De l'Allemagne; t.1
«Te souviens-tu, Marguerite, de ce temps où tu venais ici te prosterner devant l’autel? tu étais alors pleine d’innocence, tu balbutiais timidement les psaumes, et Dieu régnait dans ton cœur. Marguerite, qu’as-tu fait? que de crimes tu as commis! Viens-tu prier pour l’âme de ta mère, dont la mort pèse sur ta tête? Sur le seuil de ta porte, vois-tu quel est ce sang? c’est celui de ton frère, et ne sens-tu pas s’agiter dans ton sein une créature infortunée qui te présage déjà de nouvelles douleurs?
Marguerite.
«Malheur! malheur! comment échapper aux pensées qui naissent dans mon âme et se soulèvent contre moi?
Le Chœur, chante dans l’Église.
Solvet sæculum in favilla.[32]
Le Mauvais Esprit.
«Le courroux céleste te menace, Marguerite; les trompettes de la résurrection retentissent: les tombeaux s’ébranlent, et ton cœur va se réveiller pour sentir les flammes éternelles.
Marguerite.
«Ah! si je pouvais m’éloigner d’ici! les sons de cet orgue m’empêchent de respirer, et les chants des prêtres font pénétrer dans mon âme une émotion qui la déchire.
Le Chœur.
Marguerite.
«On dirait que ces murs se rapprochent pour m’étouffer; la voûte du temple m’oppresse: de l’air! de l’air!
Le Mauvais Esprit.
«Cache-toi; le crime et la honte te poursuivent. Tu demandes de l’air et de la lumière, misérable! qu’en espères-tu?
Le Chœur.
Le Mauvais Esprit.
«Les Saints détournent leur visage de ta présence; ils rougiraient de tendre leurs mains pures vers toi».
Le Chœur.
Marguerite crie au secours et s’évanouit.
Quelle scène! Cette infortunée qui, dans l’asile de la consolation, trouve le désespoir; cette foule rassemblée, priant Dieu avec confiance, tandis qu’une malheureuse femme, dans le temple même du Seigneur, rencontre l’esprit de l’enfer! Les paroles sévères de l’hymne sainte sont interprétées par l’inflexible méchanceté du mauvais génie. Quel désordre dans le cœur! que de maux entassés sur une faible pauvre tête! et quel talent, que celui qui sait ainsi représenter à l’imagination ces moments où la vie s’allume en nous comme un feu sombre, et jette sur nos jours passagers la terrible lueur de l’éternité des peines!
Méphistophélès imagine de transporter Faust dans le sabbat des sorcières pour le distraire de ses peines; et il y a là une scène dont il est impossible de donner l’idée, quoiqu’il s’y trouve un grand nombre de pensées à retenir: ce sont vraiment les Saturnales de l’esprit, que cette fête du sabbat. La marche de la pièce est suspendue par cet intermède, et plus on trouve la situation forte, plus il est impossible de se soumettre même aux inventions du génie, lorsqu’elles interrompent ainsi l’intérêt. Au milieu du tourbillon de tout ce qu’on peut imaginer et dire, quand les images et les idées se précipitent, se confondent, et semblent retomber dans les abîmes dont la raison les a fait sortir, il vient une scène qui se rattache à la situation d’une manière terrible. Les conjurations de la magie font apparaître divers tableaux, et tout à coup Faust s’approche de Méphistophélès, et lui dit: «Ne vois-tu pas là-bas une jeune fille belle et pâle, qui se tient seule dans l’éloignement? Elle s’avance lentement, ses pieds semblent attachés l’un à l’autre; ne trouves-tu pas qu’elle ressemble à Marguerite?
Méphistophélès.
«C’est un effet de la magie, rien qu’une illusion. Il n’est pas bon d’y arrêter tes regards. Ces yeux fixes glacent le sang des hommes. C’est ainsi que la tête de Méduse changeait jadis en pierre ceux qui la considéraient.
Faust.
«Il est vrai que cette image a les yeux ouverts comme un mort à qui les mains d’un ami ne les aurait pas fermés. Voilà le sein sur lequel j’ai reposé ma tête; voilà les charmes que mon cœur a possédés.
