainte-Ligue. Il le prioit d'y souscrire. M. d'Humières n'eut garde d'y manquer. Sa signature entraîna celle de la plupart des gentilshommes de la noblesse picarde. On en fit grand bruit dans le parti du roi, car l'on crut voir dans cette adhésion une sorte de révolte contre la volonté royale, dont l'édit étoit l'expression. C'est alors que fut lancée, comme justification et en même temps comme manifeste, la pièce que nous reproduisons ici. Elle est la première qu'il faille placer dans les archives de la Ligue. Elle précède en effet l'acte d'association faite entre les princes, seigneurs, gentilshommes et autres, tant de l'état ecclésiastique que de la noblesse et tiers etat, et habitans du païs de Picardie, acte signé à Péronne par plus de deux cents gentilshommes, et qui fut la véritable charte de l'Union. Maimbourg l'a donné à la fin de son Histoire de la Ligue, 1683, in-4, p. 129; mais, comme nous le montrerons plus loin, il semble avoir eu aussi connaissance de ce premier manifeste. Dès lors, les progrès de la Sainte-Union ne s'arrêtèrent plus. Du Midi, où depuis 1550 on lui recrutoit des adhérents pour un premier formulaire conservé dans les manuscrits de Béthune, no 8823, elle s'étendit par toute la France. La nouvelle charte, copiée sur parchemin, fut portée de maison en maison et couverte de signatures. (Ruby, Hist. de Lyon, liv. 3, ch. 64.) Ce fut à qui mettroit le ruban noir sur son habit (L'Estoille, 6 juin 1591) et la croix blanche à son chapeau. (Ruffi, Hist. de Marseille, liv. 7, ch. 2.)

290: Voici bien déjà la Ligue toute créée et baptisée.

291: Dans cette résolution de la noblesse picarde nous retrouvons les instigations de M. d'Humières, jaloux de conserver le gouvernement que l'édit de pacification faisoit passer au prince de Condé. «Il fit si bien, dit Maimbourg, p. 26, par le grand crédit qu'il s'étoit acquis dans toute la province, que, comme d'ailleurs les Picards ont toujours été fort zelez pour l'ancienne religion, il obligea presque toutes les villes et la noblesse de Picardie à declarer hautement qu'on ne vouloit point du prince de Condé, parceque, disoit-on dans le manifeste que l'on publia pour justifier ce refus, on sçavoit de toute certitude que ce prince avoit résolu d'abolir la foy catholique et d'établir universellement le calvinisme dans la Picardie. En effet, on ne voulut jamais le recevoir ni dans Péronne, ni dans le reste du gouvernement; et pour se maintenir contre tous ceux qui voudroient entreprendre de faire observer par force cet article de paix, qu'on ne vouloit pas accepter, les Picards furent les premiers à recevoir d'un commun accord et à publier dans Péronne le traité de la Ligue en douze articles, où les plus sages mesme d'entre les catholiques, après l'illustre Christophe de Thou, remarquèrent beaucoup de choses qui choquoient directement les plus saintes loix divines et humaines.»

