Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusqu'à nos jours - I
§ XL.
Travaux et embellissements de Paris.--État moral de la population.
Depuis cinq à six années que le désordre des rues a presque entièrement cessé, que le peuple s'est retiré des émeutes pour ne plus s'occuper que de son bien-être matériel, l'industrie et le commerce ont fait d'immenses progrès. Des entreprises de tout genre se forment de toutes parts; les capitaux sont abondants, l'activité universelle, et l'exposition de l'industrie en 1839, où Paris a deux mille quarante-sept exposants, démontre quelles merveilles se sont faites aussi bien dans les choses usuelles que dans les produits de luxe. On ouvre dans les faubourgs de grandes usines, de grandes manufactures; on ouvre, dans les quartiers à la mode et même dans les anciens quartiers, des magasins éblouissants de richesses; il se fait une transformation complète dans l'aspect extérieur et l'aménagement intérieur des boutiques, qui appellent l'acheteur par mille (p.311) séductions. Plus de quatre mille maisons sont construites de 1833 à 1848; des quartiers nouveaux sortent de terre; tous les terrains restés vides ou cultivés dans les marais du Temple, du faubourg Saint-Martin, du clos Saint-Lazare, du faubourg Montmartre, de la Chaussée d'Antin, se couvrent de rues magnifiques et de maisons qui semblent des palais. L'administration municipale, éclairée, pleine de zèle, seconde ces améliorations en rendant nos vieilles rues de plus en plus praticables, en leur donnant des chaussées bombées et des trottoirs, en remaniant cent vingt kilomètres d'égouts, en faisant bituminer et niveler les boulevards, en plantant d'arbres les quais et les places, en augmentant le nombre des bornes-fontaines, en rendant presque universel l'éclairage au gaz, en proscrivant tous les étalages extérieurs qui gênent la voie publique. Elle met largement à exécution le grand plan d'alignement et d'assainissement de la ville, en continuant et complétant la ligne des quais, en déblayant cette ruche immonde de la Cité, les abords de l'Hôtel-de-Ville, une partie des halles; en ouvrant la grande rue Rambuteau, qui change la face des quartiers Saint-Martin et Saint-Denis, en nivelant et embellissant les places de la Concorde et de la Bastille, en couvrant de constructions pittoresques les Champs-Élysées, en réédifiant sur un plan magnifique l'Hôtel-de-Ville, en restaurant Notre-Dame, la Sainte-Chapelle et vingt autres églises, en construisant le grand hôpital du Nord, les prisons modèles de la Roquette et Mazas, les ponts Louis-Philippe et du Carrousel, les fontaines Richelieu, Cuvier et Saint-Sulpice, le monument de Molière, les annexes du Muséum d'histoire naturelle, etc. L'État prend lui-même part aux embellissements de Paris en faisant achever, avec magnificence, les monuments qui ont un caractère national, tels que l'Arc de triomphe de l'Étoile, la colonne de Juillet, le palais d'Orsay, le palais des Beaux-Arts, l'église de la Madeleine, le Collége de France, le Panthéon, etc.
Pendant cette période de paix et de prospérité, Paris devient de (p.312) plus en plus le centre de la France: sa population s'élève en 1831 [181] à 774,000; en 1836, à 909,000; en 1846, à 1,053,000, sur lesquels on compte 67,000 indigents. Le nombre des voitures publiques et particulières, qui n'était en 1818 que de 17,000, s'élève en 1837 à 35,000, et en 1847 à 76,000.
Mais l'activité industrielle et commerciale de cette époque, la surexcitation qu'elle donne à tous les appétits matériels amènent une concurrence effrénée, le plus hideux agiotage, un amour des écus plus impudent, plus effronté qu'aux temps de la Régence et du Directoire. Acquérir sans travail, sans instruction, par les voies les plus courtes; inventer des moyens d'exploiter la crédulité; chercher des dupes, enfin faire des affaires, devient la pensée et l'occupation unique de la partie la plus influente de la population, d'une société brillante et corrompue, sans croyances comme sans entrailles, qui ne connaît que les plaisirs matériels et les jouissances du luxe. Dans les trois premiers mois de 1838, il se forme plus de cent sociétés industrielles au capital de 392 millions, et qui n'ont pour but que de soutirer l'épargne des petites bourses et le produit des sueurs populaires. On n'a plus que dédain et moquerie pour tout ce qui est sentiment, idée, poésie, pour tout ce qui n'est pas lucre, argent, matière. La Bourse est le théâtre principal de toutes ces (p.313) spéculations frauduleuses: là on joue sur des bitumes fabuleux, des mines qui n'existent pas, des chemins de fer qui ne se feront jamais. Enfin, on retrouve partout ces tripotages d'argent, dans les embellissements de Paris, dans les inventions industrielles, dans les entreprises et travaux faits pour le gouvernement; et ce fut l'occasion de tristes procès.
Le peuple participe au progrès de cette époque par son travail, mais faiblement par le profit qu'il en tire. D'abord, presque toutes les améliorations matérielles de la ville sont faites dans les quartiers riches; mais les quartiers St-Martin et du Temple, les faubourgs St-Antoine et St-Marceau n'ont qu'une petite part dans les travaux des égouts, des bornes-fontaines, des trottoirs, des chaussées bombées, etc. Quant aux déblaiements faits dans la Cité, les halles, le quartier St-Antoine, ils sont utiles à la beauté et à la salubrité de la ville, mais ils chassent de leur logement à bon marché les ouvriers qui ne peuvent les retrouver dans les palais construits dans les quartiers neufs. Il ne se bâtit presque aucune maison nouvelle pour le peuple, qui s'entasse de plus en plus dans les vieux quartiers, dans ceux que le marteau des démolisseurs n'a pas encore atteints: aussi le prix des loyers augmente-t-il sans cesse, et la difficulté de se loger est-elle pour l'ouvrier le tourment de tous ses jours et la cause perpétuelle de sa misère. Quant aux progrès industriels, ils ne se manifestent pour lui que par la concurrence, qui amène l'avilissement des salaires, des désastres fréquents, des chômages ruineux: Paris devenu, depuis la paix, une ville manufacturière, a maintenant à subir une nouvelle cause de calamités, les grandes crises commerciales. La misère ne cesse donc pas de régner dans les faubourgs et les quartiers populeux; en somme, elle est moins grande qu'elle n'était en 1789, c'est-à-dire qu'elle atteint comparativement moins de personnes; mais, pour celles qu'elle atteint, elle est aussi complète, aussi (p.314) hideuse[182]. D'ailleurs, ce n'est pas impunément que les classes riches donnent au peuple le spectacle de leurs passions cupides, de leur amour effréné de luxe et de jouissances; ce n'est pas en vain que la richesse s'étale à tous les coins de rue et sous toutes les formes; le peuple veut aussi du bien-être et des plaisirs; il prend dans toutes les habitudes de sa vie matérielle des goûts qui semblent lui être étrangers; les temps de résignation et d'humilité sont passés; il veut sa part d'aisance; il réclame ses droits; enfin, pendant que les romans en feuilletons et les vaudevilles graveleux forment toute la littérature des classes élevées, les livres sérieux vont dans les ateliers, et l'immense débit des publications par livraisons atteste, par les chiffres les plus éloquents, le menaçant progrès qui s'est obscurément opéré dans l'instruction des masses populaires.
§ XLI.
Paris de 1840 à 1848.
Août et septembre 1840.--Les affaires d'Orient amènent la rupture de notre alliance avec l'Angleterre et l'ébauche d'une coalition des quatre puissances du Nord contre la France. Le ministère, présidé par M. Thiers, fait des préparatifs de guerre qui produisent une vive agitation dans Paris. On entend partout des cris belliqueux; on chante la Marseillaise dans les rues et dans les théâtres; toutes les passions des barricades semblent se réveiller, pleines d'espoir. (p.315) A ces causes de troubles viennent se joindre des grèves et coalitions d'ouvriers, engendrées par la question des salaires, et que les partis cherchent à exploiter à leur profit. Pendant huit à dix jours, on voit successivement les ouvriers maçons, charpentiers, menuisiers, serruriers, mécaniciens, tisseurs, enfin de tous les corps d'état, descendre, par troupes de deux à trois mille, des communes de Belleville, Pantin, la Villette, Saint-Mandé; pénétrer dans les ateliers et fabriques, entraîner par la menace ou la séduction ceux de leurs camarades qui travaillent, et arrêter ainsi l'industrie et les transactions commerciales. Les travaux du chemin de fer d'Orléans, des filatures du faubourg Saint-Antoine, des ateliers de voitures publiques, se trouvent ainsi suspendus. Pendant huit à dix jours, les rues et places sont encombrées d'ouvriers en grève qui se rassemblent, pérorent, crient, chantent, complotent et montrent une agitation menaçante. Dans le faubourg Saint-Antoine, deux sergents de ville sont assassinés par une foule furieuse, et l'on commence des barricades. Alors le gouvernement déploie une armée de troupes de ligne, de garde municipale, de garde nationale, qui occupe les rues, les places, les principaux postes, et empêche l'émeute d'éclater. «La journée a été sombre, dit un journal; trois francs de baisse sur les fonds publics; quelques tentatives de barricades, qui ont heureusement échoué; la ville occupée militairement par une chaîne de postes; les physionomies sinistres: voilà le spectacle affligeant que Paris a présenté.» Enfin, les attroupements d'ouvriers, refoulés sur tous les points, se dispersent sans collision violente. On fait de nombreuses arrestations; l'effervescence se calme peu à peu; le peuple retourne à ses travaux: mais le gouvernement ne songe pas à résoudre les questions menaçantes qui ont produit ces rassemblements; il croit en être quitte en faisant prononcer contre quelques ouvriers des (p.316) condamnations judiciaires et la prison; et pourtant on sent, dans les demandes faites par ces ouvriers, relatives à la diminution des heures de travail, à la suppression des tâcherons et des marchandeurs, à l'égalité des salaires, non-seulement des souffrances réelles à soulager, mais les doctrines du socialisme, qui commencent à égarer le peuple en lui donnant sur l'organisation du travail les espérances les plus chimériques.
