Études sur la Littérature française au XIXe siècle - Tome 1: Madame de Staël, Chateaubriand
Tout péché est une expression, une forme de cette idée. Telle est, au point de vue métaphysique, la formule du problème. Il s'en déduit deux vérités, que le christianisme oppose, l'une au panthéisme, l'autre au matérialisme. L'une de ces vérités défend l'individu contre le panthéisme; car l'individu se compte avec Dieu même, et, n'y eût-il pour toute créature, pour tout monde, qu'un individu humain, il obtiendrait le regard de Dieu et le fixerait, aussi bien que doit le fixer, à notre avis à tous, l'ensemble du monde actuel; d'où il résulte que chaque homme dans le monde est l'objet de l'attention de Dieu. D'une autre part, le moi n'ayant de valeur qu'en tant qu'il est relatif et qu'il se reconnaît pour tel, il n'en a plus dès qu'il se fait absolu, et perd, par l'irréligion qui est l'égoïsme radical, toute espèce de signification; non seulement l'athéisme, mais l'athée lui-même est un non-sens, une non-valeur.
Telle est la théologie morale de Milton, et la théorie qu'exprime, ou plutôt que fait vivre sa narration du premier péché. C'est en poète qu'il l'enseigne, c'est par des faits qu'il l'expose. La direction philosophique de la pensée de Milton frappe à toutes les pages de son poème; c'en est même un des caractères distinctifs; mais par philosophie même, il s'est abstenu ici de toute abstraction métaphysique; et avec quel bonheur de poésie n'a-t-il pas fait ressortir ces grands traits, ces lignes primitives de notre vie morale, qui sont la traduction vivante et la substance palpable des théories que nous venons de rappeler. Quelle admirable union de la vérité générique avec la vérité individuelle et pour ainsi dire anecdotique! Ce sont deux hommes, deux pécheurs bien distincts entre tous les millions d'hommes et de pécheurs qui se sont succédés sur la terre; c'est Adam, c'est Ève, comme vous êtes Paul, comme je suis Pierre; mais c'est en même temps l'homme, dans toute la généralité de son être, dans toute la suite de ses générations, dans toute la majesté de sa collective infortune.
Je ne puis entreprendre l'analyse de cette partie du poème, la plus importante cependant et la plus digne d'intérêt. Mais je prie le lecteur de s'y arrêter avec une attention sérieuse, pour y étudier sa propre histoire, pour s'y retrouver lui-même. La complication que la vie sociale et la civilisation ont apportée dans notre existence morale, éloigne la plupart des hommes, même les plus sérieux, de toute méditation sur les premiers éléments de leur vie intérieure; leur attention s'arrête, bien loin du tronc, dans l'entrelacement confus des rameaux; le rapport de l'homme avec l'homme, ou avec telle situation donnée, distrait le regard d'un rapport plus grand et d'une idée plus simple; on remonte plus rarement à ce point où l'homme, isolé de toute relation contingente et temporaire, se montre en contact avec l'idée morale dans toute sa généralité, avec l'infini, avec Dieu. C'est dans Milton que peut aller se chercher, dans la simplicité de son existence, celui qui ne s'est pas encore trouvé dans la Bible, dont Milton n'a fait que développer les données. L'homme avant la chute, l'homme après la chute; l'homme ignorant et innocent, l'homme enveloppé par son péché de la plus terrible des lumières; la vertu naissant avec le péché; la lutte succédant à la paix; la tranquille possession du royaume faisant place à ce nouvel ordre où la possession, selon la parole évangélique, n'est promise qu'à la violence, à la violence des soupirs, des prières et des sacrifices; enfin la bénigne chaleur de la miséricorde fécondant au sein de notre nature la semence amère du repentir, et l'homme, humble conquérant de son héritage, d'un meilleur Éden que celui qu'il a perdu; le tableau sommaire de l'humanité, de la société, telles que le péché les a faites, et telles que la vérité les remue et les modifie: voilà les vérités que développe et qu'anime, profond tour à tour, sublime et délicat, mais vrai et sérieux toujours, le biblique génie de notre grand poète. Toute l'humanité revit et se rend compte d'elle-même dans les entretiens du couple malheureux et béni; en frémissant de leurs dangers, en s'effrayant de leur chute, en s'associant à leur indicible désespoir, on oublie et on se rappelle tour à tour que c'est sur soi-même que l'on s'épouvante et s'attendrit; et même, s'oubliât-on entièrement dans l'intérêt qu'inspirent ces deux êtres en qui nous sommes renfermés, on fait involontairement, de la pensée et du coeur, tout le chemin qu'on leur a vu faire; leur repentir, leur espérance, leur consolation deviennent les nôtres; et c'est les yeux humides et tournés vers le même asile invoqué par eux, qu'on lit cette touchante conclusion, dont on voudrait faire sa propre histoire:
«Que pouvons-nous faire de mieux que de retourner au lieu où il nous a jugés, de tomber prosternés révérencieusement devant lui, là de confesser humblement nos fautes, d'implorer notre pardon, baignant la terre de larmes, remplissant l'air de nos soupirs poussés par des coeurs contrits en signe d'une douleur sincère et d'une humiliation profonde[493]?»
Si l'espace, dont j'ai été prodigue, me permettait d'autres détails, je relèverais encore comme une partie essentielle du système religieux exposé par le poète, les grands traits dont il a dessiné la vie humaine et ses principales relations, telle que Dieu la veut et l'a fondée. Il ne serait pas inutile d'opposer cette pure image à toutes les idées dont le scepticisme moderne a défiguré, et, si j'osais le dire, barbouillé la face de la vie humaine. La parole, la famille, le travail, la loi, ces grandes bases de l'ordre social, cette constitution immuable de l'humanité, reparaissent ici dans leurs véritables conditions, dans la candeur de leur forme primitive. L'esprit se rafraîchit, l'âme se retrempe à l'aspect de ces vérités graves et douces, qu'on ne peut s'empêcher, dès la première vue, de reconnaître et de saluer. Le siècle, qui a compliqué les choses les plus simples et renié les instincts les plus puissants, a besoin de remonter vers Éden, et de retrouver dans les leçons du poète le vrai type de tant d'institutions altérées, de tant de rapports faussés, de tant de vérités obscurcies. Je ne veux indiquer qu'un seul trait, mais l'un des plus importants de ce plan premier et définitif de la vie humaine: c'est la position respective, les rapports et les obligations mutuelles de l'homme et de la femme: c'est surtout cet idéal de la femme si défiguré dans nos moeurs. La singulière combinaison d'idolâtrie et de mépris que nous appelons galanterie, pourra faire juger austère, sauvage même, la manière dont Milton a déterminé le rôle et les attributions de la femme: mais quiconque pourra dégager un moment son esprit des liens de l'habitude, reconnaîtra la vérité, c'est-à-dire l'intention divine, dans ce tableau tout à la fois sévère et enchanteur, et ne doutera pas que la famille ne doive être reconstituée à l'image de cette première société, dont Milton nous a fait voir, sous les berceaux d'Éden, la constitution primitive et la religieuse félicité.
Maintenant (et c'est par cette question que nous voulons terminer), quelle est l'impression finale que laisse dans l'âme la lecture du Paradis Perdu? Cette question obtiendra de deux classes différentes de lecteurs, deux réponses directement opposées. C'est un poème triste, sur un sujet sombre, diront les uns; et ils auront pour caution Despréaux qui n'a su voir dans le poème de Milton
Que le diable toujours hurlant contre les cieux[494],
quoique l'invocation à la lumière et l'hymne à l'amour conjugal ne ressemblent guère à des hurlements.
D'autres, et nous sommes du nombre, diront que les chants de Milton ont éveillé dans leur âme des chants d'espérance et l'ont enveloppée de lumière et d'azur. Cet effet ne tient pas, on peut bien le croire, à quelques parties riantes, à quelques recoins éclairés de cet immense tableau. Cette impression accidentelle, isolée, aurait été bientôt effacée par d'autres impressions; et même elle ne serait propre qu'à rehausser l'amère saveur du dénoûment, puisqu'enfin cette gloire et cette paix ne se montrent que pour disparaître et que le sujet total du poème est douloureux: ce paradis qu'on nous montre est un paradis perdu! Jours de repos et d'harmonie, jours de sainte beauté, de pieuse joie, concert de toutes les créatures et de toutes les forces en toute créature! vous n'appartenez plus à la terre, qui voit des épines croître sous une rosée de sang à la place des fleurs immortelles que cultivaient les regards de la complaisance divine! La joie que laisse dans l'âme la lecture de Milton coule d'une autre source et porte un autre caractère: cette joie est une consolation; et la vraie joie, sur cette terre de péché, fut-elle jamais autre chose?
Pour qui ne sent pas ou qui ne s'avoue pas le besoin d'être consolé, Milton est triste sans doute. Il est tout éclatant de joie, pour qui porte dans son âme un besoin si juste, si vrai, et, j'ajoute, si noble.
Malheureux qui ne l'a jamais éprouvé! Malheureux qui se croit heureux! qui sans s'en apercevoir ni s'en désoler, vit loin du seul principe de la véritable vie! qui consent à une vie sans signification et sans but! qui ne lui donne d'autre sens qu'elle-même! qui vit pour vivre et non pour mourir!
Je ne vous parle pas des accidents de la vie, de ces étreintes de la douleur qui tôt ou tard arrête au passage toute destinée et la presse cruellement dans ses bras de fer. Contre cette puissance du malheur il n'y a force, ni tempérament stoïque, ni armure de doctrine qui ne se sente faible, et qui tôt ou tard ne demande quartier; toute force a sa limite, laquelle dépassée, la chute est d'autant plus dure qu'elle a été plus retardée, et l'abattement d'autant plus grave qu'il était moins prévu. Il n'a été donné à personne de s'appuyer éternellement sur soi seul, et le désespoir est le dernier asile des forts.
Je parle du malheur qui a engendré tous les autres, et qui, à peine sont-ils nés, les arme chacun, contre l'âme humaine, de leurs pointes les plus cruelles. Je parle du péché!
Reconnu ou non reconnu, il existe, ce malheur et, sous mille formes, il sévit contre la famille humaine. Plaie ouverte et vive des individus et des peuples, poison des institutions et des arts, lèpre de la terre, héritage des siècles, maladie dans la société, infortune dans le bonheur, mort dans la vie, il obtient un dernier triomphe lorsqu'il parvient à nier ses fruits. C'est à quoi, par mille moyens, il tend sans cesse et ne réussit que trop. L'homme, qui dans le détail se plaint si volontiers et se fait de ses larmes une coupe d'enivrement, l'homme se roidit contre la pensée d'un malheur radical, dont il porte en lui le principe et non le remède, dont il est à la fois l'auteur et la victime. Il ne veut pas être tombé; il se croit debout; il s'en réjouit. Ainsi pensant, quel plaisir trouverait-il en un livre qui, voulant le consoler de sa chute, a dû tout premièrement le supposer vaincu ou tombé?
Pour des lecteurs ainsi disposés, Milton est triste sans doute. Il offre la consolation à ceux qui veulent de la joie. Il ne sait, lui, point d'autre joie que celle de la délivrance, de la guérison, du salut, et tout cela implique l'esclavage, la maladie et la mort. Ces tristes images, offertes en face, leur obscurcissent, leur voilent toutes les autres; et il semblerait que Milton qui n'a pris sa lyre que pour bénir, n'en ait tiré pour eux que des anathèmes.
Mais celui qui a bien voulu reconnaître de quoi l'homme est fait, de quoi la vie se compose, celui-là n'a garde d'en juger ainsi, et le chef-d'oeuvre de l'auguste aveugle l'affecte tout différemment. Celui qui trouve, dans le Paradis Perdu comme dans la Bible, un but donné à sa vie, une lumière versée dans ses ténèbres et dans les ténèbres du genre humain, celui qui, s'estimant déchu, se sent glorieusement relevé, celui-là ressent à la lecture du Paradis Perdu une joie grave et sainte, mais délicieuse, car le paradis perdu est pour lui le paradis retrouvé.
On parle des teintes sombres que le puritanisme, c'est-à-dire l'orthodoxie chrétienne de Milton, a répandues sur son poème. Veut-on dire par là que la poésie et la littérature mondaines soient naturellement plus gaies que la poésie et la littérature chrétiennes? Entend-on que le monde respire la joie, et l'Évangile la tristesse? Chrétien et triste, mondain et joyeux, sont-ils des synonymes? Car la critique que j'ai rapportée renferme bien tout cela. Quant à moi, je déclare que, depuis que je suis en état d'observer, rien ne m'a autant frappé dans la société que la distribution de la joie et de la tristesse. J'ai vu, en général, l'abattement, les idées noires, l'humeur morose, la misanthropie, du côté où l'Évangile n'est pas; c'est à l'autre bord que j'ai trouvé la sérénité, le contentement et la paix[495]. Mais sur quel bord s'amuse-t-on davantage? Ah! posons bien la question: où s'applique-t-on mieux à conjurer l'ennui, à organiser des ligues contre la tristesse, à étourdir la douleur, à sortir l'âme d'elle-même? J'en conviens: c'est dans le monde. Mais s'il était un monde où l'on n'eût pas besoin de tout cela, un monde où le bonheur fût tellement indigène et natif que tout ce que l'on invente ailleurs pour l'appeler ne fût propre, là, qu'à le bannir et à le détruire, un monde où ces amusements auraient pour effet de distraire l'âme, non de ses chagrins, mais de son bonheur: dans lequel de ces deux mondes, je vous prie, serait la joie, et dans lequel la tristesse? Le monde où l'on s'amuse le plus est nécessairement le plus triste; et puisque la littérature n'est que le monde écrit, la littérature chrétienne doit être moins triste que l'autre; et c'est, quoi qu'on en pense d'après un vers mal compris de Boileau, c'est à la première à égayer la seconde[496]. Or, quel est le caractère de cette seconde littérature? Elle en a deux, dira-t-on: elle est tour à tour sérieuse et plaisante. Je dis que, la plupart du temps, un caractère commun de tristesse enveloppe et confond ces deux caractères. Que la littérature sérieuse tourne facilement à la tristesse, c'est ce dont le monde conviendra sans peine, lui qui ne voit dans le sérieux qu'un synonyme adouci de la tristesse, et comme un crépuscule de cette nuit morale. Pénible et important aveu! puisque le sérieux consiste à voir les choses comme elles sont et à les apprécier selon leur nature intime. Le chrétien, qui ne le définit point autrement, n'a garde d'en faire le synonyme de la tristesse; parce que lui, et lui seul, ne trouve en définitive que des sujets de joie à voir les choses telles qu'elles sont; mais l'homme du monde, qui ne peut qu'y perdre sa gaieté et sa paix précaire (trêve prolongée à tout prix mais non trêve de Dieu!), l'homme du monde répugne au sérieux dans ses conversations et dans ses lectures; il vous avertit charitablement d'éviter les pensées trop sérieuses, trop noires; ou bien transportant le mot, pour ne le pas perdre, il l'applique exclusivement aux calculs de l'intérêt ou aux travaux de la science; et, sur ce nouveau terrain, il en fait cas et le recommande.
Mais il y a, dit-on, une littérature gaie. Gaie! est-ce de cette gaieté qui naît sans effort d'un coeur content, et qui est comme le timbre naturel d'une existence harmonieuse! de cette gaieté qui n'étourdit, ne trouble, ni n'égare? Ah! répandez-la autour de vous, cette bonne gaieté, et m'en donnez ma part! Mais si elle n'est que l'écho bizarre de nos discordances intérieures, si elle n'a d'aliment, d'occasion que nos travers, si elle a pour principe caché la haine et le mépris, convenez-en, quoique le coeur le plus honnête et l'âme la plus heureuse s'y puissent laisser surprendre, quoique le mal ait une face ridicule à l'aspect de laquelle un rire passager est naturel et même innocent; convenez-en, cette gaieté n'est pas fort gaie à son principe, et j'en appelle à ceux qui, comme moi, ne se sentent jamais plus tristes qu'au sortir d'un de ces livres qu'on appelle gais par excellence. Qui donc, après avoir lu Candide, et avoir ri (car on peut très bien ne point lire Candide, mais non pas l'avoir lu sans rire), s'est senti plus content de soi et des autres, plus serein, plus bienveillant? Les auteurs qui nous font le plus rire, ont ri moins que nous; et les personnages de leurs fictions ne nous égayent souvent que de leurs terreurs, de leurs angoisses et de leurs colères.
Entre ces deux caractères de sérieux et de gaieté, c'est-à-dire bien souvent entre ces deux tristesses, il y a, dans la littérature des scènes, des tableaux, des fictions intermédiaires, qui rafraîchissent l'âme; mais, encore une fois, si la littérature est l'expression de la société, comment serait-elle plus joyeuse que la société qui ne l'est pas, et dont toute l'activité, tout le développement, les espérances mêmes, sont marqués au coin du malaise et de l'anxiété? S'il y a des lectures d'un caractère différent, s'il y a une littérature à la fois sérieuse et sereine, animée et calme, c'est celle au milieu de laquelle brille le chef-d'oeuvre de Milton. Ce poème, fondé sur la pensée chrétienne que la joie ne peut naître pour l'homme que du sein des larmes, nous présente le bonheur aux seules conditions possibles; et s'il nous défie d'en obtenir d'autres, s'il se rattache et nous ramène à de terribles souvenirs, ces souvenirs rehaussent la joie chrétienne en la rendant plus grave; et quoi qu'il en soit, ces souvenirs sont des faits, des réalités, qui ne s'effaceront pas devant nos illusions, des faits dont la trace subsiste dans la vie et dans les consciences, dont les conséquences se retrouvent sans cesse, et qui opprimeront de leur poids les hommes du monde jusqu'à ce que la main qui a soulevé de dessus tant d'âmes ce terrible fardeau, s'abaisse aussi sur eux pour les en délivrer.
TROISIÈME ARTICLE[497]
Il y aurait de la présomption à demander pardon du retard de cet article, auquel peut-être personne, excepté nous, ne songeait plus. Contentons-nous donc de remplir un devoir qui sera d'autant plus méritoire qu'on nous en saura moins de gré. Cette satisfaction, du reste, ne sera pas la seule: il s'y joint le plaisir de traverser encore une fois, sur les pas de l'auteur des Martyrs, les magnificences du Paradis; quelques moments en la société de Milton et de M. de Chateaubriand sont doux à passer, quels que soient l'occasion de la rencontre et le sujet de l'entretien.
Ce sujet peut sembler aride. Le mot de traduction n'éveille pas des idées bien fraîches ni une attente bien vive. Qu'est-ce que l'examen d'une traduction sinon une critique toute de détails, l'oeuvre monotone du vanneur qui, en nettoyant son blé, s'environne de poussière? Mais le secret d'une bonne traduction suppose quelquefois des qualités si élevées de l'âme, des procédés si délicats de l'esprit, il y a, dans certains cas, si peu de différence entre traduire et produire, qu'un intérêt sérieux et vif peut s'attacher à la critique d'un ouvrage de ce genre.
La théorie de la traduction embrasse d'autres théories; il y a un génie de la traduction comme il y a un génie de la poésie, de la philosophie et de la science. La connaissance intime de deux langues à la fois et de leurs rapports n'est pas une chose si commune ni si subordonnée qu'on le pense; soumettre l'une à tout ce que l'autre a créé dans son indépendance, et donner à cette servitude toutes les grâces de la liberté, n'est pas le fait d'un esprit vulgaire, lorsque c'est le génie qu'il s'agit de traverser d'une rive à l'autre; enfin une pleine et intelligente fidélité est nécessairement au prix d'une foule de connaissances précises, avec lesquelles l'excellent traducteur serait, s'il le voulait, critique profond et bon historien. Peut-être le temps viendra où tout prétendant à la gloire littéraire fera ses premières armes dans le champ clos de la traduction, pour arracher à une lutte obstinée les secrets de sa propre langue, pour se guérir à l'avance d'une trompeuse facilité, pour voir son idiome natal, trop connu, et comme flétri par une longue familiarité, reverdir entre ses mains, et lui donner l'utile plaisir de l'étonnement.
Tout écrivain qui a débuté par cet exercice, lui a sûrement dû beaucoup, et la langue, de son côté, a de grandes obligations aux excellents traducteurs. Même la divergence et la contrariété des systèmes sur la traduction (et nul art n'a enfanté autant de systèmes) a profité à la littérature, soit par leur discussion, soit par leur application. Déjà l'on peut croire qu'une question n'est pas superficielle et pauvre de substance, qui occupe et qui divise beaucoup d'esprits éminents. Traduire ne saurait être une chose petite si elle tient de fort près à de grandes choses et si elle intéresse de grands esprits. Et qui ne sentirait pour cette oeuvre un respect indépendant de toute réflexion, lorsqu'il voit l'auteur du Génie du Christianisme en occuper ses années les plus mûres et en honorer son talent!
M. de Chateaubriand a aussi son système sur la traduction; système dont l'idée première et générale se recommande au premier abord. Ce système est celui de la littéralité. En jugeant la littéralité sur son but, nous la trouvons fidèle au voeu de la nature, qui a marqué tous les êtres du sceau de l'individualité, et en a fait la condition de toute grâce et de toute puissance. Le respect pour l'individualité est devenu, jusqu'à l'excès même, la religion de l'art, à la même époque (chose bien singulière!) où l'individualité se voit proscrite par la politique et par la philosophie. Comme tous les caractères d'une même époque tendent à s'assortir les uns avec les autres, et que tout ce qui vit ensemble aspire à former un tout, il y a sans doute une secrète harmonie entre ces deux faits, et l'historien de notre époque sera tenu d'en rendre raison. Bornons-nous à constater l'un de ces faits, qui est flagrant sur la scène, dans l'histoire, et, plus qu'ailleurs, dans la traduction. L'ancienne manière de traduire semblait avoir en vue d'effacer partout l'individualité, de ramener tous les êtres du même genre à la simple communauté de leur genre, et de les réduire comme on fait des fractions en arithmétique, à un même dénominateur. Ainsi se dépeuplait, s'appauvrissait ce monde si varié; ainsi s'aplanissait le terrain si richement accidenté de la nature humaine. Nous l'entendons aujourd'hui bien autrement; mais si le but est légitime, et nettement aperçu, on erre quelquefois sur les moyens.
Pour nous en tenir à la traduction, la littéralité, c'est-à-dire le respect de la lettre, a pour base une simple méprise. La lettre de l'écrivain original n'a pas nécessairement ou plutôt n'a jamais sa pareille dans la lettre dont le traducteur dispose. Sans doute on ne peut qu'admirer, en général, l'étonnante correspondance qui règne entre les langues les plus diverses, quant à la dissection des idées, et même quant aux moyens de les désigner. L'unité de l'esprit humain a bien de quoi nous frapper, quand nous le voyons, d'une langue à l'autre, partager le champ de la pensée en compartiments égaux et correspondants, et surtout, inventer partout, pour l'expression des idées morales et intellectuelles, des métaphores analogues. On n'a peut-être ni assez remarqué, ni assez étudié ce fait; mais on l'a bien reconnu; on se l'est même tacitement exagéré, lorsqu'on a cru pouvoir traduire la lettre d'un écrivain. Quelle que soit l'analogie mutuelle de tous les langages dans leur système de décomposition de la pensée, aucune langue pourtant, superposée à une autre, n'y coïncide parfaitement; les compartiments ne recouvrent pas toujours, d'un idiome à l'autre, exactement la même étendue; tel mot en déborde un autre, tel autre est débordé; et même les faits métaphysiques et moraux n'ont pas toujours en deux langues rencontré des images correspondantes; enfin, dans les langues parentes et voisines, un mot matériellement identique, prend, d'un côté à l'autre du détroit ou du fleuve, deux valeurs assez différentes pour pouvoir, dans certains cas, influer fortement sur le sens, et pourtant trop peu différentes pour qu'on ne soit pas induit bien souvent par cette ressemblance décevante à rendre le mot par son pareil. Tous ces faits réclament contre le système de la traduction littérale, et la condamnent d'avance à être de toutes les traductions la plus infidèle.
