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Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, tome 2/6

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Balnea, vina, Venus, corrumpunt corpora sana;
Et vitam faciunt balnea, vina, Venus.

CHAPITRE XXVIII.

Sommaire.—Les empereurs romains.—Influence perverse de leurs mœurs dépravées.—Rigueur des lois relatives à la moralité publique avant l’avénement des empereurs.—L’édile Quintus Fabius Gurgès.—Les édiles Vilius Rapullus et M. Fundanius.—Le consul Postumius.—Le chevalier Ebutius et sa maîtresse, la courtisane Hispala Fecenia.—Jules César.—Déportements de cet empereur.—Femmes distinguées qu’il séduisit.—Ses maîtresses Eunoé et Cléopâtre.—Infamie de ses adultères.—César et Nicomède, roi de Bithynie.—Chanson des soldats romains contre César.—Octave, empereur.—Son impudicité.—Épisode singulier des amours tyranniques d’Auguste.—Répugnance d’Auguste pour l’adultère.—Son inceste avec sa fille Julie.—Son goût immodéré pour les vierges.—Sa passion pour le jeu.—Ses femmes Claudia, Scribonia et Livia Drusilla.—Le Festin des douze divinités.—Apollon bourreau.—Tibère, empereur.—Son penchant pour l’ivrognerie.—Sévérité de ses lois contre l’adultère.—Étranges contradictions qu’offrirent la vie publique et la vie privée de cet empereur.—Tibère Caprineus.—Abominable vie que menait ce monstre dans son repaire de l’île de Caprée.—Le tableau de Parrhasius.—Portrait physique de Tibère.—Caligula, empereur.—Ses amours infâmes avec Marcus Lépidus et le comédien Mnester.—Sa passion pour la courtisane Pyrallis.—Comment cet empereur agissait envers les femmes de distinction.—Le vectigal de la Prostitution.—Ouverture d’un lupanar dans le palais impérial.—Le préfet des voluptés.—Claude, empereur.—Honteuses débauches de ses femmes Urgulanilla et Messaline.—Néron, empereur.—Sa jeunesse.—Ses soupers publics au Champ-de-Mars et au grand Cirque.—Les hôtelleries du golfe de Baïes.—Pétrone, arbitre du plaisir.—Abominables impudicités de Néron.—Son mariage avec Sporus.—Sa passion incestueuse pour sa mère Agrippine.—Les métamorphoses des dieux.—Acté, concubine de Néron.—Galba, empereur.—Infamie de ses habitudes.—Othon, empereur.—Ses mœurs corrompues.—Vitellius, empereur.—Ses débordements.—Son amour pour l’affranchi Asiaticus.—Son insatiable gloutonnerie.—Vespasien, empereur.—Retenue de ses mœurs.—Cénis, sa maîtresse.—Titus, empereur.—Sa jeunesse impudique.—Son règne exemplaire.—Domitia et l’histrion Pâris.—Domitien, empereur.—Ses déportements.—Peines terribles contre l’inceste des Vestales.—Nerva, Trajan et Adrien, empereurs.—Antonin-le-Pieux et Marc-Aurèle.

Ce fut sous les empereurs, ce fut par l’influence perverse de leurs mœurs dépravées, ce fut par leur exemple et à leur instigation malfaisante, que la société romaine fit d’effrayants progrès dans la corruption, qui acheva de la désorganiser et de préparer les voies au triomphe de la morale chrétienne. Cette pure et sainte morale avait bien jeté quelques éclairs précurseurs dans la philosophie du paganisme; mais ses conseils étaient sans force et sans portée, parce qu’ils n’émanaient pas encore de l’autorité religieuse, parce qu’ils ne découlaient pas du dogme lui-même, parce qu’ils restaient étrangers au culte. La religion des faux dieux, au contraire, semblait donner un démenti permanent aux doctrines philosophiques, qui tendaient à rendre l’homme meilleur, en lui apprenant à se laisser diriger par l’estime de soi et à mériter aussi l’estime des autres. Cette religion, toute matérielle et toute sensuelle, ne pouvait suffire aux esprits élevés et aux nobles cœurs, que l’Évangile du Christ allait trouver tout prêts à le comprendre; mais il fallait des siècles de travail mystérieux dans les âmes, pour les approprier, en quelque sorte, à la foi nouvelle, à la morale. Tous les excès du luxe, tous les débordements des passions, toutes les recherches du plaisir furent le résultat d’une extrême civilisation qui n’avait pas de frein religieux et qui n’aspirait pas à un autre but qu’à la satisfaction de l’égoïsme le plus brutal. Jamais cet égoïsme ne fut poussé si loin qu’à l’époque des Césars, qui en ont été, pour ainsi dire, la monstrueuse personnification.

«Le vice est à son comble!» s’écriait tristement Juvénal effrayé des infamies qu’il dénonçait dans ses satires: Omne in præcipiti vitium stetit. Dans vingt endroits de son recueil, ce farouche stoïcien maudit les turpitudes de son temps et regrette les vertus austères des Romains de la République: «Voilà, malheureux, à quel point de décadence nous sommes parvenus! dit-il avec amertume... Nous avons, il est vrai, porté nos armes aux confins de l’Hibernie, nous avons tout récemment soumis les Orcades et la Bretagne, où les nuits sont si courtes; mais ce que fait le peuple vainqueur dans la Ville éternelle, les peuples vaincus ne le font pas!» L’histoire de Rome, en effet, avant la dépravation impériale, est pleine de faits qui témoignent, sinon de la pureté des mœurs, du moins de la rigueur des lois relatives à la moralité publique. L’an 457 de la fondation de Rome, Quintus Fabius Gurgès, fils du consul, signala son édilité en accusant au tribunal du peuple certaines matrones qui se livraient à la débauche (matronas stupri damnatas), et les fit condamner à une amende énorme dont le produit fut employé à ériger un temple à Vénus, auprès du grand Cirque. L’an 539, les édiles populaires, Vilius Rapullus et M. Fundanius intentèrent une accusation semblable à des matrones coupables de pareils désordres, et les envoyèrent en exil. L’an 568, le consul Postumius, ayant été averti des hideuses obscénités qui se commettaient dans la célébration des Bacchanales, prit des mesures vigoureuses pour extirper le mal dans sa racine, et pour anéantir la secte impudique qui se propageait dans l’ombre, sous le vain prétexte des mystères de Bacchus. Un jeune chevalier romain, nommé Ebutius, était venu se plaindre au consul qu’on avait entraîné sa maîtresse aux Bacchanales. Cette maîtresse n’était pourtant qu’une courtisane appelée Hispala Fecenia; esclave dans sa jeunesse, depuis son affranchissement elle continuait son ancien métier, au-dessus duquel la plaçait l’élévation de ses sentiments. Elle avait contracté avec Ebutius une liaison qui ne nuisait pas à la réputation du jeune homme, quoiqu’il vécût aux dépens de cette affranchie (meretriculæ munificentiâ continebatur). Hispala demeurait sur le mont Aventin, où elle était bien connue (non ignotam viciniæ). Le consul pria sa belle-mère Sulpicia de mander cette courtisane, qui ne fut pas peu étonnée d’être introduite chez une matrone respectable. Là, Postumius l’interrogea en présence de sa belle-mère, et il obtint la révélation complète de toutes les horreurs qui avaient lieu dans les assemblées nocturnes des Bacchanales. Le lendemain, il alla au sénat, et il demanda les moyens d’exterminer une secte infâme qui comptait déjà sept mille initiés à Rome et aux environs. Le sénat partagea l’indignation de Postumius et prononça des peines terribles contre les abominables auteurs des Bacchanales. Quant à Ebutius et à sa compagne, ils furent généreusement récompensés: le sénatus-consulte déclara que la belle Hispala, malgré son origine et malgré son métier, pourrait épouser un homme de condition libre, sans que ce mariage pût compromettre en rien la fortune et la réputation de son mari. Elle épousa Ebutius et prit le rang de matrone, sous la sauvegarde des consuls et des préteurs, qui devaient la garantir de toute insulte. Les Bacchanales, flétries et proscrites par arrêt du sénat, n’osèrent reparaître à Rome que sous le règne des empereurs.

Les mœurs publiques furent perdues, dans tout l’empire romain, du jour où le chef de l’État cessa de les respecter lui-même, et donna le signal des vices qu’il était appelé à réprimer. Jules César, ce grand homme dont le génie éleva si haut la puissance romaine, par les armes, la politique et la législation; Jules César fut le premier à offrir aux Romains le spectacle corrupteur de ses déportements. On eût dit qu’il voulait prouver par là que son ancêtre Énée lui avait transmis quelque chose du sang de Vénus. Tous les historiens, Suétone, Plutarque, Dion Cassius, s’accordent à reconnaître qu’il était très-porté aux plaisirs de l’amour, et qu’il n’y épargnait pas la dépense: pronum et sumptuosum una in libidines fuisse, dit Suétone. Il séduisit un grand nombre de femmes distinguées, telles que Postumia, femme de Servius Sulpicius; Lollia, femme d’Aulus Gabinius; Tertulla, femme de Marcus Crassus; et Marcia, femme de Cneius Pompée; mais il n’aima aucune femme plus que Servilie, mère de Brutus. Il lui donna, pendant son premier consulat, une perle qui avait coûté six millions de sesterces (1,162,500 fr.), et, à l’époque des guerres civiles, outre les riches présents dont il la combla, il lui fit adjuger à vil prix les plus beaux domaines, qu’on vendait alors aux enchères. Comme on s’étonnait du bon marché de ces acquisitions, Cicéron répondit par cette épigramme: «Le prix est d’autant plus avantageux, qu’on a fait déduction du tiers.» Le jeu de mots signifiait aussi: «On a livré Tertia.» On soupçonnait, en effet, Servilie de favoriser elle-même un commerce scandaleux entre sa fille Tertia et son propre amant. César ne respectait pas davantage le lit conjugal dans les provinces où il passait avec son armée; après la conquête des Gaules, le jour de son triomphe, ses soldats chantaient en chœur:

Urbani, servate uxores, mœchum calvum adducimus!
Aurum in Galliâ effutuisti; at hic sumsisti mutuum.

«Citadins, gardez bien vos épouses, voici que nous ramenons le libertin chauve! César, tu as répandu en amour dans les Gaules tout l’or que tu as pris à Rome!» Jules César fut l’amant de plusieurs reines étrangères, entre autres d’Eunoé, femme du roi de Mauritanie. Il aima surtout avec passion la voluptueuse Cléopâtre, reine d’Égypte, qui lui donna un fils qu’il eût voulu choisir pour héritier.

Ses ardeurs vénériennes s’étaient tellement accrues, au lieu de diminuer avec les années, qu’il convoitait toutes les femmes de l’empire romain, et qu’il eût souhaité pouvoir en disposer à son choix. Il avait rédigé un singulier projet de loi, qu’il eut honte pourtant de présenter à la sanction du sénat: par cette loi, il se réservait le droit d’épouser autant de femmes qu’il voudrait, pour avoir autant d’enfants qu’il était capable d’en produire. L’infamie de ses adultères était si notoire, raconte Suétone, que Curion le père, dans un de ses discours, l’avait qualifié mari de toutes les femmes et femme de tous les maris. La seconde partie de cette sanglante épigramme tombait à faux, car, suivant l’histoire, César ne pécha qu’une seule fois dans sa vie par impudicité, c’est-à-dire en s’adonnant au vice contre nature (ce vice seul était aux yeux des Romains un outrage à la pudeur); mais ce honteux égarement de César eut un si fâcheux éclat, qu’un opprobre ineffaçable en rejaillit sur son nom dans le monde entier. La calomnie s’empara sans doute d’un fait, qui n’avait été qu’un accident de débauche, et qui aurait passé inaperçu, si les deux coupables n’eussent pas été Jules César et le roi Nicomède. Cicéron rapporte, dans ses lettres, que César fut conduit par des gardes dans la chambre du roi de Bithynie; qu’il s’y coucha, couvert de pourpre, sur un lit d’or, et que ce descendant de Vénus prostitua sa virginité à Nicomède (floremque ætatis à Venere orti in Bithynia contaminatum). Depuis cette infâme complaisance, César se vit en butte aux ironies les plus amères, et il les supporta patiemment, sans y répondre et sans les démentir. Tantôt Dolabella l’appelait en plein sénat: la concubine d’un roi, la paillasse de la couche royale; tantôt le vieux Curion le traitait de lupanar de Nicomède et de prostituée bithynienne. Un jour, comme César s’était fait le défenseur de Nysa, fille de Nicomède, Cicéron l’interrompit, avec un geste de dégoût, en disant: «Passons, je vous prie, sur tout cela; on sait trop ce que vous avez reçu de Nicomède, et ce que vous lui avez donné!» Une autre fois, un certain Octavius, qui se permettait tout impunément, parce qu’il passait pour fou, salua César du titre de reine, et Pompée, du titre de roi. C. Memmius racontait à qui voulait l’entendre, qu’il avait vu le jeune César servant Nicomède à table et lui versant à boire, confondu qu’il était avec les eunuques du roi. Enfin, quand César montait au Capitole, après la soumission des Gaules, les soldats chantaient gaiement autour de son char de triomphe: «César a soumis les Gaules, Nicomède a soumis César. Voici que César triomphe aujourd’hui pour avoir soumis les Gaules; Nicomède ne triomphe pourtant pas, lui qui a soumis César.»

Octave ne resta point au-dessous de César, en fait d’impudicité: «Sa réputation fut flétrie dès sa jeunesse par plus d’un opprobre,» lit-on dans Suétone. Sextus Pompée le traita d’efféminé; Marc-Antoine lui reprocha d’avoir acheté, au prix de son déshonneur, l’adoption de son oncle; Lucius, frère de Marc-Antoine, prétendit qu’Octave, après avoir livré la fleur de son innocence à César, la vendit une seconde fois en Espagne à Hirtius pour 300,000 sesterces (58,225 fr.); Lucius ajoutait qu’Octave avait coutume alors de se brûler le poil des jambes avec des coquilles de noix ardentes, afin que ce poil repoussât plus doux. Tout le peuple lui appliqua un jour, avec une joie maligne, un vers prononcé sur la scène pour désigner un prêtre de Cybèle jouant du tambourin: Viden, ut cinædus orbem digito temperat? L’équivoque roulait sur le mot orbem, qui pouvait s’entendre à la fois du tambourin, de l’univers et des parties déshonnêtes que gouvernait aussi le doigt d’un vil cinæde. Mais plus tard Octave réfuta ces accusations, peut-être calomnieuses, par la chasteté de ses mœurs à l’égard d’un vice qu’on n’eut pas à lui reprocher davantage, lorsqu’il eut atteint l’âge d’homme. Quant à ses mœurs, sous un autre rapport, elles étaient loin d’être chastes ou même réservées. Il semblait avoir hérité de la fureur amoureuse de Jules César pour toutes les femmes. En dépit de ses lois contre l’adultère, il ne fut point aussi sévère pour lui-même, qu’il l’était pour les autres, et il n’épargna pas, pour son propre compte, l’honneur nuptial de ses sujets. Marc-Antoine prétendait avoir été témoin d’un épisode singulier des amours tyranniques de l’empereur: au milieu d’un festin, Auguste fit passer, de la salle à manger dans une chambre voisine, la femme d’un consulaire, quoique le mari de celle-ci fût au nombre des invités; et, lorsqu’elle revint avec Auguste, après avoir donné aux convives le temps de vider plus d’une coupe à la gloire de César, la dame avait les oreilles rouges et les cheveux en désordre. Le mari seul n’y prit pas garde. Avant que Marc-Antoine se fût déclaré son ennemi et son compétiteur, il lui écrivait familièrement: «Qui t’a donc changé? Est-ce l’idée que je possède une reine? Mais Cléopâtre est ma femme, et ce n’est pas d’hier, car il y a neuf ans. Mais tu ne te contentes pas de Livie? Oui, tu es un tel homme, que, quand tu liras cette lettre, je te crois capable d’avoir pris Tertulla, ou Térentilla, ou Ruffilla, ou Salvia Titiscénia, ou peut-être toutes. Peu t’importe en quel lieu et pourquoi tes désirs s’éveillent?» (Anne refert ubi et in quam arrigas?)

