Variétés Historiques et Littéraires (10/10): Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
- 1. L'Œconomie ou le Vray Advis pour se faire bien servir, par le sieur Crespin. 1
- 2. La Promenade du Cours, à Paris, en 1653. 25
- 3. Rapport d'un affidé de l'Angleterre, à Paris, en 1655. 35
- 4. Lettre d'un Gentil-homme françois à dame Jacquette Clement, princesse boiteuse de la Ligue. De Sainct Denis en France, le 25 d'aoust M.D.XC. 55
- 5. L'Umbre du Mignon de fortune, avec l'Enfer des ambitieux mondains, sur les dernières conspirations, où est traicté de la cheute de l'Hôte. (Dédié au Roy par J. D. Laffemas, sieur de Humont.) 77
- 6. Reception des Ambassadeurs du roi de Siam, en 1686. (Extrait des Mémoires du baron de Breteuil.) 99
- 7. Lettres de Mme de La Fayette à Mme de Sablé. 117
- 8. La nouvelle manière de faire son profit des Lettres, traduitte en françois par J. Quintil du Tronssay, en Poictou. Ensemble: le Poëte-Courtisan. 131
- 9. Comment se faisoit une education au XVIe siècle, (Fragment des Mémoires de M. de Mesmes.) 151
- 10. Les Larmes et complaintes de la Reyne d'Angleterre sur la mort de son Espoux, à l'imitation des quatrains du sieur de Pibrac, par David Ferrand. A Paris, chez Michel Mettayer, imprimeur ordinaire du roy, demeurant en l'isle Nostre-Dame, sur le Pont-Marie, au Cigne. M.DC.XLIX. 161
- 11. La Rejouissance des femmes sur la deffence des tavernes et cabarets. A Paris, de l'imprimerie de Chappellain, rue des Carmes, au collége des Lombards. M.DC.XIII. 175
- 12. Vers d'Erasme à sainte Geneviève, traduits en vers françois par E. Le Lièvre (1611). 187
- 13. La Doctrine de la nouvelle devotion cabalistique, composée des veritables maximes que la nouvelle secte (formée depuis peu dans Lyon par un barbier estranger, natif du conté de Bourgogne, d'où il tasche de l'estendre aux environs au grand dommage de la vraye et ancienne pieté) observe constamment, dans la pratique et methode qu'elle tient à conduire les âmes, par l'Oraison mentale, apparemment à la perfection, mais en effet à la folie, ou du moins à la simplicité, et à tirer à soy leurs biens, dans la bourse, qu'il pretend estre commune à tous. Le tout mis en forme de simple poësie, sans fiction ou prejudice aucun de la verité, pour la substance des choses, afin qu'il soit appris plus aisement et agréablement de ceux qui ont encore quelque soin de ne perdre ny leurs âmes ni leurs biens. Seconde edition. Ils se vendent en rue Mercière, à l'escu de Venise. M.DC.LVI. 197
- 14. Logemens pour la cour de Louis XIII. 225
- 15. Le Louis d'or. A Mademoiselle de Scudery. 235
- 16. Le Cotret de Mars, avec le fagot, la fascine et le gros bois, pour feu de joye à la France, M.DC.XVI. 259
- 17. Menipée de Francion, ou response au Manifeste anglois. A Paris, chez Jean Bessin, rue de Reims. M.DC.XXVII. 267
- 18. Epistre de Madame la Daulphine (Catherine de Médicis) escripvant à Madame Marguerite. 285
- Table Méthodique des matières qui sont contenues dans les 272 pièces formant les 10 volumes. 291
- Table Alphabétique. 317
Notes
1: Nous ne savons rien sur le sieur Crespin, auteur de cette pièce très curieuse et fort rare. On verra seulement un peu plus loin qu'il étoit maître d'hôtel de la marquise de Lezay.
2: Noble dame d'une des meilleures maisons du Poitou, ancêtre du marquis de Lezay-Marnésia, littérateur agréable, qui fut député aux états généraux en 1789, et de son fils le comte de Lezay-Marnésia, préfet sous l'Empire. Mme de Lezay fut, à ce qu'il paroît, une dame accomplie, la «femme forte» de l'Écriture, comme le sieur Crespin le dira tout à l'heure. Bien qu'elle eût, à ce qu'il paroît, un grand train de maison, sa vie fit si peu de bruit, et donna si peu de prise au scandale, que Tallemant ne l'a pas même nommée, Saint-Simon non plus.
3: C'étoit, après celles de l'intendant et de l'aumônier, la plus importante d'une grande maison bien réglée. «La charge de maistre d'hostel, dit Audiger, regarde la dépense générale qui se fait journellement dans une grande maison, suivant l'ordre qui luy en est donné par le seigneur ou son intendant. Pour bien s'acquitter de son devoir, il doit estre expert et capable d'establir ou maintenir le bon ordre dans une maison, et ne point manquer à donner à chacun ce qu'il doit avoir, sans augmentation ni diminution. C'est à luy de choisir de bons officiers tant d'office que de cuisine, et quand ils ne se trouvent pas capables ou qu'ils ne font pas leur devoir, les changer ainsi que les marchands fournissant pour la bouche ou autres, dont il doit prendre connaissance.» La Maison réglée, etc. Amsterdam, 1700, in-8o, liv. I, ch. 13.
4: Il y avoit alors déjà des modes pour la cuisine comme pour les habits. On peut voir dans les Délices de la campagne, etc., de Nicolas de Bonnefons, 1655, in-8o, la liste et la description d'un nombre prodigieux de gâteaux, rots, plats de légumes, poissons, crèmes, depuis peu à la mode.
5: V. sur les excès ruineux de la gastronomie, introduite en France, avec tous ses raffinements, par les Italiens de la suite des Médicis, le Discours de Bodin Sur les causes de l'extrême cherté, dans notre t. VI, p. 160-161.
6: Moquerie, duperie. Le verbe gausser et le mot gausseur sont plus employés que gausserie, leur dérivé. Il étoit toutefois en usage dans cette expression proverbiale: «Gaüsserie (pour plaisanterie) à part.» Comédie des Proverbes, Anc. Théâtre, t. IX, p. 334.
7: Les héritiers qui renonçoient à une succession jetoient les clefs de la maison du mort sur sa fosse. La veuve qui n'acceptoit pas l'héritage faisoit de même, et de plus déceignoit sa ceinture sur la tombe. V. Anciennes coutumes du duché de Bourgogne, titre des Fiefs.
8: Marinière.
9: Nous ne connaissions pas cette singulière locution, et nous n'en comprenons guère le sens. Il peut s'expliquer, toutefois, si l'on songe que levretter, levrauder, vouloit dire poursuivre, harceler, et que, par conséquent, être levretté, levraudé, signifioit: être poursuivi, malheureux. Le premier mot se trouve dans un vieux poète, cité dans le Dictionnaire étymologique de Noël, t. II, p. 155:
..... Hélas! c'est povreté
Qui, an et jour, m'a si fort levretté.
Quant à levraudé, il se trouve dans Voltaire: «Il est un peu extraordinaire, dit-il au mot Homme du Diction. philosoph., qu'on ait harcelé, honni, levraudé un philosophe de nos jours très estimable....» Ailleurs, dans les Mémoires sur sa vie, écrits par lui-même, il dit: «Je crois qu'il vaut mieux bâtir un beau château, comme j'ai fait, y jouer la comédie et y faire bonne chère, que d'être levraudé à Paris comme Helvétius, etc.» Edit. Gotha, 1790, in-8o, t. 71, p. 311.
10: Ici, comme dans le vers de La Fontaine (le Renard et la Cigogne):
Honteux comme un renard qu'une poule auroit pris, etc.,
se trouve un souvenir du jeu de damier, où l'on voit un pion représentant le renard, serré de si près par d'autres qui jouent le rôle de poules, et si bien enfermé dans un angle, qu'il ne peut plus ni avancer ni reculer. Adry, les Jeux de l'Enfance, p. 250-251.
11: Le mot chef pour premier cuisinier vient de là.
12: C'est ce que dit le sieur Audiger dans le passage de sa Maison réglée que reproduit notre note, p. 2.
13: C'est-à-dire sentir le gâté, le renfermé. V. l'Ancien Théâtre de la Biblioth. Elzévir., t. VIII, p. 77.
14: Sur ces procès par-devant l'official, dont le résultat ordinaire étoit de forcer le père à prendre l'enfant et à donner une certaine somme, comme dédommagement, à la fille engrossée, V. notre t. I, p. 319-320, note.
15: C'étoit l'homme de compagnie du seigneur: «Le devoir et fonction d'un gentilhomme auprès du seigneur, dit Audiger, est de luy tenir compagnie, de faire les honneurs de la maison, d'entretenir les personnes de qualité qui luy viennent rendre visite, luy donner la main lorsqu'il est malade ou incommodé, et l'accompagner à la chasse et à la promenade. Il faut qu'il soit lettré, et ordinairement, quand on prend un gentilhomme, on cherche une personne de science et spirituelle, qui ait toujours quelque chose d'agréable dans sa conversation, et propre à aller complimenter les amis du seigneur sur tous les sujets qui se peuvent présenter. Quand le seigneur monte à cheval, il a toujours le meilleur cheval après luy; il mange à sa table, et, pour tout dire en un mot, c'est sa compagnie et son favory.» La Maison réglée, liv. I, ch. 10.—Pour le reste de la valetaille, ce fainéant spirituel n'étoit qu'une bête à l'engrais; aussi, aujourd'hui encore, dans les campagnes, un porc qu'on engraisse s'appelle le gentilhomme.
16: Audiger, à la suite du passage de sa Maison réglée déjà cité, donne le détail de ces dépenses ordinaires ou d'extra, soumises toutes à la surveillance du maître d'hôtel. Un livre, aujourd'hui très rare, publié à Bordeaux en 1624, s'explique aussi longuement sur ce détail domestique; mais il s'attache plutôt à la dépense des nobles de province qu'à celle des grandes maisons de Paris. Ce volume a pour titre: Le sommaire de l'Œconomie de la despence, comment il faut regler la despence selon le revenu, et sçavoir ce qu'on peut despendre, soit par an ou par jour, particulièrement pour chaque espèce de despence; 1634, in-8o.
17: Les seigneurs avoient alors de ces soins dans leur domestique. Ils étoient pères de famille autant que maîtres. Audiger, dans la Préface de la Maison réglée, parle de cette sorte de paternité seigneuriale, et vante particulièrement à ce sujet la conduite tenue par le prince de Condé: «Ils doivent tous considérer, dit-il, qu'un vieux domestique qui n'est plus en état d'apprendre un métier ny d'aller servir ailleurs est véritablement digne de compassion, et que c'est alors qu'ils doivent s'efforcer de lui faire quelque bien, et d'imiter en cela feu M. le prince de Condé, qui, suivant le mérite et les services de ses anciens domestiques, leur assignoit des pensions ou leur donnoit des emplois dans ses terres, où ils pouvoient doucement et sans peine passer le reste de leurs jours.»
18: Tout un long chapitre, le 5e du livre Ier, est consacré à l'Aumônier dans la Maison réglée d'Audiger.
19: L'écuyer a son chapitre aussi, le 8e du livre Ier, dans l'ouvrage d'Audiger, «car, dit celui-ci, sa charge tient encore le haut rang parmi les domestiques les plus considerez d'un grand seigneur. Elle regarde le soin de commander à tous les gens de livrée, etc.»
20: «Lorsqu'il y a des pages dans la maison d'un grand seigneur, comme estant gentilshommes, ils ne servent qu'à luy faire honneur. On ne les met là que pour apprendre à vivre et à faire leurs exercices.» Audiger, liv. Ier, ch. 9.—C'étoit à qui auroit des pages, même sans avoir un très grand train de maison. La Fontaine se moque de cette prétention quand il dit dans sa fable la Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf:
Tout marquis veut avoir des pages.
Sarrazin, dans ses Vers irréguliers à madame la princesse de Condé, parle aussi de la haute noblesse qui seule donnoit droit aux doubles laquais et aux pages:
Vous verrez bien que ces atours
Ne sont pas de noblesse à complet équipage
Qui double le laquais, qui pousse jusqu'au page,
Et qui mène carrosse au Cours.
En 1682, quand fut jouée la Matrone d'Ephèse, ou Arlequin Grapignan, la mode en étoit un peu passée. Cependant, on s'y moque encore des «marquis à pages». Le Théâtre italien de Ghérardi, t. 1, p. 36-40.
21: Dans les Délices de la campagne de Nicolas de Bonnefons, 1655, in-8o, les fonctions du «maistre d'hotel servant sur table» sont décrites en détail.
22: «La grande mode, dit aussi Bonnefons, est de mettre quatre beaux potages dans les quatre coins, et quatre porte-assiettes entre deux, avec quatre salières qui toucheront les bassins des salières en dedans. Sur les porte-assiettes, on mettra quatre entrées dans des tourtières à l'italienne.» V. aussi sur cette règle fondamentale du nombre 4 dans les repas, l'Ecole des officiers de bouche, au chapitre: Idées qu'on peut se former pour servir toutes sortes de repas.
23: C'est l'ordre suivi dans le repas de Boileau:
.....Un jambon d'assez maigre apparence
Arrive sous le nom de jambon de Mayence.
Un valet le portoit, marchant à pas comptés
Comme un recteur suivi des quatre facultés.
Deux marmitons crasseux, revêtus de serviettes,
Lui servoient de massiers et portoient deux assiettes.
24: C'est à cet officier de bouche, au service d'Anne d'Autriche, qu'on devoit sans doute ce fameux potage à la reine, «fait de quelque hachis de perdrix ou faisan,» dont parle Nicolas de Bonnefons.
25: C'est le maître Nicolas, «célèbre cuisinier» de M. de Valencay, d'abord évêque de Chartres, puis promu à l'archevêché de Reims en 1641, l'année même où maître Crespin vantoit ainsi son cuisinier. Tallemant, édit. in-12, t. III, p. 190.
26: C'est Georges, l'écuyer de cuisine de la maison du roi, avec lequel Louis XIII apprit si bien à larder. «On voyoit venir l'écuyer Georges avec de belles lardoires et de grandes longes de veau, et une fois, je ne sais qui vint dire que Sa Majesté lardoit. Voyez comme cela s'accorde bien: Majesté et larder.» Tallemant, édit. in-12, t. III, p. 68.
27: V. pour la diversité des ragoûts dans lesquels excelloit Mathieu Pallier, le Cuisinier françois de La Varenne, Lyon, 1680, chap. des Entrées.
28: Il y a un livre spécial pour cette partie du dessert ou de l'issue, comme on disoit alors: Nouvelles instructions pour les confitures, les liqueurs et les fruits, Paris, Sercy, 1692, in-12.
29: Le linge de table importoit beaucoup. L'un des axiomes gastronomiques, suivant l'Art de bien traiter, Paris, 1674, in-12, chap. Principes, étoit celui-ci: «Bon pain, bon vin, linge propre, et servez chaud.» Le linge devoit non-seulement être propre et fin, mais habilement disposé. Il y avoit un art particulier de bien plisser la nappe, plier les serviettes, etc. On peut se renseigner, à ce sujet, dans le Cuisinier françois de La Varenne, au chapitre: Manière de plier toutes sortes de linges de table et en faire toutes sortes de figures.
30: Cette pièce se trouve dans le manuscrit 4725 du supplément françois, à la Bibliothèque Impériale, fol. 328 et suiv. Bien qu'elle ait été publiée deux fois dans ces derniers temps, d'abord par M. Édouard de Barthélemy dans le Bulletin du Bibliophile, mai 1860, p. 1184-1189, ensuite par M. Anatole de Montaiglon dans l'Annuaire général du département de la Seine pour l'année 1860, col. 810-813, nous n'hésitons pas à la donner ici. Elle est, en effet, le complément de celle que nous avons reproduite dans notre t. IX, p. 125-135, sous le même titre. C'est un tableau pareil, à vingt-trois ans de distance. La première pièce est de 1630, la seconde est de 1653. M. de Montaiglon pense qu'il est question, dans celle-ci, non pas du Cours de la porte Saint-Antoine, mais du Cours la Reine, tandis que M. Ed. de Barthélemy pense le contraire. C'est son avis que nous partageons.
Le Cours décrit ici est bien, suivant nous, celui de la porte Saint-Antoine, décrit déjà dans la pièce de 1630. S'il s'agissoit de l'autre, le Cours la Reine, il y seroit certainement parlé de la Seine, qui, par son voisinage, en étoit le principal ornement. Or, il n'en est pas dit un mot, tandis que dans une autre pièce, le Cours de la Reyne, ou le grand promenoir des Parisiens, Paris, 1649, in-4o, reproduite aussi par M. de Montaiglon dans l'Annuaire tout à l'heure cité, col. 802-810, on ne manque pas de faire valoir l'agrément que ce voisinage du fleuve donnoit à la promenade. D'autres détails, que nous indiquerons au passage, sont encore favorables à notre opinion.
31: Je ne sais à quel prince l'anonyme s'adresse ici. Peut-être est-ce Gaston?
32: On sait que Pantalon étoit, ainsi que Cassandre, un des vieillards de la comédie italienne. On peut juger de sa barbe vénérable, mais peu vénérée, sur la figure que M. Maurice Sand a donnée de lui au t. II, pl. I, de ses Masques et Bouffons.
33: C'est le demi-masque, importé de la comédie italienne, ou pour mieux dire des mimes italiens, dans le monde, et nommé pour cela mimi. En 1632, il étoit à la mode déjà. Dans l'étrange tragi-comédie du sieur de Richemond, l'Espérance glorieuse, publiée cette année-là, nous lisons:
On la voit à l'église avec un tour de teste
Regarder si Phillane a pris garde à son teste,
Et dit, en souriant, à travers le mimy:
«Que j'aime ces beaux nez d'un empan et demy!»
Plus tard, les mimis faillirent l'emporter sur les masques, et peu s'en fallut qu'il n'y eût querelle entre celles qui préféroient les uns et celles qui tenoient pour les autres: «Les mimis ont failli de se brouiller avec les masques,» lit-on dans les Jeux de l'Inconnu, Rouen, 1645, in-8o, p. 165. Le mimi s'appela ensuite un loup, «parce que d'abord, dit Furetière en son Dictionnaire, il faisoit peur aux petits enfants.» Il ne s'attachoit pas; on le tenoit dans la bouche avec un bouton. C'est ce qu'on avoit appelé d'abord un touret de nez. V. l'Heptaméron, 1er janvier, 20e Nouvelle.
34: Ils alloient ainsi côte à côte, sur une longue file très serrée, ce qui porta malheur au musicien Chambonnière. «Il avoit, lit-on dans le Segraisiana, p. 79, un carrosse traîné par deux méchants chevaux, avec un page en effigie et rempli de foin, attaché sur le derrière. Etant au Cours avec ce carrosse, où les carrosses se suivent en marchant lentement, suivant la coutume, les chevaux du carrosse qui suivoient le sien, sentant le foin devant eux, se mirent à prendre le page par les jambes. Quelqu'un, qui s'en aperçut, cria au cocher: «Prenez garde à vos chevaux, ils mangent le page de monsieur.» Chambonnière logeoit dans ce quartier, et comme ces chevaux n'eussent pu faire le voyage du Cours-la-Reine, il ne les menoit qu'au Cours de la porte Saint-Antoine. C'est tout près, sur le rempart du Marais, aujourd'hui le boulevard Saint-Antoine, qu'il les envoyoit paître. «Je vous laisse à penser, dit Tallemant, en quel estat ils estoient. Des escorcheurs les prirent pour des chevaux condamnés, et, un beau matin, ils les écorchèrent tous les deux.» Historiettes, édit. P. Paris, t. VII, p. 387.
35: Il l'étoit en effet dans les jours de sécheresse autant que boueux dans les jours de pluie. Richelieu avoit eu l'intention de le faire paver, mais n'avoit pas, malheureusement, mis ce projet à exécution. Tallemant, édit. in-12, t. VI, p. 77.
36: Comme les ladres, forcés de cliqueter ainsi pour avertir qu'on ne les approchât pas. Les gens à cliquettes, en devenant plus nombreux, formèrent ce qu'on appelle encore une clique. Le mot quiquelique, qu'employoient les écoliers au moyen âge, avoit déjà un sens injurieux. Bataille des Sept arts, édit. Jubinal, p. 22 et suiv.
37: La moustache étoit la boucle de cheveux pendant sur les yeux et sur les joues.
38: C'étoit le nom donné depuis Henri IV aux jeunes beaux de Paris. Sully, Œconomies royalles, 1re édit., t. II, p. 107. Ce mot se prenoit aussi alors dans le sens d'entremetteur. C'étoit le mezzano italien. V. Guzman d'Alpharache, traduct. de Chapelain, 1re part., liv. I, ch. 8.
39: Les petits marchands de ces friandises ne manquoient pas sur le Cours; mais, pour les avoir bonnes, il falloit s'en fournir rue Saint-Antoine, près Saint-Paul, chez Flechmer, l'illustre pâtissier qui, suivant Marigny en son poëme du Pain béni, avoit le monopole des pains bénits de la paroisse: «Le sieur Flechmer, lit-on dans le Livre commode des Adresses, fait un grand débit de fines brioches, que les dames prennent chez lui en allant au Cours de Vincennes.»
40: C'est le valet de cœur au reversis, et par suite en bien d'autres jeux: «La jeune Iris,» dit S. Pavin en des stances à Mlle de Sévigné, que M. Montmerqué publia le premier (Lettres de Mme de Sévigné, édit. Blaise, 1818, in-12, t. I, p. 195):
La jeune Iris n'a de souci
Que pour le jeu de reversi;
De son cœur il s'est rendu maître;
A voir tout le plaisir qu'elle a
Quand elle tient un Quinola,
Heureux celui qui pourroit l'être!