Ce sont les derniers troubles qui agitent les rues jusqu'à la révolution de 1848. Le gouvernement se croit désormais sûr de la soumission de Paris: il a commencé à fortifier cette ville.
Les humiliations de 1814 et de 1815 avaient laissé des traces profondes dans tous les esprits, avec de vives appréhensions pour l'avenir; la frontière formidable dont le génie de Vauban avait doté la France avait été si facilement et par deux fois violée; Paris avait été si facilement pris; deux révolutions avaient été si facilement faites, grâce à l'occupation de la capitale, qu'il devait rester chez les étrangers (et les événements de 1840 venaient de le démontrer) l'espoir et la tentation de renouveler ces outrages et de venir mâter la révolution dans son centre. Aussi, depuis 1815, avait-on songé plusieurs fois à rendre à notre frontière son importance et son efficacité, en fortifiant Paris, c'est-à-dire en ôtant à l'ennemi la pensée d'y arriver par une course rapide et de l'enlever par un coup de main. Ainsi, en 1826, un plan de fortification de Paris avait été proposé à Charles X par le ministre de la guerre, M. de Clermont-Tonnerre; en 1831, et au moment où l'on pouvait craindre une coalition nouvelle, on commença quelques ouvrages de défense sur les hauteurs qui avoisinent Paris; enfin, en 1836, un projet de loi fut présenté à la Chambre des députés, mais il y éprouva un accueil si peu favorable que le ministère le retira: c'est que malheureusement on croyait que le gouvernement de Louis-Philippe, comme celui de (p.317) Charles X, en voulant fortifier Paris, avait l'arrière-pensée de se servir, contre la population, des bastilles qu'il devait élever; et les Parisiens étaient formellement opposés à ce projet.
Les événements de 1840 permirent au gouvernement de brusquer la solution de la question; les fortifications de Paris furent commencées, par ordonnance royale (13 septembre), et encore bien que les dangers de guerre vinssent à se dissiper, elles furent continuées; enfin la question arriva devant les Chambres (10 janvier 1841). M. Thiers fut le rapporteur du projet de loi et s'appuya de l'opinion de Vauban: «La prise de Paris, disait celui-ci, serait un des malheurs les plus grands qui pût arriver à ce royaume, et duquel il ne se relèverait de longtemps et peut-être jamais.» Puis il justifia, en ces termes, cette puissante centralisation de Paris, qui a été si souvent calomniée:
«Notre beau pays a un immense avantage, il est un. Trente-quatre millions d'hommes, sur un sol d'une moyenne étendue, y vivent d'une même vie, y sentent, y pensent, y disent la même chose, presque au même instant. Grâce surtout à des institutions qui portent la parole en quelques heures d'un bout de la France à l'autre; grâce à des moyens administratifs qui portent en quelques minutes un ordre aux extrémités du sol, ce grand tout pense et se meut comme un seul homme. Il doit à cet ensemble une force que n'ont pas des empires beaucoup plus considérables, mais qui sont privés de cette prodigieuse simultanéité d'action; mais il n'a ces avantages qu'à la condition d'un centre unique, d'où part l'impulsion commune, et qui meut tout l'ensemble. C'est Paris qui parle par la presse, qui commande par le télégraphe. Frappez ce centre, et la France est comme un homme frappé à la tête. Eh bien! que devons-nous faire dans une situation semblable? Ce Paris, qu'on veut frapper, il faut le couvrir; ce but, que se proposent les grandes guerres d'invasion, il faut le leur (p.318) enlever en le mettant à l'abri de leurs coups. En supprimant ce but, vous ferez tomber toutes les combinaisons qui tendent vers lui. En un mot, fortifiez la capitale, et vous apportez une modification immense à la guerre, à la politique; vous rendez impraticables les guerres d'invasion, c'est-à-dire les guerres de principe.»
La loi relative aux fortifications de Paris fut adoptée par les deux Chambres et publiée le 3 avril; en voici les principaux articles:
1.--Une somme de 140 millions est spécialement affectée aux travaux des fortifications de Paris.
2.--Ces travaux comprendront: 1º une enceinte continue embrassant les deux rives de la Seine, bastionnée et terrassée avec dix mètres d'escarpe revêtue; 2º des ouvrages extérieurs casematés.
7.--La ville de Paris ne pourra être classée parmi les places de guerre du royaume qu'en vertu d'une loi spéciale.
9.--Les limites actuelles de l'octroi de la ville de Paris ne pourront être changées qu'en vertu d'une loi spéciale.
14 décembre 1840.--Les restes mortels de Napoléon, qu'une frégate est allée chercher à Sainte-Hélène, arrivent à Paris, par l'Arc de triomphe de l'Étoile, pour être transportés aux Invalides, en suivant l'avenue des Champs-Élysées, la place et le pont de la Concorde, le quai et l'esplanade des Invalides. Tout cet espace a été décoré de statues, de colonnes, de candelabres; la garde nationale, trente mille hommes de troupes de ligne, toutes les autorités, les cours de justice, l'Institut, l'Université, une multitude de généraux et d'officiers, assistent à cette translation, qui se fait avec une grande magnificence, au milieu d'une multitude immense accourue de toutes les villes voisines. L'église des Invalides, flamboyante de feux et tapissée entièrement de noir et d'argent, avait été transformée en une grande chapelle ardente, où se célèbre (p.319) pompeusement une messe funèbre; le roi y assiste avec toute sa famille.
Le cercueil est placé dans une chapelle, en attendant le monument qui doit être élevé à l'empereur sous le dôme, et, pendant plusieurs mois, la foule ne cesse de se porter aux Invalides.
Cette cérémonie, outre qu'elle ôte à la mort de Napoléon ce caractère de vague poésie qui faisait, d'un rocher perdu dans l'immensité des mers, le plus digne, le plus solennel des tombeaux, réveille à Paris le bonapartisme, qui semblait éteint.
13 septembre 1841.--Depuis sa tentative de 1834, la République a cessé d'exister comme parti actif et belligérant; mais des hommes de sang et d'anarchie continuent à s'agiter dans les bas-fonds de la société et trament des complots dans les cabarets des faubourgs, dans des clubs secrets composés d'ouvriers débauchés ou paresseux, de scélérats impatients d'un coup de main; et, de temps en temps, il sort de ces bouges quelque assassin qui tente d'en finir avec la monarchie bourgeoise par la mort de Louis-Philippe. Paris est ainsi successivement troublé et indigné par les attentats d'Alibaud (25 juin 1836), de Meunier (28 décembre 1836), de Darmès (15 octobre 1840), dont le palais des Tuileries ou ses abords sont le théâtre. Un nouveau crime, plus stupide que les premiers, jette encore l'alarme dans la population.
Le 17e léger revient d'Afrique avec son colonel, le duc d'Aumale, pour tenir garnison à Paris: il entre par le faubourg Saint-Antoine, au milieu d'une foule nombreuse, qui salue d'acclamations nos modestes et laborieux soldats d'Algérie. A la hauteur de la rue Traversière, un coup de pistolet est tiré sur le jeune prince et ne l'atteint pas. L'assassin, Quenisset, est arrêté avec quelques-uns de ses complices et traduit devant la cour des pairs. Trois sont condamnés à mort, trois à la déportation, six à la détention: dans le nombre se trouve odieusement compris un rédacteur de journal, Dupoty, comme (p.320) coupable de complicité morale.
8 mai 1842.--Un convoi de cinq à six cents personnes, qui revient de Versailles par le chemin de fer de la rive gauche, déraille par la rupture de l'essieu d'une machine: cinq voitures sont brisées et incendiées; cinquante-deux personnes périssent, et une multitude d'autres sont blessées. Cet horrible événement jette la consternation dans Paris, et la foule se presse éplorée à la Morgue et au cimetière du Sud, où l'on a exposé les cadavres méconnaissables des victimes.
1er juin.--Loi relative à l'établissement du réseau des grandes lignes des chemins de fer, et combinant l'action du gouvernement avec celle des compagnies financières. Cette loi double l'importance de la capitale de la France en la faisant le centre de nouvelles communications qui doivent porter la vie à toutes les extrémités. Les chemins de fer votés sont ceux de Paris à la frontière de Belgique, à la Manche, à la frontière d'Allemagne, à la Méditerranée, à la frontière d'Espagne, à l'Océan, au centre de la France.