Je parle du littéralisme absolu; car il y a, entre deux langues, à quelque distance qu'on les aille prendre, une masse de rapports suffisante pour nous autoriser, nous obliger même, à essayer d'abord de la littéralité; toutes les fois qu'elle est possible, elle est nécessaire; mais à quelle condition est-elle possible, si ce n'est à la condition de rendre, avec la pensée de l'écrivain, l'écrivain lui-même, je veux dire son intention, son âme, ce qu'il a mis de soi dans sa parole, et ensuite de satisfaire par la pureté du langage, sinon les méticuleux puristes, du moins les hommes d'une oreille exercée et d'un goût délicat? C'est dans ce sens que j'explique cette phrase de M. de Chateaubriand: «Une traduction interlinéaire serait la perfection du genre, si on lui pouvait ôter ce qu'elle a de sauvage[498],» c'est-à-dire qu'elle serait la meilleure si elle était possible. Elle ne l'est donc pas? pourquoi, sinon à cause de son excessive littéralité? La même impossibilité s'étend à toutes les traductions qui, sans être interlinéaires, présentent plus ou moins le même caractère. À ce titre la nouvelle traduction de Milton est aussi une traduction impossible; le système avoué par M. de Chateaubriand autoriserait tout seul et d'avance cette opinion; mais la preuve en ressort d'une foule de passages de ce remarquable travail.
Avant d'administrer cette preuve, je crois devoir déclarer que je préfère ce système, tout impossible qu'il est, à celui que nous avons vu en faveur il y a peu d'années encore, système de corrections et d'amendements, de suppressions même, en un mot d'aplanissement de tout ce qui, soit en bien soit en mal, faisait saillie chez l'écrivain, bien réellement alors trahi par son traducteur, selon l'expressif proverbe des Italiens. Il n'y a pas encore dix-sept ans que les éditeurs savants d'une Jérusalem délivrée en vers français professaient qu'un traducteur ne doit être fidèle qu'aux beautés de son original, et louaient leur patron d'avoir fait disparaître des strophes entières du Tasse, et réduit à un sommaire succinct le long discours de l'un des héros du poème[499]. Nous voulons, nous, que la traduction soit fidèle aux défauts mêmes de son original, quand ces défauts font partie de son caractère; qu'elle soit bizarre où il est bizarre, et qu'elle ne se pique pas d'être claire où lui-même a voulu être obscur. Si le traducteur sent le besoin d'inventer, qu'il invente à son aise et franchement, qu'il soit poète et non traducteur; comme traducteur, son sujet, son idéal, sa vérité c'est l'écrivain même qu'il reproduit; il travaille sur ce fonds comme son modèle a travaillé sur la nature; il s'enferme dans les limites de ce génie individuel; il ne voit rien au delà; son mérite n'est pas de paraître à travers son modèle, mais de s'absorber en lui. Lorsque Milton appelle Adam, «le meilleur des hommes qui furent ses fils,» Ève, «la plus belle des femmes qui naquirent ses filles[500],» il dit deux fois une singulière chose, qu'il serait bien aisé de corriger, et qui n'a d'ailleurs aucune importance, mauvaise ni bonne; répétez-la néanmoins après lui; quoique chaque locution irrégulière ne soit pas une partie de Milton, toutes ensemble, ou par leur caractère, ou par leur fréquence, appartiennent au portrait de son génie: et vous demande-t-on autre chose qu'un portrait?
Mais M. de Chateaubriand est allé plus loin. Il faut le dire: il a remis en question toute la langue française, cette langue à laquelle il devait se sentir lié par tant d'obligations mutuelles; il l'a livrée à Milton; il lui en a fait, pour ainsi dire, les honneurs avec une liberté sans exemple. Certes, on pouvait lui ouvrir sur cette langue un crédit assez étendu, et même lui savoir gré de quelques néologismes, et de quelques tours inusités: il y en a de très heureux dans sa traduction, et la pédanterie seule s'en pourrait scandaliser; mais on dirait qu'il a voulu être anglais dans la traduction d'un ouvrage anglais; et toutefois ce n'était pas la langue de Milton, c'était Milton moins sa langue qu'on lui demandait. Cette critique n'a garde d'envelopper les tours insolites que Milton a recherchés à bon escient parce qu'ils étaient insolites; qu'il ait eu tort ou raison de les créer, son interprète a eu raison de les reproduire; je ne parle que des façons de parler que la langue anglaise imposait à Milton, et qu'elle n'imposait point à son traducteur; je parle surtout de celles qui n'apportent dans notre langue aucune grâce nouvelle. C'est faire tort à la fois aux deux idiomes: car les mêmes tours, naturels et coulants en anglais, deviennent en français des contorsions pénibles du style, qu'on met sur le compte du poète original sans en décharger celui de son interprète. Je ne saurais voir, je l'avoue, aucune grâce, aucune énergie particulière, par conséquent aucune nécessité, dans des phrases comme celles-ci: «Leurs menaçants bras» (I, 431); «il leur en dit la cause suggérée» (I, 383); «dans leur mauvaise demeure préparée» (I, 469); «de régner il est le plus digne» (I, 481); «une compagnie je ne t'ai pas destinée» (II, 105); «mes yeux il ferma» (II, 105); «une action hardie tu as tentée» (II, 209). Je n'ai pu même me laisser gagner à la satisfaction que paraît trouver M. de Chateaubriand à avoir rendu la forme (la forme, mais non l'effet) de l'inversion par laquelle débute Milton: «La première désobéissance de l'homme… chante, Muse céleste!» (I, 7.) Cette transposition du régime direct est une des formes dont le génie de notre langue s'éloigne avec le plus de répugnance! et de telles répugnances sont des raisons contre lesquelles il n'y a point de raison. Clarté, euphonie, noblesse ou énergie du tour dans un cas donné, rien ne prévaut contre cette antipathie.
S'il y a, du reste, une superstition qui se conçoive de la part de M. de Chateaubriand, c'est la superstition de la fidélité; d'ailleurs de pareilles locutions, si elles offensent la langue, ne nuisent pas au sens; et cette barbarie de diction (je parle en grammairien) a du moins le mérite, en nous isolant de notre langue, de nous isoler de tout ce qu'elle nous représente, de tout ce monde dont elle est l'expression. Mais ce qu'on a peine à concevoir, c'est que presque partout où le normand perce à travers le saxon dans l'idiome de Milton, partout où un mot français se présente, le traducteur, comme ravi de cette rencontre, et comme si elle suspendait ses fonctions de traducteur, s'empare de ce mot, et le reproduise identiquement dans sa version, alors même que ce mot, jadis français, n'est plus reconnu par notre langue actuelle, et, ce qui est plus fâcheux et plus fréquent, alors même qu'il n'a point conservé en Angleterre la même nuance de signification que parmi nous. C'est ainsi que vain attempt (I, 8) devient une vaine attente; Adam, au lieu d'être pâle, devient blanc parce qu'en anglais il est blank (II, 205); acts of zeal recorded (I, 372) est traduit par des actes de zèle recordés; quoique le traducteur sût fort bien, même sans en être averti par le nexe, que recorded signifie enregistrés, chose bien différente du fait tout intérieur que désigne en français le mot recorder. Unopposed (I, 415) rendu par inopposé, transporte au sujet une épithète qui ne convient qu'à l'objet. Apt (II, 80) ne peut sans impropriété se traduire par apte devant les mots à s'égarer. On ne peut croire que Milton, en faisant summon (II, 94) les poissons de la mer, ait eu l'idée qui s'exprime en français par semoncer. Lorsqu'il a dit event perverse (II, 162), a-t-il eu, a-t-il communiqué à ses lecteurs anglais, l'idée (si c'est une idée) que présentent les mots événements pervers? Est-ce bien à Milton qu'il faut imputer d'avoir appelé Ève impératrice de ce monde beau? et ne l'eût-il pas nommée, s'il eût écrit en français, souveraine de ce bel univers (Empress of this fair world) (II, 176)? M. de Chateaubriand transporte franchement dans notre langue, qui en sera étonnée, le mot co-partner, fourni par son original (II, 198); ce n'est plus traduire, c'est transcrire. Dirai-je que, par simple égard à la ressemblance des sons, compeers (I, 315), dans la traduction nouvelle, est traduit par compères? Je doute cependant que les deux mots aient la même couleur dans les deux langues.
La littéralité affecte la traduction d'une manière bien plus profonde et plus générale. Elle ne tient compte, elle ne rend compte que d'un des éléments de la diction, et lui sacrifie tous les autres. Or, la phrase ne se compose pas seulement de mots rangés dans un certain ordre; elle enferme d'autres éléments plus subtils, plus intimes, non distribués par blocs, mais répandus dans la substance du discours comme les sucs dans la plante, comme le sang dans le corps humain. Le son des mots, le mouvement de la phrase, le caractère de l'expression sont des choses qui dépendent de l'idiome, et dont l'effet pourtant doit, autant que possible, se retrouver dans la traduction. Cet effet même est souvent plus essentiel que l'idée proprement dite; ou plutôt l'idée, l'intention de l'écrivain ne se trouve entière que dans ces accessoires. Combien de vers que la nuance de l'expression, l'harmonie et le mouvement de la phrase, ont fait vivre dans toutes les mémoires! vers d'inspiration et de génie, échos vivants de la nature, et dont nous ne pouvons concevoir, à en juger par une traduction littérale, ni le charme natif ni la célébrité! En poésie, le simple son est une idée, souvent toute l'idée du poète; et ces idées vivent et se perpétuent comme vit dans le souvenir des peuples une touchante mélodie sans accompagnement de mots et de notions distinctes. Ou nous devons renoncer à traduire de semblables vers, puisque des idées ne sauraient traduire des sons, ou bien il faut recourir à un autre système de traduction que le littéralisme. À vrai dire, je penche pour la première opinion; car enfin ces vers sont de la musique, et la musique ne se traduit pas.
Mais en beaucoup de cas, ce qui, dans une phrase ou dans un vers, va au delà des mots et de leur syntaxe, est autre chose et bien mieux que de la musique; ce sont des idées, c'est l'âme de l'écrivain, c'est sa vie; faire le sacrifice de tout cela, c'est le sacrifier lui-même; or, comment espérer que deux langues correspondront si merveilleusement l'une à l'autre, qu'une version littérale transportera dans l'une tous les effets, toutes les vertus de l'autre? Une telle rencontre serait un prodige. Jusqu'à un certain point, cette rencontre a lieu. Un instinct mystérieux a appris au peuple, dans toutes les langues, à revêtir d'un caractère imitatif les noms des objets qui parlent à l'imagination; et ceux dont elle est semblablement frappée par tout pays ont en général des désignations semblables. Le génie de l'onomatopée fait correspondre sur certains points tous les idiomes. Chaque langue aussi se prête à certains tours qu'on peut appeler onomatopées de syntaxe; un même instinct conduit à de mêmes effets. Dans ces cas, la traduction littérale satisfaisant à tout doit être préférée à toute autre. Mais combien de fois la rencontre n'a pas lieu!
M. de Chateaubriand paraît croire, au contraire, que la fidélité verbale est le moyen et le gage de toutes les autres, et qu'avec la phrase grammaticale on détache nécessairement du sol la phrase oratoire ou poétique. Nous aurions besoin de le voir pour le croire. L'illustre écrivain s'offre à nous fournir ce genre de preuve… «En citant (dans l'Essai) quelques passages du Paradis Perdu, je me suis légèrement éloigné du texte: eh bien! qu'on lise les mêmes passages dans la traduction littérale du poème, et l'on verra, ce me semble, qu'ils sont beaucoup mieux rendus, même pour l'harmonie[501].» Mais nous osons croire qu'il est dans l'illusion, et qu'il applique à l'ensemble de son travail ce qui est vrai de certains morceaux où la sublimité de la pensée jointe à l'extrême simplicité de l'expression assurait à une version littérale tous les avantages dont la traduction est susceptible. Il y a, en effet, chez les poètes de premier ordre, et particulièrement chez Milton, des passages où la poésie est tellement dans la pensée, dans les choses, que l'expression ne compte pour rien dans l'effet poétique, et que le mot, après avoir apporté l'idée, se retire humblement de la scène. Là, on ne regrette ni la langue de l'original, fût-elle de beaucoup supérieure à celle du traducteur, ni ses vers, si le traducteur a écrit en prose; un sens net est tout ce que l'on demande; de même que la clarté, selon Vauvenargues, orne les pensées profondes, la simplicité orne les pensées sublimes. Mais ces endroits, en tout poème, sont rares; et presque partout l'expression a plus d'importance, et contribue au dessein du poète dans une proportion plus forte et d'une manière plus intime. Alors, sans doute, il faut la reproduire, je dis l'expression non les mots, et cette nécessité est incompatible avec le système littéral. S'il n'en était pas ainsi, pourquoi y aurait-il, dans la traduction de M. de Chateaubriand, tant de phrases où l'oreille cherche en vain un lieu de repos, une coupe naturelle, une forme déterminée, toutes choses qui ne paraissent pas avoir manqué à Milton dans les passages correspondants? pourquoi si souvent les tons semblent-ils heurtés, les éléments de la phrase incohérents et disloqués, la phrase entière laborieusement assemblée? Je ne réclame point cette facilité molle, ce coulant de diction, cette rondeur de contours dont on a tant abusé; une dureté énergique vaut mieux; il faut rompre les habitudes classiques de notre oreille, la déconcerter quelquefois; et je ne méconnais point que la prose du traducteur présente souvent, sous cette forme abrupte, des fiertés de style du plus grand effet.
Je n'ai parlé jusqu'ici que des inconvénients directs de la littéralité. Ses inconvénients indirects sont bien plus considérables. J'entends par là ceux qui résultent de la disposition d'esprit où ce système place nécessairement le traducteur. Quel système que celui qui, réduisant l'art d'écrire à sa partie en quelque sorte mécanique, vous isole de votre talent, et vous oblige à transporter d'une langue à l'autre le génie d'autrui comme une lettre close! Il y a des messages qu'on ne rend bien, des missions qu'on ne saurait accomplir à moins d'en avoir le secret, d'en posséder l'esprit; or ce secret, cet esprit, quelque capable qu'on soit de le pénétrer, on finit, dans le système du littéralisme, par ne les plus voir; la seule fatigue qu'on éprouve nécessairement à remuer cette glèbe des mots, convertit en mécanisme involontaire une oeuvre qui devrait être tout intellectuelle; on cesse de vivre avec son modèle; aux endroits les plus sublimes, on cesse de le sentir; aux endroits les plus clairs, on ne le comprend plus; les mots eux-mêmes, qui si souvent trouvent leur explication dans le contexte, refusent de donner leur vrai sens; et cessant d'être averti par cette intuition vive du sujet qui ranime incessamment l'attention, on prête à l'écrivain des intentions qu'il n'eut jamais et jusqu'à des contre-sens. Le traducteur libéral associé par la sympathie à son original, uni tout à la fois à sa pensée et aux signes de sa pensée, ressemble à cet officier suédois qui, chargé d'un ordre pour un corps d'armée, et remarquant en chemin une nouvelle disposition de l'ennemi, prit sur lui de changer l'ordre dont il était porteur, et, au lieu d'une défaite qu'il eût commandée à ses compagnons, leur apporta la victoire. L'interprète littéral n'aperçoit aucun mouvement chez l'ennemi, s'en tient à son ordre, et tombe dans les contre-sens, qui sont les défaites d'un traducteur.
Si nous disions que M. de Chateaubriand s'est réduit dans la traduction à l'office de manoeuvre, et que d'architecte il est devenu maçon, personne ne voudrait nous croire; et aussi n'aurions-nous point dit vrai. Mais si la vivacité, la fraîcheur de son génie l'ont préservé en général de cette servitude, si dans l'ensemble de son travail on sent un commerce de coeur à coeur entre Milton et lui, cette même vie qui le distingue si éminemment lui a rendu plus pénible, plus oppressive qu'à tout autre, l'obligation qu'il s'était imposée.
Servi siam, si, ma servi ognor frementi[5021].
Tantôt de ses bras garrottés, il atteint et enserre Milton, et se ranime dans cet embrassement; mais tantôt aussi, las et rebuté, on voit que sa pensée l'emporte loin de son oeuvre; et qui sait vers quelles hauteurs, vers quelles créations s'égarait ce brillant esprit, tandis que sa plume repassait machinalement sur les traces de Milton, comme une charrue dans les sillons d'une autre charrue! Nous voudrions, quand paraîtra quelque nouvel Abencerage, quelque autre Velléda, savoir la date précise de ces fictions et des images dont elles seront décorées; il serait piquant de les voir, comme des fleurs d'entre des ronces, éclore d'entre deux lignes de la traduction de Milton, et peut-être nous montrer leur berceau dans un passage fautif, dans une erreur d'interprétation, dans un nuage étendu par le traducteur sur la clarté de son modèle.
Il est impossible de s'expliquer autrement que par la fatigue des inexactitudes tellement sensibles qu'il ne faut que peu de connaissances pour les apercevoir et point de talent pour les éviter. C'est par pure distraction que M. de Chateaubriand a pu traduire par le meilleur le mot goodliest qui signifie le plus beau, et qui, dans l'endroit en question (I, 254), ne peut même pas signifier autre chose. Il savait bien aussi que, dans thy gay legions (I, 310), gay signifie brillantes plutôt qu'élégantes. Il n'a pu voir aucune raison de traduire stood at my head a dream par cette phrase bizarre: à ma tête se tint un songe (II, 89), aussi inintelligible en français qu'elle se dit couramment en anglais, et dont l'image pouvait si bien trouver dans notre langue son équivalent. On lit, tome II, page 99: quel vrai délice peut s'assortir? ce qui n'a pas de sens; qu'est-ce en effet qu'un délice qui s'assortit? C'est qu'il y a ellipse en anglais; quelle société peut s'assortir, quel vrai délice (peut-il y avoir)? From her seat (II, 196), signifie de dessus ses fondements, et non sur ses fondements; le mot et l'idée le veulent également. Arracher, donné en traduction de pluck (I, 349), est également repoussé par le dictionnaire et par le sens. Ces mots remarquables: the hot hell that always in him burns, though in mid heaven (II, 166) sont traduits: l'enfer qui brûle toujours en lui quoique dans un demi-ciel, l'usage de la langue et le besoin de l'idée réclament au lieu de demi-ciel le milieu du ciel; mots qui trouvent un beau commentaire dans ce passage du livre II:
«Quoi! glorifier son trône en murmurant des hymnes, chanter à sa divinité des alléluïa forcés!… Telle sera notre tâche dans le ciel, telles seront nos délices! Oh! combien ennuyeuse une éternité ainsi consumée en adorations offertes à celui qu'on hait[503].»
Pour nous résumer (et sans doute il en est temps), le système de fidélité verbale est bon et vrai sauf l'excès. Tout les faits bien examinés, il est rationnel de partir des mots et de la phrase de l'original comme de l'hypothèse la plus vraisemblable; ainsi procède celui qui cherche à se rendre compte des phénomènes naturels; et il en est d'une hypothèse qui explique toutes les parties d'un fait, comme d'une forme qui conserve toutes les parties de la pensée et toutes les intentions de l'écrivain; cette hypothèse et cette forme se vérifient à cette épreuve. Il y a seulement lieu de regretter que le traducteur de Milton ait exagéré un principe vrai; mais on se tromperait si l'on prêtait d'avance à l'ensemble de son ouvrage la physionomie un peu étrange et l'attitude un peu roide des passages que nous avons cités. Si plusieurs fois dans chaque page la diction étonne, effraye même par son âpreté, si quelques passages sont pénibles à lire, si le rythme est trop souvent négligé et l'euphonie trop souvent bravée, l'impression générale qui reste de cette lecture absout le traducteur, je ne dis pas son système. Car, de fait, les beautés, la vie de ce Milton français, je les impute à M. de Chateaubriand plutôt qu'à sa méthode. C'est moins peut-être pour l'avoir suivie que pour l'avoir abandonnée à propos, qu'il a entretenu dans sa prose la flamme de la poésie de Milton. Et du reste, qui pouvait mieux que lui arracher à cette méthode tout ce qu'elle ne donne qu'à regret, tout ce qu'à d'autres traducteurs elle aurait absolument refusé? Ce qui est sûr, quant à nous du moins, c'est qu'à travers ce langage hérissé de barbarismes volontaires, on a eu commerce avec le génie de Milton, on a éprouvé de fort près sa présence, on croit l'avoir vu, non à travers le voile d'une traduction, mais à travers le milieu d'un air diaphane et pur. Aucune traduction de ce poème ne nous avait donné une aussi vive conscience d'avoir lu Milton lui-même; aucune n'avait assuré à ce chef-d'oeuvre un aussi grand pouvoir sur notre imagination et sur notre coeur; dans aucune il ne nous avait paru si grand!
Mais quand la traduction de M. de Chateaubriand ne produirait point cet effet, dont, pour notre part, nous avons à coeur de rendre témoignage, et quand il aurait étouffé le feu de son poète, nous ne laisserions pas de célébrer, même dans son erreur, cette dévotion du génie au génie. Nous ne laisserions pas d'admirer cette religion du beau et du vrai qui tient par des fibres secrètes à la racine de toute religion. Nous aimerions à signaler dans le talent, qui est une royauté, cette abdication d'un nouveau genre, ce respect qui ne saurait se rassasier d'obéissance, et qui, dans une servitude générale, se crée encore, comme à plaisir, une seconde servitude. Tant de journées consumées dans le plus rude labeur, qui mérite et ne se promet pas la gloire, sont une leçon pour tant d'hommes qui écrivent et qui ne travaillent pas. On parle de l'enthousiasme de la jeunesse: mais où est, parmi nos jeunes gens, un tel enthousiasme, une telle abnégation? N'eût-il fait que leur en donner l'exemple, et dût cette nouvelle traduction de Milton passer comme tant d'autres (et certes elle restera), la littérature, la poésie, la religion auraient de grandes obligations à M. de Chateaubriand. C'est pour nous un besoin de les reconnaître; et une douceur de penser que nous exprimons la pensée de mille autres, qui se sont abreuvés en silence à la source que M. de Chateaubriand a rouverte pour eux, et le remercient en silence des nobles et saintes jouissances qu'ils doivent à son courageux travail.
III
Congrès de Vérone. Guerre d'Espagne. Négociations. Colonies espagnoles.
2 volumes in-8°.—1838[504].
Tout le monde ne s'attendait pas que l'auteur, quel qu'il fût, de la guerre de 1823, en viendrait réclamer l'honneur. C'était bien assez de l'absoudre, et peu de gens peut-être y étaient disposés. M. de Chateaubriand nous apprend aujourd'hui que cet événement lui appartient[505]; il s'en glorifie; il paraît compter sur l'approbation générale; mais loin de vouloir surprendre, comme on dit, la religion de ses juges, il les met en état, en leur communiquant sans réserve toutes les pièces du procès, de prononcer contre lui. Ce n'est peut-être pas un modèle d'humilité que cet ouvrage, mais c'est un modèle de loyauté. Sous ce rapport, nous ne devons à l'auteur que des éloges, et des remerciements pour l'exemple qu'il donne.
