En Virginie, épisode de la guerre de sécession: Précédé d'une étude sur l'esclavage et les punitions corporelles en Amérique, et suivi d'une bibliographie raisonnée des principaux ouvrages français et anglais sur la flagellat
Supplément à «En Virginie»
BIBLIOGRAPHIE DES PRINCIPAUX OUVRAGES
PARUS
SUR LA FLAGELLATION
EN LANGUES FRANÇAISE ET ANGLAISE
AVEC UN COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LEUR CONTENU
PAR
JEAN DE VILLIOT
BIBLIOGRAPHIE DE LA FLAGELLATION
Parmi les sujets dont on s'est le plus occupé, littérairement parlant, la flagellation se place aux premiers rangs. Il existe en effet une littérature spéciale et relativement très complète sur les pratiques flagellatrices dans presque toutes les langues européennes, à commencer par le latin.
Mais c'est incontestablement l'Angleterre qui tient la tête en cette matière. D'innombrables ouvrages ont été écrits sur la flagellation sous toutes formes et cette littérature a acquis un développement qui pourrait, à juste titre, nous paraître étrange, à nous autres Français.
Sous le pseudonyme de Pisanus Fraxi, un Anglais fort instruit et très riche, consacra son existence et sa fortune à mener à bonne fin la publication de trois recueils extrêmement curieux et intéressants, intitulés Index librorum prohibitorum, Centuria librorum absconditorum et Catena Librorum Tacendorum, tous trois imprimés avec luxe et à petit nombre et privately, c'est-à-dire non destinés au commerce. Dans ces recueils, Pisanus Fraxi fait mention de la presque totalité des livres curieux et étranges parus depuis l'antiquité, consacrant à chacun une description minutieuse au point de vue matériel et un aperçu approximatif en ce qui concerne le contenu.
On y parle longuement de la flagellation. Un très grand nombre d'ouvrages anglais y sont consacrés et nous avons cru utile et nécessaire de donner à notre tour à nos lecteurs un aperçu des livres les plus curieux parus sur l'intéressant sujet qui fait l'objet de notre étude.
Voici d'abord: L'Esprit de la Flagellation, ou Mémoires de Mistress Hinton, qui dirigea une école pendant de longues années à Kensington, auxquels on a maintenant ajouté des anecdotes, par une dame très adonnée à la discipline au moyen de verges de bouleau; les modistes fouetteuses; la marâtre sévère, et la maîtresse d'école complaisante, avec des figures analogues. Londres, imprimé et publié par Mary Wilson, Wardour Street[4].
[4] The Spirit of Flagellation; or, The Memoirs of Mrs. Hinton, who kept a school many years at Kensington. To which is now added, Anecdotes, by a Lady much addicted to Birch Discipline. The Whipping Milliners; The Severe Stepmother; And The Complaisant Schoolmistress. Avec des figures analogues. London: Printed and published by Mary Wilson, Wardour Street.
Dans un avis qu'elle publie à la page 41, Mary Wilson nous informe que l'ouvrage a été publié le 1er mai 1852, le volume ne porte cependant pas de date.
D'après les dires de l'éditeur, l'édition originale de l'Esprit de la Flagellation semble avoir paru vers l'année 1790. Le format primitif in-8o fut transformé dans l'édition nouvelle en in-12 pour plus de commodité «étant donné, dit la dame sus-nommée, que ce format s'adapte plus facilement à nos poches rétrécies d'aujourd'hui».
De nombreuses anecdotes fournies par un amateur de fustigations, ainsi qu'une série de gravures vinrent augmenter l'ouvrage original.
Dans un avis qui précède une réédition de l'Exposition des flagellants femelles[5], Thérèse Berkley[6] nous informe que l'Esprit de la Flagellation fut réimprimé par Miss Wilson en l'année 1827.
[5] Index Librorum Prohibitorum, p. 243.
[6] Voir Index Librorum Prohibitorum à l'article: Mary Wilson et Theresa Berkley.
Malheureusement, on ne peut guère tabler sur ces affirmations relatives aux dates pour ces sortes d'ouvrages. Il paraît établi que l'Esprit de la Flagellation a eu trois éditions différentes: 1o en 1827, George Cannon avec 6 gravures, 2o E. Dyer en 1852 (?) avec six lithographies pliantes et 3o vers 1870, avec six lithographies non pliantes.
Les anecdotes qui remplissent 81 pages du genre le plus lascif sont certainement dues à une personne extrêmement triviale; les illustrations, quoique très médiocres, valent encore mieux que le texte. Les trois appendices de l'ouvrage ont par la suite été publiés à nouveau séparément.
Cet ouvrage a eu récemment un certain nombre de réimpressions vulgaires, sans gravures.
Un autre volume de la même valeur littéraire et du même genre, porte pour titre:
Éléments d'intuition et Modes de Punition. En lettres par Mlle Dubouleau, célèbre institutrice particulière parisienne à Miss Smart-Bum, gouvernante d'une pension de jeunes demoiselles à… Avec développement de quelques secrets de Tuteurs pour rire, qui ont trouvé leurs délices dans l'administration des Verges de Bouleau à leurs élèves femelles. Embellie de très jolies illustrations, 1794[7].
[7] Elements of Tuition, and Modes of Punishment. In Letters from Mademoiselle Dubouleau, A celebrated Parisian Tutoress, to Miss Smart-Bum, Governess of a young Ladies' Boarding School at… With some secrets developed of mock Tutors, who have taken a delight in administering Birch Discipline to their Female Pupils. Embellisbed with Most Beautiful Prints 1794.
Les cinq lettres qui forment ce volume ne sont qu'une suite de lieux communs sur la flagellation, une série d'anecdotes racontées en langage des plus libertins laissant en maints endroits à désirer au point de vue grammatical. La lettre introductrice, qui constitue en quelque sorte la préface est ce qu'il y a de mieux dans le livre, sans que toutefois elle brille par l'originalité. Il y a dans une des lettres, celle adressée par une certaine Lady Flaybum, une répétition absolue de l'une des autres narrations de l'ouvrage.
Manon la Fouetteuse[8], ou la Quintessence de la Verge de Bouleau. Traduit du français par Rébecca-Birch. Ex-enseignante au pensionnat de jeunes dames de Mistress Busby, Londres. Imprimé pour la société du Vice.
[8] Manon la Fouetteuse; or, the Quintessence of Birch Discipline. Translated from the French by Rebecca Birch, Late Teacher at Mrs. Bushby's Young Ladies' Boarding School. London: Printed for the Society of Vice.
Un volume in-8o de 96 pages, contenant 8 lithographies fort mal dessinées. Publié par Dugdale en 1860, mais la première édition remonte à 1805 ou 1810.
Comme les ouvrages précédents, Manon la Fouetteuse est un ouvrage lourd, au style ampoulé et prétentieux, formé d'anecdotes sur la flagellation dont aucune ne possède un cachet d'élégance ou d'esprit. C'est en somme le compte rendu de la carrière de Mlle Dubouleau «qui tient maintenant en Amérique un pensionnat pour jeunes filles». Cette demoiselle confia son manuscrit à son amie Rébecca Birch qui le traduisit pour l'édification de ses propres amis. A vrai dire, on est en droit de douter que l'on se trouve en présence d'une traduction.
Dans Le Bouquet de Verges, ou Anecdotes curieuses et originales de dames amateurs de flagellation au moyen de Verges de Bouleau, Avec de riches illustrations, Publié pour l'amusement et le bénéfice des dames ayant sous leur tutelle des jeunes dames et messieurs revêches, bêtes, libertins, menteurs et paresseux, Boston: imprimé pour George Fichier, Prix: deux guinée[9]; on trouve 8 lithographies obscènes, de mauvais coloris et très mal exécutées.
[9] The Birchen Bouquet; or Curious and Original Anecdotes of Ladies fond of administering the Birch Discipline. With Rich Engravings. Published for the Amusement as well as for the Benefit of those Ladies who have under their Tuition sulky, stupid, wanton, lying, or idle Young Ladies and Gentlemen. Boston. Printed for George Tickler, Price: Two Guineas.
Ce livre, publié une première fois vers 1770 ou 1790 fut réimprimé en 1826 puis en 1881. Enfin récemment.
Comme dans Les Éléments d'intuition, les scènes de flagellation réunies dans le Bouquet de verges ne sont qu'une compilation de faits qui n'ont aucune valeur littéraire. L'on est même en droit de se demander pourquoi cet ouvrage a été si souvent réédité.
L'École du Couvent, ou Précoces expériences d'un jeune flagellant, par Rosa Bellinda Coote, Londres, Édition privée, M.DCCCLXXIX[10], est un récit divisé en 5 chapitres. Une lettre introductive signée Rosa Bellinda Coote et datée du 10 janvier 1825, nous informe que «les curieux faits suivants ont été portés à ma connaissance et confiés à ma discrétion par une jeune comtesse de ma connaissance». Une allusion y est faite aux propres mémoires de l'auteur, auxquels l'École du Couvent peut bien n'être qu'un appendice. Les deux contes sont l'œuvre de l'éditeur.
[10] The Convent School, or Early Experiences of a Young Flagellant, by Rosa Bellinda Coote, London. Privately Printed. M.DCCCLXXIX.
Lucile, l'héroïne, est maltraitée dès son enfance. A la mort de sa mère, étant encore toute enfant, son père la flagelle avec la dernière violence pour exciter ses passions et se mettre dans un état plus propre à goûter les plaisirs que la gouvernante de Lucile ne semble pas trop lui refuser. Quelques temps après elle est envoyée à Bruxelles dans une école congréganiste, où la supérieure la fouette sans pitié pour son bon plaisir. Mais elle réussit à s'évader de ce couvent; elle va se réfugier à l'hôtel d'Angleterre où l'on aurait refusé de la recevoir, n'aurait été l'intervention d'un gentilhomme anglais Lord Dunwich, qui se trouva être un ami intime du comte d'Ellington auquel elle était fiancée.
Le mariage s'accomplit; mais bientôt le mari la néglige pour ses chevaux et la conséquence en est que la jeune femme se laisse aller dans les bras de Lord Dunwich. L'époux apprend la chose et, déguisé en prêtre, il réussit à surprendre la confession de l'infidèle. Il convient de dire qu'ils étaient tous deux catholiques romains. On lui impose une pénitence et elle est renfermée dans une pièce attenante à l'église. Lord Ellington, toujours revêtu d'habits sacerdotaux et aidé d'un autre moine la flagelle avec la dernière violence et la soumet à toutes sortes d'horreurs et de traitements barbares. Après avoir accompli ces abominations, le mari outragé se retire et revient peu après habillé en homme du monde et la jeune femme le reconnut de suite. Alors le gentilhomme s'écrie: «Femme! ma vengeance est accomplie; vous ne me trahirez plus. J'ai égalisé les choses en dégradant, humiliant et torturant mon épouse adultère. Vous ne me reverrez jamais. Tel a été mon moyen de divorcer d'avec une chienne adultère!» Son amant, Lord Dunwich accueille à bras ouvert Lucille, provoque ensuite le mari cruel et lui tire une balle en plein cœur. Le couple amoureux prend la fuite et Lord Dunwich se noie quelque temps après dans le Rhin.
«Depuis cette époque, dit l'héroïne, vous savez que je me suis consolée en m'abandonnant sans aucune retenue à toutes sortes de manies érotiques et plus particulièrement en m'adonnant à la flagellation de sorte que, chère Rosa, je me sens m'en aller tout doucement, quoique à peine âgée de vingt-cinq ans…»
Le livre n'est en somme pas mal écrit, quoique dans ses différentes parties il ne soit guère attrayant; au contraire, on peut dire que les nombreuses scènes de flagellation agrémentées de tortures plutôt dégoûtantes sont au plus haut point fastidieuses et révoltantes.
Conférence expérimentale, par le colonel Spanker, sur les plaisirs excitants et voluptueux qui dérivent du fait de mater et d'humilier une belle et modeste jeune dame; telle qu'il l'a faite dans la salle de réunion de la Société des Flagellants Aristocratiques de Mayfair. Londres, Édition Privée. A. D. 1837[11].
[11] Experimental Lecture. By Colonel Spanker, on The exciting and voluptuous pleasures to be derived from crushing and humiliating the spirit of a beautiful and modest young lady; as delivered by him in the Assembly Room of the Society of Aristocratic Flagellants, Mayfair. London. Privately Printed, 1836.
Cet ouvrage qui comporte deux volumes, quoique une troisième partie a dû être projetée sans cependant être mise à exécution—l'on trouve en effet à la dernière page du deuxième volume la mention: fin de la IIe partie, puis plus bas quelques lignes qui font assister au mariage de l'héroïne, suivies de la mention: Finis?—est orné de 11 planches coloriées passablement obscènes, d'une exécution rudimentaire et faite par quatre artistes différents.
A été réimprimé récemment.
Voici d'ailleurs un compte rendu analytique de cette conférence «faite pour une classe spéciale de flagellants qui trouvent leurs délices dans la torture poussée à l'excès:
«La conférence expérimentale, comme son titre le dénote, traite de l'état d'extase qui résulte, à ce que l'on prétend, de la jouissance que l'on peut puiser dans la cruauté physiquement et moralement parlant.
«Un excès de volupté peut uniquement être produit par deux causes: premièrement par le fait de nous imaginer que l'objet de nos désirs se rapproche de notre idéal de beauté ou d'autre part, quand nous voyons cette personne éprouvant les sensations les plus violentes possibles. Aucun sentiment n'est aussi vif que la douleur; son effet est véritable et certain. Elle ne trompe jamais comme la comédie de plaisirs éternellement jouée par les femmes et rarement éprouvée en réalité. Celui qui peut produire sur une femme les plus violentes impressions, celui qui peut le mieux troubler et agiter la constitution féminine jusqu'au paroxysme réussit à se procurer à lui-même la plus forte dose de plaisir sensuel.»
Ces remarques contiennent la quintessence de toute la philosophie que l'on trouve à satiété dans les volumes renommés du Marquis de Sade, où ce dernier, dans ses rêves exaltés d'orgies sanglantes, de phlébotomies, de vivisection et de tortures de toutes espèces, accompagnés de blasphèmes, ajoute tant d'importance à l'humiliation morale des victimes qu'il met en jeu. Ce à quoi il tend particulièrement, c'est la jouissance physique causée par la torture raffinée à laquelle ses victimes doivent être soumises et qui se résolvent finalement par leur mort.
Dans ce petit ouvrage, nos flagellants réussissent à réduire leurs expérimentations aux mœurs actuelles; elles comprennent une série très longue de tourments qui sont volontairement infligés à une seule victime, une jeune dame très sensible et d'une éducation supérieure.
Dans Justine et Juliette, le nombre d'individus prenant part aux orgies et aux meurtres perpétrés exclut toute possibilité de réalité, tandis qu'ici, tout le procédé est si méthodiquement et si exactement développé, que nous sommes presque portés à croire ou à supposer que tout est basé sur des faits réels, étant donné que l'histoire est si documentairement portée à la connaissance du lecteur.
