← Retour

Variétés Historiques et Littéraires (09/10): Recueil de piéces volantes rares et curieuses en prose et en vers

16px
100%

Le Courtisan à la mode, selon l'usage de la cour de ce temps, adressé aux amateurs de la vertu.

1625.—In-8[325].


Ces valeureux courtisans qui font estat d'avoir veu le monde, et comme les perroquets parlent divers langages: quant à moy, je n'estime pas dire avoir veu le monde, de regarder des bastimens de terre et des eaux, combien que cela serve.

Mais quand je dis avoir veu le monde, j'entends cognoistre la manière de vivre des nations, les proprietez et singularitez particulières qu'ont les unes et les autres; ce que l'on peut taire quelquefois sans aller loing et faire des courvées.

Il faut seulement, se trouvant en quelque ville celèbre, frequenter des personnes de nations diverses, faisant profit de leurs actions et discours, et remarquer curieusement ce qui est digne de recommandation.

Ou, au contraire, plusieurs de ce siècle, qui passent une partie de leur vie ès païs estrangers, retournent aussi grossiers et peu cognoissant le monde qu'un simple paysan qui ne perdit jamais le clocher de sa parroisse, hormis qu'ils font un peu mieux la morgue, marchent plus delicatement sur la poincte du pied, sçavent faire la reverence, branslant la teste en cadence et en discours, disent à tous propos chouse, souleil[326], mâchent fort bien l'anix, rongent le cure-dent[327].

Et cela est tout ce qu'ils ont retenu et sçavent faire.

La France, plus que province du monde inconstante, grossière d'inventions, en produict et enfante tous les jours de nouvelles. L'un des plus illustres personnages de ce temps, parlant du mignon François.

. . . . . . . . . . . Qui Guenon affecté
Des estrangères mœurs cherche la nouveauté,
Et ne müe inconstant si souvent de chemise,
Que de ces vains habits la façon il deguise.

C'est bien pis au temps où nous sommes, auquel l'on porte la barbe poinctüe, les grandes freizes, les chapeaux hors d'escalades, et d'autres en preneurs de taupes, l'espée la poincte haute, bravant les astres, et crains encores à l'advenir un plus grand debordement de mœurs et humeurs, chose beaucoup plus dangereuse que la superfluité des habits: ce qu'apprehendoit ce poëte liricque.

Damnosa quid non imminuit dies[328]?
Ætas parentum, pejor avis, tulit
Nos nequiores mox daturos
Progeniem vitiosiorem.

Pourquoy nous mocquons-nous d'Hercule quand nous lisons qu'il prit l'habit d'une servante, sinon pour ce qu'il avoit laissé son cœur d'homme et avoit prins celuy de femme, et tant qu'il fut vestu de cet habit, il ne sceut que porter la quenoüille.

Ainsi plusieurs de nos fendeurs de nazeaux qui ont commencé parmy les nations estrangères sans avoir exercé l'art militaire, ne sçavent faire acte de vaillance, quelque morgue qu'ils facent, et la response que fit la belle Heleine à ce mignon et damoiseau Paris leur est fort convenable, lequel persuadant de le suivre à Troye, et luy raconter les braves exploits de guerre, elle le voyant sans armes, ains poupin mignonnement frizé et coiffé de son amour luy dit:

Quod bene te jactas, et fortia facta recenses,
A verbis fades dissidet ista suis;
Apta magis Veneri, quam sint tua corpora Marti.
Bella gerant fortes; tu, Pari, semper ama[329].

Et parce que ceste galante response est digne de remarque, et que les dames de la Cour en facent leur profit pour gausser en ces genereux cavalliers, j'ay mis ces vers françois:

Quant à vos preux et vaillans faicts
Dont vous tenez si grand langage,
Je le crois, mais vostre visage
Ne me semble point si mauvais:
Vous estiez nay mieux pour les femmes
Que pour les armes et debats.
Laissez aux autres les combats,
Mignons, faictes l'amour aux dames.

Je ne tance point par ces vers les braves guerriers et genereux enfants de Mars, qui, pour estre amoureux de la belle Venus, ne laissoient de se trouver aux lieux d'honneur, et faire leur devoir à la guerre.

Ce pacquet s'addresse à certains plumeurs, tellement effeminez qu'ils n'auroient le courage de voir esventer une veine, et cependant ces braves capitaines, en temps de paix, veulent estre estimez des Achilles, des Hercules, et, assis auprès de leurs dames, font à tout propos des rodomontades qu'on diroit, à les ouyr parler, qu'ils avalleroient des charrettes ferrées, prendroient la lune avec les dents, mettroient le soleil en capilotades; que si on demandoit à tels pipeurs preneurs de papillons, vrays Prothées de Cour, pourquoy ils changent si souvent de face et de grimace, ils vous respondront que leur habit, leur demarche et leur barbe est à l'espagnolle[330].

Il voudroit mieux les imiter en ce qui est de vertueux et louable, non-seulement en eux, mais en toutes les nations du monde: car nous devons, sans distinction de personnes, sexes et qualitez, naturaliser la vertu estrangère.

Et si pour lors l'on n'a assez pour se vestir à l'espagnolle, italienne et toupinambourde[331], que les courtisans à la mode s'habillent à la bragamasque.

Il ne faut pas s'etonner si dans Rome, dans la gallerie du cardinal Fernèze, que l'on estime estre l'une des plus admirables pour les peintures et autres singularitez qui s'en puissent trouver dans l'Europe[332].

Où, entre autre chose, l'on voit toutes les nations despeintes en leur naturel, avec leurs habits à la mode des pays, hormis le François, qui est despeint tout nud, ayant un rouleau d'etoffe soubs l'un de ses bras, et en la main droicte des cizeaux, pour demontrer que de toutes les diversitez de l'univers il n'y a que le François qui est seul à changer journellement de mode et façon, pour se vestir et habiller, ce que les autres nations ne font jamais.

Maintenant, à cause de l'alliance de la France avec l'Angleterre, incontinent vous verrez nos courtisans habillez à l'anglaise[333], et par ce moyen, pour rendre leurs freizes et collets jaunes, ils seront cause qu'il pourra advenir une cherté sur le saffran, qui fera que les Bretons et les Poictevins seront contraints de manger leurs beurres blanc et non pas jaune, comme ils ont accoustumé.

Voilà, amy lecteur, ce que pour le present j'ay tracé pour un petit racourcissement sur ma toille le portrait de l'un des plus parfaits courtisans à la mode, lequel pour un peu de temps s'est absenté de la Cour au subject que ses amours n'alloient selon sa volonté, et pour en faire paroistre les vifs ressentimens, je te feray part de ce qu'il a faict sur son depart.


La retraicte du courtisan à la mode.

Que j'ayme l'air des champs! j'y voy en mille endroicts,
Et tout premier object, la nature en son estre;
Je voy d'un franc desir ceste trouppe champestre
Reverer la justice et honorer les roys.

Les petits bergerots, d'une contente voix
En chantant, le matin meinent leur troupeau paistre;
Leur père seul leur sert et d'escolle et de maistre,
Pour suivre mesme trace et vivre en mesme loix.

Heureuses bonnes gens, ainsi loing de nos villes,
Loing de l'ambition, loing des murs inutiles,
Loing des traicts de la Cour, pleins de fidelité.

C'est un theatre ouvert pour jouer les misères.
Chacun tourne le voille au cours des vents prospères,
Et jamais nul n'accorde à la felicité.


Stances
Sur l'adieu d'un courtisan de ce temps à sa maistresse.

Je cherche le plus sombre au fond de ces forests
Pour pleurer mon absence, et contre mes regrets:
Car je ne puis chasser de ma triste pensée
La fortune, bon heur de mon aise passée.

Comme droict au soleil regarde le soucy,
Mon œil trop amoureux, qui se desplaist icy,
Jettant mille souspirs, à toute heure se tourne
Du costé de la France, où ma Blanche sejourne.

Je croy pour me tromper qu'ayant les yeux tournez
Sur le beau paradis des amants fortunez,
Que mon cœur se soulage, et qu'une douce flame,
Compagne de l'amour, vient contenter mon ame.

O jardins compassez de mille lauriers verts!
Beaux vergers fructueux, où je couche à l'envers!
J'ay moderé ma peine et ma douleur charmée
Au giron bien-aymé de ma deesse aymée.

Cabinets derobez, et vous petits destours,
Où nous prenions l'escart pour conter nos amours,
Lorsque sur le tapis de l'herbe la plus molle
Mille mignards baisers nous bouschoient la parolle,

Doux paradis d'amour si souvent frequentez,
Combien depuis six mois je vous ay regrettez!
Mille fois tous les jours dans mon cœur je vous conte
Le malheur qui me tue, et le mal qui me dompte.

Las! vostre souvenir ne me sert seulement
Que d'augmenter ma peine et doubler mon tourment
Car ce fort sentiment, loing du bien qu'on desire,
Au lieu de l'appaiser, augmente le martyre.

Fin.

Lettres patentes du Roi, qui ordonnent que les arbres necessaires pour le Mai et la plantation d'icelui dans la cour du Palais, à Paris, seront annuellement délivrés dans le bois de Vincennes aux officiers de la bazoche dudit Palais, par les officiers de la maîtrise de ladite ville.

Données à Versailles le 19 juillet 1777.

Registrées en Parlement le 12 août 1777.


Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre: A nos amés et feaux conseillers, les gens tenant notre Cour de parlement à Paris, salut. Nous etant fait representer en notre conseil, nous y etant, le contrat passé devant Duclos Dufresnoy, notaire à Paris, et son confrère, le 9 octobre 1770, ratifié par lettres patentes du mois de novembre suivant, duement enregistrées, et par lequel le feu roi, notre très honoré seigneur et aïeul, auroit cedé à M. le duc d'Orléans la forêt de Bondy, en echange des principautés de la Roche-sur-Yon et du Luc, et du comté d'Argenton, à condition, entre autres choses, de fournir tous les ans aux officiers de la bazoche du Palais, à Paris, les arbres qui leur avoient eté accordés par les rois predecesseurs pour le Mai dudit Palais[334], dont la delivrance continueroit de leur être faite par les officiers de la maitrise particulière des eaux et forêts de ladite ville, en la manière accoutumée, si mieux n'aimoit notredit aïeul transferer ce droit sur telle autre de ses forêts qu'il jugeroit convenable; et ayant consideré, d'un côté, que la forme prescrite pour cette delivrance ne pouvoit que difficilement se concilier avec la faculté qui, par ledit contrat d'echange, avoit eté donnée à M. le duc d'Orleans de nommer et instituer pour ladite forêt de Bondy des juges gruyers, et que, d'un autre coté, il etoit preferable que le droit dont il s'agissoit fût exercé dans un bois qui fût dans nos mains, afin qu'il fût conservé dans toute son integrité, et qu'aucune circonstance ne pût y porter atteinte; nous aurions jugé à propos de transporter l'exercice du droit dont il etoit question dans le bois de Vincennes, à quoi nous aurions pourvu par arrêt rendu en notre conseil ce jourd'hui, et sur lequel nous aurions ordonné que toutes lettres necessaires seroient expediées. A ces causes, de l'avis de notre conseil, qui a vu ledit arrêt, et dont extrait est ci-attaché sous le contre-scel de notre chancellerie, nous avons, conformément à icelui, ordonné, et, par ces presentes signées de notre main, ordonnons qu'à commencer en l'année prochaine mil sept cent soixante-dix-huit, les arbres necessaires pour le Mai et la plantation d'icelui dans la cour du Palais, à Paris, seront annuellement delivrés dans le bois de Vincennes aux officiers de la bazoche dudit Palais par les officiers de la maitrise particulière des eaux et forêts de ladite ville, en la manière accoutumée. Si vous mandons que ces presentes vous ayez à faire lire et registrer, et le contenu en icelles garder, observer et executer de point en point selon leur forme et teneur, nonobstant toutes choses à ce contraires: car tel est notre plaisir. Donné à Versailles le dix-neuvième jour du mois de juillet, l'an de grâce mil sept cent soixante-dix-sept, et de notre règne le quatrième. Signé LOUIS. Et plus bas: Par le roi, Amelot. Vu au conseil, Phelyppeaux. Et scellées du grand sceau de cire jaune.

Registrées, ouï et ce requerant le procureur general du roi, pour être executées selon leur forme et teneur, suivant l'arrêt de ce jour. A Paris, en parlement, les grand'chambre et Tournelle assemblées, le douze août mil sept cent soixante-dix-sept.

Signé YSABEAU.

Histoire admirable arrivée en la personne d'un chirurgien, qui fut condamné par justice, il y a environ quatre mois, comme homicide de soy-mesme.

A Paris.M.DC.XLIX.

In-4[335].

Dieu, dit le prophète, est aussi admirable en ses saincts qu'il est sainct en ses actions et judicieux en sa conduite sur les hommes; nous avons des preuves de cette verité infaillible dans toutes les histoires, où nous remarquons que ce n'est pas d'aujourd'huy que le ciel mesnage nos vies et nos fortunes d'une manière qui nous est inconnue, et mesme que nous ne devons pas penetrer par respect. Mais l'histoire suivante, que je vais raconter et qui s'est passée en cette ville de Paris il y a environ quatre mois, en fera foy. Un honneste homme, chirurgien de son art, nommé Jacques de la Cressonnière, natif de Boiscommun, avoit commencé sa fortune avec feu monsieur de Bordeaux, au service duquel il avoit amassé quelque chose; de là en après il s'engagea à celuy du feu chevalier Garnier, qui est mort gouverneur de Toulon, ville frontière de France et de Savoye, et un port de mer d'importance; de sorte qu'il fut avec luy en Catalogne à la prise de Rose, et de là au siége d'Orbitello, à la prise de Portolongone et de Piombino, où moy-mesme qui escris avec larmes, et non sans estonnement, l'accident funeste de sa deplorable mort, l'ay veu mille fois et conversé avec luy civillement et honnestement. Cet homme donc retourné de tous ces voyages, après avoir rendu les derniers devoirs à son bon maistre, vint à Paris, où desjà dans quelques autres rencontres il avoit contracté affection avec quelque sage fille dans l'esperance d'un legitime mariage; et comme ses amis le jugeoient sur le point de s'engager dans les liens de l'hymenée, le bruit couru que luy-mesme, par un desespoir estrange, s'estoit rendu esclave des demons et captif de la mort, laquelle fut approuvée de la justice comme violentée, et pour ce son cadavre condamné d'estre privé de sepulture en terre saincte[336]. Or beaucoup allèguent plusieurs raisons de s'estre ainsi donné la mort: les uns disent qu'ayant somme d'argent, il l'avoit donnée à garder à un procureur, qui, manquant de pratique durant cette guerre, avoit gagné les champs et volé la Cressonnière; les autres asseurent qu'il s'est osté la vie pour avoir esté mal recompensé de son maistre, comme il arrive assez souvent que les meilleurs services sont payez d'ingratitude; les autres enfin protestent que c'est l'amour qui a causé son aveuglement et sa perte, et que cette meurtrière l'a couvert de playes et d'infamie, au lieu qu'elle comble les autres de joye, de gloire et de contentement. Mais ce qui est de plus estrange en cette histoire, c'est que les signes qui paroissent en sa personne font aucunement douter si sa mort est venue de luy ou d'autres. Je dis cecy sans offenser ny interesser personne, et le plus asseuré c'est de laisser l'affaire au jugement de Dieu. Neantmoins l'on juge par les accidens qu'il y a en ce rencontre quelque chose d'extraordinaire. En effet, quelle apparence qu'un corps ensevely depuis quatre mois parmy les immondices, les puanteurs, les charongnes et les ossemens des animaux, ait encore la main palpable, la chair blanche, et les nerfs avec mouvement, si ce n'est par permission de Dieu, qui fait connoistre par ces signes qu'il veut que l'on espluche l'affaire de plus près, et que l'on en examine les circonstances. S'il est vray ce que plusieurs disent avoir veu de leurs yeux, que son bras soit elevé hors de terre, et que sa main piquée d'une lancette ait rendu du sang, sans doute ce sang demande vengeance, et ce bras s'estend pour chastier les coulpables de sa mort. Ce n'est pas d'aujourd'huy que la justice se trompe, qu'elle rend des innocens criminels, et des criminels en fait des innocens. Sainct Nicolas fit miracle en la personne de trois marchands qui avoient esté condamnez au gibet injustement; et les annales rapportent qu'un prevost de Paris fut obligé de faire dependre de la potence trois jeunes hommes de Ponthoise qu'il avoit fait mourir avec trop de precipitation, les conduire la torche au poing jusques au lieu de leur naissance, comme pour faire amende honorable à leur innocence, et les faire inhumer à ses despens. Enfin, sans blamer les juges, ils ont devant les yeux un bandeau qui souvent leur cache la verité d'une affaire, comme les medecins nous laissent mourir pour ne pas connoistre nos maladies. Et pour conclusion, bien que ce malheureux se soit donné la mort luy-mesme, non pas la justice, le grand concours de peuple neantmoins qui va en foule et avec empressement voir ce cadavre à demy vivant, nous fait croire qu'il y a quelque chose de prodigieux, puisque la voix du peuple est celle du ciel, et qu'elle passe pour des inspirations d'en haut.

FIN DU TOME IX.

TABLE DES PIÈCES
CONTENUES DANS CE VOLUME.

  • 1. La Milliade, satyre contre le cardinal de Richelieu 5
  • 2. Duel signalé d'un Portugais et d'un Espagnol 47
  • 3. Quinziesme feuille du Bureau d'adresse (1er septembre 1633) 51
  • 4. Deluge du faubourg Saint-Marcel (9 avril 1579) 63
  • 5. La Bravade d'Amour 71
  • 6. Description du tableau de Lustucru 79
  • 7. Catalogue des princes, seigneurs, etc., qui accompaignent le roy de Pologne (1574) 81
  • 8. Lettre à tous les seigneurs de la cour, pour leur donner avis de la mort du singe Macaty 107
  • 9. Le vray Discours sur la desconfiture des Reistres (nov. 1587) 111
  • 10. La Promenade du Cours (1630) 125
  • 11. Discours de M. Guillaume et de Jacques Bonhomme sur la defaicte de trente-cinq poules et le cocq 137
  • 12. Le Bourgeois poly, par Fr. Pedoue (1631) 145
  • 13. Memoire pour les coeffeuses, bonnetières et enjoliveuses de la ville de Rouen (1773) 215
  • 14. Nouveaux compliments de la place Maubert, des Halles, du cimetière Saint-Jean, etc. (1644) 225
  • 15. Discours véritable de la vie, mort, et des os du geant Theutobocus (1613). 241
  • 16. Nouvelle de la venue de la royne d'Algier à Rome (1587). 259
  • 17. La Prise du capitaine Carfour, un des insignes et signalés voleurs qui soient en France (1622). 267
  • 18. Effroyables pactions faites entre le diable et les pretendus Invisibles (1623). 275
  • 19. La Journée des Dupes, par St-Simon. 309
  • 20. Louis XIII au Pas de Suze, relation par le même. 327
  • 21. Passe-port pour l'autre monde, delivré par les jesuites, moyennant 200,000 florins (29 mars 1650). 337
  • 22. Lettre du sieur d'Aligre au chancelier Seguier, sur une proposition scandaleuse touchant le pouvoir des papes sur les rois (29 oct. 1660). 339
  • 23. Deposition sur la supposition de part de Marie, reine d'Angleterre, femme de Jacques II. 341
  • 24. Le Courtisan à la mode. 351
  • 25. Lettre du Roi pour que les arbres du Mai soient pris dans le bois de Vincennes. 359
  • 26. Histoire admirable arrivée en la personne d'un chirurgien, condamné comme homicide de soy-mesme. 363

Notes

1: Cette satire, dont le second titre, La Miliade, vient de ce qu'elle est composée, de mille vers, fut plusieurs fois réimprimée, mais est pourtant assez rare. La première édition, petit in-12 de soixante-six pages, à la fin de laquelle on lit: Imprimé à Anvers, est de beaucoup la moins commune. L'édition in-4o, qui date du temps des mazarinades, comme l'indique assez son format, se trouve plus facilement; c'est elle, qui nous sert ici pour notre texte. La Milliade fut aussi réimprimée dans les diverses éditions du petit recueil de pièces: Le tableau de la vie et du gouvernement de Messieurs les cardinaux Richelieu et de Mazarin, et de M. Colbert, etc. On la trouve, p. 1-28, dans l'édition de Cologne, P. Marteau, 1694, in-12. Où fut-elle d'abord imprimée? M. Leber pense qu'elle doit, comme les autres satires les plus violentés de ce temps-là, être évidemment sortie d'une cave de Paris. (De l'état réel de la presse et des pamphlets depuis François Ier jusqu'à Louis XIV, 1834, petit in-8, p. 100.) Richelieu étoit d'une opinion contraire; il pensoit que toutes ces méchancetés venoient des Pays-Bas: «Les pièces qu'on imprimoit à Bruxelles contre lui, dit Tallemant (édit. in-12, t. II, p. 171), le chagrinoient terriblement. Il en eut un tel dépit que cela ne contribua pas peu à faire déclarer la guerre à l'Espagne.» La Milliade étoit de celles qui lui tenoient la plus au cœur. Tallemant ajoute, en effet, en note: «L'écrit qui l'a le plus fait enrager a été cette satire de mille vers, ou il y a du feu, mais c'est tout. Il fit emprisonner bien des gens pour cela, mais il n'en put rien découvrir, Je me souviens qu'on fermoit la porte sur soi pour la lire. Ce tyran-là étoit furieusement redouté. Je crois qu'elle vient de chez le cardinal de Retz; on n'en sait pourtant rien de certain.» On a beaucoup cherché ce que Tallemant avoue n'avoir pu découvrir. Les uns, tels que le Père Lelong (Biblioth. franç., t. II, no 22,095; et t. III, no 32,485; 516), l'attribuent à Charles Beys. Barbier (Dict. des Anonymes, t. II, p. 37-38) est du même avis. Peiguot, de son côté, l'attribue à Favreau. Ce qui semble, toutefois, le plus probable, c'est que la Milliade est de Louis d'Epinay, abbé de Chartrice, en Champagne, comte d'Estelan, etc. La Porte le dit d'une façon formelle dans ses Mémoires (collect. Petitot, 2e série, t. 59, p. 356). Il ajoute que, pour cette satire, «il y avoit alors quatre ou cinq prisonniers à la Bastille»; ce qui confirme ce qui a été dit tout à l'heure des nouveaux emprisonnements dont la Milliade fut cause. Il ne manque à l'opinion de La Porte que le témoignage de Tallemant. Il est singulier que lui, qui savoit tout, et entre autres beaucoup de choses de cet abbé d'Estelan, puisqu'il lui a consacré toute une Historiette (édit. in-8, t. III, p. 259-263), il n'ait rien dit, ne fût-ce que pour la démentir, de cette attribution qu'on lui faisoit de la Milliade; et c'est d'autant plus surprenant qu'il parle de l'humeur satirique de l'abbé et de ses écrits contre Richelieu. Ce silence de Tallemant n'implique toutefois qu'un doute contre l'assertion si nette de La Porte.—A la fin de la Fronde, en 1652, lorsqu'on étoit à bout de méchancetés contre Mazarin, on réimprima contre lui la Milliade, en se contentant de changer les noms, et aussi le titre. Voici celui qu'on lui donna: Le Gouvernement de l'Etat présent, où l'on voit les fourbes et tromperies de Mazarin, etc. «Il ne faut pas, dit M. Moreau, confondre cette pièce avec la Milliade ou l'Eloge burlesque de Mazarin (Bibliographie des Mazarinades, t. II, no 1502).

2: Gilles Carillo Alvarès d'Albornos, archevêque de Tolède, grand homme d'Etat du XIVe siècle et l'un de ceux qui contribuèrent le plus a mettre l'Italie sous la dépendance du Saint-Siége. Quant à Ximenès et au cardinal d'Amboise, dont les noms accompagnent celui-ci, on les connoît assez.

3: Allusion très hyperbolique aux cinq auteurs dont Richelieu s'étoit entouré et s'étoit fait une sorte de petite académie intime.

4: Le maréchal de Marillac avoit été décapité le 8 mai 1632, en place de Grève, et le 30 octobre suivant Henri de Montmorency, aussi maréchal de France, avoit subi le même supplice à Toulouse.

5: Ces quatre princesses exilées doivent être la reine mère, qui depuis longtemps déjà avoit dû quitter la France; la princesse de Conti, la duchesse de Chevreuse et la duchesse d'Elbeuf. Elles avoient pris part, contre Richelieu, aux intrigues de l'année 1631, et avoient en effet été envoyées en exil, ainsi que la duchesse de Lesdiguières et Mme d'Ornano.

6: Michel de Marillac, frère du maréchal, fait garde des sceaux en 1626, avoit dû se démettre de sa dignité en 1630, et depuis ce temps il avoit été tenu prisonnier, d'abord au château de Caen, ensuite en celui de Châteaudun, où il mourut le 7 août 1632.

7: Maître des requêtes, par qui commença la fortune de cette famille, dont faisoit partie M. de Machault, contrôleur général des finances sous Louis XV. Ils descendoient, disoit-on, du renégat juif Denis Machault, qui disparut en 1398, peu de temps après son abjuration. Plusieurs de ses coreligionnaires, soupçonnés de l'avoir tué, furent condamnés à payer une forte somme, avec laquelle on commença la construction du Petit-Pont (Piganiol de La Force, Descript. de Paris, t. II, p. 70.). Une inscription en toutes lettres sur laquelle on lisoit: Judœus, nomine Machault, attestoit ce fait. Elle disparut lors de l'incendie du Petit-Pont, en 1718, et l'on eut soin de remarquer qu'un Machault étoit alors lieutenant civil (Mémoires de d'Argenson, édit. elzev., t. II, p. 362).