Quant aux éloges que l'auteur réclame ouvertement pour ce grand acte de sa vie politique[506], nous hésiterions davantage à les lui décerner, s'il pouvait nous appartenir d'énoncer une opinion et même d'en avoir une sur la question que ce livre vient de poser. De bon coeur, nous ferions cortège à Scipion montant au Capitole pour remercier les dieux; mais notre indécision nous retient en bas, heureux pourtant si nous voyons la foule accompagner Scipion. Après cet aveu, nous sommes au moins tenu de donner la raison de nos doutes. M. de Chateaubriand ne dit rien qui nous permette de croire qu'il ait, de 1822 à 1838, essentiellement changé de principes, ni varié dans ses jugements sur les hommes et sur les races. Je dis depuis 1822, je ne voudrais pas dater de plus loin; deux ans plus haut je rencontrerais ces fameux Mémoires sur le duc de Berry, entre lesquels et les opinions du nouveau livre, il y a, ce me semble, un intervalle immense. Mais si, de l'époque de ces Mémoires à celles du congrès de Vérone, les opinions de l'auteur étaient déjà devenues ce que nous les voyons aujourd'hui, si dès 1822, l'auteur eût pu écrire ces lignes, aussi admirables de pensée que d'expression:
«Durée de race, si salutaire aux peuples monarchiques, ne serait-elle pas redoutable aux rois? Le pouvoir permanent les enivre; ils perdent les notions de la terre; tout ce qui n'est pas à leurs autels, prières prosternées, humbles voeux, abaissements profonds, est impiété. Leur propre malheur ne leur apprend rien; l'adversité n'est qu'une plébéienne grossière qui leur manque de respect, et les catastrophes ne sont pour eux que des insolences. Ces hommes, par le laps du temps, deviennent des choses; ils ont cessé d'être des personnes; ils ne sont plus que des monuments, des pyramides, de fameux tombeaux[507].»
Je le répète, si M. de Chateaubriand pensait ainsi en 1822, comment a-t-il pu entreprendre la guerre d'Espagne? comment n'a-t-il pas vu que son succès armait infailliblement cette race incorrigible et cette cour aveuglée contre les libertés publiques, et que c'était la Révolution française, je dis dans ses résultats légitimes et consacrés, que c'était la Charte, en un mot, qu'il allait étouffer dans la Péninsule?
S'il était vrai, comme le lui écrivait M. de Villèle, «en opposition avec les déclamations soldées de quelques journaux, que cette guerre fût repoussée par l'opinion la plus saine et la plus générale[508],» ce fait même ne devenait-il pas une objection? et puisque cette désapprobation anticipée de la nation ne tenait pas à la défiance du succès, l'espoir du succès donnait-il l'espoir de réconcilier l'opinion, sans laquelle, après tout, on ne peut rien dans un État libre?
Il est d'ailleurs des succès dangereux et des victoires qui embarrassent. «C'est bien coupé, disait à Henri III sa mère Catherine; à présent il faut coudre.» Avait-on pourvu à cette couture si importante? en avait-on prévu l'énorme difficulté? S'il y avait en Espagne, pour l'établissement d'un ordre nouveau, des éléments convenables et disponibles, a-t-on su se les approprier? S'ils n'existaient pas, pourquoi entrer dans une carrière sans issue? Quel a été pour l'Espagne le résultat de la guerre d'Espagne? Tout le monde le sait maintenant, et vraiment il semble que tout le monde eût pu le prévoir, et surtout l'homme qui nous dit aujourd'hui: «En fait de prévision et de conception indépendante, personne ne peut nous en remontrer[509].»
Je sais qu'on oppose une fin de non-recevoir. On a été chassé du ministère au moment d'assurer les résultats de l'entreprise. Seul on eût pu achever ce qu'on avait seul conçu et entrepris. Mais ceux qui jugent que l'oeuvre était essentiellement vicieuse se donneront peu de peine, je crois, pour conjecturer les moyens que l'on comptait employer pour la rendre bonne.
L'éloquence de l'auteur est grande; mais les faits sont encore plus éloquents; et il est douteux qu'elle puisse arracher des esprits une conviction qui s'y est enracinée: c'est que, s'il est vrai que le mauvais succès de cette guerre eût immédiatement perdu ses auteurs, le bon succès de cette expédition ne devait pas, à la longue, leur être moins fatal. Les Bourbons devaient périr par la prospérité comme par l'adversité; car il y a des dispositions avec lesquelles tout nuit; ce ne sont pas les circonstances qui sauvent, mais la sagesse. Le Trocadéro a préparé la chute, Alger l'a consommée.
C'est ainsi qu'on pense aujourd'hui, et c'est ainsi qu'on pensait alors. Il se pourrait que M. de Chateaubriand, bien qu'il nous dise que les deux hommes qui sont en lui n'ont entre eux aucune communication[510], n'eût pas tellement surveillé le poète que celui-ci n'eût séduit l'homme d'État; et nous savons quelle est la séduction d'une telle poésie! Nous l'avons dit ailleurs: le poète est le vrai moi de M. de Chateaubriand[511]. Et si, dans un sens, il est très vrai que la communication qu'il nie n'existe pas en effet, c'est-à-dire si le style du poète n'a jamais passé dans les dépêches du ministre, si ces documents sont autant, quoique autrement, admirables que les productions littéraires de leur auteur, on comprend cependant qu'il y a une poésie de conception, d'espérance, de conduite, qui peut pénétrer dans les entreprises, et leur imprimer son caractère, sans l'accompagnement littéraire du rythme et des métaphores.
Il faudrait pourtant rendre grâces à la poésie si l'on devait à son intervention, même illégale, quelques-uns des caractères qui ont signalé cet acte mémorable de la vie publique de notre auteur. Mais ce n'est pas à elle, c'est à une source plus élevée, que nous devons rapporter et les intentions de M. de Chateaubriand en commençant la guerre, et ses nobles quoique inutiles efforts pour épargner à l'Espagne des réactions sanglantes et honteuses. Que n'a-t-il pu au moins épargner à la dynastie qu'il voulait sauver par la gloire, la honte de ces sales discussions qui suivirent la guerre d'Espagne, et mirent au jour tant de turpitudes cachées! À des pouvoirs que l'opinion repousse, la boue est plus fatale que le sang.
Le plaidoyer de l'illustre écrivain n'a donc pas porté dans notre esprit une pleine conviction; nous ne sommes pas sûr que le grand acte dont il se glorifie n'ait pas été une grande erreur. Mais nous nous ferions tort à nous-même en ne convenant pas que ce même livre, et notamment dans sa partie diplomatique, donne une haute idée de M. de Chateaubriand comme homme d'intelligence et même comme homme d'action. Était-il fait pour tenir, en des temps difficiles, le gouvernail d'un État? son génie eût-il suffi à quelqu'un de ces moments capitaux où le pilote, en pesant sur sa barre, imprime un nouveau cours à toutes les affaires humaines, et attache un avenir séculaire à la destinée d'une race ou d'une institution? Est-il, en un mot, un génie en politique, ou seulement un très grand esprit? Il est au moins, et bien certainement, un très grand esprit. Ce livre nous paraît plein de jugements vrais, de vues saines et grandes. Et rien n'empêcherait d'en tirer, si je puis dire ainsi, tous les éléments d'un grand ministre, si des jugements et des vues pouvaient jamais former, par leur réunion, cet empirisme sublime qui est le génie même, et qui ne semble pouvoir être ni composé ni décomposé. C'est dans les actes mêmes et dans leurs résultats que se constate le génie politique, génie si différent de celui de l'historien, que le plus grand homme d'État peut fort bien être historien médiocre, et le plus grand historien, politique malhabile. Ce n'est pas que M. de Chateaubriand n'ait raison de s'élever contre le préjugé qui tend à éloigner des affaires les hommes de pensée; la pensée ne rend pas impropre à l'action; toutefois le génie de l'action reste un génie à part.
En politique pas plus qu'en morale, le succès n'est le vrai juge des actions, ni la vraie mesure de notre valeur. Ce que les uns appellent fortune et les autres Providence, conserve son droit dans les affaires humaines, et, pour l'exercer à coup sûr, se tient hors de l'atteinte de toute prévision humaine, de celles mêmes du génie. Le génie n'est pas toujours heureux, et les faits, comme l'a dit ailleurs M. de Chateaubriand, les faits ont leur iniquité! Pourquoi le génie, qui est la vertu de l'intelligence, jouirait-il d'une immunité refusée à la vertu, qui est le génie de la conscience? Malheureusement l'iniquité des hommes est encore plus grande que celle des faits; ils révèrent des succès immérités, et presque toujours, à leurs yeux, les revers sont justes; il faut, pour être réputé génie, être heureux, et commencer par l'être. Qu'un homme, né ministre, arrive aux affaires en un moment fatal, et qu'il faille, par la force des circonstances, que son premier coup soit un va-tout, un revers l'arrête au début, le rejette dans l'inaction et dans l'ombre; et s'il compte, pour s'en tirer, sur la postérité, il faut qu'il soit né confiant!
* * * * *
Quoi qu'il en soit, ce livre est une belle oeuvre d'historien et de politique; mais quand elle ferait, sous ces deux rapports, moins d'honneur à M. de Chateaubriand, quel honneur ne fait-elle pas à son talent d'écrivain! Nous ne croyons pas que, dans aucun de ses ouvrages, il ait répandu plus de beautés, ni des beautés plus vraies et plus diverses. La verve et la perfection de la forme ne sont point ici aux dépens l'une de l'autre; toutes les deux sont à la fois portées au plus haut degré, et semblent dériver l'une de l'autre. Le style propre à M. de Chateaubriand ne nous a jamais paru plus accompli que dans cette dernière production; nous devrions dire les styles, car il y en a plusieurs, et dans chacun il est presque également parfait. L'homme d'État dans ses éloquentes dépêches, l'historien-poète dans ses vivants tableaux, le peintre des moeurs dans ses sarcasmes mordants et altiers, se disputent le prix et nous laissent indécis dans l'admiration. Dans le dernier genre pourtant, l'auteur, de loin à loin, glisse vers des tons moins purs. Ceci, par exemple, ne plaira pas à tout le monde:
«Le comte de Bernstorff était ministre des affaires étrangères à Berlin lorsque nous étions ministre plénipotentiaire de France auprès de cette cour. Sa femme, grande et belle, rappelait cette ambassadrice de Danemark auprès d'Anne d'Autriche… Le comte de Bernstorff, qui, au lieu de la Danoise, n'avait avec lui à Vérone que la goutte, voyait déjà la France rendue à son énergie militaire et songeait que cette France était frontière de la Prusse[512].»
La grande réputation de M. de Chateaubriand semble se rattacher à ses premières productions; on a l'air de croire que l'auteur d'Atala et des Martyrs n'a fait que se continuer. C'est une erreur. Son talent n'a cessé, depuis lors, d'être en voie de progrès; à l'âge de soixante-dix ans, il avance, il acquiert encore, autant pour le moins et aussi rapidement qu'à l'époque «de sa plus verte nouveauté.» Ce n'est plus cette imagination s'enivrant d'elle-même, se berçant dans ses propres créations, enchantée autant qu'enchanteresse, satisfaite de son travail pourvu qu'elle eût tiré de toutes choses, et même de la douleur, des images et des accords. Ce talent, à mesure que la pensée et la passion s'y sont fait leur part, a pris une constitution plus ferme; la vie et le travail l'ont affermi et complété; sans rien perdre de sa suavité et de sa magnificence, le style s'est entrelacé, comme la soie d'une riche tenture, à un canevas plus serré, et ses couleurs en ont paru tout ensemble plus vives et mieux fondues. Tout, jusqu'à la forme de la phrase, est devenu plus précis, moins flottant; le mouvement du discours a gagné en souplesse et en variété; une étude délicate de notre langue, qu'on désirait fléchir et jamais froisser, a fait trouver des tours heureux et nouveaux, qui sont savants et ne paraissent que libres. Le prisme a décomposé le rayon solaire sans l'obscurcir; et les couleurs qui en rejaillissent éclairent comme la lumière. Aucune de ces vertus et de ces grâces de style ne manque aux passages suivants:
«Sous la Restauration… la légitimité constitutionnelle ne paraissait à aucun esprit ému le dernier mot de la république ou de la monarchie. On sentait sous ses pieds remuer dans la terre des armées ou des révolutions qui venaient s'offrir pour des destinées extraordinaires. M. de Villèle était éclairé sur ce mouvement; il voyait croître les ailes qui, poussant à la nation, l'allaient rendre à son élément, à l'air, à l'espace, immense et légère qu'elle est. M. de Villèle voulait retenir cette nation sur le sol, l'attacher en bas; nous doutons qu'il en eût la force. Nous voulions, nous, occuper les Français à la gloire; essayer de les mener à la réalité par des songes: c'est ce qu'ils aiment[513].»
»Si la Légitimité a disparu glorieusement, la personne légitime s'est-elle retirée égale en gloire à la Légitimité? Tombé tout armé dans un fleuve après la bataille de Pescare, déjà recouvert par les flots, Sforze éleva deux fois son gantelet de fer au-dessus des vagues: est-ce le gantelet de Robert-le-Fort qui s'est montré à la surface de l'abîme, dans le naufrage de Rambouillet[514]?»
Du reste, rien de ce qui dota d'un charme si nouveau les premiers écrits de M. de Chateaubriand, rien de ce qui créa, à l'aurore de ce siècle, son individualité littéraire, ne s'est perdu à travers les phases diverses de son âme et de sa destinée. Il n'a pas cessé d'être en commerce avec la nature et la solitude; «il a mis, comme il le dit lui-même, sa main dans le siècle, son intelligence au désert[515];» parmi les bruits lointains d'une bataille gigantesque qui va décider du sort de l'Europe et de sa propre destinée, il a des oreilles pour le son d'une horloge de village et pour le gloussement d'une poule d'eau; sans disparate il mêle ces souvenirs au souvenir de Waterloo et de Napoléon; et s'agit-il de raconter son expulsion du ministère, il débute ainsi:
«Le 6 au matin, nous ne dormions pas; l'aube murmurait dans le petit jardin; les oiseaux gazouillaient: nous entendîmes l'aurore se lever; une hirondelle tomba par notre cheminée dans notre chambre; nous lui ouvrîmes la fenêtre: si nous avions pu nous envoler avec elle[516]!»
Ces alliances ne semblent permises qu'à M. de Chateaubriand; au fond, elles le sont à tout le monde; il est permis à tout le monde d'être soi-même, d'être vrai; elles sont charmantes sous sa plume, parce qu'elles existaient d'abord dans son âme, où se rencontrent et s'entrebaisent les goûts du solitaire et les préoccupations de l'homme social; supposez avec l'intention du même style une âme différente, et vous aurez une composition où les couleurs se heurtent au lieu de se fondre:
Chacun, pris dans son air, est agréable en soi; Ce n'est que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi[517].
À tout prendre pourtant, il y a du faire dans la manière de M. de Chateaubriand, comme il y en a dans toute la littérature actuelle. L'effet, et même le prestige, sont cherchés jusque dans les écrits les plus simples; cette recherche est avouée, et c'est la seule ingénuité qui nous reste. Il y avait, chez les écrivains du grand siècle, plus d'art que chez les nôtres, et moins d'artifice. Les plus grandes beautés de nos écrits sont plus ou moins des beautés faites; et puisque néanmoins, je les appelle beautés, j'entends bien que la nature y a sa part, et qu'il ne s'y trouve ni faux ni affectation. Mais enfin, et cela était inévitable, nous sommes dès longtemps, sous le rapport du style, sortis de l'âge d'innocence; et la simplicité d'intention n'est plus de notre temps. Heureux et rare est l'écrivain qui peut faire encore quelque illusion là-dessus; il faut croire qu'il a commencé par se la faire à soi-même. Si, dans son beau morceau sur Charles X à Prague, M. de Chateaubriand, homme, s'était retourné, je crois bien qu'il aurait aperçu derrière lui l'écrivain l'accompagnant d'un pas furtif; mais sûrement l'homme croyait bien être seul lorsqu'il écrivait ces lignes touchantes:
«La dernière fois que je vis les proscrits de Rambouillet, c'était à Buschtirad, en Bohême. Charles X était couché; il avait la fièvre: on me fit entrer de nuit dans sa chambre: Une petite lampe brûlait sur la cheminée: Je n'entendais dans le silence des ténèbres que la respiration élevée du trente-cinquième successeur de Hugues Capet. Mon vieux roi! votre sommeil était pénible; le temps et l'adversité, lourds cauchemars, étaient assis sur votre poitrine. Un jeune homme s'approcherait du lit d'une jeune fille avec moins d'amour que je ne me sentis de respect en marchant d'un pas furtif vers votre couche solitaire. Du moins, je n'étais pas un mauvais songe comme celui qui vous réveilla pour aller voir expirer votre fils! Je vous adressais intérieurement ces paroles que je n'aurais pu prononcer tout haut sans fondre en larmes: «Le ciel vous garde de tout mal à venir! Dormez en paix ces nuits avoisinant votre dernier sommeil! assez longtemps vos vigiles ont été celles de la douleur. Que ce lit de l'exil perde sa dureté en attendant la visite de Dieu! Lui seul peut rendre légère à vos os la terre étrangère.[518]»
Les premiers chapitres de l'ouvrage sont trop pleins de ces beautés que nous appelons faites. Le trait, la sentence, l'allusion rapide, semblable à la flèche du Parthe, une concision qui n'est pas toujours de la précision, nuisent, dans ces chapitres, si remarquables d'ailleurs, à la beauté de l'ensemble. Il y a trop d'étincelles, trop de chocs; les idées se heurtent contre les idées, plutôt qu'elles ne se suivent et s'enchaînent. Enfin, s'il m'est permis de le dire, telle pensée se pose fièrement, qui, peu solide au fond et peu importante, devrait se contenter d'une attitude plus modeste, et y gagnerait:
«Ferdinand se retrancha dans cette retraite des Hiéronymites (l'Escurial), pour essayer de là une sortie sur la société; mais caché parmi ces architectures saintes et sombres, il n'avait point la hauteur, la mine, la sévérité, la taciturne expérience, la croyance invincible de ces dosserets rigides, de ces pilastres sacrés: hermites de pierre qui portaient la religion sur leurs têtes. Il ne pouvait, lui mort ressuscité, étendre, assis dans son cercueil, ses bras de poussière à rencontre de l'avenir[519].»
Cela est-il assez simple pour être vraiment beau?
«Il éloigne son directeur, Don Victor Saez. Saez était habile, mais il avait parlé bas à la grille du tribunal de la Pénitence, oubliant que le Forum est aujourd'hui le confessionnal des nations[520].»
Cela est-il assez clair pour être vraiment beau?
«La foule court chez les opposants, dans le dessein de les massacrer; Morillo dissipe la foule, et la première législature des Cortès finit. Cette terre de misère avait pourtant été foulée par Annibal; elle avait vu la pudique aventure de Scipion et donné naissance à Trajan[521].»
Ceci n'est plus de l'art, c'est du prestige et de la déception. Derrière cette antithèse et ces grands noms, il n'y a rien. Eh! qui donc empêche qu'une terre foulée par un conquérant, témoin, dans les temps anciens, de l'action généreuse d'un étranger, qu'une terre, enfin, qui a donné un grand homme au premier des trônes, ne devienne plus tard, et n'ait été même alors, une terre de misère! Il n'y a que M. de Chateaubriand à qui la critique passe de pareils caprices. Elle semble lui avoir dit, comme disait autrefois au grand Condé ce commis aux barrières: «Monseigneur, les lauriers ne payent point.» Elle s'aperçoit bien que le héros passe de la contrebande, que le grand homme se joue; mais «ce sont jeux de prince»; on en sourit et l'on se tait.
«La session s'ouvrait à Madrid, le 1er mars 1822, alors qu'ambassadeur, nous assistions aux séances du parlement britannique, ou que nous racontions dans la première partie de nos Mémoires nos courses chez les sauvages[522].»
Ici encore, il faut sourire et se taire.
Cet amour du trait n'a-t-il pas égaré la plume de l'auteur lorsqu'il a écrit ces lignes, à mon avis peu dignes de lui:
«Goiffieux, particulièrement désigné, quitta Madrid. Bientôt arrêté, il pouvait se taire ou tromper: on lui demanda son nom, il répondit: Goiffieux, premier lieutenant dans la Garde. Il dédaigna de se sauver par un mensonge: il était français[523].»
Est-ce que, par hasard, un Français ne ment jamais? est-ce que, chez d'autres nations, on a moins de dédain pour le mensonge? En bonne foi, quelle impression recevrait l'auteur de phrases comme celles-ci, rencontrées chez Goethe, chez Byron, ou chez tel autre:
Il dédaigna de se sauver par un mensonge: il était allemand.
Il dédaigna de se sauver par un mensonge: il était anglais.
Il dédaigna de se sauver par un mensonge: il était hongrois,
valaque, moldave, etc.; et autant d'etc. qu'il y a de nations?
Dans quel idiome cette vanterie n'est-elle pas aussi légitime et aussi risible qu'en français? et quand c'est à un grand homme qu'elle échappe, quand il en fait la finale triomphante d'un récit, qui peut souffrir de voir le génie devenu peuple, et le poète abandonnant sa lyre pour la grosse caisse d'une musique de régiment[524]?
Mais ne laissons pas enlever par cette étude littéraire toute notre attention et tout l'espace qui nous reste. Voyons de plus grands objets. Ce livre a un caractère moral, et peut être jugé comme une action. C'est par ce jugement que nous voulons finir.
Il serait ridicule de prétendre qu'un ouvrage tout apologétique n'eût pas pour sujet principal l'homme qui l'a écrit pour sa propre défense. Il ne serait pas moins inutile de nier que l'habitude de M. de Chateaubriand de s'introduire dans tous ceux de ses ouvrages où il y a place pour lui, et de parler abondamment de soi-même, est prise par le public en très bonne part, et que l'égotisme de Montaigne lui-même n'est pas plus agréable ni plus agréé. Faut-il faire, pour ma part, ma confession entière? Rien, dans les écrits de M. de Chateaubriand, n'intéresse mon imagination autant que lui-même. Il est personnellement la plus poétique de ses créations; sans artifice et sans déguisement, il s'est peu à peu idéalisé; son existence est une oeuvre d'art, au même sens qu'on peut le dire, sans injure, des productions du génie le plus sincère; en un mot, le poète est devenu poème; le nom de Chateaubriand remue, dans le sein de la génération actuelle, au moins autant de poésie que celui d'Eudore ou de Chactas, et l'Itinéraire en contient au moins autant que les Martyrs et Atala.