13 juillet.--Le duc d'Orléans, sur la route de Paris à Neuilly, fait une chute de voiture et meurt dans les bras du roi. Ses funérailles sont célébrées avec une grande pompe. La famille royale fait élever une chapelle sur l'emplacement de la maison où est mort le jeune prince, dont la perte est accueillie par une douleur universelle.
Juillet.--Les chambres votent des crédits pour la reconstruction de la bibliothèque Sainte-Geneviève, l'Institut des jeunes aveugles et le monument de Napoléon, ainsi que pour l'acquisition de la collection d'antiquités de Dusommerard et de l'hôtel de Cluny, dont on fait un musée d'antiquités françaises.
1er août.--Dernières élections faites sous le gouvernement de juillet. Le ministère obtient par toute la France une plus grande (p.321) majorité, excepté à Paris, qui continue à envoyer dix députés de l'opposition, parmi lesquels MM. Carnot, Marie, etc.
1847.--Une mauvaise récolte amène la disette dans une grande partie de l'Europe. Pendant sept mois, l'administration municipale de Paris fait distribuer des bons de pain, à prix réduit, aux familles indigentes ou malaisées, ce qui cause à la ville une dépense de 9 millions. Cette distribution révèle le peu de progrès qui s'est fait dans le bien-être des classes populaires pendant les années précédentes, malgré l'accroissement prodigieux de la richesse publique: la population de Paris est, à cette époque, de 1,053,000 habitants; «on trouve sur ce nombre, dit M. de Cambray, chef du bureau des hospices, 635,000 habitants susceptibles de participer, comme malaisés, à la distribution des secours publics extraordinaires. L'assistance de l'administration n'a cependant pas été réclamée par un aussi grand nombre de personnes, parce que beaucoup de célibataires, beaucoup même de familles laborieuses se sont, par un louable sentiment de pudeur, abstenus de solliciter des secours. C'est ce qui explique qu'au lieu de 635,000 personnes qui auraient pu figurer sur les listes de distribution de bons de pain, il n'y en a jamais eu plus de 475,000, et que le chiffre moyen est resté inférieur à 400,000.»
10 juillet.--L'opposition, n'ayant plus d'espoir de vaincre la majorité dévouée au ministère, se décide à agiter le pays par des réunions, des pétitions en faveur de la réforme électorale, des protestations «contre les lâchetés, les hontes, les souillures qui menacent de gangrener la France.» Le premier banquet réformiste a lieu dans un jardin voisin de la barrière Poissonnière, appelé le Château-Rouge; douze cents électeurs et un grand nombre de députés y assistent, et les convives sont accueillis par des acclamations de la foule.
Janvier 1848.--La session des Chambres commence, et la (p.322) discussion de l'adresse au roi enfante une révolution. Le ministère se déclare résolu à empêcher les banquets réformistes, et fait insérer dans l'adresse: que «l'agitation de la France n'est produite que par des passions aveugles ou ennemies.»
Après la discussion de l'adresse, cent députés déclarent qu'ils sont résolus à poursuivre par tous les moyens légaux le maintien du droit de réunion, et un banquet solennel est annoncé pour le 22 février dans les Champs-Élysées.
21 février. La commission du banquet invite la garde nationale, les écoles, la population entière à faire cortége aux députés, pairs de France, électeurs qui doivent assister à cette réunion.
22, 23 et 24 février.--Le gouvernement appelle des troupes et déclare qu'il s'opposera au banquet par la force. Les commissaires, en présence des mesures qu'a prises le ministère, annoncent que la réunion est ajournée. Mais des troubles commencent et deviennent le lendemain plus menaçants.
La garde nationale se rassemble au cri de Vive la réforme! les troupes indécises n'osent faire usage de leurs armes. Le ministère donne sa démission. La joie est universelle; les troupes et le peuple fraternisent. Paris est illuminé; mais le soir, devant le ministère des affaires étrangères, qui est gardé par un bataillon d'infanterie, une colonne de peuple qui se pressait sur le boulevard au cri de Vive la réforme! est accueillie par une décharge à bout portant, résultat du plus déplorable malentendu: cinquante-deux personnes tombent mortes ou blessées. On crie: A la trahison! Aux armes! tout Paris se couvre de barricades, et le parti républicain, cette minorité vaincue en 1832, 1834, 1839, profite de la défaillance du gouvernement, de la stupeur de la population parisienne pour faire une nouvelle révolution.
Alors Louis-Philippe abdique et nomme régente la duchesse (p.323) d'Orléans. Mais les Tuileries et le palais Bourbon sont envahis par les insurgés; la famille royale s'enfuit, et les républicains nomment un gouvernement provisoire composé de sept députés; ce gouvernement s'installe à l'Hôtel-de-Ville, y prend la dictature et proclame la république[183].
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.
TABLE DES MATIÈRES. |
||
|
|
||
PREMIÈRE PARTIE. |
||
HISTOIRE GÉNÉRALE. |
||
|
|
||
LIVRE PREMIER. |
||
|
|
||
PARIS DANS LES TEMPS ANCIENS ET SOUS LA MONARCHIE. |
||
(53 AV. J.-C.--1789.) |
||
| § 1. | Paris sous les Gaulois et les Romains.--Première bataille de Paris.--Julien proclamé empereur à Lutèce. --Saint-Denis et sainte Geneviève | 1 |
| § 2. | Paris sous les rois de la première race | 5 |
| § 3. | Paris sous les rois de la deuxième race.--Siége de Paris par les Normands | 7 |
| § 4. | Paris sous les Capétiens, jusqu'à Louis VII.--Écoles de Paris.--Abélard.--Hanse parisienne | 9 |
| § 5. | Paris sous Philippe-Auguste.--Deuxième enceinte de la ville | 13 |
| § 6. | Paris sous Louis IX.--Règlements des métiers--Guet bourgeois, etc | 17 |
| § 7. | Paris sous les successeurs de Louis IX jusqu'à Philippe VI.--Richesse et population de la ville à cette époque | 21 |
| § 8. | Paris sous Jean et Charles V.-Troisième enceinte de Paris.--Étienne Marcel | 24 |
| § 9. | Paris sous Charles VI.--Abolition des priviléges parisiens.--Meurtre de la rue Barbette.--Les bouchers de Paris | 28 |
| § 10. | Paris sous Charles VII.--Jeanne d'Arc à la porte Saint-Honoré.--Prise de Paris par les troupes royales | 34 |
| § 11. | Paris sous Louis XI et ses successeurs, jusqu'à Henri II.--Renaissance.--Administration municipale.--Rabelais, Amyot, Villon.--Les confrères de la Passion | 37 |
| § 12. | Paris pendant les guerres de religion.--La Saint-Barthélémy.--Les barricades de 1588 | 44 |
| § 13. | Siége et prise de Paris par Henri IV | 52 |
| § 14. | Tableau de Paris sous Henri IV | 55 |
| § 15. | Paris sous Louis XIII.--Enceinte nouvelle.--Quartier du Palais-Royal et du Marais.--Hôtel Rambouillet.--Fondations religieuses.--Promenades et théâtres | 59 |
| § 16. | Troubles de la Fronde.--Siége de Paris.--Bataille du faubourg Saint-Antoine | 69 |
| § 17. | Paris sous Louis XIV.--Monuments.--Habitations d'hommes célèbres.--État des mœurs.--Police nouvelle.--Situation du peuple et de la bourgeoisie | 78 |
| § 18. | Paris sous Louis XV.--Événements historiques.--État des mœurs.--Monuments et améliorations matérielles.--Théâtres, etc | 90 |
| § 19. | Paris sous Louis XVI jusqu'en 1789.--Préliminaires de la révolution.--Monuments.--Tableau moral et politique de la population de Paris | 99 |
|
|
||
LIVRE II. |
||
|
|
||
PARIS PENDANT LA RÉVOLUTION. |
||
(1789.--1848.) |
||
| § 1. | Élections aux États-Généraux.--Révolution du 14 juillet.--Institution de la municipalité et de la garde nationale | 109 |
| § 2. | État de Paris après le 14 juillet.--Meurtres de Foulon et Berthier--Famine.--Journées d'octobre | 114 |
| § 3. | Nouvelle organisation municipale, judiciaire, ecclésiastique de la capitale.--Abolition des couvents et suppression de nombreuses églises.--Clergé constitutionnel de Paris | 122 |
| § 4. | Fêtes et solennités parisiennes.--Fuite du roi.--Affaire du Champ de Mars | 127 |
| § 5. | Paris sous l'Assemblée législative.--Fête des soldats de Châteauvieux.--Journée du 20 juin | 134 |
| § 6. | Déclaration de la patrie en danger.--Révolution du 10 août | 138 |
| § 7. | Domination de la Commune de Paris.--Massacres de septembre.--Départ des bataillons de volontaires. Tableau des bataillons de volontaires de la première levée | 144 |
| § 8. | Paris sous la Convention.--Procès et mort de Louis XVI.--Paris le 21 janvier | 151 |
| § 9. | Deuxième et troisième levées de volontaires.--État de Paris | 158 |
| § 10. | Journées des 31 mai et 2 juin | 162 |
| § 11. | Lutte de Paris et des provinces.--Levée en masse.--Fêtes révolutionnaires | 165 |
