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Études sur l'Islam et les tribus Maures: Les Brakna

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Leur descendance subsiste à l'heure actuelle et se trouve au bas des tableaux généalogiques:

Tableau no 1.

Sidi Ahmed.
 
Brahim.
 
Bou Bakkar.
 
Kheddouch.
 
Bou Bakkar.
 
 
Othman. Mohammed.
 
 
Mohammed. Sidi Eli. Brahim
dit Bouya.
Bou Bakar.

Tableau no 2.

Amar Lobbat.
 
 
Benioug. Barani.
   
 
Lamin Fal. Hamouna. Benioug.
 
Boustan. Lamin.
 
Mohammed Fal. Sidi. Mokhtar.
 
Brahim. Mokhtar. Sidi Ahmed.
 
Mohammed Fal. Sidi. Mokhtar.
 
 
Brahim. Ahmed Fal. Mohammed. Sidi Ahmed.

Tableau no 3.

Eli.
 
Soueïd Ahmed.
 
Mohammed.
 
Sidi Ahmed.
 
Mohammed.
 
Mohammed.
 
Mokhtar,
élève de la médersa.

2.—Fractionnement.

Ce fractionnement classique des Oulad Siyed s'est établi ainsi jusqu'à nos jours.

Oulad Siyed.   Oulad Siyed proprement dits.
Oulad Mansour.
Haratines Oulad Siyed.
Haratines Oulad Mansour.
Haratines Tanak.
Aralen.
Ahel Ghaïta, Azafal et Igdala.

Sous notre occupation, les zenaga Aralen et les haratines Ahel Ghaïta, Azafal et Igdala ont été constitués en fractions autonomes. Elles n'en continuent pas moins à vivre dans le sillage de la tribu et en rapports étroits avec elle.

Les Oulad Siyed proprement dits ont pour chefs Hobeïb, frère germain de l'émir Ahmeddou II, fils de l'émir Sidi Eli II, et chef général de la tribu. Il est né vers 1870; sa mère était Garmi ment Lamin Fal.

A notre arrivée (1903), dès que la dissidence de l'émir Ahmeddou fut avérée, Coppolani songea aussitôt à donner un chef aux Siyed, restés fidèles et qui formaient un bloc d'attraction. Son frère, Mohammed Krara fut choisi, et vint à Saint-Louis où il fut agréé. Il était à peine rentré dans le Brakna qu'il mourait (1904).

On confia alors les fonctions de chef à un intérimaire, Sidi Eli ould Kheddich (1904-1909). Sa naissance obscure ne lui assura aucune autorité. Orgueilleux, mais intelligent, il n'osait pas se déclarer en notre faveur, mais souhaitait tout de même notre succès. En 1909, ses exactions et compromissions furent telles qu'on dut l'arrêter et le condamner à cinq ans de prison. Il devait être gracié en 1910.

Il fut remplacé alors par son neveu, comme lui cadet éloigné des Abel Aghrich: Hachim ould Mohammed Sidi ould M'hammed ould Sidi Mokhtar à Aghrich. Né vers 1896, Hachim était très jeune à notre arrivée dans le pays. Il partit avec toute sa tribu après l'affaire d'Aleg et vécut avec elle. Il repartit à nouveau avec son cousin. Lorsque ce dernier fut tué à Sarak, il venait de quitter le rezzou pour conduire vers le Nord le butin pris aux Toucouleurs. Il fit sa soumission au capitaine Bablon, à Boutilimit. Nommé chef trop jeune, Hachim n'eut pas l'autorité nécessaire pour se faire craindre et obéir de ses gens, notamment des Haratines Tanak et Oulad Mânsour, qui sont des pillards consommés. Les conseils de son père lui furent de peu d'utilité, non plus que ceux de son oncle maternel Sidi Eli ould Othman ould Bou Bakkar, l'ancien chef. Se sentant peu en selle, il passa le commandement provisoire à son père et vint à Aleg suivre les cours de l'école locale, puis alla à la médersa de Saint-Louis.

A son retour, il ne sut pas mieux asseoir son autorité, se signala par quelques exactions, et finalement dut céder la place, en 1915, au chef de la famille des Ahel Aghrich: Hobeïb, frère d'Ahmeddou.

Hobeïb ould Sidi Eli a épousé une femme des Kounta. C'est un homme intelligent et ambitieux, qui, parti en dissidence à notre arrivée, fit sa soumission en 1909, quand il comprit la ruine définitive de l'ancien régime et se retira chez les Ahel Agd Ammi, des Dieïdiba. Il se déclara dès lors ennemi d'Ahmeddou, et se sauva à Podor, au risque de laisser ses gens partir en dissidence, quand l'ancien émir fit son apparition dans le Brakna. Ce n'était d'ailleurs, de la part d'Hobeïb, qu'une feinte. Il entrait peu après en pourparlers avec les rezzous et ne fournissait aucun renseignement au détachement chargé de purger le Chamama des dissidents. Par la suite, il vécut paisiblement, ne se signalant que par ses compétitions avec Hachim, pour attirer à lui les anciens zenaga d'Ahmeddou. Il attendait son heure qui sonna en 1915. Il reçut alors le commandement des Oulad Siyed. S'il est, de par sa naissance, universellement accepté, Hobeïb n'est pas très aimé; il s'est attiré par ses exactions l'animosité des Arallen qui ont demandé et obtenu en 1917, d'être soustraits à son autorité immédiate. Les Ahel Ghaïta se sont également plaints de lui. Sa jalousie contre Sidi Eli ould Keddich l'a incité à accuser celui-ci de fomenter des troubles, ce qui a valu à Sidi Eli une amende et un séjour obligatoire d'un an à Aleg. Malgré cela Hobeïb reste le seul chef possible. Il est d'ailleurs sévèrement tenu en laisse. En février 1917, il était emprisonné sous l'inculpation de vol de moutons et dissimulation de sommes perçues dans sa tribu pour les orphelins de la guerre. Il fut relâché, faute de preuves, les plaignants ayant arrangé l'affaire entre eux.

Hobeïb est en excellentes relations avec les chefs trarza, depuis Ahmed Saloum II, qui avait épousé sa sœur Fatma. A la mort de cet émir, en 1905, Fatma est venue chercher un asile avec ses enfants auprès de Hobeïb. Celui-ci est également dans les meilleurs termes avec Cheikh Sidïa.

Le successeur éventuel de Hobeïb au commandement des Oulad Siyed est son neveu Mokhtar[7].

[7] Hobeïb est mort de la grippe au début de 1919. Il a été remplacé par Mokhtar.

Les notables de la fraction sont: Hachim ould Sidi, et Sidi Eli ould Kheddich, ancien chef; Mohammed ould Kheddich; Brahim ould Lamin Fal; Bou Bakkar ould Kheddich, vieillard très versé dans l'histoire du Brakna, traditionnaliste oral, à qui il ne manque que de savoir écrire pour se faire un nom de savant réputé.

La fraction comprend vingt tentes et 102 individus. Elle possède 4 chevaux, 23 bovins, 192 ovins, 13 ânes, 4 chameaux.

Les Oulad Mansour, descendance fort réduite de Mansour ould Abd Allah, oncle de Normach et de Siyed, se sont fondus dans ces deux tribus. Ils constituent toutefois chez les Oulad Siyed une petite fraction personnelle de 20 tentes, comprenant 74 personnes. Ils possèdent 37 bovins, 346 ovins et 10 ânes. Ils n'ont ni un cheval ni un chameau.

Leur chef est Bakkar ould Heïnnoun. Un seul notable mérite une mention: Ould Mohammed Tolba.

Les Haratines Oulad Siyed et Oulad Mansour sont restés fidèles à leurs maîtres hassanes, qui avaient pour eux un attachement particulier, car ils étaient considérés comme les tributaires de la couronne. Ils comprennent 32 tentes et 140 âmes, et possèdent 94 bovins, 1.384 ovins et 10 ânes.

Le chef de la fraction était, au milieu du dix-neuvième siècle, Samba Fal ould Douik. Il mourut vers 1875 et eut pour successeur son cousin Khalil ould Kouar. A celui-ci, mort en 1902, succéda le fils de Samba Fal, Baba qui mourut en 1903. Depuis cette date, le chef est Ahmed ould Samba Yarg; le chef des Oulad Mansour, Naji ould Amar. Les principaux notables sont Bouya ould Al-Falli; Bou Bakar ould al-Falli et Aleya ould Yarg.

Les enfants de ces haratines héritaient jusqu'au degré de cousin seulement. Au delà, la succession était partagée par moitiés entre la couronne et les héritiers naturels.

La redevance due aux hassanes était une pièce de guinée «filature» par tente et par an.

Les Haratines Tanak se divisent en deux sous-fractions: Zeïat et Oulad Houm, et comprennent 28 tentes et 112 personnes. Ils possèdent 105 bovins, 803 ovins et 4 ânes.

Ils étaient groupés, à notre arrivée, sous le commandement d'Omar ould Abber. Ils se partagèrent à sa mort, et vécurent ainsi plusieurs années. Ils se sont reconstitués avec Tiouley ould Blal.

Le campement Al-Yarg est composé d'anciens captifs, affranchis jadis par Eli ould Brahalla, chef des Tanak, et donnés par lui à Ahmeddou ould Sidi Fli, émir des Brakna. Ils ne paient pas de redevance fixe, ce qui est déplorable, car les hassanes leur prennent tout ce qu'ils veulent.

Les Zeïat sont libres, parce que descendants d'un hartani Tanak et d'une mère libre. Ils doivent une pièce de guinée ou le lait d'une vache par tente et par an. Ils sont aussi tenus d'aider leurs patrons dans l'achat d'un cheval de race.

Les Arallen (au sing. Aralli) sont les zenaga guerriers de l'émir et de quelques parents de l'émir. Ils lui doivent une redevance annuelle d'une pièce de guinée ou le lait d'une vache. Leur tradition leur assigne nettement une origine berbère et les fait frères de plusieurs tribus çanhadja, et notamment des Arouiejat, d'une partie des Oulad Aïd, des Oulad Al-Fari et même de fractions Tadjakant. Ils seraient sortis des Aroueijat, au temps d'Aghrich (fin du dix-septième siècle), et sous la conduite d'Al-Aouaj conquirent leur demi-autonomie de zenaga guerriers. Ils se sont signalés, au cours de ces deux siècles, par d'incessantes razzias. En 1847, entre autres, nous voyons dans les archives qu'ils pillaient à plusieurs reprises les troupeaux d'Eliman Bou Bakkar, qui finissait par passer le fleuve avec 300 Toucouleurs, poursuivait les pillards et reprenait son bien.

Leur chef, Kheïna ould Mohammed ould Babou ould Al-Aouaj ould Abd Allah ould Moussa ould Arrali, leur assura pendant plus d'un demi-siècle (1830 † 1870) le prestige de parfaits pillards. Il mourait sans héritier vers 1870. Les Arallen se fractionnèrent alors en deux groupes sous l'autorité de Mokhtar ould Chouikh et de Chikh ould Ahmed Tegueddi. A la mort du premier, la Djemaa élut Mokhtar ould Habib, au lieu du fils du défunt, Bouïtou, ce qui accentua encore les dissensions. Elles ne cessèrent de se perpétuer avec les deux nouveaux chefs: Mohammed Foudh ould Al-Falli et Hamoïma ould Mokhtar. Vers 1913 enfin, sur nos conseils, un accord est intervenu et la fraction s'est reconstituée, sous le commandement de Touiguigui d'abord, puis de Hamoïma ould Mokhtar ould Brahim.

Les Arallen ont leurs haratines, ex-captifs qu'ils ont affranchis, et dont ils possèdent les biens: ce sont les Abid Arallen. D'autre part, la coutume de la fraction veut que les filles n'héritent pas; c'est le maître hassani qui prend possession de leur part d'hoirie. En revanche, elles ne paient pas de rafer.

Les notables Arallen sont: Habib ould Al-Khattar; Brahim ould Tegueddi; Mokhtar ould Hobeïb; et Mahfoudh ould Al-Falli.

La fraction comprend 72 tentes et 373 âmes. Son cheptel est de 105 bovins, 803 ovins et 4 ânes.

Les Ahel Ghaïta, Azaffal et Igdalen sont trois fractions de haratines Oulad Siyed qui vivent étroitement unis depuis plusieurs générations. Ils étaient les haratines mêmes du Mahsar, au camp royal, et dépendaient directement de l'émir. A leur retour de dissidence, les chefs Oulad Siyed se virent pour leur châtiment enlever le commandement de ces haratines, qui fut donné à Cheikh Fal. Depuis le 1er janvier 1918, cette autonomie a pris fin et les trois fractions, tout en restant sous l'autorité de Cheikh Fal, ont été rattachées au chef général des Oulad Siyed.

Les Ahel Ghaïta, dont le nom signifierait «qui crient en l'honneur de l'émir» sont d'anciens captifs affranchis par Ahmeddou 1er.

Les Azaffal, dont le nom signifierait «qui entourent la tente de l'émir», étaient les hommes de confiance de l'émir depuis plusieurs générations. Leur ancien chef Koueïri ould Ségou, a donné sa fille en mariage à Cheikh Fal. Ils paient une redevance d'une pièce de guinée ou le lait d'une vache aux héritiers de Sidi Eli.

Les Igdalen, dits aussi Guedala, sont les descendants des tribus Godala des auteurs du moyen âge, sous le nom desquels on n'a aucune peine à retrouver le vocable des Gétules de l'ère romaine. Il est d'ailleurs certain que ces Igdalen ne sont qu'une faible partie de la descendance des Guedala; le reste s'est fondu et a perdu son nom dans d'autres tribus.

Le chef de ces trois fractions est la personnalité fort intéressante de Cheikh Fal, de son vrai nom Mohammed Cheikh ould Sidi M'hammed ould M'haïmed, lequel ancêtre était originaire de Hijaj de l'Est. Sa mère est une Dieïdibiya. Né vers 1860, Cheikh Fal fut élevé à Saint-Louis par un traitant qui avait été frappé par son intelligence. Il y apprit à parler le français, à lire et à écrire. Après avoir passé toute sa jeunesse comme boy, garçon de magasin, garçon de café, employé des postes, et portier de la loge maçonnique de Saint-Louis, ce qui donne les raisons pour lesquelles il fait suivre de trois points sa signature, Cheikh revint dans le Brakna, chez les Oulad Siyed.

Il fut employé, étant le seul Maure sachant parler, lire et écrire le français, par l'émir Ahmeddou pour traiter ses affaires avec nos représentants. C'est ainsi qu'il put écrire à M. de Freycinet, alors ministre de la Guerre, une lettre très amicale de collègue à collègue.

Le ministre français envoya alors à Cheikh Fal, comme cadeau, un canon bronzé de petite dimension. Les ennemis d'Ahmeddou furent consternés de voir une arme semblable, mise à la disposition de Cheikh Fal.

Au combat de Ouazan, où les Oulad Siyed luttaient contre les Oulad Normach et les Oulad Ahmed, Cheikh Fal mit le canon en batterie, pointa et fit partir le coup. Le canon éclata, tuant plusieurs hommes et contusionnant fortement le pointeur; l'armée d'Ahmeddou prit aussitôt la fuite. Mais la détonation de l'arme avait été telle que leurs ennemis, pris de peur, se sauvèrent en jetant leurs armes, envoyèrent des parlementaires à Ahmeddou, et la paix fut conclue en faveur des possesseurs du canon.