41: C'est-à-dire dans le jardin voisin du Cours, dont parle plus longuement la pièce que celle-ci complète (V. t. IX, p. 126. V. aussi t. VII, p. 201-202, note). Ce détail, qui ne peut s'appliquer au Cours la Reine, suffiroit pour prouver qu'il s'agit ici de celui de la porte Saint-Antoine.
42: Porte Saint-Antoine.
43: C'est le nom qu'on donna plus tard aux fiacres, et qu'ils ont pour la plupart mérité de garder. «Ces carrosses, dit Leroux, font ordinairement beaucoup de bruit en roulant; ils n'ont point de glaces ni devant ni aux portières... Les fiacres (cochers) qui mènent ces carrosses sont la plupart des maquereaux, qui connoissent tous les lieux de débauche de Paris...» Dict. comique, 1718, in-8o, p. 66.
44: Ce rapport, des plus intéressants par le détail qu'il donne sur l'état de la France et sur sa politique pendant l'une des années qui suivirent la Fronde, se trouve au State-paper office. Il a déjà été publié, dans les Archives des Missions (année 1850, p. 470-477), par M. Dareste, mais sans aucun des éclaircissements indispensables; c'est ce qui nous engage à le reproduire ici. Nous croyons d'ailleurs qu'il sera mieux à sa place et moins perdu dans notre recueil que dans l'autre, où ceux qui le connaissent vont surtout chercher des documents archéologiques.—Nous ignorons quel est l'auteur de ce rapport, ou pour mieux dire de cette gazette politique. Ce devait être un homme d'importance, ainsi que l'indiquent ses relations presque intimes et ses attaches directes avec la cour. Il avoit eu part aux conférences de Munster pour le traité de Westphalie, comme il le dira lui-même, et son zèle pour les intérêts de l'Angleterre, son ardeur à vanter Cromwell, donnent à penser qu'il étoit du parti protestant, dans lequel l'Angleterre se recruta d'espions jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes.
45: On peut lire, sur la misère des populations pendant et après la Fronde, de 1650 à 1655, les relations des Missionnaires de M. Vincent (saint Vincent de Paul), envoyés pour examiner la situation des provinces, relations qu'une société semblable à celle qu'on appelle aujourd'hui de Saint-Vincent-de-Paul publioit chaque mois, et dont le recueil, formant une brochure de 120 pages environ, se trouve à la Bibliothèque Impériale, L, no 747, in-4o. Il faut lire aussi, à ce sujet, le seul numéro du Magasin charitable que possède la Bibliothèque Impériale, L, 759, in-4o. Ce numéro, d'une publication destinée, comme l'autre, à décrire les misères et à mentionner les secours apportés, est celui du mois de janvier 1653. Enfin, pour se renseigner complétement sur l'état des populations, surtout celles de la campagne, à cette époque, il ne faut pas oublier l'Etat sommaire des misères de la campagne et besoin des pauvres des environs de Paris, adressé par l'abbé Féret à l'archevêque de Paris, dont il étoit le vicaire général. Cette pièce se trouve à la Bibliothèque impériale, au t. 57e, 3e série, de la Collection Choisy. Un document conservé à l'Arsenal, Recueil de Pièces, no 1675 bis, relatif à la misère de l'année 1662, sera encore fort bon à consulter.
46: Les Relations des missionnaires citées tout à l'heure font foi de cette misère de la noblesse. On lit par exemple dans celle où est décrite la misère en Picardie et en Champagne, pendant l'hiver de 1651: «La petite noblesse a aussi besoin de secours, n'ayant pas moins souffert que les autres, et se voyant sans pain, sans argent, sans couverture, et réduite sur la paille, elle souffre encore la honte de n'oser mendier de porte en porte; et d'ailleurs à qui pourroit-elle demander, puisque la guerre a mis égalité partout: l'égalité de la misère!»
47: C'est au mois d'avril de cette même année que Louis XIV, en habit de chasse, avoit fait au Parlement cette visite qui le rappela si brusquement au devoir. V. sur cet épisode, presque toujours mal raconté et fort exagéré, l'Administration monarchique en France, par M. Cheruel, t. II, p. 32-34.
48: Le jubilé avoit été différé à cause de l'absence du cardinal de Retz, archevêque de Paris, réfugié à Rome après sa fuite de la prison de Nantes. Les contestations survenues au sujet du gouvernement du diocèse avoient aussi été une des causes de ce délai; mais enfin la nomination du curé de Saint-Leu, M. Du Saussay, comme grand vicaire, ayant donné à ce gouvernement la régularité qui lui manquoit, on crut pouvoir s'occuper du jubilé sans avoir besoin des ordres du cardinal-archevêque. Ce fut d'autant plus facile, que M. Du Saussay, dont la nomination avoit été arrachée par surprise au cardinal de Retz, étoit dans les intérêts de Mazarin, et tout disposé, pour lui plaire, à soustraire le gouvernement du diocèse à l'autorité de l'archevêque exilé. Mémoires de Joly, 1718, in-12, t. II, p. 167-169.
49: Il avoit épousé, à la fin de l'hiver de 1653, Anne de Nompar de Caumont, fille du maréchal duc de La Force.
50: C'est pour servir l'intérêt de sa famille qu'il maria, son neveu, le duc de Bouillon, avec une des nièces de Mazarin. St-Simon, Mémoires, édit. Hachette, in-12, t. III, p. 361.
51: C'est-à-dire qu'il s'y livroit à la culture de ses jardins, dont cette année même son médecin, Abel Brunyer, publioit, pour la seconde fois, la description, sous le titre d'Hortus regius Blesensis. V. pour la vie de Gaston à Blois à cette époque, les Mémoires de Mlle de Montpensier, édit. Petitot, t. III, p. 39, 233-234, et l'Histoire du château de Blois, par. M. de La Saussaye, 1840, in-12, p. 416 et suiv.
52: Condé, qui commandoit alors dans l'armée espagnole, eut le bonheur de ne pas gagner, contre son roi, cette bataille, qui eût si fort avancé ses affaires de rebelle.
53: Il n'en prit pas en effet. Depuis sa sortie de la prison, où il étoit resté un an avec les princes de Condé et de Conti, il ne se mêla pas activement aux affaires.
54: Il avoit alors dix-sept ans passés.
55: Marie Mancini, mariée en 1661 au connétable du royaume de Naples, Laurent Colonna, et morte au mois de mai 1715. La date donnée ici aux commencements des amours de Louis XIV avec cette nièce du cardinal confirme celle qui se trouve dans les Agréments de la jeunesse de Louis XIV, pièce ajoutée à l'Histoire amoureuse des Gaules (édit. elzév., t. II, p. 3), et dément l'opinion de M. Ch. Livet, qui prétend que cette passion commença deux ans plus tard, en 1657 (ibid.).
56: «Il choisit Mlle Mancini, laide, grosse, petite, ayant l'air d'une cabaretière, mais de l'esprit comme un ange, ce qui faisoit qu'en l'entendant, on oublioit qu'elle étoit laide, et l'on s'y plaisoit volontiers.» Le Palais-Royal dans l'Histoire amoureuse des Gaules, t. II; p. 31. Le portrait que fait d'elle Mme de Motteville n'est pas, sans être plus flatteur, tout à fait d'accord avec celui-ci: Loin d'être petite, Marie étoit grande pour son âge, mais mal faite; loin d'être grosse, elle étoit maigre à faire peur et décharnée. Mémoires (coll. Petitot, 1re série, t. 39, p. 400-401). Quant à son esprit, personne, ni Somaize dans son Dict. des Prétieuses (édit. elzév., I, p. 163), ni Mme de Motteville, ne le mettent en doute. Celle-ci seulement le trouve «rude, emporté... mal tourné».
57: Elle ne se fit pas, et, contrairement à ce qu'on pouvoit penser, c'est Mazarin lui-même qui l'empêcha. Il éloigna sa nièce, et négocia le mariage du roi avec l'infante d'Espagne. Les courriers royaux portèrent pendant plusieurs mois à Brouage, exil de Marie, les billets du prince amoureux. Mazarin le sut, et les lettres qu'il écrivit alors au roi pour lui reprocher avec énergie de compromettre ainsi le résultat des conférences commencées, prouvent, à sa gloire, que l'honneur royal lui étoit plus cher que l'intérêt de sa famille. «Jamais, dit M. Bazin au sujet de ces lettres, dont les originaux existent, jamais homme réputé vertueux dans l'histoire n'a laissé un plus beau document à l'appui de sa renommée.» Hist. de Mazarin, t. IV, p. 424.
58: Ce qui ne fut pas longtemps à craindre, grâce à l'alliance conclue bientôt après entre Mazarin et Cromwell, Em. de Bonnechose, Hist. d'Angleterre, t. III, p. 349.—Si Mazarin avoit pu vaincre les répugnances de Charles et lui faire épouser sa nièce Hortense Mancini, les affaires eussent pris une autre tournure; mais les cinq millions qu'il offroit en dot ne parvinrent pas à dorer suffisamment la mésalliance. Charles refusa, et fut abandonné.
59: Fabio Chigi, élu pape, le 7 avril précédent, sous le nom d'Alexandre VII.
60: Non-seulement on n'avoit pas eu part à cette élection, mais on y avoit nui autant qu'on avoit pu: «L'opposition de la France à Chigi, dit Retz dans ses Mémoires (1719, in-12, t. III, p. 377), étoit encore plus publique et plus déclarée que celle des autres puissances. M. de Lionne, neveu de Servien, en parloit, à qui le vouloit entendre, comme d'un pédant, et il ne présumoit pas qu'on le pût seulement mettre sur les rangs.» Chigi ne laissa pas de l'emporter, et cela grâce surtout au parti dont le cardinal de Retz étoit l'âme, ce qui ne dut certainement pas contribuer à rendre Mazarin plus favorable au nouveau pape.
61: «Le prince de Galles, depuis Charles II, durant son séjour en France, écoutoit bien moins les avis de ses plus sages conseillers Clarendon et Osmond, ou même les leçons de mathématiques, et sans doute de despotisme, que lui donnoit le philosophe Hobbes, que son caractère insouciant et son penchant pour les plaisirs. Ses dettes, ses folies, ses amours, se trouvent dans tous les documents de cette époque, depuis Tallemant, qui raconte ses aventures avec les bourgeoises de Paris, jusqu'à Mlle de Montpensier, qui, dans ses Mémoires, ne cherche pas à dissimuler le plaisir que lui causoit ce royal hommage.» Rathery, Des relations sociales et intellectuelles entre la France et l'Angleterre, 3e partie. (Revue contemporaine, 15 oct. 1855, p. 168.)
62: «Le duc d'York, qui revint plus tard en France sous le nom de Jacques et avec le titre de roi, mais de roi détrôné, ennoblissoit au moins son premier exil en faisant sous Turenne l'apprentissage de la guerre, comme il devoit ennoblir le second par son courage et sa résignation.» Ibid.—Le duc d'York, avec son parent, le célèbre prince Rupert, qui avoit grade de maréchal de camp dans les armées du roi, commandoit les troupes irlandaises, au nombre de 1372 hommes, formant 28 compagnies, qui avoient été incorporés dans l'armée de Turenne. Memoirs of prince Rupert, 1849, in-8o, p. 321.
63: Marie d'Orléans, demoiselle de Longueville, née le 25 mars 1625. Elle épousa, en 1657, Henri de Savoie, duc de Nemours. Elle a écrit sur la Fronde des Mémoires qui ne vont pas, malheureusement, jusqu'à cette année 1655. Il eût été curieux de savoir si elle avoit aimé réellement le duc d'York.
64: Le duc de Glocester, né en 1640, et le dernier des fils de Charles Ier, dont, n'ayant que huit ans, il reçut les adieux suprêmes. Ce fut des trois frères le plus intelligent, le plus instruit et le plus sérieux. Il mourut le 3 sept. 1660.
65: «Parmi les plus connus en France des royalistes anglois qui se groupoient autour des princes exilés, il faut citer Montaigu, dont le nom se trouve mêlé à toutes les intrigues du temps, l'ami de Holland et de Buckingham, le chevalier passionné de Mme de Chevreuse, non moins dévoué à la reine de France qu'à celle d'Angleterre, qui devint dévot en vieillissant, et entra dans l'Église sous le nom d'abbé de Montaigu.» Rathery, loc. cit., p. 169. V. à la page suivante.
66: Le couvent de la Visitation, qu'elle avoit fondé trois ans auparavant, et où elle revint mourir en 1669, étoit le séjour préféré de la veuve de Charles Ier. Elle n'étoit pas là beaucoup plus riche que pendant l'hiver de 1649, alors que le cardinal de Retz avoit été obligé de lui envoyer du bois (Mémoires, collect. Petitot, 2e série, t. 44, p. 320). Quand vint le jubilé dont nous avons parlé, elle ne put y assister d'une façon digne d'elle. «Mme de Launay disoit une fois, écrit Tallemant, que la reine d'Angleterre, faute d'une chaise honnête, n'avoit pas fait le jubilé en chaise. «Je pensay, ajouta-t-elle, lui en faire faire une.» Histor., édit. in-12, t. X, p. 131.
67: Louis-Charles Gaston, marquis de la Valette, duc de Candale, mort en 1658. V. sur lui une note de notre édition du Roman bourgeois, p. 73.—Il fut pour beaucoup dans la conclusion du mariage du prince de Conti avec une des nièces de Mazarin; mais quand il dut lui-même faire un mariage semblable, l'affaire échoua.
68: C'est son fils qui épousa Hortense Mancini et devint duc de Mazarin.
69: Cette ville fut prise, en effet, trois jours après, c'est-à-dire le 14 juillet 1655, par M. de Turenne.
70: Cette paix du cardinal et du prince ne se fit pourtant qu'avec celle des Pyrénées, en 1659, après bien des difficultés de la part de Mazarin.
71: Antoine, qui fut d'abord maréchal de Guiche, puis maréchal de Grammont.
72: Nous ne connaissions pas cette singulière particularité, qui n'est pas toutefois invraisemblable, quand on se rappelle que Mazarin ne fut, à ce qu'on croit, jamais ordonné prêtre, et qu'il avoit commencé par être capitaine dans les troupes pontificales. Il n'auroit fait que revenir à son premier métier, en supprimant bien des grades intermédiaires, car il y a loin de capitaine à connétable. Il revint un peu plus tard à une ambition un peu plus raisonnable, quoique plus haute: «C'est, lisons-nous dans un des Manuscrits Fontanieu, une anecdote sçue de très peu de personnes, et qu'on ne trouve écrite nulle part, que le cardinal Mazarin, dans les derniers moments de sa vie, étoit sur le point d'être élu pape. La France, l'Espagne et l'État de Florence luy avoient donné leurs voix; et son élection, par ce moyen, estoit sûre. M. de Croissy, qui pour lors estoit ambassadeur à Rome, l'a dit à plusieurs de ses amis, et particulièrement à M. le cardinal Fleury, qui me l'a redit à moy-mesme. Il adjoutoit que la raison que D. Louis de Haro donnoit du consentement de l'Espagne étoit que le cardinal ayant été seul capable du projet et de l'exécution de la Jurix-Universelle, il étoit seul capable de la soutenir.»
73: Le correspondant est fort bien renseigné. Quelque temps après parut l'édit qui établit le papier timbré.
74: Le roi d'Écosse est Charles II. Ce commerce de lettres entre le cardinal et Charles étoit sans doute relatif au mariage rêvé par l'un pour marier l'autre à sa nièce Hortense, non encore pourvue. Cette dernière tentative échoua, et, le 2 novembre de la même année, Bordeaux concluoit avec Cromwell, au nom de la France, un traité dont l'une des conditions étoit l'abandon complet des intérêts de Charles II.
75: Fabio Chigi, avant d'être pape, avoit en effet, comme nonce en Allemagne, pris part aux conférences de Munster.
76: C'est bien ce que craignoit Mazarin; aussi fit-il le traité du 2 novembre, dont nous avons parlé tout à l'heure. Mazarin craignoit surtout une alliance de Cromwell avec les protestants de France, vers lesquels, en mai 1654, le Protecteur avoit envoyé le suisse Stoupe, ou bien encore une entente complète et efficace entre lui et Condé. C'est ce que celui-ci s'efforçoit de conclure depuis 1651, comme on le voit par les Mémoires de Lenet, mais sans obtenir du Protecteur autre chose que des promesses illusoires. Barrière et Lenet, puis après celui-ci M. de Saint-Thomas, étoient les agents de Condé en Angleterre, et travailloient en même temps pour les habitants de Bordeaux, restés rebelles à Mazarin, et qui espéroient le rétablissement des relations commerciales entre leur ville et l'Angleterre. Cromwell promit tout et n'accorda rien. De cette manière, il ne s'engageoit pas, mais toutefois tenait en haleine l'inquiétude de Mazarin, qui, lui aussi, avoit ses affidés à Londres, et fut peu à peu, de crainte en crainte, amené à conclure le traité de novembre. Un de ses articles secrets qui fut exécuté tout des premiers, étoit que les agents de Condé et les délégués de Bordeaux seroient expulsés d'Angleterre. On peut lire sur toute cette affaire un article rempli de renseignements inédits dans la Revue nouvelle, 1er juillet 1846, p. 379-405. Cet article, signé P. G., doit être de M. Pierre Grimblot, qui avoit publié dans la même Revue (15 nov. 1845) un curieux travail: Mazarin et Cromwell.
77: A la reine-mère.
78: Le 18 du même mois cette place fut en effet emportée, et le 25 Saint-Guillain fut pris en présence du roi.
79: Ce fut un faux espoir. Valenciennes fut en effet assiégé l'année suivante; mais Turenne dut abandonner l'entreprise à la suite d'un échec que Condé fit essuyer au maréchal de la Ferté, qui resta son prisonnier.
80: Cette pièce aussi curieuse que rare, et qui mériteroit de figurer dans les Appendices de la Satire Ménippée, est dirigée contre les chefs de la Ligue, et particulièrement contre la sœur de Guise, Catherine-Marie de Lorraine, veuve de Louis de Bourbon, duc de Montpensier. On sait la part qu'elle prit à l'assassinat de Henri III par Jacques Clément. Le nom de dame Jacquette Clément qu'on lui donne ici est une allusion directe à cette complicité. La duchesse étoit boiteuse, comme on le dit ici. V. la Satire Ménippée, 1740, in-8, t. I, p. 17.
81: Ce jour, 25 août 1590, le quartier général d'Henri IV étoit à Saint-Denis. Cette date et ce nom disent qu'il ne faut pas chercher ailleurs que dans le camp royal, et dans l'intimité même du roi, l'auteur de cette pièce anti-ligueuse.
82: Nous ne savons de quel pamphlet l'auteur parle ici. Il étoit, sans nul doute, du même genre que ceux dont l'Estoille (V. son Journal, édit. Champollion, t. II, p. 3) donne la liste, et qui paroissoient «imprimés avec privilége de la Sainte-Union, signé Senault, reveus et approuvés par les docteurs en théologie...... Tous discours de vaunéant et faquins, esgout de la lie d'un peuple».
83: Don Bernardino de Mendoza, ambassadeur de Philippe II à Paris.
84: Allusion aux pratiques de magie tentées par les ligueurs contre Henri III, et dont il est parlé dans le Journal de l'Estoille, en plusieurs endroits, et dans le curieux traité, La Fatalité de Saint-Cloud près Paris, 1672, in-8. art. 8. On faisoit, par exemple, une image du roi en cire, qu'on plaçoît sur l'autel. Après avoir dit devant l'office des Quarante heures, on la piquoit à l'endroit du cœur, «disant quelques paroles de magie pour essayer à faire mourir le roy».
85: Les victoires de Jarnac et de Moncontour, gagnées en effet par Henri III, alors duc d'Anjou.
86: C'est même, suivant l'Estoille, la crainte qu'on ne dît qu'il chassoit les moines qui lui fit recevoir Jacques Clément en toute hâte.
87: C'est à huit heures du matin que Jacques Clément fut introduit près du roi.
88: Henri III n'étoit pas en prière quand il ordonna qu'on introduisît le moine, mais «sur sa chaise percée, ayant une robe de chambre sur ses épaules». Lorsque Jacques Clément entra, il ne faisoit que se lever de la chaise «et n'avoit encore ses chausses attachées». Journal de l'Estoille, 1er août 1589.
89: Malheureusement, comme on sait, il fut tué sur le champ, avant d'avoir pu rien avouer. Sa nièce Jacquette, la duchesse de Montpensier, avoua pour lui. «Dieu, que vous me faites aise, dit-elle quand elle eut appris le crime, et en distribuant aux siens des écharpes vertes. Je ne suis marrie que d'une chose, c'est qu'il n'ait su, avant de mourir, que c'est moy qui l'ay fait faire.» Journal de l'Estoille, mercredi 2 août 1589.
90: Il est question dans plusieurs écrits du temps des complaisances de la duchesse pour le futur assassin. V. de Thou, t. IV, p. 496. La Ménippée le dit à mots couverts, mais transparents. «Pour l'encourager, y dit-on à Mayenne, vous luy promîtes évêchés, abbayes et monts et merveilles, et laissâtes faire le reste à madame vostre sœur.»
91: Jactura, perte.
92: L'auteur veut dire Sénèque, de qui l'on a en effet une tragédie d'Hercules furens.
93: Pierre d'Espignac, archevêque, et non évêque de Lyon, dont on se moque à tant de reprises dans la Ménippée.
94: Ce sont, en effet, les doctrines dont il fit profession en maintes circonstances, notamment à la célèbre conférence de Surêne. V. cette Conférence, 1593, in-8o, p. 83.
