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Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, tome 6/6

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«Ils s’en sont allés là derrière,
Pensez, cheviller leur accord,
Afin qu’il en tienne plus fort.
C’est ainsi qu’il faut apaiser
Les femmes, quand veulent noiser.»

Dans la Farce nouvelle, contenant le debat d’un jeune moine et d’un vieil gendarme, par-devant le dieu Cupidon, pour une fille, cette fille vient exposer son cas devant le trône de Cupidon: elle se sent agitée de désirs et de besoins amoureux; Cupidon lui conseille de prendre un amant plutôt qu’un mari, et promet de la pourvoir pour le mieux. Un jeune moine et un vieux gendarme se disputent la possession de la fille, et Cupidon, pour les mettre tous trois d’accord, les invite à chanter ensemble une chanson; ils s’excusent l’un après l’autre de ne faire honneur à ce défi musical, et les motifs de leur refus ne sont que de grossières équivoques. Les deux concurrents ne font donc pas entendre le timbre de leur voix, d’après lequel Cupidon se proposait d’apprécier la capacité de chacun; mais le dieu d’amour s’en rapporte à d’autres indices moins trompeurs, et il fait comprendre à la fille qu’un jeune moine vaut mieux qu’un vieil gendarme.

Il faudrait citer toutes les farces qui nous restent du seizième siècle, pour constater les innombrables ressources de leur immoralité, et pour faire comprendre la part qu’elles avaient dans l’enseignement de la Prostitution. Une femme de bien, après avoir assisté à ces représentations impures, en revenait l’âme souillée et l’esprit tourné à la luxure. Non-seulement les images les plus obscènes, les mots les plus crus, les maximes les plus honteuses émaillaient le dialogue des farceurs, mais encore leur pantomime et leurs jeux de scène étaient d’horribles provocations à la débauche. Il est impossible de se faire une idée de ce qu’étaient les farces populaires de ce temps-là, si l’on n’en a pas lu quelques-unes. La Bibliothèque du théâtre françois, par le duc de la Vallière, Marin et Mercier de Saint-Léger, l’Histoire du théâtre français, par les frères Parfaict, et l’Histoire universelle des théâtres, par une société de gens de lettres, donnent une analyse détaillée de plusieurs de ces pièces licencieuses; mais le lecteur qui voudra étudier encore plus exactement les origines de notre littérature dramatique doit recourir au précieux recueil de farces, que M. P. Jannet vient de réimprimer dans sa Bibliothèque Elzevirienne sous le titre d’Ancien théâtre françois. Nous signalerons surtout, parmi les soixante-quatre farces, histoires, moralités, débats, monologues, dialogues et sermons joyeux, qui composent ce recueil, la farce de frère Guillebert, que l’ancien éditeur a qualifiée de très-bonne et fort joyeuse; elle est, en effet, vraiment comique, et l’on peut se rendre compte du succès de fou rire qu’elle obtenait à la représentation; c’est la plus libre de toutes celles qui nous sont parvenues. Elle commence par un de ces sermons joyeux, qui formaient souvent à eux seuls l’intermède, dans les entr’actes d’une tragédie ou d’une comédie sérieuse.

