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Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Quatrième: Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575

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Je prie Leurs Majestez d'entendre ces aultres particularitez, que j'ay baillées sommairement, et en haste, au Sr de Sabran, pour leur dire:

Que ce n'est sans besoing que la Royne d'Angleterre cerche meintenant l'amytié du Roy, mais, quant elle verra se pouvoir mointenir sans icelle, ny elle s'y vouldra davantaige obliger, ny quicter celle du Roy d'Espaigne, ains demeurer, ainsy qu'elle est, sans rien innover entre les deux; dont, pendant qu'elle est en doubte de l'austre costé, il est expédiant que, de celluy du Roy, elle soit pressée de passer oultre avecques luy.

Maistre Smith, à ce que j'entendz, poursuyvra les propos du mariage, et toutes les intelligences, que j'ay icy, concourent à ce que ceste princesse y est à présent bien disposée, et le comte de Lestre, et milord de Burgley, qui s'y monstrent affectionnez, disent qu'on s'eslargira sur le poinct de la religion, mais ne se layssent entendre commant; et semble que le dict Sr Smith le débattra fort. Dont, sellon les termes où l'on en est de présent, sera bon de monstrer que, pour n'espérer jamais fin en celle dispute de la religion, qu'on n'ose plus en parler, et par ainsy, gardant chacun son advantaige de ce qu'il en a dict, mesmes qu'on ne vouldroit sans nouvelle instance en offrir jamais rien davantaige de ce costé, sera bien faict qu'on passe incontinent à l'aultre poinct, qui est de la ligue.

Lequel nous est icy assés contradict de plusieurs qui ont authorité, et qui, avec l'affection qu'ilz ont au contraire, allèguent beaucoup de raysons qui sont pour les anciennes alliances, et pour ne les debvoir quicter pour des nouvelles; en quoy intervient encores des présens, des promesses et des persuasions grandes, du costé d'Espaigne.

Mais la bonne opinion qu'on a de la vertu et intégrité du Roy, l'estime de Monseigneur, la grande espérance de Mr le duc, l'observance de l'éedict de paciffication, les choses d'Escoce, les mutuelles offances d'entre le Roy d'Espaigne et ceulx cy, (et qu'ilz jugent que, s'il meurt, toutz ses estats, par faulte d'hoyr, qui soit en aage pour les régir, seront incontinent en trouble), font que plusieurs conseillent ouvertement à ceste princesse la ligue avecques la France.

Et à cella ayde beaucoup que, tant plus l'on va aprofondissant les souspeçons contre ces seigneurs qui sont dans la Tour, plus l'on trouve que l'affaire s'estand bien loing, que presque toutz les principaulx catholiques de ce royaulme sont aulcunement de l'intelligence, mais bien peu de protestans meslez; que le tout s'est dressé par les fuytifz qui sont en Flandres, et que l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, y a tenu la main; dont semble que, pour ces occasions, ilz soyent pour conclurre à bon esciant la ligue avecques le Roy.

Le dict Sr Smith a charge de renvoyer incontinent ung des siens par deçà, aussitost qu'il aura cogneu de quelle vollonté sont à présent Leurs Majestez, ou vers l'alliance, ou vers la ligue; et semble qu'on entretiendra le Sr Fiesque en diverses négociations, et qu'on temporisera la résolution des choses d'Escoce jusques allors; mesmes ne deffault qui m'a donné adviz que le voyage du dict Smith n'est à aultres fins que pour faire plyer le duc d'Alve à plus doulces condicions, et pour amuser le Roy qu'il ne pourvoye au faict de l'Escoce; tant y a que de donner au dict Sr Smith, aussitost qu'il arrivera, bonne espérance des choses qu'il desirera, cella pourra traverser beaucoup toutes aultres contraires négociations, et faire bien acheminer celle que le Roy desire faire avecques ceste Royne.

Il y en a icy qui considèrent beaucoup de grandes utillitez à faire ceste ligue, et les mesurent par les grandz dommaiges et empeschemens qui, pour le passé, sont advenuz à la France, quant l'Angleterre luy a esté ennemye, et que ce sera ung non petit accez à la grandeur d'eulx, de se fortiffier meintenant de ceste alliance, tant par mer que par terre, et la soubstraire au Roy d'Espaigne; mesmes qu'il est dangier que la ligue d'Itallie ne tourne à la fin au préjudice de Sa Majesté Très Chrestienne, et, si elle va prospérant, que bientost l'on ne chasse toutz ses partisans hors d'Itallie, là où, si ceste ligue avec la Royne d'Angleterre se conclud, l'on le craindra et respectera aultant et plus qu'on a faict jamais nul de ses prédécesseurs.

Mais il semble qu'il n'y a nul plus honneste fondement, sur lequel se puysse dresser ceste ligue, ny plus esloigné de jalouzie et de souspeçon aulx aultres princes, ny plus aprouvé de toutz les Catholiques, tant de ce royaulme que de toute la Chrestienté, que sur les accommodemens des affaires de la Royne d'Escoce et de son royaulme; à quoy semble bien que ceux de ce conseil prétendent, et qu'ilz entendent de faire une confédération entre les trois royaulmes;

Mais c'est en confirmant l'authorité du jeune Roy en Escoce, et suprimant du tout celle de la Royne, sa mère, et voulant retenir perpétuellement la dicte Dame en leurs mains, qui seroient condicions peu honnorables pour le Roy, et ausquelles se trouveroit de grandes difficultez et beaucoup de contradisans.

Et semble bien que, pour le moins, l'authorité de la dicte Dame, avec l'association de son filz à la couronne, doibt estre restablye, et que une forme de gouvernement soit dressé des seigneurs de la noblesse, aultant de l'ung party que de l'aultre, pour régir le pays, attandant le retour de leur Royne et la majorité du jeune Roy, et qu'il soit faict un compromiz entre les deux Roynes d'Angleterre et d'Escoce, pour déterminer leurs différans par ung bon tretté: et cependant soit pourveu à ce que la Royne d'Escoce ayt ung honnorable trettement, et soit tenue en quelque honneste liberté, ses serviteurs remiz auprès d'elle, son ambassadeur eslargy et admiz à continuer sa charge, o[19] condition toutesfoys que la dicte Royne d'Escoce, ny ses ministres, ne mèneront aulcune pratique, ny dehors ny dedans ce royaulme, au préjudice de la Royne d'Angleterre; et que mesmes elle baillera ostages de ne s'en aller cependant hors d'icy, sans le congé de la dicte Royne d'Angleterre.

Il est vray que, quant à capituler des dictes condicions, qui concernent la dicte Royne d'Escoce et les Escouçoys, eulx mesmes vouldroient estre ouys, et leur intention se pourra comprendre par deux lettres que le Sr de Sabran emporte, l'une de la dicte Dame, du viie novembre, et l'aultre du Sr de Vérac du xxiiie du dict moys, dont celle de la dicte Dame monstre qu'elle ne veult aulcunement associer son filz; mais je luy ay mandé qu'elle se donne paix, et se veuille reposer de cella sur l'amytié que le Roy luy porte, qui ne conclurra rien qui ne soit à l'advantaige d'elle, et sans que ses proches parans et son ambassadeur soyent appellez.

Quant à toutes aultres condicions, Leurs Majestez Très Chrestiennes les entendent mieulx que je ne les sçauroys considérer; tant y a que, pour tenir ceux cy bien obligez à la ligue, et garder que légèrement ilz ne s'en départent, il n'y a rien meilleur que de transporter le traffic de ce royaulme, qui se faict à ceste heure à Hembourg, en quelque bonne ville de France, et leur ottroyer là de bons privillèges.

Le comte de Lestre et milord de Burgley se monstrent desirer infinyement la conclusion de ceste amytié pour la seurté de leur Royne et pour l'establissement du présent estat du royaulme, et ceulx là, sans aultres, mèneront les choses à perfection, si elles y doibvent jamais venir; dont ceulx, qui entendent les humeurs de ceste court, disent que, quel que ce soit, des deux, sçait très bien que le Roy d'Espagne donne entretennement à ses partisans qu'il a en ceste court, et qu'il est sans doubte qu'ilz s'attendent d'estre gratiffiez du Roy, mesmes qu'ilz sont sollicitez par grandz présens de l'autre costé, mais qu'ilz se contanteront à beaucoup moins de cestuy cy: quoy que soit, il semble estre nécessaire de leur donner quelque chose, et mesmes, à ceste heure, affin de passer oultre. Leurs Majestez entendront là dessus, s'il leur playt, le Sr de Sabran, et jugeront que leur présente libérallité en cest endroict, de mil escuz, sera pour leur espargner, ou pour les choses de France, ou pour celles d'Escoce, la despence possible de cent mil.

Les articles que le Sr Fiesque a raportez de Flandres ont semblé durs aulx Anglois; et la Royne a monstré qu'elle n'estoit pour les accorder en la sorte qu'ilz sont. Tant y a que les depputez des Pays Bas y donnent de si bonnes interprétations qu'il semble qu'à la fin ilz s'accorderont, mais ce sera au grand advantaige de la dicte Dame si elle trouvoit quelque bonne correspondance en France, aultrement je croy bien qu'elle fera une partie de ce qu'on vouldra.

Elle m'a curieusement demandé si l'ambassadeur d'Espaigne s'en estoit allé d'auprès du Roy sans congé, comme le Sr de Valsingam le luy avoit escript, et si le Roy avoit retiré le sien d'Espaigne. A quoy luy ayant respondu que je croyois que non; et que, si l'ung ou l'aultre s'estoient remuez de leur place, que c'estoit affin de changer d'air pour leur santé, elle m'a dict, en ryant:—«Qu'elle vouloit renvoyer celluy, qui est icy, du Roy d'Espaigne, parce que, encores despuys cinq jours, il avoit faict de mauvaises pratiques contre elle.» Et présume la dicte Dame et la pluspart des siens qu'il y doibve avoir guerre entre le Roy et le Roy d'Espaigne; de quoy ilz monstrent estre fort ayses.

De ce que milord Housdon a négocié avec les Escouçoys, la lettre du Sr de Vérac en déclairera une partie; tant y a que j'entendz que, quant le comte de Morthon et l'abbé de Domfermelin ont esté à Barvyc, et ont entendu qu'on ne leur parloit que de faire quelque accord avec ceulx de l'autre party, qu'ilz ont remonstré qu'ilz ne pensoient estre là appellez pour cest effect, ains pour recepvoir les deniers, les monitions, les armes et les gens, que la Royne d'Angleterre leur avoit promiz pour forcer la ville et le chasteau de Lillebourg. Sur quoy milord de Housdon leur a respondu que la dicte Dame estoit en la mesme vollonté, qu'elle leur avoit dict, d'establyr, comment que ce fût, l'authorité du jeune Roy et de son régent en Escoce, et que, si cella se pouvoit conduyre sans envoyer armée dans le pays, affin de n'irriter le Roy Très Chrestien, et ne foller les subjectz, que cella seroit le meilleur; mais qu'ilz s'asseurassent que, si l'on n'y pouvoit parvenir par ce moyen, que dans le commancement de mars, elle leur bailleroit de quoy pouvoir, en une sorte ou aultre, achever leur entreprinse; et que cependant ilz fortifiassent le Petit Lith pour y recepvoir le secours qu'elle leur envoyeroit. De laquelle promesse iceulx de Morthon et Domfermelin se sont contantez, et le mareschal Drury sur icelle est venu poursuyvre en ceste court ce qui faict besoing pour l'accomplyr.

Il y a icy ung ambassadeur secrect, de la part du comte Palatin, qui propose le mariage du comte Christofle, troisiesme filz de son Maistre, eagé de xxii ans, avec la dicte Royne d'Angleterre. Je ne sçay encores comme il est escouté, mais le comte de Montgomery m'a confessé qu'il estoit venu parler à luy, et que le dict comte luy avoit respondu que, quant il pourroit quelque chose en cest endroict, qu'il l'employeroit tout pour Monsieur, qui estoit frère de son Roy.

Il importe assés avec qui maistre Smith aura à négocier, et luy mesmes m'en a parlé, et a regrecté feu messieurs de Laubespine et de Bourdin. Je luy ay respondu qu'il négocieroit principallement avec Leurs Majestez et avec Monseigneur, car c'estoit ceulx là qui entendoient eux mesmes meintenant à leurs affaires; de quoy il a esté fort ayse. Puys luy ay nommé les seigneurs du conseil du Roy, et il a desiré de pouvoir tretter avec messieurs de Morvilliers, de Limoges et de Foix; et m'a demandé si monsieur de Montmorency y seroit, et encores si monsieur l'Admyral s'aprochoit pas, à ceste heure, aulx affaires de Sa Majesté.

La procédure contre ces seigneurs, qui sont dans la Tour, se pourra comprendre par l'extraict d'une lettre que j'ay miz peyne de recouvrer, laquelle ceux de ce conseil ont tirée de l'évesque de Roz, adressante à la Royne d'Escoce; et cependant je sçay qu'on a envoyé en Allemaigne pour consulter avec aulcuns princes si, s'estant la Royne d'Escoce venue à refuge en ce royaulme, et se trouvant à ceste heure qu'elle a pratiqué une rébellion et sédition contre la Royne d'Angleterre, la dicte Royne d'Angleterre la peult justement retenir; et plusieurs gens de lettres de ce royaulme sont après à escripre sur cet article.

Quant à la supression des livres, qui ont esté imprimez contre l'honneur de la Royne d'Escoce, je l'ay proposée à ceste Royne et à ceulx de son conseil en la plus grande expression qu'il m'a esté possible, au nom de Leurs Majestez Très Chrestiennes; dont le Sr de Sabran leur comptera les longs discours et déductions qu'ilz m'ont faictes, avec mes répliques, et leur récitera les propos que le comte de Lestre m'a tenuz touchant la dicte Royne d'Escoce.

La bonne affection de ceulx de la noblesse de ce royaulme envers le Roy se cognoistra par une lettre qu'ung d'entre eulx, nommé le Sr Lane, m'a escripte en itallien, du contenu de laquelle et des aultres propos que le dict Sr Lane m'a mandez, le Sr de Sabran en donra compte au Roy, et luy dira ce que le comte d'Oxfort a naguières proposé en une compaignie où il estoit, et ce qui s'en ensuyvit.

CCXXIVe DÉPESCHE

—du xvie jour de décembre 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par le Sr Cavalcanti.)

Mission de Me Smith.—Nouvelles d'Écosse.—Résolution d'Élisabeth de faire attaquer Lislebourg.—Nécessité de secourir cette place.—Injonction faite à l'ambassadeur d'Espagne de quitter l'Angleterre.

Au Roy.

Sire, sur le partement de Mr Smith, je vous ay mandé le plus de particullaritez de sa dépesche que, de divers endroictz, il m'a esté possible d'en apprendre, et suys bien marry que je n'ay heu le moyen d'en donner davantaige lumière à Vostre Majesté; mais c'est parce que milord de Burgley seul l'a dressée, à part soy, sur la secrecte conférance d'entre la Royne sa Mestresse, le comte de Lestre et luy, sans qu'il ayt permiz d'en rien passer par nulle aultre main. Néantmoins je l'ay despuys faict observer, et sçay qu'il a dict, en général, que le dict Sr Smith emportoit les plus amples instructions qui, de ce costé, eussent, longtemps y a, esté envoyées en France, et qu'il espéroit qu'il en réuscyroit ung très bon effect entre ces deux royaulmes.

Cependant, Sire, l'on a procédé à l'accommodement des différans des Pays Bas, et tant sont allez et venuz les commiz, depputez et commissaires devers les seigneurs de ce conseil, et a l'on tant faict d'assemblées et de conférances là dessus, que nous tenons, à présent, le faict de la restitution des merchandises pour tout accordé, ou qu'au moins il y reste si peu de difficultez qu'elles ne sont considérables, et qu'on est meintenant à regarder sur le payement des deniers, et comme, et à quelz termes ils pourront estre renduz. Encores dict on qu'on a passé oultre à parler du restablissement du commerce, jusques avoir articullé que, si les privillèges, dont les Anglois jouyssoient devant ceste dernière suspencion, leur estoient randuz, et qu'ilz ne fussent subjectz au dixiesme que le duc d'Alve a nouvellement imposé, qu'ilz pourroient retourner, du premier jour, traffiquer en Envers. Tant y a que, pour ceste heure, il semble que cest article ne se trettera pas.

Le Sr de Cuniguem est, despuys trois jours, arrivé du Petit Lith sur le poinct que ceulx cy estoient à dellibérer des choses d'Escoce; qui raporte la nouvelle de la deffaicte que le Sr Adam Gourdon a faicte près d'Abredin sur milord Forbons, et sur les gens que le comte de Mar luy avoit baillez, de quoy icelluy de Mar et le comte de Morthon ont prins occasion de presser meintenant bien fort, par le dict Cuniguem, ceste princesse de leur envoyer le secours qu'elle leur a promiz. Dont, après avoir esté longuement consulté là dessus, j'entendz, Sire, qu'il a esté ordonné que le maréchal Drury partyra, devant Noël, pour aller mettre ensemble quatre mil hommes de pied et quatre centz chevaulx, de ceulx de la frontière du North, cinq pièces d'artillerye, et ung nombre de pouldres, pour marcher incontinent droict à Lillebourg affin de l'assiéger de rechef, après toutesfoys qu'on aura encores une foys sommé ceulx de dedans de se soumettre, eulx et la place, à l'obéyssance du jeune Roy; et que ceste princesse est résolue de ne rien espargner pour forcer la ville et le chasteau. J'essayeray, Sire, de m'y opposer en vostre nom le plus expressément qu'il me sera possible, aussitost que je verray passer les choses plus avant; mais je supplie Vostre Majesté de faire cependant presser milord de Flamy, si d'avanture il est encores par dellà, qu'il ayt incontinent à partyr; car, de son arrivée à temps, et de la bonne dépesche, que le frère du capitaine Granges, et de celluy marchant que j'ay naguières adressé à Mr de Glasco, emporteront, aura de dépendre le principal évènement de toute l'entreprinse.

Je viens tout présentement de recepvoir par ung mesmes pacquet deux dépesches de Vostre Majesté, du dernier du passé et du premier d'estuy cy. Je verray bientost ceste princesse sur le contenu d'icelles, lesquelles me semblent très convenables à ce qui est besoing de négocier meintenant avec elle, et que Voz Majestez et Monseigneur avez très prudemment et vertueusement usé en tout ce qu'avez dict et faict en l'endroict du Sr de Quillegrey. Sur ce, etc. Ce xvie jour de décembre 1571.

La présente estoit desjà dattée et signée, quant milord de Burgley m'a envoyé le Sr Cavalcanty pour me saluer de sa part, et me dire que la Royne, sa Mestresse, et les seigneurs de son conseil s'estoient enfin résoluz de ce qu'ilz avoient à faire en l'endroict de l'ambassadeur d'Espaigne, et que, ceste après dinée, l'on l'avoit mandé dans le conseil, où, après plusieurs choses débattues, il luy avoit esté enjoinct de vuyder d'Angleterre dans lundy prochain par tout le jour. Qui est une résolution, Sire, que ceste princesse a prinse sur la ferme asseurance, qu'il vous a pleu que je luy aye donné de vostre bonne et parfaicte et perdurable amytié. J'estime que, pour cella, l'on ne layssera de passer oultre à l'exécution des accordz touchant la restitution des merchandises.

CCXXVe DÉPESCHE

—du xxiie jour de décembre 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)

Confidences faites par Élisabeth à l'ambassadeur de ses plaintes contre le roi d'Espagne.—Affaires d'Écosse.—Sursis accordé à l'ambassadeur d'Espagne, à qui ont été donnés des gardes.—Résultat de la mission de Mr de Montgommery en Angleterre.—Nouveaux détails sur divers mariages faits à Londres et sur les affaires d'Écosse.

Au Roy.

Sire, j'ay esté, mardy dernier, devers la Royne d'Angleterre, et, le mècredy, elle m'a faict convyer à diner avec elle chez milord de Burgley, qui luy a faict le festin des nopces de sa fille avec le comte d'Oxfort; et le Sr de Sueneguem, depputé de Flandres, y a esté toutes les deux foys.

J'ai heu assés d'argumentz, prins des lettres de Vostre Majesté, du dernier du passé et premier d'estuy cy, pour entretenir ceste princesse, laquelle a monstré de demeurer merveilleusement contante de ce que je l'ay fort asseurée que vous persévériez, de plus en plus, Sire, au ferme propos d'establyr une bonne et perdurable amytié avec elle; et que c'estoit sur la mutuelle bonne estime, que toutz deux avez de la vertu l'ung de l'aultre, que vous entendiez la fonder principallement de vostre costé, sellon que vous aviez en beaucoup d'honneur ses vertuz, ainsy qu'elle louoit souvent celles qui sont en Vostre Majesté; et que vous espériez que d'une si saincte confédération, comme ceste cy, qui seroit toute posée en vertu, vous parviendriez à toutz les aultres bons, et utilles, et desirables effectz qu'auriez à desirer l'ung de l'aultre, ou pour voz personnes ou pour voz estatz, ou pour voz subjectz. Et luy a semblé que c'estoit desjà ung commancement de procéder, bien ouvert et franc de vostre costé, Sire, que de luy faire entendre ce qui estoit advenu de dom Francès d'Alava[20], et luy toucher aussi de l'entreprinse, que Mr de Mondocet vous a escript, qui estoit entendue à Bruxelles sur ce royaulme, laquelle avoit esté interrompue; de quoy vous estiez bien fort ayse: et pareillement que vous n'estimiez la guerre de Levant si achevée que le Roy d'Espaigne fût pour entreprendre encores rien en la mer de deçà, avec les aultres particullaritez de la première audience qu'avez donnée au Sr de Quillegrey. Qui ont esté toutz propos ès quelz j'ay bien vollu, Sire, y aller assés réservé, affin qu'en cerchant de satisfaire à la dicte Dame, je peusse comprendre de ses propos comme elle y estoit disposée.

Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle se réputoit fort heureuse que son règne se raportât en temps qu'elle peust contracter alliance et intelligence avec ung roy si vertueulz, si entier et si généreux, comme est Vostre Majesté, adjouxtant, par parolles fort expresses et confirmées par sèrement, que vous estiez aujourduy prince de ce monde, de qui elle prisoit et desiroit plus l'amytié, et à qui elle en vouloit plus randre; et, quand à dom Francès, qu'elle sçavoit qu'il vous avoit esté très pernicieulx ministre, l'espace de huict ans, et qu'il estoit malaysé que ne vous en fussiez aperceu, dont vostre bonté estoit de tant plus grande que vous l'aviez longuement souffert; et qu'enfin elle, de sa part, s'estoit résolue de renvoyer l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, pour semblables mauvais offices, qu'elle avoit vériffiez contre luy, d'avoir sollicité les mal contantz, et encores plusieurs des bien contantz de ce royaulme, à rébellion, de quoy elle s'estoit pleinte au Roy d'Espaigne par diverses foys; et mesmes l'avoit envoyé prier, par ung gentilhomme exprès, qu'il le vollust retirer, et que, s'il en vouloit envoyer ung aultre, paysible, et qui n'excédât poinct sa charge, qu'elle le recepvroit de bon cueur, et en envoyeroit encores ung résider prez de luy, s'il le vouloit de mesmes bien tretter, et qu'elle estoit encores en ceste vollonté; que ce luy estoit grand plésir que vostre agent de Flandres vous eust faict veoir que, non sans cause, elle avoit prins souspeçon des entreprinses de dellà, et qu'elle espéroit bien que Dieu, qui luy avoit baillé le moyen de descouvrir les secrectes, luy donroit le loysir de remédier à celles qu'on vouldroit entreprendre ouvertement, premier qu'on fût prest de les exécuter. Et puys, tout bas, m'a adjouxté qu'elle avoit toutjour faict conscience de troubler les estatz de ses voysins, mais puysque le Roy d'Espaigne travailloit beaucoup à soublever et altérer le sien, ainsy qu'elle en avoit la vériffication en sa main par ses propres lettres, et par plusieurs de celles de ses ministres, qui ont esté surprinses, et encores par des marques et enseignes de ses bagues, qui debvoient servyr à conduyre l'entreprinse, qu'elle ne se tenoit plus obligée aulx respectz qu'elle luy avoit toutjours gardé jusques icy vers ses Pays Bas, et qu'elle en lairroyt courir la fortune.