| -- | Tableau des bataillons parisiens de la levée en masse | 167 |
| § 12. | Abolition du culte catholique.--Cérémonies du culte de la Raison | 171 |
| § 13. | Supplices des hébertistes et des dantonistes.--Tableau de Paris pendant la terreur | 175 |
| § 14. | Fête de l'Être suprême.--Loi du 22 prairial.--Révolution du 9 thermidor.--Fin de la Commune de Paris | 181 |
| § 15. | Réaction thermidorienne.--Nouvelle administration de Paris.--Jeunesse dorée.--Fin du club des Jacobins.--Apothéoses de Marat et de Rousseau | 186 |
| § 16. | Famine.--Journée du 12 germinal et du 1er prairial | 190 |
| § 17. | Journée du 13 Vendémiaire.--Fin de la Convention | 199 |
| § 18. | Paris sous le Directoire.--Fêtes directoriales | 205 |
| § 19. | Culte naturel ou des Théophilanthropes | 210 |
| § 20. | Tableau de Paris sous le Directoire | 214 |
| § 21. | Révolution du 18 brumaire.--Paris sous le Consulat.--Rétablissement du culte catholique.--Embellissements de Paris | 217 |
| § 22. | Conspiration de Georges, Pichegru et Moreau.--Opinion et agitation de Paris à cette époque.--Établissement de l'Empire | 224 |
| § 23. | Opposition de Paris à l'Empire.--Ressentiment de Napoléon. Fêtes du sacre.--Condition du peuple de Paris.--Paris après Austerlitz et Iéna | 229 |
| § 24. | Paris sous l'Empire jusqu'en 1811.--Mariage de l'Empereur.--Naissance du roi de Rome | 236 |
| § 25. | Paris depuis 1811 jusqu'en 1813.--Conspiration de Mallet.--Les Parisiens à Lutzen et à Leipsig | 241 |
| § 26. | Paris en 1814.--Dispositions de la population. Rétablissement de la garde nationale.--Derniers contingents de la population parisienne | 246 |
| § 27. | État de Paris au commencement de 1814.--Départ de l'impératrice.--Bataille de Paris | 252 |
| § 28. | Tableau de Paris pendant la bataille.--Capitulation.--Entrée des armées alliées | 256 |
| § 29. | Paris pendant la première restauration | 260 |
| § 30. | Paris pendant les Cent-Jours.--Apprêts de guerre.--Levée des fédérés | 264 |
| § 31. | Fête du Champ-de-Mai.--Paris après la bataille de Waterloo.--Capitulation du 8 juillet | 267 |
| § 32. | Deuxième occupation de Paris.--Retour de Louis XVIII. Prospérité honteuse de la ville | 272 |
| § 33. | Paris depuis 1816 jusqu'en 1824.--Troubles de 1820.--Le carbonarisme.--Missions.--Sentiments de la bourgeoisie | 278 |
| § 34. | Embellissements de Paris sous la restauration | 280 |
| § 35. | Paris pendant le règne de Charles X | 282 |
| § 36. | Journées de Juillet | 287 |
| § 37. | Paris de 1830 à 1832 | 294 |
| § 38. | Paris en 1832.--Le choléra.--Insurrection des 5 et 6 juin | 300 |
| § 39. | Paris de 1832 à 1840 | 305 |
| § 40. | Travaux des embellissements de Paris.--État moral de la population | 310 |
| § 41. | Paris de 1840 à 1848 | 314 |
FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME.
Note 1: «Les armoiries de la ville de Paris sont, dit Piganiol de la Force, de gueule à un navire frété et voilé d'argent, flottant sur les ondes de même, au chef semé de France.» (Descript. histor. de la ville de Paris, t. Ier, p. 48.)(retour)
Note 2: Guerre des Gaules, liv. VI, ch. III. (retour)
Note 3: Nous parlerons de chacune de ces églises dans l'Histoire des quartiers de Paris. (retour)
Note 4: Grégoire de Tours, liv. IV, ch. XLV. (retour)
Note 5: Capitul. de Baluze, t. Ier, col. 391. (retour)
Note 6: Citation de l'abbé Lebeuf, dans sa Dissertation sur l'état des sciences, t. II, p. 20. (retour)
Note 7: Hist. littér. de France, t. IX, p. 78. (retour)
Note 8: L'enceinte de Paris sous Louis VI est mal connue: elle allait probablement, au nord, de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois à l'église Saint-Gervais, en passant par l'emplacement des rues aujourd'hui détruites ou transformées des Fossés-Saint-Germain, Béthizy, des Deux-Boules, des Écrivains, d'Avignon, Jean-Pain-Mollet, de la Tixeranderie; au sud, de la place Maubert au couvent des Augustins, en passant par l'emplacement des rues des Noyers, des Mathurins, du Paon, etc. (retour)
Note 9: Sous Louis XIII, il n'y avait encore de pavé que la moitié de la ville. (retour)
Note 10: Le fils aîné de Louis VI, en passant rue du Martrois, près de la place de Grève, fut jeté à bas de son cheval par un de ces cochons, et mourut de sa chute. (retour)
Note 11: Nous donnerons l'histoire et la description de chacune de ces églises dans l'Histoire des quartiers de Paris. (retour)
Note 12: Histoire des Français, 11e édition, t. Ier, p. 321. (retour)
Note 13: Voir, pour chacun de ces monuments, l'Histoire des quartiers de Paris. (retour)
Note 14: Les rues assignées aux prostituées étaient les rues aujourd'hui détruites de Mâcon, Froidmantel, Tiron, Robert, Baillehoi, Glatigny, du Grand-Heurleux, du Petit-Heurleux, etc. (retour)
Note 15: De Lamare, Traité de la police, t. Ier, p. 210 et suiv. (retour)
Note 16: Voyez l'Histoire des quartiers de Paris, liv. II, ch. I. (retour)
Note 17: La juridiction de la Basoche fut établie en 1303; elle s'étendait sur tous les clercs du Parlement et du Châtelet, et connaissait de tous les différends des clercs entre eux. Le chef s'appelait roi, et avait ses grands officiers; chaque année il passait en revue ses sujets, et c'était l'occasion d'une magnifique montre dans Paris. (retour)
Note 18: Le marc d'argent valait à cette époque 55 sous 6 deniers tournois. (retour)
Note 19: Voir Histoire des quartiers de Paris, liv. II, ch. I. (retour)
Note 20: Dans le jardin de la maison, n. 3 de la rue Pavée. (retour)
Note 21: Relligione patrum multos servata per annos, dit Guy Patin. (Lettres, t. III, p. 223.) (retour)
Note 22: Charron, qui était pourtant enfant de Paris, fils d'un libraire de la Cité, en dit autant: «Léger à croire, à recueillir et ramasser toutes nouvelles, surtout les fascheuses, tenant tous rapports pour véritables et asseurés; avec un sifflet ou sonnette de nouveauté, on l'assemble comme les mouches au son du bassin.» (De la Sagesse, liv. Ier, ch. XLVIII.) (retour)
Note 23: «Le 14 février 1589, dit l'Estoile, jour de Carême, prenant et jour où l'on n'avoit accoutumé que de voir des mascarades et folies, furent faites par les églises de cette ville, grandes quantités de processions qui y alloient en grande dévotion, même de la paroisse de Saint-Nicolas-des-Champs, où il y avoit plus de 1,000 personnes, tant fils que filles, hommes que femmes, tous pieds nuds, et même tous les religieux de Saint-Martin-des-Champs, qui étoient tous nuds pieds, et les prêtres de ladite église de Saint Nicolas, aussi pieds nuds, et quelques-uns tous nuds, comme étoit le curé nommé maître François Pigenat, qui n'avoit qu'une guilbe de toile blanche sur lui.» (retour)
Note 24: «Pendant la foire de Saint-Germain de cette année (1605), dit l'Estoile, où le roi alloit ordinairement se promener, se commirent à Paris des meurtres et excès infinis, procédants des débauches de la foire, dans laquelle les pages, laquais, écoliers et soldats des gardes firent des insolences non accoutumées, se battant dedans et dehors comme en petites batailles rangées, sans qu'on y pût ou voulût y donner ordre.» (retour)
Note 25: Essais, liv. III, ch. IX. (retour)
Note 26: «Quand on leva à Paris des gens si à la hâte, dit Tallemant des Réaux, le maréchal de la Force étoit sur les degrés de l'Hôtel-de-Ville, et les crocheteurs lui touchoient dans la main en disant: Oui, monsieur le maréchal, je veux aller à la guerre avec vous.» (retour)
Note 27: Voyez à ce sujet le médecin Guy Patin (t. 1er, p. 38, de ses Lettres, édit. de M. Réveillé-Parise), ce bourgeois si satirique et indépendant, si éclairé. En 1636, il avait donné 12 écus pour la levée des fantassins; on lui demandait une seconde taxe pour la levée des cavaliers: «J'ai répondu, dit-il, que tout ainsi que mes rentes ne me sont payées qu'une fois l'an, je ne peux donner qu'une fois.» (retour)
Note 28: Voir l'Histoire des quartiers de Paris, liv. II ch. X. (retour)
Note 29: Voici le tableau que Scarron fait de Paris:
Un amas confus de maisons,
Des crottes dans toutes les rues;
Ponts, églises, palais, prisons,
Boutiques bien ou mal pourvues;
Force gens noirs, roux et grisons,
Des prudes, des filles perdues,
Des meurtres et des trahisons,
Des gens de plume aux mains crochues;
Maint poudré qui n'a pas d'argent,
Maint homme qui craint le sergent,
Maint fanfaron qui toujours tremble;
Pages, laquais, voleurs de nuit,
Carosses, chevaux et grand bruit,
C'est là Paris: que vous en semble?