Cheikh Fal, en 1903, prit part à l'attaque d'Aleg et suivit son chef, Ahmeddou, dans le Regueïba et dans le Tagant.

En 1904, il descendit faire sa soumission. Malgré les marques de bienveillance, qui lui furent prodiguées, il continua à rester en relations avec Ahmeddou, renseignant les mejbour, et ne fournissant aucun renseignement pour nous permettre de les atteindre. Il empêchait même, dit-on, les dissidents en mal de soumission de venir à nous.

Avec le temps, il finit toutefois par se rallier plus franchement, surtout après 1909, où les derniers dissidents disparaissent. Nullement fanatique, très au courant des choses de la Mauritanie et des coutumes indigènes, il fut nommé en 1912, en outre de ses fonctions, agent forestier dans le Chamama. Il y rendit de bons services, mais on a dû finir par le relever de ses fonctions en 1919, après avoir maintes fois constaté que sa sévérité s'exerçait au delà de toute mesure sur ses ennemis, mais que ses amis avaient toute latitude pour commettre les déprédations qu'ils voulaient. Bavard et intrigant, Cheikh Fal est tout de même un homme intéressant[8].

[8] Cheikh Fal est mort de la grippe au milieu de 1919.

Les notables de ces fractions sont: Guenfit ould Amar ould Abid; Mohammed Fadel Allah; Sliman ould Fadel et Mouboud ould Bel-Aïd.

Elles comprennent 45 tentes et 236 personnes. Leur cheptel se compose de 3 chevaux, 45 bovins, 1 chameau, 923 ovins et 23 ânes.

*
*  *

Les fractions Oulad Siyed ne se séparent guère dans leurs transhumances. On les trouve en hivernage, dans les environs de Diguet Mémé, au nord de Chabbour et Kraat-Asfar; en saison sèche à Bou Dioud et Maye-Maye.

Le cheptel de l'ensemble de la tribu est de 7 chevaux, 509 bovins, 6.250 ovins, 5 chameaux, 101 ânes. Comme tous les hassanes, les Oulad Siyed n'ont pas de marque. Quelques-uns ont cependant le feu qaf emprunté aux Dieïdiba, qui sont tous tolba.

La tribu comprend 217 tentes et 1.037 ânes (Recensement 1918). Son cadi particulier est Dida, cadi des Dieïdiba, qu'on verra plus loin. L'esprit religieux de cette tribu guerrière est des plus faibles. Il n'y a qu'un nombre infime de gens à avoir reçu l'ouird et encore n'en pratiquent-ils pas les rites. On cite entre autres, Bou Bakkar Kheddich, Qadri par Mohammed Mahfoudh ould Cheikh Mostafa ould Cheikh al-Qadi, des Dieïdiba, et le chef de tribu lui-même, Hobeïb, qadri aussi, par le Cheikh Obeïd ould Salim.

CHAPITRE III
OULAD AHMED

1.—Historique.

Au vrai sens du terme, les Oulad Ahmed sont des Brakna, c'est-à-dire des descendants de Barkanni. Leur ancêtre éponyme, Ahmed, est un des nombreux fils d'Abd El-Jebbar ould Kerroum ould Mellouk ould Barkenni. Ils sont donc les cousins germains: 1o des Oulad Abd Allah (Oulad Siyed et Oulad Normach, puisque Mohammed (fils d'Abd Allah et père de Siyed et de Normach) et Ahmed ould Abd El-Jebbar sont tous deux petits-fils de Kerroum; 2o des Oulad Biri, puisque Ahmed précité et Mohammed, père de Biri, sont tous deux fils d'Abd El-Jebbar.

Ce sont donc de vrais Arabes hassanes, du groupe dit Marafra, ou descendants de Marfar ould Oudeï ould Hassan.

Au début du dix-huitième siècle, les Oulad Ahmed, qui ne s'étaient pas encore séparés des Oulad Biri, vivaient avec eux dans l'Iguidi, entre Khroufa et Boutilimit, en bordure des Trarza, ou entremêlés à eux. Quand les Oulad Abd Allah, après la conquête du Brakna, vinrent se fixer dans l'Agan, sous le commandement d'Ahmeïada, les deux tribus appuyèrent vers l'Est. C'est là que les Oulad Ahmed trouvèrent les Oulad Abd Allah. Ils ne les quittèrent plus, fusionnèrent avec eux et arrivèrent à considérer comme un insigne honneur d'être pris pour les descendants d'Oulad Abd Allah, origine que les vrais Oulad Abd Allah leur ont contestée à juste titre.

Des la séparation des Oulad (Mohammed ould Abd Allah en Oulad Siyed et Oulad Normach), les Oulad Ahmed suivirent ces derniers et s'allièrent à eux par des mariages, contractés presque exclusivement entre hommes Oulad Normach et femmes Oulad Ahmed. Quoique considérant les Oulad Ahmed comme des gens inférieurs, les Normach consentirent, par intérêt politique, à leur laisser entendre qu'ils croyaient à une origine commune. Ils affectaient de prendre pour des liens de fraternité ce qui n'était qu'un cousinage. C'est ainsi qu'ils avaient pour eux les égards et traitements qu'on se doit entre membres de la même famille. On sait par exemple qu'il est une habitude chez les Maures, qu'ils soient guerriers ou Berbères, c'est de ne jamais priser, ni fumer, ni parler de femmes ou entendre parler d'elles devant un membre de sa famille, qui ne soit pas de son âge.

Ces flatteries des Normach étaient intéressées, car, par suite des guerres continuelles, le nombre de leurs guerriers avait diminué considérablement et ils devinrent très inférieurs numériquement à leurs adversaires: les Oulad Eli et les Oulad Siyed. C'est alors qu'ils s'allièrent avec les Oulad Ahmed en leur faisant des cadeaux, en les caressant, et en leur laissant piller indistinctement amis et ennemis.

Contrairement aux deux groupes Oulad Abd Allah, les Oulad Ahmed n'exercèrent jamais leur suprématie sur la même région; ils vivaient tantôt dans l'Agan, à côté d'Ouezzan, à Aleg, à Chogar, dans le Chamama, près des Oulad Normach, tantôt à Tamourt Nadj, près des Ahel Soueïd Ahmed.

Les Oulad Ahmed pillaient un peu partout, surtout là où il n'y avait pas de danger, et ils méritèrent le surnom qui leur fut donné par les tribus du Brakna, «les corbeaux».

Mollien qui fit, en 1817, le voyage de Podor et qui a laissé sur les Maures des renseignements, généralement exacts, fait des Oulad Ahmed une description peu flattée et non sans fantaisie.

C'est près de ce fleuve (Sénégal) que l'on rencontre les Oulad Ahmed, restes d'une tribu de Bédouins qui a été presque totalement exterminée. Chassée des bords du Nil, où elle était établie, elle vint se réfugier sur ceux du Sénégal, où elle exerça sa fureur sacrilège, même sur les marabouts, crime impardonnable chez les Maures. Le roi des Braknas jura leur perte; leur destruction suivit de près sa menace. Réduits à un petit nombre, les Oulad Ahmed se font remarquer par un caractère féroce; ils le cèdent pourtant en ce point aux Ouladamins (Oulad Delim) qui errent dans le voisinage de Portendic, car ceux-ci sont, dit-on, anthropophages. L'aspect d'un Oulad Ahmed respire, comme celui du tigre, une soif de sang que rien ne peut assouvir; son regard farouche se promène de tous côtés, comme pour découvrir une proie; sa barbe est rare, mais dure et hérissée; son corps est petit, mais plein de vigueur. Son costume est comme celui des autres Maures, excepté qu'il n'a qu'une tunique, qu'il serre autour de ses reins avec une ceinture. On dirait, en voyant son air féroce, qu'il médite de venger la mort de ses ancêtres et de se soustraire au tribut qu'on lui a imposé. Le cri de mort que poussaient ces barbares, en pénétrant dans un camp qu'ils voulaient piller, m'ont dit les Maures, ressemblait au rugissement des bêtes féroces; il glace encore d'effroi les Maures, lorsqu'on l'imite devant eux.

A notre arrivée dans le pays, la réputation des Oulad Ahmed était toujours aussi brillante et nous pûmes constater, les premiers temps, qu'elle était parfaitement justifiée.

On peut dire des Oulad Ahmed qu'ils ont le génie du mal, écrit le lieutenant Duboc en 1907. Il n'y a pas de méfait qui se commette dans le pays sans qu'on ne puisse y trouver la main de l'un d'eux. Ils pillent les caravanes non armées, s'attaquent aux gens inoffensifs, volent la récolte de gomme aux campements de captifs qui sont isolés dans la brousse, leur enlèvent leurs guerbas d'eau pour les faire souffrir de la soif. On peut se rendre compte que le surnom qui leur fut donné par ceux qui ont à souffrir de leur lâcheté, n'a rien d'exagéré.

Avec le temps on a compris que la meilleure solution à cet état de choses était l'utilisation à notre profit de ces qualités guerrières. Les Oulad Ahmed jouent désormais un rôle de couverture militaire sur le front du Brakna. Au début de 1916, on a formé chez eux et avec leurs meilleurs guerriers trois goums de 8 fusils chacun. Les armes, ainsi que 600 cartouches, 12 rahla et 24 guerba, ont été confiés à Seneïba, chef de tribu, de façon à lui permettre de faire partir directement ses hommes de son camp de Chogar sur les traces de l'ennemi. Les Oulad Ahmed se sont ainsi distingués à plusieurs reprises dans la poursuite des rezzous Regueïbat. Ils font de plus de fréquentes reconnaissances sur la ligne Al-Ouasta, In Tichilit, Ouezzan, et envoient les «chouf» vers le Nord.

Pour bien comprendre l'historique des derniers événements et la situation actuelle, il faut d'abord donner le tableau généalogique de la tente princière des Oulad Ahmed.

Tableau généalogique.

1. Ahmed,
ancêtre éponyme.
 
 
2. Bou Bakkar. Rouizi. Al-Afna. Moummou. Rouis. Heddi.
 
 
Fati Omran. Beïhoum. 3. M'haïmdat.
 
4. Mbodye.
 
5. Dadif.
 
6. Bou Bakkar.
 
7. Sidi.
 
 
8. Mbarek. Biram.
 
9. Sidi. Ahmoïmid.
 
 
10. Seneïba. M'moïmed. Mbarek. Mohammed. Sidi Ahmed. Biram.

(1) Ahmed l'ancêtre éponyme, fils d'Abd El-Jebbar, a de nombreux frères, Mohammed, l'ancêtre des Oulad Biri Qrah, Abhoum, Besserin, Ajem, ancêtres des petites fractions Ida Qrahoua, Id Abhoum, Ida Besserin et Ijouam, qui vivent chez les Oulad Biri, et enfin Al-Gouassi, ancêtres de la fraction repentie (tiab) de ce nom, qui vit chez les Tagat. Il a en outre six fils: (2) Bou Bakkar, chef après son père, Rouizi et Al-Afna, Moumou et Rouis dont la postérité constitua 4 fractions des actuels Oulad Ahmed; Heddi, dont la postérité est éteinte.

(2) Bou Bakkar, fils d'Ahmed, eut 4 fils: Fati, dont la postérité est éteinte; Omram et Beïhoum dont la postérité s'est fondue chez les Oulad Ahmed; M'haïmdat, qui continua le commandement.

(3) M'haïmdat, (4) Mbodye, et (5) Dadif n'ont laissé aucune trace.

(6) Bou Bakar, fils de Dadif, et chef de la tribu vers le milieu du dix-huitième siècle, est l'ancêtre de la tente princière actuelle des Oulad Ahmed: les Ahel Bou Bakkar, et c'est pourquoi on voit les personnages actuels ordinairement dénommés sous le nom d'Oul Bou Bakkar, encore que quatre générations les séparent de leur ancêtre.

(7) Sidi, fils et successeur de Bou Bakkar eut deux fils: (8) Mbarek et Biram, ancêtres des branches aînées et cadette de la tente princière. C'est de là que partent les dissentiments et rivalités qui ont agité les Oulad Ahmed pendant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, et jusqu'à nos jours.

A Mbarek succéda à la tête des Oulad Ahmed son fils (9) Sidi, et à celui-ci son fils aîné (10) Seneïba. Nous allons voir successivement les cinq fils de Sidi, ainsi que leur cousin Biram ould Ahmoïmid ould Biram ould (7) Sidi et retracer aussi les événements actuels.

Seneïba, né vers 1865, était chef des Oulad Ahmed à notre arrivée; mais d'un caractère mystique et formé à la piété par Cheikh Sidïa, son maître, il avait de plus en plus tendance à se détacher des choses politiques et à se consacrer à la prière. En fait, c'était son frère immédiatement cadet, H'moïmed qui exerçait le commandement. Seneïba, circonvenu par Cheikh Sidïa, fit sa soumission, dès le début. Il fut nommé chef de goum par Coppolani et reçut une mensualité de 300 francs. Cette allocation lui ayant été supprimée, avec la disparition des goums (1905), Seneïba partit en dissidence pour l'Adrar. Il assista à divers razzis, dirigés contre nos sujets brakna, mais ne semble pas avoir pris part à la surprise du convoi de ravitaillement d'Aslat (4 juin 1908), bien qu'on le lui ait reproché. Quelque temps après, il partit pour le Maroc avec un compagnon des Ahel Cheikh Al-Qadi (Dieïdiba) pour faire le pèlerinage de la Mecque. Le Dieïdibi étant mort en route, Seneïba n'eut pas le courage d'aller plus loin: il s'arrêta à Fez, revint à Marrakech, et y vécut assez misérablement. Il demanda l'aman en 1911 et, autorisé à rentrer au début de 1912, sur la demande de Cheikh Sidïa, alla se faire oublier et vivre dans la piété auprès de son maître spirituel. Nous le retrouverons plus bas.

Au départ de Seneïba, son commandement fut disputé entre ses deux frères, H'moïmed, déjà vu, et à qui sa conduite antérieure envers les Oulad Siyed, alors qu'il exerçait le commandement au nom de Seneïba, avait attiré bien des haines, et Mohammed, H'moïmed fut reconnu, mais après une certaine période de tiraillements, il abandonna la partie et se réfugia dans le campement de son cousin Biram ould Ahmoïmid. Mohammed, resté seul, se fit bientôt haïr de ses administrés, qui l'abandonnèrent pour la plupart, et allèrent planter leurs tentes dans le campement de H'moïmed et de Biram.

Les dissensions se perpétrèrent jusqu'à 1908. Les deux partis se dénonçaient eux-mêmes à Aleg. Par Biram, on arrivait à prouver, en mars 1907, que Mohammed avait caché à plusieurs reprises, dans son campement, Bakkar, le chef des Normach dissidents: et que de plus il avait pris part lui-même à des vols à main armée; il fut donc arrêté, ainsi que son jeune frère Sidi Ahmed, et condamné à 8 mois de prison par le tribunal de cercle (1908). Cette aventure réconcilia les frères ennemis. Par la complicité de H'moïmed, Mohammed et Sidi Ahmed ne tardèrent pas à s'évader de la prison de Boghé. Ils pillèrent les campements de leurs dénonciateurs et partirent en dissidence en entraînant leurs frères, et notamment l'inquiet et indécis H'moïmed, quelques Oulad Ahmed et le jeune Lobat, des Normach. Par la suite, on revit maintes fois Mohammed dans les razzi qui s'abattirent sur le Brakna, mais la voix publique prétend qu'il les accompagnait sans armes, et sans prendre part aux pillages. Néanmoins, plusieurs fois, des Oulad Ahmed restés loyalistes et attaqués par les dissidents furent blessés et même tués; et ces faits soulevèrent contre les Ahel Bou Bakar des haines inextinguibles.