Au regard des choses d'Escoce, elle a donné des interprétations assés coulorées à la négociation de milord d'Housdon, parce que je l'ay asseurée que Vostre Majesté, l'ayant sceue par la voye de la mer, y avoit trouvé des trêtz, qui vous sembloient bien esloignez de la bonne intelligence qui se recerche entre vous. Dont, (après ung long discours de l'ingratitude qu'elle reproche à la Royne d'Escoce, qui sans elle estoit venue à tel désespoir de ses affaires que vollontairement elle desiroit renoncer à sa couronne en faveur de son filz, de quoy elle se repentoit bien de l'en avoir engardée), m'a remiz d'en conférer avec ceulx de son conseil, m'asseurant qu'elle ne cerchoit rien en cest endroict qui fût à l'intérest de vostre couronne. Et n'y a heu nul de ces propos, qu'elle m'a dict à part, ny de ceulx qu'elle a parlé hault, ny aulcune sienne démonstration, que tout n'ayt tendu à monstrer une bonne inclination vers Vostre Majesté.

L'ambassadeur d'Espaigne a obtenu d'elle de pouvoir advertyr le duc d'Alve de son congé, premier que d'estre contrainct de sortyr de ce royaulme, mais cependant l'on luy a commiz ung gentilhomme à sa garde. Ceulx cy ont quelque adviz que le duc de Medina Cœli est embarqué avec six mil hommes, et jugent que le Roy d'Espaigne, soubz colleur de la conduicte de ce gouverneur qu'il envoye en Flandres, vient fornyr le pays de plus grand nombre d'Espaignolz, craignant y avoir la guerre, ou bien que c'est pour faire quelque descente en Escoce ou en Yrlande; dont se parle de getter de grandz navyres en mer, lesquelz je crains qu'aillent, puys après, au dommaige de l'Escoce. Sur ce, etc.

Ce xxiie jour de décembre 1571.

Par postille à la lettre précédente.

Le comte de Mongomery, vollant passer à Dieppe, a esté rejetté deçà par tormante avec grand dangier. J'ai adviz, touchant sa négociation avec la Royne d'Angleterre, qu'il luy a dict que monsieur l'Admyral avoit faict tout ce qu'il avoit peu pour vous persuader la guerre contre le Roy d'Espaigne, mais ne vous y avoit peu encores admener, toutesfoys n'en estoit hors d'espérance; qu'elle avoit soigneusement adverty le dict Mongomery estre expédiant, pour la seurté de ceulx de la religion, de ne se dessaysir de la Rochelle et aultres places qu'ilz tiennent; que, despuys qu'il est party, il a esté faict ung département de deniers dans la Tour, et ont esté miz à part cent mil escuz, lesquelz le trézorier a dict estre pour France, et juge l'on que c'est plus pour accommoder ceulx de la religion que pour nul aultre effect.

A la Royne.

Madame, il a esté faict, ceste sepmaine, quatre nopces en ceste court, dont celles de la seur du comte de Hontingthon avec le filz du comte d'Ocester, et de la fille aynée de milord Chamberland avec milord Dudeley, ont esté conduictes pour l'accommodement d'aulcuns seigneurs qui estoient ung peu broillez ez affaires du duc de Norfolc, et croy que ce a esté pour s'asseurer d'eulx. Les aultres de la fille de milord Burgley avec le comte d'Oxfort, et d'une jeune et riche veufve avec milord Paget, encores qu'elles ayent esté célébrées avec tout plésir et contantement, il s'y est veu néantmoins de la parciallité de court. Et, ayant esté convyé au festin de celles du dict comte d'Oxfort, la Royne d'Angleterre m'a bien vollu dire que, de tant de mariages à la foys, ung chacun luy présageoit le sien debvoir estre bientost, et qu'il ne tenoit au Sr de Quillegrey qu'elle n'en demeurast en fort grande persuasion et en une fort bonne espérance; et a continué plusieurs honnestes et modestes propos de ce faict, lesquelz j'ay suyviz de semblables, rejettant la cause des difficultez sur les trop escrupuleux, qui se trouveroient ung jour grandement coulpables, envers Dieu et les hommes, d'avoir empesché ce grand et ce tant desiré bien à la meilleure part de la Chrestienté. Le comte de Lestre m'en a parlé en termes qui monstrent avoir quelque opinion que Monsieur en soit dégousté, ce que je luy ay asseuré ne sçavoir, et n'en avoir rien entendu; et, toutz deux, nous sommes résoluz de ce que le pis ne pouvoit estre que très bon: scavoir est, une très ferme amytié et bonne intelligence entre Voz Majestez et ces deux royaulmes.

Je n'ay, à la vérité, touché, en tout le jour du festin, ung seul mot d'affaires à la dicte Dame, mais, le jour de l'audience, je ne luy ay obmiz ung seul poinct du contenu ez deux lettres de Voz Majestez, du dernier du passé, et premier d'estuy cy, et mesmement du faict de la Royne d'Escoce et des Escouçoys; en quoy je l'ay trouvée bien peu modérée de l'affection et animosité qu'elle y a toutjour procédé, ce qui me rend assés suspecte toute la négociation qu'elle a envoyé faire en France; et me vient on encores de dire que, sur les nouvelles qu'elle a heu de quelque combat qui est advenu entre ceulx de Lillebourg et du Petit Lith, duquel je ne sçay encores les particularitez, elle dépeschera demain le mareschal Drury en Escoce, avec une commission fort rigoureuse contre ceulx du bon party. Au regard de vériffier icy, avecques moy, les choses qu'on impose à la Royne d'Escoce, je crains, Madame, que la Royne d'Angleterre penseroit avoir si grandement justiffié par là tout ce qu'elle propose de faire contre ceste pouvre princesse et contre son estat, qu'elle passeroit oultre à ce qui peut en cella mesmes toucher la réputation et grandeur de vostre couronne; et si le Roy y vouloit, puys après, contradire de parolle, ou s'y opposer d'effect, qu'elle estimeroit avoir grande occasion de se pleindre de luy; et quant aulx moyens, qui se pourroient trouver pour vous accommoder avec elle sur les présens troubles et différands des Escouçoys, j'en ay mandé quelque adviz par le Sr de Sabran; et, après que j'auray conféré avec les seigneurs de ce conseil, je vous pourray de ces deux faitz ensemble escripre plus au long. Et adjouxteray icy, Madame, qu'il a esté résolu de mettre en jugement le duc de Norfolc, le segond jour du prochain terme de janvier, et que le comte de Cherosbery sera mandé pour présider en la cause, avec les douze pairs, et que, pendant qu'il sera icy, sir Raf Sadeller yra en la mayson du dict comte estre gardien de la Royne d'Escoce; de quoy elle se donra beaucoup de peur, et je fays tout ce que je puys pour l'empescher. Sur ce, etc.

Ce xxiie jour de décembre 1571.

CCXXVIe DÉPESCHE

—du xxviie jour de décembre 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Pigon.)

Conférence de l'ambassadeur avec Leicester et Burleigh sur les affaires d'Écosse.—Desir des Anglois de conclure avec la France le traité de l'alliance.—Leur froideur à l'égard de l'Espagne.—Opinion de l'ambassadeur sur la conclusion que doivent avoir les affaires d'Écosse.—Utilité d'un traité de commerce avec l'Angleterre.—Nouvelle donnée par Walsingham d'une sédition survenue à Paris.—Vives instances pour que le roi écrive à la reine d'Angleterre en faveur du duc de Norfolk.

Au Roy.

Sire, j'ay esté, de rechef, convyé, le dimenche devant Noël, au festin que le comte de Hontingthon a faict des nopces de sa sœur avec le filz du comte d'Ochestre, où la Royne d'Angleterre, et les seigneurs, et dames de sa court qui s'y sont trouvées en grand nombre, m'ont continué les mesmes démonstrations de bonne affection qu'ilz disent porter à Vostre Majesté et à toute la France. Et m'estant, l'après dinée, retiré avec le comte de Lestre et milord de Burgley en une chambre à part, pour leur compter les mesmes choses, que j'avois naguières dictes à la Royne, leur Mestresse; et, après que je leur ay heu particullarisé les responces que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Monseigneur aviez faictes, pleynes de toute bienveillance envers leur Mestresse, sur les honnestes propos d'amytié qu'elle vous avoit faict tenir par le Sr de Quillegrey; je leur ay dict que, pour monstrer comme vous cheminiez desjà vers elle sellon ceste bonne intelligence, vous aviez trouvé bon, Sire, de luy faire communiquer par moy ce qui estoit advenu de don Francès d'Alava, ce que le Sr de Mondoucet vous avoit mandé de Flandres, et ce que vous jugiez des entreprinses du Roy d'Espaigne en la mer de deçà; qui ont esté propos qu'ilz ont merveilleusement gousté, et les ont fort bien receuz. Et, à la suyte d'iceulx, je leur ay touché ceulx d'Escoce, sans toutefoys les leur guières presser ny les laysser aussi trop lasches, mais que, (de tant que ces affaires là avoient tant de malheur que, quant vous en faisiez parler à leur Mestresse, elle estimoit que vous offanciez son amytié, et Vous, d'aultre costé, Sire, jugiez qu'elle mesprisoit la vostre, quant elle s'en entremettoit trop avant sans vous en parler), je les adjurois bien fort qu'ilz ne les vollussent plus laysser en ce suspens; et leur ay desduict, par chefs, toutz les dicts affaires comme pour entendre d'eulx en quelle façon j'aurois à vous en escripre, tendant principallement à les divertyr d'envoyer gens contre ceulx de Lillebourg, et leur faire comprendre que vous ne pourriez avec honneur intervenir en nul tretté, où l'on capitulât de priver la Royne d'Escoce de sa couronne pour y establyr son filz, ny de ruyner l'ung des partys; qui entendiez les conserver toutz deux.

Sur lesquelz chefz, quant au premier, qui estoit des choses qu'on imputoit à la Royne d'Escoce, ilz m'ont faict ung long discours de la deffiance qu'elle s'estoit donnée de Voz Majestez Très Chrestiennes, de la jalouzie qu'elle avoit prinse du propos de Monsieur, des pratiques qu'elle avoit menées avec le Roy d'Espaigne et avec le duc d'Alve par le moyen de Ridolphi, des rébellions qu'elle avoit suscitées en ce royaulme, et comme elles eussent esté indubitablement exécutées en aoust dernier, si le dict Roy d'Espaigne n'eust esté empesché du costé du Levant; et m'ont offert de me monstrer le tout par lettres; et que Me Smith avoit charge de le vériffier bien amplement à Vostre Majesté.

Quant au segond, des moyens qui se pourroient trouver pour paciffier l'Escoce, encores que la difficulté y parust grande, parce que vous vouliez soubstenir l'authorité de la Royne d'Escoce, et eulx la vouloient du tout opugner, que vous favorisiez ceulx de son party, et eulx le party contraire;—Et aussi quant au troisiesme chef, qui estoit de la négociation que vous aviez entendu, Sire, que milord d'Housdon avoit menée avec les Escouçoys, où il n'avoit vollu qu'il fût faicte aulcune mention de vous ny de la France, ny que rien en vînt à la cognoissance de vostre agent par dellà, et qu'il avoit menassé de mener une armée devant Lillebourg pour forcer la ville et le chasteau, si ceulx de dedans ne se soubzmettoient au comte de Mar, qu'il avoit dict qu'il vouloit avoir les chasteaulx de Lillebourg et de Dombertrand entre ses mains, qu'il avoit tretté de livrer l'évesque de Roz au dict de Mar en eschange du duc de Northumberland, qui estoient trêtz, que vous trouviez bien esloignez de l'intelligence que leur Mestresse monstroit de vouloir faire avecques vous, et qui vous faisoient desirer de sçavoir résolument si elle entendoit de procéder ainsy, sans vous et par la force, en cest endroict;—Ilz m'ont respondu que la Royne, leur Mestresse, avoit donné charge à Mr Smith de proposer à Vostre Majesté l'accommodement des choses d'Escoce en une si bonne façon, que vous cognoistriez qu'elle n'y cerchoit rien qui fût contre vostre réputation ny contre l'honneur et l'alliance de vostre couronne, car les trettez ne vous obligeoient à nulle certaine personne du pays, ains à l'estat, et à l'ordre et authorité, qui pour le temps s'y trouveroit; et que leur Mestresse estoit après à tretter avec les deux partys, et trouvoit, pour ceste heure, que ceulx de Lillebourg estoient plus raysonnables que les aultres, mais nulz desirans la restitution de leur Royne, ce qui estoit aussi universellement contradict par toutz les Estatz d'Angleterre, par ainsy qu'elle espéroit, s'ilz se réunissoient toutz à l'obéyssance du jeune Roy, comme ilz en estoient bien prêts, que vous ne reffuseriez, Sire, de les continuer en vostre alliance, ainsy qu'elle vouloit de bon cueur qu'ilz y persévérassent aussi de leur costé, et qu'il se fît une bonne confédération entre les trois royaulmes;—Que milord d'Housdon avoit bien menacé de forcer ceulx de Lillebourg, s'ilz empeschoient la paix du pays, mais que, de vouloir avoir les deux chasteaux en ses mains, ce n'estoit le desir de leur Mestresse, ains de les laysser aux Escouçoys, bien que, possible, à d'aultres que ceulx qui les tiennent, et mesmes de leur randre Humes aussitost qu'ilz seront d'accord; qu'elle n'avoit encores faict rien entreprendre par la force à milord d'Housdon, et que la grande asseurance, que j'avois donnée à la dicte Dame de vostre amytié, avoit esté et seroit cause dont elle ne précipiteroit rien par les armes en cest endroict:

Quant au chef des deux mil escuz, qu'ilz me vouloient asseurer que le duc de Norfolc et l'évesque de Roz, et le secrétaire, à qui je les avois baillez, avoient confessé qu'ilz estoient de la Royne d'Escoce, et qu'à cest effect ilz m'en feroient veoir leur déposition, dont si, puys après, Vostre Majesté persistoit qu'ilz me fussent randuz, qu'on adviseroit de vous en contanter. Et seroit trop long, Sire, à vous desduyre icy les répliques qui ont esté, de leur part et de la mienne, usées sur les susdicts propos, lesquelz, pour aulcuns respectz, je les leur ay bien volluz terminer par une très grande espérance, que je leur ay donné, qu'ilz pourront conclurre une bien ferme confédération avec Vostre Majesté.

De quoy est advenu, Sire, que, le jour ensuyvant, ilz se sont tenuz bien fermes et voyre si estroictz sur les accordz des Pays Bas que les Srs de Suevenguem et Fiesque ne sçavent où ilz en sont, et sont prestz de laysser les choses bien descousues, et qu'on m'a desjà parlé de transporter le traffic de ce royaulme, qui estoit en Envers, en quelque ville de vostre obéyssance, et qu'on escripra à Mr Smith de le proposer; et pareillement qu'on a pressé l'ambassadeur d'Espaigne de partyr de Londres, la veille de Noël, et de vuyder le royaulme dedans dix jours.

Sur toutes lesquelles choses j'ay à dire à Vostre Majesté qu'il semble, en premier lieu, que la Royne d'Angleterre condescendra que les Escouçoys viennent en accord, et qu'ilz puyssent dresser une forme de gouvernement entre eulx, d'aulcuns de la noblesse des deux partys, qui ne soyent establis ny soubz l'authorité de la Royne d'Escoce ny soubz celle du Prince son filz, mais qui, attandant le retour d'elle ou la majorité de luy, ayent la puyssance d'administrer le royaulme, et qu'avec ceulx là se conclue la ligue, et vostre alliance soit renouvellée, et permettra qu'à cest effect voz depputez puyssent aller avec les siens par dellà; qu'elle, à mon adviz, ne reffuzera le compromiz avec la Royne d'Escoce pour voyr si elles se pourront accorder, ny de luy amplier sa liberté et de la faire tretter moins rigoreusement, pourveu qu'elle baille ostaiges de ne rien mouvoir dans le royaulme ny de s'en partyr sans licence; qu'elle vous satisfera sur les deux mil escuz de les faire remettre en mes mains, bien qu'elle monstre n'avoir rien, qui tant luy serve contre le duc de Norfolc que cella, pourveu, Sire, que vous en faciez continuer l'instance à ses ambassadeurs, sellon que l'avez desjà commancé au Sr de Quillegrey, laquelle j'ay fermement comprouvée et soubztenue contre tout leur dire; qu'il sera bon, Sire, que vous ottroyez libérallement à Mr Smith une ou deux villes en vostre royaulme pour le commerce des Anglois, avec aultant de privillèges qu'ilz en avoient en Envers, et de faire modérer ces nouvelles coustumes de Roan; et finablement que pressiez la conclusion de quelque bonne confédération avec ceste princesse, pendant qu'elle et les siens monstrent d'y estre, à présent, merveilleusement bien disposés. Et sur ce, etc. Ce xxviie jour de décembre 1571.

PAR POSTILLE.

J'obmettois de dire à Vostre Majesté que l'aparance de ceste sédition que le Sr de Valsingam a mandé estre advenue, le viiie de ce moys, à Paris[21], a cuydé mettre ceulx cy en quelque suspens de vouloir attandre qu'est ce qui s'en ensuyvroit, premier que de passer à nulle négociation plus avant; et de vous mander, Sire, que le duc de Norfolc sera miz en jugement le ixe de janvier, et que le faict des deux mil escuz luy pourra grandement nuyre, si Vostre Majesté ne le remédie en faisant continuer la mesmes instance d'iceulx aulx ambassadeurs de la dicte Dame, aulx propres termes que Vostre Majesté la leur a desjà faicte, sans y rien changer, encor qu'ilz vous allèguent que la Royne d'Escoce m'avoit envoyé les aultres mil escuz par Douglas: car ilz furent employez en aultres siens affaires; et qu'il vous playse, Sire, escripre une lettre à ceste princesse que, si le dict duc ne se trouve chargé que de l'accommodement, que son secrétaire a vollu donner aulx deniers que vous envoyez à vostre agent, encor qu'il l'ait bien sceu, que vous la priez de ne luy imputer à faulte, attendu qu'elle n'avoit la guerre en Escoce, et que l'argent n'estoit envoyé à nul de ses ennemys, et qu'il est de vostre ordre. En quoy sera besoing que vostre lettre, Sire, soit icy le xe ou xiie de janvier, laquelle j'estime que sera dignement employée pour cause juste et honneste, et qui peult revenir grandement au service de Vostre Majesté.

CCXXVIIe DÉPESCHE

—du iiie jour de janvier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)

Audience.—Plaintes d'Élisabeth au sujet de l'expédition préparée en France pour l'Écosse par lord Flaming.—Conférence entre l'ambassadeur et Leicester sur les affaires d'Écosse.—Déclaration que Me Smith sera chargé de traiter avec le roi sur ce point.—Nécessité de hâter le départ de l'expédition.—Nouvelles d'Écosse.—Marie Stuart commise à la garde de sir Raf Sadler.—Départ de l'ambassadeur d'Espagne.

Au Roy.

Sire, sans aultre occasion que pour donner les bonnes festes à la Royne d'Angleterre, je la suys allé trouver le lendemain des Innocens, laquelle a heu très agréable ce mien office, pour luy estre une signiffication de vostre bonne volonté vers elle, et ung tesmoignage à ung chacun comme vous vivez en une fort bonne intelligence l'ung avecques l'aultre; de quoy elle m'a remercyé beaucoup de foys: et m'a dict plusieurs bonnes parolles de la ferme dellibération, en laquelle elle se confirmoit, de plus en plus, de se vouloir perpétuer en vostre amytié. Et bientost après, Sire, j'ay receu vostre dépesche du xixe du passé, que m'avez envoyée par Nicollas le chevaucheur; sur laquelle je suis retourné, le premier de ce moys, donner le bon an à ceste princesse, et luy ay racoumpté tout ce que me mandiez de la paix de vostre royaulme, qui a grandement servy à luy oster deux escrupulles, qu'on luy avoit desjà imprimés du contrayre, l'ung pour l'émotion de Paris, et l'aultre de ce qu'on luy avoit faict acroyre que monsieur de Guyse et monsieur l'Admyral avoient commencé de s'accompagner; de quoy je l'ay bien fort aultrement persuadée, sellon que j'en ay trouvé les propos très bien et très sagement desduictz ez lettres de Vostre Majesté; et que vostre royaulme estoit, grâces à Dieu, si paysible que vous luy pouviez fort franchement offrir les moyens, les forces et les commodités qui y estoient, comme chose que Dieu avoit tout entièrement remise en vostre mein et en vostre puyssance.

De quoy la dicte Dame, s'estant adressée à Dieu, a monstré de le louer et remercyer, de bon cueur, de ceste tant bonne nouvelle, et m'a prié de ne vous en représenter moins grande la conjouyssance qu'elle vous en faisoit, que si ce fût pour la propre tranquillité de son estat; et que c'estoit ung des fruictz qui vous seroit desjà de la grande réputation, qui court au monde, de la fermeté de vostre parolle et vérité de voz promesses, et que de meilleurs et de plus grandz vous en proviendroient encores; dont vous vouloit prédire, Sire, que le dernier jour de l'année passée auroit miz fin à tous les troubles de vostre royaulme et à toutes les souspeçons d'iceulx, et que vous ne verriés, du premier de ce nouvel an en là, sinon toute obéyssance et confience de voz subjectz; et m'a allégué aucuns signes pour quoy Vostre Majesté debvoit croyre qu'elle vous seroit heureuse prophète en cest endroict; que elle acceptoit, au reste, l'offre, que luy faysiez, des commodictés de vostre royaulme, tout ainsy qu'elle vous offroit de bon cueur toutes celles du sien, et croyoit que de la bonne correspondence, que Mr Smith trouveroit maintenant en Voz Majestez, l'on verroit réuscyr bientost la conclusion des choses qui s'espéroient, et se desiroient entre vous. Et, avant finyr ce propos, estans à regarder le bal, elle en a introduict ung aultre, bien gracieux et modeste, des playsirs et honnestes passe temps qu'on se mettroit en debvoir par tout ce royaulme de donner à Monsieur, s'il venoit par deçà; ez quelz elle ne fauldroit de l'acompagner toutjour, affin que les ans, qu'elle avoit plus que luy, luy semblassent moins ennuyeulx: et n'a obmiz d'adjouxter à cella aulcuns motz bien exprès et aulcunes démonstrations propres pour signiffier qu'elle le disoit avec une bonne et bien honneste affection vers luy; et néantmoins n'a layssé de me toucher, en passant, comme ung Escouçoy la venoit d'advertyr que milord de Flemy embarquoit des Françoys pour passer en Escoce, ce qu'elle ne sçavoit comment le debvoir prendre, et que, s'il en advenoit rien contre ce que je luy avois toutjour faict espérer de vostre amytié, qu'elle s'en prendroit bien asprement à moy.