Il reste pourtant à se demander si ce plaisir est sans danger, je ne dirai pas pour celui qui le donne, mais au moins pour ceux qui le reçoivent. On aime à approuver, de confiance, les motifs qui font surabonder le moi dans les écrits de M. de Chateaubriand (le moi ou le nous, peu importe; ce dernier n'a que la bizarrerie et l'inélégance de plus); mais que ce moi prolongé et retentissant soit de bon exemple, ceci peut faire question. On a dit, il est vrai, que chacun est plein de soi-même, et qu'entre ceux qui dissimulent cette plénitude et ceux qui l'avouent il n'y a que la différence de la franchise, à l'avantage des derniers. Jamais la vérité, si c'est là une vérité, n'aurait été plus accommodante pour nos faiblesses. Cette franchise, du moins, ferait brèche aux bienséances, s'il est encore vrai, comme du temps de Pascal, «que la civilité humaine cache et supprime le moi humain[525];» cette suppression ferait partie de la politesse, et, à notre avis, non seulement de celle des moeurs, mais de celle de l'esprit. Elle fait, d'ailleurs, partie de la morale; car, en attendant que «la charité chrétienne» ait, suivant l'expression du même Pascal, «anéanti le moi humain[526],» la morale naturelle conseille de le réprimer. Il n'est pas douteux, en effet, qu'un sentiment ne s'enracine par son expression répétée, et que les effusions quotidiennes de l'égoïsme et de la vanité ne fortifient ces passions, à peu près comme un exercice fréquent fortifie la partie du corps qui le subit. Pour anéantir le moi humain (noble but, chacun l'avoue), il est utile de commencer par le cacher, par le supprimer dans le discours. D'ailleurs, morale et religion à part, il ne faut pas qu'on se fasse illusion: le moi perpétuel a de la grâce chez Montaigne et chez M. de Chateaubriand, et cette grâce couvre tout; un dessein philosophique chez l'un, la poésie chez l'autre, enveloppent la disgrâce naturelle de l'égotisme; ôtez ce prestige, réduisez la chose à ce qu'elle est chez tout le monde et en soi, que vous reste-t-il, qu'une habitude désagréable à tous, et contre laquelle tous sont secrètement ligués? Croyez-vous que ces grands écrivains ne l'aient pas su? Ce n'est qu'à coup sûr, et avec la certitude de plaire, qu'ils se sont mis en scène; car ils n'ignoraient pas apparemment ce que tout le monde sait, combien un moi pèse à un autre moi. Encore n'est-on pas sûr, avec toute la grâce possible, d'en conserver toujours dans l'emploi de ce monosyllabe infortuné; les plus heureux y ont quelquefois échoué; le plaisir de parler de soi, l'un des plus entraînants, emporte au delà des limites les mieux connues: lisez le Congrès de Vérone; le moi y est rare, mais son synonyme y déborde; et l'on souffre de rencontrer sous une plume aussi délicate que celle de l'auteur des phrases comme celle-ci: «Il nous était impossible de mettre aussi entièrement de côté ce que nous pouvions valoir, d'oublier tout à fait que nous étions le restaurateur de la religion et l'auteur du Génie du Christianisme[527].» Une simple et grave considération rend superflue ici toute discussion de fait: c'est que jamais il n'appartint à un homme de se dire le restaurateur de la religion, ni peut-être à personne de lui donner ce titre. De la part d'autrui l'hommage serait exorbitant et vaudrait une apothéose; et de l'autre part, que serait-ce donc?
Au reste, il est bien superflu de le dire, et nous aurions voulu que M. de Chateaubriand, tout le premier, s'en fût dispensé, son moi est très immatériel, son moi, c'est l'avenir de son nom; le reste, on doit l'en croire quoiqu'il l'affirme trop souvent[528], le reste il n'en a cure. Hélas! à la vue des moeurs littéraires de notre époque, on se laisse tenter à quelque indulgence pour cette faiblesse d'un grand coeur. Il y avait, relativement, du bon dans cette prétention de nos anciens auteurs à l'immortalité. C'était, en soi, quelque chose de plus élevé que le gaspillage que nous voyons faire aujourd'hui de la vie et du talent; c'était une manière de lier les siècles aux siècles; c'était enfin un gage de perfection dans les travaux de l'art. Aujourd'hui le talent semble dire: Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. Avec tout son poétique dédain pour une terre où tout passe, M. de Chateaubriand vit beaucoup dans la postérité, beaucoup dans l'opinion du genre humain; et nous lui devons cette justice: l'honneur est placé dans son estime plus haut que la gloire. Mais cet honneur lui-même est-il donc le tout de l'homme et pardonnera-t-on aisément à un illustre vieillard, dont l'autorité pèse du double poids de l'âge et de la gloire, pardonnera-t-on à un Français s'adressant à des Français, de substituer l'honneur, leur dangereuse idole, à la vertu, qui, seule honorable devant Dieu, constitue elle seule le véritable honneur? Dans un sens relatif, l'honneur est quelque chose; et l'on veut du bien à l'homme qui maintient des traditions chevaleresques dans un siècle cupide. Mais quelle proportion de cette chevalerie du caractère et des moeurs avec l'ensemble et la profondeur de la vie humaine! Comme elle la pénètre superficiellement! Qu'elle la touche par peu de points! Que les rencontres de l'honneur avec la conscience sont accidentelles et passagères! Quelle boussole dont l'aiguille tourne avec le vaisseau même, et montre le pôle partout! Quelle morale que celle qui prescrit, selon les temps, les conduites les plus opposées, et dont la moindre variation des moeurs déplace le centre! Quelle morale, enfin, que celle qui exclut l'humilité, et qui, dans la profession même du christianisme, cherche un refuge pour l'orgueil! M. de Chateaubriand déclare qu'il a la petitesse d'être chrétien[529]; il se félicite d'avoir rendu hommage au «seul pouvoir devant lequel on peut se courber sans s'avilir[530].» Pourquoi prendre la religion par cet unique côté, et faire du christianisme la consolation et l'indemnité de l'orgueil? Mais c'est peu de chose auprès de ce qu'on lit ailleurs; et si l'on ne savait que toute vie a ses inconséquences, et qu'à l'oeuvre tout système faillit plus ou moins, ne faudrait-il pas croire que l'honneur mondain est la seule religion du ministre qui nous déclare qu'en cas de non succès il se serait jeté dans la Seine[531], et de l'homme qui a pu écrire ces mots:
«Il serait mieux d'être plus humble, plus prosterné, plus chrétien. Malheureusement nous sommes sujet à faillir; nous n'avons point la perfection évangélique. Si un homme nous donnait un soufflet, nous ne tendrions pas l'autre joue: cet homme, s'il était sujet, nous aurions sa vie ou il aurait la nôtre; s'il était roi[532]…»
Tout ne déplaît pas dans ces paroles; on en aime du moins la franchise; mais cette franchise, que nous apprend-elle?
L'honneur n'avait-il donc pas répandu assez de sang, semé assez de ruines, corrompu assez d'idées, déraciné assez de principes? N'avait-il pas compromis assez profondément le caractère national? N'avait-il pas, tout au moins, assez montré en morale sa vacuité, son étroitesse et son impuissance? En qualité d'historien, de politique et d'homme, M. de Chateaubriand n'avait-il pas eu mille occasions et mille moyens de bien connaître cet imposteur, et devions-nous nous attendre qu'aux limites de sa vie on le verrait ramener aux autels de Baal la foule qu'il pouvait désabuser? Quel ministère il vient de se conférer, et de quelle responsabilité il charge sa noble tête! Que dira-t-il d'outre-tombe à ceux qui ne l'écouteront pas alors avec moins d'avidité que nous? Je l'ignore; mais, en deçà de la tombe, «averti par ses cheveux blancs,» et n'étant pas plus que Bossuet réduit au silence par «une voix qui tombe,» et par «une ardeur qui s'éteint[533],» il nous doit d'autres renseignements, purs comme sa profession de foi, et graves comme son âge. Ce n'est pas dans le sens de la foule, mais à l'encontre de ce torrent, que doit marcher cet homme fort, afin de la faire rebrousser vers les témoignages de l'Éternel. Qu'il ne joigne pas à l'étonnante jeunesse de son talent la jeunesse plus étonnante des sentiments et des opinions; mais qu'après avoir reconnu la vanité de tant de choses, il reconnaisse encore et foule aux pieds cette dernière vanité. Eh! quelle vénération pourrait entourer son tombeau et s'attacher à sa mémoire, si le chant du cygne avait été un hymne idolâtre, et si ses derniers accents, qui devaient appartenir au devoir, avaient affermi sur ses bases le simulacre du faux honneur? Cette substitution funeste de l'honneur à la vertu, cette équivoque perfide, le mal du peuple français depuis des siècles, espérons qu'elle n'obtiendra pas, des paroles suprêmes du plus illustre de nos écrivains, une consécration solennelle et des gages de perpétuité.
IV
Vie de Rancé.
1 vol. in-8°.—1844.
PREMIER ARTICLE[534]
Qui de nous, ayant gardé quelque chose de son jeune amour pour les grâces du langage et pour les merveilles du talent, n'a pas senti son coeur battre un peu plus vite à l'annonce, à l'apparition d'un nouvel ouvrage de M. de Chateaubriand? Qui de nous, sachant qu'il était question d'une Vie de Rancé ne l'a pas d'avance écrite en son esprit telle qu'il lui semblait que devait l'écrire l'auteur de René, le chantre des Martyrs? Or, cette histoire du réformateur de la Trappe, la voici. Prenez, et dévorez. C'est ce que j'ai fait, moi qui vous parle, moi qui m'étais annoncé à moi-même, sous ce titre de Vie de Rancé, l'histoire d'un René chrétien, que le premier René ne rendait que trop nécessaire. Je n'ai rien sauté, je vous en réponds, heureux si j'avais pu prendre mes mesures pour faire durer le plaisir; car j'ai vu que le livre était plus court, beaucoup plus court que je n'eusse voulu, et je me trouve à cette heure tout triste et tout étonné d'avoir déjà fini. C'est vous dire que la jouissance a été vive, c'est sans doute vous raconter ce qui vous est arrivé à vous-même si vous avez lu Rancé. Et maintenant que dois-je vous dire? Apprenez d'abord l'histoire du livre. Le Père Séguin, de Carcassonne, à la mémoire de qui il est dédié par «son très humble et très obéissant serviteur Chateaubriand,» dont il dirigeait la conscience, le Père Séguin, mort l'an dernier à quatre-vingt-quinze ans, a demandé, a imposé ce travail à son illustre pénitent. Par pure obéissance, non par goût, le grand écrivain a repris sa plume, et tracé la vie du dernier des moines célèbres: le tour du Père Lacordaire n'est pas encore venu. Il en est résulté le volume dont je dois vous rendre compte, et dont je risque fort de vous parler trop tard, si vous êtes aussi avide que moi de lire tout ce qui tombe de cette plume d'or.
Le sujet, la circonstance, faisaient prévoir, je vous l'avoue, un livre plus complètement grave. Le Père Séguin serait peut-être un peu surpris de la manière dont ses ordres ont été remplis. Il ne se doutait peut-être pas que toute la chronique galante du règne de Louis XIII dût y passer, et qu'on ne pût arriver à la cellule de l'abbé de la Trappe sans passer par les cabinets de Julie d'Angennes et par la chambre à coucher du duc de Montbazon. Rancé, dans sa jeunesse, était de ce monde-là, et cette jeunesse, passionnément folle, devait sans doute être racontée; mais je m'imagine qu'à la lecture de tant de détails piquants, où Rancé n'est pour rien, le Père Séguin eût remercié M. de Chateaubriand de l'excès de son zèle et l'eût prié de se ménager. Tout le monde, je le crains, n'aura pas les scrupules qu'aurait eus le bon religieux, et beaucoup de gens aimeront plus que tout le reste ce que sans doute il eût aimé le moins. Il faut bien en convenir, cela est admirablement débité; rien de plus spirituel, rien d'aussi brillant, rien surtout d'aussi vivant que ce tableau de la Société française à l'avant-scène du règne de Louis XIV. Mais la suite étant très grave, grave même de ton, j'aime à le reconnaître, ce commencement fait disparate, et l'on sent trop que l'auteur joue avec son sujet, ou plutôt se joue de son sujet. Un boudoir ne saurait servir de péristyle à un temple. Que vous semble des lignes suivantes, à les rencontrer dans l'introduction d'un livre commandé par un prêtre sur la vie d'un anachorète?
«On n'aimait pas, à l'hôtel de Rambouillet, les bonnets de coton. Montausier n'eut la permission d'en user qu'en considération de ses vertus. Les femmes portaient, le jour, une canne comme les châtelaines du quatorzième siècle; les mouchoirs de poche étaient garnis de dentelle, et l'on appelait lionnes les jeunes femmes blondes. Rien de nouveau sous le soleil[535].»
«Le vieux duc de Montbazon ayant lu que saint Paul était un vaisseau d'élection, croyait que le saint voyageait dans un grand navire nommé Élection, et il disait à la reine: Madame, laissez-moi aller; ma femme m'attend. Dès qu'elle entend un cheval, elle croit que c'est moi[536].»
Il y a d'autres passages plus étonnants, que le respect du sujet aurait pu faire écarter. L'auteur le devait à son héros, peut-être à lui-même. Un vieillard est un anachorète, j'ai dit presque un prêtre. On peut le remercier de joindre à la gravité beaucoup de grâce; mais, du sanctuaire où sa vieillesse le retire, on ne s'attend pas à voir sortir de périlleuses gaités[537].
Une fois le genre admis, le langage y peut répondre; ce n'est pas une faute de plus. Ce qui endommage l'oeuvre, ce ne sont pas certains mots, mais certaines choses. Il est naturel de parler comme on pense. L'auteur est donc bien le maître d'appeler la cousine de Louis XIV un grand hurluberlu[538], de déclarer que le duc de Saint-Simon écrit à la diable pour l'immortalité[539], et de dire du laid Pélisson, aimé par une laide qui lui demandait le secret: que Pélisson avait trop de goût pour parler de çà[540]. Ce style n'est pas précisément grave; et comme la gravité ne va point sans la simplicité, il n'y a point non plus de gravité dans des phrases comme celles-ci, qui sont à la véritable éloquence de la diction ce que le parfum de la tubéreuse est à celui de la rose:
«Le volage fardeau que ne put soulever ni son bras ni sa conscience[541].» (Il s'agit de la maîtresse de M. de Montbazon, que ce vieux duc essaya de jeter par la fenêtre.)
«On rencontrait sur toutes les routes des fuyards du monde; Rancé, à ses risques et périls, les allait recueillir; il rapportait dans un pan de sa robe des cendres brûlantes, qu'il semait sur des friches, pour engraisser les déserts avec des débris de passions[542].»—«On élargissait dans la bourse du peuple la déchirure par où devait passer la France[543].»—«Voltaire naissait; cette désastreuse mémoire avait pris naissance dans un temps qui ne devait point passer[544].»
Le sujet ne réclamait point de telles beautés; peut-être même qu'elles n'étaient indispensables en aucun sujet. L'auteur a montré, dans ce même livre, qu'il savait parler cette langue du dix-septième siècle, qui mettait à la disposition de l'écrivain (c'est l'auteur lui-même qui le dit) la force, la précision et la clarté, en laissant à l'écrivain la liberté du tour et le caractère de son génie[545].» La moitié de l'ouvrage est écrite dans cette langue: pourquoi M. de Chateaubriand ne l'a-t-il pas exclusivement préférée? pourquoi ces dissonances? pourquoi ces disparates étranges? Cette confusion de tous les tons est-elle au moins de bon goût?
Que l'auteur, à l'occasion de la vie de Rancé, ait raconté d'autres vies, retracé d'autres caractères, remué la cendre de tout un siècle, nous n'aurons garde de nous en plaindre. Outre que le courage nous manquerait pour supprimer ces délicieuses pages sur Marcelle de Castellane[546], et ces pages non moins délicieuses sur les longues correspondances, transportées d'un précédent ouvrage de M. de Chateaubriand dans celui-ci[547], ce jugement d'un sens si droit et d'une sévérité si juste sur le cardinal de Retz[548], et même cette excursion à Belgrave-Square[549], à propos de Chambord, qui lui-même est cité à propos d'un prieuré que Rancé possédait à quelque distance de ce château royal, nous reconnaissons que le portrait ressort mieux dans son cadre, et que placer tour à tour cette grande figure de Rancé au point de vue de son siècle et du nôtre, c'est donner à une peinture l'énergie d'un relief. On se plaît, d'ailleurs, dans ces épisodes, à voir ce froid bon sens de M. de Chateaubriand, ce bon sens tout français, se mêler à l'éclat d'une fantaisie éternellement jeune. Nul n'est plus sévère envers les vieux âges que l'enchanteur qui en a ressuscité, avec tant de bonheur, les glorieux souvenirs. Il ne lui en coûte rien de faire main basse sur nos admirations les plus chères: Voltaire est moins désabusé. Combien de réputations réduites, chemin faisant, à leur portion congrue! Combien de jugements de convention réformés en passant! Grand justicier, qui vous permîtes jadis tant de rêves, n'aurez-vous donc nulle pitié des nôtres? Faut-il absolument que nous écrivions avec vous, au bas du portrait de Madame de Sévigné: «Légère d'esprit, inimitable de talent, positive de conduite, calculée dans ses affaires, ne perdant de vue aucun intérêt[550]?» En vérité, c'est une épitaphe; l'épitaphe de notre amour: l'admiration seule nous reste.
On pourrait multiplier les exemples de ce bon sens prompt et vif qui est naturel à M. de Chateaubriand. S'il s'est trompé souvent, si d'autres, non moins sensés, ont erré comme lui, c'est que le bon sens, nécessaire en tout, ne suffit pas à tout. Au fait, ce n'est pas ordinairement faute de bon sens qu'on se trompe; et, pour ne parler que du jugement sur les personnes, la plupart des gens sont assez justes quand ils n'ont rien de mieux à faire; malheureusement ils trouvent presque toujours qu'il y a quelque chose de mieux à faire. M. de Chateaubriand, hâtons-nous de le dire, ne fait pas de la justice un pis aller, ni de son admirable bon sens une nue propriété. Choses et gens sont mis à leur place avec une grande sûreté de coup d'oeil. De beaucoup d'exemples qui m'ont frappé, je ne citerai qu'un seul. L'auteur dit un mot de l'Édit de Nantes à propos de sa révocation, et ce mot le voici: «Cet édit établissait l'unité dans l'État[551].» Maintes gens ont dit, et disent encore, de la Révocation ce que M. de Chateaubriand affirme de l'Édit. Si l'on pense aux préventions de l'illustre écrivain contre la Réforme, qu'il ne connaît pas, qu'il ne comprend pas; si l'on se rappelle tout le mal qu'il en a dit dans ses derniers ouvrages, on admirera cet élan de bon sens, si j'ose ainsi dire, qui le porte d'un seul pas au-dessus des préventions des catholiques et des réformés eux-mêmes; car les réformés, quelque besoin qu'ils aient eu de cette vérité, ne lui sont guère plus favorables que les catholiques. Qu'ils méditent, les uns et les autres, le mot qui vient de tomber de si haut.
La liberté que s'accorde M. de Chateaubriand de se faire occasion et prétexte de tout, nuit assez à son livre comme livre, pour que nous relevions avec empressement tout le parti qu'il en tire pour l'instruction et le plaisir du lecteur. Ce sont de riches indemnités que ces jugements d'une si vive, d'une si éclatante justesse, sur les choses et les hommes de notre temps. La littérature actuelle est irrévocablement jugée dans ces quelques mots: «Ce sont,» dit-il en parlant d'un ouvrage de Madame de Tencin, «ce sont là d'autres ressorts que les inventions forcenées et les idées difformes qui font maintenant des contorsions dans les ténèbres[552].» On ne trouvera pas que l'admiration et l'amitié aient suborné le juge dans ce passage sur M. de Lamennais:
«Rancé obtint une audience de congé du saint Père. Pourvu d'une bénédiction, il partit au mois d'avril, et il était accompagné du jugement du pontife qui condamnait l'étroite observance. Ainsi il en est arrivé de nos jours à l'auteur de l'Indifférence en matière de religion: caressé à son départ du Vatican, il était suivi du rescrit qui le jetait hors de l'Église. Mais l'abbé de Lamennais, repoussé par la réforme, a continué de croire qu'elle s'accomplirait; une voix, est-il persuadé, partira on ne sait d'où; l'Esprit de sainteté, d'amour, de vérité, remplira de nouveau la terre régénérée.
»Voilà ce que pense l'immortel compatriote dont je pleurerais en larmes amères tout ce qui pourrait nous séparer sur le dernier rivage. Rancé, qui s'accotait contre Dieu, acheva son oeuvre; l'abbé de Lamennais s'est incliné sur l'homme: réussira-t-il? L'homme est fragile et le génie pèse. Le roseau, en se brisant, peut percer la main qui l'avait pris pour appui[553].»
À propos des femmes qui cultivèrent les lettres sous Louis XIV, l'auteur rapproche notre époque de celle-là, «dont nous n'avons, dit-il, rien à regretter[554].» Je le crois bien vraiment, n'eussions-nous à opposer à l'auteur de Zaïde que l'auteur de Corinne. Mais René, nous le savons de reste, a toujours été assez peu préoccupé de Corinne sa soeur. M. de Chateaubriand n'a jamais été injuste envers Madame de Staël, mais jamais juste non plus. En vain le siècle entier a marié ces deux gloires; l'une des deux a méconnu l'autre. À travers des éloges sincères, on sent l'éloignement ou tout au moins le défaut de sympathie. Un autre nom résume pour l'auteur le triomphe littéraire des femmes de notre époque. Il semble qu'une ancienne opposition, honorable pourtant des deux parts, a laissé dans l'âme de celui des deux qui survit un souvenir qu'il ne veut pas réveiller, et l'on dirait qu'il n'a pas encore entendu
La voix du genre humain qui les réconcilie[555].
Qu'on me pardonne l'expression d'un regret, non d'un blâme. Après tout, si M. de Chateaubriand supprime un nom qu'il eût dû prononcer, il attache à celui qu'il prononce un jugement où l'admiration n'exclut pas la sévérité:
«Madame Sand l'emporte sur toutes les femmes qui commencèrent la gloire de la France. L'art vivra sous la plume de l'auteur de Lélia. L'insulte à la rectitude de la vie ne saurait aller plus loin, il est vrai, mais Madame Sand fait descendre sur l'abîme son talent, comme j'ai vu la rosée tomber sur la mer Morte. Laissons-la faire provision de gloire pour le temps où il y aura disette de plaisirs. Les femmes sont séduites et enlevées par leurs jeunes années; plus tard elles ajoutent à leur lyre la corde grave et plaintive sur laquelle s'expriment la religion et le malheur. La vieillesse est une voyageuse de nuit: la terre lui est cachée; elle ne découvre plus que le ciel[556].»
Voilà qui est grave et affectueux. Dire que «l'insulte à la rectitude de la vie ne saurait aller plus loin» que dans les écrits de Madame Sand, c'est avoir tout dit; c'est avoir payé en bon argent le droit d'adresser à cette femme célèbre les paroles tendres et consolantes que nous venons de lire; mais qu'est-ce que cette «provision de gloire qu'il faut faire pour le temps où il y aura disette de plaisirs?» Oh! le cruel faux ton dans cette religieuse harmonie! Pourquoi donc illuminer du jour blafard et trompeur de la gloire cette nuit sublime où l'on ne voit que le ciel? Pourquoi ramener du firmament vers la poussière ce regard auquel vous donniez pour unique champ la voûte constellée? Provision de gloire! Donc provision de fumée et de vanité. Quelles épargnes pour la saison de la disette!
Celui qui écrit ces lignes est sensible, trop sensible peut-être au charme du talent. Il n'admire pas seulement, il aime ceux qui lui procurent, aux dépens de leur repos, de leur bonheur souvent, ces joies de l'intelligence, les plus grandes après celles de la charité. Le génie est comme l'enfant bien aimé de toute l'humanité, qui se sent rajeunir et renaître en lui; et chacun de nous, ravi de ses nobles grâces, veut à son tour le porter et le presser sur son coeur. Chacun de nous se sent pour lui, qui nous domine tous, l'indulgence, la faiblesse d'un père, et tout père frappe à côté. Qu'il est difficile de ne pas beaucoup pardonner à un grand talent! Mais ce n'est pas un homme, c'est une femme qui a fait Lélia et Jacques, et qui, les ayant faits, ne les a pas désavoués. Il y a là quelque chose qui épouvante, et l'épouvante flétrit le coeur. On peut, sous de certaines conditions, se sentir faible pour l'homme de talent, qui dans ses écrits, a poussé aussi loin qu'il se peut l'insulte à la rectitude de la vie; la femme qui a multiplié cette insulte et ne s'en est point repentie, n'inspire pas ce sentiment, elle mérite seulement la plus tendre compassion; mais ce sentiment même commande, à son égard, un langage plus triste et plus sévère que ne l'est, dans cet endroit, celui du biographe de Rancé.