8: Isaac de Laffemas, dont on a dit tant de mal. Tallemant, qui n'est jamais le dernier à faire chorus de médisance, a dit pourtant de lui (édit. in-8, t. IV, p. 32): «Quand le cardinal de Richelieu lui fit exercer par commission sa charge de lieutenant civil, il y acquit beaucoup de réputation et ôta bien des abus.»

9: Ce vers et le suivant ne se trouvent pas dans le Tableau de la vie et du gouvernement des cardinaux Richelieu et Mazarin.

10: Var.: Gasprin.

11: François de Rochechouart de Jars, chevalier de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, commandeur de Lagny. Il avoit été mis à la Bastille «pour avoir eu part, comme dit La Porte, à l'intrigue de M. de Châteauneuf.» (Coll. Petitot, 2e série, t. 59, p. 369.) Il fut d'un grand secours à La Porte pour la correspondance que celui-ci, pendant son emprisonnement, entretenoit avec Anne d'Autriche». (Id., ibid.) Le magnifique hôtel qui se trouvoit rue Richelieu, en face de celui de Mazarin, et que la place Louvois a remplacé en partie, avoit été construit par François Mansart pour le commandeur de Jars.

12: Var.: pali.

13: Var.:

Ils sont ses sacrificateurs,
Ce bourreau les a pour ses prestres.

14: Pierre Le Messier, dit Belle-Rose, le principal comédien de l'hôtel de Bourgogne à l'époque de Richelieu. Il sembloit même que la troupe de ce théâtre fût la sienne, car dans l'Estat général des gages, appoinctements et pensions pour 1641, les 12,000 livres que le roi payoit à cette troupe sont ainsi portés: pour la bande des comédiens de Bellerose. Richelieu aimoit le théâtre, on le sait de reste. La musique lui plaisoit aussi beaucoup. Nous avons vu (t. VIII, p. 121) le plaisir qu'il prenoit à faire chanter devant lui Mme de Saint-Thomas, mais nous ne savions pas alors quelle étoit cette cantatrice à la mode. En relisant Tallemant, nous l'avons appris. Il nous dit (édit. in-8, t. IV, p. 49) qu'elle étoit fille du procureur Sandrier, fort jolie et fort coquette. Elle avoit épousé M. de Saint-Thomas, conseiller d'Etat en Savoie. «Elle revint à Paris, dit Tallemant..., où elle se mit à chanter des airs italiens. Elle avoit appris à Turin. Elle fit bien du bruit, mais cela ne dura guère; plusieurs trouvent même qu'elle chante mal, car c'est tout-à-fait à la manière d'Italie; et elle grimace horriblement: on diroit qu'elle a des convulsions.»

15: Le 9 juillet 1636, les Espagnols nous avoient pris La Capelle, que le baron du Roc n'avoit défendu que sept jours.

16: C'étoit, on le sait, le bouffon du cardinal, qui, dans ses plus grands ennuis, ne trouvoit pas de meilleur remède à s'administrer qu'une prise de Boisrobert.

17: Peu de temps avant la prise de La Capelle, Jean de Werth étoit allé assiéger Liége pour les Espagnols, mais cette attaque fut bientôt abandonnée pour l'autre tentative, qui réussit mieux. (Aubery, Vie du cardinal de Richelieu, liv. V, ch. 35.)

18: Le prince de Condé avoit été obligé de lever le siége de Dôle le 15 août 1636. Deux ans après, M. de Condé étant allé mettre le siége devant Fontarabie, on fit une chanson qui se chantoit sur le vieil air des Zeste, et dont voici le refrain:

Il prendra Fontarabie,
Zeste,
Comme il a pris Dôle.

Ce refrain, souvent cité dans les écrits du temps, étoit encore célèbre quand Richelet fit son Dictionnaire. Il le prit pour en faire un exemple au mot zeste. Là-dessus on bâtit un conte. On prétendit que celui contre qui avoit été faite la chanson, lisant ce dictionnaire, moins grammatical que satirique, étoit tout joyeux de voir que, plus heureux qu'une foule d'autres, il n'y étoit attaqué dans aucun article. Le dernier le fit bien déchanter: c'étoit le mot zeste avec son fameux exemple. Il n'avoit pas perdu pour attendre. Je ne vois qu'un malheur pour l'anecdote, c'est qu'il s'en faut de plus de trente ans qu'elle soit possible. Le prince de Condé, pour qui seul le refrain faisoit épigramme, mourut en 1646, et le dictionnaire de Richelet ne parut qu'en 1680. Cela n'empêchera pas que les ana de l'avenir répéteront l'anecdote, comme l'ont répétée tous ceux du passé.

19: V., pour la maladie du cardinal, une pièce de notre tome VII, p. 231.

20: Après cette bataille, gagnée le 20 mai 1635, sur le prince Thomas, par les maréchaux de Brezé et de Châtillon, l'armée feignit de se porter sur Bruxelles, ce qui fit que le cardinal-infant y concentra ses forces en toute hâte, dégarnissant ainsi Louvain, seule place où tendoient sérieusement les entreprises de nos troupes. Ce plan, habilement conçu, manqua par la faute du prince d'Orange, qui, jaloux du cardinal, et ne voulant pas contribuer à lui gagner ce nouveau succès, fit lever le siége de Louvain après dix jours d'attaque.

21: Le P. Joseph.

22: François Sublet de Noyers, surintendant des bâtiments.

23: Pierre Séguier, chancelier de France depuis 1635.

24: Claude Bouthillier, surintendant des finances, et Léon Bouthillier de Chavigny.

25: Le P. Joseph, de concert avec la duchesse d'Orléans, avoit établi la réforme dans le monastère de Fontevrauld.

26: Le P. Joseph avoit institué l'ordre des Filles du Saint-Sacrement, dites Filles du Calvaire. Le couvent que ces religieuses occupoient au Marais avoit été fondé par lui. (V. Piganiol de La Force, Description de Paris, t. IV, p. 377-378.) La rue qui met en communication la rue Saint-Louis et le boulevard rappelle ce couvent, dont elle porte le nom. L'église voisine, Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, en est aussi un souvenir.

27: Le P. Joseph, qu'on appeloit l'éminence grise, désiroit fort qu'on l'appelât l'éminence rouge, comme Richelieu son patron. On dit que Louis XIII obtint pour lui le chapeau, mais il n'arriva qu'après le 18 décembre 1638, c'est-à-dire lorsque l'ambitieux capucin étoit mort.

28: «Jamais, au fond, dit Tallemant, chancelier ne fit moins le chancelier que lui; il est toujours le très humble valet du ministre.» (1re édit., in-8, t. 3, p. 34.)

29: Le texte donné dans le Tableau du gouvernement des cardinaux Richelieu et Mazarin la nomme en toutes lettres: La Fabry. C'est la femme du chancelier Séguier, fille de Fabri, trésorier de l'extraordinaire des guerres. (V. Caquets de l'Accouchée, édit. elzev., p. 166, note.) Un passage de Tallemant nous explique pourquoi on l'appelle ici cette serrurière. «On dit, écrit-il, que le grand-père de Fabri étoit serrurier, d'où vient la pointe fabricando, fabrisimus.» (Edit. in-8, t. III, p. 35.)

30: «C'est, écrit Tallemant, la plus avare femme du monde. Tous les officiers que le chancelier reçoit lui doivent six aunes de velours ou de satin, selon la charge qu'ils ont... De là vient qu'on l'appelle la fripière.» (Id., ibid.)

31: «M. de Noyers, dit Tallemant (2e édit., t. III, p. 248), étoit une vraie âme de valet.»

32: «Ce petit homme, dit encore des Réaux, vouloit tout faire, et étoit jaloux de tout le monde.»

33: Henri-Auguste de Lomenie, comte de Brienne, secrétaire d'Etat, père de celui qui écrivit les fameux Mémoires publiés par M. Fr. Barrière.

34: Ce ne peut être ni Paul Phélypeaux de Pontchartrain, mort en 1621, ni Rémy Phélypeaux d'Herbault, mort en 1629; mais bien Louis Phélypeaux de La Vrillière, qui, dès cette époque, étoit secrétaire d'Etat, comme l'avoient été les précédents.

35: Servien étoit alors exilé à Angers, mais ce n'étoit pas du tout à cause de son noble génie. Une querelle qu'il avoit eue avec Boisrobert, au sujet d'une raillerie que celui-ci avoit faite touchant ses amours avec mademoiselle Vincent, la chanteuse, avoit indisposé Richelieu contre lui. Le cardinal, en effet, donnoit toujours raison à son bouffon. Peu de temps après, Servien avoit dû partir pour le lieu de son exil. (Tallemant, 1re édit., t. II, p. 376-377.)

36: Léon Bouthillier de Chavigny, dont il a déjà été parlé.

37: C'étoit, en effet, l'homme à tout faire de Richelieu. C'est lui qui fut envoyé à Paris, vers Gaston, pour favoriser à cette petite cour les desseins du cardinal, et il s'y prit si adroitement que Monsieur lui-même fut trompé. (Mémoires de Montrésor, coll. Petitot, 2e série, t. 54, p. 315.) Lors de la conspiration de Cinq-Mars, c'est Chavigny qui fut envoyé par Richelieu vers le roi, porteur du traité conclu par Monsieur, Cinq-Mars et le duc de Bouillon, avec l'Espagne. (Mémoires de La Châtre, coll. Petitot, 2e série, t. 49, p. 384.)

38: Richelieu avoit, en effet, la plus grande affection pour Chavigny, et la plus entière confiance en son habileté. «Il prend, dit Tallemant (édit. in-12, t. II, p. 232), M. de Chavigny pour le plus grand génie du monde.»

39: Urbain de Maillé, marquis de Brézé, maréchal de France, devoit sa haute position à sa femme Nicole, du Plessis-Richelieu, sœur du cardinal. Elle étoit morte le 30 août 1635, mais la faveur du maréchal avoit continué.

40: Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, maréchal de France, cousin germain du cardinal de Richelieu.

41: Le marquis de Coislin, neveu du cardinal, pourvu de la charge de colonel général des Suisses après Bassompierre.

42: M. Pont-de-Courlay, autre neveu du ministre, qui avoit le grade de général des galères. Tallemant parle d'une peinture que le duc de Roannez possédoit dans son château d'Oiron, vers Loudun, où se voyoit le ministre, avec une partie de ces parents dont il avoit fait l'élévation: «Le cardinal de Richelieu est peint habillé comme la Fortune, qui tend un bâton de maréchal à un petit grimaud qui représente La Meilleraye; donne une ancre à un fort vilain gobin, le général des galères Pont-de-Courlay, et les enseignes des Suisses au colonel des Suisses, le maréchal de Coislin, autre bossu.» (Edit. in-12, t. III, p. 53.)

44: Claude Bullion, surintendant des finances.

45: Bernard, duc de Saxe-Weimar, l'un des bons capitaines de ce temps-là, qui avoit mis alors son épée au service de la France.

46: «Cornuel, president à la Chambre des Comptes, dit Amelot de la Houssaye (Mémoires historiques, t. 2, p. 428), avoit toute la direction des finances sous la surintendance de Bullion. Il etoit très bel homme, et avoit une belle femme, dont on dit que le surintendant étoit fort amoureux.»

47: «On appeloit Bullion le Gros-Guillaume raccourci», dit Tallemant, qui savoit sa Milliade par cœur, et qui prouve ainsi combien les traits de cette satire furent bientôt répandus et populaires. (Edit. in-12, t. 2, p. 196.)

48: «Le surintendant, écrit Amelot de la Houssaye, se servit encore d'un autre homme, nommé Jacques Coquet, qui entendoit assez bien les finances, mais encore mieux l'art de negocier en amour. Cornuel lui vendoit sa femme, et Coquet des maîtresses.» (Mémoires historiques, t. 2, p. 429.) Tallemant dit aussi en toutes lettres: «Coquet étoit le maquereau de Bullion.» (1re édit. in-8, t. 3, p. 376.)

49: Nicolas Le Jay, premier président du parlement de Paris.

50: Cette terre avoit été érigée en baronnie, et le président, ainsi que son fils Charles; portèrent le titre de baron de Maisonrouge.

51: La femme du président Le Jay étoit en effet fille de Charles Marchand, capitaine des trois corps d'archers de la ville, et le même qui fit construire à ses frais le pont ainsi nommé, à cause de lui, pont Marchand, à la place du Pont-aux-Meuniers, écroulé le 21 décembre 1594.

52: A la suite de ce vers se trouvent ceux-ci, dans le texte donné dans le Tableau de la vie et du gouvernement, etc.:

Il ne desiroit pour tombeau
Que celui dont vit Isabeau.

53: Allusion à la victoire que M. de Thoiras avoit remportée sur les Anglois dans l'île de Rhé, en 1629, et à la belle défense que les François avoient faite à Casal en 1629 et en 1630, et a Mantoue vers le même temps.

54: En 1634, le duc de Lorraine, pour échapper aux engagements qu'il avoit pris avec le roi, ayant cédé ses états au cardinal François, son frère, Louis XIII le punit de sa mauvaise foi insigne en mettant la main sur toute la province. C'est ce que notre satirique appelle ici une usurpation du cardinal.

55: Sœur de Pont-Courtay, et partant nièce du cardinal. Après l'affaire du pont de Cé, pour établir un semblant d'alliance entre lui et MM. de Luynes, Richelieu avoit fait épouser cette nièce à Antoine de Beauvoir du Roure, seigneur de Combalet, neveu du duc de Luynes. Plus tard, il la fit duchesse d'Aiguillon.

56: A la fin de l'Histoire secrète des amours du cardinal de Richelieu avec Marie de Médicis et madame de Combalet, curieux mémoire publié, on ne sait pourquoi, par Auguis, dans ce qu'il appelle les Révélations indiscrètes du XVIIIe siècle, 1814, in-12, p. 145-182, on lit ceci: «Elle (madame de Combalet) eut dans la suite de grandes liaisons avec madame du Vigean, qui n'étoit pas plus prude qu'elle.» Tallemant (édit. in-12, t. 2, p. 204) fait foi lui-même de ces relations et de l'influence de madame de Vigean sur madame de Combalet.

57: Ces deux vers manquent dans l'édition in-4o.

58: Bien que cette pièce intéresse une des époques les plus curieuses de l'histoire du Portugal, nous la reproduisons ici moins pour elle-même que pour le singulier appendice que lui a donné son premier éditeur. Cet appendice, comme on le verra, n'est pas autre chose qu'une feuille de petites affiches en 1633.

59: Ce prince de Portugal est D. Cristovao, l'un des deux fils du prétendant D. Antonio, prieur de Crato, qui, sans avoir des droits légitimes, avoit le plus énergiquement lutté, par tous les moyens possibles, pour que le Portugal n'eût d'autre roi qu'un prince portugais. On sait qu'après avoir tout tenté pour arracher son pays à la domination espagnole, D. Antonio mourut à la peine en 1595, ne laissant que ses prétentions pour héritage à son fils. D. Cristovao fut le seul qui resta en France. Nous savions qu'il y étoit encore en 1632, car cette année-là du Moustier fit son portrait. (V. notre volume Un Prétendant portugais au XVIe siècle, 1852, in-12, p. 44, 85, 95.) La date de la pièce reproduite ici prouve que l'année suivante il s'y trouvoit encore. Il y vivoit d'une pension que lui faisoit le roi, comme on peut le voir par une pièce que possédoit M. de Joursanvault. (V. le Catalogue de sa collection, 1re partie, p. 35, no 257.)

60: Fils du duc d'Albe et le même qui s'étoit illustré par la prise de Mons en 1573. On sait que le duc d'Albe avoit contribué plus que personne à la conquête du Portugal par les Espagnols. Le gouvernement de Lisbonne revenoit donc de droit à quelqu'un des siens.

61: Nous avons déjà parlé du bureau d'adresse établi par Renaudot (V. notre t. I, p. 138, et le Roman bourgeois, p. 106); nous n'avons donc pas besoin d'y revenir longuement. L'idée d'un semblable bureau de renseignements n'étoit pas nouvelle. On sait par Montaigne (liv. 1, ch. 34) que son père l'avoit eue déjà; Barthélemy de Laffémas l'avoit reprise sous Henri IV, comme on le voit par un passage de son Histoire du Commerce (Archives curieuses, 1re série, t. XIV, p. 223-424); mais ni l'un ni l'autre n'étoit allé plus loin que le projet. C'est à Théophraste Renaudot qu'en étoit réservée la mise à exécution. Il comprit à merveille ce que devoit être un pareil établissement, et tout d'abord il le fit très complet. On savoit déjà qu'il y avoit joint des sortes de cours, des conférences, dans lesquels se traitoient toutes sortes de questions, et dont il sera parlé plus loin; mais on ignoroit généralement que pour donner une utilité plus directe à la partie principale de son établissement, au bureau même des adresses, il avoit mis à son service une feuille spéciale, de véritables petites affiches. Elles paroissoient le premier de chaque mois; celle que nous publions ici, comme spécimen, étant la quinzième et portant la date de septembre 1633, on voit que cette intéressante création remontoit au 1er juin 1632. Il y avoit déjà six mois que Renaudot publioit sa Gazette quand il lança cette nouvelle feuille, et il voulut que, tout en servant pour le bureau d'adresse, elle fût aussi pour l'autre comme une feuille de supplément. La relation qui se trouve en tête du ce quinzième numéro en est la preuve. Tel fait qui n'avoit pas paru dans l'une étoit inséré dans l'autre: il falloit donc être abonné aux deux pour être bien sûr de ne rien ignorer des nouvelles du jour. Quand Conrard écrit à Félibien, le 10 octobre 1647: «Le gazetier ne nous a pas encore donné de nouvelles du tremblement de terre dont vous me parlez; il la garde sans doute pour quand il en manquera d'autre», peut-être n'avoit-il pas lu la feuille d'avis où pouvoit se trouver le fait omis dans la Gazette. Ces relations mises en tête de la feuille d'avis me semblent être ce que furent plus tard les extraordinaires ou suppléments de la Gazette. Combien coûtait chaque numéro? Je ne sais; mais comme le prix d'entrée au bureau d'adresse étoit de trois sols, ainsi qu'on le voit par ces deux vers du Ballet auquel il servit de motif en 1631 (p. 12):

Pour nos trois sols nous y pouvons entrer,
Et trouver quelque chose ou blanque,

peut-être vous y donnoit-on par-dessus le marché le dernier numéro publié. La chose est d'autant plus croyable que c'étoit surtout une feuille d'annonces, et qu'elle avoit plus besoin de lecteurs que les lecteurs n'avoient besoin d'elle.—Les Anglois, qui ont toujours tant d'empressement à nous imiter, ne manquèrent pas d'établir chez eux un bureau d'adresses semblable à celui de Renaudot. En 1637 Charles Ier autorisoit Jean Innys à ouvrir un établissement de ce genre. J'ignore s'il eut aussi la feuille d'avis; c'est fort probable. Celle de Renaudot exista jusqu'en 1653, époque de sa mort. En 1715, le libraire Thiboust l'avoit reprise. On lit en effet dans le Journal des Savants (août 1716): «Le sieur Thiboust, libraire-imprimeur, vend chaque semaine une brochure in-12 qui contient les affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers.» Il n'est donc pas vrai de dire que ce fut Antoine Boudet qui créa les Petites Affiches, en 1745. M. Barbier a le premier fait cette rectification dans son Examen critique des dictionnaires historiques, t. 1, p. 143; mais il a oublié de nommer Renaudot, si bien qu'en réparant une injustice, il en a, sans le savoir, commis une autre.

62: Ces indications abrégées signifient volume III, folio 252 à 253, verso. Vous voyez qu'il y avoit beaucoup d'ordre au bureau d'adresse.

63: Il se trouvoit rue des Grands-Augustins. Il fut démoli en 1671 pour faire place à la rue qu'on nomma rue de Savoie, parce que les derniers propriétaires de l'hôtel avoient été des princes de Savoie.

64: V., sur ce drap, t. 3, p. 37, note.

65: Ne croiroit-on pas lire le mémoire de La Flèche, dans l'Avare? C'est que Molière savoit dresser un inventaire de tapissier: il étoit fils de maître.

66: Prudent Le Choyselat avoit publié dès 1572 son fameux traité: Discours œconomique, non moins utile que recreatif, montrant comme de cinq cents livres pour une fois employées l'on peut tirer par an quatre mille cinq cents livres de proffict honneste. Il s'agit, comme on sait, d'élever des poules.

67: Voici le titre complet de ce livre: Orbis terrarum geographica descriptio, 1607, in-fol.

68: C'est-à-dire au bureau d'adresse.

69: La séance eut lieu, en effet, comme il est dit dans ce programme sommaire. On le sait par le Recueil général des questions traictées ès conférences du bureau d'adresse, etc. Paris, 1656, in-8. On voit, t. 1, p. 36, 45, qu'il y eut, à la troisième conférence, dissertation sur les causes en général; puis sur cette question: Pourquoy chascun est jaloux de ses opinions, n'y eust-il aucun intérêt? Dix personnes parlèrent sur le premier point; mais pour l'autre il n'y en eut guère que quatre ou cinq. Quant aux curiosités et inventions, celles dont on s'occupa furent un microscope qui faisoit paroître une puce aussi grosse qu'une souris, et la grande question du mouvement perpétuel.

70: Nous avons déjà donné, t. 2, p. 221-236, une pièce sur un de ces déluges de la Bièvre qui furent autrefois si fréquents et si terribles. Celui dont il est ici question fut l'un de ceux qui firent le plus de ravages. Le nom de Déluge de Saint-Marcel lui resta. On écrivit à ce sujet plusieurs relations, entre autres celle qui a pour titre: Le Désastre merveilleux et effroyable d'un deluge advenu ès faubourg S. Marcel les Paris, le 8e jour d'avril 1579, avec le nombre des mors et blessés et maisons abbatues par la dite ravine. Paris, Jean Pinart, 1579. Comme cette pièce a déjà été publiée dans les Archives curieuses de l'Histoire de France, 1re série, t. 9, p. 303-309, nous lui avons préféré celle que nous donnons ici, qui est d'ailleurs beaucoup plus rare. Jean Dongois, chez qui elle fut imprimée, ne livroit pas ordinairement ses presses à de semblables livrets; s'il publia celui-ci, c'est que le désastre qui s'y trouve raconté avoit eu lieu dans son voisinage. Peut-être est-ce lui-même qui l'a écrit. «Il estoit fort sçavant, dit La Caille, et nous avons de sa composition et de son impression le Promptuaire, contenant tout ce qui s'est passé depuis la création du monde jusqu'à son temps, imprimé en 1576.» (Histoire de l'imprimerie et de la librairie, p. 160.)

71: Dubreuil donne les mêmes détails. (Le Théâtre des antiquitez de Paris, 1639, in-4, p. 306.)

72: V., pour une autre cause des inondations de la Bièvre, notre t. 2, p. 223, note. Aujourd'hui, rien de semblable n'est plus à craindre. La canalisation de la Bièvre dans Paris est une des dernières mesures qui aient été prises. En faisant les travaux nécessaires, on a trouvé un certain nombre de médailles de l'empereur Julien.

73: «Il y eut, dit Du Breul, vingt-cinq personnes, tant hommes que femmes et petits enfants, que noyées, que tuées et accablées sous les ruines; quarante qui furent seulement blessées, quantité de bétail noyé et perdu.»

74: L'inondation s'étendit, selon Du Breul, jusqu'au couvent de Sainte-Claire, occupé par les cordelières de Saint-Marcel, c'est-à-dire par conséquent jusqu'au no 95 de la rue de Loursine. Le Pont-aux-Tripes, jeté sur la Bièvre, entre les nos 166 et 168 de la rue Mouffetard, et qui marquoit le point de jonction des deux bras de la petite rivière, fut renversé, ainsi qu'un certain nombre de maisons. On lit soixante ici. Du Breul va moins loin: il n'en compte que douze. «Et enfin, ajoute-t-il, tous les dommages que fist cette subite inondation furent estimez à peu prez à soixante mil escus, non compris et evaluez les autres degats et ravages qu'elle fist aux villages voisins.» Selon Sauval (t. 1, p. 210), l'eau dépava Saint-Médard, et l'église des Cordelières. En 1573, une inondation de la même rivière avoit détruit les murs du couvent du Val-Parfond, le Val-de-Grâce (Félibien, Preuves, t. 4, p. 835).

75: Du Breul, comme on l'a vu dans la note précédente, n'évalue pas le dommage à une aussi forte somme.

76: Par arrêt du vendredi 10 avril 1579, le Parlement décida qu'il iroit le lendemain en corps à Notre-Dame «pour appaiser l'ire de Dieu»; ainsi qu'il est dit dans l'ordonnance conservée par Félibien, t. 5, Preuves, p. 9.—La cérémonie eut lieu, «et à mesme fin, dit L'Estoile, fut le lundi ensuivant faite procession générale à Paris.» (Collect. Michaud, t. 14, p. 114.) Une courte relation de ce sinistre, rédigée en latin, se trouve aux premiers feuillets d'un manuscrit de la Bibliothèque impériale, Anonymi Visiones (manuscrits latins, no 3770). M. Maurice Champion en a donné une traduction dans son curieux livre, les Inondations en France, etc., 1858, in-8, t. 1, p. 238-239.

