Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Quatrième: Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575
Que considéré les véhémentz propos, que ceulx de ce conseil ont tenu sur les lettres, mémoires et chiffres, qui ont nouvellement esté surprinses dans le navyre de milord de Sethon, et le regrect qu'on voit qu'ilz ont de n'avoir peu composer à leur mode les choses d'Escoce, il est très aparant qu'ilz se vuellent résouldre de favoriser et fortiffier ceulx du Petit Lith, et opprimer, autant qu'ilz pourront, ceulx de Lislebourg; lesquelz estantz à la protection du Roy, il ne peut estre à l'honneur de Sa Majesté de les habandonner, dont est danger qu'il ne s'en ensuive troys inconvéniantz tout à la foys: l'ung, de la continuation des troubles en Escoce, plus que jamais; l'aultre, d'une malle intelligence entre la France et l'Angleterre; et le tiers, d'ung grand péril pour la personne de la Royne d'Escoce; et, possible, un quatriesme, de s'embrouiller avecques le Roy d'Espaigne.
Pour à quoy obvier semble qu'il sera bon que le Roy, incontinant qu'il aura receu les présentes, face tretter à plein fons avec les ambassadeurs d'Angleterre de tout le faict d'Escoce, et leur incister que Mr Du Croc puisse parachever son voyage au dict pays, continuant son chemin par ce royaulme, sans faire ce tort au Roy de le contreindre de s'en retourner, et d'aller prendre son passage par ailleurs;
Et que mesmes, entre messieurs les depputez du Roy et les dicts ambassadeurs, soit convenu de la forme d'accord qu'ilz estimeront estre meilleur entre les Escoçoys; dont semble que celle là grèvera moins à iceulx Escoçoys et sera moins contradicte des Anglois, en laquelle sera ordonné, tant d'ung costé que d'aultre, ung certein nombre esgal de la noblesse au gouvernement du pays pour administrer toutes choses de l'estat, attandant le retour de leur Royne ou la majorité de son filz, sans faire mencion que ce fût ny soubz l'authorité d'elle, ny soubz l'authorité de luy, et mesmes ne nommer ny l'ung ny l'aultre, s'il est besoing; et qu'ung chacun soit remis en ses biens, honneurs et estatz, et les armes posées partout; et que, par ung commun consentement du Roy et de la Royne d'Angleterre, le dict Sr Du Croc, avec ung aultre, de la part d'elle, soyent envoyés sur les lieux pour notiffier le dict accord aux deux partys, et les contreindre de l'accepter, comprenant, par ce moyen, les ungs et les aultres avecques l'estat dans le trecté, avec expécialle confirmation aussi de l'allience de France.
Et par mesme moyen soit capitulé, avec les dicts ambassadeurs d'Angleterre, qu'attandant que les deux Roynes se puissent accorder de leurs différendz, il soit pourveu à celle d'Escoce de quelque plus gracieux trectement et plus ample liberté qu'elle n'a de présent, et de luy rendre ses serviteurs, et luy permettre ung ambassadeur en ceste cour pour solliciter ses affères, le tout à ses despens; en ce toutesfois qu'elle promettra de ne s'en aller de ce royaulme sans congé, ny d'innover rien en icelluy au préjudice de sa cousine, et de bailler, s'il est besoing, ostaiges et bonnes cautions de cella; et que ces choses soient accordées hors du traicté, si ne peuvent estre comprinses dans le traicté.
Je suis bien seurement adverty que, à l'occasion des papiers qu'on a surprins au Sr de Sethon, et de ce qu'on a raporté icy que milord de Flemy embarque des soldatz à St Malo, en habits de mariniers, et aussi entandant l'apprest de Mr de La Garde, l'on a ordonné en ce conseil d'armer promptement ung bon nombre de navires; et que, du premier jour, l'on en mettra troys des plus grandz dehors: en quoy, j'ay desjà envoyé sur les lieux recognoistre tout ce qui s'y fera, et, jour par jour, j'en donray adviz à Leurs Majestez.
Et cepandant, ayant soubz mein donné entendre, que l'apprest de Mr de La Garde n'estoit aulcunement contre chose qui appartînt à ce royaulme, ains plustost pour aller faire une descouverte en terres neufves; ung gentilhomme de bonne qualité, anglois, m'est venu remonstrer que, s'estant desjà proposé, avec le congé de sa Mestresse, de servir, à ses despens, le Roy en la première guerre qu'il aura contre quelque aultre prince que ce soyt, avec trente navyres, desquelz les vingt seront bons pour le combat, et les dix aultres fort propres pour courre la mer, avec moyen de mettre en terre deux mille hommes de guerre qu'il mènera, oultre le nombre ordinayre qu'il fault à la garde et conduicte de ses navyres, qu'il desireroit bien, à ceste heure, attandant le temps, d'accompaigner avec ung bon équipage de mer le dict Sr de La Garde et suyvre et obéyr à l'admiral de la flote, soubz les enseignes de France, en luy faisant part des gains de la mer comme à ung des aultres qui le suyvront; me priant fort instamment d'en vouloyr escripre au Roy, et luy en faire avoir promptement la responce.
Encor que, d'ung costé, la Royne d'Angleterre monstre d'estre fort offancée contre le duc d'Alve, elle ne laysse pourtant d'entendre, d'aultre part, aulx partis et expédians qu'il luy faict offrir pour accommoder les différendz des deniers, après celluy des marchandises; et, de faict, le Sr Acerbo Velutelly, en lieu du Sr Fiesque, lequel n'est plus agréable icy, en mène maintenant la praticque, et y a desjà procédé par plusieurs jours avec le comte de Lestre et milord de Burgley, au nom seulement des particulliers; mais je sçay que ce n'est sans en avoir charge et lettre expresse du dict duc d'Alve; et croy qu'on n'est, à présent, guyères loing d'accord; mais j'estime que c'est en layssant encores, pour quelque temps, les dicts deniers ez meins de ceste princesse, avec assurance du payement du principal, et encores de quelques petitz intérestz, au cas qu'elle les retienne plus longtemps qu'il ne sera convenu; ce que je mettray peyne d'entendre plus en particullier. Et cepandant, quant aus dictes marchandises, l'on procède toutjour de les vendre, ainsy que porte la proclamation, et a l'on pensé d'uzer encores de plus grande rigueur vers les subjectz du Roy d'Espaigne, si ceste vente ne suffit pour rembourcer les Angloys.
Le marquis de Vuinchester, grand trézorier d'Angleterre, est décédé despuys six jours, et le comte de Sussex et milord de Burgley sont, à ceste heure, les deux compéditeurs qui aspirent à l'estat.
Discourra à Leurs Majestez ce qui a succédé des affères du duc de Norfolc; la clémence dont la Royne d'Angleterre a uzé, par deux foys, sur le mandement de son exécution; les différendz qui se sont sussités en cour entre les principaulx seigneurs et entre les dames à cause de cella; comme l'on a apposté des prescheurs pour inciter la Royne et le conseil contre luy; et en quoy en sont à présent les choses.
De trois petites particullarités, du dict duc, de Morguen et de Maden.
CCXLIIe DÉPESCHE
—du xxve jour de mars 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du Sr Acerbo.)
Maladie subite et rétablissement de la reine d'Angleterre.
Au Roy.
Sire, sur l'heure que j'ay receu vostre dépesche du iiiie, viiie et xe de ce moys, par Nicolas le chevaulcheur, la mienne, que j'ay envoyée à Vostre Majesté par mon secrettère, estoit desjà si achevée, et luy si prest de partir, que j'ay estimé ne debvoir retarder l'une pour l'arrivée de l'aultre, espérant que, le jour ensuyvant, j'aurois audience, et que bientost je vous pourrois encores renvoyer le dict Nicollas; mais, la nuict d'après, il a prins ung si grand mal et une si grande torcion d'estomac à la Royne d'Angleterre, à cause, comme on dict, qu'elle avoit mangé du poisson, qu'il m'a fallu avoir pacience, et a esté la douleur si griefve et si véhémente que toute ceste cour s'en est trouvé en grand estonnement; et le dict comte de Lestre et milord de Burgley ont veillé, troys nuictz entières, près de son lict, mais, à ceste heure, ilz me viennent de mander que, grâces à Dieu, le mal luy est beaucoup dimynué, et qu'ilz espèrent que, dans peu de jours, elle se portera mieulx, et qu'ilz me manderont quand je pourray parler à elle. Cella sera cause, Sire, que je n'auray le moyen, si tost que le desiriez, de vous mander la responce des poinctz qui sont contenuz en vostre et dernière dépesche. Néantmoins je incisteray de l'avoir, et qu'il ne m'y soit uzé de remise, lorsque je verray que, honnestement et avec rayson, j'en pourray presser la dicte Dame. Et sur ce, etc.
Ce xxve jour de mars 1572.
Encores tout maintenant, un des clercs de ce conseil me vient de dire, de la part de milord de Burgley, que la Royne, sa Mestresse, desire que je la voye demein; mais que ce soit sans toucher aulcune négociation d'affères.
CCXLIIIe DÉPESCHE
—du xxxe jour de mars 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par Françoys Biscop.)
Détails donnés par Élisabeth à l'ambassadeur sur sa maladie.—Discussion du traité d'alliance entre l'ambassadeur et une commission prise dans le conseil.—Projet du duc d'Albe d'envoyer des troupes en Écosse—Négociation des Anglais avec les Espagnols.
Au Roy.
Sire, aussytost que la Royne d'Angleterre, avec le congé de ses mèdecins, a peu sortir jusques en sa chambre privée, elle m'a permis, premier qu'à nulz seigneurs ny dames de sa court, sinon à ceulx qui la servoient en son mesmes lict, de la pouvoir voyr; et m'a compté la douleur extrême, laquelle, l'espace de cinq jours, luy avoit si fort serré l'allayne, et luy avoit tenu le cueur si pressé, qu'elle en avoit bien pensé mourir, et que desjà aulcuns jugeoient qu'il en fût autant faict; mais que Dieu ne l'avoit trouvée en assez bon estat pour la réputer digne d'aller encores à luy; et qu'elle croyoit que ceste douleur ne luy estoit provenue d'avoyr mangé du poisson, ainsy qu'aulcuns disoient, car elle en mangeoit assez souvant, mais plustost pour s'estre, despuis troys ou quatre ans, trouvée si bien qu'elle avoit mesprisé tout l'ordre, que ses mèdecins avoient auparavant accoustumé d'uzer vers elle, de la purger et luy tirer ung peu de sang, de temps en temps; néantmoins que ce mal, grâces à Dieu, estoit maintenant tout passé, et ne luy restoit plus qu'ung peu d'altération et ung bien peu de chaleur; me remercyant infiniement du soing que j'avois heu de sa santé, qui luy estoit une signiffication que Vostre Majesté luy vouloit beaucoup de bien et qu'elle vous pouvoit avoyr toute confience.
Je luy ay rendu ung des plus grandz mercys que j'ay peu pour ceste singullière faveur, qu'elle m'avoit faicte de la pouvoir si tost voyr, après sa maladye; et l'ay assurée, Sire, que vous prendriés pour ung très évident signe de sa bonne et inthime amityé vers vous, qu'elle m'eust donné ce privé moyen de pouvoir, par certaine science et de veue, vous tesmoigner sa parfaicte guarison. Et, après l'avoir ung peu entretenue là dessus, et luy avoir faict, de vostre part, la conjouyssance de la groysse de la Royne, de quoy elle s'est merveilleusement resjouye, et en a rendu de bon cueur grâces à Dieu, elle m'a faict quelques excuses du retardement de la conférance que nous avions à faire ensemble sur les choses du traicté, mais, parce qu'elle n'estoit encores assez forte pour travailler en négociation d'affères, elle avoit appoincté cinq de son conseil pour s'en assembler avecques moy.
Dont, tout sur l'heure, Sire, au partyr d'elle, je suys entré en communicquation avec eulx sur les deux poinctz que m'avez mandé: premièrement, du mot de religion, que, parce qu'il ne pouvoit estre exprimé dans l'article de la ligue, Vostre Majesté mettoit en avant d'y estre satisfaict par lettres particullières, escriptes et signées de voz meins; secondement; du faict de la Royne et royaulme d'Escoce, que, ne pouvant estre obmis, avec vostre dignité, qu'il n'en fût faicte mencion dans le traicté, vous desiriés y en estre inséré ung article, en la forme que je le leur exibois par escript.
Eulx, de leur part, Sire, ont desduict troys aultres poinctz, dont l'ung est touchant ce que messieurs voz depputés avoient retranché le trente quatriesme article dans leur minute du traicté, et ilz desirent qu'il y demeure; le segond que, excédant Vostre Majesté de force et de moyens la Royne, leur Mestresse, il estoit raysonnable que vous l'excédissiés aussy à luy offrir ung secours, qui fût plus grand que celluy que vous requériés d'elle; et le troysiesme, qu'il vous pleût faire émologuer par voz parlemens les choses qui seroient accordées pour le commerce.
Mais, après que je leur ay heu admené, sur les deux premiers poinctz, toutes les bonnes et vifves raysons qui sont contenues dans voz lettres, et respondu gracieusement à leurs aultres troys ce que j'ay estimé estre bien à propos, toute la difficulté est restée sur le faict d'Escoce; lequel leur vient toutjour fort à contre cueur: et mesmes qu'ilz ont assuré que, sellon les rapportz que, despuys bien peu de jours, ilz avoient receu d'Escoce, et aultres, le jour précédant, du costé de Flandres, il estoit tout certein que milord de Sethon et deux aultres Escouçoys, au nom et comme ambassadeurs de leur Mestresse, avoient capitulé avec le duc d'Alve de la descente des Hespaignols et Bourgignons en Escoce, et de leur livrer deux fortz et places qu'ilz fortiffieroient pour leur retraicte, ensemble de leur fournir vivres et chevaulx de charroy, et bagaige, quand ilz marcheroient, et de faire tout ce qu'ilz pourroient pour mettre le Prince entre les mains du dict duc; ce qu'ilz vous feroient aparoir encores plus clèrement par leur ambassadeur.
Ce nonobstant, Sire, j'ay incisté, par la mesme occasion qu'ilz disoient, estre expédiant qu'ung article bien exprès en fût mis dans le traicté, et que le voyage de Mr Du Croc, avec ung de leurs depputés, en fût d'aultant accéléré. Sur quoy ilz ont prins terme d'en conférer avec leur Mestresse, et que, puis après, ilz m'y respondroient; et croy, Sire, que je ne pourray pas beaucoup obtenir pour ce regard, tant y a que je y incisteray bien fort. Mais cepandant milord de Burgley, sans lequel toutes choses demeurent accrochées, est tombé si malade de la goute qu'il n'est possible qu'il puisse vacquer à rien; dont, affin que Vostre Majesté n'en soyt en peyne, j'ay anticipé ceste dépesche, et j'espère que, dans ung jour ou deux, je vous en envoyeray une plus complète par le chevaulcheur.
Cependant il se prépare icy plus grand nombre de navires qu'on n'avoit ordonné du commencement, et quelque nombre de gens de guerre; et se continue la praticque de l'accord touchant les deniers d'Espaigne, et encores touchant la vente des laynes, avec les depputés, que je vous ay cy devant mandé, lesquelz ne s'en meslent sans expresse commission du dict duc d'Alve. Et ont encores aulcuns de ce conseil, despuys six jours, faict venir ung Hespagnol devers eulx, lequel leur estoit auparavant très odieux, et ilz luy ont maintenant, coup sur coup, baillé deux passeportz pour envoyer homme exprès devers le duc d'Alve. Je prendray garde que c'est. Et sur ce, etc. Ce xxxe jour de mars 1572.
CCXLIVe DÉPESCHE
—du iiie jour d'apvril 1572.—
(Envoyée exprès jusques à la court par Nicolas le chevaulcheur.)
Conférence sur la négociation du traité.—Discussion des articles concernant la religion, l'alliance d'Écosse, le subside et le commerce.—Incertitude sur la désignation de l'ambassadeur qui doit être choisi pour la ratification de l'alliance.—Armemens faits en Angleterre afin d'empêcher les Espagnols de débarquer en Écosse.—Crainte que ces armemens ne soient eux-mêmes dirigés contre l'Écosse.—Espoir que Leicester sera désigné pour passer en France.—Persistance d'Élisabeth dans l'alliance avec le roi.
Au Roy.
Sire, en la segonde et troysiesme conférance, que j'ay heues, avec les Seigneurs de ce conseil, sur les poinctz du traicté, les choses ont esté, de rechef, fort débatues; et, encor que ce ayt esté, du commencement, avecques doulceur, il y est, peu à peu, intervenu de la véhémence, et puis de la contention, car les partisans contraires n'ont sceu colorer de si bonne aparance de rayson leurs opositions, qu'ilz n'ayent monstré qu'ilz les faysoient en intention de tout rompre; et je n'ay voulu laysser aller ung seul de tous les poinctz de vostre réputation aux simulés argumentz qu'ilz ont allégué de la seureté de leur Mestresse, si bien qu'ilz ont esté constreinctz de retourner enfin à quelque modération.
Dont voycy, Sire, en quoy ce conseil persiste maintenant: que, touchant le premier des deux poinctz que m'avez mandés, si Vostre Majesté demeure ferme de ne vouloir que celluy de la religion soit aulcunement inséré dans le traicté, il vous playse trouver bon d'en faire expédier ung acte, à part, par lettres de vostre grand sceau, aux propres termes de l'escript que leur en avez desjà faict communicquer, et que la Royne, leur Mestresse, fera le semblable, atandu que, toutes les foys qu'il a esté question de l'interprétation d'ung traicté, l'on en a toutjour faict ung segond, aussy solennel que le premier, et y a l'on aposé les grandz sceaulx des princes; et si, en ceste cy, qui leur est très importante, ilz ne pouvoient avoyr ung nouveau traicté, qu'à tout le moins ilz ayent vostre sceau, et vous celluy de ce royaulme, affin que toutes les solennités n'y deffaillent, non pour en uzer sinon privéement entre Voz Majestez, ce qu'ilz estiment que se pourra faire aussy secrettement que par lettres de voz meins, atandu que Mr le présidant de Birague, duquel ilz ont heu fort bonne relacion par leurz ambassadeurs, et qui est ung de voz depputés, en pourra luy mesmes fayre la dépesche.