C'est ici qu'apparaît Biram ould Ahmoïmid, chef de la branche cadette, à la tête de la tribu. Jusqu'à cette date, il ne s'était guère signalé que comme un coupeur de routes et un condottieri. Il accompagnait, dit-on, Bakkar ould Ahmeïada, quand celui-ci, vers 1898, vint assassiner Mohammed ould Sidi Elî, frère de l'émir. Vers 1901, mis à la tête de leur campement par quelques tentes Oulad Ahmed, mécontentes de Seneïba et surtout de H'moïmed, il fait bande à part et devient chef ouvert de l'opposition. Il se rallia à nous, dès notre arrivée dans le pays, et commanda plusieurs fois un goum de guerriers Oulad Ahmed. A ce titre, il reçoit une mensualité de 300 francs qui lui est supprimée en 1905. Mais plus prudent que son cousin Seneïba, il accepte la chose sans esclandre. Après la fuite de Bakkar, il est accusé de complicité et déporté au Sénégal. Il vécut paisiblement à Kaolak, et fut gracié et 1908. Peu après, le départ en dissidence de ses cousins de la branche aînée le laissait maître de la situation. Il fut élu chef de la tribu.

Son commandement fut des plus médiocres; aussi, dès le retour de H'moïmed, celui-ci fut-il remis à la tête de la tribu (octobre 1910); mais ce n'était pas encore la bonne solution, H'moïmed ayant laissé trop de haines derrière lui, et n'étant pas au surplus le représentant héréditaire des Ahel Bou Bakkar. Biram fut donc réélu un mois après (novembre 1910), mais cette fois avec deux assesseurs (Sidi Ahmed ould Boun et Ahmed Louli), chargés de le surveiller et de contrôler ses actes.

Cependant les Ahel Bou Bakar rentraient peu à peu; ce furent d'abord les deux évadés de Boghé: Mohammed et Sidi Ahmed, puis le chef de la famille, Seneïba lui-même (fin 1911). L'insuffisance du triumvirat, qui gouvernait les Oulad Ahmed, se faisait sentir de plus en plus. Un incident combla la mesure. Une occasion s'offrait pour eux de témoigner de leur dévouement et de leur adresse: c'était la capture de Sidi Lamin ould Bakkar ould Soueïd Ahmed, chef d'une bande id ou aïch qui opérait à cheval sur les cercles du Tagant, de Gorgol et du Brakna. Leur goum n'obtint aucun résultat, alors que les circonstances étaient entièrement favorables pour en finir avec ces pillards. On alla donc chercher Seneïba dans sa retraite spirituelle, auprès de Cheikh Sidïa, et on l'invita à réconcilier les deux partis rivaux: celui du chef Biram et celui de H'moïmed.

Les pourparlers s'éternisèrent et donnèrent lieu à des chassés-croisés amusants. Biram et H'moïmed, inquiets de voir l'influence que Seneïba reprenait rapidement, se rapprochèrent. Biram fit des avances et H'moïmed y accéda en venant planter sa tente chez H'moïmed. Enfin l'accord se fit en 1913. L'énergique intervention de Seneïba réalisa l'unité de la tribu, et comme se fut à son profit que la chose se fit, il fut nommé chef des Oulad Ahmed (fin 1913). Son frère H'moïmed et son cousin Biram restaient chefs de leurs campements respectifs. Depuis ce jour, l'administration des Oulad Ahmed est assurée convenablement.

Seneïba est aujourd'hui vieux, malade, usé. Il faut lui prévoir un remplaçant. Ses candidats seraient ses frères Mohammed et Sidi Ahmed, avec une certaine préférence pour le premier. Ahmed Louleï, lettré distingué et notable de poids, se pose aussi en prétendant. Seneïba est des plus instruits pour un guerrier. Il est toujours dans les meilleurs termes avec Cheikh Sidïa. Son influence morale s'exerce au delà des Oulad Ahmed.

H'moïmed, frère de Seneïba, est le chef du campement dit Oulad Ahmed Blancs. Il vit tranquille chez lui et n'a que peu d'autorité.

Mohammed, frère des précédents, n'a guère fait parler de lui depuis son retour. Après avoir été notre ennemi, de 1903 à 1905, puis de 1908 à 1910, il a servi comme partisan dans le Tagant, et comme chef de goum pendant la colonne du Hodh. Il s'occupe surtout de chasse, et passe pour un excellent guerrier actif et audacieux; il était très craint de tous les marabouts locaux, et ses pillages lui valurent la condamnation précitée. Aujourd'hui il exerce son allant sur les rezzous et ne craint pas de travailler pour son propre compte. Il vit à part, craint et fort respecté. C'est évidemment le seul successeur de Seneïba.

Sidi Ahmed, frère des précédents, semble avoir choisi Mohammed comme modèle. Assez jeune au moment de notre arrivée, il se rallia avec ses frères. Emprisonné en 1908 avec Mohammed et condamné à 6 mois de prison, il s'enfuit avec lui et l'accompagna en dissidence. Il fit partie des razzi et rentra en fin 1909. Il a servi comme partisan de mars 1911 à mai 1912, et a rendu de très bons services dans les recensements du cercle. C'est un très bon guide, parfaitement au courant du pays. Chargé de conduire un goum contre des pillards Ahel Soueïd Ahmed, il n'eut pas assez d'autorité sur ses gens pour obtenir des résultats décisifs. Il fut d'ailleurs choisi à tort pour cette mission, car il était apparenté par sa mère avec les principaux pillards.

Biram ould Ahmoïmid, cousin des précédents, commande actuellement un gros groupement Oulad Ahmed, sous l'autorité de Seneïba. Il n'a qu'une valeur guerrière et une autorité relatives. Il passe pour être un homme loyal, mais fanfaron et prêt à toutes les compromissions pour se procurer de l'argent. Au demeurant, il n'y a rien à craindre de lui.

Un des frères des quatre Ahel Bou Bakar précités, Mbarek, a été tué en 1903 au cours d'un combat contre les Id Ou Aïch. Sa famille vit chez Seneïba.

2.—Fractionnement.

Les Oulad Ahmed se divisent en:

  • Oulad Bou Bakar ould Ahmed,
  • Oulad Bouïzi,
  • Ahel Heddi,
  • Oulad Al-Afna,
  • Rouïssat,
  • Oulad Moummou,
  • Oulad Akerroumt.

Les six premières fractions sont de pure origine Oulad Ahmed; les Oulad Akerroumt se rattacheraient à Kerroum ould Mallouk par une autre filiation que celle d'Ahmed, et ne seraient donc que les cousins des Oulad Ahmed, mais ils sont aujourd'hui complètement nationalisés dans la tribu.

Les Haratines Oulad Ahmed se divisent en:

  • Ahel Mbarek;—chef: Mohammed ould Eli ould Mahmoud.
  • Lembeïda;—chef: Mahmoud ould Samba.
  • Ahel Ahmed.—chef: Bou Bakkar ould Othman.
  • Ahel Bou Saïd.—Ahmed Salem ould Mohamedden.
  • Oulad Yarg.—Omar Ould Abd El-Beggar.
  • Goundaïa.—Brahim ould Bella.

Ils n'ont pas de chef général. En plus des fractions précitées, un grand nombre de haratines vivent isolés par individus ou par tentes dans les campements nobles.

Les nobles comprennent 62 tentes et 266 âmes; les haratines: 76 tentes et 339 personnes, soit au total 138 tentes et 605 personnes.

Ils possèdent: les nobles: 5 chevaux, 33 chameaux, 50 ânes, 87 bovins et 1.273 ovins; les haratines: 1 chameau, 79 ânes, 164 bovins et 3.863 ovins, soit au total, 5 chevaux, 34 chameaux, 129 ânes, 251 bovins, 5.336 ovins.

Comme tous les hassanes, les Oulad Ahmed n'apposent pas de marque de feu à leurs troupeaux.

Leurs terrains de parcours sont: en hivernage, les rives de l'oued Katchi, les environs de Diguet Mémé, et jusqu'à Chogar; en saison sèche, le nord de Chogar et quelquefois le sud jusqu'à Boghé. Ils ont été jadis les maîtres incontestés de l'Agan et de l'Akel, vers Chogar Toro. On leur reconnaît encore aujourd'hui cette qualité.

Les notables de la tribu sont: a) Mokhtar et Mohammed Mahmoud, fils tous deux d'Omar ould Bou Salif. Cette famille des Ahel Bou Salif, des Rouïssat, est ralliée depuis longtemps à nous. L'un de ses membres, Ahmed Louleï, a toutefois marché avec nous, et a servi comme partisan dans de nombreuses occasions. Il suivit le capitaine Bablon à Akjoujt et lui rendit des services, il fit les colonnes de l'Adrar, du Hodh, et de Smara, tuant dans cette dernière de sa main un chef pillard. Ennemi des Ahel Bou Bakkar, il est un peu le chef de parti de l'opposition, surtout depuis qu'il a échoué à l'élection de chef de tribu. C'est un excellent chef de partisan et un homme dévoué. Son cousin, Sidi Mohammed, se rendit utile au lieutenant Duboc; b) Sidi Mohammed Boun, notable qu'on avait chargé de surveiller Biram et qui se laissa conduire par lui; c) Sidi Ahmed ould Deïna; d) Omar ould Omar Beyat.

Véritable tribu makhzen, les Oulad Ahmed sont armés par nos soins. En outre du goum régulièrement constitué et dont il a été parlé plus haut, ils fournissent des partisans auxiliaires. C'est pourquoi ils sont détenteurs, par nos soins de 71 fusils, dont 31, modèle 92, et 20, modèle 74, aux nobles; et 20, modèle 74, aux haratines.

Les Oulad Ahmed semblent profiter des bons conseils qu'on leur prodigue depuis le début et portent de plus en plus leur activité vers des buts plus lucratifs, sinon moins glorieux, que le pillage et la razzia. Ils s'adonnent de plus en plus aux cultures et surtout à l'élevage. Leurs cultures ont pris, ces dernières années, une certaine extension et notamment par le développement des canaux d'irrigation. Ils ont la coutume, à eux spéciale, de partager leurs lougans en longues bandes orientées nord-sud, et abritées du vent d'est par des plantations de gonakiers. Ils retardent ainsi, par l'ombre de cette haie bien fournie, l'évaporation des eaux.

Moins encore que chez les autres hassanes, on remarque chez eux de manifestations de piété. Le chef de la tribu, Seneïba, en est aussi le marabout. D'être les cousins et champions des Oulad Biri, tolba par excellence du Sud mauritanien, il suffit à l'islam des Oulad Ahmed.

CHAPITRE IV
DIEÏDIBA

1.—Historique.

Le vocable Dieïdiba (ou Djeïjiba) est une corruption de Id Ejba, «les fils d'Ejba», prononciation berbère de Id Eilba ou Id Eïleb. Les Dieïdiba sont donc les cousins des Id Eïleb, ou Deïlouba, de Oualata et du Hodh oriental. Ils sont, de leur propre aveu, d'origine berbère, étant les parents «des Touareg voilés du Sahara». Ils se hâtent d'ajouter, il est vrai et suivant la légende fantaisiste des origines arabes, que par delà leur extraction berbère, ils sont, de par Ejba lui-même, des Himyarites d'Arabie.

Ejba arrivait du Sous. On ne sait rien sur lui. Ses descendants habitaient, dans un passé indéterminé, l'Azaouad, au nord de Tombouctou. Des migrations les amenèrent successivement vers l'Ouest, et vers le seizième siècle, lors des invasions hassanes, ils étaient dans l'Agan. Ils prirent part à la guerre de Boubba contre les Oulad Abd Allah, et furent quasi-exterminés. De cette première unité dieïdiba, il ne reste aujourd'hui qu'une dizaine de tentes. La personnalité la plus en vue en serait Ahmed Mahmoud ould Mohammeda, cadi des Oulad Siyed, qu'on verra plus loin.

La tribu devait être reconstituée par l'arrivée d'immigrants Deïdouba, leurs cousins. Cet élément nouveau, plus fort et plus nombreux, submergea les vieux Dieïdiba. Cette migration se produisit entre 1670 et 1700 et se présenta en trois vagues successives: groupement d'Atjfara Brahim et d'Atjfara (Bakkaï) qui étaient cousins; groupement de Chems-eddin dit Zamrag. Ce sont les ancêtres éponymes des trois principales fractions Dieïdiba: Id Atjfara (ou Id ag Fara) Brahim, Id Atjfara (ou Id ag Fara) et Zemarig. A remarquer, dès maintenant, que les Zemarig ont demandé et obtenu leur autonomie, et ne font plus partie, administrativement, des Dieïdiba. Les autres fractions dieïdiba, Ahel ag Ammi Ahel Mohammed Othman, id Ayank, descendent aussi de ces ancêtres communs; mais avec le temps et par suite des rivalités de famille, elles se sont détachées du tronc principal, tout en restant incorporées à la tribu.

Le premier arrivé des immigrants, Atjfara Brahim, épousa, quelque temps après son arrivée dans l'Agan, Fatima, fille d'Aguennoui, le chef des premiers Dieïdiba. Il devint son vizir et recueillit sa succession. Il semble bien que ce chef prit part à la guerre de Boubba. Il n'eut guère pu d'ailleurs agir autrement. D'autres liens patrimoniaux se nouèrent alors et amenèrent la fusion des deux éléments. A la mort d'Atjfara Brahim, la chose est faite. Son fils Ammi (Mokhtar), ancêtre des Ahel Ag Ammi, lui succéda sans difficulté et fut remplacé, à sa mort, par son frère cadet Abhoum qui devait garder dans sa descendance la dévolution du commandement et fut l'ancêtre des Ahel Atjfara Brahim proprement dits (fin du dix-septième siècle).

Au dix-huitième siècle, la tradition donne comme successeurs d'Abhoum son fils Mahim; Agd Abd Allah, fils de Maham; et Imijen, fils d'Agd Allah (cf. plus loin tableau généalogique). Le dix-neuvième s'ouvre sur le commandement de Habibouna Ier fils d'Imijen. Il meurt peu après, laissant deux fils: Qadina et Ahmed Babou. Ils furent successivement les chefs de la tribu, ce qui donne à la postérité de l'un et de l'autre, des droits au commandement. Le dix-neuvième siècle devait être rempli par les conflits, ordinairement suivis de rixes et quelquefois de meurtres, des deux familles. C'est ainsi que vers 1860 Habibouna II ould Cheïbata ould Qadida, assassina Mostafa ould Al-Oudaa Ahmed Babou, alors chef, pour prendre sa place. Mais, quelques jours plus tard, le parti adverse prenait sa revanche et l'assassin était tué, à son tour, chez les Oulad Siyed par Cheïbata ould Al-Oudaa ould Mostafa.