C’était là le théâtre populaire, jusqu’au commencement du seizième siècle: nous aurions voulu montrer, par l’analyse de cette farce célèbre, la triste influence qu’il devait exercer sur les mœurs. Les farces de cette espèce étaient innombrables, comme le dit Du Verdier; elles se jouaient, par toute la France, dans les plus petits villages; elles servaient de thème, pour ainsi dire, à la pantomime la plus indécente; elles souillaient à la fois les yeux et les oreilles des spectateurs, qui encourageaient, par des applaudissements et des éclats de rire insensés, le jeu impudique des acteurs. On comprend que le clergé catholique ait condamné avec indignation ce déplorable abus de l’art scénique, et l’on ne s’étonne plus, en présence de pareilles ordures, que le théâtre tout entier se soit trouvé enveloppé dans l’anathème dont l’Église avait frappé les farceurs et les comédiens. Saint François de Sales, qui composait, vers cette époque, ses écrits de morale religieuse, comparait les représentations théâtrales aux champignons, dont les meilleurs ne sont pas salubres. Cependant l’autorité civile, qui avait mission de veiller à la police des mœurs, ne semble pas s’être émue de l’incroyable licence du théâtre français, avant le fin du règne de Louis XIII; jusque-là, le lieutenant civil, dans quelques arrêts relatifs aux comédiens, avait enjoint à ceux-ci de ne représenter que «des pièces licites et honnestes, qui n’offensassent personne;» mais les commissaires et les sergents ne paraissent pas avoir fait exécuter ces arrêts au profit de la décence publique. En revanche, la répression était très-prompte et très-sévère à l’égard de toutes les satires personnelles qui s’adressaient à des gens de qualité et à des particuliers notables. On emprisonnait alors, sans forme de procès, les comédiens qui s’étaient permis la moindre atteinte au respect des personnes et au secret de la vie privée. Quant aux farces qui n’étaient que graveleuses ou ignobles, on leur laissait la carrière libre, et on n’avait pas l’air d’en être scandalisé, d’autant plus que ces spectacles malhonnêtes faisaient le charme du peuple, qui y retrouvait la peinture de ses mœurs grossières, l’expression fidèle de ses sentiments bas et la copie de son langage trivial.

Nous avons dit que le plus grand nombre des farces n’ont pas été imprimées, et que celles qui le furent ont disparu en majeure partie. Il y en a encore assez dans le recueil du British Museum de Londres, et dans celui de la Bibliothèque impériale de Paris, pour se faire une idée exacte de l’excès de dépravation, qui pouvait seul faire tolérer la représentation de ces pièces dégoûtantes. Voici les titres de quelques-unes, qui tiennent d’ailleurs tout ce que promet leur préambule: «Farce nouvelle très-bonne et fort joyeuse, des femmes qui demandent les arrérages de leurs maris, et les font obliger par nisi; à cinq personnages, c’est assavoir: le mary, la dame, la chambrière et le voysin.—Farce nouvelle et fort joyeuse des femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent qu’on ne mette la pièce auprès du trou; à trois personnages, c’est assavoir: la première femme, la seconde et le maignen.—Farce très-bonne et fort joyeuse de Jeninot, qui fist un roy de son chat, par faulte d’autre compagnon, en criant: Le roy boit! et monta sur sa maistresse pour la mener à la messe; à trois personnages, etc.» Tels étaient les titres, qui donnaient un avant-goût des pièces, que l’affiche annonçait au public, et qui avaient une vogue extraordinaire. Ces farces, on les apprenait par cœur, et chacun, au besoin, était en état d’y remplir un rôle, lorsque, à défaut de joueurs de profession, une confrérie de compagnons, une corporation de métier, une société joyeuse, se constituait en troupe dramatique. Les associations d’acteurs bourgeois ou artisans se multiplièrent sur tous les points du royaume, dans la première moitié du seizième siècle, et la Prostitution, qui était toujours le mobile de cette passion effrénée du théâtre, se multiplia également, en proportion du nombre des comédiens et des comédiennes, qui vivaient dans le désordre le plus crapuleux.

«Il y avoit deux troupes alors à Paris, raconte Tallemant des Réaux, qui avait recueilli la tradition de la bouche de ses contemporains (tome X de l’édit. in-12, p. 40); c’étoient presque tous des filous, et leurs femmes vivoient dans la plus grande licence du monde: c’étoient des femmes communes et même aux comédiens de l’autre troupe, dont elles n’étoient pas.» Tallemant des Réaux ajoute plus loin: «La comédie n’a été en honneur que depuis que le cardinal de Richelieu en a pris soin (vers 1625), et avant cela, les honnêtes femmes n’y alloient point.» Les trois plus habiles farceurs de ce temps-là, connus sous leurs noms de théâtre, Turlupin, Gaultier Garguille et Gros-Guillaume, jouaient la comédie sans femmes, et poussaient à l’envi le burlesque jusqu’au cynisme le plus éhonté; Tallemant des Réaux dit pourtant que Gaultier Garguille fut «le premier qui commença à vivre un peu plus règlement que les autres,» et que Turlupin, «rencherissant sur la modestie de Gaultier Garguille, meubla une chambre proprement; car tous les autres étoient épars çà et là, et n’avoient ni feu ni lieu.» Sauval, qui écrivait son Histoire des Antiquités de Paris en même temps que Tallemant ses Historiettes, se garde bien de délivrer un certificat de bonnes mœurs à ces trois fameux bouffons; il dit même de Gaultier Garguille, qu’il «n’aima jamais qu’en lieu bas;» et l’épitaphe qu’on avait faite pour les trois amis, enterrés ensemble dans l’église de Saint-Sauveur, renferme un trait qui pourrait bien faire allusion à l’immoralité de leur association:

Gaultier, Guillaume et Turlupin,
Ignorans en grec et latin,
Brillèrent tous trois sur la scène
Sans recourir au sexe feminin,
Qu’ils disoient un peu trop malin:
Faisant oublier toute peine,
Leur jeu de théâtre badin
Dissipoit le plus fort chagrin.
Mais la Mort, en une semaine,
Pour venger son sexe mutin,
Fit à tous trois trouver leur fin.

Gros-Guillaume jouait à visage découvert; mais ses deux amis étaient toujours masqués: chacun d’eux avait un costume caractéristique, qu’il ne changeait jamais dans la farce. Avant d’être incorporés dans la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, ils avaient établi leurs tréteaux dans un jeu de paume, qui ne suffisait pas à contenir tous les curieux que ces représentations attiraient. Le cardinal de Richelieu voulut les voir et les entendre; il fut enchanté d’eux, et il les jugea dignes de devenir comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, où ils transportèrent leurs farces et leurs chansons. On peut supposer que ces farces étaient de la composition de Turlupin et de Gros-Guillaume, puisque le nom de turlupinades est resté aux canevas facétieux, qu’ils jouaient d’abondance, à l’impromptu, comme les farces italiennes. On sait, d’ailleurs, que les chansons, que nos trois amis chantaient d’une manière si plaisante, n’avaient pas d’autre auteur que Gaultier Garguille, qui les fit imprimer lui-même en 1632 (Paris, Targa, petit in-12), et qui obtint, à cet effet, sous son véritable nom, un privilége du roi, octroyé, était-il dit dans ce privilége, «à nostre cher et bien-aimé Hugues Gueru, dit Fléchelles, l’un de nos comediens ordinaires, de peur que des contrefacteurs ne viennent adjouster quelques autres chansons plus dissolues.» La Chanson de Gaultier Garguille, si dissolue qu’elle fût de son essence, avait passé en proverbe, et bien des gens, dit Sauval, n’allaient à l’Hôtel de Bourgogne que pour l’entendre. Quant aux farces dans lesquelles Turlupin (Henri Legrand était son nom de famille) se distinguait par des «rencontres pleines d’esprit, de feu et de jugement,» elles n’eurent pas probablement les honneurs de l’impression: on ne les connaît que par des scènes qui ont été reproduites dans de vieilles estampes de Mariette et d’Abraham Bosse. Au reste, ces illustres farceurs s’étaient essayés aussi, avec succès, dans la comédie héroïque, qui descendait parfois aux trivialités de la farce.