Je tourne, vous le voyez, autour de mon sujet, comme M. de Chateaubriand s'amuse autour du sien. Ou plutôt, car il faut être juste même envers soi, je me défais peu à peu de tout ce qui n'est pas de mon sujet, pour m'y donner ensuite librement. Il est temps d'aborder la Vie de Rancé. Que ce ne soit pas sans avoir dit que cette nouvelle production de l'auteur d'Atala est pleine de grâce, de magnificence et d'enchantements. Ce talent unique n'a eu que deux saisons; son été n'est pas même un hiver des tropiques: c'est un été de nos climats, avec ces teintes chaudes et mûres qui manquent au plus beau printemps. J'ai parlé du style et j'y reviendrai; il n'est point irréprochable; la sévérité du goût ne s'alarme guère moins de certaines hardiesses que la gravité du sujet. Encore l'auteur sait-il bien à quel point, l'excès étant admis, il faut s'arrêter dans l'excès: ses néologismes sont le plus souvent heureux; on pardonnerait, même à d'autres qu'à lui, les effluences, les retracements, les aplanissements du ciel, les clartés allenties du soleil, et jusqu'aux susurrements de la sandale; on aimera même, je le parie, qu'il ait dit dans son avertissement: «Jadis j'ai pu m'imaginer l'histoire d'Amélie[557];» mais voyez-vous d'ici les imitateurs? entendez-vous les néologismes baroques succédant aux néologismes gracieux? M. de Chateaubriand a cru peut-être qu'il n'y avait plus rien à ménager, et que, pour si peu, on ne crierait pas à la barbarie. Aussi ne le ferons-nous pas. M. de Chateaubriand barbare! Ah! soyons tous barbares comme lui.
DEUXIÈME ARTICLE [558]
Le livre de M. de Chateaubriand n'est pas un livre et ne veut pas être jugé comme tel. C'est une brillante et vagabonde causerie du soir, entre amis: l'auteur n'a-t-il pas le droit de voir dans ses lecteurs autant d'anciens amis? La causerie même, surtout quand elle s'écrit, reconnaît certaines règles, que l'incomparable causeur eût pu observer mieux; mais je ne me sens pas le courage d'appliquer à cette causerie, par cela seul qu'elle forme un volume, les règles de ce genre plus ou moins officiel qu'on appelle un livre. À ce point de vue, où je ne veux point me placer, il y aurait beaucoup à dire sur le décousu, la marche entrecoupée et bondissante, les mille et mille boutades de ce style irrégulier auquel M. de Chateaubriand ne nous avait pas encore accoutumés. Je m'en tiens à mes précédentes observations, et je ne cherche plus dans cette Vie de Rancé que la vie même de Rancé.
À travers la foule des personnages épisodiques, combien de fois l'avons-nous perdu de vue! Le voilà sorti enfin de cette brillante mêlée; voilà que la mémoire de l'auteur s'apaise; ces figures, évoquées coup sur coup, se retirent l'une après l'autre; il se fait une solitude autour de celui qui sera bientôt le héros de la solitude et autour de l'auteur lui-même, que nous avons vu jusqu'à ce moment obéir à toutes les rencontres et «voler à tout sujet.» Le charmant désordre, qui pourtant, tout charmant qu'il est, finirait par fatiguer, a décidément cessé; la Trappe, déjà en vue, recueille les pensées de l'auteur: le style, avec tout le reste, va s'en ressentir.
Au fait, le véritable intérêt de cette histoire date de ce moment. Rancé, unique dans sa pénitence, est semblable à mille et mille autres dans sa dissipation. Sa mondanité eut-elle peut-être un caractère propre, original? Nous n'en savons rien. Connut-il les belles passions? Voir mourir d'une mort affreuse et dans une impénitence encore plus effroyable la complice de ses égarements, ne fut-il pas suffisant, je ne dis pas à la conversion, mais au changement de Rancé? Faut-il y joindre les regrets, les désespoirs d'un incurable amour? Pour ma part, je ne le crois pas; mais en tout cas, les indices nécessaires pour élever la passion de Rancé au-dessus des attachements vulgaires, nous ont été refusés par son silence. M. de Chateaubriand est effrayé de ce silence. «Cet empire, dit-il, d'un esprit sur lui-même fait peur. Rancé ne dira rien, il emportera toute sa vie dans son tombeau. Il faut trembler devant un tel homme[559].» Mais peut-être n'avait-il rien à dire, rien du moins de ce qui se peut dire; peut-être aussi un mot de Rancé, relatif à l'époque de ses égarements, donne la clef de ce silence: «Tout ce que je lisais et entendais du péché ne servait, dit-il, qu'à me rendre plus coupable[560].» Le récit de nos fautes est un dangereux discours. La personnalité, au moins, y trouve beaucoup trop son compte. Le silence absolu de Rancé, plus sublime à nos yeux qu'effrayant, est tout à fait dans l'esprit de la pénitence, telle que devait la concevoir et se la prescrire un caractère tel que le sien. Si Rancé avait parlé, Rancé probablement n'eût pas été l'homme que nous savons, le réformateur de la Trappe, et M. de Chateaubriand n'eût pas raconté sa vie.
M. de Chateaubriand insiste.
«Ce qu'il y a d'inexplicable, dit-il, ce qui serait horrible si ce n'était admirable, c'est la barrière infranchissable qu'il a placée entre lui et ses lecteurs. Jamais un aveu; jamais il ne parle de ce qu'il a fait, de ses erreurs, de son repentir. Il arrive devant le public sans daigner lui apprendre ce qu'il est; la créature ne vaut pas la peine qu'on s'explique devant elle: il renferme en lui-même son histoire, qui lui retombe sur le coeur[561].»
Il n'y a pas dans le silence de Rancé le dédain que l'auteur suppose; se confesser au public n'est pas de stricte obligation; il ne faut point voir ici le péché qui se cache, mais la personnalité qui s'efface. Elle peut se montrer d'une manière touchante: voyez saint Paul; elle peut se voiler d'une manière sublime: voyez saint Jean. Rancé, écrivant, n'est plus un homme, mais une voix: la voix, tout ensemble, de l'humanité et de l'éternité.
Ce qui me paraît plus regrettable que les confessions de Rancé, c'est l'histoire des pensées qui le jetèrent si avant dans les voies de la mortification. Mais, là-dessus, même silence, ou peu s'en faut. On croit sentir dans les impressions qu'il remporta d'une chambre de mort, moins de douleur encore que d'effroi. Le nom de Madame de Montbazon se mêle, on nous l'assure, aux premiers cris de sa terreur; mais la terreur domine. Ce «lac de feu» au milieu duquel il voit, dans une vision terrible, «s'élever à demi-corps une femme dévorée par les flammes[562],» ce qu'il dit lui-même des premiers temps de son réveil, où il vit, «à la naissance du jour (du jour de la grâce probablement) le monstre infernal avec lequel il avait vécu[563];» la «frayeur prodigieuse» dont il dit qu'il fut saisi à cette terrible vue, et dont il ne croit pas «qu'il revienne de sa vie[564],» tout cela laisse, à ce qu'il me semble, peu de part à la tendresse humaine dans le changement de vie de l'abbé de Rancé; le héros de roman, le personnage élégiaque, échappe quoi que l'on fasse: il ne reste, et c'est tant mieux peut-être pour lui et pour nous, que le pécheur consterné, s'efforçant d'anticiper par des souffrances volontaires, et par une vie aussi pareille que possible à la mort, sur la justice du Juge éternel.
M. de Chateaubriand a grande envie de croire à la fameuse histoire de la tête de mort; mais il y réussit à peine; encore moins parvient-il à nous y faire croire. Outre la faiblesse des preuves, j'ose dire qu'avec cette tête de Madame de Montbazon dans sa cellule, Rancé n'est plus le Rancé que nous connaissons. Le fait, s'il était vrai, supposerait chez lui quelque chose de romanesque et de tendre, que tout, dans sa vie de pénitent et de réformateur, contredit hautement; eût-il voulu d'ailleurs exproprier le tombeau, disputer à la mort quelque chose de ses droits, et conserver la tête de sa maîtresse lorsqu'il se dépouillait de ses lettres et de son portrait? Le personnage de Rancé manque-t-il pour cela de poésie? Non assurément; rien de ce qui est grand n'en peut manquer; mais c'est une autre poésie que celle des Héroïdes de Colardeau.
J'ai parlé de grandeur, et non de vérité. Le christianisme de Rancé ne représente qu'un côté de la vérité; mais l'erreur, parce qu'elle est toujours vraie en partie, est capable de grandeur. C'est sans doute, comme le dit M. de Chateaubriand, mettre le cynisme dans la religion que de commander, comme ce moine de la Trappe, que notre corps soit jeté à la voirie, et ce furieux mépris de la matière est, en religion, un malentendu également grossier et funeste. C'est donc mauvais, mais ce n'est pas petit. Eh bien! ce moine résumait, sous une forme brutale, horrible, toute la pensée et toute l'oeuvre de Rancé. C'est jusqu'au suicide, exclusivement, qu'il a poussé la haine de la matière et de la vie. Mourir est le premier et le dernier mot de sa philosophie chrétienne. Je n'ai garde de m'en étonner. Ce qui m'étonne, ce que je ne puis assez admirer, c'est que ce mot, aussi, n'ait pas été le premier et le dernier de l'enseignement apostolique. Toutes les religions, toutes les philosophies n'avaient su que maudire la matière ou la diviniser. Au milieu de l'effroyable et universelle corruption des moeurs, l'ascétisme outré semblait commandé à la religion nouvelle. Ne voulant pas chercher ses moyens de succès dans l'extrême licence (le polythéisme d'ailleurs ne lui laissait rien à faire dans ce genre), elle devait les chercher dans l'extrême rigueur. Elle n'a fait ni l'un ni l'autre. Elle a osé, d'un même coup, d'un même mot, dompter et réhabiliter la chair. Que d'autres admirent uniquement la force du christianisme, c'est sa modération qui me paraît miraculeuse; c'est sa modération qui me révèle sa force et m'atteste sa divinité. Ce point de vue a peu occupé l'apologétique: il le méritait pourtant, et il est grand temps qu'il l'obtienne.
Au reste, c'est dans l'emportement contraire à cette modération qu'il faut chercher Rancé: il y est tout entier. Rien de plus simple, à partir de là, que cette existence, cette pensée, cette oeuvre:
«Rancé, dit M. de Chateaubriand, a beaucoup écrit; ce qui domine chez lui est une haine passionnée de la vie… Il enseigne aux hommes une brutalité de conduite à garder envers les hommes; nulle pitié de leurs maux. Ne vous plaignez pas, vous êtes faits pour les croix, vous y êtes attachés, vous n'en descendrez pas; allez à la mort, tâchez seulement que votre patience vous fasse trouver quelque grâce aux yeux de l'Éternel… Cette doctrine… n'est attendrie que par quelques accents de miséricorde qui s'échappent de la religion chrétienne. On sent comment Rancé vit mourir tant de ses frères sans être ému, comment il regardait le moindre soulagement offert aux souffrances comme une insigne faiblesse et presque comme un crime. Un évêque avait écrit à Rancé sur une abbesse qui avait besoin d'aller aux eaux; l'abbé lui répond:
«Le mieux que nous puissions faire, quand nous voyons mourir les autres, est de nous persuader qu'ils ont fait un pas qu'il nous faut faire dans peu, qu'ils ont ouvert une porte qu'ils n'ont point refermée. Les hommes partent de la main de Dieu, il les confie au monde pour peu de moments; lorsque ces moments sont expirés, le monde n'a plus droit de les retenir, il faut qu'il les rende. La mort s'avance, et l'on touche à l'éternité dans tous les instants de la vie. On vit pour mourir; le dessein de Dieu, lorsqu'il nous donne la jouissance de la lumière, est de nous en priver. On ne meurt qu'une fois, on ne répare point par une seconde vie les égarements de la première: ce que l'on est à l'instant de la mort, on l'est pour toujours.»
«Dans toutes ces pensées, extraites de ses différentes oeuvres et recueillies par Marsollier, on ne retrouve que des redites de la même idée; c'est toujours dur, mais admirablement exprimé[565].»
On comprend que Rancé, penchant par caractère où nous venons de voir qu'il penchait, «n'ait vu point d'autre porte à laquelle il pût frapper pour retourner à Dieu que celle du cloître[566];» c'est lui-même qui le dit. Cette idée, d'ailleurs, était une des idées, et, si l'on en croit M. de Chateaubriand, une des bénédictions de l'époque. La vivacité des esprits, attisée par la Fronde, alla se dépenser dans l'armée et dans les monastères; la gloire et la religion furent les dérivatifs de la liberté: «À l'abri derrière ses guerriers et ses anachorètes, la France respira[567].» Mais cette porte ou ce port de la vie cénobitique, Rancé fut quelque temps avant de pouvoir y pénétrer. Il trouva d'abord, on peut le croire aisément, l'obstacle au dedans de lui; plus tard, ce fut chez ses amis, chez les directeurs mêmes de sa vie. Il faut lire dans l'auteur ces délibérations et ces combats. Nous disons volontiers avec lui:
«Ces endroits de nos anciennes moeurs reposent. On aime à assister aux conversations de l'abbé de Rancé sur la légitimité des biens qu'on peut ou qu'on ne peut pas retenir, sur ce qu'il est permis de garder, sur ce qu'on est obligé de rendre, sur le compte de ses richesses que l'on doit à Dieu. Ces scrupules de conscience étaient alors les affaires principales; nous n'allons pas à la cheville du pied de ces gens-là[568].»
Je dis à mon tour: Ces endroits du livre reposent, font du bien. On aime à se rappeler encore celui-ci:
«Le repentir vous isole de la société et n'est pas estimé à son prix. Toutefois l'homme qui se repent est immense; mais qui voudrait aujourd'hui être immense sans être vu[569]?»
«En voulant se réduire à la pauvreté, Rancé, dit l'auteur, éprouvait les difficultés qu'on rencontre à s'enrichir[570].» Il les surmonta. Débarrassé de ses biens, il alla prendre possession de la pauvreté, en prenant possession de la Trappe, dont il était, depuis son enfance, abbé commendataire. La maison et la règle, tout n'était que débris; «les moines eux-mêmes, dit l'auteur, n'étaient que des ruines de religieux[571].» Hommes et choses, il fallait tout rebâtir. Tout fut rebâti. De nouveaux moines vinrent de Perseigne à la Maison-Dieu; et c'est alors seulement que Rancé, sortant de ses incertitudes, conçut le dessein de devenir abbé régulier, d'abbé commendataire qu'il était. C'était tout simplement mettre la vérité à la place de la fiction. Croira-t-on qu'un tel dessein ait pu rencontrer des résistances? Louis XIV avait ses raisons pour maintenir, autant que possible, les bénéfices en commende: cette manière de se faire libéral du bien d'autrui accommodait sans doute le grand roi. Au lieu de dire à Rancé: Soyez en effet ce dont vous portez le nom, l'État, l'époux de l'Église, lui dit: Ne soyez point ce que vous devez être; et l'on défendit comme un principe le mépris de tous les principes. Il fut enfin permis à Rancé de remplir son devoir, mais sans que cela pût tirer à conséquence, et il fut réservé qu'après lui l'abbaye retournerait en commende.
Après un roi qui ne veut pas qu'un abbé remplisse les devoirs de sa charge, vient un pape qui s'oppose à la réforme d'un couvent. Entre la commune et l'étroite observance, le pontife décide en faveur de la première, et fait une règle du relâchement de la règle. Deux voyages de Rancé à Rome «pour réclamer, dit l'auteur, non de l'argent, mais la misère[572],» furent inutiles.» La fureur d'être pauvre et de disparaître semblait à Rome les Petites-Maisons ouvertes[573].» C'était peu d'être tout simplement éconduit, Rancé fut joué. «Pourvu d'une bénédiction, il partit au mois d'avril, et il était accompagné du jugement du pontife qui condamnait l'étroite observance[574].» Il se trouva maître cependant, la suite le prouve, de régler la Maison-Dieu selon l'esprit de ces mots énergiques dont il a fait le préambule des constitutions de son abbaye: «Quiconque voudra y demeurer n'y doit apporter que son âme: la chair n'a que faire là-dedans[575].»
Le récit de ces deux séjours à Rome est à la fois un excellent morceau d'histoire et un piquant tableau de moeurs. La poésie s'y mêle, en dépit du héros, volontairement insensible aux souvenirs et aveugle aux merveilles de l'antique métropole du monde. Rancé ne voit rien, mais son historien regarde pour lui. L'écrivain, selon sa coutume, se fait une place dans son livre:
«Ô Rome, te voilà donc encore! Est-ce ta dernière apparition? Malheur à l'âge pour qui la nature a perdu ses félicités! Des pays enchantés où rien ne vous attend, sont arides: quelles aimables ombres verrais-je dans les temps à venir? Fi! des nuages qui volent sur une tête blanchie[576].»
Au reste, que Rancé ne voie rien de la poésie de Rome, et qu'il n'en ait point rapporté, nous voyons, nous, celle qu'il y a portée. Son indifférence pour Rome, sa seule présence à Rome, ne sont-elles pas de la poésie? Et l'auteur n'a-t-il pas quelque droit de s'écrier: «Il n'y a peut-être rien de plus considérable dans l'histoire des chrétiens que Rancé priant à la lumière des étoiles, appuyé contre les aqueducs, des Césars, à la porte des catacombes[577]?»
Si Rancé eût été un barbare, il eût été inutile de signaler son indifférence. Mais Rancé était un très bel esprit. Son style n'est pas seulement un des plus beaux du dix-septième siècle, c'est le style d'un homme d'imagination. Qu'on lise, si l'on en veut la preuve, les passages transcrits par M. de Chateaubriand, pages 193 à 199 de son livre, et que nous voudrions bien transcrire à notre tour. Quand l'art se présenta à Rancé sous le nom de religion, il n'eut garde de l'éconduire. «Dans l'église de son monastère, il remplaça, et il eut tort, dit M. de Chateaubriand, il remplaça par un beau groupe cette Vierge de peu de prix qui, sur la cime des Alpes, rassérène les lieux battus des tempêtes[578].» Rancé put renoncer à toutes les élégances de la vie; convoqué à l'assemblée générale de son ordre, à Paris, il put «se rendre au lieu de la réunion dans une charrette comme un mendiant; affectation, dit M. de Chateaubriand, dont il ne put débarrasser sa vie[579];» mais on ne se défait pas à volonté des élégances de l'esprit, autre luxe de la vie; on ne se sépare pas plus aisément de celles des moeurs, et je ne connais aucune chose plus agréable ni beaucoup d'aussi touchantes que la parfaite distinction des manières dans une sainte grossièreté de l'existence matérielle. Ce trait n'a point échappé à l'auteur:
«L'abbé de Prières voulut parler à Rancé; celui-ci alla le trouver à quatre lieues de Paris: le grand conspirateur de solitude le charma; car l'abbé Le Bouthillier (Rancé) avait des bienséances difficiles à distinguer de la véritable humilité: un éclair de la vie passée de l'homme du monde plongeait dans les rudesses de la Foi[580].»
Quoi qu'il en soit, cette barbarie préméditée alla, chez l'abbé de Rancé, aussi loin que la volonté pouvait la mener. On ne peut guère s'empêcher d'être ce qu'on est; mais ce que l'on a fait pendant un temps, on peut s'empêcher de le faire. Rancé, commentateur d'Anacréon à douze ans, tête puissante à qui tous les travaux de l'intelligence étaient un jeu, se défendit à lui-même et proscrivit dans sa communauté toute culture de l'esprit. Il fit usage de tout ce qu'il avait d'érudition pour prouver, contre Mabillon, que l'érudition ne convenait pas aux moines. C'est un charmant épisode que l'histoire de cette polémique de Rancé avec le bon et vénérable bénédictin, écrivant, pour les jeunes moines de Saint-Maur, l'apologie des études qui ont tant honoré leur communauté. Je ne sais qui des deux l'emporta dans la lutte; Mabillon avait bien de la raison, Rancé bien de l'esprit; mais je crois que le second avait, pour s'effrayer de la culture des lettres, quelques motifs que le premier n'avait pas: le monde, qui n'eût repris Rancé par aucun autre endroit, eût pu le reprendre par là, et je dirais, si je l'osais, qu'il aimait trop les lettres pour les haïr médiocrement. Voici, à deux pas de l'épisode, quelques mots bons à recueillir:
«Il se laissa entraîner… à rassembler ces discours. Ainsi se trouva formé peu à peu le traité qu'il intitula: De la sainteté et des devoirs de la vie monastique… Une copie tomba entre les mains de Bossuet, qui exigea que l'ouvrage fût rendu public. Rancé avait jeté l'ouvrage au feu, et on en avait retiré des cahiers à demi brûlés. Par une de ces lâchetés communes aux auteurs, Rancé avait repris les débris de l'incendie, et les avait retouchés; une de ces copies postflammes était parvenue à Bossuet[581].»
Ah! si Rancé, dans toute la maturité de son christianisme, succomba pourtant à l'une de ces lâchetés communes aux auteurs, ou au commun des auteurs, ne vous étonnez pas qu'il ait réduit ses moines aux plus grossiers travaux; la gloire de l'esprit et du bien dire est un des plus terribles démons.
Je n'entre pas dans le détail des réformes consommées à la Trappe par l'abbé de Rancé. On les connaît, et l'auteur est là pour les réciter à merveille à qui ne les connaît pas. Bornons-nous à dire que tout, dans le système de Rancé, revient à retrancher de la vie physique et intellectuelle tout ce qu'on en peut retrancher sans la détruire. Ce qu'il faisait comme abbé dans son couvent, il le faisait dans d'autres communautés à titre de directeur ou de conseiller. Nous citerons ici une de ces consultations, et pour elle-même et pour les réflexions dont l'auteur l'accompagne:
«L'abbesse d'une célèbre abbaye de Paris ayant lu l'ouvrage De la sainteté et des devoirs de la vie monastique, ne voulut plus consentir qu'on introduisît la musique dans son couvent: elle en écrivit à Rancé; l'abbé répondit: «La musique ne convient point à une règle aussi sainte et aussi pure que la vôtre; est-il possible que vos soeurs soient si aveugles… qu'elles ne s'aperçoivent pas qu'elles introduiraient un abus dont elles doivent avoir un entier éloignement!»
«Rancé était de l'avis des magistrats de Sparte: ils mirent à l'amende Terpandre pour avoir ajouté deux cordes à sa lyre. Les nonnes persistèrent; le monde rit de ces discordes qui pensèrent renverser une grande communauté. Le ciel mit fin aux divisions, comme Virgile nous apprend que l'on apaise le combat des abeilles: un peu de poussière jetée en l'air fit cesser la mêlée. Il survint aux religieuses qui voulaient chanter, des rhumes: elles reconnurent que la main de Dieu s'appesantissait sur elles. Rancé, du reste, avait raison: la musique tient le milieu entre la nature matérielle et la nature intellectuelle; elle peut dépouiller l'amour de son enveloppe terrestre ou donner un corps à l'ange: selon les dispositions de celui qui les écoute, ses mélodies sont des pensées ou des caresses[582].»
Il n'y a pas de solitude pour la gloire. La réputation que Rancé s'était faite par sa réforme et par ses nombreux écrits, le répandait dans le monde et presque dans le siècle, tout cloîtré qu'il était. L'homme qui écrit ne peut jamais dire:
Sine me, liber, ibis in Urbem[583].