Méphistophélès.
«Insensé! tout cela n’est que de la sorcellerie; chacun dans ce fantôme croit voir sa bien-aimée.
Faust.
«Quel délire! quelle souffrance! Je ne peux m’éloigner de ce regard; mais autour de ce beau cou, que signifie ce collier rouge, large comme le tranchant d’un couteau?
Méphistophélès.
«C’est vrai: mais qu’y veux-tu faire? Ne t’abîme pas dans tes rêveries; viens sur cette montagne, on t’y prépare une fête. Viens».
Faust apprend que Marguerite a tué l’enfant qu’elle a mis au jour, espérant ainsi se dérober à la honte. Son crime a été découvert; on l’a mise en prison, et le lendemain elle doit périr sur l’échafaud. Faust maudit Méphistophélès avec fureur; Méphistophélès accuse Faust avec sang-froid, et lui prouve que c’est lui qui a désiré le mal, et qu’il ne l’a aidé que parce qu’il l’avait appelé. Une sentence de mort est portée contre Faust, parce qu’il a tué le frère de Marguerite. Néanmoins, il s’introduit en secret dans la ville, obtient de Méphistophélès les moyens de délivrer Marguerite, et pénètre la nuit dans son cachot, dont il a dérobé les clefs.
Il l’entend de loin murmurer une chanson qui prouve l’égarement de son esprit; les paroles de cette chanson sont très vulgaires, et Marguerite était naturellement pure et délicate. On peint d’ordinaire les folles comme si la folie s’arrangeait avec les convenances, et donnait seulement le droit de ne pas finir les phrases commencées, et de briser à propos le fil des idées; mais cela n’est pas ainsi: le véritable désordre de l’esprit se montre presque toujours sous des formes étrangères à la cause même de la folie, et la gaîté des malheureux est bien plus déchirante que leur douleur.
Faust entre dans la prison: Marguerite croit qu’on vient la chercher pour la conduire à la mort.
Marguerite, se soulevant de son lit de paille, s’écrie:
«Ils viennent! ils viennent! oh, que la mort est amère!
Faust, bas.
«Doucement, doucement; je vais te délivrer. (Il s’approche d’elle pour briser ses fers).
Marguerite.
«Si tu es un homme, mon désespoir te touchera.
Faust.
«Plus bas, plus bas; tu éveilleras la garde par tes cris.
Marguerite se jette à genoux.
«Qui t’a donné, barbare, cette puissance sur moi? Il n’est que minuit: pourquoi viens-tu déjà me chercher? Aie pitié de mes larmes, laisse-moi vivre encore: demain matin, n’est-ce pas assez tôt? (Marguerite se relève). Je suis pourtant si jeune, si jeune! et dois-je déjà mourir? J’étais belle aussi: c’est ce qui a fait ma perte. Mon ami était alors près de moi: il est maintenant bien loin. Les fleurs de ma guirlande sont dispersées. Ne me prends pas la main avec tant de violence. Ménage-moi. Ne me laisse pas pleurer en vain. Jamais, jusqu’à ce jour, je ne t’ai vu.
Faust.
«Comment supporter sa douleur!
Marguerite.
«Je suis tout à fait en ton pouvoir. Seulement laisse-moi allaiter mon enfant; je l’ai pressé sur mon cœur toute la nuit. Ils me l’ont ôté pour m’affliger. N’ont-ils pas prétendu que je l’avais tué? Jamais je ne redeviendrai ce que j’étais! N’ont-ils pas chanté des chansons contre moi, ces méchants, que voulaient-ils donc dire?
Faust se jette à ses pieds.
«Ton amant est à tes pieds; il vient ouvrir les portes de cette horrible prison.
Marguerite.
«Oui, mettons-nous à genoux; appelons les saints à notre secours. Les cris de l’enfer se font entendre, et les mauvais génies nous attendent sur le seuil de mon cachot.
Faust.
«Marguerite! Marguerite!
Marguerite, attentive.
«C’était la voix de mon ami. (Elle se précipite vers Faust, et ses fers tombent). Où est-il? Je l’ai entendu m’appeler. Je suis libre. Personne ne pourra plus me retenir en prison. Je m’appuierai sur son bras, je me reposerai sur son sein. Il appelle Marguerite: il est là, devant la porte. Au milieu des hurlements de l’impitoyable mort, j’entends la douce et touchante harmonie de sa voix!