95: Pierre d'Espignac avoit deux sœurs, de chacune desquelles il avoit un neveu; l'un qui se nommoit Edme de Malain, baron de Luz, et l'autre Chaseuil. De Thou, t. V, liv. 108, p. 414.—C'est au premier de ces deux fils incestueux que l'archevêque de Lyon dut de ne pas partager à Blois le sort du cardinal de Guise. Henri III, qui aimoit beaucoup le baron de Luz, lui accorda la vie de P. d'Espignac. De Thou, t. IV, liv. 93, p. 378.
96: C'est prendre le contrepied des choses, comme l'on feroit si, détournant la truie du gland qu'elle veut manger, on la forçoit de se repaître de foin. V. Ancien théâtre, t. V, p. 240; VII, p. 141; IX, p. 86. «Ce n'est pas de cela dont j'ai à vous parler, dit un personnage du Pédant joué (acte II, sc. 9); mais à quoi diable vous sert de tourner ainsi la truie au foin?»
97: On connaît l'ancien proverbe: «C'est la glose d'Orléans, elle est plus difficile que le texte.»
98: «Le mercredi premier jour de novembre (1589), dit l'Estoille, à la faveur d'un brouillard qui se leva comme par miracle, incontinent après la prière faite dans le Pré aux Clercs à six heures du matin, le roy surprit les faubourgs...»
99: Il s'agit des horribles scènes qui eurent lieu lors de la surprise des faubourgs de Tours en 1589 par les troupes de Mayenne. Henri III y courut grand danger d'être pris, et l'eût même été sans l'avis que lui donna un meunier qui pourtant ne le connoissoit pas.
100: Le Tasse.
101: Ces pillages à Saint-Denis furent commis en septembre 1589 par quelques compagnies albanaises et autres troupes que commandoient Rosne et La Bourdaisière, et qui avoient commencé par mettre à sac tout le pays d'alentour: Montmorency, Deuil, Choisy, Andilly, Montlignon, etc. «A Sainct-Denis, dit P. Fayet, pillèrent l'église du dict lieu et en firent une estable à chevaulx, tellement que l'on demeura longtemps sans y célébrer ne dire aulcune messe; ils gastèrent aussi la sépulture de monsieur et madame la Conestable, qui estoit une des belles et riches de France.» Journal historique de P. Fayet, 1852, in-12, p. 75.
102: Ou marranes, nom injurieux donné aux juifs renégats, et par suite aux Espagnols, dont beaucoup passoient pour entachés clandestinement de judaïsme. Dans le dictionnaire françois-espagnol d'Oudin, Maranno s'entend pour chrétien de race juive.
103: Se prenoit pour banqueroutier, parce qu'il étoit d'usage de peindre de jaune leurs maisons, comme celle des traîtres. «Me voilà, dit quelqu'un de la Comédie de proverbes, me voilà réduit au bâton blanc et au saffran, le grand chemin de l'hospital.» Anc. Théâtre, t. IX, p. 25.
104: C'est la bataille d'Ivry, gagnée par Henri IV le 14 mars 1590, et nommée d'abord de Saint-André, parce qu'elle fut livrée entre ce bourg et celui d'Ivry, à quelques lieues d'Evreux.
105: Le 27 mai 1589, le duc de Longueville, La Noue, Givry et autres, avoient dégagé Senlis, où Thoré tenoit pour le roi et qu'assiégeoint les ligueurs. Ceux-ci, commandés par d'Aumale et Maineville, avoient été complétement défaits.
106: L'Estoille dit Saveuses et Forceville. C'étoient deux gentilshommes ligueurs de la Picardie, que Chastillon avoit battus près de Bonneval, le 11 mai 1589. Saveuses, blessé et pris, avoit été conduit à Beaugency, où il mourut «sans vouloir demander pardon à Dieu, ni reconnoistre le roi».
107: Le jour même de la bataille d'Ivry, en effet, c'est-à-dire le 14 mars 1589, Curton et d'Effiat avoient dégagé Issoire qu'assiégeoit le comte de Randan, et avoient ainsi obligé à capituler les ligueurs qui tenoient la citadelle.
108: En juillet 1590, la famine commença à être extrême dans Paris assiégé. «La plus grande partie du peuple, dit l'Estoille, à la date du 22, commença lors à manger du pain d'avoine et de son, ce qui se pratiquoit aux meilleures maisons de Paris, qui ne donnoient par jour à leurs gens que demie-livre de ce pain. La chair de cheval étoit si chère que les petits n'en pouvoient avoir, et qu'ils étoient contraints de chasser aux chiens, et de manger des herbes crues sans pain.»
109: Charles-Emmanuel de Savoie, duc de Nemours, fils de Jacques de Savoie et d'Anne d'Este, veuve de François de Guise. Il étoit par conséquent frère utérin du duc de Guise.
110: Le jeudi 1er août 1591, on fit solennellement aux Jacobins «le service de frère Clément». V. l'Estoille, à cette date.—On voulut faire encore plus. Quelqu'un de la Ligue parla d'élever son effigie sur un pilier de marbre dans l'église Notre-Dame. Mémoires du duc de Nevers, in-fol., t. II, p. 453.
111: Ces autres idoles sont les Guises: «à Tholoze, lit-on dans le Scaligerana, ils ont fait des statues de M. de Guise, les mettoient aux portes des temples, et les adoroient et les faisoient pleurer, etc.»
112: Henri IV l'y avoit fait transporter le 8 août 1589, et l'y avoit laissé en dépôt à l'abbaye de Sainte-Cornille.
113: Bernard de Montgaillard, dit le Petit-Feuillant. C'est à Saint-Severin qu'il prêchoit le plus souvent.
114: Le docteur Roze, évêque de Senlis, grand maître du collége de Navarre, l'un des prédicants ligueurs les plus forcenés.
115: François Panigarolle, cordelier, évêque d'Ast, qui tout jeune étoit venu en France sous Charles IX, pour prêcher le massacre, et y étoit revenu plus tard pour prêcher la rebellion.
116: Jean Guincestre ou Lincestre, curé de Saint-Gervais, et l'un des plus fougueux ligueurs de Paris.
117: Jean Boucher, docteur de Sorbonne, curé de Saint-Benoît.
118: Louis de Brézé, évêque de Meaux, étoit chancelier de l'Union. Qui étoit sa Junon? Je ne sais.
119: Etienne de Neuilly, premier président de la cour des Aydes, fait prévôt des marchands en 1512 par Henri III, ce qui ne l'empêcha pas de se jeter à corps perdu dans la Ligue, avoit une fille d'une grande beauté. Roze, l'évêque de Senlis, la séduisit et en eut un enfant. On le fait s'en accuser ainsi dans la Confession générale des chefs de l'Union:
Sous feinte hypocrisie ai caché l'adultère
De l'enfant que j'ai fait à la belle Neuilly
Lorsqu'en la confessant, son premier fruit cueilly...
120: L'Estoille l'appelle Loste. Il étoit commis principal du secrétaire d'Etat Villeroy, et son filleul. Les intelligences qu'il avoit avec les gens du roi d'Espagne, auxquels il vendoit tous les secrets d'Henri IV, et donnoit même les copies de ses lettres au roi d'Angleterre, au comte Maurice, etc., ayant été découvertes, il se sauva vers Meaux, et fut trouvé mort dans la Seine, près de la Ferté, soit qu'il y fût tombé par hasard, soit qu'il s'y fût précipité de désespoir, soit plutôt, comme on le pensa généralement, qu'il y eût été jeté par quelque complice intéressé à sa disparition.
Raphin, autrefois un des seize, réfugié en Espagne «pour la Ligue», l'avoit décelé à l'ambassadeur de France dans l'espoir que ce service lui mériteroit «de rentrer en la grâce de son prince»; et l'ambassadeur en avoit donné avis au roi. Journal de l'Estoille, 24 avril 1604 (édit. Michaud, t. II, p. 367).
121: C'est le fameux Isaac de Laffemas, fils de Barthélemy de Laffemas, dont nous avons longuement parlé, t. VII, p. 303-306. Il ne faisoit alors que sortir des études, et s'amusoit aux vers, comme c'étoit l'usage. Tallemant dit qu'il avoit de l'esprit. «Il a fait, ajoute-t-il, plusieurs épigrammes. Il n'y en a guère de bonnes que les premières.» Il ne parle pas de cette pièce, qui est fort rare, et de son bon temps, qui fut court. Il devint avocat, puis secrétaire du roi, procureur-général en la chambre des communes, avocat-général en la chambre de justice, maître des requêtes, et lieutenant civil au Châtelet de Paris. Dans cette charge, que Richelieu lui fit exercer par commission, il acquit beaucoup de réputation, dit Tallemant, «et ôta bien des abus», mais il fit surtout force exécutions au gré du maître. Il fut terrible justicier, mais bonhomme pourtant, à ce qu'il paroît. Despeisse disoit de lui, suivant Tallemant: Vir bonus, strangulandi peritus. (Historiettes, 1re édit., t. IV. p. 35.) Plus tard, il revint aux vers; il fit en rimes, pendant la Fronde, le Frondeur désintéressé (1650, in-4o), qui lui valut de violentes attaques. (C. Moreau, Bibliog. des Mazarinades, t. I, p. 422).
122: Ceci semble démentir ce que dit Tallemant (1re édit., t. IV, p. 32, note) d'une pastorale qu'Isaac Laffemas auroit faite à Navarre, étant écolier. S'il avoit composé cette pastorale, il ne diroit pas que l'ouvrage qu'il offre ici au roi «est le premier nay de sa plume».
123: Pour ces services très réels, et aujourd'hui trop méconnus, que Barthélemy de Laffemas rendit à Henri IV, en qualité de contrôleur-général du commerce de France, V. notre t. VII, p. 305, note.
124: Il vivoit en effet toujours; mais, épuisé par ses travaux, si injustement oubliés, il mourut à la peine l'année suivante, 1605.
125: Laffemas, par le ton sinistre qu'il prend ici, et qu'il soutiendra dans toute cette pièce, prélude bien à ses futures fonctions de bourreau.
126: L'expression mignon de fortune étoit consacrée pour les favoris de roi et de ministre, comme l'étoit Loste, à qui M. de Villeroy avoit accordé toute sa faveur. Régnier, vers le même temps; les désignoit ainsi dans sa troisième satire, V. 61:
Du siècle les mignons, fils de la Poule-Blanche,
Ils tiennent à leur gré la fortune en la manche.
127: Salaire, récompense.
128: Allusion au maréchal de Biron, décapité deux ans auparavant. Laffemas, qui devoit être un si rigoureux exécuteur des justices de Richelieu, ne devoit qu'applaudir à l'une des rares mais terribles sévérités d'Henri IV.
129: C'étoit le nom qu'on donnoit volontiers aux gens en révolte. Des rebelles qui ravagèrent la Champagne pendant le règne de François Ier avoient été appelés ainsi. V. Chron, de France publiée par G. Guiffrey, p. 39.
130: Nous avons dit que Loste avoit été trouvé noyé dans la Seine.
131: C'est l'emploi le plus ancien que nous connoissions de ce mot, qui semble beaucoup plus moderne.
132: Le corps de Loste, quand il eut été, non pas rejeté par les flots, mais repêché, fut apporté à Paris, et mis à la basse-geôle ou Morgue du Châtelet, «où, dit l'Estoille, (t. II, p. 367), chacun par curiosité l'alloit voir.»
133: Nous avons dit qu'il étoit commis principal de Villeroy.
134: Los, louange.
135: Loste fut trouvé dans la Seine le 24.
136: Les Tuileries étoient alors réellement un parc, avec garenne, etc. V. le plan de Gomboust. Une rue, comme on sait, séparoit ce parc du château, ce qui faisoit dire à Claude Le Petit dans son Paris ridicule, en parlant du jardin:
Mais d'où vient qu'il est séparé,
Par tant de pas, du domicile?
Est-ce la mode en ce séjour.
D'avoir la maison à la ville
Et le jardin dans les faubourgs?
Il étoit naturel que le jeune Laffemas fît sa promenade ordinaire aux Tuileries. Son père avoit ses principales plantations de mûriers à l'hôtel de Retz, dont la place Vendôme occupe aujourd'hui le terrain. Dans les Tuileries même il avoit aussi des plantations et magnanerie. V. t. VII, p. 308-310, note.
137: Nous avons dit que Loste conspiroit avec l'Espagne.
138: Il y avoit en effet dans le jardin des Tuileries une grotte «en terre cuite esmaillée» que Bernard Palissy avoit «encommencée» en 1570 par les ordres de la reine mère, et qui devoit exister encore en 1604. V. un article de M. Eug. Piot, et un autre de M. Champollion dans le Cabinet de l'Antiquaire amateur et de l'Amateur, t. I, p. 71-72 et 277.
139: C'est la première fois que je trouve ce mot mane employé au singulier. Ronsard l'avoit mis en faveur, mais ne s'en étoit servi qu'au pluriel. Le premier il avoit dit dans les Amours, 172e sonnet:
O nuit, ô jour, ô manes frygiens!
et Muret, son commentateur, avoit fort applaudi à ce néologisme. «Il faut, avoit-il dit, naturaliser et faire françois ce mot latin manes, veu que nous n'en avons point d'autre.» Commentaire sur les Amours de Ronsard, Paris, 1553, p. 205.
140: D'après ce vers, où Laffemas déclare qu'en 1605 il avoit à peine vingt ans, il seroit né en 1584, et non pas en 1579, comme on l'a dit partout. Après l'avoir fait naître cinq ans trop tard, on l'a, par compensation, fait mourir au moins deux ans trop tôt. La Biographie Universelle donne pour date à sa mort l'année 1660, la même où sa mazarinade Le Frondeur désintéressé nous l'a montré dans toute la verdeur de son esprit; or, on voit dans le Journal du Parlement, que Laffemas, redevenu maître des requêtes, fut accusé, dans l'audience du 19 juillet 1662, d'avoir remis les sceaux à un commis de Guénegaud, ce qu'il avoua séance tenante. (Moreau, Bibliog. des Mazarinades, t. I, p. 425.)
141: Ceci est dit pour justifier le maître de Loste, M. de Villeroy, qu'on accusoit d'être aussi un peu Espagnol, et à qui même le roi le dit un jour en riant. L'Estoille, t. II, p. 568. Le Soldat françois, qui venoit de paraître, avoit en particulier donné quelques atteintes sur les menées du ministre avec l'Espagne.
142: Le baron de Breteuil fut introducteur des ambassadeurs depuis 1698 jusqu'en 1715. Ses Mémoires existent en original à la bibliothèque de Rouen, fonds Leber, et la bibliothèque de l'Arsenal en possède une copie. Dernièrement il en a été donné de longs extraits dans le Magasin de Librairie, par MM. Ch. Roux et Frédéric Lock, qui pensoient les avoir consultés les premiers. (V. Magasin de Librairie, t. I, p. 120, note.) Ils se trompoient; le chapitre que nous publions ici en est une preuve; il n'est pas inédit. La Revue de Paris l'avoit déjà reproduit dans son no du 28 août 1836, p. 253-260, sans se vanter d'avoir découvert le manuscrit d'où elle le tiroit.
143: Le but de cette ambassade étoit une alliance avec la France, qui vouloit, par l'établissement d'un comptoir au Siam, contrebalancer la puissance des Hollandais en Orient. V., à ce sujet, un rapport de M. Monmerqué au Comité historique, le 9 août 1841; la brochure de M. Ét. Gallois, L'Expédition de Siam au XVIIe siècle, 1853, in-8; l'Athenæum franç., 18 mars 1854, et le Moniteur des 21, 29 et 30 août 1861.—C'est la troisième ambassade qui soit venue de Siam en France. La première, en 1680, avoit péri dans la traversée; la seconde étoit venue à Versailles, avoit vu le roi dans la galerie, mais n'avoit pas eu d'audience. (Henault, Abrégé chronolog., 27 nov. 1684.) C'est au Havre que cette seconde ambassade avoit débarqué.
144: Le 18 juillet ils étoient à Angers, où ils repassèrent en s'en retournant le 25 janvier 1687. On peut lire, au sujet des fêtes qui leur furent données à l'arrivée et au retour, le registre du maire d'Angers, M. de la Feauté-Renou, dans les Archives de l'Hôtel de ville.
145: Dangeau (Journal, 2 oct. 1686) parle aussi du peu d'accueil qu'on leur fit à Orléans. Ils en furent mécontents, et ne se montrèrent guère plus satisfaits de la réception des autres villes. C'est à Versailles seulement qu'ils n'eurent plus à se plaindre: «Ils sont, dit Dangeau, charmés des bontés de Sa Majesté. Ils n'étoient pas si contents quand ils arrivèrent à Paris, parce que sur leur route il y avoit des lieux où ils n'avoient pas été trop bien traités, surtout à Orléans.»
146: La relation du Voyage des ambassadeurs de Siam, donnée en supplément par le Mercure galant, forme 4 vol. in-12.
147: Il étoit alors introducteur des ambassadeurs.
148: Ils en avoient besoin, car la populace se montra si peu respectueuse à leur égard, que Seignelay fut obligé d'écrire à la Reynie, pour qu'il prît à leur sujet quelques mesures contre les insultes de la foule. V. dans la Corresp. administ. de Louis XIV, t. II, p. 575, une lettre en date du 18 août 1686.
149: Ce château appartenoit alors à M. de Lyonne, ministre et secrétaire d'État.—Peut-être, toutefois, au lieu de Berny faut-il lire Bercy. La note suivante dira pourquoi.
150: Il ne s'agit pas ici du château de Rambouillet, mais de la maison des Quatre-Pavillons, que le financier Rambouillet avoit fait construire dans le faubourg Saint-Antoine, sur un emplacement écorné depuis par la rue de Bercy. (Sauval, t. II, p. 287.) Cette maison, qu'on n'appeloit que Rambouillet, et dont l'enclos produisoit les meilleurs fruits des environs de Paris, étoit l'endroit d'où partoient les ambassadeurs des puissances non catholiques pour faire leur entrée à Paris. Piganiol de la Force, Descript. de Paris, t. V, p. 103. M. Walckenaer a donné une intéressante description de cette maison et de ses jardins dans sa notice sur M. de la Sablière, dont Antoine Rambouillet étoit le père. Vie de plusieurs personnages célèbres, 1830, in-8, t. II, p. 208-209, 217.
151: Il a été dit plus haut qu'ils en avoient vingt. «Ils sont, dit Dangeau, trois ambassadeurs. Ils ont avec eux quatre gentilshommes et deux secrétaires, et mangent tous neuf ensemble. Le reste de leur suite n'est que de la valetaille.»
152: C'étoit alors Colbert de Croissy.
153: Il y avoit un peu plus d'un an que Louis XIV avoit envoyé le chevalier de Chaumont et l'abbé de Choisy au Siam, auprès du roi Tchaou-Naraia, pour lui rendre l'honneur qu'il lui avoit fait par l'ambassade de 1684, dont nous avons parlé. Partis de Brest le 3 mars 1685, nos ambassadeurs étoient de retour en France le 18 juin 1686, avec les nouveaux ambassadeurs siamois dont il est question en ce moment. Chaumont et Choisy publièrent chacun une relation du Voyage à Siam. Celle de l'abbé est la plus intéressante.
154: Artus de Lionne, l'un des fils du célèbre ministre Hugues de Lionne. Il étoit évêque de Rosalie et avoit été missionnaire en Chine. C'est lui et le père Tachard qui servoient de conducteurs et d'interprètes aux ambassadeurs. L'abbé de Lionne avoit été du voyage de Siam.
155: L'ancien hôtel du maréchal d'Ancre, rue de Tournon, près du Luxembourg. Il appartint ensuite à M. le duc de Nivernois, qui dut le reconstruire moins monumental, à cause des catacombes, dans lesquelles son poids l'avoit fait s'enfoncer. La duchesse douairière d'Orléans l'habitoit en 1814; il sert aujourd'hui de caserne à la garde de Paris. Nous avons déjà parlé de cet hôtel, t. IV, p. 80.
156: On les fit accompagner, même à la montée du grand escalier, par le bruit des tambours et des trompettes, «pour imiter, dit le marquis de Sourches, la manière du roi de Siam, qui ne descend jamais à la salle des audiences sans cette musique.» Mémoires, t. II, p. 162.
157: De Visé, dans sa 3e partie du Voyage des ambassadeurs de Siam en France, a donné une planche représentant ce «siége d'argent», comme l'appelle le marquis de Sourches. Mémoires, t. II, p. 162.
158: Il n'étoit, du reste, pas fâché d'être vu dans sa magnificence. Le marquis de Sourches a décrit l'habit qu'il portoit, habit fait exprès pour cette cérémonie, et qui, dit-il, valoit mieux que tout le royaume de Siam: «Il étoit à fond d'or, tout chamarré de diamants d'une grosseur prodigieuse.» Mémoires, t. II, p. 163.
159: Dangeau remarque, pour la plus grande gloire de son maître, qu'il n'ôta son chapeau qu'une fois ou deux. Journal, dimanche 1er sept. 1686.
160: De Vizé a donné l'analyse de ce Discours dans le Voyage des ambassadeurs de Siam en France, 2e partie, p. 343-348.
161: Il étoit alors capitaine des gardes en quartier.
162: Elle étoit accouchée la veille d'un nouveau fils, le duc de Berry. Elle ne vit les ambassadeurs qu'un peu plus tard, lorsqu'ils revinrent à Versailles. Elle les reçut en déshabillé magnifique, étant dans son lit «presque tout couvert d'un fort beau point de France.» De Vizé, t. II, p. 308.
163: Ils virent Monsieur et Madame à Saint-Cloud, où ils retournèrent le 7 pour le duc de Chartres.