L’Hôtel de Bourgogne, qui représenta des farces proprement dites jusqu’au milieu du dix-septième siècle, possédait, au commencement de ce siècle, un comédien auteur, non moins fameux que le furent plus tard Turlupin, Gaultier Garguille, Gros-Guillaume et Guillot-Gorju. C’était un Champenois, nommé Deslauriers, qui avait pris le sobriquet de Bruscambille, sous lequel il composait et publiait les plaisantes imaginations qu’il débitait sur la scène, pour tenir en haleine l’auditoire entre les deux pièces et pour le préparer à faire bon accueil aux folies de la farce. L’usage de ces intermèdes comiques et graveleux remontait certainement au spectacle des pois pilés, et le badin, qui venait réciter au public un monologue ou un sermon joyeux, n’épargnait ni grimaces ni gestes indécents pour faire rire le parterre, qui ne savait pas ce que c’était que de rougir d’un mot obscène ou d’une pantomime licencieuse. Aussi, on avait osé autrefois dire en plein théâtre le Sermon joyeux d’un despucelleur de nourrices, le Sermon des frappe-culs, et bien d’autres monologues en vers ou en prose non moins joyeux et non moins orduriers. Du temps de Henri IV, Bruscambille s’était fait connaître par les harangues facétieuses qu’il adressait aux spectateurs, avant ou après la comédie, et qui roulaient sur toutes sortes de sujets bizarres, grivois ou ridicules; tantôt, dans le procès du pou et du morpion, il imitait les formes du palais et l’éloquence pédantesque du barreau; tantôt, dans un panégyrique en faveur des gros nez, il paraphrasait cette équivoque en latin macaronique: Ad formam nasi cognoscitur ad te levavi; tantôt, il s’efforçait de découvrir, sous la jupe des femmes, les mystères du saut des puces; tantôt, il prétendait avoir fait un voyage au ciel et aux enfers, pour interroger les mânes et les manans, sur cette grande question: Uter vir an mulier se magis delectet in copulatione. On savait assez de latin dans la salle pour comprendre celui de Bruscambille, et l’on riait aux larmes, lors même qu’on ne le comprenait pas, car son jeu muet en disait autant que ses paroles. Quelquefois, Deslauriers se mêlait de traiter plaisamment des matières sérieuses qui plaisaient beaucoup moins aux habitués de l’Hôtel de Bourgogne; il revenait souvent sur l’apologie du théâtre et sur la justification du comédien, qu’il s’efforçait de relever de l’infamie où sa profession l’avait fait tomber; mais il était bientôt obligé de reprendre le ton graveleux et de faire son métier, en accumulant, par exemple, toutes les turpitudes et toutes les saletés les plus excentriques. Le marquis du Roure a cité, dans son Analecta Biblion (t. II, p. 152 et suiv.), quelques-uns des proverbes obscènes, des fantaisies et des paradoxes impudents, que Deslauriers récitait et mimait sur le théâtre. Nous renvoyons le lecteur, qui désire en savoir davantage, aux Nouvelles et plaisantes imaginations de Bruscambille, que l’auteur ne craignit pas de dédier à Monseigneur le Prince, c’est-à-dire à Henri de Bourbon, prince de Condé!

Et tout cela fut imprimé et réimprimé avec privilége du roi! et tout cela fut débité et mimé, non-seulement sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, mais encore sur tous les théâtres de campagne qui lui empruntaient son répertoire! Passe encore si le public, qui courait entendre ces vilenies, eût été composé d’ivrognes et de libertins, de gens sans aveu et de prostituées; mais le bourgeois menait à la comédie sa femme et sa fille; les jeunes gens étaient passionnés, plus encore que les hommes mûrs, pour ce divertissement qui les excitait à la débauche, et partout le théâtre faisait de folles amours et des adultères, des maris trompés, des femmes infidèles, des entremetteuses de Prostitution, des docteurs d’immoralité. C’était là que le peuple se perdait par les mauvais conseils et les mauvais exemples. Mais ne fût-il point allé voir les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, ceux de l’Hôtel d’Argent ou du théâtre du Marais, ceux de la Foire Saint-Germain et ceux qui dressaient leur théâtre de passage dans tous les jeux de paume, il aurait eu, pour se divertir, pour dégrader sa pensée et pour s’instruire à l’école de l’impudicité, les hideuses parades en plein vent de la place Dauphine et du Pont-Neuf; il pouvait y entendre tous les jours, sans bourse délier, les rencontres, questions, demandes, fantaisies, etc., du grand Tabarin et du baron de Gratelard, qui vendaient leurs drogues, leurs onguents, leurs parfums et leurs secrets, à l’aide de ces «gaillardises admirables,» de ces «conceptions inouïes» et de ces «farces joviales,» réimprimées tant de fois pour répondre à l’empressement des acheteurs, que n’effarouchaient pas l’impertinence du sujet, la hardiesse des détails et l’incongruité du langage. Tabarin et ses émules avaient le droit de tout dire sur leurs tréteaux; les passants, le droit de tout écouter, et s’il y avait là d’aventure quelque commissaire-enquêteur de police au maintien grave et austère, il se gardait bien d’interrompre les plaisirs du petit peuple, en imposant silence aux acteurs effrontés des farces tabariniques, qui ne furent prohibées plus tard que par arrêt du parlement.