Quelle que fût néanmoins l’incontinence d’Auguste, il avait certaine répugnance pour l’adultère, qui lui semblait une plaie sociale, et qu’il essaya inutilement de combattre par des lois rigoureuses. Quand il se permettait d’enfreindre lui-même sa législation à cet égard, il n’épargnait aucune précaution pour cacher une faiblesse dont il rougissait, et qu’il n’avouait pas à ses plus chers confidents. Ainsi, le poëte Ovide paya de sa disgrâce éclatante le malheur d’avoir été témoin des amours incestueux de l’empereur avec sa fille Julie. Auguste n’avait pas à craindre sans doute une indiscrétion, de la part de ce fidèle serviteur, qui était son rival ou qui passait pour l’être; mais il ne voulait pas s’exposer à voir en face, à tout moment, un homme devant lequel il s’était déshonoré. Dans sa jeunesse, ces scrupules ne le tourmentaient pas, puisque ses amis, selon Suétone, ne s’occupaient qu’à lui chercher des femmes mariées et des filles nubiles, qu’ils faisaient mettre nues devant eux, pour les examiner comme des esclaves en vente au marché de Toranius. Ces tristes objets de la luxure impériale devaient, avant d’être choisis et approuvés, remplir certaines conditions requises par les caprices d’Auguste, qui se montrait curieux des plus secrets détails de leur beauté. C’est ainsi que les commentateurs ont interprété ces mots conditiones quæsitas, que l’historien a laissés, en quelque sorte, sous un voile transparent. L’ardeur d’Auguste pour les plaisirs des sens ne se refroidit pas avec l’âge, mais il cessa de prendre ses maîtresses parmi les mères de famille, qui ne lui inspiraient plus les mêmes désirs, et il se rejeta exclusivement sur les vierges (ad vitiandas virgines promtior); on lui en amena de tous côtés, et sa femme même se prêtait à les introduire auprès de lui. Cette espèce de fureur ne pouvait toujours durer, et la vieillesse y mit bon ordre. Ce fut alors qu’à la passion des femmes succéda celle du jeu, moins fatigante et non moins insatiable que l’autre. Auguste, en jouant aux dés, souriait encore au coup de Vénus (trois six) qui faisait rafle, comme il le dit gaiement dans une lettre à Tibère.

Le goût immodéré qu’il avait pour les vierges, dans la dernière partie de sa vie, ne lui était venu qu’au déclin de sa virilité. Lorsqu’il se sentait jeune et vigoureux, il avait vécu avec sa première femme Claudia, qui était à peine nubile, sans réclamer l’usage de ses droits de mari; car elle n’était pas moins vierge que la veille de son mariage, quand il se sépara d’elle pour épouser Scribonia, veuve de deux consulaires. Il répudia également Scribonia, à cause de la perversité des mœurs de cette mère de famille. Il se maria en troisièmes noces avec Livia Drusilla, qu’il avait enlevée à Tibère Néron, dont elle était enceinte; il l’aima constamment, malgré les infidélités perpétuelles qu’il ne prenait pas seulement la peine de lui cacher. Satisfaite d’être aimée par-dessus tout, Livie ne regardait pas comme des rivales toutes ces femmes vénales qui se succédaient dans les bras de son mari. Si énormes que fussent les excès d’Auguste en cheveux gris, ils étaient toujours effacés, dans l’opinion publique, par ceux de sa jeunesse. On avait beaucoup parlé surtout d’un souper mystérieux, qu’on appelait vulgairement le Festin des douze divinités, souper où les convives, habillés en dieux et en déesses, imitèrent les scènes indécentes que la poésie antique a placées dans l’Olympe, sous l’influence de l’ambroisie qu’Hébé et Ganymède y versaient à la ronde. Dans cette orgie, Octave avait représenté Apollon, et un satirique anonyme immortalisa le souvenir de ces impiétés obscènes dans ces vers fameux: «Lorsque César osa prendre le masque d’Apollon et célébrer dans un festin les adultères des dieux, ces dieux indignés s’éloignèrent du séjour des mortels et Jupiter lui-même abandonna ses temples dorés.» Ce souper, dont les particularités ne furent jamais bien connues, coïncidait avec la disette à laquelle Rome était alors en proie: «Les dieux ont mangé tout le blé!» dirent les Romains, en apprenant que l’Olympe avait soupé dans le palais de César: «Si César est, en effet, le dieu Apollon, murmuraient les plus hardis, c’est Apollon bourreau.» Le dieu était adoré sous le nom de Tortor, dans un quartier de la ville où l’on vendait les instruments de supplice, entre autres les verges. Suivant un scholiaste, cette injurieuse qualification appliquée à Auguste faisait allusion au rôle qu’il avait joué dans cette fête nocturne.

Les orgies d’Auguste étaient naïves et innocentes auprès de celles qui faisaient la distraction du vieux Tibère. Cet empereur, que son penchant pour l’ivrognerie avait conduit par degrés à tous les vices les plus hideux, se piquait pourtant de réformer les mœurs des Romains; il renchérit sur la sévérité des lois que son prédécesseur avait faites contre l’adultère; il rétablit l’ancien usage de faire prononcer, par une assemblée de parents, à l’unanimité des voix, le châtiment des femmes qui auraient manqué à la foi conjugale; quant aux maris qui fermaient les yeux sur le scandale de la conduite de leurs épouses, il les força de répudier avec éclat ces impudiques; il exila dans les îles désertes des patriciennes qui s’étaient fait inscrire sur les listes de la Prostitution pour se livrer sans danger à leurs déportements; il bannit de Rome les jeunes libertins de condition libre, qui, pour obtenir le droit de paraître sur le théâtre ou dans l’arène, avaient volontairement requis d’un tribunal la note d’infamie. Mais il ne tenait pour lui-même aucun compte des austères prescriptions de sa jurisprudence, et il avait l’air de chercher à commettre des crimes ou des turpitudes que nul avant lui n’eût osé imaginer. Ses actes de magistrat suprême et son genre de vie présentaient sans cesse les plus étranges contradictions; un jour, dans le sénat, il apostropha durement Sestius Gallus, vieillard prodigue et libidineux, qui avait été flétri par Auguste, et peu d’instants après, en sortant, il s’invita lui-même à souper chez ce vieux libertin, à condition que rien ne serait changé aux habitudes de la maison, et que le repas serait servi comme à l’ordinaire par de jeunes filles nues (nudis puellis ministrantibus). Une autre fois, pendant qu’il travaillait à la réformation des mœurs, il passa deux jours et une nuit à table avec Pomponius Flaccus et L. Pison, qu’il récompensa de leurs infâmes complaisances, en nommant l’un gouverneur de Syrie et l’autre préfet de Rome, et en les appelant, dans ses lettres patentes, «ses plus délicieux amis de toutes les heures.» Il punissait de mort quiconque, homme ou femme, ne se prêtait pas aussitôt à ses sales désirs. C’est pour se venger d’un refus de cette espèce, qu’il fit accuser par ses délateurs la belle Mallonia, qui préféra la mort à la honte. Durant les débats du procès, il la conjurait de se repentir, mais elle se perça d’une épée, après l’avoir traité tout haut de «vieillard à la bouche obscène, velu et puant comme un bouc.» Aussi, aux premiers jeux qui furent célébrés depuis cette tragique aventure, tous les spectateurs applaudirent, en appliquant à Tibère ce passage d’une atellane: «Tel on voit un vieux bouc lécher les chèvres (hircum vetulum capreis naturam ligurire).» Le peuple avait surnommé l’empereur Caprineus, en faisant allusion en même temps à ses mœurs de bouc et à son séjour habituel dans l’île de Caprée.

Voici comment Suétone a raconté l’abominable vie que menait ce monstre au fond de son repaire: «Il imagina une grande chambre, dont il fit le siége de ses plus secrètes débauches. Là, des troupes choisies de jeunes filles et de jeunes garçons, dirigées par les inventeurs d’une monstrueuse Prostitution, qu’il appelait spinthries (étincelles), formaient une triple chaîne, et, mutuellement enlacées, passaient devant lui, pour ranimer par ce spectacle ses sens épuisés. Il avait aussi plusieurs chambres diversement arrangées pour le même usage; il les orna de tableaux et de bas-reliefs représentant les sujets les plus lascifs; il y rassembla les livres d’Éléphantis, afin que le modèle ne manquât pas à la circonstance (ne cui in opera edenda exemplar imperatæ schemæ deesset). Dans les bois et dans les forêts il ne vit que des asiles consacrés à Vénus, et il voulut que les grottes et les creux des rochers offrissent sans cesse à ses regards des couples amoureux en costumes de nymphes et de satyres... Il poussa la turpitude encore plus loin, et jusqu’à des excès qu’il est aussi difficile de croire que de rapporter: il avait dressé des enfants de l’âge le plus tendre, qu’il appelait ses petits poissons,—ut natanti sibi inter femina versarentur ac luderent, linguâ morsuque sensim appetentes, atque etiam, quali infantes firmiores, necdum tamen lacte depulsos, inguini ceu papillæ admoveret;—genre de plaisir, auquel son âge et son tempérament le portaient le plus. Ainsi, quelqu’un lui ayant légué le tableau de Parrhasius, où Atalante prostitue sa bouche à Méléagre, et le testament lui donnant la faculté de recevoir, à la place de ce tableau, si le sujet lui déplaisait, un million de sesterces (193,750 fr.), il préféra le tableau et le fit placer, comme un objet sacré, dans sa chambre à coucher. On dit aussi qu’un jour, pendant un sacrifice, il s’éprit de la beauté d’un jeune garçon qui portait l’encens; il attendit à peine que la cérémonie fût achevée, pour assouvir à l’écart son ignoble passion, à laquelle dut se prêter aussi le frère de ce malheureux, qu’il avait remarqué jouant de la flûte; ensuite, comme ils se reprochaient l’un à l’autre leur opprobre, il leur fit casser les jambes à tous deux. Le portrait physique de Tibère achèvera de caractériser ses mœurs: «Il était gros et robuste, d’une taille au-dessus de l’ordinaire, large des épaules et de la poitrine, bien fait et bien proportionné. Il était plus adroit et plus fort de la main gauche, que de l’autre main: les articulations en étaient si vigoureuses, qu’il perçait du doigt une pomme encore verte, et que d’une chiquenaude il blessait la tête d’un enfant ou même d’un jeune homme... Son visage était beau, mais sujet à se couvrir subitement de boutons...»

Caligula, encore moins réservé que Tibère, qu’il s’étudiait à imiter, afficha effrontément ses amours infâmes avec Marcus Lépidus, le comédien Mnester et plusieurs otages avec lesquels il avait un commerce réciproque (commercio mutui stupri). Valérius Catullus, fils d’un consulaire, lui reprocha un jour d’avoir abusé de sa jeunesse (stupratum à se ac latera sibi contubernio ejus defessa, etiam vociferatus est); mais, grossier et brutal dans ses plaisirs, il ne les variait par aucun raffinement de volupté, et la gourmandise, plutôt que la luxure, inspirait les déréglements de son imagination. Il chercha l’extraordinaire, le monstrueux, excepté en amour, qui ne fut pas même un prétexte à ses prodigalités. «Sans parler de ses incestes avec ses sœurs et de sa passion bien connue pour la courtisane Pyrallis, raconte Suétone, il ne respecta aucune femme de la plus haute distinction (non temere ullâ illustriore feminâ abstinuit). Ordinairement il invitait à souper ces dames avec leurs maris, et là, les faisant passer devant lui, il les examinait longuement et minutieusement, à la façon des marchands d’esclaves. Puis, à plusieurs reprises, sortant de la salle du festin avec celle qui lui avait plu, il la ramenait bientôt, sans cacher les souillures récentes de sa débauche, et louait ou critiquait tout haut cette malheureuse, dont il énumérait les beautés ou les imperfections corporelles, ainsi que ses propres exploits. Il en répudia quelques-unes au nom de leurs époux absents, et il fit insérer ces divorces dans les actes publics.» Au reste, Caligula fit, en quelque sorte, oublier ses désordres par ses ingénieuses cruautés, par ses folles dépenses et par ses impitoyables exactions. Parmi les impôts bizarres et ignobles qu’il établit à Rome, il faut citer le vectigal de la Prostitution: chaque prostituée était taxée au prix qu’elle exigeait elle-même en vendant son corps (ex capturis prostitutarum, quantum quæque uno concubitu mereret). L’empereur ajouta depuis, à ce chapitre de la loi, qu’un pareil droit serait exigé de tous ceux, hommes et femmes, qui avaient vécu du lenocinium et du meretricium. On comprend que la fixation de cet impôt ne pouvait être qu’arbitraire et facultative.

Mais un des faits les plus singuliers du règne de Caligula, c’est la fondation et l’ouverture d’un lupanar dans le palais des Césars. Ce fait monstrueux, qui est rapporté par Dion Cassius et par Suétone, a paru si peu vraisemblable à quelques critiques, qu’ils ont voulu voir une altération du texte dans ce passage, que Dion, à leur avis, aurait copié de confiance, d’après Suétone, en l’amplifiant et en le poétisant. Selon ces critiques, il s’agirait d’un tripot et non d’un lupanar. Dion ajoute seulement au récit de l’historien latin, que Caligula avait pris dans les Gaules l’idée de son lupanar impérial. «Afin qu’il n’y eût aucun genre d’exactions qui ne fût mis en pratique, il établit un lupanar dans le palais: là, un grand nombre de cellules furent construites et ornées suivant la convenance du lieu, et des matrones, des ingénus, occupèrent ces cellules. L’empereur envoyait ses nomenclateurs autour des places et des basiliques, pour inviter à la débauche (in libidinem) jeunes gens et vieillards. Les arrivants trouvaient à emprunter de l’argent à usure, et l’on prenait les noms de ceux qui payaient largement leur écot, comme s’ils souscrivaient ainsi pour l’accroissement des revenus de César.» Ces détails sont, en effet, très-vagues et très-obscurs; on les appliquerait plutôt à un tripot qu’à un lupanar, et l’on ne se rend pas compte surtout de cet emprunt qui attendait les nouveaux venus que les nomenclateurs avaient recrutés sur la voie publique. Suétone veut-il faire entendre par là que le prix de cette Prostitution, sous la garantie de l’empereur, était si considérable que nul n’avait assez d’argent sur soi pour la payer? Ce qui nous fait présumer que ce prétendu lupanar n’était qu’une maison de jeu, dirigée par des matrones et des fils de famille (ingenui), c’est que Suétone ajoute immédiatement des particularités qui ne peuvent se rapporter qu’aux jeux de hasard (alea), dans lesquels Caligula usait de fraude et de parjure pour être toujours maître de la chance.

Quoi qu’il en soit, si l’emploi de préfet des voluptés (à voluptatibus), créé par Tibère, subsista jusqu’au règne de Néron, il est certain que le lupanar impérial ne survécut pas à Caligula, qui l’avait inventé et qui en tirait de gros bénéfices. Son successeur Claude ne fut pas moins cruel ni moins sanguinaire que lui, mais il n’en arriva pas à de semblables excès d’impudeur. Il eut trop de femmes légitimes pour avoir beaucoup de maîtresses, et celles qu’il se donna, par caprice plutôt que par amour, n’eurent point assez de notoriété et d’éclat pour que l’histoire ait parlé d’elles. Suétone, qui a soin d’enregistrer les mariages et les divorces de Claude, en flétrissant les honteuses débauches (libidinum probra) de sa première femme, Urgulanilla, et les éclatants débordements de la troisième, Messaline, Suétone formule un jugement général à l’égard des mœurs de cet empereur: «Il aima passionnément les femmes, mais il n’eut aucun commerce avec les hommes (libidinis in feminas profusissimæ, marium omnino expers).» Quels que fussent d’ailleurs les désordres de Claude, ils étaient loin d’égaler ceux de cette Messaline qui a été immortalisée par Juvénal (voy. le fameux morceau de la Satire VI, page 22 du présent volume), et dont le nom est devenu, dans toutes les langues, le synonyme de la Prostitution la plus effrontée. Il faut chercher dans Tacite le récit des crimes et des impudicités de cette impératrice (Liv. XI), qui avait osé, du vivant de l’empereur, se marier publiquement avec Silius et célébrer ce mariage adultère par une orgie où elle joua le rôle de bacchante. Malgré l’identité d’une courtisane nommée Lysirca, qui ressemblait à Messaline, et qui avait pu se faire passer pour elle dans l’exercice de son métier de prostituée, nous n’entreprendrons pas de prouver que Messaline a été calomniée par l’histoire, et qu’une fatale ressemblance a fait seule son infâme célébrité.