Faust.
Marguerite.
«C’est toi! dis-le encore une fois. (Elle le serre contre son cœur). C’est lui! c’est lui! Qu’est devenue l’angoisse des fers et de l’échafaud? C’est toi! je suis sauvée! J’aperçois devant moi la route où je te vis pour la première fois, le jardin si riant où Marthe et moi nous t’attendions.
Faust.
«Viens, viens.
Marguerite.
«Il m’est si doux de rester quand tu demeures! Ah! ne t’éloigne pas!
Faust.
«Hâte-toi; nous payerions bien cher le moindre retard.
Marguerite.
«Quoi! tu ne réponds point à mes embrassements? Mon ami, il y a si peu de temps que nous nous sommes quittés! As-tu donc déjà désappris à me serrer contre ton cœur? Jadis tes paroles, tes regards appelaient sur moi tout le ciel! Embrasse-moi, de grâce; embrasse-moi! Ton cœur est donc froid et muet? Qu’as-tu fait de ton amour? qui me l’a ravi?
Faust.
«Viens, suis-moi, chère amie: prends courage: je t’aime avec transport; mais suis-moi, c’est ma seule prière.
Marguerite.
«Es-tu bien Faust? Es-tu bien toi?
Faust.
«Oui, sans doute; oui, viens.
Marguerite.
«Tu me délivres de mes chaînes, tu me reprends de nouveau dans tes bras. D’où vient que tu n’as pas horreur de Marguerite? Sais-tu bien, mon ami, sais-tu bien qui tu délivres?
Faust.
«Viens, viens; déjà la nuit est moins profonde.
Marguerite.
«Ma mère! c’est moi qui l’ai tuée! Mon enfant! c’est moi qui l’ai noyé! N’appartenait-il pas à toi comme à moi? Est-il donc vrai, Faust, que je te voie? N’est-ce pas un rêve? Donne-moi ta main, ta main chérie. O ciel! elle est humide. Essuie-la. Je crois qu’il y a du sang! Cache-moi ton épée; où est mon frère? Je t’en prie, cache-la-moi.
Faust.
«Laisse donc dans l’oubli l’irréparable passé; tu me fais mourir.
Marguerite.
«Non, il faut que tu restes. Je veux te décrire les tombeaux que tu feras préparer dès demain. Il faut donner la meilleure place à ma mère; mon frère doit être près d’elle. Moi, tu me mettras un peu plus loin; mais cependant pas trop loin, et mon enfant à droite, sur mon sein: mais personne ne doit reposer à mes côtés. J’aurais voulu que tu fusses près de moi; mais c’était un bonheur doux et pur, il ne m’appartient plus. Je me sens entraînée vers toi, et il me semble que tu me repousses avec violence; cependant tes regards sont pleins de tendresse et de bonté.
Faust.
«Ah! si tu me reconnais, viens.
Marguerite.
Faust.
«Tu seras libre.
Marguerite.
«La tombe est là dehors. La mort épie mes pas. Viens; mais conduis-moi dans la demeure éternelle: je ne puis aller que là. Tu veux partir? mon ami! si je pouvais...
Faust.
«Tu le peux, si tu le veux; les portes sont ouvertes.
Marguerite.
«Je n’ose pas sortir; il n’est plus pour moi d’espérance. Que me sert-il de fuir? Mes persécuteurs m’attendent. Mendier est si misérable, et surtout avec une mauvaise conscience! Il est triste aussi d’errer dans l’étranger; et d’ailleurs partout ils me saisiront.
Faust.
«Je resterai près de toi.
Marguerite.
«Vite, vite, sauve ton pauvre enfant. Pars, suis le chemin qui borde le ruisseau; traverse le sentier qui conduit à la forêt, à gauche, près de l’écluse, dans l’étang; saisis-le tout de suite: il tendra ses mains vers le ciel; des convulsions les agitent. Sauve-le! sauve-le!
Faust.
«Reprends tes sens; encore un pas, et tu n’as plus rien à craindre.