A cella, Sire, parce que j'estois adverty qu'aussitost qu'elle avoit heu ceste nouvelle de Mr Flemy, elle avoit commandé qu'on rénovât, si faire se pouvoit, l'accord avec les depputés du Roy d'Espaigne pour d'aultant se réfroydir de vostre costé, je luy ay respondu qu'elle ne debvoit demeurer en aulcun doubte qu'elle n'obtînt par maistre Smith tout ce qu'elle vouldroit honnorablement desirer de vostre amytié et de toute la France; et, quand à l'embarquement de milord de Flemy, que je n'en avois rien entendu; bien me souvenoit il que Vous, Sire, l'aviez fort souvent faicte prier de se vouloyr esclarcyr avecques vous comme vous porriés, tout ensemble, satisfaire à vostre honneur et debvoir vers la Royne d'Escoce et vers les Escouçois, et luy complayre à elle en cest endroict; et que je luy respondois de ma vye que Vostre Majesté estoit encores en ceste mesmes volonté, et qu'il ne tiendroit sinon à elle que le tout ne se rabillât fort bien et bientost.

Et pour la confirmation de cella, je luy ay monstré l'offre, que Vostre Majesté luy faysoit, d'accomoder le traffic de ses subjectz en vostre royaulme: ce qu'elle n'a peu dissimuler que n'en ayt receu ung très grand plésir, et m'a prié d'en bailler l'article de vostre lettre au comte de Lestre affin de le communicquer à ses merchandz.

Et là dessus, avec démonstration de grand contentement, elle s'est retirée pour aller à ses prières, et m'a aussitost envoyé le dict comte de Lestre; lequel, après m'avoir faict ung long discours comme ilz avoient nouvelles que milord de Flemy avoit recouvert quinze mil escus du douaire de sa Maistresse, et dix mil escus de Vostre Majesté, avec des armes et monitions, et congé d'embarquer troys cens arquebouziers, il m'a infiniement conjuré de vous supplyer très humblement, Sire, que vueillés faire différer l'embarquement, sellon que j'avois bien peu comprendre, par la dernière conférance d'entre luy, milord de Burgley et moy, que sa Mestresse n'avoit intention de procéder par armes en Escoce, et qu'il luy eust esté bien aysé d'y envoyer deux et troys mil hommes si elle l'eut voulu faire, mais s'en estoit engardée pour l'amour de vous; et que, si ceulx de Lislebourg, qui depuis naguyères avoient gaigné l'advantage sur les aultres en quelques rencontres, venoient à estre renforcés de ce secours, il est indubitable qu'ilz essayeroient d'entreprendre plus avant, et sa Mestresse s'y vouldroit oposer, dont pourroit naistre quelque accident qui romproit le bon propoz d'entre Voz Majestez et voz deux royaulmes; à quoy il auroit ung infiny regret pour estre celluy qui avoit promeu et advancé la part de Vostre Majesté en ce royaulme, et avoit reculé d'aultant celle d'Espagne, non sans qu'on guétât une occasion sur luy, comme pourroit bien estre ceste cy, pour luy en faire ung très grand reproche.

Je luy ay commémoré, Sire, les grandz et honnestes debvoirs, ès quelz Vostre Majesté s'estoit toutjour mise et avoit faict mettre la Royne d'Escoce et les Escoçoys vers la Royne, sa Mestresse, sur l'accord de ces affaires, si bien que vous en demeuriez très justiffié envers Dieu et les hommes, et luy mesmes cognoissoit très bien qu'en toutes sortes c'estoit à vous de vous pleindre, et à moy de me douloyr infiniement de l'honte et confusion, en quoy ilz m'avoient miz vers Vostre Majesté, sur la négociation de ce faict; néantmoins que la chose estoit encores si entière, et Vous, Sire, si parfaictement bien disposé vers la Royne, sa Mestresse, et vers ce royaulme, et encores tant bien incliné vers le dict sieur comte que, si luy et milord de Burgley vouloient regarder à quelque bon expédient là dessus entre Voz Majestez, que j'espérois que vous le suyvriés et le feriés suyvre à milord de Flemy, encore que j'osois bien asseurer que ces trois cens arquebouziers n'estoient ung secours qui procédât de vous, car le luy heussiés baillé aultrement grand et mieulx forny; bien les priois d'avoir esgard à vostre réputation, car non seulement vers eux, vers lesquelz vous la voudriés mesurer, aultant qu'il vous seroit possible, sellon leur contantement, mais vous aviez besoing de la conserver entière vers tous les aultres plus grandz et plus éminentz estatz de la terre, et desiriés surtout qu'elle y parvînt clère et non entachée d'avoir jamais fally à voz alliés. Et ay dict cella, et d'aultres choses appartenant à ce propos, si franchement au dict comte que luy mesmes enfin m'a confessé leur propre tort, et qu'il me promettoit d'en aller incontinent communiquer à milord de Burgley en son lict, où il estoit malade, et que bientost il m'en manderoit une response qui me contanteroit. Laquelle a esté, Sire, que Mr Smith aura commission de tretter avec Vostre Majesté de ce particullier, et de tout le faict de l'Escoce, en telle sorte que vous cognoistrez que, de ce costé, l'on n'y veult procéder qu'avec vostre bonne intelligence, et que cependant il ne sera envoyé nulles forces d'icy à ceulx du Petit Lith.

Le jour d'après, les depputez de Flandres sont retournés en cour au mandement qu'on leur en avoit faict, avec espérence de meilleure responce, mais il leur a esté percisté en celle mesmes de devant, et leur a esté davantage offert des passeports, sans qu'ilz les ayent demandés, affin de se retirer; mais ilz ne les ont acceptés, et attendent ung exprès commandement là dessus de ceste princesse, ou ung congé du duc d'Alve. Sur ce, etc.

Ce iiie jour de janvier 1572.

A la Royne.

Madame, ce peu de motz en chiffre, que j'ay trouvés ez lettres de Voz Majestez, du xixe du passé, me feront estre si sogneux du propos, qu'ilz contiennent, que j'espère qu'il ne s'en remettra rien en termes que n'en soyez tout promptement et bien advertys; et Vostre Majesté pourra, quand à l'aultre, de Monseigneur le Duc, se conduyre sellon que desjà elle cognoit bien, par la négociation de Mr Smith, qu'il sera expédient de le faire; dont si, puis après, il vous plait m'en mander quelque chose, je mettray toute la peyne qu'il me sera possible d'entièrement l'accomplir. Je vous donne compte, Madame, par la lettre du Roy des aultres choses que j'ay trettées avec la Royne d'Angleterre et avec les seigneurs de son conseil; sur lesquelles je n'oze conseiller qu'on retarde aulcunement milord de Flemy, car il semble que de sa prompte arrivée en Escoce dépende assés la ressource des affères de sa Mestresse et de ceulx de son party, et encores la conservation de vostre allience, et, possible, une plus prompte conclusion de la confédération qui s'espère avec la Royne d'Angleterre. Bien estimè je qu'il sera bon de n'advouer les trois cens arquebouziers qu'il mène, et remonstrer que ce sont Escouçoys, car aussy ce n'est ung secours digne de la grandeur de Voz Majestez; mais que vous n'estimiés, attandu le présent estat de l'Escoce, et ce qui s'est passé jusques à présent par dellà, qu'il puisse estre de vostre honneur, ny de vostre debvoir, d'aulcunement empescher ny retarder le dict Flemy; et néantmoins que vous donrez bien ordre qu'il ne face rien au dommage de la Royne d'Angleterre ny de son royaulme, et que mesmes, s'il plait à la dicte Dame d'entendre ensemblement avec Voz Majestez à la paciffication du dict pays, que vous ferez révoquer tout ce qui y sera passé de gens de guerre; et vous supplye très humblement, Madame, d'uzer ainsy en toutes sortes, vers le dict Sr Smith, qu'il cognoisse une droicte intention et une bonne inclination de Voz Majestez vers sa Mestresse, et qu'il ayt occasion de luy en escripre en fort bonne façon, car toutes choses icy pendent, à ceste heure, bien fort des bonnes responces qu'il mandera que Voz dictes Majestez luy auront faictes.

Néantmoins je vous veulx bien advertyr, Madame, que, le xxviiie du passé, le capitaine Cage a esté envoyé de Barvic vers ceulx de Lillebourg pour les presser par promesses, par offres, par présans, et enfin par grandz menaces, de se soubzmettre à l'obéyssance du régent, ou qu'aultrement la Royne d'Angleterre leur fera renverser le chasteau sur leurs testes; et leur a apporté des articles, de la part du dict régent, comme pour parvenir à ung accord, mais, en effect, c'est pour retirer, si faire se peult, le chasteau hors des meins du capitaine Granges; de quoy j'espère qu'il se sçaura bien garder. Et cependant ceulx cy ont envoyé une commission aux gouverneurs des portz de Houl et de Neufcastel qu'ilz ayent à mettre, dans le xiie de ce moys, cinq navyres de guerre dehors, avitaillés pour deux moys, pour quatre cens cinquante hommes, affin de se tenir sur la coste d'Escoce pour empescher, à ce qu'ilz disent, la descente de milord de Sethon et de milord Dacres, mais je crains que ce soit au dommaige de milord de Flemy, s'il n'est plus tost arrivé par dellà.

Sir Raf Sadeller est party, le xxviiie du passé, pour aller garder la Royne d'Escoce, pendant que le comte de Cherosbery vient présider en la cause du duc de Norfolc avec les douze pairs. Il me semble, Madame, que les depportemens de ceulx cy vous admonestent bien fort de presser ce qu'avez à faire avec eulx, et tirer, le plus tost que pourrez, une conclusion de la négociation de Mr Smith, sans en remettre rien au temps; car ilz se veulent trop servyr d'icelluy pour leurs commoditez, et n'ont nulle considération aulx vostres: et puys leurs évènementz sont si incertains et muables qu'il les fault prendre, pendant qu'on les trouve en une si bonne disposition comme à présent ilz sont, ou bien le tout reviendra despuys à rien.

J'entendz que dom Francès d'Alava, voulant par trop précipiter son retour en Espaigne, s'est embarqué, avec plusieurs aultres, par ung si maulvès temps, en Zélande, que leur vaysseau et tous ceulx qui estoient dedans se sont perduz. L'ambassadeur d'Espaigne, qui estoit icy, est encore attandant à Gravesines le mandement du duc d'Alve, et luy a l'on préparé deux navyres de conserve pour le passer dellà. Sur ce, etc. Ce iiie jour de janvier 1572.

CCXXVIIIe DÉPESCHE

—du ixe jour de janvier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jean Monyer.)

Raffermissement de la paix en France.—Nouvelles d'Écosse.—Combat dans les faubourgs de Lislebourg.—Nouvelles de Marie Stuart.—Affaires d'Espagne.—Efforts des députés des Pays-Bas pour renouer la négociation du traité sur les prises.

Au Roy.

Sire, par ma dépesche de devant ceste cy, laquelle est du iiie de ce moys, il a esté satisfaict à celle que j'ay despuys reçue de Vostre Majesté, du xxiiiie du passé, en ce qui concerne les choses advenues à Paris, desquelles et des aultres bruictz, qui ont couru de monsieur de Guyse et de monsieur l'Admyral, j'en avois desjà si bien informé la Royne d'Angleterre et les seigneurs de son conseil, sur voz précédentes du xixe, qu'il n'a esté besoing de leur en donner plus grand esclarcissement. Et me semble, Sire, qu'ilz sont demeurés très bien persuadés de la paix de vostre royaulme, sinon que le Sr de Quillegrey, par ses dernyères, leur en ayt faict penser aultrement; lequel a escript que la Royne de Navarre avoit refuzé de venir, parce que Mr de La Valète, avec sa compagnie, estoit dedans Leytoure, et qu'elle disoit ne pouvoir vivre sans beaucoup de souspeçon, tant qu'elle sentiroit ceste garnison si près d'elle. Je n'ay, à présent, nul plus grand soing que de faire comprendre à ceulx cy que Vostre Majesté a, en sa main, son royaulme très paysible et très puissant, pour meintenir très bien et apuyer le leur, quant il en sera besoing, et qu'ilz le doibvent ainsy espérer et s'en assurer parfaictement, aussitost que Vostre Majesté leur en aura donné sa parolle. Et ay bien tant faict, Sire, que, despuis six jours, ilz ont envoyé amplyer la commission de Mr Smith, et luy ont mandé d'estreindre les choses le plus tost que faire se pourra, et qu'il offre ardiment, de la part de sa Mestresse, d'accomoder, par commune intelligence avec Vostre Majesté, les choses d'Escoce, sans y envoyer des forces; et que mesmes elle retirera celles qui s'y pourroient trouver de sa part, car ne me veulent dissimuler que la dicte Dame ne soit preste d'y en envoyer, aussitost qu'elle entendra que des estrangers y seroient descendus. Tant y a que je ne puis pour cella changer de l'opinyon, que j'ay desjà mandée, touchant le passage de milord de Flemy et de Mr Du Croc par dellà, veu que ceulx cy ne cessent d'instemment presser et solliciter ceulx de Lillebourg, desquelz ilz attandent leur responce en brief, par le capitaine Caje, qui est encores devers eulx, et lequel je sçay qu'a escript que l'espérance des choses, que les dicts de Lillebourg attendent, d'heure en heure, du costé de France par milord de Flemy et par le frère du capitaine Granges, les faict tenir fort fermes.

Il y a heu du combat assés rude dans les faulxbourgs du dict Lillebourg, de quoy, et des aultres choses que le dict capitaine Caje rapportera de dellà, j'espère, Sire, de vous en escripre bien au long aussytost qu'il sera arrivé. Je n'avois failly, dès le iie du passé, par une dépesche que j'avois faicte au Sr de Vérac, de l'assurer, touchant ces mauvais et pernicieux bruietz, qu'on faisoit courir par dellà, qu'ilz estoient faulx et malheureusement controuvés; et je le luy confirmeray encores par la première commodité que j'auray de luy escripre.

J'ay obtenu de pouvoir envoyer aulcunes besoingnes à la Royne d'Escoce pour sa santé, mais avec condition que le messager doibve estre muet. Je le luy ay desjà dépesché, et luy ay mandé toute la consolation, de la part de Vostre Majesté, qu'il m'a esté possible. Sir Raf Sadeller est desjà auprès d'elle, et me creins assés que, pendant que le comte de Cherosbery sera icy, l'on la vueille remuer au chasteau de Herfort: car j'entendz qu'on y a faict quelques provisions, et qu'on y envoyé de la tapisserie, et ne voy point que, pour le bon propos où ceulx cy sont avec Vostre Majesté, ilz monstrent nul signe de modération vers ceste princesse, ny vers son ambassadeur, qui est fort estroictement tenu, et bien fort mal tretté; et néantmoins la cause d'elle, et celle du duc de Norfolc, n'ont faulte de leur support qui se manifeste en plusieurs sortes dans ceste court, et ceulx de ce conseil en ont, à toute heure, des adviz secretz; et voyent souvant des placartz et des libelles diffamatoires qui s'en publient contre eulx, dont ilz vivent en grande souspeçon et deffience les ungs des aultres.

Cependant l'on ne laysse de presser le partement de l'ambassadeur d'Espagne, et, parce que la responce du duc d'Alve a semblé tarder beaucoup, l'on l'a faict acheminer à Douvres, et luy a l'on offert d'avancer ce qu'il debvoit icy d'argent, ou bien de luy faire donner terme, et qu'il ayt à promptement se retirer; dont Hacquens luy a desjà mené au dict Douvres le navyre de conserve, qui est ordonné pour son passage. Les depputés de Flandres attandent aussi la responce du duc d'Alve. Mais il est émerveillable combien ilz offrent de grandz partys pour retourner aux termes de l'accord, et combien il se faict de dilligences, par ceulx du party de Bourgoigne, pour les faire accepter; en quoy je me conduys toutjour, le plus que je puys, sellon qu'il vous a pleu, longtemps y a, me le mander par chiffre. Et sur ce, etc. Ce ixe jour de janvier 1572.

CCXXIXe DÉPESCHE

—du xiiiie jour de janvier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du sieur Acerbo.)

Soulèvement de l'Irlande.—Préparatifs pour le jugement du duc de Norfolk.—Négociation des Pays-Bas.—Proposition d'un traité de commerce entre la France et l'Angleterre.

Au Roy.

Sire, j'avois espéré de vous pouvoir mander par ceste dépesche beaucoup de nouvelles d'Escoce, mais le capitaine Caje n'est encores de retour, ny je ne sçay point qu'aulcun corrier, despuis mes précédentes, soit arrivé de ce costé là; dont vous parleray, Sire, d'une aultre nouveaulté, laquelle, à ce que j'entendz, a commancé d'aparoistre d'ung aultre endroict: c'est qu'ayant couru ung bruict, en Irlande, comme les Anglois se préparoient d'y passer bientost en armes pour achever la conqueste des quartiers, qui n'ont encores rendu obéyssance à ceste couronne, et que la Royne d'Angleterre avoit déjà distribué les terres à ceulx qui les subjugeroient, les habitans du pays ont tenu là dessus une assemblée, en laquel l'O'Nel Tornoleur, nepveu de l'aultre grand O'Nel, qui a heu la teste trenchée en ce royaulme, a esté, d'ung commun accord de tous, créé capitaine et conducteur général pour résister à l'entreprinse; de quoy il a incontinent adverty Mac O'Nel, son parant et allié, en Escoce, qui luy a tout aussytost dépesché troys mille Escouçoys sauvages, et encores il luy a, de rechef, envoyé sa femme, laquelle est fille ou seur du dict Mac O'Nel, affin qu'elle en admène plus grand nombre; et, d'aultre part, le sir Jacmes Fitz Maurice, qui est à présent le plus renommé capitaine de l'isle, s'est joinct à luy, avec toute sa troupe, et le comte d'Ormont a levé de son costé quelques gens, et, sans qu'on en sache bien l'occasion, est allé courir les terres de sir Barnabé, au quartier de l'Est, qui est pays fertile, et habité des meilleurs subjectz que la Royne d'Angleterre ayt par dellà, et si, a retiré le filz du doyen de Casselz avec luy, lequel est naguyères revenu d'Espaigne.

Qui sont toutes choses qui donnent grande souspeçon à ceste princesse d'une générale révolte de tout le pays, et d'une intelligence avec les estrangers, mesmes qu'elle voyt le dict d'Ormont et le comte de Queldrar persévérer en leur réconcillié amityé, et nul des grandz de dellà prendre bien à cueur le meintien de sa cause, ny s'oposer à ce qui s'y entreprend tous les jours contre elle. Dont j'estime, Sire, que la dicte Dame, avec l'advis des principaulx de ce royaulme, lesquelz elle a maintenant convoqués icy pour ung aultre affaire, advisera de pourvoir à cestuy cy.

Ceste convocation, à ce que j'entendz, Sire, n'a esté projectée pour aultre effect, sinon affin que, par la présence de ce grand nombre de la noblesse, il semble que la procédure contre le duc ayt à aparoir plus juridique et les loys du pays mieulx observées. Mais l'on voyt la poursuyte en estre si artifficieuse et violente qu'un chacun s'en esbahyt, dont plusieurs placartz s'en publient contre milord de Burgley pour le cuyder intimider, mais il ne s'arreste pour cella, ny je ne croy pas qu'on oze attempter rien davantage contre luy.

Le comte de Sussex a monstré, à ce qu'on dict, de porter ouvertement la cause du dict duc, et qu'il en est devenu assés suspect en la court, mais il a toutjour sagement excepté le crime de lèze majesté, au cas qu'il s'en trouvast atteint, car il seroit allors le plus mortel de tous ses adversaires, mais aultrement qu'il se déclaroit estre tout oultre son amy; et c'est à demein, Sire, qu'on estime que le dict duc sera mené en jugement, dont bientost s'entendra la résolution de son faict.

Les depputés de Flandres, en attendant la responce du duc d'Alve, ont, par l'adviz de ceulx qui favorisent icy l'alliance de Bourgoigne, présenté à ceulx de ce conseil de nouveaulx articles pour leur offrir de satisfaire à toutz les poinctz, sur lesquelz ilz monstroient fonder les principalles occasions de se départir de l'accord; mais, encores hier, ilz n'avoient impétré rien de mieulx que de pouvoir, quant aux merchandises d'Espaigne, retenir celles qui seroient de bonne vente en ce royaulme pour estre débitées par eux mesmes en ce que les deniers seroient mis ez mains des Angloys; et, quant à celles qui ne seroient propres pour icy, qu'ilz les peussent transporter ailleurs, après estre apréciées, en bayllant caution d'eu rapporter, dans quatre moys, le payement; et, quant aux deniers qui estoient en espèces, qu'ilz n'en parlassent ung seul mot au nom du Roy d'Espaigne, parce qu'on avoit résolu d'en convenir avec les seulz Gènevois à qui ilz apartenoient. Aujourdhuy les dicts depputés vont présenter à ceste princesse une lettre du duc d'Alve, laquelle l'homme, que monsieur l'ambassadeur d'Espaigne luy avoit dépesché, a aportée, et en a aporté une aultre au dict ambassadeur pour se pouvoir retirer: nous verrons ce qui succèdera.

Les marchandz de Londres sont après à dellibérer sur l'offre que Vostre Majesté leur faict d'accommoder leur traffic en France, et bientost ilz m'en doibvent donner responce. Il y a aulcuns notables personnages qui trectent icy d'acorder le faict de Portugal et de Venise, pour retourner à l'accoustumée commerce que ce royaulme avoit avec l'ung et l'aultre pays, ainsy qu'on faysoit auparavant, et semble que cella succèdera. Sur ce, etc.

Ce xive jour de janvier 1572.

CCXXXe DÉPESCHE

—du xviiie jour de janvier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)

Audience.—Bon accueil fait en France à Me Smith.—Affaires d'Écosse.—Négociation du mariage.—Condamnation du duc de Norfolk.—Communication importante faite sous serment, à la reine d'Angleterre, au nom du duc d'Anjou.

Au Roy.

Sire, vostre dépesche, du troysiesme de ce moys, m'est arrivé le xiiiie, et, le jour après, je suis allé saluer la Royne d'Angleterre de voz meilleures et plus cordialles recommandations, et luy prier le nouvel an bon et bien heureulx de la part de Voz Majestez; puis luy ay compté l'arrivée de Mr Smith à Amboyse, et l'ordre qu'aviez donné, Sire, de l'envoyer rencontrer bien loing par Mr de Mauvissière, et encores de le faire recepvoir près de la cour, et le conduyre en son logis, par Mr de Rostein, avec commission, à ung de voz maistres d'hostel et voz officiers, de le bien tretter, tant qu'il y sera; de sorte que je la pouvois assurer que son ambassadeur avoit esté le bien venu, et avoit esté receu avec toute faveur; et que, dans ung jour ou deux, vous espériés, Sire, de l'ouyr avec dellibération de vous monstrer très correspondant à tout ce que pourriés comprendre, par son dire, qui seroit du desir et bonne intention de la dicte Dame.