FIN DU TOME SIXIÈME ET DERNIER.

CONCLUSION.

Nous sommes enfin arrivé au terme de notre travail. Nous regrettons de n’avoir pu faire usage, eu égard au petit nombre de volumes que nous avions à remplir, d’une foule de matériaux précieux qui eussent augmenté considérablement les proportions du livre. Ainsi, a-t-il fallu abréger toute la partie consacrée aux temps antiques et concernant l’histoire des mœurs de la Grèce, de Rome et du Bas-Empire; nous avons, par exemple, laissé de côté les deux fameux passages qui sont supprimés dans les anciennes éditions de Procope (voy. dans le Menagiana, édit. de 1715, t. I, p. 347 et suiv., ces deux passages rétablis d’après les manuscrits du Vatican); mais, en revanche, nous nous félicitons du développement que nous avons donné à nos recherches sur l’histoire des mœurs en France, depuis les temps barbares jusqu’au règne de Henri IV, où s’arrête notre ouvrage. On ne perdra pas de vue que cet ouvrage est le premier qui ait été entrepris sur un sujet qui n’intéresse pas moins le moraliste et le philosophe, que le législateur et l’archéologue. La lenteur même avec laquelle cette importante publication a été conduite, témoigne assez que l’auteur ne voulait pas devoir le succès d’une œuvre aussi sérieuse à l’impatiente curiosité des lecteurs frivoles.

Nous croyons avoir prouvé, dans cette vaste composition historique, que les philosophies et les religions anciennes étaient les auxiliaires plus ou moins coupables de la Prostitution; que la véritable morale des honnêtes gens n’existait pas avant l’établissement du christianisme; que le rôle principal de cette religion régénératrice, au milieu du monde païen et idolâtre, a été surtout de fonder le culte des mœurs, et que les mœurs, en s’épurant au creuset de la famille chrétienne, ont créé la civilisation moderne. Nous avons étudié avec impartialité les désordres terribles et secrets de la Prostitution dans le sein des sociétés; nous avons montré que de tous temps cette hideuse expression du vice s’est produite audacieusement en face des lois divines et humaines, qui s’efforçaient de l’étouffer et qui ne pouvaient que l’affaiblir et l’enchaîner; enfin, nous avons soigneusement constaté les formes diverses et multiples, que la dépravation a prises à chaque époque, sous l’empire des événements généraux et des influences individuelles qui ont pesé sur la moralité publique.

Il résulte de nos convictions, appuyées sur une longue série de faits, que la Prostitution légale, c’est-à-dire autorisée ou plutôt tolérée par la loi, n’a jamais eu de liens ni de rapports, même indirects, avec l’état permanent des mœurs du pays, et qu’elle reste toujours enfermée dans un cercle borné qui ne s’agrandit qu’en raison de l’accroissement de la population; mais, au contraire, les mauvaises mœurs, les plus dangereuses et les plus envahissantes, qui n’ont rien de commun avec cette vile espèce de Prostitution, peuvent se développer d’une manière affreuse dans les classes élevées et gangrener, pour ainsi dire, le cœur de la nation, si le gouvernement et les hommes qui le représentent ne travaillent pas à combattre l’émulation du vice parmi la jeunesse et ferment les yeux sur la pire des prostitutions, sur cet amour féroce et insatiable de l’argent, qui dévore la génération actuelle.

De notre ermitage de Saint-Claude, 1er janvier 1854.

Pierre Dufour.

TABLE DES MATIÈRES
DU SIXIÈME VOLUME.

FRANCE.

CHAPITRE XXXV.