A dater de ce moment, les Dieïdiba, outrés de ces mœurs de hassanes, ont abandonné la branche aînée et ne choisissent plus leurs chefs que dans la tente cadette, celle des Ahel Ahmed Babou.

Les Dieïdiba ont entretenu, au dix-neuvième siècle, des guerres fréquentes contre les Toucouleurs-Aleïbé. Dans le système général des alliances Maures-Toucouleures, c'est avec le Toro qu'ils marchèrent traditionnellement.

Si le commandement politique était dans la fraction Id Atjfara Brahim, l'autorité religieuse, au moins depuis un siècle, était dans la fraction Id Atjfara, et on verra plus loin que le prestige des pontifes était aussi fort que celui des Cheikhs et que même certains visèrent à se substituer à eux.

On a vu dans la première partie que c'est chez les marabouts «Diedhiéba» que René Caillié vint faire son éducation islamique, en 1824. Il n'eut guère à s'en louer.

Depuis un siècle et par suite tant des rivalités religieuses que des contestations de points d'eau, les Dieïdiba sont en lutte armée avec les Oulad Biri. Innombrables sont les combats qui se sont livrés sur les dunes et autour des puits, à la limite actuelle du Trarza et du Brakna. Dans mon ouvrage, L'Émirat des Trarza, j'ai donné un aperçu rapide des derniers conflits et j'ai cité les textes des conventions de 1897 et 1898, par lesquelles le Gouvernement français essayait de mettre fin à cette question brûlante.

Cette vieille haine se manifestait encore, en 1908, à propos d'un incident futile: la trouvaille d'un œuf d'autruche par un berger des Zemarig. Quelques Oulad Biri et haratines Oulad Ahmed le lui disputèrent. Une bataille à coups de bâton s'engagea, comme il convient entre marabouts, à qui leur caractère sacré interdit l'usage des armes. Il y eut de nombreux blessés. Le lendemain, les Oulad Ahmed intervinrent, et en leur qualité de guerriers, firent parler la poudre. Cette fois, il y eut des morts; l'affaire fut péniblement arrangée.

En octobre 1917, nouvelle bataille entre les télamides quêteurs des Oulad Biri, conduits par un fils de Cheikh Sidïa en personne et plusieurs tentes Dieïdiba. On échangea de vigoureux coups de bâton.

Les difficultés n'ont évidemment pas cessé à ce jour, et de temps à autre, mais de plus en plus rarement, des coups sont encore échangés à la limite des cercles trarza et brakna, autour des puits de Bir el-Barka, Dokhon, Bou Talheïa. Des conciliations partielles interviennent, quand il le faut. En février 1913, les tribus se mettaient complètement d'accord au sujet des puits de l'Amechtil, qui les divisaient depuis fort longtemps. Une délégation Dieïdiba se rendit chez les Oulad Biri. Ces derniers reconnurent aux Dieïdiba la propriété des puits contestés et les Dieïdiba autorisèrent les Oulad Biri à boire à ces puits.

Un peu plus tard, un accord entre les commandants des cercles du Trarza et du Brakna réglait la question de Bir el-Barka et de la zone de nomadisation environnante des Dieïdiba. En voici le texte; il peut servir de modèle pour les nombreux cas de ce genre.

«Les capitaines commandant les cercles du Trarza et du Brakna ont réuni à Bir el-Barka les chefs, principaux notables et cadis des Dieïdiba et Oulad Biri, afin de régler l'affaire survenue entre Dieïdiba et Laghlal au sujet de ces puits. Quelques épineux, jetés par les Dieïdiba dans le puits, telle fut la cause de l'incident.

«Entre Dieïdiba et Laghlal est survenu un arrangement à l'amiable. Les Dieïdiba reconnaissent aux Laghlal les trois quarts du puits et gardent le dernier quart. Ils s'engagent, en outre, à le remettre en état. Une convention a été écrite par les Laghlal et les Dieïdiba, réglant toutes les questions pouvant être une source de litiges entre les deux tribus, au sujet des terrains de culture et des puits morts.

«Afin d'éviter à l'avenir tout conflit entre Dieïdiba et Oulad Biri, le capitaine commandant le cercle du Trarza restreint du puits de Bir el-Barka à Dokhon la zone de nomadisation des Dieïdiba, tant que les questions litigieuses qui pourraient s'élever avec les Oulad Biri, du fait de leur occupation de cette région, pendant une période de 12 années, n'auront pas été réglées.»

Il est hors de doute toutefois que l'animosité sévit presque aussi fort que par le passé: les relations sont peu fréquentes et peu cordiales. Un fils de notable Dieïdiba, élève de la médersa de Boutilimit, dut être renvoyé par suite de l'hostilité de ses camarades et notamment des Oulad Biri. Divers jeunes garçons Dieïdiba, candidats à la médersa, ont bien spécifié qu'ils voulaient aller à celle de Saint-Louis et non à celle de Boutilimit où ils sont «au contact avec des gens qu'ils n'aiment pas».

Liés de vieille date avec les Oulad Siyed, les Dieïdiba les suivirent en masse dans leur exode, lors de notre occupation. Seuls quelques campements, dont plusieurs Id ag Fara et celui même du chef de la tribu, Ahmedna ould Qadina, n'eurent pas le temps d'enlever leurs marchandises et de faire filer leurs troupeaux vers le Nord. Surpris, ils firent leur soumission sans difficultés. Les autres tentes rentrèrent peu à peu, abandonnant l'émir à son sort. La dernière fraction dissidente fit sa soumission à la fin de mars 1905. Pendant plusieurs années encore, ils conservèrent leur attachement à l'émir déchu, et favorisèrent ses entreprises ou celle de ses alliés dans le Brakna. Leur chef Ahmedna finit par attirer sur lui les foudres de l'administration, lassée d'apprendre que son campement était le refuge de mejbour. Une certaine réaction contre la politique d'approvisionnement de Coppolani se fait alors sentir. «Deux punitions de prison, dit un rapport de juin 1908, lui (Ahmedna) ont prouvé que nous n'étions plus à la politique des pains de sucre.»

Quand Ahmedna dut abandonner définitivement la partie et se retirer dans le Sud marocain, il se trouva encore quatre Dieïdiba pour le suivre dans son exil.

Aujourd'hui la situation s'est parfaitement rassérénée, et ces incidents ne sont plus que de l'histoire ancienne.

2.—Chroniques et fractionnement des Dieïdiba.

Les Dieïdiba se divisent à l'heure actuelle en les dix fractions suivantes:

Id ag Fara Brahim 272 tentes 1.425 âmes
Haratines id. 56 —— 216 ——
Id Atjfara 175 —— 561 ——
Haratines id. 80 —— 344 ——
Ahel Agd Ammi 61 —— 325 ——
Haratines id. 82 —— 488 ——
Ahel Mohammed Othman 45 —— 198 ——
Haratines id. 22 —— 114 ——
Id Ayank 65 —— 283 ——
Asbat Negza 42 —— 135 ——

soit au total 900 tentes et 4.089 personnes.

Les Id Ag Fara Brahim, qu'on prononce souvent avec rapidité Id ag Farabrim ou Id Atjfararim, sont, comme on l'a vu, la fraction princière des Dieïdiba. L'ascendance de la tente du commandement s'établit ainsi:

Atjfara Brahim.
 
 
Ammi,
ancêtre des Ahel Agd Ammi.
Abhoum,
ancêtre des Ahel Atjfara Brahim.
 
Maham.
 
 
Agd Abd Allah. Agda Maham. Agd Haïb Allah.
 
 
Othman,
ancêtre des Ahel Mohammeden Othman.
Imijan. Mohammed Maham.
 
 
Habibouna 1er. Al-Qadi, Akrabat, Ali,   Mostafa,   Saïd,
 
 
  descendance
dans la tribu.
descendance
dans la tribu.
 
Qadina. Ahmed Babou.
 
Cheïbata. Al-Oudaa.
 
 
Habibouna. Mostafa. Cheïbata. Qadina.
 
Khalifa. Moh. Fal. Ahmedna.
 
Mostafa. Oudaa.

La fraction se divise en les sous-fractions suivantes:

  • Ahel Agd Abd Allah,
  • Ahel Mohammed Thofeïl,
  • Glagma,
  • Ahel Abhoum,
  • Ahel Taleb Mohammedden,
  • Ahel Monja,
  • Ahel Hejab,
  • Ahel Agd Haïb Allah,
  • Id Ag Maham,
  • Ahel Agda Nahoui,
  • Id Ou Amin.
Haratines:   Haratines proprement dits,
Touarig,
Kouar Dieïdiba.

Les Ahel Mohammed Thofeil sont originaires des Ahel Mohammed Othman.

Les Glagma sont originaires du Hodh: le premier qui vint dans le Brakna, au début du dix-neuvième siècle, est un certain Abd Er-Rahman, la Guelguemi.

Les Ahel Agda Nahoui sont la sous-fraction qui eut l'honneur de donner l'hospitalité à René Caillié, en 1824. Il n'en a pas dit le nom, mais il a été facile de le trouver, car il a donné le nom de son maître. Mohammed Sidi-l-Mokhtar, «grand marabout du roi». Ce Sidi-l-Mokhtar ould Mohamedden ould Mostaf ould Agda Nahoui a laissé en effet le souvenir d'un homme de piété et de science. Son descendant, chef du campement, est aujourd'hui Abd Allah ould Mohammed ould Abd Allah ould Sidi Mokhtar. C'est un notable considéré.

Les Id Ou Amin, ou Douamin, sont originaires des Hijaj.

Les Touarig sont d'origines diverses, mais surtout Id Ou Al-Hadj. Jadis libres, ils vivent aujourd'hui avec leurs haratines et se sont négrisés.

Les Kouar Dieïdiba, ou Noirs des Dieïdiba, sont, dit-on, les descendants des Id Agfa (Peul de la rive gauche), qui se seraient mélangés avec les haratines.

Le chef des Id Ag Fara Brahim, chef général en outre des Dieïdiba, est Mostafa ould (Khalifa ould Mostafa ould) Ai-Oudaa. A notre arrivée en Mauritanie, le chef était Ahmedna ould Qadina, cousin de Moustafa. Ahmedna, de son vrai nom Haïb Allah, mais plus connu sous ce sobriquet donné par sa mère; il ne nous donna pas satisfaction. Énergique et obéi, il tenait bien en main sa fraction; mais il se signalait par une sourde opposition à notre autorité, donnait asile au Mejbour, empêchait les Asbat, Tabouit et Id Atjfara, qui se ralliaient moralement, de venir franchement à nous, et nous faisait espionner à Aleg. En 1907, c'est dans son campement qu'Ould Assas, le fils d'Ahmeddou, reçut asile, pendant que ses gens préparaient leur razzia. C'est là que Mohammed Amoïjin, chef des haratines zemarig et notre agent, fut attaché et frappé et n'échappa à la mort que par la fuite. On put craindre, à plusieurs reprise, qu'il ne partît en dissidence, et il l'aurait certainement fait sans la crainte des pillages des Oulad Yahya ben Othman. Il fut destitué, en 1909, et remplacé par Mostafa précité.

Mostafa est né vers 1888, à Bou Talhaya. Sa mère, Çaleha ment Al-Hadj, est des Ida Ou Ali. Son père Khalifa était chef de la tribu, avant Ahmedna. Lui-même a pour l'instant un fils, Mohammed Abd Allah, né en 1915. Mostafa était trop jeune à notre arrivée pour jouer un rôle; il ne partit pas en dissidence, sans doute parce que, comme plusieurs groupements de sa fraction, il n'en a pas eu le temps.

Très ambitieux, il a visé de bonne heure à un commandement et, vers 1906, fit punir de prison ses partisans qui sur ses instructions, avaient dans ce but fait quelque agitation. Fort instruit en arabe, il a voulu savoir un peu de français et a suivi plusieurs mois les cours de l'école d'Aleg. C'est un homme intelligent, énergique et pondéré, qu'il importe de ne pas laisser gagner à la main, comme il en aurait la tendance. Il s'est rendu coupable, il y a quelques années, de fraude dans les recensements: il forçait les rôles de ses ennemis et diminuait considérablement ceux de ses partisans. Mostafa aurait quelque tendance à jouer au chef religieux. Il semble par moments que son désir est d'imiter Cheikh Sidïa. L'opinion publique l'a remarqué, et à plusieurs reprises le bruit a couru qu'il abandonnerait son commandement politique et s'y ferait remplacer par une de ses créatures, pour pouvoir se consacrer à la vie religieuse. Il est actuellement secondé par son cousin et Khalifa: Mohammed Abdou ould Mohammed Mostafa ould Abd Al-Jelil, dit Babia. Ce Mohammed Abdou, né vers 1880, est un homme actif et intelligent.

Les principales personnalités Id Ag Fara Brahim sont: a) Jeddou ould Habbab ould Qadina, des Ahel Qadina, né vers 1848, et candidat perpétuel au commandement de la tribu. Il est naturellement en fort mauvais termes avec Mostafa, comme il l'a été avec ses prédécesseurs, et ne se gêne pas pour signaler ses méfaits. b) Sidi-l-Mokhtar ould Cheikh Abd Allah ould Mostafa ould Sidi Mokhtar Ouali. C'est un chérif, originaire des Id Ag Jemouella, mais il vit avec les Id Ag Fara Brahim, depuis deux générations. C'est un saint homme et un savant professeur. Son école coranique est la mieux achalandée de la tribu. A son prestige personnel il joint la baraka de son père et de son grand-père, qui furent des marabouts célèbres, et surtout de son aïeul, à qui la renommée donna le nom de Ouali; c) Mohammed ould Habib Rahman, chef d'une sous-fraction et adversaire déclaré de Mostafa. Il groupa longtemps autour de lui les adversaires du chef. Las et inquiet, il a fini par abandonner la lutte, et par se retirer dans une autre fraction Dieïdiba.

Les Id ag Fara Brahim sont la fraction la plus importante et la plus riche de la tribu. Ils campent dans la région d'Aleg, des Biar, d'Arona, de Chogar et de l'Oued.

Leurs haratines ont pour chef Mohammed ould Brahim. Ils campent avec leurs maîtres. Quelques tentes passent souvent sur la rive gauche, à Edy, ou ailleurs. D'autres sont au lougan de Ballel.

Les Id ag Fara se rattachent à Atjfara Bekkaï, dont la tradition a laissé tomber le nom de Bekkaï.

Voici le tableau généalogique du campement princier.

Atjfara (Bekkaï).
 
Biaye.
 
Aoubak.
 
Al-Mokhtar Nalla.
 
 
Haïb Allah. Abd Allah.
 
 
Atjfara Ahmed Baba. Mbaleïhi. Maham Taka, descendance chez les Id ag Fara.
 
 
Al-Qadi. Al-Hadj.
 
Cheikh Al-Qadi.
 
 
Cheikh Mostafa. Cheikh Abd Er-Rahman. Ahmed Mahmoud.
 
Mohammed Abd Ad-Jelil.
 
 
Mostafa. Moh. Mahfoudh.
 
Moh. Abd Allah, chef de la fraction.

