Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 1
[1] Vulgò, raquette, arbre à cochenille.
[2] Le calcul le plus suivi à Alexandrie porte la hauteur du fût, y compris le chapiteau, à 96 pieds, et la circonférence à 28 pieds 3 pouces.
[3] Ras el-tin: prononcez, tîne.
[4] Prononcez kalidge.
[5] En arabe el qali, dont on a fait le nom du sel al-kali.
[6] Ces coquillages sont surtout des hérissons, des volutes, des bivalves, et une espèce en forme de lentilles. Voyez le docteur Shaw, Voyage au Levant.
[7] Celui-là est gris, taché de noir et quelquefois de rouge.
[8] Chaque tribu a ses routes particulières, pour éviter les disputes.
[9] D'ailleurs il n'existe pas dix arbres dans ce désert, et il paraît incapable d'en produire.
[10] Ils l'appellent saint, béni, sacré; et lors des nouvelles eaux, c'est-à-dire de l'ouverture des canaux, on voit les mères plonger les enfants dans le courant, avec le préjugé que ces eaux ont une vertu purifiante et divine, telle que la supposèrent les anciens à tous les fleuves.
[11] On se sert, pour cet effet, d'amandes amères, dont on frotte le vase, et alors elle est réellement légère et bonne. Mais il n'y a que la soif, ou la prévention, qui puisse la mettre au-dessus de nos fontaines et de nos grandes rivières, telles que la Seine et la Loire.
[12] Herod., lib. II, p. 105, édit. Wesseling, in-fol.
[13] Lettres sur l'Égypte, tom. 1, p. 16.
[14] Geogr. Strabonis, interpret. Casaubon. édit. 1707, lib. XVII. p. 1152.
[15] Voyez l'excellent Mémoire de d'Anville sur l'Égypte, in-4º, 1765, p. 77.
[16] Odyssée, liv. IV.
[17] Herod., lib. II, p. 106 et 107.
[18] Il ne s'en faut que de 1,300 toises.
[19] On peut reprocher à Homère de n'être pas exact, quand il dit que le Phare était vis-à-vis du Nil; mais pour l'excuser on peut dire que, parlant de l'Égypte comme du bout du monde, il n'a pas dû se piquer d'une précision stricte. En second lieu, la branche Canopique allait jadis par les lacs s'ouvrir près d'Abouqir; et si, comme la vue du terrain me le fait penser, elle passa jadis à l'ouest même d'Abouqir, qui aurait été une île, Homère a pu dire, avec raison, que le Phare était vis-à-vis du Nil.
[20] Voyez Voyage en Arabie, par C. Niebuhr, in-4º, qu'il faut distinguer de la Description de l'Arabie, par le même, 2 vol. in-4º.
[21] Lib. II, p. 123.
[22] Voyez Voyage pittoresque de la Grèce, tom. II.
[23] Cette position convient beaucoup à Bolbitine.
[24] Lettre 1, p. 12.
[25] Herod., lib. II.
[26] En effet, on serait plus porté, sur l'inspection de la carte, à croire que ce fut là jadis le cours du fleuve; quant aux pétrifications de mâts et de vaisseaux entiers dont parle Siccard, elles auraient bien besoin, pour être crues, d'être constatées par des voyageurs plus éclairés que ce missionnaire.
[27] Pag. 12 et suiv.
[28] Lettre 1, p. 12.
[29] Lib. II, p. 109.
[30] Lib. XVII.
[31] J'en ai mesuré plusieurs avec un pied-de-roi de cuivre, mais j'ai trouvé qu'elles variaient toutes depuis une jusqu'à 3 lignes. Le drââ Stambouli a 28 doigts, ou 24 pouces moins une ligne.
[32] En arabe, meqiâs, instrument mesureur, mesuroir.
[33] Le docteur Pocoke, qui a fait plusieurs bonnes observations sur le Nil, s'est tout-à-fait perdu dans l'explication du texte de Kâlkâchenda: il a cru, sur un premier passage louche, que le nilomètre du temps d'Omar n'était que de douze coudées; et il a bâti sur cette erreur un édifice de conjectures fausses. Voyage de Pocoke, tom. II, p. 278.
[34] Voyage en Arabie, tom. 1, p. 102.
[35] Le 17 mai, la colonne avait onze pieds hors de l'eau, le 3 juin elle en avait onze et demi; donc en dix-sept jours il y eut une demi-coudée. Voyage de Pocoke, tom. II.
[36] Le lit du fleuve s'est exhaussé lui-même comme le reste du terrain.
[37] Dans le bas Delta, on arrose par le moyen des roues, parce que l'eau est à fleur de terre; mais dans le haut Delta, il faut établir des chapelets sur les roues, ou élever l'eau par des potences mobiles. On en voit beaucoup sur la route de Rosette au Kaire, et l'on se convaincra que ce travail pénible a un effet très-borné.
[38] Herod., lib. II. Cette anecdote chagrine beaucoup les chronologistes modernes, qui placent Sésostris avant Moïse, au temps duquel les chariots subsistaient encore; mais ce n'est pas la faute d'Hérodote, si l'on n'a pas entendu son système de chronologie, le meilleur de l'antiquité.
[39] Il serait curieux de constater en quelle proportion il continue jusqu'à Asouan. Des Coptes que j'ai interrogés à ce sujet, m'ont assuré qu'il était infiniment plus élevé dans tout le Saïd qu'au Kaire.
[40] Hérod., lib. II.
[41] Cette quantité de canaux est une raison qui peut faire varier les degrés de l'inondation: car s'il y en a beaucoup, et qu'ils soient profonds, l'eau s'écoulera plus vite, et s'élèvera moins; s'il y en a peu, et qu'ils soient superficiels, il arrivera le contraire.
[42] Depuis la publication de ce voyage, l'on m'a fait connaître un mémoire de Fréret (Acad. des Inscrip., tom. XVI), dans lequel ces questions se trouvent avoir été débattues dès 1745. Dans ce Mémoire, ce savant critique, attaquant de front le récit d'Hérodote et le témoignage des prêtres égyptiens, prétend que le Delta n'a subi aucun changement depuis les siècles les plus reculés: il fonde ses raisons contre son accroissement, sur la position des villes de Tanis, de Damiât et de Rosette, mais les faits qu'il cite sont vagues, et la différence de la mesure de Niebuhr en excès sur celle d'Hérodote, est un argument péremptoire contre son sentiment. A l'égard de son exhaussement, il prouve par plus d'auteurs que je n'en ai cités, que depuis Moeris jusqu'à la fin du quinzième siècle, l'inondation n'a pas cessé d'être la même: ce n'est que depuis ce temps que les voyageurs ont parlé d'une inondation de 22 et 23 coudées. Le prince Radzivil est le premier qui en ait fait mention en l'année 1583. Fréret, rejetant son témoignage et celui des autres, soutient que l'inondation est toujours la même, et que la différence des anciens aux modernes vient de ce que les uns comptent depuis le fond de l'eau, pendant que les autres ne comptaient que depuis la surface des eaux basses. Il invoque les observations de Shaw et de Pocoke; mais en appuyant sa conséquence, elles démentent son explication: en effet, d'après ces observations, la crue du Nil au-dessus des plus basses eaux fut en 1714 de 10 coudées 26 doigts, qui, jointes à 5 coudées et quelques doigts qu'avait déja le fleuve, donnent 16 coudées et quelques doigts au-dessus du fond: en 1715 la crue au-dessus des basses eaux fut de 10 coudées, qui, jointes à 6 coudées qu'avaient déja les eaux, forment 16 coudées: en 1738 elle fut de 11 coudées 15 doigts, qui, jointes à 5 qu'avait le fleuve, font 16 coudées, et non pas 20, comme le dit Fréret, p. 353. Donc les anciens ont compté comme nous depuis le fond, et l'état reste le même que de tout temps. En se trompant à cet égard, Fréret rapporte un fait qui, s'il est vrai, est le nœud de l'énigme; car il dit avoir vu une coudée du nilomètre qui n'a que 15 pouces 8 lignes de France; or 22 coudées de 15 pouces 8 lignes font 344 pouces 8 lignes, tandis que 16 coudées en donnent 328, ce qui ne laisse qu'un pied 4 pouces de différence; en sorte qu'il serait possible que cette nouvelle coudée fût une innovation des Turks, et que le méqîas portât plusieurs espèces de coudées. Du reste il n'a point compris l'altération d'Omar, citée par Kâlkâchenda; et il est loin de résoudre les 8 coudées de Moeris, en disant qu'elles proviennent de la dérivation de Soulac. Ainsi, sans déroger au respect dû à Fréret, je persiste dans mes conclusions.
[43] On l'assigne au 19 juin précis, mais il serait difficile d'en déterminer les premiers instans aussi rigoureusement que le veulent faire les Coptes.