(retour)
Note 30: Voici ce que l'acteur Mondory écrivait à Balzac, le 18 janvier 1637, sur les premières représentations du Cid: «Je vous souhaiterois ici pour y goûter, entre autres plaisirs, celui des belles comédies qu'on y représente, et particulièrement d'un Cid qui a charmé tout Paris. Il est si beau qu'il a donné de l'amour aux dames les plus continentes, dont la passion a même plusieurs fois éclaté au théâtre public. On a vu seoir en corps aux bancs de ses loges ceux qu'on ne voit d'ordinaire que dans la chambre dorée et sur le siége des fleurs de lys. La foule a été si grande à nos portes, et notre lieu s'est trouvé si petit, que les recoins du théâtre qui servoient les autres fois comme de niches aux pages, ont été des places de faveur pour les cordons bleus et la scène y a été d'ordinaire parée de croix de chevaliers de l'ordre.» (Revue de Paris, nº du 30 décembre 1838.) (retour)
Note 31: Hist. de l'Acad. française, t. Ier, p. 6. (retour)
Note 32: Discours prononcé en 1684, p. 21. (retour)
Note 33: «Si j'eusse été, dit Guy Patin, lorsque l'on tua Jules-César dans le sénat, je lui aurois donné le vingt-quatrième coup de poignard!» (Lettres, t. III, p. 491.) (retour)
Note 34: Paris avait été érigé en archevêché en 1623. (retour)
Note 35: Mém. de Retz, t. 1er, p. 92. (retour)
Note 36: Lettres, t. Ier, p. 262. (retour)
Note 37: «Imaginez-vous ces deux personnes sur le perron de l'Hôtel-de-Ville, plus belles en ce qu'elles paroissoient négligées, quoiqu'elles ne le fussent pas. Elles tenoient chacune un de leurs enfants entre leurs bras, qui étaient beaux comme leurs mères. La Grève étoit pleine de peuple jusqu'au-dessous des toits; tous les hommes jetoient des cris de joie; toutes les femmes pleuroient de tendresse.» (Retz, t. IVe, p. 470.) (retour)
Note 38: Mém. du P. Berthod, p. 301 (t. XLVIII de la collection Petitot.) (retour)
Note 39: Lettres, t. Ier, p. 434. (retour)
Note 40: Lettres, t. Ier, p. 470. (retour)
Note 41: Mém. de Joly, t. II, p. 6. (retour)
Note 42: Mém. de Berthod, p. 302. (retour)
Note 43: L'Odéon a été bâti sur l'emplacement de cet hôtel. Voyez l'Histoire des quartiers de Paris, liv. III, ch. III. (retour)
Note 44: Mém. de Berthod, p. 369. (retour)
Note 45: Dans une lettre à Boileau, datée du camp de Gévries, 21 mai 1592, il lui raconte la revue que le roi vient de passer de son armée, forte de «six vingt mille hommes ensemble, sur quatre lignes,» et dit: «J'étois si las, si ébloui de voir briller des épées et des mousquets, si étourdi d'entendre des tambours, des trompettes et des timbales, qu'en vérité je me laissois conduire par mon cheval, sans avoir plus d'attention à rien; et j'eusse voulu de tout mon cœur que tous les gens que je voyois eussent été chacun dans leur chaumière ou dans leur maison avec leurs femmes et leurs enfants, et moi dans ma rue des Maçons, avec ma famille.» (retour)
Note 46: C'était la vie de tous les hommes d'étude, de toute
la bourgeoisie lettrée de cette époque, la preuve en est dans
ces lignes de Guy Patin, ce type si curieux et si complet des
Parisiens du XVIIe siècle; si heureux quand «il fait la
débauche avec Sénèque et Cicéron;» si caustique quand il
examine «le tric trac du monde qui est autant fou que
jamais;» si profond quand «il perd pied dans les abîmes de la
Providence.» (Il demeurait place du Chevalier-du-Guet, et
nous l'y retrouverons.) «Je passe tranquillement, écrit-il,
les après-soupers avec mes deux illustres voisins, M. Miron,
président aux enquêtes, et M. Charpentier, conseiller aux
requêtes. On nous appelle les trois docteurs du quartier.
Notre conversation est toujours gaie: si nous parlons de la
religion ou de l'État, ce n'est qu'historiquement, sans
songer à réformation ou à sédition. Notre principal entretien
regarde les lettres, ce qui s'y passe de nouveau, de
considérable et d'utile. L'esprit ainsi délassé, je retourne
à ma maison, où après quelque entretien avec mes livres, je
vais chercher le sommeil dans mon lit, qui est, sans mentir,
comme a dit notre grand Fernel, après Sénèque le tragique,
pars humanæ melior vitæ. Je soupe peu de fois hors de la
maison, encore n'est-ce guère qu'avec M. de Lamoignon,
premier président. Il m'affectionne il y a longtemps; et,
comme je l'estime pour le plus sage et le plus savant
magistrat du royaume, j'ai pour lui une vénération
particulière, sans envisager sa grandeur (1658).»
Cependant ces conversations n'étaient pas toujours si
littéraires; et voici d'autres lignes qui nous apprennent
tout ce qu'il y avait de hardi dans la pensée secrète de ces
bourgeois de la Fronde:
«M. Naudé, bibliothécaire du Mazarin, et intime ami de M.
Gassendi, comme il est le nôtre, nous a engagés pour dimanche
prochain à aller souper et coucher tous trois en sa maison de
Gentilly, à la charge que nous ne serons que nous trois et
que nous y ferons la débauche, mais Dieu sait quelle
débauche! M. Naudé ne boit naturellement que de l'eau et n'a
jamais goûté vin; M. Gassendi est si délicat qu'il n'oseroit
boire et s'imagine que son corps brûleroit s'il en avoit
bu... Pour moi (je ne puis que jeter de la poudre sur
l'écriture de ces grands hommes), j'en bois fort peu; et
néanmoins ce sera une débauche, mais philosophique, et
peut-être quelque chose davantage; peut-être tous trois
guéris du loup-garou et délivrés du mal des scrupules, qui
est le tyran des consciences, nous irons jusques fort près du
sanctuaire. Je fis l'an passé ce voyage de Gentilly avec M.
Naudé, moi seul avec lui tête à tête; il n'y avoit point de
témoins, aussi n'y en falloit-il point; nous, y parlâmes fort
librement de tout, sans que personne en ait été scandalisé.»
(Lettres, t. 2. p. 508.)
(retour)
Note 47: On connaît ces vers de Boileau:
Sitôt que de la nuit les ombres pacifiques
D'un double cadenas font fermer les boutiques...
Les voleurs à l'instant s'emparent de la ville;
Le bois le plus funeste et le moins fréquenté
Est auprès de Paris un lieu de sûreté...