L’exemple de Messaline semblait avoir encouragé Néron à surpasser ses prédécesseurs dans la carrière des crimes de la Prostitution. Dès qu’il eut levé le masque qui déguisait ses mauvais penchants, il se jeta dans tous les excès que le raffinement du libertinage avait pu imaginer et il donna satisfaction à tous ses vices. Dans les premiers temps, il s’imposait encore quelque contrainte en se livrant à la débauche, à la luxure et à ses passions pétulantes, qu’on pouvait faire passer pour des erreurs de jeunesse. Dès que le jour tombait, il se couvrait la tête du bonnet des affranchis ou d’une cape de muletier pour courir les cabarets et les lieux suspects; il vagabondait dans les rues, insultant les femmes, injuriant les hommes et frappant tout ce qui lui résistait. Il se compromettait alors avec les plus viles mérétrices, avec les plus indignes lénons; il battait souvent et se faisait battre quelquefois. C’était, suivant lui, une manière adroite d’étudier le peuple sur le fait, et d’apprendre à vivre en simple citoyen. Comme les lupanaires, les maîtres d’esclaves, les cabaretiers et les boulangers menaçaient de lui casser les reins, il ne sortit plus sans être suivi à distance par des gens armés, qui venaient au besoin lui prêter main-forte. Mais il dédaigna bientôt de cacher ses mœurs, et il se plut, au contraire, à les afficher devant tout le monde, sans s’inquiéter du scandale et du blâme. Ainsi, le voit-on souper en public, soit au Champ-de-Mars, soit au grand Cirque, et il se faisait servir par toutes les prostituées de Rome et par des joueuses de flûte étrangères (inter scortorum totius urbis ambubaiarumque ministeria).

Ce n’est pas tout; toutes les fois qu’il se rendait à Ostie par le Tibre ou qu’il naviguait autour du golfe de Baïes, on établissait, tout le long du rivage, des hôtelleries et des lieux de débauche où des matrones, jouant le rôle des maîtresses d’auberge, avec mille cajoleries, l’invitaient à s’arrêter. Il s’arrêtait fréquemment, et son voyage se prolongeait ainsi pendant des semaines. Un préfet des voluptés ne lui suffisant pas, il institua, en outre, un arbitre du plaisir, et ce fut Pétrone qui paraît avoir rempli cette charge difficile, au contentement de Néron. Il était non-seulement l’arbitre du plaisir, mais encore de l’élégance (elegantiæ arbiter, dit Tacite), et Tigellin ne lui pardonna pas d’être si habile dans la science des voluptés (scientiâ voluptatum potiorem). On ne saurait croire néanmoins que Pétrone arbiter ait approuvé les abominables impudicités que l’empereur se permettait sans la moindre hésitation, dès que l’idée lui en venait. Tacite, Suétone, Xiphilin, Aurelius Victor, ont parlé de ces infamies; mais ils ont évité de les peindre en détail et de faire comparaître dans ce hideux tableau les lâches complaisants qui partageaient l’orgie impériale ou qui en secondaient les turpitudes. Suétone, après avoir signalé le commerce pédagogique de Néron avec des ingénus (ingenuorum pædagogia) et ses adultères avec des femmes mariées, l’accuse simplement d’avoir violé la Vestale Rubria. Il est plus explicite sur son mariage exécrable avec Sporus, et sur son inceste avec sa mère.

Sporus était un jeune garçon, d’une beauté incomparable; Néron en devint éperdument amoureux, et il souhaita que Sporus fût une femme; il essaya, par un détestable égarement d’imagination, de changer le sexe du jeune homme, qu’il fit mutiler (ex sectis testibus etiam in muliebrem transfigurare conatus). Alors, lui ayant constitué une dot et le parant du voile nuptial comme une fiancée, il fit célébrer avec pompe la cérémonie d’un mariage, où il épousa son Sporus (celeberrimo officio deductum ad se pro uxore habuit), sous les regards d’une nombreuse assemblée qui applaudit à cette odieuse mascarade. Quelqu’un qui assistait à la fête se permit un bon mot qui aurait pu lui coûter cher: «Il aurait été fort heureux pour le genre humain, que le père de Néron, Domitius, eût épousé une pareille femme!» Néron resta longtemps épris de Sporus, qu’il avait revêtu du costume des impératrices et qu’il n’avait pas honte de laisser paraître à ses côtés en public; il voyagea en Grèce avec ce mignon, et de retour à Rome, il se montra en litière avec lui pendant les fêtes sigillaires, et on les voyait à chaque instant s’embrasser (identidem exosculans). Quant à sa mère, Agrippine, ce fut elle, selon Tacite, qui sollicita la première les sens de Néron pour se faire un crédit fondé sur une liaison impudique; mais Néron, tout en s’abandonnant à ces criminelles amours, n’accorda pas à sa complice le pouvoir qu’elle convoitait, et il ne tarda pas à se lasser des importunités qu’il s’était attirées comme un châtiment de son inceste. Selon Suétone, il aurait aimé follement Agrippine, sans arriver à l’accomplissement de ses désirs coupables, soit qu’Agrippine eût l’adresse et la force de les tenir en respect, soit plutôt qu’il en eût été détourné par ses confidents qui lui firent comprendre le danger de se mettre ainsi sous la sujétion d’une femme impérieuse. Il conserva toutefois à l’égard de sa mère une intention libertine, qui se traduisait par des actes impurs, lorsqu’il se promenait en litière avec elle. (Olim etiam, quoties lectica cum matre veheretur, libidinatum inceste, ac maculis vestis proditum, affirmant.) Bien plus, pour que l’illusion lui présentât mieux les apparences de la réalité, il admit au nombre de ses concubines une courtisane qui ressemblait singulièrement à Agrippine.

Néron se piquait d’être poëte, et il était entraîné par les fictions de la poésie à d’incroyables caprices de fureur érotique: ainsi, essayait-il d’imiter les métamorphoses des dieux en se revêtant de peaux de bêtes et en s’élançant, tantôt loup, tantôt lion, tantôt cygne, tantôt taureau, sur des femmes ou des hommes enchaînés ou libres, qu’il mordait, égratignait, mutilait, à son plaisir (suam quidem pudicitiam usque adeo prostituit, ut contaminatis pæne omnibus membris, novissime quasi genus lusus excogitaret, quo feræ pelle contectus emitteretur e cavea, virorumque ac fœminarum ad stipitem deligatorum inguina invaderet). Il renouvelait de la sorte la fable d’Andromède, de Léda, d’Io, et de tant d’autres contemporains des âges héroïques. Puis, exalté par ces obscènes mascarades, il se persuadait que les dieux favorables l’avaient changé en femme, et il se livrait à son affranchi Diophore en contrefaisant les cris d’une jeune vierge éperdue. (Et quum affatim desævisset, conficeretur à Doryphoro liberto, cui etiam, sicut ipsi Sporus, ita ipse denupsit, voces quoque et ejulatus vim patientium virginum imitatus.) Un pareil monstre n’était arrivé à ce comble de turpitude, qu’en faisant rejaillir sur l’humanité tout entière le mépris qu’il avait pour lui-même; il était convaincu qu’aucun homme n’est absolument chaste ni exempt de quelque souillure corporelle (neminem hominem pudicum, aut ulla corporis parte purum esse), mais il pensait que la plupart savaient dissimuler le vice et le cacher habilement: «Aussi, ajoute Suétone, pardonnait-il tous les autres défauts à quiconque avouait sa lubricité devant lui.» Ce misérable empereur était bien digne de mourir, en pleurant, dans les bras de l’infâme Sporus, qui ne mêla pas son sang à celui de ce compagnon de débauches, qu’il détestait, car Néron avait le corps tout couvert de taches et d’ulcères qui exhalaient une odeur infecte et qui provenaient de ses œuvres. Cependant ce fut sa concubine Acté qui déposa ses cendres, en les arrosant de larmes, dans le tombeau des Domitius.

Galba, quoiqu’il fît remonter son origine à Pasiphaé et à son taureau, n’avait pas le tempérament et la santé propres à continuer les énormes débordements de Néron. Il était d’une maigreur excessive, malgré les promesses de son nom, qui signifiait gros en langage gaulois, et cette maigreur étique accusait l’infamie de ses habitudes: il préférait aux jeunes gens les hommes robustes et même déjà vieux (libidinis in mares pronioris, et eos, non nisi præduros, exoletosque). Quand Icilus, un de ses anciens concubins (veteribus concubinis), vint lui annoncer en Espagne la mort de Néron, on raconte que, non content de l’embrasser indécemment devant tout le monde, il le fit épiler, et l’emmena coucher avec lui (non modo artissimis osculis palam exceptum ab eo, sed, ut sine morâ velleretur, oratum atque seductum).

Othon, qui ne laissa pas le temps à Galba de jouir de sa jeunesse, comme disaient les goujats de l’armée en promenant sa tête au bout d’une lance, était un élève et un complaisant de Néron; dès son enfance, il avait été prodigue et débauché, coureur de mauvais lieux et adonné à tous les excès. Dans l’âge de l’ambition, il s’attacha, pour se mettre en crédit, à une affranchie de cour, qui en avait beaucoup, et il feignit même d’être amoureux d’elle, quoiqu’elle fut vieille et décrépite. Ce fut par ce canal qu’il s’insinua dans les bonnes grâces de Néron, auquel il rendit d’ignominieux services. Mais il se brouilla pourtant avec cet empereur, à cause de Poppée, qu’ils se disputaient l’un à l’autre et qu’Othon fut obligé d’abandonner au droit du plus fort. On doit supposer que ses mœurs ne firent que se corrompre davantage avec les années; et son genre de vie peut être apprécié d’après la description de sa toilette, qui témoigne de ses goûts efféminés: «Il se faisait épiler tout le corps, et portait sur sa tête à peu près chauve de faux cheveux fixés et arrangés avec tant d’art, que personne ne s’en apercevait. Il se rasait tous les jours la figure avec beaucoup de soin, et se la frottait avec du pain détrempé, habitude qu’il avait contractée dès que son menton se couvrit d’un léger duvet, afin de ne jamais avoir de barbe.»

Mais Othon, proclamé empereur à Rome, eut à peine le loisir d’ordonner quelques secrètes orgies dans le palais des Césars: il se vit contraint de marcher à la rencontre de Vitellius, qui venait lui disputer l’empire, et il se tua de sa propre main, après trois défaites successives, quoique sa petite taille et son extérieur féminin ne répondissent point à tant de courage. Vitellius, son vainqueur et son successeur, s’était déshonoré dans sa jeunesse par sa passion pour une affranchie, dont il avalait la salive mêlée de miel comme un remède souverain contre les maux de gorge auxquels il était sujet. Il avait été d’ailleurs élevé à l’école de la Prostitution; car il passa son enfance à Caprée parmi les favoris de Tibère, et il resta flétri du nom de Spinthria, parce qu’il dirigeait les spintries du vieil empereur. Il continua de se souiller des mêmes infamies, lorsqu’il eut pris l’âge d’un vieux taureau, comme il le disait en plaisantant, et il devint tour à tour l’impur familier de Caligula, de Claude et de Néron. Mais dès lors il était violemment épris d’un affranchi, nommé Asiaticus, qui avait été son compagnon obscène à Caprée (mutua libidine constupratum), et qui cherchait toujours à lui échapper sans parvenir, à se faire oublier. Vitellius le retrouvait, tantôt vendant de la piquette aux muletiers, tantôt combattant parmi les gladiateurs, et, dès qu’il l’avait revu, il se sentait ému de ses honteux souvenirs de jeunesse; il s’emparait de nouveau de cette victime peu docile, et il cherchait à se l’attacher par des présents et des honneurs: il fit de son Asiaticus un gouverneur de province et un chevalier! Comme l’âge l’avait rendu obèse, il sacrifia sa luxure à la gourmandise, en déclarant que l’estomac était la partie du corps la plus complaisante et la plus forte; contrairement aux autres, qui s’affaiblissent par l’usage qu’on en fait. Il développa tellement la capacité de son estomac, qu’il mangeait presque sans interruption, lorsqu’il ne dormait pas, et son insatiable gloutonnerie se renouvelait à toute heure, par l’habitude qu’il avait de ne pas attendre, pour vomir, que le travail de la digestion fût commencé: il pouvait ainsi, tous les jours, faire quatre repas qui remplissaient la journée et une partie de la nuit. Ses sens s’alourdirent, et ne se réveillèrent plus que par intervalles au milieu de ces festins continuels où il invoquait rarement Vénus en vidant des coupes énormes et en dévorant des lamproies entières. Sa monstrueuse corpulence, son visage rouge et bourgeonné, son ventre proéminent et ses jambes grêles témoignaient qu’il avait passé à table tout le temps de son règne et qu’il ne s’était pas fatigué à courir après les jouissances fugitives de l’amour.

Après avoir eu un empereur vorace, Rome eut un empereur avare, qui s’abstint des ruineux excès de ses prédécesseurs et qui ne tomba point dans leur déconsidération. Vespasien, tout en persécutant les chrétiens, ne laissa pas que de subir malgré lui l’influence du christianisme: il comprit que la dignité de l’homme exigeait une certaine retenue dans les mœurs, et que le chef de l’empire devait jusqu’à un certain point donner l’exemple du respect que chacun est tenu d’avoir à l’égard de l’opinion publique. La raison d’État fut le principe de cette philosophie quasi chrétienne que Vespasien mit en pratique; son tempérament froid et austère lui permit d’être conséquent avec la morale. Il combattit la débauche par quelques sages règlements, et surtout par son genre de vie décent et régulier. Il vivait pourtant en concubinage, depuis la mort de sa femme, Flavia Domitilla, avec une ancienne maîtresse nommée Cénis, affranchie d’Antonia, mère de Claude, à qui elle avait servi de secrétaire; mais cette liaison illégitime était devenue avec le temps aussi respectable qu’un mariage sanctionné par la loi, et Cénis tenait auprès de l’empereur le rang d’une véritable épouse. Vespasien même lui resta fidèle, non-seulement parce qu’il l’aimait, mais encore parce qu’il n’en aimait pas d’autre. Cependant Suétone raconte qu’une femme feignit pour lui une violente passion, et finit par triompher de ses dédains, en lui persuadant qu’elle mourrait inévitablement si elle n’obtenait de sa part une preuve de tendresse. Cette preuve accordée, Vespasien se relâcha de son avarice ordinaire, au point de faire payer à la dame 400,000 sesterces (77,500 fr.), et cela en l’honneur de la nouveauté du fait. Son intendant lui ayant demandé comment il fallait inscrire la somme dans les comptes de dépense impériale: «Mettez, dit Vespasien: Pour une passion inspirée par l’empereur (Vespasiano, ait, adamato).» Tout chaste qu’il fût dans ses mœurs, Vespasien descendait parfois à de grossières plaisanteries et ne s’abstenait pas même des plus sales expressions (prætextatis verbis).

Titus, avant de succéder à son père Vespasien, s’était fait la plus mauvaise réputation dans Rome, où sa cruauté et son intempérance lui avaient aliéné les sympathies populaires: il prolongeait jusqu’au milieu de la nuit ses débauches de table avec les plus dissolus de ses familiers; on le voyait toujours entouré d’un troupeau d’eunuques ou de gitons (exoletorum et spadonum greges); on l’accusait aussi de rapacité, et l’on disait ouvertement que ce serait un autre Néron; mais il changea tout à coup dès qu’il fut monté sur le trône, et il régna comme un philosophe en se conformant sans le savoir aux préceptes de l’Évangile de Jésus-Christ: à l’instar de son père, il ne persécutait pas les chrétiens, qui admiraient en lui le modèle de toutes les vertus chrétiennes. Aussi, fut-il pleuré par tout son peuple, quand il mourut prématurément, en déclarant qu’il n’avait fait dans toute sa vie qu’une seule action dont il dût se repentir. Suétone prétend que c’était une liaison coupable avec Domitia, la femme du frère de Titus mais que celle-ci protesta toujours de son innocence en prenant les dieux à témoin: «Elle n’était pas femme à nier un tel commerce, ajouta-t-il, s’il eût existé, elle s’en serait plutôt vantée la première, comme de toutes ses infamies.»