Elle a prins en merveilleusement bonne part ce propos, qui a esté meilleur qu'elle ne l'espéroit, car, sur une lettre qu'ung des siens, qui est par dellà, luy avoit naguyères escripte, l'on luy interprétoit que ceste légation ne seroit ny bien receue ny bien respondue; dont m'a pryé de croyre qu'elle ne doubtoit plus qu'elle n'eust cest an bien bon, puisque Voz Majestez le luy envoyoient donner, et que, de par elles, elle l'acceptoit pour tel de fort bon cueur, et prioit Dieu que en semblable il le vous voulût donner, et plusieurs aultres après, très-bons et bien combles de toute félicité, et qu'elle vous rendoit toutes les grâces, qu'elle pouvoit, de l'honneur et bonne chère que faisiés à son ambassadeur, duquel elle s'assuroit que n'entendriés chose aulcune qui ne fût pour vous contanter.

J'ay suivy à luy dire, Sire, que, sur l'arrivée de son ambassadeur, celluy d'Escoce et les Escoçoys vous estoient venus faire une recharge, comme de coustume, pour l'accomodement de leurz affères, et que Vostre Majesté les avoit priés d'avoir encores ung peu de patience jusques à ce qu'on vît que pourroit réuscyr de la conclusion de ce tretté; et que vous desireriés bien fort que, cependant, pour aulcunes occasions bien considérables, la dicte Dame voulût ordonner quelque relasche à la Royne d'Escoce du resserrement et rigueur qu'elle luy faysoit tenir, et pareillement à son ambassadeur: et qu'elle voulût aussy qu'il se moyennast une suspencion d'armes entre les Escoçoys, pour laquelle, s'il luy playsoit qu'il se fît une dépesche en commun à ceulx des deux partys, je serois prest, à toute heure, de leur escripre au nom de Vostre Majesté.

A ces propos elle m'a soubdain respondu qu'après que vous auriez ouy Mr Smith, elle vouloit bien laysser à Voz Majestez de juger quel trettement la Royne d'Escoce avoit mérité d'elle, et si l'évesque de Roz n'avoit pas déservy le gibet, duquel elle me vouloit dire, tout franchement, qu'il n'en estoit nullement hors de danger; et, quant aux Escouçoys, que milord d'Housdon luy avoit escript qu'ilz estoient en termes de prendre entre eulx une suspencion pour six sepmaines, et que ceulx de Lillebourg persistoient toutjour à requérir ung raysonnable accord: dont elle avoit commandé à deux de ses conseillers de réduyre par chapitres leurs demandes, affin de les mettre en dellibération, et que, puis après, elle feroit tout ce qu'il luy seroit possible pour les leur faire accorder, sans toucher à rien qui peût préjudicier à vostre alliance; mais, Sire, ny elle, ny ceulx de son conseil ne m'ont voulu rien respondre, touchant y faire une dépesche en commun.

J'entendz que l'ung et l'aultre party vont temporisant, et qu'ilz mènent assez doulcement la guerre, et qu'il semble qu'on ayt icy opinyon que le Sr de Vérac a maintenant plus d'intelligence avec ceulx d'Esterlin qu'avec ceulx de Lillebourg. Je suys après à luy faire tenir, en ung chiffre qui est commun entre nous, le contenu de voz lettres que luy adressés, et ce que, d'abondant, m'avez commandé de luy escripre.

Après ce dessus, j'ay faict entendre, mot à mot, à la dicte Dame, en la façon que je mande en la lettre de la Royne, l'advertissement de Monseigneur, duquel n'est pas à croyre combien ceste princesse a monstré qu'elle luy en sçavoit ung merveilleusement bon gré, et qu'elle en sçavoit encore ung bien fort grand à Voz Majestez; et a rapporté tout ce qu'elle a peu de ses meilleures parolles et de ses contenances ensemble pour me faire veoyr qu'elle s'en tenoit infiniement redevable à luy et bien fort obligée à toutz troys, et que c'estoit une obligation de laquelle elle ne perdroit jamais la mémoyre; bien vous suplioit, Sire, puisqu'aviez commancé d'avoir ung si grand soing de son bien, qu'il vous pleût de le continuer, et de croyre qu'elle, de sa part, feroit pour vous, en toutes partz qu'elle pourroit du monde, ung très bon guet sur tout ce qui seroit du salut de vostre personne et de la conservation de vostre grandeur; et que, ne pouvant exprimer la consolation et contantement qu'elle sentoit en son cueur de la concurrence de Voz Majestez avecques Monseigneur sur ung si grand et si charitable office qu'il avoit uzé vers elle, et attandant qu'elle vous en peult monstrer une meilleure recognoissance, elle vous supplioit d'accepter celle d'ung mercys, que cependant elle vous en rend le meilleur et le plus grand qu'il luy est possible de le dyre ny penser.

Je vous puys assurer, Sire, que, quelz moyens que la dicte Dame tiegne de pourvoir maintenant là dessus, qui ne sont petits, elle faict en sorte qu'on ne peut ny souspeçonner ny sentir d'où cella est venu; qui verrés, Sire, ce que j'en mande davantaige par la dicte lettre de la Royne, vostre mère, et par celle de Mon dict Seigneur, ausquelles me remettant; je adjouxteray au surplus, icy, comme le duc de Norfolc a esté, dès hier, mené en jugement devant les payrs, non sans grande creinte de sédition par la ville, quand on l'a conduict à Ouestmester, mais l'on avoit mis beaucoup de gens en armes par toutes les rues, et redoublé les gardes au logis de la Royne, et encores, pour plus de seurté, il a esté mené par eau. J'espère que bientost s'entendra toute la résolution de son faict, qui, je croy, sera de sa ruyne. Sur ce, etc. Ce xviiie jour de janvier 1572.

Tout à ceste heure, l'on me vient de mander que le dict duc est condampné à mourir.

A la Royne.

Madame, l'ordre, que j'ay tenu en l'avertissement que Monseigneur m'a commandé de donner, à la Royne d'Angleterre, a esté que, sans monstrer de luy avoir à dyre rien de plus espécial que de coustume, après quelques discours d'aulcunes aultres choses ordinayres, je luy ay dict que je voulois parler plus bas sur tout ce qui me restoit à luy remonstrer, affin qu'il ne fût entendu que d'elle seule; dont elle a commandé incontinant d'aporter ung tabouret, et m'ayant mené assoyer près d'elle en un coing de sa chambre privée, j'ay suivy mon propos en ces propres termes:

Que Monseigneur avoit, ces jours passés, pryé Voz Majestez Très Chrestiennes de luy permettre qu'il peût donner à la dicte Dame ung advertissement, qu'il avoit naguyères heu de bon lieu, d'ung certein faict qui touchoit grandement la personne d'elle; et qu'il se sentoit avoyr tant d'obligation à la bonne opinyon qu'elle avoit heu de luy, pour l'honneur qu'elle luy avoit faict de le vouloyr espouser, qu'il ne seroit jour de sa vye qu'il ne se mict en tous les debvoirs qu'il pourroit pour le recognoistre, encores qu'il y courust l'empeschement de sa fortune et le dangier de sa propre vye, et qu'ilz ne le verroient jamais estre bien à son ayse qu'il n'eust accomply ce bon office vers elle.

Sur quoy Voz Majestez, ayant considéré que la requeste de ce prince, vostre filz et frère, procédoit de la générosité de son cueur, et d'une honneste affection de se vouloir monstrer non ingrat des obligations qu'il avoit à une si grande et si vertueuse princesse, après en avoir entendu la particullarité, non seulement aviez trouvé bon de luy permettre d'en uzer comme il l'auroit en desir, mais l'aviez conforté et conseillé de le faire; en quoy elle pouvoit comprendre combien vous concouriés tous troys, voyre le quatriesme qui n'en estoit nullement séparé, à vouloir sa conservation et son bien; et seulement Voz Majestez avoient prescript et enjoinct à Mon dict Seigneur que nul aultre, sinon elle seule, peût sçavoir que l'advertissement vînt de luy, ny que le Roy et Vous, Madame, luy eussiés conseillé de le luy mander, et que Voz Majestez me conjuroient, en la foy et obéyssance de loyal subject et serviteur, et sur ma vye, de le luy dire à elle seule tant en secrect, et de faire qu'il fust tenu si secrect à tous aultres, que je la supplioys très humblement ne trouver mauvais que je prinse sa parolle et sa promesse, et mesmes son sèrement, en foy de princesse royalle, chrestienne, pleyne d'honneur et de vérité, qu'elle ne diroit jamais à nulle personne du monde qu'elle eust heu les advis de Mon dict Seigneur, ny par ordre de Voz Majestez, ny que moy, vostre ambassadeur, luy en eusse parlé; car cella ne luy serviroit de rien, et pourroit, en plusieurs sortes, nuyre et estre de grand préjudice aulx deulx frères, et encores à vous, qui estes la mère.

La dicte Dame, avec une merveilleuse attention et avec ung incroyable desir de sçavoir que c'estoit, m'a incontinant promis qu'elle ne le révelleroit à créature vivante, ny n'en communicqueroit rien, ny près ny loing, à nulz de ses plus inthimes conseillers; et me l'ayant ainsy, avec les deux mains ellevées, et puis, avec la droicte sur l'estomac, confirmé par serment, j'ay suivy à luy dire que je luy monstrerois la propre lettre de Mon dict Seigneur, affin qu'elle mesmes vît tout ce qu'il m'en mandoit, et aynsy je la luy ay leue fort distinctement; qui n'a esté sans qu'en son visage n'ayt aparu de l'émotion et du changement, non tant pour l'indignation du mal qu'elle oyoit estre préparé contre elle, que pour le contantement et plésir qu'elle sentoit en son cueur de ce bon office de Mon dict Seigneur, et de ce que Voz Majestez le luy aprovoient. Et sur cella, Madame, vous verrez en la lettre du Roy, et encore en celle de Mon dict Seigneur, les honnestes responces qu'elle m'a faictes, et que c'est, à ce coup, que vous l'avez tenue et réputée à bon esciant pour propre fille, et qu'elle vous a expérimentée pour sa très bonne mère, et que pour telle vous recognoistra elle et vous honnorera à jamais, et aura sa vye en plus d'estime pour la sentyr chérye et bien voulue de telz princes.

Il semble, Madame, que cest office, lequel ne peust estre jugé que très honneste, et royal, et bien fort humein, aura proprement produict l'effect que desirez, principallement pour Mon dict Seigneur, et puys pour Voz Majestez, et pour le bien de voz affères; car ayant la dicte Dame desiré de voyr une segonde foys la dicte lettre, et la luy ayant baillée à lyre, elle a monstré, par toutes ses contenances et par toutes ses parolles, d'en avoyr ung si grand contentement que je ne puys dire, Madame, sinon qu'elle se tient la plus redevable princesse de la terre à luy et très obligée à tous troys: seulement elle s'est ung peu arrestée au premier article de la dicte lettre, et m'a dict qu'il sembloit que Mon dict Seigneur n'espérât plus au mariage, et qu'il le tînt pour tout rompu.

Je luy ay dict qu'elle sçavoit bien auquel il avoit tenu, mais que tant plus debvoit elle réputer, à ceste heure, l'affection de Mon dict Seigneur avoir esté toutjour très honnorable et très honneste, et vuyde de toute aultre sorte d'ambition que celle de ses bonnes grâces. Elle m'a, de rechef, demandé si, à la dathe de mes lettres, Mr Smith avoit desjà esté ouy, et luy ayant respondu que j'estimois que non, elle n'a plus suyvy le propos. Sur lequel il me reste, Madame, de supplyer très humblement Vostre Majesté de croyre, et de demeurer très fermement persuadée que, depuis le partement de Mr de Foix, je ne me suis advancé de parler icy ung tout seul mot en ceste matière, sinon ainsy que le Roy, ou Vous, ou Mon dict Seigneur, me l'avez escript, qui est en substance qu'ayant Voz Majestez veu les articles elles n'avoient voulu assoyer aulcun certein jugement sur iceulx, attandant le personnage d'honneur de ce conseil que la dicte Dame vous voudroit envoyer, et rien davantage; qui est bien loin de ce qu'on vous a rapporté, et encores plus esloigné de la présomption que j'aurois uzée trop grande, si j'avois passé plus avant, qui espère n'en uzeray jamais de semblable. Sur ce, etc.

Ce xviiie jour de janvier 1572.

CCXXXIe DÉPESCHE

—du xxve jour de janvier 1572.—

(Envoyée jusques à la court par Jacques, le chevaulcheur.)

Détails circonstanciés sur la condamnation du duc de Norfolk.—Déclaration faite par le duc après la lecture de la sentence.—État de la négociation avec l'Espagne.—Audience.—Réponse du roi sur l'article de la religion, concernant le mariage du duc d'Anjou; rupture de cette négociation.—Communication secrète faite à Burleigh de la proposition du mariage du duc d'Alençon avec Élisabeth.

Au Roy.

Sire, ainsy que je vous ay mandé, par mes précédentes du xviiie du présent, le duc de Norfolc a esté condempné à mourir, ayant néantmoins si bien respondu à tout ce qu'on luy imputoit, d'entre la Royne d'Escoce et luy, que l'accusation en a esté trouvée assez légère, ny l'on ne luy a touché ung seul mot des deux mil escuz, que j'avois baillé à son secrettaire; mais il ne s'est peu bien desmeler des pratiques qu'on luy a allégué que Ridolfy avoit menées, entre le duc d'Alve et luy, pour impétrer de l'argent du Pape, et des forces du Roy d'Espaigne, affin de faire une descente en Norfolc en faveur de la susdicte Royne d'Escoce. Il est vray qu'il a fermement soubstenu qu'il n'en avoit jamais rien sceu, et que les lettres du Pape et du duc d'Alve, lesquelles l'on luy a produittes, ne l'en pouvoient aulcunement arguer. Tant y a que, sur la déposition de ses deux secrettaires et de l'évesque de Roz, le jugement de rigueur s'en est ensuyvy, lequel, après luy avoir esté prononcé par le comte de Cherosbery, avec l'estonnement d'un chacun, et avec le regret infiny des meilleurs, et généralement de tout le peuple, il a, d'ung visage bien serein et constant, respondu tout haut:—«Que, devant Dieu et en sa conscience, il demeuroit très justiffié de tout ce qu'on luy mettoit sus, et qu'il estoit très fidelle et aultant loyal subject de la Royne, sa Mestresse, et de sa couronne, que nul gentilhomme du monde le pouvoit estre; mais, puisque les hommes l'opinoient autrement, et le jetoient hors de leur compagnie, qu'il n'y avoit plus de regret, s'asseurant que Dieu le recepvroit en la sienne pour y estre à repos; seulement pryoit les juges, ses payrs, d'intercéder vers la Royne pour ses enfans, et pour la récompense de ceulx qui l'avoient servy, et pour le payement de ses debtes.» Et ainsy a esté ramené en la Tour, où l'on parle que l'exécution s'en fera vendredy prochein. Et, quant à ses biens, j'entendz que les meubles sont confisqués, et que les immeubles restent au comte de Seurey, son filz, qui demeure encores le plus riche seigneur d'Angleterre.

L'on est attandant comme l'on procèdera contre les aultres, qui sont aussy prisonniers, desquelz, parce que je creins bien fort qu'on aille à toute extrémité contre l'évesque de Ross, je vous supplye, très humblement, Sire, de remonstrer, ou faire remonstrer, à Mr Smith que vous desirez que son privilège invyolable d'ambassadeur luy soit gardé, affin qu'il le mande ainsy à sa Mestresse, ou, s'il vous plaist d'en escripre promptement une lettre expresse à elle mesmes, je mettray peine de l'employer pour sa conservation, avec le plus d'efficace qu'il me sera possible.

Sur la condempnation du dict duc, les souspeçons et deffiences ont tant augmenté, qu'on a envoyé faire une vysite générale pour voyr quelz étrangers il y avoit en ceste ville; depuis quand ilz y estoient venuz? quelz armes ilz avoient? de quelle nation et de quelle religion ilz estoient, et à quelle église ilz alloient? et l'on a prins deux italiens qui, depuis quinze jours, estoient passez de Flandres icy, et aussy des angloys souspeçonnés d'avoir conjuré la mort de milord de Burgley.

Au surplus, Sire, je comprins l'aultre jour, par un propos de la Royne d'Angleterre, que le Sr de Sueneguen, principal depputé de Flandres, luy estoit venu, de la part du duc d'Alve, dire la nouvelle des couches de la Royne d'Espaigne, et comme le Roy, son Maistre, avoit soubdein dépesché ung courrier pour en advertyr l'Empereur et n'avoit heu loysir d'en rien escripre à elle, ny de luy faire la conjouyssance du filz que Dieu luy avoit donné, mais qu'il avoit mandé au dict duc de faire, en son nom, l'ung et l'aultre office, à quoy il n'avoit voulu fayllir; et que la dicte Dame avoit respondu qu'elle se resjouyssoit de ceste prospérité du Roy d'Espaigne, mais non de la façon qu'il la luy faysoit sçavoir, et que, puisqu'il avoit dépesché si loing ung courrier exprès pour cella, il le pouvoit avoyr retardé, ung moment d'heure, pour luy en escripre aultant que le dict duc luy en mandoit. J'entendz que le dict depputé l'a pryée de vouloir permettre à l'ambassadeur d'Espaigne et à luy, qu'ilz puissent séjourner icy, jusques à ce qu'ilz ayent receu nouvelles du Roy, leur Maistre, à quoy elle a respondu que, dans quatre jours, elle leur en feroit sçavoir son intention, mais l'on me vient dire que, de nouveau, elle a faict commander au dict sieur ambassadeur de partyr, lequel estoit à Canturbery avec vingt hommes de garde à ses despens, et qu'elle a faict ramener icy son mestre d'ostel prisonnier, comme coupable de la conjuration contre milord de Burgley. Il semble que la dicte Dame ayt advis que, en Hespaigne, l'on a de nouveau faict arrest sur les Angloys et sur leurs marchandises, et que mesmes l'on y a arresté des françois et des flammans qui les leur couvroient et leur prestoient le nom; tant y a que la vente des marchandises d'Espaigne, qui estoient icy en arrest, a esté publiée en termes, à la vérité, assez gracieulx, mais dont l'exécution ne peult sembler que rude et odieuse à ceulx à qui elles appartiennent. Le dict Sr de Sueneguen m'est venu visiter, despuis deux jours, qui m'a dict qu'il espère demeurer icy agent, et, possible, y estre continué ambassadeur pour le Roy Catholique.

J'ay receu, en mesme temps, par l'homme de Me Smith et par Jacques le chevaulcheur, troys lettres de Vostre Majesté, l'une du viie et ixe du présent, et les deux aultres des xe et xie; sur lesquelles ayant esté vysiter cette princesse, elle m'a bien voulu monstrer qu'elle avoit receu ung singulier plésir d'entendre, par la dépesche de Me Smith, ce qui s'estoit faict et qui se faysoit pour la réception et bon trettement de son ambassadeur; ensemble ce qui s'estoit passé en ses premières audiences; de quoy elle s'estimoit avoyr une très grande et perpétuelle obligation à Voz Majestez, mais s'esbahyssoit par trop de la déclaration que Voz dictes Majestez luy avoient faicte bayller sur le faict de la religion, en termes si peu accordables qu'elle ne l'heût jamais ainsy pensé, ny espéré, et que c'estoit une manifeste ropture, sur laquelle elle avoit à se douloyr non de Voz Majestez, car le dict Sr Smith luy avoit mandé le regret que vous y aviez, ny de Monseigneur, car ne le vouloit réputer inconstant, mais de ceulx qui de longtemps avoient préparé leurz conseils et artiffices contre ce propos, me demandant si j'avois veue la dicte déclaration. A quoy luy ayant faict semblant que non, elle me l'a faicte apporter par milord de Burgley, et lors je luy ay ramantu ce qui s'estoit passé jusques à la responce qu'elle avoit faicte au Sr de Larchant; sur laquelle ceulx du conseil de Vostre Majesté, d'une voix, avoient lors faicte la dicte déclaration, ainsy que Mr de Foix la luy estoit despuis venue apporter, et l'avoit déclarée à ceulx de son conseil.

Sur quoy la dicte Dame a uzé de beaucoup de réplicques de diverses sortes, mais la principalle a esté qu'on luy avoit toujour faict accroyre que Monsieur, si elle temporisoit, condescendroit enfin à se passer de l'exercice de sa religion. Et me suis licencié en la meilleure sorte que j'ay peu d'elle, non sans qu'elle ayt monstré du regret beaucoup que les choses en fussent venues à ce point, mais qu'elle estoit néantmoins fort disposée à passer oultre à contracter une bien estroicte intelligence avec Vostre Majesté. Nous avons devisé de l'accident de dom Francès d'Alava, lequel elle croyt estre noyé, et que néantmoins, s'il estoit saulvé du naufrage, et retiré en quelque endroict de ce royaulme, qu'elle m'en feroit incontinant sçavoir des nouvelles. Sur ce, etc. Ce xxve jour de janvier 1572.

A la Royne.
(Lettre à part.)

Madame, après avoyr, mardy dernyer, esté ung long temps avec la Royne d'Angleterre et ung bon espace avec le comte de Lestre, milord de Burgley et moy nous sommes retirez seulz en une chambre, à part, où, après d'aultres devis, je luy ay touché celluy du propos qui vous a esté ouvert de Monseigneur le Duc, votre filz, pour la Royne, sa Mestresse; et que Vostre Majesté me commandoit de le communiquer à luy seul et à nul aultre de ce royaulme, et de me conduyre en icelluy sellon qu'il me le donroit par advis et conseil: dont je le pryois me dire en quoy, et comment, et par où, il luy sembleroit advis que je debvrois commancer.

Il m'a incontinant demandé si j'en avois touché quelque mot à la Royne, sa Mestresse. Je luy ay respondu que non.—«Il faut donc, ce m'a il dict, que nous jurions, l'ung à l'aultre, qu'il n'en viendra rien à la cognoissance d'homme du monde, jusques à ce que nous nous serons accordés du moyen comme il le fauldra réveller.» A quoy luy ayant dict que j'en avois assés exprès commandement de Vostre Majesté pour ne debvoir différer d'y adjouxter mon serment, il a suyvy à dire que Me Smith luy en avoit escript en fort bonne sorte, et que, suyvant cella, n'y avoit pas vingt quatre heures que, devisant devant sa Mestresse de la déclaration de Monsieur touchant la religion, il s'estoit advancé de faire mencion de Monsieur le Duc, par forme de demander quel aage il avoit, à quoy quelcun avoit soubdein respondu que cella ressembleroit plustost une mère qui gouverne son filz, que non pas ung mary auprès de sa femme, et qu'il n'avoit ozé lors rien réplicquer; dont, pour mettre quelque fondement en ce propos, encor qu'on luy eust bien dict que Monsieur le Duc n'avoit qu'ung an et demy moins que Monsieur, il luy sembloit néantmoins que je feroys bien de recouvrer la date du jour et heure de sa nayssance, la merque de sa haulteur, et que luy, de son costé, travailleroit à deux choses: l'une, de s'informer des meurs et condicions de Mon dict Seigneur le Duc, affin d'en parler avecques vérité à celle qu'il ne vouloit ny devoit aulcunement tromper; l'aultre, de regarder les moyens comme pouvoir transférer en luy le propos de Monseigneur, avec l'honneur et réputation, et mesmes avec quelque apparante occasion que cella seroit advenu pour l'advantage et commodicté de sa Mestresse et de son royaulme; car me vouloyt bien dire qu'elle avoit uzé de violence contre elle mesmes en la résolution de se maryer, pour la seule réputation de l'estime, valeur et perfections de Monsieur, dont n'estoit sans grande difficulté comme luy debvoir proposer maintenant ung aultre party.