Sommaire.—La Prostitution dans les modes.—Histoire du costume, au point de vue des mœurs.—L’amour du luxe mène à la débauche.—Les ordonnances somptuaires des rois.—Simplicité du costume national des Français.—Commencements de la licence des habits.—Les moines de Saint-Remi de Reims.—Souliers à la poulaine.—La poulaine «maudite de Dieu.»—Anathèmes ecclésiastiques contre cette mode obscène.—Les becs de canne.—Les croisades apportent en France les modes orientales.—Le culte de la Mode, selon Robert Gaguin.—L’homme s’efforce de ressembler au démon.—Les cornes et les queues sous Charles VI.—Exagérations du moule de l’habit.—Définition du vêtement honnête, suivant Christine de Pisan.—Les modes d’Isabeau de Bavière.—Robes à la grand’gore.—Préjugés contre les femmes qui se lavent.—Les muguettes.—Les tirebrayes.—Les bains et les étuves.—Modes des hommes au quinzième siècle.—Mahoîtres.Braguettes.—Les basquines et les vertugales.—Leur origine et leur usage.—Les calçons des femmes.—Nudités de la gorge.—Lits de satin noir.—Raffinements de l’impudicité.—Progrès de la décence publique.

CHAPITRE XXXVI.

Sommaire.Le Cabinet du roy de France.—Nicolas Barnaud n’est pas l’auteur de cet ouvrage.—La Monnoye réfuté.—Le Secret des finances de France.—Quel en est l’auteur.—Analyse du Cabinet et explication des trois perles précieuses qu’il contient.—Le Traité de la Polygamie sacrée.—Statistique singulière de la Prostitution en 1581.—Le personnel de l’archevêché de Lyon.—Curieuses citations extraites du livre de la Polygamie.—État détaillé des désordres d’un seul diocèse.—L’auteur prouve l’exactitude de ses calculs, par le catalogue de la Monarchie diabolique.—État détaillé des diocèses de France, au point de vue de la Prostitution, avec la recette et la dépense.—Singulières preuves fournies par l’auteur, à l’appui de sa statistique.—Le cardinal de Lorraine excusé par Brantôme.—Les valets des cardinaux.—Personnel d’une maison épiscopale.—Le bal de l’évêque.—Les valets des abbés, des prieurs, des moines, etc.—Cinq articles du Colloque de Poissy.—Polygamie des nobles.—Prostitution de la noblesse du Berry.—La collation de l’abbé.—Le maquignon.—Revenus du clergé.—Conclusion de ce pamphlet huguenot.—Les mœurs ecclésiastiques au seizième siècle.—Témoignages de Jean de Montluc et de Brantôme.—Enquête contre l’abbé d’Aurillac.—Le clergé subit l’influence morale de la Réformation.

CHAPITRE XXXVII.

Sommaire.—La Prostitution des mignons de Henri III.—Arrivée des Italiens à la cour de France.—Influence de leurs mœurs.—Rachat du péché de sodomie.—Le sorbonniste Nicolas Maillard.—Opinion des honnêtes gens exprimée par Brantôme.—Abominables maris.—Henri III revient de Pologne.—Son aventure de Venise.—Date précise de sa corruption.—Les écoliers et les Italiens.—Le capitaine La Vigerie.—Origine des mignons.—Leur portrait par P. de l’Estoile.—Les indignités de la cour.—Les variantes.—Catalogue des mignons.—Sonnet vilain.—La part de la calomnie.—Poésies et libelles satiriques des huguenots et des ligueurs.—Lettre d’un Enfant de Paris.—Les sorcelleries de Henri de Valois.—Les mascarades et les processions.—La confrérie des Pénitents.—Le moine Poncet.—Noms des mignons.—Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné.—Les Hermaphrodites.—L’autel d’Antinoüs.—La déesse Salambona.—Aventure de la Sarbacane.—La Confession de Sancy.—Le Juvénal de la cour de Henri III.

CHAPITRE XXXVIII.

