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Variétés Historiques et Littéraires (08/10): Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers

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1: Cet interrogatoire, où, comme on le verra, Coligny fut très énergiquement chargé par le coupable, qui l'accusa d'avoir été son principal instigateur, donna lieu à une réplique de la part de l'amiral; en voici le titre: Response à l'interrogatoire qu'on dit avoir esté fait à un nommé Jean de Poltrot, soy-disant seigneur de Merey, sur la mort du feu duc de Guyse, par M. de Chastillon, admiral de France, et autres nommez audict interrogatoire, avec autre plus ample declaration dudit seigneur admiral, quant à son faict particulier, sur certains poincts desquels aucuns ont voulu tirer des conjectures mal fondées. Brantôme connut cette Response; il en parle ainsi dans sa Vie du duc de Guise, lorsqu'il arrive au crime de Poltrot: «M. l'admiral, dit-il, s'en excusa fort, et pour ce en fit une apologie repondant à toutes les depositions dudit Poltrot, que j'ai vue imprimée en petites lettres communes... là où plusieurs trouvoient de grandes apparences en ses excuses, qu'ils disoient être bonnes; d'autres les trouvoient fort palliées...» (Edit. du Panthéon littéraire, t. 1, p. 435.)

2: «Ce maraud, dit Brantôme, estoit de la terre d'Aubeterre, nourri et eslevé par le vicomte d'Aubeterre, lorsqu'il estoit fugitif à Genève, faiseur de boutons de son metier.»

3: Ici commencent les répliques de l'amiral. Il répond «en verité et comme devant Dieu, qu'il ne sçait quand le dit Poltrot arriva au dit Orleans, ni quand il partit, et n'a souvenance de jamais l'avoir veu, ne en avoir ouy parler en sorte quelconque, jusques au moys de janvier dernier, par l'occasion qui sera dite cy-après.» Selon Brantôme, c'est M. d'Aubeterre qui, reconnoissant par la plus noire ingratitude le service que lui avoit rendu M. de Guise, lorsqu'il l'ayoit sauvé du supplice des conjurés d'Amboise, avoit suscité, prêché et animé Poltrot. C'est lui encore qui l'avoit présenté à M. de Soubise, son beau-frère, «qui étoit gouverneur de Lyon pour les huguenots».

4: L'amiral, dans sa réponse, nie que Brion, mort depuis au service de Guise, lui eût jamais parlé de Poltrot; mais, quant à M. de Feuquères, il avoue avoir bien souvenance «qu'environ la fin de janvier dernier, et non jamais auparavant, il luy dit, en parlant dudit Poltrot fraischement arrivé de Lyon, qu'autrefoys il l'avoit cognu homme de service durant la guere de Picardie», ce qui fut cause qu'il consentit à l'employer.

5: A tout ce long paragraphe l'amiral répond: «Le contenu de cest article est entierement faux et controuvé.» Il s'élève ensuite contre ceux qui ont dicté «ceste deposition à ce povre confessant», et la meilleure preuve qu'il trouve des instigations auxquelles Poltrot a été en butte et qui l'ont poussé à «ne rien obmettre qui pût le charger», c'est, dit-il, «qu'en toute cette confession, luy amiral de Coligny n'est appelé que le seigneur de Chastillon, qui est un nom qu'il ne desdaigne point; mais tant il y a que cela monstre clairement de quelle boutique est sortie cette confession, attendu qu'il n'est ainsi appelé en pas un lieu de ce royaume ni ailleurs, sinon par ceux qui pretendent par tels artifices le despouiller de l'estat et degré qui luy appartient.» L'amiral trouve aussi un étrange mauvais vouloir dans ces mots: «estant lors le camp du roy, que le dit seigneur de Chastillon appelle le camp de M. de Guyse, près Baugency». Coligny avoit la prétention de croire que c'étoit son armée qui étoit l'armée royale; aussi, dans l'Epistre placée en tête de cette Response, s'étoit-il qualifié lieutenant en l'armée du Roy sous la charge de M. le prince de Condé. Les paroles dites par Poltrot tendoient à changer les rôles, puisqu'en faisant de M. de Guise le seul chef des troupes du roi, elles le posoient, lui, en rebelle. C'est pourquoi cette partie de la déposition lui tenoit tant au cœur.

6: «Le dit seigneur admiral ne sait rien de tout cela», dit la Response.

7: Nouvelle dénégation de Coligny. Plusieurs fois, il est vrai, il a écrit à Lyon, à M. de Soubise; «mais, sur sa vie et sur son honneur, il ne se trouvera que jamais il ait escrit qu'on luy envoyast le dit Poltrot, lequel il ne sache avoir jamais veu ni cogneu auparavant, et ne pensoit aucunement à luy.»

8: «Le seigneur admiral est memoratif qu'il est ainsi; mais tant s'en faut que ce fust pour employer le dit Poltrot au fait dont il est question; au contraire, le dit seigneur de Soubize mandoit qu'on le luy renvoyast pour ce qu'il estoit homme de service, comme les lettres en feront foy.»

9: «Le dit admiral, dit la Response, ne le renvoya point à Orleans, mais luy donna congé d'y aller, pour ce qu'il disoit y avoir affaire.»

10: Messas est une commune de l'arrondissement d'Orléans, canton de Beaugency.

11: A tout cela l'amiral replique avec beaucoup d'indignation. Maintes fois, pendant ces «derniers tumultes», il a su des gens qui vouloient tuer M. de Guise, et toujours «il les en a desmeus et destournez», comme peut même savoir Mme de Guise, «laquelle il en a suffisamment advertie en temps et lieu».—Remarquons, en passant, que ce dernier fait est attesté par Brantôme.—Quand il a su pourtant que M. de Guise et le maréchal de Saint-André «avoient attitré certaines personnes» pour tuer le prince de Condé et M. d'Andelot, son propre frère, il avoue qu'il n'a cherché à détourner ceux qui disoient «qu'ils iroient tuer M. de Guyse jusques en son camp». Il s'est contenté de ne pas les y induire et solliciter par paroles, argent ou promesses. Pour ce qui est des vingt écus donnés à Poltrot, il reconnoît qu'à son dernier retour à Orléans, délibérant de l'employer «à savoir des nouvelles du camp des ennemys», il lui fit délivrer cette somme, mais «sans luy tenir autre langage ny propos». Tavannes confirme ce fait: «L'admiral avoüe, dit-il, luy avoir donné argent pour espion, non pour assassin». (Mémoires, coll. Petitot, 1re série, t. 24, p. 293.) Poltrot d'ailleurs n'inspiroit pas grande confiance à l'amiral. Il lui sembloit qu'il avoit des moyens trop faciles pour entrer au camp ennemi; il l'avoit même fait remarquer à M. de Grammont. Quant à Bèze, Coligny le défend comme lui-même. Le meurtre de Vassy ne l'a pas poussé aux représailles sanglantes. «Il n'a jamais été d'advis de proceder contre le dit sieur de Guyse que par voye de justice ordinaire.» Il a sans doute demandé à Dieu qu'il lui changeât le cœur ou qu'il en délivrât le royaume; mais, ses lettres à Mme de Ferrare sont là pour en faire foi, jamais ses désirs ne sont allés plus loin.

12: «Ledit seigneur admiral croit qu'il est ainsy, d'autant que le dit Poltrot luy fit ce mesme rapport, non pas à Orléans, là où il ne le vit oncques..., mais dans un lieu appelé Neufville.»

13: L'amiral ne nie pas cette nouvelle somme de cent écus donnée à Poltrot, mais, comme il l'a déjà dit tout à l'heure, et comme l'a répété Tavannes, c'est pour son service d'espion, et non pour autre chose, qu'il le paya ainsi: «L'ayant ouy, dit la Response, le seigneur admiral jugea qu'on s'en pouvoit servir pour entendre certaines nouvelles du dit camp; et, pour cest effect, luy delivra les cent escus dont il est question, tant pour se mieux monter que pour faire les diligences requises en tels advertissements.» L'amiral ne s'en tient pas à cet aveu, la mémoire lui est completement revenue, et il ajoute: «Davantage, le dit seigneur admiral est bien recors maintenant que le dit Poltrot s'avança, luy faisant son rapport, jusques à luy dire qu'il seroit aise de tuer le dit seigneur de Guyse. Mais le dit seigneur admiral n'insista jamais sur ce propos, d'autant qu'il l'estimoit pour chose du tout frivole, et sur sa vie et sur son honneur n'ouvrit jamais la bouche pour l'inciter à l'entreprendre.» S'il falloit en croire Brantôme, l'entretien de l'amiral avec Poltrot ne se seroit pas tout à fait passé ainsi. L'amiral auroit chargé Chastelier, «grand confident de M. de Soubize et habil homme», de lui faire envoyer le gallant par son patron, mais sans dire qu'il le mandoit lui-même, et surtout sans laisser penser qu'il le désiroit voir pour lui commander de faire le coup. Tout ce que vouloit l'amiral, c'est que Poltrot lui donnât à lui-même assurance de son zèle, afin qu'il sût, sans autre explication, ce qu'il devoit en attendre. Tout se fit ainsi qu'il l'espéroit, «car, dit Brantôme, après qu'il (Poltrot) luy eust representé ses lettres et que mon dict sieur l'admiral les eust lues devant luy, il luy dist: «C'est M. de Soubize qui m'escrit, et me mande comme vous avez grande envye de bien servir la religion. Vous soyez bien venu. Servez la donc bien.» Brantôme ajoute: M. l'admiral n'avoit garde, disoit-on, de se confier en ce maraud, malostru et trahistre, car il sçavoit bien que mal luy en prendroit s'il estoit pris et descouvert, et que tels marauds et trahistres, en leur desposition, gastent tout et se desbagoullent, et disent plus qu'il n'y en a quand ils sont pris. Voilà pourquoy M. l'admiral fut fin et astuce d'user de telle sobres paroles à l'endroit de ce maraud; mais usant de ceste-là, il faisoit comme le pasteur auquel les veneurs ayant demandé s'il avoit veu le cerf qu'ils chassoyent, luy, qui l'avoit garanty dans sa grange, soubs bonne foy, il leur dist et cria tout haut, afin que le cerf qui estoit caché l'entendist, qu'il ne l'avoit point veu, en le jurant et l'affirmant; mais il leur monstroit avec le doibt et autres signes là où il estoit caché, et par ainsi il fut pris.»

14: Dans l'autre plus ample déclaration, mise à la suite de la Response, l'amiral revient encore sur les cent écus donnés à Poltrot et rapporte l'entretien qu'il y auroit eu entre eux: «Il dit au dit Poltrot qu'il faloit qu'il s'en retournast en toute diligence pour le tenir adverty de ce que feroit ledit seigneur de Guyse, lequel luy fist response qu'il le feroit volontiers, mais qu'il n'estoit pas bien monté. Lors luy fut dit par M. l'admiral: «Je voudroye avoir quelque bon cheval, je le vous bailleroye; mais il ne m'est pas demeuré un seul bon courtaut, je les ai tous donnez à ceux que j'ay envoyés en Allemagne, devers M. Dandelot, mon frère.» Il luy fit response que s'il avoit de l'argent il en trouveroit bien. Lors le dit seigneur admiral luy dit: «Qu'il ne tienne point à l'argent, je vous en bailleray, mais advertissez-moy soigneusement et diligemment de ce que fera M. de Guyse, et si d'adventure vous tuez vostre cheval, je vous donneray de l'argent pour en avoir un autre.»

15: C'est de La Mauvissière qu'il faut lire, comme l'écrit Brantôme. Michel de Castelnau de La Mauvissière, tout récemment de retour de Normandie, se trouvoit en effet alors au siége d'Orléans, où il étoit venu de la part de M. de Brissac prier le duc de Guise d'abandonner cette entreprise pour porter tout son effort vers Rouen, qui manquoit de secours. Il avoit assisté à la prise du Portereau par l'armée du duc. V. ses Mémoires, liv. 4, ch. 9, et l'excellente étude de M. G. Hubault (Ambassade de Michel de Castelnau en Angleterre, 1856, in-8, p. 11-12).

16: C'est le château de Cornay, aujourd'hui détruit. Il se trouvoit en Sologne, à quatre lieues d'Orléans, près de l'immense plaine de Cornay ou des Quatre-Vents, qui servit, en 1815, aux campements de l'armée de la Loire. On la trouve au midi du chemin de La Ferté, l'un des six quartiers qui formoient autrefois la paroisse d'Olivet.

17: Le Portereau étoit pris, ainsi que les tourelles qui étoient la tête du pont. Restoit à s'emparer des îles ou mottes fortifiées sur lesquelles le pont étoit comme à cheval. Cette défense emportée, la ville demeuroit presqu'à merci et n'eût pas tenu longtemps. L'attaque des îles étoit donc résolue. «M. de Guyse, dit La Noue, avoit deliberé de les battre deux jours avecques vingt canons, puis y donner un furieux assaut. Et, comme elles n'estoient guère fortes, à mon avis, il les eust emportées.» Mais Poltrot fit son coup, «ce qui, dit encore La Noue, troubla toute la feste... Cela, continue-t-il, rabattit toute la gaillardise et l'espoir des gens de guerre de l'armée, se voyant privés d'un si grand chef; ensorte que la reyne, lassée de tant de misères et de morts signalées, embrassa la négociation de la paix.»

18: Cette maison est celle des Vallins, dans le quartier de Caubray, à peu de distance du Rondon, l'une des plus charmantes villas qui soient assises sur les bords du Loiret. Le duc de Guise se trouvoit là tout près de son camp de Saint-Hilaire. L'église de ce nom, celle de Saint-Mesmin, et la maison des Vallins, forment en effet une sorte de triangle dont celle-ci est la pointe; les chemins, qui se réunissent près de là et forment un carrefour dont il va être parlé, rendoient d'ailleurs au duc de Guise les communications faciles pour toutes les parties de ce quartier. C'est dans la maison de Caubray, voisine de celle que le duc habitoit et où il mourut, que Catherine de Médicis logeoit, avec le jeune roi et un autre de ses fils. C'est là qu'elle et les chefs du parti protestant réglèrent les préliminaires de la paix, qui fut, peu de temps après, ratifiée à Amboise. Le propriétaire du château fit mettre, en souvenir de ces événements, une inscription au-dessus de la porte de sa salle. Elle fut effacée, puis rétablie. La voici, telle que nous la trouvons dans la Description de la ville et des environs d'Orléans, par Polluche et Beauvais de Préaux, p. 78:

Marmore barbarico licet haud sit structa, viator,
Hæc domus, idcirco non tibi vilis erit.
Hic prope Guisæus dux vitæ fata peregit;
Hospes huic mater Regia facta casa est.
Rex comitatus eâ cum fratre hæc tecta subivit,
Quæ coluit menses plus minus illa duos.
Aurea de cœlo sed et hanc pax venit in ædem,
Præconum decies hic celebrata tubis.
Villa prius Caubræa fuit, nunc fœderis ara est:
Pacem quisquis amas, hunc venerare locum.

19: C'est la petite rivière du Loiret, qu'on trouve appelée en 1409 Leiret, et en 1500 Lerret.

20: «Au droict d'un chemin croisé, entre deux grands noyers sur le destour de main gauche, qui conduit à son logis, estant jà my-heure de nuict.» (Lettre de l'évêque de Riez sur la mort du duc de Guise, Archiv. cur., 1re série, t. 5, p. 176.)

21: On ne pourra plus maintenant se méprendre sur le lieu où le duc fut blessé par Poltrot. Ainsi, il n'est pas vrai, comme l'a dit Lottin dans ses Recherches historiques sur Orléans, t. 1, p. 448, et comme nous le lisons dans un petit livre d'ailleurs fort curieux, Quatre jours dans Orléans, etc., p. 120, que la rencontre se fit entre l'église Saint-Marceau et le pont Lazin, près d'Olivet, c'est-à-dire en deçà du Loiret; au contraire, c'est bien au delà, vers Sainc-Mesmin, à peu de distance du logis habité par le duc de Guise, «en un carrefour» très distinct sur la carte de Cassini, feuille 9 H. On ne s'y est pas trompé sur une gravure allemande qui parut peu de temps après le crime. Le duc y est représenté tout près de sa maison. Les hommes du corps de garde sont sous les armes, à la porte; la duchesse est à la fenêtre, qui salue son mari; et Poltrot, arrivant derrière le duc, tout près du chemin qu'il va prendre après pour s'enfuir, lâche le rouet de son pistolet.—Sauf quelques détails topographiques qu'on voudroit plus complets, le tout est très clairement raconté par Brantôme: «Il (Poltrot) accompagna souvent M. de Guise avec tous nous autres de son logis jusques au Portereau, où tous les jours mon dit seigneur y alloit, et pour ce cherchoit toujours l'occasion opportune, jusques à celle qu'il trouva, où il fit le coup, car elle étoit fort aisée, d'autant que le soir que mon dit seigneur tournoit, il s'en venoit seul avec son ecuyer ou un autre, et cette fois avoit avec luy M. de Rostaing et venoit passer l'eau du pont de Saint-Mesmin, dans un petit bateau qui l'attendoit tous les soirs, et ainsy passoit avec deux chevaux et s'en alloit à cheval à son logis, qui estoit assez loin. Estant sur un carrefour qui est assez connu, et trop pour la perte d'un si grand homme, l'autre, qui l'attendoit de guet à pens, luy donna le coup, et puis se mit à courir et crier: «Prenez-le! prenez-le!» M. de Guise, se sentant fort blessé et atteint, pencha un peu, et dit seulement: «L'on me devoit celle-là, mais je crois que ce ne sera rien.» Et avec un grand cœur il se retira en son logis, où aussitôt il fut pansé et secouru des chirurgiens, des meilleurs qui fussent en France.»—Le Maire, dans ses Antiquitez de la ville d'Orléans, p. 335, dit que le duc fut tué dans son logis même, «en la maison des Vaslins, sur le cousteau d'Olivet, se promenant avec la noblesse.» C'est une erreur compliquée d'une autre. Brantôme vient de nous dire que le duc étoit presque seul, et, plus loin, nous donnant la raison de cet isolement, il nous prouve que ce fut une des causes de la facilité avec laquelle le crime fut commis: «Ce qui est fort à noter, dit-il, ce bon et brave prince, pour espargner douze cents francs à son roy, cela fut cause de sa mort; car il me souvient que le bon homme M. de Serré, qui estoit alors financier en ceste armée et grand commissaire des vivres, secretaire du roy et surintendant des fortifications et magasins de France, un très habile homme de son metier..., que M. de Guyse aimoit fort..., lui remontra qu'il devoit faire rhabiller le pont de Saint-Mesmin, qui seroit un grand soulagement pour luy, en allant et venant de Portereau à son logis, et pour toute sa noblesse qui l'y accompagnoit, au lieu de la grande peine, fatigue, et grand tour que nous faisions d'aller passer au pont d'Olivet, et que ce ne seroit qu'à l'appetit de quatre à cinq cent escus. M. de Guyse luy dit: «Espargnons l'argent de nostre roy, il en a assez à faire ailleurs; tout luy est bien de besoin, car un chascun le mange et le pille de tous costez. Nous nous passerons bien de ce pont; mais que j'aie mon petit bateau, c'est assez...» De sorte que si ce pont eust esté faict à l'appetit de peu, nous eussions toujours accompagné nostre general par le pont jusques à son logis, et ne fussions allé faire ce tour et passer à la débandade à Olivet, et par ainsy luy très bien accompaigné, ce maraud n'eust jamais faict le coup, lequel seut très bien dire qu'autrement il ne l'eust osé attaquer, que par ceste occasion qui certes estoit fort aisée.»—L'évêque de Riez, dans sa lettre, dit que le pont de Saint-Mesmin avoit été ainsi rompu par les protestants.

22: Tout ce long paragraphe ne concernant en rien l'amiral, on lit seulement dans sa réponse: «Cest article appartient particulierement au dit Poltrot, et pourtant on s'en rapporte à luy, louant Dieu cependant, de tous juste jugement.»—Les Mémoires de Tavannes (coll. Petitot, 1re série, t. 24, p. 293) confirment ce que Poltrot raconte ici: «Luy, pensant se sauver et croyant avoir faict vingt lieues, n'avoit fait que tourner, fut pris proche le quartier des Suisses, caché dans une grange.» Lottin (Recherches, t. 1, p. 448) se guidant sur une relation manuscrite, dont, selon son habitude, il ne donne pas l'indication précise, dit aussi en parlant de Polirot: «Après avoir erré toute la nuit, il se seroit refugié dans une petite maison voisine, où il aurait été pris par un secretaire du duc de Guise, qui estoit à sa recherche.»

23: L'amiral nie de nouveau, tant pour lui que pour M. de La Rochefoucauld.

24: L'amiral trouve en ceci une insinuation perfide; il y reconnoît «l'artifice de ses ennemis, taschant par tous moyens à le separer, et toute ceste armée, d'avec M. le prince de Condé, lieutenant general pour le roy en icelle.»

25: Ici, nouvelles dénégations de l'amiral, au nom de MM. de Soubize et Dandelot.

26: Pour répondre à cette allégation mauvaise, l'amiral proteste de sa fidélité à la reine et la prend elle-même à témoin, «avec les services qu'il a faits par ci-devant».

27: «Le dit seigneur admiral respond à cest article comme du precedent.»

28: «Le dit seigneur admiral ne sait ce que le dit Poltrot a peu voir à Blois, et n'en doit aussi respondre.»

29: L'amiral ne s'oppose point à ce que demande ici Poltrot. «Il veut bien qu'on le laisse pourmener par le camp, avec bonne et seure garde.»

30: Coligny retrouve là encore la mauvaise pensée des gens qui veulent le perdre; «mais, dit-il, ils devoyent plutôt enquerir de ces choses par quelques autres de son conseil que par ledit Poltrot.» Ils auroient su alors «qu'il aimeroit mieux mourir que de vouloir penser à faire entreprise contraire au devoir d'un vray et loyal sujet et serviteur de Sa Majesté.»

31: «Si, dit la Response, le dit Poltrot, ou pour crainte de la mort, ou par autre subornation, a persisté en ses confessions fausses et controuvées, à plus forte raison le dit seigneur admiral et ceux qui par icelles sont chargez avec luy persistent en leurs responses, qui contiennent la pure et simple vérité.» L'amiral demande ensuite qu'on le confronte avec Poltrot. Il a récusé le Parlement et autres juges qui se sont manifestement déclarés ses ennemis «en ces presents tumultes»; mais qu'on attende la paix, que Poltrot, jusque là sûrement gardé «en lieu où il ne puisse être intimidé ni suborné», soit mis alors en présence de l'amiral, par ce moyen le tout pourra être «verifié et vuidé par des juges non suspects». Si, au contraire, on procède aussitôt au jugement et à l'exécution de Poltrot, enlevant ainsi à l'amiral «et à tous autres le vray moyen de se justifier des susdites fausses accusations, ils protestent de leur integrité, innocence et bonne reputation contre les dessusdits juges et contre tous ceux qu'il appartiendra.» Ainsi se termine cette Response. Puis on lit: «Faict à Caen, en Normandie, ce douziesme de mars, l'an mil cinq cent soixante et deux. Ainsi signé: Chastillon, La Rochefoucaut, Th. de Bèze.» On ne tint pas compte de la demande faite ici par l'amiral, et dont Brantôme a aussi parlé; l'on passa outre au jugement et à l'exécution de Poltrot. Coligny se plaignit de cette hâte, d'autant plus qu'il avoit appris que, dans un second interrogatoire qu'on n'avoit pas rendu public, l'accusé avoit démenti ce qu'il avoit dit dans le premier. «Il se vérifiera, écrit l'amiral dans sa Plus ample declaration, par le tesmoignage de plusieurs gens de bien et dignes de foy, qu'estant le dit Poltrot en la conciergerie de Paris, il leur a dit qu'il avoit entièrement deschargé le dit seigneur admiral devant les juges, et a faict le semblable à l'ouye d'une infinité de personnes, lorsqu'on le menoit au supplice.» Brantôme atteste aussi que, pour le fait de l'amiral, Poltrot varioit et tergiversoit fort. D'ailleurs, comme le remarque Coligny, qu'étoit-il nécessaire qu'on le poussât au crime? N'y étoit-il pas assez porté de lui-même? Ne lui avoit-on pas entendu dire maintes fois ouvertement que M. de Guise «ne mourroit jamais que de sa main», et ne savoit-on pas qu'une fois le coup fait, et le bruit en étant parvenu en Poitou, deux parentes qu'il y avoit «dirent incontinent et d'elles-mêmes qu'elles craignoyent que ce fut le dit Poltrot, veu la resolution qu'elles sçavoient qu'il avoit de longtemps prise de ce faire?» On trouve encore, dans cette dernière declaration de l'amiral, cette particularité curieuse: «Le dit Poltrot estant parent proche de La Regnauldie, comme l'on dit, il pouvoit bien estre assez incité de sa propre devotion à faire ce qu'il a faict.» Nous savions par Brantôme (édit. du Panthéon littéraire, t. 1, p. 435) que Poltrot avoit eu pour conseiller M. d'Aubeterre, l'un des conjurés d'Amboise, mais nous ignorions qu'il fût parent du chef de ce grand complot.

32: Par l'interrogatoire du coupable, par les réponses de l'amiral, on a pu s'édifier sur les faits du procès et se bien mettre à même de peser la part d'innocence ou de culpabilité qui y revient à celui-ci. Aux yeux de la veuve et des enfants du duc de Guise, malgré toutes ces explications, la complicité de Coligny ne fut pas douteuse, et ils n'eurent cesse ni répit qu'ils n'en eussent pris vengeance. Ils dirigèrent contre l'amiral des poursuites dont on trouve le détail, avec les pièces à l'appui, dans la curieuse publication de M. Louis Pâris, le Cabinet historique, mars 1857, p. 59-69. Des juges auroient pu terminer ce débat envenimé, mais où les prendre? «Le sieur amiral, écrivoit M. de Morvilliers à l'évêque de Rennes, le 23 décembre 1563, recuse tous les Parlemens», les autres le Grand-Conseil. Pour en terminer, le roi fut obligé de retenir à soi la connoissance du fait, «la poursuite duquel, lit-on dans l'arrest du 5 janvier 1563 qui fixe ce renvoi, il mit en surcéance pour le temps et terme de trois ans», à la condition que, durant ce délai, «les partis n'attenteroient reciproquement les ungs contres les autres», ce qui fut promis. Les trois années passées, le 29 janvier 1566, «on besogna, dit Bruslard, dont M. L. Pâris cite le Journal, p. 65, au jugement de M. l'admiral, sur ce que Poltrot l'avoit chargé du mandement de la mort de feu monseigneur le duc de Guise. Auparavant que d'opiner, M. l'admiral, mandé par le roy, fut interrogé par luy mesme sur la charge du dit Poltrot, lequel dit, en présence de toute la compagnie, qu'il n'avoit faict ni faict faire l'homicide, et qu'il ne l'avoit approuvé ni approuvoit; et qui voudroit dire et soustenir le contraire, il auroit menty, et luy offroit le combat.» Sur cette déclaration énergique, le roi renvoya l'amiral «innocent... et purgé du cas dont Poltrot l'avoit chargé.» Le cardinal de Lorraine l'embrassa au sortir de la salle du conseil; mais Henri, duc de Guise, et Claude, duc d'Aumale, refusèrent de lui presser la main et grondèrent de nouvelles menaces. Ils se souvenoient des propos que l'amiral avoit tenus après l'assassinat, et qui, bien loin d'en être comme en ce moment une désapprobation, témoignoient au contraire de la satisfaction qu'il en éprouvoit: «Je n'en suis l'auteur nullement, disoit-il souvent, selon Brantôme, et je ne l'ay point faict faire, et pour beaucoup ne le voudrois avoir faict faire, mais, ajoutoit-il, je suis pourtant bien ayse de sa mort, car nous y avons perdu un très dangereux ennemi de notre religion.» Ce mot, qui étonna d'un homme aussi froid et modeste en paroles, lui nuisit fort, dit encore Brantôme; c'est même ce qui l'ayant fait le plus soupçonner, «luy cousta la vie par amprès». M. L. Pâris est aussi de cette opinion. En 1569, les enfants du duc de Guise parvinrent à faire condamner Coligny par le Parlement; puis, en attendant la sanglante réalité du mois d'août 1572, ils le firent pendre en effigie à Montfaucon. La première pensée de cette vengeance ainsi satisfaite datoit de l'instant où Poltrot avoit commis son crime: «Dans notre opinion, dit M. Pâris, c'est là qu'est tout entière la question de la Saint-Barthelemy.»