292: Dans l'acte signé le 10 février 1577, cette époque de Clovis est aussi rappelée. Les associés jurent de défendre la religion, «de remettre les provinces aux mêmes droits et franchises et liberté qu'elles avoient au temps de Clovis.» (Coll. Petitot, 2e série, t. 1, p. 66.) C'est une chose à remarquer que les ligueurs, dans leurs actes solennels, affectoient toujours de parler des dynasties mérovingienne et carlovingienne, et jamais de celle de Hugues-Capet. Il étoit, en effet, dans les idées des Guise de faire passer celle-ci pour usurpatrice et de préparer ainsi l'avénement au trône de leur propre famille, qu'ils donnoient pour la descendante directe de Charles de Lorraine, dernier héritier de Charlemagne. Partout ils faisoient répéter ce qui se trouvoit en substance dans le Discours qu'avoit prononcé l'avocat David, l'année précédente, à la petite assemblée des quarteniers tenue dans le Parloir aux Bourgeois: «Combien que la race des Capet ait succédé à l'administration temporelle du royaume de Charlemagne, elle n'a point toutefois succédé à la bénédiction apostolique affectée à la postérité de Charlemagne tant seulement, mais au contraire, en usurpant la couronne par outrecuidance téméraire, elle avoit acquis sur soi et sur les siens une malédiction perpétuelle... Au contraire, les rejetons de Charlemagne sont verdoyants, aimant la vertu, pleins de vigueur en esprit et en corps; ils rentreroient dans l'ancien héritage du royaume avec le gré, consentement et eslection de tout le peuple.» C'est assez clair. Voici qui l'est davantage encore: «On fera punition exemplaire du frère du roy, et finalement, par l'advis et permission de Sa Sainteté, on enfermera le roy et la reine dedans un monastère..., et, par ce moyen, M. de Guise réunira l'héritage temporel de la couronne à la bénédiction apostolique qu'il possède pour tout le reste de la succession de Charles-le-Grand.» Tels étoient les desseins, d'abord clandestins, puis bientôt hautement déclarés, de la Ligue.

293: Cette pièce est indiquée dans le Catalogne de la Bibliothèque Impériale (Hist. de France, t. 1, p. 547, no 1232). Sauf quelques variantes, et surtout quelques amplifications de récit, elle n'est guère autre chose qu'une reproduction de ce qui se lit, sur cette même échauffourée, dans le Mercure françois, t. 10, p. 473-478. De ci de là se trouvent pourtant quelques détails nouveaux. Nous les noterons au passage. Cette tentative des croquants est la moins connue de celles qu'ils hasardèrent; il n'en est parlé que dans cette pièce et dans le Mercure. Leur entreprise du mois de juin 1594 avoit été plus sérieuse et avoit eu plus de retentissement. C'est alors que ces Jacques de la fin du XVIe siècle avoient pris le nom qu'on leur donne ici, et qu'ils gardèrent. L'Estoille, à la date que nous venons de donner, parle de cette Ligue des crocans, «qui, dit-il, fust presque aussitost dissipée qu'eslevée, comme les vieilles Jacqueries de Beauvoisis et autres semblables, sans teste et sans chef. Ils en vouloient surtout aux gouverneurs et aux tresoriers, qui estoient cause que le roy dit, jurant son ventre-saint-Gris et gossant à sa manière accoustumée, que, s'il n'eust point esté ce qu'il estoit, et qu'il eust eu un peu plus de loisir, qu'il se fust faict volontiers crocan.» (L'Estoille, coll. Michaud, t. 2, p. 239.) Palma-Cayet parle aussi de ce grand remuement qui eut lieu dans les pays de Limousin, Périgord, Agenois, Quercy (coll. Petitot, 1re série, t. 42, p. 222): «Du commencement, dit-il, on appela ce peuple mutiné les tard-avisez, parceque l'on disoit qu'ils s'advisoient trop tard de prendre les armes, veu que chacun n'aspiroit plus qu'à la paix, et ce peuple appeloit la noblesse croquans, disant qu'ils ne demandoient qu'à croquer le peuple; mais la noblesse tourna ce sobriquet de croquant sur le peuple mutiné, à qui le nom de croquant demeura.» Le P. Daniel admet cette étymologie (Hist. de France, règne de Henri IV, t. 3, p. 1648). Le Dictionnaire de Trévoux pense, au contraire, que le nom de ces révoltés vient du croc dont ils s'étoient fait une arme. Le plus probable, c'est qu'on les nomma ainsi à cause d'une paroisse, non pas du Limousin, mais de la Marche (arrondissement d'Aubusson), appelée Crocq, et qui auroit été le point de départ du premier mouvement. En mai 1637, ils s'agitèrent du côté de Bergerac, mais le duc de La Valette les anéantit. On peut lire à ce sujet: La prise de la ville de Bergerac et entière dissipation des croquants par le duc de La Valette, 1637, in-8. Le mot croquant resta pour désigner un paysan. V. La Fontaine, fable la Colombe et la Fourmi.