77: On écrivit d'abord galand, et l'on disoit par conséquent galande au féminin. La Fontaine fut celui qui conserva le plus longtemps cette forme. V. sa fable de la Belette et son conte l'Anneau de Hans Carvel. V. aussi Ancien Théâtre, t. 2, p. 148, et 5, p. 252.

78: Maigre, misérable. Nous ne connoissions ce mot que pris substantivement et au masculin, comme lorsqu'on dit, par exemple, un pauvre hère.

79: Ce mot, dont nous avons déjà trouvé un exemple a la même époque, est donc plus ancien qu'on ne pense. Lorsque Noël et Carpentier ont dit, dans leur Dict. étymologique (t. 2, p. 563), qu'il était nouveau en 1728, non-seulement ils ne connoissoient pas ces passages, mais, ce qui est plus grave, ils ne se rappeloient pas ce vers du Tartuffe:

Et vous ne deviez pas vous tant passionner.

80: Cette pièce fait partie d'une sorte de cycle plaisant, tout composé de satires du genre de celle-ci, ou de caricatures. Il date du règne de Louis XIII, et rien n'en a survécu chez le peuple que le nom du principal personnage, Lustucru. C'étoit l'époque où l'extravagance des précieuses faisoit croire plus que jamais à la folie des femmes. Qui donc redressera ces cervelles tortues? disoit-on. On inventa un type de forgeron, à qui l'on prêta le talent nécessaire, et, pour preuve de l'incrédulité qu'on devoit avoir en ses prodiges inespérés, on l'appela comme je viens de dire. «Or, depuis cela, écrit Tallemant (2e édit. t. X, p. 203), quelque folâtre s'avisa de faire un almanach où il y avoit une espèce de forgeron, grotesquement habillé, qui tenoit avec des tenailles une tête de femme et la redressoit avec son marteau. Son nom étoit L'Eusses-tu-cru, et sa qualité médecin céphalique, voulant dire que c'étoit une chose qu'on ne croyoit pas qui pût jamais arriver que de redresser la tête d'une femme. Pour ornement, il y a un âne chargé de têtes de femmes, et mené par un singe. Il en arrive par eau, par terre, de tous les côtés. Cela a fait faire mille folies.» On trouve à la Bibliothèque impériale plusieurs gravures du genre de celle dont il est ici question. Ainsi il en est une dans le Recueil des plus illustres proverbes, portant, le no 2239 du cabinet des estampes, au bas de laquelle on lit: «Céans, M. Lustucru a un secret admirable, qu'il a rapporté de Madagascar, pour reforger et repolir, sans faire mal ni douleur, les testes des femmes acariastres, bigeardes, criardes, dyablesses, enragées, fantasques, glorieuses, hargneuses, insupportables, sottes, testues, volontaires, et qui ont d'autres incommoditez, le tout à prix raisonnable, aux riches pour de l'argent et aux pauvres gratis. A la page 24 d'un autre volume du même cabinet, portant le no 2133, se trouve une image sur le même sujet. C'est l'illustre Lustucru en son tribunal. Des maris venus de tous les coins du monde le remercient et lui offrent des présents, en reconnoissance des services qu'il leur a rendus. Mais bientôt la farce se fait tragédie; le sexe se venge: sur une gravure des Illustres Proverbes (no 69), on voit Lustucru massacré par les femmes. Bien plus, elles s'en prennent aux époux ses complices; et une dernière estampe représente l'Invention des femmes, qui font ôter la méchanceté de la tête de leurs maris. Somaize connut cette dernière pièce, et y fit allusion dans sa comédie des Veritables Pretieuses (Paris, Jean Ribou, 1660, in-12). On y voit un poëte qui vient réciter le commencement d'une tragédie intitulée: La Mort de Lustucru, lapidé par les femmes. Le médecin céphalique trouve où se venger à son tour de ces pédantes. Quelqu'un lui ménage une apparition, où il leur dit bel et bien leur fait; voici le titre de cette pièce d'outre-tombe: L'ombre de Lustucru apparue aux Précieuses, avec l'histoire de dame Lustucrue sa femme, qui raccommode les testes des méchants maris, s. l. n. d., in-4o. «Eh! quoi! précieuses à la mode, leur dit-il entre autres choses, avez-vous cru que je sois sorty de ce monde-cy pour n'y plus revenir?... Reformez vostre chaussure trop haute et trop estroite, et fort incommode pour aller gagner les pardons, desquels vous avez tant besoin. Ne portez plus de si riches habits, parce qu'on diroit que l'estuy veut mieux que ce qu'il renferme. Vous n'estes pas toutes si belles que vous croyez: vostre miroir vous en peut dire la vérité, et quelquefois les petites boettes de vostre cabinet vous fournissent une beauté empruntée qui ne passe point avec vous dans vostre lict, et que vous laissez le soir sur la toilette.» Remarquons en passant que Boileau, dans sa 10e satire, a dit plus tard presque textuellement la même chose:

Attends, discret mari, que la belle en cornette,
Le soir ait étalé son teint sur sa toilette,
Et dans quatre mouchoirs, de sa beauté salis,
Envoie au blanchisseur ses roses et ses lis.

On sait d'ailleurs, par une indiscrétion de Brossette, que Boileau connoissoit la pièce que nous citons ici, et qu'il y prit encore autre chose pour sa 43e épigramme. C'est Chapelle un jour qui la lui avoit indiquée, en lui récitant les vers baroques imprimés à la fin. (V. Œuvres de Boileau, Desoer, 1823, in-8, p. 249, note.) Voici ces vers:

Il n'est si pauvre malotru
Qui ne trouve sa malotrue.
Aussi le bon L'Eusse-tu-cru
A trouvé sa L'Eusse-tu-crue.

On vit encore paroître contre les précieuses une pièce où Lustucru avoit le principal rôle: Le Carnaval des Précieuses de ce temps, avec leur entretien facetieux, et un plaisant remède de la boutique de Lustucru pour guérir le mal de teste des femmes. S. l. n. d., in-4o. Terminons par quelques autres titres la bibliographie que tout cela nous a conduit à faire: La Requeste des femmes presentée à Vulcan, prince des forgerons, contre l'opérateur céphalique dit Lustucru, s. l. n. d., in-4o; La Plainte des hommes faicte à Lustucru, contre la Requeste presentée par les femmes, s. l. n. d., in-4o; La Gazette de la moustarde à Lustucru, s. l. n. d., in-4o; La Plainte de Lustucru constitué prisonnier par les femmes dans la plaine de Longboyau, s. l. n. d., in-4; Le Marteau salutaire, s. l. n. d., in-4o.—Lustucru fut bientôt oublié. Poisson fait encore allusion à son industrie dans le Sot vengé, et je le retrouve dans La Muse en belle humeur, 1660, in-4, p. 9. Un coq-à-l'âne inséré dans l'un des recueils de chansons de la veuve Oudot renferme un quatrain qui le rappelle aussi:

Il a vu
Lustucru
Qui forgeoit des testes
Prestes.

Une autre chanson populaire, citée dans l'Ane de Crités, p. 109, parle aussi du compère; enfin la chanson de la mère Michel nous l'a fait connoître, du moins de nom; mais voilà tout. Il ne figure même plus sur les gravures populaires imitées de celles du 17e siècle, et qui circulent encore. Je ne vous citerai que la plus connue: La Forge merveilleuse, où l'on voit des femmes forgeant la tête de leurs maris pour la rendre meilleure. Ces dames, comme vous voyez, se sont donné leur tour. Dieu merci, la vieille enseigne, encore fameuse dans quelques villes de province, et à laquelle une des rues de l'île Saint-Louis doit son nom, continue de nous venger. Elle représente une femme sans tête, et on lit au bas: tout en est bon.

81: Henri, duc d'Anjou, fut élu roi de Pologne par la diète de Varsovie, le 9 mai 1573. Le 10 septembre suivant, après la messe, il prêta serment à Notre-Dame, devant l'autel, en présence des treize ambassadeurs qui étoient venus de Pologne à Paris lui apporter le décret de son élection. Le 27 du même mois il quitta Paris, avec la brillante suite dont nous donnons ici le Catalogue, et après de fréquentes haltes sur la route et toutes sortes de lenteurs, calculées sur l'espoir qu'il avoit d'être rappelé en France pour succéder à son frère Charles IX, déjà gravement malade, il n'entra dans Cracovie que le 8 février 1574, pour être couronné trois jours après.

82: Il publia, quelques mois après, un Extrait des lettres d'un gentilhomme de la suitte de Monsieur de Rambouillet, ambassadeur du roy au royaume de Pologne, à un seigneur de la court, touchant la legation dudit seigneur, etc. De Cracovie, 12 décembre 1573, in-8. Cette pièce a été reproduite dans les Archives curieuses, 1re série, t. IX, p. 137.

83: N'ayant encore que dix-sept ans, le duc d'Anjou avoit gagné la bataille de Jarnac et de Montcontour.

84: C'étoit alors un mot nouveau et à la mode. Selon Ménage, en ses Observations sur la langue françoise, p. 306, c'est Joachim Du Bellay qui l'avoit employé le premier dans son traité de la Défense et illustration de la Langue françoise. Trois ans après on le traitoit encore comme un néologisme. «Le nom de patrie, dit Ch. Fontaine, est obliquement entré et venu en France nouvellement.» (Quintil Censeur, Lyon, 1576, in-12, p. 165.)

85: René de Villequier, baron de Clairvaux. «Il suivit le duc d'Anjou en Pologne, dit Lenglet-Dufresnoy dans ses notes sur le Journal de Henri III (t. I, p. 214), et le servit en qualité de grand-maître de sa maison.» V., sur lui, les Additions à Castelnau, t. II, p. 818, et les Mémoires de Marguerite de Valois, édit. elzev., p. 134.

86: L'un des mignons du prince. Il fut tué avec Maugiron dans le duel qui eut lieu en 1578 sur le marché aux chevaux des Tournelles, devenu depuis la place Royale.

87: Frère de celui qui a été nommé tout à l'heure.

88: Nous ne le connoissons que par cette mention et par la tentative qu'il fit en janvier 1577 pour entrer dans Châtellerault.

89: Nicolas de Grémonville L'Archant. Henri III le garda toujours près de lui, comme capitaine des gardes, et l'on sait le rôle qu'il joua dans le drame de l'assassinat du duc de Guise, à Blois.

90: Marc Miron, que Henri III garda comme premier médecin. C'est à lui qu'étant à Cracovie et tourmenté de remords, il fit, une nuit, une relation si curieuse des massacres de la Saint-Barlhélemy. Miron l'écrivit presque sous sa dictée, et on l'a publiée dans la collection Petitot, 1re série, t. 44, p. 496-518, avec ce titre: Discours du roi Henri III à un personnage d'honneur et de qualité estant près de Sa Majesté, à Cracovie, des causes et motifs de la Saint-Barthélemy.

91: Guy Dufaur, seigneur de Pibrac, auteur des fameux Quatrains, et, ce qui est moins moral, d'une apologie de la Saint-Barthélemy, sous ce titre: Lettre sur les affaires de France. Aignan a publié cette pièce au t. I de sa Bibliothèque étrangère. Quand le duc d'Anjou quitta la Pologne, comme un fugitif, pour venir recueillir en France l'héritage de son frère Charles IX, Pibrac partagea les vicissitudes de sa fuite, et rien n'est plus plaisant que le récit qu'en fait son biographe Pascal. Dans ce pauvre homme, traqué par des paysans à demi sauvages et forcé de se donner pour cachette les roseaux d'un marais où il s'enfonce jusqu'à mi-corps, on a peine à reconnoître le conseiller intime d'un prince deux fois roi, qui abandonne un royaume pour en gagner un autre. (V. Archives curieuses, 1re série, t. X, p. 258-262.)

92: Sans doute Gilles de Noailles, abbé de L'Isle, qui en effet alla en Pologne. (Mémoires de Jean Choisnin, coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 393.)

93: Martin Ruzé, sieur du Beaulieu. Aux états de Blois, il étoit encore secrétaire de Henri III, et c'est lui qui, après l'assassinat, croyant voir encore en M. de Guise quelque reste de vie, lui donna le conseil «de demander pardon à Dieu et au roy».

94: C'est le poëte Philippe Desportes, qui déjà avoit salué par ses vers l'avénement du prince, par sa Complainte pour M. le duc d'Anjou, élu roi de Pologne. «Il accompagna le prince dans son royaume lointain, dit M. Sainte-Beuve, et, après neuf mois de séjour maudit, il quitta cette contrée pour lui trop barbare, avec un adieu de colère.» (Tableau histor. et crit. de la poésie franç. au XVIe siècle, édit. Charpentier, p. 424.)

95: Louis de Gonzague, duc de Nevers, le même dont on a de si intéressants Mémoires, publiés pour la première fois en 1665, 2 vol. in-fol.

96: Celui qui devint, un peu plus tard, le célèbre duc de Mayenne.

97: De la famille des Guise, et même cousin germain du duc, comme arrière-petit-fils de Cl. de Guise. Il fut un de ceux qu'on arrêta dans Blois après l'assassinat.

98: Encore un Guise, et l'un de ceux qui avoient pris le plus de part aux massacres de la Saint-Barthélemy. Catherine, en donnant les princes de Lorraine pour escorte au nouveau roi de Pologne, avoit sans doute à cœur d'affaiblir le parti des Guise, qui devenoit de plus en plus menaçant en France. Elle affoiblissoit aussi le parti catholique, et l'on s'en plaignit. (Bibliothèque impériale, manuscrits Fonds des Minimes, no 32, fol. 344.) Ce cortége ne fut pas une sauvegarde, loin de là, pour le duc d'Anjou, quand il traversa des Etats protestants. On savoit tout ce qu'il avoit fait pour la tuerie du 24 août 1572: aussi n'étoit-il pas besoin de lui donner tout une escorte de complices pour soulever contre lui, au passage, l'indignation des princes calvinistes. «Que si le monarque passoit à travers le pays protestant, dit Schomberg dans une de ses dépêches, § 4, il n'y auroit pas de sûreté pour luy.» Il s'y risqua cependant, s'il faut en croire de Thou (liv. 57), et, d'après lui, Gaillard, mais il faillit s'en trouver mal. C'est dans le Palatinat qu'il s'étoit hasardé. «En entrant dans le cabinet de l'électeur, le premier objet qui frappa ses regards fut un portrait fort ressemblant de l'amiral Coligny. «Vous connoissez cet homme, Monsieur, lui dit l'électeur d'un ton sévère; vous avez fait mourir le plus grand capitaine de la chrétienté, qui vous avoit rendu le plus signalé service, ainsi qu'au roi votre frère.» Le roi de Pologne, un peu troublé, répondit: «C'étoit lui qui vouloit nous faire mourir tous, il a bien fallu le prévenir.—Monsieur, répliqua l'électeur, nous en savons toute l'histoire.» A table, le roi de Pologne ne fut servi que par des huguenots françois échappés au massacre, qui sembloient le menacer en le servant; et l'électeur parut prendre plaisir, pendant toute la journée, à lui faire craindre, pour la nuit, des représailles.» (Gaillard, Hist. de la rivalité de la France et de l'Angleterre, t. V, p. 159.) Je ne donne cette histoire que pour ce qu'elle vaut, en la regardant comme un peu trop romanesque pour être bien vraie. Un passage des Mémoires du duc de Bouillon feroit même croire que l'électeur palatin ne dut pas faire si mauvais accueil au roi de Pologne. (Collect. Michaud, 1re série, t. XI, p. 15.)

99: M. Pomponne de Bellièvre, qui fut plus tard chancelier de France.

100: Roche-Châteignier, seigneur de la Roche-Posay. Il étoit aussi du parti des Guise, et par conséquent de ceux que Catherine tenoit à éloigner. Quand le duc de Guise étoit allé en Italie, en 1557, il l'y avoit suivi avec cent chevaux. Dans cette expédition, il prit La Mirandole, et y fut blessé. (Mémoires de Boyvin, coll. Petitot, 1re série, t. 29, p. 122.)

101: Jean-François de La Guiche, seigneur de Saint-Géran. Il fut plus tard maréchal de France, et mourut le 2 décembre 1632.

102: François Catillac de Sessac. (V., sur lui, Mémoires de de Thou, coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 339.) Il avoit été lieutenant de la compagnie de gendarmes du duc de Guise, et, sans ce que j'ai dit tout à l'heure, je m'étonnerois de le trouver dans la suite du duc d'Anjou. C'est lui, en effet, qui rendit témoignage de la complicité de ce prince dans le meurtre de Coligny.

103: Henri de Silly, comte de La Roche-Guyon, premier mari de madame de Guercheville. Il mourut en 1586.

104: Louis de Bérenger, seigneur du Gua ou de Guast. On l'appeloit souvent le capitaine Le Gas. On savoit déjà par L'Estoile qu'il avoit suivi le duc d'Anjou en Pologne. (Edit. Lenglet-Dufresnoy, t. I, p. 100.) La reine Marguerite le fit assassiner par le baron de Viteaux, le 31 octobre 1575. (V., sur lui, Mémoires de Marguerite de Valois, édit. L. Lalanne, passim.)

106: L'un des fidèles et des spadassins mignons du duc d'Anjou. Il figure comme tel, avec Larchant, Sommerez, etc., dans le procès de La Mole et Coconas. (V. Archives curieuses, 1re série, VIII, 137.) Il ne faut pas le confondre avec P. d'Eguaim, sieur de Belleville, huguenot enragé.

106: Le seigneur de Lescun, fils de Thomas de Foix, l'un des braves capitaines du temps de François Ier.

107: C'est sans doute l'un de ces capitaines italiens comme il y en eut tant à la cour des Valois, et le même dont il est parlé au chapitre II de la Confession de Sancy. Il y est dit qu'il se tua.

108: Je ne sais quel est ce Ruffé, au nom duquel on ajoute celui de Bourgogne, pour la distinguer sans doute de Philippe de Volvyre, baron de Ruffec, gouverneur d'Angoulême.

109: Il joua, comme on sait, un rôle assez important dans plusieurs des affaires de ce temps, et fut tué à Ivry.

110: Ce n'est point Michel de Castelnau de La Mauvissière, dont il sera parlé tout à l'heure, mais sans doute l'un de ses frères, qui, comme lui, servoient vaillamment le parti du roi contre celui des huguenots. (V. les Mémoires de Castelnau, liv. VI, chap. 4.)

111: Robert de Combault, sieur d'Arcis-sur-Aube, qui fut plus tard premier valet de chambre du roi et l'un des favoris. (V. L'Estoile, édit. Champollion, t. I, p. 95, et les Mémoires de Marguerite, édit. elzev., t. I, p. 141.)

112: Balthazar de Ruffy, gentilhomme de province, époux de la belle Catherine de Meinier d'Oppède.

113: Annibal, comte de Coconas, gentilhomme du Piémont, dont les amours avec la duchesse de Nevers, les intrigues avec La Mole pour faire du duc d'Alençon le chef du parti huguenot, et enfin le supplice, sont choses assez connues.

114: Beauvais-Nangis, qui, après avoir été longtemps en faveur, fut disgracié à la suite d'une affaire dont on trouvera le récit dans L'Estoile, sous la date du 1er juin 1581. Sa capitainerie des gardes fut donnée à Crillon.

115: Philippe de La Fin, sieur de Beauvais La Nocle, qui, plus tard, défendit si vaillamment Brouage. Il étoit de la maison du duc d'Alençon, et fut compromis dans la conspiration de La Mole et Coconas. (V. Archives curieuses, 1re série, t. VIII, p. 133, 134, 152, 155, 174, etc.)

116: C'est le fameux Louis de Balbe de Berton de Crillon, le brave des braves.

117: Sans doute Rouvroy, lieutenant de L'Archant, qui prit part, comme lui, à l'assassinat du duc de Guise.

118: D'Entragues de Dunes, frère de Clermont d'Entragues, nommé tout à l'heure, et qui, lorsque celui-ci eut été tué, prit sa place près d'Henri IV.

119: Je ne connois de ce nom, comme ayant été attaché à Henri III, que le petit La Roche. Ne seroit-ce pas lui? (V. Baron de Fæneste, édit. elzev., p. 340.)

120: Jean de Beaufort, marquis de Canillac, qui fut plus tard l'un des amants de la reine Marguerite. (V. Le Divorce satyrique, la Ruelle mal assortie, édit. Lalanne, p. 15, et les Mémoires de Marguerite, p. 205.)

121: Joachim de Châteauvieux, qui fut premier capitaine des gardes de Henri III. Il est assez maltraité dans la Confession de Sancy, chap. 2, et dans le Baron de Fæneste, liv. IV, chap. 19.

122: Jean Choisnin, dans ses Mémoires (coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 381), parle de lui sous la date de 1571, comme d'un jeune gentilhomme de qui chacun rendoit bon témoignage, et sur lequel Catherine avoit d'abord jeté les yeux pour aller en Pologne négocier la royauté du duc d'Anjou. On voit qu'il étoit de sa destinée d'aller dans ce pays. D'Aubigné parle aussi de lui (Mémoires, édit. Lalanne, p. 19).

123: Charles du Plessis-Liancourt, qui fut plus tard premier écuyer. Je ne sais s'il accompagna le duc d'Anjou en Pologne; mais le marquis de Lenoncourt étoit du voyage. Peut-être est-ce son nom qu'il faut lire ici (Mém. de Hatton, t. 2, p. 738).

124: Claude, baron de Dampierre, prit part, parmi ceux qui tenoient pour le roi, à la journée des Barricades. Il commandoit au marché des Innocents. Lors du sacre de Henri IV, il étoit le premier maréchal de camp.

125: Jacques de Harlay, seigneur de Chanvallon, grand écuyer du duc d'Alençon, et, pendant la Ligue, grand maître de l'artillerie. Il est le douzième sur la liste des amants connus de la reine Marguerite. Il eut d'elle un fils qui fut capucin sous le nom de P. Archange. M. Guessard, dans son édition des Mémoires de Marguerite, a publié dix-sept lettres de cette princesse à Chanvallon et deux lettres de celui-ci. Leur fils fut d'abord élevé sous le nom de Louis de Vaux, comme fils d'un sieur de Vaux, parfumeur, que nous avons trouvé (V. t. IV, p. 136, 159) parmi les plus riches propriétaires des terrains du Pré-aux-Clercs, en 1613. Sa complaisance pour les amours de la reine Margot n'avoit pas dû nuire à sa fortune.

126: C'est de La Garnache qu'il faut lire, je crois. Ce seigneur seroit alors de la maison de Rohan, et l'un des parents de la belle Françoise de Rohan de La Garnache, à qui M. de Nemours fit une promesse de mariage dont on sait l'histoire.

127: Jacques de Levis, comte de Quélus, l'un des plus fameux des mignons de Henri III. On sait qu'il fut tué dans le duel du marché aux chevaux, en 1578.

128: Prêtre italien, que nous retrouvons, avec sa béate figure et ses roulements d'yeux, au chap. 7 de la Confession de Sancy. Il fut employé dans les négociations avec les huguenots. (Legrain, Décade de Henri-le-Grand, p. 226.)

129: François d'Epinai Saint-Luc, autre mignon de Henri III. Il étoit grand maître de l'artillerie en 1596, et fut tué l'année suivante, au siége d'Amiens.

130: Ne seroit-ce pas Joachim de Rochefort, seigneur de Neuvant, qui se distingua plus tard dans le Dauphiné?

131: Joachim d'Inteville, que les relations de la journée des Barricades, où il eut un commandement pour le roi et courut de grands dangers, appellent toujours le sieur de Tinte-ville. (V. Arch. curieuses, 1re série, t. XI, p. 355, 372, 379.)

132: «C'estoit, dit Lenglet-Dufresnoy, un Italien entièrement dévoué aux plaisirs de Henri III, et qui se trouvoit réglément au coucher de ce prince, dès les premières années de son règne.» Il est parlé de lui dans les Mémoires de Marguerite, p. 45, 48, 50, et l'on peut voir dans la Confession de Sancy (chap. 7), où il est appelé Carmille, quel genre de honteux services il rendoit au roi.

133: Michel de Castelnau, sieur de Mauvissière, de qui l'on a de si intéressants Mémoires, et qui joua un rôle si important dans la diplomatie de ce temps-là par ses négociations et ses ambassades. Il est donné ici comme secrétaire et interprète. Il savoit, en effet, l'allemand, chose fort rare à cette époque. (V. l'excellente brochure de M. G. Hubault, Ambassade de Michel de Castelnau en Angleterre, 1856, in-8, p. 19, note.) S'il n'alla pas plus loin que Mayence, c'est que sans doute il s'étoit chargé de recruter quelques corps de reîtres et de les ramener en France, ainsi qu'il le fit plus d'une fois. (V. ses Mémoires, t. VI, chap. 8, et L'Estoile, coll. Michaud, t. I, p. 50.)

134: Albert de Gondi, duc de Retz, mort, en 1601.

135: Sans doute un commandant de troupes allemandes.

136: Fils de M. de Montmorin, qui, étant gouverneur d'Auvergne, auroit, d'après Voltaire, refusé de donner dans sa province l'ordre des massacres, à l'époque de la Saint-Barthélemy. Voltaire cite de lui, à ce sujet, une lettre dont Lenglet-Dufresnoy met en doute l'authenticité. (V. ses notes sur L'Estoile, t. II, p. 404.)

137: De Riccé. Une famille de ce nom subsistoit encore pendant la Restauration; l'un de ses membres, le vicomte de Riccé, fut alors préfet du Loiret.