Marguerite.
«Si seulement nous avions déjà passé la montagne... l’air est si froid près de la fontaine. Là, ma mère est assise sur un rocher, et sa vieille tête est branlante. Elle ne m’appelle pas; elle ne me fait pas signe de venir: seulement ses yeux sont appesantis; elle ne s’éveillera plus. Autrefois, nous nous réjouissions quand elle dormait... Ah! quel souvenir!
Faust.
«Puisque tu n’écoutes pas mes prières, je veux t’entraîner malgré toi.
Marguerite.
«Laisse-moi. Non, je ne souffrirai point la violence; ne me saisis pas ainsi avec ta force meurtrière. Ah! je n’ai que trop fait ce que tu as voulu.
Faust.
«Le jour paraît, chère amie! chère amie!
Marguerite.
«Oui, bientôt il fera jour; mon dernier jour pénètre dans ce cachot; il vient pour célébrer mes noces éternelles: ne dis à personne que tu as vu Marguerite cette nuit. Malheur à ma couronne! elle est flétrie: nous nous reverrons, mais non pas dans les fêtes. La foule va se presser, le bruit sera confus; la place, les rues suffiront à peine à la multitude. La cloche sonne, le signal est donné. Ils vont lier mes mains, bander mes yeux; je monterai sur l’échafaud sanglant, et le tranchant du fer tombera sur ma tête... Ah! le monde est déjà silencieux comme le tombeau.
Faust.
«Ciel! pourquoi donc suis-je né?
Méphistophélès paraît à la porte.
«Hâtez-vous, ou vous êtes perdus: vos délais, vos incertitudes sont funestes; mes cheveux frissonnent; le froid du matin se fait sentir.
Marguerite.
«Qui sort ainsi de la terre? C’est lui, c’est lui; renvoyez-le. Que ferait-il dans le saint lieu? C’est moi qu’il veut enlever.
Faust.
«Il faut que tu vives.
Marguerite.
«Tribunal de Dieu, je m’abandonne à toi!
Méphistophélès, à Faust.
«Viens, viens, où je te livre à la mort avec elle.
Marguerite.
«Père céleste, je suis à toi; et vous, anges, sauvez-moi, troupes sacrées, entourez-moi, défendez-moi. Faust, c’est ton sort qui m’afflige...
Méphistophélès.
«Elle est jugée.
Des voix du ciel s’écrient:
«Elle est sauvée.
Méphistophélès, à Faust.
«Suis-moi.
(Méphistophélès disparaît avec Faust; on entend encore dans le
fond du cachot la voix de Marguerite qui rappelle vainement
son ami).
«Faust! Faust!»
La pièce est interrompue après ces mots. L’intention de l’auteur est sans doute que Marguerite périsse, et que Dieu lui pardonne; que la vie de Faust soit sauvée, mais que son âme soit perdue.
Il faut suppléer par l’imagination au charme qu’une très belle poésie doit ajouter aux scènes que j’ai essayé de traduire; il y a toujours dans l’art de la versification un genre de mérite reconnu de tout le monde, et qui est indépendant du sujet auquel il est appliqué. Dans la pièce de Faust, le rythme change suivant la situation, et la variété brillante qui en résulte est admirable. La langue allemande présente un plus grand nombre de combinaisons que la nôtre, et Gœthe semble les avoir toutes employées pour exprimer, avec les sons comme avec les images, la singulière exaltation d’ironie et d’enthousiasme, de tristesse et de gaîté, qui l’a porté à composer cet ouvrage. Il serait véritablement trop naïf de supposer qu’un tel homme ne sache pas toutes les fautes de goût qu’on peut reprocher à sa pièce; mais il est curieux de connaître les motifs qui l’ont déterminé à les y laisser, ou plutôt à les y mettre.