(retour)
Note 48: Voir Histoire des quartiers de Paris, liv. II, chap. v. (retour)
Note 49: Voir les Lettres de Madame de Sévigné sur les supplices de la Brinvilliers et de la Voisin. La foule qui assistait aux exécutions était si grande qu'il y avait souvent des gens étouffés. (retour)
Note 50: «M. de Saint-Cyran (Duvergier de Hauranne, l'ami de Jansénius) m'a dit autrefois en parlant de ces exécutions criminelles, qu'il mouroit, à Paris, plus de monde de la main du bourreau que presque en tout le reste de la France, ce qui n'est pas absolument vrai; mais il parloit avec horreur et extrême doléance de tant de meurtres et assassinats qui se faisoient à Paris, et il approuvoit fort les punitions exemplaires que les juges en font faire. Aussi Paris en a-t-il bien besoin, car il y a trop de larrons, de vauriens et trop de gens oiseux qui ne cherchent qu'à faire bonne chère et à être braves aux dépens d'autrui.» (Lettres de G. Patin, t. 3, p. 639). (retour)
Note 51: Lettres de Guy Patin, t. 2, p. 180, ann. 1655. (retour)
Note 52: Id. t. 3, p. 226. (retour)
Note 53: «Ç'a été, dit un écrivain du temps de Louis XV, le plus grand génie et le plus grand politique de son siècle, comparable au cardinal de Richelieu. Il avoit la confiance de Louis XIV, et il est resté lieutenant de police durant son règne, parce qu'il étoit nécessaire au roi dans ce poste par la connoissance qu'il avoit de Paris; mais en même temps il avoit plus de crédit dans ce poste inférieur que les ministres et les premiers magistrats.» (Journal historique de Barbier, t. I, p. 84.) (retour)
Note 54: Voir l'Histoire des quartiers de Paris, liv. III, chap. I, pour l'ordonnance de fondation. (retour)
Note 55: «On va incessamment, dit le Journal de Dangeau, renfermer tous les pauvres qui sont à Paris; il y aura des ateliers différents pour faire travailler ceux qui en auront la force; on fera subsister ceux qui ne sont pas en état de travailler, et en même temps on punira sévèrement ceux qui demandent l'aumône dans les rues.» (retour)
Note 56: On les appela ainsi, soit de la maison où elles s'établirent, rue Saint-Martin, et qui avait pour enseigne saint Fiacre, soit d'un moine des Petits-Pères, nommé Fiacre qui mourut, vers ce temps, en odeur de sainteté, et dont on mit l'image dans ces voitures pour les préserver d'accidents. (retour)
Note 57: «En 1650, dit un almanach, on établit à Paris des carrosses à cinq sous par place; ils partoient à différentes heures marquées pour elle, d'un quartier à l'autre, et ressembloient aux coches et diligences dont on se sert aujourd'hui sur les routes.» Ces voitures eurent d'abord une grande vogue, mais étant mal administrées, elles ne réussirent pas. En 1662, il y avait trois lignes de carrosses à cinq sous: la première de la Porte-Saint-Antoine au Louvre; la deuxième de la place Royale à Saint-Roch; la troisième de la Porte-Montmartre au Luxembourg. (retour)
Note 58: Lettres, t. 3, p. 619 et suiv.--La grande voirie fut alors confiée à deux magistrats financiers qu'on appelait trésoriers de France. «Elle se bornait, dit M. de Chabrol-Volvic, à la haute surveillance de la solidité des constructions, à la prohibition des étalages extérieurs et à l'exécution de quelques règlements de salubrité. Quant aux alignements à suivre pour les constructions nouvelles, ils étaient en quelques sorte indiqués sur place par l'examen isolé des lieux. On n'était pas alors frappé, comme aujourd'hui, de la nécessité de subordonner toutes ces décisions à un projet général et fixe qui eût pour but l'assainissement et l'embellissement de la capitale.» (Recherches statistiques sur Paris.) (retour)
Note 59: Journal de Dangeau, publié par MM. Soulié, Dussieux, etc. t. V. 168. (retour)
Note 60: Il faut excepter les misères causées par la famine de 1709 et qui amenèrent quelques troubles. «Il y eut le matin, dit Dangeau, (20 août 1709) un assez grand désordre à Paris. Des pauvres, qu'on avait fait assembler pour travailler à ôter une butte (la butte Bonne-Nouvelle) qui est sur le rempart du côté de la porte Saint-Denis, s'impatientèrent de ce qu'on ne leur distribuait pas assez vite le pain qu'on leur avait promis et commencèrent par piller la maison où était le pain; ils se répandirent ensuite dans les rues de Paris en fort grand nombre, pillèrent les maisons des boulangers et marchèrent à la maison de M. d'Argenson. On fut obligé de faire marcher les gardes françaises et suisses qui sont dans Paris; les mousquetaires même montèrent à cheval. Il y eut quelques gens tués de cette canaille, parce qu'on fut obligé de tirer dessus et on en a mis quelques-uns en prison.» (retour)
Note 61: D'après Vauban, la journée d'ouvrier à Paris variait de douze à trente sous. (retour)
Note 62: «Une paire de bas de soie vaut 40 liv.; le beau drap gris vaut 70 à 80 liv. l'aune; un train de carrosse, qui valait 100 écus, vaut 1,000 liv.; l'ouvrier qui gagnoit 4 liv. 10 s. par jour, veut gagner 6 liv., et il est quatre jours sans travailler, à manger son argent.» (Journal historique de Barbier, avocat au parlement de Paris, t. I, p. 42.) L'industrie de luxe à cette époque consistait principalement en étoffes d'or, d'argent et de soie, ferrandines moires, taffetas, rubans, galons d'or et d'argent, etc. (retour)
Note 63: Cette augmentation de salaire amena quelques troubles pendant les années suivantes, les ouvriers n'ayant pas voulu subir de diminution. Ainsi Barbier raconte que les ouvriers en bas, qui étaient quatre mille à Paris, «ont menacé de coups de bâtons ceux d'entre eux qui consentiroient à la diminution, et ils ont promis un écu par jour à ceux qui ne pourroient pas vivre sans cela. Pour cet effet ils ont choisi un secrétaire qui avoit la liste des ouvriers sans travail, et un trésorier qui distribuoit la pension. Ces ouvriers demeurent dans le Temple. On s'est plaint au contrôleur général, et on en a fait mettre une douzaine en prison au pain et à l'eau. Cela montre qu'il ne faut pas laisser le peuple se déranger et la peine qu'on a à le réduire» (t. I, p. 207). (retour)
Note 64: Journal de Barbier, t. II, p. 411. (retour)
Note 65: Journal, t. II, p. 173. (retour)
Note 66: Ces témoignages d'affection enthousiaste se sont plusieurs fois reproduits pendant le règne de Louis XV: ainsi en 1721, le rétablissement du roi, après une petite maladie, fut célébré par des manifestations d'allégresse presque incroyables: «Il y avoit, dit Barbier, des jeux, des illuminations à toutes les fenêtres, des tables et des tonneaux de vin dans les rues, des danses et des cris à étourdir, des Te Deum chantés par tous les corps et communautés; et cela dura quinze jours. Jamais on n'a vu dans Paris le monde qu'il y a eu, jusqu'à trois heures du matin, à faire des folies étonnantes: c'était des bandes avec des palmes et un tambour; d'autres avec des violons; enfin les gens âgés ne se souviennent pas d'avoir vu pareil dérangement et pareil tapage lors d'une réjouissance dans Paris: il est impossible de décrire cela.» (Journal, t. I, p. 99). (retour)
Note 67: Ces placards sont de l'année 1743, et néanmoins le tirage se fit sans accident. «La milice est fixée à dix-huit cents hommes dans Paris, raconte Barbier, garçons de l'âge de seize ans jusqu'à quarante, et de cinq pieds au moins. Les enfants de tous les corps et communautés, des marchands et artisans, tireront au sort, ainsi que les gens de peine et de travail et autres habitants qui ne seront pas dans le cas d'être exemptés par l'état, leurs charges et leurs emplois: cela a été étendu à tous les domestiques. Il est dit en outre que tous les gens sans aveu, profession ou domicile fixe, comme domestiques hors de condition, ouvriers sans maître et vagabonds, sont miliciens de droit...»--Il y eut ensuite exemption pour les domestiques des princes, nobles, magistrats, avocats, gens de finance et même pour les fils de certains marchands et artisans, suivant la capitation qu'ils paiaient: «ce qui fait voir que le but est de tirer de l'argent, parce que les marchands et artisans aimeront mieux augmenter leur capitation que de voir leurs enfants sujets à la milice.» Au reste les bourgeois furent très-mécontents de voir la livrée exemptée, «ce qui ne remplit pas l'idée qu'on sembloit avoir de repeupler les campagnes par la diminution des domestiques dans Paris.» Le tirage se fit dans l'hôtel des Invalides, quartier par quartier; il y avoit cinq billets noirs sur trente billets; ceux qui tiroient les billets noirs étoient miliciens; ils se décoroient de rubans bleus et blancs et couroient Paris en s'arrêtant dans les cabarets. On obtint ainsi cinq mille hommes au lieu de dix-huit cents. Les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, «qui sont remuants et composés de populace,» tirèrent les derniers et joyeusement comme à une fête, «avec violons et tambours.» Ce tirage fit ressortir l'esprit glorieux qui animait dès lors le peuple parisien: «car cette milice, dit Barbier, fait engager un grand nombre d'ouvriers qui préfèrent par honneur la qualité de soldat à celle de milicien,» (t. II, p. 353 et suiv.). (retour)