Je luy ay respondu que ses considérations me sembloient fort louables et pleynes de rayson, néantmoins que ce nouveau propos estoit si semblable et germein du premier qu'il n'y avoit aultre différance, sinon qu'en Monseigneur le Duc commançoit de reluyre les vertus, desquelles Monsieur, qui est son ayné, avoit desjà monstré l'esplandeur par toute la Chrestienté; et qu'affin qu'il vît en quoy pouvoit mieulx, que sur ma simple parolle, appuyer ce qu'il feroit en cest affaire, je luy vouloys monstrer le propre escript de vostre mein, lequel, Madame, il a incontinant leu avec le surplus de la lettre, et a fort curieusement considéré toutes les particullarités qui y estoient; puys, s'estant levé, a fort humblement, le bonnet à la main, remercyé Vostre Majesté de la confiance que monstriez prendre de luy, et que Dieu sçavoit l'affection qu'il avoit heu au propos de Monseigneur, et comme il avoit esté, toute la nuict, quand la déclaration par escript estoit arrivée, sans pouvoir dormir, et qu'il en veilleroit plusieurs aultres pour servir maintenant à cestuy cy; et qu'il manderoit à Me Smith tout ce de quoy, avant le retour de son homme, il cognoistroit estre besoing de luy faire sçavoir.

Qui est, Madame, toute la substance de ce que je vous en puis, pour ce coup, escripre, car seroit long de vous racompter les aultres argumentz et persuasions, dont je luy ay uzé; qui n'ay obmis rien de tout ce qui pouvoit servir pour luy faire prendre toutes les bonnes espérances du monde de Monseigneur le Duc, pour monstrer l'advantaige et seureté qui viendroit à ceste princesse de l'épouser, et la récompense que luy et les siens s'en pouvoient promettre, s'il conduysoit le propos à sa perfection. Seulement je adjouxteray icy, Madame, que le Sr de Quillegrey, encor qu'il soit beau frère du dict milord de Burgley, il est néantmoins tant obligé et dévot serviteur du comte de Lestre, que je ne pense pas qu'il luy ayt cellé ou qu'il luy celle longtemps l'ouverture de ce propos, dont je creins qu'il se tiendra offancé de ce que ne le luy aurés faict communiquer, car faict profession de se monstrer parcial pour la France: tant y a que Vostre Majesté en uzera, sellon qu'elle verra estre le plus expédient. Bien vous suplye, Madame, de faire ordonner quelque chose pour honnorer et gratiffier luy et milord de Burgley de quelque présent de Voz Majestez. Et sur ce, etc. Ce xxve jour de janvier 1572.

CCXXXIIe DÉPESCHE

—du dernier jour de janvier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer.)

Desir d'Élisabeth de continuer la négociation du traité d'alliance avec le roi.—Sursis à l'exécution du duc de Norfolk.—Pacification de l'Irlande.—Nouvelles d'Écosse.—Départ de l'ambassadeur d'Espagne, qui a quitté l'Angleterre.—Sollicitations des députés des Pays-Bas pour renouer les négociations.—Explications données par le duc d'Albe, au nom du roi d'Espagne, qui consent à rappeler son ambassadeur.—Négociation avec le Portugal au sujet des prises.

Au Roy.

Sire, ayantz les principaulx de ce conseil esté, deux et trois jours, aux champs à se récréer de la peyne et extrême sollicitude qu'il leur avoit convenu prendre pour mener le duc de Norfolc en jugement, et après qu'ilz ont esté de retour, ilz ont desiré encores quelque loysir pour penser sur la dernière dépesche qui estoit arrivée de France, affin d'en pouvoir mieulx dellibérer; ce qui a faict que l'homme de Me Smith a esté d'aultant retardé, mais enfin ilz l'ont dépesché mardy au soyr: et m'a l'on asseuré, Sire, qu'ilz ont mandé au dict Sr Smith de continuer le tretté, et que ceste princesse et eulx se sont de nouveau résolus de conclure, s'il leur est possible, une bien estroicte confédération avec Vostre Majesté. J'espère que la dicte Dame n'aura obmis d'adresser au dict Sr Smith des lettres, qu'elle m'a dict qu'elle vous vouloit escripre de sa main, affin de remercyer Monseigneur de son advertissement et pareillement Voz Majestez, et vous suplier tous troys de prendre une semblable confience d'elle qu'elle avoit trouvé en vous, et de vous asseurer, pour jamais, de sa bonne et droicte intention en tout ce qui vous touchera, et à tous ceulx de vostre couronne. Il se pourra comprendre, Sire, par les dictes lettres en quelle disposition elle est maintenant, car j'ay clèrement cognu, ceste dernyère foys que j'ay parlé à elle, que ses propos ne m'ont esté si francs, ains beaucoup plus réservés que de coustume, bien qu'elle n'a layssé de me continuer les mesmes termes, de se vouloyr perpétuer en vostre amityé; et je croy que les besoings de ses affères, l'y contreindront, et la feront passer oultre au tretté, si, d'avanture, il est bien poursuivy, et si l'on presse de le mener bientost à quelque conclusion.

La mère du duc de Norfolc et milord Thomas Havart sont venuz icy supplyer pour la vye de leur filz et nepveu, mais ilz n'ont encores rien impétré; il est vray que l'exécution demeure en suspens. Et cependant ceste princesse faict toute la faveur qu'elle peut au comte de Cherosbery pour le cuyder retenir en sa cour, ce qui ne viendroit bien à propos pour la Royne d'Escoce, car l'on la commettroit en garde, à quelque autre qui, possible, ne seroit tant homme d'honneur comme luy.

Les choses d'Yrlande se sont ramandées despuys l'aultre jour, car les saulvages monstrent de ne vouloyr rien remuer cest yver, et maistre Fuiguillen, lieutenant de ceste Royne, a renforcé les garnisons de toutz les fortz de la palyssade, et a accommodé le différent d'entre le comte d'Ormont et le ser Bernabey; et asseure fort que, si la dicte Dame luy envoye les deniers, et les hommes, et les monitions qu'elle luy a promis, qu'il luy rendra le pays paysible et bien assuré; néantmoins elle y sent beaucoup plus de difficulté que l'aultre n'en y voyd.

J'entendz que ceulx d'Esterling ont mandé à la dicte Dame que le service de leur jeune Prince ne peut requérir qu'ilz octroyent aulcune suspencion de guerre à ceulx de Lillebourg, et que pourtant ilz la prient de leur envoyer l'argent et forces qu'elle leur a promis. A quoy l'on m'a assuré qu'elle leur a desjà respondu qu'elle est dellibérée de n'entendre en rien de leurz affères, ny pour l'ung ny pour l'aultre party, qu'elle ne les voye en quelque abstinence d'armes; tant y a que je sçay qu'elle prépare d'y dépescher, du premier jour, le maréchal Drury; et je mettray peyne de sçavoyr quelle commission il emportera.

Il y a ung moys qu'on n'a heu icy aulcunes nouvelles de Bruxelles, mais l'on n'a layssé, pour cella, de faire embarquer l'ambassadeur d'Espaigne et le repasser de dellà, lequel j'entendz qu'il a abordé à Callays, et l'on a retenu icy son maistre d'ostel prisonnier. Les depputés de Flandres poursuyvent toutjour l'accord, et mettent plusieurs nouveaulx expédientz en avant, tant sur le faict des marchandises que sur les deniers; en quoy ilz ne sont si bien respondus qu'ilz desireroient, ny comme aulcuns de ce conseil le leur avoient faict espérer, bien qu'ilz ayent voulu faire ung grand fondement sur ce que le duc d'Alve, par sa dernière lettre qu'il a escripte à ceste princesse, luy a mandé que l'occasion, pour laquelle le Roy, son Mestre, avoit différé de luy respondre sur la révocation du dict ambassadeur, estoit pansant qu'il se fût si bien purgé des choses qu'elle se pleignoit de luy, qu'il en fût demeuré bien rabillé vers elle, ou bien qu'ayant cessé de n'en plus uzer vers elle, elle eust modéré son courroux en son endroict, mais puysqu'elle vouloit en toutes sortes qu'il partît de son royaulme, qu'il luy mandoit de s'en venir, la priant de permettre au Sr de Sueneguen qu'il peût cepandant tenir son lieu jusques à ce que le Roy, son Mestre, y heût pourveu d'un aultre ambassadeur; car l'assuroit qu'il la vouloit honnorer et aymer, et luy complayre entièrement, sans se départir jamais de l'ancienne confédération et bons trettés d'entre les maysons d'Angleterre et de Bourgoigne. Sur quoy, à la vérité, la dicte Dame et ceulx de son conseil ont faict de si béningnes responces, que les dicts depputés ont esté quelques jours en fort bonne opinyon de leurs affères, et ont cuydé qu'on dépescheroit incontinant ung milord devers le Roy d'Espaigne, mais il ne s'en parle plus. Et, depuis huict jours, mestre Huinter est revenu de la mer, qui a admené troys navyres d'Espaigne bien riches, tous chargés de leynes, qu'il dict avoyr recous des pirates, lesquelz, en lieu de les rendre, l'admiral d'Angleterre a obtenu qu'il les puisse, avec quelque argent, retyrer du dict Huynter, et qu'il en accordera, puis après, avec les dicts subjectz du Roy d'Espaigne, qui est ung acte qui offence griefvement les dicts depputés.

Cepandant le cavailier Geraldy poursuit d'accommoder le faict de Portugal, et desjà la pluspart des articles en sont accordés, qui n'est sans avoyr bien estréné aulcuns de ceulx qui gouvernent; et par là ceulx cy estiment qu'ilz se pourront passer du commerce d'Espagne. Sur ce, etc.

Ce xxxie jour de janvier 1572.

CCXXXIIIe DÉPESCHE

—du ve jour de febvrier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Anthoine de la Poterne.)

Affaires d'Écosse.—Marie Stuart conservée sous la garde du comte de Shrewsbery.—Déclaration du conseil que l'évêque de Ross sera remis en liberté.—Incertitude sur le sort réservé au duc de Norfolk.—Négociation des Pays Bas.

Au Roy.

Sire, après que ceulx cy ont heu pensé et pourveu à la dépesche qu'ilz avoient à faire en France par l'homme de Me Smith, ilz ont tenu conseil sur les choses d'Escoce, ès quelles ilz ont advisé d'y pourvoir sellon l'occurance du temps, car, en premier lieu, ilz ont renvoyé le Sr de Cuninguen devers ceulx d'Esterlin, les persuader à l'abstinence de guerre pour deux moys, attandant l'yssue du tretté qui est encommancé avec Vostre Majesté, leur promettant que, par la conclusion d'icelluy, l'authorité du jeune Roy demeurera confirmée, ou bien que la Royne d'Angleterre ne leur manquera de secours et de forces pour la luy establyr par les armes. Après, ilz préparent de faire partyr, dès demain, mestre Randol devers ceulx de Lislebourg pour les exorter de se ranger à l'obéyssance du dict jeune Prince; et que, par ce moyen, ilz se vueillent mettre d'accord avec les aultres, avec promesses qu'ils seront restitués en leurs biens, maysons, charges et honneurs, et qu'ilz seront associés à l'administration et gouvernement, et tenus pour conseillers de l'estat, sellon leurs rengs et qualités, comme auparavant: et puis le maréchal Drury le doibt suyvre dans troys jours, pour aller, luy et milord Housdon, estre arbitres du dict accord, et estipulateurs des promesses qui se feront des deux costés, et pour confirmer aussy celles qui se feront à l'ung party ou à l'aultre de la part de ceste princesse. En quoy j'entendz qu'il emporte deux secrettes commissions; l'une, de dresser quelques forces en faveur de ceulx d'Esterlin, au cas que le dict accord ou l'abstinence ne succèdent; l'aultre, de convenir avec eulx d'avoir le comte de Nortomberland entre ses meins, ce que je creins estre au dommaige de l'évesque de Roz: dont je desire bien, Sire, que le Sr de Vérac puisse avoir receu vostre dépesche en ce qu'avec icelle je luy ay escript, du xxvie de l'aultre moys, premier que toutz ces dèmenés se facent. Mais ce, en quoy la contrariété s'est monstré plus grande en ce conseil, a esté de la personne de la Royne d'Escoce, à qui en demeureroit la garde, car ceulx, de qui l'opinyon est plus ordinayrement suivye, crioyent toutz, d'une voix, qu'elle debvoit estre menée plus en çà vers Londres, et estre commise à sir Raf Sadeller. A quoy le comte de Cherosbery, n'ozant ouvertement contredire, a seulement monstré que ce seroit un argument ou de n'y avoir bien faict son debvoir jusques icy, ou qu'on se deffieroit de luy pour l'advenir; et a l'on heu tant de respect à luy que, jeudy dernier, la Royne d'Angleterre, avec plusieurs parolles de confience, luy a confirmé la garde de la dicte Dame: dont incontinant il a préparé son congé, et, de peur qu'on changeât l'ordonnance, il est party, le lendemain de grand matin, pour s'en retourner en sa mayson, avec commission de renvoyer sir Raf Sadeller par deçà; qui n'est peu de bien ny petite consolation à ceste pouvre princesse en ung temps de si grand dangier.

J'ay entendu que l'évesque de Ross a esté escript au rolle de ceulx qu'on appelle icy indictes, qui doibvent estre menés en jugement, avec les deux secrettères du duc de Norfolc, en grand danger de condempnation de mort; mais j'ay envoyé, au nom de Vostre Majesté, faire ung office bien exprès pour luy envers ceulx de ce conseil, qui enfin m'ont respondu que la Royne, leur Mestresse, ne lui fera que tout honnorable trettement.

Mècredy dernier, et encores vendredy, l'on a, de toutes les partz de ceste ville, accouru à la Tour comme pour voyr l'exécution du dict duc de Norfolc, ce qu'on a estimé avoir esté faict à poste, pour essayer le cueur de ce peuple. Quelques ungs estiment que la dicte Dame se soyt ung peu modérée en son endroict, et ses amys font, soubz mein, ce qu'ilz peuvent, mais il a des ennemys qui procèdent tout à descouvert et bien redde contre luy. Dieu le vueille préserver.

Les depputés de Flandres sont attandantz les trente jours portés par la proclamation de la vente des marchandises, et avoir responce du duc d'Alve là dessus, après qu'il aura ouy l'ambassadeur d'Espaigne, qui doibt estre desjà arrivé devers luy. Il y a bien cinq semaines qu'il n'est venu aulcune dépesche du dict duc, et le dict ambassadeur a fait détenir à Gravellines, et sur le chemin, tous les pacquetz et postes qu'il a trouvés, et encores a faict arrester quelques angloys, à cause de son mestre d'ostel, qui a esté retenu prisonnier par deçà. J'ay sceu, à la vérité, que ceste grande flote de Flandres, sur laquelle don Francès d'Alava s'estoit embarqué, a esté contreincte par temps contrayre de venir relascher vers Dertemue, et que le dict don Francès n'a jamès voulu que le vaysseau, où il estoit, ayt abordé en nulle part de ce royaulme; dont les mariniers jugent, veu la grande tourmente qui a continué despuis, qu'il est allé périr ez costes de Bretaigne. Sur ce, etc. Ce ve jour de febvrier 1572.

CCXXXIVe DÉPESCHE

—du xe jour de febvrier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par le Sr de St Auban.)

Audience.—Communication de l'état de la négociation de Me Smith en France.—Discussion des affaires d'Écosse.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Alençon.—Nécessité de conclure le traité d'alliance avant de faire une proposition plus formelle.

Au Roy.

Sire, ma dépesche, du ve du présent, n'estoit guyères que dellivrée au courrier, quand celle de Vostre Majesté, du xixe du passé, m'est arrivée avec l'ample discours de tout ce que jusques alors a passé entre messieurs voz depputez et les ambassadeurs de ceste princesse, et avec les actes, par ordre, d'une chacune foys qu'ilz se sont trouvés ensemble. Sur quoy je suys allé me conjouyr avec la dicte Dame que le tretté me sembloit desjà fort advancé, de tant que le premier, et principal, et plus important de tous les poinctz, qui y estoient requis, estoit tout accordé, qui estoit le bon vouloyr des contractans: car Vostre Majesté trouvoit, par la procédure de Me Smith, que la volonté de la dicte Dame correspondoit si parfaictement à la vostre, et toutes les deux estoient si conformes à desirer ung ferme establissement d'amityé et une bonne confédération entre Voz Majestez et voz deux royaulmes, que vous ne vous déffiyés, à ceste heure, non plus de la sienne que vous vous assuriés et la priez d'estre très asseurée de la vostre; que desjà la forme du dict tretté estoit commancée par aucuns articles, ausquelz ne se trouvoit aucun différend quand à la substance, mais l'on n'avoit encores bien peu convenir des parolles; en quoy vous luy déclariez, Sire, que vostre vouloir et intention estoit qu'on s'abstînt de toute chose au dict tretté qui, en parolle ou en substance, peût tant soyt peu offancer la dignité de la dicte Dame et le repos de son estat, et qui peût mal sonner pour elle vers les aultres princes, ses voysins, ou vers ses propres subjectz; et qu'en semblable vous la priez d'avoir le mesmes vouloir vers vous; que, pour procéder plus honnorablement au dict tretté, vous aviez commandé à Mr de Montmorency d'y assister, par où elle pouvoit juger combien vous dellibériez d'aller franc et droict à la conclusion de cest affère; que, à la vérité, vous estiez assez esbahy que Me Smith n'avoit encore faict apparoir de son pouvoir, bien que voz depputez luy en eussent parlé, et ne feissent difficulté de luy monstrer le leur, qui seroit ung vouloir obliger Vostre Majesté, et qu'elle demeurast hors d'obligation, bien que vous ne pouviez penser qu'elle eust dépesché si loing un tel personnage pour commancer ung tel affaire, sans luy avoir donné commission et pouvoir par escript; que, des poinctz qui avoient esté debbatus ez premières conférences, je m'en remettois à ce que Me Smith luy en escripvoit, seulement je la supplyois d'avoir le réciproque respect que je luy disois ez choses de vostre réputation au dict treité, comme vous le vouliés avoir à la sienne, et de n'y faire apparoir les difficultés, impossibilité, ny uzer de longueur; car celle des partyes, qui en voudroit uzer ainsy, monstreroit de n'avoir jamais heu bon vouloir, et que ce n'auroit esté que mocquerie, derrision et fraude qu'elle auroit voulu uzer à l'aultre; ce que vous ne pouviez, Sire, ny voulyez penser de la dicte Dame; que le propos qu'elle m'avoit tenu de milord Flemy avoit produict l'effect qu'elle desiroit, car Vostre Majesté avoit mandé, par toutz ses portz, de ne laysser sortyr aulcuns gens de guerre pour Escoce, de quoy s'estant l'évesque de Glasco et les aultres seigneurs escoçoys infiniement pleinctz, vous leur aviez promis que, par l'yssue du trecté, leurz affères seroient accommodés et la paix de leur pays establie, et que cepandant vous vouliez dépescher ung gentilhomme de bonne qualité par dellà pour aller moyenner une abstinence d'armes entre les deux partys; dont, de tant que le dict gentilhomme ne tarderoit guyères à estre icy, je la supplioys de faire préparer celluy des siens qu'elle luy vouloit bailler adjoinct, car desiriez y procéder par une bonne et commune intelligence avec elle.

La dicte Dame, ayant recueilhy tout ce mien propos, lequel, en substance, n'a contenu rien davantaige que quelques parolles d'honesteté, m'y a respondu par le mesme ordre que je luy ay dict: c'est qu'elle tenoit, à la vérité, celluy premier poinct, de la bonne volonté, pour tant accordé que vous ne vous debviés rien moins promètre meintenant de la siène que de la vostre propre, comme elle ne se resjouyssoit aussy, en nulle chose de ce monde, tant qu'en l'assurance de celle que vous luy portiez; et que une de ses plus grandes envyes estoit qu'il se peult faire qu'elle veît Voz Majestez Très Chrestiennes affin de vous tesmoigner par la parolle ce qu'elle avoit en son affection; que sellon la jalousie qu'elle portoit aux choses de sa réputation, elle vouloit avoir tout esgard à la vostre, et ne se porter si inconsidéréement vers vous, qu'on la peût souspeçonner d'estre inconsidérée vers elle mesmes, qui sçavoit bien qu'elle ne pourroit éviter la tache de laquelle elle auroit recherché de vous entacher; qu'elle demeuroit fort contante que Mr de Montmorency fût en la commission du trecté, et s'en promettoit davantaige la bonne fin qu'elle en avoit tousjours espéré, car le sçavoit estre fort homme d'honneur, et bien fort affectionné à la paix de ces deux royaulmes; que Me Smith n'avoit point parlé sans commission, car avoit porté lettre d'elle à Vostre Majesté, et estoit fort excusable s'il n'avoit voulu monstrer son aultre pouvoir, mais, en temps et lieu, il ne se trouveroit en estre deffaillant. Au regard des difficultés qui se pourroient trouver en l'affaire, elle ne les feroit grandes de son costé, et vouloit, de bon cueur, touchant celles qui avoient apparu desjà que, si la généralité des parolles pouvoit suffire, sans exprimer le particullier, qu'on en uzât ainsy qu'il vous plairoit, bien qu'elle vous supplioit de considérer que l'expression de ce mot de religion, ainsy que ses ambassadeurs le requéroient, luy conservoit les aultres alliences, et que, sans icelluy, c'estoit bien, à la vérité, se joindre et unir à Vostre Majesté, mais se séparer de tous ses aultres confédérez; néantmoins que, de cella et des aultrez poinctz de la dépesche du dict Sr Smith, elle avoit donné charge à quelques ungs de son conseil d'en conférer avecques moy, et qu'elle me prioit que ce fût au plus tost, affin de satisfaire au dernier point de la longueur que je luy avois remonstré; car l'exemple du passé et ce qu'elle prévoioit bien encores de l'advenir, l'admonestoient de ne guères temporiser; finallement qu'elle vous remercyoit d'avoir arresté l'expédition de milord de Flemy, et qu'elle avoit envoyé, de rechef, en Escoce devers les deux partys pour les exorter à ung accord, sellon qu'ilz luy avoient desjà, des deux costés, donné promesse, par leurs lettres, qu'ilz l'accepteroient tel qu'elle vouldroit; dont ne voyoient que le gentilhomme, que y vouliés dépescher, y peût de beaucoup servir, néantmoins, puisqu'ainsy vous plaisoit, elle en estoit contante.