Faut-il pour cela que nous soyons portés à croire que nous coudoyons journellement des hommes qui puisent une secrète jouissance dans l'action de torturer, des femmes faibles et confiantes et qu'en ce faisant ils puissent arriver à mettre en fonction leurs organes génitaux et jouir?…
L'expérience nous a appris qu'il en était malheureusement ainsi et nous pourrions citer plusieurs cas tout à fait récents où des jeunes filles ont été attachées à des échelles, liées sur des canapés et brutalement flagellées, soit avec des verges de bouleau, soit avec le plat de la main, la boucle d'une courroie ou même encore avec un trousseau de clefs! Quelques-unes d'entre elles ont été préalablement averties qu'elles seraient battues «jusqu'à ce que le sang viendra» et on s'était mis d'accord sur la compensation pécuniaire qu'elles recevraient pour prix de leur complaisante soumission. D'autres, au moyen de cajoleries, ont été décidées à se prêter à la petite mise en scène, après qu'on leur eut fait accroire qu'il ne s'agissait en somme que d'une plaisanterie et pour mieux dire, d'une fumisterie. Mais une fois livrées sans moyen de défense, pieds et poings liés, entre les mains du flagellateur libertin, elles peuvent crier grâce! Ces lâches s'efforcent de produire le plus de souffrances, le plus de douleurs possibles et plus ils maltraitent leur malheureuse victime, plus leur jouissance est grande. Ils ressemblent, dans ces moments d'expansion libertine, à de véritable démons, hurlant de joie et de plaisir presque autant que leur souffre-douleur, de peine. Et cependant, ces mêmes individus, une fois leur rage érotique passée, entourent des soins les plus tendres, les plus attentifs, leur victime, lui témoignant la plus grande amabilité. Boutonnant leur redingote, ils redeviennent ce qu'ils étaient auparavant, c'est-à-dire de galants et aimables gentilshommes, car gentilshommes ils le sont tous de naissance, ceux qui sont possédés de cette terrible manie.
Si de pareils procédés sont, en toute conscience, une chose révoltante, que faut-il penser de ceux qui, non contents de mater, d'anéantir le corps, dérivent encore une jouissance plus grande de l'écrasement, de l'annihilation de l'esprit chez leurs victimes?
D'après l'horrible théorie du colonel Spanker, nous devons supposer que l'on ne saurait éprouver de véritable jouissance en fustigeant le postérieur calleux d'une fille de rencontre que ses parents ont habituée, dès sa jeunesse, aux plus rudes corrections, mais que cela provoque de réelles jouissances en exposant aux coups la tendre et délicate nudité d'une jeune dame sensitive, à l'éducation supérieure et à l'esprit élevé.
Dans le but de mettre en pratique ce plan diabolique, le colonel loue une maison à Mayfair et y fonde la Société des Flagellants aristocratiques qui comprend au moins une demi-douzaine des plus belles et plus fashionables jeunes dames du jour.
Nous voyons ainsi que l'auteur considère que les femmes aussi ne dédaignent pas de se délecter des souffrances infligées à un membre de leur propre sexe. Nos viragos «au sang bleu» sont lassées des victimes vulgaires et consentantes, qui se soumettent aux tortures dans un but de lucre… En conséquence Spanker découvre «une jeune dame connue de la plupart d'entre eux, Mlle Julia Ponsonby, une adorable blonde de dix-sept ans, dont la mère, une veuve, forcée d'aller pour quelque temps à l'étranger, cherche une dame honorable à laquelle elle puisse confier son enfant, pendant la durée de son absence.» La dame honorable et comme il faut qui prend charge de la demoiselle n'est autre qu'une procureuse de la société et miss Julia se trouve bientôt prisonnière dans la maison de Mayfair, dont la serre a été transformée en salle de conférences et où l'on a placé, an milieu de massifs de plantes en pleine floraison, de fontaines et d'autres ornements luxueux, l'appareil «quelque chose comme une paire de larges marches d'escalier, en acajou massif» et auquel on attache les victimes lorsqu'on les soumet à la torture. Le colonel fait son apparition sur la scène et, après avoir abreuvé de toutes sortes de vilenies la jeune femme, qui le traite avec le mépris qu'il mérite, il commence par lui administrer une volée de claques retentissantes sur son derrière nu, puis se laisse aller à d'autres «horribles libertés» et finalement l'envoie se coucher.
Le lendemain matin il la réveille, armé d'une verge, et, en dépit de sa honte et de sa terreur, assiste à sa toilette, qu'il accompagne de coups bien appliqués avec le bouleau. Quand elle est à moitié habillée, il la force à grimper sur une échelle, en tenant ouverts ses propres pantalons, tandis que des cinglements de l'impitoyable badine la forcent à l'obéissance. Son bourreau l'oblige enfin à se placer contre un mur la tête à terre et les pieds en l'air, puis il la laisse.
On la revêt alors d'un élégant costume de bal, et après l'avoir fustigée sur les épaules nues avec une cravache de dame, on la présente à l'assemblée des flagellants réunis dans la serre dans l'attente du spectacle à venir. Il y a là six dames masquées en dominos et quatre messieurs affublés de fausses barbes.
Alors le colonel fait un exposé de ses idées et de ses théories, appuyant ses dires de vigoureuses cinglées, que miss Julia est forcée de supporter; le conférencier dévoile tout le secret des délicieuses sensations et des jouissances que procure la flagellation et ce, d'une façon bien plus étendue que jamais…
La jeune fille, après ces préliminaires, est livrée aux indécentes caresses de toute la société: la petite cravache est de nouveau mise à contribution et, tandis qu'on la déshabille avec une lenteur étudiée, on accompagne chaque phase de l'opération de nouvelles tortures, de plus en plus raffinées. On la pique avec une épingle, on la pince et on la force à raconter des épisodes érotiques de sa vie au pensionnat. Miss Debrette, l'une des dames de la société est ensuite placée sur le chevalet et miss Julia est contrainte de fouetter la jeune dame qui semble y trouver un plaisir extrême, quoiqu'elle soit maltraitée au point d'en être couverte de sang. Puis on se livre à d'autres indécences inouïes, pour prouver «que le flagellant tout autant que le flagellé éprouve de voluptueuses jouissances.»
Ensuite commence ce que le colonel, avec un sourire sarcastique appelle la flagellation pour tout de bon!
Miss Julia est attachée à une échelle avec le dos tourné vers les échelons.
C'est ici que se termine la première partie de l'ouvrage.
La deuxième partie commence par la description très en détail de l'opération à laquelle volontairement miss Debrette s'est soumise. L'un des messieurs lui succède et, après que les deux eurent cyniquement fait part de leurs impressions personnelles aux autres membres de la société, le supplice de Julia recommence: on la fouette au moyen d'une brassée d'orties en pleine sève. La position de la jeune femme sur l'échelle peut donner une idée de la trivialité de la description qui est faite de la scène qui s'ensuit.
Après l'avoir changée de position et lui avoir fait tourner le dos à l'assistance inaccessible à tout sentiment de pitié, le colonel relate quelques autres épisodes de l'application de la torture aux victimes de la lubricité humaine, après quoi on soumet la pauvre enfant à une fustigation accélérée au moyen d'une espèce de lanière de cuir, jusqu'à lui faire presque perdre les sens. Les lubriques acteurs de cette scène révoltante se mettent à jouer à saute-mouton par dessus le dos ensanglanté de l'infortunée et, après cette diversion dans leur dégoûtante orgie, le colonel les régale d'une nouvelle histoire ayant pour sujet les tortures infligées à une femme mariée, durant sa première nuit de noces.
Mais ce n'est là qu'un entr'acte: la représentation continue et, c'est le tour d'une courroie garnie de fines pointes d'acier, de démontrer ses vertus sur le corps nu et déchiqueté de miss Julia que l'on a placée sens dessus dessous, la tête en bas et les jambes en l'air, le long de l'échelle.
Puis une mêlée générale s'engage, qu'il est absolument impossible de décrire; les participants à cette orgie se laissent aller à tous les excès, avec toute la lascivité et le voluptueux excitement que toute cette cruauté est sensée avoir déchaînés et—tout naturellement,—cela au détriment de la pauvre Julia. De nouveau la pauvrette est soumise à une flagellation impitoyable au moyen d'une lourde cravache et finalement—en guise de couronnement de son martyre,—on lui inflige la plus cruelle, la plus abominable des tortures morales: elle est brutalement violée avec tout le raffinement de détails qui, d'ordinaire, peuvent accompagner une telle opération.
Nous pouvons affirmer sans crainte que ce livre est l'ouvrage le plus froidement cruel, le plus cyniquement indécent qu'il nous ait été donné de lire; il est unique en son genre dans la langue anglaise. On semble revivre le rêve sauvage ou plutôt le cauchemar d'un vieux satyre vicieux, vanné, positivement usé et dont l'épiderme tanné jusqu'à l'insensibilité par des flagellations quotidiennes a été saisie d'une folie de passions étranges pour la flagellation bestiale.
Il va sans dire que le compte rendu qui précède ne donne que les grandes lignes de l'ouvrage, car nous avons soigneusement évité de copier le moindre détail, dont la minutie est d'un érotisme trop accentué pour se retrouver sous notre plume. Les plus impudiques descriptions y sont faites et toutes les phases de cette lente agonie de la pauvre fille, le moindre mouvement, la plus petite contraction et le moindre tressaillement sont notés, et commentés. La beauté de Julia est l'objet d'une analyse et de remarques d'une crudité inouïe et rien n'est négligé pour prouver que seul un Néron ou un marquis de Sade peuvent réellement éprouver quelque plaisir sensuel.
Nous pouvons puiser quelque consolation dans le fait que ce livre est trop délibérément horrible pour être dangereux, car ce mélange de débauches lubriques, d'extravagances sadiques, d'usages d'abattoir froidement, cyniquement mis en œuvre ne peut être que le produit d'une imagination surchauffée et surexcitée par des idées obscènes et lascives. Le livre est bien écrit et l'auteur s'est évidemment donné beaucoup de peine pour mettre bien en relief les moindres détails, comme s'il avait voulu convaincre le lecteur de la réalité absolue de ce système répugnant qu'il expose avec tant d'ampleur.
Curiosités en flagellation. Une série d'incidents et de faits compilés par un flagellant amateur et publiés en cinq volumes. Vol. I. Londres 1875[12].
[12] Curiosities of Flagellation. A series of Incidents and Facts collected by an amateur Flagellant and published in five volumes. Volume I. London 1875.
Malgré l'annonce de cinq volumes, il n'en parut à l'origine qu'un seul, qui fut réédité en 1879-1880, avec addition d'un volume supplémentaire. Ces deux volumes pris séparément contiennent chacun un récit: le vol. I. est réservé à The Jeweller's Housekeeper, en français, La Gouvernante du Joaillier; le vol. II. contient Mrs North's School ou l'école de Mme North. Chacun de ces volumes est illustré de cinq gravures exécutées avec très peu de soin; elles sont coloriées et de nature quelque peu obscène. L'ouvrage est publié par l'auteur lui-même.
La Gouvernante du Joaillier est un récit qui a pour but d'exposer la flagellation comme une pratique aphrodisiaque, comme un moyen d'arriver à un but déterminé et non pas comme le but lui-même que l'on se propose d'atteindre, contrairement à la tendance des livres publiés au début du siècle.
L'auteur cependant nous semble pousser les choses un peu trop loin quand il cherche à nous persuader que les victimes éprouvent malgré tout une sensation agréable et voluptueuse, après une flagellation impitoyable accompagnée d'autres pratiques inhumaines, même quand ils sont sur le point de succomber à leurs tortures, et que ces sensations augmentent d'intensité quand le supplice a cessé, ce qui les fait se soumettre par la suite docilement à ces pratiques et les incite même à désirer vivement d'y être soumises encore, d'être fouettées de verges, avec des cravaches et d'avoir leur peau cinglée jusqu'à ce que le sang découle en profusion des cicatrices béantes, et tout cela pour assouvir les instincts voluptueux qui accompagnent et suivent leur agonie.
Nous ne doutons pas que la fustigation sur les postérieurs soit suffisante pour provoquer une circulation anormale du sang dans cet endroit et dans les parties adjacentes et que par cela même elle ne stimule les facultés procréatrices chez certaines natures exceptionnellement douées. Mais nous ne pouvons admettre, en aucune façon, qu'un individu de l'un ou de l'autre sexe, surtout s'il est sain de corps et de constitution normale, puisse se soumettre volontairement aux tortures décrites dans le volume.
La famille dans laquelle se passent les aventures relatées et dont, au dire de l'auteur, «beaucoup sont basées sur des faits», se compose de M. Warren, un bijoutier des environs de Saint-Paul[13] «réputé imbu de principes religieux»; de Sarah sa gouvernante; de «deux filles de par sa femme». Miss Annie âgée de seize ans et Miss Alice, de quatorze ans, deux des plus belles filles du quartier de Highgate où leur père a son domicile particulier et «maître» Willy, un gamin de onze ans, fils du joaillier «de par Sarah».
[13] Saint Paul, la cathédrale de Londres qui donne au quartier son nom. Elle est située dans la cité.
Suivant les instructions du joaillier, la gouvernante invente des histoires contre les enfants, afin de fournir à ce père modèle des prétextes pour flageller impitoyablement ses enfants, le garçon comme les filles, le soir, quand il retourne de la Cité. Après s'être adonné avec frénésie à ce passe-temps excitant, il calme ses ardeurs dans les bras de Sarah; ou bien encore, les deux amants se flagellent mutuellement pour prolonger leurs accès de volupté. En dépit des histoires inventées contre elles par Sarah et des corrections brutales qui en sont la conséquence, les deux jeunes filles, aussi bien Annie qu'Alice se prennent d'un réel attachement pour Sarah et en arrivent même à désirer d'être soumises à une bonne fustigation,—ce que nous trouvons foncièrement anormal.
Nous ne croyons ni utile, ni nécessaire, de faire une description détaillée de ces flagellations, qui d'ailleurs se ressemblent toutes; elles ont ceci de particulier qu'elles sont décrites d'un style bien meilleur que celui que l'on est habitué à trouver dans les livres de cette nature. Le récit se termine d'une façon quelque peu abrupte; l'on voit bien que l'auteur se proposait d'y donner une suite, car vers la fin Sarah promet de montrer à ses jeunes amis «quelques petits instruments de plaisir; mais la chose doit être remise à un autre moment».
Voici l'analyse du IIe volume qui contient l'histoire de l'école de mistress North.
Le volume se compose de cinq lettres passablement longues qui traitent toutes de l'influence de la verge de bouleau sur les organes sexuels. Point n'est besoin de faire ressortir que le sujet est, d'un bout à l'autre, traité avec une désinvolture extrême et que le langage employé est d'une franchise outrée. L'auteur décrit dans leurs moindres détails les scènes de fustigation et les conséquences qui en résultent, sans rien cacher.