294: Tout ce paragraphe manque dans le Mercure françois.

295: «Et que les pourveus se voulurent instaler.» (Mercure françois.)

296: Tout le passage qui précède, depuis «ces pauvres gens, etc.», est beaucoup moins étendu dans le Mercure françois.

297: «Qui se firent appeler les nouveaux croquans.» (Mercure fr., p. 475.)

298: «d'esleus.» (Mercure fr.)

299: Ce détail manque dans le Mercure françois. Il y est dit seulement que Barau (sic), «ayant assemblé plusieurs autres troupes de paysans et fainéants, s'alla joindre à celles de Douat.»

300: «et à Figeac», ajoute le Mercure françois. Il sembleroit faire croire ensuite que les révoltés demandèrent qu'on leur livrât, non pas deux, mais tous les nouveaux esleus.

301: «de Cahors.» (Mercure fr.)

302: Ce détail manque dans le Mercure.

303: «Qui avoit aussi assemblé quelques uns de ses amis.» (Mercure fr.)

304: «Ayant pris l'epouvante, dit le Mercure, ils se laissoient tuer en bestes, sans se defendre.»

305: Ces derniers faits sont moins circonstanciés dans le récit du Mercure françois. Le dernier blessé n'y est pas désigné.

306: Ces dernières phrases ne se trouvent pas dans le Mercure, mais les paroles prêtées à Douat sur l'échafaud et les lignes qui terminent le récit sont, les mêmes que celles qui se lisent ici.

307: Cette satire en couplets «fut semée en ce temps à Paris et divulguée partout soubs ce titre.» L'Estoille, qui en parle ainsi (édit. Michaud, t. 1, p. 74), ne manqua pas de la recueillir. Elle se trouve parmi les manuscrits qui sont à la Bibliothèque impériale, mais les anciens éditeurs de son Journal ont eu la pruderie de ne pas l'y joindre à sa date. M. Champollion l'a seul osé à moitié. A la suite du passage que je viens de citer, il a donné six des couplets. Les autres méritoient le même honneur, M. V. Luzarche l'a pensé; aussi a-t-il publié toute la pièce dans une note de son excellente édition du Journal historique de P. Fayet, 1852, in-12, p. 151-160; nous le pensons comme lui, et c'est ce qui nous la fait reproduire ici. Nous en prenons le texte dans un volume très rare: Le cabinet du roy de France, dans lequel il y a trois perles précieuses d'inestimable valeur, par le moyen desquelles Sa Majesté s'en va le premier monarque du monde, et ses sujets pas du tout soulagez, 1581, in-8. Elle y porte pour titre: Les indignitez de la cour, et il existe quelques différences entre son texte et celui du manuscrit de L'Estoille. Nous indiquerons les principales.

308: François de Médicis étoit alors grand-duc de Toscane. On sait quelle étoit son habileté pour l'invention de nouveaux impôts et sa rigueur à les exiger. Quatre ans après l'époque dont on parle ici, il ne fut arrêté ni par la famine, ni par la peste, qui désoloient ses états, et leva des contributions plus que jamais exorbitantes.

309: Var.:

Et fait un party de la somme.

310: V. l'une des précédentes pièces sur les impositeurs italiens.

311: Var.:

Auroit peur d'en recevoir blasme
En usant si lascivement.

312: Var.:

Leur œil ne se trouve à son aise
Dedans le reply de leur freize.

Le premier vers vaut mieux en ce qu'il donne une idée de la hauteur des fraises, qui alloient jusqu'aux yeux.