33: Ce Factum en vers, écrit par le fils du poète Antoine de Baïf, et rempli de curieux détails sur l'un et l'autre, est on ne peut plus rare. L'exemplaire d'après lequel nous le publions est le seul que nous ayons jamais vu. Nous ne savons au juste quel est le procès dont il traite, et nous ne chercherons pas trop à le savoir: l'intérêt n'est pas là; ce qui nous importe, c'est que nous trouvons ici des renseignements sur l'un des plus charmants poètes de la Pléiade, et que ces renseignements nous y sont donnés par son fils. Ce fils jusqu'alors nous étoit à peu près inconnu; nous n'avions trouvé trace de son existence que dans le manuscrit de G. Colletet (Vies des poètes françois, article Baïf); nous savions qu'il s'appeloit Guillaume et qu'il étoit curieux de tout ce qui intéressoit la gloire de son père, car après la dissolution de l'Académie tout à la fois littéraire et lyrique dont Baïf, Desportes et quelques autres avoient été les fondateurs, le livre d'institution de cette compagnie ayant disparu par la négligence du fils naturel de Desportes, il le chercha avec le plus grand soin, mais ne parvint malheureusement qu'à en trouver quelques feuilles entre les mains d'un pâtissier à qui il avoit été vendu: «Perte irréparable, dit Colletet, et qui me fut sensible au dernier point, et ce d'autant plus que, dans le livre de cette institution, qui estoit un beau vélin, on voyoit ce que le roi Henri III, ce que le duc de Joyeuse, ce que le duc de Retz, et la plupart des seigneurs et des dames de la cour, avoient promis de donner pour l'établissement et pour l'entretien de l'académie, qui prit fin avec le roi Henri III et dans les troubles et confusions des guerres civiles du royaume.» Cet établissement avoit été une sorte de précurseur de l'illustre compagnie constituée par Richelieu. C'étoit mieux même: l'Académie françoise s'y compliquoit de l'opéra! Celui-ci, pour lequel Antoine de Baïf s'étoit associé Joachim de Thibault de Courville, maistre de l'art de bien chanter, comme il l'appelle en une pièce du 9e livre de ses Poëmes, étoit la partie importante, à en juger d'après ce qu'il est dit dans les Lettres patentes données par Charles IX, en novembre 1570, et que la Revue rétrospective a publiées pour la première fois (t. 1, p. 102-111). Après la mort de Henri III, comme nous l'a dit Colletet, rien ne survécut de ce qui représentoit la littérature dans cette première Académie. La partie lyrique fut plus vivace; même après Baïf nous la trouvons encore debout: elle a émigré rue de la Juiverie, dans la maison d'un certain Mauduit, qui en est le directeur. Sauval, de qui nous tenons ces derniers faits (liv. IX, chap. Académie), nous avoit donné à penser, d'après un autre passage des Antiquités de Paris (t. 1, p. 112), que le fils de Baïf avoit été pour quelque chose dans cette continuation de l'entreprise lyrique. Il nous parle, en effet, d'un Claude Baliffre, surintendant de la musique du roi Henri IV, qui, sauf une légère altération de nom, pouvoit bien être pris pour le fils du fondateur de la première académie musicale; malheureusement Jaillot a prouvé que Sauval s'étoit trompé (Recherches sur Paris, quartier Saint-Eustache, p. 4-5), et nous, par surcroît, nous venons de faire voir que le fils du poète s'appeloit, non pas Claude, mais Guillaume. Il ne faudra donc plus dire, comme l'ont fait MM. Lazarre dans leur livre d'ailleurs si estimable, Dictionnaire des rues de Paris, 2e édit., p. 184, que ce Claude Baillifre, qui a donné son nom à une rue bâtie sur des terrains que lui avoit concédés le roi, étoit le fils du poète.

34: Une première édition des Mimes avoit paru en 1576, ce fut la seule, que Baïf donna lui-même; mais en 1608, c'est-à-dire un an avant l'époque où fut écrit ce factum rimé, son fils, ayant fait à Toulouse le voyage dont il parle ici, en profita pour publier chez Jean Jagoust une partie des œuvres de son père: Les mimes, enseignements et proverbes de J. A. Baïf; Tolose, Jean Jagoust, 1608, in-16. Cette édition ne fut pas la dernière. Il en parut encore une à Tournon en 1619, imprimée chez G. Linocier. C'est un in-12 de 327 pages. Dans l'Epistre dedicatoire à Estienne Empereur, sieur de La Croix, auditeur des comptes à Grenoble, il est dit que Linocier a ajouté à cette édition «quelque pièce qui n'a encore cy devant esté veue, l'ayant recouvré n'aguères, après l'avoir laissé eschapper, lorsque son ouvrier du Baïf la luy donna pour l'imprimer, environ trente ans auparavant». Le bibliophile Jamet en possédoit un exemplaire. Nous tirons ces détails d'une note manuscrite de l'abbé Mercier de Saint-Léger sur l'article Baïf, dans la Biblioth. de du Verdier, édit. Rigoley de Juvigny, t. 1, p. 324.

35: G. Baïf ne se trompe pas; son père, au livre 1er des Mimes, enseignements et proverbes (Tolose, 1619, in-16, p. 26), s'adresse à M. de Villeroy, secrétaire du roi, et lui fait le récit de ses vains efforts, qui, après l'avoir mené à une sorte de renommée, n'ont pu le conduire à la fortune:

Quand je pense au divers ouvrage
Où j'ay badiné tout mon âge,
Tantost epigrammatisant,
Tantost sonnant la tragedie,
Puis me gaussant en comedie,
Puis des amours petrarquisant,
Ou chantant des roys les louanges,
Ou du grand Dieu, le roy des anges...
Je ry de ma longue folie
(O Villeroy, de qui me lie
L'amiable et nette vertu),
Et je di, voyant ma fortune
Maigre, s'il en fust jamais une:
«Je suis un grand cogne-festu,
Qui cogne, cogne et rien n'avance.
J'ay travaillé sous esperance.
Les rois mon travail ont loué,
Plus que n'a valu mon mérite;
Mais la récompense est petite
Pour un labeur tant avoué,
Puisque je n'ay crosse ni mitre;
Puisque je n'ay plus que le tiltre
D'une frivole pension,
Bonne jadis, aujourd'huy vaine,
Qui m'emmuselle et qui me meine
Pour m'accabler de passion,
Doncques le mieux que je puisse faire,
C'est me tromper en ma misère,
Maladif pauvre que je suis.
Voire, au milieu de mon martyre,
Me faut essayer la satire:
Souffrir et taire ne me puis.

En plus d'un autre endroit de ses œuvres Baïf avoit fait les mêmes plaintes: ainsi au livre IX de ses Poëmes, dans ses vers à Belot; et dans son Epistre à M. de la Molle, où, entre autres choses, il avoit dit:

Quand, malcontent, resveur, je panse
Que vingt et cinq ans par la France
J'ay faict ce malheureux mestier
Sans recevoir aucun salaire
De tant d'ouvrages qu'ay sceu faire,
Oh! que j'eusse été coquetier!

36: Charles IX, suivant Colletet, dans sa Vie manuscrite de Baïf, l'avoit fait secrétaire ordinaire de sa chambre; «et, ajoute-t-il, comme ce prince liberal et magnifique luy donnoit de bons gages, il luy octroya encore de temps en temps quelques offices de nouvelle creation, et de certaines confiscations qui procuroient à Baïf le moyen d'entretenir aux études quelques gens de lettres, de regaler chez lui tous les savans de son siècle et de tenir bonne table.» Baïf fit trop en conscience ces bombances littéraires dont on lui confioit les fonds. Quand, après Henri III, qui avoit repris de son frère le rôle de protecteur de cette compagnie, l'argent cessa d'être fourni, notre poète, qui n'avoit rien gardé, se trouva sans un écu.

37: Ce n'est pas le 19 septembre 1589, comme le disent les Biographies, que Baïf seroit mort; s'il falloit en croire Scévole de Sainte-Marthe, cité par La Monnoie dans ses notes sur la Biblioth. franc. de du Verdier (édit. Rigoley, t. 1, p. 440), il auroit vécu un an encore après cette date, et il faudroit fixer l'époque de sa mort au mois de juillet 1590. Scévole de Sainte-Marthe dit en effet qu'elle précéda de peu de jours l'attaque que Henri IV tenta contre les faubourgs de Paris, et qui l'en rendit maître. Selon La Croix du Maine, il auroit eu cinquante-huit ans; Sainte-Marthe dit soixante, et c'est lui que je crois, car il avoit connu Baïf. Il faudroit dans ce cas faire naître celui-ci en 1530, et non plus en 1532, ainsi que l'ont répété les uns après les autres les biographes, ces moutons de Panurge.

38: C'est le fameux cheval de bois qu'on faisoit galoper dans les airs à l'aide d'une cheville qu'il suffisoit de pousser. Il en est parlé dans plusieurs anciens romans, notamment dans Valentin et Orson, et dans l'Histoire de Maguelone et de Pierre de Provence. Le coursier de bois Clavilègne le Véloce, que Cervantes (Don Quichotte, ch. 40) fait bravement enfourcher par son héros ayant Sancho en croupe, n'est qu'une imitation ou plutôt une parodie du cheval de Pacolet. Celui-ci descendoit lui-même en ligne directe du cheval de bronze des Contes orientaux, qui, après avoir passé par l'une des charmantes inventions du vieux Chaucer, l'Histoire de Cambuscan, roi de Tartarie, est arrivé, toujours volant, jusqu'à notre Opéra-Comique. La pièce de M. Scribe, qui, opéra-comique hier, sera grand-opéra demain, sans changer son titre, Le Cheval de bronze, et sans rien perdre, Dieu merci, de la musique d'Auber, est une ingénieuse imitation du conte de la Corbeille, qui se trouve parmi les Contes orientaux qu'a publiés M. de Caylus (La Haye, 1743, 3 vol. in-12). M. Loiseleur-Deslongchamps a lui-même constaté l'emprunt. (Essai historique sur les contes orientaux et sur les Mille et une nuits, 1838, in-12, p. 97, note.)

39: L'entrée de Henri IV dans Paris, par la Porte-Neuve, eut lieu le mardi 22 mars 1594.

40: Par negrite canaille Guillaume de Baïf entend parler de la garnison, en grande partie africaine, qui, au nom de Philippe II, occupoit Paris, et principalement les quartiers des faubourgs avoisinant les portes. Il est parlé de ces Môres et Africains des troupes du roi d'Espagne dans la Satyre Menippée, édit. Ch. Labitte, p. 77.

41: Cette maison, dont il nous faut enfin parler, et qui étoit pour Guillaume Baïf la plus belle partie de l'héritage de son père, se trouvoit, comme il est dit dans les Lettres patentes citées tout-à-l'heure, «sur les fossez Saint-Victor, aux fauxbourgs», c'est-à-dire dans la rue actuelle des Fossés-Saint-Victor. Suivant Jaillot, dont Hurtaut et Magny, dans leur Dictionnaire historique de Paris, t. 1, p. 272, 324, confirment le témoignage, ce vaste logis fut ensuite occupé par la communauté des Augustines angloises. Elles le firent rebâtir dès les premiers temps de leur occupation, c'est-à-dire en 1639. Après avoir été forcées de le quitter à l'époque de la Révolution, elle y revinrent en 1806, et l'habitent encore. Leur couvent forme les nos 23 et 25 de la rue. La maison du poète se trouve ainsi singulièrement agrandie. Elle avoit d'ailleurs été reconstruite, comme je viens de le dire; depuis longtemps on n'y trouve rien qui rappelle son passé. La physionomie que lui avoit donnée le poète étoit toute profane, et les religieuses angloises n'avoient par conséquent pu s'en accommoder. Guillaume nous parle du grec que la negrite canaille dégradoit sur la poétique façade: il entend par-là les devises un peu pédantes, et réellement écrites en grec, qui se lisoient sur les murs de ce cénacle de la Pléiade. Sauval (liv. IX, ch. Académie) nous en avoit déjà dit un mot, et nous le connoissions aussi par de curieuses lignes que Colletet le fils avoit mises en note auprès d'un passage du manuscrit de son père où il est question de ce logis à la grecque. C'est étant tout enfant, je veux dire un peu avant la reconstruction, faite en 1639, que Fr. Colletet l'avoit pu voir: «Il me souvient, dit-il, estant jeune enfant, d'avoir vu la maison de cet excellent homme, que l'on montroit comme une marque precieuse de l'antiquité; elle estoit située (sur la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet) à l'endroit même où l'on a depuis bâti la maison des religieuses angloises de l'ordre de Saint-Augustin, et sous chaque fenêtre de chambre on lisoit de belles inscriptions grecques, en gros caractères, tirées du poète Anacréon, de Pindare, d'Homère, et de plusieurs autres, qui attiroient agreablement les yeux des doctes passants.» Ces inscriptions étoient assez d'usage en ce temps-là; c'étoit comme une sorte d'enseigne que prenoient volontiers les logis de savants. G. Colletet nous dit, par exemple, qu'Estienne Pasquier s'étoit donné ce luxe classique: «Sur le quai de la Tournelle, vis-à-vis du pont de pierre, écrit-il dans la notice qu'il lui consacre, il possédoit une maison fort agreable, sur la porte de laquelle il avoit fait graver des devises grecques et latines, qui furent, vingt ans après sa mort, effacées par un nouveau maître.» Charles IX et Henri III vinrent souvent dans la maison de la rue des Fossés-Saint-Victor pour assister aux «épreuves de poésie et de musique» qui y avoient lieu, et pour faire ainsi acte de protecteurs de cette primitive académie. Elle étoit, avec celle qui se tenoit tout près, à l'abbaye de Saint-Victor, sous les auspices de Fr. du Harlay, et que Charles IX et Henri III visitoient souvent aussi, la véritable devancière de l'Académie françoise. (Mém. de l'abbé d'Artigny, t. 6, p. 200-201.) Celle-ci ne les récusoit pas; elle se faisoit même volontiers une loi des traditions qui pouvoient venir d'elles. Lorsque, par exemple, la reine Christine dut lui rendre visite, comme on étoit à se demander quel cérémonial il faudroit observer pour cette réception, on en appela prudemment à la mémoire de ceux qui pouvoient savoir ce qui se passoit en pareil cas chez Baïf, aussi bien qu'aux assemblées de Saint-Victor, et l'on s'en fit une règle. «M. le chancelier, écrit Patru à d'Ablancourt, appela M. de La Mesnardière, qui, sur cette proposition, dit que du temps de Ronsard il se tint une assemblée de gens de lettres et de beaux esprits de ce temps-là à Saint-Victor, où Charles IX alla plusieurs fois, et que tout le monde étoit assis devant lui. Il ajouta qu'on étoit couvert, si ce n'est lorsqu'on parloit directement au roi.» M. Sainte-Beuve, à qui nous devons de connoître une partie de ce qui précède, relève avec raison l'impudence de Moncrif, qui, dans son Choix d'anciennes chansons, p. 33, s'imagine de dire, à propos de Baïf: «Peut-être le premier poète qui a imaginé d'avoir une petite maison dans un faubourg de Paris. Une académie qu'il y établit, dans de certains jours, n'etoit peut-être qu'un pretexte.»—«Il faut bien être de son XVIIIe siècle pour avoir de ces idées-là», dit M. Sainte-Beuve. Un peu plus loin, il fait encore cette remarque, par laquelle nous clorons l'histoire toute littéraire de ce vieux logis; «C'est dans ce couvent des Angloises, bâti sur l'emplacement de la maison de Baïf, que par la suite (volventibus annis) a été élevée Mme Sand. (Tableau histor. et crit. de la poésie françoise et du théâtre françois au XVIe siècle, édit. Charpentier, p. 422-423.) Mme Sand a longuement parlé elle-même de cette maison, qui la vit enfant. (Hist. de ma vie, in-12, t. 6, p 105.)

42: C'est Philippe Desportes, abbé de Tiron, comme on sait.

43: Desportes, après avoir, en 1587, passé quelque temps triste et découragé chez Baïf, où de Thou le vint voir (Mém. de la vie de Jacq.-Aug. de Thou, 1714, in-12, p. 168), s'étoit décidé pour le parti de la Ligue, pensant peut-être que mieux valoit être rebelle que ne rien faire. C'est à Rouen, près de l'amiral de Villars, qui y régnoit pour la sainte Union, qu'il s'étoit retiré. Dans le parti contraire, sa défection étoit honnie. Les auteurs de la Ménippée le placent parmi les traîtres, et disent, parlant de lui: «Athéiste et ingrat comme le poète de l'amirauté.» (Edit. Ch. Labitte, p. 9.) Il s'en moquoit. Conseiller intime de M. de Villars, principal ministre «de ce moderne roi d'Yvetot», comme la Ménippée appelle l'amiral (p. 231), il menoit tout à sa guise en Normandie, gouvernoit le gouverneur, faisoit secrètement des traités avec le roi, ainsi que nous l'apprend Palma-Cayet (Coll. Petitot, 1re série, t. 45, p. 352), et de cette façon se consoloit d'autant mieux de la perte de ses bénéfices qu'il se ménageoit les moyens de les recouvrer plus tard, ce qui fut en effet.

44: C'est-à-dire chef de la connétablie qui jugeoit de tous les crimes commis par les gens de guerre, sur les routes ou ailleurs. G. Baïf, en disant que Monguibert étoit un justiciable de ce tribunal, donne à entendre qu'il ne valoit pas mieux qu'un voleur de grands chemins.

45: Sorte de bouclier.

46: Ces fragments de mémoires, perdus dans une publication du temps de l'empire, Archives littéraires de l'Europe, no XXXVI (31 décembre 1806), p. 363-377, n'ont été connus que de M. Walckenaer, qui s'est contenté de les mentionner dans la 5e partie de ses Mémoires sur la vie de Mme de Sévigné, p. 437, et de nous, qui en avons fait largement usage pour notre notice sur les maisons de Scarron à Paris (Paris démoli, 2e édit., p. 313-354). M. Walckenaer nous les donne, avec raison, pour fort curieux, «en ce que, dit-il, l'auteur cite des témoins contemporains.» C'est ce que dit aussi, dans sa note préliminaire, Chardon de La Rochette, qui s'en fit le premier éditeur pour le recueil nommé tout à l'heure. Il les publioit «d'après une copie prise sur l'original de la main de l'auteur en 1737.» Cet auteur n'est pas inconnu, seulement c'est par des travaux d'un tout autre genre qu'il avoit recommandé son nom. Chardon de La Rochette lui consacre une partie de sa note, et fait en quelques lignes sa biographie à peu près complète. Nous y ajouterons quelques détails: Louis Laguille étoit né à Autun, le 1er octobre 1658; il entra chez les jésuites le 1er septembre 1675, fit profession le 2 février 1692, et enseigna d'une façon fort distinguée la philosophie et les mathématiques. Il ne tarda pas à être l'un des principaux de la compagnie; il fut deux fois provincial dans la province de Champagne et une fois dans celle de France ou de Paris. C'est là sans doute qu'il fut à même de s'initier à tous les faits intimes qu'il raconte ici. En 1714, il fut un des membres du congrès de Bade, et, par son zèle, par son éloquence,—il étoit en effet fort bon prédicateur,—il aida beaucoup au rétablissement de la paix. Il n'étoit pas toujours d'un zèle aussi conciliant. L'abbé d'Olivet nous donne même à penser qu'il poussoit fort loin l'intolérance contre ceux qui étoient assez téméraires pour ne pas soumettre leurs opinions aux siennes. Dans une lettre inédite que l'abbé écrit au président Bouhier, et qui doit être du mois de juillet 1719, il lui parle «d'un certain P. Laguille, qui est à Dijon, moine orgueilleux, dit-il, qui, pour faire sa cour aux sots du collége de Paris, a horriblement persécuté le bon père Hardouin...» Il mourut en 1742, à Pont-à-Mousson, n'ayant pas moins de 84 ans. Les ouvrages qu'il a laissés sont assez nombreux; on en peut voir la liste dans la Bibliothèque de Bourgogne, par Papillon, in-fol., t. 1, p. 365. Les principaux sont une Histoire d'Alsace ancienne et moderne, depuis César jusqu'en 1725, Strasb., 1727, 2 vol. in-fol.; Exposition des sentiments catholiques sur la soumission due à la bulle Unigenitus, 1735, in-4; Préservatif, pour un jeune homme de qualité, contre l'irréligion et le libertinage, Nancy, 1739, in-12.

47: Lui-même avoue qu'il s'étoit, fort jeune encore, occupé des sciences occultes, mais avec dessein de ne s'en jamais servir, «et, dit-il, s'amuser aux théoriques de la magie, protestant pourtant de n'essayer aucun experiment». (Mémoires de Théod. Agrippa d'Aubigné, édit. Ludov. Lalanne, p. 13.)

48: D'Aubigné se trouvoit à Paris lorsque Jean Chastel fit son attentat contre Henri IV. Un jour que celui-ci lui montroit sa lèvre entamée par le couteau de l'assassin: «Sire, lui dit-il, vous n'avez encore renoncé Dieu que des lèvres, il s'est contenté de les percer; mais quand vous renoncerez du cœur, il percera le cœur.» Tout le monde admira le mot, et d'Aubigné plus qu'aucun; il crut franchement avoir fait une prédiction. Quand la nouvelle de la mort du roi lui arriva, comme on assuroit que le «coup estoit à la gorge, il dit devant plusieurs, qui estoient accourus en sa chambre avec le messager, que ce n'estoit point à la gorge, mais au cœur, estant assuré de n'avoir menty.» (Id., p. 94, 114.) Je ne sache pas qu'il ait fait d'autre prédiction de cet événement.

49: Ce nom est écrit ainsi dans tout le cours du fragment. (Note de Chardon de la Rochette.)

50: Constant d'Aubigné, baron de Surimeau, né vers 1584, «fut nourry par son père avec tout le soin et despence qu'on eust pu employer au fils d'un prince». (Mém. de d'Aubigné, p. 151.)

51: Nous connoissions ce premier mariage de Constant d'Aubigné, mais nous ne savions pas qu'il avoit eu cette fin tragique. Lui-même, dans une lettre écrite à son frère, Nathan d'Aubigné, le 6 mars 1637, parle de ce mariage, mais pour dire seulement qu'il n'en naquit aucun enfant. (Mémoires de La Beaumelle sur Mme de Maintenon, t. 6, p. 32.)

52: Tous ces faits ont besoin d'être un peu redressés pour redevenir complétement vrais. C. d'Aubigné se remaria en 1627, c'est-à-dire bien avant d'être mis en prison, non pas à Cadillac, mais au Château-Trompette; seulement, comme il épousa la fille de M. de Cadillac, gouverneur de la forteresse où il fut enfermé deux ans après, l'on comprend la double erreur commise ici par le jésuite biographe, et que plusieurs autres historiens ont partagée. La Beaumelle (t. 6, p. 32) l'a réfutée, mais sans dire ce qui l'avoit tout naturellement fait naître. Quant à la cause donnée ici de l'incarcération de d'Aubigné, elle est différente de celle que nous connoissions, mais elle est au moins aussi vraisemblable. C. d'Aubigné semble, sauf l'honnêteté, qui étoit bien moindre en lui, avoir beaucoup tenu de son père; il devoit donc être d'humeur satirique, et il n'est pas étonnant que M. d'Epernon, qui d'ailleurs y prêtoit fort, se trouvât le premier point de mire de ses chansons.

53: La Beaumelle et les autres disent que la captivité de Constant d'Aubigné à Niort n'étoit qu'une continuation de celle qu'il avoit faite au Château-Trompette. Je préfère la version du P. Laguille. La cause qu'il donne, avec détails, de cette nouvelle incarcération, me paroît aussi fort admissible. Personne n'en avoit parlé; l'on pensoit que Constant portoit encore dans cette prison la peine de je ne sais quelles intelligences entretenues par lui avec le gouvernement anglois au sujet d'un établissement qu'il projetoit à La Caroline. Ce qu'on lit ici est bien plus net, et surtout on ne peut mieux d'accord avec ce qu'on sait des habitudes des petits nobles de province à cette époque. Combien, comme d'Aubigné, étoient pillards, contrebandiers et faux monnoyeurs!

54: Jusque alors on avoit pensé que Mme de Maintenon étoit née le 27 septembre 1635; la voilà donc rajeunie de cinq mois. Ce qui est certain, c'est qu'il est déjà question d'elle dans la lettre citée tout-à-l'heure, et que son père écrivoit à Nathan d'Aubigné le 6 mars 1637; il dit à son frère qu'il a trois enfants de son second mariage: deux fils, dont l'aîné a sept ans et demi, et une fille.

55: C'est le pauvre homme de Louis XIV, celui qui servit en quelques points pour le Tartufe de Molière. Il fut évêque d'Autun, et le P. Laguille, né dans cette ville, avoit en effet dû le connoître.

56: En 1639.

57: On pense qu'il mourut en 1645, mais il est probable que ce fut au moins un an plus lard. On s'accorde à croire en effet que sa mort suivit de près un voyage que sa femme fit en France avec ses enfants pour régler quelques affaires; or, le 18 juillet 1646, elle y étoit encore: on le sait par une lettre d'elle portant cette date, et dans laquelle elle remercie Mme de Villette d'avoir bien voulu se charger de sa fille, «cette pauvre galeuse!» (La Beaumelle, t. 6, p. 34.) Pour que Constant d'Aubigné pût adresser à ses enfants les dernières paroles qu'on lui prête ici, il falloit donc qu'ils fussent de retour près de lui; et par conséquent aussi tout me fait croire, comme je l'ai dit, qu'il ne mourut pas avant la fin de 1646.

58: Toute petite, Françoise d'Aubigné avoit donné à son père une excellente opinion de son esprit. Enragé huguenot, il la croyoit trop spirituelle et trop raisonnable pour être de la religion que sa mère, bonne catholique au contraire, lui avoit donnée. «J'ai ouï dire à Mme de Maintenon, écrit Mme de Caylus, que, la tenant entre ses bras, il lui disoit: Est-il possible que vous, qui avez tant d'esprit, puissiez croire tout ce qu'on vous apprend dans votre catéchisme?» (Les souvenirs de Mme de Caylus, 1805, in-12, p. 11.)

59: Ce n'est donc pas là, comme on le voit, mais sans doute à La Grenade, que d'Aubigné seroit mort.

60: On avoit cru jusqu'ici que Mme d'Aubigné étoit morte après avoir ramené en France sa petite famille. Mme de Caylus dit positivement: «Mme d'Aubigné revint veuve en France avec ses enfants.» Puis elle n'en parle plus; elle oublie même de donner la date de sa mort, et pour cause sans doute: elle ne la savoit pas. Elle tenoit de Mme de Maintenon tout ce qui se trouve dans ses Souvenirs, et celle-ci ne devoit pas certainement lui avoir raconté avec de longs détails cette période si misérable de son enfance. J'aime donc mieux en croire le Père Laguille, qui, d'ailleurs, cite ses témoins.

61: On lit en marge: «On ajoute ici que la dite demoiselle Rossignol, qui a vecu jusques à la grande faveur et fortune de la dame, s'étant aventurée à luy demander une grâce en luy rappelant le temps passé, ne reçut ni grâce ni reponse» (Note de Chardon de la Rochelle.)

62: Saint-Simon dit aussi que, «revenue seule et au hasard en France», sa première abordée fut à La Rochelle.