Dans la première lettre, sir Charles dit qu'il a à ses gages une dame, miss Whippington qui dirige un pensionnat pour les jeunes filles de l'aristocratie. Elle flagelle ses élèves pour le plaisir de son riche protecteur, après avoir arrangé pour lui une cachette d'où il peut, tout à son aise, suivre les contorsions et jouir de la confusion et de la honte de ses belles et rougissantes victimes. Lady Flora Bumby, une jeune fille gracile, à l'air doux, d'une délicate beauté, blonde, âgée de quatorze ans environ est mise en scène, avec accompagnement de détails minutieux sur sa contenance, sur sa toilette intime, ses dentelles et les charmes qu'ils cachent aux regards profanes. C'est ensuite le tour de miss Mason, une belle brune de seize ans, aux yeux fulgurants, aux joues de pourpre: elle est gentiment apprêtée et délicatement cinglée de longues marques rouges. Ceci produit aussi bien chez le bourreau que chez sa victime le même effet érotique; mais nous, pour notre part, nous sommes en droit de supposer que cette idée existe seulement dans l'imagination des écrivains lascifs, quand ils forcent leurs effets. Néanmoins nous pouvons nous hasarder à dire qu'une femme encline à l'hystérie peut être soumise à bien des tourments par un amant préféré sans en ressentir toujours de la douleur, surtout si ce dernier réussit à faire naître chez elle un excitement voluptueux, alors qu'il lui inflige des mauvais traitements corporels. Malgré cela ces créatures ne sont que des exceptions: elles sont toutes anémiques et esclaves de leur système nerveux; elles se contredisent souvent. Elles sont menteuses, ont des visions et des accès d'insomnie. Elles s'adonnent à la boisson et souvent la morphinomanie ou l'abus du chloral les conduit droit à la maison de fous ou dans la tombe. Il n'y a pas de femme bien développée, en bonne santé, avec un sang pur et abondant circulant dans ses veines, qui puisse éprouver du plaisir à être battue; et avec bien plus de raison, il n'y a pas d'homme dans ces conditions qui peut puiser la moindre jouissance dans le fait d'être fustigé. Les flagellateurs du sexe fort sont généralement des êtres absolument usés et dépravés et il en est de même des femmes de cette catégorie; à moins qu'ils ne soient des exceptions, c'est-à-dire des êtres dominés par des passions anormales.
Pour revenir à notre sujet après cette digression qui, nous l'espérons, n'est pas tout à fait déplacée, voici, après miss Mason, une autre élève qui tombe sous la férule de la douce institutrice. Cette fois on nous présente une boulotte, assez courte de stature, aux cheveux roux, avec de grands yeux d'un brun sombre: elle répond au nom de miss Howard et n'a atteint que son dix-septième printemps. Pour commencer, on l'expose dans toute la gloriole de sa captivante nudité. C'est couchée à plat-ventre qu'elle subit son châtiment jusqu'à ce qu'elle ait perdu connaissance. Ici se termine ce petit délassement et sir Charles, arrivé au paroxysme de l'excitation, est confortablement soigné par miss W…, l'institutrice, qui pendant plus de deux heures se prête à ses extravagances libidineuses et assouvit sa soif de luxure, faisant revivre de temps à autre ses forces déclinantes, au moyen de quelques douzaines de coups de verge bien appliqués, tandis que dans leur chambre, miss Mason et Lady Flora se laissent aller sans aucune retenue aux incitations d'une idylle amoureuse d'un genre nettement lesbien.
Dans la première lettre, Wildish raconte quelques autres épisodes de flagellation. Une épouse corrige son ivrogne de mari au moyen d'une cravache et cet exercice produit chez elle un tel excitement qu'elle se réconforte dans les bras d'un amant qui a suivi toute la scène à travers le trou de la serrure. Nous avons ensuite le mariage d'un Lord Coachington qui, âgé de trente ans à peine et cependant déjà usé jusqu'à la moelle des os, épouse une jeune veuve très riche. Mais il ne réussit pas à remplir ses devoirs conjugaux malgré les ingénieux artifices mis en œuvre par la jeune femme,—artifices décrits avec une lascivité extrême et que notre plume se refuse à transcrire. Alors, il offre de placer sur la tête de sa femme 250.000 francs, pour qu'elle consente à se laisser attacher au moyen de cordons de soie et à recevoir de lui une fessée en règle sur son postérieur, avec des verges de bouleau. Elle consent et le noble Lord se met à la besogne, en dépit des pleurs et des grincements de dents de la jeune épouse, qui se tord de douleur et regrette, un peu tardivement, de s'être prêtée à cette fantaisie maniaque. Le résultat de cette opération ne se fit pas attendre et se traduisit au bout de neuf mois par la naissance de jumeaux: deux filles!…
Dans cette même lettre, on nous conte l'aventure d'un certain M. Robinson atteint, lui, d'une flagellomanie aiguë. Il offre cinq mille livres sterling, soit 125.000 francs à un jeune garçon, pour qu'il lui soit permis de le fouetter à cœur joie et à satiété. Mais, ayant par la suite acquis la certitude que le bel adolescent n'était autre qu'une jeune fille déguisée, il la remet aux mains de ses quatre valets de pied et il s'ensuit une orgie qui défie toute description. La lettre se termine par une communication de Miss Whippington qui s'étend complaisamment sur les détails d'une fustigation infligée par elle à Mlle Lucie Saint-Clair, l'une de ses élèves.
La troisième lettre fait l'objet, de la part de Mistress North, d'une communication comportant une copie très exacte du journal de feu Lord P…, un fervent disciple et propagateur de la flagellation avec des verges. Ce mémoire est suffisamment nouveau et curieux, même pour les initiés aux pratiques flagellatoires et libertines, qui sans doute ne trouveront généralement dans ces livres, que très peu de choses qui ne leur soient connues de longue date. Il raconte les amours d'une gouvernante robuste qui s'amuse à flageller un frère et une sœur confiés à ses soins. Elle éprouve des spasmes voluptueux en administrant ces corrections qui, en fin de compte, la portent à faire partager son lit par son élève mâle, auquel elle frappe avec ivresse le derrière et les parties adjacentes, non sans le couvrir simultanément de caresses lascives. Ce couple si étrangement assorti se livre ensuite à une distraction d'un genre particulier, que ce Faublas en herbe appelle jouer «à la vache et au veau». Nous voulons passer rapidement sur les aimables leçons données an gamin, et glisser sur la matière, car il nous est franchement impossible de suivre et d'étudier les progrès de cette corruption inculquée à des enfants d'un âge relativement peu avancé.
Les amours, ou plutôt les passions de cette gouvernante nymphomaniaque, sont continuées dans la cinquième lettre, qui termine le livre, dont voici la conclusion, d'une ironie vraiment cynique: «Cher Sir Charles, je pense qu'en voilà assez du journal de Lord P…, le restant est trop sale pour que je puisse le transcrire.»
Vraiment! Mais alors, qu'est-ce que cela peut bien être!
Dans la quatrième lettre, Sir Charles relate l'histoire d'un de ses amis qui possédait plusieurs grands singes auxquels il avait enseigné de se flageller réciproquement, dans le but de faire naître chez eux une excitation des sens. Si—comme on est en droit de le supposer—cette histoire n'est pas vraie, elle n'en a pas moins le mérite de la nouveauté et ouvre un nouveau champ d'études aux Buffon de l'avenir.
Une fois de plus on nous sert dans cette lettre la description de trois jeunes demoiselles, qui, toutes frémissantes, sont attachées au chevalet et flagellées avec la dernière violence, au grand amusement d'un ancien Lord-Chancelier, M. S…, qui paie pour suivre la cérémonie à travers un petit trou, après quoi il est soulagé par la maîtresse de pension.
Ce petit ouvrage est évidemment original, aussi original que peut l'être un livre de ce genre, si l'on considère que c'est toujours la même rengaine et qu'il est assez difficile d'apporter dans le traitement de ce sujet des variations continuelles et pas banales.
Nous ne doutons pas que ceux qui sacrifient au vice de la flagellation, se délecteront à la lecture de ces cinq lettres et même en demanderont encore. Le style est entraînant et tout nous porte à croire que l'ouvrage est de la même plume que la Conférence Expérimentale. L'analogie du style dans ces deux ouvrages saute parfois aux yeux: on y retrouve en certains endroits les mêmes phrases interminables. La partie la mieux écrite est incontestablement celle dans laquelle sont décrites les prouesses de la gouvernante et qui nous montre combien il est dangereux de confier sans aucune retenue de jeunes enfants à des servantes. Le grand scandale de Bordeaux[14] nous fournit un exemple de pareille négligence de la part de parents; d'autre part on peut trouver de nombreux autres cas dans le livre du Dr Tardieu[15]. En somme, il y a de bons enseignements à tirer de partout, même d'un livre franchement érotique.
[14] Affaire du Grand Scandale de Bordeaux. Pellerin, 1881. 8 vol.
[15] Étude Médico-Légale sur les attentats aux mœurs par Ambroise Tardieu, Paris, J.-B. Baillère et fils, 1873, in-8o, avec gravures.
Nous nous sommes plus longuement étendu sur ce dernier ouvrage, parce qu'il nous est présenté comme une première œuvre de l'auteur et nous croyons que le lecteur nous excusera facilement.
La quintessence de la discipline an moyen de verges de bouleau. Suite du Roman de la Castigation. Illustré de quatre superbes planches coloriées. Édition privée. Londres 1870[16].
[16] The Quintessence of Birch Discipline. A sequence to the Romance of Chastisement. Illustrated by four beautifully coloured plates. Privately printed. London, 1870.
Les quatre superbes planches coloriées ne sont que d'obscènes caricatures d'une exécution des plus rudimentaires. L'auteur et l'éditeur sont la même personne, quoique le Roman de la Castigation ait une autre personne pour auteur. Les sept dernières pages du volume sont occupées par un récit intitulé: Lettre d'un Page Boy[17] à sa mère habitant la campagne.
[17] Page-boy, petit commissionnaire, garçon de courses, chasseur.
Dans le livre sus-mentionné, une certaine Mme Martinet, dans une lettre qu'elle adresse à l'une de ses amies, nous offre le récit de la façon dont elle passe ses vacances à Aspen Lodge, près de Scarborough, la résidence de «mon vieux protecteur, Sir Frédéric Flaybum, qui, vous ne l'ignorez pas, trouva nécessaire d'installer et de mettre en vogue mon pensionnat aristocratique et pour lequel j'ai aménagé de secrets points d'observation pour son usage, dans les grandes occasions».
Au moyen d'un prêt de deux cents livres sterling (5.000 francs), Sir Frédéric a su décider la veuve d'un officier de l'armée des Indes, à loi confier ses deux jeunes filles, «en lui donnant carte blanche à tous les points de vue, avec la seule restriction que l'exercice de son autorité paternelle (sic) n'ait pas d'effets dangereux et ne laissât pas de traces défigurantes sur ses enfants».
A l'arrivée de Mme Martinet à Aspen Lodge, Anette et Miriam s'y trouvent déjà. Le lendemain, elle et son protecteur se mettent à les fouetter toutes deux, prenant pour prétexte une plainte non motivée d'ailleurs et absolument inventée par Sir Frédéric. Quand l'opération, qui n'était d'ailleurs accompagnée d'aucune pratique particulière et cruelle, fut terminée, on annonce M. Handcock et Miss Vaseline, deux amis de vieille date de Sir Frédéric. La jeune dame, «une délicieuse blonde, de taille élancée mais exquisément moulée, avec des lèvres de corail, des dents de perles et de ces grands yeux langoureux gris bleus, qui caractérisent si bien un tempérament sensuel», entoure de ses bras potelés le cou de Sir Frédéric, qu'elle embrasse avec une ferveur amoureuse qui ne laisse pas que de surprendre l'honorable institutrice.
Il s'ensuit une scène de la plus haute suggestivité, agrémentée de flagellation mutuelle et d'autres provocations plus ou moins efficaces: «Cette scène, dit textuellement Mme Martinet dans sa lettre, dura pas mal de temps et nous remplit, nous, les dames, d'une délicieuse ivresse, les messieurs étant trop vannés pour se laisser aller à trop d'excitement.»
Dans la lettre d'un Page-Boy, le jeune Fred raconte comment, en regardant par le trou de la serrure, il surprend ses maîtresses, les dames Switchers, en train de satisfaire aux goûts dépravés de l'honorable M. Freecock, en le flagellant et en assouvissant d'autre manière encore ses lubriques appétits. Mais le gamin est surpris à son poste d'observation et,—laissons-le parler lui-même,—«en un clin d'œil ils m'eurent lié par les poignets au chevalet; mes pantalons furent descendus en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et ils se mirent à me tanner le derrière avec frénésie au moyen d'une formidable verge de bouleau».
Le style de ce volume peut être placé au même rang que celui des trois ouvrages précédemment décrits. Mais ce livre a au moins un avantage, celui de n'être pas, dans son ensemble, farci de détails dont la crudité et la cruauté provoquent d'ordinaire un si profond dégoût.
Les mystères de la «Villa de la Verveine» ou miss Bellasis flagellée pour avoir volé, par Etonensis. Prix: Quatre guinées, Londres. Édition privée. MDCCCLXXXII[18].
[18] The Mysteries of Verbena House, or Miss Bellasis Birched for Thieving. By Etonensis, Price Four Guineas. London. Privately Printed. MDCCCLXXXII.
Ce volume est dû à deux auteurs différents; orné de quatre planches coloriées, il n'a été tiré qu'à 150 exemplaires.
Après avoir pataugé au milieu de tant d'ouvrages lourds, insipides, sinon absolument répugnants, sur la flagellation, c'est avec un réel plaisir que l'on tombe finalement sur un volume écrit avec tact et avec art, que l'on peut lire sans appréhension.
Dans cet ouvrage on nous trace un tableau très fidèle et très minutieux de ce qu'est un pensionnat fashionable pour demoiselles à Brighton, à notre époque, et le récit roule principalement sur les punitions corporelles infligées aux aimables pensionnaires de la maison.
Deux pièces d'or sont dérobées à une élève créole et miss Bellasis est convaincue d'avoir commis le larcin. Ce qui aggravait sa faute, c'est qu'elle avait caché le fruit de son vol dans la boîte à ouvrage de l'une des plus jeunes élèves. La perquisition générale à laquelle on se livre à la suite de la découverte du larcin, donne lieu à de singulières découvertes: chez une miss Hazeltine on découvre une bouteille d'eau-de-vie de genièvre, tandis que l'on trouve dans le pupitre de Mlle Hatherton un livre obscène. Les deux délinquantes, tout comme l'héroïne principale de l'histoire sont destinées à être fouettées. Mais la propriétaire de l'établissement, miss Sinclair, qui jusqu'alors avait été opposée aux châtiments corporels, croit utile de consulter préalablement le révérend Arthur Calvedon, aumônier du pensionnat. En attendant qu'il se rende à l'appel qui lui est adressé, une espèce de conseil de guerre est tenu et les gouvernantes françaises et allemandes sont admises à émettre leurs avis respectifs sur la castigation des jeunes filles. Le discours de l'institutrice française est reproduit en français qui serait évidemment irréprochable, s'il n'était défiguré par d'innombrables coquilles d'imprimeur. Mais le révérend arrive: il commence à faire un exposé très étendu de ses expériences au collège d'Éton et cela donne lieu à une dissertation très compliquée sur les différents modes de flagellation. Arthur—comme on a pris l'habitude d'appeler tout simplement le conseiller spirituel de l'école—brûle d'envie de demander l'autorisation d'assister à la fustigation de Mlle Bellasis; mais il n'ose et est obligé de se retirer sans avoir vu l'accomplissement de son secret désir; il promet toutefois de revenir après l'opération.
Le lendemain matin, la voleuse est conduite dans la grande salle d'études, par la sous-directrice et la gérante. Après une vive résistance de sa part, elle est dépouillée de ses vêtements, liée sur un pupitre et publiquement fouettée en présence de toutes ses camarades et des domestiques.