138: D'Ailly, comte de Chaulne, le même à qui Voltaire, au 7e chant de la Henriade, fait jouer un rôle si dramatique. Le frère du connétable de Luynes épousa l'héritière de sa maison, et le comté, plus tard duché de Chaulnes, passa avec elle dans cette nouvelle famille.

139: Jacques de Saulx, vicomte de Tavannes, fils de Gaspard de Tavannes. Il fut, en effet, du voyage de Pologne; il n'en revint que tard, après avoir guerroyé en Hongrie et en Moldavie contre les Turcs, qui le firent prisonnier et l'emmenèrent à Constantinople. Au retour il fut fait capitaine de gendarmes.

140: Capitaine italien, dont il est aussi question, sous la date du 24 janvier 1577, dans le Journal des premiers Etats de Blois, par M. de Nevers. Il y est nommé le capitaine Pieter Paul Tassughy.

141: Ne seroit-ce pas Fougerolles? Ce ne seroit qu'une nouvelle altération de ce nom, qu'on trouve écrit Joncquerolles dans les Mémoires du duc d'Angoulême (coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 85).

142: Frère de celui qui servit longtemps, et avec succès, dans le Dauphiné, notamment en 1575.

143: Le baron de S.-Denys, qui commanda plus tard la compagnie de gendarmes du duc de Montpensier, gouverneur de Normandie. Il épousa la fille du marquis de Rouville, et il en eut, entr'autres enfants, le célèbre S.-Evremond.

144: François d'O, seigneur de Fresnes, premier gentilhomme de la chambre du roi, successivement surintendant des finances et gouverneur de Paris; et son frère, Jean d'O, seigneur de Manou.

145: Le comte de Briennes, qui étoit allé recevoir à Metz les ambassadeurs de Pologne (Rev. rétrosp., 1re série, t. IV, p. 49). Après la journée des Barricades, où il avoit tenu pour Henri III, il resta prisonnier au Louvre, et c'est là qu'il délivra à Jacques Clément un passeport, avec lequel celui-ci put s'introduire près du roi. Après sa mort, le comté de Brienne passa par alliance dans la famille des Loménie, où il resta.

146: Anne d'Anglures, seigneur de Givry, tué à Laon en 1590. «C'étoit, dit de Thou (Mémoires, coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 329), le cavalier de la cour le plus parfait, beau, bien fait, de bonne mine, agréable dans la conversation, savant dans les lettres grecques et latines (talent assez rare parmi la noblesse), surtout brave et connu pour tel.»

147: Peut-être Antoine de La Tour de Saint-Vidal, gentilhomme qui étoit en effet du parti de Henri III. (Mémoires de de Thou, coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 339.)

148: Frère de Tristan de Rostaing, qui, en 1589, se laissa prendre honteusement dans Melun, et fut obligé de donner une rançon de 50,000 écus, ce qui lui mérita d'être condamné par la commission établie à Bordeaux. (V. le Journal historique de P. Fayet, p. 44, et les Mémoires de de Thou, coll. Petitot, 1re série, t. 37, p. 308.)

149: Gentilhomme souvent nommé dans les Mémoires du duc de Nevers.

150: Ce ne peut être Fontenay-Mareuil, qui étoit trop jeune alors. C'est peut-être le fils de Fontenay, qui étoit, en ce temps-là, trésorier de l'épargne.

151: Jean d'Hebrard, baron de Saint-Sulpice, qui avoit été gouverneur du duc d'Alençon, et qui étoit capitaine de cinquante hommes d'armes. (V., sur lui, Mémoires du duc de Bouillon, coll. Michaud, 1re série, t. XI, p. 8.) Son fils fut tué dans la basse-cour du château de Blois par le vicomte de Tours. (L'Estoile, 20 déc. 1576.)

152: Je serois tenté de croire que cette pièce est de Piron. Sa rareté aura fait qu'elle a échappé à Rigoley de Juvigny, qui, d'ailleurs, n'étoit pas un bien grand chercheur. Piron connoissoit M. le comte de Clermont, à qui appartenoit le singe dont la mort est ici pleurée. On trouve dans ses Œuvres (édit. in-8, t. VII, p. 119) des vers adressés à cette altesse sérénissime. Quant a M. de Livry, on sait qu'il fut longtemps son plus cher commensal. (V. notre Notice sur Piron, passim.) Ce ne seroit pas la première fois que l'auteur de la Métromanie auroit fait des vers du genre de ceux-ci et se seroit posé en interprète poétique des bêtes. Au t. VII, p. 184, de ses Œuvres, vous pourrez lire l'Envoi d'un panier par un chien à une chienne. Rien ne contredit donc sérieusement mon opinion.

153: Singe de M. de Livry, qui, en qualité de légataire du défaut, fait les frais de l'invitation.

154: Pour déroute. L'une vient de rupta, l'autre de dirupta, qui ont le même sens en latin; il étoit donc naturel que le même sens existât aussi en françois.

155: Ces reîtres étoient, comme on sait, des cavaliers allemands, ainsi que l'indique leur nom, Reiter, homme de cheval. Branthôme, qui ne savoit pas assez d'allemand pour trouver l'étymologie véritable, en avoit fait une à sa manière. Suivant lui «on les appeloit reistres parce que, disoit-on, ils étoient noirs comme de beaux diables.» (Edit. du Panthéon littér., t. I, p. 417.) Comme ils se recrutoient, pour le plus grand nombre, dans les états protestants de l'Allemagne, ils se trouvoient être des alliés naturels pour les huguenots de France. Venir piller ce beau pays sous prétexte de servir la foi étoit une trop excellente aubaine pour qu'ils la laissassent jamais échapper. Au premier appel de leurs frères de France ils accouroient. Dans les troupes que Coligny mit en campagne, on comptoit un grand nombre de reîtres; en 1576, 12,000 passèrent le Rhin, sur une invitation de ceux de la religion, invitation qui n'auroit pas eu besoin d'être pressante. Comme on les connoissoit, «avis fut alors donné que le feu et sang se verra en France.» (Preuves de l'Estoile, t. III, p. 201.) La plus redoutable de ces invasions fut celle dont il est question ici. Le 13 juin 1587, Schomberg, qui s'étoit rendu en Allemagne pour suivre leurs mouvements, écrivit au roi qu'ils s'armoient au nombre de 9,000, et que, vers le 12 juillet, ils seroient sur le Rhin, où 12,000 Suisses et 6,000 lansquenets devoient se joindre à eux. Le duc Otto de Lunebourg les commandoit. Tout ce qu'on pouvoit espérer, c'est qu'ils retarderoient leur marche jusqu'au commencement d'août. Malheureusement la récolte ne seroit pas faite alors, et, disoit Schomberg, il falloit être assuré qu'elle seroit détruite partout où passeroient ces pillards; ce qui eut lieu en effet, et la disette s'en augmenta. Si du moins, ajoutoit-il, le roi avoit une armée qui pût les arrêter à la frontière! mais les forces étoient trop divisées pour cela, les finances trop pauvres. Un espoir restoit, c'est que leurs alliés de France ne fussent pas prêts à les joindre, et donnassent ainsi le temps de les attaquer et de les détruire séparément: «Si les forces françoises leur manquent, dit Schomberg, ils sont perdus. On leur promet vingt mille François à pied et à cheval; j'écris bien et fais dire partout qu'ils n'y trouveront pas un, si ce ne sont ceux qui s'y trouveront pour leur rompre la teste.» Et ici encore Schomberg disoit vrai.

156: Planté est un vieux mot qui signifoit multitude, abondance. On lit dans Monstrelet (liv. I, ch. 77): «Grand planté de clergé et de peuple.» Dans Rabelais (I, ch. 4): «Gargamelle mangea grant planté de trippes.» De là, pour signifier beaucoup; en abondance, l'expression à planté qui se trouve partout (V. Ancien Théâtre, t. II, p. 286), ou celle-ci: à grand'planté, qui se lit notamment dans ce passage de Monstrelet (liv. II, ch. 39): «Il le fit servir abondamment de tous vivres, hors de vin; mais les marchands chrétiens lui en faisoient delivrer secrètement à grand'planté

157: Il en avoit été en effet question dans le conseil du roi, et l'auteur de cette pièce, aussi hostile à Henri III qu'il est favorable aux Guise, ne pouvoit oublier de le dire.

158: Pour Bruder, frère, comme ces soudars s'appeloient familièrement entre eux.

159: La défaite des reîtres à Vimory eut lieu, selon L'Estoile, le 29, et, selon P. Mathieu, en son Histoire des Troubles (livre II), le 27 octobre. Leur but étoit d'aller joindre au plus tôt le roi de Navarre au delà de la Loire; Henri III le savoit, et, campé sur ce fleuve tantôt à Gien, à Sully, ou à Jargeau, il les attendoit au passage (Recueil A-Z, G, p. 227-241.) Guise cependant, bien qu'il ne fût pas en force, les suivoit en queue et les harceloit «par une infinité d'algarades». Un gros de leurs troupes étoit à Vimory, sur la route de Lorris. Comme il se trouvoit lui-même à Montargis, la distance n'étant que de deux lieues, il pouvoit aisément les surveiller. Il sut qu'ils faisoient mauvaise garde. Le sieur de Cluseau, entre autres, lui dit «qu'il les avoit reconnus estant sur le point de souper, au moyen de quoy seroit bon de leur aller porter le dessert». Le duc trouva l'avis excellent, et on les surprit comme ils soupoient. M. de Mayenne fut d'un grand secours, par son courage et par les soixante cuirassiers qu'il lança dans la mêlée. Ce fut victoire gagnée, mais on l'exagéra beaucoup ici. Selon P. Mathieu, toute la perte des reîtres n'auroit été que de 500 hommes, 100 valets, 300 chevaux de chariots, 2 chameaux et une paire de timballes; tandis que M. de Guise auroit perdu 40 gentilshommes et 200 soldats. Pasquier nous fait la part plus belle. Suivant lui, M. de Listenois auroit seul été tué parmi les gentils hommes, et le bourg de Vimory, ainsi que tout le bagage des reîtres, nous seroient restés. (Lettre, édit. in-fol., t. II, p. 302.) Guise, en chassant les reîtres du Gâtinais, travaillait pour lui; Montargis lui appartenait.

160: Auneau est un gros bourg de l'arrondissement de Chartres. Les reîtres y étoient venus après avoir pillé Château-Landon. Ils avoient emporté le village; mais le château, dont il ne reste plus qu'une tour située au midi, à l'entrée d'un parc, avoit tenu bon. C'est ce qui les perdit. Pendant qu'ils faisoient «bonne chère à l'allemande,» le capitaine du château s'entendit avec Guise; dans la nuit du 23 novembre il lui ouvrit les portes de sa petite forteresse, et le duc put ainsi pénétrer dans le village et surprendre les reîtres le lendemain matin, «à la diane... Il leur donna au saut du lict, dit Pasquier (ibid.), non chemise blanche, mais rouge.» Cette fois le carnage fut grand et à peu près tel qu'on le dit ici. 12 ou 1500 hommes furent tués, selon Pasquier, et il y eut 80 chariots pris. Au dire de L'Estoile, le baron de Donaw, chef de ce parti de reîtres, auroit été pris. Il est certain au contraire, comme le dit Pasquier, qu'il put se sauver de vitesse. Il paroît que ce fut la mousqueterie qui fit le plus de mal aux reîtres. Le duc de Guise ne manquoit jamais d'en tirer bon parti: «C'estoit, disoit-il à Brantôme, un vray moyen pour attraper et deffaire un battaillon de cinq ou six mille Suisses, qui font tant des mauvais, des braves, quand ils sont serrez dans leur gros.» Il ajoutait qu'avec de gentils arquebusiers basques, biscains, béarnois, «bien legers de viande et de graisse, maigrelins, dispots et bien ingambes», avec de bonnes arquebuses de Milan, il auroit facilement raison de ces grands et gros bataillons de Suisses, «qu'il les perceroit à jour et larderait d'arquebuzades, comme canards. Il en pourroit faire de mesme sur les reistres, qui font tant des mauvais, selon les lieux advantageux qui se rencontreroient, ainsin qu'il attrappa ceux de M. de Thoré en belle campagne, où nos mousquets leur nuisirent beaucoup, et à Aulneau, de qui l'harquebuzerie fit si grand eschet sur les reistres, selon son commandement qu'il fit à ses braves capitaines, qui sceurent bien obeir à ce brave general.» Œuvres de Branthôme, édit. elzevir., I, p. 380.

161: Le peuple chanta des Te Deum à sa manière. Dans le Premier Recueil de toutes les chansons nouvelles, tant amoureuses, rustiques, que musicales (1590, in-16) se trouve, fol. 9, Cantique chanté à la louange de M. le duc de Guyse, sur la victoire qu'il a obtenue contre les Reistres. Le même recueil contient trois autres chansons sur le même sujet.

162: Angerville, sur la route d'Orléans, chef-lieu de canton du département d'Eure-et-Loir, est à cinq lieues au sud-ouest d'Auneau. Ils y étoient venus tout fuyant pendant la nuit, après avoir brûlé ce qui les gênoit, et avoir pris leurs lansquenets en croupe. (Lettres de Pasquier, t. II, p. 302.)

163: Vieux mot que la littérature romantique a tâché de reconquérir, d'après un conseil de Voltaire. Il signifie angoisse, frisson. On le trouve employé dans le sens de terreur, dans la 75e des Cent Nouvelles nouvelles. Saint Simon s'en servoit encore: «Elle étoit, de plus, dit-il, tellement tourmentée des affres de la mort, qu'elle payoit plusieurs femmes dont l'emploi unique étoit de la veiller.» (Mémoires, édit. Sautelet, t. V, p. 406.)

164: Ce cours, dont nous avons déjà parlé (t. VII, p. 200, note), n'est pas le Cours-la-Reine, mais celui qu'on appeloit le cours «hors la porte Saint-Antoine». En 1630, c'étoit encore la promenade par excellence. Pour lui disputer la vogue, celui de la reine-mère étoit encore trop nouvellement planté. (V. à ce sujet les Lettres patentes du 2 avril 1628, et Lemaire, Paris ancien et moderne, t. III, p. 386). Quand le succès de l'un, dû surtout à Bassompierre, s'il falloit en croire ce que dit Tallemant (1re édit., t. III, p. 18), eut remplacé le succès de l'autre, le cours de la porte Saint-Antoine ne fut pourtant pas tout à fait abandonné; chacun eut sa saison. Quelle étoit celle de l'un, quelle étoit celle de l'autre? C'est ce que tout homme du bel air ne devoit pas se permettre d'ignorer; aussi proposoit-on, dans les Loix de la galanterie (édit. L. Lalanne, p. 20), de dresser un Almamach où «les vrais galands» eussent vu, entre autres choses, «quand commence le cours hors la porte Saint-Antoine et quand c'est que celuy de la reyne-mère a la vogue.» Vers 1672 le cours de la porte Saint-Antoine fut définitivement délaissé, les promeneurs restèrent dans la ville, lorsque, par un arrêt du 7 septembre de cette année-là et par un autre du 11 mars 1671, il eut été décidé qu'un nouveau cours seroit dressé et planté à quatre rangées d'ormes, à partir de la porte Saint-Antoine jusqu'à la porte Saint-Martin. C'est aujourd'hui le boulevard. (Germain Brice, Description de Paris, 1752, in-8, t. II, p. 242.)

165: C'est du jardin de l'Arsenal qu'il doit être ici question. Il régnoit en effet, dit G. Brice (t. II, p. 296), «sur le fossé de la ville», et avoit par conséquent vue sur le Cours. De toutes les parties de l'Arsenal, c'est ce jardin qui occupoit l'espace le plus considérable; aussi Cl. Le Petit disoit-il dans son Paris ridicule:

Le sujet quadre-t-il au nom?
On y compte plus de mille arbres,
Et l'on n'y voit pas un canon.

Les jardins ne manquoient pas d'ailleurs à proximité de ce cours. Un célèbre opérateur de ce temps-là, le dentiste Dupont, dont parle Tallemant (édit. in-12, t. X, p. 136), en avoit ouvert un à la Roquette, qui fut le Pré-Catelan du 17e siècle. Il y donnoit des fêtes publiques, avec danses, feu d'artifice, etc. Les piétons payoient une livre, les carrosses en payoient deux. C'étoit trop cher, il fut forcé de diminuer ses prix de moitié. (V. Loret, juin 1664.)

166: Cest-à-dire le muguet qui lui fait la cour. Ce mot rocantin avoit des sens bien différents: il signifoit tantôt une espèce de chanson, tantôt un jeune beau à la mode; plus tard, quand les galants qu'il avoit servi à désigner eurent vieilli sans cesser de vouloir plaire encore, il partagea leur ridicule. On n'employa plus le mot rocantin sans le faire précéder de l'épithète de vieux, et il devint ainsi le synonyme de vieux fat.

167: Marie de Médicis et Anne d'Autriche. Quand le roi étoit à Saint-Maur, celle-ci, pour l'aller trouver, suivoit le Cours, et tous les prisonniers alors dans la Bastille montoient à la terrasse pour la regarder passer. Souvent il s'en trouvoit qui étoient là pour son service, et elle tâchoit, par quelque bon regard, de les consoler de cette captivité dont elle étoit la cause. La Porte fut dans ce cas, et voici ce qu'il raconte: «La reine vint à Paris, et passa par la porte Saint-Antoine, pour aller trouver le roi à Saint-Maur; de quoi ayant été averti, je montai sur les tours pour la voir passer. Aussitôt qu'elle m'aperçut, elle descendit du devant de son carrosse et se mit à la portière pour me faire signe de la main, et me témoigner autant qu'elle pouvoit par ses signes de tête qu'elle étoit contente de moi et de ma conduite.» (Mémoires, anc. édit., p. 182.)

168: On sait que l'usage des dames étoit alors de porter le masque dans les promenades, et que les bourgeoises, en cela comme en toutes choses, s'efforçoient de les singer, (Caquets de l'Accouchée, p. 47, 105.) C'est en France surtout que cette mode étoit répandue; aussi disoit-on en Espagne que c'étoit une mode françoise. (Roman comique, édit. V. Fournel, t. I, p. 49.) Quand les reines passoient, les hommes se découvroient, les dames ôtoient leurs masques.

169: Sur la mode des mouches, V. t. VII, p. 9. etc.

170: On savoit bien que Me Guillaume étoit un bouffon à gages (V. t. VI, p. 129), que, de plus, il vendoit lui-même sur le Pont-Neuf les Pasquils publiés sous son nom (L'Estoile, édit. Michaud, t. II, p. 405); mais on ignoroit qu'à ces métiers il joignît celui de quémandeur chez les seigneurs, et qu'il fît en cela concurrence au comte de Permission (V. t. VIII, p. 81-83).

171: Cela fait allusion aux pasquils qui se publioient sous le nom de Jacques Bonhomme, considéré toujours comme la personnification du peuple souffreteux. (V. t. VI, p. 53, note.) En cette année 1614, et au sujet des troubles dont il est parlé ici, on avoit justement vu paroître une pièce de ce genre. Jacques Bonhomme y étoit donné comme un paysan des campagnes qui avoient eu alors le plus à souffrir. Voici le titre de ce petit livret, qui est rare: Lettre de Jacques Bonhomme, paysan de Beauvoisis, à Mgrs les princes retirés de la cour. Paris, Jean Brunet, 1614, in-8.

172: Il falloit toutefois que Me Guillaume fît en un jour grand débit de ses pasquils pour arriver à gagner une pistole, car il ne les vendoit pas cher. «J'ay, dit L'Estoille (mardy 16 sept. 1606), baillé ce jour à maistre Guillaume, de cinq bouffonneries de sa façon, qu'il portoit et distribuoit luy-mesme, cinq sols; qui ne valent pas cinq deniers, mais qui m'ont fait plus rire que dix sols ne valent.»

173: Sur ce genre d'étoffe, dont on faisoit les habits des pauvres gens, V. t. VII, p. 99.

174: C'est-à-dire qui radote.

175: Le 15 mai 1614, la paix avoit été faite entre le roi et les princes par le traité de Sainte-Menehould.

176: Pour goujarts ou goujats, valets d'armée.

177: Nous avons déjà dit que c'est la Picardie, où s'étoient portées les troupes des princes mécontents, qui avoit le plus souffert.

178: C'est là qu'au mois d'avril les chefs s'étoient rassemblés pour entendre les propositions de paix qui leur étoient faites de la part de la cour. Les soldats cependant ravageoient la campagne et vivoient sur le bonhomme, qui, dévoré par l'un et l'autre parti, ne savoit pas lequel des deux étoit son plus cruel ennemi.

179: M. de Vendôme, qui commandoit dans cette province, avoit été le seul qui n'eût pas souscrit au traité de Sainte-Menehould, sans doute pour se venger des quelques jours de prison qu'on lui avoit fait subir au Louvre, à la première nouvelle des troubles. Il fallut un voyage du roi de ce côté pour que la paix s'y rétablît.

180: Nous publions ce livret d'après l'un des 70 exemplaires de la réimpression faite à Chartres, chez Garnier, en août 1847, par les soins de M. Gr. Duplessis. Réimprimer cet opuscule à Chartres, c'étoit le faire renaître où il étoit né; les personnages qui y jouent un rôle sont Chartrains, on le verra bien à leur langage, et l'auteur lui-même étoit, ou peu s'en faut, leur compatriote. D'après la découverte un peu tardive qu'en a faite M. Duplessis, il se nommoit François Pedoüe, et il étoit chanoine de Chartres. Né à Paris en 1603, il appartenoit à la Beauce par la famille de sa mère, Françoise de Tranchillon, sœur de M. d'Armenonville. Il fit ses études à La Fèche, chez les jésuites, et obtint, n'ayant que vingt ans, par les soins du premier cardinal de Retz, la prébende à la cathédrale de Chartres, dont il prit possession en 1623. Il n'étoit pas encore prêtre, et pendant douze ans il ne fit rien d'un prêtre. En 1626 il publia, chez Peigné, à Chartres, un recueil de poésies fort mondaines dont M. Duplessis a vu un des rares exemplaires chez un bibliophile chartrain. C'est en 1631 qu'il donna Le Bourgeois poli, qu'on ne croiroit certes pas avoir été écrit par une plume ecclésiastique. Mais Fr. Pedoüe, alors, n'étoit qu'un petit maître «vestu de satin, est-il dit dans sa vie manuscrite par le chanoine Lefebvre, portant point coupé à son rabat, escorté de deux laquais, dont il avoit appelé l'un Tant-Pis et l'autre Tant-Mieux, enfin général de l'ordre des chevaliers de Sans-Souci», dont il avoit été le fondateur, ajoute M. Duplessis. Le chanoine Lefebvre dit quelques mots du livret que nous reproduisons ici et du succès qu'il obtint dans toutes les classes de la société. Il parle «d'un de ses ouvrages, entre autres, intitulé Le Bourgeois poli, dans lequel étoit représenté au nayf toutes les conditions; et il n'y avoit ni petit ni grand qui n'en fust garni». Pédoüe donna plus tard un sérieux démenti aux dissipations et aux œuvres frivoles de sa jeunesse: «Les grands services qu'il a rendus à la cité, en qualité d'échevin, dit M. Duplessis, son rôle de négociateur et de pacificateur dans les sanglantes querelles des nobles et des bourgeois en 1651, les œuvres de charité qu'il a fondées, et dont la principale subsiste encore après plus de deux cents ans, l'austérité des trente dernières années de sa vie, le zèle infatigable avec lequel il s'est dévoué aux choses de son ministère, tels sont les titres sérieux qui le recommandent à la postérité chartraine.»

181: On fit, au 17e siècle, un grand nombre d'ouvrages sur la bienséance, le bien dire, etc., où l'on pouvoit constater les progrès que l'art de la politesse avoit faits depuis le moyen âge, qui n'avoit eu guère pour Code d'urbanité que la Dictiée d'Urbain et les Contenances de table. Au 16e siècle, en outre de la Civile honnesteté, imprimée pour la première fois en 1560, un Traité de civilité puérile, par Saliat, avoit été publié à Paris, chez Simon de Colines, d'après le petit livret en latin écrit sur le même sujet: le Quos decet, par exemple, relatif aux usages de la table; les Dialogues de Mathurin Cordier, et le livre d'Erasme sur la Civilité morale. On donna de celui-ci un grand nombre de traductions. Malherbe en cite une qu'il avoit vue affichée, et dont l'auteur étoit un petit garçon de douze ans. Il se moque du bambin traducteur, et par contrecoup d'Erasme, qu'il n'admet pas pour juge en ces matières: «Je ne sçaurois croire, écrit-il, qu'Erasme sût que c'est de civilité, non plus que Lipse sait que c'est que de police. Je serois bien aise de voir un premier gentilhomme de la chambre écrire du premier point, et un roi du second; ils en parleroient, à mon avis, plus pertinemment que des pédants, et ce seroit ces livres-là que j'achèterois très volontiers, comme faits par des gens du métier.» Malherbe dit tout cela dans sa lettre à Peirèsc, du 10 octobre 1613, à propos d'un livre des Civilités puériles dont celui-ci avoit entendu parler à Aix, et sur lequel il désiroit des renseignements. C'étoit sans doute une nouvelle édition du livre de Saliat, cité tout à l'heure. Les éditions des ouvrages de ce genre se multiplioient à l'infini: le livre d'Antoine Courtin, Nouveau Traité de la civilité qui se pratique en France, parmi les honnestes gens, en étoit à sa onzième en 1678; et Dieu sait à quel chiffre en sont arrivées celles de la Civilité puérile et honneste que le P. Lasalle, instituteur des frères des écoles chrétiennes, publia pour la première fois en 1713, et qui, depuis lors, n'a rien changé ni à son texte, ni à son caractère. (Dibdin, Voyages bibliogr. en France, t. II, p. 71.) Nous citerons encore, parmi les livres de ce genre publiés aux derniers siècles, le Nouveau Traité de civilité françoise, Paris, 1695, in-8; les Eléments d'instruction de Blégny, Paris, 1691; Instruction chrétienne, 1760; et pour beaucoup d'autres nous renverrons à une longue note du Palais Mazarin, 293-297. Pour le caractère dit de civilité, qui est spécial au plus populaire de ces petits livres, nous conseillerons de lire ce qu'en a écrit M. J. Pichon, Mélanges de littérature et d'histoire, publiés par la Société des bibliophiles françois, p. 330-337.