63: Tous ces faits, très curieux, étoient restés inconnus, ainsi que ceux qui sont relatés dans le paragraphe suivant.

64: C'est de Miossens qu'il faut lire sans doute. Le comte de Miossens, tué en duel en 1672 par Saint-Léger-Corbon, étoit frère du maréchal d'Albret. Cette famille, on le voit, commença de bonne heure à protéger Françoise d'Aubigné.

65: On lit dans le Segraisiana, p. 12, le détail d'une prédiction du même genre qu'un maçon nommé Barbé lui fit un jour dans la chambre de Scarron, où il venoit souvent, le vieux malade s'amusant beaucoup de ses divagations de prophète. Quoique l'esprit de Françoise d'Aubigné fût assez solide pour ne pas céder à l'illusion de pareilles chimères, elle ne laissa pas que d'en être frappée. Elle y songea dans ses jours de peine. «Me voilà très loin de la grandeur predite», écrit-elle, par exemple, au commencement d'une lettre à Mme de Chantelou, le 28 avril 1666.

66: Sa femme, Mme de Villette, n'étoit pas moins que la sœur de Constant d'Aubigné, et par conséquent tante de Françoise. C'est elle qui l'avoit gardée pendant le voyage de 1646, ainsi que je l'ai dit dans une note précédente. Il est donc étonnant qu'elle eût mis cette fois si longtemps à la reprendre. Les autres historiens, notamment M. de Monmerqué dans la Biographie universelle, disent qu'aussitôt après son retour d'Amérique, elle la recueillit dans son château de Murçay; cet empressement me semble plus probable que l'espèce d'indifférence dont ce qu'on lit ici tendroit à la faire accuser. Mme de Villette étoit une fervente calviniste; elle abusa de l'hospitalité qu'elle donnoit à sa nièce pour lui faire embrasser sa croyance.

67: Lisez de Neuillant. Il est singulier que le P. Laguille se soit aussi étrangement trompé. Il aura confondu le nom de la mère avec celui d'une des filles, qui fut la maréchale de Navailles; encore étoit-ce pour mal écrire aussi le nom qu'il prenoit pour l'autre. Françoise Tiraqueau, comtesse de Neuillant, femme du gouverneur de Niort, avoit tenu sur les fonts de baptême Françoise d'Aubigné, avec Françoise d'Aubigné, avec François de La Rochefoucauld, père de l'auteur des Maximes. Elle pensoit avoir ainsi répondu de son âme devant Dieu, etc.; catholique aussi fervente que Mme de Villette étoit obstinée huguenote, c'est ce qui lui fit tout tenter pour retirer chez elle sa jeune filleule, et pour la remettre dans la religion où elle l'avoit introduite, et d'où elle la trouvoit violemment sortie. Elle fut d'autant plus ardente à cette conversion qu'elle faisoit ainsi sa cour à la reine mère. Après beaucoup d'efforts elle réussit; Françoise d'Aubigné n'abjura, toutefois, complétement, que lorsqu'elle fut à Paris, au couvent des Ursulines.

68: Scarron lui adressa son Epistre burlesque.

69: «Je commandois dans la basse-cour, disoit depuis Mme de Maintenon, et c'est par ce gouvernement que mon règne a commencé.» Saint-Simon parle aussi de sa misère chez Mme de Neuillant.

70: Nous venons de voir qu'il connoissoit Mlle de Neuillant; il devoit donc connoître aussi la mère. Segrais dit comme le P. Laguille, que l'intimité s'établit par le voisinage. «Mlle d'Aubigné, nouvellement revenue d'Amérique, dit-il, demeuroit vis-à-vis de la maison de Scarron.» (Segraisiana, p. 126.) Scarron, rue des Saints-Pères, habitoit l'hôtel de Troie. Il étoit venu dans ce quartier pour être tout proche de la Charité, où il alloit tremper son très sec parchemin en des bains de tripes, qu'on disoit d'une efficacité souveraine.

71: «Pour le voir, dit aussi Tallemant, il fallut qu'elle se baissât jusqu'à se mettre à genoux.» (Edit in-12, t. 9, p. 124.)

72: Si l'on défendoit aux religieuses de faire des visites, on leur permettoit au moins d'en recevoir, et de fréquentes. V. notre édit. du Roman bourgeois, p. 209.

73: Cette dernière date est donnée comme certaine par le Segraisiana, p. 150.

74: Nous n'avons pu retrouver cette lettre de Scarron, qui, sans doute, n'a jamais été publiée. Nous en connoissons une, toutefois, où le pauvre cul-de-jatte écrit à M. de Villette: «Mme Scarron est bien malheureuse de n'avoir pas assez de bien et d'equipage pour aller où elle voudroit.»

75: Loret annonce cette mort dans son numéro du 16 octobre 1660. Elle avoit eu lieu neuf jours auparavant. Nous devons à l'obligeance de M. J. Ravenel de connoître l'extrait mortuaire du pauvre poète; le voici, tel qu'il se trouve sur le registre de la paroisse Saint-Gervais: «7 octobre 1660. Ledit jour a esté inhumé dans l'eglise desfunct messire Paul Scarron, chevalier, decedé en sa maison, rue Neuve-Saint-Louis, marais du Temple.» Cette curieuse mention, que nous avons déjà transcrite dans Paris démoli, 2e édit., p. 372, prouve que Scarron ne mourut pas rue de la Tixeranderie, comme on le croyoit d'après Saint-Foix, et comme nous l'avions longtemps pensé nous-même.

76: Cette pension n'étoit que de 1500 livres. Scarron la touchoit sur l'ordonnance de M. de Lionne et sur la signature de M. de Tubœuf, au bureau de M. de Berthillat. On connoît l'épître où Scarron remercie la reine, et se vante de sa conscience à bien remplir la charge accordée:

... Votre malade exerce
Sa charge avec integrité;
Pour servir Votre Majesté
Depuis peu l'os la peau lui perce.
.........
Et l'on peut jurer surement
Qu'aucun officier de la reine
Ne la sert si fidelement.

77: C'est Lauzun, qui fut d'abord, comme on sait, marquis de Puyguilhem. Il touchoit de près à Mme de Sainte-Hermine, que nous trouverons tout à l'heure parmi les personnes qui s'intéressèrent le plus efficacement à Mme Scarron. Celle-ci d'ailleurs étoit un peu leur parente: Lauzun étoit un Caumont, les Sainte-Hermine tenoient aussi à cette famille, et l'on sait enfin que la fille aînée de Théodore Agrippa, tante de Françoise d'Aubigné, avoit épousé un Caumont d'Adde.

78: Ségrais, qui étoit absent de Paris quand Scarron mourut, ne revint dans la maison du pauvre défunt que pour voir aussi ce qui apitoyoit si vivement Lauzun. «Quand j'arrivai devant sa porte, dit-il, je vis qu'on emportoit de chez lui la chaise sur laquelle il étoit toujours assis, et qu'on venoit de vendre à son inventaire.» (Segraisiana, p. 150.)

79: La reine la porta même à 2,000 fr. (Id., p. 148.) Mme de Caylus dit que c'est à la prière de M. de la Garde que la reine rendit la pension.

80: Une lettre de la sœur de Scarron, recueillie par M. Matter (Lettres, pièces rares ou inédites, 1846, in-8, p. 333.), fait aussi mention de cette misère de la veuve. «Ma belle-sœur, dit-elle, s'est mise à la petite Charité, fort affligée de la mort de son mari.» Tallemant dit: «à la Charité des femmes». C'étoient les hospitalières de la chaussée des Minimes, ou les filles bleues, comme elle-même les appelle dans une lettre à l'abbé Gobelin. Saint-Simon parle aussi de cette misère réduite presqu'à l'aumône. (Edit. Hachette, in-8, t. 15, p. 49.) Selon lui, c'est à la Charité de Saint-Eustache que s'étoit mise la veuve Scarron, «logée dans cette montée» où Manon, qui la suivit en tous ses divers états, et qui devint Mlle Balbien quand sa maîtresse fut devenue Mme la marquise de Maintenon, «faisoit sa chambre et son petit pot-au-feu dans la même chambre».

81: Il étoit cousin de Villarceaux. La Beaumelle (t. 1, p. 205) nous dit que Mme Scarron fit de fréquents séjours à Montchevreuil; il convient que Villarceaux dut souvent l'y rencontrer, et il s'en tient là. Saint-Simon n'est pas si contenu; il en dit de belles à ce sujet, lorsque, le roi ayant épousé la marquise, il revient tout indigné sur M. de Montchevreuil, qui fut l'un des témoins du mariage clandestin, lui, s'écrie-il, qui prêtoit jadis la maison «où Villarceaux entretenoit cette reine comme à Paris, et où il payoit toute la dépense». (T. 13, p. 16.) En tout cas, cette dépense n'étoit pas grosse, puisque la dame restoit à la Charité, et qu'il falloit partout lui chercher un sort.

82: Lisez 1666.

83: Les lettres de Mme de Maintenon relatives à son installation près de Mme de Montespan nous présentent le maréchal d'Albret comme ayant été son seul introducteur. V. Lettres du 26 avril 1666 à Mlle d'Artigny, et du 11 juillet 1666 à Mme de Chantelou. Il n'y auroit toutefois rien d'impossible à ce que M. de Montchevreuil se fût entremis pour obtenir cette position à Mme Scarron. J'y trouverois même la raison de la reconnoissance qu'elle lui témoigna toujours, à lui et à sa femme, et qui fait dire par Saint-Simon: «Il se sentit grandement de ces premiers temps.» J'aime mieux voir dans cette gratitude survivant à la misère une façon de lui tenir compte de l'honorable service qu'il lui rend ici, selon le P. Laguille, qu'un remercîment forcé des sales complaisances auxquelles il se seroit prêté, selon Saint-Simon. Quant à Mme de Sainte-Hermine, il est encore plus vraisemblable qu'elle dut être utile à Mme Scarron: elle étoit d'une très noble famille du Poitou, et avoit de l'influence à la cour. Sa famille, qui, je l'ai dit, tenoit à celle de d'Aubigné, avoit toujours voulu du bien à Françoise; elle ne l'oublia pas. Il est souvent parlé des Sainte-Hermine dans les Lettres de la marquise et dans les Souvenirs de Mme de Caylus.

84: Saint-Simon ne parle pas de ce premier-né des amours de Louis XIV et de Mme de Montespan. Suivant lui, ce furent M. le duc et Mme la duchesse qui en naquirent d'abord. (Edit. Hachette, in-8, t. 13, p. 12.) Mme de Caylus, au contraire, n'oublie pas cet aîné des bâtards; elle entre aussi dans de curieux détails sur les accouchements clandestins auxquels Mme Scarron assistoit seule: «On l'envoyoit chercher quand les premières douleurs pour accoucher prenoient à Mme de Montespan. Elle emportoit l'enfant, le cachoit sous son echarpe, se cachoit elle-même sous un masque, et, prenant un fiacre, revenoit ainsi à Paris. Combien de frayeur n'avoit-elle pas que cet enfant ne criât! Ses craintes se sont souvent renouvelées, puisque Mme de Montespan a eu sept enfants du roi!» (Souvenirs, 1805, in-12, p. 57.)

85: Étoit-il de la famille de ce Georges Dandin, sellier, qui, ayant prêté, sans le vouloir, son nom à Molière, se trouva immortel sans le savoir? Monteil l'a trouvé cité pour un carrosse de six cents livres sur les comptes du trésorier de M. le duc de Mazarin. (Traité des matériaux manuscrits, t. 2, p. 128.) Il est probable toutefois que le Dandin dont il est parlé ici étoit, comme l'autre, un artisan; c'est en effet dans quelque famille du commun que Louis XIV avoit jusqu'alors eu l'habitude de faire élever ses enfants naturels. Le fils qu'il avoit eu de Mlle de La Vallière, au mois de décembre 1663, avoit été caché dans le ménage d'un ancien valet nommé Beauchamp, qui demeuroit «rue aux Ours, sur le coin de la rue qui tourne derrière Saint-Leu Saint-Gilles». V., dans la Revue rétrospective (1re série, t. 4, p. 251-254), un fragment de Colbert relatif à cette naissance. Il est extrait d'un manuscrit ayant pour titre: Journal fait par chacune semaine de ce qui s'est passé, gui peut servir à l'histoire du Roi, du 14 avril 1663 au 7 janvier 1665.

86: Mme de Caylus dit qu'il mourut à l'âge de trois ans. Où Mme Scarron avoit-elle caché ce premier enfant? Saint-Simon dit que tout d'abord on lui donna une maison au Marais; et il a, je crois, raison. En 1667, en effet, c'est-à-dire lorsqu'elle étoit en plein dans ses premières fonctions de gouvernante, nous la retrouvons rue Neuve-Saint-Louis, et, tout nous le fait croire, dans le logis où Scarron étoit mort. Pourquoi, ayant tant besoin de mystère, étoit-elle revenue dans un quartier de Paris où on la connoissoit si bien? C'est ce que je ne puis m'expliquer. Il n'en est pas moins certain qu'un acte dont M. P. Lacroix possédoit la minute, et qui est daté due juillet 1667, lui donne l'adresse que je viens d'indiquer. (Catalogue analytique des autographes... provenant du cabinet du bibliophile Jacob, 1840, in-8, p. 44.)

87: Pour ceux-là elle s'étoit mieux cachée que pour le premier. «C'est une chose étonnante que sa vie, écrit Mme de Sévigné; aucun mortel, sans exception, n'a commerce avec elle.» (Lettre du 26 décembre 1672.) Un an après, pourtant, le mystère s'est un peu relâché; elle peut aller voir Mme de Sévigné, et celle-ci peut se permettre de la ramener dans sa cachette. «Nous trouvâmes plaisant d'aller ramener Mme Scarron à minuit au fin fond du faubourg Saint-Germain, fort au delà de Mme de La Fayette, quasi auprès de Vaugirard, dans la campagne; une grande et belle maison où l'on n'entre point; il y a un grand jardin, de beaux et grands appartements, etc.» (Lettre du 4 décembre 1673.) M. d'Argenson parle aussi de cette grande demeure, située, dit-il, «quelques maisons après la barrière de la rue de Vaugirard.» Il y étoit souvent allé voir M. et Mme de Plélo, et en 1740 il y étoit retourné faire visite au marquis de V...; elle tomboit alors en ruines. (Mémoires du marquis d'Argenson, édit. elzevir., t. 2, p. 167.) Mme de Caylus, qui ne met pas toujours dans ses récits autant d'exactitude que de charme, dit par erreur que la maison de la rue de Vaugirard ne fut achetée, par ordre de Louvois, que pour les derniers bâtards du roi, dont Mme de Maintenon ne fit pas l'éducation. (Souvenirs, p. 73.)

88: Mme Scarron rendoit ainsi à Mme de Montespan le service que Mme Paradis, mère de l'académicien Moncrif, avoit rendu à plus d'une grande dame de son temps. «Elle écrivoit avec la même facilité dont son fils a fait preuve, dit M. d'Argenson (Mém., t. 1, p. 120), et se rendit utile, dans quelques sociétés de femmes, en écrivant pour elles leurs lettres.»

89: Une des lettres que Mme Scarron auroit ainsi écrite pour Mme de Montespan court les Recueils; elle est visiblement fausse. La Baumelle l'a donnée, mais seulement, dit-il, pour ne rien omettre. Selon lui, c'est Gayot de Pitaval qui l'a forgée. (Lettres de Mme de Maintenon, 1757, in-12, t. 1, p. 58.)

90: «Le roi l'epousa, dit Saint-Simon, au milieu de l'hiver qui suivit la mort de la reine.» (Edit. Hachette, in-8, t. 13, p. 15.)

91: «La satieté des noces, ordinairement si fatale, et des noces de cette espèce, dit Saint-Simon, ne fit que consolider la faveur de Mme de Maintenon. Bientôt après, elle éclata par l'appartement qui lui fut donné à Versailles au haut du grand escalier, vis-à-vis de celui du roi, et de plain-pied.» (Id., p. 16.)

92: Ce n'est pas tout: le roi présent, elle restoit assise; et quand le dauphin ou Monsieur venoient lui rendre visite, à peine se levoit-elle un instant.

93: C'est dans Saint-Simon qu'il faut lire comment, à deux reprises, elle fit les plus grands efforts pour arriver à cette déclaration, et comment, ayant échoué deux fois, elle dut se résigner à rester reine anonyme.

94: Charles d'Aubigné, né en 1634.

95: En 1666, il étoit déjà capitaine d'infanterie et cavalerie dans le régiment du roi; en 1672, on le fit gouverneur d'Amersford, avec 10,000 francs d'appointements; «mais, comme sa sœur le lui écrivoit le 19 septembre, ce n'étoit qu'un chemin à autre chose». L'année d'après, les ennemis ont pris son gouvernement; on lui en donne vite un autre, celui d'Elbourg. L'année suivante, autre changement: il est gouverneur de Bedfort. Il reste trois ans dans ce poste, et, en 1677, il obtient celui de gouverneur de Cognac. Le P. Laguille dit qu'il l'acheta; Mme de Maintenon ne parle pas de ce détail.

96: C'est de Mlle de Floigny sans doute qu'on veut parler ici. Il fut en effet question de la marier au marquis d'Aubigné. Elle apportoit cent mille francs de dot; le marquis vouloit davantage: l'affaire, quoique très avancée, manqua. L'année suivante, d'Aubigné trouva enfin à se pourvoir. Il épousa, le 23 février 1678, Geneviève Piètre, fille de Siméon Piètre, conseiller du roi en ses conseils, procureur de Sa Majesté et de la ville de Paris. Le P. Laguille ignoroit la rupture du premier mariage et la conclusion du second; des deux, il n'en a fait qu'un.

97: S'il falloit en croire les plaintes du marquis, la dot n'avoit pas été aussi forte; mais il étoit si insatiable! Peut-être seulement la dot se fit elle attendre. «Mais vous la toucherez tôt ou tard», lui écrit sa sœur, le 12 juillet 1678; puis elle ajoute, pour lui faire prendre patience: «Vous avez une femme devote, jeune, douce, et qui vous aime. Une plus riche vous auroit eté moins soumise.»

98: Elle naquit à la fin d'avril 1684. Mme de Maintenon s'en occupa beaucoup tout d'abord. «Dites à la nourrice qu'elle nourrit mon heritière», écrit-elle à son frère, peu de jours après sa naissance: c'étoit vrai. Un mois après elle écrit encore au sujet de la petite; elle s'inquiète de son baptême, du nom qu'on lui a donné: «elle le voudroit joli.» C'est celui d'Amable qu'on lui donna. Enfin, déjà préoccupée d'une avenir dont elle eut le temps de prendre soin, et qu'elle fit fort beau: «Si, dit-elle, je vis assez pour marier ma nièce, elle le sera bien!» En 1698,—vous voyez qu'elle avoit hâte, car la petite ne faisoit qu'atteindre ses quatorze ans,—elle la maria au comte d'Ayen, depuis maréchal et duc de Noailles. La magnifique terre de Maintenon fut sa dot.

99: Un mois après la naissance de sa fille, il y vivoit déjà, malgré sa sœur. «Je vous ai conseillé de ne pas vous établir à Paris, lui écrit-elle le 18 juin 1684...»; puis sachant bien qu'avec un pareil homme ou insistoit toujours en pure perte, elle ajoute: «Mais un conseil n'est pas une defense.» Il se le tint pour dit, et ne retourna plus en province. Sa femme y resta. Lui menoit grande vie dans son hôtel de la rue des Saints-Pères; il alloit jusqu'à l'insolence: ne disoit-il pas le beau-frère quand il parloit du roi? Du moins c'est Saint-Simon qui l'assure.

100: C'est très vrai.

101: Mme de Maintenon lui obtint le cordon du Saint-Esprit à la promotion de 1688.

102: Combien de temps ne l'en pria-t-elle pas? «Vous n'êtes pas à Paris pour aller à l'Opera, mais pour faire votre salut», lui écrit-elle dès le mois d'octobre 1685. Il fut au moins dix ans à faire la sourde oreille; enfin il céda, comme il est dit ici.

103: Il mourut à Vichy le 22 mai 1703. Depuis plus de vingt ans Fagon l'y envoyoit prendre les eaux. Sa sœur, à en croire Mme de Sévigné, fut on ne peut pas plus affligée. (Lettre du 17 juin 1703.)

104: V., sur ce farceur, notre t. 7, p. 37, note.

105: Bluet d'Arbères, c'est-à-dire natif d'Arbères, dans le pays de Gex, se disant comte de Permission, est l'un des plus étranges fous de ce temps-là, mais fou aussi peu désintéressé que maître Guillaume, par exemple, et se faisant, comme lui, un gagne-pain de sa folie. Il avoit d'abord été charron, et, dit l'Estoille, «montoit en Savoie l'artillerie du duc, où on disoit qu'il se connoissoit fort bien». Lassé de ce métier, il vint à Paris, peut-être avec mission secrète d'espion, car on étoit en guerre avec M. de Savoie, et de ce fol rien ne m'étonneroit. Le fait est qu'il s'installa au centre des nouvelles, sur le Pont-Neuf, et se fit à sa manière le courtisan de tous ceux de qui l'on pouvoit recevoir ou apprendre quelque chose. Pour se donner une contenance ou un prétexte de gueuserie, il fit de petits livres, «quoiqu'il ne sçût ny lire ny escrire, et n'y eût jamais apprins», comme il le dit dans l'Institution et recueil de toutes ses œuvres. Je n'entrerai point dans le détail de ces livrets extravagants, illustrés de figures plus bizarres que le texte même. Ils n'intéressent que les bibliophiles; et tous, soit qu'ils les aient achetés à prix d'or, soit qu'ils aient dû se contenter de les envier, savent à quoi s'en tenir sur leur compte. Ce sont des oraisons, des sentences, des prophéties, le tout on ne peut plus amphigourique. Il en publia un recueil in-12 en 1600, avec dédicace à Henri IV. Il ne s'y contente pas du titre de comte de Permission, il y prend celui de chevalier des Ligues des XIII cantons suisses. Ses folies imprimées n'alloient pas à moins de 180 livrets ou morceaux numérotés. On n'en connoît guère que 107, y compris les livres 104, 113, 141 et 173, retrouvés depuis vingt ans à peu près, et la dernière pièce: Le Tombeau et Testament de feu Bern. de Bluet d'Arbères, dedié à l'ombre du prince de Mandoy, par ceux de la vieille Academie, 1606, in-8. La bibliothèque Sainte-Geneviève possède l'un des exemplaires les plus complets. Le recueil des 107 livrets connus n'est entre les mains d'aucun des plus riches bibliophiles, et c'est un de leurs grands chagrins. J'ai vu l'une des plus rares et des plus curieuses pièces dans le cabinet de M. Le Roux de Lincy. Elle sert de supplément à la 61e, et commence par: Libéralités que j'ai reçues. On y voit comment M. de Créqui a donné au comte de Permission «quatre écus et demi en cinq fois»; comment il reçut de Jacques Le Roy «deux escus et une rame de papier»; de Mme d'Entragues, une bague de grande valeur; de M. de Beauvais-Nangy, un bas de chausse de soie; de Mme de Payenne (de Poyane?), une aune de toile blanche pour faire des rabats; du duc de Nemours, «la fleur de ses amis», douze ducats, dont il se fit faire un superbe habit de frise noire. Le roi n'est pas oublié parmi ces bienfaiteurs: il donne cent livres de gages à Bluet d'Arbères, puis une chaîne d'or de cent écus, et, de plus, trois cent quarante écus en diverses fois. Qu'il seroit curieux, après cela, que le comte de Permission eût été un espion du duc de Savoie! Ce qui est à peu près assuré, ce dont tout le monde convient, même l'Estoille (Journal de Henri IV, 25 août 1603), c'est qu'il étoit beaucoup moins fou qu'il ne vouloit le paroître. Il eut tout au moins le bon sens d'économiser les profits de son extravagance. Un beau jour, tout compte fait, en additionnant jusqu'aux plus menus objets, «la bouteille d'huile que M. Cenamy lui avoit donnée pour sa salade», les mille chateries que lui prodiguoit Mme de Conti, etc., il se trouva qu'il n'avoit pas récolté moins de quatre mille écus. A trente ans de là, comme le remarque Nodier dans son curieux article sur Bluet d'Aubères (Bulletin du bibliophile, nov. 1835, p. 32, etc.), Corneille ne gagna pas tant avec le Cid, Horace et Cinna!

106: C'est-à-dire magnifique. Au 16e siècle, et même, comme on le voit ici, au commencement du 17e, tout ce qui étoit beau se disoit en cramoisi. V. Henri Estienne, Dialogue du nouveau langage françoys italianisé. Pour fier, superbe, on disoit rouge. Dans L'Amant rendu cordelier à l'observance d'amour, on lit les plus rouges (pour les plus fiers) y sont pris. Brantôme se sert du même mot à propos de l'insolence des Suisses contre M. de la Trémouille à Novare. Du mot rouge ainsi employé on fit le mot rogue, par une simple transposition de lettres.

107: C'est-à-dire «à la comédie aux Pois pilez», comme on lit dans le Baron de Fæneste, édit. Mérimée, p. 155. Ménage a rencontré juste pour l'étymologie du nom de ces farces. On appeloit pois pilés, dit-il, le marc des pois dont on avoit fait de la purée, et il n'étoit pas étonnant qu'on désignât par le même nom ces farces, qui n'étoient que salmigondis. Une phrase des Lettres de Malherbe à Peiresc (p. 24) lui donne raison, en prouvant qu'en effet pois pilés s'employoit dans le sens qu'on lui attribue ici: «C'est assez, Monsieur, écrit Malherbe; il faut finir nos fâcheux discours, qui sont plutôt pois pilés, c'est-à-dire une purée, un salmigondis, qu'une lettre.»

108: Notre maître farceur, on le voit, étoit initié aux raffinements de libertinage que la main pudique de Mlle Lambercier révéla à Jean-Jacques Rousseau enfant, et qu'il ne voulut plus désapprendre. Engoulevent mettoit en pratique ce que d'autres mirent en traité, notamment Meibomius et Doppet. Voici le titre de leurs petits livres si étrangement érotiques: J. H. Meibomii De flagrorum usu in re venerea, Londini, 1665, in-24; Traité du fouet et de ses effets sur le physique de l'amour, par D..., s. l., 1788, in-18. Pendant la Régence, le rôle du fouet s'étoit déplacé: on ne se faisoit plus fouetter, on fouettoit. «Fouetter ses maîtresses et les battre à coups de verges, écrit la mère du régent, est un raffinement de débauche dont il y a de nombreux exemples.» (Nouvelles lettres de madame la duchesse d'Orléans, édit. G. Brunet, 1853, in-18, p. 282.)

109: Nescia, ignorante, niaise:

Tant ne fut nice, encor que nice fût
Madame Alix, que le jeu ne lui plût.

(La Fontaine, Le faiseur d'oreilles.)

110: Galant, muguet, joyeux drôle, toujours en ses gogues ou en goguette. On le prenoit souvent, comme ici, en ironie. V. Rabelais, liv. IV, ch. 65, et liv. V, ch. 13.

111: On se servoit du mot momon, comme ici, pour désigner une bande de masques, ou, comme dans le Bourgeois gentilhomme, acte V, sc. 1, pour désigner le mannequin, sorte d'idole carnavalesque, que les masques traînoient avec eux. On connoît la fameuse farce attribuée à Sigongne: Le Balet des Andouilles portées en guise de momon, 1628, in-8.

112: Les chausses à l'allemande étoient toutes couvertes de ces crevés, descoupures et esgratignures dont la mode avoit fait si grande fureur au 16e siècle, et que Marie de Romieu recommandoit comme le suprême de l'élégance dans les accoustrements. V. son Instruction pour les jeunes dames, 1573.

113: Maroquin.

114: S'enfuir. Cette expression, selon Cotgrave, correspondoit à cette autre: fendre l'ergot, et celle-ci, selon M. Francisque Michel, semble répondre à la métaphore populaire je me la casse, je me la brise, pour dire je me sauve. (Etudes de philologie comparée sur l'argot, p. 147.)