164: Nous ne donnons pas ces lettres pour inédites, loin de là; nous prouverons en effet tout à l'heure qu'elles sont connues et ont été publiées bien avant l'époque où l'écrivain qui pensa les avoir découvertes commença leur réputation par quelques extraits qu'il en donna. Les originaux existent au département des Manuscrits de la bibliothèque impériale, dans un des quatorze portefeuilles que le docteur Valant, ami de madame de Sablé, avoit formés avec les lettres qu'elle lui laissoit recueillir parmi celles qu'on lui écrivoit chaque jour. Ces portefeuilles, auxquels la passion d'étude dont notre époque s'est prise à juste raison pour le XVIIe siècle a donné tant de prix, furent déposés par Valant à la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, où ils passèrent, pendant la Révolution, à la bibliothèque de la rue de Richelieu, où ils font partie du fonds appelé Résidu de Saint-Germain. Celui où se trouvent les huit lettres qui vont suivre porte le no 4. Dès l'année 1821, un très-ardent dépisteur de manuscrits et d'autographes curieux, J. Delort, mit la main sur le précieux paquet et le publia tout, en y joignant un facsimile, dans le tome I, p. 217-223, de son livre bizarre Mes Voyages aux environs de Paris. Personne ne seroit allé certainement les chercher dans ce coin, où, publiées, elles étoient moins en vue que, manuscrites et inédites, dans les portefeuilles de la bibliothèque impériale. C'est là que les retrouva M. Sainte-Beuve, pour qui, comme pour tout le monde, la découverte et la publication de Delort étaient non avenues. Plusieurs lettres de cette adorable paresseuse dont madame de Grignan disoit à sa mère: «Elle ne vous écriroit pas dix lignes en dix ans;» dont madame de Sévigné écrivoit: «Elle est fatiguée de dire bonjour et bonsoir;» et qui disoit elle-même: «C'est assez que d'être!» Des lettres de madame de La Fayette! quelle bonne fortune! M. Sainte-Beuve se hâta donc de copier, et de publier, avec quelques extraits des autres, la plus longue et la plus importante dans son article sur madame de La Fayette (Portrait, 1842, in-18, p. 71-73). Il ne manqua pas de dire, ce qu'il croyoit sincèrement, que le tout étoit inédit. M. Gérusez le pensa de même, et, reproduisant dans sa notice de madame de La Fayette et au tome IV du Plutarque français, p. 304, note, la lettre donnée par M. Sainte-Beuve, il eut soin de lui faire honneur de la découverte. Depuis est venu M. V. Cousin, avec son livre sur madame de Sablé, où les lettres avoient leur place tout naturellement marquée d'avance. Les citations faites par M. Sainte-Beuve le gênèrent. S'il eût su que la découverte et la première publication étoient de Delort dès 1821, il eût été plus à l'aise et ne se fût pas privé de la principale lettre, qu'il évita de peur d'avoir l'air d'emprunter quelque chose à M. Sainte-Beuve. Il crut se dédommager en publiant quelques-unes de celles que le fin critique n'avoit pas complétement reproduites, ou qu'il avoit simplement effleurées. Il les donna comme inédites, bien que Delort les eût aussi publiées. Aujourd'hui nous donnons à notre tour tout le paquet. On y trouvera les lettres citées par M. Sainte-Beuve, celles aussi qu'a citées M. Cousin, et de plus celles que Delort seul a reproduites. Comme lui, nous les transcrirons toutes avec la véritable orthographe de madame de La Fayette, à laquelle MM. Sainte-Beuve et Cousin ont substitué la leur.
165: Cette lettre, dont nous ne savons pas la date, n'a été reproduite ni par M. Cousin ni par M. Sainte-Beuve.
166: Elle y alloit souvent passer ainsi des quinzaines, «pour être, dit madame de Sévigné, comme suspendue entre le ciel et la terre.» En 1672, c'est à Fleury-sous-Meudon qu'elle se retiroit, sans doute dans la maison qui, depuis, appartint à Panckoucke.
167: Chez madame de Sablé, même lorsqu'elle fut dans sa retraite voisine de Port-Royal, à Paris, la cuisine étoit des plus fines. «Elle tenoit école de friandise,» dit M. Cousin, qui le prouve par quelques extraits des lettres de La Rochefoucauld, un des gourmets de cette table, un des élèves de madame de Sablé en l'art de la marmelade et des confitures. Madame de Sablé, 2e édit., p. 105.—Il sera parlé tout à l'heure des potages que La Rochefoucauld mangeoit chez Mme de Sablé. D'Andilly avoit donné à la marquise la recette d'un des plus délicats. On la trouve dans ses lettres manuscrites, à la Bibliothèque impériale, sous ce titre: Pour faire une écuellée de panade. M. P. Paris, dans son édition de Tallemant, t. III, p. 122, a reproduit cet échantillon de la gourmandise à Port-Royal.
168: Cette lettre, des plus importantes, a, je ne sais comment, échappé à M. Cousin et à M. Sainte-Beuve.
169: C'est-à-dire qui l'écrit. Cette fois, madame de La Fayette n'avoit pas écrit elle-même, elle avoit dicté, à qui? je ne sais, mais c'étoit assez souvent son habitude, et toute main alors lui étoit bonne.
170: Madame du Plessis-Guénégaud, chez laquelle madame de Sévigné, madame de La Fayette, Arnaud d'Andilly, etc., alloient souvent dans ce beau château de Fresnes, près de Meaux, illustré plus tard par Daguesseau. V. Lettre de Sévigné, 1er août 1667.
171: Elles étoient encore manuscrites. L'auteur les avoit communiquées à madame de Sablé, qui, à son tour, sans avoir l'air d'agir en son nom, les communiquoit à ceux ou à celles qui lui paraissoient le plus capables d'en juger. V. les Lettres de La Rochefoucauld dans l'édit. de ses Œuvres. Blaise, 1818, in-8o, p. 220 et suiv. «Mme de Sablé exigeoit, dit M. Cousin (p. 149), que l'on n'en tirât pas de copie et qu'on lui envoyât par écrit son opinion, puis elle montroit toutes ces lettres à La Rochefoucauld.» Que dut-il dire de celle-ci, où se trouve le jugement le plus violent qu'on ait certainement porté alors contre son livre, même dans le camp des femmes, dont les critiques sur ce point étoient pourtant unanimes, avec plus ou moins de vivacité dans la forme? M. Cousin, se faisant fort d'une phrase qu'on trouvera vers le milieu de la lettre suivante, décide, contre Aimé Martin, que madame de La Fayette, loin d'approuver le système de La Rochefoucauld, lui étoit absolument contraire, et déclare que, par conséquent, les notes, presque toujours admiratives, qu'on trouve aux marges d'un exemplaire qui appartint à M. de Cayrol, ne peuvent avoir été écrites par elle. (Madame de Sablé, 2e édit., p. 174.) Si, après ce que dit l'éloquent écrivain, le doute pouvoit être encore permis, il tomberoit devant la lettre reproduite ici, et qu'il est si regrettable que MM. Sainte-Beuve et Cousin n'aient pas connue. C'est la meilleure de leurs armes qu'ils ont laissée échapper.
172: M. de La Rochefoucauld étoit en effet, nous l'avons dit, très-friand des potages de Mme de Sablé, et de ses ragoûts. Sans cela même, pas de maximes! Il lui falloit un potage par paragraphe. «Voila, lui écrit-il un jour en lui envoyant son manuscrit, voilà tout ce que j'ai de maximes; mais, comme on ne fait rien pour rien, je vous demande un potage aux carottes, un ragoût de moutons, etc.»Ces potages gâtoient les affaires du moraliste, s'il faut en croire madame de La Fayette; mais quelles affaires? et près de qui? Affaires d'amour et près d'elle-même. Nous verrons tout à l'heure que la liaison s'engageoit alors entre madame de La Fayette et La Rochefoucauld. En dépit des potages et des maximes, elle fut bientôt nouée. Les maximes même, qui pouvoient la rompre, y servirent par les occasions de discussions qu'elles amenèrent entre l'auteur et sa spirituelle adversaire, entre le corrompu à convertir et l'aimable prêcheuse: «C'est, dit fort bien M. Sainte-Beuve, c'est cette idée de corruption générale qu'elle s'attacha à combattre en M. de La Rochefoucauld, et qu'elle rectifia. Le désir d'éclairer et d'adoucir ce noble esprit fut sans doute un appât de raison et de bienfaisance pour elle, aux abords de la liaison étroite.»
173: Cette lettre a été publiée tout entière par M. Cousin, La Marquise de Sablé, 2e édit., p. 173. M. Sainte-Beuve, Portrait, 1842, in-18, p. 75, n'en a donné que la première moitié.
174: Comme celles de La Rochefoucauld, elles étoient manuscrites et parurent bien plus tard, quelques mois après la mort de madame de Sablé. En voici le titre: Maximes de madame la marquise de Sablé, et Pensées diverses de M. L. D. Paris, 1678, in-12.
175: Celui dont il est parlé dans la lettre précédente, à qui elle l'avoit dictée.
176: Ce billet a été donné par M. Cousin, p. 103, note.
177: La marquise se faisoit celer ainsi très-hermétiquement pour tout le monde. Ces jours-là, l'abbé de la Victoire l'appeloit, dit Tallemant, «feu madame la marquise de Sablé» (t. II, p. 329); et La Rochefoucauld lui écrivoit: «Je ne sais plus d'invention pour entrer chez vous, on m'y refuse la porte tous les jours....»
178: Billet reproduit aussi par M. Cousin, p. 103, note.
179: Ce billet n'a pas été cité par M. Cousin.
180: Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, dans l'intimité de laquelle madame de La Fayette vécut long-temps, et dont elle a écrit la vie.
181: C'étoit une demoiselle de La Rocheposay, qui avoit épousé le partisan Le Page, et qui s'étoit appelée madame de Saint-Loup, d'une terre achetée en son nom, par son mari, dans le Poitou. Elle étoit de la cour d'Henriette d'Angleterre, et fort galante. M. de Vardes fut son premier attachement, puis vint le tour de Candale. «Mais, dit un jour celui-ci à Saint-Evremont, qui nous l'a rapporté, elle avoit été aimée et avoit aimé, et, comme sa tendresse s'étoit épuisée dans ses premiers amours, elle n'avoit plus de passion véritable. Ses affaires n'étoient plus qu'un intérêt de galanterie, qu'elle conduisoit avec un grand art, d'autant plus qu'elle paroissoit naturelle, et faisoit passer la facilité de son esprit pour une naïveté de sentiment.»Saint-Evremont, Œuvres, 1806, in-8o, t. II, p. 309.—Elle finit par se convertir en de curieuses circonstances qu'a racontées Tallemant. Edit. P. Paris, t. III, p. 44, 141.
182: M. Sainte-Beuve et M. Cousin n'ont pas parlé de ce billet.
183: Anne Doni d'Attichy, comtesse de Maure, qui avoit longtemps été une des filles d'honneur de la reine-mère, étoit la plus intime amie de madame de Sablé, dans le voisinage de laquelle elle étoit venue loger au faubourg Saint-Jacques. Elle mourut à la fin d'avril 1663, date précieuse pour nous, puisqu'elle nous sert à préciser à peu près quelle peut être celle de ces billets, qui durent se suivre à un assez court intervalle, sauf, toutefois, celui qu'on va lire, et qui est sans doute de deux années plus tard.
184: C'est cette lettre que M. Sainte-Beuve trouve si curieuse, comme fixant l'époque où la liaison de M. de La Rochefoucauld et de madame de La Fayette dut s'engager, à bas bruit, avec ces demi-soins qui s'efforcent de tenir encore à l'écart l'indiscrétion et de dépister les clairvoyants.
185: Fils de madame de Longueville, né le 29 janvier 1649, à l'hôtel de ville, et qui avoit pour cela le nom de Paris dans ses prénoms. Il fut tué au passage du Rhin en 1672. A l'époque où fut écrite cette lettre, il ne pouvoit, d'après ce que dit de lui madame de La Fayette, avoir moins de seize ou dix-sept ans, ce qui nous amène à l'année 1665, date admise par M. Sainte-Beuve, et qui correspond à celle où furent publiées les Maximes.
186: On devine qu'il s'agit de La Rochefoucauld.
187: Madame de La Fayette tient à son idée sur le peu de sérieux des Maximes (V. le billet no 2). Maintenant surtout qu'il y a pour elle intérêt de cœur à ce que M. de La Rochefoucauld ne puisse être accusé de sécheresse d'âme, elle cherche a faire croire et à se persuader que les Maximes, dont cette sécheresse railleuse et sceptique est le principal défaut, ne sont qu'une plaisanterie.
188: M. Sainte-Beuve a fort bien remarqué que ces mots charmants répondent exactement à cette pensée de la princesse de Clèves: «Madame de Clèves, qui étoit dans cet âge où l'on ne croit pas qu'une femme puisse être aimée quand elle a passé vingt-cinq ans, regardoit avec un extrême étonnement l'attachement que le roi avoit pour cette duchesse de Valentinoy.» Cette idée-là, dit M. Sainte-Beuve, «étoit, comme on voit, familière à madame de La Fayette. Elle craignoit surtout de paroître inspirer la passion a cet âge où d'autres l'affectent. Sa raison délicate devenoit une dernière pudeur. Elle n'avoit que trente-deux ans alors, La Rochefoucauld en avoit cinquante-deux.»
189: Elle n'ose plus écrire le nom tout entier. C'est une nuance infinitésimale qui n'a pas été conservée dans la transcription de M. Sainte-Beuve, ce qui nous étonne de sa rare délicatesse.
190: Cette pièce, qui est on ne peut plus rare, a soulevé pour nous des questions fort curieuses et fort délicates. Elle figure, ainsi que Le Poëte courtisan, qui est à la suite, dans les Œuvres de Joachim du Bellay. Le recueil de ce poëte publié en 1560, in-4o, par Frédéric Morel, sous ce titre: La Monomachie de Goliath, ensemble plusieurs autres œuvres poétiques de Joachim du Bellay, Angevin, la reproduit, p. 41 et suiv.; elle se trouve aussi dans l'édit. de 1574, in-8o, 1re part., p. 288, mais cette fois avec une mention qui manquoit dans l'édition précédente: Traduction d'une épistre latine sur un nouveau moyen de faire son proufit des lettres. De qui est cette épître latine? C'est ce que nous n'avons pu découvrir. Quel est, d'un autre côté, le véritable auteur de la traduction? Est-ce du Bellay, dont les œuvres s'en enrichirent? Est-ce Quintil du Tronssay, dont le nom figure ici sur la première publication qui en ait été faite? C'est ce que nous n'avons pu savoir davantage. L'opinion, la plus probable, à laquelle nous nous sommes arrêtés, c'est que J. Quintil du Tronssay et Joachim du Bellay ne font qu'un même personnage. Du Bellay est le nom, Quintil du Tronssay serait le pseudonyme. Ce ne peut être en effet autre chose; nulle part ce nom ne se retrouve. Nous connaissons bien à la même époque un du Tronchet et un du Tronchay (V. l'abbé Goujet, t. XI, p. 135; XII, 115, 299); mais l'un s'appelle Bonaventure et l'autre Georges, ce qui exclut l'initiale J. Quant à Quintil, c'est un nom cicéronien de fantaisie, que tout le monde pouvoit endosser, mais que du Bellay plus que personne avait intérêt à prendre; voici pourquoi. En 1551, le Parisien Charles Fontaine avoit écrit contre La Défense et illustration de la langue françoise, publiée l'année précédente par du Bellay, une critique assez plate, mais souvent juste, intitulée d'abord Quintil horatian, puis Quintil censeur quand on la réimprima, en 1574, à la suite de l'Art poétique françois de Sibilet. Du Bellay ne répondit pas; mais ayant, quelques années après, donné de l'épître latine sur La Manière de faire son profit des lettres, la traduction en rimes françoises reproduite ici, et dont plus d'un trait va droit à Charles Fontaine, il aura cru bon de prendre le pseudonyme de Quintil, consacré par Fontaine lui-même, et de le combattre ainsi sous son propre pavillon. Ce procédé n'étoit pas contraire aux habitudes de du Bellay. Dans son premier recueil, daté d'octobre 1549, il avoit emprunté à Ronsard sa manière, comme ici à Fontaine son pseudonyme, et il en étoit résulté entre Ronsard et lui un petit différend fort bien raconté par M. Sainte-Beuve, d'après Bayle, Cl. Binet et Guillaume Colletet. (Tableau historique et critique de la poésie françoise au XVIe siècle, 1843, in-18, p. 338.)—Il ne faut pas s'étonner que du Bellay ait joint à son sobriquet latin un autre, pseudonyme poitevin, et qu'il ait fait imprimer à Poitiers cette première édition de deux de ses meilleures œuvres. Le Poitou fut autant qu'Angers où il naquit, et Paris ou il mourut, la patrie de sa muse. Peut-être y possédoit-il un bien, fief ou métairie portant ce nom de Tronssay, dont il se fait ici une signature. Une chose plus certaine, c'est qu'il alla souvent à Poitiers. Il en revenoit un jour de l'année 1548, lorsqu'il rencontra dans une hôtellerie Ronsard, qui, dès lors, lui fut lié d'amitié. Il y eut toujours des amis. G. Aubert, qui recueillit ses œuvres, étoit de Poitiers.—Nous ne reviendrons pas sur l'auteur de l'épître latine, dont la première de nos deux pièces n'est que la traduction. Peut-être est-ce du Bellay lui-même, qui fut en latin aussi bon poëte qu'en françois. Il se pourroit toutefois qu'il eût traduit le latin d'un autre. Il ne trouvoit pas cette tâche au-dessous de lui. Ses Courtisanes repenties et contre repenties sont traduites du latin de son ami le Tolosain P. Gilbert, sur lequel on peut lire une note excellente de M. de Montaiglon. (Huit sonnets de Joachim du Bellay, 1849, in-8o, p. 17-19.) J. du Bellay survécut bien peu de temps à la publication des deux pièces données ici. Il mourut le 1er janvier 1560, frappé d'apoplexie, quoiqu'il n'eût que trente-cinq ans: «Ceux, lisons-nous dans la traduction du Théâtre universel de Jehan Bodin, par François de Fougerolles, p. 885-886, seul livre où se trouve ce détail que personne n'y avoit encore repris; ceux qui sont sujets à l'ébullition de sang, avec inflammation du cerveau, sont en danger d'être suffoqués, en la pleine lune, par la force des esprits qui le dilatent jusques à crever, comme il arriva à Joachim du Bellay, poëte de mon temps, lorsqu'il s'en retournoit en sa maison, venant de souper.»
191: Il veut dire retaillats, épithète ordinaire accolée alors au nom des Juifs convertis. «C'est, dit Laurent Joubert, c'est un Juif ou un Turc qui a quitté sa religion, que les siens nomment depuis retaillat, comme nous disons révolté; mais c'est en autre sens et pour autre occasion. Quand on le tailla premièrement, quand on le circoncit, et depuis on le retaille pour couvrir le prépuce.» Les Erreurs populaires, 1585, in-8o, 2e part., p. 157.
192: De rana, grenouille. Le nom de rainette en est venu pour certaine espèce de pommes, vertes comme la petite grenouille d'arbre, que l'on continue d'appeler aussi rainette. La rue Chantereine, à Paris, se nomme ainsi d'après une étymologie pareille. Elle remplace un marais où coassaient les grenouilles ou raines. Qui dit Chantereine veut dire Chantegrenouille.
193: Tout ce passage va droit à Charles Fontaine, fils de marchand, qui entreprit le voyage d'Italie pour faire sa cour à Renée de Ferrare, et qui en rapporta, en même temps qu'une grande admiration pour ce qu'on y écrivoit, un grand mépris pour notre littérature nationale, pour la françoise Minerve, comme il est dit ici. Du Bellay devoit d'autant plus s'indigner de ce mépris de Fontaine pour nos muses françoises, qu'il avoit surtout éclaté dans le Quintil horatian, dont le but étoit la critique de sa Défense et illustration de la langue françoise. Au sujet du voyage de Fontaine en Italie, dont font foi plusieurs de ses élégies et de ses épigrammes, on peut consulter la Bibliothèque françoise de l'abbé Goujet, t. XI, p. 120-121.
194: Ici du Bellay critique moins Charles Fontaine qu'il ne se critique lui-même. Fontaine étoit allé en Italie à la suite d'un belliqueur, ainsi qu'on le voit par quelques vers de l'Elégie sur la mort de sa sœur, et Joachim y avoit suivi un cardinal son parent, portant le même nom que lui, et patron de Rabelais avant d'être le sien.
195: Allusion à un usage du Pnyx d'Athènes, où, à l'époque de Périclès, quiconque avoit la parole ne devoit la garder que pendant un certain espace de temps, mesuré sur l'horloge de sable, ou sur le clepsydre. On voulut à l'Assemblée constituante, dès les premières séances, prendre une mesure semblable contre la loquacité des orateurs. M. Bouche fit une motion, dite du sablier, tendant à faire restreindre, pour chaque orateur, le droit de parole à cinq minutes seulement. Un sablier de cinq minutes aurait été placé devant le président, et personne n'auroit dû laisser à son flux de paroles un cours plus long que celui du sable tombant d'un bassin dans l'autre. Quelques phrases spirituelles de M. de Clermont-Tonnerre firent rejeter cette proposition, que l'Assemblée avoit d'abord très-favorablement accueillie.
196: Ceci va droit encore à Charles Fontaine et à son Quintil horatian, où il se montre si pédantesquement infatué du latin d'Horace, de Virgile et de Cicéron.
197: C'est ce que Fontaine avoit fait contre la Défense et illustration de la langue françoise, et ce que du Bellay ne lui avoit pas pardonné.