313: «Ces beaux mignons, dit L'Estoille (t. 1, p. 74), portoient les cheveux longuets, frisés et refrisés par artifice, remontant par-dessus leurs petits bonnets de velours, comme font les putains, et leurs fraizes de chemise de toile d'atour empesez et longues de demi-pied, de façon qu'a voir leurs testes dessus leurs fraizes, il sembloit que ce fust le chef de saint Jean dans un plat.» Une anecdote qui se trouve dans le Peroniana (Cologne, 1691, in-12, p. 145) donne mieux que tout ce que nous pourrions dire une idée de la largeur des fraises qui se portoient alors: «La reyne, lisons-nous..., ayant mis une fort grande fraize, voulut manger de la bouillie et se fit apporter une cuiller qui avoit un fort grand manche, si bien qu'elle pouvoit manger sa bouillie sans gâter sa fraize.» Henri III s'en étoit lassé quelque temps: «Au commencement de novembre (1575), dit l'Estoille, le roi laissa sa chemise à grands godrons, dont il étoit autrefois si curieux, pour en prendre à collet renversé à l'italienne.» Mais en 1578 la mode des fraises «d'un tiers d'aulne» reprit plus que jamais fureur. (Mém. de P. Fayet, p. 2.) Les collets revinrent et restèrent. Sous Louis XIV pourtant, les arriérés, comme le Sganarelle de l'Ecole des maris, jouée en 1661, ne s'y étoient pas encore conformés. «Ma foi, dit Lisette de ce suranné,

Ma foi, je l'enverrois au diable avec sa fraize.»

V., sur les collets et rabats à godrons, t. 1, p. 163.

314: Var.:

J'avois peur d'en recevoir blasme.

315: Var.:

Tout leur bien et tout leur trésor.

316: Var.:

Pensez-vous que nos beaux François.

317: Var.:

En tant de périlleux hazards.

318: Longtemps ce fut le blanc dont on se placardoit la figure qui s'appela fard. V. Notice des manuscrits, t. 5, p. 163. L'usage universel du rouge au 18e siècle, où la poudre dont on se couvroit la tête rendoit le blanc impossible pour le visage, a seul fait donner au mot fard le sens que nous lui donnons. Regnier (sat. 9, v. 8) parle aussi de la céruse dont on se fardoit. Cette mode de teinture faciale étoit venue d'Italie, comme tous les vices et les ridicules du même temps. V., dans un livret très rare publié vers 1500, Bazelletta del preclarissimo poeta Faustino de Rimine, un sonnet moral sur la manie de se farder (Catal. Libri, p. 238, no 1481).

319: Var.:

Nouveaux imposts.

320: Ce fragment très curieux, qui contient sur l'un des plus intéressants épisodes de la fin de la vie du cardinal de Richelieu des détails fort circonstanciés, n'a été publié que dans le no 5 de la Revue trimestrielle, p. 200-202. Il est à peu près inconnu, presque inédit, car le numéro dans lequel il a été inséré est le plus rare de cette publication, que Buchon dirigeoit, et qui a été interrompue par la révolution de juillet. Nous ne savons quel est le J. de Banne dont le journal manuscrit contenoit cette anecdote.

321: Richelieu tenoit Cinq-Mars et de Thou. Louis XIII, avant de s'en retourner à Paris, malade et presque mourant lui-même, les lui avoit livrés en passant par Tarascon. Il lui avoit aussi laissé «le pouvoir d'agir, durant son absence, avec la même autorité que sa propre personne.» (Mém. de Monglat, coll. Petitot, 2e série, t. 49, p. 380.) Le cardinal se hâtoit d'en profiter, et il entraînoit ses deux captifs vers Lyon, où le chancelier, muni des preuves de leurs intelligences avec l'Espagne, préparoit déjà leur procès. Rien n'avoit pu arrêter l'implacable ministre. Le mal qui le dévoroit, et dont une des pièces précédentes vous a dit le détail, ne fut pas un obstacle pour lui. «Ne pouvant souffrir ni litière ni carrosse, dit Monglat, ibid., p. 390, il vouloit remonter le Rhône jusqu'à Lyon, ce que personne n'avoit jamais entrepris, à cause de la rapidité du fleuve. Il ne laissa pas de s'y embarquer, et avoit si peur que les prisonniers ne se sauvassent qu'il fit attacher le bateau où ils étoient au sien, et les mena en triomphe jusqu'à Lyon, pour être sacrifiés à sa vengeance. Il ne faisoit que deux lieues par jour, tant l'eau étoit rapide.»