[44] Cependant Démocrite l'avait devinée. Voyez l'Histoire de Diodore de Sicile, liv. II. Je suis même porté à croire qu'Homère en a eu connaissance; car l'épithète qu'il donne au Nil (diipetès, tirant son origine du ciel) est une allusion sensible aux pluies: et j'en conclus que les anciens prêtres égyptiens ont eu une physique plus étendue que l'on ne pense; et que les traditions qui avaient cours dans la Grèce, n'étaient qu'une émanation de leurs livres sacrés.
[45] Lorsqu'il tombe de la pluie en Égypte et en Palestine, c'est une joie générale de la part du peuple; il s'assemble dans les rues, il chante, il s'agite et crie à pleine tête, Ya, allah! ya mobârek! c'est-à-dire: O dieu! ô béni! etc.
[46] En arabe, kamsîn; mais le k représente le jota espagnol, ou ch allemand.
[47] Les Arabes du désert les appellent semoum ou poison; et les Turks châmyelé ou vent de Syrie, dont on a fait vent samiel.
[48] L'astronome Beauchamp a souvent observé 37 et 38 degrés à Basra, et cette chaleur a lieu sur la plupart des plages de la Perse, de l'Arabie et de l'Inde.—Trente-deux et 33 degrés, qui sont la chaleur du sang, sont très-fréquents en Floride et en Géorgie (d'Amérique). Ainsi l'Égypte ne peut se classer que dans les pays de moyenne chaleur.
[49] Cependant il faut observer que l'air, sur la côte, est infiniment moins sec qu'en remontant dans les terres; aussi ne peut-on laisser, à Alexandrie et à Rosette, du fer exposé 24 heures à l'air, qu'il ne soit tout rouillé.
[50] En arabe, magârbe, pluriel de magrebi, homme de garb, ou couchant: ce sont nos Barbaresques.
[51] En Arabe, bedâoui, formé de bîd, désert, pays sans habitations.
[52] D'autant mieux qu'on les trouve au Saïde dès avant Dioclétien; et qu'il paraît que le Saïde fut moins rempli par les Grecs que le Delta.
[53] En effet, j'observe que la figure des nègres représente précisément cet état de contraction que prend notre visage lorsqu'il est frappé par la lumière et par une forte réverbération de chaleur. Alors le sourcil se fronce; la pomme des joues s'élève; la paupière se serre; la bouche fait la moue. Cette contraction des parties mobiles n'a-t-elle pas pu et dû à la longue influer sur les parties solides, et mouler la charpente même des os? Dans les pays froids, le vent, la neige, l'air vif opèrent presque le même effet que l'excès de lumière dans les pays chauds: et nous voyons que presque tous les sauvages ont quelque chose de la tête du nègre; ensuite viennent les coutumes de mouler la tête des enfants, et même le genre de coiffure, qui, par exemple, chez les Tartares étant un bonnet haut, lequel serre les tempes et relève le sourcil, me semble la cause du sourcil de chèvre qu'on remarque chez les Chinois et les Kalmouks: dans les zones tempérées et chez les peuples qui habitent sous des toits, ces diverses circonstances n'ayant pas lieu, les traits se montrent allongés par le repos des muscles, et les yeux à fleur de tête, parce qu'ils sont protégés contre l'action de l'air.
[54] Lib. II, p. 150.
[55] Cette observation qui, lors de la publication de ce voyage, en 1787, sembla plutôt neuve et piquante que fondée en vérité, se trouve aujourd'hui portée à l'évidence par des faits eux-mêmes aussi piquants que décisifs. Blumenbach, professeur très-distingué d'anatomie à Gottingue, a publié en 1794 un mémoire duquel il résulte:
1º Qu'il a eu l'occasion de disséquer plusieurs momies égyptiennes.
2º Que les crânes de ces momies appartiennent à trois différentes races d'hommes, savoir: l'une, la race éthiopienne caractérisée par les joues élevées, les lèvres épaisses, le nez large et épaté, les prunelles saillantes; ainsi, ajoute-t-il, que Volney nous représente les Coptes d'aujourd'hui.
La seconde race qui porte le caractère des Hindous, et la troisième qui est mixte et participe des deux premières.
Le docteur Blumenbach cite aussi, en preuve de la première race, le sphinx gravé dans Norden, auquel les plus savants antiquaires n'avaient pas fait attention jusque-là. J'y ajoute en cette édition pour nouveau témoin, le même sphinx dessiné par l'un des artistes les plus distingués de nos jours, M. Cassas, auteur du Voyage pittoresque de la Syrie, de l'Egypte, etc. L'on y remarquera, outre des proportions gigantesques, une disposition de traits qui établit de plus en plus ce que j'ai avancé.
[56] Voyez le Dict. copte, par Lacroze.
[57] Il n'y a pas jusqu'au savant Pocoke qui, expliquant si bien les livres, ne put jamais se passer d'interprète. Récemment, Vonhaven, professeur d'arabe en Danemarck, ne put pas entendre même le salam alai kom (le bonjour), lorsqu'il vint en Égypte; et son compagnon, le jeune Forskal, au bout d'un an, fut plus avancé que lui.
[58] Pour faire sentir ces différences à la lecture, il faut appeler les lettres une à une.
[59] Pas dans tous les cas, mais après l'o et l'u, comme dans buch, un livre.
[60] Lorsque les voyageurs français qui font actuellement le tour du monde seront revenus, on verra la confusion qu'apportera dans leurs récits la variété des orthographes anglaise et française.
[61] Le lecteur curieux de ce genre d'étude peut consulter un ouvrage que j'ai publié pour remplir l'objet que j'indique ici. Il est intitulé Simplification des langues orientales, in-8º, et se trouve chez Bossange frères, libraires, rue de Seine, nº 12, à Paris.
[62] Estân est un terme persan qui signifie pays, et s'applique en finale aux noms propres; ainsi l'on dit Arab-estân, Frank-estân, etc.
[63] En 834.
[64] Qui se plaît en Dieu.
[65] Cette différence du t à l's, vient de ce que la lettre originale est le th anglais, que les étrangers traduisent tantôt t, tantôt s.
[66] En 1239, Holagou-kan, descendant de Djenkiz, abolit le kalifat dans la personne de Mostâzem.
[67] Ou 972, selon d'Herbelot.
[68] Commandant par ordre de Dieu.
[69] Nos anciens en firent soldan et soudan, par le changement fréquent d'ol en ou; fol, fou; mol, mou.
[70] Mamlouk, participe passif de malak, posséder, signifie l'homme possédé en propriété; ce qui a le sens d'esclave; mais cette espèce est distinguée des esclaves domestiques, ou noirs, qu'on appelle abd.
[71] L'histoire de ce premier empire des Mamlouks, et en général celle de l'Égypte depuis l'invasion des Arabes, a laissé jusqu'à ce jour une lacune dans nos connaissances: néanmoins il existe à la bibliothèque nationale deux manuscrits arabes capables de satisfaire notre curiosité à cet égard. La découverte en est due à M. Venture, interprète des langues orientales, qui aujourd'hui accompagne le général Buonaparte, et qui dans nos relations d'amitié et d'estime m'en a montré une traduction presque achevée. Il est à désirer qu'elle soit un jour publiée; mais comme le moment en paraît encore reculé, je crois faire une chose agréable aux lettres et à l'amitié, en insérant une notice de ces manuscrits que le lecteur trouvera à la fin de l'article de l'Égypte.
[72] Chaik signifie proprement un vieillard, senior populi; il a pris la même acception en Orient que parmi nous; et il désigne un seigneur, un commandant.
[73] Les femmes des Mamlouks sont, comme eux, des esclaves transportées de Géorgie, de Mingrelie, etc. On parle toujours de leur beauté, et il faut y croire sur la foi de la renommée. Mais un Européen qui n'a été qu'en Turkie n'a pas le droit d'en rendre témoignage. Ces femmes y sont encore plus invisibles que les autres, et c'est sans doute à ce mystère qu'elles doivent l'idée qu'on se fait de leur beauté. J'ai eu occasion d'en demander des nouvelles à l'épouse d'un de nos négociants au Kaire, à laquelle le commerce des galons et des étoffes de Lyon ouvrait tous les harem. Cette dame, qui a plus d'un droit d'en bien juger, m'a assuré que sur 1,000 à 1,200 femmes d'élite qu'elle a vues, elle n'en a pas trouvé 10 qui fussent d'une vraie beauté; mais les Turks ne sont pas si difficiles; pourvu qu'une femme soit blanche, elle est belle; si elle est grasse, elle est admirable. Son visage est comme la pleine lune; ses hanches sont comme des coussins, disent-ils pour exprimer le superlatif de la beauté. On peut dire qu'ils la mesurent au quintal. Ils ont d'ailleurs un proverbe remarquable pour les physiciens: Prends une blanche pour tes yeux; mais pour le plaisir, prends une Égyptienne. L'expérience leur a prouvé que les femmes du Nord sont réellement plus froides que celles du Midi.
[74] Hippocrates, lib. de Aere, Locis et Aquis.
[75] Ce pays fut de tout temps une pépinière d'esclaves: il en fournissait aux Grecs, aux Romains et à l'ancienne Asie. Mais n'est-il pas singulier de lire dans Hérodote que jadis la Colchide (aujourd'hui la Géorgie) reçut des habitants noirs de l'Égypte, et de voir qu'aujourd'hui elle lui en rende de si différents?