198: J'ignore à qui du Bellay faisoit allusion tout à l'heure, lorsqu'il parloit: de ce magistrat qu'un livre sur la République, sans cesse promis, jamais publié, avança si bien dans les honneurs; et de cet autre écrivain qui se fit une même fortune par le livre, toujours en espérance, où quiconque lui auroit fait du bien auroit eu un éloge; mais je crois volontiers que l'historien dont il parle ici doit être Denys Sauvage, qui, nommé historiographe par Henri II, n'écrivit pourtant rien sur le règne de ce roi.
199: Ces vers, dont l'avant-dernier paragraphe de la pièce françoise est la traduction, ne se trouvent pas dans les éditions de du Bellay, non plus que le reste de l'épître latine.
200: Dans le sens de théâtre. C'étoit celui qu'il avoit alors le plus communément. «Ces provinces, dit Nicolas Pasquier, liv. VIII, lettre 2, serviront d'un échafaud tout public et sanglant, ou se joueront tous les actes de cette grande tragédie.»
201: Le mot guide étoit alors du féminin dans toutes ses acceptions, comme il l'est encore dans le sens de rêne pour conduire les chevaux. V. t. I, p. 75.
202: Le genre de la ballade, qui commençoit à n'être plus en faveur, eut une sorte de réveil au XVIIe siècle; mais Trissotin toutefois pouvoit dire avec raison à Vadius:
Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps.
203: Argument est ici dans le sens de sujet de pièce.
204: On sait de quelle importance furent les devises jusqu'au XVIIe siècle, où elles jouoient dans les carrousels le rôle qu'elles avoient eu dans les tournois, et figuroient comme un dernier débris des temps chevaleresques. Dans les Entretiens d'Ariste et d'Eugène, par le P. Bouhours, le VIe leur est tout entier consacré. Les grands seigneurs recouraient aux poëtes pour leur faire des devises, dont beaucoup furent des plus ingénieuses, comme on le voit par les citations du P. Bouhours. Les auteurs gardoient pour eux-mêmes quelque chose de leur marchandise, ils s'étoient presque tous donné des devises, qu'ils apposoient sur leurs œuvres, et qui souvent en étoient la seule signature. V. G. Guiffrey, Poème inédit de Jehan Marot, 1860, in-8, p. 126, note.
205: C'est dans les festins, à l'issue, c'est-à-dire au dessert, qu'on chantoit les chansons nouvelles, comme cela se fait encore dans les provinces, et que les auteurs essayoient leurs ouvrages par des lectures à haute voix. Les comiques y jouoient leurs farces. Cotin, dans sa Satire des Satires, reproche à Boileau d'aller avec son Turlupin, c'est-à-dire avec Primorin, son frère, et non pas avec Molière, comme on l'a prétendu, gagner ainsi, par ses bouffonneries, «de bons dîners chez le sot campagnard». Montfleury, dans l'Impromptu de l'hôtel de Condé (sc. 3), fait un reproche du même genre à Molière. Il a, fait-il dire à l'un de ses personnages, à propos de l'Impromptu de Versailles, qui, suivant lui, n'étoit rien moins qu'un impromptu,
Il a joué cela vingt fois au bout des tables,
Et l'on sait, dans Paris, que, faute d'un bon mot,
De cela, chez les grands, il payoit son escot.
206: Les Mémoires dont ce fragment et le suivant font partie sont du célèbre homme d'Etat Henry de Mesmes, qui joua un si grand rôle sous Henri II, Charles IX et Henri III, tant en France qu'en Italie, où il fut administrateur de la république de Sienne, au nom d'Henri II. Ces Mémoires, qui sont adressés à son fils, existent manuscrits à la Bibliothèque impériale. Ils n'ont jamais été publiés. On les connaît par l'analyse et les extraits que publia le Conservateur de 1760, t. IX, 2e partie, et surtout par le fragment qu'en donna Rollin dans son Traité des Etudes, liv. II, ch. 2, art. 1er (édit. in-4, t. I, p. 122). Ce morceau très-intéressant est le même que nous reproduisons ici, le premier, mais avec plus d'étendue que dans la reproduction de Rollin, et une plus grande exactitude de texte. Rollin le devoit à une communication que M. le président de Mesmes, de l'Académie françoise, mort en 1723, lui avoit faite de ces Mémoires, qui n'étoient pas encore sortis de la famille pour entrer à la Bibliothèque de la rue de Richelieu. Il en existoit trois manuscrits: celui dont nous parlons, un autre aux Missions étrangères; et enfin un troisième chez les Séguier.
207: Jean-Jacques de Mesmes, seigneur de Roissy, lieutenant civil au Châtelet, puis maître des requêtes, premier président au Parlement de Normandie, conseiller du roi, etc. Il mourut en 1569.
208: Jean Daurat, qui fut professeur au Collége de France, et l'un des bons grecs de ces temps-là, comme on disoit alors. Il étoit du Limousin, comme Maludan son élève. Il étoit, au dire de Ronsard, «la source qui a abreuvé tous nos poëtes des eaux pierriennes», ou bien, comme il disoit encore, «le premier qui a destoupé la Fontaine des Muses par les outils des Grecs». Claude Binet, Vie de Ronsard (Archives curieuses, 1re série, t. 10, p. 371).
209: Il n'avoit alors que dix ans. Le collége de Bourgogne, où on le mettoit ainsi, datoit du XIVe siècle. Il devoit son nom à la comtesse Jeanne de Bourgogne, qui l'avoit fondé en 1331 pour vingt pauvres écoliers de sa province et comté. L'Ecole de médecine en occupe la place.
210: Lazare de Baïf, père du poëte, qui avoit été ambassadeur de France à Venise et en Allemagne, sous François Ier, et à qui l'on doit de curieux traités latins: De re vestiaria, De re navali, etc. On se réunissoit, en cercle de savants, chez Lazare de Baïf, comme on se rassembla plus tard en une sorte d'académie chez son fils Antoine (v. t. VIII, p. 31-33, note). Ronsard étoit des assidus chez Lazare de Baïf. Quoiqu'il logeât bien loin, aux Tournelles, comme gentilhomme des Ecuries du roi, il s'en venoit à la nuit avec son ami le baron Carnavalet, jusque dans le quartier de l'Université, où demeuroit Baïf. Il y trouvoit toujours nombre de savants, et notamment Jean Daurat, «honneur du pays Limosin», qui habitoit la même maison, comme professeur de grec du fils de Baïf. Cl. Binet, Vie de Ronsard, loc. cit.
211: C'est le célèbre helléniste Jacques Toussaint, qui se faisoit appeler en latin Tussanus. Il mourut en 1547.
212: Il ne faut pas le confondre avec le médecin Honoré Castellan, dont il sera parlé plus loin. Celui-ci est Pierre du Châtel, lecteur et bibliothécaire de François Ier, qui, évêque de Tulle, grand aumônier de France, mourut évêque d'Orléans en 1552.
213: Pierre Danès, qui fut premier professeur de grec au Collége de France.
214: Son père y avoit professé la jurisprudence, et il avoit à cœur que son fils fût instruit et même professât où lui-même avoit enseigné.
215: C'est en effet l'heure où la cloche sonnoit pour le réveil. A cinq heures, tout le monde devoit être rendu dans les salles, et assis sur la jonchée de paille qui servoit de litière scolastique. V. dans l'Hist. de Paris, par Félibien, t. III, p. 727, preuves, le règlement du collége Montaigu pour 1502.
216: «Le professeur, dit M. J. Quicherat, au t. I de son Histoire de Sainte-Barbe, savoit se traîner sur le livre, quel qu'il fût, qui passoit pour contenir la science. Il lisoit et ses élèves écoutoient, suivant l'expression employée alors pour dire faire un cours, suivre un cours.» H. de Mesmes a dit tout à l'heure que son frère et lui étoient auditeurs. Les premiers maîtres du collége Royal ne s'appelèrent pas professeurs, mais lecteurs.
217: Ces conférences étoient ce qu'on appeloit la réparation, exercice où les écoliers se recordoient l'un l'autre l'objet de la leçon supposée, jusqu'à ce qu'ils fussent en état de la répéter dans les mêmes termes.
218: Ces lectures par forme de jeu duroient une heure. C'étoit la seule récréation qui suivoit le dîner. «Elle ôtoit au diable, dit Robert Goulet en son Heptadogma, ch. 3, l'avantage de trouver les esprits inoccupés.»
219: Henry de Mesmes et sen frère n'etoient pas ce qu'on appeloit convicteurs ou portionistes, c'est-à-dire pensionnaires, ou boursiers. Ils étoient des martinets ou externes libres, la classe la plus nombreuse d'écoliers qui hantât alors les écoles.
220: Le savant Adrien Turnèbe, qui fut en effet professeur à Toulouse, avant de diriger à Paris l'imprimerie Royale, «pour les livres grecs».
221: Denis Lambin, qui après avoir professé à Toulouse, en même temps que Marot son ami, et plus tard son ennemi, suivit à Rome le cardinal de Tournon, et revint professer le grec à Paris, au collége Royal. Il resta l'ami d'Henry de Mesmes. Il lui dédia ses Commentaires sur Cicéron, et attesta dans l'épitre dédicatoire qu'il lui devoit ce que ses observations contenoient de meilleur.
222: Emile Ferret, ou Ferretti, de Castel Franco, qui, après avoir été secrétaire de Léon X, enseigna le droit aux écoles de Valence et d'Avignon, où il mourut le 14 juillet 1552, avec le titre de conseiller au Parlement de Paris, que lui avoit conféré François Ier. On a de lui Juridica opera, 1598, in-4.
223: Pour résumer mon sentiment sur les dures études du XVIe siècle, et ajouter quelques faits à ceux qui précèdent, je ne puis m'empêcher de citer quelques lignes d'un discours prononcé par H. Rigault à la distribution des prix du Lycée Louis-le-Grand en 1854, et recueilli dans ses Œuvres complètes: «Et, dit-il après avoir décrit l'horrible vie du collége Montaigu, et sa rude discipline, et cependant eu ces jours terribles, on voyait accourir en foule une jeunesse prête à tout souffrir, la faim, le froid et les coups, pour avoir le droit d'étudier. Un pauvre enfant qui devait un jour devenir principal de Montaigu, Jean Stondonck, venait à pied de Malines à Paris pour être admis à cette sévère école, travaillait le jour sans relâche, et la nuit, montait dans un clocher pour y travailler encore aux rayons gratuits de la lune. C'était le temps héroïque des études classiques, le temps ou Ronsard et Baïf, couchant dans la même chambre, se levaient l'un après l'autre, minuit déjà sonné, et, comme le dit un vieux biographe, Jean Daurat, se passaient la chandelle pour étudier le grec, sans laisser refroidir la place. C'est le temps où Agrippa d'Aubigné savait quatre langues et traduisait le Criton de Platon «avant d'avoir vu tomber ses dents de lait». Aujourd'hui, les mœurs scolaires sont plus douces et les maîtres s'en applaudissent les premiers. La place du grand fouetteur Tempête est supprimée dans l'Université, et le délicat Erasme vanterait les bons lits et la bonne chère de la jeunesse moderne. Mais, ajoutait Rigault apostrophant directement les élèves, mais le savoir est-il aussi précoce? J'en connais beaucoup d'entre vous qui ne traduiraient pas le Criton, et qui ont pourtant leurs dents de sagesse.»
224: Rollin, après avoir transcrit dans le Traité des études la première partie du morceau qui précède, dit en note: «Le même manuscrit rapporte une belle action de M. de Mesmes, qui refusa une place considérable que le roi lui offroit, et par ce généreux refus la conserva à celui qui l'avoit occupée jusque là.» Le récit de cette belle action se trouve dans le fragment qui suit.
225: Cette pièce, qu'on range parmi les mazarinades à cause de sa date et de son format, est on ne peut plus rare. (C. Moreau, Bibliogr. des mazarin., t. II, p. 105.) M. Brunet, qui l'avoit omise dans les deux premières éditions de son Manuel, ne l'a pas oubliée dans la troisième. V. t. II, 2e partie, p. 1230. Il l'avoit connue par l'excellent livre de M. Ed Frère, Manuel du bibliographe normand, t. I, p. 462.—L'auteur, David Ferrand, est le même à qui l'on doit la Muse normande, recueil en patois normand, dont les 28 parties sont si difficiles à réunir. V. un article de M. Rathery, dans l'Athenæum du 12 fév. 1853, et un autre de M. C. Moreau, dans le Bulletin du Bibliophile, janv. 1862, p. 811. David Ferrand s'y distingue comme homme d'esprit original, mais non comme imprimeur. Je ne sache rien de plus mal imprimé et sur plus affreux papier que cette Muse normande du lettré typographe de Rouen. La pièce reproduite ici n'est pas la seule qu'il ait composée en françois, mais je ne lui en connois point d'autre imprimée à Paris. Elle suivit sans doute de près la mort de Charles Ier, dont elle est la complainte. Il fut exécuté, comme on sait, le 9 février 1649. Elle est un témoignage du grand trouble et de l'indignation que ce supplice jeta en France dans les esprits. Plusieurs autres écrits du temps font foi de la même préoccupation douloureuse, et sont empreints du même sentiment de vengeance. Dès le mois de février, le Banissement du mauvais riche, in-4o, contenoit des vers sur l'exécution du roi d'Angleterre. Le 18 mars, Renaudot écrivoit à Saint-Germain: La déplorable mort de Charles Ier, roi de la Grande-Bretagne; puis François Preuveray publioit: Les dernières paroles du roy d'Angleterre, avec ses adieux aux princes et princesses ses enfants, et aussi les Mémoires du feu roy de la Grande-Bretagne, écrits de sa propre main dans sa prison... traduit de l'anglois en nostre langue par le sieur de Marsys. 143 p. in-4o. G. Sassier faisoit paroître en même temps, en in-4o de 12 pages: Les justes soupirs et pitoyables regrets des bons Anglois sur la mort du très-auguste et très-redouté monarque Charles, roy de la Grande-Bretagne et d'Hibernie, etc. D'autres ne s'en tenoient pas aux lamentations, et, comme je l'ai dit, crioient vengeance. Ainsi, l'on vit paroître chez Arnould Cottinet: Exhortation de la Pucelle d'Orléans à tous les princes de la terre de faire une paix générale tous ensemble pour venger la mort du roi d'Angleterre par une guerre toute particulière. Un anonyme s'indignoit en latin, dans 4 pages in-4o que publièrent la veuve Pepingné et Étienne Maucroy: Diræ in Angliam, ob patratum scelus, 9 februarii 1649. Il demandoit qu'on fît la paix partout, afin de mieux faire la guerre aux deux peuples maudits: les Turcs et les Anglois. Un autre écrit du même genre, Relation véritable de la mort barbare et cruelle du roy d'Angleterre, se terminoit par un appel aux rois pour qu'ils ne missent pas de retard à venger leur frère de la Grande-Bretagne, et par cette apostrophe à la mer: «Et toi, Océan, qui couronnes cette île malheureuse, que ne vomis-tu tes eaux pour la bouleverser.» Quelques-uns tournoient la chose tout autrement, et faisoient de cette mort une menace pour le petit Louis XIV. Dans La France ruinée par les favoris, et dans la Lettre d'un fidèle François à la reine, on présage au roi le sort de Charles Stuart, et à sa mère celui de Marie de Médicis. Un autre plus sensé: Raisonnement sur les affaires présentes, et leur différence de celles d'Angleterre, établit judicieusement que la triste comparaison entre nos troubles et ceux de la Grande-Bretagne étoit absurde, puisque chez nous il ne s'agissoit guère que d'une question de finances et de tyrannie fiscale. Tout le monde s'émut, même les protestants, qui, craignant qu'on ne leur fît un crime de ce qu'avoient si cruellement osé les sectaires anglois, firent publier à Paris et à Rouen: Remontrance des ministres de la province de Londres adressée par eux au général Fairfax et à son conseil de guerre douze jours avant la mort du roy de la Grande-Bretagne. Ils vouloient prouver par cette publication que l'infamie de cette exécution n'étoit en rien imputable à la religion réformée, puisque ses ministres avoient été des premiers à réclamer contre la sentence.
226: La reine d'Angleterre, quinze jours après être accouchée d'une fille à Exeter, s'étoit embarquée pour la France, qu'elle ne devoit plus quitter: c'étoit au commencement de 1644. (Journ. d'Ol. d'Ormesson, t. I, p. 224.) Elle habita le vieux château de Saint-Germain, le Palais-Royal, puis le couvent de la Visitation, à Chaillot. (V. plus haut, p. 45, note.) La misère fut souvent grande pour elle et pour tous ceux qui l'avoient suivie. On en fit un crime à Mazarin; on alla même jusqu'à dire qu'il avoit par ses spoliations ajouté encore à la pénurie de ces Anglois réfugiés. La Mazarinade lui dit:
Va rendre compte au Vatican
De ta sincérité fardée.
Des Angloys qui n'ont point de pain,
Que tu laisses mourir de faim;
Et de leur reine désolée
De ses bagues par toi volées,
227: Ceci n'est-il pas une allusion à l'énergique mesure prise par Charles Ier lui-même contre les François, gentilshommes, chapelains, etc., qui composoient la maison de la reine à Londres, et dont les prétentions turbulentes avoient soulevé de grands mécontentements à la cour et à la ville? Le roi les réunit tous un soir et leur intima l'ordre de partir sur-le-champ; ce qui fut fait, et sans le moindre retard, car les voitures étoient prêtes. Afin que la reine ne fît rien pour s'opposer à ce départ de ses amis, le roi l'avoit traînée dans son appartement et l'y avoit enfermée. Sa colère, qui fut terrible, ne put heureusement se porter que contre les vitres, qu'elle brisa. Une lettre de M. Pory à M. Mead, conservée à la Bibliothèque Harléienne, manuscr. no 383, donne à ce sujet de curieux détails. La reine, au moment où ceci se passa, n'avoit pas moins de quatre cent quarante personnes attachées à sa maison, ce qui, suivant une lettre du temps, entraînoit une dépense de 240 livres sterling par jour. Revenue de sa colère, Henriette pria, supplia, et fit supplier par Bassompierre, qui étoit alors notre ambassadeur à Londres. Charles n'accorda rien. «Le roy, dit Bassompierre dans une lettre insérée au t. III de ses Ambassades, est si résolu à ne restablir aucun François auprès de la reyne sa femme, et a esté si rude à me parler lorsqu'il m'a donné audience, qu'il ne se peut davantage.» D'après une lettre de lord Dorchester à M. de Vic, l'un des agents de l'Angleterre à Paris, il paroîtroit que le roi refusa même un médecin françois à la reine, bien qu'il fût déjà arrivé à Londres avec l'autorisation de la reine-mère. Quoique tout cela se fût passé depuis bien longtemps, Henriette et ses amis renvoyés en France ne devoient pas l'avoir oublié, et leur rancune devoit être toujours vive contre ceux dont les criailleries avoient poussé le roi à cette extrémité. Il faut lire sur toute cette affaire un chapitre fort intéressant des Curiosities of litterature de d'Israëli; on en trouve une traduction dans l'Écho britannique du 10 janv. 1835, p. 47-53, sous ce titre: Histoire secrète du roi Charles Ier et de la reine Henriette de France.
228: Le 27 avril 1646, le roi étoit venu d'Oxford se confier à la loyauté des Écossois, campés à Kelham. Peu de jours après il étoit livré à Fairfax.
229: «Oculum pro oculo, et dentem pro dente.» Exod., ch. 21, verset 24.
230: On a vu plus haut que plusieurs écrits du même temps émirent un vœu semblable.
231: C'est la déesse sanguinaire à laquelle on sacrifioit des victimes humaines et qui n'avoit d'autels que dans la Tauride.
232: Ces deux vieilles rancœurs sont les haines envenimées de la France et de l'Espagne, qui depuis si long-temps étoient en guerre. David Ferrant voudroit qu'elles fissent la paix pour s'en aller combattre ensemble la nation régicide. C'étoit l'avis de beaucoup de bons esprits en ce temps-là, notamment de M. d'Ormesson, qui, après avoir appris l'exécution du roi Charles, écrivit dans son Journal: «C'est un exemple épouvantable entre les roys, et jusqu'à présent inouï, qu'un peuple ait jugé et condamné son roy par les formes de la justice, et ensuite exécuté. Tout le monde doit avoir horreur de cet attentat; et si les rois de France et d'Espagne étoient sages, ils devroient faire la paix entre eux et joindre leurs armes pour restablir cette maison royale dans son trosne.» Journal d'Oliv. Lefevre d'Ormesson, publié par Chéruel (Docum. inéd.), 1860, in-4o, t. I, p. 678.
233: La défense qui fait l'objet de cette pièce fort rare n'étoit pas chose nouvelle en 1613. Elle n'étoit que renouvelée comme la plupart des prescriptions du même genre, qui, formulées vingt fois, n'étoient pas le plus souvent observées une seule. De tout temps, notamment sous Henri III, cabarets et tavernes avoient été interdits. Au mois d'octobre 1576, Claude Hatton écrit dans ses Mémoires (t. II, p. 879): «Renouvellement de la défense faite par le roi d'aller boire jour et nuit dans les tavernes.» On n'y alla pas moins. L'an d'après, au mois de mars, nouvel édit, daté de Blois, qui n'eut pas de résultat plus décisif (Isambert, Anciennes Lois françaises, t. XIV, p. 320). A Rouen, cependant, ou, la même année peut-être, une mesure semblable avoit été prise par arrêt du parlement, les cabarets coururent de vrais risques. On avoit imaginé, pour empêcher les buveurs de s'y rendre, une taverne ambulante qui alloit leur porter, à doses modérées et à courtes stations, les rafraîchissements dont ils ne pouvoient se passer dans leurs ateliers. Ce fut pendant quelque temps un vrai préjudice pour les vraies tavernes, où l'on ne prenoit plus la peine d'aller chercher ce que, tout en obéissant à la loi, on avoit chez soi sans se déranger. Une pièce très-rare, pet. in-8o, vendue 65 francs en 1844, à la vente de Nodier, qui en avoit fait la matière d'une très-curieuse notice (Bullet. du Bibliophile, juillet 1835), fut, à ce propos, publiée à Rouen, au portail des libraires, par Jehan du Gort et Jaspar de Remortier. Voici le quatrain qui lui sert de titre:
Le discours démonstrant sans feincte
Comme maints pions font leur plainte,
Et les tavernes desbauchez,
Par quoy taverniers sont faschez.