Sommaire.—Le Divorce satyrique.—Les Mémoires de la reine Marguerite.—Les Amours du grand Alcandre.—Les premiers amants de Margot: La Mole, Bussy, Turenne, Mayenne, Clermont d’Amboise, etc.—Intrigue de la reine avec Champvalon.—Son départ de la cour et son arrestation.—Lettre de Henri III à son beau-frère.—Marguerite en pouvoir de mari.—Sa fuite de Nérac.—Son arrivée à Carlat.—Les cadets de Gascogne et les chaudronniers d’Auvergne.—Les occupations de Marguerite à Carlat.—Aubiac et le marquis de Canillac.—Le château d’Usson.—Ses mystères, selon divers témoignages contemporains.—Le chantre Pominy.—La boîte d’argent.—Le culte de Vénus Uranie.—Ses deux serviteurs, Dupleix et Brantôme, en présence.—Le divorce de Henri IV.—Retour de Marguerite à Paris.—L’hôtel de Sens.—Mort du mignon Date.—L’île de Cythère du faubourg Saint-Germain.—Bajaumont.—Derniers soupirs de la galanterie de la reine Margot.—Histoire des mille et une maîtresses du roi de Navarre.—Jugements sur l’inconduite de ce prince.—Catherine du Luc, la demoiselle de Montaigu, Tignonville, Maroquin, etc.—Madame de Sauve, Dayelle, la Fosseuse, etc.—La comtesse de Guiche.—Madame de Guercheville.—Les abbayes de Longchamp et de Montmartre.—Gabrielle d’Estrées.—Ses amours avec le roi et avec d’autres.—La duchesse de Verneuil.—La Haye, Fanuche, la comtesse de Moret, la Glandée, etc.—La princesse de Condé.—Les proxénètes du roi.

CHAPITRE XXXIX.

Sommaire.—Les annales de la cour sous Henri III et Henri IV.—La belle Châteauneuf.—Le souper des trois rois chez Nantouillet.—Le mariage de la maîtresse du roi.—L’assassinat de madame de Villequier par son mari.—Indignes violences de Henri III et de ses mignons.—La comédie du Paradis d’amour.—Bibliothèque de madame de Montpensier.Manifeste des dames de la cour.—Les filles d’honneur de la reine.—La Malherbe et le seigneur de la Loue.—La Sagonne et le baron de Termes.—Indulgence de Henri IV.—Commencements de la belle galanterie.—Conséquences du luxe.—Le mouchoir de 19,000 écus.—La tapisserie.—Les mystères des dieux.

CHAPITRE XL.

Sommaire.—Corruption du peuple à la fin du seizième siècle.—Influence pernicieuse de la Ligue sur les mœurs.—Les gravures obscènes.—Prostitution du langage.—Les processions des nus.—Le curé Pigenat.—La Sainte-Beuve.—Portrait d’un bon ligueur.—Viols commis par les gens de guerre.—Viols d’enfants, à Paris.—Crime de bestialité.—Supplice de Gillet-Goulart.—Autres supplices d’hommes et d’animaux.—Crime de sodomie.—Le médecin de Sylva.—Progrès du vice.—Crimes de rapt et de séduction.—Pénalité.—Dénis de justice.—Punition de l’inceste.—Le président de Jambeville.—Indifférence des tribunaux pour certaines excitations à la débauche.—Les Amours des Dieux, de Tempeste.—Le traité de Sanchez, De Matrimonio, saisi et défendu.—La Somme des péchés, du P. Benedicti, autorisée.—Le Moyen de parvenir, de Beroalde de Verville.—Les Filles-repenties.—Désordres des couvents de femmes pendant la Ligue.—Les religieuses vagabondes.

CHAPITRE XLI.

Sommaire.—La tolérance des lieux de débauche.—Inconvénients de ce système de police.—Opinion de Montaigne.—Le ministre Cayet se fait l’avocat des bordeaux.—Son Discours contre les dissolutions publiques.—Ce discours saisi dans les mains de l’imprimeur Robert Estienne.—Cayet déposé par le consistoire.—Accusations des protestants au sujet du livre qu’on lui attribuait.—D’Aubigné prétend que Cayet avait fait deux livres infâmes, au lieu d’un.—L’opinion de Cayet fondée sur l’autorité d’un pape.—Ordonnance royale de 1588 contre les bordeaux.—Ordonnances prévôtales de 1619 et de 1635 pour l’exécution de l’édit de 1560.—Les rufiens de Paris, à la fin du seizième siècle.—Le conseiller Jean Levoix et sa maîtresse.—Le capitaine Richelieu.—Désordre de la police des mœurs, en 1611.—La maison du président Harlay.