[76] Les corps militaires des janissaires, azâbs, etc., étaient commandés par des kiâyas, qui, après un an d'exercice, se démettaient de leur emploi, et devenaient vétérans, avec voix au diouân.
[77] J'avais depuis long-temps rédigé cet article, lorsque Savary a publié deux nouveaux volumes sur l'Égypte, dans l'un desquels se trouve la vie de ce même Ali-bek. Je comptais y trouver des récits propres à vérifier ou à redresser les miens; mais quel a été mon étonnement de voir que nous n'avons presque rien de commun! Cette diversité m'a été d'autant plus désagréable, que déja ne m'étant pas trouvé du même avis sur d'autres objets, il pourra sembler à bien des lecteurs que je prends à tâche de contrarier ce voyageur. Mais, outre que je ne connais point la personne de Savary, je proteste que de telles partialités n'entrent point dans mon caractère. Par quel accident arrive-t-il donc qu'ayant été sur les mêmes lieux, ayant dû voir les mêmes témoins, nos récits soient si divers? J'avoue que je n'en vois pas bien la raison: tout ce que je puis assurer, c'est que pendant 6 mois que j'ai vécu au Kaire, j'ai interrogé avec soin ceux de nos négociants et des marchands chrétiens à qui une longue résidence et un esprit sage m'ont paru donner un témoignage plus authentique. Je les ai trouvés d'accord sur les faits principaux, et j'ai eu l'avantage d'entendre confirmer leurs récits par un négociant vénitien (C. Rosetti), qui a été l'un des conseillers intimes d'Ali-bek, et le promoteur de ses liaisons avec les Russes, et de ses projets sur le commerce de l'Inde. Dans la Syrie, j'ai trouvé une foule de témoins oculaires des événements communs au chaik Dâher et à Ali-bek, et j'ai pu juger du degré d'instruction de mes auteurs d'Égypte. Pendant huit mois que j'ai demeuré chez les Druzes, j'ai appris de l'évêque d'Alep, alors évêque d'Acre, mille particularités d'autant plus certaines, que le ministre de Dâher, Ibrahim-Sabbâr, était fréquemment dans sa maison. En Palestine, j'ai vécu avec des chrétiens et des musulmans qui ont commandé des troupes de Dâher, fait le premier siége de Yâfa avec Ali-bek, et soutenu le second contre Mohammad-bek. J'ai vu les lieux, j'ai entendu les témoins; j'ai reçu des notes historiques de l'agent de Venise à Yâfa, qui a essuyé sa part de tous les troubles. Voilà les matériaux sur lesquels j'ai rédigé ma narration. Ce n'est pas que je n'aie trouvé quelques variantes de circonstances: quels faits n'en ont pas? La bataille de Fontenoi n'a-t-elle pas dix versions différentes? Il suffit d'obtenir les principaux résultats, d'admettre les plus grandes probabilités, et j'ai pu apprendre par moi-même, en cette occasion, combien la stricte vérité des faits historiques est difficile à établir.
Ce n'est pas non plus que je n'aie entendu quelques-uns des récits de Savary; et lui-même ne peut être taxé de les avoir imaginés; car sa narration est, mot pour mot, celle d'un livre anglais imprimé en 1783, et intitulé Précis de la révolte d'Ali-bek*, quoiqu'il n'y ait que quarante pages consacrées à ce sujet, et que le reste ne traite que de lieux communs, de mœurs et de géographie. J'étais au Kaire lorsque les papiers publics rendirent compte de cet ouvrage; et je me rappelle bien que lorsque nos négociants entendirent parler d'une Marie, femme d'Ali-bek; d'un Grec Dâoud, père de ce commandant; d'une reconnaissance comme celle de Joseph, ils se regardèrent avec étonnement, et finirent par rire des contes qu'on faisait en Europe. Ainsi le facteur anglais, qui était en Égypte en 1771, a beau réclamer l'autorité du kiâya d'Ali-bek et d'une foule de beks qu'il a consultés sans savoir l'arabe, on ne peut le regarder comme bien instruit. Je le suspecte d'autant plus d'erreur, qu'il débute par une faute impardonnable, en disant que le pays d'Abaza est la même chose qu'Amasée, puisque l'un est une contrée du Caucase, en tirant vers le Kuban, et l'autre une ville de l'ancienne Cappadoce ou Natolie moderne.
* An account of the history of the revolt of Ali-bek, etc. London, 1783, 1 vol. in-8º.
[78] Les Turks estiment en premier lieu les esclaves Tchercasses ou Circassiens, puis les Abazans; 3º les Mingreliens; 4º les Géorgiens; 5º les Russes et les Polonais; 6º les Hongrois et les Allemands; 7º les Noirs; et enfin les derniers de tous sont les Espagnols, les Maltais et autres Francs, qu'ils déprisent comme étant ivrognes, débauchés, mutins et de peu de travail.
[79] Lors de sa ruine, ses piastres perdirent vingt pour cent, parce qu'on prétendit qu'elles étaient surchargées d'alliage. Un négociant en fit passer 10,000 à Marseille, et elles rendirent à la fonte un bénéfice assez considérable.
[80] C. Rosetti; son frère Balthasar Rosetti devait être douanier de Djedda.
[81] Peu après, les habitants de la Mekke chassèrent les Mamlouks du port et de la ville, et rétablirent le chérif que l'on avait dépossédé.
[82] Les gens de Dâher portaient ce nom, parce que le siége originel de l'état de Dâher était à Safad, village de Galilée.
[83] Prononcez Sède; c'est la ville qui a succédé à Sidon.
[84] A raison du pèlerinage, dont les deux grandes caravanes partent du Kaire et de Damas.
[85] Tel que Sâlêh-bek.
[86] Poignard qu'on porte à la ceinture.
[87] Ali-bek, partant pour un exil (car il fut exilé jusqu'à trois fois), était campé près du Kaire, ayant un délai de 24 heures pour payer ses dettes: un nommé Hasan, janissaire, à qui il devait 500 sequins (3,750 liv.), vint le trouver. Ali, croyant qu'il demandait son argent, commença de s'excuser; mais Hasan, tirant 500 autres sequins, lui dit: Tu es dans le malheur, prends encore ceux-ci. Ali, confondu de cette générosité, jura, par la tête du prophète, que s'il revenait, il ferait à cet homme une fortune sans exemple. En effet, à son retour, il le créa son fournisseur général des vivres; et quoiqu'on l'avertît des concussions scandaleuses de Hasan, jamais il ne les réprima.
[88] Sabbâr en grasseyant l'r, ce qui signifie teinturier; avec l'r ordinaire ce mot signifierait sondeur.
[89] Au mois de juin 1776.
[90] C'est-à-dire dont il avait été patron: chez les Mamlouks, l'affranchi passe pour l'enfant de la maison.
[91] 2,625,000 livres.
[92] La formule de déposition consiste en ce mot: Enzel; c'est-à-dire, descends du château.
[93] Je dis anciennes, car aujourd'hui on n'y fabrique plus d'acier.
[94] Voyez, Voyage, tom. II, État politique de la Syrie, chap. III, la note relative aux châles.
[95] Les négociants européens, qui ont pris goût à ce luxe, ne croient pas avoir une garde-robe décente quand elle ne passe pas 12 ou 15,000 francs.
[96] Lorsque j'étais au Kaire, des Mamlouks enlevèrent la femme d'un Juif qui passait le Nil avec elle. Ce Juif ayant fait porter des plaintes à Mourâd, ce bek répondit de sa voix de charretier: Eh, laissez ces jeunes gens s'ébattre! Le soir, les Mamlouks firent dire au Juif qu'ils lui rendraient sa femme s'il comptait 100 piastres pour leurs peines, et il fallut en passer par-là. Il est remarquable que dans les mœurs du pays, l'article des femmes est une chose plus sacrée que la vie même.
[97] On se rappelle que l'Égypte est un pays nu et sans bois.
[98] En Turkie, les tombeaux, selon l'usage des anciens, sont toujours hors des villes; et comme chaque tombeau a ordinairement une grande pierre et une petite maçonnerie, il en résulte presque une seconde ville, que l'on pourrait appeler, comme jadis à Alexandrie, Nécropolis, la ville des morts.
[99] Ils ont contre cet usage des préjugés superstitieux.
[100] En arabe qâiem maqâm, mot à mot tenant lieu, dont on a fait caïmacan.
[101] En effet, la plupart des peuples anciens et modernes qui ont déployé une grande activité se trouvent être des montagnards. Les Assyriens, qui conquirent depuis l'Indus jusqu'à la Méditerranée, vinrent des montagnes d'Atourie. Les Kaldéens étaient originaires des mêmes contrées; les Perses de Cyrus sortirent des montagnes de l'Élymaïde, les Macédoniens, des monts Rhodope. Dans les temps modernes, les Suisses, les Écossais, les Savoyards, les Miquelets, les Asturiens, les habitants des Cévennes, toujours libres, ou difficiles à soumettre, prouveraient la généralité de cette règle, si l'exception des Arabes et des Tartares n'indiquait qu'il est une autre cause morale qui appartient aux plaines comme aux montagnes.