Domitia, en revanche, ne nia pas ses rapports adultères avec l’histrion Pâris, qu’elle aimait éperdûment, et Domitien, proclamé empereur, se vit obligé de la répudier ou du moins de l’éloigner quelque temps, pour satisfaire à l’indignation publique. Il la reprit bientôt, en avouant que, malgré tous les déportements de cette autre Messaline, il ne savait pas se passer d’elle, et qu’elle lui tenait lieu de cent maîtresses. Il avait donné cependant une rivale à Domitia: c’était la propre fille de son frère Titus; il l’avait séduite et enlevée à son mari, du vivant même de Titus; il manifesta pour elle la passion la plus effrénée, et il fut cause de sa mort, en la contraignant à se faire avorter, dans le doute où il était de sa monstrueuse paternité. Il n’était que trop porté d’ailleurs aux plaisirs de l’amour, qu’il appelait la gymnastique du lit (libidinis nimiæ, assiduitatem concubitus, velut exercitationis genus, κλινοπαλην vocabat). On assure qu’il s’amusait à épiler lui-même ses concubines, lorsqu’il n’enfilait pas des mouches avec un poinçon, et il se baignait dans de vastes piscines avec les plus viles prostituées (nataretque inter vulgatissimas meretrices). Toutefois, en dépit de ces libertinages, Domitien s’occupa de réformer les mœurs, et réclama l’application de plusieurs anciennes lois de police tombées en désuétude: ainsi pendant que Clodius Pollion, surnommé le Borgne, faisait circuler la copie d’un billet autographe, dans lequel Domitien, alors jeune et adonné à des vices infâmes, lui promettait une nuit (noctem sibi pollicentis), l’empereur faisait condamner, en vertu de la loi Scantinia, plusieurs chevaliers romains convaincus du crime de pédérastie. Ce fut lui qui défendit aux femmes déshonorées l’usage de la litière (probosis feminis lecticæ usum ademit), et qui établit des peines terribles contre l’inceste des Vestales; il fit enterrer vive la grande vestale, Cornélie, qui avait eu plus d’un complice, et ceux-ci furent battus de verges jusqu’à ce que mort s’ensuivît; d’autres vestales, les sœurs Ocellata, Varronilla, eurent la liberté de choisir leur genre de mort, et leurs séducteurs allèrent en exil. Enfin, Domitien, honteux sans doute en faisant un retour sur lui-même, raya du tableau des juges un chevalier romain qui avait repris sa femme, après l’avoir répudiée et traînée devant les tribunaux comme adultère.

Mais la morale évangélique déborde de toutes parts, et le paganisme semble rougir de ses prostitutions, que justifiait l’histoire des faux dieux. La philosophie chrétienne s’infiltre dans la doctrine de Platon, et les empereurs, qui tiennent à honneur d’être philosophes, s’appliquent à corriger leurs vices et à mettre un frein à leurs passions. Ainsi, le vieux Nerva qui, au dire de Suétone, avait corrompu la jeunesse de Domitien; Trajan, qui aimait les jeunes garçons, ce que Xiphilin ne condamne pas; Adrien, qui eût sacrifié l’empire à son favori Antinoüs, qu’il déifia, et qui passait pour un voluptueux à toutes fins (quæ adultorum amore ac nuptarum adulteriis, quibus Adrianus laborasse dicitur, asserunt); ces trois empereurs régnèrent comme des sages, et travaillèrent à reconstituer la société romaine sur des bases d’honnêteté, de justice, de pudeur et de religion, qui émanaient de la foi nouvelle. Antonin le Pieux et Marc-Aurèle furent vraiment des empereurs chrétiens, et sous leurs règnes glorieux, on put croire que l’Évangile allait devenir le code universel de l’humanité. Mais le paganisme, conspué dans ses tendances matérielles et flétri dans sa dépravation organique, devait tenter un dernier effort sous Commode et sous Héliogabale, pour entraîner le monde romain dans les dernières saturnales de la Prostitution.

CHAPITRE XXIX.

Sommaire.—Commode, empereur.—Sa jeunesse impudique.—Son mignon Anterus.—Comment Commode employait ses jours et ses nuits.—Anterus assassiné à l’instigation des préfets du prétoire.—Ses trois cents concubines et ses trois cents cinædes.—Ses orgies monstrueuses.—Incestes qu’il commit.—Hideuses complaisances auxquelles il soumettait ses courtisans.—L’affranchi Onon.—Commode se fait décerner par le sénat le surnom d’Hercule.—Horribles débauches de ce monstre.—Comment Marcia, concubine de Commode, découvrit le projet qu’avait l’empereur de la faire périr, ainsi qu’un grand nombre des officiers de la maison impériale.—Philocommode.—Mort de Commode.—Héliogabale, empereur.—Célébrité unique d’infamie laissée par lui dans l’histoire.—Héliogabale, grand-prêtre du soleil.—Luxe macédonien des vêtements d’Héliogabale.—Semiamire clarissima.—Petit sénat fondé par l’empereur, pour complaire à sa mère.—Ce que c’était que le petit sénat et de quoi l’on s’y occupait.—Goûts infâmes d’Héliogabale.—Pantomimes indécentes qu’il faisait représenter et rôle qu’il jouait lui-même.—Quelle sorte de gens il choisissait de préférence pour compagnons de ses débauches.—Comment il célébrait les Florales.—Les monobèles.—Plaisir qu’il trouvait à se mêler incognito aux actes de la Prostitution populaire.—Sa sympathie et sa tendresse pour les prostituées.—Convocation qu’il fit de toutes les courtisanes inscrites et de tous les entremetteurs de profession.—Comment il se conduisit devant cette tourbe infâme qu’il présida et don qu’il fit à chacun des assistants.—L’empereur courtisane.—Comment Héliogabale célébrait les vendanges.—Femmes légitimes qu’eut cet empereur hermaphrodite.—La veuve de Pomponius Bassus.—Cornelia Paula.—La prêtresse de Vesta.—Maris d’Héliogabale.—Le conducteur de chariot, Jérocle.—Aurelius Zoticus, dit le cuisinier.—Mariage des dieux et des déesses.—Festins féeriques d’Héliogabale.—Petites loteries qu’il faisait tirer à ces festins.—Droits qu’avaient les courtisanes dans le palais impérial.—Mort d’Héliogabale.—Alexandre Sévère, empereur.—Bienfaisante influence de son règne.—Gallien, empereur.—Ses débauches.—Le divin Claude, empereur.—Aurélien, empereur.—Tacite, empereur.—Les mauvais lieux sont défendus dans l’intérieur de Rome.—Probus, empereur.—Carin, empereur.—Sa vie infâme.—Dioclétien, empereur.—C’est sous son règne que semble s’arrêter l’histoire de la Prostitution romaine.

La famille des Antonins, après avoir mis sur le trône impérial deux grands philosophes qui essayèrent de régénérer le monde païen par la morale, devait produire l’infâme Commode et s’éteindre avec Héliogabale. Les abominations de ces deux derniers règnes font un contraste attristant avec les belles vertus d’Antonin et de Marc-Aurèle, qui avaient même fait oublier leurs glorieux prédécesseurs Trajan et Adrien. Marc-Aurèle avait prévu que son fils Commode ressemblerait un jour à Néron, à Caligula et à Domitien: il regretta de n’être pas mort, avant d’avoir vu cette prévision fatale s’accomplir. Si Commode n’avait eu que de mauvaises mœurs, son père eût fermé les yeux sur ce qui n’était qu’un fait ordinaire de la jeunesse et du tempérament; ainsi Marc-Aurèle tolérait-il la vie licencieuse de son fils adoptif Lucius Vérus, qu’il avait associé à l’empire et qu’il savait pourtant adonné à tous les plaisirs sensuels; mais Lucius Vérus, en se livrant à la débauche avec des danseurs, des bouffons et des courtisanes, avait soin de se renfermer dans l’intérieur de son palais, et n’apportait au dehors qu’une habitude décente, honorable et presque austère. Les excès de sa vie privée n’influaient nullement sur sa vie publique, et il pouvait se montrer auprès de Marc-Aurèle, sans faire rejaillir sur ce vertueux empereur le scandale de ses propres vices.

Mais Commode, au contraire, n’eût pas été satisfait, si ses turpitudes n’avaient eu mille témoins et mille échos: c’était pour lui un plaisir et un besoin que de s’avilir aux yeux de tous. De plus, l’abus de la luxure avait surexcité ses sens à ce point que, pour les contenter, il eut recours à l’effusion du sang: il était naturellement cruel, et chez lui la cruauté se développa jusqu’à devenir une passion brutale qui se mêlait à tous les emportements de la fureur érotique. «Dès sa plus tendre enfance, raconte Lampride, qui a écrit d’après des historiens grecs et latins aujourd’hui perdus, il fut impudique, méchant, cruel, libidineux, et il souilla même sa bouche.» (Turpis, improbus, crudelis, libidinosus, ore quoque pollutus, constupratus fuit.) Cependant, peu de temps après avoir pris la robe virile, au retour de l’expédition d’Égypte où il avait accompagné son père, il partagea les honneurs du triomphe avec le divin Marc-Aurèle. Il écarta les sages et dignes précepteurs qu’on lui avait donnés et il s’entoura des hommes les plus corrompus: un moment on les éloigna de lui; mais, comme le chagrin de ne plus les voir l’avait fait tomber malade, on les lui rendit, et depuis lors il ne mit plus de frein à ses impudicités. Il fit du palais une taverne et un lieu de débauche (popinas et ganeas in palatinis semper ædibus fecit); il attira dans ce lieu-là les femmes les plus remarquables par leur beauté, comme des esclaves attachées aux lupanars, pour les faire servir à tous ses impurs caprices (mulierculas formæ scitioris, ut prostibula mancipia lupanarium, ad ludibrium pudicitiæ contraxit). Enfin, il vivait avec les gladiateurs et les mérétrices; il hantait les maisons de Prostitution et, déguisé en eunuque, il pénétrait dans les cellules pour y porter de l’eau ou des rafraîchissements (aquam gessit ut lenonum magister).

Lorsque Marc-Aurèle mourut à Rome, Commode faisait la guerre aux Barbares sur les bords du Danube, où il soupirait sans cesse après les délices de l’Italie; il se hâta donc de quitter les soldats qui l’avaient salué empereur, et il fut reçu avec acclamation par les Romains, qui ne se souvinrent pas des turpitudes de sa jeunesse, en le voyant si beau et si bien fait: «Son air n’avait rien d’efféminé, dit Hérodien, son regard était doux et vif tout ensemble; ses cheveux frisés et fort blonds: lorsqu’il marchait au soleil, sa chevelure jetait un éclat si éblouissant, qu’il semblait qu’on l’eût poudré avec de la poudre d’or.» Mais cette beauté radieuse, qui n’avait pas d’égale, si l’on en croit Hérodien, ne tarda pas à se flétrir dans les orgies, où Commode consultait moins ses forces que ses désirs insatiables; sa constitution robuste ne résista pas à des assauts continuels, et il se trouva bientôt débile, le dos voûté, la tête tremblante, le teint bourgeonné, les yeux rouges et les lèvres baveuses. Il eut même, par suite de plusieurs maladies honteuses, une tumeur si considérable aux aines, qu’elle paraissait à travers ses vêtements de soie. Le jour de son entrée à Rome, pendant que l’enthousiasme du peuple s’adressait surtout à sa figure charmante et à sa bonne mine, il avait fait monter derrière lui, sur son char, son mignon (subactore suo) Antérus, et, pendant toute la cérémonie du triomphe, il se retournait à chaque instant pour donner des baisers à ce vil personnage: leurs ignobles caresses continuèrent en plein théâtre, aux applaudissements des spectateurs.

Commode reprit d’abord le train de vie qu’il menait du vivant de son père: le soir, il courait les tavernes et les mauvais lieux (vespera etiam per tabernas ac lupanaria volitavit); la nuit, il buvait jusqu’au jour, en compagnie de son Antérus et de ses autres favoris. Quant aux affaires de l’empire, il en laissait le soin à Pérennis, qui l’engageait à ne s’occuper que de ses plaisirs et qui le délivrait du fardeau de son gouvernement: ce fut une convention faite entre eux, lorsque Commode perdit Antérus, que les préfets du prétoire firent assassiner pour échapper aux caprices tyranniques de ce favori. Commode ne se consola de cette perte, qu’en se plongeant dans des voluptés plus étranges encore: il ne se montrait presque plus en public; il vivait enfermé dans le palais, où il avait rassemblé trois cents concubines, que leur beauté désigna au choix de ses pourvoyeurs, et qui furent choisies indifféremment parmi les matrones et les prostituées. A ces concubines, il avait adjoint, pour son usage, trois cents jeunes cinædes choisis également dans la noblesse et dans le peuple, et non moins remarquables que les femmes par la perfection de leurs formes corporelles. Ces six cents convives étaient assis à sa table et s’offraient tour à tour à ses impures fantaisies (in palatio per convivia et balneas bacchatur). Quand la force physique lui faisait défaut, il appelait à son aide toute la puissance de l’imagination: il obligeait ses concubines à se livrer sous ses yeux aux plaisirs qu’il n’était plus capable de partager avec elles (ipsas concubinas suas sub oculis suis stuprari jubebat). Ces tableaux voluptueux avaient le pouvoir de ranimer ses sens épuisés, et il redevenait encore une fois acteur dans ces obscènes bacchanales, où les sexes étaient confondus, où la Prostitution avait recours aux plus horribles artifices (nec irruentium in se juvenum carebat infamia, omni parte corporis atque ore in sexum utrumque pollutus).

Ce n’était plus, comme chez Tibère et Néron, l’ardeur d’assouvir d’énormes passions matérielles; c’était plutôt l’infatigable recherche d’une imagination dépravée qui n’aspirait qu’à rendre la vie à des sens défaillants. Ainsi, Commode se mettait l’esprit à la torture pour inventer, en guise de philtres, les plus odieuses combinaisons d’obscénités. Après avoir violé ses sœurs et ses parentes, il donna le nom de sa mère à une de ses concubines, afin de se persuader qu’il commettait un inceste avec elle. Il n’épargna aucun des affidés qui l’entouraient, et il les soumit à de honteuses complaisances, sans refuser de s’y prêter lui-même (omne genus hominum infamavit quod erat secum et ab ominibus est infamatus). Malheur à qui se permettait alors de rire ou de se moquer: il envoyait aux bêtes le plaisant malavisé. «Il aimait de préférence, dit Lampride, ceux qui portaient les noms des parties honteuses de l’un ou de l’autre sexe, et il les embrassait de préférence.» (Habuit in deliciis homines appellatos nominibus verendorum utriusque sexus, quos libentius suis osculis applicabat). Une variante du texte latin, oculis au lieu d’osculis, atténue ce passage, en donnant à entendre qu’il se contentait de les regarder avec plus d’intérêt et de curiosité que les porteurs de noms honnêtes. Parmi ses familiers, il avait distingué un affranchi qu’il appelait Onon (ονος, âne), à cause de certaine analogie obscène avec cet animal: il l’enrichit et il le fit grand-prêtre d’Hercule des Champs, pour le récompenser de ses mérites. (Habuit et hominem pene prominente ultra modum animalium, quem Onon appellavit, sibi charissimum). Lui-même s’était fait appeler Hercule par le sénat, qui lui avait décerné déjà les surnoms de pieux et d’heureux.

On ne saurait se représenter sans horreur les débauches, souillées de sang humain, que ce monstre déifié mettait en œuvre avec une sorte de génie infernal; il ne respectait pas même les temples des dieux (deorum templa stupris polluit et humano sanguine). Il aimait à porter des vêtements de femme et à prendre des airs féminins; souvent il s’habillait en Hercule, avec une veste brochée d’or et une peau de lion: «C’était une chose ridicule et bizarre, dit Hérodien, que de le voir faire parade en même temps de l’afféterie des femmes et de la force des héros.» Dans ses festins, il mêlait souvent des excréments aux mets les plus délicats, et il n’hésitait pas à y goûter lui-même, pour avoir le plaisir d’en faire manger aux autres (dicitur sæpe pretiosissimis cibis humana stercora miscuisse, nec abstinuisse gustu, aliis, ut putabat, irrisis). Les grimaces que faisaient les convives en l’imitant lui procuraient un malin divertissement auquel il ne se bornait pas. Un jour, il ordonna au préfet du prétoire Julien de se dépouiller de ses habits et de danser nu, le visage barbouillé, en jouant des cimbales, devant les concubines et les gitons, qui l’applaudissaient; ensuite, il le fit jeter dans un vivier, où les lamproies le dévorèrent. Il ne manquait pas de faire inscrire solennellement dans les actes publics de Rome tout ce qu’il faisait de honteux, d’impur, de cruel, en un mot toutes ses prouesses de gladiateur et de débauché (omnia quæ turpiter, quæ impure, quæ crudeliter, quæ gladiatorie, quæ lenonice faceret).