Il seroit long, Sire, à vous racompter le surplus qui a esté entre la dicte Dame et moy, dont suffira, s'il vous plaist, pour ceste foys, de ce dessus. Et vous adjouxteray seulement icy qu'ayant, incontinant après, parlé à milord de Burgley, je l'ay trouvé en assés bonne disposition vers les choses du tretté, et mesmes d'envoyer ung segond pouvoir à Me Smith, puysque, pour quelques considérations, il n'avoit ozé monstrer le premier; mais, quant aux difficultés où l'on s'estoit arresté jusques icy, qu'elles luy sembloient de plus grande considération qu'on ne les faysoit; dont m'en parleroit plus au long en nostre conférence. Et sur ce, etc. Ce xe jour de febvrier 1572.

J'ay remonstré à ceulx de ce conseil que Vostre Majesté avoit prié et faict prier Me Smith d'escripre par deçà que les deux mil escus me fussent rendus; mais milord de Burgley m'a asseuré qu'il n'en avoit encores rien escript, et a appellé à tesmoings en cella ceulx du dict conseil qui avoient veu ses lettres, mais quand il le manderoit, l'on mettroit peyne de satisfaire à vostre intention aultant qu'il seroit possible: dont vous supplie très humblement, Sire, d'en faire une recharge au dict Sr Smith.

A la Royne.
(Lettre à part.)

Madame, le propos de Monseigneur le Duc, votre filz, n'a esté seulement communiqué à milord de Burgley, ains milord de Bocaust, m'estant venu visiter, m'a compté que MMrs Smith et Quillegrey en avoient fort affectueusement escript, et le Sr de Vualsingam avoit mandé que la chose estoit bien fort faysable; mais le dict Boucaust, de sa part, me vouloit dire, ainsy qu'il m'avoit toutjour franchement parlé, qu'il le desiroit beaucoup plus qu'il ne voyoit aucun moyen de le pouvoir espérer, et m'a allégué des difficultés, de l'aage et de la taille, si grandes qu'avec l'infiny regret, qu'il m'a juré qu'il y avoit de son costé, il m'a quasy tout descouragé de n'en ozer plus parler du mien. Néantmoins en ayant refreschy le propos à milord de Burgley, avec l'assurance des mesmes advantaiges qu'il se pouvoit estre promis de Monseigneur, lequel, avec Voz Majestez, concorriés aultant grandement tous troys au bien de sa Mestresse et de ce royaulme, et encores au sien particullier, comme si le mariage se fust effectué en Mon dict Seigneur mesmes; il m'a respondu qu'il s'estoit advanturé d'en parler à la dicte Dame et qu'elle luy avoit dict soubdain—«Qu'encor que toutes aultres choses fussent bien convenables, que néantmoins la proportion des ans et de la taille estoit par trop inégale entre eux:» luy demandant combien il pouvoit estre grand: à quoy il avoit respondu qu'il pouvoit estre de sa haulteur;—«Mais de celle de vostre petit filz, dict elle, ainsy qu'on me l'a assuré.» A quoy il n'avoit ozé rien réplicquer, et attandoit le dict de Burgley que je luy fisse recouvrer l'eage et la mesure de Mon dict Seigneur le Duc, pour en pouvoir parler plus à certes, car il considéroit deux qualitez qui estoient plus propres en luy pour l'Angleterre que en Monseigneur: l'une, qu'il estoit plus esloigné que luy d'un degré de la couronne de France; et l'autre, qu'on disoit qu'il s'accommoderoit à la religion du pays. A quoy je luy ay respondu que la dathe de l'eage et la mesure de sa hauteur viendroient bientost, et que ce degré plus esloigné de la couronne estoit bien convenable à ce qu'ilz desiroient; mais, quant à la religion, je n'avois point entendu qu'il voulust changer la sienne, et croyois que la Royne, sa Mestresse, ne l'en vouldroit presser, bien que, possible, il se trouveroit ung peu moins scrupuleulx que Mon dict Seigneur, son frère.

Vostre Majesté pourra tirer des propos de Me Smith quelques aultres plus grandes conjectures de ce qu'on luy en aura respondu, car voyla, Madame, tout ce que je vous en puys mander pour le présent. Et me semble que le plus expédient est de faire que ceste princesse se sépare encores tant du Roy d'Espaigne qu'elle conclue la ligue avecques le Roy, car s'estant jectée ainsy ez bras de Voz Majestez, elle condescendra, puis après, beaucoup plus facillement à tout ce que vous desirerez, de peur et que ne l'abandonniés, et qu'il ne luy soit lors trop malaysé et trop dangereulx de retourner à la foy du Roy d'Espaigne; par ainsy, sera bon de supercéder ce propos, et presser celluy de la dicte ligue, laquelle s'en conclurra beaucoup plus advantageuse pour vostre costé. Le comte de Lestre m'a pryé de mettre en avant à sa Mestresse qu'il ayt commission d'aller conclure la dicte ligue, et la voyr jurer au Roy, sellon qu'il est plus françoys que nul aultre de ce royaulme; en quoy ne faut doubter, Madame, s'il y va, que vous n'effectués par luy le propos, si jamais il doibt recepvoir effect; et je sçay qu'il ne cerche rien tant au monde que la faveur et protection de Voz Majestez, et se pouvoir assurer d'icelle pour les accidentz qu'il creint luy advenir. Sur ce, etc.

Ce xe jour de febvrier 1572.

CCXXXVe DÉPESCHE

—du xiiie jour de febvrier 1572.—

(Envoyée jusques à la court par l'homme de Me Smith.)

Discussion du traité pour une ligue défensive.—Articles concernant les guerres pour cause de religion, les frais de secours, le commerce et l'Écosse.—Desir de Leicester de passer en France pour conclure le traité.

Au Roy.

Sire, m'ayant la Royne d'Angleterre faict appeller, par deux foys, en sa mayson de Ouestmenster, pour conférer avec sept seigneurs de son conseil, (sçavoir: le chancellier d'Angleterre, le comte de Bedford, le comte de Lestre, l'admiral Clinton, milord Chamberland, milord de Burgley et mestre Mildmay), sur les difficultés qui se sont offertes au trecté encommencé près de Vostre Majesté, après qu'ilz ont heu, avec grand atencion, ouy cella mesmes que j'avois desjà dict à leur Mestresse, ilz m'ont remonstré comme Me Smith leur avoit assés au long desduict, par sa dernière dépesche, les dictes difficultés, et leur avoit mandé que Vostre Majesté m'envoyoit les actes de toutes les conférences afin d'en tretter avec la Royne, leur Mestresse, laquelle ilz m'assuroient qu'estoit demeurée grandement satisfaicte de ce que je luy en avois dict en ma dernière audience, et leur avoit ordonné d'en trecter davantage avecques moy, affin de mieulx acheminer les affères; qui pourtant avoient à me dire que la ligue, ainsy deffencive, avec Vostre Majesté estoit très agréable à leur dicte Mestresse, à eulx et à tout ce royaulme, et que, de vostre bonne intention en cella, ilz avoient beaucoup plus à vous en remercyer qu'à y rien desirer;

Mais qu'ilz trouvoient qu'il y auroit peu de seureté pour ceste couronne, si la cause de la religion n'y estoit nomméement désignée, car, advenant qu'il se dressât une entreprinse par les aultres princes, ou par les propres subjectz, pour réduyre ce pays à la religion catholique, vous vous pourriez, Sire, excuser avec rayson de n'avoir jamais entendu vous oposer à cella; et alléguer que ce n'estoit faire injure à la personne ny à l'estat de la dicte Dame, que de vouloir réduyre les deux à une forme que Vous mesmes, Sire, qui estes catholicque, réputiés estre la meilleure, et que, si elle vouloit venir à la dicte réduction, elle n'auroit plus de guerre; qui seroit fruster la dicte Dame de tout l'effect, pour lequel ilz me disoient librement qu'elle et eux aspiroient principallement à la dicte ligue;

Que, de la forme du secours, ilz ne pouvoient conseiller la dicte Dame qu'il se fist austrement que aux despens de celluy qui le demanderoit, parce qu'en toutes leurz précédentes ligues deffencives ilz n'avoient nul exemple du contraire, ny guères aulx offancives que ung seul, du temps de Henry VIII, Roy d'Angleterre, avec l'Empereur Charles Ve contre le grand Roy Françoys Premier[22], ayeul de Vostre Majesté, qui encores avoit esté rétractée, l'année ensuyvante; et qu'ilz estimoient ne pouvoir guères advenir d'occasion à eulx de requérir vostre secours, pour le peu de querelles qu'il y avoit contre ce royaulme, si n'estoit pour la cause de la religion, en laquelle ilz faysoient encores estat d'y aller fort retenus, et ne le vous demander, ny pour légière souspeçon, ny fort grand, là où ilz sçavoient que les querelles de vostre couronne, tant en demandant que en deffandant, estoient fort grandes du costé de Flandres, de Bourgoigne, de Navarre, de Savoye et de l'Empire, et aultres, qui pourroient mettre leur Royne souvant en peyne de vous envoyer du secours; ce qu'elle seroit toutjour fort preste de faire, pourveu que ce ne fust à ses despens.

Au regard du traffic, après le deu remercyement, que leur Mestresse et eulx rendoient à Vostre Majesté pour les favorables offres que leur fesiés en cella, il leur sembloit estre expédient d'en communicquer à leurz marchandz, mais ne laysser cependant d'en capituler le commerce, en général, bon et libre entre les deux royaulmes, avec promesse du bon trettement aulx mutuels subjectz d'un costé et d'aultre;

Et quand aux choses d'Escoce, qu'ilz sçavoient que leur Mestresse estoit avec raison si irritée contre la Royne du dict pays, qu'elle ne pourroit comporter qu'elle fût en ung mesme trecté avec elle; mais, quand à l'estat et couronne du pays, elle desiroit qu'ilz fussent comprins en la ligue, en quelque forme que le gouvernement se trovât, fût soubz l'aucthorité de la mère ou du filz, car ne prétandoit aultre chose par dellà que la paix des Escouçoys, et qu'icelle n'admenât point de trouble aux Anglois, et que la ligue de France y soit conservée, dont estoient bien ayses que Mr Du Croc vînt pour y aller procurer la dicte payx, et qu'ilz avoient desjà pourveu d'ung personnaige de qualité pour l'y accompaigner; affermans tous sept, d'une voix, que Vostre Majesté trouveroit plus de correspondance en leur Mestresse, en eulx et en tout ce royaulme, qu'en nul aultre endroict où vous sceussiés establir amityé, en tout le circuit de la terre.

Je n'ay manqué de semblables honnestetés vers eulx, aultant qu'il m'a semblé convenir à vostre grandeur, et, oultre les prudentes considérations de Vostre Majesté, lesquelles je leur ay alléguées aux propres termes qu'elles sont en vostre lettre, je leur ay remonstré qu'il répugnoit tant à vostre réputation d'expéciffier le mot de religion en ce premier chapitre du trecté, que vous estiés pour jamais ne le passer, non plus que la Royne, leur Mestresse, s'il se déclaroit une guerre pour la tollérance de la religion nouvelle en France, ne vouldroit nomméement capituler de s'y oposer, bien que je réputois voz desirs si mutuels à vous entresecourir en tout cas, que je croyois fermement que ne feriés difficulté, de vostre costé, Sire, mais qu'elle en fît aultant du sien, de vous obliger au dict mutuel secours sur quelque occasion qu'on peût mouvoir la guerre, pourveu que l'assailly signiffiât que c'estoit contre son gré, qui seroit la seule condicion apposée au trecté, sur laquelle ne seroit loysible, à l'ung ny à l'aultre, d'aucunement s'en excuser. Et les ayantz veuz si fermes et entiers sur ce qu'ilz m'avoient dict des frays du secours, qu'ilz estoient pour en prendre des souspeçons, si je leur heusse trop contredict, je m'en suis déporté, estant bien adverty que leur résolution estoit de ne capituler rien qui peût mettre leur Mestresse en despence; mais je leur ay dict, quant à la Royne d'Escoce, qu'ilz jugeassent s'il pouvoit convenir à vostre honneur que vous oblyssiez celle qui avoit esté femme du feu Roy, vostre frère ayné, sacrée et couronnée Royne de France; qui pourtant estoit vostre belle seur et belle fille de la Royne, vostre mère, vostre parante et la première et principalle allyée de vostre couronne, et qu'il n'y avoit rien qui peût apporter tant d'honneste couleur au trecté, ny le justiffier de tant de droicture envers les aultres princes, et envers toute la Chrestienté, que de le monstrer estre principallement faict pour l'accommodement des affaires de ceste pouvre princesse, et pour remédier aux désordres de son pays, les priant d'admonester Me Smith de ne se monstrer ny trop difficille, ny trop opposant, aux honnestes expédientz qui luy en seront proposez; et qu'au reste ilz luy vollussent envoyer ung ample pouvoir pour conclure bientost les affayres, sellon qu'il estoit à creindre que la longueur, si elle y intervenoit, admèneroit le tout à ropture.

Les dicts seigneurs, ayantz là dessus conféré assez longtemps à part, m'ont enfin respondu que, sans aucun doubte, il seroit envoyé ung ample pouvoir à Me Smith, et à luy adjoinctz MMrs de Walsingam et Quillegrey, par lesquelz ilz espéroient obtenir plus de Vostre Majesté par dellà que je ne leur en accordois icy, bien qu'ilz avoient beaucoup gousté ce mot, contre son gré; et qu'ilz espéroient que, si ce mot de religion vous estoit grief à estre expéciffié au publicque contract de la ligue, que, possible, offririés vous, Sire, de l'accorder par vostre secrette promesse, dans une lettre, à part, à leur Mestresse; et qu'au reste il seroit faict une si bonne dépesche au dict Sr Smith qu'il auroit de quoy beaucoup vous contanter. Sur ce, etc. Ce xiiie jour de febvrier 1572.

Le comte de Lestre desire que faciez dire à Me Smith que Voz Majestez vouldroient bien que ung personnage, fort confidant de ceste princesse, fût envoyé vers vous, pour conclure la ligue et la voyr jurer au Roy, et nommer ardiment le dict comte, affin qu'icelluy Sr Smith l'escripve par deçà; et qu'il vous promect de vous apporter toute la satisfaction que pourriez desirer de ceste princesse et de son royaulme.

CCXXXVIe DÉPESCHE

—du xixe jour de febvrier 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Négociation du traité d'alliance.—Promesse de donner satisfaction sur les plaintes des habitans de Rouen.—Affaires d'Écosse.—Ordre donné par Élisabeth d'exécuter le duc de Norfolk.—Révocation de cet ordre.—Justification de l'ambassadeur sur les reproches qui lui ont été faits d'avoir participé aux projets du duc de Norfolk.

Au Roy.

Sire, beaucoup de choses m'ont esté dittes et alléguées par la Royne d'Angleterre et les seigneurs de son conseil, et je leur en ay représenté plusieurs aultres ez troys conférences, que j'ay heu avec elle et avec eulx, sur la négociation de Me Smith, que je ne les vous ay pas voulu, Sire, toutes desduyre, par le menu, en mes deux dépesches, du xe et xiiie de ce moys, affin de ne vous estre ny ennuyeulx, ny long; mais je vous ay représanté celles, desquelles la substance et les parolles m'ont semblé importer beaucoup, et faire grandement besoing à la continuation et à la conclusion du tretté. Et, pour ceste heure, j'ay à très humblement supplyer Vostre Majesté qu'affin que j'aye moïen de mieulx advérer les advis qu'on m'a donné sur ce qu'on a escript, du dict xiiie, au dict Sr Smith, et pour recognoistre la vérité ou la simulation des propos que la dicte Dame et les siens m'en ont tenus, conforme à ce que je vous en ay desjà mandé par mes deux dernières dépesches, il vous playse, Sire, me faire advertyr si messieurs voz depputés ont trouvé que le dict Sr Smith y ayt despuis correspondu; car, sellon qu'il en aura uzé, je travailleray de cognoistre clèrement de ceulx cy quelle ilz prétendent debvoir estre leur dernière et déterminée résolution au dict tretté. Leurs démonstrations, à la vérité, continuent jusques à maintenant d'estre fort bonnes, et leurz marchandz, lesquelz sont venus conférer avecques moy sur l'ancien commerce de Roan, m'ont dict qu'il sera pourveu aux désordres, dont ceulx du dict Roan se pleignent qu'on leur uze en ceste ville de Londres, touchant le poix et la mesure, et touchant l'escavage, le pilotage, le charriage, l'embalage, les banques routes, et aultres semblables griefz et impostz, desquelz l'on ostera les abus, si ceulx de Roan veulent aussy modérer les leurs, affin que le traffic soit dorsenavant mieulx et plus librement continué.

Et, quand aux choses d'Escoce, j'entendz, Sire, que la commission du maréchal Drury et de mestre Randol, qui sont desjà partys, est de moyenner à bon escient, par delà, un accord entre les deux partys, et faire qu'ilz conviennent d'une forme de gouvernement de certains de la noblesse, tant d'ung costé que d'aultre, jusques au nombre de seize, pour régir l'estat, soubz l'authorité du jeune Roy, remettant ung chacun en ses biens, honneurs et offices, et que mesmes le tiltre de régent demeure au duc de Chastellerault, layssant néantmoins l'administration de la personne du Prince toutjour au comte de Mar; qui est ung moyen aparant par lequel ceulx cy tendent de substrère le dict duc et les siens de l'obéyssance de la Royne d'Escoce, affin de la ruyner, et de oprimer du tout, s'ilz peuvent, le nom et l'authorité d'elle. Qui me faict desirer, Sire, qu'il vous playse haster davantaige le voyage de Mr Du Croc, car il pourra obvier à cestuy et aultres préjudices qui, possible, y adviendront encores plus grandz, si quelcun, de la part de Vostre Majesté, ne s'y présente bientost; bien que milord de Burgley m'a dict qu'il a esté donné en mandement, par article exprès, au dict Drury, de déclarer aux Escoçoys que la Royne d'Angleterre n'entend qu'ilz se départent de l'alliance de nul des aultres princes, leurs confédérés, nomméement de Vostre Majesté, pourveu qu'aulcuns estrangers ne soient introduictz dans leur pays, qui puissent troubler leur repoz, ny mouvoir guerre, ou donner souspeçon d'icelle à l'Angleterre. Et m'ont davantaige le comte de Lestre, et le dict milord de Burgley assuré que, sur l'instance que j'avoys faicte pour le bon trectement de la Royne d'Escoce, au nom de Vostre Majesté, la Royne, leur Mestresse, a donné charge au comte de Cherosbery de luy amplier sa liberté et la mener aux champs et à la chasse, affin de mieux entretenir sa santé. Et m'a l'on aussi permis d'envoier m'enquérir des nouvelles de l'évesque de Roz, et luy offrir ce qu'il pourra avoir besoing de moy, avec promesse de sa procheyne liberté. Qui sont signes de modération, Sire, assez sufisans pour me confirmer que ceulx cy, jusques à maintenant, procèdent assez cler et droict ez chosez qu'ilz font négocier avec Vostre Majesté.

Il est vray qu'ilz viennent de recepvoir, tout présentement, une dépesche de Me Smith, qui est d'assez vieille dathe, car a séjourné, à cause du passage, huict ou dix jours à Callays, laquelle je ne sçay s'il leur fera rien changer. Elle est, à mon advis, du mesme jour que le mesmes messager m'en a rendu une aultre de Vostre Majesté, du dernier de janvier, sur laquelle j'espère que vous trouverés, Sire, que je vous y ay desjà respondu, et en grand partye satisfaict, par les miennes deux précédentes, du xe et xiiie du présent; de sorte que, avant y adjouxter rien davantaige, j'estime estre bon que je voye ceste princesse et les siens, affin que, par ung mesme moyen, je puisse cognoistre comme ilz demeurent édiffiés des dictes dernières lettres, et si celles, qui leur sont venues en mesmes temps de Flandres, ont admené nulle mutation, et qu'est ce que, sur les unes et les aultres, je vous pourray escripre de leur intention.

Ceste princesse avoit dépesché, vendredy heut huict jours, un mandement aux maire et chérifz de Londres pour faire exécuter le lendemein matin le duc de Norfolc; mais, meue de repentance, sur les unze heures de nuict elle leur contremanda qu'ilz supercédassent la dicte exécution jusques à ce qu'ilz heussent aultre mandement d'elle. Quelques ungs arguent ceste sienne clémence vers le dict duc, et y aura bien affaire qu'elle n'en soit destournée, sinon que, possible, quelque peu de faveur, que les docteurs, qu'on luy a envoyés, luy ont acquise, le saulvent; qui ont assuré qu'on l'avoit à tort souspeçonné d'estre feinct en sa religion, et qu'il est très ferme protestant. Sur ce, etc.

Ce xixe jour de febvrier 1572.

A la Royne.

Madame, premier que d'adjouxter rien à ce que je vous ay desjà escript des principaulx poinctz qui se trettent, en France et icy, entre Voz Majestez et ceste princesse, tant de l'allience que de la confédération, j'estime estre besoing que je voye, de rechef, la dicte Dame et ses deux conseillers, de sorte que, pour ceste foys, je vous supplieray très humblement, Madame, estre contante de ce peu que je mande présentement en la lettre du Roy. Et adjouxteray seulement, icy, touchant ce que les Srs Smith et Quillegrey ont dict: que la Royne, leur Mestresse, sçavoit bien que j'avoys esté meslé ez brigues et menées du duc de Norfolc, mais qu'elle le vouloit ignorer; que je ne puis estre marry qu'elle ayt faict une diligente recherche sur moy, car, encor qu'elle ayt cogneu que je n'ay pas esté toutjour endormy à descouvrir les choses d'importance, qui ont peu tourner à quelque conséquence de vostre service en ce royaulme, si a elle trouvé que je ne me suis jamais entremis de pas une qui ne soit honneste et digne de ceste charge, et qui puisse, peu ny prou, estre interprétée contre l'amityé et les trectés qu'elle a avec Vostre Majesté. Et, encor que l'évesque de Roz et les secrettères du dict duc puissent avoyr dict que j'ay sceu l'entreprinse, que les filz du comte Dherby et ceulx de Lanclastre vouloient faire pour mettre la Royne d'Escoce en liberté, il n'a peu toutesfoys, quand il eut esté ainsy, estre décent ny convenable à mon debvoir de le réveller, car ce eust esté procéder maladroictement, d'incister, d'un costé, à la restitution et liberté de la dicte Dame, sellon que Voz Majestez me le commandoient, et de la vouloir empescher, de l'aultre. Aussy la Royne d'Angleterre mesmes et ses conseillers justiffient en telle sorte mes déportemens, qu'elle et eulx m'ont remercyé de n'avoir heu intelligence avec Ridolfy sur les praticques de la rébellion, ayant luy mesmes escript qu'on me les tînt secrettes, affin que je ne les mandasse en France; qui a esté cause de faire prendre à ceste princesse la confiance que l'on voyt qu'elle a aujourd'huy de Voz Majestez. Et est très certein, Madame, que je n'ay jamais rien sceu icy que je ne le vous aye incontinant mandé, ny ne y ay rien faict que Voz Majestez ne me l'ayent commandé, ny rien atempté qui ayt peu gaster vostre service ou réfroidir ceste princesse de vostre amityé, ainsy que les choses du passé, et celles du présent en font assez de foy; vous remercyant très humblement, Madame, de l'honneur que Voz Majestez me font de croyre que je n'ay jamais excédé les choses qu'elles m'ont escriptes: en quoy, à la vérité, je y ay esté si scrupuleux que j'ay toutjour mieulx aymé demeurer dans les termes d'icelles que de les outrepasser d'ung seul mot, bien que, par voz lettres du iiie du passé, il semble, Madame, qu'on vous en ayt voulu parler aultrement, sur quelque propos que Me Smith avoit tenus. Et sur ce, etc.