Les cabarets eurent pourtant leurs consolations à Rouen comme partout. Ils se rouvrirent peu à peu, et la taverne ambulante, qu'on appeloit triballe ou trimballe, disparut. A Paris, ils n'avoient jamais eu de chômage complet, que je sache, pas plus après les édits de Henri III qu'après celui de Louis XIII dont il est question ici. Quelques années après, Messieurs de la taverne relevoient si bien la tête, qu'un anonyme croyoit bon de publier en leur nom une très-curieuse requête: Les justes plaintes faites au roy par les cabaretiers de la ville de Paris sur la confusion des carrosses qui y sont et de l'incommodité qu'en reçoit le public, par le sieur D. L. P., 1625, in-8.—Sous Louis XIV, il y eut aussi plus d'un édit de tempérance. Ainsi, par un règlement de 1666, les cabarets durent être fermés à six heures, depuis le 1er novembre jusqu'à Pâques, et à neuf heures dans les autres saisons. En 1705, les suisses et portiers des maisons et hôtels «vendant vin en gros ou en détail, soit à pot ou à assiette», reçurent, par arrêt du conseil, l'ordre de cesser ce commerce, mais n'en tinrent compte, à ce qu'il paroît, car, sur la demande des cabaretiers eux-mêmes, pour qui c'étoit une préjudiciable concurrence, il fallut le réitérer plus tard par un autre arrêt du 15 mars 1737. Voltaire, dans sa lettre à madame de Bernière, du 28 novembre 1723, a parlé de ce commerce que les suisses faisoient à la porte des hôtels: «Vous avez, lui dit-il, un suisse qui ne s'est pas attaché à votre service pour vous plaire, mais pour vendre à votre porte de mauvais vins à tous les porteurs d'eau qui viennent ici tous les jours faire de votre maison un méchant cabaret.» Il y a encore dans beaucoup de villes de l'étranger des pensions suisses. Leur nom vient de cet usage, qui disparut à la Révolution avec les suisses des hôtels.
234: Pour résigna, céda. C'est l'ancienne forme du mot. V. Ancien théâtre, t. II, p. 52; III, p. 129.
235: C'étoit une espèce de petits choux fort délicats, faits d'une pâte molle, et qui par conséquent n'étoient appelés casse-museaux que par antiphrase. Peut-être avoit-on dit d'abord cache-museaux parce que la figure de celui qui en mangeoit s'y perdoit dans la pâte. Au XVIe siècle, c'étoit déjà une friandise fort goûtée. Dans la Farce nouvelle, très-bonne et très-récréative pour rire des Cris de Paris, le Sot crie entre autres chose:
Casse-museaulx
Chaulx, casse-museaulx chaulx.
(Ancien théâtre, t. II, p. 213.)
236: Depuis longtemps déjà Martin-bâton étoit connu dans les ménages, où, comme tiers, il prenoit haut la parole à chaque dispute. Dans la Farce du Badin (Anc. th., t. I, p. 278), celui-ci dit, à propos d'une femme fourbe:
Si elle te triche, voicy
Martin-baston qu'en fera
La raison.
Si Martin étoit le bâton, Martine étoit l'épée. «Quiconque, fait dire Brantôme au vieux capitaine piémontais de ses Rodomontades espagnolles, quiconque aura affaire à moy, il faut qu'il ait affaire à Martine que me voylà au costé.» Œuvres, édit. du Panthéon, t. II, p. 16.
237: Les défenses contre les tavernes n'atteignoient pas les marchands de vin qui vendoient à pot, et que l'on n'avoit jamais confondus avec les cabaretiers. «Les marchands de vin, écrivoit Colbert le 16 octobre 1681 à M. de Mirosménil, qui n'avoit pas à ce propos fait exécuter comme il convenoit le règlement des Aydes dans la ville de Vitry, les marchands de vin ne peuvent vendre en détail qu'à huis coupé et pot renversé, et les taverniers et cabaretiers peuvent vendre du vin, donner à manger ou souffrir que l'on mange dans leur maison.» Corresp. administ. de Louis XIV, t. III, p. 290.
238: Dans la pièce rouennoise du XVIe siècle que nous avons citée en commençant, les femmes se réjouissent aussi de ce que désormais, vu la défense de boire ailleurs qu'au logis, elles auront leur part à la ripaille:
Si un voisin avec son familier
Se veut esbattre, ainsy que de raison,
Il est contraint de boire en sa maison
Et d'envoyer querir du vin à pot.
Par ce moyen, en tout temps et saison,
Femme et enfant ont leur part à l'escot.
239: On voit que cette huile fameuse, tant redoutée des épaules, n'est pas baptisée d'hier. Oudin en parle dans ses Curiositez françoises au mot Huile, et elle a son article dans le Dictionn. du Bas Langage, t. II, p. 52.
240: Cette pièce fort rare se trouve à la suite de l'Ordre et cérémonie observée tant en la descente de la chasse de madame saincte Geneviefve, patronne de Paris, qu'en la procession d'icelle, par E. Leliepvre. A Paris, chez Jean Du Carroy, imprimeur, demeurant en la rue de Rheims, près le collége, 1611, pet. in-8.—C'est la traduction exacte et presque littérale quoiqu'en vers, du petit poëme qu'Erasme composa en l'honneur de la patronne de Paris, dont l'intercession l'avait guéri de la fièvre quarte: D. Erasmi Roterodami divæ Genovefæ præsidio a quartana febri liberati carmen votivum, nunquam ante hoc excusum. Parisiis excudebat Christianus Wechelus, sub sento Balilenti, in vico Jacobæo, anno M.D.XXXII. L'édition de Paris, dont nous venons de donner le titra, est on ne peut plus rare. Erasme avoit publié son poëme à Bâle, chez Froben, dont alors il étoit l'hôte, puis en même temps à Fribourg, chez Jo. Emmens, et à Paris, chez Ch. Wechell. Panzer n'a cité que l'édition de Bâle. M. Ap. Briquet, dans une note du Bullet. du Bibliophile (janv. 1859, p. 53), a fait valoir la rareté de l'édition de Fribourg, mais personne n'a parlé de celle de Paris, dont nous possédons un exemplaire. Il étoit du reste naturel qu'un poëme fait en l'honneur de sainte Geneviève eût sa publicité spéciale dans la ville dont elle est la patronne.—Je ne sais quel est le E. Leliepvre, auteur de la traduction reproduite ici. Toutefois, comme ce poëme, par sa nature un peu médicale, ne devoit pas répugner à la muse d'un médecin, je croirois volontiers que notre traducteur en rimes n'est autre que Elie Lelièvre, de qui l'on connoît deux ouvrages devenus fort rares: Officine et jardin de chirurgie militaire, contenant les instruments nécessaires à tous chirurgiens, etc., Paris, Robert Colombel, 1583, pet. in-8; Epydimyomachie, ou Combat de la peste, avec, le règlement politique, et douze tables démonstratives des choses naturelles et contre nature, Paris, Robert Colombel, 1581, pet. in-12.
241: L'île Notre-Dame, aujourd'hui l'île Saint-Louis, qui appartenoit alors tout entière au chapitre de la cathédrale.
242: Santeul, dans son inscription pour la pompe du pont Notre-Dame (Opera omnia; 1698, in-8, t. I, p. 344), parle aussi de cet amour que la Seine a pour Paris, dont ses flots ralentis semblent ne pouvoir quitter le voisinage. Voici la traduction de ces vers de Santeul par P. Corneille:
Que le Dieu de la Seine a d'amour pour Paris!
Dès qu'il en peut baiser les rivages chéris,
De ses flots suspendus la descente plus douce
Laisse douter aux yeux s'il s'avance ou rebrousse:
Luy mesme à son canal il desrobe ses eaux,
Qu'il y fait rejaillir par de secrettes veines,
Et le plaisir qu'il prend à voir des lieux si beaux
De grand fleuve qu'il est, le transforme en fontaine.
243: C'est la plus ancienne forme du mot berceau, qui n'en est du reste que le diminutif. On disoit aussi bercelet, comme on le voit par un passage du Recueil des histor. de France, et bercerole, joli mot employé par Pasquier, Recherches, liv. V, ch. 32.
244: C'est le puits de la maison du père de sainte Geneviève, dont on avoit fait une fontaine sacrée. Le P. Lallemant, dans la Vie de la sainte, dit qu'on faisoit boire de l'eau de ce puits à Charles VI pendant sa maladie.
245: Erasme étoit venu achever ses études à Paris, dans l'infect et redoutable collége de Montaigu, qu'il a tant maudit en ses Colloques, quand sa nature délicate étant exténuée par la mauvaise nourriture, poissons pourris, œufs gâtés, etc., et par l'humidité des chambres, il se trouva pris de la maladie dont il parle. V. dans l'édit. de Leyde, in-fol., ses Lettres, p. 1479.
246: C'est en effet fort tard, lorsqu'il avoit soixante-cinq ans, qu'Erasme fit à sainte Geneviève ce remerciement pour la guérison dont il lui avoit été redevable près d'un demi-siècle auparavant. Il avoit été guéri en 1492, et il ne remercioit qu'en 1532! encore son remerciement étoit-il intéressé. Erasme se sentoit vieux, malade; et vieillesse et maladie ne lui avoient rendu la mémoire du bienfait qu'avec un secret désir de recourir une seconde fois à la divine bienfaitrice. Comme tant de débiteurs en retard, il ne payoit que pour avoir de nouveau le droit d'emprunter.
247: Secouru, sauvé. V. Anc. théâtre, t. VIII, p. 191.
248: Guihelmus Copus, dit le texte; E. Lelièvre traduit donc mal en écrivant Lecoq. Le médecin dont parle Erasme est Guillaume Cop, qui vint de Bâle, sa ville natale, à Paris, du temps de Louis XII. Il fut médecin de ce roi, puis de François Ier, et traduisit une partie des œuvres de Galien et d'Hippocrate.
249: Lors qu'Erasme parloit ainsi de son mérite et de sa vaillante vieillesse, Guillaume Cop n'avoit plus que peu de mois à vivre; il mourut, cette même année 1532, le 2 décembre.
250: Pièce lyonnoise on ne peut plus rare, qui n'existoit pas dans la bibliothèque de M. Coste, et que Brunet n'indique pas même dans la nouvelle édition si perfectionnée de son Manuel. Elle doit être l'œuvre de quelque jésuite de Lyon, vengeant ainsi son ordre des attaques de la secte moitié janséniste et moitié vaudoise, mise en scène dans la personne du barbier franc-comtois son apôtre. Quoiqu'ennemie des jésuites comme on le verra, cette secte singulière avoit de leurs allures, et si Molière, qui étoit alors à Lyon, en connut les adeptes, ce qui est probable, ils purent lui servir pour plusieurs traits de son Tartufe. Ce n'est pas à Lyon seulement que s'étoit établie cette dévotion cabalistique dont l'illuminisme avoit, comme on le dira plus loin, de nombreux rapports avec celui des Rose-Croix d'Espagne; elle s'étendoit aux environs jusque dans le Piémont, où elle se rattachoit aux derniers débris des Vaudois, et de l'autre côté jusqu'au Puy, en Velay.
251: Chose arrivée. (Note de l'auteur.)
252: Ces predicants n'étaient pas forcément des prêtres; ils pouvoient être pris parmi les laïcs. C'est ce qui explique qu'un barbier pût être apôtre dans cette religion. Par cette admission des laïcs dans la prédication, elle se rattache à celle des Vaudois.
253: C'étoit alors une des friandises, une des chatteries à la mode. Voir ce qui en est dit dans les Nouvelles instructions pour les confitures, les liqueurs et les fruits, Paris, Sercy, 1692, in-12.
254: Bruno et Thoniel étoient sans doute deux des apôtres de la cabale.
255: Agent.
256: Sur ce point, la nouvelle cabale s'éloigne des doctrines vaudoises, qui proscrivent la confession auriculaire.
257: Ceci nous ramène aux idées des Vaudois, qui vouloient le retour à l'organisation et à la pureté de la primitive Eglise.
258: Emolument étoit un terme de pratique, qui s'employoit alors dans le sens de gain, profit, etc.
259: La caballe, à ce qu'il paroît, se recrutoit volontiers chez les pauvres gens, et par là se rapprochoit encore des Vaudois, qu'on avoit appelés d'abord les pauvres de Lyon.
260: Tout ceci et ce qui suit se rapproche de la doctrine d'Orgon et de son maître l'illuminé Tartufe:
Et je verrois mourir frère, enfant, mère et femme,
Que je m'en soucierois autant que cela.
261: Cabinet est ici, bien entendu, dans le sens qu'il avoit alors, meuble à tiroir, etc. Sur ce mot et sur le sens, toujours mal compris, dans lequel Alceste l'employa (Misanthrope, acte I, sc. 2), voir notre édit. des Chansons de Gautier Garguille, p. 192.
262: Draps de lit. «Il se disoit indifféremment dans l'une et l'autre acceptions, écrit M. Léon de Laborde, et je ne sache pas quelque chose de plus philosophique.» Notice des émaux, documents et glossaire, p. 365.
263: Pour: Dieu vous donne. Cette forme se trouve très-souvent jusqu'à la fin du XVIe siècle et même plus tard, comme on le voit ici. Une lettre de Montaigne à La Boétie se termine par exemple ainsi: «Monsieur, je supplie Dieu qu'il vous doint très heureuse et longue vie.» Selon Génin, dans un article que ses Récréations philologiques n'ont pas reproduit, «doint n'est qu'une forme de subjonctif, forme isolée qui n'appartient pas à un verbe. C'est la traduction, le calque du latin duint, qui lui-même est déjà un archaïsme dans Térence.» Nouvelle Revue encyclopédique, juin 1847, p. 218.
264: Chose conseillée et pratiquée.
265: C'est la première forme de ce mot, alors nouveau. Il se rapproche ainsi davantage du nom de la ville de Pistoie (Pistoria), où, suivant Huet, les premiers bistoris furent fabriqués.
266: Les sondes de toutes sortes, même celles qu'on croyoit n'avoir été inventées que deux siècles plus tard, étoient déjà employés par les praticiens, et même, à ce qu'il paroît, par les barbiers qui se mêloient de chirurgie. Antoine Guainer dit, par exemple, au chap. 15 de son Traité De orthetica et calculosa passione, compris dans son grand ouvrage Tractatus de febribus, etc., 1573, in-fol.: «Qu'on se serve d'une fine bougie de cire, ou d'une petite verge d'argent ou d'étain.» Il devançait, je le répète, de près de deux cents ans ce M. Daran, dont les sondes-bougies faisoient dire au marquis de Bièvre qu'il prenoit des vessies pour des lanternes, et qui fut, grâce à elles, d'un si grand secours pour J. J. Rousseau dans son infirmité. V. les Confessions, 2e partie, liv. VIII.
267: Je ne sais quel est cet onguent caustique, mais il doit être du genre de ceux dont il est parlé dans les Secrets du sieur Alexis, Piémontois, 1561, in-8, 2e part., liv. I. Les caustiques violents étoient fort employés en chirurgie, surtout depuis l'invasion des maladies vénériennes. Bayle a tiré de leur usage une métaphore énergique pour expliquer la nature corrosive de son dictionnaire: «C'est, disoit-il, un caustique violent, qui, après avoir consumé les chairs baveuses d'une plaie, carie les os et perce jusqu'à la moelle.»
268: Le narquois, c'est l'argot. «On entend par ce mot narquois, dit La Monnoie dans le glossaire de ses Noëls bourguignons, édit. Fertiault, p. 4-334, un trompeur, un filou.... et comme ces narquois se sont fait un langage particulier, ce langage a été dit le narquois.» Il y a dans Tallemant, édit. in-12, t. I, p. 220, un exemple de ce mot à propos de M. d'Angoulême, dont l'humeur d'escroc étoit bien connue: «Un jour, écrit-il, qu'on disoit à feu Armentières que M. d'Angoulême savoit je ne sais combien de langues: «Ma foi, dit-il, je croyois qu'il ne savoit que le narquois.»
269: Le mot usuel en médecine étoit brayer. C'étoit une invention très-ancienne. V. Du Cange, au mot bracca. Les brayers étoient d'acier. On en donnoit pour rien, chez les Grands-Augustins, aux pauvres gens attaqués de la hergne.
270: C'est le meilleur pâtissier du Puy. (Note de l'auteur.)
271: L'affinité de chrétien et de crétin, donnée ici pour rire, est cependant sérieuse. Le second n'est qu'un dérivé du premier. F. Génin, à qui ce rapport ne dut pas déplaire, l'a constaté longuement avec une complaisance toute voltairienne dans ses Récréations philologiques, t. II, p. 163-165; et récemment, un journal d'une opinion différente, la Revue d'économie chrétienne (février 1862), consacroit ainsi cette étymologie, en faisant valoir ce que, sous son apparence ridicule, elle a d'édifiant: «L'origine du mot crétin est à la fois curieuse et triste. Fodéré a démontré dans un traité spécial (Turin, 1792), qu'il dérive du mot chrétien. Ils sont en effet pauvres d'esprit, incapables de pécher; et les populations du moyen âge, pleines de foi, confiantes dans la parole du Seigneur qui leur dit: Beati pauperes spiritu, adoptoient avec charité et se faisoient un bonheur de recevoir à leur foyer ces pauvres déshérités de l'intelligence, mais prédestinés au ciel, choisis pour être bienheureux, en un mot chrétiens par excellence.» V. aussi, dans les Annales du Bibliophile, t. I, p. 22, un curieux article de M. Anatole de Montaiglon sur le nom du poëte Guillaume Crétin.
272: V., sur la Cabale de ces illuminés d'Espagne, nos t. I, p. 115, et IX, p. 280.
273: Cette pièce, que je crois inédite et dont la date doit être l'année 1636, se trouve dans les manuscrits de Conrard, que possède l'Arsenal, partie in-4, t. V, p. 1235-1238. Elle est d'un genre de plaisanterie qui fut très à la mode au XVIIe siècle, et dont l'esprit consiste dans le rapprochement satirique du nom, du rang, du caractère d'une personne avec le nom ou la figure de l'enseigne que porte l'hôtellerie où l'on suppose que cette personne est logée. Au moyen âge, c'étoit un jeu d'esprit déjà connu, et dont notamment maître Pierre Tasserye s'amusa dans son monologne du Pèlerin passant qui prend gîte tantôt à l'Escu de France, tantôt à l'Escu d'Alençon ou d'Orléans, tantôt à l'Escu de Calabre, etc; c'est-à-dire qui se cherche des patrons chez le roi, chez les ducs d'Alençon et d'Orléans, ou chez les princes de Calabre. Nous avons analysé dans notre histoire des Hôtelleries et cabarets, t. I, p. 262-264, ce curieux monologue publié par Techener dans la collection de farces, moralités, sermons joyeulx, etc.—Un des livres les plus curieux de la fin du règne d'Henri IV, le Paysan françois, fit sous la même forme son envoi à la reine Marie de Médicis. Lors, dit-il:
Lors qu'à Fontainebleau, distant de mon village
Six lieux, j'alloy, Madame, vous y pensant trouver,
Pour ce discours rustic, mais bon, vous presenter.
Tel, que j'avois ouy ailleurs qu'au labourage.
Je logeai au Dauphin à petit hostellage,
Ne pouvant à l'Escu, pour y peu despencer;
Ni à la Fleur de lys, car il y fait trop cher:
Hostelleries des grands, non des gens de village;
Je fus bien toutes fois. Puissé-je, dis-je alors,
Trouver à me loger au Dauphin tousjours, lors
Ou qu'à la Fleur de lys ou à l'Escu de France
Je ne pourray loger. Or encore, dit-on
Que l'on est bien traitté et qu'en somme il fait bon
A l'Escu Medicis ou celuy de Florence.
Sous Louis XIII, comme notre pièce le prouve, le même système de satire à l'enseigne fut adopté, et quand arriva le temps des mazarinades, il n'étoit pas encore usé. En 1649 parut un pamphlet de six pages très-impertinent, Les Logements de la cour à St-Germain-en-Laye, in-4; et en 1652, Le Fourrier d'Estat marquant le logis de chacun suivant sa fortune; puis, comme contre-partie de celui-ci: Le Nouveau Fourrier de la cour. A la fin du règne de Louis XIV, on revint encore à ces facéties, qu'on fit débiter, en hors-d'œuvre, dans les farces de société. Palaprat, qui ne faisoit que les remettre au jour, se vanta de les avoir inventées: «Pour soulager la mémoire des acteurs, dit-il dans son Discours sur le Grondeur, j'imaginois pour leurs rôles tout ce qui pouvoit être lu avec grâce et en action, comme lettres, titres de livres, ENSEIGNES DE BOUTIQUE, étiquettes de boîtes, et fioles d'opérateurs et de charlatans, etc.; et, par là, j'ose me vanter d'avoir donné l'idée de ce qu'on a depuis appelé dans le monde: Logements et Bibliothèques, qu'on a tant promenées et sur le théâtre et ailleurs.» Le Sage, dans Crispin rival, et Dancourt dans Les Agioteurs, ont glissé quelques-unes de ces plaisanteries sur les logements que Palaprat se vante si gratuitement d'avoir inventées.
274: On étoit alors en pleine guerre de Trente ans, et ce logement à l'Aigle impériale n'est pas mal trouvé, pour le roi, au nom duquel Richelieu tâchoit d'abattre la maison d'Autriche.