Quand au segond poinct, il ne se peut faire que la Royne, leur Mestresse, par aulcunes raysons puisse estre persuadée, ny eux le luy vueillent conseiller, que la Royne d'Escoce soit insérée en ung mesme traicté avec elle, ny qu'elle soit, en façon du monde, nommée en cestuy cy; et encores, touchant la couronne et estat du pays, ilz desireroient qu'on se déportât d'en parler, toutesfois si Vostre Majesté ne veult que cella passe soubz silence, que aulmoins le premier des articles, que je leur ay baillés pour remplir le blanc, soit rejetté, et que le segond, le troysiesme et quatriesme y soient insérés, seulement pour vous complayre, en la manière que milord de Burgley les a réformés, ou aultrement leur résolution est qu'ilz demeurent du tout ostés; que d'aultant que le xxxiiiie article est général, et concerne aultant voz alliés que ceulx de leur Mestresse, et peut oster beaucoup de souspeçon aulx aultres princes, ilz heussent desiré qu'il fût demeuré inséré dans le traicté; et mesmes ont artificieusement proposé que, puisque vous aviez tant à cueur d'y mencionner l'Escoce et les Escouçoys, qu'il estoit rayson qu'ilz y mencionassent le Roy d'Espaigne et ses pays.
A quoy je leur ay respondu qu'il y avoit très grand raison, et pour nous et pour eulx, de nommer l'Escoce en particullier, et laysser les aultres en général; toutesfoys je ne voyois pas qu'il y heût grand inconvéniant que chacun peût nommer ses alliés, dont Vostre Majesté nommeroit le Pape, l'Empereur, le mesme Roy d'Espaigne, les Suisses et aultres, s'ilz le trouvoient bon, et qu'ilz nommassent ceulx qu'ilz voudroient; qui a esté cause qu'ilz ont remis cella à l'arbitre de Vostre Majesté, quand ilz ont ouy nommer le Pape.
Au regard de ce qu'ilz m'avoient dict, que Vostre Majesté debvoit offrir plus grand secours à leur Mestresse que celluy qu'avez à espérer d'elle, ilz n'y ont incisté; mais ouy bien à la forme du payement du dict secours, qu'ilz desirent que chacun des deux princes le face sellon le rolle et payes de ses propres gens de guerre, de façon que Vostre Majesté payeroit les Angloys ainsy que françoys, et leur Mestresse les François ainsi que angloys; ce que je leur ay remonstré estre impertinant. Et enfin se sont accordés que leurs ambassadeurs le proposeront à Vostre Majesté, mais se contenteront que cella soyt réduit à proportion si esgalle, qu'il n'y ayt plus davantaige pour l'ung que pour l'autre.
Touchant l'émologation, qu'ilz demandent en voz parlemens, des articles du commerce, je leur ay dict que j'estime que Vostre Majesté ne le refuzera, et ay baillé une coppie du pouvoir que m'avez envoyé, concernant le dict commerce, à milord de Burgley qui me l'a demandé; et j'entendz qu'il en envoye ung semblable au Sr de Vualsingam, et m'a dict qu'incontinant après Pasques nous pourrons procéder au faict de ceste commission.
Quant à procurer que le comte de Lestre, ou, à son deffault, milord de Burgley passent en France, je n'ay obmis une seule de toutes les considérations qui se peuvent alléguer sur l'utilité de ce voyage, que je ne l'aye desduite à ceste princesse, laquelle a esté fort près de me le concéder, de l'ung ou de l'aultre, non sans vous rendre, Sire, ung singulier grand mercys pour ceste vostre élection, qui luy fait prendre une très grande confiance des choses qu'avez à traiter ensemble; et enfin néantmoins, m'a pryé de vous escripre que, à cause des temps suspectz, et de ce que, présentement, ces deux siens conseillers sont très nécessayres en ung parlement qu'elle veut tenir après ces festes, et aussy pour ung progrès qu'elle est contreinte d'entreprandre vers le North, incontinant après la Pantecouste, et que le dict sieur comte admèneroit avecques luy cinq ou six centz des plus confidantz gentilshommes d'auprès d'elle, elle vous supplye, Sire, trouver bon qu'elle vous puisse envoyer ung aultre des siens, me nommant son admiral, comme l'ung des plus dévotz et bien affectionnés seigneurs qui soyent en ce royaulme, vers Vostre Majesté et vers la France; et que néantmoins, si Vostre Majesté ne demeuroit bien satisfaicte que l'ung des aultres deux n'y allât, qu'elle retarderoit ses propres affères pour l'y envoyer. Sur quoy, Sire, sachant combien toutz deux envyent ceste commission, je fay tout ce que je puis qu'elle soyt bientost résolue, mais si, d'avanture, la difficulté se trouve si grande, comme à la vérité je l'y voy, qu'il ne se puisse faire, il se faudra contanter du dict sieur admiral, lequel, après les deux, est bien le plus à propos que nul aultre qu'on sceût choysir en ceste cour.
Cepandant, Sire, pour les souspeçons que ceulx cy prennent de la venue du duc de Medina Celi, ilz arment beaucoup de navires, et lèvent des gens de guerre, et disent assés ouvertement que c'est pour envoyer vers l'Escoce, affin de garder qu'il n'y descende d'Hespagnols; dont Vostre Majesté me commandera comment je debvray uzer en cella, ne pouvant convenir à vostre réputation ny qu'ilz y aillent, car ilz s'esforceront incontinent d'opprimer ceulx de Lillebourg, ny de voyr que eulx et les Hespaignols se débatent, sans vous, de l'entreprinse de ce pays là, qui est tout entièrement de vostre alliance. Sur ce, etc.
Ce iiie jour d'apvril 1572.
Tout maintenant, l'on me vient de mander, de ceste cour, que certein propos que je tins, hier, à ceste princesse, a heu tant d'efficace qu'elle dellibère maintenant d'envoyer le comte de Lestre en France, à quoy je mettray peyne de la conforter; et Voz Majestez pourront aussy beaucoup ayder de dellà avec ses ambassadeurs, si leur monstrés que ne demeureriez assez bien satisfaictes, si le dict comte ou milord de Burgley n'y passoient. Je n'ay esté, despuys que je suis en Angleterre, si grandement traversé d'inventions caultes et malicieuses, sur les affaires de vostre service, comme, ceste foys, sur la conclusion de ce traicté; mais, grâces à Dieu, la Royne d'Angleterre vous demeure plus confirmée d'amytié et de confédération que jamais, et, le traicté conclud, Dieu, par sa grâce, acheminera, s'il lui playst, le reste.
CCXLVe DÉPESCHE
—du viie jour d'apvril 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)
Affaires d'Écosse.—Bruit d'une nouvelle convocation du parlement qui aurait pour objet de déclarer Marie Stuart déchue de tout droit à la succession du trône d'Angleterre.—Négociation des Pays-Bas.—Nécessité de faire de nouvelles instances en France pour obtenir la restitution de l'argent saisi, déjà réclamé par l'ambassadeur.
Au Roy.
Sire, estant le courrier de Vostre Majesté et ung aultre de la Royne d'Angleterre partys d'icy, le jeudy sainct, avec l'entière responce des poinctz qui concernent la conclusion du traicté; le jour ensuyvant, est venu advertissement à la dicte Dame comme milord de Flemy continue de faire son apprest en Bretaigne, pour passer, du premier jour, avec de l'argent, des monitions et des gens de guerre, en Escoce; de quoy elle et ceulx de son conseil se sont assez esmeus. Et ont les dicts du conseil envoyé incontinent ung des clercs de leur compagnie devers moy, pour me prier de faire une prompte dépesche là dessus à Vostre Majesté, affin que cella ne puisse retarder le traicté; et m'ont faict bailler l'extrêt du dict advis, lequel, parce qu'il désigne les lieux et les jours, et encores d'aultres particullarités, il monstre avoyr du vraysemblable. Néantmoins je leur ay respondu qu'il fault adjouxter plus de foy à vostre parolle que à leur advis, et qu'en tout évènement, s'il se trouve qu'il y ayt des françoys ou des angloys en Escoce, le traicté règlera Voz Majestez de les debvoir mutuellement retirer dedans quarante jours. Ilz ont cecy fort à cueur, et disent que ceulx de Lislebourg, pour la venue de milord de Sethon, du costé de Flandres, et sur l'attante de milord de Flemy, de France, sont devenus si insolans qu'ilz rejettent, à ceste heure, toutes les condicions de paix et de trefves, qu'ilz trouvoient auparavant très bonnes; de quoy ilz infèrent de plus grandes conséquences et de plus grandz dangers, que ne sont pas les troubles des Escouçoys. Et c'est à moy matière propre pour les arguer du retardement de Mr Du Croc, et que, s'ilz le layssoient aller, avec l'adjoinct qu'ilz luy bailleroient d'icy, que les deux remédieroient par ensemble fort facillement à toutz ces inconvénientz; mais ilz sont résolus d'atandre ce que leurs ambassadeurs leur manderont, et que Vostre Majesté leur en aura respondu; avec lesquelz je desire bien, Sire, qu'ayés prins une vertueuse résolution de faire continuer au dict Sr Du Croc son dict voyage: car se voyt, de plus en plus, qu'il est très nécessayre à l'Escoce; et ceulx cy n'ont nulle occasion de ne le vouloir, ny nulle bonne rayson de le contredire. Pareillement, si Vostre Majesté condescend de gratiffier ceste princesse, sur le passage de milord de Flemy, à le retarder quelque temps, ou bien à ne le laysser passer guières accompaigné, que par mesme moyen soit prins seureté d'elle qu'il ne sera, en façon du monde, rien atempté, de sa part, au dict pays d'Escoce, sans vostre exprès consentement.
Elle et ceulx de son conseil monstrent de persévérer en très bonne disposition vers Vostre Majesté et vers vostre royaulme, et semble que le comte de Lestre passera dellà, si continués, Sire, de monstrer que vous le désirés; dont sera bon que, de rechef, il soit donné entendre assez expressément à leurs ambassadeurs que ce vous sera chose très agréable qu'il face le voyage. J'ay devisé avec milord de Burgley que, si le dict comte n'y pouvoit aller, qu'il falloit que ce fût luy et son beau filz, le comte de Oxford, lequel, à présent, est le premier comte et grand chamberland d'Angleterre, qui heussent ceste commission; ce qu'il n'a nullement rejetté. Tant y a que, quand la résolution sera prinse, de l'ung ou de l'aultre, ou bien d'un tiers, je mettray peyne de sçavoir comme ilz se voudront conduyre en allant dellà, affin que messieurs voz depputés preignent mieulx leur advis comme venir icy.
Il se parle fort que ceste princesse, incontinent après Pasques, fera publier ung parlement, où je creins que c'est pour débouter perpétuellement la Royne d'Escoce de la succession de ceste couronne, chose qui, semble, conviendroit bien à Vostre Majesté que ne se fît jamais, et au moins que ne se fît pas si près, comme l'on est, de la conclusion du traicté: car, possible, vouldra l'on penser que ce soyt du mesmes marché; ou bien que le dict parlement est convoqué pour authoriser davantaige la condempnation et confiscation du duc de Norfolc. J'espère que bientost s'en entendra l'occasion.
Les choses de Flandres se mènent assez lentement; néantmoins elles se poursuyvent en une façon que, peu à peu, il s'en accomode toutjour quelque poinct; dont je pense que, sur le faict des deniers, et sur celluy des laynes, qui sont les deux plus importantz, les particulliers, qui y sont intéressés, en seront aucunement satisfaictz. L'apprest des grandz navires de ceste princesse se continue, ensemble la description des gens de guerre et des marinyers, vray est qu'on y va encores à petitz frays, attandant les procheynes nouvelles qui viendront et d'Escoce et de dellà la mer. Ceulx cy font semblant de n'avoir entendu, ou de ne se souvenir des instances, que Vostre Majesté leur a faictes faire pour les deux mil escus qui alloient en Escoce; il vous plerra le leur faire renouveller. Et sur ce, etc.
Ce viie jour d'apvril 1572.
L'on me vient de dire que milord de Burgley ayant, vendredy dernier, prins une mèdecine, il se trouve extrèmement mal, ce qui retardera, et, possible, changera beaucoup l'ordre de noz affayres.
CCXLVIe DÉPESCHE
—du xiiiie jour d'apvril 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)
Affaires d'Écosse.—Convocation d'un nouveau parlement.—Conjectures diverses sur les objets qui y seront traités.—Bruit d'un arrêt général fait en Espagne sur les Anglais et leurs marchandises.—Nouvel ordre donné pour l'exécution du duc de Norfolk et nouvelle révocation de cet ordre.—Prise faite sur les Espagnols par la flotte du prince d'Orange.
Au Roy.
Sire, estant l'homme de Me Smith arrivé mècredy au soyr, il est venu, le jeudy matin, m'aporter la dépesche que Vostre Majesté a escripte à Mr Du Croc et à moy, du dernier du moys passé; sur laquelle nous n'avons pas volu, le mesmes jour, ny jusques au lendemain, demander audience, à cause que ceste princesse partoit de Œxmestre pour s'en aller tenir à Grenvich tout le reste de ce moys, mais j'espère que nous la verrons demain et que nous obtiendrons d'elle, sur la nouvelle instruction qu'avez envoyée au dict Sr Du Croc, laquelle ne peut que beaucoup contanter la dicte Dame, qu'il puisse passer en Escoce; ne voulant toutesfoys obmettre de vous dire, Sire, que, pendant qu'elle l'a détenu icy, elle a essayé, plus instamment que jamais, s'il seroit possible que les Escouçoys voulussent entendre à ung accord, venant de son moyen, sans que le vostre y fût employé, ny que le dict Sr Du Croc s'en meslât. Mais, sellon les derniers advis que j'ay de dellà, ilz n'y ont voulu condescendre, bien qu'ilz parlementent; et continuent toutjour la guerre: et ceulx de Lislebourg, lesquelz sont ung peu renforcés depuis ung moys en ça, sont allés brusler quelques greins et monitions en la mayson du comte de Morthon. Tant y a que la dicte Dame s'attand, dans deux ou troys jours, d'avoyr toute certitude de leur intention, et je mettray peyne d'en entendre quelque chose.
Le parlement dont, en mes précédentes, je vous ay faict mencion, est assigné au viiie de may prochain, et tient on si secretz les poinctz qu'on y veult proposer, qu'à peyne en oze l'on parler; tant y a que quelques ungs par discours présument que c'est, en premier lieu, pour remonstrer la vyolence, dont a esté uzé en Hespaigne, le xiie de febvrier, d'y avoyr arresté et mis en prison les angloys qui s'y sont trouvés, et avoyr saysy leurs navyres et marchandises, avec prohibition de tout commerce dorsenavant avec l'Angleterre, ce que le Sr de Sueneguen, qui est icy, n'advoue estre vray; segondement pour pourvoir aux choses d'Irlande, de tant que le debitis, qui est par dellà, demande bon nombre de gens de guerre et de monitions, pour y maintenir l'authorité de ceste couronne contre les saulvaiges et contre les estrangers; tiercement, pour adjuger les biens des rebelles à leur souverayne, principallement ceulx du duc de Norfolc, et rétracter, à cest effect, une loy de ce royaulme, laquelle semble empescher qu'on ne puisse procéder à la confisquation d'iceulx, d'aultant qu'il se trouve que luy et la pluspart des fuytifz se sont démis de leurs biens à leurs enfans ou à leurs plus procheins parans, et les en ont saysis, premier qu'on ne les aye prévenus; ou bien estime l'on que ceste convocation est pour authoriser le traicté qui se faict avec Vostre Majesté, affin de pouvoir mieulx transférer en vostre couronne les intelligences et les entrecours, capitulations et commerces, que ce royaulme souloit avoyr avec celle d'Espagne, et y comprendre les choses d'Escoce; mais, le plus commun présume que c'est pour ordonner du faict de la succession de ceste couronne, parce qu'ayant aparu plusieurs mouvementz en ceste court, et en tout ce pays, quand la Royne d'Angleterre a esté dernièrement malade, et que sa mort y heût sans doubte apporté une très grande confusion de toutes choses, l'on luy a persuadé de ne debvoir plus laysser cest article en l'incertitude qu'il est. Dont s'estime qu'elle s'esforcera d'obtenir qu'il luy soyt loysible d'eslire son successeur, et que celluy soyt le vray Roy, lequel elle nommera par son testament, ou bien de faire desjà déclarer segonde personne le Prince d'Escoce, qui est si jeune que, de longtemps, ne luy pourra faire aulcune compétence, ou bien le jeune comte de Lenoz, frère du feu Roy d'Escoce; ou bien les enfans de Herfort, ou bien le comte de Houtinthon: mais en quelle sorte que ce soit, toutjour la Royne d'Escoce y sera intéressée; et semble que son intérest et celluy de son royaulme y seront de tant plus grandz, que plus l'on monstrera de vouloir appeller le Prince, son filz, à ceste succession. Et ne deffaillent qui disent aussy que, de tant que le comte de Lestre a uzé de tous les honnestes et honnorables debvoirs d'un bon et loyal et très fidelle subject, conseiller et serviteur vers la dicte Dame, en la dernière maladye qu'elle a heue, qui l'a confirmée de mettre plus de confiance en luy qu'en nul aultre de ce royaulme, qu'il se trectera de son mariage avecques elle, puisque la religion a empesché celui de Monsieur.
Qui sont les devis d'aulcuns de ceste court, et mesmes de ceulx qui pensent bien entendre les affayres; tant y a que, jour par jour, il se pourra avoyr plus de lumière de ces choses, lesquelles donnent tant plus à penser aux gens que, jeudy au soyr, la dicte Dame fut conduycte à expédier ung nouveau mandement pour faire exécuter, le vendredy matin, le duc de Norfolc, mais luy estant, la nuict, revenu le mesmes regret qu'elle a toutjour heu à sa mort, elle en a, pour la quatriesme foys, révoqué le mandement. Et se cognoit assez que les ennemys du dict duc ne pourront jamais obtenir ce dernyer poinct d'elle, sans qu'elle en sente une grande violence dans son cueur.