115: Cette pièce, très rare, à ce point que nous n'avons jamais vu que l'exemplaire qui nous a servi pour la copie, est relative à la disgrâce de l'un des favoris de Louis XIII, qui, nous le ferons voir, doit être Barradas. Nous avons suivi le texte avec la plus grande exactitude, en regrettant de n'y pas mettre partout la clarté.

116: France.

117: C'est, en effet, ce qui avoit perdu Barradas. «J'ai, écrit Malherbe, ouï dire à Mme la princesse de Conti qu'elle avoit vu qu'un jour le roi, par caresse, lui jeta quelques gouttes d'eau de naffe au visage dans la chambre de la reine. Il se mit dans une telle colère qu'il sauta sur les mains du roi, lui arracha le petit pot où etoit l'eau..., et le lui cassa à ses pieds.» Malherbe ajoute: «Ce n'est pas là l'action d'un homme qui vouloit mourir dans la faveur.» (Lettre à Peiresc, 19 décembre 1626.) Sa disgrâce, encore une fois, et ce qu'on lit ici le confirme, ne dut pas avoir une autre raison. Ce qu'on trouve raconté dans le Menagiana, l'histoire du chapeau de Louis XIII tombé par terre, et sur lequel pisse le cheval de Barradas, ce qui met le roi dans une furieuse colère et cause par suite le renvoi du favori, me paroît être une invention. (Menagiana, 1715, in-8, t. 1, p. 254.) On trouve dans Tallemant, édit. in-12, t. 3, p. 66, d'autres preuves de l'orgueil impudent de Barradas. Sa faveur n'avoit pas duré plus de six mois; on en fit le proverbe fortune de Barradas, pour dire une courte fortune. (Amelot de la Houssaye, Mémoires histor., t. 2, p. 12; voy. aussi Coll. Petitot, 2e série, t. 49, p. 42, 43.)

118: Il y a certainement un jeu de mots ici sur le nom de Barradas.

119: Les princes.

120: Quel est le nom qui correspond à cette initiale? Je ne sais. Peut-être est-ce Simon, mais il ne suffit pas à la mesure. En y ajoutant Rouvray ou Rouvroy, on a le vers complet, et la rime est à peu près suffisante. On se trouve aussi d'accord avec l'histoire. C'est en effet Simon de Rouvroy, ou, comme l'appelle Malherbe, le sieur Simon, qui fut le successeur de Barradas dans les bonnes grâces de Louis XIII. V. la Lettre à Peiresc citée tout-à-l'heure. Il y gagna de pouvoir canoniser son nom, comme on disoit, et de s'appeler Saint-Simon, puis de devenir duc et pair, titre dont fut si fier son fils, l'auteur des fameux Mémoires. V. Tallemant, édit. in-12, t. 3, p. 65; Amelot de La Houssaye, Mémoires, t. 2, p. 12. Le père et le fils, celui-ci surtout, eurent beau faire sonner haut leur naissance, on n'y croyoit pas. «Cette famille, dit Mathieu Marais, qui n'est pas bien ancienne, et qui se pique d'une noblesse fausse, a bien besoin d'honneurs.» (Journal de Marais, Revue rétrosp., 30 nov. 1836, p. 194.)

121: Royaume.

122: N'y a-t-il pas là une allusion, sinon à la manière dont Barradas s'étoit mis en crédit, du moins à la cause si bizarre de la fortune de Saint-Simon. «Le roi, selon Tallemant (ibid.), prit amitié pour lui parce qu'il rapportoit toujours des nouvelles certaines de la chasse, ne tourmentoit pas trop les chevaux, et parce que, lorsqu'il portoit en un cor, il ne bavoit pas trop dedans.»

123: Ce supposé mari n'est pas autre que le faux Martin-Guerre, le fameux Arnauld du Thil. Son histoire, restée connue de tout le monde, ne passe pas généralement pour être aussi ancienne. Sa popularité soutenue l'a pour ainsi dire rajeunie, si bien que ceux qui la racontent la croient volontiers d'hier. Il étoit bon de la remettre à sa vraie date, par la publication d'un récit contemporain: c'est ce qui nous a déterminé à donner cette pièce, d'ailleurs fort rare. Cette aventure fit grande émotion à l'époque où elle se passa; Henri Estienne en parle dans la préface de son Apologie pour Hérodote (édit. 1735, t. 1, p. 29), et la donne pour une excellente preuve du système qu'il soutient, à savoir qu'il n'est fable du vieil historien grec dont la vraisemblance ne puisse être prouvée par quelque fait moderne. Montaigne fait aussi mention de cette bizarre histoire, et dit même avoir assisté aux débats auxquels elle donna lieu. Toujours sceptique, il va jusqu'à douter de la justice de l'arrêt qui en amena le dénouement. Devant cette sentence, comme en toutes choses, il dit son fameux Que sais-je? (Essais, liv 3, ch. 11.) «Je veis en mon enfance, écrit-il, un procez que Corras, conseiller de Toulouze, feit imprimer, d'un accident estrange: de deux hommes qui se presentoient l'un pour l'aultre. Il me soubvient (et ne me soubvient aussy d'aultre chose) qu'il me sembla avoir rendu l'imposture de celui qu'il jugea coulpable, si merveilleuse et excedant de si loing nostre cognoissance et la sienne, qui estoit juge, que je trouvay beaucoup de hardiesse en l'arrest qui l'avoit condamné à estre pendu. Recevons quelque forme d'arrest qui die: «La Cour n'y entend rien», plus librement et plus ingenuement que ne feirent les Aeropagistes, lesquels, se trouvant pressez d'une cause qu'ils ne pouvoient developper, ordonnèrent que les parties en viendroient à cent ans.» Jean de Coras, dont vient de parler Montaigne, est le même qui, malgré la protection du chancelier de L'Hôpital, fut vivement poursuivi comme calviniste, et, peu de temps après la Saint-Barthélemy, finit par être pendu à Toulouse, aux branches de l'orme du Palais. Il avoit, comme nous l'a dit Montaigne, écrit longuement sur le procès qui nous occupe. Son ouvrage à ce sujet, ou plutôt ses commentaires, que Du Verdier qualifie de très doctes, furent imprimés à Paris et à Toulouse par diverses fois (Bibl. franc., édit. R. de Juvigny, t. 1, p. 482). En voici le titre, d'après l'une des meilleures éditions: Arrest memorable du parlement de Tholoze, contenant une histoire prodigieuse d'un supposé mary, enrichi de cent et onze annotations par M. Jean de Coras; Paris, Galiot du Pré, 1572, in-8. Hugues Sureau (Suræus) en fit une version latine, imprimée à Francfort, chez Wechel, 1588, in-8. On peut lire, sur cet ouvrage, ce qu'en a dit Jean Coras, le poète, dans la notice latine qu'en sa qualité de membre de la même famille, il a consacrée au jurisconsulte toulousain, et consulter aussi les Mémoires de littérature de Sallengre, t. 2, 1re partie, p. 224.—L'histoire de Martin-Guerre eut du retentissement jusqu'à l'étranger, surtout dans les Pays-Bas. Hubert Goltz donna à Bruges, en 1565, une édition du commentaire de Coras; et Jean Cats fit de cette aventure le sujet d'un poème en hollandois que Caspar Barlæus traduisit en vers héroïques latins. Je n'ai pas besoin de dire que tous les recueils de causes célèbres en ont répété le récit avec plus ou moins d'exactitude. La relation la plus circonstanciée est celle qui se trouve dans les Imposteurs insignes de J. B. de Rocols, 1728, in-8, t. 1, p. 318. Nous y recourrons pour l'éclaircissement de plusieurs faits.

124: C'est Ardigat, dans le département de l'Arriége, arrondissement de Pamiers.

125: Sanche ou Sanchez.

126: Je savois bien qu'en pareil cas, parlant des hommes, on disoit lier l'aiguillette, mais j'ignorois que la même métaphore fût employée pour les femmes. Elle perd de sa justesse en changeant de sexe, et finit même par ne plus être compréhensible.

127: D'après la relation donnée par Rocoles, il auroit d'abord été laquais du cardinal de Burgos et de son frère, qui l'emmenèrent en Flandre. Là il se fit soldat, combattit et fut blessé, comme il est dit ici.

128: On sait que ce siége se termina par la défaite des François, le 10 août 1557, et par la prise de la ville.

129: Ce n'est pas seulement en Espagne qu'existoient ces places de moine-lai ou oblat, données, dans les cloîtres, aux soldats invalides. Nous en trouvons aussi l'institution en France. C'est le roi qui en disposoit, mais son droit étoit restreint aux bénéfices électifs de fondation royale, ducale ou comtale, qui avoient plus de 1,200 livres de revenus. Les couvents trouvèrent avantageux de convertir en argent cette prestation onéreuse. Au lieu d'avoir à héberger des invalides, ils se soumirent à une taxe de vingt écus, qui fut ensuite portée à cent, et même à cent cinquante livres. La fondation de l'Hôtel des Invalides ne les affranchit pas de cette contribution de bienfaisance; elle la fit régulariser, au contraire: en vertu d'un édit de 1704, toutes les pensions faites aux oblats furent comprises parmi les fonds affectés à l'entretien de l'Hôtel; elles furent toutes portées à cent cinquante livres, et il n'y eut plus un seul bénéfice royal qui en fût exempt. Henri III, plus qu'aucun autre de nos rois, avant Louis XIV, s'étoit occupé de ces pensions et de l'asile à donner aux invalides dans les couvents. V. Isambert, Anciennes lois françoises, t. 14, p. 599.

130: Arnauld du Thil, dit Pansette, lit-on dans la relation donnée par Rocoles, p. 20.

131: Ce détail manque dans les autres relations.

132: La relation donnée par Rocoles (p. 321) dit que le bien de Martin se trouvoit près d'Andaye, dans le pays des Basques, «lequel bien du Thil dissipa, l'ayant vendu à diverses personnes».

133: Il n'est point parlé dans le récit de Rocoles, ni dans aucun autre que je sache, de cette première arrestation et de ces premiers soupçons.

134: Ce soldat étoit de Rochefort, selon l'autre relation.

135: C'est du moins ce qu'alléguoit le faux Martin-Guerre. «Il allègue, lisons-nous dans le récit de Rocoles (p. 324), qu'on lui fait ces misères pour se dispenser de lui donner 7 à 8,000 livres de bien que retient P. Guerre, l'oncle, et dont il ne veut se dessaisir. D'abord on a commencé par les menaces, même par les coups, à ce point qu'un jour, si sa femme n'eût été là et ne l'eût couvert de son corps, P. Guerre et ses beaux-fils l'eussent tué à coups de barre.»

136: Chef-lieu de canton du département de la Haute-Garonne, arrondissement de Muret.

137: Cet hôtelier, dans la relation de Rocoles, est appelé Jean Espagnol, hôte de Touges.

138: Les autres récits ne parlent pas de ce témoignage de l'oncle, mais on y apprend qu'Arnauld du Thil avoit été reconnu par plusieurs personnes, qui ne sont pas désignées ici. «Il avoit fait signe, lit-on dans la relation de Rocoles (p. 331), à Valentin Rongié, qui le reconnoissoit pour ce qu'il estoit.» Pelegrin de Libéral l'avoit aussi reconnu, et lui avoit donné deux mouchoirs, dont un pour son frère Jean du Thil.

139: Sur cent cinquante témoins convoqués, trente étoient tout-à-fait pour le faux Martin, soixante déclaroient qu'ils n'osoient se décider, mais qu'en tout cas la ressemblance étoit miraculeuse. Les autres étoient contre lui, et soutenoient qu'il n'étoit pas Martin Guerre, mais bien M. Arnauld, dit Pansette.

140: On lit la même chose dans la relation donnée par Rocolles. Il paroît même que deux des maris de ces sœurs disoient comme elles.

141: Ceci ne se trouve point d'accord avec le récit de Rocolles. Arnauld avoit, au contraire, à ce qu'il paroît, une très mauvaise réputation, ce qui lui nuisit fort, car, selon l'axiome latin, Malus semper presumitur malus.

142: Et il ne s'en tenoit pas là. Il entroit avec tous en de pareils détails sur leurs affaires. «A ceux qui faisoient quelques difficultés à le reconnoître, il leur récitoit les choses passées, et disoit à chacun quelque particularité de leurs connoissances et aventures.»

143: Cet oncle continuoit de poursuivre le faux Martin avec acharnement. On avoit même découvert qu'il conspiroit contre lui, jusque-là qu'il avoit marchandé avec P. Loze, consul de Pable, «s'il vouloit fournir une partie de la somme, dont il donneroit le reste, pour faire mourir le prisonnier.»

144: Le plus grand nombre se déclara pour Martin, ou plutôt n'osa se prononcer. Ceux qui lui étoient contraires disoient, et les autres en convenoient presque, que le vrai Martin étoit plus noir, homme grêle de corps et de jambes, un peu voûté, ayant grosse la lèvre inférieure, petites dents, nez large et camus, un ulcère au visage et une cicatrice sur le sourcil droit; tandis que le faux Martin étoit petit, trapu, fourni de corps, avec la jambe grosse, ni voûté, ni camus, et n'ayant pas de cicatrice. On fit venir le cordonnier qui les avoit tous deux fournis de souliers, et il déclara que Martin chaussoit à douze points, et Arnauld à neuf seulement. On disoit encore que Martin tiroit fort bien des armes et de la fleurette, ce qu'Arnauld ne savoit pas faire. D'ailleurs, le petit Sanche, fils de Martin, n'avoit aucune ressemblance avec Arnauld. Le juge tiroit de là une conclusion dite sommaire apprise.

145: Il est dit aussi dans la relation de Rocolles que la confrontation d'Arnauld avec Bertrande fut à son avantage, en ce que leurs réponses concordèrent en tout point.

146: Ces détails ne se trouvent pas dans les autres relations.

147: La relation de Rocolles dit le contraire, et c'est à la version qu'elle donne qu'il faut, je crois, se ranger: «Arnauld, y lisons-nous (p. 320), avoit été camarade de Martin dans les troupes de l'empereur Charles V, commandées par Charles de Lamoral, comte d'Egmond..., et, sous prétexte d'amitié, il avoit appris de lui plusieurs choses privées, particulièrement de luy et de sa femme.»

148: «Sur le conflit de tant de diverses raisons, répugnances des conjectures et des preuves..., Dieu... fit comme par miracle paroistre le vrai Martin Guerre.» On le confronta avec du Thil, et celui-ci n'y mit pas d'abord autant de douceur et de sincérité qu'on le dit ici. Il fut au contraire plus obstiné que jamais, s'emporta contre ce mal venu, l'appelant affronteur, méchant, bélître, «se soumetant lui-même, ajoute la relation de Rocolles, à estre pendu s'il ne justifioit que le survenant avoit esté acheté à deniers comptant et instruit par P. Guerre...» Il lui fallut pourtant céder devant les preuves, qui toutes tournèrent à l'avantage du vrai Martin. C'est alors qu'il fit les plus complets aveux. L'idée de ce qu'il avoit fait lui étoit venu, dit-il, de ce que des amis de Martin l'avoient pris pour lui. Il avoit appris d'eux tout ce qu'il vouloit savoir. Bertrande, dans leurs entretiens, lui avoit dit le reste.

149: Le vrai Martin eut beaucoup de peine à pardonner à Bertrande. Il fut touché de l'accueil de ses sœurs, mais de sa femme, qui pleuroit, rien ne l'émut; «il garda avec elle une austère et farouche contenance.»

150: Ce détail très intéressant manque dans les autres relations.

151: La paix de Cateau-Cambrésis avoit été signée en 1559.

152: Nous puisons ces lettres fort curieuses, et qui semblent n'être qu'un débris d'une correspondance plus considérable, à une source où nous avons déjà puisé plusieurs fois, notamment pour une pièce de la même époque. (V. notre t. 7, p. 339.) Nous les empruntons à la Revue trimestrielle, no 5, p. 199-203. Elles y étoient perdues, sans notes et sans éclaircissements. On verra qu'il étoit bon de les en tirer et de les élucider un peu. Buchon, qui les y publia, n'avoit pas même pris la peine de les ranger. Celle qui est la première ici, et avec toute raison, je crois, est justement celle qu'il donne la dernière.

153: Ardier, sieur de Vineuil, gentilhomme de M. le Prince. M. P. Boiteau lui a consacré, dans sa curieuse et luxuriante édition de l'Histoire amoureuse des Gaules (t. 1, p. 78), une longue note, à laquelle nous ne pouvons que renvoyer.

154: Fils de celui qui mourut glorieusement devant Ham, en 1595, et père du maréchal, mort en 1694. Il fut, lui, le moins célèbre de la famille.

155: Cette lettre doit être de 1639 ou de 1640.

156: Le cardinal se mettoit alors en dépense de spectacles. Sa Mirame, pour laquelle il fit construire la magnifique salle du Palais-Royal, où Molière joua plus tard, fut représentée en 1639. Le ballet dont on parle ici doit être du même temps.

157: Les amours de Cinq-Mars et de Marion Delorme, qui donnaient tant de jalousie à Louis XIII, à cause du favori, qu'il vouloit sans partage, étoient, en 1639, plus forts que jamais. On alloit jusqu'à craindre que le grand-écuyer n'épousât secrètement la courtisane. Tallemant assure que Mme d'Effiat, sa mère, obtint pour cela des défenses du Parlement, et comme Louis XIII avoit aussi ses raisons de s'opposer à cette union, il paroît que la déclaration du 26 novembre 1639, contre les mariages clandestins, ne fut rendue que pour empêcher celui-là. (Dreux du Radier, Tablettes historiques des rois de France, t. 2, p. 195, note.)

158: Quand il survenoit de ces brouilles entre Cinq-Mars et Louis XIII, celui-ci s'en confioit à Richelieu et lui contoit amèrement ses peines. Parmi les lettres de Louis XIII qui sont à la Bibliothèque impériale dans les Mss. de Béthune, nos 9333 et 9334, il s'en trouve une adressée au cardinal, où le roi se plaint aussi de Cinq-Mars. Il reproduit jusqu'aux termes d'une conversation qu'ils ont eue ensemble, et dans laquelle il lui a reproché sa paresse, «vice, dit-il, qui n'étoit bon que pour ceux du Marais». Il y a là encore une allusion à Marion Delorme, la reine de ce quartier galant.

159: Vineuil pense, en disant cela, aux grandes brouilles qui, les années précédentes, avoient eu lieu entre la reine et le cardinal, au sujet d'une correspondance, dont celui ci soupçonnoit l'existence, entre Anne d'Autriche et le roi d'Espagne. Il avait raison: les preuves de ces intelligences ont été retrouvées dans des papiers longtemps en la possession de M. le marquis de Bruyère-Chalabre, achetés par la Société des bibliophiles, et revendus le 29 avril 1847. On peut lire les notes qui accompagnent le Catalogue de ces documents et la préface dont M. L. de Lincy l'a fait précéder.

160: Nous ne savons qu'elle est cette Mme de Saint-Thomas. C'étoit sans doute quelque virtuose intrigante, comme cette Mlle Saint-Christophe, aussi grande chanteuse et fort galante, dont Pavillon parle dans ses Lettres (Œuvres, t. 1, p. 80).

161: Vineuil étoit loin de savoir ce qui se passoit à Narbonne pendant qu'il écrivoit à Paris. A cette date même du 14 juin 1642, Cinq-Mars, qu'il croyoit triomphant, étoit arrêté, et Richelieu, qu'il croyoit perdu, triomphoit à son tour, et plus sûrement. Cette lettre n'est pas curieuse à ce point de vue seulement; elle contient des faits qui, bien examinés, font prévoir des volte-face de fortune, et qui éclairent, comme on le verra, sur la personne longtemps cherchée de qui vint ce dénouement inattendu: la découverte du complot du favori et le salut du ministre.

162: Mme de Lansac étoit gouvernante du dauphin et hostile à la reine jusqu'à la grossièreté. Tallemant en donne des preuves (édit. in-12, t. 2, p. 223). Après la mort du roi, ses manières n'ayant pas changé, elle fut renvoyée (Mémoires de Motteville, coll. Petitot, 2e série, t. 37, p. 27.)

163: Le maréchal de Montigny étoit, au contraire, tout dévoué à Anne d'Autriche. C'est lui qui avoit obtenu qu'on lui laissât toujours la garde de ses enfants. (Mémoires de Brienne, coll. Petitot, 2e série, t. 36, p. 72.) L'ordre qu'on donnoit ici étoit donc de ceux auxquels le maréchal devoit obéir avec le plus d'empressement. Mais pourquoi ce retour de bienveillance pour la reine, après la rigueur dont elle avoit été l'objet depuis longtemps? Ne seroit-ce pas qu'elle avoit fait des révélations touchant le complot dont on lui avoit fait confidence? Tallemant est d'avis que c'est par elle que tout fut connu, et, comme nous, il pense qu'elle dut à ces révélations le relâchement de rigueurs constaté ici: «Et pour preuve de cela, dit-il, on remarquoit qu'après avoir longtemps parlé de lui enlever ses enfants, on cessa tout à coup d'en parler.» (Edit. in-12, t. 2, p. 223.)

164: François d'Epinay Saint Luc.

165: Le cardinal, en effet, se cherchant un asile contre les dangers dont il se sentoit environné, songeoit à gagner Brouage, qui lui appartenoit, ou bien à se réfugier en Provence, près de son ami le comte d'Alais, qui y commandoit. Il n'eut pas besoin d'aller jusque là; les preuves du complot, sut lesquelles il comptoit toujours un peu, lui parvinrent auparavant et le sauvèrent.

166: «Dans laquelle il lui annonçoit le bruit d'une réconciliation entre Cinq-Mars et le cardinal.» (Note de Buchon.)

167: Fontrailles, qui n'étoit pas moins dans le complot, s'étoit sauvé huit jours auparavant, «voyant, dit Tallemant, que leurs affaires n'alloient pas assez vite pour bien aller.» (Edit. in-12, t. 2, p. 222.) Cinq-Mars n'étoit que caché, comme on le verra, mais tout le monde le croyoit en fuite. (Mémoires de Monglat, coll. Petitot, 2e série, t. 49, p. 385.)

168: Sur la part de de Thou dans le complot, V. notre t. 7, p. 341. Entre autres choses qui l'impliquoient de la façon la plus grave dans la conspiration, on apprit qu'il avoit ménagé une entrevue entre Cinq-Mars et M. de Bouillon. (Mémoires d'Arnault d'Andilly, coll. Petitot, 2e série, t. 34, p. 67.)

169: C'est surtout lui qui parvint à décider le roi.

170: Le comte de Charost, capitaine des gardes, celui-là même qui, vous l'allez voir, fut chargé d'arrêter Cinq-Mars.

171: Belet, son valet de chambre, dit Tallemant, le mena chez un bourgeois dont la fille étoit bien avec lui. Levassor dit au contraire que Cinq-Mars reçut asile d'une femme qui lui avoit vendu la fille qu'elle avoit eue d'un nommé Burgos, faiseur de poudre à canon de la ville. (Histoire de Louis XIII, t. 10, p. 648.)

172: Monglat dit aussi qu'on le trouva dans un grenier, et qu'une fois pris, on le conduisit dans la citadelle de Montpellier, ainsi que de Thou et Chavagnac. (Coll. des Mémoires, 2e série, t. 49, p. 385.)

173: M. de La Meilleraie.

174: C'est Treville qu'il faut lire. On appeloit ainsi, par altération, Henri-Joseph de Peyre, comte de Troisville. C'étoit l'homme le plus dévoué au roi, et le cardinal eut mille peines à le faire tomber en disgrâce. (Tallemant, in-12, t. 2, p. 230-231.)

175: Claude de Bourdeille, comte de Montrésor. Il parvint à se sauver en Angleterre, d'où il ne revint qu'après la mort du cardinal. On a de lui de très intéressants mémoires.

176: Lisez d'Aubijoux. Il s'étoit sauvé avec Fontrailles.

177: Cette pièce, devenue assez rare aujourd'hui, eut pourtant plusieurs éditions. C'est d'après la dernière que nous la reproduisons. Elle fut publiée une première fois en 1622, sous ce titre: Le Tableau à deux faces de la foire Saint-Germain, ou Les souvenirs satyriques du carnaval, avec une Apologie pour la satire, in-8. En 1625, il en parut une autre édition, sous le titre conservé ici: L'Eventail satyrique, mais sans la pièce qu'on y a jointe, et qui se trouvoit aussi à la fin du Tableau à deux faces. Ce dernier titre a plus de rapport qu'on ne pourroit croire avec celui d'Eventail satyrique. Le Tableau à deux faces, en effet, n'étoit autre chose qu'une de ces images pliées en éventail, qui, grâce à cette disposition, font voir une figure à droite et une figure ordinairement toute différente à gauche. Cette curiosité, déjà fort ancienne au 17e siècle, et sur laquelle nous avons fait une assez longue note, t. 2, p. 337-328, est encore aujourd'hui une marchandise de foire.

178: Ce nom ne se trouve ni sur l'édition de 1622, ni sur celle de 1625. Pour prendre le nom de Théophile, il semble qu'on eût attendu que le poète du Parnasse satyrique n'existât plus. Or, il étoit mort le 25 septembre 1626. V. la notice de M. Alleaume, en tête de ses œuvres, édit. elzev., t. 1, p. xcj.

179: Henri IV et Louis XIII avoient, comme avant eux Charles IX et Henri III, sévi par des ordonnances contre le luxe toujours renaissant des habillements. C'est à quoi l'on fait allusion ici, surtout dans la pièce mise à la suite. Au mois de novembre 1606 avoit paru un Edict du roy portant deffenses de porter sur les habits aucuns draps de toille d'or ou d'argent. Mais, quoique cet édit somptuaire soit resté l'un des plus célèbres (Lettres de Mme Denoyer, in-12, t. 4, p. 197), il ne paroît pas qu'on lui obéit mieux qu'aux précédents. A la fin de 1609 on n'y pensoit déjà plus. V. Lettres de Malherbe à Peiresc, p. 100-101. C'est ce qui rendit nécessaire la promulgation d'une nouvelle ordonnance, parue le 8 février 1620, pour reprimer, dit le titre, le luxe et superfluité qui se void ès habits et ornements d'iceux.

180: Nous avons cherché, mais n'avons pu trouver, de quelle loi des Athéniens on veut parler ici.

181: Les chaînes au col ou sur la robe comptaient parmi les niveleries les plus à la mode. V. notre t. 3, p. 262.

182: Soumettre au contrôle des syndics.

183: Ce mot s'employoit surtout pour les modes. Les Anglois nous le prirent et le modifièrent suivant leur prononciation; ils en firent leur mot fashion, que nous croyons leur avoir emprunté, tandis qu'en le reprenant nous n'avons fait que rentrer dans notre bien. Cette singularité n'a pas échappé à Noël et Carpentier, dans leur Dictionnaire étymologique, t. 1, p. 566. Elle est une nouvelle preuve de la vérité de ce mot: l'anglois n'est que du françois mal prononcé.

184: Les modes et les étoffes italiennes, bandes et passements de Milan, etc., étoient surtout proscrits par l'ordonnance de Louis XIII.

185: Je n'ai pas besoin de faire remarquer combien cela est resté vrai de nos jours.

186: Ces manches sont justement à la mode aujourd'hui. «Elles étoient fort larges, dit Furetière, au mot Ange, dans son Dictionnaire, et n'alloient qu'à la moitié du bras.» On les appeloit ainsi parce que les anges peints sur les tableaux en ont ordinairement de semblables. Sorel, au livre V de Francion, parle de ces robes à l'ange (édit. de 1663, p. 248).—Ces manches n'étoient pas alors les seules qui fussent à la mode. Courval-Sonnet, dans sa satire IV contre la vanité, inconstance et superfluité des habits, cite encore

Les manches de la robe à bouillons, en arcades.