Les Id ag Fara ne sont plus maintenant que deux sous-fractions: Ahel Qadi et Ahel Hadj Qadi. Toutes les autres se sont fondues en celles-là.

Le chef des Id ag Fara était, à notre arrivée, Mohammed Abd Al-Jelilou Id Cheikh Mostafa. Il accompagna les Oulad Siyed vers le Tagant, mais fit vite sa soumission et revint vers ses campements. En même temps que les Dieïdiba se voyaient infliger une forte contribution de guerre, il devait, lui leur chef, passer deux mois à Saint-Louis en résidence obligatoire. Chef intelligent et juste, il accepta, quoique ami d'Ahmeddou, la nécessité de notre domination, maintint la paix chez ses gens et vécut en bons termes avec nous. Il mourut en mai 1912, et était remplacé en août suivant, par son fils cadet Mohammed Mahfoudh; l'aîné avait, en effet, refusé l'autorité.

Mohammed Mahfoudh est né vers 1882. Ainsi que son frère aîné, il partit en dissidence à notre arrivée, séjourna un an dans le Regueïba, mais sans porter les armes contre nous, et fit sa soumission avec sa fraction. Ce sont tous les deux des personnes intelligentes et instruites. Mostafa s'est confiné dans le domaine religieux et, ayant hérité de l'influence maraboutique de la famille, fait le cadi et le professeur de la tribu. Il a un fils, Mohammed Abd Allah, qui semble devoir être le successeur de son oncle.

Il est à remarquer, en effet, que cette tente est, depuis quatre générations, depuis Cheikh Al-Qadi ould Al-Hadj nommément, une véritable pépinière de saints marabouts. Cheikh Al-Qadi fut à la fin du dix-huitième siècle, un des élèves du Cheikh Sidi-l-Mokhtar Al-Kabir, le Kounti, auprès de qui il resta six mois. Quelques années plus tard, Cheikh Sidïa Al-Kabir devait le suivre dans cette voie. Il avait 40 ans quand il apprit la mystique et acheva par elle ses études. Ce fut un grand pontife, qui a assuré la fortune de sa postérité. Il a été enterré à Bou Talheya, aux côtés de son grand-père Atjfara Ahmed Baba. Son frère, Mostafa ould al-Hadj, fut aussi un marabout de renom.

Les enfants de Cheikh Al-Qadi, tous Cheikh réputés, assirent définitivement la situation maraboutique de la famille.

Cheikh Mostafa fut un saint homme, adonné aux choses du ciel, et qui laissa la direction du temporel à son frère cadet, Cheikh Abd Er-Rahman. Celui-ci, dès le début de juin 1858, se tournait vers l'autorité croissante de Faidherbe et lui écrivait:

Le but de cette lettre est de vous faire connaître que le pays se perd et devient malheureux. Le malheur s'étend sur les habitants du pays et sur les étrangers. C'est une vérité et c'est très sérieux. Il faut que vous songiez à établir la paix et le bonheur sur la terre, et ce sera un bonheur pour vous. La paix n'existera qu'après la réconciliation des Oulad Seïd entre eux. Ordonnez à Mohammed Sidy d'agir dans ce sens et venez-lui en aide.

Cette époque de misère a élevé des individus méprisables et en a abaissé de respectables. Le dernier des guerriers commet des iniquités dans le pays et son chef ne peut l'en empêcher, parce qu'il craint son inimitié. Mohammed Sidy ne songe qu'à établir la paix entre les Oulad Seïd et les Chrétiens. De leur réconciliation résultera le bien du pays. Les actions de Mohammed Sidy ne peuvent le faire considérer comme l'ennemi des Chrétiens.—Souvent il s'est trouvé dans l'obligation d'agir malgré lui, parce qu'il était contrarié, et que les Oulad Ahmed étaient des Trarza et que, s'il avait agi autrement, il aurait été méprisé.—Aujourd'hui il ne songe qu'à réconcilier son peuple; alors, ni les Trarza ni les Oulad Ahmed n'auraient de pouvoir sur lui.

Le Gouverneur doit se souvenir de moi, car il est venu à nous l'année dernière.

Le texte arabe de cette lettre est en annexe.

Le troisième des enfants de Cheikh Al-Qadi, Ahmed Mahmoud entretint aussi une correspondance suivie avec les agents de Faidherbe et tint ce gouverneur au courant de la politique et des faits et gestes d'Al-Hadj Omar.

Cette famille a fourni non seulement les chefs politiques de la fraction, mais très souvent les cadis et chefs religieux de la tribu. Sous le couvert de cette influence, ils ont tenté à plusieurs reprises d'accaparer la direction des affaires. En principe rien ne pouvait être décidé par le chef politique, sans que le cadi fût consulté. Au contraire, il arriva même qu'Abd Al-Jelil, grâce à l'intérêt que lui portèrent les émirs Sidi Eli et son fils Ahmeddou, usurpa les fonctions d'Ahmedna jusqu'à notre occupation. Ce ne fut qu'au départ d'Abd Al-Jelil dans l'Adrar avec son protecteur Ahmeddou qu'Ahmedna dut de pouvoir, en 1903, être réintégré dans son commandement. Il n'y eut d'ailleurs aucun mérite, car si son campement n'avait pas fini avec les autres Id Ag Fara, c'est qu'il n'en avait pas eu le temps.


A gauche: Cheikh M'hammed ould Bekkaï, Chef des Ahel Cheikh.
A droite: Dida, Cadi supérieur des Brakna.

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Les principales personnalités Id ag Fara sont: a) Mohammed Mahmoud ould Al-Mrabet, dit Dida, cadi de la tribu. Dida appartient à une famille maraboutique très influente. L'origine de cette considération remonte à son bisaïeul Al-Qadi ouali renommé, qui mourut vers 1780, et fut enterré à Bou Talheya, où son tombeau est l'objet de pèlerinages. Il était fils d'Atjfara Ahmed Babou, vu ailleurs, et se rattachait ainsi à la ligne même d'Atjfara (Bekkaï). Il laissait quatre fils: Al-Falli, Oummoui, Babana et Haïb qui furent tous de saints personnages. Haïb Allah, mort vers 1815, laissa à son tour plusieurs enfants dont l'aîné, Mohammed Mahmoud, mort vers 1862, fit refleurir toutes les vertus de l'ancêtre. Aussi lui donne-t-on le surnom de Mrabet. Son fils Mohammed Abd Allah n'a pas fait parler de lui. Dida est le fils aîné de Mohammed Abd Allah. Au surplus voici le schéma généalogique de cette famille.

  
Al-Qadi,
† vers 1780.
 
 
Al-Falli. Oummoui. Babana. Haïb Allah,
† vers 1815.
 
 
Mohammed Mahmoud,
dit Al Mrabet † vers 1862.
Ahmeddou. Moh. Mokhtar. Mostafa.
 
Mohammed Abd Allah.
 
Mohammed Mahmoud, dit Dida.

Dida est né vers 1884. Sa mère est d'origine Arallen. Parti en dissidence avec sa tribu, il se soumit avec elle et depuis a eu une attitude parfaitement loyaliste. Il a été nommé cadi de sa tribu en 1909 et, peu après, cadi supérieur du cercle. A ce titre, il jouit d'une grande influence, encore que les ennemis de Dieïdiba eussent préféré un cadi qui n'appartînt pas à cette tribu. En 1912, à la mort d'Abd Al-Jelil et avant la nomination de son fils, il a fait l'intérim de chef de fraction. Il a, de par ses ancêtres, de nombreuses relations dans toutes les tribus du cercle, son père en effet et surtout son grand-père Al-Mrabet ayant été les professeurs et les initiateurs dont relèvent la presque totalité des marabouts et notables de la région. Dida est lui-même un professeur émérite, en qui on s'accorde à voir spécialement un juriste de premier plan. Il enseigne le droit à une trentaine de jeunes gens, surtout Dieïdiba. Sa tente est toujours plantée aux environs d'Aleg. Dida est un homme intelligent, instruit, dévoué, qui nous rend les plus précieux services. Sa popularité lui vaut dans sa tribu et ailleurs, plus spécialement chez les Touabir et Arallen, de nombreux cadeaux. Il est moqaddem qadri par la chaîne mystique suivante, qui se rattache aux Kounta: Cheikh Ahmed Babou ould Al-Hadj; Cheikh Abd Allah ould Mostafa; Cheikh Sidi Mohammed ould Cheikh Abd Allah; Cheikh Mostafa ould Cheikh Al-Qadi; Cheikh Al-Qadi, père du précédent; Cheikh Sidi Mokhtar Al-Kabir, le Kounti.

b) Ahmed Mahmoud ould Mohammedda qui passe pour être un des représentants de la première tribu Dieïdiba. Il est né vers 1863 et a fait ses études auprès de Mohammed Abd Allah, père de Dida. Jadis cadi des Id Ag Fara Brahim, puis cadi des Dieïdiba par la nomination de Coppolani, à la suite de la dissidence du cadi de la tribu, il démissionna pour que ces fonctions judiciaires ne soient exercées que par un membre des Ahel Cheikh Abd Allah. Intelligent et fort instruit, il fut accusé, en 1906, d'avoir fait sa cour au Chérif marocain, en lui faisant don d'une jeune captive. On a pu constater aussi l'élasticité de sa conscience par la proposition qu'il fit d'affirmer, sous serment coranique, l'authenticité de pièces fausses. Il enseigne le droit et un peu de théologie à une vingtaine de jeunes gens. Entre temps, il fait sur Cascas, Boghé et Podor des voyages commerciaux. Il est très connu, mais il ne jouit que d'une influence restreinte.

c) Cheikh Sidi-l-Mokhtar ould Cheikh Abd Allah ould Mostafa. Né vers 1883, il a eu son père pour professeur, mais son père lui-même est un des élèves du grand Al-Mrabet. Il appartient à une tente chérifienne, établie depuis plusieurs générations chez les Dieïdiba. Parti en dissidence avec les siens, il fit sa soumission avec eux, mais affecta longtemps de nous ignorer et resta à l'écart. Il s'est rapproché avec le temps. Il donne l'enseignement coranique à une cinquantaine d'élèves, et fait quelques cours supérieurs. Son influence religieuse s'étend surtout chez les Noirs, Toucouleurs et Ouolof, riverains de Cascas à Saint-Louis. Il a même quelques telamides d'occasion à Sierra-Léone, jeunes gens venus ici par hasard et que son renom a attirés à son ouird. Il voyage souvent sur le fleuve pour son commerce.

d) Cheikh Mohammed Mahfoud ould Cheikh Mostafa ould Cheikh Mohammed Mahmoud. Né vers 1884, il a épousé Maïram, sœur de Dida. Il jouit d'une renommée locale comme professeur et descendant de Cheikh Al-Qadi. Son influence s'étend sur les haratines du Chamama, à l'ouest de Boghé. Il a une trentaine d'élèves, grands et petits.

Les haratines Id ag Fara ont pour chef Abd Allah ould Aïcha. Leurs terrains de cultures sont dans le Regueïba, soit avec les autres haratines Regueïba.

Les Ahel Ag Ammi se rattachent, comme on l'a vu, à Ammi, fils d'Atjfara Brahim. Ils sont donc en principe Id ag Fara Brahim, mais ils se sont séparés de leurs frères, il y a plusieurs générations et ont pris le nom spécial de leur ancêtre, laissant celui de la fraction à la descendance de son frère Abhoum. Ils ne dépendaient donc plus des Id ag Fara Brahim, comme tous les gens des Tassaguert. Si dans les Biar, le droit des chefs (Gach, morceau de la poitrine de toute bête de bétail abattue) était pour les Ahel Oudaa, chez les Tassaguiert, ce droit était payé, pour les Ahel Agd Ammi, à la tente princière des Ahel Haïbelti.

A notre arrivée, leur chef était Cheikh ould Sidi Lamin (ould Mohammed ould Haïbelti... ould Ammi). Il est mort au début de février 1912, et a été remplacé, sur élection de la djemaa, par son fils Naji. Naji est né vers 1890. Sa mère est une Jemouellïa. Trop jeune à notre arrivée, il n'est pas parti en dissidence. Malgré son jeune âge, il gère son groupement avec habileté et énergie. Il est secondé par le notable Mohammeddou ould Habib Allah ould Mohammedden. Les autres notables les plus en vue sont: Habib ould Habib, ancien chef de sous-fraction qui a été condamné le 16 août 1916 à un an de prison, et Mohammed ould Cheddad, qui l'a remplacé comme chef...

Les Ahel ag Ammi n'ont pas de zenaga. Leurs haratines sont sédentaires à Aroua. Ils cultivent en outre des lougans à Balé, en face de Dara et de Paté Gallo.

Les Ahel Mohammedden Othman se sont, comme les Ahel Ag Ammi, détachés des Ahel Atjfara Brahim pour constituer une fraction indépendante. Ils se rattachent à Mohammedden ould Othman, quatrième descendant d'Abhoum fils d'Atjfara Brahim (cf. infra tableau généalogique). La scission paraît s'être produite avec le fils ou le petit-fils de Mohammedden, dans la deuxième moitié du dix-huitième siècle. A cette date, la fraction, dite aussi des Tessaguert, cessa de donner le gach au chef des Id ag Fara Brahim et le donna à ses chefs: les Ahel Mekhiyen.

Le chef de la fraction est Hamda ould Sidi ould Abdi ould Mekkiyen ould Abd Allah ould Mohammed Othman. Sa mère est une Jemouellïa. Sa famille jouit d'une excellente réputation dans tout le cercle. Lui-même assure son service avec beaucoup de zèle et d'adresse. Il est occasionnellement employé comme assesseur au tribunal de cercle.

La fraction n'a pas de zenaga. Ses haratines sont peu importants et cultivent avec ceux des Ahel ag Ammi.

Les Id Ayank ne sont pas de pure origine Dieïdiba. Leur ancêtre Andach était un étranger (halif) venu s'installer chez Atjfara Bekkaï, qui s'y maria et dont la descendance se nationalisa Id ag Fara. Leur chef est Ali ould Mohammed ould Omar ould Mikheïtir ould... ould Andach. Il a succédé, en 1912, à Al-Goumach.

Les Id Ayank n'ont ni zenaga, ni haratines; ils ont de nombreux chameaux, dont Bakar ould Soueïd Ahmed se servit souvent contre nous. Ils nomadisent entre Mal et le Tagant, et ne descendent jamais dans le Chamama.

Les Asbat Negza devraient s'appeler aujourd'hui simplement Ahel Negza ou Oulad Negza. Ce vocable d'Asbat est le souvenir d'un état de choses qui a subsisté pendant la plus grande partie du dix-neuvième siècle et a aujourd'hui disparu. Il rappelle la «confédération» des Id Ayank, des Id ag Jemouella et des Negza. Ces fractions formaient à elles trois un groupement très particulariste, qui, tout en s'unissant par des liens conjugaux, ne fusionna pas. Ils se considéraient et on les considérait comme des «alliés» (Asbat). Par la suite, chacune des fractions a repris son indépendance.