182: Mot se dit dans le commerce du prix qu'on demande d'une marchandise et de l'offre qu'on en fait. (Trévoux.)

183: Idiotisme chartrain pour ne nous livrerons plus rien. Amar est un mot celtique qui se retrouve dans le bas breton, et dont, par une extension de sens, on a fait le verbe amarrer. (Falconnet, Mém. de l'Acad. des Inscript., p. 10.)

184: Trompés. Affronteur se disoit pour un faiseur de dupes. (V. Charron, La Sagesse, liv. I, ch. 16.)

185: Partager. V. plus loin, p. 177, note.

186: On disoit d'une étoffe de soie, peluche, velours, ou satin, qu'elle étoit à deux ou trois poils, selon le nombre des lignes jaunes marquées sur la lisière. Celles qui en portoient trois étoient les plus belles. Par extension, on disoit pour un vrai brave, en qui se trouvoit l'étoffe d'un courage sans mélange, que c'étoit un brave à trois poils.

187: Barguigner. Ce mot ne se prit d'abord que dans le sens de marchander, qu'on lui donne ici. (R. Spifame, Dicæarchiæ Henrici regis progymnasmata, arrest 224e, et Rabelais, édit. Burgaud, t. 2, p. 68.) On trouve dans une ordonnance de taxe du temps de Chartes VI: «Defense aux barguigneurs de barguigner», c'est-à-dire de marchander avant l'ouverture du marché. (Monteil, Traité des matériaux manuscrits, t. II, p. 306, 307.) Il se retrouve dans la 91e des Cent Nouvelles nouvelles, et en anglais to bargain signifie encore marchander. L'origine de ce mot vient, selon quelques-uns, d'une métaphore employée au jeu de l'Oie. (Biblioth. de l'Ecole des Chartes, 3e série, t. II, p. 304.)

188: C'est-à-dire qui prennent des arrangements pour payer. Chevissoire est ici pour chevisance, qui, en terme de palais, signifioit traité, accord.

189: Les draps d'Angleterre avaient alors la vogue, mais ils n'étoient anglais que de nom. Le M. Guillaume de l'Avocat pathelin de Brueys ne ment pas lorsqu'il parle de ses brebis qui lui donnent d'excellente laine d'Angleterre! Le carizi étoit fait avec de la laine de Flandre, et son nom n'est qu'une altération de celui des arazi, étoffes d'Arras, célèbres partout au moyen âge. Dès le 14e siècle, il est parlé en Italie des étoffes appelées arassa (Muratori, t. XVI, col. 583); et l'on sait par le testament de Richard II, que ce roi d'Angleterre portoit, entre autres vêtements, des habits de drap d'Arras. (Rymer, t. III, 4e part., p. 158.) Arras, au XVIe siècle, fournissoit toutes les tapisseries de haute lisse, appelées encore en Italie arazzi, ou panni di rassia. (L. De Laborde, Union des Arts et de l'Industrie, t. 2, p. 435.)

190: L'étain est la partie la plus fine de la laine cardée.

191: est un vieux mot qui signifie largeur. Il ne s'emploie plus que dans ce sens. Chaque fabrique avoit son pour les draps, c'est-à-dire sa largeur entre les deux lisières. Pathelin demande à maistre Guillaume, pour son drap: «Quel lé a-t-il?» et l'autre répond: «Lé de Brucelle.»

192: Dans l'ancienne médecine, être tranché se disoit pour avoir des coliques, des tranchées.

193: Une femme qui vous harasse, vous fatigue.

194: Je ne sais ce que ce mot veut dire au juste. La phrase doit, toutefois, signifier: «Elle a esté trois ans comme si elle n'avoit eu de mère.» Orfente signifioit orpheline; c'étoit, dit Borel, comme qui diroit orphelinette.

195: Ou ça mon, interjection populaire que nous avons déjà souvent rencontrée.

196: Sur ces accointances des maîtres et des chambrières, scandale si fréquent alors, V. t. I, p. 313, 320, et aussi la vingt-neuvième pièce du t. III, p. 343. Il y est question d'une aventure qui avoit réellement eu lieu à Bordeaux, comme nous l'avons appris depuis par un passage de Tallemant, édit. in-12, t. II, p. 139.

197: «J'ay ouy dire maintes fois qu'un homme est marqué à l'A quand on le veut qualifier très homme de bien; et si je sçavois bien que cela estoit emprunté des monnoyes... En toutes les villes esquelles il est permis de forger monnoies, on les marque par l'ordre abécédaire, selon leurs primautez... Paris, pour estre la métropolitaine de la France, est la première, et pour ceste cause la monnoye que l'on y forge est marquée à l'A... On y a tousjours fait monnoye de meilleur aloy et poids qu'ès autres villes: qui a donné lieu à cest adage.» (Pasquier, Recherches de la France, liv. VIII, ch. 23.)

198: C'étoit alors un proverbe dont nous avons déjà trouvé une variante (t. IV, p. 9). Molière l'a employé, tel qu'il est ici, à la scène 3e du 3e acte du Médecin malgré lui. G. Bouchet avoit dit, dans sa 3e sérée: «Et ne faut point faire du cholère ou mauvais, car là où la chèvre est attachée, il faut qu'elle broute: c'est-à-dire que le mal qu'on a avec sa femme est domestique et nécessaire.»

199: Partager, du latin partiri. Nous disons encore avoir maille à partir, pour avoir argent à partager, et, par extension, querelle à craindre, l'un ne manquant jamais d'amener l'autre.

200: C'est-à-dire nous vous ayons bien ennuyée, nous vous avons bien été à charge, comme on dit encore dans quelques provinces.

201: Parmi les Lettres de Montreuil il s'en trouve une à son boucher, maître Olivier, qui fait voir que de tout temps on a promis aux chalands de la bonne viande, sans jamais leur en livrer.

202: Nache, du latin nates, c'est la fesse; du derrière me semble faire pléonasme en pareil cas.

203: C'est-à-dire de celle qui se vend à la criée.

204: C'est ce que Molière, dans Georges Dandin, fait dire par Lubin à Claudine.

205: Jusqu'au temps de Molière, on le sait, ce fut l'expression admise, le mot propre. Sur la fin du règne de Louis XIV, on s'avisa de le trouver malséant, et il fut décidé qu'on lui substitueroit le mot remède. Le roi, sur les observations du Père Le Tellier, ne se permit plus que cette dernière expression; et s'il faut en croire Mirabeau, en son Erotica Biblion, l'Académie françoise eut ordre de l'insérer dans son dictionnaire avec cette nouvelle acception.

206: On ne voyoit même pas toujours quel étoit l'opérateur. La belle veuve Mme Grasset, perle de l'île Saint-Louis, entretenoit sa fraîcheur par des remèdes dulcifiants. Un matin qu'elle étoit en position de s'en faire administrer un par Louison sa servante, celle-ci, déjà tout armée, s'aperçut qu'il manquoit un peu de lait clarifié dans la dose prescrite par M. Renard le medecin, et à tout petit bruit elle courut à la cuisine, sans que sa maîtresse, qui, le nez dans la ruelle, ne pouvoit la voir, remarquât seulement son absence. Mme Grasset avoit deux prétendants, M. de Lorme et M. d'Argencourt, son neveu. C'est celui-ci qui arriva sur ces entrefaites. Mme Grasset crut que c'étoit Louison, et quand, tout ému, il eut pris l'arme abandonnée, et qu'il l'eut braquée, avec une justesse que son trouble ne sembloit pas permettre, elle continua de croire que le service lui étoit rendu par la main exercée de sa servante. Une lettre du jeune homme vint, à sa grande confusion, la détromper le lendemain. Il commençoit par demander pardon de son bon office, puis il en réclamoit le salaire, en disant qu'il mourroit s'il ne l'obtenoit pas, après avoir eu le malheur de le mériter. Son aventure, ajoutoit-il, rappeloit celle d'Actéon, qui, s'il n'eût été métamorphosé, seroit mort du désir de revoir, après avoir vu. Mme Grasset n'avoit rien de la déesse Diane, surtout la cruauté. Elle épousa M. d'Argencourt. Cette aventure, qui arriva réellement, comme on peut le voir dans une note de Saint-Simon sur Dangeau, fut mise en nouvelle. Elle parut en 1678, sous le titre de: L'Apothicaire de qualité, qui plus tard, quand on l'imprima dans les recueils, se changea en celui de: Le Mousquetaire à genoux. On ajoutoit: nouvelle françoise et tout à fait bourgeoise, afin de dépayser les curieux au sujet des personnages, qui étoient du grand monde. La Bibliothèque des romans l'a reproduite dans son 2e volume d'avril 1777, p. 144-157.

207: Vous aurez bien de la peine. On disoit plus souvent, dans ce sens, suer d'ahan. Plus anciennement, on avoit dit en hanner, comme on le voit dans la vieille traduction françoise des Dialogues de saint Grégoire (Biblioth. imp., fonds Notre-Dame, no 210 bis, fol. 115). Les hommes employés aux corvées, qui, en bas-breton, s'appellent anez, étoient désignés par le mot de ahaniers (Froissart, édit. du Panthéon littér., t. II, p. 339). Aujourd'hui encore, dans l'Orléanais, dans le Lyonnais, etc., ceux qui ramassent les immondices s'appellent des âniers.

208: Grêle se prenoit proverbialement dans le sens de malheur. On dit encore, dans quelques provinces: c'est la grêle, pour: c'est malheureux; et, dès le dix-septième siècle, avoir l'air grêlé signifioit: avoir l'air misérable. (V. Destouches, Le Glorieux, acte IV, sc. 7.)

209: S'éloigner. Je trouve ce mot employé, avec le même sens, par Estienne Pasquier, liv. I, lettre 3.

210: Mécanique, d'après le dictionnaire de Richelet et de Trévoux, se disoit pour un homme bas, vilain, avare. Montaigne (liv. III, ch. 6) avoit employé ce mot dans un sens à peu près semblable.

211: Dans l'Orléanais, on dit encore, avec le même sens: avoir une couée d'enfants.

212: C'étoit, à ce qu'il paroît, une façon de parler à la mode. Malherbe, dans la chanson que lui prit Gaultier-Garguille, l'a prêtée à Robinette. (V. notre édit. des Chansons de Gaultier-Garguille, p. 74.)

213: Il s'agit des livres dont nous avons parlé plus haut, note 2, et notamment des ouvrages de Nervèze. Une coquette des chansons de Gaultier-Garguille répond aux galanteries de son amant:

Je cognois à vos beaux discours
Que vous lisez Nervèze.

(V. notre édit., p. 98, note.)

214: C'est un mot encore employé dans l'Orléanais, avec le sens de remuant, affairé.

215: Dans le sens de: quoique. Cette expression, fort employée au 16e siècle et au commencement du 17e (V. Des Périers, 1735, in-12, t. I, p. 18), fut proscrite par l'Académie dans ses Observations sur Vaugelas.

216: Ce mot étoit un provincialisme que Furetière ne dédaigna pas de ramasser. Les lexicographes de Trévoux le lui prirent, en demandant où il l'avoit trouvé. C'étoit peut-être dans cette pièce. Voici l'exemple qu'il cite: «Cette femme est allée à la presse: ses habits, son linge, ont été foupis

217: Ces interminables façons étoient de l'étiquette du temps. Je trouve dans un des petits livres de Réponses et réparties, qui étoient alors le vade-mecum de la politesse, un exemple en action de ces sortes de scènes de réception. On vous prie de passer le premier: «Ne m'empêchez pas, je vous prie, dites-vous, de vous rendre les devoirs que je vous dois.» A nouvelles instances, résistance nouvelle, et vous dites: «N'insistez pas, Monsieur, et gardez le pouvoir que vous avez sur moi pour une autre occasion.» Il faut pourtant céder; vous ne le faites qu'en courbant la tête: «Eh bien! soit, Monsieur, dites-vous, car je vous honore trop pour en appeler de vos ordonnances.» S'il vous plaît d'employer une variante pour ce compliment, vous dites: «Que cela soit ainsi, car si je ne savois pas vous obéir, je ne serois pas votre serviteur.»

218: C'étoit un compliment bourgeois, dont Caillières conseille à la bonne compagnie de se garder: «Il est vray, fait-il dire au commandeur, qu'il ne suffit pas de sçavoir les bonnes façons de parler pour s'en servir: il faut connoître les mauvaises pour les éviter, surtout certains dictons, qui font l'ornement des discours de la bourgeoisie, et dont M. Thibault nous a donné un exemple lorsqu'il a dit à madame qu'il vaut mieux être incivil qu'importun.» (Du bon et du mauvais usage dans les manières de s'exprimer. Paris, 1693, in-8, p. 114.) Molière, à qui rien n'échappoit, n'a pas manqué de mettre cette banalité bourgeoise dans la bouche de M. Jourdain (Bourgeois gentilhomme, acte III, sc. 4). C'est un trait de caractère que les commentateurs auroient bien fait de remarquer au passage. Il y avoit, du reste, longtemps que ce lieu commun poli circuloit dans la bourgeoisie française et anglaise. Ecoutez Stander dans les Joyeuses commères de Windsor; après un assaut de politesse, il dit à mistress Page la même chose: «I'll rather be unmannnerly than troublesome.»

219: L'auteur de l'excellente Histoire des anciennes corporations d'arts et métiers de la ville de Rouen, etc., Rouen, 1850, in-8, M. l'abbé Ouin-Lacroix, n'a eu connaissance ni de cette pièce fort intéressante, ni même de la curieuse affaire dans le dossier de laquelle il faut la placer.—Le débat eut lieu, comme on le verra, en 1773. Quelques années auparavant, il s'en étoit élevé un tout semblable à Paris: les perruquiers-barbiers d'un côté, et, de l'autre, les coiffeurs des dames étoient aussi en présence. La cause, portée à la grand'chambre dans les premiers jours de janvier 1769, fut gagnée par les coiffeurs des dames. «Les grâces, dirent alors les Mémoires secrets (t. IV, p. 216), ont triomphé du monstre de la chicane.» Le procureur Bigot de la Boissière avoit fait en faveur du parti qui eut gain de cause un mémoire fort plaisant, qui, «répandu à profusion, fit l'entretien du jour.» Le tribunal, qui tenoit à ne pas rire, fit supprimer le mémoire. Malgré cette suppression, il est bien moins rare que celui que nous publions ici. Il a été réimprimé dans un charmant recueil du temps (Causes amusantes et connues, 1769, in-12, t. I, p. 367-390.)—Il existe sur cette même affaire une pièce anonyme en assez jolis vers sous ce titre: Les coeffeurs des dames contre ceux des messieurs, 1769, in-8.

220: En 1686, la corporation des enjoliveuses ou modistes, comme nous dirions aujourd'hui, avoit obtenu du parlement de Normandie le privilége exclusif des ouvrages de cheveux.

221: A Paris, les prétentions avoient été les mêmes: «Les maîtres barbiers-perruquiers, dit Bigot de la Boissière, sont accourus avec des têtes de bois à la main; ils ont eu l'indiscrétion de prétendre que c'étoit à eux de coiffer celles des dames. Ils ont abusé d'arrêts qui nous sont étrangers, pour faire emprisonner plusieurs d'entre nous; ils nous tiennent, en quelque sorte, le rasoir sous la gorge.» (Causes amusantes, t. I, p. 367.)

222: C'est ce que dit aussi Me Bigot de la Boissière en faveur de ses clients; mais s'il parloit pour nos clientes, il auroit bien mieux raison: «Le coiffeur d'une dame est, dit-il, en quelque sorte le premier officier de sa toilette; il la trouve sortant des bras du repos, les yeux encore à demi fermés, et leur vivacité comme enchaînée par les impressions d'un sommeil qui est à peine évanoui. C'est dans les mains de cet artiste, c'est au milieu des influences de son art, que la rose s'épanouit en quelque sorte, et se revêt de son éclat le plus beau. Mais il faut que l'artiste respecte son ouvrage; que, placé si près, par son service, il ne perde pas de vue l'intervalle quelquefois immense que la différence des états établit; qu'il ait assez de goût pour sentir les impressions que son art doit faire, et assez de prudence pour les regarder comme étrangères à lui.»

223: Me Bigot ne plaidoit pas pour des artistes femmes, mais il ne mit pas moins de grâce à décrire la délicatesse de leurs travaux capillaires, et à ravaler ceux de leurs antagonistes: «La profession de perruquier, s'écrie-t-il, appartient aux arts méchaniques; la profession de coiffeur des dames appartient aux arts libéraux... L'art des coeffeurs des dames, dit-il encore, est un art qui tient au génie.» Puis il se plaît à décrire les nuances de talent qui y sont nécessaires: «L'accommodage se varie suivant les situations différentes. La coiffure de l'entrevue n'est pas celle du mariage, et celle du mariage n'est pas celle du lendemain. L'art de coiffer la prude et de laisser percer les prétentions sans les annoncer, celui d'afficher la coquette et de faire de la mère la sœur aînée de la fille; d'assortir le genre aux affections de l'âme, qu'il faut quelquefois deviner; au désir de plaire, qui se manifeste; à la langueur du maintien, qui ne veut qu'intéresser; à la vivacité, qui ne veut pas qu'on lui résiste; d'établir des nouveautés, de seconder le caprice, et de le maîtriser quelquefois: tout cela demande une intelligence qui n'est pas commune et un tact pour lequel il faut en quelque sorte être né.»

224: M. Ouin-Lacroix mentionne les lettres-patentes de Henri III, mais sans en dire la date. Il ne parle pas des statuts de 1478.

225: Suivant M. Ouin-Lacroix, il y auroit eu encore un autre règlement en 1711.

226: Elles avoient même le privilége de fabriquer les liens de chapeaux et de garnir les bonnets avec de la fourrure. Les chapeliers réclamèrent inutilement en 1669, et les fourreurs en pure perte aussi sept ans après. (Ouin-Lacroix, p. 124.)

227: A Paris, les perruquiers avoient seuls ce dernier privilége, et Me Bigot en prend occasion pour les railler encore: «Tondre une tête, acheter sa dépouille, donner à des cheveux qui n'ont plus de vie la courbe nécessaire avec le fer et le feu; les tresser, les disposer sur un simulacre de bois, employer le secours du marteau, comme celui du peigne, mettre sur la tête d'un marquis la chevelure d'un savoyard, et quelquefois pis encore; se faire payer bien cher la métamorphose... ce ne sont là que des fonctions purement méchaniques, et qui n'ont aucun rapport nécessaire avec l'art...»

228: Entre cet arrêt de 1752 et les lettres-patentes de 1772, il avoit été rendu un jugement que l'avocat des coiffeuses de Rouen auroit pu invoquer, s'il l'eût connu. C'étoit une sentence du parlement d'Aix, du 20 juin 1761, dans un procès semblable intenté par les perruquiers-barbiers de Marseille aux coiffeurs des dames de la même ville. Ceux-ci avoient eu gain de cause.

229: Ce bureau étoit au couvent des Carmes, où la corporation des coiffeurs étoit placée sous l'invocation de Notre-Dame-de-Recouvrance.

230: Les barbiers, comme on sait, étoient aussi chirurgiens, et les chirurgiens barbiers, «par la raison, dit M. de Paulmy, qu'il falloit que celui qui se trouvoit continuellement dans le cas de faire quelque blessure sût au moins les guérir.» Quand l'art de la chirurgie eut été honoré, au 17e et au 18e siècle, de nombreuses distinctions, on dédaigna de s'y abaisser au métier vulgaire de la barberie, et «surtout de l'accommodage des cheveux». Ce fut désormais, à Paris du moins, la profession spéciale des barbiers. Ils n'eurent plus rien de commun avec les chirurgiens, sauf sur un point. Le premier chirurgien du roi, qui étoit en même temps son premier barbier, resta chef de la barberie et de la chirurgie réunies, ce qui lui permit de ne pas renoncer à ses honoraires sur les deux communautés. (Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, t. XXXII, p. 270.)

231: Je ne sais quel fut le résultat de ce mémoire. Il est probable qu'il fit accorder gain de cause aux coiffeurs. Ce seroit, autrement, la seule affaire de ce genre, à cette époque, où les perruquiers l'auroient emporté. Il y avoit longtemps qu'ils se targuoient, mais sans plus de succès, de prétentions semblables. En 1724, les perruquiers de Rhétel avoient été jusqu'à faire un procès au barbier du bourg de Vouzy-sur-Aisne, parce que, disoient-ils, l'existence de tout barbier de village étoit une illégalité. Les habitants de la campagne, tout éloignés qu'ils fussent des villes, n'avoient pas, à les entendre, le droit de se faire faire la barbe, ni les cheveux, ni de faire poudrer leurs perruques. Ils devoient, de par la loi, ne se faire accommoder qu'à la ville, sous peine de porter une perruque hérissée, sans poudre, et une barbe de capucin. Par arrêt du 4 septembre 1724, la Cour de Rhétel débouta de leur prétention ces monopoleurs des barbes et des perruques villageoises. (Causes amusantes, t. II, p. 257-272.)—Quant au procès intenté par les perruquiers de Paris contre les coeffeurs des dames, ce furent encore une fois ceux-ci qui le gagnèrent (V. p. 215, note). Le rimeur qui s'etoit fait le rapporteur poétique de l'affaire les félicita de ce succès dans la pièce que j'ai indiquée plus haut (p. 216, note):

Thémis, qui n'a d'autre toilette
Qu'un siége illustre, où ses arrêts
Des Dieux même sont les décrets,
Par la vois de leur interprète
Des mains des tyrans perruquiers
Nous a délivrés par huissiers,
Et notre victoire est complète,
Le prevost, le garde et syndic
Barberie et perruquerie
Le sergent de la confrairie,
Ne se coefferont plus du tic
D'encoffrer notre coefferie.
Et chacun fera son trafic.

Par cette même pièce on apprend qu'en outre des coiffeurs de dames il y avoit aussi à Paris, comme à Rouen, des coiffeuses, qui partagèrent le succès de leurs confrères. Si ce métier leur eût fait défaut, elles s'en fussent consolées vite; elles n'en manquaient pas d'autres. Voici ce qu'en dit le poëte des coiffeuses, comme s'il étoit coiffeur lui-même:

Une étrangère ne fait pas
Sur le rempart le moindre pas
Que nos sœurs n'en soient enquesteuses.
Un élégant peigne en leurs mains
Se change en charmant caducée;
Les cœurs féminins sont humains,
Une coiffeuse est si rusée:
«—Eh bien! que pense-t-il de moi,
Lindor, dont tu parles sans cesse?
—Madame, sa noble tendresse
Ne peut vous inspirer d'effroi;
Il vous offre son pur hommage.
—Comment me trouve-t-il?—Au mieux,
A miracle, et, sans persifflage,
Il proteste que vos beaux yeux...
—Est-il riche?—Il donne équipage,
Maison montée, et, pour raison,
L'aimable petite maison.
—Achève ton accommodage!»
Ainsi nos sœurs dans ce canton
Font plus d'un galant personnage:
Coeffant les dames du bon ton
Et les nymphes du bel usage,
Officieuses de Cupidon
Et faiseuses de mariages
Par devant le dieu du plaisir
Et son confrère le Désir.

232: Il y avoit, depuis le 14e siècle, un marché au vieux cimetière Saint-Jean. Depuis quelques années, la construction «de fort beaux logis qui rendoient de grands revenus à la fabrique de Saint-Gervais», comme il est dit dans le supplément aux Antiquités de Paris de Du Breuil, 1639, in-4, p. 59, en avoit un peu diminué l'étendue, mais l'avoit fort embelli.

233: Cette pièce nous a semblé bonne à reproduire, parce qu'elle est le véritable Catéchisme des poissardes, au commencement du règne de Louis XIV. Elle suffiroit à prouver que le genre poissard n'a eu pour créateur ni l'auteur de Madame Engueule, ou Les accords poissards, comédie-parade, 1754, ni l'illustre Vadé. Voisenon, d'ailleurs, avoit déjà contesté à celui-ci cette noble gloire. (V. ses Œuvres, t. IV, p. 72.) Au temps des Valois, il étoit déjà de bon ton, comme au temps de Louis XV, de bien entendre le langage de la place Maubert. Catherine de Médicis y excelloit: «La royne-mère, lit-on dans le Scaligerana (1667, in-12, p. 46), parloit aussi bien son goffe parisien qu'une revendeuse de la place Maubert, et l'on n'eust point dit qu'elle estoit Italienne.» On disoit quelquefois goiffe pour gof, quand on parloit de ce langage populaire (V. le fragment d'une lettre inédite de Maynard, dans le catalogue des autogr. de M. Ch...; janv. 1856, p. 20). J'étois porté à croire que de goiffe on avoit fait goiffeur, puis goipeur; mais ce dernier mot, qui désigne, comme on sait, un viveur, dérive plutôt du mot espagnol, dont il est ainsi question dans les Mélanges d'histoire et de littérature de Vigneul-Marville (1re édit., p. 325): «Il y a en Espagne de jeunes seigneurs appelés guaps, qui ont rapport à nos petits-maîtres. Guap, en espagnol, veut dire brave, galant, fanfaron

234: C'est, on le voit, tout à fait le style poissard. La rime, c'est-à-dire l'assonnance, n'y manque même pas.