Gœthe ne s’est astreint, dans cet ouvrage, à aucun genre; ce n’est ni une tragédie, ni un roman. L’auteur a voulu abjurer dans cette composition toute manière sobre de penser et d’écrire: on y trouverait quelque rapport avec Aristophane, si les traits du pathétique de Shakespeare n’y mêlaient des beautés d’un tout autre genre. Faust étonne, émeut, attendrit; mais il ne laisse pas une douce impression dans l’âme. Quoique la présomption et le vice y soient cruellement punis, on ne sent pas dans cette punition une main bienfaisante; on dirait que le mauvais principe dirige lui-même la vengeance contre le crime qu’il fait commettre; et le remords, tel qu’il est peint dans cette pièce, semble venir de l’enfer aussi bien que la faute.
La croyance aux mauvais esprits se retrouve dans un grand nombre de poésies allemandes; la nature du nord s’accorde assez bien avec cette terreur; il est donc beaucoup moins ridicule en Allemagne, que cela ne le serait en France, de se servir du diable dans les fictions. A ne considérer toutes ces idées que sous le rapport littéraire, il est certain que notre imagination se figure quelque chose qui répond à l’idée d’un mauvais génie, soit dans le cœur humain, soit dans la nature: l’homme fait quelquefois le mal d’une manière, pour ainsi dire, désintéressée, sans but et même contre son but, et seulement pour satisfaire une certaine âpreté intérieure, qui donne le besoin de nuire. Il y avait à côté des divinités du paganisme d’autres divinités de la race des Titans, qui représentaient les forces révoltées de la nature; et dans le christianisme, on dirait que les mauvais penchants de l’âme sont personnifiés sous la forme des démons.
Il est impossible de lire Faust sans qu’il excite la pensée de mille manières différentes: on se querelle avec l’auteur, on l’accuse, on le justifie, mais il fait réfléchir sur tout, et, pour emprunter le langage d’un savant naïf du moyen âge, sur quelque chose de plus que tout[35]. Les critiques dont un tel ouvrage doit être l’objet sont faciles à prévoir, ou plutôt c’est le genre même de cet ouvrage qui peut encourir la censure, plus encore que la manière dont il est traité; car une telle composition doit être jugée comme un rêve; et si le bon goût veillait toujours à la porte d’ivoire des songes, pour les obliger à prendre la forme convenue, rarement ils frapperaient l’imagination.
La pièce de Faust cependant n’est certes pas un bon modèle. Soit qu’elle puisse être considérée comme l’œuvre du délire de l’esprit, ou de la satiété de la raison, il est à désirer que de telles productions ne se renouvellent pas; mais quand un génie tel que celui de Gœthe s’affranchit de toutes les entraves, la foule de ses pensées est si grande, que de toutes parts elles dépassent et renversent les bornes de l’art.
FIN DU TOME PREMIER.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME PREMIER
4493-5-11.—Paris.—Imp. Hemmerlé et Cⁱᵉ.
NOTES:
[1] Préfet de Loir-et-Cher.
[2] Le but de ce post-scriptum était de m’interdire les ports de la Manche.
[3] Ces guillemets indiquent les phrases dont les censeurs de Paris avaient exigé la suppression. Dans le second volume, ils ne trouvèrent rien de répréhensible, mais les chapitres du troisième sur l’Enthousiasme, et surtout la dernière phrase de l’ouvrage, n’obtinrent pas leur approbation. J’étais prête à me soumettre à leurs critiques d’une façon négative, c’est-à-dire, en retranchant sans jamais rien ajouter; mais les gendarmes envoyés par le ministre de la police firent l’office de censeurs d’une façon plus brutale, en mettant le livre entier en pièces.
[4] Phrase supprimée par les censeurs.
[5] Je n’ai pas besoin de dire que c’était l’Angleterre que je voulais désigner par ces paroles; mais quand les noms propres ne sont pas articulés, la plupart des censeurs, hommes éclairés, se font un plaisir de ne pas comprendre. Il n’en est pas de même de la police; elle a une sorte d’instinct vraiment remarquable contre les idées libérales, sous quelque forme qu’elles se présentent, et dans ce genre elle dépiste, comme un habile chien de chasse, tout ce qui pourrait réveiller dans l’esprit des Français leur ancien amour pour les lumières et la liberté.
[6] M. de Lacretelle
[7] Ce chapitre sur l’Autriche a été écrit dans l’année 1808.
[8] Supprimé par la censure.
[9] Supprimé par la censure.
[10] Supprimé par la censure.