Negza ould Othman, l'ancêtre éponyme des Negza, était originaire des Oulad Aïd du Gorgol, qui ne sont d'ailleurs qu'une colonie des Oulad Aïd du Trarza. Ce sont, comme on le sait, des Zenaga, non tributaires, et guerriers, d'origine arabo-hassanes et qui ont été asservis par les invasions hassanes postérieures. Ce Negza, dont le vrai nom était Mzaïdef, vint s'établir, peu avant 1800, dans le campement de Cheikh Al-Qadi et fut son disciple empressé. Il avait alors 40 ans et était suivi de son fils Ali. Il mourut vers 1812, et fut enterré à Aleb Niatara. Son fils, ayant épousé une haratinïa des Oulad Ahmed, se fixa définitivement chez les Dieïdiba. Les 6 fils d'Ali prirent femmes dans cette tribu et constituèrent l'origine de la fraction. Les Oulad Ahmed les considérèrent pendant un certain temps comme leur zenaga et leur imposèrent un tribut. Mais les Dieïdiba les rachetèrent et se les attachèrent comme télamides. Voici le schéma généalogique de la tente du commandement:

Othman.
 
1. Mzaïdef dit Negza.
 
2. Ali.
 
 
Mahmoud. 3. Soueïd. Mohammed. Brahim. 4. Al-Kouri. Mokhtar.
 
 
7. Al-Kouri. 5. Bachir. 6. Mahfoudh.

Les chefs de fraction se succédèrent dans l'ordre de numérotation du tableau. Bachir (5), qui était mort en 1880, fut remplacé par son frère Mahfoudh ould Al-Kouri. Ce fut lui que Coppolani trouva en 1905 et confirma dans son commandement, à son retour de dissidence avec les Id ag Fara. Chef assez apprécié d'une tribu de voleurs et de pillards, il fut plusieurs fois puni pour avoir donné asile à des mejbour, au début; à des prisonniers évadés, ces temps derniers. Il fut destitué, en 1917, et remplacé par son cousin Al-Kouri ould Soueïdi.

Anciens zenaga, devenus «tiab», les Asbat Negza se ressentent aujourd'hui encore de ces origines. Ils ne jouissent que d'une demi-considération. Ils n'épousent pas notamment les filles des hautes classes dieïdiba.

Ils suivent tous, aujourd'hui comme il y a un siècle, le sillage religieux des Dieïdiba. Ils leur ont emprunté leur feu pour les troupeaux et leur sont, malgré les sollicitations des Zemarig dissidents, restés fidèlement attachés.

Les haratines Dieïdiba doivent leur émancipation à Coppolani. Affranchis des droits de horma à la suite de la rébellion de leurs maîtres, ils furent distribués en autant de campements qu'il y avait de sous-fractions suzeraines, établis dans la région de Chabbour et placés sous le commandement de Mohammed Amouijin, des Zemarig.

Par la suite, ce commandement général a été supprimé et chaque sous-fraction de haratines a son chef particulier.

Les Dieïdiba ont un beau cheptel de 4.030 bovins, 43.144 têtes de petit bétail et 878 ânes. Leurs chameaux sont au nombre de 165, à peu près tous chez les Id ag Fara et Id ag Fara Brahim. A ce propos, on peut remarquer la tendance des Dieïdiba à se partager en deux groupements: l'un à peu près uniquement pasteur et nomade, qui campe dans la région du Nord, à Dokhon, etc. Il est composé des deux fractions précitées; l'autre, campé au Sud, autour du lac, est composé des Ahel Agd Ammi, des Ahel Mohammedden Othman, etc. Ce sont des nomades à petit rayon et des cultivateurs en voie de sédentarisation pendant quelques mois de l'année.

Le feu des Dieïdiba est le qaf , qu'ils apposent sur le côté droit du cou pour les chameaux, sur la cuisse droite pour les bovins. Ils ont de nombreuses contre-marques: le «del» et le madda chez les Ahel agd Ammi; la patte de poule chez les Id ag Fara Brahim; la croix chez les Id ag Fara; les signes ou dans le campement Mrabet, etc.

Les Dieïdiba font, par leurs haratines et même par les plus pauvres d'entre les personnes de condition libre, de nombreuses cultures dans la cuvette d'Aleg. Aleg est un point très important pour les Maures. C'est un centre de cultures: on y fait un peu de riz et beaucoup de mil. Les indigènes y campent une partie de l'année. Ils viennent s'y installer en hiver, après avoir terminé leurs travaux dans le Chamama; ils en repartent en automne, au moment des pluies. Il n'y avait ni villages, ni maisons; Aleg est seulement une grande cuvette où se répandent sur une très grande surface les eaux de l'oued Katchi. La terre appartient exclusivement à la tribu des Dieïdiba; mais ces derniers, moyennant des redevances légères, permettent à d'autres tribus, telles que les Tendra, les Tagnit, les Hijaj, d'y faire des cultures.

Noms des terrains: Fractions auxquelles appartient la terre:
Frioua, Id ag Fara.
Al-Mrifeg, Jeddou Al-Habbab.
Meifed, Ahel Mohamedden Othman.
Gouissi, Ahel Ag Ammi.
Adimmour, Cheikh des Dieïdiba.
Tichetayat, Oulamouichém.
Tidar, Id ag Fara.
Aroua, Ahel ag Ammi.

Les territoires de nomadisation des Dieïdiba sont en hivernage: l'Agan, Chogar, l'oued Katchi, Kra al-Asfar, et le sud d'Aleg; en saison sèche: le lac d'Aleg et Aleg même, Bir el-Barka, Dokhon, Bou Telheïa, Chabbour, Regba, Ballé. Leur point d'eau central était jadis Ndokhon, puits réputé de 50 mètres de profondeur, dans une dépression très boisée. A côté du puits, on trouve aujourd'hui les ruines d'une construction en baraco, que les premières reconnaissances en 1905-1907 trouvèrent encore bien conservée. Elle affectait la forme d'un carré de 25 mètres de côté avec cour centrale. Cette casba avait été édifiée alors qu'ils étaient les maîtres du pays. Ils durent l'évacuer à la suite de leurs luttes avec les Oulad Biri.

Les professeurs les plus réputés des Dieïdiba sont: a) le cadi Dida, campé à Chogar, mais que ses fonctions maintiennent à Aleg la plupart du temps; b) Mohammed Mahmoud ould Mohammedden, campé chez les Id Atjfara Brahim. Ces deux maîtres ont été vus plus haut. A leur clientèle maure ordinaire, surtout Dieïdiba, se joignent un certain nombre de jeunes Toucouleurs. Leur enseignement est d'abord coranique (ils sont suppléés en cette branche par un ou plusieurs adjoints) et ensuite supérieur: droit, grammaire, théologie, littérature et langue.

Les principaux lieux de pèlerinage des Dieïdiba sont les tombeaux et cimetières de leurs ancêtres: Bou Telheya, où sont inhumés Al-Qadi, Cheikh Ahmed Babou et Haïb Allah, etc.; Bir el-Barka, où est inhumé Cheikh Abder-Rahman ould Cheikh Al-Qadi, celui-là même qui écrivait à Faidherbe la lettre donnée en annexe; Ndokhon, où sont enterrés Cheikh Mohammed ould Babou et Cheikh Qadi ould Ahmed Babou, etc.; Raddeka, où sont enterrés Mohammed Mahmoud (Mrabet), grand-père de Dida; Mohammed Abd Allah, fils du précédent; Al-Falli ould Al-Qadi; Oummoui, etc.; Touirsat, cimetière benié, etc.

CHAPITRE V
ZEMARIG

1.—Historique.

Si administrativement les Zemarig constituent une tribu indépendante, on a vu ci-dessus qu'ethniquement, ils sont des Dieïdiba. Depuis l'heure où leur ancêtre éponyme Chems ed-Din, dit Zemrag, c'est-à-dire «le fort», rejoignit ses cousins Atjfara Brahim et Atjfara (Bekkaï) dans le Brakna, ils ont vécu avec les Dieïdiba et ont fait partie intégrante de la tribu. C'est de nos jours seulement qu'ils se sont détachés d'eux.

La chronique des Zemarig commence donc avec Chems ed-Din, originaire comme ses cousins, des Dieïdiba ou Id Eïleb du Hodh. Une tradition le fait proprement le fils d'Atjfara (Bekkaï). Voici le tableau généalogique de la tente du commandement:

Zemrag.
 
 
Tegueddi. Baba Imijan.
 
 
Taleb Mohammed, descendance chez les Oulad Bou Sif. Brahim. Ba Ahmoud (Zmarig). Agd Eïlek. Atjfara Saloum.
 
 
Mohammedden. Quelques tentes chez les Oulad bou Sif, le reste chez les Zemarig.
 
Amar.
 
Abd El-Qader.
 
 
Mohammed. Mostafa.
 
Sidi-l-Mokhtar. Chibani.
 
 
Mohammed Sidi, ex-chef. Tofaïl. Limam, chef actuel.

C'est par suite d'un phénomène d'ordre économique qu'un certain nombre de tentes Zemarig se sont agglutinées aux Oulad Bou Sif. Propriétaires de chameaux, elles ne purent suivre les autres Dieïdiba dans leur lent fléchissement vers le Sud. Obligées de vivre loin du fleuve, elles se groupèrent auprès des Oulad Bou Sif pour être protégées, mais elles sont restées en bonnes relations avec leurs cousins et ne renient pas leurs origines.

Les Zemarig ont toujours été considérés un peu comme des parents pauvres par les autres Dieïdiba.

Les Id ag Fara Brahim étaient la fraction qui avait le commandement politique. Les Id ag Fara possédaient l'autorité religieuse et judiciaire. Les Zemarig, tiers état, n'avaient plus qu'à obéir. Ils se lassèrent de cette situation, et après des luttes fréquentes avec les Id ag Fara Brahim, ils s'éloignèrent d'eux et vinrent se fixer à Chabour, dans le Chamama. Chassés par les Toucouleurs, ils vinrent vers Boghé et nomadisèrent entre Boghé, Al-Meriché, la rivière de Mal, et Cascas. Ils entrèrent dans le système politique de l'équilibre local en contractant alliance avec les Toucouleurs de Boghé et en luttant contre ceux du fleuve. Leur dabaï était installé près de Boghé.

Depuis longtemps donc ils vivaient pratiquement séparés des Dieïdiba. A la fin du siècle dernier, ils furent gravement pillés par les Oulad Ahmed; ceux-ci étant les alliés des Oulad Biri, les Zemarig se rapprochèrent des Dieïdiba et prirent part aux luttes de cette tribu contre les Oulad Biri et Oulad Ahmed. Ce rapprochement amena leur dissidence, à la suite d'Abd Al-Jelil, chef des Id ag Fara, lors de l'occupation française (1904). A leur retour du Tagant ils furent mis à l'amende à part. Les autres dissidents ayant refusé de faire une répartition égale pour ces contributions, les Zemarig sentirent renaître toute leur animosité. Ils demandèrent à vivre en dehors de la tribu et, depuis, ils ont joui de leur autonomie.

2.—Fractionnement.

Le fractionnement des Zemarig s'établit ainsi:

Zemarig libres: 56 tentes 224 personnes.
Haratines Zemarig: 100 —— 475 ——

soit au total 156 tentes et 699 personnes.

Le chef était, lors de notre arrivée, en 1903, Mohammed Sidi ould Sidi-l-Mokhtar, né vers 1848. C'était un homme intelligent et peu aimé de sa tribu à cause de sa fourberie et de ses exactions. Il fut destitué, en 1912, pour avoir pillé les animaux de ses gens, et remplacé par son cousin Limam.

Par le refus de son frère aîné, Thofeïl, d'exercer le commandement, Limam est chef depuis 1912. Il est né vers 1885. Très jeune à notre arrivée, il dut suivre le mouvement de dissidence de sa tribu, mais revint peu après. C'est un bon chef, estimé et obéi par ses gens. Il est quelque peu apathique. Il a voulu faire un jour acte d'énergie, mais ce geste ne lui a pas réussi: il fut puni d'une peine disciplinaire pour avoir protesté contre la nomination de Dida comme cadi.

Le commandement est définitivement fixé dans ce campement, et spécialement dans la tente des Ahel Abd El-Qader, celui-ci étant le bisaïeul de Limam. C'est pourquoi on leur assigne dans la pratique ce nom. Limam par exemple n'est désigné que sous le nom de Limam ould Abd El-Qader. C'est aux Ahel Abd El-Qader que traditionnellement était versé le gach ou morceau de poitrine de toute bête abattue. Chez les haratines Zemarig, c'était aux Abdi ould Daïa.

La djemaa de la tribu comprend:

a) Mohammed Sidi, ex-chef, déjà vu,

b) Thofeïl, de son vrai nom Mostafa ould Abd El-Qader, frère aîné de Limam. Né vers 1875, il a fait de bonnes études et s'est consacré à l'ascétisme et aux choses du ciel. Il est sur la voie de la sainteté. Il fut, dans les débuts, puni d'une peine légère d'emprisonnement. Aussitôt libéré, il partit pour l'Adrar, allant offrir ses services au Chérif Moulay Dris. Après un séjour de plusieurs années, où il put goûter toutes les misères de l'exil, il demanda l'aman et rentra. Il se tient tranquille maintenant. Il remonte chaque année vers l'Adrar pour aller faire la guetna.

c) Ahmeïdou ould Cheikh Mohammed Al-Qadi ould Mohammed Hemar ould Atjfara Salem. C'est un marabout qadri, qui relève de Cheikh Adallah des Dieïdiba, et par lui de cheikh Sidi Mohammed son cousin, et de Cheikh Mostafa ould Cheikh Al-Qadi des Dieïdiba.

d) Ahmed ould Babou et e) Abdi ould Yahia, notables.

f) Mohammed Abd Allah ould Cheikh Mohammed Qadi, qui est mort en 1916. Né vers 1870, il avait été le brillant élève et le disciple de Mohammed Abd Allah ould Al-Mrabet. Il ne partit pas en dissidence avec sa tribu, mais en 1908 se mit en route pour la Mecque sans autorisation. A la réalité, il ne dépassa pas l'Adrar et dut bientôt rentrer. Cette incartade lui valut une peine disciplinaire. Cadi de sa tribu, il jouissait d'une grande réputation et se consacra en dernier lieu avec beaucoup de zèle aux soins de sa charge.

g) Il a été remplacé par Ahmed Salem, ould Sidi ould Dahi, élève de Mohammed Abd Allah. Il fait également l'école coranique, et quelquefois des cours d'enseignement supérieur.

Au point de vue religieux, outre les obédiences précitées, il faut signaler celle de Mohammed Mahfoudh ould Cheikh Mostafa ould Cheikh Mohammed Mahfoudh, des Id Atjfara (Dieïdiba), et celle de Cheikh Saad Bouh, qui s'est exercée ici par son missionnaire Abou-l-Maali ould Cheikh Ahmed Hadrami, des Tagat. Limam, le chef de tribu, relève de ce dernier ouird.

Les Zemarig font leur pèlerinage à Al-Meriché et à Azlat (Al-Azlat). A Meriché, on voit le tombeau vénéré du grand saint Cheikh Mohammed Abd Allah ould Cheikh Mohammed Al-Qadi.

Leur cheptel est de 6 chevaux, 347 bovins, 1.000 têtes de petit bétail et 48 ânes. Leur feu est le gaf, soit des Dieïdiba, apposé sur la cuisse droite. Ils ont comme contremarques le dal sur le membre intérieur droit, le «moulana» et le sad au-dessus du gaf. Cette dernière appartient aux Ahel Abd El-Qader.