[102] Quand un homme est tué par un autre, la famille du mort exige de celle de l'assassin un talion, dont la poursuite se transmet de race en race, sans jamais l'oublier.
[103] Quand un homme a subi cette torture sans déceler son argent, on dit de lui: C'est un homme, et ce mot l'indemnise.
[104] Souvent, sur un soupçon, ils les égorgent; et ce préjugé a lieu également dans la Syrie. Lorsque j'étais à Ramlé, un paysan se promena plusieurs jours dans le marché, ayant son manteau taché du sang de sa fille qu'il avait ainsi égorgée; le grand nombre l'approuvait: la justice turke ne se mêle pas de ces choses.
[105] Cette caravane vient par terre le long du Nil; c'est avec elle que Bruce, Anglais, revint en 1772 de l'Abissinie, où il avait fait le voyage le plus hardi qu'on ait tenté dans ce siècle. En traversant le désert, la caravane manqua de vivres, et vécut pendant plusieurs jours de gomme seulement.
[106] J'ai vu au Kaire plusieurs noirs arrivés par cette caravane, qui venaient du pays des Foulis, au nord du Sénégal, qui disaient avoir vu des Francs dans leurs contrées.
[107] Espèce de bateaux qui portent une immense voile latine rayée de bleu et de brun comme du coutil.
[108] En 1784, l'Égypte consommait pour 2 millions et demi de nos denrées, et nous en rendait pour 3 millions. Or, cette branche étant au moins le cinquième de tout son commerce, il ne peut s'évaluer à plus de 15 millions d'actif au total.
[109] Les anciens ont pensé que la mer Rouge était plus élevée que la Méditerranée; en effet, si l'on observe que, depuis le canal de Qolzoum jusqu'à la mer, le Nil a encore une pente l'espace de 30 lieues, l'on ne croira pas cette idée si ridicule, encore qu'il semble que le niveau dût s'établir par le cap de Bonne-Espérance. Ajoutez qu'il est de fait que des vents continus d'un même côté élèvent les eaux sur les rives opposées: ainsi les vents d'est élèvent de 12 à 18 pouces le niveau de la mer dans les ports de Toulon, de Marseille et de la Catalogne; et la mousson de sud doit produire un effet semblable dans le canal long et étroit de la mer Rouge: mais par inverse la mousson de nord doit produire l'effet contraire; dans tous les cas l'expérience des anciens est à recommencer.
[110] Strabo, lib. XVII: or la guerre de Troie, selon des calculs qui me sont particuliers, correspond au temps de Salomon. Voyez un Mémoire sur la chronologie ancienne, inséré dans le Journal des savants, janvier 1782; et dans l'Encyclopédie par ordre de matières, tom. III des Antiquités.
[111] Lib. XVII.
[112] Elle resta plus de 40 jours assemblée, différant son départ par diverses raisons, entre autres à cause des jours malheureux dont les Turks ont la superstition comme les Romains. Enfin elle partit le 27 juillet, et arriva le 29 à Suez, ayant marché 29 heures par la route des Haouatâs, 1 lieue plus au sud que le lac des Pèlerins.
[113] C'est le nom que les Provençaux donnent au dahler de l'Empire, d'après les Arabes, qui l'appellent Riâl oboutâqà, ou père de la fenêtre, à cause de son écusson, qui ressemble, selon eux, à une fenêtre. Le dahler vaut 5 livres 5 sous de France.
[114] En mai 1783, la flotte de Djedda, consistant en 28 voiles, dont 4 vaisseaux percés pour 60 canons, apporta près de 30,000 fardes de café, qui, à raison de 370 livres la farde, font un poids total de 11,100,000 livres, ou 101,000 quintaux; mais il faut observer que les demandes de cette année furent un tiers plus fortes qu'à l'ordinaire. Ainsi l'on doit compter 60 à 70,000 quintaux par an. La farde payant 216 livres de droits à Suez, les 30,000 fardes ont rendu à la douane 6,480,000 livres tournois.
| A Moka | 16 | liv. |
| A Suez | 147 | |
| Plus | 69 | |
| Total des droits | 232 | |
| Achat | 236 | |
| Total | 468 |
A quoi joignant le fret, les pertes, les déchets, on ne doit pas s'étonner si le café moka se vend 45 et 50 sous la livre en Égypte, et 3 francs à Marseille.
[116] En général les Orientaux ont une aversion pour les mœurs d'Europe, qui les éloigne de toute idée d'émigration.
[117] Les nouvelles du temps parlèrent beaucoup de ce pillage, à l'occasion de M. de Saint-Germain, de l'île de Bourbon, dont le désastre fit du bruit en France. La caravane était composée d'officiers et de passagers anglais et de quelques prisonniers français, qui étaient venus sur 2 vaisseaux débarquer à Suez, pour passer en Europe par la voie du Kaire. Les Arabes bedouins de Tôr, informés que ces passagers seraient accompagnés d'un riche chargement, résolurent de les piller, et les pillèrent en effet à cinq lieues de Suez. Les Européens, dépouillés nus comme la main, et dispersés par la frayeur, se partagèrent en deux bandes. Les uns retournèrent à Suez; les autres, au nombre de 7, croyant pouvoir arriver au Kaire, s'enfoncèrent dans le désert. Bientôt la fatigue, la soif, la faim et l'ardeur du soleil, les firent périr les uns après les autres. Le seul M. de Saint-Germain résista à tous ces maux. Pendant 3 jours et 2 nuits, il erra dans ce désert aride et nu, glacé du vent de nord pendant la nuit (c'était en janvier), brûlé du soleil pendant le jour, sans autre ombrage qu'un seul buisson, où il se plongea la tête parmi les épines, sans autre boisson que son urine. Enfin, le troisième jour, ayant aperçu l'eau de Berket-el-Hadj, il s'efforça de s'y rendre; mais déja il était tombé trois fois de faiblesse, et sans doute il fût resté à sa dernière chute, si un paysan, monté sur son chameau, ne l'eût aperçu d'une grande distance. Cet homme charitable le transporta chez lui, et l'y soigna pendant trois jours avec la plus grande humanité. Au bout de ce terme, les négociants du Kaire, informés de son aventure, firent apporter M. de Saint-Germain à la ville; il y arriva dans l'état le plus déplorable. Son corps n'était qu'une plaie; son haleine était celle d'un cadavre, et il ne lui restait que le souffle de la vie. Cependant, à force de soins et d'attentions, Charles Magallon, qui l'avait reçu dans sa maison, eut la satisfaction de le sauver, et même de le rétablir. On a beaucoup parlé, dans le temps, de la barbarie des Arabes, qui cependant ne tuèrent personne; aujourd'hui l'on doit blâmer l'imprudence des Européens, qui dans toute cette affaire se conduisirent comme des fous. Il régnait parmi eux la plus grande discorde, et ils avaient poussé la négligence au point de n'avoir pas un pistolet en état. Toutes les armes étaient au fond des caisses. D'ailleurs, il paraît que les Arabes n'agirent pas de leur propre mouvement: des personnes bien instruites assurent que l'affaire avait été préparée à Constantinople par la compagnie anglaise de l'Inde, qui voyait de mauvais œil que des particuliers entrassent en concurrence avec elle pour le débit des marchandises du Bengale; et ce qui s'est passé dans le cours des poursuites a prouvé la vérité de cette assertion.
[118] Le blé est prohibé, et Pocoke remarquait en 1737 que cela avait nui à la culture.
[119] Espèce de grain assez semblable aux lentilles, qui croît par touffes, sur un roseau de 6 à 7 pieds de haut: c'est le holcus arundinaccus de Linné.
[120] Ils ont observé que ces avanies vont, année commune, à 63,000 livres tournois.
[121] Ce nom de Masr a les mêmes consonnes que celui de Mesr-aïm, allégué par les Hébreux; lequel, à raison de sa forme plurielle, semble désigner proprement les habitants du Delta, pendant que ceux de la Thébaïde s'appelaient Benikous ou enfants de kous.
[122] Le sultan Sélim avait assigné des bateaux pour les porter sans cesse à la mer; mais on a détruit cet établissement pour en détourner les deniers.
[123] Elle s'appelle karadj; k est ici le jota espagnol.
[124] D'Anville a connu deux listes des villages de l'Égypte: l'une, du siècle dernier, compte 2,696 villes et villages; l'autre, du milieu de celui-ci, 2,395, dont 957 au Saïd, et 1,439 dans le Delta (ce qui fait cependant, comme l'observe aussi d'Anville, 2,396). Le résumé que je donne est de l'année 1783.
[125] Les tourterelles, dont il y a une prodigieuse quantité, font leurs nids dans les maisons, et les enfants mêmes n'y touchent pas.
[126] Il faut observer que les aveugles des villages viennent s'établir à la mosquée des Fleurs (el-Azhar), où ils ont une espèce d'hôpital. Lazaret me paraît venir de là.