187: Les taffetas de la Chine, alors fort en faveur, étoient rayés de bleu, d'incarnat, de jaune d'or et d'argent. (Cérémonial françois, t. 2, p. 68.) Brebeuf, dans son Lucain travesti (Rouen, 1656, in-8, p. 16), parle aussi du taffetas ondoyé de la Chine. Le mot chiné appliqué aux étoffes bariolées vient de là.

188: Le devanteau, sorte de petit tablier qu'on portoit en déshabillé, étoit pourtant encore à la mode. Courval-Sonnet n'oublie pas, dans sa satire citée tout à l'heure:

Un devanteau de toile à créneaux rayonnés.

189: Sur cette prétention des bourgeoises à se faire appeler dames et damoiselles, V. notre t. 1, p. 309.

190: Le busque étoit de bois, d'ivoire ou de baleine; on le mettoit dans le corps de jupe et on l'en ôtoit à volonté. De Cailly s'adresse, dans l'une de ses plus jolies pièces, à un busque dont il avoit fait don à l'incomparable Orante:

Busque, si proprement tourné
Et de petites fleurs orné, etc.

191: Il se tua du désespoir que lui causèrent les iambes dirigés contre lui par Archiloque, à qui, malgré sa promesse, il avoit refusé de marier sa fille Néobule. (Horace, lib. 5, ode 6.)

192: Ceci donneroit à penser que cette pièce fut écrite avant l'ordonnance de 1620, puisque l'auteur se vante de l'avoir provoquée et pronostiquée.

193: V., sur les point-coupés, notre t. 3, p. 246, note.

194: La mode des dentelles de Flandre commençoit alors et s'est toujours maintenue. V., comme preuve de leur vogue sous Louis XIV, notre t. 1, p. 239-240.

195: Le quaintin étoit une toile très fine, sur laquelle on brodoit ou dans laquelle on découpoit des figures du genre de celles dont on parle ici.

196: Ce livret, très rare dans l'édition dont nous suivons le texte, a été plusieurs fois réimprimé, mais n'est pas devenu plus commun pour cela. Il en parut en 1622 une édition petit in-4, de 31 pages, chez P. Ménier, portier de la porte Saint-Victor. Un exemplaire fut vendu 34 livres chez le duc de La Vallière (Catalogue, t. 2, p. 363, no 3891). Un imprimeur de Troyes la reproduisit avec quelques différences dans le titre: V. Catalogue des livres du cabinet de M*** (Imbert de Cangé), 1733, in-8, p. 120. Depuis lors, une copie exacte, mais sans notes, en a été donnée, d'après le texte de 1596, au t. 8 des Joyeusetez, faceties et folastres imaginations, publiées par Techener.—Le nom de Peschon de Ruby, que prend l'auteur, est un pseudonyme argotique. Peschon vouloit dire enfant, comme on le verra plus loin dans le Dictionnaire blesquin; il se prenoit aussi pour apprenti, novice, et pouvoit par conséquent venir de l'italien piccione et de son correspondant en françois pigeon, qui se disoit déjà pour dupe, sens qu'il a gardé. On lit dans la Cabale des matois, pièce joints à la Gazette, Paris, 1609, in-12, p. 49:

Après tant de mignardise,
Notre malice déguise
Que le pigeon ne peut pas
Libre eschapper de nos laqs.

Quant au nom de Ruby, je n'en connois pas d'explication satisfaisante. M. Fr. Michel en donne une, mais il se garde bien d'en répondre, et il a raison (Etudes de philologie comparée sur l'argot, xlvij, note 48, et p. 309). Il faut s'en tenir à ce que dit l'auteur lui-même, dans son Dictionnaire blesquin; suivant lui, Pechon de Ruby signifie enfant éveillé.

197: Ruse, fourberie. On connoît les cautèles de Cepola, que Rabelais appelle diabolicques (liv. II, ch. 10), et qui sont pour les gens de justice ce que sont pour les voleurs celles qui se trouvent ici, car elles enseignent à éluder les lois et à perpétuer les procès. L'édition la plus rare fut donnée à Paris, en 1508, chez Jean Petit, in-8 gothique.

198: C'est-à-dire n'étoit pas encore reçu bon mercier, bon coesmelotier, nom qu'on donnoit, dans l'argot de ce temps-là, aux merciers et colporteurs dûment affiliés à la confrérie des voleurs de grands chemins. Le mot contreporteur est resté comme synonyme de filou dans l'argot d'aujourd'hui. Cameloter s'y prend aussi toujours dans le sens de gueuser, marchander. Le mot tout populaire de camelote, pour mauvaise marchandise, en est venu. Plus loin, une note de l'auteur achèvera l'explication des mots coesme, mercelot, blesche, pechon.

199: C'étoit le grade inférieur dans la confrérie. Il est parlé des blesches et coësmelotiers, ainsi que du langage auquel on s'initioit avec eux et des cérémonies qu'ils pratiquoient, dans le 3e Discours, qui se trouve à la suite du curieux livret Le jargon ou Langage de l'argot réformé, etc., Lyon, Nicolas Gye, 1634, in-12. Nous avons déjà trouvé le mot blesche employé pour bohémien, t. 5, p. 271. Huet le fait venir de l'espagnol bellaco, veilaco, altération du nom des Valaques, qui passoient alors pour d'assez mauvaises gens. Nous avions aussi dans le même sens le mot veillac: V. le baron de Fæneste, édit. elzev., p. 268. On dit encore à Orléans vaillaq, pour mauvais garnement.

200: Apprentissage.

201: Entendoit la fourberie. Gourd et enterver se trouvent dans Coquillard, édit. elzev., t. 2, p. 246, 274.

202: «C'est-à-dire que eussions trompé les gentilshommes, damoiselles et garçons, femmes de village et paysans, leur donnant nostre marchandise.» (Note de l'auteur.)

203: «Rusquins sont escus, ouendes sont livres, rons sont douzains, herpes liards, pieds deniers, froc ung double.» (Note de l'auteur.)

204: Nous couchions, nous dormions. Aujourd'hui les gens du peuple disent pioncer pour dormir.

205: C'étoit assez volontiers l'usage des gueux de coucher ainsi dans les fours. On lit dans la Farce d'un ramonneur de cheminées, etc. (Anc. Théâtre, édit. elzev., t. II, p. 202):

Je prins ce paillart totilleur
A Paris, chez un rotisseur,
Et n'avoit pas vaillant deux blans
Et couchoit, dont il est si blans,
Au four à quoy la paille on ard.

Il y a trente ans, une pauvre femme du quartier Saint-Victor, à Orléans, couchoit encore ainsi dans un grand four les pauvres diables qui prenoient gîte chez elle. Ne seroit-ce pas de cet usage que seroit venu le nom de four donné aux mauvaises tavernes du quai de la Ferraille (l'ancienne vallée de Misère), où les raccoleurs embauchoient les recrues?

206: Attrimer, prendre ornie la poule, de ορνις, oiseau, étoit le tour le plus ordinaire du métier de ces maraudeurs. V. Le Jargon ou Langage de l'argot réformé, etc., au t. VIII des Joyeusetez, p. 74. C'est de là sans doute qu'est venue la locution populaire plumer la poule, qui étoit si bien en usage alors, et que nous avons déjà tant de fois rencontrée. V. aussi Fæneste, édit. elzev., p. 128.

207: Volant, de furari, qui a le même sens en latin.

208: En ce temps les compagnies de gueux du Poitou étoient nombreuses et célèbres. «Il y avoit alors, dit d'Aubigné, une gaillarde academie de larrons en Poictou, n'en déplaise à la Gascogne ni à la Bretagne.» (Le baron de Fæneste, édit. P. Mérimée, p. 137.) Un passage très curieux du Jargon (édit. des Joyeusetez, t. VIII, p. 3-4), au chapitre Ordre ou Hiérarchie de l'argot réformé, donne d'intéressants détails sur l'origine de cette truandaille poitevine et sur la manière dont elle s'étoit alliée avec les mercelots des foires, qui avoient fini par être confondus avec elle: «L'antiquité nous apprend et les docteurs de l'argot nous enseignent qu'un roi de France ayant établi des foires à Niort, Fontenay et autres lieux du Poictou, plusieurs personnes se voulurent mesler de la mercerie; pour remedier à cela, les vieux merciers s'assemblèrent et ordonnèrent que ceux qui voudroient à l'avenir estre merciers se feroient recevoir par les anciens..., puis ordonnèrent un certain langage entr'eux avec quelques ceremonies pour estre tenues par les professeurs de la mercerie. Il arriva que plusieurs merciers mangèrent leurs balles, neantmoins ne laissèrent pas d'aller aux susdites foires, où ils trouvèrent grande quantité de pauvres gueux, desquels ils s'accostèrent, et leur apprirent leur langage et ceremonies. Les gueux, reciproquement, leur enseignèrent charitablement à mendier. Voilà d'où sont sortis tant de braves et fameux argotiers.»

209: «Pechon, c'est quand on a la première balle et du premier voyage; et après blesche, mercelot et puis coesme; c'est mercier, et puis le coesmeletier huré, c'est bon marchand, qui porte à col seulement.» (Note de l'auteur.)

210: Sur ces cérémonies de réception dans les compagnies de voleurs, V. t. 5, p. 349, et t. 6, p. 65.—Cartouche faisoit aussi subir un interrogatoire et des épreuves à tous ceux qui vouloient entrer dans sa bande. Le Grand a tiré parti de cette curieuse particularité dans sa comédie des Fourberies de Cartouche. Un jeune homme se présente pour être enrôlé: «Où avez-vous servi? lui dit le voleur.—Deux mois chez un procureur, six mois chez un inspecteur de police.—Tout ce temps vous comptera comme si vous aviez servi dans ma troupe.»

211: Les chefs faisoient bonne justice de ceux qui manquoient à leur serment. Montaigne a dit (liv. XIII, ch. 13) que les gueux, de son temps, «avoient leurs dignitez et ordres politiques». Il eût pu ajouter qu'ils avoient leur police, et fort bien faite même. «Le jeudy 3 septembre 1609, dit l'Estoille, un des principaux officiers de la justice de MM. les voleurs et couppes-bourse de Paris, qu'ils avoient établie et exerçoient vers le Porte au Foin, condamnans les uns à l'amende, les autres au fouet et les autres à la mort (qui estoit de les poignarder et jetter à la rivière), ayant esté descouvert et attrapé par le prevost Defundis..., fust pendu et estranglé en la ditte place du Porte au Foin...» Huit jours après il dit encore: «Le jeudy 10 furent pendus et estranglez, en la place du Porte au Foin, à Paris, le procureur et l'avocat du roy en la Cour des couppe-bourses et voleurs. Ils avoient un grand et petit basteau pour l'exercice de leur brigande justice. Là se tenoient les plaids et audiances en l'ung; et en l'aultre estoient prononcés et exécutés leurs arrests, sentences et condamnations. Chose estrange et inaudite, et toutesfois bien veritable et tesmoing irrefragable de la meschanceté de ce siècle. «(Edit. Champollion, t. 2, p. 533.)

212: «C'est un tour de baston subtil et le rateau une autre façon très adroite; la quige habin, le trompe-chien, le bracelet, un sublime tour de baston, qui se peuvent comprendre par l'expérience.» (Note de l'auteur.)

213: V., sur ce mot, Fr. Michel, Etudes de philologie comparée sur l'argot, p. 7, et notre t. 3, p. 221-222.

214: Tout ce qui est dit ici ne devra plus laisser de doute sur l'étymologie de la locution entendre le tour de bâton, déjà en usage au 16e siècle. V. Des Periers, édit. L. Lacour, coll. elzev., t. 2, p. 78.

215: C'est millogère qu'il faut lire, comme on le verra plus loin, dans le Dictionnaire blesquin. Servante se disoit aussi andrumelle: V t. 3, p. 231, ou bien encore andrimelle: V. Les premières œuvres poétiques du capitaine Lasphrise, Paris, 1599, in-12. p. 499.

216: Far l'atto venereo. Le verbe river se disoit aussi avec le même sens dans l'ancienne langue populaire. On lit dans le Monologue des perruques:

...Chevaucher sans selle,
River et habiter dehait.

(Œuvres de Coquillart, édit. Ch. d'Héricault, t. 2, p. 271.)

217: «Premièrement, lit-on dans le Jargon ou Langage de l'argot réformé..., édit. des Joyeusetez, p. 5, ordonnèrent et establirent un chef..., qu'ils nommèrent un grand coêre; quelques-uns le nommèrent roi de Tunes, qui est une erreur.»

218: Petit paquet où l'on mettoit son linge et qu'on portoit d'ordinaire au bout du bâton appelé hoquet. Quelquefois ce dernier mot se prenoit dans l'un et l'autre sens. Il prêtoit fort aux équivoques; aussi l'on ne manqua pas d'en faire. D'abord, par exemple, on dit, dans le sens de vomir, compter ses hoquets; puis, par une évolution toute naturelle, le calembour venant en aide, on passa du contenant au contenu, et l'on dit compter ses chemises. Cette locution ne doit pas avoir d'autre étymologie.

219: Sur ces fausses plaies des argotiers, qui firent si spirituellement appeler cour des Miracles le lieu où, la nuit venue, ils alloient se débarrasser de leurs maux, Ambroise Paré a donné de très intéressants détails; c'est ce qu'il appelle l'artifice des méchants gueux de l'hostière (édit. Malgaigne, t. 3. p. 46-53).

220: Ces cannes à épée étoient d'un usage très commun et fort nécessaires alors. Les plus paisibles ne s'en passoient pas. Ecoutez Enay, le doux et l'inoffensif: «Je n'ai ni querelle ni procez, et suis bien aimé de mes voisins et tenanciers; d'ailleurs, j'ai une petite lame dans ce bourdon.» (Le baron de Fæneste, édit. P. Mérimée, p. 10.) Un édit de 1666 défendit ces espées en baston. Elles avoient été déjà comprises, en 1661, dans la défense qui donna lieu à la comédie de Chevalier: La désolation des filoux, sur la deffense des armes.

221: Il est parlé des cagoux dans le Jargon, mais comme d'une catégorie de gueux, et non comme dignitaires de l'ordre, ainsi qu'on les représente ici. On verra plus loin, dans le Dictionnaire blesquin, que cagou se prenoit pour lieutenant.

222: Autrefois les marchands en détail n'avoient pas non plus d'autre livre de compte. La taille, morceau de bois fendu en deux, dont les parties pouvoient s'ajuster ensemble, et dont l'une, la souche, demeuroit chez le marchand, tandis que l'autre restoit chez la pratique, permettoit, au moyen de coches ou entailles faites sur celle-ci et reproduites sur celle-là, de calculer la quantité de choses vendues. C'étoit fort commode, surtout pour les boulangers, qui n'y ont pas encore tous renoncé.

223: Ce mot, même en dehors du Jargon, s'employoit pour hardes, effets: «En ceste occasion de trousser mes bribes et de plier bagage, dit Montaigne (liv. 3, ch. 9), je prends plus particulièrement plaisir à n'apporter aux miens ni plaisir ni deplaisir en mourant.» Ce mot, toutefois, étoit plus particulier aux gueux. Il paroît venir de l'espagnol bribar, mendier.

224: C'est-à-dire ce franc-cagou. Voy., plus loin, le Dictionnaire blesquin.

225: Huche. Ce mot est encore employé dans nos campagnes. Au 17e siècle on ne le comprenoit déjà plus à Paris, et Tallemant des Réaux, l'ayant employé, se croyoit obligé de l'expliquer en note et de dire: «C'est un mot de province.» (Edit. in-12, t. 1, p. 247.)

226: Les garçons chargés de la mouture.

227: Cette expression ne s'employoit ordinairement que pour hardes de nuit. V. notre édition des Caquets de l'accouchée, p. 19.

228: V. notre t. 5, p. 267.

229: Ces bohémiens étoient sans doute de la race des Romanitchels, dont quelques bandes campent encore dans quelques cantons du centre de la France.

230: «Ces gens-là, dit la P. Garasse, à propos des bohémiens, ont des maximes secrettes, des caballes mystérieuses et des termes qui ne sont intelligibles qu'à ceux de la manicle.» (La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, etc., Paris, 1623, in-4, p. 75.)

231: Vagabonder toujours, voilà leur loi. Ils se sont fait cette maxime: «Chukel sos piréla cocal téréla, chien qui court trouve un os.»

232: Il en est encore ainsi pour ceux du Pays-Basque. «Leurs demeures, dit M. Francisque-Michel, sont, pendant les plus rigoureuses saisons, les troncs d'arbres creusés, les cabanes des pasteurs abandonnées, les granges isolées.» (Id., p. 139.)

233: «Ils sont restés platement flatteurs pour les riches habitants des pays où ils viennent camper; ils caressent pour détourner les soupçons et voler plus à l'aise. Quand une bohémienne est enceinte dans le Pays-Basque, le couple se hâte de s'installer auprès de quelque riche maison, espérant que le maître les prendra en amitié et voudra bien être le parrain de l'enfant, ce qui, en effet, a lieu quelquefois.» (Francisque-Michel, Le Pays-Basque, 1867, in-8 p. 141.)

234: Ils étoient fort experts pour ce crochetage des buffets et autres coffres. V. Le baron de Fæneste, édit. P. Mérimée, p. 133. L'un des outils dont ils se servoient s'appeloit déjà un rossignol. (Id., p. 135.)

235: Grellmann remarque que le métier que les bohémiens exercent le plus volontiers est celui de forgeron. (Hist. des Bohémiens, trad. franç., 1810, in-8, p. 92-95.) De là à l'industrie du faux-monnoyeur il n'y avoit qu'un pas pour de telles gens.

236: Ils s'accommodent même des chevaux morts. «Quelle que soit la maladie qui les ait tués, ils les désinfectent avec des plantes à eux seuls connues et s'en repaissent impunément.» (Fr.-Michel, Le Pays-Basque, p. 138.)

237: L'argenterie surtout, et principalement les gobelets d'argent, pour lesquels, selon Grellmann, ils ont une véritable passion. (P. 91.)

238: «Voler la volaille et dire la bonne aventure, voilà le métier des femmes.» (Grellmann, p. 106, 125.)

239: «Une autre branche d'industrie à laquelle les bohémiens s'adonnent volontiers est le maquignonnage, qui semble leur avoir été particulier depuis les plus anciens temps de leur histoire.» (Grellmann, p. 97.)

240: C'est peut-être le même dont parle Tallemant: «Le capitaine Jean Charles, écrit-il, a dit au Pailleur qu'un petit cochon ne crioit point quand on le tenoit par la queue, et que leur plus sûre invention pour ouvrir les portes, c'étoit d'avoir grand nombre de clefs; qu'il s'en trouvoit toujours quelqu'une propre pour la serrure.» (Edit. in-12, t. 10, p. 141.)

241: Ou pétrinal, sorte de long pistolet ou de petite carabine qu'on tiroit en appuyant la crosse sur la poitrine, d'où son nom.

242: Il étoit rare qu'il n'y eût une femme en couches dans un camp de bohémiens, quelque peu nombreux qu'il fût, tant il est vrai, comme le dit Grellmann, que cette race est des plus prolifiques. (P. 128.)

243: Dans l'argot d'aujourd'hui, Dieu se dit mec des mecs, maître des maîtres.

244: Les argotiers disent aujourd'hui rupin pour riche. C'étoit déjà un mot de l'argot de Cartouche: V. le Dictionnaire donné par Grandval à la suite du Vice puni. Ce mot a dû passer du bohémien dans l'argot, car il sembla venir de l'indoustani rupa, qui signifie argent, et dont un autre dérivé, plus noble, est le mot roupie, nom d'une monnoie de l'Inde.

245: Tronche, qui se trouve aussi dans la XVe des Sérées de G. Bouchet (Des larrons, des voleurs, des picoreurs et matois), fait encore partie de l'argot moderne avec le même sens.

246: Pannetière à miettes.

247: Aujourd'hui platue signifie une galette.

248: Bouchet (ibid.) donne à ce mot le sens de jambes. Cela dépend des gens.

249: Les Précieuses, en leur langage, appeloient les deux sœurs ce que les argotiers nomment aujourd'hui jumelles, et qui sont ces parties dont souffrent les enfants quand on les frappe, comme dit Gavarni, dans ce qu'ils ont de plus chair. La singularité de cette coïncidence, qui prouve que toutes les langues factices, quel que soit l'éloignement de leur point de départ, peuvent arriver à se rencontrer, n'a point échappé à M. Marty Laveaux dans un excellent, article de la Revue contemporaine (15 mai 1857). Il y fait voir que cette rencontre du langage des Précieuses avec celui des bandits n'est pas la seule du même genre qui soit à constater. «Les dents, dit-il, sont appelées mobilier par les malfaiteurs, et par les précieuses ameublement de la bouche...; en argot, le tranche-ardent ce sont les mouchettes, et, dans le style des ruelles, «inutile, ôtez le superflu de cet ardent», signifie: laquais, mouchez la chandelle.» V., pour ce dernier exemple, notre t. 6, p. 258.

250: Parola di zergo, cazzo, lit-on dans le Dictionnaire françois-italien d'Oudin. On trouve brichouart avec le même sens dans la 65e des Cent Nouvelles nouvelles. Quand on sait la signification du mot, l'application que Rabelais en a faite, lorsqu'il l'a donné pour nom au prêtre paillard du ch. 22 de son 2e livre, ne paroît que plus vive. La Fontaine, lorsqu'il l'a repris pour sa fable le Curé et le Mort, savoit-il bien ce que ce nom vouloit dire?

251: Ce mot, comme tant d'autres, a passé de l'argot dans le langage ordinaire, et même dans la langue littéraire.

252: Du grec αρτος. Sauf quelques variations dans la désinence, il est le même pour toutes les langues argotiques.

253: Pivois dans l'argot.

254: Ou lance. En fourbesque, c'est lenza.

255: Ce mot vient de la ligne de vie, d'après laquelle, à la seule inspection de la main, en prédisoit à quelqu'un une existence plus ou moins longue. Montaigne parle de cette ligne vitale (Essais, liv. 22, ch. 12), et la Frosine de l'Avare la suit avec complaisance dans la main d'Harpagon. Tous les argotiers et bohémiens étant diseurs de bonne aventure, ce mot-là devoit leur venir.

256: Ce mot trouve sa raison, ainsi que les précédents, dans la discipline ecclésiastique, qui ordonnoit aux prêtres de se raser. Au chapitre 1er des Baliverneries d'Eutrapel, nous voyons un paysan qui appelle un curé «vilain rasé.» On lit dans le Blason des barbes de maintenant, édit. des Joyeusetez, p. 8:

Mais cil qui a le manton nud
Et rasé ainsi comme un prestre
Est bien plus facile à cognoistre.

Dans le vocabulaire de Germania, de Juan Hidalgo, raso est mis pour abbé.

257: Le coestre emploie le même mot dans la Comédie des proverbes (acte 2, sc. 4, édit. d'Adrien Vlacq, p. 55). A la fin du 17e siècle il passa dans la langue ordinaire avec le même sens, grâce à certaine mode qui alors faisoit fureur. On lit dans la Satyre sur les panniers, criards, manteaux volants des femmes, etc., par le chevalier de Nisart, 1712, in-12:

Ce sont tantot manteaux volants
Ou des troussures équivoques,
Qui font, chez les sages du temps,
Estimer leurs vertus baroques.

258: Ce mot, fort bien fait pour ce qu'il exprime, puisque le chapeau est pour l'homme ce que le toit, le comble, est pour une maison, existe encore dans l'argot. Les cartouchiens disoient combre. Brandimas dit, dans la première Journée du Mystère de saint Christophe..., par maistre Chevalet:

Mon comble est à la tatière;
Or, ay que ne suis le pendu.
Mon jeorget n'a pièce entière.

259: Ce mot étoit de la langue usuelle; Oudin le donne dans ses Curiositez françoises et dans la seconde partie des Recherches italiennes et françoises, p. 372.

260: «Ce georget, dit le cagou de la Comédie des proverbes (acte 2, sc. 4), tout glorieux du vol d'habits qu'il vient de faire, est tout comme si je l'avois commandé.» C'est du très ancien argot. Il se trouve plusieurs fois dans le Mistère du viel Testament, scène des Belistres. V. aussi plus haut la note 1.

261: C'est de là qu'est venu le mot gousse-pain (mange-pain), qui se prend pour un misérable de la dernière espèce, dans le langage du petit peuple.

262: Est resté dans l'argot d'aujourd'hui.

263: Dans l'argot de la troupe de Cartouche, dont le vocabulaire se trouve, comme je l'ai dit, à la suite du Vice puni, poème de Grandval, aquiger signifie faire. En effet, tromper et agir sont tout un pour les argotiers.

264: «Il faut entier le pelé, dit le coestre, dans la Comédie des Proverbes (acte 2, sc. 4), gaigner le haut et mettre les quilles à son col.» On disoit aussi le pelat. «Il y a, dit le P. Garasse, des termes mystérieux et des locutions de maraudaille qui sont de vraies énigmes à qui n'a pas fait son apprentissage de gueuserie; et qui entendroit ces locutions sans commentaires: ringer sur le pelat et cabler à la bistorte?» (La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, Paris, 1623, in-4, p. 68.)

265: Ce mot et le précédent se trouvent, avec le même sens, dans l'argot de Cartouche.

266: Les voleurs de la bande de Cartouche disoient creux pour maison. Les argotiers d'aujourd'hui ont gardé ce mot, qui est très logique dans leur bouche. Pour les voleurs, la maison est une caverne, un creux.

267: Sans doute pour zergart. Ce mot doit venir du fourbesque ou argot italien zergo, gergo, d'où jargon ou gergon, qui a le même sens, a été tiré.

268: Nous avons vu ce que affurer vouloit dire. Les voleurs composoient ainsi pour les sergents un nom qu'ils auroient bien dû garder pour eux. D'un côté comme de l'autre il étoit mérité.

269: «Par manenda, dit la vieille dans la Comédie des Proverbes (acte 2, sc. 4), il faut promptement vous oster de dessous les pattes des chiens courants du bourreau, de peur que le brimart ne nous chasse les mouches de sur les espaules au cul d'une charrette.» (Edit. Adrien Vlacq, p. 54.)

270: C'est Lingre qu'il faut dire. Dans ses curieuses Etudes de philologie comparée sur l'argot, p. 249, après lesquelles il nous a été si difficile de dire quelque chose de nouveau dans ces notes, M. Francisque-Michel pense avec beaucoup de raison que ce mot lingre est une alération du nom de la ville de Langres, si fameuse depuis longtemps par sa coutellerie.

271: On dit aujourd'hui rif ou rifle, comme du temps de Cartouche. V. notre t. 3, p. 222. Le Jargon ou Langage de l'argot réformé, etc., contient un article sur la classe de gueux appelés ruffez ou riffodez, dont le métier étoit de feindre qu'ils avoient eu grand'peine «à sauver leurs mions (enfants, mioches) du riffe qui riffoit leur creux.»

272: Mot de la même famille que frusquin, saint frusquin, resté dans la langue populaire. Rusquin se trouve aussi dans le Jargon.

273: Le mot herpaille, qu'on lit dans les Vigilles de Charles VII (édit. Coustellier, p. 30) comme synonyme de truandaille, pourroit bien venir de celui de herpe. Il étoit naturel qu'on tirât du mot qui vouloit dire liard un nom pour les gens qui passent leur vie à mendier.

274: Se trouve encore dans l'argot moderne.

275: On sait que pour âne on disoit aze au moyen-âge; de là à auzard il n'y a pas loin.

276: Ce mot est du plus ancien argot. Rabelais s'en est servi (liv. 1, ch. 38, et liv. 3, ch. 41), et on lit dans la 1re Journée de la Vie de saint Christofle (1530):

Venez-vous en donc avec moy.
Et vous aurez, sçavez-vous quoy?
Force d'aubert en la follouce.