Enfin, cet exécrable empereur, après avoir échappé à plusieurs conspirations tramées contre sa vie, périt assassiné à l’instigation de Marcia, celle de ses concubines qu’il aimait le plus. Marcia l’aimait aussi malgré ses crimes, et elle veillait sur ses jours, comme une mère attentive, peut-être par pitié plutôt que par amour. Commode eut l’idée de célébrer le premier jour de l’année par une fête dans laquelle il irait au Cirque, armé de sa massue et précédé de tous les gladiateurs. Marcia le conjura de n’en rien faire, et tous les officiers de la maison impériale le supplièrent aussi de ne pas s’exposer de la sorte aux poignards des assassins. L’empereur, irrité de l’opposition qu’il rencontrait de la part de ses plus fidèles serviteurs, résolut de se débarrasser d’eux en les condamnant à mort. Il écrivit les noms des condamnés sur une écorce de tilleul, qu’il oublia sous son chevet. «Il avait à sa cour, rapporte Hérodien, un de ces petits enfants qui servent aux plaisirs des Romains voluptueux, qu’on tient à demi nus et dont on relève la beauté par l’éclat des pierreries. Il aimait celui-ci éperdûment et le faisait appeler Philocommode.» L’enfant entra dans la chambre, trouva par terre la liste de proscription et l’emporta comme un jouet. Marcia vit cette liste dans les mains de l’enfant et la lui enleva, en le caressant: «Courage! Commode, ne te démens point, s’écria-t-elle en lisant son nom et ceux des proscrits. Voilà donc la récompense de ma tendresse et de la longue patience avec laquelle j’ai supporté tes brutalités et tes débauches!... Mais il ne sera pas dit qu’un homme toujours enseveli dans le vin préviendra une femme sobre et qui a toute sa raison!» En effet, elle alla sur-le-champ avertir ceux qui devaient partager son sort et elle versa de sa main le poison dans la coupe de Commode qui, menaçant de vivre, fut étranglé par un esclave, nommé Narcisse, que Marcia avait gagné à sa cause en promettant de s’abandonner à lui. «Commode fut plus cruel que Domitien, plus impur que Néron!» acclama le sénat qui voulait que le cadavre fût traîné avec un croc, au spoliaire, où l’on entassait les corps morts des gladiateurs.

On pouvait croire que Commode ne serait jamais surpassé dans les annales de la Prostitution, mais on avait compté sans Héliogabale, qui a laissé dans l’histoire une souillure ineffaçable et une célébrité unique d’infamie. Lampride, en écrivant la vie impure (impurissimam) de ce monstre d’après les contemporains grecs et latins qui l’avaient écrite avant lui, a eu presque honte de son ouvrage, quoiqu’il ait passé sous silence une foule de détails que la pudeur ne lui permit pas de recueillir (quum multa improba reticuerim et quæ ne dici quidem sine maximo pudore possunt), et quoiqu’il ait voilé sous des termes honnêtes (prætextu verborum adhibito) ceux qu’il osait conserver dans son récit adressé à l’empereur Constantin. Hérodien et Xiphilin, qui ont survécu seuls à la perte des historiens originaux, nous fournissent quelques-unes de ces particularités odieuses que Lampride (d’autres disent Spartien) n’a pas voulu reproduire. «On s’étonne, répéterons-nous avec Lampride, qu’un pareil monstre ait été élevé à l’empire, et qu’il l’ait gouverné près de trois ans, sans qu’il se soit trouvé personne qui en ait délivré la société romaine, lorsque jamais un tyrannicide n’a manqué aux Néron, aux Vitellius, aux Caligula et aux autres princes de cette espèce.» Le règne d’Héliogabale est vraiment la dernière convulsion du paganisme qui se meurt et qui, en mourant, se roule avec désespoir au milieu de toutes les fanges du monde antique.

Héliogabale, dont le nom originaire était Avitus, prit celui qui désignait son premier état de prêtre du soleil, et ensuite il adopta celui d’Antonin, parce qu’il prétendait descendre de cette famille antonine, à laquelle l’empire devait Antonin-le-Pieux et Marc-Aurèle, mais que l’exécrable Commode avait déjà déshonorée. Selon Héliogabale, sa mère Semiamire, qui vécut en courtisane et qui commit à la cour des empereurs toutes sortes de turpitudes (quum ipsa meretricio more vivens, in aulâ omnia turpia exerceret), avait eu avec Antonin Caracalla un commerce honteux, dont il était le fruit. Son origine fut cependant contestée par ceux qui l’avaient surnommé Varius ou bigarré, à cause des nombreux amants qui partagèrent à cette époque les faveurs de sa mère. Quoi qu’il en fût de sa naissance, quand Macrin eut fait assassiner Caracalla, Héliogabale craignit d’être compris dans le meurtre de l’empereur qu’il se donnait pour père, et il chercha un asile inviolable dans le temple du soleil. Ce fut de ce temple qu’il sortit, l’année suivante, pour se faire proclamer empereur par les soldats, qui le surnommèrent l’Assyrien et le Sardanapale: «Il portait des habits très-somptueux, raconte Hérodien, couverts d’or et de pourpre, avec des bracelets, un collier et une couronne en manière de tiare enrichie de perles et de pierres précieuses. Son habillement tenait de celui des prêtres de Phénicie et empruntait quelque chose du luxe de la Macédoine: il méprisait celui des Romains et des Grecs, qui n’était que de laine, et il ne faisait cas que des étoffes de soie.» Il eut l’idée, pour accoutumer les Romains à son luxe barbare et à ses parures efféminées, de se faire peindre en costume de prêtre du soleil et d’envoyer ce portrait à Rome, avant d’y venir lui-même. Mais ce n’était rien que sa figure auprès de ses mœurs, qui inspirèrent de l’effroi aux Romains les plus débauchés: Quis enim ferre posset principem per cuncta cava corporis libidinem recipientem, quum ne belluam quidem talem quisquam ferat? Héliogabale n’était pas arrivé par l’enivrement du pouvoir à cet excès de dépravation sensuelle: l’empire l’avait trouvé ainsi corrompu et dégradé dans le sanctuaire de son dieu phénicien. On peut donc dire qu’en devenant empereur, il ne devint pas plus pervers ni plus infâme, sinon plus cruel. Qu’attendre d’un misérable insensé, qui n’avait aucune notion de l’honnête, et qui faisait consister le principal avantage de la vie à être digne et capable de satisfaire l’ignoble passion de plusieurs (cum fructum vitæ præcipuum existimans si dignus atque aptus libidini plurimorum videretur)? On comprend que les chrétiens aient représenté cet empereur comme une incarnation du diable.

Dès la première assemblée du sénat, il y parut avec sa mère, cette vieille courtisane que plus d’un sénateur se rappelait avoir connue dans l’exercice de son abject métier. Semiamire prit place auprès des consuls, et signa le sénatus-consulte rédigé dans cette circonstance. Ce fut la seule femme qui siégea, en qualité de clarissima, dans le sénat romain. Héliogabale fonda aussi, pour plaire à sa mère, un petit sénat (senaculus), composé de matrones qui s’assemblaient, à certains jours, sur le mont Quirinal, pour discuter des lois somptuaires relatives aux femmes: on détermina quels habillements elles porteraient en public; qui aurait entre elles la préséance; quelles personnes elles admettraient au baiser d’usage; qui d’elles se servirait de voitures suspendues; qui, de chevaux de selle; qui, d’ânes; qui, d’un chariot traîné par des bœufs ou par des mules; qui, de litière, et si ces litières seraient garnies de peau et ornées d’or, d’ivoire ou d’argent; on régla, par sénatus-consulte, la forme et les ornements de la chaussure que chaque classe de femmes aurait le privilége de porter. Semiamire semblait s’être réservé l’autorité suprême sur son sexe exclusivement; Héliogabale, sur le sien, comme s’il bornait son rôle d’empereur à commander aux hommes. Pendant l’hiver qu’il passa à Nicomédie, avant de s’établir à Rome, Héliogabale donna carrière à ses goûts infâmes; tellement que les soldats qui l’avaient élu rougirent de leur ouvrage, en voyant leur empereur confondu avec de vils gitons (omnia sordide ageret, inireturque à viris et subaret). Il n’eut garde de changer de genre de vie, lorsqu’il fut à Rome. «Toutes ses occupations, dit Lampride, se bornèrent à choisir des émissaires chargés de chercher partout et d’amener à sa cour les hommes qui devaient remplir certaines conditions favorables à ses plaisirs.» Xiphilin explique quelles étaient ces conditions que la nature avait départies plus libéralement à un petit nombre de privilégiés. Ceux qu’on jugeait dignes d’être présentés à l’empereur figuraient dans les pantomimes indécentes, qu’il faisait représenter, et dans lesquelles il jouait toujours un rôle de déesse de la fable. Il aimait surtout à mettre en action les amours de Vénus, et pour faire ce personnage, il se peignait le visage et il se frottait tout le corps avec des aromates. Souvent il renouvelait, sous le déguisement de Vénus, la scène principale du jugement de Pâris: tout à coup ses vêtements tombaient à ses pieds, et on le voyait nu, une main devant son sein et l’autre devant le signe de la virilité qu’il cachait entièrement, posterioribus eminentibus in subactorem rejectis et oppositis.

Héliogabale choisissait, au théâtre et dans le cirque, les compagnons de ses débauches, parmi les athlètes les plus robustes et les gladiateurs les plus membrus. C’est là qu’il distingua les cochers Protogène, Gordius et Hiéroclès, qui eurent part à toutes ses turpitudes: il avait une telle passion pour Hiéroclès qu’il lui donnait publiquement les baisers les plus hideux (Hieroclem vero sic amavit ut eidem oscularetur inguina); il nommait cela célébrer les Florales. Il avait fait construire des bains publics dans le palais, et il n’avait pas honte de se baigner au milieu du peuple, afin de mieux découvrir par lui-même les qualités particulières qu’il aimait dans les hommes (ut ex eo conditiones bene vasatorum hominum colligeret). Il parcourait aussi les carrefours et les bords du Tibre, pour chercher ceux qu’il appelait des monobèles, c’est-à-dire des hommes complets (viriliores). Il n’y avait de crédit et d’honneurs, que pour ces sortes de gens (homines ad exercendas libidines bene vasatos et majoris peculii). Héliogabale éleva aussi aux premières dignités de l’empire certains personnages qui n’avaient pas d’autres titres à ses préférences, que leurs énormes attributs virils (commendatos sibi pudibilium enormitate membrorum). Dans les festins il les plaçait à ses côtés le plus près possible, et il se délectait à leur contact et à leurs attouchements (eorumque attrectatione et tactu præcipue gaudebat); c’était de leurs mains qu’il voulait prendre la coupe où il buvait en l’honneur de leurs hauts faits et des siens.

A l’exemple de Néron et de Commode, il trouvait un plaisir infini à se mêler incognito à tous les actes de la Prostitution populaire: «Couvert d’un bonnet de muletier, afin de n’être pas reconnu, raconte Lampride, il visita, en un seul jour, dit-on, les courtisanes du Cirque, du Théâtre, de l’Amphithéâtre et de tous les quartiers de Rome; s’il ne se livra pas à la débauche avec toutes ces filles (sine effectu libidinis), il leur distribua pourtant des pièces d’or, en disant:—Que personne ne sache qu’Antonin vous a fait ce don!» Il se sentait plein de sympathie et de tendresse pour ces malheureuses instigatrices de la débauche publique. Un jour, il convoqua dans une basilique de la ville toutes les courtisanes inscrites sur les registres de la police édilitaire, et il présida lui-même cette étrange assemblée, dans laquelle il admit les entremetteuses de profession, tous les débauchés connus, les enfants et les jeunes gens vendus à la luxure (lenones, exoletos, undique collectos et luxuriosissimos puerulos et juvenes). D’abord il se présenta en costume de grand-prêtre du soleil, pour mieux imposer à cette tourbe infâme, et il prononça un discours de circonstance, commençant par ce mot: Camarades (commilitones), qui revenait à chaque instant dans son allocution impudique. Ensuite il ouvrit la discussion sur plusieurs questions abstraites de volupté et de libertinage (disputavitque de generibus schematum et voluptatum). Son immodeste auditoire battait des mains et poussait des acclamations, chaque fois qu’il rencontrait quelque effroyable imagination de débauche. Enivré de son succès, il sortit un moment et reparut habillé en femme, portant la toge et la perruque blonde des courtisanes, découvrant une gorge postiche et montrant sa jambe nue, avec les allures, les gestes, les agaceries et les paroles d’une prostituée de carrefour. Sous ce costume, il s’approcha de celles à qui son caprice avait emprunté la livrée mérétricienne, et il leur prouva qu’il savait leur métier aussi bien qu’elles. Puis, se débarrassant de sa gorge d’emprunt (papillâ ejectâ), il prit les airs et l’habit des enfants qu’on vendait à la Prostitution (habitu puerorum qui prostituuntur), et il se tourna vers les débauchés, pour leur faire voir qu’il n’était pas moins expert qu’eux dans leur art honteux. Enfin il termina la séance, en prononçant une nouvelle harangue plus monstrueuse que la première, en promettant à chaque assistant un donatif de trois pièces d’or, et en se recommandant à leurs prières pour obtenir que les dieux lui accordassent la santé, la vigueur et le plaisir dont il avait besoin jusqu’à sa mort.

Ce ne fut pas la seule marque de bienveillance spéciale qu’il accorda, par amour du métier, à la classe des courtisanes. On le vit souvent racheter de ses deniers toutes celles qui étaient esclaves au pouvoir des lénons, et les affranchir ensuite, afin qu’elles pussent continuer à leur profit l’odieux trafic qu’elles avaient appris à exercer. On raconte même, à ce sujet, qu’ayant racheté ainsi au prix de cent mille sesterces (19,375 fr.) une courtisane fort belle et très-fameuse, il ne la toucha pas et la respecta comme une vierge (velut virginem coluisse). Quand il voyageait, il se faisait suivre de six cents chariots, remplis de lénons, d’appareilleuses, de mérétrices et de cinædes bien pourvus (causa vehiculorum erat lenonum, lenarum, meretricum, exoletorum, subactorum etiam bene vasatorum multitudo). Il avait toujours des femmes avec lui dans ses bains, et c’était lui-même qui les épilait. Il se servait aussi, pour sa barbe, d’une pâte épilatoire (psilothro), et il employait de préférence à cet usage celle qui avait déjà servi à l’épilation de ses femmes. Il employait également, pour faire sa barbe, le même rasoir avec lequel il avait rasé le poil des parties honteuses de ses gitons (rasit et virilia subactoribus suis novacula manu suâ, qua postea barbam fecit). «Il n’y a personne, dit Xiphilin, qui puisse faire ni écouter le récit des abominables saletés qu’il fit ou qu’il souffrit en son corps.» Xiphilin répugne à entrer dans ces détails, que Dion Cassius avait minutieusement recueillis et que la langue grecque couvrait d’une sorte de voile qui les rendait plus tolérables; mais l’histoire originale de Dion Cassius n’a pas conservé le règne d’Héliogabale, comme si les pages consacrées à ce règne abominable avaient été déchirées par une main pudique. Lampride dit aussi qu’on avait réuni, dans les histoires de cette époque, un grand nombre d’obscénités, qu’il a cru devoir passer sous silence, parce qu’elles ne sont pas dignes de rester dans la mémoire des hommes (digna memoratu non sunt): «Il inventa, dit-il, plusieurs nouveaux genres de débauche, et il surpassa les exploits des anciens débauchés, car il connaissait toutes les pratiques de Néron, de Caligula et de Tibère (libidinum genera quædam invenit, ut spinthrias veterum malorum vinceret, et omnes apparatus Tiberii et Caligulæ et Neronis norat).»

On doit surtout regretter le texte original de Dion Cassius, en citant ce curieux passage de l’Abrégé de Xiphilin, prudemment affaibli dans la traduction du président Cousin: «Héliogabale allait aux lieux de Prostitution, en chassait les courtisanes, et s’y plongeait dans les plus infâmes voluptés. Enfin il destina à l’incontinence un appartement de son palais, à la porte duquel il se tenait, tout nu, debout à la façon des courtisanes, en tirant un rideau attaché à des anneaux d’or et appelant les passants d’un ton mou et efféminé. Il avait d’autres personnes attachées au même emploi, dont il se servait pour aller chercher des gens dont l’impudicité pût lui donner du plaisir. Il tirait de l’argent des complices de ses débauches, et se glorifiait d’un gain aussi infâme que celui-là. Quand il était avec les compagnons de ses débordements, il se vantait d’avoir un plus grand nombre d’amants qu’eux et d’amasser plus d’argent; il est vrai qu’il en exigeait indifféremment de tous ceux auxquels il se prostituait. Il y en avait un, entre autres, d’une taille fort avantageuse, et qu’il avait dessein, pour ce sujet, de désigner César.» Le président Cousin, dans cette pâle traduction, a évité de rendre la naïveté cynique du texte grec, qui n’avait pas à ménager la susceptibilité des beaux-esprits français.