[127] Cependant, l'histoire observe que plusieurs des Faraons moururent aveugles.
[128] Ils la pratiquent en insérant un fil dans la chair, ou en faisant respirer ou avaler de la poudre de boutons desséchée.
[129] On peut citer en preuve les Mamlouks, qui, au moyen d'une bonne nourriture et d'un régime bien entendu, jouissent de la santé la plus robuste.
| Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos. |
| Virg. |
[131] On voit souvent en Égypte pendre sur le visage des enfants, et même sur celui des hommes faits, de petits morceaux d'étoffes rouges, ou des rameaux de corail et de verre coloré; leur usage est de fixer, par leur couleur et leur mouvement, le premier coup d'œil de l'envieux, parce que c'est celui-là, disent-ils, qui frappe.
[132] Les Égyptiens et les Turks en général ont pour le bain d'étuve une passion difficile à concevoir dans un pays aussi chaud que le leur; mais elle me paraît venir moins des sensations que des préjugés. La loi du Qôran, qui ordonne aux hommes une forte ablution après le devoir conjugal, est elle seule un motif très-puissant; et la vanité qu'ils attachent à l'exécuter en devient un autre qui n'est pas moins efficace. Pour les femmes, il se joint à ces motifs, 1º que le bain est le seul lieu d'assemblée où elles puissent faire parade de leur luxe et se régaler de melons et fruits, de pâtisserie et autres friandises; 2º qu'elles croient, ainsi que l'a remarqué Prosper Alpin, que le bain leur donne cet embonpoint qui passe pour la beauté. Quant aux étrangers, leurs opinions diffèrent comme leurs sensations. Plusieurs négociants du Kaire aiment le bain, d'autres s'en sont trouvés maltraités, et je leur ai ressemblé. Il m'a donné des vertiges et des tremblements de genoux qui durèrent 2 jours. J'avoue qu'une eau vraiment brûlante, et qu'une sueur arrachée par les convulsions du poumon autant que par la chaleur, m'ont paru des plaisirs d'une espèce étrange, et je n'envierai plus aux Turks ni leur opium, ni leurs étuves, ni leurs masseurs trop complaisants.
[133] Le lendemain il donne toujours un lavement pour évacuer ce kina.
[134] Prosper Alpin, médecin vénitien, qui écrivait en 1591, dit également que la peste n'est point originaire d'Égypte; qu'elle y vient de Grèce, de Syrie, de Barbarie; que les chaleurs la tuent, etc. Voyez de Medicinâ Ægyptiorum, p. 28.
[135] Au Kaire, on a observé que les porteurs d'eau, sans cesse arrosés de l'eau fraîche qu'ils portent dans une outre sur leur dos, ne sont jamais attaqués de la peste: mais ici c'est lotion, et non pas humidité; d'autre part, l'astronome Beauchamp m'observe, dans une lettre écrite de Bagdad, que la peste qui précéda 1787 moissonna tous les porteurs d'eau de la ville. Les Européens même, malgré leurs lotions de vinaigre, n'échappèrent pas, et cependant l'un d'eux qui en but des verres entiers se sauva. Beauchamp fait d'ailleurs la remarque curieuse que la peste ne passe jamais dans la Perse, dont le climat est en général plus tempéré, et le sol montueux et couvert de végétaux.
[136] L'année dernière en fait preuve, puisqu'il a éclaté dans Tunis une peste aussi violente qu'on en ait jamais éprouvé. Elle fut apportée par des bâtiments venant de Constantinople, qui corrompirent les gardes et entrèrent en fraude sans faire de quarantaine.
[137] Lorsque j'écrivais ceci en 1786, je ne connaissais pas la lettre d'Amrou au kalife Omar, laquelle traite précisément sous les mêmes rapports du même sujet. Le lecteur ne peut que me savoir gré de lui citer ce morceau curieux de l'éloquence orientale.
Lettre du kalife Omar ebn-el-Kattâb, à Amrou, son
lieutenant en Égypte.
O Amrou, fils d'el-Aâs, ce que je désire de toi, à la réception de cette lettre, c'est que tu me fasses de l'Égypte une peinture assez exacte et assez vive pour que je puisse m'imaginer voir de mes propres yeux cette belle contrée. Salut.
Réponse d'Amrou.
O prince des fidèles! peins-toi un désert aride, et une campagne magnifique au milieu de deux montagnes, dont l'une a la forme d'une colline de sable, et l'autre du ventre d'un cheval étique ou du dos d'un chameau: voilà l'Égypte! Toutes ses productions et toutes ses richesses, depuis Asouan (Syène) jusqu'à Menchâ, viennent d'un fleuve béni qui coule avec majesté au milieu d'elle. Le moment de la crue et de la retraite de ses eaux est aussi réglé que le cours du soleil et de la lune; il y a une époque fixe dans l'année où toutes les sources de l'univers viennent payer à ce roi des fleuves le tribut auquel la Providence les a assujetties envers lui. Alors les eaux augmentent, sortent de son lit, et couvrent toute la face de l'Égypte pour y déposer un limon productif. Il n'y a plus de communication d'un village à l'autre, que par le moyen de barques légères, aussi nombreuses que les feuilles de palmier.
Lorsqu'ensuite arrive le moment où ses eaux cessent d'être nécessaires à la fertilité du sol, ce fleuve docile rentre dans les bornes que le destin lui a prescrites, pour laisser recueillir le trésor qu'il a caché dans le sein de la terre.
Un peuple protégé du ciel, et qui comme l'abeille ne semble destiné qu'à travailler pour les autres, sans profiter lui-même du prix de ses sueurs, ouvre légèrement les entrailles de la terre, et y dépose des semences dont il attend la fécondité du bienfait de cet être qui fait croître et mûrir les moissons.—Le germe se développe, la tige s'élève, l'épi se forme par le secours d'une rosée qui supplée aux pluies, et qui entretient le suc nourricier dont le sol est imbu. A la plus abondante récolte succède tout à coup la stérilité. C'est ainsi, ô prince des fidèles! que l'Égypte offre tour à tour l'image d'un désert poudreux, d'une plaine liquide et argentée, d'un marécage noir et limoneux, d'une prairie verte et ondoyante, d'un parterre orné de fleurs variées, et d'un guéret couvert de moissons jaunissantes: béni soit le créateur de tant de merveilles!
Trois choses, ô prince des fidèles! contribuent essentiellement à la prospérité de l'Égypte et au bonheur de ses habitants. La première, de ne point adopter légèrement des projets inventés par l'avidité fiscale, et tendants à accroître l'impôt; la seconde, d'employer le tiers des revenus à l'entretien des canaux, des ponts et des digues; la troisième, de ne lever l'impôt qu'en nature, sur les fruits que la terre produit. Salut.
[138] Il y en eut un très-violent entre autres l'an 1112.
[139] On peut, à ce sujet, consulter les planches de Norden, qui rendent cet état sensible.
[140] Multum mentitur qui multum vidit
[141] Personne n'a moins que moi de sujets d'humeur contre l'Égypte: j'y ai éprouvé, de la part de nos négociants, l'accueil le plus généreux et le plus honnête; jamais il ne m'est arrivé aucun accident désagréable, pas même de mettre pied à terre devant les Mamlouks. Il est vrai que le plus souvent, et malgré la honte qu'on y attribue, je ne marchais qu'à pied dans les rues.
[142] La vue des pyramides, que je joins à cette édition, et qui manque aux premières, n'est pas prise du bord du fleuve même, qui en est trop distant, mais du bord du canal qui se trouve dans la plaine avant d'arriver au rocher, et qui n'est rempli qu'au temps de l'inondation. Le talent de l'artiste me paraît avoir donné dans ce dessin circonscrit l'idée la plus étendue et la plus exacte de ces prodigieux monuments.
[143] A la liste de ces différences, alléguée par Savary, il faut ajouter la mesure récente de Niebuhr qui donne à la grande pyramide 480 pieds de hauteur perpendiculaire.
[144] Je n'entends pas les seules pyramides de Djizé, mais toutes en général. Quelques-unes, comme celle de Bayamont, n'ont de rochers ni dessous, ni aux environs. Voyez Pocoke.
[145] Néanmoins je ne conteste pas à la plus grande des pyramides la propriété que lui a découverte l'ingénieux et savant Dupuis.
[146] Elle a 13 pas de long sur 11 de large, et à peu près autant de hauteur.
[147] La grande pyramide elle-même en est un; mais s'il est constaté que le côté de sa base équivaut juste à 1 stade alexandrin (de 684 pieds 9 pouces 60 centièmes), et se trouve être exactement la 500 partie d'un degré du cercle terrestre, tel que nous-mêmes le connaissons; si, comme l'observe l'ingénieux et savant Dupuis, ses pans sont disposés sous un angle tel qu'à l'entrée du soleil dans les signes équinoxiaux son disque paraît placé au sommet pour le spectateur à genoux à la base, il faut convenir que dans la construction de celle-là l'on a combiné d'autres motifs. Au reste, ces questions seront bientôt éclaircies par les savants qui sont en Égypte.