Ce xixe jour de febvrier 1572.

CCXXXVIIe DÉPESCHE

—du xxiiiie jour de febvrier 1572.—

(Envoyée jusques à Calais par Marc Brouard.)

Audience.—Négociation du traité d'alliance.—Affaires d'Irlande.—Demande adressée par l'ambassadeur à la reine d'une explication sur les reproches qui lui sont faits au sujet du duc de Norfolk.—Négociation des Pays-Bas.

Au Roy.

Sire, à ces premiers jours de caresme, j'ay esté visiter la Royne d'Angleterre et les seigneurs de son conseil, pour voyr en quoy, après la dépesche que Me Smith leur avoit faicte, du xxxe de janvier, ilz continuent d'estre vers les choses du trecté; et ay trouvé, Sire, que ce que le dict Sr Smith leur a ceste foys escript, qui est, ainsy que je l'ay peu comprendre de eulx mesmes, fort conforme aux mémoires que Vostre Majesté m'a envoyés, ne leur fera rien changer en leurs précédentes responces.

Et m'a la dicte Dame assez donné entendre que tout ce que, attandant icelles, le dict Sr Smith avoit mis en avant à messieurs voz depputés n'avoit esté que pour remplir le temps, affin que Vostre Majesté ne pensât qu'il y eût réfroydissement du costé d'elle, et qu'elle n'aprouvoit pas beaucoup qu'il heût tant débatu, comme il a, le faict des marchandz, car luy sembloit matière non assez digne pour estre insérée dans le trecté, sinon en article général, pour accorder le commerce bon et libre entre les deux royaulmes avec promesse de favorable trettement aux mutuelz subjectz, et que les aultres condicions fussent réservées pour ung aultre escript, à part; me confirmant, comme aussy les seigneurs de son conseil me l'ont confirmé, qu'elle a envoié ung expécial pouvoir au dict Sr Smith pour contracter, et une bien ample instruction pour accorder premièrement à la ligue deffencive, avec expéciffication du mot de religion, si faire se peut, ou sinon d'avoyr au moins promesse de vostre mein, Sire, que vous n'entendés que la cause ny le prétexte d'icelle en soyent exclus; segondement, que le secours soit aux frays de celluy qui le demandera, et en la forme qui, d'autres foys, a esté convenu entre les feux Roys, vostre ayeul et le père d'elle, ou le plus sellon cella qui se pourra faire; que l'Escoce et les Escoçoys soient comprins au dict tretté avec la confirmation de l'ancienne alliance de vostre couronne; en quoy sera bon, Sire, se souvenir que ceste princesse soit tenue de retirer la garnison qu'elle a ès deux chasteaux de Humes et de Fascastel, qui sont dans la frontière du dict pays; et que Vostre Majesté s'esforce de gaigner le plus de soulagement qu'il luy sera possible ez affères de la Royne d'Escoce; finalement que le commerce, comme est dict cy dessus, soit mutuellement promis. Qui sont quatre articles, sur lesquelz, sans rien plus attandre du costé de deçà, le dict trecté se pourra fort bien et fort honnorablement conclurre.

La dicte Dame a monstré qu'elle craignoit beaucoup que le cardinal Alexandrin, à son arrivée, troublât tout cest affaire, et non seulement cestuy cy, mais la paix de vostre royaulme, et, possible, toute celle de la Chrestienté; car sçait, à ce qu'elle dict, qu'il s'est vanté d'avoir en France où pouvoir bien fonder l'effect de ses intentions, et qu'elle prioit Dieu que ce fust sur ung fondement de sable.

Je luy ay respondu que malayséement vouldra le dict sieur cardinal troubler, à ceste heure, ce qui se trouve de paix en la Chrestienté, pour ne faire trop beau jeu au Turc, ains plustost exorter tous les princes de l'Europe de s'unyr contre le commun ennemy du nom chrestien; et qu'au regard d'elle, vous estiez si déterminé d'embrasser, pour tout le temps de vostre règne, l'amytié qu'elle vous offroit, et luy rendre la vostre très assurée, et la plus utile, et pleyne de proufit qu'il vous seroit possible, qu'il n'y avoit rien qui vous en peust destourner que le seul manquement de correspondance, si, d'avanture, vous en trouviés en elle.

A quoy elle m'a soubdein respondu qu'elle persévèrera indubitablement en vostre amytié, aultant qu'elle sera en vye, si le deffault ne vient de vostre costé: bien avoit à vous faire maintenant entendre l'audition d'ung gentilhomme irlandais, que les comtes d'Ormont et de Guildas avoient naguières prins, et l'avoient fort dilligemment examiné; lequel parloit fort bon françoys, et avoit servy longtemps le capitaine La Roche de Bretaigne, qui l'avoit quelquesfoys dépesché devers Mr le cardinal de Lorrayne, et encores envoyé jusques à Rome; qui avoit conduict la pluspart des entreprinses de Fitz Maurice; et déposoit plusieurs choses qu'elle mandoit au dict Sr Smith pour les vous déclarer.

Je luy ay respondu, tout à ung mot, que c'estoit ung affaire, sur lequel Vostre Majesté luy avoit desjà une foys satisfaict, et que je m'assurois que luy satisferiez encores plus amplement.

Elle a suivy à dire que le dict capitaine La Roche avoit néantmoins encores, de présent, de ses soldatz françoys dedans ung fort d'Yrlande; mais ne s'est guières arrestée à cella, ains a passé à me toucher des entreprinses qu'il sembloit que le Roy d'Espaigne heût sur le dict pays: en quoy, avec une expression non feinte, ains pleyne d'ung apparant regret, elle m'a dict que l'ambassadeur d'Espaigne, qui estoit icy, avoit ung malheureux tort de l'avoir mal meslée avec le Roy, son Mestre, car vouhoit à Dieu qu'elle n'avoit jamais prétendu de luy retenir son argent, ains de le luy conserver entièrement, comme elle n'y avoit encores nullement touché. Et m'a semblé, Sire, que je luy ay cogneu un grand desir de s'accomoder avec le dict Roy d'Espaigne, m'ayant la dicte Dame rendu ung fort expécial grand mercys de ce que j'avois toutjour bien entretenu l'amityé d'entre Vostre Majesté et elle, et qu'elle me prioit de continuer.

Je luy ay respondu que mon office n'avoit pas beaucoup esté requis en cella, parce que la disposition y avoit toutjour esté très bonne, de vostre propre volonté, néantmoins que je la remercyois très humblement du bon jugement qu'elle en faisoit, qui sembloit que ses ambassadeurs en France ne le fissent semblable, car disoient qu'elle sçavoit, mais monstroit d'ignorer, que j'avois esté meslé ez brigues du duc de Norfolc; à quoy je m'estois desjà, par plusieurs foys, offert et me offrois, de rechef, à elle pour luy en donner toute satisfaction, et luy faire voyr que je n'avois jamais uzé d'aulcung déportement en son royaulme, qui ne fût honneste et juste, ny Vostre Majesté n'avoit procédé de si maulvaise foy vers elle que m'eussiez commandé de luy annoncer paix et amityé de parolle, et luy procurer mal et la rébellion de ses subjectz par effect.

Elle, s'estant prinse à rire, m'a dict que les lettres de la Royne d'Escoce et celles de Ridolfy me justiffioient assez touchant la rébellion; bien estoit vray que ceulx, qui estoient en prison, m'alléguoient en quelques aultres choses par leurs dépositions, qui n'estoient tant importantes, dont m'en parleroit une aultre foys. Et, après avoir continué plusieurs aultres propos de diverses matières, et bien agréables, je me suis gracieusement licencié d'elle.

Je viens d'entendre que les depputez de Flandres, sur une nouvelle dépesche du duc d'Alve, ont présenté, dès lundy dernier, nouveaulx articles à la dicte Dame, et que, sur iceulx, le conseil s'est desjà assemblé par trois foys; et, nonobstant que les trente jours de la publication de la vente des marchandises soient expirés, l'on supercède encores de les vendre. Sur ce, etc.

Ce xxive jour de febvrier 1572.

CCXXXVIIIe DÉPESCHE

—du dernier jour de febvrier 1572.—

(Envoyée jusques à Calais par Jehan Volet.)

Détails circonstanciés sur la négociation des Pays-Bas.—Vives remontrances adressées par Fiesque à la reine d'Angleterre au nom du roi d'Espagne.—Réponse d'Élisabeth aux remontrances.—Rapport fait à son retour par sir Raf Sadler, commis à la garde de Marie Stuart pendant le procès.—Nouvel ordre donné pour l'exécution du duc de Norfolk, et nouvelle révocation de cet ordre.

Au Roy.

Sire, il n'a guyères tardé, après que messieurs les ambassadeurs d'Angleterre ont heu accusé de négligence le Sr de Sabran, qu'ilz n'ayent heu occasion de se louer de sa dilligence, car, sur l'heure qu'ilz estoient à se plaindre à Vostre Majesté du retardement de leurs pacquectz, ilz ont trouvé que c'estoit lors proprement qu'on leur avoit desjà dépesché d'icy la responce, laquelle a esté si prompte et si entière qu'il ne se fault prendre que à eulx et, possible, au temporisement qu'on leur peut secrettement avoir mandé de ceste court, si maintenant ilz n'ont du tout conclud le trecté; assurant, icelluy de Sabran, qu'il n'a, à son retour, séjourné qu'ung seul jour, et quelques peu d'heures d'ung aultre, à Paris, pour attandre une partie de mille escuz qu'on a envoyé à la Royne d'Escoce, qui faysoit tant de besoing à ceste pouvre princesse, que vous l'ayant, le dict Sr de Sabran, dict à son partement, Voz Majestez luy ont commandé de s'en charger. Et, quand il a esté à Callays, je sçay que nul, devant luy, n'a passé deçà, de sorte qu'il n'y a point de faulte de son costé; qui vous promectz bien, Sire, que je ne l'en vouldrois nullement excuser. Mays les dicts ambassadeurs sont aussi excusables, si, sur l'arrivée de monsieur le légat, ilz vous ont vollu monstrer qu'il y avoit une si bonne disposition, de leur costé, vers la conclusion du dict tretté, qu'il n'y manquoit que la dilligence des courriers.

Or, pendant que la Royne, leur Mestresse, est à attandre ce qu'ilz auront négocié sur les deux dépesches qu'elle leur a, là dessus, dernièrement faictes, et de sçavoir aussy qu'est ce que, d'aultre costé, auront advancé ses agentz qu'elle a envoyé devers les Escoçoys, elle a occupé le temps à tretter des différendz des Pays Bas.

Sur lesquelz, de tant que les depputés de Flandres ont veu que la publication de la vente des marchandises alloit en avant, sans qu'on heût esgard à leurs remonstrances; et que, touchant les deniers, l'on ne vouloit recepvoir ce qu'ilz en proposoient au nom du Roy d'Espaigne, ny ouyr le Sr Fiesque, quand il en vouloit parler au nom des Gènevois, parce qu'on luy objectoit qu'il estoit trop faict de la mein du duc d'Alve et trop bien instruict de l'ambassadeur d'Espaigne, qui résidoit icy, pour vouloir avoir rien à faire avecques luy, icelluy Fiesque a trouvé moyen de faire remonstrer vifvement aux seigneurs de ce conseil qu'il ne s'estoit cy devant entremis des dicts différendz que à la requeste des Angloys, et qu'avant qu'ung aultre heût recouvert les pouvoirs de tous ceulx qui y estoient intéressés, lesquelz il avoit desjà devers luy, il se passeroit encores plus de deux ans de terme; en quoy nul ne pouvoit ignorer que les marchandises ne fussent des subjectz du Roy d'Espaigne, ny nul ne debvoit doubter que les deniers n'eussent été envoyés, de son expresse commission, pour ses propres affères: dont failloit, à la fin, ou qu'il en fît la maille bonne, ou que la Royne d'Angleterre les rendît; et ce, qu'il en avoit dissimulé jusques icy, estoit parce qu'il estoit bien ayse de la démonstration, qu'elle avoit faicte, de ne l'avoir voulu tant offancer que de luy retenir ses deniers, si elle eût véritablement sceu qu'ilz eussent esté à luy; aussy qu'il avoit grand plésir que les particulliers se contentassent de l'obligation d'elle pour en demeurer d'aultant deschargé, mais à ceste heure que, ny en son nom, ny au nom des particulliers, l'on n'en pouvoit avoyr aulcune rayson, il ne vouloit croire qu'ung si grand Roy peût plus longuement comporter une si grande injure comme estoit celle là.

Et, pendant que ceulx de ce conseil ont esté à digérer ceste remonstrance, le Sr de Sueneguem a heu de quoy en adjouxter une aultre à la dicte Dame sur une lettre qu'il luy a présentée, de la part du duc d'Alve, en laquelle le dict duc la prie de croyre que le Roy, son Mestre, est merveilleusement marry qu'elle se soyt layssée conduyre par faulx rapport à de maulvayses persuasions de leur commune amytié, là où il met peyne de la conserver, de son costé, toutjour pure et parfaicte vers elle, avec très grand desir que tous ces nouveaulx différendz se puissent accorder par une mutuelle et amyable restitution; et que le commerce soit continué entre leurz pays et subjectz comme auparavant; ensemble, que leur ancienne allience et leurz trettés soyent renouvellés pour estre plus estroictement observés entre eulx qu'ilz ne l'ont jamais esté du temps de leurs prédécesseurs, la priant de vouloir correspondre à ceste bonne intention du dict Roy Catholique. Et icelluy de Sueneguen a adjouxté qu'il espéroit qu'elle n'auroit mal agréable que luy, qui estoit icy pour procurer le dict accord, la suppliast très humblement de vouloir bien peser ceste bonne volonté d'ung si grand Roy, son bon frère et ancien allié, et de ne l'avoir à mespris; et qu'il confessoit bien que, par parolle et par plusieurs démonstrations d'ordonnances et d'édictz, elle luy avoit toutjour très bien gardé la paix, mais en effet l'on ne pouvoit interpretter que la retrecte, que les rebelles de Flandres avoient par deçà, et ce, qu'ilz sortoient de ses portz pour aller piller sur mer les subjectz de son dict Mestre, et mesmes faire des descentes en armes en ses pays, puis transporter le pillage par deçà, ne fût une guerre tout déclarée et ouverte contre luy.

A quoy la dicte Dame, à ce que j'entendz, a respondu qu'elle n'avoit jamais, sur simples parolles ny sur rapportz, receu aulcune male impression du Roy, son Mestre, jusques à ce qu'elle en avoit senty les effectz par le favorable recueilh qu'il avoit faict avoir en Flandres à ses rebelles, et le crédict qu'il avoit donné à Estuqueley; et que, nonobstant cella, elle avoit toujour persévéré en sa bonne intention vers luy, et avoit faict, et feroit encores, son debvoir contre les pirates, de les chasser de ses portz; et mesmes, l'ayant le prince d'Orange faicte requérir de déclarer que les prinses, que les siens feroient en mer sur les subjectz du Roy d'Espaigne, fussent tenues pour bonnes en ce royaulme, comme de prince aussy souverain ez terres qu'il a en Allemaigne, comme le Roy d'Espaigne l'est ez Pays Bas, elle ne l'avoit voulu faire, dont ne se trouveroit qu'elle heût de rien manqué, ny qu'elle fût pour manquer du debvoir d'amityé vers le dict Roy, son Mestre, s'il ne tenoit à luy; et, quand aux particullarités de la lettre du duc d'Alve, et certains aultres articles qu'il luy présentoit de nouveau, qu'elle feroit voyr le tout à ceulx de son conseil pour luy en faire avoir, du premier jour, la responce.

Là dessus, Sire, la dicte Dame a faict mettre en liberté le mestre d'ostel de l'ambassadeur, lequel s'attend de porter la dicte responce au dict duc d'Alve; et a envoyé à Douvre intimer nouvelles deffences aux gens du prince d'Orange. Néantmoins l'on commancera, dans deux ou troys jours, à vendre les marchandises, et desjà sont arrivés aulcuns Hespagnols et Flammans pour les retenir pour le pris, nonobstant la deffence, que le duc d'Alve a faicte en général à tous les subjectz du Roy, son Mestre, de n'y employer nulz deniers; mais l'on estime que ceulx cy ne sont venus sans secrette permission du dict duc.

Avec le dict affaire des prinses ceste princesse en a heu à proposer ung aultre, à ceulx de son conseil, du rapport que sir Raf Sadeller luy a faict de la Royne d'Escoce, à son retour de la garder; qui, à ce que j'entendz, a parlé assez honnorablement de sa constance, de sa pacience et de ses aultres vertus; de sorte que la dicte Dame a dict que cella estoit de divin, en la parolle et en la présance de la dicte Royne d'Escoce, que l'ung et l'aultre contreignoit ses propres ennemys de dire bien d'elle. Mais il a parlé aussy de la grandeur de cueur qu'il a cognu en elle, et de la ferme espérance, en quoy elle persévère toutjour, de la succession de ceste couronne, au cas que la Royne sa cousine n'ayt point d'enfans, nonobstant les troubles qu'on luy faict: de quoy ceulx qui luy sont adversayres ont esté bien fort esmeus, et cella a cuydé advancer les jours au duc de Norfolc affin d'afoyblir d'aultant son party, ayant la dicte Dame expédié ung nouveau mandement, mardy dernier, pour le faire exécuter le mècredy matin; mais meue, encore ceste foys, de repentance, elle a contremandé, sur les deux heures devant jour, qu'on supercédât. Et sur ce, etc.

Ce xxixe jour de febvrier 1572.

CCXXXIXe DÉPESCHE

—du viiie jour de mars 1572.—

(Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Beauvergier.)

Arrivée de Mr Du Croc à Londres.—Audience.—Refus d'Élisabeth de permettre à la reine d'Écosse de se réfugier en France, et à Mr Du Croc de se rendre auprès d'elle.—Communication d'une lettre écrite par Marie Stuart au duc d'Albe, et qui a été interceptée.—Irritation de la reine d'Angleterre contre Marie Stuart.—Espoir de l'ambassadeur qu'il sera permis à Mr Du Croc de passer en Écosse.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Alençon.—Éloignement d'Élisabeth pour ce mariage.

Au Roy.

Sire, le premier jour de mars, Mr Du Croc est arrivé en ce lieu, et le lendemain, nous avons envoyé demander audience, laquelle nous a esté octroyée pour le quatriesme ensuyyant, et despuis a esté prolongée au ve; auquel il a, avec les lettres de Voz Majestez et de Monseigneur, présenté les recommandations de tous troys, et encores celles de la Royne Très Chrestienne et de Monseigneur le Duc, à la Royne d'Angleterre, et luy a, par ung bon ordre, et en très bonne façon, faict sagement entendre l'occasion de sa dépesche, avec toutes les particullarités que luy avez commandé de luy dire, sellon qu'il les a par son instruction.

Sur quoy, ayant la dicte Dame, ainsy que de coustume, fort bien receu, et avec son grand contantement, la salutation des cinq, et s'estant soigneusement enquise du bon portement d'ung chacun d'eux, elle a, quand au contenu des lettres et de la créance d'icelles, respondu qu'encor qu'elle n'eût heu aultre indice de ce voyage, que seulement sçavoir que Mr Du Croc estoit dépesché, elle heût toutjour jugé que c'estoit pour les affères de la Royne d'Escoce, desquelz elle oyoit fort mal volontier parler, et néantmoins avoit plésir que luy, plustost qu'ung aultre, fust employé en cest endroict, pour les bons déportemens dont, estant d'aultresfoys vostre ambassadeur en Escoce[23], bien qu'il fust assez de la mayson de Guyse, il avoit toutjour uzé près de la dicte Dame, à luy faire plusieurs sages et bien vertueuses admonitions, qu'elle se trouveroit maintenant bien heureuse de les avoyr ensuyvies, et qu'elle ne pouvoit espérer que les semblables bons et bien louables offices de luy, quand il seroit maintenant devers les Escouçoys; ausquelz elle avoit desjà envoyé le maréchal de Barvick, sellon que eulx mesmes l'en avoient requise, et attandoit, dans deux jours, nouvelles de luy, sans lesquelles elle ne nous pouvoit rien signiffier de son intention; par ainsy nous prioit d'avoir, pour ce regard, ung peu de pacience; et quand à permettre au dict Sr Du Croc de passer devers la dicte Dame, ou octroyer à Vostre Majesté qu'elle se peût retirer en France, qu'il luy estoit encores tombé entre les meins ung nouveau advertissement, lequel elle nous communicqueroit, par où elle se trouvoit admonestée de ne le debvoir aulcunement consentyr.

Et sur ce, ayant tiré un papier de sa pochète, nous a monstré que c'estoit un chiffre, lequel nous avons recognu estre véritablement signé de la main de la Royne d'Escoce, et après, elle nous a leu une partie du déchifrement, qui s'adressoit au duc d'Alve, par lequel elle l'exortoit se haster de conduyre des navires en Escoce pour se saysir du Prince son filz, comme chose qui luy seroit aysée; et avec lequel elle se commettoit au Roy d'Espaigne; puis luy faysoit quelque discours de la bonne part qu'elle avoit en ce royaulme et des seigneurs qui y favorisoient son party; desquelz, encor que aulcuns fussent prisonniers, la Royne d'Angleterre toutesfois n'ozoit toucher à leur vye; et donnoit espérance à icelluy duc que, par ce moyen, toute ceste isle viendroit estre quelquefoys réduyte à la religion catholique.

Sur lequel déchifrement la dicte Dame s'est prinse à nous faire de bien aygres discours, non du tout semblables à ceulx que Me Smith a cy devant tenus à Voz Majestez touchant la dicte Royne d'Escoce, mais non aussy trop dissemblables d'iceulx, avec une commémoration des entreprinses qu'elle a voulu faire pour priver la dicte Royne d'Angleterre et de vye et d'estat; et qu'elle s'assuroit que, quand vous auriez, Sire, aultant d'expérience des dangers du monde, comme les ans, qu'elle avoit plus que vous, luy en avoient apprins, que vous ne la vouldriés requérir de mettre en aultruy mein le seul remède, que Dieu luy avoit envoyé aux siennes, de sa propre seurté; et qu'elle croyoit ou que vous n'aviez pas leu la lettre que luy aviez escripte, quand vous l'aviez signée, ou qu'il ne vous souvenoit plus de ce que, cy devant, Vostre Majesté mesmes luy avoit escript.