Si les appétits sensuels d’Héliogabale étaient immodérés, son imagination dépravée avait encore plus de puissance et d’activité. Ainsi, ce qu’il cherchait sans cesse avec une impatiente curiosité, c’étaient de nouvelles manières de souiller ses yeux, ses oreilles et son âme, en souillant aussi la pudeur d’autrui. Les prodigieux festins qu’il offrait à ses mignons et à ses gladiateurs, mettaient entre leurs mains des coupes aux formes obscènes, et faisaient circuler devant eux des amphores et des vases d’argent surchargés d’images érotiques (schematibus libidinosissimis inquinata). Toute cette argenterie effrontée brillait surtout dans les soupers d’apparat, qu’il donnait à l’occasion des vendanges, et dans lesquels il s’amusait à déshonorer les citoyens les plus recommandables et les vieillards les plus majestueux. Il leur demandait, pour les embarrasser, s’ils avaient fait preuve dans leur jeunesse d’autant de vigueur qu’il en déployait lui-même, et ces questions, il les leur adressait avec une impudence inouïe (impudentissime), car jamais il ne s’abstint des expressions les plus infâmes et il y joignait souvent des gestes et des signes plus infâmes encore (neque enim unquam verbis pepercit infamibus, quum et digitis impudicitiam ostentaret, nec ullus in conventu, et audiente populo, esset pudor). Voilà comme il entendait célébrer la liberté des vendanges. Il interrogeait brusquement un vieux à barbe blanche et au maintien solennel: «Es-tu fidèle au culte de Vénus (an promptus esset in Venerem)?» Si le vieillard rougissait, à cette impertinente question: «Il a rougi! s’écriait-il, la chose va bien (salva res est).» Le silence et la rougeur équivalaient pour lui à un aveu. Il s’autorisait alors à parler de ses propres actes, et si tous les vieillards baissaient les yeux en rougissant, il faisait appel à ses jeunes complices, pour les inviter à répondre sans détour sur le sujet qu’il avait posé: ceux-ci obéissaient aussitôt et tâchaient de renchérir encore sur la turpitude de leur maître, qui se réjouissait de les entendre et qui leur portait d’ignobles défis. La flatterie déliait souvent la langue des vieillards, qui se vantaient à leur tour de commettre les mêmes ignominies et d’avoir des maris (qui improba quædam pati se dicerent, qui maritos se habere jactarent). L’empereur, à ces révélations inattendues, exultait de joie et ne s’apercevait point que ces misérables feignaient des vices qu’ils n’avaient pas, pour lui complaire et le divertir.

Cet empereur hermaphrodite voulut avoir plusieurs femmes légitimes et plusieurs maris. Il épousa d’abord la veuve de Pomponius Bassus, qu’il avait fait condamner à mort en l’accusant de s’être fait le censeur de la conduite privée de l’empereur. Cette femme, aussi belle que noble, était petite-fille de Claude Sévère et de Marc-Antonin. Héliogabale, qui eut recours à la violence pour lui faire subir une odieuse union, la délaissa bientôt pour ses rivales: «Il ne les recherchait pourtant pour aucun besoin qu’il en eût, dit Xiphilin, mais par le désir d’imiter les débauches de ses amants.» Il se maria ensuite avec Cornélia Paula, dans l’espoir, disait-il, d’être plus tôt père, «lui qui n’était pas homme,» ajoute Xiphilin, comme pour mettre à la torture les commentateurs. Ce mariage fut célébré par des jeux et des fêtes publiques, mais bientôt il répudia sa nouvelle épouse, sous prétexte qu’elle avait une tache sur le corps. La véritable cause de cette répudiation était un autre mariage qu’il souhaitait contracter avec plus d’éclat que les précédents. Il avait pénétré dans le temple de Vesta, et peu s’en fallut qu’il ne laissât s’éteindre le feu sacré (ignem perpetuum extinguere voluit), pendant qu’il profanait le sanctuaire par un inceste. Il enleva la vestale Aquila Sévéra et l’épousa insolemment à la face du ciel, en disant que les enfants qui naîtraient du grand-prêtre du soleil et de la prêtresse de Vesta auraient sans doute quelque chose de sacré et de divin. Mais Héliogabale n’eut pas plus d’enfants de ce mariage sacrilége que des autres, et il se dégoûta bientôt de sa vestale, qu’il remplaça par deux ou trois femmes successivement jusqu’à ce qu’il eût repris Aquila Sévéra.

Mais, pour parler de ses mariages avec des hommes, c’est à peine si nous oserons nous en tenir à la traduction de Xiphilin, que le président Cousin n’a point osé reproduire avec une fidélité scrupuleuse. Héliogabale se maria donc en qualité de femme, et se fit appeler madame et impératrice. «Il travaillait en laine, portait quelquefois un réseau et se frottait les yeux de pommade. Il se rasa le menton et en fit une fête, prit soin qu’il ne lui parût aucun poil, pour être plus semblable à une femme, et reçut, étant couché, les sénateurs qui l’allaient saluer. Son mari était un esclave natif de Carie, nommé Jérocle, conducteur de chariots.» Il avait remarqué Jérocle, un jour que, tombant de son chariot, ce cocher avait laissé voir ses cheveux bouclés et son menton sans barbe: Jérocle avait une abondante chevelure blonde, une peau lisse et blanche, des traits fins et un regard chatoyant, mais il joignait à ces apparences efféminées une taille de géant et des formes athlétiques. Héliogabale le fit enlever tout couvert de sueur et de poussière; puis, il l’installa dans sa chambre à coucher, au sortir du bain, et le lendemain il l’épousa solennellement. «Il se faisait maltraiter par son mari, raconte Xiphilin ou plutôt le président Cousin, dire des injures et battre avec une si grande violence qu’il avait quelquefois au visage des marques des coups qu’il avait reçus. Il ne l’aimait point d’une ardeur faible et passagère, mais d’une passion forte et constante, tellement qu’au lieu de se fâcher des mauvais traitements qu’il recevait de lui, il l’en chérissait plus tendrement. Il l’eût fait déclarer césar, si sa mère et son aïeule ne s’étaient pas opposées à cet acte de démence impudique.»

Jérocle eut pourtant un rival qui balança un moment le crédit dont il jouissait auprès de l’empereur. C’était Aurélius Zoticus, dit le Cuisinier, parce que son père l’avait élevé dans les cuisines, où tout enfant il tournait la broche. Zoticus renonça de bonne heure au métier paternel pour embrasser l’état de lutteur: il l’emportait en bonne mine et en vigueur corporelle sur tous les athlètes avec lesquels il se mesurait dans les jeux du cirque. Les pourvoyeurs d’Héliogabale reconnurent avec admiration les singuliers mérites de ce robuste champion et s’emparèrent de lui pour le mener à Rome avec une pompe triomphale. Sur l’éloge qu’on avait fait de lui à Héliogabale, qui brûlait de le voir, il avait été nommé chambellan (cubicularius) de l’empereur. Celui-ci l’attendait avec une impatience qui éclata de la façon la plus indécente, quand le nouveau chambellan fut introduit dans le palais à la clarté des flambeaux. «Dès que cet infâme prince l’aperçut, raconte Xiphilin en conservant les termes mêmes du récit de Dion Cassius, il accourut à lui avec beaucoup de rougeur sur le visage; et, parce que Zotique en le saluant l’avait appelé seigneur et empereur selon la coutume, il lui répondit, en tournant la tête d’un air plein de mollesse comme une femme et en jetant sur lui des regards lascifs:—Ne m’appelez point seigneur, puisque je suis une dame!» Il l’emmena baigner à l’heure même avec lui; et l’ayant trouvé tel qu’on le lui avait représenté, il soupa entre ses bras comme sa maîtresse.» Jérocle, jaloux de ce rival, eut l’adresse de lui faire verser par les échansons un breuvage réfrigératif qui lui ôta toute sa vigueur et qui le frappa d’impuissance. Héliogabale, loin de soupçonner le complot dont Zoticus était victime, le regarda dès lors avec autant de colère et de mépris qu’il lui avait témoigné d’estime et d’affection auparavant. Peu s’en fallut qu’il l’envoyât aux bêtes, et Zoticus, dans sa disgrâce, fut encore trop heureux de se voir seulement dépouillé de ses honneurs et chassé du palais, de Rome et de l’Italie.

Héliogabale, qui se jouait ainsi scandaleusement de l’institution du mariage au double point de vue de la morale et des lois, eut la pensée bizarre de marier aussi les dieux et les déesses. Il commença par donner une femme à son dieu phénicien, comme si ce dieu avait eu besoin de femme et d’enfant, dit Xiphilin. La femme qu’il lui avait choisie était Pallas, et pour accomplir cette union divine, il fit apporter dans sa chambre le palladium, cette statue vénérée, que les Romains considéraient comme la sauvegarde de Rome, et qui n’avait pas été changée de place une seule fois, excepté lorsque le feu avait pris au temple de la déesse. Mais le lendemain de cette profanation étrange et ridicule, qu’il avait poussée aussi loin que possible en couchant les deux statues dans le même lit, il déclara qu’une déesse si guerrière ne convenait pas à un dieu si pacifique, et il fit apporter, à Rome, pour ce dieu, la statue de Vénus Uranie, la divinité des Carthaginois. Uranie, qui présidait à l’incubation des êtres dans le travail mystérieux de la nature, et qui personnifiait la lune et les autres de la nuit, devait naturellement être l’épouse d’Héliogabale, dieu du soleil et de la génération. L’empereur célébra donc leurs noces avec splendeur, et il fit contribuer tous les sujets de l’empire aux présents magnifiques qu’il offrit aux époux; lui-même, le visage peint et fardé, il dansa, en tunique de soie, autour des deux statues placées côte à côte dans un lit de pourpre, et enchaînées l’une à l’autre avec des bandelettes de lin. Cet incroyable mariage de statues donna lieu à de grandes réjouissances à Rome et dans toute l’Italie. Héliogabale s’identifiait, en quelque sorte, au dieu dont il portait le nom; il se faisait un devoir religieux de lui soumettre, de lui sacrifier tous les dieux, même celui des chrétiens; car il souilla leurs temples de ses impuretés et il fit déposer leurs images dans le panthéon du soleil: c’était là qu’il venait, au sortir de ses monstrueuses débauches, remplir son ministère de grand-prêtre. Il ne refusait pas néanmoins de prendre part au culte des autres divinités, surtout s’il avait un rôle à jouer dans les mystères de ce culte. Ainsi, on le vit agiter sa tête échevelée parmi les prêtres mutilés de Cybèle; il se lia comme eux les parties génitales (genitalia sibi devinxit), et il fit tout ce que ces impurs fanatiques avaient l’habitude de faire. Il s’associa également aux rites bizarres et obscènes d’Isis, de Priape, de Flore et de Cotytto.

Rien ne peut présenter une idée exacte et complète de ces festins féeriques, dans lesquels il rassemblait tout ce que le luxe, la prodigalité, la gourmandise et le caprice pouvaient inventer, pour satisfaire ses passions, ses sens et ses instincts pervers. Il ne vivait, pour ainsi dire, que pour découvrir des voluptés nouvelles (exquirere novas voluptates). Lampride a énuméré quelques-unes des folles merveilles de ces repas, où il était toujours assis sur des fleurs ou sur des essences précieuses, vêtu de pourpre ou d’étoffes d’or, surchargé de pierreries sous le poids desquelles il disait succomber de plaisir (quum gravari se diceret onere voluptatis), et la tête coiffée d’un lourd diadème oriental. Ces fabuleux repas duraient des jours entiers, des nuits entières, sans autre interruption que les intervalles consacrés à la débauche, comme des repos accordés à l’estomac, qui ne se lassait pas plus que l’ardeur des sens. Les convives alors n’étaient plus des hommes, mais des bêtes fauves: ils s’efforçaient à l’envi d’imiter leur empereur, sans espoir de l’égaler. Celui-ci, échauffé par le vin et les parfums, rejetait tous ses vêtements, se couronnait de rayons d’or, suspendait un carquois sur ses épaules, et nu, les cheveux flottants, le corps frotté d’huile aromatique, il montait sur un char, resplendissant de pierres précieuses et de métaux, attelé de trois ou quatre femmes absolument nues, qui le traînaient autour de la salle du banquet. (Junxit et quaternas mulieres pulcherrimas et binas ad papillam, vel ternas et amplius, et sic vectatus est: sed plerunque nudus quum illum nudæ traherent.) Sa générosité à l’égard de ses compagnons de table se traduisait en présents gigantesques ou ridicules, que le sort distribuait souvent au hasard des lots; il riait beaucoup, quand la fortune aveugle avait fait tomber dans les mains d’un vieux débauché une coquille portant ces mots qui étaient un ordre: «Se conduire en homme devant l’empereur»; il riait davantage, si, par une de ces chances qu’il aimait à provoquer, une vieille décrépite devenait la maîtresse d’un beau jeune garçon. Souvent les billets cachetés, que ses convives tiraient de l’urne, leur ordonnaient les douze travaux d’Hercule ou les condamnaient à des services ignobles et dégradants. Ces espèces de loteries conviviales, où il mettait en frais son imaginative, entraînaient parfois avec elles l’exil, la confiscation et même la mort pour ceux que le sort n’avait pas favorisés. Heureux celui qui en était quitte pour dix mouches, dix œufs, dix toiles d’araignée, à fournir ou à recevoir! Les femmes, quelquefois les prostituées ramassées dans les rues, qui assistaient à ces orgies et qui en subissaient toutes les vicissitudes, étaient ordinairement les mieux partagées et se retiraient, épuisées de lassitude, le visage décomposé, le corps meurtri, les vêtements en lambeaux, mais chargées de butin. La plus misérable, et la plus déchue, que sa bonne étoile avait amenée à la table de l’empereur, pouvait se vanter d’avoir été un moment presque impératrice, car Héliogabale prenait son plaisir partout, pourvu qu’il n’eût pas affaire deux fois à la même femme (idem mulieres nunquam iteravit, præter uxorem). Enfin, les courtisanes de Rome avaient le droit de venir se prostituer, au lupanar impérial qui restait ouvert jour et nuit dans l’intérieur du palais (lupanaria domi amicis, clientibus et servis exhibuit). Courtisanes et gitons se recommandaient d’eux-mêmes à sa sollicitude paternelle: un jour, il leur fit distribuer la septième partie des approvisionnements de blé que Trajan et Sévère avaient accumulés dans les greniers publics, et qui pouvaient subvenir à sept années de disette.

Ce monstre à face humaine déshonora l’Empire pendant un règne de quatre ans où il entassa toutes les extravagances, toutes les atrocités, toutes les débauches, toutes les abominations qui peuvent outrager la nature. Il se glorifiait d’imiter Apicius dans sa vie privée, et, sur le trône, Néron, Othon et Vitellius. Il n’avait pourtant que dix-huit ans, lorsqu’il fut tué par des bouffons dans les latrines où il s’était caché. Les soldats, qui avaient conspiré pour délivrer Rome et le monde d’un pareil empereur, sévirent aussi contre ses complices et leur firent endurer différents supplices, arrachant aux uns les entrailles et empalant les autres, afin, disaient-ils, que leur mort ressemblât à leur vie (ut mors esset vitæ consentiens). Le traîné, l’impur, comme le surnommèrent ceux qui traînaient son corps dans les fanges de la ville, ne devait pas avoir d’égal dans l’histoire des empereurs, et, après lui, l’humanité sembla se reposer, sous la bienfaisante influence d’Alexandre Sévère, en ouvrant les yeux à la lumière de la morale évangélique. Mais, avant que le christianisme, qui envahissait de toutes parts la société païenne, eût mis un frein aux passions sensuelles et constitué la police des mœurs dans les gouvernements, on vit encore les empereurs qui se succédaient sur le trône, comme les histrions sur un théâtre, donner au peuple l’exemple contagieux de tous les écarts de la Prostitution. Presque tous s’adonnèrent à la débauche, presque tous se laissèrent aller à de monstrueux raffinements de dépravation. Gallien, qui ne vécut que pour son ventre et ses plaisirs (natus abdomini et voluptatibus), imitait quelquefois Héliogabale: il invitait un grand nombre de femmes à ses festins, et alors il choisissait pour lui les plus jeunes et les plus belles, laissant les laides et les vieilles à ses convives. Si le divin Claude, comme pour faire oublier aux Romains l’impur Gallien (prodigiosum), régna en philosophe chaste et modeste; si Aurélien réprima le luxe par des lois somptuaires et punit rigoureusement l’adultère, même parmi les esclaves; si l’empereur Tacite défendit d’établir des mauvais lieux dans l’intérieur de Rome, défense qui ne put être maintenue (meritoria intra urbem, stare vetuit, quod quidem diu tenere non potuit); s’il fit fermer les bains publics pendant la nuit; s’il interdit les habits de soie et les profusions du luxe efféminé; si Probus a été vraiment digne de son nom; Carin, prédécesseur de Dioclétien, fut, en revanche, suivant les termes de Flavius Vopiscus, «le plus débauché de tous les hommes, le plus effronté des adultères et des corrupteurs de la jeunesse, et poussa l’infamie jusqu’à se prostituer lui-même (homo omnium contaminatissimus, adulter, frequens corruptor juventutis, ipse quoque male usus genio sexus sui).» Il avait pour préfet du prétoire un vieil entremetteur, nommé Matronien; pour secrétaire, un impur (impurum), avec lequel il faisait toujours sa méridienne; pour amis, les êtres les plus pervers. Il se souilla des vices les plus infects (enormibus se vitiis et ingenti fœditate maculavit), et il ne respecta rien (moribus absolutus). Mais Dioclétien balaya toutes ces immondices qui avaient fait du palais des empereurs un lupanar; et Dioclétien, qui fut un chrétien par la chasteté de ses mœurs et par la moralité de ses lois, quoiqu’il ait cruellement persécuté les chrétiens, Dioclétien le sage, l’austère, le philosophe, eut pourtant l’odieux courage de faire de la Prostitution un des supplices qu’on infligeait aux vierges et aux matrones chrétiennes! C’est pourtant sous Dioclétien que semble s’arrêter l’histoire de la Prostitution romaine.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE ET DU TOME DEUXIÈME.