[148] Voici la marche de cette étymologie. Le mot français pyramide, est le grec pyramis, idos; mais dans l'ancien grec, l'y était prononcé ou; donc il faut dire pouramis. Lorsque les Grecs, après la guerre de Troie, fréquentèrent l'Égypte, ils ne devaient point avoir, dans leur langue, le nom de cet objet nouveau pour eux; ils dûrent l'emprunter des Égyptiens. Pouramis n'est donc pas grec, mais égyptien. Or, il paraît constant que les dialectes de l'Égypte, qui étaient variés, ont eu de grandes analogies avec ceux des pays voisins, tels que l'Arabie et la Syrie. Il est vrai que, dans ces langues, p est une prononciation inconnue; mais il est de fait aussi que les Grecs, en adoptant des mots barbares, les altéraient presque toujours, et confondaient souvent un son avec un autre à peu près semblable. Il est de fait encore, que, dans des mots connus, p se trouve sans cesse pris pour b, qui n'en diffère presque pas. Dans cette donnée, pouramis devient bouramis. Or, dans le dialecte de la Palestine, bour signifie toute excavation en terre, une citerne, une prison proprement souterraine, un sépulcre. Voyez Buxtorf, Lexicon hebr. Reste amis, où l's finale me paraît une terminaison substituée au t, qui n'était point dans le génie grec, et qui faisait l'oriental, a-mit, du mort; bour a-mit, caveau du mort; cette substitution de l's au t a un exemple dans atribis, bien connu pour être atribit: c'est aux connaisseurs à juger s'il est beaucoup d'étymologies qui réunissent autant de conditions que celle-ci.
[149] Ce prince, dit-il, régna cinquante ans, et il en employa vingt à bâtir la pyramide. Le tiers de l'Égypte fut employé, par corvées, à tailler, à transporter et à élever les pierres.
[150] Il est remarquable que si l'on écrivait le nom égyptien allégué par les Grecs, en caractères phéniciens, on se servirait des mêmes lettres que nous prononçons pharao; l'o final est dans l'hébreu un h, qui à la fin des mots devient très-souvent t.
[151] Je ne connais rien de plus propre à figurer les pyramides, à Paris, que l'Hôtel des Invalides, vu du Cours-la-Reine. La longueur du bâtiment étant de six cents pieds, égale précisément la base de la grande pyramide; mais pour s'en figurer la hauteur et la solidité, il faut supposer que la face mentionnée s'élève en un triangle dont la pointe excède la hauteur du dôme des deux tiers de ce dôme même (il a 300 pieds): de plus, que la même face doit se répéter sur 4 côtés en carré, et que tout le massif qui en résulte, est plein, et n'offre à l'extérieur qu'un immense talus disposé, par gradins.
[152] Je tiens ce fait des négociants d'Acre, qui le racontent sur la foi d'un capitaine de Marseille, qui, dans le temps, chargeait du riz à Damiât.
[153] Environ 437,000 livres. En 1780, Mourad-bek retirait de Faraskour 100,000 pataques ou 525,000 livres.
[154] Voilà pourquoi tout prospérait, car l'impôt foncier variable chaque année tue l'industrie et perd les états. (Note de Volney).
[155] Baï en turkman signifie riche; c'est le bey tunisien. Daï ou dey signifie brave.
[156] Ces lettres, appelées bàtaïq, contenaient l'avis pur et simple; elles s'attachaient sous l'aile: elles étaient datées du lieu, du jour, de l'heure. On expédiait par duplicata: à l'arrivée de l'oiseau, la sentinelle le portait au sultan même, qui détachait l'écrit. Les pigeons bien dressés étaient hors de prix. Ces établissements étaient fort coûteux, mais très-utiles. On appelait les pigeons les anges des rois.
[157] Le traducteur croit que l'on a oublié un colombier à el-Arich, fondé sur la trop grande distance incommode au transport des pigeons.
[158] On suppose ici l'omission d'un colombier sur les montagnes.
[159] C'est-à-dire vers l'an 750 avant Jésus-Christ. Voilà pourquoi Homère, qui écrivit au commencement de ce siècle-là, ne l'a point citée, quoiqu'il fasse mention des habitants du pays: il s'est servi du nom oriental Aram, altéré dans Ariméén, et Erembos.
[160] Les géographes le citent cependant quelquefois, en l'écrivant Souria, selon la traduction perpétuelle de l'y en ou arabe.
[161] Prononcez châm et non kâm; et, règle générale dans les mots arabes que je cite, prononcez ch comme dans charme, fût-il à la fin du mot. D'Anville écrit shâm, parce qu'il suit l'orthographe anglaise, dans laquelle sh est notre ch: El-Châm tout seul est le nom de la ville de Damas, réputée capitale de la Syrie. J'ignore pourquoi Savary en a fait El-Chams, ville du soleil.
[162] Dans l'antiquité, les peuples qui adoraient le soleil, lui rendant leur hommage au moment de son lever, se supposèrent toujours la face tournée à l'orient. Le nord fut la gauche, le midi la droite, et le couchant le derrière, appelé, en oriental, acheron et akaron.
[163] L'ancienne Béryte.
[164] Tous les vaisseaux qui vont à Alexandrette touchent en Cypre, dont la partie méridionale est une plaine nue et ravagée.
[165] Il faut en excepter le mont Casius, qui s'élève sur Antioche comme un énorme pic. Mais Pline passe l'hyperbole, quand il dit que de sa pointe on découvre en même temps l'aurore et le crépuscule.
[166] Il n'y a plus que 4 ou 5 de ces arbres qui aient quelque apparence.
[167] C'est le terrain appelé grottes d'Engaddi, où se retirèrent de tout temps les vagabonds. Il y en a qui tiendraient 1,500 hommes.
[168] On estime que le mont Blanc, le plus élevé des Alpes, a 2,400 toises au-dessus du niveau de la mer; et le pic d'Ossian dans les Pyrénées, 1,900.
[169] La rivière du Lait, qui se verse dans Nahr-el-Salib, appelée aussi rivière du Bairout; cette arcade a plus de 160 pieds de long sur 85 de large, et près de 200 pieds d'élévation au-dessus du torrent.
[170] Ces ruisseaux souterrains sont communs dans toute la Syrie; il y en a près de Damas, aux sources de l'Oronte, et à celles du Jourdain. Celui de Mar-Hanna, couvent de Grecs, près du village de Chouaîr, s'ouvre par un gouffre appelé el-Bâlouè, c'est-à-dire l'engloutisseur; c'est une bouche d'environ 10 pieds de large, située au fond d'un entonnoir. A 15 pieds de profondeur est une espèce de premier fond; mais il ne fait que masquer une ouverture latérale très-profonde. Il y a quelques années qu'on le ferma, parce qu'il avait servi à receler un meurtre. Les pluies d'hiver étant venues, les eaux s'accumulèrent et firent un lac assez profond; mais quelques filets d'eau s'étant fait jour parmi les pierres, elles furent bientôt dégarnies de la terre qui les liait: alors la masse des eaux faisant effort, l'obstacle creva tout-à-coup avec une explosion semblable à un coup de tonnerre; la réaction de l'air comprimé fut telle, qu'il jaillit une trombe d'eau à plus de 200 pas sur une maison voisine. Le courant établi par cette issue forma un tournoiement qui engloutit les arbres et les vignes plantés dans l'entonnoir, et alla les rejeter par la seconde issue.
[171] Lib. XVI, p. 264.
[172] Il est vrai que le Jourdain est profond; mais si l'Oronte n'était arrêté par des barres multipliées, il resterait à sec pendant l'été.
[173] Le lac d'Antioche abonde surtout en anguilles et en une espèce de poisson rouge de médiocre qualité. Les Grecs, qui sont des jeûneurs perpétuels, en font une grande consommation. Le lac de Tabarié est encore plus riche; il est surtout rempli de crabes; mais comme ses environs ne sont peuplés que de musulmans, il est peu pêché.
[174] Sur toute la côte de Syrie, et notamment à Tripoli, les plus bas degrés du thermomètre en hiver sont 9 et 8 degrés au-dessus de la glace; en été, dans les appartements bien clos, il va jusqu'à 25 et demi et 26. Quant au baromètre, il est remarquable que, dans les derniers jours de mai, il se fixe à 28 pouces, et ne varie plus jusqu'en octobre.
[175] C'est ce que pratiquent plusieurs des habitants de ce canton, qui passent l'hiver près de Tripoli, pendant que leurs maisons sont ensevelies sous la neige.
[176] Mar-Hanna el-Chouair; c'est-à-dire Saint-Jean près du village de Chouair. Ce monastère est dans une vallée de rocailles, qui verse dans celle de Nahr-el-Kelb, ou torrent du Chien. Les religieux sont grecs-catholiques, de l'ordre de Saint-Basile: j'aurai occasion d'en parler plus amplement.
[177] Maison ci-devant des jésuites, occupée aujourd'hui par les lazaristes.