Mr de Sueneguen fut hyer traicter avec la dicte Dame sur des lettres du Roy d'Espaigne, et sur une dépesche du duc d'Alve. Je n'ay encores aprins que c'est. La flote de Flandres, qui revenoit d'Espaigne, est passé, le xxviiie de mars, dans l'estroict de Callays, et les vaysseaulx du prince d'Orange ont donné sur la queue; qui ont prins deux ourques bien riches, dont l'une s'estime valloir plus de soixante mille escus, et ont jetté la pluspart de ceulx, qui estoient dedans, hors bort, dans l'eau. Le comte de Lumey, à ce qu'on dict, a esté receu en ung lieu de quelque petite isle, près d'Ollande, qui se nomme Brille, où les habitans n'ont voulu aquiescer au dixiesme, mais l'on pense que le duc d'Alve l'en chassera bientost. Milord de Burgley a esté à l'extrémité, et ne cuydoit on, le jour de Pasques, qu'il deust réchaper, mais, à présent, il commance à se ravoir; tant y a que son indisposition retarde toutjour les affères. Sur ce, etc.
Ce xive jour d'apvril 1572.
CCXLVIIe DÉPESCHE
—du xxie jour d'apvril 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)
Audience donnée par Élisabeth, en son conseil, à l'ambassadeur et à Mr Du Croc.—Discussion des affaires d'Écosse.—Refus du conseil d'admettre un article des nouvelles instructions données par le roi.—Rupture de la négociation; demande faite par Mr Du Croc de son passeport pour retourner en France.—Nouvelles assurances d'amitié données par Élisabeth.—Désignation de Mr de Montmorenci en France, et de l'amiral Clinton en Angleterre, pour échanger les ratifications du traité d'alliance.—Déclaration du conseil que la reine consent à admettre les explications proposées sur l'article en contestation, qui a entraîné la rupture de la négociation de Mr Du Croc.
Au Roy.
Sire, en sa mesmes présence, la Royne d'Angleterre a voulu que son conseil se soit assemblé avecques Mr Du Croc et avecques moy, pour traicter, devant elle, de la continuation du voyage du Sr Du Croc en Escoce, et, après que je luy ay heu dict l'intention de Vostre Majesté là dessus, sellon le contenu de voz dernières lettres, sans en rien obmettre, et que Mr Du Croc luy a exibé le propre original de la segonde instruction que luy avez envoyée, elle a prins le propos, et l'a continué assez longtemps en termes bien honnorables, qui monstroient de vous vouloir beaucoup contanter; puys s'est prinse à lyre, tout hault, la dicte instruction, despuis le commancement jusques à la fin, et l'interpréter en angloys à ceulx des siens qui n'entendoient bien le françoys, avec beaucoup de sa satisfaction de tous les articles d'icelle, sinon du cinquiesme, lequel porte d'exorter les Escouçoys que, pendant qu'il plaist à Dieu que leur Royne soit absente, ilz vueillent recognoistre son filz comme leur Prince naturel, et plus prochain hérytier de leur royaulme; car a semblé à la dicte Dame et à son dict conseil que cella, en parolles et en substance, répugnoit bien fort à leur intention et desir, interprétans que c'estoit aultant comme déclarer la mère Royne et le filz seulement Prince et segonde personne; lequel néantmoins se trouvoit estre maintenant la première, et estre roy juré et entièrement estably par les Estats; nous affermant la dicte Dame que, par les dernyères nouvelles qu'elle avoit d'Escoce, ceulx de Lillebourg luy avoient offert, et elle en avoit leurs lettres en ses meins, de recognoistre à roy le dict Prince, et se soubsmettre à son authorité et à celle de son régent, en ce qu'il leur fût donné bonne seureté de leurz biens, personnes, dignités et charges, et de lever toutes les forfaicteures qui pourroient avoyr esté décrétées contre eulx, despuis les troubles encommencées; dont elle n'attandoit plus qu'une responce de ceulx d'Esterling là dessus, pour achever entièrement leur accord; lequel viendroit, possible, à se retarder ou s'interrompre du tout, si le dict Sr Du Croc leur apportoit une telle exortation, comme Vostre Majesté la leur mandoit.
Je luy ay répliqué qu'il n'estoit, à présent, question du tiltre de la couronne d'Escoce, ny de l'adjuger à la mère ou au filz, car, aussy bien, n'en estiés vous les juges, mais seulement de unyr et mettre en paix, les Escoçoys, et que Vostre Majesté convenoit avec elle que toutz se sousmissent a l'obéyssance du filz, lequel vous appelliés Prince et elle l'appelloit Roy; ce qui ne debvoit empescher l'accord, ny tenir plus longtemps le voyage du dict Sr Du Croc en suspens.
Elle s'est mise là dessus à deviser assez longuement avec les siens en son langage, et puis, nous a dict que la responce de ceulx d'Esterling ne pouvoit tarder que ung jour ou deux, pendant lesquelz elle feroit mieulx considérer la teneur de la dicte instruction, laquelle elle nous prioit de la luy laysser, et, après, elle résouldroit le dict Sr Du Croc de ce qu'elle auroit advisé de son dict voyage.
Au bout des deux jours, la responce, qu'elle attandoit d'Escoce, luy est arrivée, sur laquelle ne s'estant la dicte Dame, ny ceulx de son conseil, de rien modérés davantaige, ilz nous ont envoyé, par le Sr de Quillegrey, ung escript, lequel altère du tout l'article dont est question. Dont, après que Mr Du Croc et moy y avons heu longuement pensé, il est allé trouver iceulx du conseil pour leur remonstrer que nous ne pouvions tant dispenser sur une instruction, qui estoit signée de la mein de Vostre Majesté, que de l'ozer changer en ses parolles, ny en sa substance; et néanmoins que, pour satisfaire à leur Mestresse, puisque tout le reste de la dicte instruction luy plaisoit, sinon que ce seul article, qu'il mettroit icelluy, quand il seroit en Escoce, du tout en suspens, sans en parler nullement, ou bien en parleroit en façon qu'il ne contreviendroit, peu ny prou, à l'intention de la dicte Dame, jusques à ce qu'il heult aultre mandement de Vostre Majesté; et de ce leur a esté baillé les expédiantz par escript, avec offre de les leur signer de la mein de nous deux. Mais, Sire, ilz sont demeurez en leur premier propos, sans en vouloir rien rabatre, alléguant les raysons que Mr Du Croc vous escript, lesquelles ne monstrent sinon qu'ayantz gaigné plusieurs advantages en cest affère, à vous faire quicter l'honneste poursuyte de la liberté et restitution de la Royne d'Escoce, et faict retarder vostre secours à ceulx qui vivent soubz vostre protection en ce païs là, qui sont desjà réduictz à toute extrémité, ilz ne se contantent pas, si encores ilz ne vous font passer oultre à vous déclarer contre elle et contre eulx, pour establir le party que dépend d'eux, affin que la ruyne de l'ancienne alliance, que vous avez avec les Escouçoys, soit procurée par vostre mesmes pourchas, avec l'intérest de vostre réputation. Et ne cessent cependant de solliciter icy, par toutes les persuasions, artiffices et menées, qu'ilz peulvent, la dicte Royne d'Escoce, et pareillement les Escouçoys de son party à Lillebourg, ausquelles font encores de grandes promesses, qu'elle et eulx se veuillent du tout commettre à la foy de la dicte Royne d'Angleterre.
Dont nous sommes gracieusement excusés que ne pouvions faire ce dont ilz nous requéroient par faulte de pouvoir; mais, puisque la première, ny la segonde instruction, que Vostre Majesté avoit dépeschées au dict Sr Du Croc, par l'advis et consens de leurs ambassadeurs, ne leur sembloient bonnes, qu'il estoit expédiant que luy mesmes vous allât compter à quoy il tenoit, affin que, les difficultés ostées, vous luy en peussiés bailler une troysiesme qui les contentât. Et avons faict semblant de demander son congé et passeport, affin de les y faire penser. Néantmoins, Sire, encores qu'ilz le luy octroient, je trouveray moyen, qui sera honneste et de fondement, pour le retenir icy jusques à ce qu'ayons aultres nouvelles de Vostre Majesté.
Or, Sire, nonobstant ceste contention, la dicte Dame n'a layssé de traicter bien fort privéement avecques moy d'aulcuns aultres gracieulx propos, et m'a parlé de la dicte que Vostre Majesté avoit parachevée jusques au vingt jours completz; de quoy elle estoit merveilleusement bien ayse, car s'assuroit que, tout cest esté, vous en auriés la disposition beaucoup meilleure; de laquelle elle estoit aussy soigneuse que de la sienne propre. Sur quoy je n'ay obmis de luy dire, Sire, que vous m'aviez aussy escript que j'avoys bien faict de vous mander tout ensemble la guérison avec la maladye qu'elle avoit heue, car aultrement je vous heusse layssé en grand peyne; qui aviez loué Dieu, de bon cueur, de quoy elle s'estoit si promptement relevé de l'extrême et douloureux mal qui luy avoit ainsy pressé le cueur; et que Voz Majestez Très Chrestiennes, et tous ceulx de vostre couronne, vous en estiés resjouys comme de vostre mesmes bon portement. De quoy la dicte Dame a monstré recepvoir ung singullier plésir, et, avec ung très grand mercys, m'a respondu que vous tous aviez occasion de desirer qu'elle vesquît, car juroit que n'aviez aulcun, de tous les princes de votre allience, qui vous voulût tant de bien, ny qui vous aymât et honnorât tant qu'elle faysoit; et que non tant pour vous voyr roy de France, que parce que la France avoit un si vertueux roy, elle se vouloyt conféder avecques vous.
Je luy ay infinyement gratiffié ses parolles et démonstrations, comme très honnestes et pleynes de grand vertu; et ay suyvy à luy dire que j'estimois que le traicté estoit desjà tout conclud et signé, et que bientost Vostre Majesté s'approcheroit ez environs de Paris, en intention d'y voyr de bon oielh et d'y bien recepvoir Mr le comte de Lestre, ainsy comme vous faysiés tenir prest Mr de Montmorency pour passer par deçà. Elle m'a dit qu'elle feroit voyr à Mr de Montmorency combien elle estimoit ung tel vostre ambassadeur, et en quel compte elle auroit toute sa légation, et qu'elle faysoit préparer monsieur l'admiral Clynton pour passer en France, comme celluy par qui elle vous pouvoit mieulx notiffier ses intentions, et comprendre, puis après, mieulx les vostres, à son retour, que par nul des seigneurs de sa court, n'ayant esprouvé de nul aultre, despuis qu'elle estoit Royne, plus de fidélité que de luy, et de madame l'amirale sa femme, et qu'aussy il avoit esté toutjour le moins impérial d'Angleterre; et que, pour la correspondance de Mr de Montmorency, elle vous vouldroit très volontiers envoyer ung sien propre frère, si elle l'avoit, aussy bien que le dict sieur admiral. Dont vous supplioit qu'en ce temps, qui luy estoit plein de grandes souspeçons, et encores plus plein de très grandz affères, Vostre Majesté ne voulût que le comte de Lestre et milord de Burgley s'absantassent; et mesmes que, sans eulx, elle se trouveroit bien empeschée comme bien recepvoir Mr de Montmorency, de tant que les principaulx seigneurs qui souloient estre en sa court, estoient à présent ou mortz, ou fuytifz, ou en prison, et que ces deux seroient encores plus utilles, icy, en la négociation d'entre elle et Mr de Montmorency, que si l'ung ou l'aultre estoient allés par dellà. Sur ce, etc.
Ce xxie jour d'apvril 1572.
Ainsy que je fermois ce pacquet, les seigneurs de ce conseil, ayant veu que nous demandions le congé de Mr Du Croc, m'ont envoyé dire, par Mr de Quillegreu, qu'ilz avoient faict entendre à leur Mestresse toutes noz offres; et que d'icelle dernière, que leur avions mandée de parolle, si nous la voulions ung peu mieulx exprimer par escript, et la signer de noz meins, elle s'en contenteroit, et bailleroit promptement son adjoint au dict Sr Du Croc pour aller, tous deux ensemble, en Escoce. Sur quoy, Sire, nous yrons demein traicter avec la dicte Dame, ou avec ceulx de son conseil, et ferons tout ce qu'il nous sera possible pour advancer le voyage du dict Sr Du Croc, qui, de plus en plus, se monstre estre bien fort nécessaire, et, si nous nous pouvons accorder, il passera oultre; mais ne retarderés pour cella, Sire, s'il vous plaist, de nous mander promptement vostre intention et volonté.
CCXLVIIIe DÉPESCHE
—du xxviie jour d'apvril 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)
Affaires d'Écosse.—Discussion dans le conseil de la clause contestée.—Consentement d'Élisabeth au voyage de Mr Du Croc en Écosse.—Ordre de la Jarretière donné à Mr de Montmorenci.—Confiance que montrent les Anglais dans l'alliance de France.—Négociation des Pays-Bas.—Nouvelles de Flandre.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Alençon.
Au Roy.
Sire, affin que, sur l'empeschement que la Royne d'Angleterre faisoit au voyage de Mr Du Croc, elle ne se trouvât conveincue de maulvayse foy par les honnestes offres que nous luy faysions, ceulx de son conseil ont faict venir le Sr de Quillegreu devers nous pour mieulx comprendre quelles estoient noz offres; auquel nous les avons, de rechef, récitées, telles que, par ma dernière dépesche, je les ay mandées à Vostre Majesté. Et il leur a raporté la dernyère des quatre, et mesmes la leur a baillé par escript, en anglois, ung peu en aultre sens que nous ne la luy avions dicte, mais en si bonne sorte, néantmoins, que, joinct les aultres dilligences que nous avons mises d'ailleurs en cest endroict, les dicts du conseil ont desiré que nous la leur envoyssions par ung aultre escript, en françoys, aux propres termes que nous l'entendions; et que, puis après, Mr Du Croc et moy en pourrions venir traicter avec eulx, quand il nous playroit. Dont nous sommes assemblés, sept de leur conseil et nous deux, jeudy dernier, à Grenvich où ilz nous ont, de rechef, sommairement remonstré les difficultés qu'ilz trouvoient en l'instruction que Vostre Majesté nous avoit envoyée; et que, néantmoins, nous y satisfaysions beaucoup par la première et dernière de nos dictes offres, et que, si nous pouvions encores leur lever ung scrupulle qui leur restoit sur la dernyère des dictes offres, ilz estimoient que leur Mestresse s'en pourroit contanter: c'est, Sire, que, là où nous promettions que Mr Du Croc n'yroit ny dyroit rien au contrayre de leur escript, attandant aultre commandement de Vostre Majesté, ilz nous prioyent leur déclarer si nous prétandions que vous luy deussiez mander, ou bien luy heussiez desjà donné en mandement, à part, quelque chose qui fût contre ce qu'ilz nous avoient signiffié de leur intention; car, en ce cas, ilz réputeroient son voyage estre du tout inutille.
Nous leur avons respondu que le dict Sr Du Croc n'avoit charge ny instruction quelconque, que celle qui leur avoit esté monstrée, de laquelle nous ne pensions qu'il nous peust estre loysible d'y rien innover, ou d'en rien obmettre de nous mesmes, sinon attandant aultre commandement de Vostre Majesté; et que nous ne pouvions limyter, ny encores sçavoir que ce seroit: seulement les priyons de réserver entièrement cella à vostre disposition, car se pouvoient souvenir que, par le général traicté, il se debvoit conclure ung article de ce faict, et nous leur promections bien que Vostre Majesté l'observeroit fort droictement de sa part.
Sur cella le comte de Sussex et milord de Burgley, par l'ordonnance des aultres, sont allés conférer avec leur dicte Mestresse, et, bientost après, sont revenus nous dire que, sur la confiance qu'elle avoit en vostre amityé, et s'assurant de la parolle que nous luy donnions, elle estoit contante que le dict Sr Du Croc passât. Dont la sommes incontinent allez trouver en sa chambre; et elle nous a confirmé que, pour vous complayre, Sire, et ne faire préjudice au traicté, ny donner à penser au monde qu'elle heût maulvayse intelligence avecques vous, elle vouloit, de bon cueur, que Mr Du Croc continuât son voyage en Escoce, ayant desjà révoqué ses ambassadeurs qu'elle avoit par dellà, et qu'il trouveroit son adjoinct à Barvick, ou par les chemins. Et, avec plusieurs aultres bonnes parolles et beaucoup de faveur, elle l'a incontinent fort gracieusement licencié.
Nous avons estimé, Sire, que vostre intention seroit mieulx suyvie et vostre service mieulx accomply, et seroit encores mieulx pourveu au besoing des Escouçoys en ceste sorte, que si nous n'eussions vaincu ceste leur difficulté; sur laquelle ce sera maintenant à Vous, Sire, de mander au dict Sr Du Croc, par la voye d'icy, ou bien par celle de la mer, comme il vous playrra qu'il se comporte par dellà.
Après ce propos, la dicte Dame nous a dict que, le jour de St George, Mr de Montmorency avoit esté esleu chevalier de son ordre de la Jarretière, et ce en considération que Vostre Majesté le tenoit pour ung fort fidelle et inthime serviteur, et qu'il s'estoit toutjour porté entier et loyal en toutz voz affères, sans feinte ny dissimulation aulcune, despuis que vous estes venu à la couronne; et qu'est tant la place de feu monsieur le connestable au dict ordre vacante, elle avoit trouvé, par l'advis de ses confrères et compagnons, qu'on ne la pourroit plus dignement remplir que de l'élection de son filz, qui encores vous pourroit accompaigner quelquefoys à la cellébration du dict ordre en France, si, d'avanture, il vous playsoit qu'il fît tant d'honneur au dict ordre, et s'il luy playsoit à luy de l'accepter.