[11] Supprimé par la censure.
[12] Supprimé par la censure sous prétexte qu’il y avait tant de bonheur à Paris maintenant, qu’on n’avait pas besoin de s’en passer.
[13] Supprimé par la censure.
[14] Supprimé par la censure.
[15] Supprimé par la censure. Je luttai pendant plusieurs jours, pour obtenir la liberté de rendre cet hommage au prince Louis, et je représentai que c’était relever la gloire des Français que de louer la bravoure de ceux qu’ils avaient vaincus; mais il parut plus simple aux censeurs de ne rien permettre en ce genre.
[16] On peut en voir une esquisse dans l’ouvrage que M. de Villers vient de publier sur ce sujet. On trouve toujours M. de Villers à la tête de toutes les opinions nobles et généreuses; et il semble appelé, par la grâce de son esprit et la profondeur de ses études, à représenter la France en Allemagne, et l’Allemagne en France.
[17] Ces paroles étaient le refrain d’un chant plein de grâce et de talent, composé pour cette fête. L’auteur de ce chant, c’est madame Harmès, très connue en Allemagne par ses écrits, sous le nom de madame de Berlepsch.
[18] Les poètes anglais de notre temps, sans s’être concertés avec les Allemands, ont adopté le même système. La poésie didactique fait place aux fictions du moyen âge, aux couleurs pourprées de l’Orient; le raisonnement et même l’éloquence ne sauraient suffire à un art essentiellement créateur.
[19] Le chêne est l’emblème de la poésie patriotique, et le palmier celui de la poésie religieuse, qui vient de l’Orient.
[20] J’ai érigé un monument plus durable que l’airain... le souvenir de mon nom sera ineffaçable.
[21] M. de Sabran.
[22] Mana, l’un des héros tutélaires de la nation germanique.
[23] Segeste, auteur de la conspiration qui fit périr Hermann.
[24] Héla, la divinité de l’Enfer.
[25] Nom donné par les Germains à la bataille qu’ils gagnèrent contre Varus.
[26] Le dieu de la guerre.
[27] L’Islande.
[28] Chez les anciens, l’aigle qui s’envolait du bûcher était l’emblème de l’immortalité de l’âme, et souvent même de l’apothéose.
[29] Supprimé par la censure.
[30] Expression de Frédéric Schlegel sur la pénétration d’un grand historien.
Où, des liens du corps notre âme dégagée,
Au sein de l’avenir est tout à coup plongée,
Et saisit, je ne sais par quel heureux effort,
Le droit inattendu d’interroger le sort.
La nuit qui précéda la sanglante journée,
Qui du héros du Nord trancha la destinée,
Je veillais au milieu des guerriers endormis;
Un trouble involontaire agitait mes esprits.
Je parcourus le camp. On voyait dans la plaine
Briller des feux lointains la lumière incertaine.
Les appels de la garde et les pas des chevaux,
Troublaient seuls, d’un bruit sourd, l’universel repos.
Le vent qui gémissait à travers les vallées,
Agitait lentement nos tentes ébranlées.
Les astres, à regret, perçant l’obscurité,
Versaient sur nos drapeaux une pâle clarté.
Que de mortels, me dis-je, à ma voix obéissent!
Qu’avec empressement sous mon ordre ils fléchissent!
Ils ont, sur mes succès, placé tout leur espoir.
Mais, si le sort jaloux m’arrachait le pouvoir,
Que bientôt je verrais s’évanouir leur zèle!
En est-il un du moins qui me restât fidèle!
Ah! s’il en est un seul, je t’invoque, ô destin!
Daigne me l’indiquer par un signe certain.
(Walstein, par M. Benjamin Constant de Rebecque.
Acte II, Scène 1ʳᵉ, page 43).
[32] Il viendra le jour de la colère, et le siècle sera réduit en cendres.
[33] Quand le Juge suprême paraîtra, il découvrira tout ce qui est caché, et rien ne pourra demeurer impuni.
[34] Malheureux! que dirai-je alors? A quel protecteur m’adresserai-je, lorsqu’à peine le juste peut se croire sauvé?
[35] De omnibus rebus et quibusdam aliis.