322: Cinq-Mars étoit avec lui, et c'est par oubli que J. de Banne ne le nomme pas ici. Puisqu'il est question de de Thou, à qui l'on a voulu faire dans tout ceci un rôle beaucoup trop intéressant, il est bon, je crois, de renvoyer à une lettre qui lui fut écrite peu de temps avant la découverte du complot par Alexandre de Campion, qu'il avoit voulu y entraîner. Par cette lettre, qui le pose en véritable recruteur de conjurés, sa part de complicité semble fort bien définie: «Il est certain, dit M. Moreau dans une note, que de Thou avoit fait un peu plus que de garder le secret de son ami.» (Mémoires de H. de Campion, édit. elzev., p. 379.) Pour un autre fait très curieux de cette conspiration, V. Mém. de d'Argenson, coll. elzevir., t. 1, p. 71-72.

323: Viviers, sur le Rhône, autrefois capitale de la province de Vivarais, qui lui doit son nom, aujourd'hui simple chef-lieu de canton du département de l'Ardèche.

324: Ce n'étoit là que la moindre de ses maladies. Monglat en parle plus en détail: «Le cardinal, dit-il, étoit fort malade d'un abcès qui lui etoit venu au bras..., aussi bien qu'au fondement, où il avoit un ulcère.»

325: Monglat dit qu'il y avoit douze personnes pour le porter (ibid., p. 391); Pontis en compte seize (coll. Petitot, 2e série, t. 32, p. 342). Tallemant va jusqu'à vingt-quatre, mais qui se relayoient, dit-il (édit. P. Pâris, t. 2, p. 70-71).

326: «M. des Noyers, l'un de ses plus fidèles serviteurs, faisant pour ainsi dire le maréchal-des-logis, alloit devant et avoit soin de faire faire une ouverture à l'endroit des fenêtres de la chambre où il devoit reposer.» (Mém. de Pontis, p. 342.)

327: «Il avoit aussi, dit Monglat, un pont sur des chariots, qu'on appliquoit si adroitement aux lieux où il logeoit qu'on le montoit dans sa chambre sans passer par aucun degré.» Tallemant dit à peu près la même chose: «Pour ne le pas incommoder, on rompoit les murailles des maisons où il logeoit, et, si c'étoit par trop haut, on faisoit un rempart dez la cour, et il entroit par une fenestre dont on avoit osté la croisée.»

328: Le coup fait, sa vengeance prise, le cardinal ne songea plus qu'à se rapprocher du roi. «On le porta dans sa machine jusqu'à Roanne, où il s'embarqua sur la rivière de Loire, et en sortit à Briare, où il entra dans le canal jusqu'à Montargis. Il joignit dans ce lieu la rivière du Loing, sur lequel il descendit à Nemours, et, rentrant dans sa machine, il fut coucher à Fontainebleau. Le lendemain, il se remit sur la Seine à Valvin, et, dans son bateau, il arriva à Paris.» (Mém. de Monglat.) Tallemant donne quelques autres détails: «Une fois, dit-il, qu'il eut attrapé la Loire, on n'avoit que la peine de le porter du bateau à son logis. M. d'Aiguillon le suivoit dans un bateau à part; bien d'autres gens en firent de mesme. C'estoit comme une petite flotte. On eut soin de faire des routes pour réunir les eaux, qui estoient basses; et, pour le canal de Briare, qui estoit presque tary, on y lascha les escluses. M. d'Anghien eut ce bel employ.» Singulier office en effet pour Condé, qui, à un an de là, devoit être le vainqueur de Rocroy. En allant dans le midi, Richelieu s'étoit déjà arrêté à Briare. Le roi, toute la cour, y étoient avec lui, et il s'en étoit fallu de peu qu'il ne fût alors assassiné par les conjurés. (Mémoires de Brienne, édit. Fr. Barrière, t. 1, p. 264.) Il avoit su le complot et le danger qu'il avoit couru. Au retour, en se retrouvant dans cette même ville, sans crainte et vengé, il dut éprouver une singulière satisfaction. Monglat vient de vous dire qu'il arriva jusqu'à Paris dans cet équipage. Pontis, qui le vit passer du coin de la rue de la Verrerie, décrit ainsi sa marche à travers la grande ville: «On tendit les chaînes dans toutes les rues par où il devoit passer, afin d'empêcher la grande confusion du peuple, qui accouroit de toutes parts pour voir cette espèce de triomphe d'un cardinal, d'un ministre couché dans son lit, qui retournoit avec pompe, après avoir vaincu ses ennemis.»