Les Zemarig nomadisent entre Azlat et Kra al-Asfar, en hivernage; au nord-ouest de Boghé avec leurs haratines, en saison sèche.

Les haratines des Zemarig sont fort nombreux, plus nombreux même que leurs maîtres et ont fait leur fortune. Ils sont campés dans le Chamama, au nord-ouest de Boghé, et ne se déplacent que dans un petit rayon. Ils restent ainsi à proximité de leurs terrains de cultures: Tienel, Boghé, Chabour, Regba. Ceux-ci appartiennent à la famille de Bes Moro, du village de Sinthiou Dangdé (Sénégal), mais depuis notre installation en Mauritanie, ces Toucouleurs ont cessé de réclamer la location des terrains leur appartenant. En revanche, ils ont dû payer en 1917, 650 francs de dioldé (droit de location dû par le cultivateur) à Baïla Biram, chef du Lao maure, mais c'est à contre-cœur, et ils assurent que la terre n'appartient pas à Baïla (comme le dit Chéruy), mais que ce chef se serait emparé de ces domaines lors du trouble qui suivit l'arrivée des Français, et qu'il les fit travailler par les Zemarig haratines, qui ne s'étaient pas enfuis.

Le chef des haratines Zemarig était, à notre arrivée, Mohammed Amoïjin. Il nous témoigna un dévouement complet. Il était envoyé, en novembre 1906, pour prendre des renseignements sur la marche d'un mejbour, commandé par Ould Assas. Dénoncé par Ahmedna, chef des Id ag Fara Brahim, il fut capturé, amarré et battu par les dissidents. Il réussit à s'enfuir et, pour se venger, guida le lieutenant Corrard des Essards à la mare de Tioulé-Tiabé où était rassemblé le rezzou. Par la suite, sa tête fut mise à prix par Ahmeddou. Il rendit des services précieux, nous fournissant sans cesse des renseignements sur la marche des rezzous. Les égards qu'on lui témoigna abusèrent son orgueil. Il se mit à piller ses gens, et sur leurs plaintes fut relevé de son commandement et emprisonné à Boghé (1909). A sa sortie de prison, il a rejoint sa tribu d'origine, les Id ag Fara.

Il a été remplacé par Sambeït ould Sambeït, homme intelligent et qui assure convenablement son service.

Les notables de la tribu sont: Ahmed Fal ould Abhoum, Sidi ould Ahmed Abd et Mokhtar ould Mohammed.

Les haratines Zemarig n'ont qu'une piété superficielle. Certains cependant se font, à l'instar de leurs maîtres, conférer l'ouird qadri. Ils le demandent aussi au Cheikh Mohammed Fal ould Mostafa ould Cheikh Mahmoud des Id Eïlik, qui relève de Cheikh Al-Qadi précité.

CHAPITRE VI
KOUNTA

1.—Historique.

Dans mes deux mémoires sur «les Kounta de l'Est» et «les Kounta du Hodh», j'ai exposé les origines et la tradition historique des Kounta. On ne peut ici qu'y renvoyer, et on les supposera connus.

Trois fractions Kounta vivent dans le Brakna, autour de Guimi, leur point d'eau commun et le centre de nomadisation: les Oulad Bou Sif, les Meterambrin et les Ahel Cheikh Sidi-l-Mokhtar. Les deux premières dérivent de la même source: ils descendent de Sidi Mohammed Al-Kounti As-Sarir (seizième siècle) et proviennent des Kounta du Tagant. La troisième dérive du grand Cheikh Sidi-l-Mokhtar († 1811) par son fils Baba Ahmed, et provient donc d'abord de l'Azouad, et en dernier lieu du Hodh.

On n'oubliera pas que ces deux sources se rejoignent au quinzième siècle en la personne du saint Sidi Ahmed Al-Bekkaï. En effet, Sidi Mohammed Al-Kounti As-Sarir, patriarche des Oulad Bou Sif et des Meterambrin, et Sidi Omar Cheikh, sont frères, fils tous deux du dit Ahmed Al-Bekkaï.

A.—Source Tagant.—Sidi Mohammed Al-Kounti As-Sarir vécut à cheval sur le quinzième et seizième siècle. Fils aîné de Sidi Ahmed Al-Bekkaï, il hérita de l'autorité politique, laissant à son frère Cheikh Sidi Omar Cheikh la baraka et l'apostolat. Du Hodh, où son père était mort et avait été enterré, il revint, vers la fin de sa vie, avec ses campements vers le Tagant, laissant autour de Oualata les tentes de ses cadets, qui, un peu plus tard, allaient appuyer vers l'Est et émigrer vers le Faguibine et l'Azaouad.

Sidi Mohammed As-Sarir mourut vers 1850, et fut enterré à Kerkach, au sud-ouest de l'Adrar. Il laissait sept fils qui sont les ancêtres des Kounta du Hodh, du Brakna, du Tagant et de l'Adrar. Ce sont: Sidi Bou Bakar, Sidi Haïb Allah, Sidi Oueïs, Meteramber, Omar Rekkab, Oghal et Ahmed. Ils sont les ancêtres des fractions qui portent leurs noms.

Deux fractions Kounta du Brakna se rattachent donc à cette branche: les Oulad Bou Sif, descendants de Sidi Oueïs, par son petit-fils Bou Sif; et les Meterambrin, descendants de Meteramber.

Les Oulad Bou Sif tiennent ce nom de Bou Sif de leur ancêtre Baba Bou Sif, petit-fils de Sidi Oueïs. Baba Bou Sif eut, d'une premier femme noire, nommée Haoua, les Ouled Bou Sif Al-Kohol (Noirs) qui sont ici même et au complet, et d'une autre femme blanche, Lalla Fatma, deux fils Ahmed et Oueïs, ancêtres des Oulad Bou Sif Al-Biodh (Blancs), dont une partie est ici et dans le Gorgol, et dont les autres constituent la fraction Oulad Bou Sif du Hodh. Baba Bou Sif a été enterré à Rekhaïmiat dans le Tagant.

Les Oulad Bou Sif noirs sont ici depuis le milieu du dix-huitième siècle, comme on le verra plus loin. Les blancs viennent d'arriver, il y a quelques années à peine et depuis notre occupation. On peut considérer que leur exode n'est pas encore terminé.

Le pays propre des Oulad Bou Sif noirs était l'Agan. Vers 1850, fatigués par les luttes avec les Id Ou Aïch, une partie d'entre eux alla chercher fortune dans le Hodh et, sur leurs rapports enthousiastes, le gros de la tribu suivit. Ils en revinrent toutefois vers 1880, sauf quelques campements qui sont restés dans le Hodh.

En juillet 1904, ils furent pillés par les Oulad Bou Sba et perdirent 3.000 chameaux, tout le cheptel. Sidi ould Mohammed ould Ahmed Abd, leur chef, les détermina alors à quitter l'Agan où ils vivaient depuis Sidi Mohammed Al-Kounti, et à émigrer vers le Sud. Ils s'établirent autour de Guimi. C'est depuis lors que les Oulad Bou Sif ont cessé d'être une tribu à chameaux pour devenir une tribu à bœufs et surtout à petit bétail.

Leur soumission date du premier jour; cependant plus d'une fois par la suite, ils ont servi de receleurs au gens de Tagant et de l'Adrar pour leur produit de leurs pillages et surtout dans le commerce de captifs.

Les Meterambrin tirent leur nom de leur ancêtre Meteramber dit «l'enveloppé», parce qu'il avait l'habitude de s'envelopper des pieds à la tête dans son boubou. Ses descendants sont donc devenus «les fils de l'enveloppé», ou «Meterambrin». Son vrai nom, d'après une tradition de l'Azouad, non confirmée ici, aurait été Amar.

Les Meterambrin ne semblent pas avoir émigré vers le Hodh.

Ils quittèrent l'Adrar et notamment Ouadan, leur centre, sous la conduite d'Abd Er-Rahman, fils de Meteramber, vers la fin du dix-septième siècle, pour venir se fixer dans l'Agan, qui désormais sera le pays même des Kounta. Il y mourut et fut enterré près d'Aguiert, où l'on voit son tombeau, ainsi que celui de son fils et successeur, Sidi Mohammed Reggad; c'est de celui-ci que date cette amitié constante et profonde qui va unir les Kounta de cette branche et les almamy des Fouta. Elle durera jusqu'à nos jours. Le Reggad se signala à la reconnaissance de ses gens, en faisant planter à Lemaoudou une palmeraie dont subsistent encore quelques débris.

Sidi Mohammed, qui succéda à Mohammed Reggad, son père, raffermit cette alliance et ne quitta plus l'almamy Mamadou Biram. La tribu, sauf deux mois d'hivernage qu'elle allait passer à Lemaoudou, séjournait constamment dans le Chamama.

Sidi Mohammed fut enterré à Galaïbé Wan-Van, sur le fleuve, et son fils Mohammed Lamin lui succéda. Les bonnes relations entre ce chef et les almamy furent légendaires. Il ne quitta, dit-on, ses amis Toucouleurs qu'une seule fois en 42 ans de commandement.

René Caillié eut affaire à un Kounti qui ne pouvait être que Bou Sifi ou Meterambri. L'un des marabouts présents au camp de l'émir Ahmeddou, quand il y arriva en septembre 1824, «Chérif, Kount de nation, lui proposa d'aller habiter son camp, lui promettant de le considérer comme un fils». Déjà engagé avec le chef des Dieïdiba, Caillié refusa cette offre aimable. Ledit «Kount» faillit d'ailleurs compromettre Caillié en le surprenant à écrire une page de son journal. Il ne le détrompa qu'en usant de ruse et en déclarant que c'étaient des chansons, ce qui ne convainquit qu'à moitié «le défiant chérif». Ils vivaient à la fin du dix-huitième siècle dans le Tagant. Ils asservirent, d'après leur tradition, les Mechdouf qui durent leur payer tribut un certain temps, mais prirent surtout part avec leurs frères Kounta de ce territoire, et avec les Oulad Bou Sif qui s'étaient joints à eux, à d'indéterminables luttes contre les Ahel Sidi Mahmoud, alors en pleine expansion. Les confins de la Mauritanie et du Sahel sont à ce moment le théâtre de luttes sanglantes: Arabes hassanes, contre Arabes hassanes (Oulad Nacer contre Oulad Mbarek), tribus zenaga contre tribus zenaga (Abakak contre Chratit); marabouts contre marabouts (Kounta contre Ahel Sidi Mahmoud). L'équilibre politique s'établit alors, sur la formation de deux groupes d'alliances, comprenant chacun une tribu arabo-hassane, une tribu zenaga, une tribu maraboutique, à savoir groupement Oulad Nacer, Abakak, Kounta, contre groupement Oulad Mbarek, Chratit, Ahel Sidi Mahmoud. On peut croire que les batailles entre ces marabouts furent fréquentes et sans pitié. On fut longtemps sans arriver à une solution complète, car le vaincu trouvait toujours des renforts parmi ses alliés.

Dans le courant du dix-neuvième siècle cependant, la situation se modifia: les Oulad Nacer refoulaient les Oulad Mbarek et dominaient politiquement le Sahel occidental (Nioro); les Abakak et les Chratit, ces frères ennemis, s'unifiaient sous le commandement des Ahel Soueïd Ahmed et devenaient la puissante tribu des Id Ou Aïch, qui relevaient, après bien des siècles, le prestige du nom berbère. Les Kounta enfin étaient battus par les Ahel Sidi Mahmoud et contraints de vider les lieux.

La plupart d'entre eux refluaient vers le nord du Tagant et de l'Adrar. Deux campements: les Meterambrin, issus de la fraction de ce nom, et les Oulad Bou Sif, immigrés de fraîche date, se détachaient de la tribu-mère et descendaient vers le territoire des Brakna. Les Meterambrin s'installaient dans le Chamama; les Oulad Bou Sif allèrent d'abord dans l'Aouker, puis descendirent vers l'Agan et Guimi, sous la pression des rezzous du Nord.

Vers 1890, par suite des hostilités qui existaient entre Meterambrin et Oulad Normach, leur frère Mohammed Lamin quitta le Chamama et partit vers le Tagant, d'où il ne revint que dix ans après avec Bakar ould Ahmeïada.

Mohammed Lamin ne se rendit jamais à Lemaoudou pour hiverner, la palmeraie plantée par son grand-père ayant été détruite par les Tadjakant, alors en guerre avec les Kounta.

Pendant tout son commandement, il marcha avec Ibra Almamy, fils d'Almamy Mamadou, chef du Lao, contre les Toucouleurs du Bosséa. En revanche, Ibra le soutint contre les éternels ennemis: les Ahel Sidi Mahmoud.

Les Meterambrin ont fait leur soumission à Coppolani dès son arrivée dans le Brakna.

B.—Source Hodh-Azaouad.—Sous le nom d'Ahel Cheikh Sidi-l-Mokhtar, on désigne les descendants et télamides d'un petit-fils de ce grand Cheikh Kounti, venu s'installer dans le Brakna, il y a un demi-siècle environ. On voit une fois de plus combien le nom prestigieux du Cheikh Sidi-l-Mokhtar domine toute la basse Mauritanie; il a formé et consacré à la fois trois grands pontifes: Cheikh Sidïa Al-Kabir, Cheikh Al-Qadi, des Dieïdiba, le principal maître spirituel du Brakna, Cheikh ould Nenni, un des Cheikh les plus notoires du Tagant. Il a donné en outre naissance—ici même et ailleurs—à une importante fraction qui porte son nom.

Cheikh Sidi-l-Mokhtar Al-Kabir laissait à sa mort dans l'Azaouad, en 1811, huit fils énumérés dans mon ouvrage Les Kounta de l'Est, et dont le plus brillant successeur spirituel de son père fut Cheikh Sidi Mohammed.

Parmi les sept autres, le quatrième, Baba Ahmed, éclipsé par la renommée de son frère, vint chercher fortune entre 1820 et 1825 environ, dans la Hodh, auprès de ses cousins de lointaine origine (source Tagant), qui s'y trouvaient déjà. Il fut rejoint par un certain nombre de ses parents et télamides de l'Azouad, et à sa mort, vers 1840, il laissait déjà, sous le nom général d'Ahel Cheikh, les noyaux de trois des actuelles fractions kounta du Hodh (cf. tableau en annexe).

Baba Ahmed laissait cinq fils; les trois premiers sont les ancêtres éponymes des trois fractions Ahel Cheikh précitées du Hodh; du quatrième, la descendance s'est fondue dans les campements de ses frères. Le cinquième, Bekkaï ould Baba Ahmed, est celui-là même qui nous intéresse. Une partie de sa postérité s'est dispersée aussi dans les campements fraternels, mais deux de ses fils, Sidi-l-Mokhtar et Sidi Mohammed et un de ses petits-fils Khalifa, ould Al-Abidin, venus chercher fortune vers l'Ouest, entre 1840 et 1860, ont définitivement abandonné le Hodh et leurs parents, à cette date, et sont les fondateurs de la fraction Ahel Cheikh Sidi-l-Mokhtar qui nous intéresse.