235: Voilà un calembour qui a été repris bien souvent. M. de Bièvre fut le premier plagiaire.

236: Montmartre et les poissardes furent toujours de vieilles connaissances. Un des ouvrages classiques du genre poissard est daté de ce sot mont: ce sont les Lettres écrites de Montmartre par Jeannot Georgin (Ant.-Urbain Coustelier). Londres, 1750, in-12.

237: Lisez empreuf et deux, comme nous le trouvons dans une pièce de l'Ancien théâtre (t. III, p. 54), ou plutôt encore empreu et deux, comme dans la Farce de Pathelin (édit. 1662, p. 21). Cette locution, qui se trouve aussi dans le Ménagier de Paris (t. I, p. 141), étoit la manière de compter en usage autrefois. On l'avoit empruntée aux écoliers. Quand ils tiroient au sort, au commencement d'une partie de jeu, ils disoient, pour le premier sorti, empereur. C'étoit le terme classique. Empreu est une abréviation, qui en a amené une autre, qu'on emploie toujours. Dans toute partie de lycéens, celui qui joue le premier est le preu. Le nom de preux donné aux meilleurs chevaliers vient peut-être aussi de ce qu'ils étoient les premiers, les preux en courage.

238: Le vocabulaire de ces dames n'avoit pas été refait depuis la harangère du Petit-Pont, qui combattit le régent à belles injures: «Va, va, lui dit-elle, porte ton liard aux tripes.» (Œuvres de Bon. Des Periers, édit L. Lacour, I, 224.)

239: Ce mot étoit alors une injure, comme on voit. Il ne se prenoit pas encore pour marchand des halles, il étoit synonyme de vaurien, voleur. C'est d'ailleurs le sens qu'il avoit déjà du temps de Roger de Collerye (V. ses Œuvres, édit. Ch. d'Héricault, p. 272), et de Jacques du Bois (Jacobus Sylvius), qui, dans son Isagoge (1581, in-4, p. 4), dit positivement que poissard se disoit pour voleur (pro fure); à cause de cela, il le fait venir de picare, mot latin, dont les dérivés sont notre verbe picorer et le picaro espagnol. Les voleurs antiques se poissoient les mains, afin de saisir les pièces d'argent au simple toucher. (V. Martial, liv. VIII, épigr. 59.) C'est ce qui avait fait donner au verbe picare (poisser) le sens que nous lui trouvons, et que le mot poissard perpétua si longtemps chez nous. (V. encore notre article sur ce mot dans l'Encyclopédie du XIXe siècle, t. XIX, p. 711.)

240: Cette façon de prononcer, en faisant sonner un a au lieu d'un e, étoit purement parisienne au 16e siècle: «Vela pourquoy vous voulez avoir un sarment», fait dire Henri Estienne à Philosaune; à quoi Celtophile répond: «Pardonnez-moy, je ne pense ni à sarment, ni à vigne.—Philos.: J'ay dit sarment pour serment; c'est un petit parisianisme de la place Maubart.» (Deux Dialogues du nouveau langage françois italianisé, p. 398.)

241: Ces mots: de neige, mis à la suite d'un autre, étoient une sorte de particule méprisante. Quand, dans le Dépit amoureux (acte IV, sc. 5), Gros-René rend à Marinette «son beau galant de neige», il veut faire voir à sa maîtresse le peu de cas qu'il fait du cadeau, qu'il lui rejette au nez, et non pas, comme on le croit, lui rappeler la couleur de ce nœud de ruban. Cela ne veut, d'aucune façon, dire que ce galant est de couleur de neige; aussi, tous les Gros-René de la Comédie-Française, qui se croient obligés de se mettre invariablement un pompon blanc sur l'oreille, feroient bien de ne plus s'en tenir à cette cocarde.

242: Le godenot, dit Richelet, étoit le petit marmouset de bois dont se servoient les joueurs de gobelet. On en avoit fait un mot satirique, à l'adresse de tous les faiseurs de tours de passe-passe, quel que fût leur métier, qu'ils fussent procureurs ou prédicateurs: c'est à ceux-ci surtout que le mot s'appliquoit. (V., parmi les mazarinades, L'Enfer burlesque, 1649, in-4, et Le Rabais du pain, 1649, in-4.)

243: V., sur ce type alors populaire, t. 3, p. 273.

244: Cette pièce se rapporte à un événement singulier qui intéresse, comme on le verra, plutôt la paléontologie que l'histoire: étrange problème, dont la solution s'est fait attendre plus de deux siècles, de 1613 à 1835, et qui aboutit, en fin de compte, à faire restituer à un mastodonte des ossements que pendant deux cents ans on avoit prêtés à un géant imaginaire!—La découverte eut lieu le 11 janvier 1613, dans le Bas-Dauphiné, à quatre lieues de Romans. Des ouvriers qui travailloient dans une sablonnière voisine du château de Chaumont, propriété du marquis de Langon, y trouvèrent, à 17 ou 18 pieds de profondeur, un certain nombre d'ossements de grande dimension: le col de l'omoplate, deux vertèbres, la tête de l'humérus, un fragment de côte, le gros tibia, l'astragale, le calcanéum, et enfin deux mandibules, l'une avec une seule dent, l'autre avec une dent entière, les racines de deux autres de devant, et les fragments de deux dents rompues. La découverte, déjà importante, l'eût été davantage si quelques ossements n'eussent été brisés par les ouvriers ou ne fussent tombés en poussière sitôt qu'ils avoient été exposés à l'air. Aujourd'hui la science ne tarderoit pas à s'emparer de pareilles dépouilles; alors ce fut l'ignorance et le charlatanisme qui firent main-basse dessus. Les fables commencèrent à circuler; on parla d'un tombeau où les ossements auroient été découverts, mais dont on ne retrouva jamais la moindre trace; de médailles de Marius mêlées aux débris, et enfin d'une inscription sur pierre dure portant ces mots: Theutobochus rex. Qui donc aidoit surtout à propager ces contes? Deux individus qui s'étoient tout d'abord donné un intérêt dans l'affaire: Mazuyer, chirurgien à Beaurepaire, ville des environs, et David Bertrand ou Chenevier, qui y exerçoit les fonctions de notaire. Le chirurgien se croyoit avoir autorité pour attribuer les ossements à qui il lui conviendrait le mieux, et le notaire pour légaliser le certificat de cette belle attribution. Mazuyer eut part au procès-verbal qui fut dressé de la découverte, et qui, selon M. de Blainville (Echo du monde savant, 1835, p. 234), «porte lui-même des marques évidentes de supercherie.» Cet acte est signé de Mazuyer et d'un Guillaume Asselin, sieur de la Gardette, capitaine châtelain, ainsi que de Juvenet, son greffier. Comme il falloit des réclames pour faire connoître au monde l'importante trouvaille où le chirurgien et le notaire avoient placé un si bel espoir de fortune, ils y avisèrent. M. de Blainville, (id., ibid.) est d'avis que ce sont eux qui firent forger les détails contenus dans la brochure ici reproduite, «et la première qui ait été publiée sur ce sujet». Elle fit son effet: ordre vint de la part du roi de faire transporter à Paris les ossements du roi Theutobocus, et on les expédia en toute hâte, sauf «une partie de cuisse et deux dents», qui restèrent entre les mains du marquis de Langon. Ce détail, que nous trouvons dans la Vie de Peiresc, par Requier (1770, in-8, p. 144), n'a pas été connu de M. de Blainville. Le 20 juillet, le mystérieux ossuaire arrivoit à Paris, et l'intendant des médailles et antiques du roi s'empressoit d'en donner un récépissé à Mazuyer et à Bertrand, dit Chenevier, qui s'étoient engagés à restituer le dépôt à M. de Langon dans les dix-huit mois, à moins, toutefois, que Sa Majesté n'en décidât autrement. La Cour étoit alors à Fontainebleau; on y porta les ossements, qui étoient la grande curiosité du jour: «Il y a quelques mois, lisons-nous dans une lettre du P. Millepied au P. Louis Richeome, datée du 8 octobre 1613, qu'on porta de Paris ici, dans la chambre de la reyne, les ossements d'un géant, qu'on disoit être ceux de Teutobotus (sic), roi des Cimbres, décrit par Florus. L'os de la jambe ou de la cuisse étoit de plus de cinq ou six pieds de hauteur, ou d'environ, et de grosseur à proportion. Le roi, les voyant, demanda s'il y avoit eu de si grands hommes. Ayant été répondu que oui: «—Beaucoup de tels sujets feroient une belle armée, dit quelqu'un.—Oui, dit le roi, mais ils auroient bientôt ruiné un pays.» Un fragment de cette lettre, dont le curieux témoignage n'avoit pas encore été, que je sache, invoqué comme preuve de cette histoire, se trouve dans le Dictionnaire historique de M. de Bonnegarde, à l'article Louis XIII (t. III, p. 227-228). Ceux qui avoient répondu oui, à propos de l'existence possible du géant, ne furent pas crus sur parole par tout le monde. Dans la lettre, datée du cabinet du roi, qui fut écrite à M. de Langon pour le remercier de son envoi, on ne sembla pas bien convaincu de l'identité de ces débris avec les restes du roi Theutobocus. On ne la nioit pas positivement, mais on désiroit voir les médailles qui avoient été, disoit-on, trouvées dans le tombeau; et l'on demandoit aussi la partie du squelette restée à Langon. Tout cela, selon nous, impliquoit un doute indirect. Le chirurgien Habicot ne le partageoit pas. Il prit fait et cause pour son confrère le chirurgien Beaurepaire, et il fit paroître, avec une dédicace au roi, sa Gigantostéologie, ou Possibilité des géants. Riolan, qui, en sa qualité de médecin, ne devait pas être d'une opinion que soutenoit la corporation ennemie, riposta tout aussitôt, mais sans se nommer, par sa brochure La Gigantomachie. Réplique du parti contraire: Habicot, ou quelqu'un des siens, publia la Monomachie, sans nom d'auteur; Riolan, piqué, nia plus hardiment. Rien qu'au titre: Imposture découverte des os humains supposés d'un géant (1614, in-8), on sent que sa seconde brochure est beaucoup plus vive et plus nette que la première. Habicot, à court d'arguments, écrit alors à Mazuyer, qui étoit retourné à Beaurepaire, et lui demande en hâte les certificats de la découverte, mais Mazuyer ne s'exécute pas. En juin 1618, il n'avoit pas encore satisfait à la demande d'Habicot. Cependant un nouveau champion étoit entré dans la lice: c'étoit un chirurgien nommé Guillemeau, qui publia, en 1615: Discours apologétique du géant. Riolan, resté sous les armes, mit au jour, trois ans après, la pièce capitale de ce débat, que le temps n'avoit fait qu'envenimer. Après cette nouvelle brochure: Gigantologie, ou Discours sur les géants, 1618, in-8, Habicot n'avoit qu'à s'avouer battu, d'autant mieux que les pièces qu'il attendoit de Mazuyer ne lui étoient pas parvenues. C'est ce qu'il ne fit pas: son Antigigantologie, ou Contre-discours de la grandeur des géants, vint prouver qu'il croyoit plus que jamais à l'infaillibilité de la cause qu'il défendoit. Riolan auroit cependant bien mérité de convaincre tout le monde. Quand il avoit dit, dans son dernier ouvrage, que ces os n'appartenoient pas à un géant, mais à un éléphant ou à une baleine, il avoit été bien près de la vérité. Peiresc avoit aussi été de cet avis. (V. sa Vie par Requier, p. 148.) Ces ossements, suivant lui, étoient ceux d'un éléphant, et il pensoit qu'en ces sortes de découvertes il falloit répéter ce qu'a dit Suétone de débris semblables trouvés de son temps: «Esse Capreis immanium belluarum, ferarumque prægrandia membra, quæ dicuntur gigantum ossa et arma heroum.» (August., cap. 72.) Le silence se fit enfin sur cette grande dispute; on ne reparla du roi Theutobocus et de ses ossements que plus de cent ans après. C'est dans une lettre, adressée le 22 décembre 1744 à l'abbé Desfontaines, et publiée au tome V de ses Jugements sur les ouvrages nouveaux, qu'il en est question. Il y est parlé de la moitié d'un os de la jambe et d'une dent, possédées encore par le petit-fils du marquis de Langon. C'étoit la partie des ossements qui n'avoit pas été envoyée à Paris, et dont Requier nous a parlé dans la Vie de Peiresc. Qu'étoit devenu le reste? On va le savoir. En 1832, un naturaliste, M. Audoin, étant à Bordeaux, apprit d'un de ses confrères, M. Jouannet, que les ossements attribués au roi Theutobocus se trouvoient depuis fort longtemps dans le grenier d'une maison de cette ville. Suivant la tradition, ils avoient été apportés par Mazuyer pour être montrés en public, mais le pauvre diable, n'ayant pas fait ses frais, les avoient laissés pour compte. On ajoutoit que, ce qui lui avoit surtout nui, c'étoit la concurrence d'une troupe de comédiens alors en passage à Bordeaux, et dont le public avoit préféré les farces à cette montre de vieux ossements. Cette troupe, toujours suivant la tradition, auroit été celle de Molière; c'est des Bejard qu'on vouloit dire. On sait, en effet, qu'ils allèrent à Bordeaux, sous le patronage du duc d'Epernon. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on eut connaissance au Muséum, de l'existence de ces débris, on pria M. Jouannet de les envoyer à Paris, ce qui fut exécuté. Grâce aux progrès qu'avait faits la science paléontologique, il fut alors facile de reconnoître que ce n'étoient ni les os d'un géant ni même les restes d'un éléphant, comme l'avoit dit Riolan ainsi que Peiresc, et comme l'avoit répété Cuvier, dont l'erreur étoit bien pardonnable puisqu'il n'avoit pu les voir, mais les ossements d'un véritable mastodonte, «semblable, dit M. de Blainville, à celui de l'Ohio, dans l'Amérique septentrionale.» Cette découverte, dont les résultats s'étoient fait attendre deux cent vingt ans, étoit des plus précieuses. On ne peut même pas en citer une pareille en Europe, «puisque, dit le même savant, parmi les restes européens de mastodontes, c'est à peine si l'on cite quelques fragments de mâchoire, adhérents aux dents recueillies en grand nombre dans le midi de la France.» On peut se demander, après tout cela, si les débris retrouvés à Bordeaux sont bien ceux qui étoient provenus des fouilles faites à Chaumont. M. de Blainville n'en a jamais douté. Il s'y trouvait, il est vrai, quelques morceaux de plus, mais «cela peut tenir, dit-il, à ce que les pièces ont été mal dénommées dans le premier procès-verbal.» Quant aux morceaux masquants: l'astragale, le calcanéum et une vertèbre, leur absence s'explique encore plus aisément, puisque, ce que n'a pas dit M. de Blainville, Peiresc, sur la fin de sa vie, avoit, suivant Requier (p. 148) «obtenu quelques morceaux des os prétendus du géant.» M. de Blainville conclut ainsi: «Il est à peu près hors de doute que ces ossements sont bien ceux qui ont été attribués au roi Theutobocus, car il seroit bien difficile de croire qu'un second hasard auroit porté à la lumière six ou sept pièces capitales exactement les mêmes que dans le premier.»—En 1726, Scheutzer commit une erreur du même genre que celle dont nous venons de conter l'histoire. Le prétendu homme fossile trouvé dans les carrières d'Œningen, et dont il publia une description dans les Transactions philosophiques, n'était, comme le prouva Cuvier, qu'une grande salamandre.

245: C'est bien ce que dit Florus: «Le roi Theutobocus étoit plus haut que les trophées; nais cela ne signifie pas, disoit Peiresc, qu'il eût une taille de vingt-cinq pieds, comme le prétendoient les auteurs de la découverte. Les trophées que soutenoient, dans les ovations et les triomphes, les bras élevés de ceux qui les portoient, ne dépassoient pas douze pieds.»

246: Ici, se trouve dans la pièce originale une grossière figure de médaille où nous n'avons rien distingué, mais où, paraîtroit-il, il falloit voir un M et un A. Notre auteur veut, à cause de ces deux lettres, retrouver là des médailles de Marius. Peiresc le contestoit, et avec d'excellentes raisons, d'après ce qu'on lit dans sa Vie par Requier, page 145: «Pour ce qui est des lettres M A qui se trouvent sur le revers des médailles, disoit-il, elles ne désignent pas Marius, dont le prénom Caïus n'aurait pas été omis. Elles n'ont point été mises pour le mot Marius en entier, l'usage des Romains n'étant de mettre que la seule lettre initiale. Elles marquent bien plutôt Marseille, république alors, et à laquelle cette forme de médaille d'argent étoit propre, comme à une ville grecque, tandis qu'elle ne l'étoit pas aux Romains.»

247: L'auteur veut dire l'arc de triomphe d'Orange, qui, pendant longtemps, passa pour avoir été construit en l'honneur de Marius et de sa victoire contre les Cimbres. Il est à peu près certain aujourd'hui, d'après un récent mémoire de M. Ch. Lenormant, que ce monument date du règne de Tibère, et rappelle par conséquent la victoire remportée pendant le règne de ce prince sur Sacrovir, chef des Gaulois révoltés. (V. Comptes-rendus de l'Académie des Inscript, par Ern. Desjardins, 1858, in-8, p. 232-249.)

248: Ce n'est pas de la taille de ces dents, mais de leur structure, qu'on se préoccupa le plus lorsque ces restes furent aux mains des membres de l'Académie des sciences. C'est d'après leur forme qu'on parvint à constater d'une façon certaine à quel genre d'animal ces os devoient appartenir: «La structure des dents, dit M. de Blainville, formant une couronne hérissée de plusieurs rangées de tubercules en mamelons, et portées par de véritables racines, ne peut laisser aucun doute sur le genre de mammifères auquel ces ossements ont appartenu: c'étoit un mastodonte, et non un éléphant, comme M. Cuvier l'avoit pensé à tort, n'ayant, il est vrai, pour porter son jugement que le poids et une appréciation grossière de la grandeur de la dent principale. Toutefois, ajoute M. de Blainville, le fait soigneusement relaté de l'existence des racines auroit pu le mettre sur la voie, et l'on conçoit comment Habicot et ses partisans avoient été portés à soutenir la supercherie de Mazuyer, en remarquant que ces dents, étant pourvues de racines et de tubercules à la couronne, avoient réellement quelque ressemblance avec des dents d'homme, surtout pour des anatomistes qui ne possédoient à cette époque aucun élément de comparaison.»

249: Riolan, dans sa Gigantologie, étoit bien loin de tomber d'accord de tout cela: «Pour démontrer, dit M. de Blainville, que ce n'étoit pas un géant de trente pieds, comme le vouloit Habicot, il avoit supposé, d'après la longueur des os qu'il avoit examinés, et entre autres celle du fémur, ce qui étoit un mode de procéder fort rationnel, que l'animal ne pouvoit avoir plus de douze pieds de long, et il concluoit que, comme il n'étoit pas besoin d'un tombeau de trente pieds pour placer un corps qui ne pouvoit avoir que douze ou treize pieds, le tombeau prétendu étoit de l'invention de Mazuyier. Habicot, au contraire, admettoit ce fait comme positif; il soutenoit que le contenu devoit être proportionné au contenant; or, ce tombeau avoit trente pieds, donc les ossements qu'il contenoit avoient dû appartenir à un animal de cette taille.»

250: C'étoit, nous l'avons dit, au fond d'une sablonnière, dans un terrain d'alluvion, dit M. de Blainville. Requier (Vie de Peiresc, p. 145) remarque en outre que c'est dans la partie du Dauphiné placée entre le Rhône et l'Isère, et non loin de leur confluent. «Ce n'est pas là, disoit Peiresc (id., p. 145), qu'on auroit placé un tombeau; l'on auroit choisi un endroit sinon élevé ou pierreux, du moins qui n'eût pas été si peu solide, de peur que le monument ne fût facilement enterré ou renversé.»

251: Cette pièce, que je crois fort rare, n'est sans doute qu'un petit roman, comme il en couroit tant alors. Elle n'en est pas moins curieuse, en ce qu'elle prouveroit combien l'attention du public s'intéressoit à tout ce qui lui parloit déjà d'Alger et de ses princes. Il n'y avoit pas longtemps que Catherine de Médicis avoit fait entreprendre des négociations à Constantinople pour faire donner à celui de ses fils qui fut depuis Henri III l'investiture du royaume d'Alger. (De Meyer, Galeries du XVIe siècle, t. 2, p. 69.) On savoit quelle étoit la richesse de ce pays, auquel, sous Henri II, l'on avoit même fait d'assez gros emprunts d'argent, et on trouvoit qu'il seroit plus avantageux de mettre sa main sur le trésor que d'être obligé d'y recourir encore pour de nouveaux prêts. (V., dans les Mémoires de Nevers, le Journal des premiers états de Blois.) Comme on n'étoit pas de force à faire la guerre, on négocioit, ainsi que je l'ai dit, mais on n'obtint rien. Pendant la révolution, la France eut souvent besoin de crédit auprès de cette Régence, et ne fit que se compromettre par son peu de fidélité, dans les payements. (Revue rétrospective, janvier 1835, p. 150-152.) Elle avoit notamment emprunté, par l'entremise du juif Coen-Bacri, négociant d'Alger, 200,000 piastres au dey, qui ne furent jamais rendus. C'est pour mettre fin aux réclamations, assaisonnées de violences et de coups d'éventail, dont cette affaire étoit devenue l'objet de la part du dey Hussein, que l'expédition de 1830 fut résolue. Pour ne pas payer le dey, on le détrôna. (Sur quelques pièces relatives à cette affaire et signées de M. de Talleyrand, 27 prairial an VI, V. le Catalogue des autographes, dont la vente eut lieu le 23 mars 1848, p. 100, nos 615-616.) La fille du dey, la princesse Aïssa, vint habiter Marseille, où j'ai vu ses charmants enfants en juin 1848. Elle avoit fait, quelques mois auparavant, avec son interprète, M. Farqui, un voyage à Paris pour obtenir de Louis-Philippe la restitution de plusieurs propriétés qui lui avoient appartenu à Alger; mais je ne sache pas que la révolution de 1848 ait laissé au roi le temps de faire droit à sa requête. Elle n'étoit pas chrétienne, et n'avoit même, comme la Royne d'Algier dont il est ici question, nulle envie de le devenir. Au XVIe et au XVIIe siècle, il ne fut pas rare de voir de ces baptêmes de musulmans. L'Estoille, sous la date du 13 juillet 1607, parle de l'inhumation d'une femme barbaresque prise en mer avec plusieurs autres par un capitaine florentin, amenée, puis baptisée à Florence, où Marie de Médicis avoit été sa marraine; mariée ensuite à Mattiati Vernacini, et devenue enfin femme de chambre de la princesse, qu'elle accompagna en France, où elle mourut. Dans la Gazette rimée de du Lorens (25 juillet 1666), il est parlé d'un prince ottoman retiré à Paris, que notre gazetier déclare être un époux des plus sortables pour une infante de Perse tout récemment arrivée dans la même ville; malheureusement le musulman s'étoit fait jacobin. En 1688, on fit, à Versailles, le baptême de deux princes de Macassar. (Journal de Dangeau, t. II, p. 103.) On connoît enfin le prétendu roi d'Ethiopie qui fit tant de bruit à Paris sous Louis XIII, et aussi le petit prince de Madagascar que M. de Mazarin fit, à la même époque, venir à Paris et baptiser. (Tallemant, édit. in-12, t. X, p. 244.)

252: C'est à peu près ce qui arriva, vers 1784, à Mlle Aimée Du Buc, créole de la Martinique, amenée à Nantes pour y faire son éducation, et prise par des corsaires sur le vaisseau qui la reconduisoit dans son île natale. Le dey d'Alger, à qui elle fut donnée, l'offrit en présent à Abdul-Hamed, dont elle eut un fils qui fut le sultan Mahmoud. On fait honneur à la belle créole, devenue sultane Validé, de quelques-unes des réformes accomplies par son fils et de l'heureuse influence que le gouvernement françois eut longtemps sans partage à Constantinople. On peut lire dans l'Illustration (février 1854) un curieux article de M. Xavier Eyma sur Mlle Du Buc, et aussi les Lettres sur le Bosphore.

253: Carfour, sur lequel nous avons déjà publié une pièce, t. VI, p. 321-328, est l'un des plus fameux chefs de bande qu'il y eût en ce temps où les voleurs étoient si nombreux dans les villes aussi bien que dans les campagnes. Par plus d'un point il ressembloit à Guilleri, mais il étoit moins gentilhomme, moins capitaine. C'étoit le tire-laine véritable, cherchant plutôt les expédients et les ruses que les coups d'audace: «Ses compagnons, est-il dit dans un passage déjà cité de l'Inventaire général de l'histoire des larrons (liv. II, ch. 7), ne l'appeloient que le Boémien, car il savoit toutes les règles du Picaro, et il n'y avoit jour où il n'inventât de nouvelles souplesses pour les attraper.» Une de ses ruses, racontée dans ce même Inventaire général, a été reprise par Gouriet dans ses Personnages célèbres des rues de Paris, t. II, p. 43.