329: L'Estoille, qui parle aussi très longuement de ces processions, leur donne pour motif les mêmes signes extraordinaires: «Ils disoient, écrit-il, parlant des pèlerins, avoir esté menez à faire ces penitences et pelerinages pour quelques feux apparents en l'air et autres signes, comme prodiges veuz au ciel et en la terre, mesme vers les quartiers des Ardennes, d'où étoient venus tels pelerins et penitents jusqu'au nombre de dix ou douze mille, à Notre-Dame de Reims et de Liesse pour même occasion.» (Journal de L'Estoille, coll. Michaud, t. 1, p. 165.)

330: «Vêtus de toile blanche, dit L'Estoille (ibid.), avec mantelets aussi de toile sur leurs epaules, portant chapeaux ou de feutre gris chamarrés de bandes de toile, ou tout couverts de toile, sur leurs testes; et, en leurs mains, les uns des cierges et chandelles de cire ardente, les autres des croix de bois; et marchoient deux à deux, chantant en la forme des penitents ou pèlerins allant en pèlerinage.»

331: V. la première note.

332: Ville du grand-duché de Luxembourg, dans la forêt des Ardennes. L'église de l'abbaye, qui est fort belle, n'étoit pas encore reconstruite telle qu'on la voit aujourd'hui.

333: Village à une lieue de Namur.

334: Saint-Nicolas-du-Port, dans le diocèse de Toul.

335: L'église de Saint-Marcou se trouve à Corbeny, dans le département de l'Aisne, sur la route de Laon à Reims. Elle dépendoit de la cathédrale de cette dernière ville. Les rois y alloient faire une neuvaine après leur sacre, et avant de toucher les écrouelles. C'est à l'intercession de saint Marcou qu'ils devoient de les guérir.

336: Lieu de pèlerinage dans le département de l'Aisne, arrondissement de Laon.

337: Nous avons déjà parlé de ce célèbre lieu de pèlerinage, situé à deux lieues de Châlons-sur-Marne, dans une note de notre édition des Caquets de l'accouchée, p. 275. On peut consulter aussi Pavillon-Pierrard (Description historique de l'église de Notre-Dame-de-l'Epine, Châlons, 1825, in-8), et le Magasin Pittoresque, (t. 20, p. 233), qui a donné une excellente gravure de ce bijou de notre architecture gothique. Des érudits d'outre-Rhin avoient prétendu que cette chapelle avoit été construite par un prêtre de Cologne (Coloniensis sacerdos), et ils partoient de là pour soutenir que le style gothique étoit chez nous d'importation allemande. Leur principal argument étoit une inscription qu'ils lisoient en latin, mais qu'il falloit lire en patois champenois, comme M. Didron s'en avisa le premier. La voici: Guichart Anthoine tos catre nos at fet. Il s'agit des piliers du rond-point de l'église, que ce Guichart, maçon très champenois, avoit réédifiés tous quatre au 15e siècle. V. la belle introduction du livre de M. L. Dussieux: Les artistes françois à l'étranger. Paris, Gide et Baudry, 1856, gr. in-8, p. XI-XII.