Note 68: Les exécutions criminelles furent aussi fréquentes sous le règne de Louis XV que sous le règne de Louis XIV: c'était toujours le spectacle qui plaisait le mieux à la foule. Ainsi Barbier raconte qu'un criminel fut décapité à la Croix-du-Trahoir, rue Saint-Honoré. «L'endroit était assez serré; il y a eu plusieurs personnes estropiées et des chevaux étouffés... Le bourreau l'a décollé parfaitement d'un seul coup. Il a pris la tête et l'a montrée, et tout le peuple a claqué des mains pour lui faire compliment sur son adresse» (t. II, p. 154). Ces exécutions furent souvent l'occasion de malheurs et de séditions: ainsi en 1721, «un laquais de M. d'Erlach, capitaine des gardes suisses, avoit dit des sottises de sa maîtresse et avoit été mené au Châtelet, où son procès a fini par une condamnation au carcan et aux galères. Hier l'exposition devoit avoir lieu, et on conduisit le laquais, à la queue d'une charrette, avec deux cents archers du guet, dans la rue Sainte-Anne, butte Saint-Roch, vis-à-vis la maison du sieur d'Erlach. Presque personne n'avoit suivi la charrette; mais à la maison, il y avoit cinq à six mille âmes. Aussitôt que le poteau a été enfoncé, la populace s'est émue et l'a brisé: alors le laquais a été ramené au Châtelet par les archers qui ont tiré quelques coups. M. d'Erlach, qui craignoit le peuple, avoit eu la prudence de faire entrer, le matin, presque toute sa compagnie dans sa maison, pour l'empêcher d'être pillée. Toutes les vitres ont été cassées; la compagnie a tiré, et il y a eu quatre ou cinq personnes tuées, et plusieurs blessées et d'autres prises. On n'ose plus mettre à présent au carcan. Voilà la troisième fois que pareille sédition arrive» (Barbier, T. I, p. 113). (retour)
Note 69: Le mode de numération actuel date de 1807. (retour)
Note 70: Il ne garda pas longtemps ce caractère, si l'on en croit Mercier: «Il est, dit-il, composé de savetiers habillés de bleu qui, le lendemain, quand ils auront déposé leurs fusils, seront arrêtés à leur tour, s'ils font tapage. On les appelle soldats de la Vierge, par analogie avec les soldats du pape.» (retour)
Note 71: L'histoire de toutes ces constructions sera faite dans l'Histoire des quartiers de Paris. (retour)
Note 72: Il n'y avait que cinquante et un mille familles imposées. (retour)
Note 73: Révol. de Paris, t. VII et VIII. (retour)
Note 74: Rien ne ressemble moins aux boutiques de l'ancien régime, humbles, obscures, profondes, malpropres, que les magasins de nos jours avec leurs salons éblouissants d'or et de glaces et leur luxe, qui, dans beaucoup de cas, est aussi absurde qu'insolent. Le marchand et non le négociant d'autrefois vivait à son comptoir, non à son bureau; il avait des garçons, non des commis; il servait ses pratiques, non ses clients; il avait pour tout appartement son arrière-boutique, et sa femme faisait elle-même sa cuisine et son ménage, toujours avec l'aide de sa fille, rarement avec l'aide d'une servante qu'on payait quinze écus. «Il est une classe de femmes très-respectables, dit Mercier; c'est celle du second ordre de la bourgeoisie: attachées à leurs maris et à leurs enfants, soigneuses, économes, attentives à leurs maisons, elles offrent le modèle de la sagesse et du travail. Mais ces femmes n'ont point de fortune, cherchent à en amasser, sont peu brillantes, encore moins instruites. On ne les aperçoit pas, et cependant elles sont à Paris l'honneur de leur sexe.» Tabl. de Paris, III, 155. (retour)
Note 75: Les journaux étaient tous littéraires ou scientifiques; mais malgré la censure, la politique parvenait à s'y faire une petite place. Les principaux cabinets de lecture étaient sur le quai des Augustins, sous le charnier des Innocents, chez les concierges des Tuileries et du Palais-Royal, etc. En 1784, on comptait 35 journaux ou gazettes. (retour)
Note 76: En 1760, il n'y avait à Paris que 82 écoles paroissiales ou de charité donnant l'instruction primaire à cinq mille enfants; en 1849, il y en avait 148 donnant l'instruction primaire à trente-six mille enfants. (retour)
Note 77: Voici les noms des députés de Paris aux États
généraux, avec leurs suppléants:
Clergé: MM. Barmond (Perrotin de), abbé, conseiller-clerc
au Parlement de Paris; Beauvais (de), ancien évêque de Senez;
Bonneval, chanoine de l'église de Paris; Chevreuil,
chancelier de l'église de Paris; Decoulmier, abbé régulier de
Notre-Dame d'Abbecourt, ordre des Prémontrés; Dumonchel,
recteur de l'Université de Paris; Juigné (Leclerc de),
archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, pair de France; Le
Gros, prévôt de Saint-Louis-du-Louvre; Leguin, curé
d'Argenteuil; Montesquiou (l'abbé de), agent général du
clergé de France, abbé de Beaulieu, diocèse du Mans; Papin,
prieur-curé de Marly-la-Ville; Veytard, curé de
Saint-Germain.
Noblesse: MM. Castries (le duc de); Clermont-Tonnerre (le
comte de), pair de France; Crussol (le bailli de), capitaine
des gardes de M. le comte d'Artois; Dionis Duséjour,
conseiller au Parlement; Duport, conseiller au Parlement;
Duval d'Esprémenil, conseiller au Parlement; Lally-Tollendal
(le comte de); La Rochefoucauld (le duc de), pair de France;
Mirepoix (le comte de); Montesquiou Fezenzac (le marquis de),
premier écuyer de Monsieur; Ormesson (le président d').
Tiers état: MM. Afforty, cultivateur à Villepinte; Anson,
receveur général des finances; Bailly, des Académies
française, des belles-lettres et des sciences; Berthereau,
procureur au Châtelet; Bévière, notaire; Boislandry,
négociant à Versailles; Camus, avocat, de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres; Chevalier, cultivateur;
Debourge, négociant; Dosfand, notaire; Ducellier, avocat;
Garnier, conseiller au Châtelet; Germain, négociant;
Guillaume, avocat au conseil; Hutteau, avocat; Leclerc,
libraire, ancien juge-consul; Lemoine, orfèvre; Lenoir de la
Roche, avocat; Martineau, avocat; Poignot, négociant; Sieyès,
chanoine et grand-vicaire de Chartres; Target, avocat au
Parlement, de l'Académie française; Treilhard, avocat;
Tronchet, avocat.
(retour)
Note 78: Le plus célèbre est le journal de Prudhomme, intitulé Les Révolutions de Paris, qui paraissait toutes les semaines; il a eu deux cent mille souscripteurs. (retour)
Note 79: Prudhomme, t. VII et VIII. (retour)
Note 80: Voir l'Histoire des quartiers de Paris, liv. II, ch. XI. (retour)
Note 81: Cette somme énorme, qui était perçue par la ferme
générale (c'était pour en assurer la perception que celle-ci
avait obtenu récemment la construction du mur d'enceinte),
était loin d'être employée aux besoins de la ville de Paris.
Le produit en était ainsi réparti: au profit du trésor
public, 29,837,700 livres; au profit de la ville de Paris,
3,965,800 l.; au profit des hôpitaux, 2,023,800 l. Les
articles imposés étaient à peu près les mêmes qu'à présent,
sauf des droits sur le sucre, le café, le plomb et les
glaces. L'article le plus productif était celui des boissons,
qui produisait 19,536,000 l., le muids de vin de 268 litres
payant 32 l. 8 s. 7 den.
L'octroi de Paris a produit en 1854, 40,021,838 fr.
(retour)
Note 82: Nous dirons dans l'Histoire des quartiers de Paris les couvents et églises qui furent alors supprimés, l'usage auquel ces bâtiments furent destinés, la date de leur destruction, etc. (retour)
Note 83: Révolutions de Paris, nº 32, p. 60.--Ajoutons que le carnaval était, sous l'ancien régime, l'occasion de scènes hideuses où le peuple se vautrait dans l'ordure et la crapule. «Dans ces jours-là, dit Mercier, ses divertissements ont une empreinte de sottise et de villenie qui rapproche ses goûts de ceux des pourceaux.» (retour)
Note 84: Mémoires du marquis de Ferrières, II, 339. (retour)
Note 85: Députés de Paris à l'Assemblée législative:
Garran de Coulon, président du tribunal de Cassation;
Lacépède, administrateur du département; Pastoret,
procureur-syndic du département; Cérutti, administrateur du
département; Beauvais, docteur en médecine, juge de paix;
Bigot de Préameneu, juge du tribunal du quatrième
arrondissement; Gouvion, major général de la garde nationale;
Broussonnet, de l'Académie des sciences, secrétaire de la
Société d'agriculture; Cretté, propriétaire et cultivateur à
Dugny, administrateur du directoire du département;
Gorguereau, juge du tribunal du cinquième arrondissement;
Thorillon, ancien procureur du Châtelet, administrateur de
police, juge de paix de la section des Gobelins; Brissot de
Warville; Filassier, procureur-syndic du district de
Bourg-la-Reine; Hérault de Séchelles, commissaire du roi;
Mulot; Godart, homme de loi; Boscary jeune, négociant;
Quatremère-Quincy; Ramond; Robin (Léonard), juge du tribunal
du sixième arrondissement; Debry, administrateur du
département; Condorcet; Treihl-Pardailhan, administrateur du
département; Monneron, négociant.
Godart et Cérutti, décédés, Monneron, Gouvion et Boscary,
démissionnaires, furent remplacés successivement par
Lacretelle (5 novembre 1791), Alleaume (4 février 1792),
Kersaint (1er avril), Demoy (1er mai), et Dussault (6 juin).