J'ay baysé les meins à la dicte Dame pour une tant singullière signiffication, qu'elle vous faysoit, de sa bonne volonté et de son inclination à la France; et luy ay dict que Vostre Majesté luy en sçauroyt ung grand gré, et que les vertus et bonnes qualités de Mr de Montmorency se trouveroient dignes de ceste sienne faveur; l'assurant que je ne fauldroys de vous en faire ung article, à part, par ma première dépesche. Elle s'attand résoluement que ce sera luy qui viendra par deçà, et a faict différer de bailler l'ordre à deux aultres seigneurs de ce royaulme qui ont esté esleus, affin qu'ilz le puissent prendre en solennité avecques luy à Vuindesore, quand il sera icy; et Mr le comte de Lestre luy faict préparer sa mayson en ceste ville, pour l'y loger; continuant monsieur l'amiral Clinton de s'apprester, et desjà quatre milords ont esté commandés de se mettre en poinct pour l'accompaigner, ensemble force aultres gentilshommes. J'entendz que le comte de Lestre sera faict grand maystre, ayant refuzé d'estre grand trésorier, qui est encores ung plus grand estat, mais, parce qu'il y fault des lettres et du sçavoyr pour l'exercer, l'office est réservé à milord de Burgley, lequel, à ceste cause, a esté aussy esleu de l'ordre. Et dict on que le comte de Sussex sera faict privé scel, et que Me Smith aura en seul la charge de secrettère d'estat, et sera chancellier du dict ordre d'Angleterre.
Il semble, Sire, que, peu à peu, la dicte Dame et ceux de son dict conseil se layssent conduyre à prendre la confience qu'ilz doibvent de Vostre Majesté; et me griefve seulement qu'ilz se préparent, à ce prochein parlement, de faire quelque préjudice à la Royne d'Escoce; ce qui ne peut bien sonner pour Vostre Majesté, ny bien convenir à la conclusion du traicté.
Au surplus, le Sr de Sueneguen, qui estoit encores icy de la part du duc d'Alve pour le Roy d'Espagne, a heu son congé, et doibt partyr bientost pour se retirer, si, d'avanture, les choses ne changent, layssant les affères du commerce et de l'entrecours fort décousus; mais j'estime que le faict des deniers et des laynes s'accomodera avec les particuliers, car desjà les conventions en sont quasy faictes. J'entendz qu'il s'est embarqué, au port d'Arvich, en Norfolc, envyron mille wuallons bien armés, pour aller trouver le comte de La Marque à la Brille; et a l'on mis en dellibération, en ce conseil, comme l'on auroit à se comporter avec ceulx de Flexingues. Sur ce, etc.
Ce xxviie jour d'apvril 1572.
A la Royne.
(Lettre à part.)
Madame, ayant sondé les deux conseillers de ceste princesse sur la volonté qu'elle peut avoyr au propos de Monseigneur le Duc, l'ung et l'aultre m'ont assez donné entendre qu'elle s'attand bien que Mr de Montmorency luy en parlera, mais qu'elle ne veult cependant qu'on cognoisse rien de son intention, ny qu'on sçache quelles auront à estre ses responces, jusques à ce qu'il soit icy; et qu'encores lors elle yra si retenue que l'affayre sera bien advancé, premier qu'elle en vueille donner une seule bonne parolle. Et m'a dict Mr le comte de Lestre que si, d'avanture, le dict affère avoit d'aller en avant, qu'il le faudroit conduyre par moyens les plus destornés et les plus éloignés de la conjecture des hommes, que fère se pourroit; et milord de Burgley m'a assuré que la dicte Dame commançoit d'en ouyr plus volontiers parler qu'elle ne souloit, et que, de sa part, il desiroit de l'advancer aultant qu'il luy seroit possible.
Mr de Quillegreu, lequel y est infinyement bien affectionné, m'est venu compter les bons offices qu'il y a desjà faictz, et la dilligence qu'il y a mise, tant envers la dicte Dame que envers ses conseillers; et que, néantmoins, il n'avoit peu encores tirer une bonne parolle d'elle, ny aulcung indice d'eulx, par où il vous vueille faire prendre, ny aussy vous en vouloir faire perdre l'espérance; bien luy sembloit que ceulx, qui estoient le plus près d'elle, avoient opinyon qu'ayant fally ceste foys au party de Monseigneur, si, d'avanture, une nouvelle peur de sa vye ou de perdre son estat ne la contreignoient, elle ne se maryeroit jamais; et de cella elle pensoit s'en esclarcyr à ce prochein parlement, sellon les instances que les siens luy fairoient, ou de leur désigner ung successeur, ou de prendre ung mary; et que, de deux choses estoit le dict de Quillegreu bien assuré, l'une, que nul aultre prince y estoit maintenant en termes, et l'aultre, que la dicte Dame vouloit et avoit grand plésir d'estre recherchée. Et a adjouxté, ce qui m'a esté aussy d'ailleurs confirmé, qu'elle, despuys sa dernière maladye, faisoit prendre meilleure espérance au comte de Lestre que, six ans auparavant, elle ne luy en avoit donné; et néantmoins il monstre, de son costé, qu'il ne s'y attand, et qu'il ne cognoit aulcune bonne seureté pour luy en ce royaulme, et qu'il cerche infinyement l'apuy et refuge de Voz Majestez. Il répute l'admiral Clinton son grand et expécial amy, lequel est aussy tenu, et pareillement madame l'admiralle sa femme, pour bien fort inthimes de la Royne, leur Mestresse. Et semble qu'elle faict aller mestre Milmor, qui sert en sa chambre privée, accompaigner le dict sieur admiral en France, affin qu'il luy rapporte mieulx au vray ce dont elle desire estre informée, de dellà, de toutes les circonstances qui peulvent apartenir au propos de Mon dict Seigneur le Duc. Sur ce, etc.
Ce xxviie jour d'apvril 1572.
CCXLIXe DÉPESCHE
—du iiiie jour de may 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)
Départ de Mr Du Croc pour l'Écosse.—Nouvelle rupture de la négociation des Pays-Bas.—Détails sur la négociation tentée en Écosse par les Anglais.—Conclusion du traité d'alliance.—Réjouissances faites à Londres.
Au Roy.
Sire, en ung mesmes temps sont partys d'icy le Sr de Sueneguen et Mr Du Croc, l'ung pour se retirer en Flandres, et l'aultre pour continuer son voyage en Escoce, qui n'a esté sans que aulcuns ayent assez ouvertement faict leur effort pour changer cet ordre, à ce que le flamment demeurât et que le françoys fût envoyé prendre son chemin par ailleurs; mais enfin, grâces à Dieu, j'ay obtenu ce qui concernoit Vostre Majesté, en cédant ung peu à l'opinyon de ceste princesse.
Et voycy comme est advenu au dict Sr de Sueneguen qu'ayant baillé troys articles par escript à la dicte Dame: l'ung, de chasser à bon escient les pirates, affin de faire cesser les désordres de la mer; l'aultre, de vouloir bien recepvoir les navyres et marchandises des subjectz du Roy, son Mestre, ez portz d'Angleterre, et les y laysser entrer et sortyr librement, sans leur y mettre nul arrest, offrant le semblable pour les navyres et marchandyses des Angloys en Hespagne et Flandres; et le troysiesme, de remettre le commerce entre leurs pays et subjectz, avec la continuation de l'entrecours, ainsy qu'il estoit auparavant; et a adjouxté qu'il pleût à la dicte Dame de dire ouvertement ouy ou non sur ce dessus:—Elle luy a faict respondre qu'elle avoit pourveu en si bonne sorte à déchasser les pirates, et faire qu'ilz n'eussent aulcune retraicte ny support en ce royaulme, que c'estoit maintenant à son dict Maistre de les poursuyvre ailleurs, si bon luy sembloit, pour assurer la navigation de ses subjectz; qu'elle étoit contente que, pour deux mois, ses ports fussent libres à iceulx subjectz, en accordant par luy une semblable liberté de ses portz aux Angloys, et que, ce pendant, ambassadeurs pourroyent estre mutuellement envoyés, de l'ung à l'aultre prince, pour vuyder leurz différendz; que, touchant l'entrecours, il seroit lors advisé comme le continuer, sellon qu'elle le vouloit de bon cueur, et n'avoit jamais donné occasion de l'interrompre.—Sur lesquelles responces ayant icelluy de Sueneguen demandé à parler à la dicte Dame, elle a faict semblant de n'avoir trouvé bon qu'il l'eût ainsy sommée de dire ouy ou non; et comme si en cella il n'eust assez révéremment uzé en son endroict, elle s'est une foys excusée de ne le vouloir plus admettre en sa présence, mais enfin elle l'y a admis. Et il luy a remonstré que c'estoit bien peu que de deux moys de surcéance, qu'elle luy accordoit, et que n'ayant charge de les accepter, il l'yroit rapporter au duc d'Alve avec les aultres bonnes responces qu'elle luy avoit faictes, si elle trouvoit bon qu'il l'allât retrouver. Et ne luy en ayant la dicte Dame refuzé le congé, il est incontinent party.
Au regard de Mr Du Croc, je confesse qu'il y a heu encores de la difficulté, car, sur le poinct qu'on nous debvoit dellivrer son passeport, la dicte Dame nous a mandé que les Srs Drury et Randol luy avoient escript, en grand haste, que ceulx de Lillebourg estoient prestz d'accorder aux articles qu'ilz leur avoient proposez, et ne contredisoient guyères plus à chose qui fût de la vraye substance d'iceulx, restant toute la difficulté sur la forme de l'assurance, dont desiroit que son chancellier et milord de Burgley et le ser Raf Sadeller en devisassent aveques nous, premier que passer oultre. Ce qui, à la vérité, nous a faict doubter de quelque changement; mays, après les avoir paciemment escoutez sur la comprobation des dicts articles, sans que nous leur y ayons voulu guyères contredire, ny aussi les aprouver, nous en avons seulement demandé l'extrêt, avec le sommayre de l'intention de leur Mestresse là dessus, pour le vous envoyer; et avons continué de demander le passeport de Mr Du Croc. Dont ayant obtenu l'ung et l'aultre, le dict Sr Du Croc s'est desjà acheminé, et je vous envoye maintenant icelluy extrêt, sur lequel j'ay bien comprins, Sire, par le dire de ceulx cy, qu'il reste encores beaucoup de différend au segond article, en ce que ceulx du Petit Lith prétandent l'authorité du régent debvoir estre absolue, sans aulcune limytation; pareillement sur le quatriesme et cinquiesme, qu'ilz disent que, non seulement ceulx de Lillebourg, qui sont adversayres, mais ceulx aussy qui se sont portés neutres, doibvent venir demander rémission, ainsy qu'ont faict desjà les comtes d'Arguil, de Cassels et aultres; et elle leur sera concédée, sans que leur cas passe soubz une simple oblivion; aussy, sur le sixiesme et huictiesme articles, touchant la forme du conseil, que ceulx de Lillebourg requièrent que le nombre y soit mis égal des deux partys, et chacun remis en la place et reng qu'il y tenoit, quand la Royne sortit de Loclevin; à quoy ceulx du Petit Lith contredisent, voulans que cella soit layssé à la disposition du régent; mais, plus que tout, sur le deuxiesme et troisiesme articles, car le capitaine Granges offre bien de tenir le chasteau de Lillebourg pour le jeune Roy, si l'accord succède, mais non que la charge luy en doibve estre ostée. Et Mr Du Croc et moy avons arresté, suyvant les précédentes lettres et instructions de Vostre Majesté, qu'il procurera, devant toutes choses, que l'abstinence d'armes soit prinse, et que l'accord soit différé jusques à tant qu'il vous ayt informé du tout; et qu'en tout évènement il donra ordre, aultant qu'il luy sera possible, ès dicts articles contencieux, et encores au premier et segond, qu'ilz soient conceus et couchés, le plus sellon vostre intention et sellon la réputation de vostre couronne que faire se pourra.
Il semble que les principaulx seigneurs du royaulme inclinent assez à la paix, mais que les petitz, et mesmement les soldatz, ne la veulent pas, et qu'ils ont failly à tuer les dicts Drury et Randol, parce qu'ilz la sollicitoient instamment; et que le capitaine Granges a heu grand différend avec milord de Sethon, jusques avoyr faict courir et bruller les terres l'ung de l'aultre, parce qu'il le pressoit de vouloir recepvoir guarnison d'Espaignolz dans Lillebourg. J'espère que l'arrivée de Mr Du Croc par dellà y ramandera beaucoup les choses.
Cepandant, Sire, la desirée nouvelle de la conclusion du traicté[24] est arrivée en ceste court, le xxviiie du passé, avec très grande satisfaction de ceste princesse et des siens, qui m'en ont faict une fort expresse conjouyssance, le premier jour de may, que j'ay esté convié d'aller voyr ung bel essay d'armes, qui s'est faict devant elle à Grenvich; et m'a dict que les lettres, que ses ambassadeurs luy avoient escriptes du dict traicté, l'avoient engardée de regarder dedans, parce qu'elles luy faysoient si clèrement voyr dedans la bonne volonté et intention de Vostre Majesté, qu'elle n'en desiroit plus grande obligation ny promesse par escript; et, puisque Dieu l'avoit rendue si heureuse que d'avoir raporté son règne à celluy d'ung si grand et si vertueux roy, et plein de tant de certitude et de vérité, comme est Vostre Majesté, qu'elle vous demeureroit, toute sa vye, très estroictement confédérée, et vous rendroit ses successeurs après elle, si elle pouvoit, et son royaulme, de mesmes confédérés. Elle m'a continué le desir qu'elle avoit de la venue de Mr de Montmorency, et qu'elle faysoit apprester en dilligence monsieur son admiral, pour vous aller trouver, et feroit que ses navyres, qui l'iroient passer, atandroient en la rade de dellà Mr de Montmorency pour le porter en ce royaulme. Dont sera bon, Sire, qu'il se prévaille de ceste commodicté, et que, par le premier, il vous playse me mander quand, et comment, il vous plait que ce soit, car je mettray peyne qu'on y corresponde entièrement de ce costé. Sur ce, etc.
Ce ive jour de may 1572.
A la Royne.
Madame, il semble qu'on avoit préparé ung triomfe à Grenvich, le premier jour de may, tout exprès pour y solenniser la nouvelle de la conclusion du traicté, comme si ceste princesse et les siens vouloient monstrer qu'ilz ont, par ceste confédération, trouvé le propre repos et seureté qu'ilz cerchoient en leurs affères. Il s'est présenté, le dict jour, troys mille soldatz, dont les deux mille estoient corselletz et les mille arquebuziers, en fort bon équipage, et beaucoup de la jeunesse de la court dedans le parc du dict Grenvich, en une campagne raze, au pied d'une mothe, où la troupe s'estant séparée en deux, avec six pièces de campagnes, de chacun costé, il a esté ataché une fort brave escarmouche par les harquebuziers, qui a duré fort longtemps; et puis les deux bataillons sont venus jusques à donner furieusement l'ung dans l'aultre, faisantz cependant les arquebusiers et l'artillerie si grande dilligence de tirer, qu'il n'a esté rien obmis de ce qui se peut représanter en une journée et en ung faict d'armes, et le tout fort bien conduict par aulcuns capitaines qui sont en bonne estime par deçà.
Et sur la fin, milord de Burgley s'est approché là où la Royne, sa Mestresse, estoit et, en s'adressant à moy qui estois auprès d'elle, m'a dict, tout hault, que de l'acquest que j'avoys faict des forces de ce royaulme à Voz Majestez Très Chrestiennes par le traicté de la ligue, je pouvois voyr quel en estoit l'eschantillon. A quoy la dicte Dame a adjouxté que Dieu avoit donné de si bonnes forces à ceste couronne que, si elles n'estoient pour faire peur à ses voysins, qu'elles estoient aulmoins pour se garder d'en avoyr d'eux, et que toutes estoient au service de Voz Majestez; et n'y avoit nul homme de bien en son royaulme qu'elle ne désadvouât, s'il ne se monstroit dorsenavant très dévot et fort affectionné à vostre grandeur.
Je n'ay obmis aulcune bonne parolle, dont je me soys peu adviser pour luy gratiffier les siennes bonnes, que je ne la luy aye dicte; mais, parce que cella seroit long, je me déporteray d'en toucher rien icy, seulement je adjouxteray qu'il me semble que la dicte Dame se confirme, de jour en jour, davantaige en vostre amityé, et que je fay tout ce que je puis pour l'y entretenir.
Le comte de Lestre et milord de Burgley cellèbrent en plusieurs bonnes sortes ceste confédération, et monstrent qu'il en procèdera de grandes utilités en général; et, quand au particullier, ilz diffèrent de m'en vouloir parler, jusques à la venue de Mr de Montmorency; auquel le dict sieur comte a fort magniffiquement faict préparer sa mayson de ceste ville pour l'y loger, et pour y loger Mr de Foix; et dict que n'ayant, ceste foix, peu obtenir le congé d'aller devers Voz Majestez, qu'il espère, en toutes sortes, de l'impétrer, quand la Royne, vostre belle fille, sera accouchée; et qu'il ne veult, tout le reste de sa vye, travailler en aultre chose que d'entretenir, en tout ce qu'il pourra, la Royne, sa Mestresse, et ce royaulme, en parfaicte amityé et intelligence avec Voz Majestez et la France. Sur ce, etc.
Ce ive jour de may 1572.
CCLe DÉPESCHE
—du xiiie jour de may 1572.—
(Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal.)
Réception du treité.—Audience.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Alençon.—Mémoire. Détails de l'audience.—Remise du traité à la reine.—Discussion sur l'un des articles concernant l'Écosse.—Insistance de l'ambassadeur pour que Leicester soit envoyé en France.—Excuse donnée par la reine.—Bon accueil réservé à Mr de Montmorenci.—Avis donné par l'ambassadeur, au nom du roi, des projets du roi d'Espagne contre l'Angleterre.—Confidences d'Élisabeth à ce sujet.—Nouvelles d'Écosse.
Au Roy.