254: Il avoit fait comme tant d'autres; de soudart il étoit devenu voleur de grand chemin. La Fontaine, qui connoissoit ces fléaux de la paix, lui préféroit presque la guerre: «Si elle produit des voleurs, écrivoit-il à sa femme, elle les occupe, ce qui est un grand bien pour tout le monde, et particulièrement pour moi, qui crains naturellement de les rencontrer.» (Œuvres complètes, 1836, in-8, p. 609.)

255: Dans une pièce du t. I, p. 206, il est parlé de ces prévôts des maréchaux et de leur lieutenant.

256: C'étoit un déguisement que les voleurs des bois prenoient alors volontiers. Il est parlé, dans l'Histoire du diocèse de Paris, de l'abbé Lebeuf, t. XI, p. 20, de deux gardes-chasses de Mme de Bassompierre, qui, ainsi couverts soit d'une robe d'ermite, soit d'une livrée de grande maison, savoient attirer dans leurs embuscades les gens qui leur sembloient devoir être une riche proie. Ils infestoient surtout la grand'route d'Orléans, aux environs d'Arpajon, à l'endroit où le voisinage de la vallée Torfou ou de Trefou la rendoit alors si dangereuse. Il a déjà été question de cette forêt dans notre t. I, p. 206, et nous avons donné en note une mauvaise explication de son nom. Il est probable que Carrefour, qui ravageoit de préférence les environs de Paris, avoit devancé dans ce célèbre coupe-gorge les deux bandits dont nous venons de parler. Il y aurait au reste été précédé lui-même par le capitaine Mirloret, dont, suivant l'Estoille, la rencontre y étoit si dangereuse un peu avant 1610. (Edit. du Panth. litér., t. II, p. 647.) La Fontaine, allant en Limousin, ne manqua, pas de maudire en passant ce lieu funeste. Ce qu'il en écrit à sa femme (1re Lettre) prouve qu'il avoit raison de maudire et de trembler:

C'est un passage dangereux,
Un lieu pour les voleurs d'embuche et de retraite.
A gauche un bois, une montagne à draite,
Entre les deux
Un chemin creux.

257: En 1605, les Barbets avoient aussi infesté en plein jour les maisons de Paris en se servant de divers déguisements: «Trouvant moyen, dit l'Estoille (t. II, p. 390), d'entrer aux maisons sous couleur d'affaire qu'ils disoient avoir aux maîtres d'icelles; après les avoir accostés sous prétexte de leur parler, demandoient de l'argent avec le poignard sous la gorge. Entre ceux qui furent volés, on compte le président Ripault, le trésorier de M. de Mayenne, nommé Ribaud, lequel ils contraignirent de leur donner deux cents écus en or; et un avocat nommé Dehors, auquel, après l'avoir lié, ils volèrent la valeur de deux mille écus, ainsi qu'on disoit. Chose estrange de dire que dans une ville de Paris se commettent avec impunité des voleries et brigandages, ainsi que dans une forêt.»

258: Elle eut lieu à Dijon quelque temps après, ainsi que l'apprend la pièce publiée dans notre t. VI: Recit veritable de l'execution faite du capitaine Carrefour, general des voleurs de France, rompu vif, à Dijon, le 12 decembre 1622.

259: En publiant cette pièce, nous tenons une promesse que nous ayons faite t. I, p. 116, dans la note 1 d'une pièce qui est aussi relative aux frères de la Rose-Croix, et à laquelle nous aurons souvent à renvoyer le lecteur.

260: Simon le magicien, chef de la secte des simoniaques, qui, dans les premiers temps de l'Eglise, continua contre saint Pierre la querelle du pays de Samarie, où il étoit né, avec Jérusalem. V. sur lui un curieux article de la Revue de bibliographie, fév. 1845, p. 181.

261: C'est, comme on sait, saint Thomas d'Aquin.

262: En cette même année 1623, les illuminez se disant congregez illuminez, bien heureux et parfaicts, avoient été bannis d'Espagne par l'inquisition. V. Edict d'Espagne contre la detestable secte des illuminez, eslevez es archevêché de Seville et evesché de Cadix, traduict sur la coppie espagnole imprimée en Espagne, 1623, in-8.

263: Vanini, qui fut en effet brûlé à Toulouse en 1619. C'est comme athée qu'il fut envoyé au supplice. Il le subit avec un fier courage que le P. Garasse lui-même ne put qu'admirer: «Lucilio Vanini et ses compagnons, dit-il en son Apologie, ont quelque froide excuse en leur impieté, sçavoir: une resolution philosophique qui les porte au mespris de la mort, et de là les jette furieusement jusques à celui de leur ame.» Peu d'années auparavant, Louis Gaufridi avoit subi le même sort pour cause de magie, par arrêt du parlement d'Aix. Entre autres pièces écrites à ce sujet, qui intéresse celui-ci, voir les suivantes: Arrest de la Cour de Provence, portant condamnation contre messire Loys Gaufridi, originaire du lieu de Beauvezer les Colmaret, prestre beneficié en l'eglise des Accoules de la ville de Marseille, convaincu de magie et autres crimes abominables, du dernier avril mil six cent onze, à Aix, par Jean Tholozan, imprimeur du roi et de la dicte ville, 1611, in-8; Confession faicte par messire Loys Gaufridi, prestre en l'eglise des Accoules de Marseille, prince des magiciens depuis Constantinople jusqu'à Paris, à deux pères capucins du couvent d'Aix, la veille de Pâques, le 11e avril mille six cent onze, à Aix, 1611, in-8.

264: Sur les trois colléges que les Rose-Croix disoient avoir dans le monde, V. t. I, p. 124.

265: G. Naudé dit qu'ils n'étoient que huit. Id., p. 122.

266: Ce n'étoit pas seulement pour donner, comme ici, leur signature, que les Rose-Croix recouraient au sang humain; ils en faisoient la base de leur médecine. En 1750, un des frères prétendoit qu'il savoit en tirer le principe de vie, communicable à tout malade qui vouloit bien se remettre en ses mains. C'étoit, pour lui, la médecine universelle. Une petite comédie jouée cette année-là, sous ce titre: La double extravagance, fit allusion a cette nouvelle façon de médicamenter l'homme par l'homme:

... Il est dans chaque corps
Un principe de vie, âme de leurs ressorts,
... Il faut que la chimie
Aille le déterrer, l'extraire par son art:
Or, ce principe extrait, je puis en faire part
A ceux de qui la vie à nos soins est transmise.

267: Il est déjà parlé de cette faculté que s'attribuoient les Rose-Croix, dans l'Examen de l'inconnue et nouvelle caballe des frères de la Rose-Croix. V. notre t. I, p. 124.

268: Id., ibid.

269: C'est, en effet, le jour du grand sabbat, ce qui n'empêchoit pas celui qui se tenoit régulièrement toutes les semaines, dans la nuit «du mercredi venant au jeudi, ou du vendredi venant au samedi.» (De Lancre, De l'inconstance des démons, p. 66.)

270: Cette façon de s'oindre pour se métamorphoser ou se rendre invisible étoit de la vieille magie. La sorcière thessalienne chez qui logea Lucius ne procédoit pas autrement: «Elle ouvrit un gros coffret où étoit force petites fioles; elle en prit une. Ce qu'il y avoit en cette fiole contenu, au vrai je ne le saurois dire. A voir, il me parut comme une sorte d'huile, dont elle se frotta toute des pieds jusqu'à la tête, commençant par le bout des ongles; et lors, voilà de tout son corps plumes qui naissent à foison, puis un bec au lieu de son nez, fort et crochu. Que vous dirai-je? En moins de rien elle se fit oiseau de tout point, le plus beau chat huant qui fut oncques.» (La Luciade, dans les Œuvres complètes de P. L. Courier, 1839, in-8, p. 124-125.)» Lorsque les sorcières s'oignent, dit de Lancre, p. 399, elles disent et répètent ces mots: Emen-Hetan, emen-Hetan, qui signifient ici et là, ici et là.»

271: C'est le Faust de la légende, dont la plus ancienne histoire connue fut publiée à Francfort en 1588, cum gratia et privilegio, chez Jean Spies. En 1599, Georges-Rodolphe Widmann avoit publié à Hambourg une seconde histoire de cette vie magique et livrée au diable. On tira de l'une et de l'autre un petit livre écrit en françois: l'Histoire prodigieuse et lamentable de Jean Faust, grand et horrible enchanteur, avec sa mort épouvantable; Rouen, 1604, in-12. L'œuvre de Goëthe est sortie de là, comme l'aigle de son œuf; on y trouve tout le poëme, même Méphistophélès, avec une toute petite différence de nom. C'est Méphostopholis qu'il s'appelle. Avant ces petits livrets, on ne connaissoit guère le docteur Faust que par ce qu'en a dit l'abbé Trithême dans une de ses lettres, datée du 20 août 1507 (Haguenau, 1536, chez J. Spiegel): «Faustus junior, y est-il dit, fons necromanticorum, astrologus, magus secundus, chiromanticus, agromanticus, pyrmanticus, in hydrâ aste secundus... venit Staurosum, et de se pollicebatur, ingentia dicens se in alchemia, omnium quæ fuerunt unquam este perfectissimum, et scire atque posse quidquid homines optaverint

272: Sur ces coureurs basques, parmi lesquels les grands seigneurs choisissoient leurs laquais au 17e siècle, V. Francisque-Michel, Le Pays basque, p. 100-102. L'un des valets de Célimène, dans le Misanthrope, s'appelle Basque.

273: Sur les anneaux constellés, comme les appelle Molière dans L'Amour médecin, et sur quelques autres bagues magiques, V. Ch. Louandre, La Sorcellerie, 1853, in-18, p. 52-53.

274: C'étoit une butte, dont rien n'est resté que le nom. Il lui étoit venu des exercices de poésie et de chant qu'y venoient faire, au 16e siècle, les écoliers des différents colléges de Paris. A l'époque de la Fronde, dans la crainte que les troupes royales n'y prissent position, il fut décidé qu'on l'aplaniroit: «Faut demander aux habitants du faubourg Saint-Germain de desmolir le Mont-de-Parnasse.» (Registre de l'hôtel de ville pendant la Fronde, t. I, p. 154.)

275: V. Coquillard. édit. d'Héricault, t. I, p. 186; Ancien Théâtre, t. V, p. 372.

276: Ces carrières de Montmartre servoient d'abri à plus d'un de ces conciliabules de sorciers. C'étoit un lieu propre à toutes sortes de réunions clandestines, et l'on sait qu'Ignace de Loyola y rassembla ses premiers disciples le jour où tous prononcèrent, dans la chapelle voisine, le vœu solennel qui fut le point de départ de la société de Jésus. (Orlandin. Histor. societ. Jesu, pars prima, lib. I, p. 20.)

277: Sur ces sources, qui descendoient de Belleville et des Prés-Saint-Gervais, pour remplir les fossés et entraîner les immondices des égouts de Paris, V. un article du Mercure (août 1811, p. 225), et notre article Une rivière souterraine dans Paris (Moniteur, 8 août 1855).

278: On confondoit volontiers ces sectaires avec les libertins de la société de Théophile, afin de les englober dans une même excommunication, et, si c'étoit possible, dans le même supplice. Le P. Garasse, en son Apologie, rapproche perfidement le nom de Théophile de celui des frères de la Croix de Roses (sic). V. Œuvres de Théophile, édit. Alleaume, t. I, p. LIX.

279: Robert Fludd, en un passage de l'Apologie qu'il fit de ses confrères de la Rose-Croix, parle de l'un d'eux qui étoit venu, comme il est dit ici, loger aux Marais du Temple, et à qui la plus merveilleuse aventure seroit arrivée par suite d'une experience sur du sang humain. Un samedi matin, à l'heure où le prêtre dit la messe, il s'étoit mis à en distiller dans une cornue; puis, les jours suivants, il en avoit encore versé goutte à goutte, en suivant le rite cabalistique. Le vendredi, comme il dormoit dans la chambre voisine de son laboratoire, voilà que vers minuit un bruit affreux, semblable au beuglement d'un bœuf, se fait tout à coup entendre. Le corps ruisselant d'une sueur froide, il se lève sur son séant, et, à travers la fenêtre éclairée par les rayons de la lune, il voit passer une sorte de nuée qui peu à peu revêt une forme humaine et disparoît en poussant un cri aigu. Le lendemain, de très bonne heure, lorsqu'il eut ôté la cornue du feu et qu'il l'eut brisée pour voir le résultat de son opération, il y trouva une tête humaine tout ensanglantée. Alors il lui revint à l'esprit ce qu'un vieil alchimiste son maître lui avoit dit, à savoir que si pendant l'œuvre magique un de ceux qui ont fourni le sang vient à mourir, son âme commence d'errer toute plaintive autour du lieu où son sang a été répandu. Le seigneur de Bourdaloue, qui, en sa qualité de secrétaire du duc de Guise, habitoit l'hôtel voisin du lieu où ce prodige s'étoit passé, en avoit fait le récit à Fludd lors du voyage que celui-ci fit à Paris, peu de temps après.

280: Cette affiche se trouve, mais incomplète, dans la pièce que nous avons publiée t. I, p. 123. Naudé, qui la donne aussi, mais non telle qu'elle est ici, dans son Advertissement pieux et très utile, dit que le besoin d'avoir des nouvelles promptes de la Cour, qui étoit à Fontainebleau, et de Mansfeld, qui menaçoit la frontière, avoit fait imaginer le moyen de communication annoncé par l'affiche, et qui, de fait, eût été fort commode. Nous avons, au reste, cité ce qu'il dit à ce sujet, t. I, p. 123, note.

281: Les Boucheries-du-temple, établies au XIIe siècle par les Templiers, dans la rue de Braque.

282: Tourner comme une toupie.

283: V., sur ce siége, Caquets de l'Accouchée, p. 158, 164, 169.

284: Il est souvent parlé de ces bandits dans les écrits du temps, ainsi que de la peur qu'en avoient les gens de Paris. (V. t. I, p. 198, V, 194, et surtout les Caquets de l'Accouchée, p. 60-61, 71, 257). Le Pré-aux-Clercs, où l'on ne faisoit que commencer à bâtir, et qui étoit encore fort désert, servoit de quartier-général à ces voleurs du faubourg Saint-Germain. J'ai même dit que le quai Malaquest, où ils trouvoient de faciles cachettes derrière les piles de bois, leur devoit sans doute son nom (t. III, p. 179). Les deux vauriens qui tuèrent le père de Jean Rou, en 1647, avoient dressé leurs premières embûches et faillirent même faire leur coup dans le Pré-aux-Clercs, où, un jour qu'il s'y promenoit, il les vit cachés «dans un endroit fort solitaire». (Mémoires inédits de J. Rou, 1857, in-8, t. I, p. 6-7.)

285: Il étoit, en effet, fort question de lui alors, comme nous l'avons déjà dit dans une note précédente. (V. Les Caquets de l'Accouchée, p. 191-192, 275.)

286: Lisez dans le Cotentin. Les Parisiens, qui savoient combien les Normands sont gens rusés, appeloient leur province le bon pays de Sapience.

287: Nous avons déjà dit (t. IV, p. 151) combien, depuis longtemps déjà, il y avoit dans le faubourg Saint-Germain d'hôtels garnis, de chambres de louage, d'auberges de toutes sortes. Tout le monde s'y faisoit logeur. Ainsi La Planche nous dit que La Renaudie s'étoit retiré chez l'avocat des Avenelles, «qui tenoit maison garnie à Saint-Germain-des-Prez, à la mode communément usitée à Paris.» (Estat de la France, t. I, p. 110.) Il y avoit mieux encore: lorsque les grands seigneurs étoient absents, les concierges avoient permission de louer garnis, au jour le jour, les hôtels restés vacants. (Relat. des ambassad. vénitiens, dans les Docum. inéd., t. II, p. 609). Il est question dans l'Estoille, d'un loueur de chambres du faubourg Saint-Germain nommé Robert, t. II, p. 388.

288: C'étoit un usage qui nous venoit de Rome. On sait, par un passage du Satyricon, que chaque soir un licteur de l'édile faisoit la visite des auberges, pour savoir quels gens s'y trouvoient. Marco-Polo dit avoir vu une mesure du même genre en vigueur dans les états du grand Khan. (V. notre Histoire des hôtelleries et cabarets, t. I, p. 130.) L'ordonnance de Henri III de 1579 avoit statué que les aubergistes ne pourroient loger plus d'un jour les gens sans aveu. En 1635, on alla plus loin: par règlement daté du 30 mars, défense fut faite de leur donner asile, sous peine de confiscation. (De Lamare, Traité de la police, t. I, tit. 5, ch. 9.)

289: Il y avoit beaucoup de gens de cette espèce au faubourg Saint-Germain, surtout dans la partie où se trouvoient les maisons bâties par la reine Marguerite. (V. t. 1, p. 207.)

290: C'étoient de ces banquiers italiens dont il y avoit un si grand nombre à Lyon dès le temps de François Ier, et qui, après avoir fait leur fortune, vinrent grands seigneurs à Paris. (V. sur la banque de Lyon, notre t. II, p. 159.) Le Particelle dont il est ici parlé est le père de Particelli d'Emery.

291: Cette relation est du duc de Saint-Simon, à qui son père, l'un des principaux acteurs dans cette affaire, en avoit raconté les détails. On ne la trouve jointe à aucune édition de ses Mémoires, pas même à la dernière, dont la publication n'est terminée que depuis quelques mois. Elle y eût cependant figuré avec avantage, je dirai même qu'elle y étoit indispensable comme pièce justificative du premier volume. Elle explique en effet, et complète, comme on le verra, ce passage du chapitre IV des Mémoires (édit. Hachette, in-18, t. I, p. 34): «Je serois trop long, dit Saint-Simon, si je me mettois à raconter bien des choses que j'ai sues de mon père, qui me font bien regretter mon âge et le sien qui ne m'ont pas permis d'en apprendre davantage.» Il ne faut pas oublier ici que lorsque Saint-Simon vint au monde, son père avoit soixante-huit ans, et que par conséquent le temps dut manquer aux confidences paternelles: «Je ne m'arrêterai point, ajoute-t-il, à la fameuse Journée des Dupes, où il eut le sort du cardinal de Richelieu entre les mains, parce que je l'ai trouvée dans..., toute telle que mon père me l'a racontée. Ce n'est pas qu'il tînt en rien au cardinal de Richelieu, mais il crut voir un précipice dans l'humeur de la reine-mère et dans le nombre de gens qui par elle prétendoient tous à gouverner. Il crut aussi, par les succès qu'avoit eus le premier ministre, qu'il étoit bien dangereux de changer de main dans la crise où l'État se trouvoit alors au dehors, et ces vues seules le conduisirent.» Ce qu'on va lire confirme tout ce qu'il dit ici. Mais à quelle relation du même événement fait-il allusion dans cette phrase: «Je ne m'arrêterai point à la Journée des Dupes..., parce que je l'ai trouvée dans..., toute telle que mon père me l'a racontée?» Tous les éditeurs se contentent de dire que le nom qui se trouvoit après dans a été gratté sur le manuscrit. C'étoit une belle occasion de mettre leur sagacité à l'épreuve; ils ne l'ont pas saisie. Aucun n'a pris la peine de chercher quel est celui des historiens de ce règne dont la relation de cette affaire avoit si bien l'assentiment de Saint-Simon, qu'il crût à cause d'elle pouvoir se dispenser d'en écrire une nouvelle dans ses Mémoires. Ma curiosité n'a pas été aussi indolente. La connaissance que j'avois du récit dont Saint-Simon pouvoit bien ne pas vouloir grossir son chapitre IV, mais qu'il avoit écrit cependant, m'excitoit d'ailleurs à chercher, puisque dans la coïncidence des deux relations je devois trouver une preuve de plus de l'authenticité de celle du duc. Mes recherches n'ont pas été vaines. C'est à Leclerc que revient l'honneur fort rare d'avoir fait un récit qui satisfaisoit complétement Saint-Simon, et dans lequel il ne voyoit ni rien à ajouter, ni rien à contredire. Ce qu'on lit dans son ouvrage La Vie d'Armand-Jean, cardinal-duc de Richelieu, 1724, in-12, t. II, p. 100-103, est en effet, sauf la forme bien entendu, et quelques détails, d'une identité parfaite avec ce qu'on va lire. Si cette preuve n'étoit pas suffisante, j'en trouverois une plus décisive encore dans ce passage de l'Histoire de Louis XIII par le P. Griffet (1758, in-4, II, 66). Après avoir dit que plusieurs historiens de ce temps, et il veut parler de Montglat et de Fontenay-Mareuil, avoient prétendu qu'à la Journée des Dupes ce fut le cardinal La Valette qui persuada à Richelieu de se rendre à Versailles, il ajoute: «D'autres disent que le roi lui fit dire de s'y rendre, et le témoignage de Monsieur le duc de Saint-Simon, propre fils du favori de Louis XIII, qui avoit entendu souvent raconter à son père l'histoire de cette fameuse résolution, ne permet pas d'en douter. Ce seigneur vivoit en 1754, et c'est d'après ce qu'il nous a dit lui-même que nous allons en poursuivre le récit.» Griffet ne s'en tint cependant pas à ce qu'il avoit appris de Saint-Simon. Il y a quelques différences entre ce qui se trouve dans son Histoire et la narration du duc. Cela seroit assez naturel si elle ne lui avoit été faite que verbalement, mais nous savons par une note qu'il en connut la rédaction manuscrite. La confiance lui manqua sans doute; il voulut s'appuyer d'autres témoignages, et je crois qu'il eut tort. Voici cette note, analyse complète du récit de Saint-Simon, et qui pourra nous servir de sommaire: «Ce seigneur (Saint-Simon), dit Griffet, avoit composé une relation particulière de cet événement, dont nous avons vu une copie manuscrite, et prise exactement sur l'original: il y contredit, en divers points, les memoires et les histoires du temps; et, se fondant sur le témoignage de son père, il assure: 1o que la reine-mère ayant promis au roi de rendre ses bonnes grâces à la marquise de Combalet et au cardinal, le roi leur fit dire de se trouver, le 11 au matin, à la toilette de la reine; que la marquise de Combalet s'y présenta la première, et que la reine, en la voyant, oublia la parole qu'elle avoit donnée, et se mit à l'accabler d'injures et de reproches, en présence du roi, qui en fut indigné, et de Saint-Simon, son favori, qui fut seul admis à cette entrevue; que le cardinal, étant venu ensuite, ne fut pas mieux traité que sa nièce, et que le roi, sans rien dire à son ministre, qui se crut perdu, retourna promptement à l'hôtel des Ambassadeurs, où, étant entré dans son cabinet, seul avec Saint-Simon, il se jeta sur un lit de repos, et qu'un instant après tous les boutons de son pourpoint sautèrent à terre, tant il étoit gonflé de colère: circonstance qui ne paroît guère vraisemblable; qu'ensuite il consulta son favori, qui lui parla fortement en faveur du cardinal; et que le roi, étant résolu d'aller ce jour-là à Versailles, chargea Saint-Simon d'envoyer dire au cardinal de s'y trouver.»

Tout cela se retrouve plus loin, y compris la phrase même dont s'étonne Griffet. M. Monmerqué avoit lu ce que celui-ci vient de dire, et lorsqu'il publia les Mémoires de Fontenay-Mareuil, dans la 2e série de la collection Petitot, il eut grand regret de ne pouvoir confronter le récit qui s'y trouve des mêmes faits avec celui de Saint-Simon, d'autant plus que ce dernier contredit l'autre continuellement. M. A. Cochut, qui possédoit en orignal la relation de Saint-Simon, voyant, par le regret de M. Monmerqué, combien ce document faisoit défaut, en donna communication à la Revue des Deux-Mondes, où il fut inséré dans le numéro du 15 novembre 1834, p. 414-421. Ce recueil, étant plus littéraire qu'historique, ne put faire parvenir, à ceux qu'elle intéressoit surtout, la précieuse pièce. Elle y étoit donc si bien cachée, et presque perdue, que M. Cheruel ne l'y découvrit pas. Nous avons eu plus de bonheur, et nos lecteurs nous sauront gré de leur en faire part.

292: Au retour de l'expédition de Savoie, dont le principal fait d'armes sa trouvera raconté par Saint-Simon, dans le fragment qui suivra celui-ci. Le roi, arrivé à Lyon le 7 septembre, y étoit resté deux mois, pour se reposer d'abord, puis retenu par la maladie qui le prit à la fin de septembre et mit sa vie en grand danger. C'est cette maladie du roi qui permit aux ennemis du cardinal toutes sortes de manœuvres en leur inspirant toutes sortes d'espérances, auxquelles ils ne voulurent pas renoncer, lorsque le retour du roi à la santé les aurait dû mettre à néant.

293: Nièce du cardinal de Richelieu. V. plus haut, p. 42, notes 1 et 2.

294: Il y avoit toutefois déjà dix ans, en 1630, que le Luxembourg étoit achevé. «Les fondements, dit Piganiol (Descript. de Paris, 1765, in-8, t. VII, p. 162), en furent jetés en 1615, et, quoiqu'on y travaillât sans discontinuation, il ne fut achevé qu'en 1620.» Quatre ans après, il en paraissoit un très curieux et magnifique éloge dans la troisième des Satyres du sieur du Lorens (1624, in-8, p. 17.)