TABLE DES MATIÈRES
DU DEUXIÈME VOLUME.

PREMIÈRE PARTIE.

ANTIQUITÉ.—Grèce.—Rome.

(SUITE ET FIN.)

CHAPITRE XVII.

Sommaire.—Les lieux de Prostitution à Rome.—Leurs différentes catégories.—Les quarante-six lupanars d’utilité publique.—Les quatre-vingts bains de la première région.—Le petit sénat des femmes, fondé par Héliogabale.—Les lupanars de la région Esquiline, de la région du grand Cirque, et de la région du temple de la Paix.—La Suburre.—Les cellules voûtées du grand Cirque.—Les Cent Chambres du port de Misène.—Description d’un lupanar.—Les cellules des prostituées.—L’écriteau.—Ameublement des chambres.—Peintures obscènes.—Décoration intérieure des cellules.—Lupanars des riches.—Origine du mot fornication.—Les stabula ou lupanars du dernier ordre.—Les pergulæ ou balcons.—Les turturillæ ou colombiers.—Le casaurium ou lupanar extra-muros.—Origine du mot casaurium.—Les scrupedæ ou pierreuses.—Meritoria et Meritorii.—Les ganeæ ou tavernes souterraines.—Origine du mot lustrum.—Personnel d’un lupanar.—Le leno et la lena.—Les ancillæ ornatrices.—Les aquarii ou aquarioli.—Le bacario.—Le villicus.—Adductores, conductores et admissarii.—Costume des meretrices dans les lupanars.—Fêtes qui avaient lieu dans les lupanars à l’occasion des filles qui se prostituaient pour la première fois, et lors de l’ouverture d’un nouveau lupanar.—Loi Domitienne relative à la castration.—Les castrati, les spadones et les thlibiæ.—Messaline au lupanar.—Le prix de la virginité de Tarsia, et le prix courant de ses faveurs.—Tableau d’un lupanar romain, par Pétrone.—Salaire des lupanars.—Dissertation sur l’écriteau de Tarsia.—Prix de la location d’une cellule.—Les quadrantariæ et les diobolares.

CHAPITRE XVIII.

Sommaire.—A quelle époque remonte l’établissement de la Prostitution légale à Rome.—De l’inscription des prostituées.—Ce que dit Tacite du motif de cette inscription.—Femmes et filles de sénateurs réclamant la licencia stupri.—Avantages que l’état et la société retiraient de l’inscription des courtisanes.—Le taux de chaque prostituée fixé sur les registres de l’édile.—Serment des courtisanes entre les mains de l’édile.—Pourquoi l’inscription matriculaire des meretrices se faisait chez l’édile.—De la compétence de l’édile, en matière de Prostitution.—Police de la rue.—Les Prostitutions vagabondes.—Julie, fille d’Auguste.—Police de l’édile dans les maisons publiques.—Les édiles plébéiens et les grands édiles patriciens.—Ce qui arriva à un édile qui voulut forcer la porte de la maison de la meretrix Mamilia.—Des divers endroits où se pratiquait la Prostitution frauduleuse.—Les bains publics.—La femme du consul, aux bains de Teanum.—Luxe et corruption des bains de Rome.—Mélange des sexes dans les bains publics.—Le bain de Scipion.—Les balneatores et les aliptes.—Les débauchés de la cour de Domitien, aux bains publics.—Bains gratuits pour le bas peuple.—Bains de l’aristocratie et des gens riches.—Tolérance de la Prostitution des bains.—Les serviteurs et servantes des bains.—Les fellatrices et les fellatores.—Le fellateur Blattara et la fellatrice Thaïs.—Zoïle.—La pantomime des Attélanes.—Les cabarets.—Infamie attachée à leur fréquentation.—Description d’une popina romaine.—Le stabulum.—Les cauponæ et les diversoria.—Visites domiciliaires nocturnes de l’édile.—Les caves des boulangeries.—Police édilitaire pour les lupanars.—Contraventions, amendes et peines afflictives.—A quoi s’exposait Messaline, en exerçant le meretricium dans un lupanar.—De l’installation d’une femme dans un mauvais lieu.—Les délégués de l’édile.—Heures d’ouverture et de fermeture des lupanars et autres mauvais lieux publics.—Les meretrices au Cirque.—La Prostitution des théâtres.—Les crieurs du théâtre.—La Prostitution errante.—Les murs extérieurs des maisons et des monuments, mis, par l’édilité, sous la protection d’Esculape pour les préserver des souillures des passants.—Impudicité publique des prostituées des carrefours et ruelles de Rome.—Catulle retrouve sa Lesbia parmi ces femmes.—Le tribunal de l’édile.—Distinction établie par Ulpien, entre appeler et poursuivre.—Pouvoirs donnés par la loi aux pères et aux tuteurs sur leurs fils et pupilles qui se livraient à la débauche.—Les adventores.—Les venatores.—La jeunesse d’Alcinoüs.—Les salaputii.—Le poëte Horace putissimum penem.—Les semitarii.—Adulter, scortator et mœchus.—Mœchocinædus et mœchisso.—Héliogabale aux lupanars.—Ordonnances somptuaires relatives aux mérétrices.—Costume des courtisanes.—Leur chaussure.—Leur coiffure.—Défense faite aux prostituées de mettre de la poudre d’or dans leurs cheveux.—Les cheveux bleus et les cheveux jaunes.—Costume national des prostituées de Tyr et de Babylone.—L’amiculum ou petit ami.—Galbanati, galbani et galbana.—La mitre, la tiare et le nimbe.—Origine de ces trois coiffures.—Défense faite aux mérétrices d’avoir des litières et des voitures.—Carmenta, inventrice des voitures romaines.—La basterne et la litière.—La cella et l’octophore.—Les lupanars ambulants.—La loi Oppia.

CHAPITRE XIX.

Sommaire.—La Prostitution élégante.—Les bonnes mérétrices.—Leurs amants.—Différence des grandes courtisanes de Rome et des hétaires grecques.—Cicéron chez Cythéris.—Les preciosæ et les famosæ.—Leurs amateurs.—La voie Sacrée.—Promenades des courtisanes.—Promenades des matrones.—Cortége des matrones.—Ce que dit Juvénal des femmes romaines.—Ogulnie.—Portrait de Sergius, le favori d’Hippia, par Juvénal.—Le gladiateur obscène de Pétrone.—Les suppôts de Vénus Averse.—Ce qu’à Rome on appelait plaisirs permis.—Langue muette du meretricium.—Le doigt du milieu.—Le signum infame.—Pourquoi le médius était voué à l’infamie chez les Grecs.—La chasse à l’œil et le vol aux oreilles.—Les gesticulariæ.—Pantomime amoureuse.—Réserve habituelle du langage parlé de Rome.—De la langue érotique latine.—Frère et sœur.—La sœur du côté gauche et le petit frère.—Des écrits érotiques et sotadiques ou molles libri.—Bibliothèque secrète des courtisanes et des débauchés.—Les livres lubriques de la Grèce et de Rome détruits par les Pères de l’Église.

CHAPITRE XX.

Sommaire.—Maladies secrètes et honteuses des anciens.—Impura Venus.—Les auteurs anciens ont évité de parler de ces maladies.—Invasion de la luxure asiatique à Rome.—A quelles causes on doit attribuer la propagation des vices contre nature chez les anciens.—Maladies sexuelles des femmes.—Les médecins de l’antiquité se refusaient à traiter les maladies vénériennes.—Pourquoi.—Les enchanteurs et les charlatans.—La grande lèpre.—La petite lèpre ou mal de Vénus.—Importation de ce mal à Rome par Cneius Manlius.—Le morbus indecens.—La plupart des médecins étaient des esclaves et des affranchis.—Pourquoi, dans l’antiquité, les maladies vénériennes sont entourées de mystère.—L’existence de ces maladies constatée dans le Traité médical de Celse.—Leur description.—Leurs curations.—Manuscrit du treizième siècle décrivant les affections de la syphilis.—Apparition de l’éléphantiasis à Rome.—Asclépiade de Bithynie.—T. Aufidius.—Musa, médecin d’Auguste.—Mégès de Sidon.—Description effrayante de l’éléphantiasis, d’après Arétée de Cappadoce.—Son analogie avec la syphilis du quinzième siècle.—Le campanus morbus ou mal de Campanie.—Spinturnicium.—Les fics, les marisques et les chies.—La Familia ficosa.—La rubigo.—Le satyriasis.—Junon-Fluonia.—Dissertation sur l’origine des mots ancunnuentæ, bubonium, imbubinat et imbulbitat.—Les clazomènes.—Des maladies nationales apportées à Rome par les étrangers.—Les médecins grecs.—Les empiriques, les antidotaires et les pharmacopoles.—Les médecins pneumatistes.—Les archiatres.—Archiatri pallatini et archiatri populares.—L’institution des archiatres régularisée et complétée par Antonin-le-Pieux.—Eutychus, médecin des jeux du matin.—Les sages-femmes et les medicæ.—Épigramme de Martial contre Lesbie.—Le solium ou bidet, et de son usage à Rome.—Pourquoi les malades atteints de maladies honteuses ne se faisaient pas soigner par les médecins romains.—Mort de Festus, ami de Domitien.—Des drogues que vendaient les charlatans pour la guérison des maladies vénériennes.—Superstitions religieuses.—Offrandes aux dieux et aux déesses.—Les prêtres médecins.—La Quartilla de Pétrone.—Abominable apophthegme des pædicones.

CHAPITRE XXI.

Sommaire.—Les medicæ juratæ.—Origine des sages-femmes.—L’Athénienne Agonodice.—Les sagæ.—Exposition des nouveau-nés à Rome.—Les suppostrices ou échangeuses d’enfants.—Origine du mot sage-femme.—Les avortements.—Julie, fille d’Auguste.—Onguents, parfums, philtres et maléfices.—Pratiques abominables dont les sagæ se souillaient pour fabriquer les philtres amoureux.—La parfumeuse Gratidie.—Horribles secrets de cette magicienne, dévoilés par Horace, dont elle fut la maîtresse.—Le mont Esquilin, théâtre ordinaire des invocations et des sacrifices magiques.—Gratidie et sa complice la vieille Sagana, aux Esquilies.—Le nœud de l’aiguillette.—Comment les sagæ s’y prenaient pour opérer ce maléfice, la terreur des Romains.—Comment on conjurait le nœud de l’aiguillette.—Philtres aphrodisiaques.—La potion du désir.—Composition des philtres amoureux.—L’hippomane.—Profusion des parfums chez les Romains.—La nicérotiane et le foliatum.—Parfums divers.—Cosmétiques.—Le bain de lait d’ânesse de Poppée.—La courtisane Acco.—Objets et ustensiles à l’usage de la Prostitution, que vendaient les sagæ et les parfumeuses.—Le fascinum.—Les fibules.—Comment s’opérait l’infibulation.—De la castration des femmes.—Les prêtres de Cybèle.

CHAPITRE XXII.

Sommaire.—La débauche dans la société romaine.—Pétrone arbiter.—Aphorisme de Trimalcion.—Le verbe vivere.—Extension donnée à ce verbe par les délicats.—La déesse Vitula.—Vitulari et vivere.—Journée d’un voluptueux.—Pétrone le plus habile délicat de son époque.—Les comessations ou festins de nuit.—Étymologie du mot comessationes.—Origine du mot missa, messe.—Infamies qui avaient lieu dans les comessations du palais des Césars.—Mode des comessations.—Lits pour la table.—La courtisane grecque Cytheris.—Bacchides et ses sœurs.—Le repas de Trimalcion.—Les histrions, les bouffons et les arétalogues.—Les baladins et les danseuses.—Danses obscènes qui avaient lieu dans les comessations.—Comessations de Zoïle.—Épisode du festin de Trimalcion.—Services de table et tableaux lubriques.—Ameublement et décoration de la salle des comessations.—Santés érotiques.—Thesaurochrysonicochrysides, mignon du bouffon de table Galba.—Rôles que jouaient les fleurs dans les comessations.—Dieux et déesses qui présidaient aux comessations.—Les lares Industrie, Bonheur et Profit.—Le verbe comissari.—Théogonie des dieux lares de la débauche.—Conisalus, dieu de la sueur que provoquent les luttes amoureuses.—Le dieu Tryphallus.—Pilumnus et Picumnus, dieux gardiens des femmes en couches.—Deverra, Deveronna et Intercidona.—Viriplaca, déesse des raccommodements conjugaux.—Domiducus.—Suadela, Orbana, Genita Mana, etc., etc.—Fauna, déesse favorite des matrones.—Jugatinus et ses attributions.

CHAPITRE XXIII.

Sommaire.—Le peuple romain, le plus superstitieux de tous les peuples.—Les libertins et les courtisanes, les plus superstitieux des Romains.—Clédonistique de l’amour et du libertinage.—Fâcheux présages.—Pourquoi les paroles obscènes étaient bannies même des réunions de débauchés et de prostituées.—L’urinal ou pot de chambre.—Présages que les Romains tiraient du son que rendait l’urine en tombant dans l’urinal.—Matula, matella et scaphium.—Double sens obscène du mot pot de chambre.—Étymologie de matula.—Présages urinatoires dans les comessations.—Hercule Urinator.—Présages des ructations.—Crepitus, dieu des vents malhonnêtes.—Le petit dieu Pet.—Présages tirés du son du pet.—Origine de la qualification de vesses, donnée aux filles dans le langage populaire.—Présages tirés de la sternutation.—Jupiter et Cybèle, dieux des éternuments.—Heureux pronostics attribués aux éternuments dans les affaires d’amour.—Les tintements d’oreilles et les tressaillements subits.—La droite et la gauche du corps.—Présages résultant de l’inspection des parties honteuses.—Présages tirés des bruits extérieurs.—Le craquement du lit.—Lectus adversus et lectus genialis.—Le Génie cubiculaire.—Le pétillement de lampe.—Habileté des courtisanes à expliquer les présages.—Présages divers.—Le coup de Vénus.—Présages heureux ou malheureux, propres aux mérétrices.—L’empereur Proculus et les cent vierges Sarmates.—Rencontre d’un chien.—Rencontre d’un chat.—Superstitions singulières du peuple de Vénus.—Jeûnes et abstinence que s’imposaient les débauchés et les courtisanes en l’honneur des solennités religieuses.—Vœu à Vénus.—Moyen superstitieux employé par les Romains pour constater la virginité des filles.—La noix, allégorie du mariage.

CHAPITRE XXIV.

