Brelan des dames
BRELAN DE DAMES
Où en est, actuellement, la Comtesse d’Escarbagnas ? Quelle forme affectent, de nos jours, Philaminthe, Armande et Bélise ?
Je ne parle, bien entendu, d’aucune de celles de nos dames qui pratiquent avec talent, un art pour lequel elles ont de l’aptitude et du goût.
En effet, si l’on peut reconnaître à Madame d’Escarbagnas, quelque ressemblance avec Mademoiselle de Scudéri, on ne saurait lui en trouver avec Madame de La Fayette.
Non, j’examine seulement, ici, quelques-unes de ces fortes mamans-prodiges, qui percent leurs plafonds, avec des lunettes, et nos oreilles avec leurs tropes, comme avec leurs trompes.
J’ai tout d’abord repris un type de d’Aurevilly, un modèle auquel une personnelle fréquentation et l’étude approfondie de documents nouveaux, dont plusieurs inédits, me permettaient d’ajouter des traits caractéristiques.
De ce modèle, je me suis demandé si l’on pouvait retrouver l’équivalent, dans notre société contemporaine. Et pour répondre à cette question, peut-être indiscrète, j’ai ébauché, en regard de celle que l’auteur des « Bas-Bleus » avait traitée de « Pic de la Mirandole en cornettes », quelques gestes de l’une, qui pourrait en figurer le simulacre, et de l’autre, qui peut bien en représenter la réalité.
* *
Maintenant, c’est à peine si, venant de citer d’Aurevilly et son ouvrage magistral, je crois devoir parler de ceux qui, sous prétexte de galanterie, prétendraient remettre en question le droit du critique à juger, même vertement, les œuvres de ses confrères féminins.
Voici ma réponse :
Les Dames d’aujourd’hui voudraient-elles aborder, de pair avec les hommes, toutes les fonctions et toutes les carrières, politiciennes, médecines, musiciennes, poétesses, épéistes ou chauffeuses, et se voir aborder, à leur tour, avec le même air enrubanné, pirouettant, poudré, sucré, destiné à celles qui ne maniaient que l’éventail ?
Ce serait leur faire injure.
La femme est devenue la camarade de l’homme ; mieux, sa concurrente. Pour celles qui se bornent à rester des Célimènes, maintenons la bouche en cœur des siècles passés.
Mais les autres nous apparaissent, à nos côtés, en sarrau d’atelier, en blouse de travail. Cela, qui ne les rend que plus estimables, quand il s’agit de l’exercice d’un don réel, permet de leur dire leurs vérités.
Les plus sensées se garderont de s’en plaindre, car cela permet aussi de dire leurs vertus.
R. M.