277: Cette pièce, in-8 de huit pages, est cataloguée par le P. Lelong, sous le no 17,761, comme se rapportant au règne de François II, et le titre d'un recueil factice de la Bibliothèque de l'Arsenal, contenant cette pièce, les deux suivantes et une requeste des prisonniers, en prose, a suivi le P. Lelong. L'éclat de la conjuration d'Amboise, le titre de reine-mère, conservé par l'histoire à Catherine de Médicis, alors qu'on a perdu l'habitude de l'appliquer à la veuve de Henri IV, désignée plus habituellement sous son nom de Marie de Médicis, sont les causes de l'erreur du P. Lelong, dont l'attribution est tout à fait fausse. Et d'abord, bien que le journal de Brulart (Mémoires de Condé, édit. de 1743, t. 1, p. 8) dise que dans la conjuration d'Amboise «il y avoit plus de malcontentement que de huguenoterie», il seroit étonnant que trois pièces sur ce sujet fussent toutes trois catholiques, et elles je sont certainement. Dans la première, l'emploi du Salve Regina et l'allusion aux bons Pères; dans les deux autres, la présence du purgatoire, qui figure sur le titre de la seconde et dans un vers de la troisième, et dont l'existence étoit contestée par les protestants, ne permettent pas sur ce point le moindre doute. Mais surtout il est, dans la Requeste en prose, écrite dans un goût de mythologie trop inutilement amphigourique pour valoir la peine d'être donnée, fait allusion aux fêtes du mariage du frère du roi, et on le dit de la maison de Bourbon; or celle-ci ne commence qu'à Henri IV. Les fleurons, lourds, pâteux, taillés et imprimés d'une façon par trop indigne du 16e siècle, auroient, au reste, déjà suffi à témoigner que l'impression ne remonte pas au delà du 17e. Cette quatrième pièce étoit donc en dehors; mais les trois pièces en vers restoient encore en question. Il n'y avoit ni fleurons, ni têtes de pages, et les caractères d'imprimerie ne décidoient rien. Heureusement, à la fin d'une des strophes du Salve Regina, se trouve:

Et Ludovicum benedictum.

La preuve étoit complète; le tout se rapportoit au règne de Louis XIII, et, après les avoir, sur la foi du P. Lelong, destinées à mon Recueil de pièces des 15e et 16e siècles, je n'avois plus qu'à les faire passer dans le Recueil des Variétés, auquel elles reviennent de droit. Il n'y a pas eu de conjuration à Amboise sous Louis XIII; mais, en 1626, dans un de ces complots de cour qu'excitoit et que trahissoit toujours Gaston, il y a eu des prisonniers à Amboise. On lit dans une lettre sur l'exécution de Chalais (Aubery, Mémoires pour servir à l'histoire du cardinal duc de Richelieu, Cologne, 1667, t. 1, p. 579): «Il fera encore parler de lui, ayant chargé plus de quatre-vingts personnes, et particulièrement ceux du bois de Vincennes, et le cadet, qui est à Amboise, dont on dit qu'il a fort déchargé l'aîné.» Ceux du bois de Vincennes, ce sont le maréchal d'Ornano et Chaudebonne, arrêtés en même temps que Modène, Deageant et les frères du maréchal d'Ornano, conduits à la Bastille; cela se passoit le 4 mai (Mémoires de Richelieu, coll. Mich. et Pouj., 2e série, t. 7, p. 382). Bassompierre (Mémoires, t. 6, p. 250) nous dira ce qu'étoient ceux d'Amboise: «Cependant les dames et ses partisans pressèrent Monsieur de se retirer de la cour; à quoi il fut encore convié quand il vit que MM. de Vendôme et grand prieur, frères, étant arrivés à Blois le 2 juin, avoient, le lendemain matin, été faits prisonniers et conduits en sûre garde dans le château d'Amboise.» Les Mémoires de Richelieu (p. 387) mettent cette arrestation au 12 mai. Chalais ne fut arrêté que plus tard, au commencement de juillet, et il fut exécuté le 19 août, à Nantes, sur la place du Bouffay,—et non Bouffe, comme l'ont imprimé à tort les éditeurs des Mémoires de Richelieu. Je mettrois toutes les pièces en vers non-seulement avant l'exécution de Chalais, mais peut-être même avant son arrestation, moment où tout l'intérêt et toute l'attention ne portoient encore que sur les prisonniers de Vincennes et d'Amboise. Pour la requête en prose, elle est au moins antérieure à l'exécution, puisqu'il y est question des fêtes du mariage du frère du roi, et Gaston fut marié à Nantes le 5 août, neuf jours avant la mort de Chalais.—J'ajouterai qu'un Salve Regina des financiers imprimé en 1624 est l'original de celui-ci; l'on a mis prisonniers pour financiers, et dans le reste changé le moins de mots possible; on ne peut vraiment copier d'une manière plus éhontée.

Anatole de Montaiglon.

278: Cette pièce et la suivante, qui continuent le Salve Regina, sont imprimées ensemble et forment deux cahiers in-8 sous les signatures A-B. Le premier feuillet offre le titre du Purgatoire; les pages 3 à 10 cette pièce, imprimée en romain, à 32 lignes à la page, et sans que les strophes soient distinguées l'une de l'autre, même par un alinéa; le 6e feuillet offre le titre: L'emprisonnement D. C. D. presenté au Roy, qui est imprimé en italique et occupe les pages 13 à 16; elles ont le même nombre de lignes que celles du commencement. Le tout est imprimé d'une façon très incorrecte, et la ponctuation en particulier dépasse comme absurdité toutes les bévues permises; je la restitue comme toujours.

279: Imp.: imitant. Il s'agit du moine allemand Schwarz.

280: Lourd comme du plomb, plumbeus.

281: Imp.: Tous.

282: Imp.: de.

283: Imp.: A Montfault çon.

284: Imp.: sert.

285: Imp.: là.

286: Je remplis tellement quellement ce vers sauté par la négligence de l'imprimeur, et qui étoit certainement tout autre.

287: J'ai donné dans une note antérieure (p. 201) la description bibliographique de cette pièce. Je remarquerai seulement les différences offertes dans les initiales par le premier titre et par celui placé au commencement de la pièce. Faut-il supposer le même nom sous une forme différente en voyant dans le premier: L'emprisonnement du comte (ou du capitaine, ou du chevalier) de...., et dans le second: L'emprisonnement de M. le comte C...? Cela est possible. En tout cas, il ne faut pas penser à Chalais, qui étoit prince, et le peu de bonne foi du Salve Regina ne permet pas de croire celle-ci beaucoup plus historique.

288: C'est évidemment un saule que l'auteur a voulu dire.

289: Imp.: donc.

290: Le prologue, dans sa rhétorique convenue, n'avoit rien que d'ordinaire. L'allure devient ici plus vive et tourne à un tableau qui ne manque ni d'esprit ni de vivacité. Il y a là comme un souvenir de l'épître de Marot à François Ier sur un sujet analogue; on y trouvera même l'imitation du passage:

Pour faire court, je ne sçeus tant prescher
Que ces paillars me vousissent lascher.
Sur mes deux bras ils ont la main posée
Et m'ont mené ainsi qu'une espousée,
Non pas ainsi, mais plus roide un petit.

(Epître XXVI, édit. Lenglet Dufresnoy, La Haye, 1741, in-4, t. 1, p. 444.)

291: Est-il besoin de dire que c'étoient des rôties au vin?

292: Affairé, faisant l'important, la mouche du coche, en un mot.

293: De l'eau du Léthé.

294: Faut-il lire oubli?

295: Nous empruntons encore cette pièce au no 5 de la Revue trimestrielle de Buchon. Nous conservons, comme il l'avoit fait, l'orthographe du manuscrit.

296: Crest est un chef-lieu de canton du département de la Drôme, arrondissement de Die.

297: René de Froullay, comte de Tessé, plus tard maréchal de France. Les Biographies ne parlent pas de son commandement dans le Dauphiné, mais nous en avons eu connoissance par les Mémoires de Choisy. C'est là, selon l'abbé, qu'il commence de se mettre en évidence. «Le comte de Tessé, dit-il, quoiqu'il ne fût encore que brigadier, alla commander en Dauphiné à la place de Saint-Ruth. Il étoit jeune et promettoit beaucoup: une prestance agréable, du courage, beaucoup d'esprit, de l'ambition et une diligence à la Boufflers, lui tenoient lieu d'expérience, et l'on jugeoit aisément qu'il pourroit aller loin.» (Coll. Petitot, 2e série, t. 63, p. 313.)

298: Bourdeaux, chef-lieu de canton du département de la Drôme.

299: De la religion prétendue réformée.

300: On verra un peu plus bas ce qu'étoient ces abjurations et conversions. On présentoit à Louis XIV ces actes, fruit de la terreur, et le roi croyoit avoir converti son peuple.

(Note de Buchon.)

301: Commune du canton de Crest.

302: Cruspies, canton de Bourdeaux, département de la Drôme.

303: Il est bon d'observer que ces assemblées n'avoient rien de séditieux. Les religionnaires lisoient les saintes Ecritures, les pasteurs y prêchoient la plus pure morale, et l'on terminoit ces exercices religieux en priant pour le roi et la famille royale.

(Note de Buchon.)

304: Suse-en-Droist, canton de Crest.

305: 305 livres 3 sols pour 112 jours, la dépense des dragons n'avoit pas été forte, du moins quand on la compare à celle qu'ils faisoient ailleurs, notamment en Normandie. V., à ce sujet, la curieuse brochure de M. Lacour: La Carte à payer d'une dragonnade normande. Paris, 1857, in-18.

306: Ou plutôt du Grand-Huleu. Les lingères et les filles de modes étoient depuis longtemps nombreuses dans ce quartier. Leur industrie y servoit de couvert à un autre métier que leurs voisines du Huleu faisoient aussi, mais sans prendre la peine de le cacher. La belle lingère des Deux-Anges dont Bassompierre nous a conté l'étrange aventure avoit sa boutique sur le Petit-Pont, mais la maison où elle logeoit, chez sa tante, et où elle donnoit ses rendez-vous, étoit par ici, au coin de la rue Bourg-l'Abbé. (Mém. de Bassompierre, coll. Petitot, 2e série, t. 16, p. 364.)

307: Il n'a jamais existé à Paris de rue de ce nom.

308: Toile blanche de lin assez commune qui se fabrique à Louviers. On l'appelle ainsi à cause d'un nommé Guibert, qui en fabriqua le premier.

309: Les demoiselles patentées se plaignoient du tort qui leur étoit fait par cette concurrence déloyale. Il parut à ce sujet, la première année de la Révolution, une brochure formulant les plaintes de l'une des plus fameuses matrones, «Florentine de Launay, cessionnaire de Rose Gourdan, propriétaire du Grand-Balcon, sis rue Croix-des-Petits-Champs-Saint-Honoré.» Voici quel en est le titre: Requête présentée à M. Silvain Bailly, maire de Paris, par Florentine de Launay, contre les marchandes de modes, couturières et lingères, et autres grisettes commerçantes sur le pavé de Paris. A la suite se trouvent les noms et demeures des grisettes.

310: Nous n'avons trouvé cette pièce que dans un recueil françois qui se publioit à Londres au dernier siècle, Le nouveau Magazin françois, ou Bibliothèque instructive et amusante pour le mois de janvier 1750; in-8, p. 206-208.

311: Félix Aubery, marquis de Vattan. Il ne fut prévôt des marchands que de 1740 à 1741. La date de la requête qu'on lui adresse ici n'est donc pas bien difficile à préciser.

312: C'étoit une taxe par tête, comme son nom l'indique. On ne l'imposoit que dans les grands besoins de l'Etat. Un édit du 18 janvier 1695 l'avoit établie, à condition qu'elle cesseroit à la fin de la guerre, ce qui eut lieu en effet; mais elle ne tarda pas à revivre, et cette fois pour ne plus cesser. Elle est remplacée aujourd'hui par ce que nous appelons la contribution mobilière et personnelle. La connoissance de toutes les affaires concernant la capitation étoit attribuée au prévôt des marchands; de là la requête du poëte à M. de Vattan.

313: J. J. Rousseau, lorsqu'il logeoit, en 1772, au cinquième étage de l'hôtel Plâtrière, dans la rue du même nom, fut aussi poursuivi pour sa capitation, qu'il s'obstinoit à ne pas vouloir payer. Elle ne se montoit qu'à 3 livres 12 sols; mais il soutenoit que la ville lui devoit 60 mille livres pour son Devin de village, et qu'elle avoit par conséquent de quoi se payer des 3 livres 12 sols réclamés. On n'y voulut point entendre, et peu s'en fallut qu'on n'envoyât garnison chez l'auteur d'Emile. Enfin, l'affaire étant venue devant le prévôt des marchands, il décida qu'on lui feroit remise de la taxe.

314: «De l'Italien introducteur de ce jeu (la blanque), dit Pasquier, nous usâmes du mot numero au lieu de nombre qui nous est naturel en françois; et dismes celuy entendre le numero, qui n'avoit oublié le nombre sous lequel sa devise estoit enregistrée. Et depuis accommodasmes cette manière de parler en toute autre chose, disant qu'un homme entendoit le numero quand il avoit certaine information et cognoissance d'une chose.» (Recherches de la France, liv. 8, ch. 49.) Plus tard, entendre le numéro vouloit dire être rusé, adroit. Il n'etoit lors, dit La Fontaine, conte de Richard Minutolo,

Il n'étoit lors, de Paris jusqu'à Rome,
Galant qui sût si bien le numéro.

A la fin du dernier siècle, cette locution n'avoit plus d'usage qu'en d'assez méchants lieux. L'auteur anonyme des Numéros parisiens, Paris, 1788, in-8, écrit, p. vij: «Je l'appelle (ce livre) les Numéros parisiens parce que les escrocs disent d'une personne qu'ils n'ont pu duper: Celui-là sait le numéro, il n'y a rien à faire.» En note, il ajoute: «Il est vrai que c'est une façon de parler très usitée à Paris, parmi les joueurs et autres chevaliers d'industrie.» Elle n'avoit pas, du reste, attendu 1788 pour en arriver là, tant il est vrai que du vocabulaire du commerce à celui du vol il n'y a que la main. Enay dit dans Fæneste (édit. elzev., p. 156): «Il étoit emporte-manteau. C'est entendre le numéro, ou je ne m'y connois pas.»

315: Il veut parler ici des archers qu'on mettoit en garnison chez quiconque refusoit de payer. Ils avoient charge de ronger le débiteur récalcitrant jusqu'à ce qu'il se fût exécuté. Aussi, dans l'ancienne coutume, sont-ils appelés comestores, ce que la coutume de Tournai traduit par mangeurs. Aujourd'hui l'un des papiers, à nuances menaçantes, que le percepteur vous envoie pour hâter le paiement des contributions, porte encore sur son titre: Garnison. En Allemagne, les créanciers s'y prenoient à peu près de même; seulement, ils gardoient pour eux-mêmes le rôle de mangeurs, et, comme ils pouvoient craindre que la cuisine ne fût maigre chez le débiteur, c'est à la taverne qu'ils s'alloient mettre en exercice. «Il protestoit, lit-on dans les Contes d'Eutrapel, demeurer sur les bras et depense de son hoste, comme en la coustume d'Allemaigne, où le creancier, à faute d'être payé au jour dit, se va loger en la meilleure hôtellerie, y boit, mange et fait grande chère aux dépens de son débiteur, jusqu'à l'entier payement.» (Les Contes et Discours d'Eutrapel, 1732, in-12. t. 1, p. 114.)

316: Cette pièce, comme on va le voir, est des derniers temps de la puissance du maréchal d'Ancre.

317: Le duc de Nevers avoit commencé d'armer en septembre 1616. Depuis l'emprisonnement du prince de Condé il étoit un des chefs du parti contre Concini. Sa femme, qui tenoit dans le Nivernois même, le secondoit avec énergie. V. t. 4, p. 324-325.

318: Condé avoit le gouvernement de Berry; on le lui fit rendre, et il fut donné au maréchal de Montigny. Il fallut du canon pour réduire la tour de Bourges, qui résistoit. (Œconom. roy. de Sully, coll. Petitot, 2e série, t. 9, p. 375; Mém. de Pontchartrain, id., t. 17, p. 169.)

319: Le maréchal d'Ancre, craignant pour sa vie, s'étoit retiré dans son gouvernement de Normandie. C'est la ville de Caen qu'il avoit choisie pour refuge. Il y fut assez mal reçu et n'y resta pas longtemps. (Mém. de Bassompierre, coll. Petitot, 2e série, t. 20, p. 109; Pontchartrain, id., t. 17, p. 158.)

320: Allusion au pillage de l'hôtel du maréchal d'Ancre, dont nous avons déjà parlé t. 4, p. 30. Cet hôtel, devenu plus tard l'hôtel des ambassadeurs extraordinaires, puis l'hôtel de Nivernois, et enfin une caserne de gardes de Paris, étoit situé rue de Tournon, assez près, par conséquent, de l'hôtel de Condé, dont l'Odéon tient la place. Quand le prince eut été arrêté, il y eut grande rumeur parmi les gens de sa maison et un échange continuel de menaces entre eux et ceux du maréchal d'Ancre. L'effet suivit bientôt. Un matin, tous les gens du prince assaillirent l'hôtel d'Ancre; les maçons qui travailloient au palais de la reine mère (le Luxembourg) se mirent de la partie, et la maison du ministre fut littéralement prise d'assaut et livrée au pillage. V. Œconom. roy., t. 9, p. 374; Mémoires de Richelieu, coll. Petitot, 2e série, t. 21 bis, p. 345.

321: Raphaël Corbinelli. V. t. 4, p. 30, note.

322: La venette, la peur.

323: C'est-à-dire se montre tout fier de s'être donné un refuge avant le danger. Il s'étoit, en effet, retiré en Saintonge, d'où il menaçoit le parti du maréchal. V. t. 4, p. 23.

324: Comme la Flandre étoit déjà un refuge pour les faillis, on disoit faire Flandre dans le sens de s'enfuir; et Flandre dans celui de fuite. De là aussi le mot flandrin pour tout homme élancé, bon à la course.

325: Equivoque horrible sur le jeu du cent (le piquet) et le jeu du sang, l'assassinat, où, à peu de temps de là, Vitry fit gagner la partie à Louis XIII contre Concini.

326: Il tenoit pour le roi; ses troupes avoient eu déjà quelques rencontres avec celles de Condé. V. t. III, p. 356.

327: Henri de Lorraine resta cardinal. Son humeur belliqueuse et ses façons mondaines avoient dû faire faire penser ce qu'on dit ici. V. sur lui Caquets de l'Accouchée, p. 51, note.

328: Le duc de Bouillon, après avoir tenté de soulever parmi le peuple de Paris une révolte dont l'échauffourée de l'hôtel d'Ancre avoit été l'unique résultat, s'étoit enfermé dans Soissons avec M. de Mayenne.

329: La Cour du Parlement.

330: Le duc de Longueville, en enlevant le gouvernement de Péronne à Concini, s'étoit rendu très populaire, (Œconom. roy., coll. Petitot, 2e série, t. 9, p. 372; Mém. d'Estrées, id., t. 16, p. 310; Bassompierre, t. 20, p. 110.)

331: Le comte d'Auvergne, bâtard de Charles IX, qui étoit à la Bastille depuis que Henri IV l'y avoit fait enfermer, avoit été rendu à la liberté par Concini, afin de pouvoir être opposé aux mécontents. Depuis son entrée en campagne, il avoit, il est vrai, fait plus de bruit que de besogne. (Pontchartrain, t. 17, p. 150; Monglat, t. 49, p. 24.)

332: Le duc de Mayenne, à l'approche du comte d'Auvergne, s'étoit, je l'ai dit, enfermé dans Soissons, où il soutint vigoureusement le siége, jusqu'à ce que la nouvelle de la mort de Concini le fit résoudre à rendre la place au roi.

333: V., sur ce financier, t. 3, p. 181-184; t. 4, p. 343, et les Caquets de l'Accouchée, p. 182, 241.

334: Sur ce faiseur d'almanachs, voir t. 2, p. 213-214, et Caquets de l'Accouchée, p. 65.

335: Il étoit des plus zélés pour le parti de-Condé. (Pontchartrain, coll. Petitot, 2e série, t. 17, p. 70, et notre t. 4, p. 343.)

336: Souvray finit enfin par forcer Chinon et par l'enlever à Rochefort. (Pontchartrain, ibid.)

337: Henri de Gouffier, marquis de Bonnivet, né en 1586, mort en 1645.

338: Edme Stuart, seigneur d'Aubigny, mort en 1624.

339: Collet empesé, monté sur du carton, que les hommes du bel air portoient à cette époque. Il en est parlé dans les Satires de Regnier et dans les Lettres de Voiture.

340: «Le roy partist pour aller au devant de ses enfants, avec grand nombre de seigneurs, monta sur l'eau le lundy au soir et alla jusqu'à Langon, et de là passa à Bazac (Bazas) et autres lieux, comme Rochefort, Marsant, et parmy les landes de Bourdeaux, où il s'arresta jusques à tant que la royne et messieurs ses enfants fussent arrivés.» (Journal d'un bourgeois de Paris; Société de l'hist. de France, p. 414.)

341: M. de Montpesat, gentilhomme de la chambre du roi, avoit laissé la nouvelle reine Eléonore, le dauphin et le duc d'Orléans à Saint-Jean-de-Luz, et etoit venu de «nuict, sur chevaulx de poste, à Bourdeaux», apporter au roi la nouvelle de leur approche. (La prinse et delivrance du roy, venue de la royne, seur aisnée de l'empereur, et recouvrement des enfants de France, par Séb. Moreau. Arch. curieuses, 1re série, t. 2, p. 433. V. aussi Mémoires de Martin au Bellay, coll. Petitot, 1re série, t. 18, p. 97.) Le roi fut si joyeux de la nouvelle «qu'il donna au dit sieur de Monpesat... l'office de greffier au parlement de Tholose, qui, pour lors, etoit vacante par le trepas du feu greffier, qui valoit à vendre dix à douze mil escuz.» (Séb. Moreau, p. 434.)

342: François de Bourbon, comte de Saint-Pol, frère du due de Vendôme, dont le nom précède le sien, et qui étoit lui-même frère du roi de Navarre.

343: Le cardinal Duprat, qui avoit dirigé toute l'affaire de la rançon du roi, et contre le payement de laquelle on avoit, en échange, accordé la liberté des deux jeunes princes donnés en otages. Il s'étoit acquitté de cette tâche en trop zélé ministre, il avoit payé en pièces qui n'étoient pas de poids; mais les commissaires de l'empereur, qui avoient l'éveil, n'avoient accepté qu'après sûre vérification; or, il s'en manquoit de 40,000 écus, qu'il fallut rapporter. C'est ce que Martin du Bellay, p. 94, appelle «quarante milie escus pour la tare de l'or.» Sébastien Moreau avoue lui-même qu'il s'en falloit beaucoup que toutes les pièces données d'abord fussent de bon aloi. (Arch. curieuses, 1re série, t. 2, p. 416.)

344: Roquefort, chef-lieu de canton du département des Landes, arrondissement de Mont-de-Marsan.

345: «L'abbaye de Verrières, dit Sébastien Moreau, deux lieues par delà de Mont de Marsan, qui est aussy au dit roy de Navarre.» La rencontre se fit, dit Martin du Bellay, p. 97, «entre Roquefort de Marsan et Captieux, en une petite abbaye, auquel lieu, une heure devant le jour, le roy et la royne furent espousez.»

346: «Ils arrivèrent bientôt, dit encore Séb. Moreau, en la ditte abbaye, en l'eglise de laquelle s'estoit deja appresté reverend père en Dieu monseigneur l'evesque de Lisieux, grand aumônier dudit seigneur, lesquels, après qu'ils se furent repousés en ordre, allèrent en la ditte eglise, qui estoit assez tard, et lors le dist evesque les espousa, et après s'allèrent mettre à table pour soupper. Ils feirent la chière telle que bien s'en sçauroit dire, aprez se retirèrent ensemble pour prendre le plaisir de marriage l'un avec l'autre, que je ne dechiffreray autrement, en le laissant penser aux lecteurs et auditeurs.»

347: Chef-lieu de canton du département de la Gironde, arrondissement de la Réole.

348: Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Bordeaux.

349: Rions, commune de l'arrondissement de Bordeaux, canton de Cadillac. Ce qu'on lit dans le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 416, sur cet embarquement, confirme ce qui se trouve ici, mais à beaucoup de détails près: «La royne, avec les seigneurs et dames, y est-il dit, se meirent sur la marine, entre Langon et Bourdeaulx, en basteaux painctz et dorez magnifiquement, et avoit moult de pièces d'artillerie grosses, qui faisoient merveilleuses tempestes, et force navires, tant marchands que de guerre, tous fort bien équipés.»

350: «A l'entrée de la porte, lit-on dans le Journal d'un bourgeois de Paris, fust apprestée la lictière et muletz de la reyne, tous couverts de drap d'or frizé.»

351: Sorte de hallebarde qui faisoit donner à ceux dont elle étoit l'insigne le nom de gentilshommes à bec de corbin. Les contrôleurs généraux des finances eurent, jusqu'à la révolution, un attribut du même genre. «M. de Fourqueux, lit-on dans les Mémoires secrets, t. 35, p. 14, est decidement revêtu du titre de contrôleur general et porte la canne à bec de corbin, attribut de la dignité, dont il a plus besoin qu'un autre.»

352: «La dite royne, écrit le bourgeois de Paris dans son Journal, avoit sur elle un ciel d'or frizé, vestue à la mode espaignolle, ayant en sa teste une coiffe ou crespine de drap d'or frizé, faicte de papillons d'or, dedans laquelle estoient ses cheveulx, qui luy pendoient par derrière, jusques aux tallons, entortillez de rubbens; et avoit un bonnet de velours cramoisy en sa teste, couvert de pierreries, où y avoit une plume blanche, tendue à la façon que le roy le portoit ce jour. Aux oreilles de la ditte dame pendoient deux grosses pierres, grosses comme deux noix. Sa robbe estoit de veloux cramoisy, doublée de taffetas blanc, bouffant aux manches, au lieu de la chemise, les manches de la robbe couvertes de broderies d'or et d'argent. Sa cotte estoit de satin blanc à l'entour, couverte d'argent battu, avec force pierreries; et y estoit le chancelier de France, Du Prat, qui la receut pour le roy, accompaigné de plusieurs cardinaulx et prelatz; y estoient aussy les ambassadeurs de Venise, Ferrare, Angleterre, et plusieurs princes, seigneurs et dames de France, entr'autres Mme de Nevers.»

353: «Et depuis la dicte porte, écrit le bourgeois de Paris, jusques à la grande eglise Sainct-André, estoient les rues tendues; y furent joués mistères, et y avoit trois grands theatres elevez en hault, où estoient les armes du roy et de la royne.»

354: Eléonore de Guienne, d'abord reine de France, comme femme de Louis VII, puis reine d'Angleterre, après avoir épousé Henri II. On sait que la querelle soulevée au sujet de l'Aquitaine, qu'elle avoit apportée en dot à son nouvel époux, et que le fils du premier ne vouloit pas rendre, fut la première cause d'une guerre interminable entre la France et l'Angleterre.

355: «Touctes ces bonnes chères faictes, dit Séb. Moreau, et qu'il commençoit quelque peu à se mouvoir de la peste, dont audit Bourdeaux sont subjects, à cause de la marine, partirent et passèrent les deux rivières, assavoir la Garonne et la Dordogne, et s'en allèrent prendre aeir beau et triumphant; c'est l'aeir d'Angoulème.» Là, les fêtes recommencèrent. On en trouve la description dans une pièce volante, indiquée au portefeuille 226-227 de la collection Fontanieu, et reproduite textuellement au t. 6, p. 291-298, de l'édition des Mémoires de Martin et Guillaume du Bellay-Langey donnée par l'abbé Lambert.

356: Une autre édition de cette très courte pièce fut donnée avec date et nom d'éditeur: Nouveau règlement général pour les nouvellistes, à Paris chez Cl. Cellier, 1703, in-8.