[178] Je n'ai jamais vu en Syrie de sarrasin, et l'avoine y est rare. On n'y donne aux chevaux que de l'orge et de la paille.
[179] J'en ai vu qui pesaient 18 livres.
[180] Broulos, sur la côte d'Égypte, a des pastèques meilleures que dans le reste du Delta, où les fruits sont en général trop aqueux.
[181] On a long-temps cru que l'insecte de la cochenille appartenait exclusivement au Mexique; et les Espagnols, pour s'en assurer la propriété, ont défendu l'exportation de la cochenille vivante, sous peine de mort; mais Thierri, qui réussit à l'enlever en 1771, et qui la transporta à Saint-Domingue, a trouvé que les nopals de cette île en avaient dès avant son arrivée. Il paraît que la nature ne sépare presque jamais les insectes des plantes qui leur sont appropriées.
[182] La disposition du terrain de l'Yemen et du Téhama a beaucoup d'analogie avec celle de la Syrie. Voyez Niebuhr, Voyage en Arabie.
[183] Pour compléter l'histoire naturelle de la Syrie, il convient de dire qu'elle produit tous nos animaux domestiques; mais elle y ajoute le buffle et le chameau, dont l'utilité est si connue. En fauves, on y trouve dans les plaines des gazelles qui remplacent notre chevreuil; dans les montagnes et les marais, quantité de sangliers moins grands et moins féroces que les nôtres. Le cerf et le daim n'y sont point connus; le loup et le vrai renard le sont très-peu; mais il y a une prodigieuse quantité de l'espèce mitoyenne appelée chacal (en Syrie ou le nomme ouâoui, par imitation de son cri; et en Égypte dîb ou loup). Les chacals habitent par troupes aux environs des villes, dont ils mangent les charognes; ils n'attaquent jamais personne, et ne savent défendre leur vie que par la fuite. Chaque soir ils semblent se donner le mot pour hurler, et leurs cris, qui sont très-lugubres, durent quelquefois un quart d'heure. Il y a aussi dans les lieux écartés des hyènes (en arabe daba) et des onces, faussement appelés tigres (Némr). Le Liban, le pays des Druzes et de Nâblous, le mont Carmel et les environs d'Alexandrette, sont leurs principaux séjours. En récompense, on est exempt des lions et des ours; le gibier d'eau est très-abondant; celui de terre n'est que par cantons. Le lièvre et la grosse perdrix rouge sont les plus communs; le lapin, s'il y en a, est infiniment rare; le francolin ne l'est point à Tripoli, et près de Yâfa. Enfin, il ne faut pas oublier d'observer que l'espèce du colibri existe dans le territoire de Saïd. M. J.-B. Adanson, ci-devant interprète en cette ville, qui cultive l'histoire naturelle avec autant de goût que de succès, en a trouvé un dont il a fait présent à son frère l'académicien. C'est, avec le pélican, le seul oiseau bien remarquable de la Syrie.
[184] Les semailles de la récolte d'hiver, qu'on appelle chetâouîé, n'ont lieu dans toute la Syrie qu'à l'arrivée des pluies d'automne, c'est-à-dire vers la Toussaint. L'époque de cette récolte varie ensuite selon les lieux. En Palestine, et dans le Haurân, on coupe le froment et l'orge dès la fin d'avril et dans le courant de mai. Mais à mesure que l'on va dans le nord, ou que l'on s'élève dans les montagnes, la moisson se retarde jusqu'en juin et juillet.
Les semailles de la récolte d'été ou saîfié se font aux pluies de printemps, c'est-à-dire en mars et avril, et leur moisson a lieu dans les mois de septembre et d'octobre.
Les vendanges, dans les montagnes, se font sur la fin de septembre; les vers à soie y éclosent en avril et mai, et font leurs cocons en juillet.
[185] Voyez les questions de Michaélis, proposées aux voyageurs du roi de Danemarck.
[186] C'est le mécanisme des cheminées et des bains d'étuves.
[187] Il y a d'ailleurs un effort de l'air dilaté contre les barrières qui l'emprisonnent; mais cet effet est indifférent à notre objet.
[188] Voilà pourquoi, comme l'a très-bien observé Montesquieu, la Tartarie, sous le parallèle de l'Angleterre et de la France, est infiniment plus froide que ces contrées.
[189] Ceci explique pourquoi la Gaule était plus froide jadis que de nos jours.
[190] Franklin a pensé que la cause du vent alizé d'est tenait à la rotation de la terre; mais si cela est, pourquoi le vent d'est n'est-il pas perpétuel? Comment d'ailleurs expliquer dans cette hypothèse les deux moussons de l'Inde, tellement disposées que leurs alternatives sont marquées précisément par le passage du soleil dans la ligne équinoxiale; c'est-à-dire que les vents d'ouest et de sud règnent pendant les 6 mois que le soleil est dans la zone boréale, et les vents d'est et de nord pendant les 6 mois qu'il est dans la zone australe. Ce rapport ne prouve-t-il pas que tous les accidents des vents dépendent uniquement de l'action du soleil sur l'atmosphère du globe? La lune, qui a un effet si marqué sur l'océan, peut en avoir aussi sur les vents; mais l'influence des autres planètes paraît une chimère qui ne convient qu'à l'astrologie des anciens.
[191] Franklin en donne la même explication.
[192] Il est souvent sensible à la vue; mais on le rend encore plus évident en approchant des tuyaux une soie effilée ou la flamme d'une petite bougie.
[193] Ces rafales sont si brusques, qu'elles font quelquefois chavirer les bateaux. Peu s'en est fallu que je n'en aie fait l'expérience.
[194] Voyez article de l'Égypte.
[195] J'en ai fait l'observation en Palestine dans les mois de novembre, décembre et janvier 1784 et 85. La plaine de Palestine, surtout vers Gaze, est à peu près dans les mêmes circonstances de climat que l'Égypte.
[196] Il n'est pas inutile d'observer que le Nil établit alors un courant sur toute la côte de Syrie, qui porte de Gaze en Cypre.
[197] Il me paraît que c'est la même colonne dont parle le baron de Tott. J'ai pareillement constaté l'état vaporeux de l'horizon d'Égypte, dont il fait mention.
[198] Ceci résout un problème qu'on m'a proposé à Yâfa: savoir, pourquoi l'on sue plus à Yâfa sur les bords de la mer qu'à Ramlé qui est à trois lieues dans les terres. La raison en est que l'air de Yâfa étant saturé d'humidité, ne pompe qu'avec lenteur l'émanation du corps, pendant qu'à Ramlé l'air plus avide la pompe plus vite. C'est aussi par cette raison que dans nos climats l'haleine est visible en hiver, et non en été.
[199] J'ignore ce qui se passe à cet égard dans la haute Égypte: quant au Delta, il paraît que quelquefois il reçoit des nuages et du tonnerre de la mer Rouge. Le jour que je quittai le Kaire (26 septembre 1783), à la nuit tombante, il parut un orage dans le sud-est qui bientôt donna plusieurs coups de tonnerre, et finit par une grêle violente de la grosseur des pois ronds de la plus forte espèce. Elle dura 10 à 12 minutes, et nous eûmes le temps, mes compagnons de voyage et moi, d'en ramasser dans le bateau assez pour en remplir deux grands verres, et dire que nous avons bu à la glace en Égypte. Il est d'ailleurs bon d'observer que c'était l'époque où la mousson de sud commence sur la mer Rouge.
[200] Niebuhr a également observé à Moka et à Bombai que les orages venaient toujours de la mer.
[201] Il semble aussi que les étoiles volantes sont une combinaison particulière de la matière du feu. Les Maronites de Mar-Elias m'ont assuré qu'une de ces étoiles tombée il y a 3 ans sur deux mulets du couvent, les tua en faisant un bruit semblable à un coup de pistolet, sans laisser plus de traces que le tonnerre.
[202] Alexandrette et Beilan qui en est voisin, parlent turk; mais on peut les regarder comme frontières de la Caramanie, où le turk est la langue vulgaire.
[203] Adjam est le nom des Perses en arabe. Les Grecs l'ont connu et exprimé par achemen-ides.
[204] Strabon, liv. II, dit que le Niphate et sa chaîne sont dits Gordonæi.
[205] Prononcez Najd.
[206] Cette qualité saline est si inhérente au sol, qu'elle passe jusque dans les plantes. Toutes celles du désert abondent en soude et en sel de Glauber. Il est remarquable que la dose de ces sels diminue en se rapprochant des montagnes, où elle finit par être presque nulle; et, tout considéré, cette qualité saline doit être la vraie cause de la stérilité du désert.
[207] Je connais 4 espèces distinctes de chameaux: la 1re, le chameau tel que je viens de le décrire, et qui est proprement le chameau arabe, porteur de fardeaux, n'ayant qu'une bosse et très-peu de poil sur le corps.
La 2e est le chameau coureur, appelé hedjin au Kaire, plus svelte dans toutes ses formes, n'ayant qu'une bosse; c'est le véritable dromadaire des Grecs. Nous en avons maintenant deux à Paris, que l'on a vus aux fêtes du Champ-de-Mars. Ces deux espèces sont répandues depuis Maroc jusqu'en Perse.