Sire, estant le Sr Cavalcanty arrivé à Grenvich le quatriesme de ce moys, il y a séjourné, tout ce jour et le lendemein, pour avoir moyen de bayser la mein à la Royne d'Angleterre, vers laquelle il m'a assuré qu'il avoit faict de très bons offices; et ne luy avoit semblé, parmy les propos qu'il luy avoit tenus, qu'il luy deût tayre le pourtraict: dont en a depuis uzé comme il a cogneu estre expédiant. Et mon secrettère est arrivé le mesme jour, avec la coppie du traicté et avec les lettres et mémoyres, qu'il vous a pleu m'escripre du xixe, xxe et xxiie du passé, sur lesquelles j'ay incontinent envoyé demander audience; mays, parce que ce a esté sur le poinct que la dicte Dame vouloit partyr de Grenvich pour venir en ceste ville commancer son parlement, elle m'a pryé de vouloir avoir ung peu de pacience pour ung jour ou deux. Et ainsy je n'ay esté jusques à mècredy dernier parler à elle: qui l'ay trouvée en sa mayson de St Jammes au bout du parc de Ouestmenster; où, après luy avoyr faict, de la part de Voz Majestez, et de tous ceulx de vostre couronne la conjouyssance de la conclusion du traicté; et que je luy ay heu présenté la lettre que Vostre Majesté luy avoit envoyée, escripte et signée de vostre propre mein, toute ouverte; et débatu fort amplement le poinct du xxxvie article du dict traicté; et puis percisté, aultant qu'il m'a esté possible, qu'elle vous voulût envoyer Mr le comte de Lestre; je suis venu à luy parler de l'advis que, par l'aultre dépesche, du xxve du dict moys, Vostre Majesté me commandoit de luy dire.
Qui ont esté tous propos, desquelz elle a prins une singullière satisfaction en elle mesmes, et qui luy ont faict estimer (voyant les choses procéder à tant de vrays signes de vostre droicte intention vers elle) qu'elle avoit proprement trouvé le port de seureté et le vray refuge qu'elle cerchoit en ses affères. Et de tant, Sire, que des propos que je luy ay tenus, et de ceulx qu'elle m'a respondus, et de la résolution que j'ay prins avec elle et avec les seigneurs de son conseil, tant sur ce que dessus que sur le voyage des seigneurs que Voz Majestez proposent d'envoyer mutuellement l'ung vers l'aultre, ensemble de toutes aultres nouvelles d'icy, j'en ay baillé ample instruction au Sr de Vassal, présent pourteur, je vous supplieray très humblement, Sire, de le vouloir ouyr, et de trouver bon que je descharge d'aultant la présente. Sur ce, etc.
Ce xiiie jour de may 1572.
A la Royne.
(Lettre à part.)
Madame, par plusieurs et divers moyens j'ay essayé comme je pourrois tirer du comte de Lestre et de milord de Burgley quelque notice de l'intention que ceste princesse peut avoyr au mariage de Monseigneur le Duc, et ilz m'ont assez signiffié qu'ilz y ont, de leur part, une fort singullière affection; et m'ont encores touché aulcunes particullarités, semblables à celles que les ambassadeurs vous ont dictes de dellà, pour me monstrer que la dicte Dame ne le rejette pas, et que ny elle ny eulx ne veulent qu'on en délaysse le propos, mays ilz ne s'advancent pour cella d'ung seul mot qui ayt de quoy y fonder une bonne espérance. Dont, pour les faire eslargir davantaige, je leur ay dict que je me trouvois en grande perplexité comme vous debvoir maintenant escripre de ce faict sur la venue de Mr de Montmorency, et si je persuaderois Voz Majestez, ou bien les dissuaderois, de luy donner charge d'en parler à la dicte Dame; car ne me sembloit estre de la dignité d'elle qu'on luy ouvrît ung tel propos, si elle ne l'avoit agréable, et encores moins de l'honneur du Roy de le luy faire proposer, s'il en debvoit raporter une maulvaise responce. Dont les supplioys de me donner advis comme m'y gouverner, sellon que Voz Majestez m'avoient commandé d'y procéder tousjours, ainsy qu'ilz me le conseilleroient; ce que je leur ay dict, à part l'ung de l'aultre. Et tous deux m'ont rendu une mesmes responce: c'est que nul, soubz le ciel, estoit plus propre que Mr de Montmorency pour bien acheminer ce propos, et qu'en toutes sortes Voz Majestez Très Chrestiennes luy debvoient donner charge qu'il en parlât à la dicte Dame, s'il trouvoit que les choses y fussent bien disposées, en quoy ilz s'exhiberoient ministres très oportuns premièrement vers elle, pour la persuader de le bien recepvoir, et puis vers luy, pour l'advertyr en quel temps et lieu, et par quelz argumentz il debvroit procéder; et que tout ce fait debvoit estre entièrement remis jusques à sa venue. Dont j'estime, Madame, qu'il est expédiant de cheminer en cella par les addresses qu'ilz nous monstrent, et que mon dict sieur de Montmorency, sur ce qui en a esté desjà pourparlé, et sur l'advancement que la présence du pourtraict y aura peu adjouxter, y mette non seulement ung bon fondement, mais qu'il en raporte à Vostre Majesté, quant il s'en retournera, toute la conclusion de ce qui s'en doibt espérer. Sur ce, etc.
Ce xiiie jour de may 1572.
INSTRUCTION DES CHOSES
Dont le Sr de Vassal, suyvant la présente dépesche, aura à informer Leurs Majestez:
Que, le viiie de ce moys, je suys allé trouver la Royne d'Angleterre à St Jemmes, et luy ay dict que le Roy avoit voulu donner lieu à ses ambassadeurs de luy pouvoir mander la première nouvelle de la conclusion du traicté, avant me commander de luy en rien dire; et que j'avoys bien cognu qu'ilz avoient honnorablement faict leur debvoir de luy représanter combien Leurs Majestez Très Chrestiennes y avoient procédé sincèrement, et nettement, et avec abondance d'amytié et de bienveillance vers elle;
Que maintenant j'avoys à luy dire, de la part de Leurs dictes Majestez, et de toutz ceulx de leur couronne, qu'ilz se conjouyssoient infinyement avec elle de la dicte conclusion du traicté, et que le Roy la prioit de croyre qu'il le luy confirmoit et le luy ratiffioit de cueur et de vraye affection, trop plus que nulle aultre obligation ne le sçauroit porter par escript, pour luy demeurer, de toutz ses moyens et forces, à jamais bon allié et perpétuel confédéré, comme avec celle de qui il honnoroit et révéroit plus la grandeur, et de laquelle il prisoit aultant les excellantes qualités que de nulle aultre princesse qui fût en tout le monde; et qu'il la prioit de faire estat de luy, et de pouvoir dorsenavant jouyr de tout ce qui estoit en sa puissance, et de toutes les commodités de son royaulme, comme de chose qui estoit en sa disposition; et qu'en somme elle estimât, par ceste confédération, d'avoir accreu sa grandeur d'aultant que celle du Roy, et de sa couronne, et de toute la France, y pouvoient adjouxter;
Que la dicte Dame, avec ung incroyable plésir, m'avoit respondu que son obligation estoit aujourdhuy si grande envers Leurs dictes Majestez, que, pour ne leur pouvoir par parolle rendre ung seul des infinys mercyementz qu'elle leur en debvoit, qu'elle les réservoit tous dans son cueur, pour, en lieu de ce, leur offrir, avec effect, son moyen et sa puissance, et tout ce qui dépendoit de sa couronne pour les en servir, sans excuse quelconque, toutes les foys qu'il leur pléroit le commander; et qu'elle supplioit le Roy de croyre que, puisqu'il luy avoit pleu de la prendre en sa confédération, qu'elle y persévèreroit à jamais, et ne s'en déporteroit pour péril qui peût advenir à sa propre vye, ny à son estat, comme celle qui s'estimoit estre confédérée avec le plus entier et plus droict, et le plus homme de bien, ainsy l'a elle dict, qui soit entre tous les princes qui règnent sur la terre.
Et luy ayant présenté toute ouverte la lettre que le Roy luy envoyoit touchant la cause de la religion, elle l'a lue incontinent avec affection, et m'a dict qu'elle cognoissoit très bien que le Roy, son bon frère, l'avoit escripte et signée de sa mein, et qu'elle satisfaysoit, trop plus que sufisemment, à la déclaration de son intention en cest endroict; dont m'en bailleroit une semblable de sa mein, en la forme que je la luy demandois, affin de l'envoyer à Sa Majesté Très Chrestienne.
Mais, touchant l'aultre lettre, que je luy ay demandée sur l'interprétation du xxxvie article du traicté, après qu'elle a heu, mot à mot, leu le mémoyre en françoys, et la substance de la lettre en latin, qui m'en avoient esté mandés, elle a fort aygrement débatu l'affayre, jugeant que par là l'on la vouloit contreindre de s'adresser à la Royne d'Escoce pour la poursuyte des angloys rebelles qui se retireroient en Escoce; et est retournée aux mesmes raysons qui m'avoient auparavant esté alléguées, car je leur avoys fort débatu et contredict le dict article; et enfin m'a dict qu'elle n'entendoit procéder en cest endroict, sinon jouxte la teneur des traictés d'entre l'Angleterre et l'Escoce, qui ne portoient qu'elle deût adresser ses sommations et réquisitions aux particulliers, ains au prince du pays, ou à celluy qui exerceroit l'authorité en son nom; et que, de donner advertissement au Roy de son entreprinse, premier que d'aller poursuyvre par armes ses rebelles, qui se retireroient par dellà, qu'elle espéroit bien de le faire aulcunement, durant leur bonne confédération, mais de s'y obliger par lettre ny promesse, qu'elle ne le pouvoit ny debvoit faire. Ce que ayant, au partir de la dicte Dame, débatu encores plus amplement avec sept des seigneurs de son conseil, j'ay enfin obtenu qu'il me sera baillé l'extrêt de l'article, d'entre l'Angleterre et l'Escoce, qui concerne ce faict, affin de l'envoyer au Roy pour voyr s'il le contantera; et que si, après, il y reste quelque difficulté, qu'elle sera vuydée à la venue de messieurs les depputés du Roy. Et semble bien que, de tant que l'article du nouveau traicté se réfère à debvoir procéder en cecy, sellon les anciens traictés d'entre les deux royaulmes, qu'on n'accordera jamais qu'il en soit rien changé; et les Escouçoys mesmes, quand l'on l'auroit bien advisé aultrement, ne le vouldroient consentyr.
Après ce dessus, j'ay dict à la dicte Dame que ce, où je me trouvois le plus empesché, de toute la dépesche que j'avois dernièrement reçue de France, estoit la persévérance en quoy je voyois que le Roy continuoit de la pryer qu'elle luy voulût envoyer Mr le comte de Lestre; et qu'il monstroit bien qu'il demeuroit en suspens de beaucoup de choses d'entre Leurs deux Majestez, et non si bien édiffié de plusieurs aultres comme il espéroit de l'estre par le dict sieur comte, mieulx que par nul aultre, si elle trouvoit bon qu'il l'allât trouver; et que je ne luy pouvois dire, de ce que le Roy m'en escripvoit, sinon qu'il s'attandoit de le voyr, et de l'honnorer, et bien traicter, pour l'amour d'elle, et de luy signiffier par luy quel il aura à estre et tous ceulx de sa couronne, toute leur vye, vers la dicte Dame, et comprendre aussi de luy quelle ilz la trouveront debvoir estre vers eulx; qu'elle m'avoit bien dict plusieurs occasions et plusieurs légytimes excuses là dessus, pour les mander au Roy, ce que j'avoys fort fidellement faict, mais aussy me luy avoit elle faict escripre que, s'il ne se pouvoit contanter sinon que le dict sieur comte fît le voyage, qu'elle l'en satisferoit; et de tant qu'il y percistoit, et s'aprochoit vers Paris, affin que le dict voyage fût tant plus court, qui ne seroit que de vingt ou de xxv jours, au plus long, que je la suppliois de vouloir donner congé au dict sieur comte de le faire.
La dicte Dame soubdein m'a respondu qu'elle ne pouvoit sinon avoyr une fort grande obligation au Roy pour ce sien bon desir, lequel elle voyoit bien que tendoit du tout à vouloir establir une très ferme et mutuelle confience entre eulx, mais le supplioit très affectueusement qu'il se voulût contanter que cella se fît ceste foys, pour le costé d'elle, par monsieur son amiral, lequel ayant esté faict comte de Lincoln estoit, à ceste heure, le premier homme de son royaulme, et tant bien affectionné à la confédération d'entre ces deux couronnes, et encores si bien informé des plus privées intentions qu'elle heût en son cueur, que le comte de Lestre ne sçauroit estre plus propre à ceste charge que luy, qui, d'abondant, avoit desjà tant advancé son apprest et s'estoit mis en telle despence qu'on luy feroit grand tort de révoquer sa commission; et que le comte de Lestre et milord de Burgley luy faysoient infinyement besoing pour ce parlement qui debvoit commancer le lendemein; et aussy, qu'estant icy Mr de Montmorency, lequel elle attandoit en grande dévotion, c'estoient ces deux là qui avoient à la conseiller de toutes les choses dont elle auroit à luy satisfaire; et que le Roy, encor que Mr de Montmorency fût absent, ne se trouveroit despourveu de bon conseil à l'arrivée de son dict amiral, ayant toutjour la Royne, sa mère, et Monsieur, et plusieurs aultres fort expéciaux conseillers près de luy.
Et sur toutes mes réplicques, qui n'ont esté petites, elle m'a toutjour si fermement oposé le besoing qu'elle avoit de ses dicts deux conseillers pour ses présens affayres, que je n'ay peu rien gaigner. Et, pour n'estre pas trop contredisant, après luy avoir dict que je mettrois peyne de faire prendre au Roy en bonne part ses excuses, la dicte Dame et les seigneurs de son dict conseil ont arresté que le dict sieur admiral partira d'icy le lendemein de la Pantecouste, pour passer le dernier de ce moys, avec toute sa compagnye, à Callays ou à Boulogne; et que, s'il playst au Roy que Mr de Montmorency se trouve lors au dict lieu, il se pourra servir de la commodicté des mesmes navyres angloys qui l'auront porté de dellà, desirantz que je les puysse promptement advertyr de l'intention du Roy là dessus, affin que, sellon icelle, ilz puissent régler le dict voyage et pourvoir à la réception qu'ilz dellibèrent faire fort grande et honnorable à Mr de Montmorency.
Sur la fin de l'audience, j'ay pryé la dicte Dame qu'elle me voulût, comme aultrefoys, donner parolle de ne réveller d'où luy seroit venu ung advis, lequel le Roy m'avoit mandé qu'aussytost que j'aurois veu sa lettre je ne fallisse de l'aller porter à la dicte Dame. A quoy elle m'a dict qu'elle me donnoit parolle et promettoit au Roy d'uzer de tous ses advertissementz ainsy qu'il l'ordonneroit, sans en rien oultrepasser; dont luy ayant leu fort distinctement la lettre, laquelle est du xxve du passé, elle m'a soubdein respondu qu'elle esprouvoit maintenant, par la conjecture d'aultres advis qui luy estoient venus d'ailleurs, lesquelz se raportoient à cestuy cy, que le Roy avoit véritablement soing d'elle et de ses affères, et qu'il n'y avoit rien de feinct ny de simulé en ce qu'il luy en mandoit; car, deux moys a, elle avoit surprins ung pacquet que la comtesse de Northombelland envoyoit au comte son mary, qui est prisonnier en Escoce, par lequel elle l'assuroit que bientost se dresseroit une si brave entreprinse en Angleterre pour sa liberté, et pour la restitution de ceulx qui en estoient fuytifz, et pour le restablissement de la religion catholicque, qu'elle espéroit que luy et elle se reverroient en brief en leur estat trop plus grandz et plus heureux qu'ilz n'y avoient jamais esté, et que cella s'accompliroit dans le moys de may, à la venue du duc de Medina Celi; dont le duc d'Alve avoit desjà dellivré aulx angloys de ceste entreprinse, qui estoient à Malignes, vingt mille escus, et qu'il réservoit de bailler argent aulx aultres qui estoient à Lovein et aultres villes des Pays Bas, quand l'embarquement se feroit; et que, despuys huict jours, il avoit esté surprins ung aultre pacquet qui confirmoit ce dessus, et dans icelluy avoit esté trouvé l'extrêt des propres lettres du Roy d'Espaigne et de celles du dict duc, ensemble aulcunes dellibérations du conseil d'Espaigne là dessus; et que, grâces à Dieu, elle y avoit si bien pourveu qu'elle n'en estoit plus en peyne, et qu'en lieu de la liberté que le comte de Northombelland se promettoit, il debvoit, sur l'heure mesmes que nous en parlions, estre dellivré à milord d'Housdon à Barvic, et qu'il ne tenoit qu'à elle que ce double duc d'Alve, ainsy l'a elle nommé, ne fût racourcy au petit pied, et que beaucoup de dommage ne vînt à son Maistre à cause de luy, si elle le vouloit; mais que Dieu luy estoit tesmoing qu'elle ne procuroit ny avoit jamais procuré de nuyre à ses voysins, et qu'encores, ce qu'elle avoit faict au Hâvre de Grâce, elle le pouvoit en bonne conscience justiffier de ne l'avoir jamais entreprins que pour une maulvayse response qu'on luy avoit faicte de Callays; et que, puisqu'on la recerchoit maintenant si fort, elle laysseroit aller beaucoup de choses qui, possible, n'eussent passé, bien qu'elle me vouloit dire que le duc d'Alve, voyant l'estat de ses affaires, avoit, despuis huict jours, mandé en Hespaigne qu'on se départît de toutes les entreprinses qu'on avoit projectées sur l'Angleterre et l'Yrlande, et avoit faict dyre à elle qu'il estoit prest d'entendre à toutes les honnestes condicions qu'elle mesmes jugeroit estre expédiantes pour confirmer les bons traictés et anciennes confédérations qu'elle avoit avec le Roy, son Maistre; me priant de faire entendre tout ce dessus au Roy, avec ung mercyement qu'elle luy faisoit bien fort humble, si ainsy se debvoit dyre, et très cordial pour ceste tant singullière signification de bienvueillance qu'il luy avoit maintenant monstrée; et qu'elle se dellibéroit de luy en rendre toutes pareilles en tout ce que, pour sa grandeur et repos, elle le pourroit jamais faire.