Il y accompagne toujours son livre, s'il ne l'y a précédé par la pensée. Écrire pour le public, c'est déjà sortir de chez soi. On n'est pas libre non plus, quand on porte le poids d'une certaine autorité, de rester neutre dans les questions qui s'agitent. Il s'en éleva, du temps de Rancé, où chacun dut voter. Le parti dominant, quand il se sent très fort ou très menacé, ne se contente pas du silence. Rancé dut s'excuser de n'avoir pas parlé contre les jansénistes; qui ne les attaquait pas les aimait, et Rancé, en effet, se sentait du goût pour eux. Il se renfermait d'ailleurs, à leur égard, dans un système de tolérance auquel Bossuet le fit renoncer. Il faut voir, dans quelques belles pages, recueillies par M. de Chateaubriand, comment il se défendait de les juger et se justifiait de n'avoir point, ni le premier, ni le dernier, jeté la pierre contre eux. Il finit pourtant par la jeter à son tour.
On peut, avec tout cela, observer le voeu de pauvreté, mortifier sa chair, mais tout cela rompt la clôture. À l'époque singulière dont nous parlons, les couvents étaient dans le monde. La religion était affaire d'État plus que toute autre chose, et la clôture souvent, au lieu de vous cacher, vous mettait en vue. Que n'était-ce point de la Trappe et de son nouveau fondateur? «Le monde, dit l'historien de Rancé, accourait à la Trappe; la cour, pour voir le vieil homme converti, pour en rire ou pour l'admirer; les savants, pour causer avec le savant; les prêtres, pour s'instruire aux leçons de la pénitence[584].» Je ne répéterai pas tous les noms que je trouve cités; celui d'un M. Thiers, personnage érudit et plaisant, «qui se moquait de tout, même lorsqu'il était sérieux, et dont le choix eût été bientôt fait si on lui eût proposé d'être Rabelais ou roi de France[585],» importe assez peu ici, quoiqu'il ait écrit la Sauce Robert et l'Histoire des perruques. Mais on n'oubliera pas que la Trappe fut un lieu de pèlerinage pour deux majestés, l'une debout, l'autre tombée, Bossuet et Jacques II. Saint-Simon, qui, si j'ai bonne mémoire, hâtait la conclusion d'une affaire d'honneur, c'est-à-dire se dépêchait de se battre pour aller s'édifier auprès de son illustre ami M. de la Trappe, n'est pas un des hôtes les moins mémorables de ce château-fort de la pénitence. L'extravagant et ingénieux Santeuil passe, sous la conduite de l'auteur, à peu de distance du monastère. Une seconde galerie de portraits fait pendant à celle par laquelle s'ouvre le volume; mais cette fois la figure de Rancé domine. On est bien aise d'apprendre que cette solitude incessamment violée, ce silence devenu une rumeur, une clameur, l'affligent et l'effrayent.
«Les hommes, dit-il, ne se lasseront-ils jamais de parler de moi? Ce serait une chose bien douce d'être tellement dans l'oubli que l'on ne vécût plus que dans la mémoire de ses amis,»—«cris de tendresse, dit l'auteur, qui rarement échappent à l'âme fermée de Rancé[586].»
Quand il meurt, accablé de travail plutôt que vaincu du temps, on éprouve un double soulagement, car il y a une double délivrance: la mort l'affranchit à la fois du monde et de la solitude.
L'auteur, lui, n'est pas soulagé. Son esprit oscille, d'une ligne à l'autre, entre l'admiration et la pitié: il y a dans cette destinée de main d'homme quelque chose qui l'embarrasse:
«Rancé habita trente-quatre ans le désert, ne fut rien, ne voulut rien être, ne se relâcha pas un moment du châtiment qu'il s'infligeait. Après cela put-il se débarrasser entièrement de sa nature? ne se retrouvait-il pas à chaque instant comme Dieu l'avait fait? Son parti pris contre ses faiblesses a fait sa grandeur; il avait composé de toutes ses faiblesses punies un faisceau de vertus[587]…»
Et plus loin:
«Cette vie ne satisfait pas, il y manque le printemps: l'aubépine a été brisée lorsque ses bouquets commençaient à paraître. Rancé s'était proposé de courir le monde pour chercher des aventures. Qu'eût-il trouvé[588]?…»
«Les hommes qui ont vieilli dans le désordre pensent que, quand l'heure sera venue, ils pourront facilement renvoyer de jeunes grâces à leur destinée comme on renvoie des esclaves. C'est une erreur; on ne se dégage pas à volonté des songes; on se débat douloureusement contre un chaos où le ciel et l'enfer, la haine et l'amour, l'indifférence et la passion se mêlent dans une confusion effroyable. Vieux voyageur alors, assis sur la borne du chemin, Rancé eût compté les étoiles en ne se fiant à aucune, attendant l'aurore qui ne lui eût apporté que l'ennui du coeur et la disgrâce des années. Aujourd'hui il n'y a plus rien de possible, car les chimères d'une existence active sont aussi démontrées que les chimères d'une existence désoccupée… Pour un homme comme Rancé, il n'y avait que le froc; le froc reçoit les confidences et les garde; l'orgueil des années défend ensuite de trahir le secret, et la tombe le continue[589].»
Il y aurait bien des réflexions à faire sur ce peu de lignes. Que de vérités! que d'erreurs! Ne dirait-on pas que l'auteur aussi «se débat douloureusement contre un chaos?» Ce livre est bien de notre temps, car il ne conclut pas. Il est bien d'une époque où, comme il le dit lui-même, «l'esprit humain n'a plus la force de se tenir debout[590].» Pourtant un instinct élevé, ou plutôt une lumière plus élevée que tous les instincts, dicte à l'écrivain quelques jugements fermes, hardis, dignes d'un autre âge. Il y a de l'indépendance, et mieux que de l'indépendance, dans ce remarquable passage:
«Qu'un homme soit rédimé au prix des plus grands malheurs, son rachat vaut mieux que tous ces malheurs; qu'une révolution renverse un État ou en change la face, vous croyez qu'il s'agit des destinées du monde? Pas du tout: c'est un particulier, et peut-être le particulier le plus obscur, que Dieu a voulu sauver: tel est le prix d'une âme chrétienne[591].»
Comment l'homme qui a écrit ces lignes a-t-il pu nous parler ensuite du froc qui reçoit les confidences, et de l'orgueil qui les garde[592]?
Nous croyons que, dans sa manière de comprendre la religion et la vie, Rancé erra grandement, et nous ne prétendons pas le justifier en ajoutant qu'il erra avec toute une église, avec un siècle tout entier; mais nous aimons un esprit «qui avait la force de se tenir debout.» Nous lui envions sa décision, sa conséquence et sa foi. Un mot de Rancé, cité deux fois dans ce livre, nous a vivement frappé et s'enfonce dans notre mémoire:
«La Trappe durera ce qu'elle doit durer. Si, dans les âges supérieurs, on s'était conduit par cette considération qu'il n'y a rien qui ne soit sujet à la décadence, où en serait aujourd'hui le champ de Jésus-Christ[593]?»
Tout l'homme ne se révèle-t-il pas à vous dans cette seule phrase? N'y a-t-il pas là toute une philosophie? Ce n'est pas assurément celle de notre temps. Qui ne calcule en effet sur la décadence? Qui ose dire: «La Trappe durera ce qu'elle doit durer?» Qui, d'un coeur tranquille, oppose la liberté à la nécessité? Qui va en avant, les yeux fermés, sur la foi de Dieu et des principes? Mais laissons ces questions, et revenons au livre de M. de Chateaubriand.
L'histoire de Rancé est l'histoire d'un moine, d'un moine dont l'impitoyable logique a poussé l'idée claustrale à ses dernières conséquences. Ne fut-il rien de plus? Ses écrits (nous avons la confusion de dire que nous ne les connaissons pas) ne renferment-ils que cela? Nous avons peine à le croire, et nous voudrions les voir analysés. Rancé, nous l'espérons, y gagnerait. Il est déjà bien grand dans sa biographie, grand de caractère et d'esprit, et présentant, jusque dans les erreurs de son zèle, un type suprême de cette loi de justice et de ce besoin d'expiation, qui, sous les formes les plus diverses, se manifeste ou se trahit chez les hommes les plus divers. Tout le monde remerciera M. de Chateaubriand de l'obéissance pieuse qui lui a fait ajouter quelques pages admirables à toutes les admirables pages que nous lui devons déjà; tout le monde se sentira triste de la tristesse dont cet ouvrage est pénétré, tristesse sans larmes, désenchantement amer, qui ne daigne demander à la terre ni consolation ni pitié, mais qui, nous aimons à le croire, a su les chercher ailleurs. Tout le monde enfin, bon nombre de lecteurs du moins, regretteront que l'auteur n'ait pas donné à son ouvrage le mérite de l'unité de ton. Il l'eût facilement obtenu en imposant une règle à la richesse de sa mémoire, en évitant ou en ne cherchant pas certains rapprochements. Le talent a plus de charges que d'immunités; toutes les pensées, tous les sujets, ne sont pas également dignes d'une plume éloquente; les grâces de la parole sont pudiques et fières; elles craignent les mésalliances; et quand je rencontre dans cette Vie de Rancé, certains traits, certaines anecdotes, je ne puis m'empêcher de dire, avec un anachorète cité par l'auteur lui-même: «Ce n'est pas pour cela que les abeilles volent le long des ruisseaux pour ramasser un miel si doux.»
Il est impossible de le taire; cette vie de Rancé n'est pas celle que nous attendions et celle dont, par avance, nous nous étions réjouis. Nous ne demandions pas à l'écrivain un nouveau chef-d'oeuvre; nous demandions au vieillard quelques-unes de ces paroles qui ne sont pas encore du ciel, mais qui ne sont plus de la terre: ce sujet, que nous avions cru de son choix, les faisait espérer; il nous les devait. Il y a des paroles sérieuses dans ce livre, mais ce livre n'est pas sérieux, et ce n'est pas pour les lecteurs seulement que nous en avons du regret. Un sceau peut-être est posé pour jamais sur ces lèvres d'or; s'il en est ainsi, à la bonne heure; à défaut des paroles que nous n'entendrons plus, puisse le silence être béni!
V
Vie de Rancé.
Deuxième édition, revue, corrigée et augmentée.
1 vol. in-8°. Paris, 1844[594].
Le soin que nous avons pris de collationner d'un bout à l'autre les deux éditions de la Vie de Rancé nous a donné la preuve de l'attention accordée par l'illustre auteur aux voeux de la critique. On ne pouvait entrer plus franchement ni davantage abonder dans le sens de la principale observation à laquelle a donné lieu la Vie de Rancé. Déférence respectable et touchante! Il est peut-être encore plus beau de se réformer ainsi que de n'avoir pas eu à se réformer. «Cette envie, pour nous servir ici des expressions d'un héros, ne prend guère aux victorieux et aux barbes grises;» mais elle est naturelle à un noble esprit.
Des pages entières de la première édition ont disparu dans la seconde; mais de plus belles, de meilleures en ont pris la place: feliciores inserit. De ce nombre sont celles sur le P. de Chaumont, missionnaire qui emportait au bout de l'univers une lettre de l'abbé de la Trappe, comme une relique assez puissante pour conjurer les tempêtes. Comment ces images n'auraient-elles pas entraîné encore une fois sur les plaines de l'Océan et vers le pays du soleil l'antique pèlerin de la Syrie, l'aventureux compagnon des courses désolées de René? Tout un vol de souvenirs et de rêves s'échappe avec une harmonieuse confusion du sein de cette imagination toujours jeune et toujours émue, de même qu'au lever du jour mille oiseaux à l'aile dorée s'envolent du milieu d'une feuillée murmurante:
«Ainsi les mers et les naufrages entrent à la Trappe, comme le siècle de Louis XIV y était entré par des bois où l'on entend à peine un son. La manière dont les hommes de ce temps voyaient le monde ne ressemblait pas à celle dont nous l'apercevons aujourd'hui. Il ne s'agissait jamais pour ces hommes d'eux-mêmes; c'était toujours de Dieu qu'ils parlaient. Ces souvenirs que Rancé envoyait aux océans par un missionnaire se rattachaient à son arrière-vie, lorsqu'il avait songé à cacher ses blessures parmi les pasteurs de l'Himalaya. Tous les rivages sont bons pour pleurer. Il aurait vu, s'il avait suivi ses premiers desseins, ces rizières abandonnées quand l'homme qui les sema est passé depuis longtemps; il aurait suivi des yeux ces aras blancs qui se reposent sur les manguiers du tombeau de Tadjmahal; il aurait retrouvé tout ce qu'il eût aimé dans son jeune âge, la gloire des palmiers, leur feuillage et leurs fruits; il se serait associé à cet Indien qui appelle ses parents morts aux bouches du Gange, et dont on entend la nuit les chants tributaires qu'accompagnent les vagues de la mer Pacifique[595].»
Quels tableaux vis-à-vis des noirs ombrages de la Maison-Dieu!
Versailles à peine est plus différent.
Laissons au lecteur le plaisir de chercher lui-même dans l'ouvrage et de découvrir jusque dans les moindres interstices des jeunes pousses d'une verdure si vive. Bornons-nous à remarquer encore que la Vie de Rancé, qui forme aujourd'hui quatre livres au lieu de trois, paraît mieux divisée, et qu'en plusieurs endroits la matière est distribuée avec plus de soin. Le caractère général du style est demeuré le même; à certains égards nos remarques subsistent: nous n'y reviendrons pas; il nous plaît mieux de dire qu'une seconde lecture nous a rendus attentifs à des beautés qui, la première fois, nous avaient presque échappé. Ce sont de belles pages que celles qui retracent les derniers moments de Rancé; l'auteur savait bien que la simplicité est l'ornement de la grandeur; et quand il a mêlé ses pensées au récit de cette scène auguste, elles ont été dignes du sujet. On peut avoir des doutes sur cette phrase assurément bien hardie: «Il n'y avait personne pour porter la main sur le coeur de ce christ;» mais qui n'aimerait la réflexion suivante:
«Cette famille de la religion autour de Rancé avait la tendresse de la famille naturelle et quelque chose de plus; l'enfant qu'elle allait perdre était l'enfant qu'elle allait retrouver; elle ignorait ce désespoir qui finit par s'éteindre devant l'irréparabilité de la perte. La foi empêche l'amitié de mourir: chacun en pleurant aspire au bonheur du chrétien appelé; on voit éclater autour du juste une pieuse jalousie, laquelle a l'ardeur de l'envie, sans en avoir le tourment[596].»
[1: Ces matériaux sont 1° pour le cours une autographie préparée et revue par Vinet, 2° pour les articles, le journal où ceux-ci ont paru: Le Semeur. Nous avons pu utiliser pour cette édition l'exemplaire du cours autographié qui appartenait à Vinet, et qui est aujourd'hui à la bibliothèque de la Faculté de théologie de l'Église libre du canton de Vaud.]
[2: Voir plus loin le 2e article dans "Chateaubriand—Études historiques et littéraires". Nous avons aussi complété un court article de Vinet sur la deuxième édition de Rancé. Il en sera question plus loin.]
[3: Il avait été «installé» en même temps que Sainte-Beuve, qui professa, comme on sait, une année à Lausanne. Il y donna son Port Royal.]
[4: Rambert: Alexandre Vinet. 3e édition Tome II, 194.]
[5: Henri Lutteroth, directeur du Semeur.]
[6: Inédit.]
[7: On sait que Vinet notait sur un agenda toutes ses occupations de la journée. Il y notait aussi parfois ses réflexions sur divers sujets.]
[8: Il s'agit des exercices homilétiques, dirigés par le professeur.]
[9: Théophile Passavant, ancien pasteur, à Bâle.]
[10: Lettres de Vinet, II, 228.]
[11: Auguste Jaquet, conseiller d'État du canton de Vaud.]
[12: Inédit.]
[13: Vinet était absent ce jour-là; il était au Châtelard, sur Clarens, depuis le 4 avril; il rentra à Lausanne le 16.]
[14: Mme Juste Olivier, femme du poète.]
[15: Libraire à Paris.]
[16: Alexis Forel, membre du Grand Conseil du canton de Vaud.]
[17: Inédit.]
[18: Inédit.]
[19: Inédit.]
[20: Inédit.]
[21: Alexandre Vinet. 3e édition. Tome II, 210.]
[22: Samuel Chappuis, professeur à la faculté de théologie de l'académie de Lausanne.]
[23: Rambert, ouv. cité, II, 211.]
[24: Cité par Rambert, ouv. cité, II, 211.]
[25: Revue Suisse, VII, 133.]
[26: Adèle, née Vernet, veuve du baron Auguste de Staël, qui était fils de Mme de Staël.]
[27: Lettres de Vinet, II, 224.]
[28: Ibid, II, 236.]
[29: Il s'agit d'un cours sur les poètes. Nous en reparlerons.]
[30: Inédit.]
[31: Voir plus vers la fin du "Chapitre premier—L'Essai sur les révolutions", un passage sur la mélancolie de Chateaubriand qui n'est pas très clair.]
[32: Sainte-Beuve: «À partir de 1811, en regardant au fond de la pensée de Madame de Staël nous y découvrirons par degrés le recueillement que la religion procure, la douleur qui mûrit, la force qui se contient, et cette âme jusque-là violente comme un Océan, soumise aussi comme lui, et rentrant avec effort et mérite dans ses bornes. Nous verrons enfin, au bout de cette route triomphale, comme au bout des plus humblement pieuses… nous verrons une croix…» Portraits de femmes. (L'article est de mai 1835.)]
[33: Rambert, ouv. cité, I, 264.]
[34: Charles Scholl, pasteur à Lausanne.]
[35: Rambert, ouv. cité, I, 264.]
[35: Ibid, I, 329.]
[36: 27 octobre 1836.—Lettres de Vinet, I, 462.]
[37: 5 novembre 1836.—Lettres de Vinet, I, 464 et suiv.]
[38: Quelques jours auparavant, Vinet avait fait passer dans le Semeur du 2 novembre 1836 (Tome V, page 352) le petit article suivant:
«À Monsieur le Rédacteur du «Semeur»,
»Le terme de vérité païenne dont j'ai fait usage en rendant compte de quelques-unes des idées de l'Essai de M. de Chateaubriand sur la littérature anglaise, a pu être pris par quelques personnes dans un sens bien éloigné de mon intention. J'appelle vérité païenne ce que l'homme peut mettre de vérité dans ses pensées et dans ses écrits sans le secours du christianisme, ce que la nature enseigne à l'humanité, et la méditation aux Socrate et aux Platon. En tous cas cette vérité c'est la vérité; il n'y en a pas deux, l'une vraie et l'autre fausse; et il ne saurait y avoir d'opposition entre elles non plus qu'entre le soleil et l'aurore. Seulement la vérité païenne est bornée; à une certaine distance de son foyer ses rayons pâlissent et meurent. J'ai regretté que l'auteur de l'Essai appliquât cette lumière trop courte à des questions dont une autre lumière (la lumière de la Parole divine) peut seule éclairer les profondeurs. Mais en parlant d'une vérité païenne, je n'ai garde de transporter cette épithète à l'auteur lui-même; je le crois catholique sincère, fort éloigné de toute intention païenne, et prêt à toutes sortes de sacrifices pour le culte que son génie a protégé dans les mauvais jours.—Je donne cette explication dans mon propre intérêt, afin qu'un mot mal compris ne fasse pas mal comprendre mon intention, pleine de respect, et j'oserai ajouter d'affection.
»Agréez, etc…»
J'ai pensé qu'il était utile de reproduire cette page de Vinet, sinon dans le corps du volume, du moins dans la préface. Je dois ajouter que c'est M. Philippe Bridel qui me l'a signalée, et je profite de cette occasion pour ajouter que c'est également à l'inépuisable et prévenante obligeance de M. Philippe Bridel que je dois de connaître la plupart des documents que j'ai utilisés dans cette préface.]
[39: Inédit.]
[40: Lettres de Vinet, II, 240 (texte rétabli d'après une meilleure copie). Cette lettre est du 16 et non du 10 juin 1844.]
[41: Il y a peut-être quelque exagération dans tout ceci. Je doute fort de la «simplicité» de Chateaubriand. J'en doute d'autant plus que j'ai sous les yeux une lettre de Chateaubriand à son éditeur, que le Journal de Genève vient de reproduire, et qui montre bien que l'auteur de Rancé n'était pas si «simple» que cela. La voici:
«Nous voilà en vente, mon cher Monsieur, et jusqu'à présent l'affaire se présente bien. Si vous n'avez pas trop tiré, il y aurait de l'avantage à pouvoir faire, le plus tôt possible, une seconde édition. Je suis à même de faire entrer dans cette seconde édition des morceaux que j'avais retirés de la première et qui font des vides assez remarquables pour les hommes accoutumés à lire. Veuillez donc me dire où vous en êtes, et s'il serait bon d'annoncer bientôt une seconde édition. Si la première n'a pas été tirée à un trop grand nombre, on pourrait arrêter le tirage et annoncer une seconde édition à laquelle j'ai une douzaine de pages à ajouter. Un mot de réponse à tout cela, s'il vous plaît. Vous savez l'ancien adage: Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. On dit chez vous qu'on ne sait pas encore quand vous revenez, mais j'ai toujours grande envie de vous voir.
»À vous, à vous.
»CHATEAUBRIAND.»
Cette lettre adressée par Chateaubriand à l'éditeur Delloye au sujet de l'apparition de la Vie de Rancé est datée de Paris, 9 mai 1844.]
[42: Inédit.]
[43: Ami Bost, pasteur, né à Genève.]
[44: Un autre article sur Chateaubriand (Des derniers écrits politiques de M. de Chateaubriand) qui a paru dans le Semeur, du 23 janvier 1833, et qu'on serait aussi tenté d'attribuer à Vinet,—mais moins,—est de Guillaume de Félice, pasteur à Bolbec, plus tard professeur à la Faculté de théologie de Montauban.]
[45: M. Lutteroth à M. Ch. Secrétan.]
[46: M. Monnard, professeur ordinaire de littérature française à l'Académie de Lausanne, absent pendant le semestre d'hiver 1844, et dont M. Vinet s'était chargé de continuer le cours.]
[47: Passage supprimé dans les deux éditions antérieures. Voir la Préface.]
[48: De l'Influence des Passions, section III, chapitre IV, De la Bienfaisance.]
[49: Passage supprimé dans les deux éditions antérieures. Voir la Préface.]
[50: Lettres sur les écrits et le caractère de J.-J. Rousseau. Lettre III.]
[51: Delphine, Ve partie, lettre XVII.]
[52: Introduction aux manuscrits de M. Necker.]
[53: Ibid.]
[54: Passage supprimé dans les deux éditions antérieures. Voir Préface.]
[55: Mot supprimé dans les éditions antérieures.]
[56: Passage supprimé dans les éditions antérieures. Voir Préface.]
[57: De l'Allemagne, IIIe partie, chap. XIX. Le titre de ce chapitre est: De l'amour dans le mariage.]
[58: Lettres sur les écrits et sur le caractère de J.-J. Rousseau. Lettre VI.]
[59: Mot supprimé dans les éditions antérieures.]
[60: Introduction aux manuscrits de M. Necker.]
[61: De la Littérature, IIe partie, chap. IV.]
[62: Lettres sur les écrits et le caractère de J.-J. Rousseau. Lettre IV.]
[63: Préface de Mirza.]
[64: Sur ce passage voir la Préface du présent volume.]
[65: Mélanges de littérature et de politique.]
[66: Lettres sur les écrits et le caractère de J.-J. Rousseau. Lettre Ire.]
[67: Lettre II.]
[68: Ire Partie, chap. Ier.]
[69: Ibid.]
[70: IIe Partie, chap. II]
[71: Les passages entre crochets ont été supprimés dans les éditions antérieures. Voir Préface.]
[72: Introduction.]
[73: Section III, chap. Ier]
[74: Introduction.]
[75: Section III, chap. IV.]