La description de la flagellation, qui suit alors, n'est pas du même auteur; le style est distinctement différent. L'allure légère et agréable du début de l'ouvrage se transforme à partir de la page 97 en une narration plus sérieuse, d'un style plus châtié et plus sobre surtout. Jusqu'alors les mots obscènes avaient été employés sans restriction, sans ménagements, sans scrupules: l'auteur appelle tout par les noms propres.
Le caractère de miss Sinclair est du coup transformé du tout au tout.
Mais procédons dans notre analyse. La fustigation de miss Bellasis est décrite avec une ampleur bien exagérée, car elle ne nous apprend rien de bien nouveau. Tout de suite après, nous trouvons une scène passionnelle entre le révérend Arthur et miss Sinclair que la fustigation de son élève, sur le postérieur de laquelle elle a usé trois verges, a mis dans un état de surexcitation sensuelle indescriptible.
Le jour suivant, miss Sinclair, devenue la maîtresse d'Arthur, punit sévèrement les demoiselles Hatherton et Hazeltine, en particulier, chez elle, c'est-à-dire qu'elle inflige aux deux jeunes filles toutes sortes de tourments, d'abord avec une cravache, puis avec une brosse à cheveux, tandis que le révérend admirateur regarde à travers un trou dans la cloison. Le volume se termine d'une façon abrupte par quelques lignes d'encouragement pour les flagellants des deux sexes.
En somme, ce livre est, comme nous l'avons dit déjà, le seul qui ait quelque mérite et qui semble se baser non sur des inventions mais sur des faits réels et vécus.
Exposition de flagellants femelles, dans le monde modeste et incontinent, prouvant par des faits indubitables qu'un certain nombre de dames trouvent un secret plaisir à fouetter leurs propres enfants et ceux commis à leur charge et que leur passion pour exercer et ressentir le plaisir d'une verge de bouleau appliquée par des sujets de leur choix de l'un et de l'autre sexe est du tout au tout aussi prédominant que celui que leur procure le commerce avec les hommes. Publié maintenant pour la première fois d'après des anecdotes authentiques, françaises et anglaises, trouvées dans le boudoir d'une dame. Embellie de six belles planches in-quarto, supérieur à n'importe quoi de ce genre qui ait jamais été publié. Londres. Imprimé pour G. Peacock, no 66, Drury-Lane[19].
[19] Exhibition of Female Flagellants, in the Modest and Incontinent World. Proving from Indubitable Facts that a number of Ladies take a Secret Pleasure in whipping their own, and other Children committed (sic) to their care, and that their Passion for exercising and feeling the Pleasure of a Birch-Rod, upon Objects of their Choice of both Sexes, is to the full as predominant as that of Mankind. Now first published, from authentic Anecdotes, French and English, found in a Lady's Cabinet. Embellished with six beautiful Quarto Prints, superior to any thing of the kind ever Published. London. Printed for G. Peacock, no 66. Drury Lane.
Une jolie vignette ovale orne cet ouvrage. Elle représente Cupidon attaché à un arbre tandis qu'une jeune fille assise prépare une verge de bouleau pour le châtier.
Au point de vue littéraire ce livre ne vaut absolument rien. L'auteur traite son sujet d'une façon par trop exclusive et part de ce principe que la flagellation en elle-même constitue la jouissance, tandis qu'en réalité l'on ne peut considérer cette pratique que comme un moyen d'arriver au but que l'on se propose, c'est-à-dire la jouissance sensuelle. En lui-même le châtiment corporel que l'on s'impose ne peut certainement avoir rien que de désagréable. Ce n'est pas la flagellation qui termine l'opération, puisqu'elle est suivie d'autres actes qui produisent les effets définitifs désirés et provoqués. D'autre part, les verges sont exclusivement placées dans les mains des femmes, comme si les hommes ne sauraient éprouver au moins tout autant de plaisir à fouetter des jeunes filles qu'à être fouettés par elles.
Dans l'Exposition des flagellants femelles cette théorie uniforme est adoptée d'un bout à l'autre; on nous y enseigne que dans la flagellation il faut un certain art, du tact, et de la délicatesse.
Voici à titre de document, la traduction d'un passage qui s'y rapporte: «Saches donc, fille nigaude (dit Flirtilla), qu'il y a une certaine façon de manier ce sceptre de félicité, dans laquelle peu de femmes ont la main heureuse; ce n'est pas le geste passionné et violent d'une vulgaire femelle qui peut charmer, mais les manières délibérées et élégantes d'une femme de sang et du monde, qui déploie en toutes ses actions cette dignité qui se retrouve même dans le jeu de son éventail, qui souvent sert à faire de si profondes blessures. Quelle différence entre le vulgaire et le mondain, le distingué, précisément en cette matière! Quelle différence entre la vue d'une femme vulgaire qui, provoquée par ses enfants, les saisit comme un tigre ferait d'un agneau, expose brutalement leur derrière et les corrige avec le plat de la main ou avec une verge ressemblant beaucoup plus à un manche à balai qu'à un gentil faisceau de verges, élégamment nouées ensemble tandis qu'une mère bien-née, froidement et méthodiquement sermonnera son enfant ou son pupille et, quand elle se sera rendu compte qu'il est dans son tort et qu'il mérite une punition, ordonne à l'incorrigible miss de lui apporter les verges, de se mettre à genoux et de demander à mains jointes une bonne fouettée; puis, cette cérémonie préliminaire accomplie, elle lui ordonnera de se coucher en travers de ses genoux ou bien la fera monter sur le dos de la bonne, et puis, avec les plus jolies manières que l'on puisse imaginer enlèvera tout ce qui empêchera le libre accès du derrière frémissant de la petite demoiselle, qui pendant tout le temps, tout en larmes et avec des promesses et des suppliques les plus tendres implore sa chère maman ou sa gouvernante de lui pardonner; et à tout cela la belle exécutrice prêtera oreille charmée, découvrant cependant avec un sentiment délicieux les gentilles et aimables rotondités si blanches, qu'en quelques minutes elle fera passer au rose le plus sombre au moyen d'une verge maniée avec savoir-faire et élégance!»
Il existe d'ailleurs encore deux autres éditions de cet ouvrage, savoir:
The Exhibition of Female Flagellants. Suus cuique mos. London. Printed at the Expense of Theresa Berkley, for the Benefit of Mary Wilson, by John Sudbury, 252, High Holborn.
L'autre Édition est celle de genre bien connu de Hollywell Street.
Le Chérubin ou Gardien de l'Innocence féminine. Exposant les Artifices des Pensionnats loués[20], des Diseurs de Bonne Aventure, des Modistes corrompues et des soi-disant Femmes du monde. Londres, imprimé pour W. Locke, no 12 Red Lion Street, Holborn. 1792[21].
[20] Loué est pris ici dans le sens de loyer; c'est-à-dire, Pensionnats pris en location par de vieux messieurs.
[21] The Cherub; or Guardian of Female Innocence. Exposing the Arts of Boarding Schools; Hired Fortune-Tellers; Corrupt Milliners; and Apparent Ladies of Fashion, London: Printed for W. Docke. no 12 Red Lion Street, Holborn. 1792.
Ce livre qui a été réimprimé à plusieurs reprises a pour objet, comme son titre compliqué l'indique assez clairement, de mettre à nu chacune de ces catégories de vice. De nombreuses anecdotes se suivent. En voici une qui a trait à la location des Pensionnats de demoiselles par de vieux libertins, qui trouvent plaisir à voir fouetter les jeunes élèves.
«Un vieux Crésus libertin de Broad Street, dont les richesses étaient aussi considérables que les instincts dépravés, a entretenu depuis quelques années une espèce de trafic sensuel avec les directrices de deux pensionnats; l'un situé aux environs de Hackney et l'autre dans la Banlieue de Stratford. Toutes les semaines il versait à ces Dames des sommes importantes, rien que pour pouvoir goûter des jouissances visuelles qu'un homme ordinaire aurait trouvé plutôt répugnantes qu'agréables.
Le gentleman en question fait des visites régulières et à tour de rôle chez chacune de ces accommodantes matrones.
Voici comment le spectacle se déroule:
Toutes les fautes commises, les dérogations au règlement etc., sont soigneusement enregistrées pendant les quatre ou cinq jours qui précèdent la visite du Crésus; le jour de sa venue est fixé pour l'exécution de toutes les punitions infligées aux élèves. Après avoir fait entrer le vieux birbe dans un petit cabinet adjoignant la salle et dans la porte duquel sont aménagés des trous d'observation, les élèves sont appelées l'une après l'autre, mises à nu, étendues sur un établi ad hoc et fouettées sur leurs postérieurs en proportion de la gravité de leurs fautes. Dans la situation où elles se trouvent les jeunes filles ne peuvent pas se douter un instant qu'elles sont vues de tout autre personne que leur directrice. Et quand le vieux jouisseur, après avoir suivi, au moyen d'une lorgnette toutes les phases et les progrès de la flagellation en est arrivé au summum bonum de sa passion il sort de son rôle passif et se transforme à son tour en exécuteur… Son désir assouvi il se retire comme un homme de bonne composition qu'il est, parfaitement heureux et placide.
L'ouvrage est orné d'un frontispice suggestif par Isaac Cruikshank.
Part the second. The female flagellants in the Beau-Monde and the Demi-monde; proving from indubitable facts that the secret Pleasure of Whipping their own children and those of others, and that the Delights of the Birch Rod are as powerful in the female as in the masculine part of humanity. Now first published from the Manuscript of a Lady, and from original correspondance addressed to the Editor of the first Part. With highly coloured Engravings. Two Guineas[22]. Est une continuation du volume mentionné plus avant, sous le titre d'Exposition des flagellants féminins.
[22] Deuxième Partie. Les Flagellants femelles dans la Beau Monde et dans le Demi-Monde; prouvant par des faits indubitables que le secret plaisir de fouetter leurs propres enfants et ceux des autres et que les Délices de la Verge de Bouleau sont aussi puissants dans la partie féminine que dans la partie masculine de l'humanité. Publie maintenant pour la première fois le manuscrit d'une Dame et la Correspondance originale adressée au rédacteur de la première partie. Avec des illustrations coloriées de haut ton. Deux guinées.
Conférences Fashionables, organisées et tenues avec la discipline de verges de bouleau, par les suivantes et nombreuses belles dames, qui ont rempli à l'approbation générale les rôles de mère, marâtre, gouvernante, femme de chambre, ménagère, gérante de maison, etc., etc.
- Mad. R-nson.
- Lady G-r.
- Mad. M-h-n.
- Mad. B-n-ll.
- Feue Miss Kennedy.
- Kit. Frédérick.
- Lady W-ley.
- Mad. R-pe.
- Mad. B-lli.
- Charlotte Hayes.
- Mad. Rudd.
- Miss C-t.
- Mad. H-nter.
- Mad. Miller.
- Mad. Price.
- Miss C-ver-ng.
- Clara Hay-d.
- La mère Birch.
- Mad. Arm-d.
- Mad. Coxe.
- Mad. L-w-ce.
- Mad. Hugues.
- Miss Scott.
- Miss Villers.
- Kitty Fisher.
- Mad. Austin.
- Lucy Cooper.
- Sally Harris.
- Mad. Booker.
- Charlotte Spencer.
- Mad. Corbyn.
- Mad. Judge.
- Mad. Far-ar.
- Signora Frasi.
- Signora G-lli.
- Fanny Murray.
- Fanny Herbert.
- Miss Faulkner.
- Mad. Woff-gton.
- Nancy-Parsons.
- Signora Z-lli.
- Mad. Badd-ly.
- Mad. Bridgeman.
- Mad. Baker.
- Mad. Lessingham.
- Mad. Watson.
- Mad. Dal-ple.
- Lady L-n-er.
- Signora S-i.
- Killy Tut-a-dash.
- Mad. Car-.
- Mad. Bulky.
- La comtesse de Medina.
- Miss Olliver.
- Miss Goldsmith.
- Mad. Wil-n.
- Miss Ray.
Avec les observations préliminaires sur les plaisirs de la verge de bouleau, administrée par la jolie main d'une dame favorite. Embellie d'une jolie gravure, d'une demi-feuille, représentant une marâtre fouettant son fils.
C'est un aussi grand provocateur que les cantharides ou le jus de vipères, parce que cela irrite le sang et donne une nouvelle vigueur aux esprits assoupis.
(Le Jésuite lascif, un Opéra.)
Quatrième édition, avec de nombreuses adjonctions. Londres. Imprimé pour G. Peacock, no 66, Drury Lane[24].
[24] Fashionable Lectures, etc… The fourth Edition. With considerable additions. London. Printed for G. Peacock, no 66 Drury Lane.
Cet ouvrage est incontestablement le plus curieux, le plus original et très probablement le premier publié de la série. On aurait pu l'intituler: Le Drame de la flagellation; toute l'action se déroule en dialogues et monologues.
A ce sujet, nous croyons intéressant de reproduire la teneur d'un passage qui termine l'ouvrage: Le Sublime de la Flagellation.
Très peu de temps après la publication des Conférences Fashionables à Paris la carte suivante fut remise par les libraires à tous les acheteurs de l'ouvrage.
CARTE
ADRESSÉE A MESSIEURS LES FLAGELLANTS
«Tous les acheteurs des Conférences qui seraient curieux de juger par eux-mêmes de l'effet qu'elles produisent quand elles sont bien développées, peuvent être adressés à une dame très accomplie au point de vue physique comme au point de vue de l'intellect, et qui, si on sait lui faire un compliment approprié[25], est prête à développer n'importe laquelle de ces conférences avec toute l'énergie et l'éloquence de son talent oratoire et son action, heureusement en corrélation.
[25] Un bel euphémisme!
«Cette dame a une maison à elle et sa salle de conférence est meublée de verges, de chats à neuf queues, et de quelques-uns des meilleurs ouvrages sur la flagellation. La dame a également dans sa maison une femme robuste, capable de prendre un homme sur ses épaules, quand il lui prend l'envie d'être traité comme un écolier; et en outre, elle, aussi bien que sa bonne, sont prêtes de jouer un rôle passif dans l'usage des verges, quand de temps à autre on le lui demandera. Prix de la première conférence: un louis,—chaque lecture suivante un demi-louis et 2 fr. 50 pour la bonne si elle sert de chevalet dans la circonstance.
«N. B. Les messieurs seuls, qui éprouvent du plaisir à jouer le rôle d'écoliers, seront servis par la maîtresse et la servante, à toute heure, avant qu'ils se lèvent, le matin, dans leurs propres domiciles, où se jouera admirablement bien le délicieux divertissement d'être sorti du lit, bousculé, puis fouetté, pour n'avoir pas voulu se rendre à l'école.»
La Danse de Mme Birchini, une histoire moderne, considérablement augmentée avec des anecdotes originales recueillies dans les cercles fashionables. Publié maintenant pour la première fois par Lady Termagant Flaybum.
«De tomber aux pieds d'une maîtresse impérieuse, d'obéir à ses ordres, d'avoir à lui demander pardon, furent pour moi les plus doux plaisirs.»
(Les confessions de J.-J. Rousseau, vol. I.)
«C'est un excitateur aussi puissant que les cantharides ou que le jus de vipère, parce que cela irrite le sang et redonne une vigueur nouvelle aux esprits assoupis.»