338: Ceci nous explique le motif de ces processions, manifestation évidente des catholiques contre ceux de la religion. Nous y trouvons aussi la raison de ces promenades de pénitents que Henri III conduisoit à la même époque dans les rues de Paris. Où l'on n'a voulu voir que des mômeries ridicules, il faut reconnoître une démonstration catholique exigée par les besoins du moment. Cette année même, au mois de mars, Henri III avoit donné à ces sortes de professions de foi un caractère pour ainsi dire officiel, par la création de la confrérie des Pénitents. (Journal de P. Fayet, p. 28.)

339: V. plus haut, p. 234.

340: Village du département de Seine-et-Oise, canton de Montmorency. Les fidèles y affluoient autour de la châsse du saint qui lui avoit donné son nom. C'est surtout le dimanche après le 12 juillet que les gens de Paris y couroient en foule.

341: «Le 10 septembre, dit L'Estoille, vindrent à Paris, en forme de procession, huict ou neuf cens qu'hommes que femmes, que garçons que filles. Ils estoient habitants des villages de Saint-Jean, des deux Gémeaux et d'Ussy en Brie, près La-Ferté-Gaucher, et estoient conduits par les deux gentilshommes des deux villages susdits, vestus de mesme parure, qui les suivoient à cheval, et leurs damoiselles aussi, vestues de mesme, dedans un coche. Le peuple de Paris accourut à grande foule pour les voir venans faire leurs prières et offrandes en la grande eglise de Paris, esmeu de pitié et commiseration, leur voiant faire tels penitentieux et devocieux voyages, pieds nuds et en longueur et rigueur des chemins.»

342: L'abbaye de la Victoire, à une demi-lieue environ au levant de Senlis. Elle avoit été fondée en 1214 par Philippe-Auguste, après la bataille de Bouvines. V. Vatin, Senlis et Chantilly, 1847, in-8, p. 173.

343: «Les 19 et 20 du dit mois de septembre, écrit L'Estoille, cinq autres compagnies de semblables penitents et pelerins vestus et accommodés, chantans et marchans de mesme façon que les precedents pour mesme occasion, habitans des villages et bourgs de Cerci, Villemarœil, Saint-Clerc, Jouarre et autres lieux de la Brie, et de Roissy en France, et firent leurs prières et offrandes à la Sainte-Chapelle, et à Notre-Dame, et à Sainte-Geneviève. En plusieurs autres endroits de Brie, Champagne, Valois et Soissonnois, se firent de plusieurs villages pareilles peregrinations et processions de lieu à autre, en grande devotion, pour mesme occasion, et encore à ce qu'il pleust à Dieu et à Nostre-Seigneur, par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie, sa mère, que ces bonnes gens alloient prians et invoquans par leurs cantiques et oraisons, appaiser son ire et preserver le pauvre peuple de la contagion de la peste, qui fut aspre et grande par tout ce royaume, nommement à Paris et aux environs, tout au long de l'automne.»