[76: Section Ire, chap. III, vers la fin.]
[77: Section Ire, chap. VII.]
[78: Section Ire, chap. VIII.]
[79: Conclusion.]
[80: Ibid.]
[81: Section II, chap. II.]
[82: Section II, chap. IV.]
[83: Section III, chap. II.]
[84: Conclusion, dernier paragraphe.]
[85: Section II, chap. III.]
[86: Section Ire, chap. IV.]
[87: Section Ire, chap. VIII.]
[88: Section III.]
[89: Vinet se cite ici lui-même. Voir Semeur, tome V, page 260.]
[90: IIe Partie, chap. V.]
[91: Ibid.]
[92: IIe Partie, chap. Ier.]
[93: Ibid.]
[94: IIe Partie, conclusion.]
[95: Ibid.]
[96: IIe Partie, chap. 1er.]
[97: Discours préliminaire.]
[98: Ire Partie, chap. I.]
[99: Section Ire, chap. Ier.]
[100: Essai sur les Révolutions, Ire partie, chap. XIV. Édition des OEuvres complètes. Tome Ier, page 89, note a (1826). Voici la même affirmation dans le texte de 1797: «Le vice et la vertu, d'après l'histoire, paraissent une somme donnée qui n'augmente ni ne diminue; les sciences, au contraire, des inconnues qui se dégagent sans cesse. Que devient le système de perfection?» IIe Partie, chap. LVI.]
[101: Les éditions antérieures et le manuscrit de Vinet portent invisiblement. La correction visiblement s'impose.]
[102: Ire Partie, chap. XI.]
[103: Ire Partie, chap. X.]
[104: Ire Partie, chap. XI.]
[105: IIe Partie, chap. V.]
[106: Ire Partie, chap. XV.]
[107: Ire Partie, chap. XI.]
[108: Ire Partie, chap. VII.]
[109: IIe Partie, chap. Ier.]
[110: IIe Partie, chap. V.]
[111: Ibid.]
[112: Ibid.]
[113: Ibid.]
[114: Ibid.]
[115: IIe Partie, chap. VIII.]
[116: Ibid.]
[117: Ibid.]
[118: IIe Partie, chap. VI.]
[119: IIe Partie, chap. IX.]
[120: Semeur, tome V, page 260.]
[121: Lettre à M. de Fontanes, sur la deuxième édition de l'ouvrage de Madame de Staël. (OEuvres complètes de Chateaubriand, tome XIV.)]
[122: Articles insérés dans le Mercure de France en 1800, et réimprimés dans les OEuvres de M. de Fontanes, tome II.]
[123: IIe partie, chap. IX. Conclusion.]
[124: Tableau de la Littérature au dix-huitième siècle. LXe Leçon. (Tome IV, page 382.)]
[125: M. Quinet, parlant d'Ahasvérus. Il a dit: et de mon désespoir. (Ed. antér.)]
[126: Tableau de la Littérature française, chap. VI.]
[127: Ire Partie, lettre XXX.]
[128: IIe Partie, lettre XXVII.]
[129:
Le malheur de Rufin a dessillé mes yeux;
Son châtiment absout les dieux.
]
[130: IIe Partie, lettre XLII.]
[131: Ire Partie, lettre XXX.]
[132: Dernier paragraphe.]
[133: La Fontaine.]
[134: IIIe Partie, lettre XLIX.]
[135: IIIe Partie, lettres VII, Ire et XXIX.]
[136: IIIe Partie, lettre XIV.]
[137: Ire Partie, lettre X.]
[138: Ire Partie, lettre XVI.]
[139: Annales littéraires, tome III, pages 166-169.]
[140: Andromaque. Acte IV, scène V.]
[141: Livre Ier, chap. Ier.]
[142: Andromaque. Acte V, scène III.]
[143: Livre II, chap. Ier et IV.]
[144: Livre XIII, chap. IV.]
[145: Ibid.]
[146: Deuxième Épître aux Corinthiens, chap. XII, v. 15.]
[147: Livre II, chap. Ier.]
[148: Livre II, chap. II.]
[149: Livre II, chap. III.]
[150: Ibid.]
[151: Ibid.]
[152: Livre XIII, chap. IV.]
[153: Livre Ier, chap. V.]
[154: Livre Ier, chap. II.]
[155: Livre V, chap. Ier.]
[156: OEuvres complètes, tome VII. Voyage en Italie. Lettre à M. de Fontanes. (Rome, le 10 janvier 1804.)]
[157: Voyez Livre IV, chap. IV, à la fin, où cette opposition éclate d'une manière dramatique:«L'éloquence de Corinne excitait l'admiration d'Oswald, sans le convaincre; il cherchait partout un sentiment moral, et toute la magie des arts ne pouvait jamais lui suffire. Alors Corinne se rappela que, dans cette même arène, les chrétiens persécutés étaient morts victimes de leur persévérance; et montrant à lord Nelvil les autels élevés en l'honneur de leurs cendres, et cette route de la croix que suivent les pénitents, au pied des plus magnifiques débris de la grandeur mondaine, elle lui demanda si cette poussière des martyrs ne disait rien à son coeur.—Oui, s'écria-t-il, j'admire profondément cette puissance de l'âme et de la volonté contre les douleurs et la mort: un sacrifice, quel qu'il soit, est plus beau, plus difficile, que tous les élans de l'âme et de la pensée. L'imagination exaltée peut produire les miracles du génie; mais ce n'est qu'en se dévouant à son opinion, ou à ses sentiments, qu'on est vraiment vertueux: c'est alors seulement qu'une puissance céleste subjugue en nous l'homme mortel.—Ces paroles nobles et pures troublèrent cependant Corinne; elle regarda lord Nelvil, puis elle baissa les yeux; et bien qu'en ce moment il prît sa main et la serrât contre son coeur, elle frémit de l'idée qu'un tel homme pouvait immoler les autres et lui-même au culte des opinions, des principes, ou des devoirs dont il aurait fait choix.»]
[158: Livre XV, chap. Ier, vers la fin.]
[159: Buffon.]
[160: Livre X, chap. V.]
[161: OEuvres complètes de Madame de Staël. Tome XVII, pages 4, 5 et 7.]
[162: Mélanges de littérature et de politique, par Benjamin Constant. Pages 171-172.]
[163: Ire Partie, chap. II.]
[164: IIe Partie, chap. II.]
[165: Ire Partie, chap. IV.]
[166: IIIe Partie, chap. XI.]
[167: Saint-Lambert.]
[168: Ire Partie, chap. II.]
[171: Ire Partie, chap. II. Madame de Staël ajoute en note: «Je n'ai pas besoin de dire que c'était l'Angleterre que je voulais désigner par ces paroles.»]
[170: Ire Partie, chap. IV.]
[171: Ire Partie, chap. VI.]
[172: Ire Partie, chap. IX.]
[173: Ibid.]
[174: IIe Partie, chap. II.]
[175: IIe Partie, chap. IX.]
[176: IIe Partie, chap. XII.]
[177: IIIe Partie, chap. IX.]
[178: IIIe Partie, chap. VIII.]
[179: IIIe Partie, chap. XI.]
[180: Ire Partie, chap. Ier.]
[181: IIIe Partie, chap. VI.]
[182: IIe Partie, chap. VII.]
[183: IIIe Partie, chap. IV.]
[184: Ibid.]
[185: «La philosophie matérialiste livrait l'entendement humain à l'empire des objets extérieurs, la morale à l'intérêt personnel, et réduisait le beau à n'être que l'agréable. Kant voulut rétablir les vérités primitives et l'activité spontanée dans l'âme, la conscience dans la morale, et l'idéal dans les arts.» (IIIe Partie, chap. VI.)]
[186: IIIe Partie, chap. Ier]
[187:
Sous le feuillage épais se cache un rameau d'or,
Dans cette obscurité cherchez, cherchez encor,
Et cueillez hardiment.
(Énéide, liv. VI.) ]
[189: IVe Partie, chap. XI.]
[190: Observations générales.]
[191: Notice sur la vie et les écrits de Madame Necker de Saussure, en tête de l'édition in-12 de l'Éducation progressive, publiée par M. Paulin. Paris, 1844, page XI.]
[192: Vauvenargues.]
[193: IIe Partie, chap. XXVIII.]
[194: IIIe Partie, chap. XIV.]
[195: IIIe Partie, chap. III.]
[196: Ibid.]
[197: IIIe Partie, chap. XVI.]
[198: Ibid.]
[199: IVe Partie, chap. V.]
[200: IVe Partie, chap. VI.]
[201: IVe Partie, chap. IX.]
[202: IVe Partie, chap. VI.]
[203: Ire Partie, chap. XI.]
[204: Ire Partie, chap. XVIII.]
[205: IIIe Partie, chap. XII.]
[206: Ire Partie, chap. XX.]
[207: Ire Partie, chap. IV.]
[208: Ire Partie, chap. V.]
[209: Ibid.—Je lis encore dans les Considérations sur la Révolution française une phrase trop semblable à celles que je viens de citer: «On a pu quelquefois agir en conversation sur Bonaparte contre son intérêt même, il y en a des exemples; mais c'est un des hasards de son caractère sur lequel on ne saurait compter.» (Ve Partie, chapitre IV.)]
[210: Ire Partie, chap. VII.]
[211: Ire Partie, chap. X.]
[212: Ire Partie, chap. XVIII.]
[213: Ire Partie, chap. IV.]
[214: IIe Partie, chap. III.]
[215: IIe Partie, chap. XIV.]
[216: Ovide.]
[217: Examen critique des Considérations de Madame de Staël sur les principaux événements de la Révolution française; 2 vol. in-8°. Paris, 1822. Tome Ier, page 300. (C'est la deuxième édition; la première est de 1818.)]
[218: IIe Partie, chap. Ier.]
[219: Ire Partie, chap. XX.]
[220: Ire Partie, chap. XIX.]
[221: Ire Partie, chap. XX.]
[222: IIe Partie, chap. II.]
[223: Ve Partie, chap. IV.]
[224: IIIe Partie, chap. XXV.]
[225: IIIe Partie, chap. IX.]
[226: IIIe Partie, chap. XXV.]
[227: Examen critique des Considérations de Madame de Staël sur les principaux événements de la Révolution française.]
[228: IIe Partie, chap. XI.]
[229: IIe Partie, chap. XXI.]
[230: IIe Partie, chap. II.]
[231: IVe Partie, chap. Ier.]
[232: Le Misanthrope. Acte Ier, scène Ire.]
[233: Ve Partie, chap. V.]
[234: IIe Partie, chap. XXII.]
[235: 1 Jean III, 2.]
[236: Horace. Odes, livre IV, ode IX. (L'amour respire encore avec tous ses feux dans les tendres sons du luth de Sapho.)]
[237: Vinet se cite lui-même. Voir Semeur, tome VIII, pages 89-91. (Edit.)]
[238: Considérations sur la Révolution française, IIe partie, chap. XX.]
[239: Semeur, tome VI, page 177.]
[240: Cours d'Esthétique, XXXVIIIe Leçon.]
[241: De l'Allemagne, IIe Partie, chap. VII.]
[242: Ibid.]
[243: De la littérature, Ire Partie, chap. VIII.]
[244: Voir le Semeur, Tome V, page 260.—Je me permets de me citer moi-même, n'ayant rien à changer, quant au fond, à ce que je disais alors. (1836.)]
[245: Cette nouvelle a été composée sous l'Empire.]
[246: Voir la Notice en tête de l'Essai: «Je n'en ignore pas les défauts; le moi y revient souvent…»—Voir aussi, dans la nouvelle édition, la première Note critique: «Le moi que l'on retrouve partout dans l'Essai m'est d'autant plus odieux aujourd'hui que rien n'est plus antipathique à mon esprit.»—C'est sans doute ce qui a tant multiplié le nous dans les ouvrages de M. de Chateaubriand.]
[247: Préface de la nouvelle édition de l'Essai, dans les OEuvres complètes, tome Ier, page XLIII.]
[248: Nouvelle édition de l'Essai, tome II, page 203, note a.]
[249: Préface de l'Essai dans les OEuvres complètes, page IV, note b.]
[250: Selon les biographes qui font naître M. de Chateaubriand en 1772, il n'aurait eu que dix-neuf ans à son départ pour l'Amérique; cela seul me ramènerait à l'opinion commune, qui le fait naître la même année que Bonaparte, Canning et Cuvier, c'est-à-dire en 1769. À ce compte, il avait vingt-huit ans, et non vingt-cinq, lorsqu'il écrivit l'Essai; ce qui me paraît aussi plus probable en soi.]
[251: IIe Partie, chap. XXII. (OEuvres complètes, tome II, page 228, note a.)]
[252: Voir dans l'édition des OEuvres complètes, tome Ier, pages 172, 201, 218, et tome II, pages 132, 221 et 247.]
[253: Ire Partie. Introduction.]
[254: Ire Partie. Exposition (dans l'Introd.).]
[255: IIe partie, chap. IX.]
[256: IIe Partie, chap. LVI.]
[257: IIe Partie, chap. XIII: Aux infortunés. (C'est le titre du chapitre.)]
[258: Ire Partie, chap. IX.]
[259: Ire Partie, chap. V.]
[260: IIe Partie, chap. XXV, en note.]
[261: IIe Partie, chap. XLIII.]
[262: IIe Partie, chap. III.]
[263: Ire Partie, chap. VI.]
[264: Ire Partie, chap. XIX.]
[265: Ire Partie, chap. LXX.]
[266: IIe Partie, chap. XIX.]
[267: «Peut-être la vraie sagesse consiste-t-elle à être, non pas sans principes, mais sans opinions déterminées.» (Introduction, en note.)]
[268: IIe Partie, chap. XXXI.]
[269: Ire Partie, chap. V.]
[270: IIe Partie, chap. XIII.]
[271: IIe Partie, chap. XLIII.]
[272: IIe Partie, chap. XLVII.]
[273: Ibid.]
[274: IIe Partie, chap. XLVIII.]
[275: Édition des OEuvres complètes. Préface, page XLIX. Voir aussi, tome Ier, pages 86, 197, 286, 300, et tome II, pages 33, 49, 83, 170, 213, 249, 255, 303 et 334, les notes critiques.]
[276: Génie du Christianisme, Ire Partie, livre V, chap. II.]
[277: Essai historique, IIe Partie, chap. XXXI.]
[278: IIe Partie, chap. XXXI.]
[279: Essai historique, IIe Partie, chap. LVII et dernier.]
[280: Génie du Christianisme. Ire Partie, livre V, chap. XII.]
[281: Horace, Épodes. Ode II.—Le fond de la fameuse description du Niagara se trouve dans une note de l'Essai. (IIe Partie, chap. XXIII.)]
[282: Études historiques. Avant-propos.]
[283: Il y a plusieurs préfaces du Génie du Christianisme; ce morceau se trouve dans la première, recueillie, avec les autres, dans le tome XV des OEuvres complètes; M. de Chateaubriand le cite lui-même dans la préface de la nouvelle édition de l'Essai historique. (Ed.)]
[284: Voir la première préface d'Atala dans les OEuvres complètes, t. XV.]
[285:
Es liebt die Welt das Glänzende zu schwärzen,
Und das Erhab'ne in den Staub zu zieh'n.
Schiller.
]
[286: Tableau historique de l'état des progrès de la littérature française depuis 1789, par M.-J. de Chénier. Paris, 1818. Page 220. Cet ouvrage est le rapport demandé par Napoléon et composé par Chénier pour la classe de l'Institut à laquelle il appartenait. La première édition n'a été tirée qu'à peu d'exemplaires pour les membres de l'Académie française. Elle est moins complète que les suivantes. (Imprimerie Impériale, in-4°.) Ces détails sont nécessaires pour justifier le renvoi à l'ouvrage cité (Ed.)]
[287: OEuvres complètes. Tome XXI, page 342, dans un morceau sur les Annales littéraires, de M. Dussault.]
[288: OEuvres complètes, tome XVI, page 70.]
[289: Ibid. Page 97.]
[290: Ibid. Page 35.]
[291: Ibid. Page 40.]
[292: Ibid, page 33.]
[293: Ibid, Page 94.]
[294: Atala est fille d'un Espagnol.]
[295: OEuvres complètes, tome XVI, Page 62.]
[296: Ibid, Page 110.]
[297: Les Martyrs. Livres IX et X.]
[298: Pages 103-108. Le discours du vieillard à Paul, dans Paul et Virginie, quoique plus beau que celui du Père Aubry, n'est guère plus restaurant; on y trouve même des insinuations qui manquent de délicatesse. Les deux vieillards sont donc, je l'avoue, des consolateurs fâcheux; mais au moins le vieillard déiste donne ses consolations pour ce qu'elles valent (et il se rend justice, car Paul n'est point consolé), tandis que le vieillard catholique surfait prodigieusement, et s'il ne convertit pas Chactas, il le console.]
[299: OEuvres complètes, tome XVI, Page 103.]
[300: Ibid, Page 44.]
[301: Ibid, Page 84.]
[302: Ibid, Page 110.]
[303: Ibid, Page 113.]
[304: Ibid, Page 115.]
[305: Ibid, Page 114.]
[306: Ibid, Page 69.]
[307: Ibid.]
[308: Ibid, Page 102.]
[309: Ibid, Page 104.]
[310: Ibid, Page 128.]
[311: Ibid, Page 125.]
[312: Page 121. On lit dans les éditions plus modernes, la terre du sommeil; en sorte qu'il n'y a plus d'antithèse. C'est toujours autant de gagné; mais ce n'est pas encore simple.]
[313: M. Piguet, Mélanges de Littérature. Lausanne, 1816. Page 288.]
[314: OEuvres complètes, tome XVI, Page 41.]
[315: Ibid, Page 57.]
[316: Ibid, Page 67.]
[317: Ibid, Page 119.]
[318: Ibid, Page 54.]
[319: Voyez, entre autres, le vote philanthropique des matrones dans le conseil des chefs. (Page 49.) Cooper, je crois, a mieux connu les sauvages et les a peints non moins poétiquement dans les Puritains d'Amérique.]
[320: OEuvres complètes, tome XVI, Page 62.]
[321: Ibid.]
[322: Pensées, II, XVII, 115.]
[323: Le Tartufe, acte IV, scène III.]
[324: Exode XXXII, 35.]
[325: On se fera une idée juste et vive de l'impression qu'avait produite cet événement sur les hommes religieux de toutes les communions, en parcourant les trois petits volumes de la Voix de la Religion au XIXe siècle, journal publié à Lausanne, en 1802 et 1803, par M. Gonthier et quelques-uns de ses amis.]
[326: Discours de Portalis sur l'organisation des cultes. (15 germinal, an X.)]
[327: Première Épître aux Corinthiens, chap. III, verset 2.]
[328: Réflexions sur la paix intérieure. IIe Partie, chap. II.]
[329: Ire Partie, livre Ier, chap. IV.]
[330: Ire Partie, livre Ier, chap. XI.]
[331: Ire Partie, livre V, chap. VII.]
[332: IVe Partie, livre V, chap. IV.]
[333: IIIe Partie, livre V, chap. VI.]
[334: Voir la première préface, dans les OEuvres complètes, tome XV, page XVI.]
[335: Ire Partie, livre IV, chap. V.]
[336: «Enfin de nos jours même et sous nos propres yeux, est-ce des athées qui ont abaissé la cime des Pyrénées et des Alpes, effrayé le Rhin et le Danube, subjugué le Nil, fait trembler le Bosphore, qui ont vaincu aux champs de Fleurus et d'Arcole, aux lignes de Weissenbourg et au pied des Pyramides, dans les vallées de Pampelune et dans les plaines de la Bavière, qui ont mis sous leur joug l'Allemagne et l'Italie, le Brabant et la Suisse, les îles de la Batavie et celles de la Grèce, Munich et Rome, Amsterdam et Malte, Mayence et le Caire? Est-ce des athées qui ont gagné plus de soixante batailles rangées, et pris plus de cent forteresses, qui ont rendu vaine la coalition de huit grands empires, et fait trembler les souverains des Indes derrière toutes les solitudes de l'Asie? Est-ce des athées qui ont accompli tant de prodiges? ou bien est-ce les paysans chrétiens, de braves officiers qui avaient pratiqué toute leur vie les devoirs de la religion? On ne voit pas que ces grands esprits qui ne pouvaient s'abaisser jusqu'à croire en Dieu, se souciassent beaucoup d'aller aux combats. Qu'il eût été beau pourtant de voir une armée d'incrédules aux prises avec ces Cosaques qui pensent monter au ciel en mourant sur le champ de bataille!»]
[337: Ire Partie, livre VI, chap. V.]
[338: Ire Partie, livre Ier, chap. XI.]
[339: La mort du pécheur et la mort du juste. (Sermon pour le jour des morts.) Deuxième partie.]
[340: IIIe Partie, livre III, chap. VII.]
[341: IIIe Partie, livre IV, chap. V.]
[342: IIIe Partie, livre 1er, chap. VII.]
[343: IIe Partie, livre 1er, chap. II.]
[344: Rapport sur le Génie du Christianisme, fait par ordre de la classe de la langue et de la littérature française, par M. le comte Daru. (Séance du 30 janvier 1811.)]
[345: La Voix de la Religion au XIXe siècle. Lausanne, 1802. Tome III, page 117.]
[346: Première Épître aux Corinthiens, chap. IX, verset 27.]
[347: IIe Partie, livre II, chap. VIII.]
[348: Que le souvenir des exemples donnés par les aïeux enflamme le fils d'Énée et le neveu d'Hector.]
[349: IIe Partie, livre II, chap. VI.]
[350: IIe Partie, livre II, chap. IV.]
[351: IIe Partie, livre II, chap. X.]
[352: IIIe Partie, livre III, chap. III.]
[353: IIIe Partie, livre V, chap. IV.]
[354: IIe Partie, livre IV, chap. Ier.]
[355: M. Vinet se cite ici lui-même. Voir Semeur, tome XI, page 335. (Ed.)]
[356: Génie du Christianisme. IIe Partie, livre III, chap. IX, dans les anciennes éditions seulement.]
[357: «Rien, dit-il au frère d'Amélie, rien ne mérite, dans cette histoire, la pitié qu'on vous montre ici. Je vois un jeune homme entêté de chimères, à qui tout déplaît, et qui s'est soustrait aux charges de la société pour se livrer à d'inutiles rêveries. On n'est point, monsieur, un homme supérieur, parce qu'on aperçoit le monde sous un jour odieux. On ne hait les hommes et la vie, que faute de voir assez loin. Étendez un peu plus votre regard, et vous serez bientôt convaincu que tous ces maux dont vous vous plaignez sont de purs néants. Mais quelle honte de ne pouvoir songer au seul malheur réel de votre vie, sans être forcé de rougir! Toute la pureté, toute la vertu, toute la religion, toutes les couronnes d'une sainte rendent à peine tolérable la seule idée de vos chagrins. Votre soeur a expié sa faute; mais, s'il faut ici dire ma pensée, je crains que, par une épouvantable justice, un aveu sorti du sein de la tombe n'ait troublé votre âme à son tour. Que faites-vous seul au fond des forêts où vous consumez vos jours, négligeant tous vos devoirs? Des saints, me direz-vous, se sont ensevelis dans les déserts? Ils y étaient avec leurs larmes, et employaient à éteindre leurs passions le temps que vous perdez peut-être à allumer les vôtres. Jeune présomptueux qui avez cru que l'homme se peut suffire à lui-même! La solitude est mauvaise à celui qui n'y vit pas avec Dieu; elle redouble les puissances de l'âme, en même temps qu'elle leur ôte tout sujet pour s'exercer. Quiconque a reçu des forces doit les consacrer au service de ses semblables; s'il les laisse inutiles, il en est d'abord puni par une secrète misère, et tôt ou tard le ciel lui envoie un châtiment effroyable.» (OEuvres complètes, tome XVI, page 189.)]