295: A cause de la chasse, dont c'étoit la saison, puisqu'on étoit alors au commencement de novembre. Il n'y avoit que quatre ans tout au plus que Louis XIII avoit achevé de construire, ou plutôt de remettre à neuf le petit château de Versailles, qu'il avoit acquis, moyennant cinquante mille écus, de Jean Soisy. Le Beuf. (Hist. du diocèse de Paris, t. VII, p. 307.) On n'eût pas dit que c'étoit un château royal, tant il étoit d'apparence modeste: «Nul gentilhomme, disoit Bassompierre en 1626, dans son discours aux notables, n'en voudroit tirer vanité.» Quatre pavillons, unis par trois corps de bâtiment; un péristyle à colonnes, surmonté d'une galerie et joignant ensemble les deux pavillons de l'est, le tout en briques; tout autour un large fossé, et derrière un parc, qui ne fut agrandi que lorsqu'en 1632 le roi eut acheté et fait démolir le vieux castel des Loménie et des Gondi: tel étoit alors le château de Versailles. Louis XIV le respecta: «Sa Majesté, dit Félibien, a eu cette piété pour la mémoire du feu roi son père de ne rien abattre de ce qu'il avoit fait bâtir.» Mansard, qui résistoit, dut se soumettre, et le vieux château de briques resta comme enchâssé dans le nouveau. On le voit encore avec sa rouge façade qui regarde de haut l'avenue de Paris. Au devant se trouve la cour de marbre, qu'on appela ainsi lorsque Louis XIV l'eut fait paver «d'un marbre blanc et noir, avec des bandes de marbre blanc et rouge».

296: C'étoit l'hôtel qui avoit appartenu auparavant au maréchal d'Ancre, et dont il a été parlé déjà, t. IV, p. 30. On y logeoit les ambassadeurs extraordinaires.

297: Saint-Simon étoit alors grand-écuyer et le favori en titre.

298: S'il falloit en croire l'histoire secrète des amours du cardinal de Richelieu avec Marie de Médicis et Mme de Combalet publiée en 1805 dans les Souvenirs du comte de Caylus, puis par Auguis dans les Révélations indiscrètes du dix-huitième siècle, cette haine de Marie de Médicis auroit eu la jalousie pour cause, Mme de Combalet, toujours d'après ce récit scandaleux, ayant enlevé à la reine-mère l'amour du cardinal, son oncle.

299: C'est cette circonstance que le P. Griffet trouve peu vraisemblable. Leclerc, dont encore une fois le récit est, sauf quelques particularités, tout à fait conforme à celui-ci, se contente de dire: «Ayant déboutonné son juste au corps, il (le roi) se jeta sur le lit, et dit à Saint-Simon qu'il se sentoit comme tout enflammé.» Ce débraillé, quelle qu'en fût la cause, étoit nécessaire au roi. Le mal dont il avoit failli mourir tout dernièrement à Lyon étoit, dit Leclerc, «une apostume dans le mesentère qui lui faisoit enfler le ventre», et il est assez naturel qu'il ne pût encore supporter longtemps un vêtement serré.

300: Saint-Simon, toutefois, avoit déjà prouvé qu'il étoit dévoué au cardinal. Quand on avoit été sur le point de désespérer des jours du roi, c'est à lui que Richelieu s'étoit confié pour se tirer du péril dans lequel cette mort pourroit le jeter. «Le cardinal, dit Leclerc, pria Saint-Simon, grand-écuyer, qui ne bougeoit d'auprès de la personne du roi, de porter Sa Majesté à avoir quelque soin de son premier ministre.» (Vie d'Armand-Jean, cardinal-duc de Richelieu, 1724, in-12, t. II, p. 98.)

301: C'est cette affaire où le duc de Savoie, soutenu par l'empereur et les Espagnols, vouloit se donner le gros lot, le duché de Mantoue, qui avoit motivé la dernière expédition de Louis XIII et sa conquête de toute la Savoie. Un traité étoit intervenu, par l'entremise de Mazarin, qui entre en scène pour la première fois comme négociateur au nom du duc de Savoie. La paix étoit faite, mais, ainsi que le dit fort bien le grand-écuyer, l'affaire n'étoit pas finie pour cela, puisque les ennemis s'avoient pas encore évacué le duché de Mantoue. Ils n'en partirent que le 27 novembre.

302: Saint-Simon savoit qu'en telle occurrence Richelieu n'ajournoit guère le moment de se mettre en sûreté, et qu'il en cherchoit au plus tôt les moyens. A Lyon, il y avoit songé, et avoit fait en sorte que le roi, tout mourant qu'il fût, y songeât pour lui. Le duc de Montmorency, à la prière de Louis XIII, avoit promis de mener Son Eminence en toute sûreté à Brouage. Ce n'étoit pas encore assez pour Richelieu: il avoit voulu s'assurer de Bassompierre et des Suisses. Bassompierre avoit refusé, et il le paya bientôt chèrement. Peu de temps après la Journée des Dupes, il étoit à la Bastille.

303: V. Mémoires, édit. Hachette, in-18, t. I, p. 36.

304: Suivant Leclerc, le gentilhomme envoyé par Saint-Simon trouva Richelieu emballant ses papiers et ses meubles, pour se retirer à Brouage, dont il étoit gouverneur. La Valette étoit avec lui, comme le dit Saint-Simon; mais Leclerc, dont en cela la relation diffère un peu, ajoute que ce cardinal alla chez le roi, vit Saint-Simon, qui lui confirma toute l'affaire, puis Sa Majesté, qui lui dit: «Monsieur le cardinal a un bon maître; allez lui dire que je me recommande à lui et que sans délai il vienne à Versailles.» C'est à cause de cette démarche de La Valette et des paroles du roi que le rôle principal a sans doute été donné à ce cardinal dans plusieurs relations.

305: Sur les Marillac, V. plus haut, p. 8 et 9. Michel, frère du maréchal, avoit les sceaux. Mandé le soir même à Glatigny, près de Versailles, il crut à un redoublement de fortune; mais le lendemain La Ville-aux-Clercs vint le trouver, se fit remettre les sceaux et l'emmena à Châteaudun.

306: Richelieu, sauvé par Saint-Simon, fut-il reconnaissant? Ecoutons les Mémoires du fils (t. I, p. 34): «Il n'est pas difficile de croire que le cardinal lui en sut un bon gré extrême, et d'autant plus qu'il n'y avoit aucun lien entre eux. Ce qui est plus rare, c'est que, s'il conçut quelque peine secrète de s'être vu en ses mains, et de lui devoir l'affermissement de sa place et de sa puissance, et le triomphe sur ses ennemis, il eut la force de le cacher si bien qu'il n'en donna jamais la moindre marque, et mon père aussi ne lui en témoigna pas plus d'attachement. Il arriva seulement que ce premier ministre, soupçonneux au possible, et persuadé sur mon père, par une expérience si décisive et si gratuite, alloit depuis à lui sur les ombrages qu'il prenoit. Il est souvent arrivé à mon père d'être réveillé en sursaut, en pleine nuit, par un valet de chambre, qui tiroit son rideau, une bougie à la main, ayant derrière lui le cardinal de Richelieu, qui s'asseyoit sur le lit, et prenoit la bougie, s'écriant quelquefois qu'il étoit perdu, et venant au conseil, et au secours de mon père sur des avis qu'on lui avoit donnés, ou sur des prises qu'il avoit eues avec le roi.»

307: Ce fragment est de Saint-Simon, comme le précédent, et vient de la même source. Il complète ce qu'on trouve sur le même sujet, au chapitre V des Mémoires (édit. Hachette, in-18, t. I, p. 39).

308: Le roi et le cardinal, qui vouloient en finir avec le duc de Savoie et ses prétentions sur Mantoue, étoient partis de Grenoble le 2 février 1629 pour se rendre au pied des Alpes, alors toutes couvertes de neige. (V. Bassompierre, anc. édit., t. II, p. 524; Vittorio Siri, t. VI, p. 603.)

309: Quand, l'année suivante, Louis XIII retourna en Savoie, la peste y étoit encore. (Leclerc, Vie de Richelieu t. II, p. 83, 97.)

310: C'est le passage des Alpes, dont la ville de Suse domine l'entrée, à la réunion des deux routes du mont Cenis et du mont Genèvre.

311: «Les diverses ruses, dit Saint-Simon dans ses Mémoires (t. I, p. 38), suivies de toutes les difficultés militaires que le fameux Charles-Emmanuel avoit employées au délai d'un traité et à l'occupation de son duché de Savoie, l'avoient mis en état de se bien fortifier à Suse, d'en empêcher les approches par de prodigieux retranchements bien gardés, connus sous le nom de barricades de Suse, et d'y attendre les troupes impériales et espagnoles, dont l'armée venoit à son secours.»

312: Bassompierre, Créqui et Schomberg.

313: Pierre de Nyert, ou plutôt de Niel, musicien de Bayonne, qui, venu jeune à Paris, avoit d'abord appartenu à M. d'Epernon, puis à M. de Créqui, à la suite duquel il étoit allé à Rome. Il y avoit appris la manière de chanter des Italiens, qu'il combina habilement avec celle qui étoit à la mode en France, et se fit ainsi une méthode d'une fort agréable originalité. Il passa pour avoir fait une révolution dans la musique. (Tallemant, édit. P. Paris, t. VI, p. 192.) M. de Mortemart, qui l'avoit amené dans son équipage, étoit premier gentilhomme de la chambre et fut duc et pair en 1633. Au retour de Suse, d'Assoucy vit à Grenoble de Nyert chantant devant le roi. Dans l'Epistre qu'il lui adressa, et qui se trouve parmi ses Poésies et Lettres (1653, in-12), il lui dit:

Gentilhomme de maison noble,
Qu'en noble ville de Grenoble
Je vis item, et que j'ouïs
Chanter devant le roi Louïs,
Qui vous trouva, chanson chantée,
Digne d'être son Timothée.

Louis XIII le fit son premier valet de chambre, et c'est de Nyert qui charma ses derniers instants: «Quelques jours avant sa mort, dit Onroux dans son Histoire de la Chapelle des rois de France, Louis XIII se trouva si bien qu'il commanda à de Nielle d'en rendre grâces à Dieu, en chantant un cantique de Godeau, sur l'air composé par Sa Majesté. Cambefort et Saint-Martin s'étant mis de la partie, ils formèrent tous trois un concert vocal dans la ruelle du lit, le malade mêlant, autant qu'il le pouvoit, sa voix aux concertants.» Louis XIV continua de Nyert dans sa charge de premier valet de chambre; il l'occupoit encore en février 1677, quand La Fontaine lui adressa son Epistre sur l'Opéra (Œuvres complètes, édit. gr. in-8, p. 542), et, en 1689, quand il lui arriva le double accident dont Mme de Sévigné parle ainsi dans sa lettre du 12 octobre: «L'abbé Bigorre me mande que M. de Niel tomba, l'autre jour, dans la chambre du roi; il se fit une contusion, Félix le saigna et lui coupa l'artère: il fallut lui faire à l'instant la grande opération. Monsieur de Grignan, qu'en dites-vous? Je ne sais lequel je plains le plus, de celui qui l'a soufferte, ou d'un premier chirurgien du roi qui coupe une artère.»

314: Son fils eut sa survivance; sa femme étoit femme de chambre de la reine Anne d'Autriche. (V. Mémoires de Mme de Motteville, sous la date du 15 janvier 1666.) Elle étoit sœur de cette fameuse Manon Vangaguel, pour qui La Sablière composa la plupart de ses madrigaux. (Walckenaër, Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, 1re édit., p. 438.)

315: 9 mars 1629.

316: Au mois de mai 1685.

317: On peut voir la relation de cette réception dans le Dangeau complet, sous la date des 15 et 18 mai 1685. Comme on demandoit au doge ce qui l'avoit le plus étonné à Versailles: «C'est de m'y voir», auroit-il répondu. Si le mot étoit vrai, Dangeau ne l'eût pas oublié, car il en cite d'autres du doge. Il se nommoit Francesco Maria Imperiali; il étoit venu avec quatre sénateurs qui l'accompagnèrent partout. La loi de Gênes, comme en prévision de l'affront infligé à la république en cette circonstance, vouloit que le doge perdît sa dignité et son titre sitôt qu'il étoit sorti de la ville. Ce n'étoit pas le compte de Louis XIV, dont l'orgueil ne se fût pas satisfait de la visite d'un simple Génois. Il exigea donc que Francesco Imperiali conservât titre et dignité, tout exprès pour qu'il pût venir les abaisser devant lui.

318: Sur lui et sur son ambassade, V. Saint-Simon, t. 2, p. 42.

319: Le château de la Ferté-Vidame, dans le département d'Eure-et-Loir, près de Dreux. Il fut de notre temps la propriété du roi Louis-Philippe, qui y fit d'énormes dépenses pour les jardins. C'est là que Saint-Simon se sauvoit de la cour et de ses ennuis, et qu'il écrivit une partie de ses mémoires.

320: Ce tableau, ainsi que la plupart de ceux que possédoit Saint-Simon, dut passer à sa petite-fille et unique héritière, la comtesse de Valentinois. Saint-Simon dit en effet, à l'article II de son testament: «Je lègue et substitue à la comtesse de Valentinois tous les portraits que j'ay à La Ferté et chés moy, à Paris, qui sont tous de famille, de reconnaissance ou d'intime amitié. Je la prie de les tendre et de ne les pas laisser dans un garde-meuble.» (Mém., édit. Hachette, in-18, t. XIII, p. 105.)

321: L'original de cette pièce se trouve au British Museum, parmi les manuscrits de la bibliothèque Harleienne, no 6845, § 143. Nous la donnons ici à cause de sa curiosité.

322: Cette pièce, qui se trouve aussi dans les manuscrits du British Museum (biblioth. Harleienne, no 4442), a été publiée, ainsi que celle qui précède et celle qu'on trouvera à la suite, dans un recueil devenu rare, La Revue trimestrielle, juillet 1828, p. 366. Elle est d'un grand intérêt, en ce qu'elle prouve une fois de plus combien Louis XIV étoit jaloux de l'indépendance de son pouvoir, et combien ceux qui le servoient étoient ardents à défendre ce pouvoir contre toute prétention.

323: Cette pièce se trouve au British Museum, dans les manuscrits de la bibliothèque Harleienne, no 6345, ad finem. Elle se rapporte à une question qui fut longtemps en litige, et qui n'est même pas encore complétement éclaircie, à savoir si le prince de Galles (le prétendant) étoit ou non fils de Jacques II. La grossesse un peu tardive de la reine Marie, seconde femme du roi Jacques, donna lieu aux soupçons, surtout de la part de ceux dont l'intérêt étoit d'en avoir: je veux parler des partisans de Guillaume d'Orange, qui, voyant en lui le successeur de Jacques, comme époux de sa fille Marie, eussent été frustrés dans leurs espérances par la naissance d'un prince. Ils mirent tout en œuvre pour faire croire que cette grossesse étoit supposée, leurs doutes à ce sujet gagnèrent même les ministres de France près du roi d'Angleterre, MM. de Bonrepaux et Barillon, qui, jusqu'au dernier moment, ne semblent pas avoir considéré la grossesse comme très authentique. Chez le peuple et dans les provinces on la niait formellement, tant on craignoit, parmi ces populations tout anglicanes, que le dévôt Jacques II ne fît souche de princes catholiques. (V. Mazure, Histoire de la Révolution d'Angleterre en 1688, t. II, p. 366.) Quand le prince fut venu au monde, le 20 juin 1688, les soupçons furent loin de cesser. Guillaume, qui, plus que personne, demandoit à ne pas croire, et qui pouvoit mettre une armée et une flotte au service de son doute, se fit envoyer une requête, par laquelle on le sommait de venir vérifier la naissance du prince de Galles. Le comte Danby et le docteur Burnet y avoient travaillé: «C'étoit, dit Mazure (t. III, p. 26), un chef-d'œuvre de raisonnement et d'artifice.» On y insistoit sur le mystère dont la grossesse avoit été entourée, sur l'isolement dans lequel, tant qu'elle avoit duré, s'étoit tenue la reine. L'accouchement, disoit-on, s'étoit fait dans l'obscurité, et l'on n'avoit pas entendu crier l'enfant, etc., etc.; bref, le prince de Galles étoit un fils supposé. Pour arriver à en obtenir un viable, il n'avoit pas fallu moins de trois essais. Le premier enfant, introduit dans le lit de la reine à l'aide d'une bassinoire d'argent, seroit mort presque aussitôt; mais le lendemain on lui auroit substitué un nouveau-né robuste et gaillard, qui, malgré sa vigueur, seroit aussi mort, et auroit rendu nécessaire la substitution d'un troisième enfant. Celui-là, enfin, auroit survécu. (Id., t. III, p. 30-41.)—Quand on sut que le prince d'Orange s'apprêtoit à venir faire sa vérification armée c'est-à-dire qu'il étoit sur le point de débarquer en Angleterre avec des troupes considérables, Jacques II fit assembler les lords pour protester devant eux de la fausseté des bruits qui couroient sur la naissance de son fils. Dans cette séance, qui eut lieu le 1er novembre 1688, comparurent quarante-deux témoins, la reine douairière en tête: «Ils donnèrent, dit Mazure (t. III, p. 152), des détails si positifs, si manifestes, que la crédulité la plus malicieuse et la plus obstinée devoit se rendre à l'évidence de la vérité.» On ne s'y rendit pas cependant, et le doute dure encore. La princesse Palatine, mère du Régent, ne le croyoit pas possible: «Je gagerois, écrivoit-elle au sujet du prince de Galles le 11 avril 1706, je gagerois ma tête qu'il est parfaitement légitime; d'abord, il ressemble à la reine sa mère comme deux gouttes d'eau; ensuite, je connois une dame qui a assisté à sa naissance qui n'étoit pas du tout amie de la reine, et qui, pour dire la vérité, m'a avoué qu'elle étoit venue là afin de tout surveiller; elle m'a déclaré qu'elle avoit vu l'enfant retenu par le cordon ombilical, et qu'il étoit très positivement le fils de la reine. Comme les Anglois se conduisent parfois assez singulièrement avec leurs rois, et qu'ils n'ont pas encore vu d'étrangers sur le trône, on n'a pas beaucoup d'empressement à devenir leur souverain.» Vous venez de voir que le prince ressembloit à sa mère; aussi, pour quelques-uns que ce fait eût confondus, n'y avoit-il pas eu dans tout cela une substitution d'enfant, mais une infidélité de la reine. Elle auroit fait, disoit-on, comme Anne d'Autriche avec Mazarin. Ce quatrain à deux tranchants le donnoit à penser:

A Jacques disoit Louis:
De Galles est-il votre fils?
—Oui dà, par sainte Thérèze,
Comme vous de Louis treize:

Mais l'idée de substitution dominoit. Dans une comédie satirique de 1708, L'Expédition d'Ecosse, etc., on fait dire à Jacques II:

Je voulus, par l'avis d'un jésuite pervers,
Faire la reine grosse; aux yeux de l'univers
La chose réussit: la reine, en apparence,
Dans une obscurité de nocturne silence,
Mit au monde un enfant, né depuis plus d'un mois,
Car il étoit le fils d'un des moindres bourgeois.

Ici le prince de Galles seroit né d'un bourgeois; ailleurs on le dit fils d'un meunier. Au bas d'une caricature gravée par Romain de Hooghe, et indiquée dans le catalogue Leber (t. IV, no 569), on lit: L'Europe allarmée pour le fils d'un meunier. Voici le titre de quelques autres pasquils et pamphlets sur cette curieuse affaire: La Couronne usurpée et le Prince supposé, 1689, in-12; Consultation de l'oracle par les puissances de la terre, pour savoir si le prince de Galles est supposé ou légitime, Whitehall, 1688, in-12; Lettre du P. de la Chaize au P. Peters, confesseur du roy d'Angleterre, sur le bon succès qu'on a eu à faire et à inventer le prince de Galles, imprimé en 1688, qui est l'an de tromperie; Le Roi prédestiné par l'esprit de Louis XIV, avec plusieurs lettres concernant l'accouchement de la reine d'Angleterre, 1688, in-12; L'Ancien bâtard (c'est Louis XIV) protecteur du nouveau, 1690, in-12; Le Retour de Jacques II à Paris, comédie.

324: Dans le même manuscrit se trouve une autre copie de la même déposition, écrite de la même main. On y lit à la fin: Sworn before the lord-chief-justice Holt the 26 day of jan. 1690 (juré avec serment devant le lord-chef-justice Holt le 26 janvier 1690).

325: Pièce fort rare et fort curieuse, souvent citée par nous dans les notes du Satirique de la Cour, t. III, p. 241. Elle n'a pas été connue du bibliophile Jacob, qui n'eût pas manqué de la réimprimer, comme il l'a fait de tant d'autres, dans son recueil, publié pour l'étranger et introuvable à Paris: Costumes historiques de la France, 1852, grand in-8.

326: Sur cette prononciation, toute parisienne et fort à la mode alors, V. t. VI, p. 262, note 2. Balzac se moque de l'usage où l'on étoit à la cour de prononcer o comme si c'étoit la diphthongue ou: «Toute la France, dit-il dans sa lettre à Chapelain, du 20 janvier 1640, prononce Roume et lioune.»—Dans La Mode qui court et les Singularitez d'icelle, etc., 1612, in-8, la mode figura sous le nom de Chouse.

327: On en avoit de bois de senteur ou de paille, à la façon espagnole. Le connétable de Montmorency avoit toujours un cure-dents aux lèvres, et il falloit se tenir en défiance quand il se mettoit à le mordiller. Ce quatrain courut vers 1565:

De quatre choses Dieu vous guard:
Des patenostres du vieillard,
De la grand main du cardinal,
Du cure-dents du connestable,
De la messe de L'Hospital.

328: Horat. Lib. III, Od. 1, v. 37.

329: Ovide, Epist. Heroidum, Helena Paridi, ad fin.

330: Sur ces modes à l'espagnole, V. t. III, p. 244. On chantoit alors ce couplet, qui a pris place dans la Comédie de chansons, 1640, in-8, p. 41:

Bien que nous ayons changé nos pas
En des démarches espagnolles,
Des Castillans pourtant nous n'avons pas
Les humeurs, ni les parolles,
Et ceux qui comme nous sont vaillants et courtois
Ne sçauroient être que François.

331: Depuis que Razilly avoit amené, au mois d'avril 1613, de l'île de Maragnan six sauvages topinamboux, qui furent présentés à la reine et baptisés, tout s'étoit mis à la topinamboue. (V. Lettres de Malherbe à Peiresc, p. 258, 264, 273-274, 283, 297, 340, 442.)

332: V., sur ce tableau, t. III, p. 242.

333: C'est au contraire le courtisan anglois qui avoit subi l'influence françoise: «Les Espagnols, écrit Malherbe à Peiresc le 19 septembre 1610, sont habillez à leur mode, et les Anglois à la nôtre, en sorte qu'on ne les sauroit discerner des François que du langage.» (V., sur l'histoire des modes angloises, un excellent article de la Revue britannique, 1er août 1837.)

334: On peut consulter, au sujet de ce droit, Les Statuts, Ordonnances, Règlements, Antiquités, Prérogatives et Prééminences du royaume de la Basoche, petit volume publié à Paris en 1586, réimprimé en 1664, mais néanmoins très rare. Le droit de prendre trois arbres dans la forêt de Bondy, pour la fête du Mai, avoit été accordé par François Ier aux clercs de la bazoche, en récompense de la vaillante campagne qu'ils étoient allés faire, pour son service, en 1547, contre les paysans révoltés de la Guienne. Trois jours avant d'aller chercher les arbres du Mai, les dignitaires de la bazoche alloient, musique en tête, donner des aubades aux magistrats du Parlement. Henri III leur avoit interdit de donner le titre de roi à leur chef, qui ne dut plus s'appeler que chancelier; mais ils avoient conservé le droit qu'un arrêt de 1562 leur avoit accordé, de traverser la ville, soit de nuit, soit de jour, avec des flambeaux. Le premier dimanche de mai étant venu, tous les basochiens, en habits de fête, se réunissoient dans la cour du Palais; un beau discours sur l'excellence de la corporation étoit prononcé, puis l'on partoit pour la forêt de Bondy. On déjeunoit à l'entrée, en attendant que messieurs des eaux et forêts, avec leurs gards, eussent rejoint la bande. De nouvelles harangues étoient prononcées; on choisissoit les trois arbres, et on les marquoit; l'on dînoit ensuite sur l'herbe, et l'on reprenoit enfin le chemin de Paris. Les fêtes continuaient jusqu'au vendredi suivant, jour de la plantation solennelle du Mai, qu'on dressoit pavoisé de banderolles et orné de l'écusson aux trois écritoires d'or, dans la cour du Palais. C'est encore à François Ier que la bazoche devoit ces armoiries. Les deux autres arbres pris dans la forêt de Bondy étoient vendus, et le prix qu'on en retiroit formoit, avec le produit de certaines amendes et l'impôt prélevé sur les becs jaunes ou bienvenues des nouveaux, le revenu du noble royaume.

335: Pièce fort rare, à laquelle, comme à toutes celles du même temps et du même format, M. C. Moreau auroit certainement donné place dans son excellente Bibliographie des mazarinades, s'il l'eût connue.

336: Sur les procès faits aux suicidés et sur les peines infligées à leurs cadavres, V. t. VI, p. 63.

Chargement de la publicité...