357: Ce qu'on dit ici de ces bureaux de nouvelles est très sérieux sans qu'il y paraisse. Le manque de gazettes autres que la Gazette de France, où se trouvoit seulement ce que le gouvernement vouloit bien laisser passer; l'impossibilité où l'on étoit de se renseigner en dehors du cercle étroit de la feuille officielle, avoit fait organiser sur quelques points de Paris des sortes de centres auxquels venoient aboutir, comme à un écho commun, tous les bruits sur les choses de l'intérieur et de l'extérieur. On tenoit registre de ces nouvelles, quels que fussent le lieu d'où elles vinssent et la personne qui les eût apportées. On en discutoit la valeur; et si elles le méritoient, on leur donnoit place dans le Journal, dont les copies manuscrites étoient répandues à profusion dans Paris, et qui n'est autre que ces fameuses Nouvelles à la main dont on a tant parlé. V., dans l'Encyclopédie du XIXe siècle, t. 17, p. 307-310, notre article sur ces embryons du journal.

358: Dans un curieux petit livre, l'Ambigu d'Auteuil, 1709, in-8o, p. 27, il est parlé de ces nouvellistes des Tuileries et de l'endroit où ils se tenoient. D'ordinaire, ils prenoient place sur les bancs, «à l'ombre, autour du rondeau», et sur un autre «fort long, qui est au bout du boulingrin». C'étoit, dit plaisamment l'auteur, ce qu'on appeloit «l'arrière-ban des nouvellistes». Parmi ceux-ci, les plus assidus étoient, à l'époque dont nous parlons, un voyageur fameux que je n'ai pas pu reconnoître, et un vieux comédien, qui doit être La Thorillière. «Il jouit, dit l'auteur, de mille écus de pension que luy fait sa troupe, et de trente mille escus qu'il a espargnez du temps que Corneille et Molière travailloient pour le théâtre. L'occupation de ces oisifs, ajoute-t-il, est de s'entretenir de ce qu'ils ont vu et de ce qui les regarde en particulier lorsque les nouvelles ne fournissent pas; et bien souvent, dans l'empressement que quelques uns ont de donner bonne opinion de leur fait, quatre ou cinq parlent à la fois».

359: Le grand centre, en effet, fut longtemps au Luxembourg. En 1678, les faiseurs de nouvelles y péroroient déjà. C'est surtout contre ceux de ce bureau que Hauteroche, cette même année avoit dirigé sa comédie des Nouvellistes. Un peu plus tard, étoit publié, toujours à leur adresse, Le grand théâtre des Nouvellistes, docteurs et historiens à la mode, ou Le cercle fameux du Luxembourg, poëme héroï-comique, Anvers, 1689, in-8. V. aussi les Satires de Ducamp d'Orgas, 1690, in-8, p. 71. Ceux qui s'occupoient surtout des choses de la littérature, les chenilles du théâtre, comme les appelle Gresset, s'assembloient sous un grand if. C'est ce qu'il faut savoir pour bien comprendre ce couplet qui se chantoit au prologue d'une pièce de Le Sage, les Mariages du Canada, jouée en 1734:

Grand juge-consul du Permesse,
Vous savez notre différent.
De grâce, réglez notre rang
Par un arrêt plein de sagesse,
Par un arrêt définitif,
Tel que vous en rendez à l'if.

360: C'est là, dans l'allée qui disparut pour faire place à la galerie de droite, que se trouvoit le fameux orme appelé l'arbre de Cracovie. Ce nom, que Pannard prit pour titre d'opéra comique en 1742, venoit non pas de la ville de Pologne, mais des mensonges, des craques, qui trouvoient là un abri. Au VIIe chant de la Henriade travestie il est parlé des milliers de nouvellistes

Deguenillés, mourant de faim,
De ces hableurs passant leur vie
Dessous l'arbre de Cracovie.

Les nouvellistes du Palais-Royal n'avoient pas grand crédit. V. ce qu'en dit la Gazette dans les Ennuis de Thalie (Hist. du Théâtre-Italien, t. 5, p. 263). En 1709, suivant l'Ambigu d'Auteuil, un apothicaire s'y étoit fait «l'essayeur des bonnes ou mauvaises nouvelles.»

361: Le voisinage du Pont-Neuf avoit dès longtemps achalandé de nouvelles les oisifs du cloître des Augustins. Les gazettes étoient là dans leur vrai centre. On connoît celle du Pont-Neuf faite par Saint-Amant, édit. Livet, t. 2, p. 161, et l'on sait par le Paris en vers burlesques de Bertaud, p. 36-37, que dans les presses de marchands et de curieux encombrant le pont se trouvoit toujours quelque vendeur de gazette. Dans le Grand Théâtre des nouvellistes, p. 61, il est parlé de ce docteur

.....Qu'on voit tous les matins
Présider sur le banc du quai des Augustins.

362: On y voyoit surtout des abbés. V. Satires de Ducamp d'Orgas, p. 73.

363: Antonio Perez, aux derniers temps de sa vie, avoit en effet habité dans le voisinage des Célestins. Après avoir logé rue Mauconseil, vis-à-vis de l'hôtel de Bourgogne, puis à Saint-Lazare, dans la rue du Temple, au faubourg Saint-Victor, il étoit venu s'établir dans la rue de la Cerisaie. Il avoit toujours été très curieux de nouvelles, et même, comme s'il n'eût pas cessé d'être ministre de Philippe II, il poussoit jusqu'à l'espionnage cette passion de curiosité. Les Espagnols l'accusoient d'envoyer de Paris à Madrid des espions à gages. V. Œuvres choisies de Quévedo, La Haye, 1776, in-12, t. 1, p. 100. S'il alla quelquefois se mettre aux écoutés dans le cloître des Célestins, il ne put se permettre jusqu'à la fin de sa vie ces promenades de nouvelliste. Il devint en effet presque perclus de ses jambes, et, ne pouvant plus se rendre à l'église, il fut obligé de demander qu'on lui accordât le droit d'avoir une chapelle dans sa maison. (Lorente, Hist. de l'inquisition, t. 3, p. 360.)

364: «Il fut, dit M. Mignet, enterré aux Célestins, où, jusqu'à la fin du dernier siècle, on pouvoit lire une épitaphe qui rappeloit les principales vicissitudes de sa vie.» (Antonio Perez et Philippe II, 1845, in-8o, p. 301.) V. aussi Piganiol de la Force, Descript. de Paris, 1765, in-8, t. 4, p. 254-256.

365: Malgré cette décision, les nouvellistes des Tuileries gardèrent longtemps le pas qu'ils avoient pris depuis le commencement du siècle sur ceux du Luxembourg. Ils l'avoient encore en 1709. Je le vois par ce qui est dit dans l'Ambigu d'Auteuil, p. 37. Voici ce que j'y trouve: «Après que toutes les nouvelles sont dites au Palais-Royal, et que des histoires qui ont été rebattues déjà cent fois y ont encore été renouvellées, les coqs des pelotons choisissent ceux qu'ils trouvent dignes de leur tenir compagnie, et leur font signe de les suivre aux Tuileries. C'est sur les six heures que se fait le tric (sic) de cette promenade, et le moins mal en ordre veut se produire dans ces magnifiques jardins, où le désajustement des autres ne seroit pas de mise. Après le tour de la grande allée, ils se retirent sous des ormes qui sont du côté de la terrasse qui borde la Seine. Là, les plus vénérables prennent séance, pendant que le reste, étant debout, ne se lasse point de participer à la récapitulation de ce qui a été débité de plus important pendant la journée, non seulement au Palais-Royal, mais au Luxembourg, à l'Arsenal, au Palais, sans oublier les cloîtres, où il se fait un monde de nouvellistes, et les fameux caffez de Paris, d'où il ne manque pas de venir des députez.»

366: Ce règlement, en 15 articles, est annexé à la seconde édition de cette pièce sous ce titre: Nouvelle ordonnance pour les nouvellistes. Il étoit en substance dans quelques vers assez bien tournés de la satire Le grand théâtre, etc., et qui seront mieux de mise ici. C'est au président du Cercle du Luxembourg que l'on s'adresse, et, comme vous verrez, on n'oublie pas d'y parler de Simonneau, qui étoit le greffier:

Ordonnez, sans délai, que pendant votre absence,
Toujours le plus ancien y tienne l'audience.
...............
Et de plus ordonnez qu'on garde mot pour mot
Vos derniers règlements d'y parler par escot;
Et qu'en son privé nom, tout reçu nouvelliste
Repondra des faux pas que fera son copiste;
Qu'on ne recevra pas d'acte sur le bureau
Qui ne soit paraffé du docteur Sim......,
Sous peine de tomber dans d'estranges bevues,
Comptant trop sur la foy de cent badauds des rües.
Que l'on fera serment, enregistrant son nom,
D'avoir toujours en bouche un soigneux: Que dit-on?
Et de ne débiter jamais le doux sans l'aigre,
Mais, comme le chapon, le gras avec le maigre;
Qu'on bannira du cercle un tas de ces grimaux
Dont le but n'est jamais que d'en conter à faux.
Qu'on mettra tous ses soins à purger l'assemblée
De cent donneurs d'avis faits sous la cheminée;
Que chaque nouvelliste aura soin à son tour
De parcourir Paris et fureter la cour.....

Je vous ai dit le nom du greffier du Cercle; j'ignore celui du président, mais ce que je sais, c'est que l'individu qui, en 1728, surveilloit la transcription et la rédaction des Nouvelles à la main se nommoit Dubreuil, qu'il logeoit rue Taranne, et que l'abonnement à son journal manuscrit étoit par mois de 6 livres si l'on ne vouloit que 4 pages in-4, et de 12 livres si l'on désiroit le double de pages. Plus tard, le grand bureau fut chez madame Doublet, aux Filles-Saint-Thomas. «Sur une table, deux grands registres étoient ouverts qui recevoient de chaque survenant, l'un le positif, et l'autre le douteux; l'un la vérité absolue, et l'autre la vérité relative.» Et voilà le berceau de ces Nouvelles à la main..., ébauche des Mémoires secrets, que Bachaumont annonce ainsi dès 1740: «Un écrivain connu propose de donner chaque semaine une feuille de nouvelles manuscrites. Ce ne sera point un recueil de petits faits secs et peu intéressans, comme les feuilles qui se débitent depuis quelques années. Avec les événements publics que fournit ce qu'on appelle le cours des affaires, on se propose de rapporter toutes les nouvelles journalières de Paris et des capitales de l'Europe, et d'y joindre quelques réflexions sans malignité, néanmoins sans partialité, dans le seul dessein d'instruire et de plaire, par un récit où la vérité paroîtra toujours avec quelque agrément. Un recueil suivi de ces feuilles formera proprement l'histoire de notre temps.... A chaque ordinaire,.... elle (la feuille) sera payée sur le champ par le portier, afin qu'on aye la liberté de l'abandonner quand on n'en sera pas satisfait.» (Edmond et Jules de Goncourt, Portraits intimes du 18e siècle (Bachaumont), Paris, Dentu, 1857, in-18, p. 33-34.)—A la fin de 1752, parut aussi l'Avis d'une feuille manuscrite intitulée le Courrier de Paris. On vouloit là encore faire mieux que ces nouvelles à la main «rejetées sur les provinces par la satiété de Paris.». Quelques numéros que possède M. Albert de la Fizelière prouvent qu'on ne fit ni mieux ni plus mal. La police sévissoit souvent contre cette sorte de publicité: de là, ses disparitions et ses transformations si fréquentes; de là aussi la rareté des copies qui en sont restées. V. notre article de l'Encyclopédie déjà cité, et le Journal de Barbier (1744), 1re édit., t. 2, p. 451.

367: Nous avons donné plusieurs pièces publiées sous le nom du fou maître Guillaume; il étoit bon d'en publier une au moins de sa bonne amie la folle Mathurine. Comme elles sont toutes assez insignifiantes, nous avons choisi la plus courte. On y trouvera d'ailleurs sur cette folle en titre d'office, dont nous avons déjà longuement parlé (Caquets de l'accouchée, p. 168, note), et la, seule que nous connoissions, quelques faits qui ne se rencontrent point ailleurs. On voit par le titre que cette pièce est le complément d'une autre, prêtée à maître Guillaume, et qui ne doit pas être autre chose que le petit livret publié en cette même année 1609: Discours fait par maître Guillaume. Suite des rencontres de maître Guillaume dans l'autre monde.

L'on me fait mort,
Mais c'est à tort,
Car ma folie
Demeure en vie.

Quand Henri IV eut été assassiné, on lui donna maître Guillaume pour compagnon d'outre-tombe. Un nouveau pasquil fut publié, qui racontoit ses nouvelles pérégrinations infernales: Le Voyage de maître Guillaume en l'autre monde, vers Henry-le-Grand.

Le monde n'est que pure folie,
Où chacun rit suivant sa passion.
Ne blâmez donc pas ma libre affection
Qui prend plaisir à si pure manie.

1612, in-8.—Cette fois, il n'y eut pas, que je sache, pour le retour du maître fou, de feu de joie et réjouissance de la part de Mathurine. Ce n'étoit pas qu'elle fût morte, ni qu'on eût cessé de mettre sous son nom les petits livrets qu'on vouloit répandre. Bien longtemps après sa mort, à l'époque de Mazarin, on recouroit encore à ce patronage de folie. Peu s'en fallut même qu'on ne fît endosser à la reine Christine, dans une satire, le nom de notre vieille folle de cour. Le pseudonyme, tout étrange qu'il fût, n'eût pas manqué de transparence. Il n'eût pas fallu gratter beaucoup pour trouver dessous une extravagante, et de bien pire espèce que la pauvre Mathurine. Christine, en effet, venoit alors de faire assassiner Monaldeschi; c'est même pour populariser la nouvelle de son crime, et pour la forcer à partir de Paris, dans le cas où elle n'auroit pas craint d'y venir, que ce pasquil avoit été préparé sous les auspices mêmes de Mazarin. Un voyageur hollandois qui se trouvoit alors à Paris, et dont les Mémoires, conservés manuscrits à la Bibliothèque de La Haye, ont fourni quelques extraits fort intéressants à M. Achille Jubinal, dans ses Lettres à M. de Salvandy, etc., Paris, 1846, in-8, p. 116, parle ainsi de ce fait si curieux, et dont nulle part ailleurs nous n'avons trouvé de trace: «Le 5e (décembre 1657) nous apprismes que l'on avoit préparé icy un joly escrit pour en régaler la reine Christine, si elle y fust venue; il devoit porter pour titre: la Métempsycose de la reine Christine. On y eust vu quantité de jolies choses, et entr'autres belles ames qu'elle avoit eues, on luy donnoit celle de Sémiramis, qui se travestissoit si bien, et qui, tantost homme, tantost femme, jouoit toujours des siennes, et surtout lors que, faisant appeler jusques à de simples soldats pour coucher avec elle, elle les faisoit poignarder au relevé, de peur qu'ils ne s'en vantassent. La dernière ame qu'on lui donne est celle de Mathurine, cette gentille folle de la vieille cour. Mais à présent qu'elle ne viendra point, cet escrit est supprimé, Monseigneur le cardinal ayant fait dire à l'autheur de la laisser en paix. Si elle fust venue, on l'auroit publié pour l'obliger à quitter un lieu où on la dépeignoit de ses plus vives couleurs.» Elle vint pourtant, mais resta si peu qu'on ne crut pas devoir reprendre l'idée du pasquil.

368: Pour comprendre ceci, il faut savoir ce que pas un des biographes de Mathurine, ni Dreux du Radier, ni M. de Reiffemberg, dans leur histoire des fous de Cour, n'ont eu soin de faire connoître: c'est que la pauvre folle couroit par les rues armée de pied en cap. Dans une pièce en strophes dont elle est aussi l'héroïne, La Sagesse approuvée de Madame Mathurine, 1608, in-8, nous lisons aux strophes 12 et 13:

Quelque ignorant dira: Mais cela n'est pas beau,
Contre l'ordre commun, voir porter un chapeau,
Une épée, un pourpoint; fi, le fait est infâme!»
Las! s'il sçavoit sonder la venu aux efforts,
Il verroit que d'un homme elle tient tout le corps,
Fors le bas seulement, qu'elle tient d'une femme.

Elle porte un chapeau comme une sage done;
Elle porte un tranchant comme une autre Amazone,
Signal très assuré d'un esprit courageux.
Pentasilée estoit au premier Alexandre;
Mathurine au dernier sacrifie sa cendre.
Juge, lecteur, qui est la plus digne des deux.

Ces façons d'Amazone donnoient à Mathurine un trait de ressemblance de plus avec Christine, et c'est peut-être ce qui avoit fait naître l'idée de la métamorphose mentionnée il y a un instant. Le voyageur hollandois nous peint ainsi la reine de Suède dans son costume de virago: «Elle n'avoit plus son habit de femme, auquel elle s'estoit accommodée pendant son séjour en cette cour; elle avoit repris un juste-au-corps de velours noir garni partout de rubans, avec un drolle (qui est une espèce de cravate à la moresque) qui estoit lié d'un ruban de couleur de feu; elle portoit une toque de velours avec des plumes noires; elle estoit coiffée de ses propres cheveux, qui sont fort blonds, mais assez courts et couppés comme ceux des hommes; sa juppe estoit d'une moire bleue avec une belle et grande broderie de soie guippée, blanche et aurore.» Quoique le reste du portrait soit de hors d'œuvre ici, nous nous reprocherions de ne pas le donner: «Elle est de petite taille, assez ramassée; elle a le visage parsemé de quelques grains de petite vérole, mais qui ne paroissent que de fort près; son teint est fort frais, sur lequel on voit un peu de rouge meslé qui semble d'en vouloir relever l'éclat; elle a le front large et les yeux grands et étincellants; elle a un nez aquilin qui, estant proportionné au visage, ne lui sied pas mal; elle a la bouche assez bien faite, les lèvres vermeilles, et les dents toutes gastées; le menton lui descend un peu en poincte et achève de lui former le visage en ovale. Nous ne pusmes remarquer qu'elle ait le corps si mal basti qu'on le dit. Il est bien vrai qu'elle a l'espaulle droite un peu plus haute que la gauche; mais si on ne le sçavoit pas, on auroit de la peine à s'en apercevoir. Aussi tasche-t-elle de couvrir ce défaut le mieux qu'elle peut; car, pour trouver l'esgalité de ses espaules, elle advance toujours le pied droit, met la main gauche au costé, et la droite sur son derrière. Quand elle parle à quelqu'un, elle le regarde fixement d'un œil si ouvert qu'il faut être bien hardi pour soutenir longtemps sa veüe; elle ne fait pas de longs discours, et parut ce jour là tout à fait inquiète; elle ne faisoit que courir de costé et d'aultre dans sa chambre, et dans un moment on la voyoit au delà du balustre de son lict, auprès de sa cheminée, au coin du paravant et aux vitres d'une fenestre, dire un mot à l'un, tirer l'aultre à part, et faire paroistre une humeur dereiglée; elle parle fort bon françois, en possède tout à fait l'accent, et dit parfois de belles choses, mais d'un ton de voix qui approche plus de celui d'un homme que d'une femme. Quand quelqu'un luy vient faire la révérence, elle luy en rend une de sa façon, qui est de moitié homme, moitié femme; et, quand elle marche, elle fait de certains pas en tournant qu'on peut nommer des passades en demi-volte ou des coupés de maistre à danser.»

369: Gabriel Genebrard, docteur de Sorbonne, archevêque d'Aix, mort en 1597. On fait allusion ici à quelque livre, fait en Angleterre ou autre pays transmarin, contre sa Chronologie sacrée. Genebrard avoit été un furieux ligueur; le siége d'Aix, qu'il occupa quelque temps, lui avoit été donné par Mayenne. Mathurine, en ennemie jurée de la Ligue, comme elle l'a dit tout à l'heure, se met donc volontiers du côté des adversaires de Genebrard. Elle étoit fidèle servante du Roi, nous l'avons déjà dit, Caquets de l'Accouchée, p. 168, note. Un fait qui nous avoit jusqu'ici échappé prouve qu'elle ne se contentoit pas seulement de l'amuser, mais qu'elle pouvoit encore, aussi bien qu'une personne du meilleur sens, lui rendre service. C'est à elle qu'on dut l'arrestation de Jean Châtel. Au moment où le roi se sentit blessé à la lèvre, «regardant, dit l'Estoille, ceux qui estoient autour de luy, et ayant advisé Mathurine la folle, commença à dire: «Au diable soit la folle! elle m'a blessé.» Mais elle, le niant, courust tout aussitost fermer la porte, et fut cause que ce petit assassin n'eschappat.» (L'Estoille, édit. Champollion, t. 2, p. 252.)

370: Le Soldat François, s. l., 1605, in-8, livret qui fit grand bruit alors, et «qui donna lieu à une foule de réponses dont on peut voir la liste dans le Catalogue La Jarrie, 1854, in-8, 2e partie, p. 64, no 5082.

371: Je ne sache pas qu'il y ait jamais eu à Paris une rue de ce nom.

372: Cette pièce, qui a trait à quelques événements politiques de l'année 1614, est la première d'une sorte de trilogie facétieuse dont nous avons déjà parlé, t. 1, p. 194, note, et qui, en outre d'elle, se compose ainsi: Les Grands jours d'Antitus, Panurge, Guéridon et autres, s. l. n. d., pet. in-8; Continuation des Grands jours interrompus d'Antitus, Panurge et Guéridon, s. l. n. d., in-8. Si nous donnons celle-ci de préférence, ce n'est point parce qu'elle est la plus courte des trois: elles sont toutes assez curieuses pour qu'on n'y regrette point la longueur; c'est tout simplement parce qu'il s'y trouve beaucoup moins de baragouin que dans les autres. Ici, Guéridon seul parle dans son patois, et, bien qu'assez inintelligible par instant, ce patois est presque toujours suffisamment accessible, et ne manque pas d'ailleurs de comique. Dans les pièces suivantes, au contraire, le texte se bigarre de trop de langages différents. Chacun y parle le sien. D'abord c'est Guéridon, puis un autre paysan nommé Arnauton, puis le capitaine Guiraud, qui parle un gascon encore plus accentué que celui du baron de Fæneste; puis le capitaine Diego, qui s'explique en mauvais patois espagnol; enfin le capitaine Stephanello, dont le jargon italien ne vaut guère mieux. Bref, c'est à n'y rien comprendre, pour les lecteurs qui ne veulent pas qu'une lecture soit un casse-tête de traduction. Voilà pourquoi, encore un coup, nous n'avons, sur les trois pièces, choisi que celle-ci, et pourquoi nous ne donnerons qu'elle.—Toutes les trois sont fort rares. M. de La Vallière possédoit de chacune un exemplaire, qui passa depuis chez Méon, et qui se trouvoit, en dernier lieu, chez M. Pressac, de Poitiers. (V. Catal. de sa Bibliothèque, 1857, in-8, p. 109.) M. Leber ne possédoit que deux des trois pièces; Les Grands jours d'Antitus, etc., lui manquoient. Il ne faudroit pas, pour les connoître, s'en fier à son Catalogue. Il dit qu'elles sont en vers; or, les trois sont, comme celle-ci, en prose entremêlée de ci de là de distiques ou de quatrains. Un exemplaire complet passa, en 1846, dans la vente de M. M... (V. le Catalogue, Potier, 1846, in-8, p. 5, no 27): il ne fut pas poussé au delà de 11 fr.; aujourd'hui ce prix seroit au moins quintuplé.—Parlons maintenant des personnages de cette Conférence en dialogue. On connoît Panurge; nous n'en dirons donc rien, quoiqu'il ne soit plus ici le sublime gamin créé par Rabelais, et qu'il tende à devenir plutôt un raisonneur assez bonhomme. Antitus est de la même famille, puisqu'il nous vient aussi du Pantagruel. C'est le bon Antitus des Cressonnières, «licentié maître en toute lourderie», avec qui Rabelais nous a fait faire connoissance en son livre 2, ch. 11. Comme Panurge, il est un peu défiguré, mais il gagne à l'être. L'un remplace sa malice par du simple bon sens; l'autre fait de même pour sa bêtise. Le profit le plus réel est donc pour lui. Guéridon est de plus fraîche date; il ne remonte pas plus loin que l'époque où l'on nous le met ici en scène. D'où vient-il? je ne sais. Le patois qu'on lui fait parler nous donneroit à penser qu'il est du Poitou, ou plutôt encore de la Marche, d'autant que son nom pourroit bien être un dérivé de celui de Guéret, principale ville de cette pauvre province. Il est bien entendu que je n'avance cela qu'avec toute réserve et parce que je ne vois rien de plus probable à supposer. Sous Louis XIII, Guéridon est partout: d'abord, c'est, comme ici, un villageois parlant par sentences et par distiques; puis il devient un héros de chansons, et son nom, mis au refrain, y ramène naturellement le don don traditionnel. Voici, par exemple, un des couplets où il intervient ainsi. On devinera sans peine qu'il est dirigé contre Marie de Médicis et le maréchal d'Ancre. Nous l'avons trouvé dans le Recueil Maurepas, t. 1. p. 5:

Si la Reine alloit avoir
Un enfant dans le ventre,
Il seroit bien noir,
Car il seroit d'encre.
O Guéridon des Guéridons!
Don, daine,
O Guéridon des Guéridons!
Don, don.

L'air sur lequel se chantoit cette chanson étoit, on le voit par une note du même volume (p. 333), l'air du Toureloure, et il devoit venir, comme Guéridon lui-même, du pays de ces Auvergnats ou de ces Marchois qui nous chantent encore avec tant de plaisir les chansons où se trouve le tourelourela natal. Pendant quelque temps le mot guéridon fut pris dans le sens de vaudeville et le remplaça. Ainsi nous trouvons, sous la date de 1616, et toujours dans le Recueil Maurepas, t. 1, p. 323, Le grand Guéridon italien et espagnol, venu nouvellement en France, aux hypocrites du temps présent. Tallemant, dans l'historiette de Bois-Robert (édit. in-12, t. 3, p. 140), a parlé d'un homme qui avoit mis toute la Bible «en vaudeville qu'on appelle guéridons». Pour que rien ne manquât à son individualité gaillarde, des chansons on l'avoit fait passer dans les danses. Guéridon étoit aussi alors un personnage de ballet: il figura dans celui des Argonautes, dansé au Louvre le 3 janvier 1614. Cinquante ans après, il joue encore son personnage dans l'arlequinade le Régal des Dames, comme on le voit par ce passage de la Gazette de Du Lorens (5 mai 1668):

Par de nouvelles gentillesses
Et divertissantes souplesses,
On voit deux Guéridons danser...

Dans les branles qui se dansoient à la fin des bals du monde, il tenoit aussi un rôle, et c'étoit, il faut en convenir, le plus piteux de tous. Ainsi, dans le Branle de la Torche, déjà si fameux au temps d'Olivier de La Mancha et à l'époque de Henry Estienne, on donnoit, du moins sous Louis XIII, le nom de Guéridon au personnage qui, pendant que les autres tournoient en rond et s'embrassoient autour de lui, étoit condamné à avoir en main un flambeau, ou, si vous aimez mieux, à tenir la chandelle, pour me servir d'une locution qui doit certainement venir de là. Mme Pilou, déjà fort vieille, dansoit encore la Branle de la Torche. Comme le flambeau lui revenoit souvent, elle se plaignoit en riant de jouer toujours le rôle de Guéridon. (Tallemant, in-12, t. 6, p. 69.) Quand l'usage des petits meubles à trois pieds destinés à soutenir les flambeaux s'introduisit dans les appartements, on les appela guéridons, comme le pauvre patient dont c'étoit l'emploi dans le fameux branle. Jusqu'ici personne, que je sache, n'avoit trouvé l'étymologie de ce mot; je pense qu'après ce que je viens de dire il n'y aura plus besoin de la chercher.

373: Comme le capitaine Picotin, dont nous avons déjà parlé (t. 6, p. 279), et dont le nom étoit un souvenir de cette bonne dame Picorée qui l'avoit fait vivre si longtemps.