[358: Jérémie II, 19.]
[359: Psaume XXXIV, 22.]
[360:
Défendre à ce qui fut d'avoir jamais été
Est au-dessus de la Divinité.
Horace. Odes, livre III, ode XXIX.
]
[361: Hébreux IV, 12.]
[362: OEuvres complètes, tome XVI, page 144.]
[363: Ibid, Page 149.]
[364: Ibid, Page 152.]
[365: Ibid, Page 156.]
[366: Ibid, Page 164.]
[367: Ibid, Page 186.]
[368: Roman de Madame de Charrière.]
[369: Géorgiques. Livre II; 83: Il voit avec étonnement ce feuillage nouveau pour lui et ces fruits qui ne sont pas les siens. [P. S.]]
[370: IVe Partie, livre Ier, chap. V.]
[371: Cette unanimité n'est pourtant pas absolue. M. de Boulogne, ancien prélat, fit bien entendre, en louant le Génie du Christianisme, qu'il ne le jugeait pas exempt d'inadvertances fâcheuses ni de graves erreurs. (Annales littéraires et morales, an XI. Premier cahier. Le morceau de M. l'abbé de Boulogne sur le Génie du Christianisme a été recueilli, parmi les Remarques critiques auxquelles celui-ci a donné lieu, dans le tome XV des OEuvres complètes de Chateaubriand.)]
[372: IVe Partie, livre II, chap. VI.]
[373: IVe Partie, livre II, chap. IX.]
[374: IVe Partie, livre IV.]
[375: IVe Partie, livre IV, chap. IV.]
[376: IVe Partie, livre III, chap. V.]
[377: La Vie de Rancé.]
[378: Odes, Livre III, ode VI.]
[379: Voyez, par exemple, quelques pages au commencement du Voyage en Amérique.]
[380: Ovide, Métamorphoses. II, 202: Les coursiers s'écartent de leur route, et comme personne ne les retient, ils s'élancent dans des régions inconnues. [P. S.]]
[381: Henri Lecoultre fait remarquer que ces vers ne se trouvent pas, comme on pourrait le supposer, dans la traduction du Paradis perdu de Delille; il les attribue, avec beaucoup de vraisemblance, à Vinet lui-même. (P. S.)]
[382: OEuvres complètes, tome XXI, page 306. (Juillet 1807.)]
[383: OEuvres complètes, tome VII, page 239.]
[384: Ibid, page 248.]
[385: Préface de la première et de la seconde édition des Martyrs.]
[386: C'est le second titre des Martyrs. (Ed.)]
[387: Les Martyrs, livre III.]
[388: Études historiques. Étude seconde. Ire Partie. Il faut lire ces lignes afin d'avoir toute la pensée de l'auteur.]
[389: Cinquième Provinciale.]
[390: Livre XXIV.]
[391: Par surcroît, l'auteur les met dans la bouche de Dieu même. Liv. III.]
[392: Livre III.]
[393: Livre XXIV.]
[394: Livre XXII.]
[395: Art poétique. Chant III.]
[396: Livre III.]
[397: Ibid.]
[398: Ibid.]
[399: Télémaque, livre XIX.]
[400: Notice sur Fénelon, dans les Discours et Mélanges littéraires, p. 406.]
[401: Rejecit se in eum quam familiariter. (Andria, actus I, scena I.)]
[402: Mithridate, acte V, scène II.]
[403: Mercure de France, du 31 mai 1817.—Voir sur le même sujet, dans les Mémoires de l'Académie des sciences morales et politiques (Tome Ier, savants étrangers, 1841, page 769), le Mémoire de M. Filon sur l'état religieux et moral de la société romaine à l'époque de l'apparition du christianisme.]
[404: Livre IV.]
[405: Livre II.]
[406: Livre Ier.]
[407: Ibid.]
[408: Livre II.]
[409: Ibid.]
[410: Ibid.]
[411: Ibid.]
[412: Livre V.]
[413: Livre Ier.]
[414: Livre V.]
[415: Livre XII.]
[416: Livre Ier.]
[417: Livre VI.]
[418: Récits des temps mérovingiens. Préface.]
[419: Génie du Christianisme, IIe Partie, livre II, chap. Ier.]
[420: IIe Partie, livre III, chap. Ier.]
[421: IIe Partie, livre III, chap. VIII.]
[422: Livres IX et X.]
[423: Polyeucte, acte V, scène V.]
[424: Livre XX.]
[425: Rapport fait à l'Institut par M. le comte Daru. (OEuvres complètes, tome XV, page 296.)]
[426: Le Menteur, acte IV, scène II.]
[427: Stances adressées à M. de Chateaubriand, après les Martyrs. 1810. (OEuvres de M. de Fontanes, tome Ier, page 92.)]
[428: M. Vinet se cite lui-même. Voir Semeur, tome V, page 261. (Ed.)]
[429: Horace, Art Poétique: «Elle rejette les phrases ampoulées et l'orgueil des grands mots.» (P. S.)]
[430: OEuvres complètes, tome XVI, page 268.]
[431: Les Martyrs, livre XXIV.]
[432: OEuvres complètes. Tome XXIV. Préface des Mélanges politiques. Page XI.]
[433: OEuvres complètes. Tome XXIV, page 301.]
[434: Préface des Ouvrages politiques. OEuvres complètes. Tome XXIII, page IX.]
[435: II Corinthiens IX, 5.]
[436: Nouvelles Méditations Poétiques. Méditation cinquième: Le Poète mourant.]
[437: Méditations Poétiques. Méditation treizième: Le Lac.]
[438: Méditations Poétiques. Méditation seconde: L'Homme. À Lord Byron.]
[439: Semeur, 17 août 1836 (Tome V, pages 259 et suiv.).]
[440: Cette prévision s'est réalisée pour l'auteur lui-même: Vinet est mort le 4 mai 1847; Chateaubriand, le 4 juillet 1848. (Ed.).]
[441: Remarques en tête du Paradis perdu, page VII.]
[442: Tome Ier, pages 161-198.]
[443: Tome II, page 205.]
[444: Ici nous supprimons, comme l'ont fait les précédents éditeurs, tout un développement que Vinet a reproduit textuellement, mais en le divisant en quatre morceaux, dans son cours. Voici l'ordre dans lequel il faut lire ces quatre morceaux, si l'on veut reconstituer l'ensemble: 1° Le nom de Chateaubriand. 2° Ainsi donc, presque à la même époque. 3° Quoique le livre de Madame de Staël. 4° M. de Chateaubriand fut mieux inspiré. (P. S.)]
[445: «Ces chantres sont de race divine; ils possèdent le seul talent incontestable dont le ciel ait fait présent à la terre. Leur vie est à la fois naïve et sublime; ils célèbrent les dieux avec une bouche d'or; et sont les plus simples des hommes; ils causent comme des immortels ou comme de petits enfants; ils expliquent les lois de l'univers et ne peuvent comprendre les affaires les plus innocentes de la vie; ils ont des idées merveilleuses de la mort, et meurent sans s'en apercevoir, comme des nouveaux-nés.» (René.)]
[446: Ici encore se trouvait, dans l'article de Vinet, un développement qui est reproduit dans le cours, à l'exception: 1° des deux lignes suivantes (au commencement): «Sans chercher à les résoudre (ces questions), nous revenons au grand écrivain qui nous en a fourni l'occasion, et nous essayons de dire quelle impression générale nous reste au sortir de ses écrits. Représentez-vous cette admirable mythologie, etc.»; 2° du passage suivant (à la fin): «Absorber la vie dans la poésie comme une mythologie de l'âme! terrible puissance que subit d'abord celui qui en dispose! Ne serait-ce point celle qu'a exercée le génie de M. de Chateaubriand? N'a-t-il pas distrait, et, si j'osais le dire, amusé les âmes? Son sérieux n'est-il pas trop souvent, avec toute la sincérité qu'on ne peut lui refuser, un sérieux de poète? N'a-t-il point été poète trop exclusivement? Comme poète, il a rendu des oracles que l'humanité répétera en choeur; mais n'a-t-il pas tenu l'humanité à distance d'oracles plus sûrs? Ne l'a-t-il pas trop souvent retenue dans l'image des choses? Je ne lis jamais philosophe, historien, dogmatiste politique, sans m'adresser ces questions. Je les adresse à mes lecteurs.» (P. S).]
[447: Semeur, 26 octobre 1836 (Tome V, pages 336 et suiv.).]
[448: Tome Ier, page 324.]
[449: «À ces bonnes gens il ne fallait d'aiguë et subtile rencontre: leur langage est tout plein, et gros d'une vigueur naturelle et constante; ils sont tout épigramme; non la queue seulement, mais la teste, l'estomach et les pieds. Il n'y a rien d'efforcé, rien de traisnant; tout y marche d'une pareille teneur.» (Montaigne, Essais, livre III, chap. V.)]
[450: Tome Ier, page 266.]
[451: Tome II, page 253.]
[452: Tome Ier, page 256.]
[453: Tome Ier, page 285.]
[454: Tome Ier, page 291.]
[455: Tome Ier, page 195.]
[456: Tome Ier, page 201.]
[457: Tome Ier, page 203.]
[458: OEuvres complètes, tome V ter, page 265.]
[459: Tome Ier, page 163.]
[460: Tome Ier, page 185.]
[461: Vauvenargues.]
[462: Tome Ier, page 202.]
[463: Tome II, page 397.]
[464: Exode XXXII, 1.]
[465: Évangile selon saint Matthieu VI, 33.]
[466: Semeur, 30 novembre 1836. (Tome V, n° 48.)]
[467: Il s'agit sans doute ici des articles signés Ch. D. (Charles Delalot), publiés en 1804 dans le Mercure de France, sur une nouvelle édition du Paradise Lost, et en 1805 sur la traduction de Delille. À la même époque, cinq articles remarquables et sévères sur cette traduction, signés de la lettre S, parurent dans le Journal des Débats, Nos des 21, 22, 24, 27 décembre 1804, et 6 janvier 1805. Le critique s'arrête au chant VIII; il promettait une suite qu'il n'a pas donnée. La signature S a été celle de Guairard et de Lasalle. (Ed.)]
[468: Phèdre. Acte II, scène V.]
[469: Méditations Poétiques. Méditation troisième: La Poésie sacrée.]
[470: Properce. Livre II, élégie XXXIV. Ce vers sert d'épigraphe au premier des articles d'Addison sur le Paradis Perdu dans le Spectateur. (N° 267, 5 janvier 1712.) (Ed.)]
[471: Darkness visible. Livre I, vers 63. (Ed.)]
[472: Livre II, Tome Ier, page 115.]
[473: Livre II, Tome Ier, page 129.]
[474: D'où naît, sinon de la magie du mouvement, le délicieux frisson qu'on éprouve quand on arrive à ces passages célèbres: «Julie, éternel charme de ma vie…»—«Soleil de ce monde nouveau, tant de fois témoin de mes larmes?…» Cependant il ne faut pas confondre le mouvement continu du style avec les mouvements dont le niveau du style peut-être accidenté. Les mouvements ne sont pas même toujours des formes du mouvement, mais un simple changement dans l'allure de la phrase. Leur multiplicité épuise le style, dont le mouvement est la vie. Mais ils ont aussi leur virtus et leur venus, surtout dans la langue oratoire. Rien n'est plus heureux que d'avoir tourné le récit en exhortation dans cette phrase si connue: «Avez-vous un secret important, versez-le hardiment dans ce noble coeur, etc,» Il n'y a pas de figure plus belle.]
[475: Le Rhin.—Vinet a écrit ces pages à Bâle. (Éd.)]
[476: Perse. Satire III, vers 38.]
[477: Les éditeurs, qui ne marquaient pas la division de cette étude en deux articles, ont remplacé la phrase ci-dessus (de: «Dans un prochain article…» à «Je me contente d'avoir fait»), par ces mots: «Je me suis borné jusqu'ici à faire.» P. S.]
[478: Livre Ier. (Tome Ier, page 169.)]
[479: Semeur, 25 janvier 1837. (Tome VI, n° 4.) Dans un premier article on a étudié le Paradis perdu comme ouvrage littéraire; ici c'est sous le point de vue religieux qu'on se propose de le considérer.]
[480: Pierre Roussel, médecin de la Faculté de Montpellier, philosophe, associé de l'Institut, né en 1742, mort en 1802. Vinet fait allusion à son Système physique et moral de la femme, 7e édition 1820. P. S.]
[481: Quelques-uns demanderont si le christianisme du Paradis Perdu est aussi exact qu'on pourrait le supposer. On reproche à Milton son silence sur la troisième personne de la Trinité; et il est très vrai qu'au livre III, à l'endroit où le PÈRE et le FILS sont successivement adorés, l'Esprit n'est pas même mentionné. La lacune est sensible et peut paraître significative. Observons toutefois que l'Esprit est nommé et invoqué au début même de l'ouvrage; que la seule mention qui soit faite de l'Esprit de Dieu dans le premier chapitre de la Genèse a été fidèlement reproduite par le poète (livre VII, pages 17 et 21); que son action est dans le cours du poème cent fois reconnue, rappelée, invoquée; qu'enfin, au livre XII, on lit ces paroles: «Du ciel il enverra aux siens un Consolateur, la Promesse du Père, son Esprit qui habitera en eux, et écrira la loi de la foi dans leur coeur, opérant par l'amour pour les guider en toute vérité.»
On dit encore que la divinité du Fils, la coéternité de la Parole avec Dieu n'est pas explicitement déclarée dans le Paradis Perdu; que, tout au contraire, le poète assigne une date, un jour parmi les jours à la naissance ou à la procession du Fils éternel. «Ce jour, dit le Père infini (livre V, page 375), ce jour, j'ai engendré celui que je déclare mon Fils unique, et sur cette sainte montagne, j'ai sacré celui que vous voyez maintenant à ma droite.»
D'une autre part nous lisons (livre V, page 395): «Penses-tu que toi et toutes les créatures angéliques réunies en une seule égalent son Fils engendré? Par lui, comme par sa Parole, le Père Tout-Puissant a fait toutes choses, même toi et tous les esprits du ciel…» Et, au même livre, page 399: «Alors tu apprendras, en gémissant, à connaître celui qui t'a créé, quand tu connaîtras celui qui peut t'anéantir.»
Par une nécessité dont chacun peut se rendre compte, et qui me paraît invincible, le Fils de Dieu, encore dans le ciel, est déjà le Fils de l'homme. Nous sommes transportés de la région de l'Éternité dans le domaine du temps; et déjà dans notre pensée, l'incarnation a eu lieu. Aussitôt qu'on veut l'accommoder à l'épopée des faits éternels, ces faits prennent un caractère de successivité, et les mots qui les expriment impliquent cette notion. La Bible elle-même, écrite dans le langage des hommes, c'est-à-dire du temps, n'a point échappé à cette nécessité. Le mot de Parole s'y soustrait, mais il éloigne l'idée de personnalité: le nom de Fils la fait reparaître, mais il emporte l'idée de naissance; celui de procession renferme, en la dissimulant la même notion; quoi qu'il en soit, la Bible, s'exposant de front à l'objection, a dit ouvertement: «Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui.» (Ps. II, 7; Hébr. I, 10.) Milton seulement a multiplié la difficulté, en écrivant un poème tout entier sur une idée pour laquelle il est difficile de trouver une seule phrase correcte. Mais sans examiner s'il n'était pas trop hardi de tailler ce sujet en épopée, et sans rechercher si le poète a fait tout ce qu'il pouvait pour rendre irrécusables tous les attributs de Celui qu'il appelle «la Divinité filiale,» empressons-nous d'affirmer que le poème entier respire l'adoration du Fils.]
[482: Genèse III, 22.]
[483: Messie, I, 293.]
[484: Livre III. (Tome Ier, pages 179-181.)]
[485: Esaïe XL, 18.]
[486: Livre III. (Tome Ier, pages 183-187.)]
[487: Livre X. (Tome II, pages 255-257.)]
[488: Livre IV. (Tome Ier, page 303.)]
[489: Livre IV. (Tome Ier, page 301.)]
[490: Livre Ier. (Tome Ier, page. 27.)]
[491: Livre II. (Tome Ier, pages. 121-123.)]
[492: Épître aux Éphésiens, chap. I, verset 10.]
[493: Livre X. (Tome II, pages 331-333.)]
[494: Art Poétique, Chant III.]
[495: Bien entendu chez les chrétiens de coeur, renouvelés dans la charité. Le christianisme de spéculation, qui n'est pas devenu une vie de l'âme, le christianisme de secte et de parti, le fantôme en un mot du christianisme, n'égaye pas, il rend triste plutôt. Dans le divin système de l'Évangile, l'amour naît de la joie, et l'amour à son tour enfante la joie. Il n'y a de bonheur que dans un coeur qui aime.]
[496:
Et si Renaud, Argant, Tancrède et sa maîtresse
N'eussent de son sujet égayé la tristesse.
C'est-à-dire varié l'uniformité. Tristesse se prenait souvent dans cette acception au dix-septième siècle. Bossuet a dit que la manière d'écrire de Calvin est plus triste que celle de Luther; cela signifie uniforme, nue, austère. Dans ce sens, un sujet religieux d'où l'on exclurait les figures humaines et les scènes de la nature, serait triste assurément.]
[497: Semeur, 15 avril 1837.]
[498: Essai sur la littérature anglaise. Avertissement. (Tome Ier, page 8.)]
[499: La Jérusalem délivrée, traduite en vers français par M. Baour-Lormian. Édition publiée par Didot le jeune, avec une notice par M. J.-A. Buchon. Paris, 1819.—Voir les notes.]
[500: Livre IV. (Tome Ier, page 255.)]
[501: Remarques.—Il nous sera pourtant permis de ne pas préférer à cette phrase: «Ce sont des soupirs et des prières; je vous les présente, moi qui suis votre prêtre,» celle-ci: «ces soupirs et ces prières que, mêlés à l'encens dans cet encensoir d'or, moi, ton prêtre, j'apporte devant.» (Livre XI, tome II, page 339.—Essai, tome II, page 148.)]
[502: Alfieri.—Nous sommes des esclaves, c'est vrai, mais des esclaves frémissants. (P. S.)]
[503: Livre II. (Tome Ier, page 95.)]
[504: Semeur, 18 juillet 1838. (Tome VII, pages 225 et suiv.)]
[505: Tome Ier, page 73.]
[506: «Nous ne craignons pas d'assurer que les esprits politiques nous en feront un mérite, comme homme d'État, dans l'avenir.» (Tome Ier, page 73.)]
[507: Tome II, page 440.]
[508: Tome Ier, page 165.]
[509: Tome Ier, page 271.]
[510: Tome II, page 412.]
[511: Voir le 2e article sur "Le paradis perdu de Milton".]
[512: Tome Ier, page 117.]
[513: Tome II, page 415.]
[514: Tome II, page 439.]
[515: Tome II, page 449.]
[516: Tome II, page 389.]
[517: Boileau. Épître IX. Éloge du vrai.]
[518: Tome II, page 440.]
[519: Tome Ier, page 37.]
[520: Tome Ier, page 38.]
[521: Tome Ier, page 52.]
[522: Tome Ier, page 55.]
[523: Tome Ier, page 63.]
[524: Ce trait pourrait donner lieu à une remarque plus sérieuse. Dédaigner de mentir parce qu'on est français, c'est respecter en soi la famille politique dont on fait partie, et je n'y vois pas de mal, bien au contraire. Mais si l'on ne s'interdit le mensonge que par dédain et parce qu'on est français, je trouve les intérêts de la vérité fort mal garantis. Il serait donc bon de donner à la véracité une base plus morale et plus large. Le vice n'est pas une chose qu'il suffise de dédaigner, et le dédain ne nous viendra pas toujours en aide. Le sentiment que nous devons au mal c'est la haine, et il faut que cette haine soit le contrecoup de l'amour, j'entends de l'amour pour le bien et pour Dieu. Pour tout commentaire à cette pensée, voici une anecdote que j'emprunte aux Lettres de La Beaumelle: «Brousson (ministre huguenot) passa dans le Béarn, et, le 19 septembre 1698, fut rencontré à Oleron par des soldats, qui le relâchèrent sur ce qu'il leur protesta qu'il n'était point celui qu'ils cherchaient. À peine eut-il fait vingt pas, que, touché de repentir, il retourna vers eux, et leur dit: Mes amis, il n'est pas permis de mentir pour sauver sa vie: je suis Claude Brousson, ministre de l'Évangile de vérité. Il fut conduit à Pau… et subit le supplice de la roue.»]
[525: Pensées, II, XVII, 81.]
[526: Ibid.]
[527: Tome II, page 414.]
[528: Tome Ier, pages II, 397, etc.]
[529: Tome II, page 430.]
[530: Tome II, page 451.]
[531: Tome II, page 188.]
[532: Tome II, page 415.]
[533: Bossuet, Oraison funèbre du Prince de Condé.]
[534: Semeur, 22 mai 1844. (Tome XIII, pages 163 et suiv.)]
[535: Livre Ier, page 13.]
[536: Livre Ier, page 46.]
[537: Voir, à la fin de ce volume, l'article sur la deuxième édition de Rancé. (P. S.)]
[538: Livre III, page 167.]
[539: Livre III, page 170.]
[540: Livre III, page 172.]
[541: Livre Ier, page 38.]
[542: Livre III, page 191.]
[543: Livre III, page 264.]
[544: Livre III, page 278.]
[545: Livre III, page 217.]
[546: Livre Ier, page 50.]
[547: Livre III, page 220. Ce morceau se trouve déjà dans l'Essai sur la littérature anglaise, tome II, pages 324-328.]
[548: Livre II, pages 120-129.]
[549: Livre II, page 76.]
[550: Livre II, page 125.]
[551: Livre III, page 213.]
[552: Livre II, page 65.]
[553: Livre II, page 135.]
[554: Livre Ier, page 16.]
[555: M.-J. Chénier. Épître à Voltaire.]
[556: Livre Ier, page 16.]
[557: Avertissement, page VIII.]
[558: Semeur, 29 mai 1844. (Tome XIII, pages 170 et suiv.)]
[559: Livre II, page 62.]
[560: Livre II, page 69.]
[561: Livre III, page 216.]
[562: Livre II, page 68.]
[563: Livre II, page 69.]
[564: Ibid.]
[565: Livre III, pages 216-219.]
[566: Livre II, page 101.]
[567: Livre II, page 90.]
[568: Livre II, page 83.]
[569: Livre III, page 275.]
[570: Livre II, page 86.]
[571: Livre II, page 98.]
[572: Livre II, page 112.]
[573: Livre II, page 116.]
[574: Livre II, page 135.]
[575: Livre II, page 141.]
[576: Livre II, page 114.]
[577: Livre II, page 133.]
[578: Livre II, page 140.]
[579: Livre II, page 111.]
[580: Livre II, page 107.]
[581: Livre III, page 192.]
[582: Livre III, page 229.]
[583: Ovide. Tristes, livre Ier, élégie Ire.—Mon livre, tu iras à Rome sans moi. (P. S.)]
[584: Livre III, page 256.]
[585: Livre III, pages 256-258.]
[586: Livre III, page 252.]
[587: Livre III, page 231.]
[588: Livre III, page 269.]
[589: Livre III, page 270.]
[590: Livre III, page 187.]
[591: Livre III, page 267.]
[592: Livre III, page 270.]
[593: Livre III, pages 239 et 245.]
[594: Semeur, 28 Août 1844. (Tome XIII, page 276.)]
[595: Vie de Rancé, deuxième édition, page 218.]
[596: Vie de Rancé, deuxième édition, page 280.]