Et, sur ce propos, j'ay bien sceu qu'il a esté proposé en ce conseil s'il seroit bon d'ayder ouvertement et porter faveur à ceulx de Fleximgues, attendu les maulvès déportemens du dict duc d'Alve contre ce royaulme, et aussy que c'est une ville très commode pour y establir ung commerce, beaucoup plus que n'est Embourg; mays il a esté conclud qu'on n'atemptera, pour encores, chose quelconque à Fleximgues, ny ailleurs au Pays Bas, qui ait apparence d'estre contre le Roy d'Espaigne, et seulement on permettra aux wuallons, qui sont icy, qu'ilz puissent retourner en leur pays, avec tel équipage qu'ilz le pourront recouvrer en ce royaulme, pour leur argent. Vray est que, s'il descend nul soldat hespagnol ou aultre subject du Roy d'Espaigne, en armes, en Yrlande ou en Escoce, ou en ce royaulme, que la Royne d'Angleterre prendra ouvertement en sa protection ceulx de Fleximgues.
Il semble que les choses d'Escoce sont en pires termes d'accord qu'elles n'ont encores esté, ayant naguyères ceulx des deux partys faict des entreprinses les ungs sur les aultres, dont y a heu des prisonniers qui ont esté incontinent pendus de chacun costé; et le comte de Mar a faict mettre en prison un de ses plus expéciaulx amys, nommé Archibal Douglas, à cause de souspeçon, et dict on qu'il l'a trouvé saysy d'aulcunes lettres de ceulx de Lillebourg et d'aucunes coppies d'aultres lettres du duc d'Alve: dont ne fault doubter que Mr Du Croc ne trouve de quoy bien s'employer par dellà. Mais, de tant que j'entendz que ceulx de Lillebourg sont bien à l'estroict, et ont nécessité de beaucoup de choses, il seroit bon que Mr de Flemy y passât, avec l'argent qui luy a esté baillé, sans aultres forces que les xxv ou xxx siens serviteurs, que j'ay dict à la Royne d'Angleterre qu'il pourroit mener avecques luy; mesmes que j'ay advis que milord Herys et milord de Maxouel se sont rengez du costé de ceulx du Petit Lith.
Despuis ce dessus, le vieux capitaine Cauberon est arrivé d'Escoce, lequel confirme le contenu du précédant article, et bientôt il en yra compter des nouvelles au Roy.
Encores despuis, je viens d'entendre qu'il est venu advertissement à ceulx cy que neuf grandz navyres de guerre, hespagnolz, chargés de soldatz et de monitions de guerre, ont comparu en la coste d'Yrlande et d'Escoce, de quoy l'allarme n'est petite en ceste court.
Quand il a esté question de me bailler la lettre, qui doibt estre envoyée au Roy, escripte et signée de la mein de ceste princesse, voyant qu'on y avoit changé quelque chose en la narrative, j'en ay seulement voulu retenir une copie, laquelle j'envoye présentement au Roy pour voyr s'il s'en contantera, et ay retiré celle de Sa Majesté jusques à ce que celle de la dicte Dame me sera dellivrée.
CCLIe DÉPESCHE
—du xixe jour de may 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)
Ouverture du parlement.—Commission désignée pour décider du sort du duc de Norfolk et de Marie Stuart.—La guerre civile rallumée en Écosse.—Négociation des Pays-Bas; accord sur les deniers et marchandises.—Sursis à la négociation du traité de commerce entre la France et l'Angleterre.—Maladie du comte de Lincoln.
Au Roy.
Sire, à la pluspart de la dépesche de Vostre Majesté du iie de ce moys, laquelle j'ay receue le xiiiie, j'espère qu'il y sera desjà assez satisfaict par la mienne du xiiie, que je vous ay envoyée par le Sr de Vassal; et, s'il y reste quelque chose, je y respondray plus amplement, après que j'auray parlé à la Royne d'Angleterre; laquelle est maintenant si occupée, ensemble tous ceulx de son conseil, en tout leur parlement, qu'elle est bien ayse qu'on ne la divertisse à nul aultre affaire jusques à ce que celluy là soit achevé, sellon qu'elle en sollicite très instemment l'expédition, et presse, le plus qu'il luy est possible, d'en voyr bientost la fin. J'entendz qu'il a esté député vingt et ung principaulx personnages de la première chambre du dict parlement, (sçavoir: sept évesques, sept comtes, et sept barons), et quarante deux de la segonde, (quatorze chevaliers, quatorze escuyers et quatorze bourgoys) pour déterminer de toutes les choses qui s'i proposeront; et qu'à ceulx là a esté desjà mis entre meins le faict du duc de Norfolc et de la Royne d'Escoce.
J'ay mis peyne, aultant qu'il m'a esté possible, au nom de Vostre Majesté, d'aller au devant vers ceulx qui y ont quelque authorité pour les persuader de ne debvoir estre faict aulcung acte contre la personne ny contre la réputation de la Royne d'Escoce, ny contre le tiltre qu'elle prétend à la succession de ceste couronne; dont je ne sçay encores ce qui en adviendra, mais je creins assez qu'on face tout le pis qu'on pourra contre elle.
L'on s'est de rechef batu en Escoce, et y sont les deux partys plus aulx armes que jamais, et la ville de Lillebourg fort pressée de vivres. L'on dict que le duc de Chastelleraut est après à capituler de sa retraicte en France. J'espère que l'arrivée de Mr Du Croc par dellà y réduyra les choses à quelque modération, et je mettray peyne de luy faire tenir vostre pacquet le plus tost qu'il me sera possible, affin qu'il y puysse mieulx suyvre vostre intention et commandement.
Au regard du différent que ceulx cy ont avec les Pays Bas, il est desjà accordé touchant les deniers, en la façon qui s'ensuit: que, d'envyron troys centz mille escus qui appartiennent aulx Gènevoys et Lucoys, ilz en feront encores prest pour ung an, et sans aulcung intérest, à la Royne d'Angleterre, et elle leur fera obliger la chambre de Londres de les leur payer au bout du terme, de quoy ilz sont si contantz qu'ilz gratiffient de cinquante mille escus ceulx qui leur ont moyenné ce bon accord; et le reste des dicts deniers, qui sont envyron cent cinquante mille escus, de tant qu'ilz appartiennent aulx subjectz du Roy d'Espaigne, ilz demeureront icy pour en rembourcer les Angloys du pris de leurs marchandises qui ont esté arrestées et vendues en Flandres et en Hespagne, au cas que celles des dicts subjectz du Roy d'Espagne n'y puissent satisfaire; lesquelles on continue de les vendre encore tous les jours au plus offrant, sinon seulement les laynes qui sont réservées à estre dellivrées aulx propriétayres pour ung pris qu'ilz fourniront promptement, mais ilz y saulvent ung tiers et quasy la moittié de ce qu'elles vallent, qui n'est sans qu'ilz gratiffient aussy de quelque bonne somme ceulx qui s'en sont meslés. Et croy que, sans les troubles de Flandres, les dictes laynes fussent desjà dellivrées aulx marchandz hespagnolz qui sont à Bruges, mais je prévoy qu'il faudra qu'elles aillent toutes en France.
J'ay pressé milord de Burgley de vouloir donner quelque commancement à la commission que Vostre Majesté m'a envoyée pour l'establissement du commerce, mais il m'a pryé d'avoyr patience jusques après le parlement; car, durant icelluy, il n'y sçauroit entendre. Et cepandant les marchandz dressent leurs remonstrances, et les articles qu'ilz dellibèrent proposer pour ce faict, lequel ne sera long, quand une foys l'on aura commancé d'y vacquer.
Monsieur l'admiral d'Angleterre a heu quelques accès de fiebvre, en façon que la Royne, sa Mestresse, doubtant de sa santé, avoit une foys mis en dellibération de faire hastivement préparer ung aultre milord pour aller devers Vostre Majesté, affin qu'il n'y heût manquement de son costé; mais le dict sieur amiral m'a mandé qu'il avoit si grand desir de parachever ce voyage, et de faire quelque notable service entre Voz Majestez Très Chrestiennes et la Majesté de la Royne, sa Mestresse, que pour nul empeschement, s'il n'estoit bien extrême, il ne demeureroit; et ainsy il persévère de vouloir partir d'icy le lendemein de la Pantecoste, ou plus tost, et de passer la mer le dernier de ce moys, sinon que me mandiez que je le retarde.
Ceste princesse n'a ozé loger à Ouesmenster à cause de quelque souspeçon de peste; dont s'en retournera, dans cinq ou six jours, à Grenvich, y attandre Mr de Montmorency, estant la mayson de Sr Jemmes, où elle est à présent, trop petite pour l'y recepvoir; et j'entendz qu'elle le fera loger dans le chasteau. Sur ce, etc.
Ce xixe jour de mai 1572.
CCLIIe DÉPESCHE
—du xxiiiie jour de may 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)
Apprêts de départ du comte de Lincoln.—Préparatifs faits pour recevoir Mr de Montmorenci.—Crainte que le parlement ne veuille priver Marie Stuart de ses droits à la succession d'Angleterre.—Affaires d'Écosse.—Nouvelles de France; confiance des protestans.—Résolution de plusieurs anglais de passer à Flessingue pour combattre le duc d'Albe.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Alençon.
Au Roy.
Sire, le trein de Mr le comte de Lincoln a commancé, dez jeudy dernier, xxiie de ce moys, de s'acheminer à Douvre, pour passer dellà, et luy partira après demein, xxvie, en dellibération de descendre à Boulogne, le dernier du moys, sans fallyr; sa troupe est ung peu plus grande qu'il ne cuydoit, et pourra estre d'environ deux centz chevaulx. Il semble que la Royne d'Angleterre laysse sa première opinyon de retourner à Grenvich, et qu'elle yra à Hamptoncourt pour plus honnorablement recepvoir Mr de Montmorency et messieurs voz depputés. Elle ne veult permettre que Mr le comte de Lestre soit leur hoste en ceste ville, ains elle leur a faict dresser une de ses maysons, nommée de Sommerset Place, qui est fort belle et ample, et l'a faicte garnyr de ses meubles; mais le dict sieur comte ne laysse, pour cella, de faire préparer la sienne pour y festoyer la compagnie; et monstre, toute ceste court, d'estre fort disposée de bien recepvoir et caresser les françoys.
Toutes les dellibérations du parlement, qui se tient maintenant icy, sont encores en suspens; et, parce que je creins qu'on y veuille faire des décretz contre la Royne d'Escoce, j'ay desjà remonstré à des principaulx de l'assemblée que cella ne pourroit bien sonner pour la réputation de Vostre Majesté, et dissouldroit plustost que n'estreindroit quelcun des neudz de la bonne amityé qui est encommancée; et qu'il estoit trop meilleur et plus honnorable pour la Royne d'Angleterre qu'elle obtînt par ses Estats la faculté d'eslire ung successeur, que non pas de faire priver maintenant la Royne d'Escoce du tiltre de la succession, ny ordonner rien de mal contre elle. Sur quoy m'a esté despuis respondu que la dicte Royne d'Angleterre vous vouloit porter tant de respect que, si elle sçavoit, à bon esciant, que vous deussiez estre offancé pour quelque chose de la Royne d'Escoce, qu'elle n'auroit garde de permettre qu'on y touchât. Je ne sçay encores ce qui en sera.
J'ay receu une lettre de Mr Du Croc, du xvie du présent, et avec icelle ung pacquet pour Vostre Majesté, par lequel je m'assure qu'il vous donne bon compte des choses d'Escoce; dont je ne vous en feray icy aultre mencion, sinon de vous dire, Sire, que ceste princesse, voyant la confirmation que m'aviez escripte, le iiiie de ce moys, de l'advis que, le xxve du passé, vous m'aviez mandé luy dire touchant les dictes choses d'Escoce, n'a longuement différé de me laysser donner conduicte à vostre pacquet vers le dict Sr Du Croc, qui à mon advis, l'a desjà en ses meins. Et, quant aulx aultres particullarités que j'ay dictes à la dicte Dame, (de l'accord de messieurs de Guyse avec monsieur l'Admiral, et de la volontayre démission que ceulx de la religion ont faicte en voz meins, des places que leur aviez layssées pour leur seureté, et de la prochaine consommation des nopces de Madame avec Monsieur le Prince de Navarre, aussytost qu'il sera guéry) elle en a faict une semblable conjouyssance, comme si ce fussent particullières prospérités pour elle et pour son estat. Ayant rendu grâces à Dieu de l'heur et du bon succès qu'elle voyoit maintenant en toutz voz affères, elle a loué grandement la prudence et la vertu de Voz Majestez, qui les y sçaviez très bien disposer. Et n'entendz, à ceste heure, Sire, rien plus ordinayrement des propos de la dicte Dame, sinon qu'elle est fermement résolue de persévérer en vostre amityé et bonne intelligence, tant que Dieu la layssera en ce monde.
Il semble que aulcuns angloys se veulent dispenser, de eulx mesmes, d'aller accompaigner les wuallons, qui sont icy, pour aller ayder ceulx de Fleximgues, et estime l'on que le nombre pourra estre de quatre à cinq mille. Sur ce, etc.
Ce xxive jour de may 1572.
A la Royne.
(Lettre à part.)
Madame, après que le Sr Cavalcanty a heu dellivré le pourtraict à Mr le comte de Lestre, la Royne d'Angleterre l'a faict aporter en son cabinet privé, où elle l'a veu fort oportunément, et m'a le dict sieur comte despuis mandé que ce que le dict pourtraict avoit représanté de la taille et de la disposition de la personne, encore que ce ne fût tout aultant comme de Monseigneur, si n'avoit il semblé que fort bien à la dicte Dame, et si, avoit jugé que l'accidant du visage s'en yroit avec le temps. Vray est que, quand elle estoit venue à lyre l'inscription de l'aage, elle avait dict qu'il n'arrivoit à la moictié du sien, de dix huict à trente huict; et que les choses, qu'elle avoit crainct, pour ce regard, de son ayné, estoient encores plus à creindre de luy: qui est tout ce, Madame, que le dict sieur comte m'en a mandé; et que, à l'arrivée de Mr de Montmorency, le propos s'en aprofondiroit davantaige; vers lequel il me promettoit de uzer, en cest endroict, aultant ouvertement et clèrement, et en fidelle amy, comme il le pourroit desirer, et de s'y emploier de tout son pouvoir; et qu'il s'assuroit que milord de Burgley, après s'estre desmélé des affères de ce parlement, et de ses gouttes qui l'avoient travaillé tous ces jours, en feroit de mesmes.
J'ay sceu d'ailleurs, Madame, que, discourant ceste princesse de cest affaire, elle avoit monstré que la disproportion de l'aage seroit ung très grand obstacle en ce propos, parce qu'elle ne vouloit, en façon du monde, qu'on jugât qu'elle se fût maryée par nécessité plustost que par ellection, veu sa grandeur et ses aultres qualités, et que cella la faysoit bien fort incliner à ne se marier jamais; bien disoit que, de cent ans, n'avoit esté contractée une plus loyalle amytié entre princes, que celle qu'elle espéroit avoir conclue avec Voz Très Chrestiennes Majestez, et qu'elle y persévèreroit jusques à la mort. Dont, Madame, de tant qu'il semble qu'on débatra fort ce point de l'aage, Vostre Majesté pourra, sur cella, uzer vers Mr le comte de Lincoln par dellà, et Mr de Montmorency, icy, des meilleures et plus convenables persuasions qui vous sembleront bonnes pour en dissouldre la difficulté; et je mettray peyne d'y disposer cependant la matière et les personnes, le mieulx qu'il me sera possible. Sur ce, etc.
Ce xxive jour de may 1572.
CCLIIIe DÉPESCHE
—du xxviiie jour de may 1572.—
(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer).
Soupçon de peste qui empêche l'ambassadeur de demander audience.—Communication par lettres.—Réponse faicte par Burleigh au nom de la reine.—Danger que court la reine d'Écosse depuis la réunion du parlement.—Conférence du comte de Lincoln avec l'ambassadeur.
Au Roy.
Sire, estantz deux de mes valletz devenus malades en mon estable, le xe de ce moys, avec quelque souspeçon de peste, encor que ce soit assez loing hors de mon logis, et que, les ayant faict transporter encores plus loing, ilz soient depuis fort bien guéris, j'ay voulu néantmoins m'abstenir de demander la présence de la Royne d'Angleterre, jusques après avoir prins l'aer des champs; mais cependant j'ay extrêt les principalles particullarités qui m'ont semblé nécessayres de communicquer, des dictes deux dépesches, à la dicte Dame et les luy ay mandées par escript.
Lesquelles elle a heu si agréables que milord de Burgley, le jour ensuyvant, m'a envoyé un clerc de ce conseil pour me dire qu'il avoit charge, de la part d'elle, de m'assurer que, depuis qu'elle estoit royne, nulle chose luy avoit succédé, de quoy elle se trouvât plus contante que de la confédération qu'elle avoit faicte avecques Votre Majesté, voyant, tous les jours, sortir nouveaulx et assurez tesmoignages, dont ceulx des dictes deux dépesches n'estoient petitz, de la confirmation de vostre amityé vers elle; et que, de sa part, elle se dellibéroit d'en rendre de si clers et de si manifestes au monde par euvres, par parolles et par toutes aultres démonstrations qu'elle pourroit, que toute la Chrestienté ne doubteroit nullement de sa ferme persévérance vers la vostre; et qu'elle avoit regret de ne pouvoir assez monstrer combien Mr de Montmorency et messieurs voz aultres depputez seroient, pour l'honneur de Vostre Majesté, bien veuz et bien receus en Angleterre, et que, si elle heût sceu qu'ilz heussent esté si pretz, il y a plus de dix jours que Mr le comte de Lincoln fût party; qu'elle prenoit en fort bonne part ce que m'aviez escript de la Royne d'Escoce, de laquelle néantmoins elle me vouloit bien dire que ceulx, qui estoient assemblés icy en son parlement, la pressoient infinyement qu'elle fît procéder par la justice et par les loix du pays contre elle, affin de pourvoir, par ce moyen, à sa propre seureté, et mettre sa personne et son royaulme hors de danger, et que plusieurs considérations diverses, qui contrarioient bien fort les unes aux aultres de le faire ou de ne le faire pas, la mettoient à ne sçavoir comment en uzer; tant y a que tous les gens de ses Estatz, toutz, d'une voix, crioient infinyement contre la dicte Royne d'Escoce; que, au reste, elle n'avoit nulles nouvelles du pays d'Escoce, depuis que Mr Du Croc y estoit arrivé, mais, aussytost qu'elle en auroit, elle m'en feroit part; et qu'elle avoit entendu que six vaysseaulx du prince d'Orenge et ung nombre de françoys estoient descendus à Fleximgues.