(Le Jésuite lascif; un opéra.)
Neuvième édition, avec de belles planches. Londres. Imprimé pour Georges Peacock, et vendu Drury Lane, no 66[26].
[26] Madame Birchini's Dance. A Modern Tale. With Considerable additions, and Original Anecdotes collected in the Fashionable Circles. Now first published by Lady Termagant Flaybum.
The Ninth Edition, with beautiful Prints. London: Printed for George Peacock, and sold at no 66 Drury Lane.
C'est un livre éminemment curieux. La première édition originale a dû être publiée contemporainement avec les Révélations de Lady Bumtickler. Ces anecdotes originales sont en prose et ne diffèrent pas grandement de ce qui nous a été présenté dans l'exposition de flagellants femelles mais la Danse de Mme Birchini est en vers, parfois bien terre à terre, mais empreints, en certains endroits, d'une belle vigueur et d'une ardeur remarquable.
C'est, en somme, l'histoire d'un jeune noble qui, devenu impotent à la suite d'excès de tout genre, se livre aux soins habiles de Mme Birchini qui réussit, grâce à ses procédés spéciaux, à lui rendre son ancienne vigueur et à le mettre à même de remplir ses devoirs conjugaux après l'accomplissement desquels sa jeune épouse soupirait désespérément.
Le joyeux ordre de Sainte-Brigitte. Souvenirs personnels de l'usage de la verge par Marguerite Anson York.
Imprimé pour les amis de l'auteur, MDCCCLVII[27].
[27] The Merry Order of St Bridget, Personal Recollections of the Use of the Rod by Margaret Anson; York: Printed for the Author's Friends, MDCCCLVII.
On attribue ce livre au même auteur qui a écrit pour Hotten The History of the Rod (l'Histoire de la verge). Il se compose de douze épîtres écrites par miss Anson à une de ses amies; la première lettre est datée de 1868, tandis que sur l'ouvrage le frontispice porte la date erronée de 1857.
Un certain nombre de dames, assemblées dans un château en France, pendant le second Empire, créent, pour passe-temps, le Joyeux Ordre de Sainte-Brigitte, une société ayant pour but l'application mutuelle des verges, une pratique à laquelle elles sont toutes adonnées.
Marguerite Anson est la soubrette de l'une de ces dames et elle est admise à faire partie de la société en qualité d'aide. La description de sa propre installation donnera une idée des rites de l'ordre.
Mais laissons-la avant tout admirer son costume: «Une chemise de toile fine, garnie de Valenciennes avec des entre-deux de rubans. Un jupon moelleux en flanelle blanche garnie de soie en bordure dans le bas; un autre en cachemire blanc, très fin avec un ruché dans le bas, garni de velours bleu de ciel. J'avais en fait de corset l'un de ceux de ma maîtresse, tout brodé; et par-dessus le tout, un magnifique peignoir bleu, avec des ruchés blancs; pas de jupes ni de pantalons et rien aux pieds, qu'une paire de mules bleues garnies de rosettes blanches très mignonnes.»
Ainsi accoutrée, Marguerite est placée dans une petite chambre contiguë à la grande salle où le Joyeux Ordre tenait ses assises: elle a les yeux bandés.
«Il me semble que j'attendis longtemps, mais je crois que ce ne fut que quelques minutes au bout desquelles quelqu'un entra dans la chambre:
—Enlevez votre manteau! me dit une voix que je reconnus pour celle de Mistress D…, une dame anglaise, belle, grosse et grasse, de quarante ans environ, pleine de vie et de malice, qui avait été une des promotrices de l'affaire.
—Maintenant, suivez-moi!
La porte de la salle fut ouverte et l'on m'introduisit. Puis la porte se referma et fut verrouillée et j'entendis autour de moi des rires étouffés.
Alors une voix partant du fond de la salle s'exclama: «Silence, mesdames, s'il vous plaît!»
Trois coups secs furent frappés sur une table et la même voix demanda:
—Qui vient ici?…
J'avais été stylée par Mistress B… et je répondis, conformément à ses instructions:
—Une candidate pour une place dans le Joyeux Ordre de Sainte-Brigitte.
—Êtes-vous prête à servir l'ordre du mieux que vous pourrez et d'aider, comme le demande votre maîtresse, dans l'accomplissement des cérémonies de l'ordre?
—Je le suis!
—Est-ce que vous vous engagez à ne jamais souffler mot de ce que vous verrez, entendrez ou ferez dans cette chambre, sous peine de perdre votre place sans certificat?
—Oui! Je m'y engage!
—Connaissez-vous le but du Joyeux Ordre?
—Oui!
—Dites-le nous!
Selon mes instructions je répondis.
—La salutaire et agréable discipline au moyen de verges appliquées réciproquement par ses membres au cours de ses séances.
—Avez-vous jamais été fouettée?
—Oui!
—Promettez-vous de vous soumettre à telle flagellation que le Joyeux Ordre vous imposera, sans vous rebeller ou sans murmurer?
—Oui!
—Préparez-la!
«J'entendis de nouveau des rires étouffés dès que cet ordre fut donné et je pus me rendre compte que mistress D… était secouée d'un rire intérieur, tandis qu'elle exécutait sa consigne, et qu'elle m'enleva mon peignoir. Elle épingla mes jupons et ma chemise sur mes épaules et alors, ma chère, je savais ce qui allait venir. Quelqu'un d'autre se saisit de l'une de mes mains tandis que mistress D… me tenait l'autre en attendant un nouveau commandement.
—Avancez!
«Ils me firent faire quelques pas en avant et au même instant un formidable coup de verge tomba sur ma hanche, puis sur l'autre et ainsi de suite jusqu'à ce que j'eus atteint le bout de la salle. Je pleurai et me débattis; mais tout fut en vain; mes guides me maintenaient solidement et, lorsqu'elles me lâchèrent, je ne pouvais plus que sangloter et haleter.
Alors un nouveau commandement se fit entendre:
—A genoux!
Je m'agenouillai devant l'ottomane du centre de la pièce. Les dames maintinrent mes bras par-dessus ce meuble et lady C… quitta son fauteuil, s'avança vers moi et me fouetta jusqu'à ce que je ne sus plus guère où je me trouvais. Alors elles m'aidèrent à me lever et la dame dit:
—Mesdames de l'Ordre de Sainte-Brigitte, recevez-vous Marguerite Anson en qualité de membre et de servante jurée, pour faire tout ce que vous demanderez?
—Oui! répondirent en chœur celles qui ne riaient pas.
—Laissez-la voir! fut le commandement qui retentit alors et, à ces mots, l'une des dames fit retomber mes vêtements et une autre m'enleva mon bandeau des yeux. J'étais tellement secouée et abrutie par la flagellation que pendant un certain temps, je pus à peine y voir. Mistress D… me prit par le bras et me ramena à l'extrémité de la pièce. Je me remis peu à peu et alors, en regardant autour de moi, je fus témoin d'un spectacle que n'aurait certainement jamais rêvé ce journaliste dont je mentionnais l'entrefilet dans ma dernière lettre.
«Chacune des dames tenait en main un faisceau de verges souples et solides et nouées avec des rubans correspondant à la couleur de leurs vêtements.
Sur l'ottomane où j'avais subi ma dernière fustigation étaient déposées deux autres verges.
—Marguerite Anson! Approchez! me dit Mme C… de nouveau. J'avançai timidement, appréhendant une nouvelle fessée…
—Agenouillez-vous!
Je m'agenouillai et elle me fit cadeau d'une verge en m'informant que j'étais maintenant une servante du Joyeux Ordre de Sainte-Brigitte, que j'étais autorisée à prendre part à leurs cérémonies et que j'étais tenue de faire tout ce que l'on me demanderait.
Puis on m'enjoignit d'aller me placer à l'extrémité de la salle, et de m'apprêter à faire à celle dont le tour était venu, absolument la même chose qui m'avait été faite à moi.
Il saute aux yeux qu'une répétition d'une flagellation de ce genre entre femmes ne peut que devenir insipide à la longue, car elles ne varient que fort peu. Pour faire diversion, l'auteur intercale dans son récit des réminiscences évoquées par les dames présentes, au cours desquelles l'élément masculin est mis en scène.
Une anecdote surtout est impayable: c'est l'histoire d'un monsieur qui, se faisant passer pour un inspecteur scolaire du gouvernement, fait une tournée d'inspection dans tous les pensionnats de jeunes filles où les plus belles d'entre les élèves sont fouettées en sa présence.
L'auteur adopte la thèse, d'après laquelle une certaine délicatesse et du savoir-faire sont des qualités essentiellement requises en flagellation.
«Il y a, dit-il, une grande différence entre les différents modes d'administrer les verges. Il n'y a aucune jouissance à puiser dans le maniement des verges ou dans la réception des coups, quand la chose est pratiquée de la même manière qu'emploierait une femme vulgaire dans un accès de colère. Mais, quand la verge est maniée par une dame du monde, élégante, avec dignité et grâce dans le maintien et dans l'attitude, le fait de pratiquer la flagellation et de la subir deviennent également une source de réel plaisir[28].»
[28] Cette phrase est incontestablement plagiée. Elle se trouve dans «L'Exposition des Flagellants Féminins».
L'extrait suivant de History of the Rod (l'histoire de la verge) a quelque analogie avec le récit de Marguerite Anson, qui précède.
C'est pour cela que nous croyons utile de le reproduire ici, à titre de document bibliographique.
«Une vieille nouvelle française, que nous avons parcourue en passant, le long des quais de la Seine à Paris, donnait une description très vivante d'une espèce de club romantique de flagellation qui existait à Paris peu de temps avant la Terreur. Les dames qui faisaient partie de cette association se fouettaient réciproquement avec une élégance pleine de charmes! Une sorte de procès précédait chaque correction et, quand une dame était reconnue coupable elle était immédiatement déshabillée et fouettée par ses compagnes. S'il faut en croire les affirmations contenues dans ce livre qui avait pour titre le Château de Tours, un grand nombre de dames du plus grand monde étaient affiliées à cette société et recevaient de leurs compagnes des châtiments personnels.
Ces nobles dames étaient également décrites dans ce livre comme instigatrices et créatrices des nouvelles modes; elles donnaient le ton. A en juger par les descriptions de ces modes, faites dans le livre en question, quelques-unes ne devaient pas différer beaucoup de celles adoptées jadis par notre bonne aïeule, la mère Ève!»
Les Mystères de la flagellation[29] ou un Récit des Cérémonies secrètes de la Société des flagellants. La sainte pratique des Verges. Saint-François flagellé par le Diable. Comment on domine ses passions par l'art de la flagellation. Avec beaucoup d'Anecdotes curieuses sur la Prédominance de ce Passe-temps particulier chez toutes les nations et à toutes les époques, soit sauvages ou civilisées (sic).
[29] Mysteries of Flagellation or A History of the Secret Ceremonies of the Society of Flagellants. The Saintly Practice of the Birch. Saint Francis whipped by the Devil. How to subdue the Passions by the art of Flogging! With many Curious Anecdotes of the Prevalence of this Peculiar Pastime in all Nations and Epochs, whether Savage or Civilized. Printed by C. Brown, 44 Wych Street, Strand. Price 2d.
Imprimé par C. Brown, 44 Wych Street, Strand. Prix: 2d.[30].
[30] 2d. vingt centimes. Sur la couverture, en tête se trouve répétée, en toute lettrée cette fois, la mention: «Price Two pence».
Cette publication—8 pages—qui date de 1863, avait été provoquée par l'arrestation d'une dame Potter, pour avoir fouetté une jeune fille contre sa volonté.
En comparaison avec son genre, cette brochure n'est pas mal écrite. Elle nous donne un aperçu de ce qu'étaient certains établissements de Londres et notamment le White House (maison Blanche), la Den of Mother Cummings (Repaire de la Mère Cummings), l'Élysée de Brydges Street, etc.
Voici d'ailleurs le résumé de l'affaire Potier. Elle est intéressante:
«A cette époque (en juillet 1863), sur la demande de la Société de Protection des Femmes, une perquisition fut opérée dans l'Académie, alors très en vogue, de Sarah Potter, alias Stewart, dans la Wardour Street[31] et une rare collection d'accessoires et d'instruments de flagellation fut saisie et transportée au palais de justice de Westminster. C'est alors seulement que le grand public apprit que des jeunes filles étaient débauchées dans l'École de flagellation de la femme Stewart, pour être soumises à la fustigation de la part de jeunes et de vieux amateurs de ce sport particulier, au grand profit de cette honnête dame. Les spécimens les plus curieux de son stock d'instruments servant à son industrie consistaient en une échelle pliante, avec des entraves, des verges de bouleau, des balais de chiendent et d'accessoires secrets à l'usage des hommes et des femmes.
[31] Ce fait n'est pas tout à fait exact, en ce sens que la perquisition eut lieu au no 3 de Albion Terrace, Kings Road à Chelsea, où cette dame habitait après avoir déménagé de Wardour Street.
Sa méthode de procéder dans sa petite industrie était la suivante. Elle attirait des jeunes filles, les nourrissait, les logeait et les habillait et en retour elles étaient obligées de se prêter aux caprices des protecteurs de cette pension de famille d'un nouveau genre.
Elles étaient fouettées de différentes façons. Quelquefois on les fixait à l'échelle: d'autres fois elles étaient pourchassées à coups de fouet par la chambre; parfois on les couchait sur le lit. On avait recours à toutes les variations et à tous les raffinements qu'une imagination pervertie pouvait inventer, pour varier dans la mesure du possible les orgies, en retour desquelles la maîtresse de maison touchait des sommes variant entre 5 et 15 livres sterling. Les bénéfices que la Stewart tirait de cette école lui permettaient de tenir des valets et une maison de campagne, au grand scandale de la communauté.»
Ce récit est évidemment exagéré. On ne pourrait admettre que la jeune fille fût flagellée contre sa volonté, car elle avait pour habitude de fouetter des messieurs et de se soumettre elle-même à l'opération quand elle était payée en conséquence. Il est un fait certain, c'est qu'elle retourna chez Mme Potter dès que celle-ci fut relâchée de prison et habita avec elle pendant longtemps à Howland Street.
Mistress Sarah Potter, alias Stewart fut une matrone d'une certaine importance qui, à un moment donné réalisa de grosses sommes. Au cours de sa carrière accidentée elle changea très souvent de domicile.
Sous ses auspices, les flagellations étaient appliquées presque exclusivement aux messieurs quoique de temps en temps il arrivait que des jeunes filles y étaient soumises. Elle avait pour spécialité de procurer de très jeunes filles avec les parents desquelles elle prenait préalablement des arrangements pour éviter dans la suite des désagréments éventuels. Elle habillait ces enfants de costumes suggestifs et leur enseignait des tours variés, pour amuser ses clients.
Le Roman de la Castigation; ou les Révélations de miss Darcy.
Illustré de gravures coloriées. Londres: imprimé pour les libraires[32].
[32] The Romance of Chastisement, or The Revelation of Miss Darcy.
Illustrated with coloured Drawings; London: Printed for the Booksellers.
Belinda Darcy rend visite à son amie Dora Forester, qui l'initie aux plaisants mystères de la flagellation et lui révèle ce qui se passe à la Villa Belvédère, une maison de délassement où l'on fait un usage très étendu de la verge.