275: Ceci prouve que cette pièce est antérieure à la naissance de Louis XIV, et même à toute espérance de voir Anne d'Autriche nous donner un Dauphin.
276: Pourquoi, pour Gaston, cette enseigne du Grand Cerf? Peut-être à cause de sa couardise.
277: Ces enseignes: l'Ancre, la Couronne ducale, l'Ecu de Bretagne, conviennent bien pour Richelieu, qui étoit grand amiral, et qui, en même temps que le titre de duc et pair, avoit reçu le gouvernement de Bretagne.
278: C'est-à-dire les Clefs de Saint-Pierre, enseigne du Vatican, demeure du pape. Richelieu n'eut jamais l'ambition du trône pontifical; il visa un instant, selon Vitterio Siri, à se faire déclarer patriarche de France; ce fut tout.
279: Henri II de Bourbon, père du grand Condé, qui, en effet, depuis ses malheureuses campagnes de Dole et de Fontarabie, ne venoit plus beaucoup en guerre. Il se contentoit d'être riche, car il étoit avare, et par là pouvoit bien s'accommoder de loger à l'Homme d'argent.
280: Le titre de M. le Comte appartenoit aux comtes de Soissons, comme celui de M. le Prince aux aînés des Condé. Le comte de Soissons, en ce temps-là, n'étoit pas, comme on sait, des amis du cardinal; et ses manœuvres de rebelle avoient déjà failli le faire arrêter, et loger en effet à l'enseigne de la Cage. Rentré un peu grâce, il avoit obtenu le commandement de l'armée de Picardie, désigné ici par la Bannière de France. Un peu plus tard, il fit cause commune avec Gaston et lança un manifeste contre Richelieu, qui riposta par un arrêt qui le déclaroit criminel de lèze-majesté. L'armée du comte et celle du roi se rencontrèrent près de la Marfée, et le rebelle fut tué. Avec lui s'éteignit le titre de M. le comte, que Louis XIV essaya vainement de rétablir en faveur du comte de Toulouse. (Saint-Simon, Mémoires, édit. Hachette, in-12, t. IV, p. 356-357.)
281: Le duc de la Valette, fils du duc d'Epernon, qui commandoit alors en Biscaye. C'étoit avoir l'épée royale. Il ne la garda pas longtemps. On sait le terrible procès que lui fit Richelieu, et dont une condamnation à mort par contumace fut le résultat.
282: Pierre Séguier, qui venoit d'être nommé chancelier en remplacement de M. d'Aligre. On le loge au Cerf-volant, sans doute parce que c'étoit l'homme le plus disposé a suivre tous les vents de la faveur. V., sur lui, t. IX, p. 22-26.
283: Le général des galères étoit Pont-Courlay, neveu ou cardinal-ministre. V. t. IX, p. 31.—Loger sous l'enseigne du Chameau, quadrupède voyageur des espaces sans eau, le général des galères, seroit un trait de satire assez amusant, mais c'est une autre malice moins fine qu'il faut chercher ici. Si Pont-Courlay loge au Chameau, c'est parce qu'il étoit bossu, «un fort vilain gobin», dit Tallemant. (Édit, in-12, t. III, p. 53.)
284: Richelieu faisoit des démarches près du saint siége pour obtenir que le P. Joseph fût fait cardinal, et teindre ainsi en rouge l'Eminence grise. Elles n'aboutirent qu'en 1638, et quand le chapeau arriva le P. Joseph étoit mort. V. t. IX, p. 24.
285: Harpe est ici dans un sens argotique, qui fait épigramme, contre messieurs des finances, gens toujours prompts à harper, prendre. V. sur ce mot Fr. Michel, Recherch. sur l'argot, p. 221.—Molière a nommé Harpin le receveur des tailles dans La Comtesse d'Escarbagnas.
286: Le grand maître de l'artillerie étoit M. de La Meilleraye.
287: Il étoit surintendant des finances depuis 1632. V. t. IX, p. 32.
288: Cl. Bouthillier, qui fut aussi surintendant des finances. V. t. IV, p. 22.
289: Trésorier des parties casuelles, qui fut grand ami d'Emery et mêlé comme lui à toutes les affaires. V. Catalogue des partisans dans le Choix des mazarinades, t. I, p. 234.
290: Président à la chambre des comptes. V. t. IX, p. 33-34.
291: Emery étoit alors notre ambassadeur près la cour de Savoie.
292: C'est la nièce du cardinal, Marie de Vignerot, veuve du marquis de Combalet.
293: On disoit que son mariage avec Combalet n'avoit pas été consommé, et Dulot avoit fait à ce sujet, avec les noms Marie de Vignerot, cette curieuse anagramme: Veuve de ton mari. (Tallemant, édit. in-12, t. III, p. 13-14.)
294: Il avoit en effet été question, en 1631 et en 1632, alors que le comte de Soissons,—qui étoit, comme on sait, de la maison de Bourbon,—faisoit cause commune avec le cardinal, de marier madame de Combalet avec ce jeune prince.
295: Mademoiselle de Lucé, mariée le 7 décembre 1601 au comte de Soissons, et mère du prince dont on vouloit faire le mari de madame de Combalet.
296: Aubery, dans la Vie du cardinal (liv. IV, ch. 23), dit au contraire, mais à tort, que c'est madame de Soissons qui avoit proposé le mariage.
297: Tallemant est du même avis. «Il l'eût épousée, dit-il, parlant de madame de Combalet et du comte, si elle eût été veuve d'un homme plus qualifié.» (T. III, édit. in-12, p. 13.)
298: Gaston d'Orléans, qu'on avoit, à ce qu'il paroît, voulu marier aussi à madame de Combalet, avoit épousé secrètement, en 1632, Marguerite de Lorraine.
299: Elle n'eût fait qu'y retourner, car une partie de son veuvage s'étoit passée chez les carmélites; elle n'y retourna pas. Son oncle, désespérant de lui donner un mari, voulut lui donner un beau titre. Il lui acheta, en 1638, le duché d'Aiguillon, dont elle porta le nom jusqu'à sa mort en 1675.
300: Le maréchal de Créqui étoit alors aux prises dans le Milanais avec le marquis de Leganez. Il n'obtint pas ce qu'on lui souhaite ici, il ne délogea pas les Espagnols et ne se logea pas dans Milan.
301: Cette pièce agréable «si souvent imitée» comme l'a dit M. Cousin (La Société françoise au XVIIe siècle, t. II, p. 195), ce petit roman monétaire, prototype de tant d'autres, où l'on a mis en scène écus, schellings et même jusqu'à l'humble sou, pour leur faire raconter leur histoire, fut très-remarqué dans la société des précieuses, dont le règne finissoit quand il parut. La première édition fut presque contemporaine des Précieuses ridicules. Elle ne portoit pas le titre inscrit ici. Voici celui qu'on lisoit sur sa première page: La Pistole parlante, ou la Métamorphose du louis d'or, Paris, de Sercy, 1660, in-12. L'année suivante paraissoit une nouvelle édition avec le titre nouveau qui est resté: Le Louis d'or; à mademoiselle de Scudéry, Paris, Loyson, 1661, in-12. Nous n'en connoissons pas d'autre réimpression séparée. Le Louis d'or ne fut de nouveau publié que dans le Recueil des Poésies du Madame de La Suse, etc.; et dans celui des Pièces choisies tant en prose qu'en vers, dont La Monnoye fut l'éditeur anonyme, La Haye, Van Lom, Pierre Gosse et Albers, 1714, pet. in-8, t. II, p. 241-272. Ces recueils sont rares; les deux éditions isolées du Louis d'or le sont encore plus. On nous saura donc gré de lui donner place dans ce volume. Il le mérite non-seulement à cause de sa rareté et de son tour ingénieux et spirituel, qui en fait l'écrit le moins précieux peut-être qui soit sorti de l'école des précieuses, mais aussi à cause de l'attention accordée à son auteur Isarn par M. Cousin, dans le beau livre cité tout à l'heure, et de l'espèce de bruit fait dans un journal spécial, autour de ce même Isarn dont M. A. T. Barbier nioit l'existence, tandis que M. P. Lacroix soutenoit qu'il avoit bel et bien écrit. V. Bulletin du Bouquiniste, 1858, p. 271, 359.—Isarn ou Yzarn, dont on ne sait pas l'autre nom, étoit de Castres, comme Pellisson, mais beaucoup plus beau, plus riche, et même, ou peu s'en faut, aussi spirituel quand il falloit s'en tenir à la galanterie.—Tallemant, qui le vit beaucoup chez la femme de son cousin Gédéon Tallemant, dont la passion pour Isarn fit grand bruit, dit de lui (édit. P. Paris, t. IV, p. 389): «Garçon bien fait, qui a bien de l'esprit et qui fait joliment des vers.» On jugera tout à l'heure de la vérité de ce dernier éloge. Il eut force aventures galantes, car il se piquoit peu de constance, ainsi que nous le ferons voir plus loin en son lieu. C'étoit un des assidus de la société du samedi chez mademoiselle de Scudéry ou chez mademoiselle Boquet. Dans la fameuse journée des Madrigaux (20 décembre 1653), dont Pellisson rédigea le procès-verbal, Isarn est présent, et, comme toujours, place son mot et ses petites rimes: «Isarn, dit M. Cousin, pressé de rimer à son tour, répond en vers qu'il lui faut un délai d'une quinzaine, et proteste qu'à l'avenir il aura toujours des impromptus dans sa poche.» Fait-on quelque part gala de précieux ou de précieuses, dîne-t-on, par exemple, chez l'évêque de Vence, Godeau, soyez sûr qu'Isarn est du régal, avec Chapelain, mademoiselle de Scudéry et mademoiselle Robineau. S'il s'absente de Paris pour aller à Bordeaux, il est toujours d'esprit, et de cœur avec ses amis. Ainsi au mois d'octobre 1656, Pellisson écrit à mademoiselle de Scudéry qu'il a reçu deux billets galants d'Isarn, à qui une nouvelle maîtresse qu'il aime fort ne fait pas oublier sa chère société de Paris. Je ne sais ce qu'il devint, ni quand il mourut. Après le temps des précieuses, je ne trouve plus Izarn. Un personnage de ce nom, commis de Seignelay, m'est indiqué, par les Mémoires d'Amelot de la Houssaye (t. II, p. 366), comme ayant suivi à Venise ce jeune secrétaire d'Etat; mais ce n'est pas le notre, c'est un de ses parents.
302: Les pistoles étoient une monnoie d'Espagne, mais il en venoit aussi d'Italie. «Elles étoient du poids des louis et au même titre et remède.» Voilà pourquoi Isarn a pu indifféremment appeler la pièce qu'il fait parler pistole ou louis d'or. La pistole avoit déjà la valeur qu'on lui a laissée dans les provinces, où son nom est encore employé comme signe monétaire. Elle valoit dix francs; c'étoit aussi le taux du louis. En 1648, pendant les premiers temps de la misère de la Fronde, on le fit monter jusqu'à douze francs; mais, en 1662, le roi le rabattit à son ancien taux. En 1689, par ordonnance du mois de décembre, il revint à sa valeur révolutionnaire et même la dépassa; il fut porté à 12 liv. 10 sols (Journal de Dangeau; édit. complète, t. III, p. 39). Sous la régence, en 1718, il monta d'un tiers; il étoit à 18 livres, et le double louis à 36. «Mon fils, écrit la duchesse d'Orléans (Nouv. Lettres, édit. G. Brunet, p. 150), est venu cet après-midi, et nous a apporté l'arrêt qui modifie le cours du numéraire; le louis d'or vaut désormais 36 livres. Ceux qui ont beaucoup d'argent gagneront joliment.» Sous Louis XV, il redescendit à 30 livres, et le louis simple à 15, mais ce fut pour remonter à 20, puis à 24, où nous l'avons vu.—Il y a dans la Muze normande de David Ferrand, 26e partie, une ballade sur le rabais des Louys, en 1662.
303: Bien faisant, qui étoit un mot tout nouveau, ne s'écrivoit pas alors tout d'une pièce. On séparoit, comme ici, l'adverbe du participe, de façon qu'ils ne fissent jamais complétement corps et pussent garder l'allure qui leur étoit propre. Ou auroit cru faire une faute alors si l'on avoit dit: plus bien faisant. On disoit, comme fit Voiture dans une de ses lettres: mieux faisant. Quant à bienfaisance, c'etoit un mot créé par Balzac, mais qu'on n'employoit pas. Un siècle après, l'abbé de Saint-Pierre le retrouva (V. Mémoire pour diminuer le nombre des procès, p. 37), et on lui en fit honneur comme d'une invention.
304: Isarn, qui étoit très-magnifique dans ses courts amours, savoit mieux que personne le pouvoir des pistoles bien employées pour la conquête d'un cœur. Dans le Cyrus (t. VII, liv. iii), où, comme nous verrons, il est peint sous le nom de Thrasile, on le voit toujours en dépense pour quelque maîtresse: «Tantôt il luy donnoit le bal, une autre fois il la surprenoit par une musique. Si elle s'alloit promener et qu'il y fust, il faisoit qu'elle trouvast une collation magnifique.»
305: C'étoit le mot qui, depuis quelque temps, étoit devenu à la mode pour exprimer les fleurs de bien dire, dont l'amoureux parfume ses paroles pour faire accepter son amour. Les livres où ceux dont le cœur ne parloit pas d'abondance alloient se fournir de belles phrases avoient même pris pour titre le mot que je viens de dire: Fleurs de bien dire.... pour exprimer les passions amoureuses de l'un comme de l'autre sexe, Paris, Guillemot, 1598, pet. in-12; Les Marguerites françoises, ou Fleurs de bien dire, etc., Rouen, Behoust, 1625, in-12. Le Nicodème du Roman bourgeois (édit. elzevir., p. 88), «qui estoit un grand diseur de fleurettes», avoit cueilli celles qui jonchoient sa conversation avec Javotte dans ces Marguerites françoises.—Chez les Grecs, on disoit, dans le même sens, ρωδα ἕιρειν, parler roses (Aristoph., Nuées, act. II, sc. 3). Le Noble a voulu chercher une autre étymologie: il a cru que conter fleurettes, c'étoit compter à celle qu'on aime une somme d'argent, en cette jolie monnoie du temps de Charles VI sur laquelle étoit marquée une petite fleur, florette. Il s'est trompé. V. Lettres de madame Du Noyer, 1757, in-12, t. III, p. 225.
306: Isarn n'étoit pas homme à faire sa pâture de ces creuses bagatelles; il lui falloit l'amour réel et toujours nouveau. Dans le Cyrus, où sous le nom de Thrasile il est donné pour le type de l'inconstance, on le voit tour à tour amoureux de quatre princesses (t. VII, liv. III). Cyrus lui en fait reproche, et Thrasile répond: «On peut avoir plusieurs amours sans être infidèle.» S'il n'aimoit qu'un jour, ce jour du moins étoit tout de galanterie et de magnificences, ainsi que nous l'avons fait voir tout à l'heure. Une Gazette du Tendre, conservée dans les manuscrits de Conrart (in-fol., t. V, p. 147), nous donne des nouvelles de son inconstance. Elles sont datées d'Oubly: «Il arriva icy, il y a quelques jours, un estranger (M. Izarn) de fort bonne mine, qui, après avoir passé de Nouvelle-Amitié à Grand-Esprit, de Grand-Esprit à Jolis-Vers, de Jolis-Vers à Billet-Galant, et de Billet-Galant à Billet-Doux, s'égara en partant de cet agréable village; de sorte qu'au lieu d'aller à Sincérité, il vint dans notre ville, où il fut un jour tout entier sans s'apercevoir qu'il estoit égaré. Mais aussy, dès qu'on l'en eut fait apercevoir, il partit d'icy avec tant de diligence, qu'il y en a qui assurent qu'il a plus fait de chemin en deux jours qu'il en n'en avoit fait depuis qu'il étoit parti de Nouvelle-Amitié.» Un peu plus tard, on le retrouve à Respect, d'où il part pour Tendre, à la nage.
307: On appeloit diamant en table celui qui étoit taillé de sorte que sa surface restait plane, avec de simples biseaux. Ainsi taillé et enchâssé dans l'or, il servoit surtout pour les bracelets.
308: M. Cousin, qui a cité ce passage (La Société françoise du XVIIe siècle, t. II, p. 195), pense avec quelque raison que ce cachet, au discret emblème, est une allusion évidente à celui que Conrart, le soir de la journée des Madrigaux, avoit donné à mademoiselle de Scudéry: «Le généreux Théodamas, en se retirant, avoit donné à Sapho je ne sais quoy, enveloppé d'un papier bien parfumé, à la charge qu'elle ne le regarderoit que lorsqu'il seroit parti. Ce je ne sais quoy estoit un cachet de cristal, gravé du chiffre de Sapho et du sien mêlés ensemble.»
309: C'est un mot que maître Isarn a trouvé dans Rabelais (liv. I, ch. 8, § 3, et liv. III, ch. 2). On appeloit ainsi une monnoie d'or fin qui eut cours depuis saint Louis jusqu'à Charles VII. Elle valoit 12 sols 6 deniers d'argent, et portoit sur la face un agneau, avec ces mots autour: Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis.
310: Monnoie d'or qu'Édouard III fit frapper en 1344. On l'appeloit noble à cause de la pureté de son or, et à la rose parce que sur le revers elle portoit la rose de Lancastre et d'York. Dans les Bigarrures de Des Accords, 1608, in-12, p. 14, se trouve représenté un noble à la rose à l'effigie de Henri VIII; il valoit alors cent sous, d'après le taux réglé par l'ordonnance de 1532. Les plus beaux étoient les nobles de Raymond, qu'on appeloit ainsi parce qu'on croyait qu'ils avoient été faits avec l'or que Raymond Lulle avoit, par œuvre hermétique, fabriqué pour le roi d'Angleterre. V. Delecluze, Notice sur Raymond Lulle, p. 28.
311: Les passements d'or et d'argent venoient d'être interdits par l'ordonnance du 27 novembre 1660, et comme notre louis d'or, le billon, où l'on fondoit les pièces décriées, les attendoit. V. notre t. I, p. 224.
312: Les carrosses «où tant d'or se relevoit en bosse» étoient alors un luxe à la mode. Pendant la Fronde, on les avoit dédorés (Œuvres de Sarazin, 1696, in-8o, p. 383), mais ensuite ils ne brillèrent que de plus belle. En 1706, il fallut contre le scandale de leur dorure une défense du roi. (Corresp. administr. de Louis XIV, t. II, p. 829.)
313: Un petit roman satirique qui reprit, un peu modifié, le titre de cette pièce, ce qui l'a souvent fait confondre avec elle, bien qu'il lui soit très-postérieur, Le Louis d'or politique et galant, 1695, in-12, est aussi amer contre Louis XIV vieillissant qu'Isarn est ici flatteur pour sa jeune royauté.
314: Illusion à des fables, allégories et autres pièces faites sur ce sujet par Mlle de Scudéry ou à elles adressées. Dans le Recueil de vers choisis, 1701, in-8o, p. 123, on trouve, sous son nom, des stances avec ce titre: La Fauvette à Sapho, en arrivant à son petit bois, suivant sa coutume, le 15 avril.
315: Cette pièce est une des plus rares de celles qui ont été faites contre le maréchal d'Ancre et son entourage. Elle rappelle, par le tour qu'y prend la satire, cette épigramme contre l'abbé Terray, qui, suivant les Mémoires secrets, couroit Paris au mois de décembre 1774:
Grâce au bon roi qui règne en France,
Nous allons voir la poule au pot:
Cette poule c'est la Finance,
Que plumera le bon Turgot.
Pour cuire cette chair maudite,
Il faut la Grève pour marmite
Et l'abbé Terray pour fagot.
316: Si cette pièce eût été faite après l'assassinat de Concini, nous croirions qu'il y a encore ici une allusion. Le frère du capitaine des gardes, frère de Vitry qui porta le premier coup à Concini, s'appeloit Du Hallier. (Tallemant, édit. in-12, t. I, p. 192.)
317: C'est dans ce psaume que David parle le plus éloquemment des disgrâces qui l'accablent, et dont triomphent ses ennemis: Quoniam iniquitates meæ supergressæ sunt caput meum; et sicut onus grave, gravatæ sunt super me.» (Verset 5.)
318: Il s'agit du duc d'Epernon, qui cumuloit le gouvernement de Metz et celui de la Guienne, où se trouve Cadillac. Dans une autre pièce de la même année, Pasquin, ou Coq à l'asne de Cour, p. 12, il est aussi parlé des prétentions du duc à se faire roi dans son gouvernement de Metz:
Il est fin ce vieux roy de Mets....
Ainsy l'evesque de Coulongne
Autre fois se fist souverain.
319: On sait qu'il passoit publiquement pour complice de Ravaillac; on disoit même que c'est lui qui avoit porté au roy le dernier coup de couteau. La tragédie de Legouvé, la Mort de Henri IV, roule tout entière sur cette complicité de d'Epernon.
320: Il s'agit d'un des coglioni que le maréchal d'Ancre avoit à sa solde, et dont nous avons déjà parlé, t. IV, p. 19, 25; mais duquel est-il ici particulièrement question? Je ne saurois le dire, Le Pasquil Picard coyonnesque, 1616, in-8, p. 4. parle ainsi en son patois de la sequelle italienne que traînoit après soi Concini:
Ce conquerant et monarque d'Idée
Void tous les jours sa fortune en fumée
Assisté par un tas de mors de faim (sic)
Qu'il a choisi, achepté de sa main
Des thresors pris dans la Bastille.
Voyez qu'il a sa main habile
A bien compter et par millions
Soudoyer nombre de Coyons.