Sidi-l-Mokhtar (dit aussi Sidina) ould Bekkaï ould Baba Ahmed, en quête d'un établissement convenable, vint quêter vers 1842, chez les Touabir, disciples des Kounta. Il vécut tantôt chez eux et tantôt chez les Oulad Normach, et finalement se fixa dans le Brakna par un mariage avec une femme des Id Eïlik. Il en eut deux fils Baba, et Sidi Amar. C'est de cette époque que date la redevance que les Touabir ont payé et paient encore aux membres de cette famille: un mouton choisi et une outre de beurre par an et par troupeau. Sidi-l-Mokhtar devait mourir vers 1887, à Chingueti, où il était en voyage. Il fut remplacé par son fils aîné, Baba, qui mourut tôt vers 1891 à Kaédi. Les fils de Baba étant en bas âge, ce fut son frère Sidi Amar qui lui succéda.

Le second des fils de Bekkaï ould Baba Ahmed, Sidi M'hammed, vint chercher fortune sur les traces de son frère, en 1860; il spécifie lui-même qu'il arriva dans le Brakna l'année du meurtre de l'émir Trarza Mohammed Al-Habib. Il se partagea une dizaine d'années entre le campement de son frère, celui des Oulad Siyed et celui de Cheikh Sidïa Al-Kabir et de son fils Mohammed Khalifa. Ses voyages, ses cours, ses vertus lui attirèrent un certain nombre de disciples maures et noirs. Il se fixa avec eux sur la rive droite du fleuve, en face de Podor. Vers 1886, il remonta vers la zone saharienne et alla s'installer, à Guimi, où il se trouve encore actuellement.

Quelques années plus tard enfin, en juin 1883, à la suite de querelles intestines, les fils de Baba ould Bekkaï tuèrent leur oncle Abidin. Ces événements provoquèrent l'exode de plusieurs campements Kounta. Khalifa ould Abidin s'expatria vers ses oncles du Brakna conduisant ses fidèles. Son père avait eu, dès son vivant, des velléités d'immigration. Il n'y donna pas suite. Après sa mort tragique et son inhumation à Néma, ce fut son fils Khalifa qui les réalisa.

Les relations des intrigants Kounta avec l'autorité française remontent à Faidherbe même. En août et octobre 1863, ce gouverneur du Sénégal concluait des conventions avec certains notables Ahel Cheikh, fort mal déterminés à cette date, mais où il est certain qu'à côté des Kounta du Brakna se trouvaient des Kounta de Tombouctou, au surplus, les uns et les autres de la filiation de Cheikh Sidi-l-Mokhtar Al-Kabir. Ces conventions assuraient une protection réciproque aux voyageurs, commerçants et envoyés des deux contractants.

Elles donnèrent lieu à une correspondance, aussi abondante qu'intéressée, de la part des Kounta. On remarquera cette épître filandreuse, écrite le 1er août 1865, par le Cheikh, jeune alors—Sidi M'hammed ould Bekkaï, et où le pieux adolescent s'exerçait déjà à cette onction religieuse où cinquante ans après, il est passé maître.


Nul ne peut lutter contre la volonté divine; nous sommes des amis de Dieu et c'est lui qui défendra notre cause.

On lit dans le Coran:

«Dieu est le défenseur de tous les croyants!» par conséquent celui qui a Dieu pour défenseur ne craint personne.

Le Prophète a dit aussi:

«Celui qui fait du mal à mon ami m'attaque moi-même.»

Il n'est pas donné à un homme le pouvoir de se battre avec Dieu, si vous admettez cela, continuez donc à être ami avec nous et traiter bien tous ceux qui vont chez vous de notre part et bien plus encore ceux qui y résident et qui sont mes parents, comme nous le faisons pour tous ceux qui viennent nous visiter de votre part.

Détruisez-vous l'amitié qui existe entre nous?

Dieu a dit dans le Coran:

«Celui qui détruit l'amitié de quelqu'un se fait du tort à lui-même.»

Le pouvoir de Dieu est illimité. Ceux qu'il protège sont toujours les plus forts. A la fin d'une affaire, c'est toujours le plus croyant qui remporte la victoire. Quand Dieu veut détruire une nation, il commande à cette nation de faire du mal à ses protégés.»

2.—Fractionnement.

A.—Oulad Bou Sif Blancs.

Les Oulad Bou Sif Blancs se divisent:

En libres   Ahel Baba.
Ahel Diebaba.
Ahel Maham.
Ahel Oueïs.
Tributaires Zaghoura.
Braïkat.
Zkouïat.

Les Ahel Baba, Ahel Diebaba (ceux-ci peu nombreux ici) et Ahel Maham descendent d'Ahmed premier, fils de Baba Bou Sif; le second fils, Oueïs, n'est représenté ici que par deux tentes, les Ahel Oueïs. Sa descendance est beaucoup plus nombreuse dans le Hodh.

Parmi les tributaires, les Zaghoura méritent une mention spéciale. Ce seraient des Zenaga, non pas issus de Berbères, mais d'Arabes. Ils seraient avec les Kounta, depuis le temps de Mohammed Kounti As-Sarir, et auraient pris part avec valeur à toutes leurs luttes contre les Id Ou Al-Hadj. Il n'y a pas de Zaghoura dans la région de Tombouctou, et il n'y en a plus dans le Hodh. On n'en trouve que chez les Kounta du Tagant et du Brakna et dans le Chamama de Boghé.

Les Braïkat sont peu nombreux ici. La plus grande partie est dans le Hodh. Les Zkouïat ne sont que 6 tentes. Le plus grand nombre est dans l'Adrar, tributaires des Kounta de cette région.

C'est à mars 1911 que remonte l'arrivée des premiers Bou Sif Blancs, dans le Brakna. A cette date, on voit apparaître un jour, chez les Bou Sif Noirs de Guimi, un gros campement venant de l'Est sous le commandement de Mohammed ould Hammadi. Un autre campement de 25 tentes arrive en octobre. Cet afflux d'étrangers amena une certaine perturbation chez les Kounta. Les Bou Sif Noirs étaient débordés et leur chef n'était pas obéi. Les Blancs reconnaissaient en principe l'autorité de Mohammed ould Hammadi, mais il y avait des dissidents, comme Sidi Ahmed ould Mokhtar ould Sidi-l-Mokhtar, qui, venu de sa propre initiative et à la tête de ses gens, entendait garder son autonomie.

Il fallut régler la situation au début de 1911. Noirs et Blancs furent séparés. Les Noirs restèrent sous les ordres de leur ancien chef: Sidi Ould Ahmed Abd. Les Blancs furent tous placés sous l'autorité de Mohammed ould Hammadi. De son vrai nom, il s'appelle Mohammed ould Sidi Mohammed Al-Kounti (celui-ci mort vers Nioro pendant l'exode) ould Hammadi ould M'hammed ould Ahmed ould Maham ould Baba ould Ahmed ould Baba Bou Sif. Comme descendant direct, dans la branche aînée, de Baba Bou Sif, c'est à lui que par hérédité revient le commandement de tous les Oulad Bou Sif Blancs. Il est né vers 1885. C'est un bon chef, qui s'acquitte correctement de ses devoirs et est aimé de ses gens. Il attribue l'exode des Bou Sif du Hodh, en 1911, au désir de rejoindre le pays ancestral: Tagant et Agan.

Cet exode devait d'ailleurs se continuer en 1912: on vit successivement arriver 30 tentes nouvelles en mars, puis 60 tentes en septembre, après un court séjour dans le Gorgol. Les derniers se présentèrent en août 1913: ils comprenaient des Ahel Maham, des Zaghoura et des Rekkabat. Leur arrivée donna lieu à certaines difficultés au sujet du règlement d'une dïa fort ancienne entre eux et les Oulad Nacer. L'affaire fut réglée par arbitrage.

Les notables de la tribu sont aujourd'hui:

  • Sidi Lamin ould Baoubba Kaye,
  • Sidi Ahmed ould Abed,
  • Sidi ould Ahmed,
  • Mohammed ould Khaïri,
  • Al-Jeïli ould Mohammed ould M'hammed.

Cet Al-Jeïli, né vers 1882, est le cadi de la tribu. Il a fait de fortes études auprès du grand Cheikh de Oualata: M'hamdi ould Sidi Othman. Il est qadri et a reçu l'ouird de Cheikh Ahmed ould Adoubba, des Bou Sif Noirs du Tagant, qui, par son père, Cheikh Adoubba, se rattachait à Cheikh Sidïa Al-Kabir. Ce Cheikh Ahmed ould Adoubba paraît être le principal maître spirituel des Bou Sif Blancs du Tagant. On trouve aussi quelques initiations directes de Cheikh Sidïa Baba.

Dans la fraction, il faut signaler la présence de Sidi ould Sidi Lamin ould Khiarhoum qui, par hérédité, serait le véritable chef des Rekkabat, encore dans le Hodh. Son attitude est d'ailleurs correcte, encore qu'il s'efforce d'attirer les Rekkabat dans le Brakna.

Les Bou Blancs ont pour objet de pèlerinage les tombeaux de leurs ancêtres à Kçar al-Barka et Ferkach.

Ils comprennent 178 tentes et 556 âmes. Leur cheptel se décompose en 17 camelins, 115 bovins, 6.775 têtes de petit bétail et 212 ânes.

Leur feu est la marque générale des Kounta: le lam-alif.

Leurs terrains de parcours sont: en hivernage: Gaoua et Tachot ad-Dokhna; en saison sèche: Chogar, Gadel, Tendel, Lemaoudou. Quelques tentes restent dans l'Agan.

B.—Oulad Bou Sif Noirs.

Les Oulad Bou Sif Noirs se divisent en:

Libres   Ahel Mokhtar ould Baba Bou Sif.
Oulad Haïb Allah ould id.
Ahel Omar ould id.
Ahel Abd Er-Rahman ould id.
Oulad Ad-Daoui.
Tributaires
Zekhaïmat.
  Oulad Al-Hemeiti.
Oulad Kani.
Zemarig.

Les Zekhaïmat sont d'origine Oulad Nacer. Leur ancêtre éponyme était le petit-fils d'Antar ould Nacer par son père Hossin. Il s'était installé chez les Kounta du Tagant et y avait crû. La tradition rapporte que ce guerrier repenti fut le disciple de Sidi Mohammed Al-Kounti et qu'il fut enterré par la suite aux côtés de son maître dans l'Adrar Tmar (seizième siècle). Un de ses fils, Al-Guellas, alla vivre chez les Hammonat et s'y fixa. Sa descendance a constitué l'actuelle fraction des Zekhaïmat des Hammonat. Les Zekhaïmat du Brakna sont venus ici du Tagant avec leurs marabouts au dix-huitième siècle. Ils passent pour être des chasseurs consommés.

Les Oulad Heneïti se subdivisent en deux sous-fractions autonomes et du même nom. Haïdoud Al-Kohol est le chef de la première qui comprend 73 tentes, et Abd Allah ould Ali ould Ahmed, le chef de la seconde, qui comprend 30 tentes. Les Oulad Kani ont pour chef Mokhtar ould Al-Kouri ould Al-Hadj et comprennent 74 tentes. Les Zemarig sont originaires de la tribu du même nom. Ils se sont séparés de leurs frères et ne veulent plus rien avoir de commun avec eux. Ils comprennent 25 tentes et ont pour chef Mohammed Abd El-Kerim ould Moïma.

Le chef général des haratines était Sidi Ahmed ould Ahmed Jiyed qui, puni de 6 mois de prison pour exactions, fut remplacé par Sidi Lamin, chef de la tribu, le 16 mai 1916.

A notre arrivée, le chef des Oulad Bou Sif Noirs était Sidi ould Mohammed ould Ahmed Abd (ould Lamin ould Mokhtar ould Sidi Amar ould Mokhtar). Sa mère était une Zemraguïa. Il ne partit pas en dissidence et vint s'installer près de Guimi, où il groupa la plupart de ses campements et tous les tributaires. Formée de beaucoup de tentes sans aveu, la tribu a longtemps joui d'un assez mauvais renom qui rejaillissait sur son chef. Bon chef qui savait se faire obéir et ne rencontrait guère de difficultés que chez les Oulad Heneïti, Sidi ould Mohammed ould Ahmed Abu dont le fils Mohammed, dit Cheïna, avait été le naïb, fut remplacé à sa mort par Sidi Lamin ould Lamin (1914). Sidi Lamin, jeune et sans prestige, ne sut ni se faire obéir de ses administrés ni apprécier par l'autorité française. D'ailleurs, cette fraction est tellement agitée de perpétuelles dissensions, que l'unité de commandement est devenue impossible. Il a donc fallu accorder l'autonomie à chacune des cinq sous-fractions qui la composent, et qui, cependant, au total, ne comprennent que 131 tentes et 436 âmes. Sidi Lamin fut donc relevé de ses fonctions, le 28 octobre 1917. Sidi Ahmed ould Ahmed Jiyed qui le remplaça fut destitué quelques mois après par la djemaa. L'élection a ramené au pouvoir en 1918, Sidi ould Ahmed. Son fils Mohammed lui sert de naïb.

L'ensemble des Oulad Bou Sif Noirs, libres et tributaires, comprend 333 tentes et 1.200 âmes. Ils ont un très riche cheptel: 126 camelins, 572 bovins, 23.506 ovins, 743 ânes. Avec leurs 36 chevaux, ils sont les mieux montés du cercle. Leur marque est le lam-alif des Kounta, auquel ils ajoutent comme contre-marque quelques traits sur la joue droite.

Leurs terrains de parcours s'étendent: en hivernage entre Guimi et Lamaoudou; en saison sèche, entre Guimi et les environs de Chogar.

Le personnage religieux le plus important de la fraction est l'ex-cadi Mohammed ould Sidïa, né vers 1868. C'est un élève et un disciple de Cheikh Sidïa. Longtemps cadi de la fraction, homme simple et paisible, il a fini par abandonner officiellement ses fonctions. Mais il a conservé toute son influence, due tant à ses talents personnels qu'au prestige de ses ancêtres, et ses cours d'enseignement supérieur, de droit notamment, en bénéficient. Les tribus voisines viennent souvent le consulter.

On peut encore citer Ahmed ould Adoubba, né vers 1850, professeur réputé, et qui se relie au Cheikh Sidi-l-Mokhtar.

Un personnage politique mérite aussi une mention: Haïdoud ould Al-Kohol, qui, à la tête d'un petit groupe de notables, s'est toujours signalé par son opposition à l'ordre établi.

La grande majorité des Oulad Bou Sif est qadrïa et se rattache à l'une des trois branches suivantes: 1) Cheikh Ahmadou ould Zouin, des Ahel Babiya, et, par lui, à Cheikh Sidïa Baba; 2) Sidi Mohammed ould Bekkaï, des Ahel Cheikh Sidi-l-Mokhtar; 3) Zeini ould Khalifa.

Les Ahel Babiya précités sont un campement de marabouts instruits, qui seraient les descendants d'Atjfara Aoubok, des Tinouajiou, Cheikh de grande valeur qui s'installa chez Baba Bou Sif et fut le précepteur de ses enfants. Ils sont aujourd'hui chez les Bou Sif Noirs. Ce sont d'actifs commerçants qu'on voit sur les pistes du Tagant et de l'Adrar et sur les rives du fleuve. Aux Babiya, il faut ajouter, comme autres holafa (nationalisés), des Oulad Bou Sif, quelques tentes Tachomcha.

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