Le livre contient en outre quelques scènes diverses, telle que la description d'une pénitence dans un couvent, et une scène de flagellation domestique, etc.
Au point de vue littéraire, cet ouvrage a quelque mérite et on peut le lire avec intérêt.
Le Roman de la Castigation ou Révélations de l'école et de la chambre à coucher. Par un expert.
[33] The Romance of Chastisement; or Revelations of the School and Bedroom. By an Expert.
Ce livre roule principalement sur la Castigation de jeunes filles et l'auteur semble y trouver un réel plaisir. Il croit qu'une femme opérant sur elle-même ou sur quelqu'un de son propre sexe éprouve dans la même mesure du plaisir.
Dans l'exposé de ses théories l'auteur cherche à démontrer que celui qui reçoit les coups en éprouve également de la jouissance et ce, presque au même degré que celui qui inflige la correction.
Un seul passage est vraiment nouveau et pittoresque, dans lequel l'auteur affirme l'existence de derrières qui rougissent de honte, tout comme le visage.
Il cite à l'appui un cas particulier.
L'auteur de cet ouvrage avait un manuscrit qui n'a pas été publié et qui se trouve actuellement en possession d'un bibliophile de Londres. Il comprend les contes suivants: «Les Vacances de Richard», «Un Plongeon dans l'Atlantique», «Le château de Cara» et «L'Histoire de Sam[34].» Il y a encore huit morceaux en prose et en vers soit: «Les Leçons d'Allemand», «Devait-il le faire?», «Récits de l'École», «Le four de la Reconnaissance, ou Réminiscences rivales», «Réminiscences de Félix Easyman Esq.»—y compris «Autobiographie» et «Barnania», «l'Eton d'Antan» (comprenant l'Histoire de Kitty et l'Histoire d'Esther) etc., etc. Puis un supplément au Roman de la Castigation[35].
[34] Harry's Holidays. A Dip in the Atlantic; Castle Cara; Sam's Story.
[35] «The German Lessons», «Did he ought to do it?», «Tales out of School», «The Reckoning Day or Rival Recollections», «Reminiscences of Felix Easyman Esq.», «Eton of Old» etc., etc.
La Sublimité de la flagellation, en lettres de Mme Termagant Flaybum, de Birch-Grove, à lady Harriet Tickletail, de Bumfiddle-Hall. Dans lequel sont présentés le magnifique conte de la Coquette châtie (sic) en français et en anglais et Le Brosseur de derrières du pensionnat ou les Détresses de Laure. Orné d'une superbe planche.
Longtemps tourmenté, sans savoir exactement par quoi, je dévorais d'un œil ardent, chaque belle femme; mon imagination les rappelait sans cesse à ma mémoire, uniquement pour les dompter à ma façon et les transformer en autant de demoiselles Lambercier.
(J.-J. Rousseau, Confessions, vol. I.)
Londres. Imprimé pour George Peacock.[36]
[36] Sublime of Flagellation; In Letters from Lady Termagant Flaybum, of Birch-Grove, to Lady Harriet Tickletail, of Bumfiddle-Hall. In which are introduced The Beautiful Tale of La Coquette Chatie (sic), in French and English, and The Boarding-School Bumbrusher; or the Distresses of Laura. Decorated with a superb Print.
Long tormented, without knowing by what, I devoured with an ardent eye every fine woman; my imagination recalled them incessantly to my memory, solely to submit them to my manner, and transform them into so many Miss Lamberciers.
(Rousseau, Confessions, vol I.)
London: Printed for George Peacock.
Ce volume contient quelques anecdotes piquantes, mais au demeurant, il peut être placé au même rang que les ouvrages médiocres de ce genre. Il présente cependant une nouveauté en ce sens que l'honneur y est mêlé. Une jeune danseuse, amante d'un riche lord, ne veut pas répondre à l'amour du fils de ce dernier, qu'elle a des scrupules de trahir, mais elle assouvit la passion du jeune homme qui l'idolâtre, en lui distribuant généreusement force coups de cravache, ce dont l'amoureux paraît ravi.
Vénus Maîtresse d'école; ou Sports du bouleau. Par R. Birch, traducteur des Mémoires de Manon.
Imprimé pour Philosemus, embelli d'une jolie planche. Prix: 10s. 6d.[37].
[37] Venus School Mistress; or Birchen Sports. By R. Birch, Translater of Manon's Memoirs. Printed for Philosemus. Embellished with a Beautiful Print. Price 10s. 6d.
Cet ouvrage fut réimprimé à plusieurs reprises. C'est une œuvre très mal écrite qui relate les aventures de miss Birch, la fille d'une femme qui dirigeait un externat et qui ne laissait jamais passer une occasion de fesser ses élèves. Miss Birch y prend goût et en fin de compte monte à son tour une école avec une de ses amies. «Et maintenant, dit-elle, nous vivons ensemble et fouettons, comme deux petits diables aussi bien les petits garnements que les grands.» Les aventures relatées dans ce volume sont très terre à terre, à l'exception peut-être de quelques passages.
Un détail à noter: une deuxième page—faux titre—d'une édition réimprimée vers 1830 par Carmon, porte la désignation suivante:
«Aphrodite flagellatrix: Sive Ludi Betulani De gustibus non est disputandum. Romæ Apud Plagossum Orbilium, In viam flagrorum sub signo flagelli 1790[38].»
[38] Vénus Flagellatrice.
Il ne faut pas discuter sur les goûts. A Rome: Chez Plagosus Orbilius. Dans la rue des Flagrants, à l'Enseigne des Verges. 1790.
La Favorite de Vénus; ou Secrets de mon Mémorandum: expliqué dans la vie d'une Dévote du Plaisir. Par Thérésa Berkley.
«Ciels! Quelle sensation! Comment puis-je décrire les plaisirs de la verge!—Son contact magique est si enivrant—si enchanteur—si—…»
Illustré avec de belles illustrations. Londres: Imprimé et publié par J. Sudbury, 252, High-Holborn[39].
[39] The Favorite of Venus; or, Secrets of my Note Book: Explained in the Life of a Votary of Pleasure. By Theresa Berkley.
«Heavens! what a sensation! how can I describe the pleasures of the Rod!—its magic touch is so enthralling—so enchanting—so…
Illustrated with Fine Engravings. London: Printed and Published by J. Sudbury, 252 High-Holborn.
Ce livre traite des amours d'un garçon livreur qui va porter aux clients les marchandises achetées dans la boutique de son père. Mais comme cette clientèle se compose presque uniquement de femmes entretenues et de prostituées, les épisodes sont d'une nature quelque peu triviale et l'ouvrage en lui-même est très terre-à-terre, sans grande valeur littéraire.
Les Camarades d'École; ou Guide des Jeunes Filles en Amour, En une série de lettres. Y compris quelques anecdotes-curieuses sur la Flagellation. Auxquelles on a ajouté, la singulière et divertissante Histoire de la Vie et de la Mort d'un Godemiche, enrichie de fines gravures. Première partie. Londres; imprimé par John Johnes, Whitefriars[40].
[40] The School-Fellows; or, Young Ladies' Guide to Love. In a Series of Letters. Including Some Curious Anecdotes of Flagellation. To which is added, The Singular and Diverting History of The Life and Death of a Godemiche. Enriched with Fine Engravings. Part the First. London; Printed by John Jones, Whitefriars.
En neuf lettres Cécile et Émilie rappellent l'une à l'autre les moments qu'elles ont passés ensemble à l'école et retracent les aventures amoureuses qu'elles ont eues depuis leur séparation. Ces lettres roulent principalement sur la masturbation et la flagellation. Le style est très pauvre, les expressions triviales et le sujet dépourvu d'intérêt.
La Nuit de noces; ou Batailles de Vénus, une Révélation voluptueuse, formant la Vie Intéressante d'une courtisane de qualité, forcée par le besoin à Prostituer son Corps pour de l'Or; elle est prise en garde par différentes Personnes Riches et Pieuses et devient fameuse par ses méthodes Artistiques et Licencieuses de ranimer les instincts animals, de faire renaître l'énergie décroissante avec l'âge, et pour rendre à la Torche qui s'éteint une nouvelle Lumière. Dans cet ouvrage on trouvera quelques curieuses Anecdotes sur la Flagellation et sur d'autres succédanés pratiqués en cette science méritoire sur les Vieux et les Jeunes. Le tout formant la narration (sic) la plus intéressante d'intrigues et de débauche qui ait jamais été offerte au public!!![41]
[41] The Wedding Night; or, Battles of Venus, a Voluptuous Disclosure, being the Interesting Life of a Courtezan of quality, compelled by necessity to Prostitute her Person for Gold, etc., etc… In this Work will be found some CURIOUS ANECDOTES OF FLAGELLATION and of other strange succedaneums practiced in the meretricious science upon old and young. etc., etc. Illustrated with curious Engravings. J. Turner, 50 Holywell street. Price 3s. 6d.
Illustré de curieuses gravures. J. Turner, 50 Holywell Street. Prix 3s. 6d.
Le titre de cet ouvrage n'a absolument rien de commun avec son contenu. Il n'est pas question du tout d'une nuit de noces, pas même en passant. Le livre n'est nullement obscène. Il retrace la vie d'une jeune fille de tempérament ardent que les instincts sensuels, les revers de ses parents et d'autres circonstances jettent dans les bras d'un homme de position qui l'entretient, mais qu'elle ne parvient pas à aimer. Elle change d'amant, mais ne trouve le bonheur qu'auprès d'un jeune homme pauvre qui, mourant bientôt, la laisse de nouveau seule.
Elle mène une existence aventureuse, fait le trottoir, et parvient, au moyen de ses économies, à monter une maison hospitalière, où les vieux messieurs trouvent tout ce qu'il leur faut. Ayant amassé un magot, elle se retire à la campagne où elle mène la vie d'une veuve d'officier colonial, finit par se marier avec un gentilhomme campagnard qui la trompe et s'enfuit en Jamaïque avec la jeune servante. L'épouse trompée se voue au bien et ferme les yeux de son mari repentant auquel elle a pardonné à son retour.
The Cabinet of Fancy, or Bon Ton of the Day; A Whimsical, Comical, Friendly, Agreeable Composition; Intended to please All, and offend None; suitable to amuse Morning, Noon, and Night, Writte (sic) and compiled by Timothy Fiekle Pitcher.
London, printed for J. Mc. Lean, Lhips Alley, Wellelsse Square; F. Sudbury, No 16 Tooby Street Borough; and Sold by all the Booksellers in Town and Country.
The Charm, The Night School, The Beautiful Jewess and The Butcher's Daughter. All Rights reserved.
Brussels 1874. Hartcupp et Cie, 8 fr.
(Le Charme, l'École de Nuit, La Belle Juive, la Fille du Boucher.)
Tous Droits réservés, in-12. A Bruxelles chez Hartcupp et Cie. 1874. 8 fr.
Jupes troussées, par E. D. Auteur de la Comtesse de Lesbos. Londres, 1899, 1 vol. in-12.
Voici 180 pages superbement érotiques. Un avant-propos donne au lecteur—qui doit s'armer de patience… et de courage pour avaler le récit entier—toutes explications sur le but poursuivi dans cette publication.
«Un bibliophile français de mes amis—y est-il dit—chercheur érudit et infatigable, a réuni une collection d'anecdotes sur la flagellation à diverses époques, collection que nous avons à notre disposition, jointe à ses souvenirs personnels. Nous donnons ici une partie de ses souvenirs, et à la suite quelques extraits de sa collection, pour ne pas grossir démesurément le volume.»
Qui s'en plaindrait? Personne. Le lecteur, puisqu'il y a lecteurs pour ce genre de littérature, ne verrait aucun inconvénient à quelques pages de plus. D'autre part, le chercheur, qui voit là matière à dissertation—voire à philosophie—ne demande qu'à recueillir le plus possible. D'ailleurs la préface de Jupes troussées nous fait espérer une suite. Voyez plutôt:
«Si la présente publication obtient auprès de nos lecteurs le succès que nous sommes en droit d'en espérer, je m'empresserai de publier la suite de la collection, qui pour ma part, m'a vivement intéressé, par le charme du récit, et par le piquant des descriptions des jolies scènes qui s'y déroulent, et qu'on sent prises sur le vif. C'est comme le panorama de la discipline, de la fin du siècle dernier à nos jours.»
Que voilà belles promesses. Et allez donc. Dix chapitres s'offrent au lecteur qui peut y puiser maints enseignements, peut-être aussi répulsion et dégoût!
Et maintenant, voulez-vous quelques extraits de ce livre? En voici le prologue, l'entrée en matière, le frontispice en quelque sorte.
«Comment je devins professeur d'anglais, dans le pensionnat que dirigeait Mme Tannecuir»—pourquoi toujours ces noms appropriés au sujet?—«dans une des plus grandes villes de France, cela importe peu à ce récit. Il suffit de savoir qu'un mois après mon installation dans l'établissement, j'avais acquis un autre titre auprès de la maîtresse, qui était devenue doublement la mienne. Après un siège assez court et bien mené, la place s'était rendue à discrétion.»
Voilà qui promet. Cependant le style est doux, tout doux, trop doux pour ce genre d'ouvrage, mais n'ayez crainte, dès la seconde page l'auteur se rattrape. Un portrait de ladite directrice «fouillé jusqu'aux moindres détails»; une description du pensionnat, et les verges entrent en danse.
Des verges, encore des verges, toujours des verges! C'est tantôt une méchante écolière, qui a battu une de ses petites compagnes, qui est conduite dans la salle de discipline. «C'est une mignonne petite blonde de treize ans, déjà grassouillette, deux yeux très tendres, figure douce. Elle rougit, tremble de honte. On l'assoit sur les genoux de la directrice, et flic, flac,» etc., etc., cliché connu.
Et d'une.
Autre scène:
Cette fois «c'est Eliane de P. qui a un caractère indomptable; toutes les réprimandes qu'on lui adresse sont sans effet sur elle. Et la voilà qui crache à la figure d'une sous-maîtresse.
Eliane est une superbe créature, beauté troublante, dix-huit ans, svelte, bien cambrée, beaux dessous, belles chairs… Toute la lyre, quoi.
Et de nouveau voilà un postérieur qui rougit, car Mme Tannecuir a pris sur une table une longue verge souple et élastique, et l'applique sur le beau postérieur, d'abord sans trop de sévérité, rosant à peine le satin, pour préparer la peau à un plus rude châtiment. Quand la croupe a pris une teinte plus colorée, réchauffée par les légères atteintes, Mme Tannecuir, jugeant que la préparation est ainsi suffisante, accentue la force de ses coups, qui rougissent la surface cinglée.
Et de deux.
Vous croyez que c'est terminé. Patience, il n'y a encore que deux chapitres de passés.
Une fustigation par chapitre ce n'est point trop. Il est vrai qu'ils sont singulièrement allongés par les scènes intimes qui se passent entre la directrice et le professeur d'anglais. Vous savez, la flagellation, c'est un puissant aphrodisiaque… Demandez plutôt à Mme Tannecuir, ou non lisez les chapitres suivants. Vous y trouverez que le professeur d'anglais ne peut suffire à éteindre les feux de cette extraordinaire directrice qui s'adresse à des personnes de son sexe.