374: Cette locution vient de ce que les péagers des ponts laissoient passer gratis tout jongleur qui faisoit danser devant eux son singe ou qui chantoit une chanson. «Li jongleurs sont quitte por un ver de chancon», lit-on dans l'Establissement des metiers de Paris, par Estienne Boileau. MM. Le Roux de Lincy (Chants historiques, t. 1, p. 31) et Quitard (Dictionnaire des Proverbes, p. 646) ont avec raison donné crédit à cette étymologie, que Boursault avoit d'ailleurs soupçonnée bien longtemps avant eux. V. ses Lettres, 1722, in-8, t. 1, p. 214-215.

375: Ce mot, qu'Antitus va prendre pour un mot latin, désigne l'espace qui se trouve entre l'anus et les parties génitales. C'est d'une fistule en cet endroit que mourut le vainqueur de Marignan; M. Cullerier, chirurgien de l'hôpital du Midi, l'a démontré dans sa curieuse brochure: De quelle maladie est mort François Ier? Paris, 1856, in-8. Nous avions déjà avancé qu'il n'étoit pas mort du mal vénérien. (V. l'Esprit dans l'histoire, p. 99.) Cette nouvelle autorité nous donne pleinement raison.

376: On disoit, en effet, l'un et l'autre. «Je m'en vas, lisons-nous dans une pièce du temps, chanter avec ma cornemuse vos louanges, sur le chant de Guérindon.» (La Suitte très plaisante et Masquarades veue en l'autre monde par le capitaine Ramonneau, 1619, in-12, p. 15.) Dans le Ballet des Argonautes on l'appelle même Guélindon.

377: Sur ce fait et quelques autres du même genre, V. t. 2, p. 286.

378: Chagrins, morfondus de tristesse. Quelquefois même ce mot se prenoit pour blessé, estropié. V. Cl. Fauchet, Recueil de l'origine de la langue et poésie françoise, 1581, in-4, p. 141.

379: Il a déjà été parlé de ces paysans qui s'ennoblissoient de leur propre autorité et se faisoient appeler, soit, comme ici, M. du Pré, soit M. du Buisson, M. de la Planche. V. t. 6, p. 332, une citation du Paysan françois à ce propos.

380: Le mot fredaine, d'après ce passage, n'auroit-il d'abord été, comme le mot qui suit, qu'une sorte d'onomatopée chansonnière? Du refrain gaillard il seroit passé dans la langue courante, pour désigner la chose qu'il a servi a chanter. Je pourrois citer plus d'un exemple de ces mots de fantaisie créés par les refrains, et à qui l'usage finit par donner un sens.

381: Sur Pacolet, V. plus haut, p. 38.

382: Tabarin se moqua, sur son théâtre, de ces pauvres paysans habillés de toile, comme les ailes d'un moulin. Il se montra lui-même dans cet accoutrement, et c'est ce qui donna lieu à la facétie: Le Procez, plainte et informations d'un moulin à vent de la porte Sainct-Antoine contre le sieur Tabarin, touchant leur habillement de toille neufve. 1622, in-8. «Quand il a veu, dit-il, le pauvre moulin, que j'avois mes habits des dimanches, il m'est venu despouiller une de mes aisles, c'estoit la plus belle jacquette que j'avois jamais eue.»

383: Les pédagogues romains fouettoient leurs écoliers avec une peau d'anguille. (Pline, liv. 9, ch. 23.) L'usage étoit resté, et le mot ici employé en étoit venu. Il se trouve plusieurs fois dans Rabelais (liv. 2, ch. 30; liv. 5, ch. 16). Je lis aussi dans Regnier, sat. 8, v. 155-156:

Ce beau valet, à qui ce beau maistre parla,
M'eust donné l'anguillade et puis m'eust laissé là.

384: La vèze étoit une sorte de cornemuse plus particulièrement en usage dans le Poitou, selon La Monnoye, dans son Glossaire des noëls bourguignons. La vèze étoit la partie par laquelle on souffloit; l'outre s'appeloit bille, et des deux mots on avoit fait celui de bille-vezée pour balle soufflée, et au figuré pour toutes les sornettes d'où il ne sortoit que du bruit et du vent.

385: Ce n'étoit qu'un cri dans toute la noblesse et la bourgeoisie contre les gens de métier qui se mêloient de pérorer sur les affaires publiques. «Aujourd'hui, écrivoit Mornay un peu auparavant, il n'y a boutique de factoureau, ouvroir d'artisan ni comptoir de clergeau, qui ne soit un cabinet de prince et un conseil ordinaire d'Etat; il n'y a aujourd'hui si chetif et miserable pedant qui, comme un grenouillon au frais de la rosée, ne s'emouve et ne s'esbatte sur cette cognoissance.» (Cité par Mayer, Galerie philosophique du XVIe siècle, t. 2, p. 271.) Je lis encore dans un pasquil du même temps, les Entretiens du diable boiteux, p. 26: «Quand le savetier a gagné, par son travail du matin, de quoi se donner un oignon pour le reste du jour, il prend sa longue epée, sa petite cottille, son grand manteau noir, et s'en va sur la place decider des interets de l'Etat.» De même que Picard, cordonnier de la rue de la Huchette, qui fut pour une si grande part dans les soulèvements populaires, contre le maréchal d'Ancre, tous les gens de ce métier, et le savetier maître Jean, que vous allez voir paroître, en est un exemple, se croyoient alors de grands clercs en politique; ils avoient mis à honneur de se ranger des premiers parmi les mécontents. Ils n'y gagnèrent rien que les quolibets des bourgeois de bon sens et les épigrammes des faiseurs de pasquils. Picard, toutefois, fit bien ses affaires; sa réputation de factieux achalanda sa boutique, et, à partir de ce moment, il eut le bon esprit de n'en plus sortir. Il se mit en état de lancer, son fils dans les grandes affaires. Ce fils devint, non pas procureur au Parlement, comme dit Amelot de la Houssaye (Mémoires historiques, t. 2, p. 399), mais trésorier des parties casuelles et marquis de Dampierre. V. le Catalogue des Partisans, dans le Choix des mazarinades de M. C. Moreau, t. 1, p. 117-118. Il mourut au mois d'avril 1660 (Lettres choisies de Gui Patin, 1707, in-8, t. 2, p. 15).

386: Sur ce pauvre fou, qui couroit les rues, et à qui, comme à maître Guillaume, on faisoit endosser toutes sortes de petits livrets, V. t. 2, p. 273.

387: Le prince de Condé avoit quitté Paris le 6 janvier 1614, pour se mettre à la tête des mécontents.

388: V., sur ce mot et sur sa curieuse étymologie, une note excellente de M. Ch. d'Héricault dans son édit. des Œuvres de Coquillart, t. 2, p. 287-288.

389: C'est le fil poissé dont se servent les cordonniers.

390: Cette interjection populaire est une apocope de agardez, regardez. Théodore de Bèze (De Franc. linguæ recta pronunctatione, p. 84) est de cet avis, ainsi que La Monnoye (Œuvres choisies, 1770, in-8, t. 3, p. 334). On trouve maintes fois ce mot dans nos anciens auteurs, notamment dans les Contes de Des Périers, édit. elzevir., t. 2, p. 204. Nulle part, comme on le dit ici, il n'étoit plus employé que dans le peuple de Paris. C'étoit pour ce populaire une exclamation partout de mise. Saint-Julien, en ses Courriers de la Fronde, ne lui en fait pas pousser d'autre. Ainsi, dans le 1er (édit. Moreau, t. 1, p. 12, 107), il dit:

Monsieur de Mesme harangua,
D'un style qui fit dire: Aga!

391: Le prévôt des marchands étoit alors Robert Miron, seigneur du Tremblay, conseiller d'Etat et président des requêtes du Palais.

392: Le mariage du fils de Jacques Ier avec Henriette de France, sœur de Louis XIII, étoit en effet déjà projeté; mais il n'eut lieu que bien plus tard, le 11 mai 1625. V. t. 1, p. 39.

393: Perdu, du mot allemand verloren, qui, importé par les Suisses et les Lansquenets, étoit devenu le mot frelore employé dans le Pathelin (édit. G. Chateau, p. 50) et par Rabelais, liv. 4, chap. 18. Il se trouve aussi dans la chanson de la bataille de Marignan par Cl. Jennequin.

394: La Pomme-de-Pin, cabaret trop célèbre pour que j'aie besoin d'en parler ici. V. d'ailleurs notre Histoire des hôtelleries et cabarets, t. 2, p. 304-305.

395: Fameux cabaretier dont la taverne se trouvoit près de Saint-Eustache. V. Caquets de l'Accouchée, p. 268, note; Saint-Amant, édit. Livet, t. 1, p. 143.

396: Cabaret chéri de Chapelle, qui se trouvoit près de la place Saint-Jean, auprès de la ruelle, aujourd'hui disparue, qui lui devoit son nom. V. t. 3, p. 318, et t. 4, p. 50.

397: Foze, renard, vient de l'allemand fuchs, qui a le même sens.

398: Voilà le système de M. Caussidière en 1848 condamné, et même avec sa propre expression, faire de l'ordre avec du désordre.

399: L'un des quartiers généraux des mécontents. V. plus haut, p. 237.

400: Expression toute rabelaisienne (Gargantua, liv. 1, ch. 27; Pantagruel, liv. 2, ch. 14). Elle paroît venir du langage toulousain, dont Le Duchat invoque à ce propos le dictionnaire. Claude Odde, de Triors, dans les Joyeuses recherches de la langue tolosaine, dont M. G. Brunet a donné une nouvelle édition (1847, in-8), n'en a toutefois pas parlé. Elle se prend pour tape, horion.

401: Ce mot se prenoit pour branche, comme dans ces vers de François Habert, dans sa fable du Coq et du Renard:

Le coq, de grand peur qu'il a
S'envola,
Sur une ente haute et belle.

Il se disoit aussi pour un jeune arbre nouvellement enté. C'est dans ce sens qu'il est pris ici. Alors il ne faisoit pas double emploi avec le mot arbre et pouvoit se trouver près de lui, comme dans ces vers du poème du Rossignol, par Gilles Corrozet:

Le jour esleu, aussy l'heure assignée.
S'en vint l'amant, la fresche matinée,
En un jardin, paré d'arbres et entes,
D'arbres et fleurs très odoriférantes.

402: Jean Cornaro ou Corner étoit doge depuis 1625, et son autorité, qui devoit durer jusqu'en 1630, n'avoit pas rencontré d'opposition plus persistante que de la part de Reiner Zeno, l'un des trois chefs du Conseil des Dix. Zeno ne manquoit jamais l'occasion de censurer les actes du doge, surtout lorsqu'il s'agissoit de faveurs accordées par celui-ci à ses enfants. Quand l'un d'eux, Frédéric Cornaro, avoit été fait cardinal par le saint-père, Zeno avoit crié bien haut que la loi de Venise interdisoit à tout fils de doge d'accepter les bienfaits de Rome; il ne fut pas écouté. Sa malveillance eut plus de succès dans une autre occasion. Jean Cornaro prétendoit à faire admettre ses trois fils dans le sénat; Zeno s'y opposa; et fit si bien que Georges, le plus jeune, ne fut pas reçu sénateur. De là la haine de celui-ci contre Zeno, de là sa vengeance. Un soir d'hiver, la nuit étant déjà noire, il l'attendit avec quelques bravi «sous le portique même de la cour du palais»; et, peu d'instants après, Zeno, sortant du Conseil, tomba percé de neuf coups de poignard, dont heureusement pas un ne fut mortel. Le lendemain, les vêtements ensanglantés de Zeno, une hache trouvée sur le lieu de l'assassinat, furent portés au milieu de la place Saint-Marc; mais le peuple de Venise étoit trop accoutumé à ces sortes de spectacles pour s'étonner de celui-là. Georges avoit pu s'enfuir. Il fut condamné par contumace, ses biens furent confisqués, son nom rayé du livre d'or, et un marbre fût placé à l'endroit où le crime avoit été commis. C'est à Ferrare qu'il s'étoit réfugié. Il n'en revint pas; peu de temps après, il fut tué dans une dispute qu'il eut avec un autre banni.—La pièce que nous reproduisons est la traduction de l'arrêt rendu contre Georges par le Conseil des Dix, arrêt qui se trouve aux Archives générales de Venise, dans les Bandi, proclame e sentenze, L, no 1, ainsi que nous l'apprend M. A. Baschet dans sa très intéressante publication, les Archives de la sérénissime république de Venise, 1857, in-8, p 102. Il s'en trouve aussi à la Bibliothèque impériale, no 5901, in-fol., no 3, une copie, envoyée sans doute de Venise à l'époque même de l'événement, et dans la pensée que Georges Corner s'étoit réfugié en France. Le sénat de Venise poursuivoit partout ceux qui avoient échappé à sa justice. Il ne s'en tint même pas à l'avis officiel qu'il donnoit ainsi au gouvernement françois; pour s'adresser à un plus grand nombre et avoir par conséquent plus de chance de tenter un dénonciateur par l'appât de la récompense promise à quiconque livreroit le coupable, il fit publier à Lyon et répandre partout le livret ici reproduit.

403: C'étoient de ces bravi contre lesquels le sénat de Venise, qu'on accuse à tort d'avoir protégé cette sorte de sicaires, avoit rendu un décret le 18 août 1600. D'ordinaire ils étoient étrangers, comme on l'apprend par la teneur même du décret: «Des meurtres et des assassinats, y est-il dit, ont été commis en grand nombre, depuis quelque temps, sur divers points de notre Etat. Il a été reconnu que les coupables ont été le plus souvent des sicaires étrangers, hommes sanguinaires, qui s'engagent comme bravi au service des particuliers, chez lesquels ils trouvent nourriture, entretien, et d'où ils tirent beaucoup d'autres avantages.» Ce décret se trouve à la p. 28 de la curieuse publication de M. A. Baschet citée tout à l'heure. Le fils du Titien, Cesare Vecellio, dans son livre si intéressant, Degli habiti, etc., 1590, in-8, parle beaucoup de ces bravi (p. 165), de leurs brillants costumes, qui avoient fait que le mot brave étoit devenu synonyme de bien vêtu; il n'oublie rien de leurs mœurs, et elles sont tout à fait ce que nous pensions qu'elles devoient être: «Ces gens, dit-il, s'habillent fort bien... Ils se coiffent d'une berette en velours ou en autre étoffe de soie; sa forme est élevée et entourée d'un voile qui se noue en rosette sur le devant. Ils ont au cou des collerettes ou fraises; leur manteau est de chevreau ou de chamois; pour vêtement de dessous ils ont un juste-au-corps avec manches de toile de Flandre; leurs culottes sont de soie, larges, et descendent jusqu'aux genoux; leurs chaussettes sont de cuir. Les bravi portent sans cesse l'épée et le poignard, et ne parlent que de duels et de querelles. Les garnitures de leurs vêtements sont de passementerie, soie, etc., etc. Comme tout le monde, ils changent souvent leur costume; souvent aussi ils portent la cuirasse et les cuissards de mailles, retentis en arrière par une ceinture. Le plus ordinairement, enfin, ils sont les favoris des filles de joie, qui s'en servent contre ceux qui leur veulent faire tort.»

404: Voici le texte même de ce passage, si remarquable de fierté: «Passeggiando sotto il Portico della Corte del Palazzo, vicino alla Scala de' Giganti, che vuol dire nel proprio sena della Republica, che per le sacrosante leggi di essa, deve esser riverito, riguardato e securissimo a tutti.»

405: Nous avons dit plus haut qu'une hache avoit été trouvée sur le lieu du crime.

406: C'est sans doute une altération des mots ca-grande, qui sont eux-mêmes une altération de canale-grande. Les Corner avoient en effet leur palais sur le grand canal. Il existe toujours, et c'est un des plus élégants de Venise. J. Sansovino, qui en fut l'architecte, n'en a pas bâti de plus magnifique. On l'appelle encore palazzo Corner della ca-grande.

407: Nous avons déjà dit que c'est à Ferrare que Georges se réfugia.

408: A propos de cette mise à prix de la tête de Georges Corner, il nous faut conter une singulière anecdote. Un certain Pantalon Resitani avoit volé, dans l'île de Scio, la tête de saint Isidore, et, revenu à Venise, il l'avoit confiée à deux marchands de sa connoissance, puis avoit repris ses courses. Au retour, il réclama le vénéré chef; on lui nia le dépôt et un procès s'ensuivit. L'un des deux marchands, voyant bien qu'il n'auroit pas gain de cause, avisa fort adroitement à se défaire de la relique, devenue embarrassante, et, qui plus est, à en tirer profit du même coup. Il l'offrit à l'église de Venise, qui avoit saint Isidore pour patron. C'étoit un don tout gratuit, mais en le faisant notre marchand avoit clairement laissé entrevoir qu'une petite récompense lui étoit bien due, et que surtout elle lui seroit fort agréable. Falloit-il la lui accorder? Etoit-il séant de payer une offrande qui, après tout, faisoit du sanctuaire un lieu de recel? Plusieurs disoient non, beaucoup disoient oui, et Zen étoit du nombre. Quoiqu'il ne fût pas encore complétement remis de ses blessures, il délibéroit déjà, et, tout à son idée fixe, il soutenoit, faisant allusion à Georges Corner, que, puisqu'on payoit la tête des proscrits, on pouvoit bien payer aussi le chef d'un saint patron. Ce raisonnement tragi-comique l'emporta. En vain un parent de Georges, le procuratore Cornaro, alléguoit que saint Isidore avoit toujours passé pour être très complet dans sa châsse, et que cette tête qui lui arrivoit de l'île de Scio feroit certainement double emploi; c'est à l'avis de Zen qu'on se rangea. La relique volée fut acceptée et payée. Quand Zen fut tout à fait guéri, ses premières dévotions furent pour le saint qui lui devoit cette tête nouvelle et inattendue. L'anecdote, déjà sommairement contée par Daru, au t. 4, p. 428, de son Histoire de Venise (1853, in-8), se trouve dans un curieux manuscrit des Archives des affaires étrangères, tout entier relatif à l'assassinat de Zeno: Memorie intorno alle acceduto per il consiglio de Dieci, 1628. V., sur ce Mémoire, Daru, t. 7, p. 319.

409: C'est-à-dire malgré une condamnation à l'unanimité des voix. Richelet dit, au mot Balotte, «petite chose dont on se sert pour donner sa voix aux délibérations.» Montaigne, parlant du procès fait à Epaminondas et de la confusion dans laquelle ses fières réponses jetèrent le peuple qui l'accusoit, a dit (Essais, liv. 1, ch. 1): «Il (le peuple) n'eut pas seulement le cœur de prendre les balottes en main.» Le mot ballottage, encore employé dans les élections, est venu de là.

410: Ces dénonciations par billet secret entroient dans le vaste système de délation établi à Venise. «On sait, dit M. A. Baschet, que certaines magistratures de la République de Venise admettoient en principe la dénonciation et l'encourageoient ouvertement: des cassettes, publiques à l'extérieur, mystérieuses à l'intérieur, dites cassette alla denuncia..., étoient pratiquées dans la muraille de l'un des tribunaux qui jouissoient de ce triste privilége.» (Les Archives de la sérénissime République de Venise, p. 98.)

411: Le Mincio, qui étoit la limite des états vénitiens du côté du Mantouan et du Véronois.

412: Cest le Quarnero ou Guarnero, qui n'est pas une rivière, mais un golfe de l'Adriatique, entre l'Istrie et la Dalmatie.

413: On peut lire, sur l'organisation de la délation à Venise et sur la façon de procéder des inquisiteurs d'Etat, la Storia documentata di Venezia de M. Romanin, t. 3, p. 59, etc.

414: C'est-à-dire directeur du bureau de perception pour la taxe du vin venant à Venise par mer. Dace, comme on sait, se dit longtemps pour taxe.

415: On a pu remarquer que, dans cette proclamation contre le condamné, la formule ordinaire en pareil cas: Le sérénissime prince fait savoir... n'a pas été employée. On n'a pas voulu que le nom du doge lui-même, Jean Cornaro, fût invoqué pour la condamnation de son fils: «C'étoit, dit M. Daru, un hommage rendu à la nature» (t. 4, p. 427).

416: Le conseil où fut rendu ce règlement est du 5 août, selon M. Moreau, Bibliogr. des Mazarinades, t. 3, p. 35.

417: La disette avoit été telle que, suivant une pièce de la même époque, Le Franc-Bourgeois montrant les veritables causes et marques de la destruction de la ville de Paris, plusieurs milliers de pauvres étoient morts de faim. Ce qu'on avoit vu en 1649 n'étoit rien auprès de ce qu'on voyoit alors.

418: Il y avoit peu de jours qu'il avoit tué en duel le duc de Nemours.

419: La pièce citée tout à l'heure, le Franc-Bourgeois, n'épargne pas les reproches aux meuniers et aux boulangers qui s'engraissoient de la disette publique, à ce point qu'on vit des meuniers demander huit et dix livres tournois pour la mouture d'un setier de blé. Il propose des moyens pour remédier à ces abus; mais ces moyens, qu'on voulut mettre en pratique, échouèrent. (Bibliogr. des Mazarinades, t. 1, p. 411-412.)

420: Depuis les premiers jours de juillet 1652, un brin de paille mis au chapeau étoit le signe de ralliement des Frondeurs. Ce jour, dit Loret dans sa Gazette du 7 juillet 1652,

Ce jour, par étrange manie,
De Paris la tourbe infinie,
Suivant un ordre tout nouveau,
Mit de la paille à son chapeau.
Si sans paille on voyoit un homme,
Chacun crioit: «Que l'on l'assomme,
»Car c'est un chien de Mazarin.»
Mais, avec seulement un brin,
Eut-on quelque bourse coupée,
Eut-on tiré cent fois l'épée,
Eut-on donné cent coups mortels,
Eut-on pillé deux mille autels,
Eut-on forcé cinquante grilles,
Et violé quatre cent filles,
On pouvoit avec sûreté
Marcher par toute la cité,
En laquelle, vaille que vaille.
Tous étoient lors des gens de paille.

Plusieurs pièces parurent au sujet de cette paille: Le Bouquet de Mademoiselle, Apothéose de la paille, Triomphe de la paille sur le papier, Grand dialogue de la paille et du papier. Une des premières fois qu'on l'arbora, ce fut à la place Dauphine, le jour de l'échauffourée de l'Hôtel-de-Ville, dont il sera parlé tout à l'heure. (Mémoires de Retz, 1719, in-8, t. 3, p. 175.)

421: Ce sont en effet les Frondeurs, décorés de la paille, qui avoient peu auparavant failli mettre le feu à l'Hôtel-de-Ville, et qui y avoient fait un grand massacre. On accusoit Condé de tout cela, ce qui fait dire à Loret:

En mémoire de l'incendie
Arrivé tout nouvellement,
Condé veut, quoi que l'on en die,
Porter la paille incessamment.
Ma foi, Bourgeois, ce n'est pas jeu;
Craignez une fin malheureuse,
Car la paille est fort dangereuse
Entre les mains d'un boute-feu.

422: C'est en demandant l'union de la Ville et des Princes que les factieux avoient tenté l'attaque dont je viens de parler. (Mémoires de Retz, t. 3, p. 176.)

423: Gaston, due d'Orléans.

424: Allusion au combat de la porte Saint-Antoine, soutenu peu de temps auparavant par Condé contre l'armée du roi.

425: Ce successeur du fameux brigand dont nous avons déjà tant de fois parlé (t. 5, p. 215; t. 6, p. 324; t. 7, p. 71) est tout à fait inconnu.

426: Les services qu'il avoit rendus à la reine-mère lui avoient fait perdre du crédit. Rentré en grâce depuis quelque temps, il avoit donné des gages par son activité contre les réformés dans le Béarn, au siége de Saint-Jean-d'Angely, et enfin, comme on le voit ici, aux environs de La Rochelle, dont le blocus lui avoit été confié. (Collect. Petitot, t. 22, p. 143.) En cela, s'il servoit bien le roi, il obéissoit aussi au sentiment de sa haine contre ceux de la religion.

427: M. d'Epernon, pour surveiller ceux de La Rochelle, avoit en effet mis garnison dans tous ces lieux-là, notamment à Surgères et Tonnay-Charente. (Collect. Petitot, 2e série, 21 bis, p. 348.)

428: Cette Mazarinade est des plus rares, de l'aveu de M. Moreau (Bibliographie des Mazarinades, t. 1, p. 401, no 1371).

429: Types de la comédie italienne, comme Polichinelle et Brigantin, nommés tout à l'heure. Ils balançoient le succès de l'hôtel de Bourgogne, et même le surpassoient, selon Sarazin (Œuvres, 1696, in-8o, p. 386), et de l'aveu de Tallemant (édit. in-12, t. 10, p. 50). Quant à Dupas, je n'en puis rien dire.

430: Pierre Le Messier, dit Belle-Rose, acteur de l'hôtel de Bourgogne. Il jouoit la farce et la tragédie. Ainsi, c'est lui qui créa le rôle de Cinna (Hist. du Th. franç. par les fr. Parfaict, t. 5, p. 24). Sur la fin de sa vie, il se fit dévot, céda sa place à Floridor, et se retira (Tallemant, in-12, t. 10, p. 49). Il mourut en 1670 (Robinet, Gazette du 25 janvier 1670).

431: Chanteurs des chansons appelées rocantins, espèces de vaudevilles satiriques. V. la Comédie des Chansons, Ancien théâtre, t. 9, p. 137. Le rocantin d'ordinaire n'avoit que quatre vers; en voici un couplet à l'adresse des dandys du temps:

Ces garçons font mille courses
Et cinq sols n'auront en bourse
Bien souvent, pour le certain;
C'est l'avis du Rocantin.

(Le Cabinet des Chansons, 1631, in-12, p. 71.)

432: Autre acteur de l'hôtel de Bourgogne, qui passa ensuite dans la troupe de Molière. V. Tallemant, in-12, t. 4, p. 227, et 10, p. 50.

433: C'étoit une des plus célèbres parmi celles à qui l'on s'adresse ici. Plusieurs Mazarinades portent son nom: Lettre de la petite Nichon du Marais à M. le Prince de Condé, à Saint-Germain, 1649, in-4; Lettre de réplique de la petite Nichon du Marais à M. le Prince de Condé, à Saint-Germain, 1649, in-4; Le Réveil-matin des curieux touchant les regrets de la petite Nichon, poème burlesque sur l'emprisonnement des Princes, 1650, in-4.

434: C'est ce qu'on appeloit aussi au semonneur d'enterrement. V. Roman bourgeois, édit. elzevir., p. 225, note.

435: De toute la liste, il n'y a que celle-ci dont le nom soit resté. Elle est nommée par Boileau dans la 4e Satire, v. 33, et nous la retrouvons dans le Courrier burlesque de la paix de Paris. (V. les Courriers de la Fronde, édit. C. Moreau, t. 2, p. 356.) D'après le vers de Boileau, il paroît qu'elle finit par se marier, et la note que Brossette a mise sur ce passage nous apprend que les seigneurs de ce temps-là ne firent nulle part de débauches plus scandaleuses que chez elle.

436: On peut opposer à cette liste, pour le seizième siècle, la pièce ayant pour titre: Ban de quelques marchands de graines à poil et d'aucunes filles de Paris, 1570. La nomenclature est beaucoup plus complète, et chaque nom a son adresse.

437: Sur les filles de ce quartier, v. t. 2, p. 348.

438: Surintendant des finances, contre lequel il y eut alors tant de plaintes et de satires. V. notamment le Recueil A-Z, E, p. 178, 210; F. 46; Tallemant, éd. P. Paris, t. 2, p. 11, 238.

439: Trésorier de l'Epargne, beau-père de la Vieuville et du maréchal de Vitry. Il tomba avec le premier. Bardin étoit son commis; il partagea sa disgrâce. V. Recueil A-Z, E, 237, 241; Mémoires de l'abbé d'Artigny, t. 6, p. 56-57.

440: Jean-Armand de Joyeuse, comte de Grandpré.

441: Le marquis du Bec, qui fit plus tard une si triste mine lorsqu'il s'agit de défendre la Capelle, dont il étoit gouverneur.

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