344: Cette pièce singulière, qui sous son titre burlesque cache une sorte d'apologue dont le sens avoit alors une grande portée, date des premiers temps de l'Assemblée constituante. Nous l'avons trouvée à la Bibliothèque impériale: V. Catalogue de l'histoire de France, t. 2, p. 528, no 1767. Il n'étoit pas rare, à l'époque de Necker et de Calonne, de voir personnifier sous la piètre figure de dindons ou de canards plumés et prêts à mettre en broche, le non moins piètre sort des gens frappés par les impôts. Ainsi, c'est alors qu'on avoit mis en vers la parabole de ces misérables volatiles, consultés pour savoir non pas s'ils seroient mangés, mais à quelle sauce ils devroient l'être. V. Sallier, Annales françoises, 1re édit., p. 62, note. On en avoit fait aussi une caricature assez amusante, dont voici la légende: c'est Calonne, sous la figure d'un singe à la tribune, qui préside et qui parle; ce sont les canards et les dindons qui répondent: «Mes chers administrés, je vous ai assemblés pour savoir à quelle sauce vous voulez être mangés.—Mais nous ne voulons pas être mangés du tout!!!—Vous sortez de la question!...» (A. Challamel, Histoire musée de la Révolution, 3e édit., p. 11-12.)—De toutes ces facéties, au crayon et à la plume, celle que nous donnons ici n'est pas la moins curieuse. Il en fut fait plus tard une contrefaçon par un journaliste belge, Norbert Cornelissen, le même «qui, pendant cinquante ans, dit M. de Reiffenberg, eut, comme Diderot, de l'esprit pour tout le monde, et défraya la ville de Gand de discours, d'improvisations, de notices, de programmes, etc.» (Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique, 1850, p. 28.) Un jour il publia qu'on venoit de faire une expérience intéressante bien propre à constater l'étonnante voracité des canards: «On avoit, écrit-il, réuni vingt de ces volatiles; l'un d'eux avoit été haché même avec ses plumes et servi aux dix-neuf autres, qui en avoient avalé gloutonnement les débris; l'un de ces derniers à son tour avoit servi immédiatement de pâture aux dix-huit suivants, et ainsi de suite jusqu'au dernier, qui se trouvoit par le fait avoir dévoré ses dix-neuf confrères, dans un temps déterminé très court.» C'est tout à fait notre histoire, avec cette différence que, dans la pièce de 1789, le mangeur finit par être mangé et que le massacre de canards n'est pas aussi considérable; l'un dans l'autre, il n'y en a que six plumés et dévorés. L'écrivain belge, qui attribue l'invention à Cornelissen, ajoute: «Cette petite histoire fut répétée de proche en proche par tous les journaux et fit le tour de l'Europe. Elle étoit à peu près oubliée depuis une vingtaine d'années, lorsqu'elle nous revint d'Amérique, avec tous les développements qu'elle n'avoit point dans son origine, et avec une espèce de procès-verbal de l'autopsie du dernier survivant, auquel on prétendoit avoir trouvé des lésions graves dans l'œsophage. On finit par rire de l'histoire du canard, mais le mot resta.» L'étymologie nous sembleroit curieuse et acceptable si nous ne savions que dès le 16e siècle on disoit, dans le sens de mentir: vendre ou donner un canard à moitié, et pour menteur: un donneur de canards. V. Les Néapolitaines de Fr. d'Amboise (anc. Th., t. 6, p. 301); Cotgrave, cité par Oudin, Curiositez françoises, au mot Canard. V. aussi la Comédie de proverbes, acte 3, se. 7; Venéroni, Dictionnaire françois-italien, 1723, in-4, au mot Canard; et surtout Francisque-Michel, Etudes de philologie comparée sur l'argot, p. 88.

345: Il est fait allusion ici aux discussions élevées dans le sein de l'Assemblée constituante au sujet du sort des curés, dont un grand nombre fut piètrement réduit à la portion congrue, tandis que le magnifique traitement des évêques étoit maintenu et que plusieurs de leurs pareils continuoient à s'engraisser en d'opulents bénéfices. V. le Moniteur du 23 au 28 sept. 1789. Sélis, dans son intéressante brochure: Lettre d'un grand vicaire à un évêque sur les curés de campagne, in-8 de 32 pages, 1789, met en regard le sort d'un curé à portion congrue et celui d'un curé voisin dont le bénéfice vaut 10,000 fr.

346: Depuis l'impression de cette pièce nous avons trouvé une note curieuse à y ajouter. Le 15 avril 1722 fut rendu un arrêt statuant sur les loyers de la ville de Versailles, dans lequel il est dit: «Se réserve Sa Majesté de pourvoir à la fixation des loyers, en cas d'excès de la part des propriétaires.» (Journal de Marais, Revue rétrospective, 30 nov. 1836, p. 203.)

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