En tout bien, tout honneur; c'est sans témoins: malheureusement, ce satané professeur d'anglais qui est partout et voit tout, s'aperçoit d'un spectacle charmant qui se passe tout près de sa cachette, et est assez peu galant pour troubler ces… ces… comment dirai-je… ces… débats.
Et voilà une scène du plus haut érotisme qui termine l'histoire.
Déjà? Oui, et il y en a dix chapitres!
Il est vrai que je ne vous ai pas donné tous les détails des corrections infligées à Mlle Héloïse de R…, «un joli tendron de dix-sept ans aux cheveux blond cendré, aux doux yeux de gazelle, dont la candeur angélique ne laissait pas soupçonner que la mignonne était la plus indisciplinée des pensionnaires», ni à Rosine de B…, «une belle brune, au teint lilial, de seize ans, la taille parfaite, entre les deux, développée pour son âge»; des charmes! des charmes mystérieux! ni à «la tendre Victoire, blondinette de treize ans qui va recevoir une fessée pour la guérir de sa paresse habituelle», ni à la blonde sous-maîtresse elle-même, «qui prend un grand plaisir à voir donner le fouet».
Je ne vous ai pas parlé non plus de ce qui se passait pendant ces corrections où l'on bandait les yeux aux victimes pendant que le professeur d'anglais et Mme Tannecuir… mais j'allais en dire trop long. Lisez l'ouvrage, il en vaut la peine.
D'ailleurs, cette très véridique histoire est suivie de La discipline au Couvent, à l'abbaye de Thétien 1780-1788. «Extraits des mémoires du R.-P. Chapelain—je copie exactement—de l'abbaye de Thétien, copiés textuellement sur les souvenirs écrits de sa main, trouvés dans son secrétaire après sa mort.
Et ainsi commencent ces extraits:
«Deux tendres novices embéguinées depuis six mois, sœur Véronique et sœur Gudule, la première, une mignonne blonde de dix-neuf ans, la seconde, une belle brune de vingt ans, ont fait un accroc à leur robe d'innocence.»
Figurez-vous qu'on les a trouvées dans la même couche, égrenant un chapelet qui n'était pas leur chapelet habituel.
Et pour punir un crime à ce point atroce, voilà la mère abbesse—la sainte femme!—qui fouette vigoureusement les deux coupables, sous les yeux ébahis et fort satisfaits du Père Prieur.
Flic, Flac, et flic et flac, et voilà quatre chapitres sur le même sujet.
Inutile de dire qu'on fouette d'abord une sœur Radogune, «une superbe professe de trente ans—bigre!—plantureuse brune, aux rondeurs opulentes,» ou bien c'est «une tendre novice, qui s'offre toute rouge de honte, avec un délicieux corps de vierge blonde, grassouillette, dodue, aimablement (?) potelée», et encore Hélène de Belvèlize, une mignonne petite blonde potelée, qui a eu dix-sept ans aux dernières cerises, toute ronde, replète, bien garnie partout; une belle chevelure blonde encadre son front virginal—(encore! elle aussi)—tordue ordinairement en deux longues tresses, dont les pointes nouées d'une faveur bleue, lui battent les… jambes; mais les tresses sont défaites et les cheveux épars sur les épaules tombent dans le dos: deux grands yeux bleus limpides et languissants, fendus comme une longue amande, sont ombragés par des franges dorées de cils longs et soyeux, surmontés d'épais sourcils plus foncés, qui se rejoignent au-dessus d'un nez pur et délicat, dont les ailes transparentes palpitent, au-dessus d'une toute petite bouche, fendue dans une cerise».
Clic, clac, et clic et clac.
Et sœur Sévère, et sœur Hache-Cuir (!) s'en donnent à cœur que veux-tu.
Voici venir «Yolande de Beaupertuis, une superbe fille, à qui on donnerait plutôt dix-huit ans que seize sous une opulente chevelure noire, un teint mat de la blancheur des lis, fait ressortir ses épais sourcils d'ébène, et les longs cils soyeux, qui descendent sur deux grands yeux noirs veloutés mais hautains dont l'éclat n'est pas fait pour atténuer l'orgueil qu'elle porte dans ses traits.
Une petite bouche aux lèvres ronges, sensuelles complète cette belle figure de Diane chasseresse.»
Et en route pour cent coups de martinets administrés sous la compétente direction du Père Prieur, qui moralise à sa façon.
Un point, c'est tout.
Suivent deux pièces de vers, intitulées La discipline au couvent (1830).
Et l'auteur avoue modestement que ces deux pièces, extraites des souvenirs rimés de l'aumônier de couvent des Lorettes de L. vers 1830, sont tout simplement le chef-d'œuvre du genre.
Jugez-en un peu par ces extraits:
Ouf! Et d'un. Point ne se termine là ce chef-d'œuvre. Oyez encore:
Flic, flac, ô poésie, voilà de tes coups!
Voici la fin de la première poésie:
Soyons discret! Après dix pages de versification érotique! Dieu grand, il était temps!
Enfin le volume se termine par une séance au Club des Flagellants, traduction d'une lettre écrite par un certain John Seller qui a assisté, déguisé en femme à cette séance.
Peu intéressante cette lettre.
Beaucoup d'obscénités. Pas le moindre effort littéraire.
Je n'en parlerai donc pas.
Les Callipyges ou Les Délices de la Verge, par E. D. Paris. Aux dépens de la Compagnie, 1892, 2 volumes.
C'est là le compte rendu de conférences qui auraient été faites aux séances d'un comité formé de dix charmantes femmes, aux formes opulentes, qui s'étaient donné le titre bien approprié de «Callipyges».
L'ouvrage est donc divisé en chapitres différents pour chaque conférence. Nous les passerons rapidement en revue.
Voici d'abord une Conférence sur l'Utilité et l'Agrément de la verge. La conférencière parle des causes qui font donner le fouet dans les pensionnats, puis du but poursuivi en cela. Ici nous citons: le passage en vaut la peine.
«Pour nous, et pour vous aussi, mesdames, qui m'avez fait l'honneur de me demander mon avis franc et sincère, il y a un double but, que résume admirablement ce proverbe latin: utile dulci, mêler l'utile à l'agréable.»
On n'est pas plus franc, en effet.
Après le but, voilà les moyens: ils sont nombreux, et… accompagnés d'exemples.
Passons. Suit une conférence sur le pantalon, «ce recéleur charmant des plus riches et des plus aimables trésors».
Hum! hum!
Mrs Flog va nous dire ce qu'elle pense de la Pudeur et de la Confusion. Voilà qui, placé dans une telle bouche, promet d'être intéressant. Elle commence ainsi:
«Un des plus séduisants attraits de la flagellation, c'est sans contredit la confusion qui empourpre les joues d'une pudique jeune fille, à la seule pensée qu'elle va montrer son postérieur nu.»
Celte confusion n'a rien qui nous étonne, mais que ce soit là un attrait séduisant?…
A l'appui de ces dires, Mrs Flog organise une conférence expérimentale, tenue chez elle, et soyez certains que les expériences sont poussées dans leurs détails les plus extrêmes. La cruauté et la luxure s'y sont donné rendez-vous; mais en somme, ce n'est qu'un roman.
La fin du premier volume contient quelques observations du plus haut intérêt, mais comme elles sont enjolivées (?) de scènes plus ou moins… odieuses, nous regrettons de ne pouvoir citer que les titres des chapitres, savoir:
Conférence expérimentale, tenue chez Mrs Flog.
Five O'Clock chez Lady Fine (conférence anecdotique).
Conférence sur les diverses manières de fouetter.
Conférence anecdotique chez Lady Richbut.
Enfin: Conférence expérimentale tenue chez Mrs S. Tear, et nous passons au second volume.
En voici les principaux chapitres:
Sur les pratiques voluptueuses pendant la flagellation.
Sur la sévérité dans le châtiment.
Sur la discipline dans la famille.
Sur la discipline entre amies.
Le tout semé d'anecdotes et de conférences expérimentales.
Il est fâcheux que l'auteur de ce volume ne l'ait pas écrit en termes pins modérés et plus… littéraires. L'ouvrage y eût gagné.
Que ne soigne-t-on pas davantage l'impression. Nous relevons dans notre lecture une moyenne de trois ou quatre fautes par page!
Mémoires d'une procureuse anglaise, faisant suite à l'ouvrage Fillettes et Gentlemen. Paris. A la librairie de Cupidon, 1891.
Un affreux petit ouvrage, où les fautes abondent; mal imprimé. Quelques scènes de flagellation sans importance, où, seule, la note érotique est cherchée.
Étude sur la flagellation A TRAVERS LE MONDE, AUX POINTS DE VUE HISTORIQUE, MÉDICAL, RELIGIEUX, DOMESTIQUE ET CONJUGAL, AVEC UN EXPOSÉ DOCUMENTAIRE DE LA FLAGELLATION DANS LES ÉCOLES ANGLAISES ET LES PRISONS MILITAIRES.
Dissertation documentée basée en partie sur les principaux ouvrages de la littérature anglaise en matière de flagellation et contenant un grand nombre de faits absolument inédits avec de nombreuses annotations et des commentaires originaux. Paris, 1899, 1 vol. in-8o tiré à 500 exemplaires sur papier de Hollande.
Préface à «l'étude sur la flagellation». En publiant cette étude, nous avons voulu franchement rompre en visière avec un préjugé suranné qui veut que certains sujets d'une nature parfois—mais pas toujours—scabreuse soient systématiquement exclus de la discussion. La Flagellation, dont l'origine remonte aux époques les plus éloignées est un de ces thèmes que l'on s'est plu à classer dans la catégorie des questions délicates que l'on ne doit aborder qu'avec la plus extrême réserve. Notre but n'est pas d'imprimer aux idées de nos lecteurs une direction bien déterminée dans un sens ou dans un autre; de porter aux nues, grâce à une surexcitation pernicieuse des sens, cette antique institution qui, de nos jours, quoi qu'on en dise, n'en subsiste pas moins sous une forme identique au fond mais modifiée dans les détails de son exécution; nous nous bornons à soumettre au public un exposé aussi complet que possible, un recueil très consciencieux de toutes les théories émises sur ce sujet, une collection de faits s'y rattachant, sans commentaires, tels qu'ils nous sont transmis par d'antiques chroniques et de plus récentes études. A nos lecteurs d'en tirer la conclusion qui leur plaira. Déviant cependant du point de vue essentiellement documentaire auquel nous nous plaçons en ce qui concerne strictement la publication de cet ouvrage, nous croyons tout de même pouvoir émettre un avis tout à fait personnel, qui peut se résumer en quelques mots: «La flagellation n'est, en somme, qu'un moyen comme un autre de provoquer une surexcitation des sens, que l'on a employé de tous temps plutôt dans ce but réel que dans un autre et qui a constitué, comme il le constitue encore aujourd'hui, un moyen détourné de faire naître chez les émoussés des désirs et des jouissances qui doivent fatalement amener un assouvissement d'appétits charnels. Le fanatisme religieux, les pénitences ascétiques et tous les autres prétextes qui ont servi de couverture à cette pratique n'ont dû avoir cependant qu'un résultat unique qu'il conviendrait plutôt de considérer et d'analyser au point de vue médical.»
Ce recueil, qui contient un certain nombre de faits et de relations entièrement inédits, intéressera certainement le lecteur à quelque classe qu'il appartienne: la lecture de cette étude produira sur lui, selon son tempérament ou ses principes, des impressions bien diverses: il pourra y puiser de l'étonnement; il pourra aussi s'en délecter, comme également il n'y trouvera peut-être qu'une amusante distraction, peut-être même éprouvera-t-il un certain dégoût. Mais ce dernier cas se produirait-il, que nous ne saurions nous en plaindre, parce que nous aurions au moins réussi à faire prendre par ce lecteur-là, en légitime horreur cette manie qui n'a pu éclore et n'éclôt encore qu'en des cerveaux maladifs.
Nous n'éprouvons aucun embarras pour déclarer ici franchement que nous considérons la flagellation comme une des passions vicieuses inhérentes au genre humain. A ce titre, nous croyons le sujet digne d'attirer toute notre attention, et nous sommes persuadés que son analyse et sa discussion s'imposent. Au grand public de s'ériger en juge de nos efforts, qui ne s'appuient certainement pas sur une pudibonderie déplacée. Nous pouvons, en effet, avec une légère variante, faire nôtre, en la circonstance, un adage latin: «Castigat scribendo mores.»
En présence des lois de la nature, lois que certainement l'homme n'a pas inspirées, nos préjugés surannés, nos vertus hypocrites s'évanouissent comme fumée: la réalité, la vérité nous apparaît nue, entièrement nue, et quand nous cherchons à la travestir nous commettons tout simplement un crime de lèse-nature: ce n'est plus la vérité, ce n'est plus la réalité dès qu'on l'affuble des oripeaux de nos conventions stupides qui permettent bien de penser en toute liberté de conscience, mais n'admettent pas que cette liberté se traduise franchement et sans ambages, nous mettant ainsi dans l'obligation de vivre en un perpétuel mensonge à l'égard de nous-mêmes.
On nous a enseigné que le mariage, c'est-à-dire l'accouplement des deux sexes en vue de perpétuer la race humaine, tel qu'il nous est imposé par les lois, est le seul et unique système de copulation logique et légitime, l'idéal de l'hyménée, et que tous les autres systèmes, c'est-à-dire les rapports sexuels basés sur des principes différents, sont illicites et criminels et comportent forcément la damnation.
Cette théorie est identique à celles qui règlent toutes les religions: elle est trop consolante, trop idéale, pour répondre à la réalité des faits, car elle implique la bonté excessive et la vertu, ainsi que l'abnégation à toute épreuve chez les deux sexes.
Malheureusement l'homme, tout comme la femme, et cette dernière peut-être à un bien plus haut degré, sont dominés, subjugués par des passions qui ne sauraient obéir aux lois humaines, parce qu'elles subissent l'impulsion de la nature, souveraine maîtresse en ces sortes de choses.
Et ce sont précisément ces passions qui font naître en nous ces manies baroques, ces extravagances voluptueuses qui provoquent, de la part de notre pudibonderie de convention, les hauts cris que l'on pousse quand, par hasard, il se trouve quelqu'un qui s'attaque à la matière et entreprend de la disséquer et de l'analyser au point de vue psychologique.
De toutes les passions, la luxure est précisément celle qui s'impose le plus tyranniquement au genre humain: La flagellation,—et c'est un fait indéniablement établi,—est un des agents les plus actifs de cette luxure innée, à laquelle la chasteté la plus stricte n'échappe que très rarement.
L'homme a de tous temps cherché et trouvé dans la souffrance et dans l'influction de douleurs corporelles une âpre jouissance; il n'a pas seulement puisé d'étranges sensations dans son propre martyre, mais il a aussi joui d'étrange, de cynique, et, disons-le, de révoltante façon des tortures infligées à son semblable.
Dans les Chants de Maldoror (Paris et Bruxelles, «chez tous les libraires,» 1874, in-18) nous cueillons ce passage qui le dit bien:
«… Tu auras fait le mal à un être humain et tu seras aimé du même être: c'est le bonheur le plus grand que l'on puisse concevoir.»
Il serait oiseux, dans cette préface, de refaire en abrégé l'historique de la Flagellation qui se développe avec toute l'ampleur que comporte le sujet dans le volume que nous présentons à nos lecteurs.