Sommaire.—Pourquoi les courtisanes de Rome n’ont pas eu d’historiens ni de panégyristes comme celles de la Grèce.—Les poëtes commensaux et amants des courtisanes.—Amour des courtisanes.—C’est dans les poëtes qu’il faut chercher les éléments de l’histoire des courtisanes romaines.—Les Muses des poëtes érotiques.—Leur vieillesse misérable.—Les amours d’Horace.—Éloignement d’Horace pour les galanteries matronales.—Serment de Salluste.—Philosophie épicurienne d’Horace.—Ses conseils à Cerinthus sur l’amour des matrones.—Comparaison qu’il fait de cet amour avec celui des courtisanes.—Nééra, première maîtresse d’Horace.—Origo, Lycoris et Arbuscula.—Débauches de la patricienne Catia.—Ses adultères.—Liaison d’Horace avec une vieille matrone.—La bonne Cinara.—Gratidie la parfumeuse.—Ses potions aphrodisiaques.—Rupture publique d’Horace avec Gratidie.—La courtisane Hagna et son amant Balbinus.—Amours d’Horace pour les garçons.—La courtisane Lycé.—Pyrrha.—Lalagé.—Barine.—Tyndaris et sa mère.—Lydie.—Myrtale.—Chloé.—Phyllis, esclave de Xanthias.—A quelle singulière circonstance Horace dut la révélation de la beauté de cette esclave.—Glycère, ancienne maîtresse de Tibulle, accorde ses faveurs à Horace. Adieux d’Horace aux amours.—La chanteuse Lydé, dernière maîtresse d’Horace.—Honteuse passion d’Horace pour Ligurinus.

CHAPITRE XXV.

Sommaire.—Catulle.—Licence et obscénité de ses poésies.—Ses maîtresses et ses amies.—Clodia ou Lesbie, fille du sénateur Métellus Céler, maîtresse de Catulle.—Le moineau de Lesbie.—Ce que c’était que ce moineau.—Passion violente de Catulle pour Lesbie.—Rupture des deux amants.—Résignation de Catulle.—Mariage concubinaire de Lesbie.—Catulle revoit Lesbie en présence de son mari.—Subterfuges employés par Lesbie pour ne pas éveiller la jalousie de son mari.—La courtisane Quintia au théâtre.—Vers de Catulle contre Quintia.—La courtisane grecque Ipsithilla.—Billet galant qu’adressa Catulle à cette courtisane.—Épigramme de Catulle aux habitués d’une maison de débauche où s’était réfugiée une de ses maîtresses.—Colère de Catulle contre Aufilena.—La catin pourrie.—Vieillesse prématurée de Catulle.—Lesbie au lit de mort de son amant.—Properce.—Cynthie ou Hostilia.—Son amour pour Properce.—Statilius Taurus, entreteneur de Cynthie.—Résignation de Properce à l’endroit des amours de sa maîtresse avec Statilius Taurus.—Les oreilles de Lygdamus.—Conseils de Properce à sa maîtresse.—La docte Cynthie.—Élégies de Catulle sur les attraits de sa maîtresse.—Axiome de Properce.—Nuit amoureuse avec Cynthie.—Les galants de Cynthie.—Ses nuits à Isis et à Junon.—Gémissements de Properce sur la conduite de Cynthie.—Les bains de Baïes.—Properce se jette dans la débauche pour oublier sa maîtresse.—Réconciliation de Properce avec Cynthie.—Changement de rôles.—Acanthis l’entremetteuse.—Jalousie de Cynthie.—Lycinna.—Subterfuge qu’employa Cynthie pour s’assurer de la fidélité de son amant.—Phyllis et Téïa.—Properce pris au piége.—Fureur de Cynthie.—L’empoisonneuse Nomas.—Funérailles précipitées de Cynthie.—Mort de Properce.—Ses cendres réunies à celles de Cynthie.

CHAPITRE XXVI.

Sommaire.—Tibulle.—Sa vie voluptueuse.—L’affranchie Plania ou Délie.—Le mari de cette courtisane.—La mère de Délie protége les amours de sa fille avec Tibulle.—Tendresse platonique de Tibulle.—Recommandations du poëte à la mère de son amante.—Philtres et enchantements.—Ennuyée des sermons de Tibulle, Délie lui ferme sa porte.—Tibulle dénonce au mari de Délie l’inconduite de sa femme.—Amour de Tibulle pour Némésis.—Prix des faveurs de cette prostituée.—Cerinthe empêche Tibulle de se ruiner pour Némésis.—Tibulle amoureux de Néère.—Refus de Néère d’épouser Tibulle.—Néère prend un amant.—Désespoir de Tibulle.—Déclaration d’amour à Sulpicie, fille de Servius.—Sulpicie accorde ses faveurs à Tibulle.—Infidélités de Tibulle.—Glycère.—Amour sérieux de Tibulle pour cette courtisane grecque.—Dédains de Glycère.—Mort de Tibulle.—Délie et Némésis à ses funérailles.—Cornelius Gallus.—Lycoris.—Gallus à la guerre des Parthes.—Son poëme à Lycoris.—Retour de Gallus.—Infidélités de Lycoris.—Gentia et Chloé.—Lydie.—La Lycoris de Maximianus, ambassadeur de Théodoric.—Ovide.—Corinne.—Conjectures sur le vrai nom de cette courtisane.—Le mari de Corinne.—Manéges amoureux que conseille Ovide à Corinne.—Corinne chez Ovide.—Jalousie et brutalité d’Ovide.—Son désespoir d’avoir frappé Corinne.—L’entremetteuse Dipsas.—L’eunuque Bagoas.—Napé et Cypassis, coiffeuses de Corinne.—Amours d’Ovide et de Cypassis.—Avortement de Corinne.—Indignation d’Ovide à la nouvelle de cet odieux attentat.—Empressement de Corinne pour regagner le cœur d’Ovide.—Froideur d’Ovide.—Honte et dépit de Corinne.—Ovide est mis à la porte.—Corinne et le capitaine romain.—Gémissements d’Ovide.—Corinne devenue courtisane éhontée.—Dernière lettre d’Ovide à Corinne.—Ovide compose son poëme de l’Art d’aimer, sous les yeux et d’après les inspirations des courtisanes.—Sa liaison secrète supposée avec la fille d’Auguste.—Ovide est exilé au bord du Pont-Euxin.—Mort d’Ovide.

CHAPITRE XXVII.

Sommaire.—Marcus Valerius Martial, poëte complaisant des libertinages de Néron et de ses successeurs.—Vogue immense qu’obtinrent les Épigrammes de Martial.—Réponse de Martial à son critique Cornélius qui lui reprochait l’obscénité de ses poésies.—Quelles étaient les victimes ordinaires des sarcasmes de Martial.—Mœurs déréglées de ce poëte.—Quels étaient les lecteurs habituels des œuvres de Martial.—Portraits de courtisanes.—Lesbie.—Libertinage éhonté de cette prostituée.—Chloé et son amant Lupercus.—La pleureuse des sept maris.—Thaïs.—Philenis et son concubinaire Diodore.—Horrible dépravation de Philenis.—Épitaphe que fit Martial pour cette infâme prostituée.—Galla.—Injustice de Martial à l’égard de cette courtisane.—Épigrammes qu’il fit contre elle.—D’où lui venait la haine qu’il lui avait vouée.—Les vieilles amoureuses.—Effrayant cynisme de Phyllis.—Épigrammes contradictoires de Martial contre cette courtisane.—Lydie.—Aversion et dégoût de Martial pour les vieilles prostituées.—Fabulla, Lila, Vetustilla, etc.—Les fausses courtisanes grecques.—Celia.—Épigramme de Martial contre cette prétendue fille de la Grèce.—Lycoris.—Glycère.—Chioné et Phlogis. De quelle façon grossière Martial accueillit une gracieuse invitation à l’amour que lui avait envoyée Polla.—Honteuse profession de foi qu’il adressa à sa femme Clodia Marcella.—Son retour en Espagne.—Épigramme expiatoire de Martial.—Sa fin champêtre.—Pétrone.—Son Satyricon, tableau des mœurs impures de Rome impériale.—Les Épigrammes de Pétrone.—Suicide de Pétrone.

CHAPITRE XXVIII.

Sommaire.—Les empereurs romains.—Influence perverse de leurs mœurs dépravées.—Rigueur des lois relatives à la moralité publique avant l’avénement des empereurs.—Le chevalier Ebutius et sa maîtresse, la courtisane Hispala Fecenia.—Jules César.—Déportements de cet empereur.—Femmes distinguées qu’il séduisit.—Ses maîtresses Eunoé et Cléopâtre.—Infamie de ses adultères.—César et Nicomède, roi de Bithynie.—Chanson des soldats romains contre César.—Octave, empereur.—Son impudicité.—Épisode singulier des amours tyranniques d’Auguste.—Répugnance d’Auguste pour l’adultère.—Son inceste avec sa fille Julie.—Son goût immodéré pour les vierges.—Sa passion pour le jeu.—Ses femmes Claudia, Scribonia et Livia Drusilla.—Le Festin des douze divinités.—Apollon bourreau.—Tibère, empereur.—Son penchant pour l’ivrognerie.—Étranges contradictions qu’offrirent la vie publique et la vie privée de cet empereur.—Tibère Caprineus.—Le tableau de Parrhasius.—Caligula, empereur.—Ses amours infâmes avec Marcus Lépidus et le comédien Mnester.—Sa passion pour la courtisane Pyrallis.—Comment cet empereur agissait envers les femmes de distinction.—Le vectigal de la Prostitution.—Ouverture d’un lupanar dans le palais impérial.—Le préfet des voluptés.—Claude, empereur.—Honteuses débauches de ses femmes Urgulanilla et Messaline.—Néron, empereur.—Sa jeunesse.—Ses soupers publics au Champ-de-Mars et au grand Cirque.—Les hôtelleries du golfe de Baïes.—Pétrone, arbitre du plaisir.—Abominables impudicités de Néron.—Son mariage avec Sporus.—Sa passion incestueuse pour sa mère Agrippine.—Les métamorphoses des dieux.—Galba, empereur.—Infamie de ses habitudes.—Othon, empereur.—Ses mœurs corrompues.—Vitellius, empereur.—Ses débordements.—Son amour pour l’affranchi Asiaticus.—Son insatiable gloutonnerie.—Vespasien, empereur.—Retenue de ses mœurs.—Titus, empereur.—Sa jeunesse impudique.—Son règne exemplaire.—Domitia et l’histrion Pâris.—Domitien, empereur.—Ses déportements.—Nerva, Trajan et Adrien, empereurs.—Antonin-le-Pieux et Marc-Aurèle.

CHAPITRE XXIX.

Sommaire.—Commode, empereur.—Ses turpitudes et ses cruautés.—Ses impurs caprices.—Son mignon Anterus.—Comment Commode employait ses jours et ses nuits.—Mort d’Anterus.—Douleur de Commode.—Ses trois cents concubines et ses trois cents cinædes.—Ses orgies monstrueuses.—Ses incestes.—Hideuses complaisances auxquelles il soumettait ses courtisans.—L’affranchi Onon.—Commode se fait décerner par le sénat le surnom d’Hercule.—Horribles débauches de ce monstre.—Comment Marcia, concubine de Commode, découvrit le projet qu’avait l’empereur de la faire périr, ainsi qu’un grand nombre des officiers de la maison impériale.—Philocommode.—Mort de Commode.—Héliogabale, empereur.—Célébrité unique d’infamie laissée par lui dans l’histoire.—Héliogabale, grand-prêtre du Soleil.—Sa mère Semiamire.—Luxe macédonien des vêtements d’Héliogabale.—Semiamire clarissima.—Petit sénat fondé par l’empereur pour complaire à sa mère.—Ce que c’était que le petit sénat et de quoi l’on s’y occupait.—Goûts infâmes d’Héliogabale.—Quelle sorte de gens il choisissait de préférence pour compagnons de ses débauches.—Comment il célébrait les Florales.—Les monobèles.—Plaisir qu’il trouvait à se mêler incognito aux actes de la Prostitution populaire.—Sa sympathie et sa tendresse pour les prostituées.—Convocation qu’il fit de toutes les courtisanes inscrites et de tous les entremetteurs de profession.—Comment il se conduisit devant cette tourbe infâme qu’il présida et don qu’il fit à chacun des assistants.—L’empereur courtisane.—Argenterie érotique de ses festins.—Comment Héliogabale célébrait les vendanges.—Femmes légitimes qu’eut cet empereur hermaphrodite.—La veuve de Pomponius Bassus.—Cornelia Paula.—La prêtresse de Vesta.—Maris d’Héliogabale.—Le conducteur de chariot, Jérocle.—Aurelius Zoticus, dit le cuisinier.—Comment Jérocle se débarrassa de ce rival.—Mariage des dieux et des déesses.—Festins féeriques d’Héliogabale.—Petites loteries qu’il faisait tirer à ces festins.—Droits qu’avaient les courtisanes dans le palais impérial.—Meurtre d’Héliogabale par les soldats.—Alexandre Sévère, empereur.—Bienfaisante influence de son règne.—Gallien, empereur.—Ses débauches.—Le divin Claude, empereur.—Aurélien, empereur.—Tacite, empereur.—Les mauvais lieux sont défendus dans l’intérieur de Rome.—Probus, empereur.—Carin, empereur.—Sa vie infâme.—Dioclétien, empereur.—C’est sous son règne que semble s’arrêter l’histoire de la Prostitution romaine.

FIN DE LA TABLE.

Note de transcription détaillée:

En plus des corrections des erreurs clairement introduites par le typographe, les erreurs suivantes ont été corrigées:

  • p. 14: «appellait» corrigé en «appelait» («qu’on appelait stabula»),
  • p. 16: fermeture des guillemets avant «On appliquait avec raison»,
  • p. 20: fermeture des guillemets après «aïeule»,
  • p. 26: «Pierruges» corrigé en «Pierrugues» («le docte Pierrugues»),
  • p. 30 et 471, «mœchocinœdus» corrigé en «mœchocinædus»,
  • p. 75: «proéminant» corrigé en «proéminent» («et plus proéminent»),
  • p. 86: «commessations» corrigé en «comessations» («excepté dans les soupers et les comessations,»),
  • p. 98: fermeture des guillemets après «aucupium auribus?»,
  • p. 100: fermeture des guillemets après «quam malum dicere).»,
  • p. 104: «éclairé» corrigé en «éclairée» («la protection éclairée»),
  • p. 104: fermeture des guillemets après «pagina, vita proba).»,
  • p. 126: «ingrédiens» corrigé en «ingrédients» («les ingrédients ordinaires»),
  • p. 155: «tout» corrigé en «tous» («en tous les cas»),
  • p. 186: remplace «?» par «.» («des joueurs d’osselets.»),
  • p. 186 et 366: «cinœdes» corrigé en «cinædes» («des portraits de cinædes»),
  • p. 195, «uticæ» corrigé en «urticæ»,
  • p. 230: fermeture des guillemets après «matulam datis).»,
  • p. 234: «pelusiciaca» corrigé en «pelusiaca»,
  • p. 237: fermeture des guillemets après «sternuit approbationem).»,
  • p. 308: fermeture des guillemets après «ducere veste libet).»,
  • p. 351: fermeture des guillemets après «numeros sustinuisse novem).»,
  • p. 358: «Alcylle» corrigé en «Ascylte» («Ascylte et Giton.»),
  • p. 362: fermeture des guillemets après «vita proba est).»,
  • p. 363: «Parace» corrigé en «Parce» («Parce tuis igitur»),
  • p. 394: «Alcylte» corrigé en «Ascylte» («Ascylte et Giton,»),
  • p. 396: «testamenat» corrigé en «testament» («escroqué plus d’un testament»),
  • p. 406: «sumpluosum» corrigé en «sumptuosum»,
  • p. 409: fermeture des guillemets après «par plus d’un opprobre,»,
  • p. 409: «sexterces» corrigé en «sesterces», comme dans l’édition Belge de la même année,
  • p. 426: «deliagtorum» corrigé en «deligatorum».

Certaines expressions latines, contenant de possibles erreurs de typographie, ou ayant une ortographe non usuelle, n’ont pas été corrigées:

  • p. 237: «sallisationes» pour «salisationes»,
  • p. 301: «futationes» pour «fututiones»,
  • p. 345: «dominiæque» pour «dominæque»,
  • p. 367: «sejurat» pour «se jurat»,
  • p. 381: «iatu» pour «hiatu»,
  • p. 383: «solecismum» pour «solœcismum»,
  • p. 464: «plerunque» pour «plerumque».

En pages 195 et 396, les citations de Pétrone sont écrites différemment. La première commence par «Profert Enothea» et ne contient pas le mot «pipere», alors que la seconde commence par «Profert Ænothea».

Il y avait plusieurs erreurs de typographie dans les mots grecs:

  • p. 65: «μοιχένω» corrigé en «μοιχεύω»,
  • p. 124: «φαγέδαὶνα» corrigé en «φαγέδαινα»,
  • p. 141: «βουβώνὶον» corrigé en «βουβώνιον»,
  • p. 147: «ίατρονικης» corrigé en «ἰατρονικης»,
  • p. 207: «κομίση» corrigé en «κομιδη»,
  • p. 433: «κλυηοπαλεν» corrigé en «κλινοπαλην».
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