Sur lesquelles particullarités, Sire, j'ay respondu au dict de Burgley que je rendois, en premier lieu, grâces à Nostre Seigneur de l'establissement que prenoit plus grand et plus solide, toutz les jours, l'amityé qui estoit entre Voz Majestez et voz deux royaulmes, et que je ne faudrois de vous escripre ce qu'il me fesoit entendre de la part de la Royne, sa Mestresse; que, pour le regard de la Royne d'Escoce, elle m'estoit infinyement recommandée de vostre part, et me commandiés d'incister toujours pour elle et pour ses affères, aultant que vostre honneur vous y rendoit obligé, et en sorte que je me gardasse bien d'offancer la dicte Royne d'Angleterre, ny qu'elle en peût rien prendre de maulvayse part; comme aussy vous aviez tant de confience d'elle, qu'elle ne voudroit, en ce qui touchoit la Royne d'Escoce, ny en nulle aultre occasion, offancer la vraye amityé qui est entre vous. Qui estoit tout l'ordre que m'aviez commandé d'observer en cest endroict, sur lequel je suppliois la Royne, sa Mestresse, et les seigneurs de son conseil et de son parlement, qu'ilz volussent conformer leurs dellibérations à cest honneste desir de Vostre Majesté, qui estoit très honneste et bien fort raysonnable; que je remercyois bien humblement la dicte Dame de la communicquation, qu'elle promettoit de me faire, des nouvelles qui luy viendroient d'Escoce, qui estoit chose que Vostre Majesté auroit bien fort agréable; et, quand aux six vaysseaulx du prince d'Orenge, que je n'en avois aulcung advis, et qu'il pouvoit bien estre que ceulx de Fleximgues, pour faire croistre la réputation de leur entreprinse, se vantoient de plus de choses qu'ilz n'avoient.
Or, Sire, je vous puis bien assurer, quand à la Royne d'Escoce, qu'on a esté fort près de faire deux forts préjudiciables jugementz contre elle, l'ung de la vye, et l'aultre du tiltre qu'elle prétend à la succession de ce royaulme. Dont, du premier, elle doibt rendre grâces à Dieu, et à Vostre Majesté, de l'avoir, pour ceste foys, évité; car, sur les grandes instances que j'ay faictes, et sur les raysons que j'ay alléguées pour cuyder empescher l'ung et l'aultre, les principaulx du conseil m'ont respondu que, pour le seul respect de Vostre Majesté, et affin de ne vous offancer, la dicte Royne d'Angleterre avoit bien voulu faire cesser l'instance de la vye de la dicte Dame pour maintenant; mays, quand à celle de la succession, elle leur en layroit faire. Je ne sçay encores ce qui en adviendra.
A deux jours de là, Mr le comte de Lincoln m'est venu trouver en mon logis, et m'a dict qu'il s'en alloit devers Vostre Majesté avec la plus ample commission d'amityé et les plus honnorables offres qui jamais heussent esté mandées, de ce costé, à nul aultre prince de la Chrestienté; et qu'il se réputoit très heureulx d'intervenir ministre en ung tel acte, qui estoit très agréable à Dieu, très utile à ces deux royaulmes, et très honnorable devant la face de toutz les humains; et qu'il y apportoit de soy une affection si bonne que nulle meilleure ny plus parfaicte s'en pourroit trouver, au monde. Et ainsy, Sire, il est party, fort honnorablement accompaigné, le xxvie jour de ce moys, en dellibération de passer à Boulogne, le dernier, et accommoder de ses vaysseaulx Mr de Montmorency et messieurs voz depputés, et toute leur troupe, pour les trajecter deçà, le premier de juing; estant desjà le comte de Pembroth, avec quatre milordz, et aultre bon nombre de gentilshommes, ordonnés pour les aller recueillir à Douvre, et sept personnages, de chacun office de la mayson de ceste princesse, pour commancer de les traicter, dès le désembarquement. Et est mandé à la noblesse et officiers de la contrée, par où ilz passeront, de les accompaigner, et au comte d'Ochester, ou bien à celluy de Hontinthon, qui sont parans de la couronne, de leur aller au devant, avec ung aultre nombre de noblesse, à Gravesines, pour les conduyre, contremont la Tamise, jusques en ceste ville, où les comtes de Lestre et de Oxfort se trouveront, à leur descendre, à Somerset Place, qui est une mayson de la Royne; et leur feront sçavoir le jour qu'ilz pourront aller trouver la dicte Dame. Laquelle s'en va cependant à Hamptoncourt pour plus favorablement les recepvoir; vous pouvant assurer, Sire, que ceulx, qui vivent aujourdhuy, assurent n'avoir veu préparer, de leur temps, une si honnorable réception pour nulz aultres seigneurs qui soient passez en ce royaulme, comme maintenant l'on la prépare pour vos depputez. Dont j'espère bien, Sire, que ferez uzer de quelque correspondance, par dellà, à bien recepvoir le dict comte de Lincoln.
A ce matin, milord de Burgley m'a renvoyé, de rechef, le susdict clerc du conseil pour me dire que, en telles légations, comme sont ces deux, il n'estoit accoustumé d'uzer de saufconduictz, parce qu'on estoit en bonne paix; dont le comte de Lincoln n'en demandoit poinct pour son regard, et que, si j'en voulois pour voz depputés, que sa Mestresse m'en bailleroit. Je luy ay respondu, Sire, que messieurs voz depputés, à mon advis, ne vouldroient monstrer moins de confience, venantz en Angleterre, que les leurs en monstroient, allans en France, et par ainsy que je ne demandois point de saufconduict pour eulx. Et sur ce, etc.
Ce xxviiie jour de may 1572.
A la Royne.
Madame, je donne compte, en la lettre du Roy, des responces qui m'ont été faictes sur les deux dernières dépesches de Voz Majestez, et y mande la substance du propos que Mr le comte de Lincoln m'est venu tenir, quant il est party pour vous aller trouver; ayant à vous dire davantage, Madame, que le dict sieur comte monstre d'avoir une bonne affection au propos de Monseigneur le Duc, et une fort grande affection à Voz Majestez Très Chrestiennes et à la France, et qu'il m'a touché assez de choses en général de cella; mais que, pour le faire venir à quelque particulier, je luy ay bien voulu dire que, oultre la bonne disposition, en quoy il trouveroit Voz dictes Majestez, de persévérer à jamais en une parfaicte confédération avec la Royne, sa Mestresse, et ce royaulme, qu'il vous verroit encores très affectionnés à la vouloir perpétuer par ung indissoluble lien de mariage, et d'une très honnorable allience; en quoy je desirois qu'il heût charge de vous y bien respondre, si, d'avanture, Vostre Majesté venoit à luy en parler, et que, si je pensois que la dicte Royne, sa Mestresse, fût en cella que de ne trouver bon qu'on entrât en ce propos, ou bien qu'elle luy heût donné commandement de ne l'escouter, je mettrois peyne d'advertyr Vostre Majesté de le différer à une aultre foys.
Sur quoy il m'a respondu que son instruction ne luy estoit encore dellivrée, mais qu'il jugeoit bien, parce que, de bouche, sa dicte Mestresse luy avoit dict, qu'elle se trouvoit aujourdhuy si contante de Voz Très Chrestiennes Majestez qu'il ne failloit doubter, quand elle auroit ung peu plus gousté le fruict de vostre amityé, qu'elle ne se disposât, le plus qu'il luy seroit possible, de satisfaire à Voz Majestez Très Chrestiennes, aultant qu'avec son honneur et dignité elle le pourroit faire; et qu'il s'assuroit bien qu'elle ne pourroit prendre que de fort bonne part tout ce que Voz Majestez vouldroient proposer maintenant à luy, qui ne desiroit rien tant en ce monde que de pouvoir bien servir à l'effect de ce propos, le cognoissant très honnorable pour sa Mestresse, et très desirable pour toutz les subjects de son royaulme, et n'a poinct passé oultre. Dont m'ayant semblé ne le debvoir presser davantage, je me déporteray aussy, attendant l'arrivée de Mr de Montmorency et de Mr de Foyx, d'en dire plus avant à Vostre Majesté. Sur ce, etc.
Ce xxviiie jour de may 1572.
FIN DU QUATRIÈME VOLUME.
NOTES:
[1] Lettre du 2 mars 1571, escritte de la main de la Royne à Monsieur de La Mothe Fénélon. Voir le Supplément à la Correspondance Diplomatique de La Mothe Fénélon, contenant les lettres qui lui étalent écrites de la cour.
[2] Cette lettre annonce la résolution formelle du roi d'envoyer en Écosse, pendant six mois, à partir du premier mars, le secours de quatre mille écus par mois, sollicité par les députés de Marie Stuart. Voir le Supplément à la Correspondance Diplomatique de La Mothe Fénélon.
[3] Le 4 mars 1571, les protestans, au moment où ils sortaient de Rouen pour aller faire leurs prières, avaient été insultés, et le soir, à leur retour, ils furent attaqués de vive force. Cinq d'entre eux restèrent morts sur la place; un plus grand nombre fut blessé, et le reste dut prendre la fuite. Le maréchal François de Montmorency fut chargé par le roi de punir cette infraction à l'édit de pacification. Une commission, prise dans le sein du parlement de Paris, fut réunie sous la présidence de Bernard Prevot, sieur de Morsan. Quelques-uns des coupables furent punis de mort, d'autres du bannissement; trois cents qui s'étaient sauvés furent condamnés à mort par contumace.—Au mois de février précédent, la populace d'Orange, en Provence, excitée par Mignoni et Michel de La Baume, s'était jetée sur les protestans dont plusieurs avaient été tués. L'émeute, qui dura trois jours, ne fut arrêtée que par l'intervention de Momméjan, commandant du château, qui donna asile aux protestans dans la citadelle. Berchon, nommé bientôt après gouverneur de la ville, à la sollicitation de Louis de Nassau, fit punir les coupables de la mort ou de l'exil.
[4] Cavalcanti.
[5] L'archevêque de Saint-André, qui s'était trouvé parmi les prisonniers faits dans le château de Dunbarton, fut mis à mort le 6 avril 1571. Il périt par la potence. Sa mort fut vengée quelques mois après par Huntley, Claude Hamilton et Scot de Buccleugh, qui parurent à l'improviste avec quatre cents chevaux aux portes de Stirling, le 3 septembre 1571, jour où le parlement y était convoqué: Souviens-toi de l'archevêque! était le mot d'ordre donné aux soldats. Le comte de Lennox fut tué d'un coup de pistolet au milieu du tumulte; tous les autres seigneurs, au nombre desquels se trouvait le comte de Morton, furent faits prisonniers.
[6] Le lundi saint.
[7] Voir la lettre de Walsingham à milord de Burleigh des 8 et 9 avril 1571, et la conférence entre Mr de Foix et lui.—Négociations de Walsingham, lettre lxxi, p. 98.
[8] Avec protestation.
[9] Storey, zélé catholique, qui avait joué un rôle important sous les règnes d'Edouard et de Marie, s'était réfugié en Flandre auprès du duc d'Albe pour échapper à la vengeance d'Élisabeth. En 1569, on était parvenu à l'attirer par surprise dans un vaisseau anglais, qui le conduisit à Londres. Il fut condamné à mort comme convaincu de trahison et de magie.
[10] Cette lettre n'a pas été transcrite sur les registres, mais elle fait partie de la Collection complète des lettres de Marie Stuart publiée par Mr le prince de Labanoff de Rostof, où sont également insérées toutes celles que nous avons pu retrouver dans les papiers de l'ambassadeur.
[11] Catherine, sœur puînée de Jeanne Gray. Voir note, t. iii, p. 359.
[12] Paul de Foix, archevêque de Toulouse, avait été lui-même ambassadeur en Angleterre de 1561 à 1565, époque à laquelle il avait été remplacé par Mr Bochetel de La Forest.
[13] Le récit de cette négociation, qui n'a pas été transcrit sur les registres, ne s'est pas retrouvé dans les papiers de l'ambassadeur, où l'on voit seulement le compte qui a été rendu de la négociation dont Mr de Foix a été chargé l'année suivante (juin 1572) avec MMrs de Montmorenci et de La Mothe Fénélon au sujet du mariage du duc d'Alençon.
[14] Cette entreprinse sur Stirling, qui avait eu un si heureux commencement (v. note p. 69), fut sans aucun résultat pour la cause de Marie Stuart; le comte de Mar étant bientôt arrivé, délivra les seigneurs prisonniers; il fut proclamé régent, et fit périr, par les supplices, plusieurs des auteurs de l'entreprise. Les deux avis dont il est ici mention n'ont pas été transcrits sur les registres.
[15] Voir la Collection complète des lettres de Marie Stuart, publiée par Mr le prince de Labanoff de Rostof.
[16] La victoire de Lépante, ou des Cursolaires, remportée, le 7 octobre 1571, par la flotte combinée des chrétiens sous les ordres de don Juan.
[17] Avec condition.
[18] Il s'agit ici du libelle composé par Buchanan, vers 1568, sur l'ordre du compte de Murray, et qui fut alors publié pour la première fois (1571), sous le titre de Detectio Mariæ Reginæ Scotorum.—Voyez le Recueil de Jebb, 1, 237.
[19] Avec condition.
[20] Don Francès d'Alava avait succédé, comme ambassadeur du roi d'Espagne en France, à Chamoné, en 1566. Il fut forcé de quitter l'ambassade par suite de divers mécontentemens qu'il avait donnés au roi, auprès duquel il fut remplacé, en décembre 1571, par Aguilon. (Archives de Symancas.)
[21] Cette émeute fut causée par le transport de la croix de Gastines au cimetière St-Innocent. Ce monument avait été érigé, en 1569, durant la guerre civile, en exécution d'un arrêt rendu par le parlement de Paris contre trois marchands huguenots, Nicolas Croquet, Philippe et Richard de Gastines, qui avaient été tous trois condamnés au gibet. Après la pacification, Coligni avait demandé que cette croix fût détruite. On profita de la nuit pour la déplacer; mais le lendemain les catholiques irrités se jetèrent sur les maisons des protestans, qu'ils livrèrent au pillage. Le maréchal de Montmorenci et Claude Marcel, prévôt des marchands, parvinrent à apaiser la sédition, mais non sans effusion de sang.
[22] Traité du 11 février 1543. Du Mont. Corps Diplomatique, t. iv, 2e partie, p. 252.
[23] Mr du Croc avait résidé, comme ambassadeur en Écosse, auprès de Marie Stuart en 1567, et avait fait tous les efforts pour empêcher son mariage avec Bothwel.
[24] Traité du 22 avril 1572. Voyez Du Mont, Corps Diplomatique, t. v, part. 1.
TABLE
DES MATIÈRES DU QUATRIÈME VOLUME.