Notre rôle se borne ici à expliquer le but que nous poursuivons en publiant cet ouvrage. Nous voulons propager, dans la mesure du possible, la connaissance approfondie d'une passion humaine qui se présente sous des aspects tellement divers et revêt des formes si variées qu'elle offre un champ d'études très vaste. On pourra puiser dans notre Étude sur la Flagellation maints enseignements, en tirer maintes moralités et se faire une idée exacte des différentes anomalies de la nature humaine dans ses vices, au point de vue des jouissances toutes charnelles, qui n'empiètent en rien sur le domaine intellectuel et moral. On ne saurait en effet, taxer l'âme de tares qui n'affectent que la vile enveloppe humaine, le corps, et constituent, tout aussi bien que d'autres défauts constitutionnels, des aberrations physiques, c'est-à-dire un état maladif latent, dont, en somme, elles procèdent.
Cet ouvrage était accompagné de sept eaux-fortes représentant des scènes de flagellation.
Ces illustrations, d'un caractère artistique indéniable, ont été poursuivies et détruites par le Parquet, sur la dénonciation et à la requête d'une Société anglaise. Toute la presse parisienne a été unanime à flétrir ces poursuites. Nous donnons quelques extraits des principaux journaux qui se sont élevés avec indignation contre les procédés employés en cette occurrence:
Du Radical, 7 juillet 1899, sous le titre: Les dessins de la Flagellation.
La neuvième chambre correctionnelle a condamné hier, à 200 francs d'amende, pour outrage aux bonnes mœurs, M. Carrington, éditeur, à raison de divers dessins qui accompagnent l'Histoire de la flagellation à travers les âges, ouvrage publié par sa maison.
C'était Me Albert Meurgé qui assistait le prévenu. Il a fait remarquer, non sans ironie, que ce fut la plainte d'une Société anglaise, la «National Vigilance Association» qui mit en mouvement le parquet français. Et il a ajouté, aux rires de l'auditoire, que ce qui avait offensé cette vertueuse Société, c'était une publication antérieure de M. Carrington, les Dessous de la pudibonderie anglaise, où l'hypocrisie de ces messieurs d'Outre-Manche se peut voir à nu.
Des Droits de l'Homme, 7 juillet 1899, sous le titre: Pudibonderie anglo-française.
M. Carrington, éditeur à Paris, a publié un ouvrage intitulé l'Histoire de la flagellation au point de vue médical, historique et religieux.
A la suite d'une dénonciation d'une société de puritains anglais la «National Vigilance Association», le parquet a trouvé que les gravures de l'Histoire de la flagellation étaient obscènes et M. Carrington a comparu devant la neuvième chambre du tribunal correctionnel.
Me Meurgé assiste le prévenu.
C'est bien ce qu'on peut appeler l'internationalisme de la répression, le parquet parisien s'étant mis à la remorque d'une société anglaise.
M. Carrington avait publié récemment un livre intitulé les Dessous de la pudibonderie anglaise. Cette publication ne doit pas être étrangère aux représailles de la présente poursuite.
Malgré les efforts de Me Meurgé, M. Carrington a été condamné à 200 cents francs d'amende.
Du Petit Bleu, 6 juillet 1899, sous le titre: Pudeur Anglaise:
M. Carrington, a publié en France un ouvrage qui a pour titre: la Flagellation à travers l'histoire. M. Carrington a raconté les fustigations légendaires dont certains personnages historiques furent les héros ou les victimes: telle, la rivale de la duchesse du Barry, flagellée sur l'ordre de la favorite par «quatre robustes chambrières»; tel le chevalier de Boufflers à qui une épigramme irrévérencieuse valut une correction de même nature.
M. Carrington a fait suivre ses récits de certaines eaux-fortes, dans le goût des dessins du XVIIIe siècle, ayant un caractère artistique incontestable, mais ayant aussi, paraît-il, un caractère obscène.
Qui s'en est plaint? Personne en France. Mais notre «Ligue contre la licence des rues» a été mise en mouvement par une société analogue qui, vigilante et inexorable, fait bonne garde autour de la pudique Albion.
M. Carrington ayant vendu des exemplaires de son livre en Angleterre, la «National Vigilance Association», ayant son siège à Londres, a demandé à M. le sénateur Bérenger de faire poursuivre la répression de l'outrage aux bonnes mœurs commis par l'auteur.
Le président de la ligne française a transmis la plainte au parquet qui a déféré M. Carrington au tribunal correctionnel.
M. le substitut Rambaud, avec cette largeur d'idées et cette finesse d'esprit qu'on lui connaît, a soutenu la prévention avec austérité mais sans passion.
Me Meurgé a défendu le prévenu, qui déclarait que ses compatriotes avaient voulu se venger de la publication qu'il a faite d'un livre intitulé la Pudibonderie anglaise.
M. Carrington a été condamné à 200 francs d'amende.
La tribunal a ordonné, en outre, la destruction des objets saisis.
Pauvres eaux-fortes galantes!
De l'Intransigeant, 8 juillet 1899, sous le titre: La flagellation en correctionnelle:
Fichtre! on ne s'est pas ennuyé, hier, à la neuvième chambre correctionnelle!
M. Carrington, éditeur à Paris, a publié un ouvrage intitulé: «l'Histoire de la flagellation aux points de vue médical, historique et religieux.
Or, ledit ouvrage est illustré de nombreuses planches, lesquelles on le devine ne manquent pas d'un certain… intérêt.
Tant et si bien que la pudeur anglaise s'est émue, mais émue au point que la «National Vigilance Association» a fait un appel désespéré à la pudeur française, en la personne de son père et vigilant gardien, M. Bérenger; et c'est ainsi que M. Carrington se trouve assis en police correctionnelle en compagnie de ses bouquins.
Voilà-t-il pas Me Meurgé qui, dans sa malice, s'avise de vouloir prouver que, chaque jour, le parquet laisse en vente de pires horreurs! Et alors non, je ne peux pas vous dire tout ce qui défila devant les yeux du tribunal!
Ah! sapristi, c'est un joyeux métier que celui de juges!…
Mais, enfin, les fautes des uns n'innocentent pas les autres, et M. Carrington n'en a pas moins attrapé 200 cents francs d'amende.
Allez donc faire de l'art, après ça!…
Du Rappel, 8 juillet 1899, sous le titre: une Morale d'exportation.
C'est de nos voisins qu'il s'agit.
Nous avons la bonne fortune de posséder une Société qui nous sauve, paraît-il, de la pluie de feu qui détruisait les villes maudites. Ils en ont une en Angleterre! et terrible! auprès de laquelle notre «Bérengère» paraît toute de mansuétude et de tolérance. De très hauts personnages composent le comité de cette National Vigilance Association dont Sa Grâce le duc de Westminster est le président.
Nationale, dit le titre. C'est Internationale qu'il faut lire.
Notre ami Blondeau vous a conté hier le procès fait à un éditeur de Paris, M. Carrington, sur la plainte de cette Société.
L'éditeur a été condamné; il s'agissait d'une publication en langue française. Il est étrange que le parquet ait cru devoir poursuivre sur la plainte d'une association étrangère.
La Vigilance Association a donc des attributions plus étendues que la nôtre, tellement étendues que son action s'exerce surtout, vous vous en doutez un peu, contre les productions littéraires du continent: Sapho de Daudet; les nouvelles de Maupassant; les romans de Zola; la Vie de Bohême de Murger, etc., ont encouru ses foudres et la justice anglaise a poursuivi et condamné les traducteurs et les éditeurs de ces ouvrages.
Faut-il ajouter à cette liste Boccace et Rabelais et la Reine de Navarre? Ceux-là aussi furent proscrits.
Ne rions pas! La Vigilance Association a fait des victimes. Un éditeur estimé de l'autre côté du détroit, M. Vizetelly, dont le catalogue semblait le livre d'or de nos gloires tant il avait pris à cœur de répandre les noms des meilleurs écrivains français, cet éditeur, dis-je, un vieillard de soixante-dix-huit ans poursuivi à la requête des Vigilants pour avoir traduit et publié l'Assommoir d'Émile Zola, fut condamné à dix-huit mois de hard-labour. Il mourut en prison.
Mais, direz-vous, ces poursuites témoignent d'un état morbide de la pensée: toutefois, comme elles sont dirigées contre les traductions en langue anglaise et des éditions faites en Angleterre, nous perdons tout droit de protester, du moins dans une certaine mesure. Cela est évident, mais puisque les pères la pudeur de Londres viennent chez nous, cela devient plus grave.
Qu'a donc publié d'horrible M. Carrington? Une Étude sur la Flagellation au point de vue historique et médical, livre tiré sur grand papier, à petit nombre, pour des souscripteurs, et accompagné de gravures représentant des scènes historiques de flagellation. Dans ces gravures, sans qu'il soit possible d'y découvrir la moindre pensée obscène, les personnages fouettés sont représentés vêtus, n'ayant de découvert que la partie du corps flagellée.
Le délicieux Willette, dans un numéro récent du Courrier Français ne représentait-il pas plus crûment encore et sans que personne pût songer à s'en offenser une scène de ce genre: une horrible scène de flagellation d'une jeune fille… en pays de langue anglaise?
Dans sa spirituelle plaidoirie, Me Meurgé, a fait bonne justice des allégations du parquet. Il a d'ailleurs découvert le véritable mobile non des poursuites engagées mais de la plainte: M. Carrington, sujet anglais, a publié dernièrement les Dessous de la Pudibonderie anglaise. Tout s'explique! L'accès de pudicité est une petite vengeance.
Malheureusement pour la Vigilance Association, il ne s'agissait pas dans l'espèce d'une officine pornographique, mais d'une librairie d'art et de sciences, de l'éditeur des traductions anglaises du Cabinet secret de l'Histoire du docteur Cabanès (également poursuivies) d'un ouvrage de Tarnowsky, professeur de l'Académie impériale de Russie, l'un des plus célèbres psychologues de notre temps et d'autres livres luxueux et précieux.
Je m'empresse d'ajouter que de courageux et nobles esprits n'ont, en Angleterre même, jamais cessé de lutter contre les agissements de cette pudibonde Société, et j'ai sous les yeux l'admirable plaidoyer que rédigea pour Vizetelly, Robert Buchanan, l'un des maîtres de la littérature anglaise.
Et pour qu'on sache bien à quels esprits nous avons affaire, citons ce dernier trait. Il montrera leur discernement, leur science et leur goût et leur aptitude à mettre sur le même plan quelques ordures indiscutablement ordures et d'admirables œuvres.
Richard Burton, le célèbre voyageur anglais et le merveilleux traducteur des Mille et une Nuits, le premier Européen qui, après Burckhardt, put pénétrer jusqu'à la Mecque, avait recueilli au cours de ses voyages incessants à travers toute l'Asie, un nombre considérable de manuscrits précieux, uniques. Ces manuscrits orientaux formaient une collection que les savants auxquels il fut donné de les parcourir déclaraient inestimable. Ils étaient destinés à jeter un nouveau jour sur une foule de questions littéraires, scientifiques et historiques et des experts consultés les avaient estimés, pour leur seule valeur artistique, à la somme de vingt-cinq mille francs! Ce dernier détail, peu important en soi, a cependant quelque intérêt.
Or,—je n'invente pas, je cite—dans son IIe rapport (1896) la National Vigilance Association annonçait à ses membres qu'elle avait reçu des mains de la veuve de Richard Burton cette collection précieuse et qu'elle l'avait détruite.
Ami John Bull! Vous qui lisez si bien la Bible, consultez un peu l'évangile et, si la paille française vous ennuie, songez à la poutre britannique.
La place nous manque pour donner les extraits de tous les journaux qui se sont occupés de cette affaire.
Nous citerons encore:
Le Temps, le Journal, le Journal du Peuple, la Presse, le XIXe siècle, la Petite République et nombre de journaux anglais: Daily Telegraph, Daily Chronicle, Daily Messenger, Reynolds Newspaper, etc. etc., etc.
Mémoires d'une danseuse russe, par E. D., auteur de Défilé de fesses nues. Paris, sous les galeries du Palais-Royal, 1892, 3 volumes in-18o (Une édition possède des gravures).
L'ouvrage est divisé en trois parties:
1o Mon enfance chez un boyard;
2o Chez la modiste à Moscou;
3o A l'académie impériale de Danse.
Voici quelques extraits de l'avant-propos:
«Je liai connaissance à Paris, pendant l'Exposition de 78, avec une danseuse russe, qui faisait partie d'un corps de ballet en représentation dans un théâtre du Trocadéro. Mariska—c'est le nom que nous donnerons à la danseuse qui l'a pris pour signer ses mémoires—avait trente-huit ans sonnés, et n'en paraissait pas plus de trente, malgré les nombreuses tribulations par lesquelles elle était passée dans le cours de son existence.
«L'ampleur de ses formes postérieures m'intriguait, au dernier point, par le développement qui bombait d'une façon exagérée les jupes repoussées. J'avais, chaque fois que je la rencontrais, une question sur le bout de la langue, mais je n'étais pas encore assez familier avec la ballerine, pour m'informer de la cause d'une pareille envergure, que j'attribuais aux exercices physiques, auxquels devaient se livrer dès leur enfance les élèves de Terpsichore.
«Je tournais autour de la belle Slave, lorgnant d'un œil d'envie le superbe ballonnement, tenté de palper l'étoffe comme par hasard, mais j'osais à peine l'effleurer, craignant des rebuffades, bien que Mariska parût m'encourager de l'œil.
«Un soir, j'eus l'occasion de tâter l'étoffe soyeuse, qui couvrait la somptueuse mappemonde. Nous allions souper au cabaret, deux de mes amis et moi, avec la danseuse, en cabinet particulier. Je montai derrière elle les degrés qui conduisaient au salon du premier; j'en profitai pour prendre dans mes mains la mesure de la circonférence, qui me parut d'un volume remarquable, sans qu'elle s'en montrât le moins du monde offusquée.
«Pendant le souper, arrosé de Champagne frappé, nous la plaisantions sur ce que nous appelions sa difformité. Elle avait un sourire goguenard, comme si elle méditait quelque farce épicée, dont on la disait coutumière dans les soupers où on l'invitait.
«Quand la table fut desservie, elle avait une pointe d'ivresse. Elle avait vidé coup sur coup quatre ou cinq coupes de Champagne, comme pour se donner du cœur. Elle sauta sur la table, s'agenouilla, nous tournant le dos, et sans crier gare! elle se troussa lestement, s'exhibant des genoux à la ceinture.
«Nous crûmes à ce geste qu'elle avait gardé son maillot. Nous fûmes bien vite détrompés le plus agréablement du monde. Elle était nue des genoux aux hanches…
«… Nous étions un peu surpris du sans-gêne et du sans-façon avec lequel la danseuse nous exhibait ainsi toutes ses nudités dans la plus riche indécence.
«—Eh bien, criait-elle, mon postérieur est-il difforme, mes seigneurs?
«Ah! non, il n'était pas difforme. Certain aimable chroniqueur qui les aime amples, larges, opulents, serait tombé en extase devant cette merveille de croupe rebondie.
«Les jupes étaient retombées, la danseuse avait repris sa place sur sa chaise qu'elle garnissait de telle débordante façon, qu'ici encore elle eût fait tomber à genoux le chroniqueur fasciné.