321: C'est le nom de Claude Mangot, fait tout nouvellement chancelier, qui se cache sous ces allusions à équivoques. Au commencement de l'année 1616, après la paix de Loudun, dont le renvoi du chancelier Sillery avoit été une des conditions, du Vair, président au parlement d'Aix, avoit été investi de cette charge. Quelques mois après il ne l'avoit plus, Mangot l'occupoit à sa place. La résistance de Du Vair aux volontés de la reine et du maréchal, qui avoient résolu l'arrestation du prince de Condé, et la complaisance de Mangot pour ce même désir, avoient fait la prompte disgrâce de l'un et l'élévation inattendue de l'autre. La place de secrétaire d'Etat, laissée vacante par Mangot, fut donnée à l'évêque de Luçon, qui, lisons-nous dans les Mémoires du maréchal d'Estrées, p. 324, «ne fut pas longtemps secrétaire d'Etat sans être considéré comme un homme rare, d'un mérite extraordinaire.» Vous avez reconnu Richelieu. Cela se passoit à la fin d'août 1616. Notre pièce, qui fait allusion à Mangot, comme chancelier, est donc des derniers mois de cette année-là.
322: Le célèbre père Cotton, jésuite, qui fut confesseur du roi jusqu'à l'assassinat du maréchal, accompli, comme on sait, au mois d'avril 1617.
323: Anne Mangot, frère du chancelier, qui, après avoir eu quelque part, comme négociateur, au mariage du roi et d'Anne d'Autriche, n'eut cependant pas d'emploi plus élevé que celui de maître des requêtes. Tallemant donne à entendre que c'était un assez faible esprit. (1e édit., t. IV, p. 51.)
324: Louis Dollé, intendant des finances, l'un des hommes qui étoient le plus à la complaisance de Concini, et par là le mieux en passe pour les hauts emplois. Peu s'en étoit fallu qu'il n'eût les sceaux, deux ans auparavant, au moment des États. Il fut grand bruit alors, d'après le Financier à Messieurs des Etats, 1614, in-8, p. 38, «de la promesse faicte au seigneur Louis Dollé, d'estre chancellier de France, de Navarre et des Roynes, à la première boutade du marquis, pour les bons advis et conseils qu'il baille contre les pouvoirs et authoritez.» Il mourut à la fin de 1616, peu de temps après la mention malveillante qui est faite ici de lui.
325: Claude Bullion, dont la fortune commençoit alors. Il avoit pris part vers ce temps-là aux conférences de Soissons, et l'on avoit parlé de lui pour la place de chancelier de la jeune reine. (Lettres de Malherbe à Peiresc, p. 434.) Mais, peu après, un caprice du maréchal d'Ancre lui fit tout perdre. Richelieu, qui le fit surintendant des finances, le lui rendit, et de reste. Voir sur lui t. IX, p. 32-33.
326: La hart est cette branche flexible qu'on prend pour lier un fagot. Elle le serre comme la corde sur le cou du pendu, de là vient que celle-ci s'appeloit aussi une hart. V. Anc. Théâtre, t. II, 45; VII, 25; VIII, 101; et Caquets de l'Accouchée, p. 172, où se trouve rappelé le proverbe: «La hart sent toujours le fagot.»
327: Il y a encore ici quelques allusions au chancelier Mangot, qui, dans les chansons et pasquils du temps, n'est pas en effet appelé autrement que Magot. Au bas de l'une des estampes qui parurent après l'assassinat de Concini, avec ce titre: Tableau et emblesme de la detestable vie et malheureuse fin du maistre Coyon, on lit, entre autres stances satiriques:
Magot, leur Suçon et Barbin,
Sont tout au plus haut de la roue
Et au bas quand le Coyon joue
Vieille-Foy, Du Vray et Nanin.
Du Vray, Vieille-Foy et Nanin
Sont maintenant au haut estage;
Le Coyon n'est plus dans la cage:
A bas Magot, Suçon, Babin.
Babin, c'est Claude Barbin, contrôleur général des finances; Suçon, c'est l'évêque de Luçon, Richelieu; Du Vray, le chancelier Du Vair, congédié; Vieille-Foy, Villeroy, ministre disgracié aussi; et Nanin, le président Jeannin.
328: La femme de Concini, Eléonora Dori, qui se faisoit appeler Galigaï, «parce qu'à Florence, dit Tallemant (édit. in-12, II, p. 194), quand une famille est éteinte, pour de l'argent on peut avoir permission d'en prendre le nom, et c'est ce qu'elle a fait.»
329: Concini étoit vendu au roi d'Espagne, qui par là semble bien digne à notre satirique d'être compris dans l'autodafé.—Nous avons parlé en plusieurs autres pièces des richesses immenses entassées par Concini, et qui lui venoient soit de ses connivences avec l'Espagne, soit de la dilapidation de nos finances; nous ajouterons ici une note à propos des trésors que, plus de trente ans après son assassinat, le peuple croyoit encore enfouis dans l'hôtel du maréchal, rue de Tournon: «Bruit par Paris, écrit Dubuisson-Aubenay, dans son Journal manuscrit, sous la date du 23 avril 1650, qu'hier au soir on travailla par ordre de M. le duc d'Orléans dans le jardin de l'hôtel des ambassadeurs extraordinaires, où loge à présent le duc de Damville, comte de Bryon, qui est allé en son gouvernement de Limousin et y a laissé sa femme: et ce pour chercher deux cent mille pistoles qu'un advis, venant d'Italie, envoyé par une femme, devoient estre cachées en terre, en ce lieu là, dès le temps que le maréchal d'Ancre y demeuroit.»
330: Ce manifeste est celui que le duc de Buckingham avoit daté de son bord, le 21 juillet 1627, veille de son débarquement à l'île de Ré. Il y expliquoit les raisons qui avoient déterminé le roi Charles à l'envoyer avec une flotte au secours de La Rochelle, «par pur zèle de religion». (Leclerc, La Vie de Richelieu, 1724, in-12, t. I, p. 301.)—On verra tout à l'heure que, malgré l'exacte police de Richelieu, des exemplaires de ce manifeste s'étoient glissés jusque dans Paris, et se vendoient sous le manteau. Le cardinal prit alors le parti d'y faire répondre, et choisit une des bonnes plumes qui fussent à son service. Nous connoissons en effet peu de livrets de ce temps où il se trouve autant d'esprit et de verve. Il est probable que Richelieu fut pour beaucoup dans l'inspiration de ce pasquil, peut-être même dans sa rédaction, et j'assurerois qu'il en fut content. L'auteur, que nous ne connaissons pas, avoit pris avec intention le pseudonyme de Francion, qui accusoit bien sa qualité de François et le but tout patriotique de sa réponse. C'étoit du reste un nom aimé de Richelieu. Nous le trouvons porté par le personnage qui parle pour la France dans la tragédie d'Europe, qu'il fit en collaboration avec Desmarets.
331: Notre Francion joue ici sur le nom du duc de Buckingham, que l'on prononçoit alors partout en France Boucingant.
332: Encore une allusion au nom du duc, dont, je viens de le dire, la première syllabe, telle qu'on la prononçoit, était bouc.
333: Il étoit toujours à la mode, parmi les courtisans, de porter de ces collets «de peau de daim parfumé», coleto de ambar, dont parle Cervantes (D. Quichotte, ch. 23), et qui s'appeloient chez nous collet de fleurs ou collet de senteur. «Mon collet de fleurs, dit Montaigne (liv. I, Ch. 22), sert à mon nez; mais, aprez que je m'en suis vestu trois jours de suite, il ne sert qu'au nez assistant.»
334: Horace, liv. I, sat. 2, v. 27. Au lieu de Ruffinus il faut lire Rufillus.
335: On sait que c'est l'ancien nom de la pie.
336: Allusion au titre de Buckingham.
337: Allusion à la jarretière qui entoure l'écusson d'Angleterre.
338: Allusion par équivoque au duc de Soubise, qui, avec son frère aîné le duc de Rohan, avoit fait alliance avec l'Anglois et s'étoit mis en guerre ouverte contre le roi. Richelieu n'ignoroit rien de ses menées; il savoit notamment qu'il avoit fait main basse sur plusieurs vaisseaux français. Pour toute réponse à cet acte de rebelle, il s'était contenté d'écrire, vers le milieu de juillet de cette année, à M. de Maillezais, «fera venir un commissaire pour raser Soubise.» C'était la demeure seigneuriale du duc sur la Charente, près de Marennes. (Avenel, Lettres, instruct. diplomat. et papiers d'Etat du Card. de Richelieu, t. II, p. 506.)
339: C'étoient les anneaux ou plaques que l'on attachoit aux pieds de l'oiseau de proie, avec l'empreinte des armes du seigueur auquel il appartenoit.
340: On appeloit tiercelet le mâle des oiseaux de proie: faucons, autours, gerfauts, éperviers.
341: Malgré cette allusion assez transparente au nom de l'avocat à qui le Manifeste anglois étoit attribué, nous n'avons pu découvrir qui il étoit au juste.
342: C'est le grand controversiste protestant, le Silésien Daniel Tilenus, qui vivait encore à cette époque. On l'accusoit d'avoir fait l'Anti-Coton, libelle alors fameux. V. le Borboniana, à la suite des Mémoires de Bruys, t. II, p. 271.
343: Encore un jeu de mots; cette loi Remnie n'est invoquée que parce que l'auteur du manifeste avoit renié notre cause.
344: Nous avons déjà dit plus haut que le principal prétexte allégué par le manifeste au sujet de la des Anglois à l'île de Ré étoit la défense des réformés.
345: Le manifeste déclaroit, en effet, que le roi de la Grande-Bretagne avoit recherché la sœur du roi de France, mais il ajoutoit que le mariage avoit eu lieu surtout pour que le roi fût mieux en état d'appuyer les François réformés.
346: V. à ce sujet une des pièces précédentes, p. 165-166.—Au chapitre VI des Mémoires du comte Leveneur de Tillières qui étoit alors notre ambassadeur à Londres, il est aussi parlé fort en détail de la mesure qui força les prêtres françois de s'éloigner du service de la reine femme de Charles Ier, et cette proscription y est en partie attribuée au duc de Buckingham. On conçoit d'autant mieux qu'il en soit fait ici mention. (Mém. inéd. du Cte Leveneur de Tillières, publiés par C. Hippeau, 1862, in-18, p. 88-150.)
347: Le manifeste se plaignoit de ce qu'au mépris des paroles données pour les réformés de La Rochelle, et des promesses faites au sujet de la démolition du fort Saint-Louis, dans l'île de Ré, non-seulement on l'avoit conservé, mais de plus qu'on avoit augmenté sa force, et même bâti d'autres forts dans l'île.
348: Frédéric V, électeur palatin, s'étant laissé faire roi de Bohême, avoit attiré contre lui toute la puissance des Impériaux, et dans une courte lutte, qui fut la première phase de la guerre de Trente Ans, il avait perdu ses deux couronnes d'électeur et de roi. Retiré en Hollande, puis à Mayence, avec sa femme Elisabeth d'Angleterre, sœur de Charles Ier, il mourut dans cette dernière ville, le 22 nov. 1632, peu de temps après la mort de Gustave-Adolphe, qui avoit entrepris pour son rétablissement ce que Francion conseille ici au roi d'Angleterre, et qui eût tenu complétement sa promesse sans le coup mortel dont il fut frappé à Lutzen.
349: Ce mot étoit depuis fort longtemps dans notre langue avec le sens de négociateur, et, moins noblement, d'entremetteur. On lit dans Commines (liv. III, ch. 8): «Le connestable de Saint-Pol vouloit tousjours estre moyenneur de ce mariage.» Et dans la traduction du Gusman d'Alfarache, par Chapelain (2e part., liv. III): «Sa bonne amie la moyenneuse de leurs plaisirs secrets.»
350: Le manifeste prétendoit que cette obéissance et complète soumission étoit obtenue, et par là les réformés s'étoient rendus dignes d'obtenir à leur tour ce qu'on leur avoit promis, notamment la démolition du fort Louis.
351: Sully ayant acheté, en 1597, du prince Charles de Gonzague, la principauté de Bois-Belle, en Berry, qui étoit totalement indépendante, y avoit fait construire une ville toute neuve, qui conserve encore aujourd'hui la physionomie de son époque, et que le vieil ami d'Henri IV avoit appelée Henrichemont, en l'honneur de son bien-aimé maître. Ce franc-fief ne fut réuni à la couronne qu'en 1766.
352: Thoiras, gouverneur pour le roi au pays d'Aunis, rendit alors de très-grands services. Il ne put s'opposer au débarquement des Anglois dans l'île de Ré, et perdit même un de ses frères dans le combat qui leur fut livré à la descente; mais, s'étant retiré dans le fort Louis, il y fit une si belle défense qu'il donna le temps à MM. de Schomberg et de Marillac de débarquer dans l'île six mille fantassins et trois cents chevaux, qui culbutèrent les Anglois et les forcèrent de repartir à toutes voiles pour l'Angleterre. «Sa Majesté, écrivit Richelieu le 9 nov. 1627, surlendemain de cette victoire, a receu en cette occasion ce qu'elle attendoit de la bonne conduite et du courage de M. le mareschal de Schomberg et des sieurs de Marillac et de Thoirax (sic), qui sortit de la citadelle avec six cents hommes du régiment de Champagne. Toute la noblesse y a si bien fait, qu'il est impossible d'en remarquer un seul aux actions duquel on puisse trouver à redire.» (Lettres de Richelieu, t. II, p. 707.)—Dans les Œuvres poétiques de Jean Auvray, 1631, p. 5, se trouve un sonnet sur la Descente des Anglois dans l'Isle de Ré, et sur leur fuite.
353: Pour savoir qu'on disoit happelourde pour pierrerie fausse, il suffit de se rappeler ces vers de La Fontaine:
Tout est fin diamant aux mains d'un habile homme,
Tout devient happelourde entre les mains d'un sot.
Plus tard, vers 1657, quand le sieur d'Arce se fut enrichi, dans l'enclos du Temple, à contrefaire d'une façon merveilleuse «les diamants, émeraudes, topazes et rubis, etc.» (Journal d'un Voy. à Paris en 1657, p. 45), on n'appela plus les fausses pierreries que diamants du Temple. (V. notre Paris démoli, p. 45.) Comme les marchands du Palais en vendoient aussi, on disoit encore bijoux du Palais. V. Œuvres de Montreuil, p. 165, 234.
354: J. de Ribault, qui fut envoyé dans la Floride par Coligny pour y fonder une colonie, et qui y fut massacré par les Espagnols. Ses voyages précédèrent de dix ans ceux de Drach.
355: Tout le monde sait que le duc de Clarence, frère d'Edouard IV, condamné a mort pour rébellion aux ordres de son frère, demanda qu'on le noyât dans un tonneau de Malvoisie. Ce fait est aujourd'hui contesté. V. L'Esprit dans l'histoire, p. 16.
356: Petite lame d'épée ou de dague. On lit dans les comptes royaux de 1458: «Pour une dague à deux taillants d'un pié et demi d'alumelle.» On saluoit avec l'alumelle dégaînée, et de là est venue une singulière erreur de l'auteur du Glossaire de l'Histoire de Paris. Ayant lu dans les registres du Parlement pour 1419: «Charles mist tantôt la main à son allumée, faisant semblant de saluer nostre dict cousin, etc.», il crut que Charles l'avoit salué du bonnet, et il mit en note: «allumée, bonnet.» (De Laborde, Glossaire des émaux, p. 126.)
357: Le grand ennemi des protestants, dont les nombreux écrits, plus empreints de fanatisme que de poésie, sont catalogués au long dans le tome 35, p. 286 et suiv., des Mémoires du P. Niceron. La Chamade en rime, citée ici, n'est pas indiquée dans ce catalogue, et comme elle est de beaucoup postérieure à l'année 1577, date au Désordre et scandale de France, que l'on croit être son dernier livre, elle permet de croire qu'il vécut beaucoup plus tard qu'on ne le suppose. V. encore, sur lui, l'abbé d'Artigny, Nouv. Mém. de Littérat., t. II, p. 49; Viollet Le Duc, Biblioth. poét., p. 262-264; et notre t. VI, p. 39.
358: Ces vers, dont l'intérêt n'échappera certainement à personne lorsqu'on les aura lus, et surtout lorsque l'on connaîtra le nom de leur auteur, n'ont été imprimés, si nous ne nous trompons, que dans la brochure à petit nombre publiée par M. Fréd. Chavannes, Notice sur un Manuscrit du XVIe siècle, appartenant à la Bibliothèque cantonale de Lausanne (Lausanne, 1844, in-8), et dans la Revue de Paris, du 28 avril 1844, P. 278-280, d'une façon même assez peu correcte. Ils sont extraits, ainsi que ceux de Clément Marot, dont le même numéro donnait des fragments, d'un manuscrit de la bibliothèque de Lausanne, formant 282 pages petit in-fol., et provenant de la succession du docteur Favre de Rolle, célèbre au dernier siècle par sa science et par ses hautes amitiés. Ce manuscrit ne porte aucune signature, mais on voit par certains détails qu'il dut être copié par un maître d'écriture qui vivoit à Genève au temps de Calvin. L'écriture est d'une assez belle gothique. Passons à la question la plus importante. Quelle est la Daulphine dont nous donnons ici l'épistre? Ce ne peut être que Catherine de Médicis. On en doute dans un article du Bulletin de l'Alliance des Arts, 10 mai 1844, p. 347; l'anonyme qui écrivit l'article de la Revue de Paris n'en est pas non plus très-sûr. Quant à nous, nous n'en doutons pas. Catherine de Médicis, c'est Brantôme qui l'assure, «disoit et parloit bon françois, encores qu'elle fût italienne. A ceux de sa nation pourtant, continue-t-il, ne parloit que bon françois souvent, tant elle honoroit la France et la langue.» Non-seulement elle savoit parler celui de la cour, mais aussi celui du peuple. «La Reyne mère, lisons-nous dans le Scaligerana (1667, in-12. p. 46-47), parloit aussi bien son goffe parisien qu'une revendeuse de la place Maubert, et l'on n'eust point dit qu'elle estoit italienne.» On sait par ses lettres qu'elle écrivoit fort bien en prose; pourquoi, amie de la poésie comme elle le fut toujours, n'eût-elle pas de même écrit fort bien en vers, surtout s'adressant à une muse, à la spirituelle Marguerite de Navarre, tante de son mari? L'auteur de l'article de la Revue se demande à quelle époque ces vers furent écrits, et penche pour l'année 1536. Ce seroit trop tôt, selon nous. Catherine n'avoit alors que dix-sept ans, il n'y avoit que trois années qu'elle étoit en France, et elle ne devoit pas, par conséquent, s'être encore rompue à toutes les finesses de notre langue. Je préfère pour date l'année 1543. Comme en 1536, le roi est absent de la cour avec ses deux fils, et Catherine, dont l'affection ne s'est pas attiédie, mais dont l'esprit mieux formé et le langage plus expert peuvent enfin traduire à l'aise la délicatesse de cette affection, est plus à même qu'à tout autre moment de sa vie d'écrire ces vers excellents, les meilleurs peut-être qui soient partis d'un cœur de princesse. Esprit et sincérité, ardeur et grâce, éloquence et naïveté, rien n'y manque de ces rares qualités dont la plupart semblaient si incompatibles avec son caractère.
359: De personne, d'âme qui vive.
360: Ici Catherine se révèle elle-même par sa patrie italienne.
361: Ces vers sur les ennuis de l'absence trouvoient un facile écho dans le cœur de cette bonne reine de Navarre, qui en a fait de si charmants sur les mêmes souffrances. Je ne citerai que ces couplets d'une chanson de Marguerite, qui se trouve dans un manuscrit appartenant à M. Fouques, et n'a pas encore, je crois, été réunie à ses autres poésies:
Si tost qu'il souspire,
Je fonds toute en pleurs.
S'il plaint mon martyre.
Je plains ses douleurs.
Pas je ne puis vivre
Si je ne le voy,
Mon cœur pour le suivre
S'absente de moy.
Viens donc, mon amy,
Approche de moy,
Passe ton envie,
Il ne tient qu'à toy.
362: Catherine, dans ses regrets, ne devoit pas oublier ces nobles exercices du Dauphin, son mari, car c'étoient ceux auxquels elle-même se plaisoit le mieux: «Elle estoit, dit Brantôme, fort bien à cheval, et hardie, et s'y tenoit de fort bonne grâce, ayant esté la première qui avoit mis la jambe sur l'arçon, d'autant que la grâce y estoit bien plus belle et apparoissante que sur la planchette, et a toujours fort aimé d'aller à cheval jusqu'à l'âge de soixante ans ou plus, qui pour sa foiblesse l'en privèrent, en ayant tous ses ennuis du monde.»
363: Ces «fils aymez» étaient le Dauphin, Henri, et son frère le duc Charles d'Orléans, tous deux au siége de Perpignan, dans les premiers mois de 1543, pendant que leur père étoit allé réduire une sédition à La Rochelle. En 1536, date préférée par l'écrivain de la Revue de Paris, le roi et ses fils, nous l'avons dit, étoient aussi tous en campagne, mais à cette époque Henri n'étoit pas encore dauphin. Son frère aîné, François, ne mourut en effet cette année-là qu'à la fin de l'expédition en Provence contre Charles-Quint. Les vers que Catherine auroient faits sous l'inspiration de l'absence motivée par cette expédition ne pouvoient donc être donnés comme étant de la dauphine, puisque Catherine ne l'étoit pas encore. Le copiste auroit dit: Epistre de madame la duchesse d'Orléans, seul titre qu'elle eut alors. Si donc, pour conclure, Catherine est appelée madame la Dauphine en tête de ces vers, c'est qu'ils sont d'un temps où on l'appeloit ainsi, et par conséquent d'une époque postérieure à l'expédition de 1536.