CHAPITRE XLII.

Sommaire.—Le grand poëte de la Prostitution, Mathurin Regnier.—Sa philosophie épicurienne.—Son caractère et ses mœurs.—La bonne Loi naturelle.—L’impuissance.—Une de ses aventures nocturnes.—Le Mauvais gîte.—Le Discours d’une vieille Maquerelle.—Madelon et Antoinette.—Macette.—Épître au sieur de Forquevaus.—Maladie et mort de Regnier.

CHAPITRE XLIII.

Sommaire.—Les imitateurs de Regnier.—Le sieur d’Esternod et son Espadon.—Une bonne fortune de poëte satirique.—Le paranymphe de la vieille dévote.—La Belle Madeleine.—Le sieur de Courval-Sonnet.—La Censure des femmes.—Conseils à une courtisane.—Les Exercices de ce temps.—Le Bal.—La Promenade.—Le Débauché.—Le Procès de Théophile Viaud.—Les recueils de vers satiriques.—Le Parnasse satyrique.—La vengeance du P. Garasse et des jésuites.—Arrêts contre Théophile.—Nouvelle jurisprudence contre les mauvais livres et les discours obscènes.

CHAPITRE XLIV.

Sommaire.—La Prostitution au théâtre.—Histoire du théâtre français au point de vue des mœurs.—Les histrions, infâmes sous Charlemagne.—Fondation de la Confrérie de la Passion.—Mise en scène des Mystères.—Leur indécence.—Un Miracle de sainte Geneviève.—La Vie de madame sainte Barbe.—Obscénité du costume et de la pantomime.—Les diables et les anges.—Éclairage de la salle.—Les Enfants-sans-souci et les Clercs de la Bazoche.—Le Jeu des pois pilés.—Censure théâtrale.—Désordres des comédiens.—A quelle époque les femmes ont commencé à paraître sur la scène.—Les Gelosi et les acteurs espagnols.—Les plus anciennes actrices françaises.—Le parlement défend de jouer les mystères.—Les farces du seizième siècle.—Leur saleté.—La plupart ont été détruites.—Ce qui nous en reste.—Le Recueil de Londres et celui du duc de la Vallière.—Le Recueil de plusieurs farces, tant antiques que nouvelles.—Grand nombre des farces.—Tolérance de l’autorité civile à l’égard du théâtre.—Titres de plusieurs farces graveleuses.—Les premiers comédiens de l’Hôtel de Bourgogne.—Turlupin, Gros-Guillaume, Gaultier Garguille.—Les chansons.—Les Plaisantes imaginations de Bruscambille.—Les théâtres de campagne et des jeux de paume.—Théâtres du Pont-Neuf.—Tabarin et le baron de Gratelard.

Conclusion.

FIN DE LA TABLE.

Note de transcription détaillée:

En plus des corrections des erreurs clairement introduites par le typographe, les erreurs suivantes ont été corrigées:

  • p. 42, guillemet fermant ajouté après «bien tendus.....»;
  • p. 173, «engendait» corrigé en «engendrait» («engendrait tant de femmes de joie»);
  • p. 185, «pimpêche» corrigé en «pimbêche» («Cette pimbêche et rusée femelle»);
  • p. 219, «pechés» corrigé en «péchés» («La Somme des péchés»);
  • p. 234, guillemet fermant ajouté après «Justice de Corbeil.»
  • p. 281, «Mécènes» corrigé en «Mécène» («Son Mécène, Philippe de Béthune»);
  • p. 296, «dons» corrigé en «clous» («De cent clous elle fut formée»);
  • pp. 299, 302, 328 et 375, «Violet» corrigé en «Viollet» («Viollet-Leduc»);
  • p. 343, «La» corrigé en «la» («duc de la Vallière»);
  • p. 396, «Indulgences» corrigé en «Indulgence» («Indulgence de Henri IV»).
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