Le dict Sr Du Croc et moy avons réplicqué toutes les choses qu'avons estimé pouvoir estre bonnes à obtenir l'effect de vostre intention, y meslant le respect que Vostre Majesté veult toutjour garder à l'amityé de la dicte Royne d'Angleterre; et enfin, nous sommes fort gracieusement licenciés d'elle, avec peu d'espérance, à la vérité, qu'il puisse voyr, pour ceste foys, la dicte Royne d'Escoce, ny qu'elle soyt renvoyée en France, mais bien qu'il puisse continuer son voyage vers les Escouçoys, aussitost que les lettres du maréchal Drury seront arrivées; et que l'accord des dicts Escouçoys est pour succéder, avec confirmation de l'allience qu'ilz ont avec Vostre Majesté. Et sur ce, etc.

Ce viiie jour de mars 1572.

A la Royne.
(Lettre à part.)

Madame, ayant, mècredy dernier, prins la commodité, en la chambre de la Royne d'Angleterre, de tirer à part milord de Burgley pour luy parler du propos de Monseigneur le Duc, il m'a dict que, sur ce que la dicte Royne, sa Mestresse, avoit naguyères voulu lyre elle mesmes les dernières lettres qui sont venues de Me Smith, lesquelles en faisoient mencion, il avoit heu assez ample argument d'en tretter en termes bien exprès avec elle. Laquelle luy avoit respondu en diverses sortes bien différentes, qui néantmoins estoient toutes fort honnorables pour le propos, et encores plus pleynes d'honneur pour celluy de qui on le tenoit, mais elles renouvelloient les mesmes difficultés de l'eage; qui avoient esté très grandes en l'endroict mesmes de Monseigneur; lesquelles avoient esté surmontées par la haulteur de la taille de luy, et par l'espreuve qu'il avoit monstrée de son bon sens, mais elles se présentoient encores trop apparantes en Monseigneur le Duc, et avec tant de disproporcion des ans, entre elle et luy, qu'il me vouloit bien dire tout franchement que, sur ce que jusques icy il en avoit de luy mesmes mis en avant à la dicte Dame, et sur ce qu'il luy en avoit faict voyr par les lettres de Me Smith, il ne l'avoit jamais trouvée en disposition aulcune qu'il m'en voulût faire rien espérer, mais aussy ne m'en vouloit il oster l'espérance; car Mr de Quillegrey pourroit aporter telle chose qui seroit pour faire bien acheminer le tout. Je n'ay rien obmis, Madame, de ce qui a peu rendre très desirable pour la Royne, sa Mestresse, pour ce royaulme, et pour le mesmes milord de Burgley, le party de Mon dict Seigneur le Duc, aultant que de prince du monde, et y ay adjouxté, comme de moy mesmes, les grandes et advantageuses offres que le cardinal Alexandrin vous a faictes pour Monseigneur et pour luy, et les inconvénientz qui pourroient advenir, si ce propos n'estoit bien tost et bien receu; mais il m'a respondu qu'il n'y voyoit, pour ceste heure, aultre remède que d'attandre ce que Mr de Quillegrey porteroit, si, d'avanture, je voulois avoir pacience de ne vous rien escripre de ce faict jusques à ce qu'il fût arrivé. Mais, Madame, j'ay estimé qu'il ne pouvoit nuyre que vous fussiés promptement advertye du tout, car nul n'en sçaura uzer plus discrettement, ny avec moyens plus prudentz, que fera Vostre Majesté. Sur ce, etc.

Ce viiie jour de mars 1572.

CCXLe DÉPESCHE

—du xiiie jour de mars 1572.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Refroidissement de la reine d'Angleterre à l'égard de la France.—Sa colère contre Marie Stuart.—Promesse faite par Burleigh à Mr Du Croc qu'il lui sera permis de passer en Écosse.—Défaite des révoltés en Irlande.—Négociation des Pays-Bas.

Au Roy.

Sire, le chiffre, que la Royne d'Angleterre a monstré à Mr Du Croc et à moy, semble véritablement estre signé de la mein de la Royne d'Escoce, et ne veulx trop doubter qu'elle ne l'ayt escript au duc d'Alve; mais que le déchiffrement soit tel qu'elle le nous a leu, ou bien qu'il soyt suposé, de tant que c'est chose que je ne puis bonnement vériffier, il m'en fault passer par là où ceulx, qui manyent icy les affères, le veulent. Et cependant je fay le mieulx que je puis pour remédyer à deux inconvéniantz qui sont provenus de là: le premier est que, pour la ferme impression qu'on en a donné à la dicte Royne d'Angleterre, laquelle est facille de prendre toutjour au pis tout ce qui vient de sa cousine, elle m'a renouvellé en son cueur une si grande hayne et une si grande indignation contre ceste pouvre princesse, qu'il est aysé à voyr que ses pensées et ses dellibérations sont devenues plus extrêmes en son endroict, qu'elles n'ont encores jamais esté; le segond, lequel n'est pas moindre, est que, pour ceste occasion, elle a interprété en très mauvaise part l'instance que luy avez faicte, par voz lettres, de remettre la dicte Royne d'Escoce ez meins de Vostre Majesté, de sorte que, joinct ce qu'on luy a dict que, contre la promesse que luy aviez faicte de ne permettre que milord de Flemy passât des gens de guerre en Escoce, il en embarquoit, ce néantmoins, bon nombre à St Malo, elle a commancé se deffier beaucoup de la conclusion du tretté, et doubter grandement de vostre bonne intention vers elle; dont a proposé à ceulx de son conseil que, de tant qu'elle vous avoit faict donner compte, par ses ambassadeurs, du grand nombre d'offances qu'elle a à se douloyr de la Royne d'Escoce, par où elle espéroit que vous vous déporteriés d'intercéder plus pour elle, et que néantmoins vous luy en aviez ceste foys escript, et faict parler par Mr Du Croc, en termes plus exprès que, six moys a, vous ne l'aviez faict, chose qui ne pouvoit compatyr avec la sincérité des propos qui se trectoyent entre vous, qu'ilz voulussent adviser comme pourvoir si seurement à ses affères qu'elle n'en peût tomber en danger.

Sur quoy je ne sçay encores, Sire, ce qu'ilz luy auront conseillé de faire, mais j'ay mis peyne, et envers elle, et envers eulx, de modérer ceste sienne tant soubdeine apréhension, affin qu'elle ne passe trop avant contre la dicte Royne d'Escoce, et qu'elle demeure du tout estaincte en l'endroict des aultres choses qui se trettent entre Voz Majestez et voz deux royaulmes. En quoy je n'ay rien obmis de ce que, pour la seureté de vostre parolle, et vérité de voz promesses, je leur ay peu offrir, jusques à leur engager ma vye, qu'ilz n'y trouveront jamais que toute sincérité et parfaicte confience, et que ce que Vostre Majesté leur avoit proposé maintenant, de la Royne d'Escoce, estoit par la contreincte d'ung honneste debvoir que eulx mesmes sçavoient bien que vous aviez vers elle, et duquel vous estiez infinyement pressé par ses parans et par ses bons subjectz, et encores par d'aultres princes et estatz; dont c'estoit à la Royne d'Angleterre de monstrer, à ceste heure, si elle vouloit avoyr aultant d'esgard à ce qui est de vostre réputation en cest endroict, comme vous proposiez de maintenir doresenavant ce qui seroit à jamais de l'honneur et dignité d'elle en toutes les partz de la Chrestienté. Et Mr Du Croc a envoyé faire semblables bons offices, de sa part, vers milord de Burgley, lequel nous a mandé beaucoup de diverses choses du malcontantement de sa Mestresse, mais enfin il nous a asseuré qu'aussytost que les nouvelles que, d'heure à aultre, ilz attandoient d'Escoce, seroient arrivées, et que les seigneurs de ce conseil auroient advisé avec le dict Sr Du Croc de la manyère qu'il fault procéder par dellà, que la dicte Dame luy bailleroit son passeport pour s'acheminer.

J'entendz, Sire, que, en Irlande, les saulvages ont heu du pire, et que les Angloys les ont batus en ung rencontre, où la principalle deffaicte est tumbée sur les Escouçoys qui les estoient venus secourir. Au regard des différendz des Pays Bas, les Srs de Sueneguen et de Fiesque estantz, dimenche dernier, venus ouyr la messe et prendre leur diner, en mon logis, m'ont dict que l'on estoit maintenant à regarder sur le faict des deniers, mais qu'ilz n'avoient poinct d'espérance qu'on en peût sortir que à l'angloyse; et n'ont pas passé plus avant. Sur ce, etc.

Ce xiiie jour de mars 1572.

CCXLIe DÉPESCHE

—du xviiie jour de mars 1572.—

(Envoyée exprès jusques à la court par mon secrettaire Joz.)

Rupture du traité préparé en Écosse par Élisabeth.—Plaintes contre les secours arrivés de France en Écosse.—Saisie des papiers de lord Seton.—Mission de Mr Du Croc.—Discussion entre les seigneurs du conseil Mr Du Croc et l'ambassadeur.—Déclaration du conseil que le passeport pour l'Écosse ne peut pas être accordé à Mr Du Croc, et que la reine préfère avoir la guerre avec la France et l'Espagne que de rendre la liberté à Marie Stuart.—Retour de Quillegrey.—Changement que produit son rapport dans les délibérations du conseil.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Alençon entre l'ambassadeur, Quillegrey, Burleigh et Leicester.—Mémoire général, Affaires d'Écosse.—Nécessité de procéder sur-le-champ en France à un traité avec l'Angleterre pour la pacification de l'Écosse.—Conditions sur lesquelles ce traité doit être établi.—Négociation des Pays-Bas.

Au Roy.

Sire, ainsy que Mr Du Croc et moy nous attendions qu'il deût avoir son passeport, selon que la Royne d'Angleterre nous avoit faict espérer qu'aussytost qu'elle auroit receu des nouvelles d'Escoce elle le luy bailleroit, et milord de Burgley le nous avoit ainsy confirmé et promis, elle nous a faict appeller, samedy dernier, en son conseil, où, par les comte de Sussex, l'admiral Clinthon, milord Chamberland et le dict de Burgley, elle nous a faict dire que le mareschal Drury et mestre Randol, au lieu de luy escripre des nouvelles de dellà, ilz estoient eulx mesmes venus luy signiffier comme, par leur dilligence, ayant les Escoçoys esté conduictz bien avant en ung bon accord, et les condicions menées si près de la conclusion qu'il n'y restoit plus que d'en passer et signer les articles, sellon que ceulx des deux partys en avoient souvant donné la parolle et leur promesse par escript à la dicte Dame, milord de Sethon estoit lors arrivé, lequel avoit incontinent faict changer de volonté à ceulx de Lislebourg, et leur avoit tant faict rehaulser leurs demandes que les dicts Drury et Randol avoient esté contreinctz de les laysser là en leur trouble, et de s'en retourner; dont aussytost qu'ilz avoient esté icy, la dicte Dame avoit faict mettre la matière en dellibération de conseil devant elle, auquel ayant esté considéré qu'il n'y avoit pas longtemps que le dict de Sethon estoit party de France, et que luy, du costé de Flandres, avec l'assistance du duc d'Alve, et milord de Flemy, du costé de Bretaigne, avec l'assistance, non de Vostre Majesté, car s'assuroient de la parolle que leur aviez donnée, mais avec celle de quelques aultres qui ont beaucoup d'authorité en vostre royaulme, passoient en ung mesmes temps en Escoce, et le dict Flemy y menoit, contre vostre deffence, ung bon nombre de soldatz en habits de mariniers, ainsy que leurs marchandz qui venoient de Bretaigne les en assuroient; considéré aussy que, par des lettres et des alfabetz, chiffres, mémoires, et encores par d'aultres choses d'importance, qui avoient esté surprinses dans le vaysseau du dict de Sethon, lequel, par temps contraire, avoit abordé en Suffolc, et luy s'estoit conduict, en marchand, jusques à Lislebourg, il se découvroit des menées qui monstroient clèrement que l'entreprinse n'alloit plus à remettre la Royne d'Escoce en sa couronne, mais à l'establir royne en ces deux royaulmes, et priver leur vraye royne et de vye et d'estat; sellon que le dict duc avoit desjà advancé dix mil escus contantz au dict de Sethon, et aultres dix mille à leurs rebelles, et avoit avec eulx, tant sur les lettres de la dicte Royne d'Escoce que avec icelluy de Sethon, comme ambassadeur d'elle, capitulé de l'exécution de la dicte entreprinse et de réduire toute ceste isle à la religion catholicque, ensemble d'avoir le Prince d'Escoce entre ses mains, et de soubmettre ces deux couronnes à la protection de celle d'Espaigne, en quoy l'armée qui est ordonnée pour le passage du duc de Medina Celli y debvoit estre employée; la dicte Dame avoit résolu, en son dict conseil, de ne passer plus oultre en rien qui fût de l'Escoce qu'elle ne vous heût informé, Sire, de tout ce dessus, et encores de quelque aultre particullarité qui espéciallement concernoit Vostre Majesté, tout ainsy que naguyères vous l'en aviez faict advertyr d'ung aultre, qui concernoit sa propre personne, de sorte qu'elle espéroit que vous demeureriés très bien satisfaict d'elle; et qu'elle layssoit au choys de Mr Du Croc ou de vous aller cependant retrouver, ou bien d'attendre icy vostre responce, et qu'ilz ne vouloient dissimuler que ce, que le dict Sr Du Croc avoit demandé, de voyr en passant la Royne d'Escoce, et l'instance, qu'ilz voyoient que Vostre Majesté faysoit, de la mettre en liberté, ne leur heût engendré quelque souspeçon; dont nous prioient ne trouver mauvais si, en ung cas si important comme cestuy cy, où il alloit de la vye de leur princesse, de la conservation de l'estat, et de garder la subversion de leur pays, ilz vouloient, estant conseillers, y procéder avec grande caution.

Mr Du Croc, ainsy prudemment comme est sa coustume, et avec une protestation, qu'il a confirmée par sèrement, de la sincérité de vostre bonne intention sur toutes les particullarités de sa commission, et qu'il n'y avoit rien de plus que ce qu'il avoit dict à la Royne, leur Mestresse, leur a remonstré qu'ilz ne debvoient prendre aulcune deffiance de son voyage, et moins le retarder; et qu'il les prioit, suivant ce qui en avoit esté convenu avec leurs ambassadeurs, qu'ilz le luy voulussent laysser acomplir. De ma part aussy, je ne pense avoir rien obmis, Sire, de ce qui a peu assurer iceulx seigneurs de tous les doubtes qu'ilz ont en leur esprit, et de leur monstrer par les mesmes accidens, qu'ilz nous allèguent, que ce voyage est non seulement fort expédiant pour l'Escoce, mais encores très nécessaire pour la France et pour l'Angleterre.

Tant y a qu'après qu'ilz nous ont heu, de rechef, amplement remonstré les grandz dangers et les périls qui leur estoient trop imminentz par le pourchas de la Royne d'Escoce, et que, lorsqu'ilz avoient pensé qu'elle s'en deût abstenir, c'estoit lorsqu'elle les en pressoit davantaige, ilz ne pouvoient conseiller nullement leur Mestresse qu'elle changeât, pour ceste fois, d'opinion; et nous vouloient bien dire librement qu'encor qu'ilz eussent toutjour loué à la dicte Dame de maintenir la paix avec tous les aultres princes, ses voysins, ilz luy conseilloient néantmoins de prendre plustost la guerre avec Vostre Majesté et avec le Roy d'Espaigne, tout ensemble, que de mettre la Royne d'Escoce en liberté.

Sur laquelle, leur tant opiniastre dellibération, Mr Du Croc et moy avons advisé de vous dépescher en dilligence ce mien secrettaire, affin que sçachés encores mieulx par luy les particullarités de ce dessus, et encores d'aultres que je luy ay données en charge, et que, par semblable dilligence, de luy mesmes, il vous playse nous faire entendre promptement vostre intention. Sur ce, etc.

Ce xviiie jour de mars 1572.

Par postille à la lettre précédente.

Comme je voulois fermer la présente, milord de Burgley m'a mandé que sa Mestresse et ceulx de son conseil avoient mieulx considéré noz raysons, et qu'après que vous auriés entendues les leurs, la dicte Dame dellibéroit de se remettre de cest affaire d'Escoce, en tout et par tout, à ce que vous vouldriés; et, là dessus, le Sr de Quillegrey est arrivé, lequel, à ce que j'entendz, a faict ung fort honnorable rapport, en toutes choses, de Vostre Majesté, de la Royne, vostre mère, et de tout ce qui est de vostre couronne, et a grandement loué la sincérité de voz intentions, et celle de voz actions, vers sa Mestresse et vers son royaulme, ensemble vostre libéralité vers luy, et vostre faveur et bon trectement vers les aultres ambassadeurs d'elle. Et luy mesmes nous est venu visiter, nous monstrer le présent, et nous donner espérance que Mr Du Croc obtiendroit sa permission de passer. Sur laquelle aparance de modération le dict Sr Du Croc a demandé à parler aux seigneurs de ce conseil, auxquelz il n'a rien obmis de ce qui les pouvoit induyre pour luy laysser continuer son voyage, mais enfin ilz luy ont dict que, s'il ne monstroit que par son pouvoir fût expressément porté de procurer l'accord des Escoçoys à la conservation de la Royne d'Angleterre et repos de son royaulme, chose qu'ilz estimoient ne pouvoir estre, sinon que tout le pays fût réduict à l'obéyssance du jeune Roy, qu'ilz persévéroient de vouloir faire entendre leurs raysons à Vostre Majesté, premier que de luy octroyer son passeport. Et m'a, d'abondant, le dict de Burgley mandé que sa dicte Mestresse estoit preste de respondre à ses ambassadeurs sur ce peu qui restoit encores de différand au trecté, sans m'expéciffier que c'estoit, et qu'elle seroit bien ayse de sçavoir si j'avois à luy en faire entendre quelque chose. Je luy ay respondu que j'atandois, d'heure en heure, quelque dépesche de Vostre Majesté, et qu'incontinent que je l'aurois receue, je l'yrois trouver.—Escript le xxe de mars 1572.

A la Royne.

Madame, aux précédents inconvénients, qui sont survenus à la Royne d'Escoce, cestuy cy, à ceste heure, ne luy est succédé petit, que milord de Sethon, voulant repasser de Flandres en Escoce, ayt esté jetté par tourmante en la coste de Suffolc, où, ayant prins le hazard de descendre et de se conduyre par terre en habit déguysé jusques à Lislebourg, il a pensé que son vaysseau, au premier bon vent, pourroit bien faire voyle, et se conduyre aussi à Abredin, ou en quelque aultre port de dellà; dont a layssé dedans ung sien page, avec ses papiers et chiffres, qui, bientost après, ont esté saysis par les officiers du lieu, qui sont allés recognoistre le dict vaysseau; lesquelz ont aussy arresté les hommes, les monitions, les armes et aultres provisions, qui y estoient, et ont apporté les dicts papiers en ceste cour, par lesquelz semble que les affères de ceste pouvre princesse et sa personne soient réduictz en plus grand danger que jamais. Dont, sur ce que la Royne d'Angleterre escript maintenant à ses ambassadeurs de remonstrer à Voz Majestez Très Chrestiennes, il est bien besoing, Madame, qu'il vous playse leur y faire des responces si mesurées que, n'aprouvant rien de ces menées de Flandres et mesmes de n'en estre moins offancés que la Royne d'Angleterre, vous ne monstriés pourtant de pouvoir trouver bon qu'on se preigne icy à la personne de la dicte Royne d'Escoce, ny qu'on dresse armée pour courre sus à ceulx de Lislebourg; et incister que le Roy, comme allyé principal de ceste princesse et des siens, doibve toujour estre appellé en tout ce qui s'entreprandra de ce costé là; et remonstrer que le voyage de Mr Du Croc, avec ung aultre depputé de la Royne d'Angleterre, est plus nécessaire que jamais, par dellà, tant pour interrompre ces praticques de Flandres que pour establir ung bon accord entre les Escouçoys; lesquelz ne fauldront d'y condescendre, de tous les deux partys, s'ilz voyent que le Roy y concourre. Le dict Sr Du Croc attendra icy ce qu'il plerra à Voz Majestez luy en mander par ce mien secrettère, qui s'en retournera en dilligence; et si, d'avanture, Madame, il faut qu'il repasse dellà pour prendre le chemin de la mer, il estime qu'il sera très oportun qu'il face une course devers Voz Majestez pour prendre nouvelles et plus certaines instructions sur tout ce qu'il aura à faire pour ces nouveaulx cas survenus; en quoy n'interviendra guyères que le retardement d'ung quinze jours. Sur ce, etc. Ce xviiie jour de mars 1572.

A la Royne.
(Lettre à part.)

Madame, depuis bien peu d'heures, le Sr de Quillegrey m'est venu trouver; lequel m'a dict que la Royne, sa Mestresse, reste merveilleusement bien satisfaicte et infiniement contante dans son cueur des honnorables propos qu'il a heu à luy tenir de la part de Voz Majestez Très Chrestiennes; et qu'encor qu'à ce premier coup, il ne luy ayt ouvertement, ny en termes exprès parlé du faict de Monseigneur le Duc, il pense néantmoins avoir si bien disposé la matière, qu'il ozera bien, la segonde foys qu'il parlera à elle, la luy proposer fort franchement; et s'esforcera de vous bien servir en cest endroict avec la sincérité qu'il vous a promise, et de me raporter, jour par jour, tout ce qui y succèdera à la vraye vérité, affin que je la vous puisse ordinairement mander; se sentant si abstreinct à ce debvoir, non seulement par l'obligation des faveurs et libéralités qu'il a receues bien grandes de Voz Majestez, mais encores pour le bien de la Royne, sa Mestresse, et de cest aultre encores pour une particullière affection qu'il a à la France, qu'il n'espargnera sa propre vye pour l'advancement du propos, et s'oposera, aultant qu'il luy sera possible, à ceulx qui sont cognus et remarqués icy pour Hespagnols, qui se préparent desjà de l'interrompre.

Je luy ay très grandement gratiffié ceste sienne bonne et vertueuse volonté, avec assurance qu'elle luy sera très abondantment recognue, et l'ay prié de se vouloir monstrer si dilligent et discret à l'effect que la chose ne puisse aller ny en longueur ny à la cognoissance de beaucoup de gens, jusques à ce qu'elle soit plus advancée. Despuis, j'ay envoyé devers milord de Burgley luy demander si, sur la venue de son beau frère, j'avois à faire entendre quelque chose à Vostre Majesté touchant ce qui estoit entre luy et moy; à quoi il m'a mandé qu'il failloit tirer ceste responce d'ung grand oracle, dont estoit besoing d'en parler au mesmes Apollo, et qu'il y falloit ung peu de temps. Le comte de Lestre, à qui le dict Sr de Quillegrey a communiqué le tout, et luy en avoit auparavant escript de Bloys, en hors, m'a envoyé signiffier aulcunes choses en général de sa singullière et très dévote affection vers Vos Très Chrestiennes Majestez et comme il est tout résolu de faire le voyage vers elles, me priant que j'en vueille continuer le propos à la Royne, sa Mestresse, la première foys que je l'yray trouver, en la bonne sorte que je l'ay desjà commancé.

J'espère, Madame, que, par mes premières, je vous pourray mander quelque chose de plus de fondement en cecy, sellon que je mettray aultant de dilligence, qu'il me sera possible, que n'en demeuriés longtemps en suspendz. Et sur ce, etc. Ce xviiie jour de mars 1572.

OULTRE LE CONTENU DES LETTRES,
Joz aura à dire à Leurs Majestez:

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