| Année 1571.—Seconde Partie. | |
|---|---|
| 162e Dépêche.—1er mars.— | |
| AU ROI. | 1 |
| Affaires d'Ecosse. | 1 |
| Négociation pour Marie Stuart. | 2 |
163e Dépêche.—6 mars.— |
|
| AU ROI. | 5 |
| Négociation du traité pour l'Ecosse. | 5 |
| Tentatives de Bothwel. | 8 |
| A LA REINE. (lettre secrète). | 8 |
| Sur le mariage du duc d'Anjou. | 8 |
| Autre lettre secrète. | 10 |
| Renonciation du duc d'Anjou;—Proposition du mariage pour le duc d'Alençon. | 11 |
| Mémoire général sur les affaires d'Ecosse;—Négociation avec l'Espagne. | 14 |
164e Dépêche.—12 mars.— |
|
| AU ROI. | 18 |
| Du traité pour l'Ecosse. | 18 |
| Avis de Walsingham. | 20 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 22 |
| Négociation du mariage du duc d'Anjou. | 22 |
165e Dépêche.—17 mars.— |
|
| AU ROI. | 25 |
| Du traité pour l'Ecosse. | 26 |
| Négociation des Pays-Bas. | 27 |
166e Dépêche.—23 mars.— |
|
| AU ROI. | 29 |
| Audience. | 30 |
| Affaires d'Ecosse. | 33 |
| Mort du cardinal de Chatillon. | 34 |
167e Dépêche.—28 mars.— |
|
| AU ROI. | 34 |
| Audience. | 34 |
| Affaires d'Ecosse. | 36 |
| Nouvelles de Flandre et d'Irlande. | 37 |
168e Dépêche.—1er avril.— |
|
| AU ROI. | 38 |
| Sursis à la négociation pour l'Ecosse. | 39 |
| Détails sur Chatillon. | 40 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 41 |
| Négociation du mariage. | 41 |
169e Dépêche.—6 avril.— |
|
| AU ROI. | 45 |
| Ouverture du parlement. | 45 |
| Affaires d'Ecosse et des Pays-Bas. | 47 |
170e Dépêche.—11 avril.— |
|
| AU ROI. | 50 |
| Débats du parlement. | 50 |
| Affaires d'Ecosse. | 51 |
| Prise de Dunbarton. | 52 |
171e Dépêche.—16 avril.— |
|
| AU ROI. | 53 |
| Audience. | 53 |
| Affaires d'Ecosse. | 55 |
172e Dépêche.—19 avril.— |
|
| AU ROI. | 58 |
| Audience. | 55 |
| Proposition du mariage. | 59 |
| Mémoire. Discussion du contrat de mariage entre le duc d'Anjou et Elisabeth. | 61 |
173e Dépêche.—23 avril.— |
|
| AU ROI. | 69 |
| Supplice de l'archevêque de Saint-André. | 69 |
| Nouvelles d'Irlande et de Flandre. | 70 |
174e Dépêche.—28 avril.— |
|
| AU ROI. | 71 |
| Débats du parlement. | 71 |
| Affaires d'Ecosse. | 72 |
| Armemens à Londres. | 74 |
175e Dépêche.—2 mai.— |
|
| AU ROI. | 75 |
| Audience. | 75 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 78 |
| Négociation du mariage. | 78 |
176e Dépêche.—6 mai.— |
|
| A LA REINE. | 86 |
| Refroidissement d'Elisabeth. | 86 |
177e Dépêche.—8 mai.— |
|
| AU ROI. | 88 |
| Tournoi à Londres. | 88 |
| Crainte pour L'Irlande. | 89 |
| Affaires d'Ecosse. | 90 |
178e Dépêche.—10 mai.— |
|
| A LA REINE. | 92 |
| Négociation du mariage. | 92 |
179e Dépêche.—13 mai.— |
|
| AU ROI. | 103 |
| Débats du parlement. | 103 |
| Nouvelles d'Ecosse et de Flandre. | 104 |
180e Dépêche.—18 mai.— |
|
| AU ROI. | 106 |
| Débats du parlement. | 106 |
| Projets de l'Espagne. | 107 |
| Arrestation de l'évêque de Ross. | 109 |
181e Dépêche.—23 mai.— |
|
| AU ROI. | 110 |
| Débats du parlement. | 111 |
| Combat près Lislebourg. | 111 |
| Négociation des Pays-Bas. | 112 |
182e Dépêche.—28 mai.— |
|
| AU ROI. | 113 |
| Audience. | 113 |
| Déclaration du roi touchant l'Ecosse. | 114 |
| Négociation des Pays-Bas. | 117 |
183e Dépêche.—2 juin.— |
|
| AU ROI. | 118 |
| Conférence sur l'Ecosse. | 118 |
| A LA REINE. | 122 |
| Irritation d'Elisabeth contre Marie Stuart. | 122 |
| Lettre secrète sur le mariage. | 123 |
184e Dépêche.—7 juin.— |
|
| A LA REINE. | 129 |
| Articles du contrat de mariage. | 129 |
185e Dépêche.—9 juin.— |
|
| AU ROI. | 135 |
| Clôture du parlement. | 136 |
| Exécution de Storey. | 136 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 137 |
| Nouvelle accusation contre le duc de Norfolk. | 138 |
186e Dépêche.—14 juin.— |
|
| AU ROI. | 139 |
| Succès des partisans de Marie Stuart. | 139 |
| Négociation avec l'Espagne. | 141 |
| Blessure du roi. | 141 |
187e Dépêche.—20 juin.— |
|
| AU ROI. | 142 |
| Audience. | 142 |
| Détails sur la blessure du roi. | 142 |
| Accusation contre l'évêque de Ross. | 145 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 148 |
| Négociation du mariage. | |
| Proposition du fils de l'empereur pour mari d'Elisabeth. | 149 |
188e Dépêche.—23 juin.— |
|
| AU ROI. | 151 |
| Affaires d'Ecosse. | 151 |
| Opposition a la mise en liberté de Bothwel. | 152 |
| Nouvelles d'Allemagne. | 153 |
| Liberté du comte de Hertford. | 154 |
| Prise de Leith. | 154 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 155 |
| Négociation du mariage. | 155 |
189e Dépêche.—28 juin.— |
|
| AU ROI. | 158 |
| Combat en Ecosse. | 158 |
| Conspiration de Ridolfi. | 159 |
| Troubles en Irlande. | 162 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 163 |
| Négociation du mariage. | 163 |
190e Dépêche.—9 juillet.— |
|
| AU ROI. | 165 |
| Mission de Mr de Larchant pour le mariage. | 165 |
| A LA REINE. | 166 |
| Confidences d'Elisabeth. | 166 |
191e Dépêche.—11 juillet.— |
|
| AU ROI. | 169 |
| Négociation de Mr de Larchant. | 169 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 172 |
| A LA REINE. (lettre secrète). | 175 |
| Négociation du mariage. | 175 |
192e Dépêche.—14 juillet.— |
|
| AU ROI. | 176 |
| Affaires d'Ecosse. | 176 |
| Retour de sir Henri Coban. | 178 |
| Négociation des Pays-Bas. | 179 |
| Avis sur le mariage. | 180 |
193e Dépêche.—20 juillet.— |
|
| AU ROI. | 193 |
| Audience. | 181 |
| Affaires d'Ecosse. | 185 |
| A LA REINE. | 186 |
| Négociation du mariage. | 186 |
194e Dépêche.—22 juillet.— |
|
| AU ROI. | 188 |
| Affaires d'Ecosse. | 188 |
| A LA REINE. | 189 |
| Négociation du mariage. | 189 |
195e Dépêche.—26 juillet.— |
|
| AU ROI. | 192 |
| Affaires d'Ecosse. | 193 |
| A LA REINE. | 195 |
| Négociation du mariage. | 195 |
196e Dépêche.—31 juillet.— |
|
| AU ROI. | 196 |
| Affaires d'Ecosse. | 196 |
| Nouveau complot reproché à Marie Stuart. | 198 |
| Arrestation de Stanley. | 198 |
| Nouvelles d'Irlande. | 199 |
| Accord sur les prises des Pays Bas. | 199 |
| A LA REINE. | 200 |
| Négociation du mariage. | 200 |
197e Dépêche.—5 août.— |
|
| AU ROI. | 202 |
| Inquiétude d'Elisabeth. | 202 |
| Instances pour Marie Stuart. | 205 |
| A LA REINE. | 206 |
| Présent fait à l'ambassadeur. | 206 |
198e Dépêche.—6 août.— |
|
| A LA REINE. | 208 |
| Négociation du mariage. | 208 |
199e Dépêche.—9 août.— |
|
| AU ROI. | 210 |
| Négociation du mariage. | 210 |
| État des partis en Ecosse. | 211 |
| A LA REINE. | 213 |
| Communication de Leicester. | 213 |
200e Dépêche.—12 août.— |
|
| AU ROI. | 214 |
| Mission de Mr de Foix. | 215 |
| Nouvelles d'Ecosse et d'Irlande. | 215 |
201e Dépêche.—19 août.— |
|
| AU ROI. | 217 |
| Audience donnée à Mr de Foix. | 217 |
| Détails de sa négociation. | 217 |
| A LA REINE. | 221 |
| Protestations de dévouement de la noblesse d'Angleterre. | 222 |
202e Dépêche.—3 septembre.— |
|
| AU ROI. | 223 |
| Départ de Mr de Foix. | 223 |
203e Dépêche.—7 septemb.— |
|
| AU ROI. | 224 |
| Négociation du mariage. | 224 |
| Saisie d'argent envoyé en Ecosse. | 226 |
| Accusation contre le duc de Norfolk. | 226 |
| Il est mis à la Tour. | 228 |
204e Dépêche.—12 septemb.— |
|
| AU ROI. | 229 |
| Procédure contre Norfolk. | 229 |
| Danger de Marie Stuart. | 230 |
| Entreprise sur Stirling. | 231 |
205e Dépêche.—16 septemb.— |
|
| AU ROI. | 232 |
| Affaires d'Ecosse. | 232 |
| Mort du comte de Lennox;—Le comte de Mar, régent. | 232 |
| A LA REINE. | 235 |
| Nécessité d'envoyer des secours en Ecosse | 235 |
206e Dépêche.—21 septemb.— |
|
| AU ROI. | 237 |
| Affaires d'Ecosse. | 237 |
| Négociation du mariage. | 239 |
207e Dépêche.—26 septemb.— |
|
| AU ROI. | 241 |
| Affaires d'Ecosse. | 242 |
| Assemblée de Stirling. | 243 |
| Accusations contre le duc de Norfolk et Marie Stuart. | 244 |
208e Dépêche.—30 septemb.— |
|
| AU ROI. | 245 |
| Accueil fait à Coligni par le roi. | 245 |
| Mission de Quillegrey. | 247 |
| Nouvelles des Pays-Bas et d'Ecosse. | 247 |
209e Dépêche.—6 octobre.— |
|
| AU ROI. | 248 |
| Procès du duc de Norfolk. | 248 |
| Arrestation du comte d'Arundel et de lord de Lumley. | 248 |
| Affaires d'Ecosse. | 249 |
210e Dépêche.—10 octobre.— |
|
| AU ROI. | 251 |
| Audience. | 251 |
211e Dépêche.—15 octobre.— |
|
| AU ROI. | 254 |
| Affaires d'Ecosse. | 254 |
| A la Reine. | 257 |
| Négociation du mariage. | 257 |
212e Dépêche.—20 octobre.— |
|
| AU ROI. | 258 |
| Affaires d'Ecosse. | 259 |
| Procès du duc de Norfolk. | 261 |
| Arrestation de lord Coban, et fuite du comte de Derby. | 261 |
213e Dépêche.—24 octobre.— |
|
| AU ROI. | 263 |
| Départ de Quillegrey. | 263 |
214e Dépêche.—26 octobre.— |
|
| AU ROI. | 264 |
| L'évêque de Ross à la Tour. | 265 |
| Les Ecossais chassés d'Angleterre. | 265 |
215e Dépêche.—31 octobre.— |
|
| AU ROI. | 266 |
| Procès du duc de Norfolk. | 266 |
| Siège de Lislebourg. | 267 |
| Affaires d'Irlande et des Pays-Bas. | 268 |
216e Dépêche.—5 novembre.— |
|
| AU ROI. | 269 |
| Négociation des Pays-Bas. | 270 |
| Levée du siège de Lislebourg. | 272 |
| A LA REINE. | 273 |
| Explications sur l'argent saisi. | 273 |
217e Dépêche.—10 novemb.— |
|
| AU ROI. | 274 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 274 |
| Audience. | 275 |
| Victoire de Lépante. | 280 |
| A LA REINE. | 280 |
| Inquiétude des Anglais. | 280 |
218e Dépêche.—13 novemb.— |
|
| AU ROI. | 282 |
| Résolution d'Elisabeth de retenir Marie Stuart toute sa vie prisonnière. | 283 |
| Affaires d'Ecosse. | 285 |
| A LA REINE. | 286 |
| Négociation d'un traité d'alliance entre la France et l'Angleterre. | 286 |
219e Dépêche.—20 novemb.— |
|
| AU ROI. | 288 |
| Procès du duc de Norfolk. | 288 |
| Nouvelles d'Ecosse, d'Irlande et des Pays-Bas. | 289 |
220e Dépêche.—26 novemb.— |
|
| AU ROI. | 291 |
| Procès du duc de Norfolk. | 292 |
| Irritation de Leicester contre le duc. | 292 |
221e Dépêche.—30 novemb.— |
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| AU ROI. | 294 |
| Accusation de lèze-majesté contre le duc de Norfolk. | 295 |
| Péril de l'évêque de Ross. | 295 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 296 |
| A LA REINE. | 297 |
| Sollicitations pour le duc de Norfolk et Marie Stuart. | 297 |
222e Dépêche.—5 décembre.— |
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| AU ROI. | 298 |
| Montgommery à Londres. | 298 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 299 |
| A LA REINE. | 301 |
| Libelle contre Marie Stuart. | 301 |
223e Dépêche.—10 décemb.— |
|
| AU ROI. | 302 |
| Audience. | 302 |
| Mission de Me Smith en France pour y conclure le mariage ou un traité d'alliance. | 305 |
| Mémoire général concernant la mission de Me Smith et la négociation sur l'Ecosse. | 306 |
224e Dépêche.—16 décemb.— |
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| AU ROI. | 312 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 313 |
| L'ambassadeur d'Espagne renvoyé d'Angleterre. | 314 |
225e Dépêche.—22 décemb.— |
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| AU ROI. | 315 |
| Confidences d'Elisabeth. | 315 |
| Affaires d'Ecosse. | 317 |
| Négociation de Montgommery. | 319 |
| A LA REINE. | 319 |
| Divers mariages à Londres. | 319 |
226e Dépêche.—27 décemb.— |
|
| AU ROI. | 321 |
| Affaires d'Ecosse. | 322 |
| Utilité d'un traité de commerce avec l'Angleterre. | 326 |
| Sédition à Paris. | 327 |
Année 1572.—Première Partie. |
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| 227e Dépêche.—3 janvier.— | |
| AU ROI. | 328 |
| Audience. | 328 |
| Conférence avec Leicester. | 331 |
| A LA REINE. | 333 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 334 |
228e Dépêche.—9 janvier.— |
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| AU ROI. | 336 |
| Combat dans Lislebourg. | 337 |
| Nouvelles de Marie Stuart. | 338 |
| Affaires d'Espagne. | 338 |
229e Dépêche.—14 janvier.— |
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| AU ROI. | 339 |
| Soulèvement de l'Irlande. | 340 |
| Négociation des Pays-Bas. | 341 |
230e Dépêche.—18 janvier.— |
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| AU ROI. | 342 |
| Audience. | 343 |
| Condamnation du duc de Norfolk. | 346 |
| A LA REINE. | 346 |
| Communication secrète faite à Elisabeth au nom du duc d'Anjou. | 346 |
231e Dépêche.—25 janvier.— |
|
| AU ROI. | 330 |
| Détails sur la condamnation du duc de Norfolk. | 330 |
| Sa déclaration. | 351 |
| Rupture de la négociation avec l'Espagne. | 352 |
| Audience. | 353 |
| Rupture de la négociation du mariage du duc d'Anjou. | 354 |
| A LA REINE (lettre secrète) | |
| Proposition du mariage du duc d'Alençon. | 355 |
232e Dépêche.—31 janvier.— |
|
| AU ROI. | 358 |
| Désir d'Elisabeth de continuer la négociation de l'alliance. | 358 |
| Sollicitations pour Norfolk. | 359 |
| Pacification de l'Irlande. | 359 |
| Départ de l'ambassadeur d'Espagne. | 360 |
| Négociation avec le Portugal. | 361 |
233e Dépêche.—5 février.— |
|
| AU ROI. | 362 |
| Affaires d'Ecosse. | 362 |
| Négociation des Pays-Bas. | 364 |
234e Dépêche.—10 février.— |
|
| AU ROI. | 365 |
| Audience. | 365 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 369 |
| Négociation du mariage. | 370 |
235e Dépêche.—13 février.— |
|
| AU ROI. | 372 |
| Discussion du traité d'alliance. | 372 |
236e Dépêche.—19 février.— |
|
| AU ROI. | 377 |
| Négociation de l'alliance. | 377 |
| Affaires d'Ecosse. | 378 |
| A LA REINE. | 380 |
| Justification de l'ambassadeur. | 381 |
237e Dépêche.—24 février.— |
|
| AU ROI. | 382 |
| Audience. | 383 |
| Négociation des Pays-Bas. | 386 |
238e Dépêche.—29 février.— |
|
| AU ROI. | 387 |
| Négociation des Pays-Bas. | 387 |
| Remontrances de Fiesque. | 388 |
| Nouvelles de Marie Stuart. | 391 |
239e Dépêche.—8 mars.— |
|
| AU ROI. | 392 |
| Arrivée de Mr Du Croc. | 392 |
| Audience. | 392 |
| Lettre de Marie Stuart au duc d'Albe. | 393 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 395 |
| Négociation du mariage. | 395 |
240e Dépêche.—13 mars.— |
|
| AU ROI. | 397 |
| Irritation d'Elisabeth contre Marie Stuart. | 397 |
| Négociation de Mr du Croc. | 397 |
| Défaite des Irlandais. | 399 |
241e Dépêche.—18 mars.— |
|
| AU ROI. | 400 |
| Affaires d'Ecosse. | 400 |
| Négociation de Mr Du Croc. | 400 |
| Retour de Quillegrey. | 404 |
| A LA REINE. | 404 |
| Saisie des papiers de lord Seton. | 405 |
| (Lettre secrète.) Négociation du mariage. | 406 |
| Mémoire général. Affaires d'Ecosse. | 408 |
| Négociation des Pays-Bas. | 409 |
242e Dépêche.—25 mars.— |
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| AU ROI. | 410 |
| Maladie d'Elisabeth. | 411 |
243e Dépêche.—30 mars.— |
|
| AU ROI. | 412 |
| Maladie d'Elisabeth. | 412 |
| Négociation de l'alliance. | 413 |
| Projet du duc d'Albe sur l'Ecosse. | 414 |
244e Dépêche.—3 avril.— |
|
| AU ROI. | 416 |
| Négociation de l'alliance. | 416 |
| Armemens à Londres. | 420 |
245e Dépêche.—7 avril.— |
|
| AU ROI. | 421 |
| Affaires d'Ecosse. | 421 |
| Négociation des Pays-Bas. | 423 |
246e Dépêche.—14 avril.— |
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| AU ROI. | 424 |
| Convocation du parlement. | 425 |
| Prises faites par la flotte du prince d'Orange. | 427 |
247e Dépêche.—21 avril.— |
|
| AU ROI. | 428 |
| Audience en conseil. | 428 |
| Rupture et reprise de la négociation de Mr Du Croc. | 431 |
248e Dépêche.—27 avril.— |
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| AU ROI. | 434 |
| Succès de la négociation de Mr Du Croc. | 434 |
| Ordre de la Jarretière donné à Mr de Montmorenci. | 436 |
| A LA REINE. (lettre secrète). | 438 |
| Négociation du mariage. | 438 |
249e Dépêche.—4 mai.— |
|
| AU ROI. | 440 |
| Mr Du Croc en Ecosse. | 440 |
| Rupture de la négociation des Pays-Bas. | 441 |
| Affaires d'Ecosse. | 442 |
| Conclusion du traité d'alliance. | 444 |
| A LA REINE. | 445 |
| Réjouissances à Londres. | 445 |
250e Dépêche.—13 mai.— |
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| AU ROI. | 447 |
| Audience. | 448 |
| A LA REINE (lettre secrète) | 448 |
| Négociation du mariage. | 448 |
| Mémoire. Détails de l'audience. | 450 |
251e Dépêche.—19 mai.— |
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| AU ROI. | 456 |
| Ouverture du parlement. | 456 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 457 |
| Négociation des Pays-Bas. | 457 |
252e Dépêche.—24 mai.— |
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| AU ROI. | 459 |
| Danger de Marie Stuart. | 460 |
| Nouvelles d'Ecosse. | 460 |
| A LA REINE (lettre secrète). | 461 |
| Négociation du mariage. | 461 |
253e Dépêche.—28 mai.— |
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| AU ROI. | 463 |
| Soupçon de peste. | 463 |
| Communication par lettre. | 463 |
| Danger de Marie Stuart. | 465 |
| Conférence avec le comte de Lincoln. | 466 |
| A LA REINE. | 468 |
| Bonnes dispositions du comte de Lincoln. | 468 |
FIN DE LA TABLE DU QUATRIÈME VOLUME.