La 3e espèce est le chameau turkman, répandu d'Alep à Constantinople et au nord de la Perse. Il n'a qu'une bosse; il est moins haut que le chameau arabe; il a les jambes plus courtes, plus grosses, le corps plus trapu et infiniment mieux couvert de poil. Celui du cou pend jusqu'à terre et est généralement brun.
La 4e est le chameau tartare ou bactrien, répandu dans toute la Chine et la Tartarie. Celui-là a deux bosses. L'on ne voit que de ceux-là à Pékin, tandis qu'ils sont si rares dans la basse Asie, que je citerais une foule de voyageurs, même Arabes, qui, comme moi, n'y en ont jamais vu aucun.—Buffon a totalement confondu ces espèces.
[208] Cette cause est également sensible dans la comparaison des chameaux arabes aux chameaux turkmans, car ces derniers, vivant dans des pays riches en fourrages, sont devenus une espèce plus forte en membres, et plus charnue que les premiers.
[209] Exclamation d'éloge, comme si l'on disait, admirablement bien.
[210] Les Arabes font une distinction de leurs hôtes, en hôte mostadjir, ou implorant protection; et en hôte matnoub, ou qui plante sa tente au rang des autres, c'est-à-dire qui se naturalise.
[211] Niebuhr rapporte dans sa Description de l'Arabie, tome II, page 208, édition de Paris, que depuis 30 ans il s'est élevé dans le Najd une nouvelle religion, dont les principes sont analogues aux dispositions d'esprit dont je parle. «Ces principes sont, dit ce voyageur, que Dieu seul doit être invoqué et adoré comme auteur de tout; qu'on ne doit faire mention d'aucun prophète en priant, parce que cela touche à l'idolâtrie; que Moïse, Jésus-Christ, Mahomet, etc., sont à la vérité de grands hommes, dont les actions sont édifiantes; mais que nul livre n'a été inspiré par l'ange Gabriel, ou par tout autre esprit céleste. Enfin, que les vœux faits dans un péril menaçant ne sont d'aucun mérite ni d'aucune obligation.
«Je ne sais, ajoute Niebuhr, jusqu'où l'on peut compter sur le rapport du Bedouin qui m'a raconté ces choses. Peut-être était-ce sa façon même de penser; car les Bedouins se disent bien mahométans, mais ils ne s'embarrassent ordinairement ni de Mohammed ni du Qôran.»
Cette insurrection a eu pour auteurs deux Arabes, qui, après avoir voyagé, pour affaires de commerce, dans la Perse et le Malabar, ont formé des raisonnements sur la diversité des religions qu'ils ont vues, et en ont déduit cette tolérance générale. L'un d'eux, nommé Abel-el-Ouaheb, s'était formé dans le Najd un état indépendant dès 1760: le second, appelé Mekrâmi, chaik de Nadjerân, avait adopté les mêmes opinions, et par sa valeur il s'était élevé à une assez grande puissance dans ces contrées. Ces deux exemples me rendent encore plus probable une conjecture que j'avais déja formée, que rien n'est plus facile que d'opérer une grande révolution politique et religieuse dans l'Asie.
[212] Assemani, Bibliothèque orientale.
[213] Liv. XX, chap. 30.
[214] La racine Hass, par une H majeure, signifie tuer, assassiner, écouter pour surprendre; mais le composé hassâs manque dans Golius.
[215] On assure qu'ils ont des assemblées nocturnes, où après quelques lectures ils éteignent la lumière, et se mêlent comme les anciens Gnostiques.
[216] Oriens Christ., tom. II, pag. 680.
[217] Cedrenus.
[218] Village du Kesraouân.
[219] Dans les montagnes, le mot chaik signifie proprement un notable, un seigneur campagnard.
[220] Nom des ministres des petits princes.
[221] Kabal et Kabat. Le K est ici le jota espagnol.
[222] Là cause radicale de toute cette grande querelle fut l'aversion qu'Aïcha, femme de Mahomet, avait conçue contre Ali, à l'occasion, dit-on, d'une infidélité qu'il avait révélée au prophète: elle ne put lui pardonner cette indiscrétion; et après lui avoir donné trois fois l'exclusion au kalifat par ses intrigues, voyant qu'il l'emportait à la quatrième, elle résolut de le perdre à force ouverte. Dans ce dessein, elle souleva contre lui divers chefs des Arabes, et entre autres Amron, gouverneur d'Égypte, et Moâouia, gouverneur de Syrie. Ce dernier se fit proclamer kalife ou successeur dans la ville de Damas. Ali, pour le déposséder, lui déclara la guerre; mais la nonchalance de sa conduite perdit ses affaires. Après quelques hostilités, où les avantages furent balancés, il périt, à Koufa, par la main d'un assassin ou bâtenien. Ses partisans élurent à sa place son fils Hosain; mais ce jeune homme, peu propre à des circonstances aussi épineuses que celles où il se trouvait, fut tué dans une rencontre par les partisans de Moâouia. Cette mort acheva de rendre les deux factions irréconciliables. Leur haine devint une raison de ne plus s'accorder sur les commentaires du Qôran. Les docteurs des deux partis prirent plaisir à se contrarier, et dès-lors se forma le partage des musulmans en deux sectes, qui se traitent mutuellement d'hérétiques. Les Turks suivent celle qui regarde Omar et Moâouia, comme successeurs légitimes du prophète. Les Persans au contraire suivent le parti d'Ali.
[223] El-Makin, lib. I, Hist. Arab.
[224] Ces factions se distinguent par la couleur qu'elles affectent à leurs drapeaux; celui des Qaîsis est rouge, et celui des Yamânis blanc.
[225] Cette découverte appartient à un Michel Drogman, barataire de France à Saïde sa patrie; il a fait un Mémoire sur les Druzes, dont il a donné les deux seules copies qu'il eût, l'une au chevalier de Taulès, consul à Saïde, et l'autre au baron de Tott, lorsqu'il passa en 1777 pour inspecter cette échelle.
[226] Le parti Qaîsi et le Yamâni, qui portent aujourd'hui le nom des deux familles qui sont à la tête, les Djambelâts et les Lesbeks.
[227] A raison de ce loisir, lorsque la récolte des soies est faite dans le Liban, il en part beaucoup de paysans, qui vont, comme nos Limousins, faire les récoltes dans la plaine.
[228] Gens de guerre.
[229] J'ai trouvé dans un recueil manuscrit d'anecdotes arabes un autre trait qui, quoique étranger aux Druzes, me semble trop beau pour être omis.
«Au temps des kalifes, dit l'auteur, lorsque Abdalah le verseur de sang eut égorgé tout ce qu'il put saisir de descendants d'Ommiah, l'un d'eux, nommé Ébrahim, fils de Soliman, fils d'Abd-el-Malek, eut le bonheur d'échapper, et se sauva à Koufa, où il entra déguisé. Ne connaissant personne à qui il pût se confier, il entra au hasard sous le portique d'une grande maison, et s'y assit. Peu après le maître arrive, suivi de plusieurs valets, descend de cheval, entre, et, voyant l'étranger, il lui demande qui il est. Je suis un infortuné, répond Ébrahim, qui te demande l'asyle. Dieu te protège, dit l'homme riche; entre, et sois en paix. Ébrahim vécut plusieurs mois dans cette maison, sans que son hôte lui fît de questions. Mais lui-même, étonné de le voir tous les jours sortir et rentrer à cheval à la même heure, se hasarda un jour à lui en demander la raison. J'ai appris, répondit l'homme riche, qu'un nommé Ébrahim, fils de Soliman, est caché dans cette ville: il a tué mon père, et je le cherche pour prendre mon talion. Alors je connus, dit Ébrahim, que Dieu m'avait conduit là à dessein; j'adorai son décret, et, me résignant à la mort, je répliquai: Dieu a pris ta cause; homme offensé, ta victime est à tes pieds. L'homme riche étonné répondit: O étranger! je vois que l'adversité te pèse, et qu'ennuyé de la vie, tu cherches un moyen de la perdre; mais ma main est liée pour le crime. Je ne te trompe pas, dit Ébrahim: ton père était un tel; nous nous rencontrâmes en tel endroit, et l'affaire se passa de telle et telle manière. Alors un tremblement violent saisit l'homme riche; ses dents se choquèrent comme à un homme transi de froid, ses yeux étincelèrent de fureur, et se remplirent de larmes. Il resta ainsi quelque temps le regard fixé contre terre; enfin, levant la tête vers Ébrahim: Demain le sort, dit-il, te joindra à mon père; et Dieu aura pris mon talion. Mais, moi, comment violer l'asyle de ma maison? Malheureux étranger, fuis de ma présence; tiens, voilà 100 sequins; sors promptement; et que je ne te revoie jamais.»
[230] Abârât-el-Motka lamin fi mazâheb oua Dianât-el-Dònia.
[231] Nom que les Turks donnent aux soldats Macédoniens et aux Épirotes.