(retour)
Note 86: Voir l'Histoire des quartiers de Paris, liv. II, ch. XI. (retour)
Note 87: «Il faut remarquer que beaucoup se font remplacer, que les remplaçants sont de pauvres gens négligents et malpropres, ce qui répugne les autres volontaires de faire le service; que les corps de garde sont peu gardés par cette raison; que les grenadiers sont des gens fermes et instruits au service; que les canonniers sont des jeunes gens bouillants et pleins de feu; mais qu'en général il n'y a pas d'ensemble dans le corps de la garde nationale.» (Note trouvée au château des Tuileries le 10 août.) (retour)
Note 88: Révol. de Paris, t. XIV. (retour)
Note 89: La vérité entière, par Méhée. (retour)
Note 90: Ce sont les termes du registre des écrous, qui existe encore. (retour)
Note 91: On ne cite qu'un seul volontaire qui ait pris part aux massacres de septembre: c'est le nommé Charlot, perruquier, l'un des assassins de la princesse de Lamballe; mais, en arrivant à l'armée, il fut tué par ses camarades.--Deux bataillons, celui de Mauconseil et le 1er Républicain, se souillèrent, à Réthel, du sang de quatre déserteurs de l'armée des princes, domestiques d'émigrés qui venaient se jeter dans l'armée française et qu'ils prirent pour des émigrés nobles. Les deux bataillons furent cernés, désarmés par le général Beurnonville; on leur ôta leurs drapeaux, on les fit bivouaquer dans les fossés de Mézières, enfin on ne leur rendit leur rang dans l'armée qu'après la punition des plus coupables et les plus touchantes marques de repentir. (retour)
Note 92: Il y avait quelques femmes dans ces bataillons; parmi elles on peut citer la citoyenne Garnejoux, du 12e bataillon, dit de la République, qui se trouva aux batailles de Vibiers, Doué, Saumur, Châtillon, «où elle combattit avec le courage d'un vrai républicain,» et reçut une récompense nationale; la citoyenne Minard, qui partit avec son mari, le citoyen Fortier: pendant trois campagnes, elle fit le service de canonnier dans le 10e bataillon, et reçut une récompense nationale; la citoyenne Rocquet, etc. (retour)
Note 93: Députés de Paris à la Convention: Robespierre, Danton, Collot-d'Herbois, Manuel, Billaud-Varennes, Camille Desmoulins, Marat, Lavicomterie, Legendre, Raffron, Panis, Sergent, Robert, Dussaulx, Fréron, Beauvais, Fabre d'Églantine, Osselin, Robespierre jeune, David, Boucher, Laignelot, Thomas, Égalité (duc d'Orléans). (retour)
Note 94: Tous les députés de Paris votèrent la mort du roi, à l'exception de Dussaulx, Thomas et Manuel. (retour)
Note 95: Révol. de Paris, t. XVI, p. 283. (retour)
Note 96: Révol. de Paris, t. XVI, p. 206. (retour)
Note 97: Révol. de Paris, t. XVI, p. 225. (retour)
Note 98: Il faut ajouter à ce chiffre celui de l'armée dite révolutionnaire, dont la formation fut décrétée le 5 septembre 1793, et qui se composa de 6,000 hommes, dont 1,200 canonniers. Cette année fut recrutée par enrôlement volontaire parmi les plus fougueux républicains de Paris, les hommes du 10 août et du 31 mai, qui passèrent tous au scrutin épuratoire de la société des Jacobins. Elle était destinée à comprimer les mouvements contre-révolutionnaires et «à appuyer partout où besoin serait les mesures de salut public décrétées par la Convention.» Elle devint l'instrument du parti hébertiste, et, après la chute de ce parti, elle fut licenciée le 27 mars 1794. (retour)
Note 99: Paris fournissait annuellement à l'armée, avant 1789, 6,339 recrues. (retour)
Note 100: Citons pour exemple le bulletin de la séance du 6 juillet: «La section de 92 est admise dans l'intérieur de la salle; elle annonce son acceptation de l'acte constitutionnel.--Les artistes Chenard, Narbonne et Vallière entonnent des hymnes patriotiques, dont la Convention décrète l'impression et l'envoi aux départements.--La section du Mont-Blanc porte en triomphe le buste de Lepelletier. Une citoyenne couvre le président d'un bonnet rouge et en reçoit la cocarde.--Les citoyennes de la section du Mail jettent des fleurs sur les bancs des législateurs.--Trois cents élèves de la patrie, précédés d'une musique militaire, viennent remercier la Convention d'avoir préparé la prospérité du siècle qui s'ouvre devant eux.--Une société patriotique de citoyennes est suivie de la section des Gardes françaises, qui offre des fleurs, de celle de la Croix-Rouge, qui dépose sur le bureau une couronne de chêne, et dont les citoyennes jurent de ne s'unir qu'à de vrais républicains.--La section de Molière et La Fontaine présente une médaille de Franklin. Un décret ordonne la suspension de cette médaille à la couronne de chêne qui surmonte la statue de la Liberté.--Les Enfants-Trouvés, aujourd'hui enfants de la République, défilent, mêlés parmi les citoyens de la section des Amis de la patrie. La Convention décrète que ces enfants porteront désormais l'uniforme national.--Les sections de la Butte-des-Moulins, du Temple, de la Cité, des Marchés, des Champs-Élysées défilent successivement. Toutes annoncent avoir librement et unanimement accepté la constitution.» (Révolut. de Paris, t. XVII, p. 709.) (retour)
Note 101: Le culte catholique n'a pas cessé d'être exercé à Paris, même pendant les jours les plus sanglants de la terreur, dans la salle de la bibliothèque de l'ancien séminaire des Missions étrangères. Cet édifice avait été vendu comme bien national au commencement de 1793 et acheté par mademoiselle de Saron; il devint le lieu de réunion de quelques prêtres et de quelques nobles, qui s'y livrèrent aux pratiques du culte, sous la direction d'un ancien jésuite, l'abbé Delpuits. Cette réunion, qui continua, même après le rétablissement public du culte catholique, a été le noyau et l'origine de la fameuse congrégation qui a joué un si grand rôle sous le règne de Charles X. (retour)
Note 102: La liste des émigrés du département de la Seine comprend 3,530 noms. (retour)
Note 103: D'après Robert Lindet, au 9 thermidor, le comité de salut public avait en magasin 2 millions 500 mille quintaux de blé achetés à l'étranger. (retour)
Note 104: Voyez à ce sujet, dans l'ouvrage de Parent-Duchâtelet (De la prostitution dans la ville de Paris), un arrêté de la Commune, rendu sur le réquisitoire de Chaumette, et dont les austères considérants ont été rédigés par l'ex chevalier Dorat de Cubières, alors secrétaire du conseil-général. (retour)
Note 105: Voici ce que raconte à ce sujet Beaumarchais, dont la belle maison, située près de la Bastille, fut ainsi visitée et fouillée: «Pendant que j'étais enfermé dans un asile impénétrable, trente mille âmes au moins étaient dans ma maison, où, des greniers aux caves, des serruriers ouvraient toutes les armoires, où des maçons fouillaient les souterrains, sondaient partout, levaient les pierres et faisaient des trous dans les murs, pendant que d'autres piochaient le jardin, repassant tous vingt fois dans les appartements, mais quelques uns disant, au grand regret des brigands qui se trouvaient là par centaines: Si l'on ne trouve rien ici qui se rapporte à nos recherches, le premier qui détournera le moindre meuble, une paille, sera pendu sans rémission... Enfin, après sept heures de la plus sévère recherche, la foule s'est écoulée. Mes gens ont balayé près d'un pouce et demi de poussière; mais pas un binet de perdu. Une femme au jardin a cueilli une giroflée: elle l'a payée de vingt soufflets; on voulait la baigner dans le bassin des peupliers.» (Mém. sur les prisons, I, 182.) (retour)
Note 106: Voyez les Mém. sur les prisons. (Coll. Berville et Barrière.) (retour)
Note 107: Causes de la révol. du 9 thermidor, p. 196. (retour)
Note 108: Mémoires sur les prisons, t. I, préface, p 11. (retour)
Note 109: Cheveux courts par derrière, longs et rabattus sur les yeux par devant, pour imiter la toilette des condamnés à la guillotine, bas chinés, habit court et carré, gilet de panne chamoise à dix-huit boutons de nacre, cravate verte montant jusqu'à la bouche, des lunettes, deux montres, etc. (retour)
Note 110: Lacretelle. Hist. du XVIIIe siècle, XII, 148. (retour)
Note 111: Mém. sur la Convention, t. I, p. 130. (retour)
Note 112: L'École de Mars avait été créée par la Convention le 13 prairial an II. Elle était recrutée «avec des enfants de sans-culotte» âgés de quatorze à dix-sept ans et envoyés, au nombre de dix par district, de toutes les parties de la France, ce qui porta le nombre des élèves à trois mille. Ces élèves campaient sous des tentes dans la plaine des Sablons et une partie du bois de Boulogne. Des baraques en planches renfermaient l'hôpital, l'arsenal, les écuries et la salle d'étude, vaste hangar orné seulement d'une statue de la Liberté, au pied de laquelle Robespierre, Lebas, Saint-Just venaient haranguer la jeunesse et la former aux vertus républicaines. Le camp était fermé par une enceinte de palissades et de chevaux de frise, et gardé militairement par les élèves. Cette école, qui figura dans toutes les fêtes révolutionnaires, fut supprimée le 2 brumaire an III. (retour)
Note 113: Toulongeon, t. III, p. 67. (retour)
Note 114: T. III, p. 118. (retour)
Note 115: Moniteur du 4 prairial. (retour)
Note 116: L'état officiel inséré au Moniteur donne pour le 24 avril le chiffre de 2,338 détenus. (retour)
Note 117: Éloge de Féraud, dans le Moniteur du 18 prairial an III. (retour)
Note 118: Moniteur du 10 prairial. (retour)
Note 119: Moniteur du 9 prairial. (retour)
Note 120: Nous avons dit qu'elle était en grande partie composée d'anciens gardes-françaises. (retour)
Note 121: «Il faut que le peuple souffre, écrivait le prince de Condé: c'est le seul moyen de le forcer à désirer l'ancien ordre de choses. Il n'a d'ailleurs que ce qu'il mérite. Les raisonnements les plus simples sont perdus pour lui; il n'y a que la misère qu'il comprenne bien, et c'est par elle qu'il faut espérer le retour de la monarchie.» Lettre du 22 fév. 1796 dans les mémoires relatifs à la trahison de Pichegru, publiés par Montgaillard. (retour)
Note 122: Moniteur du 1er fructidor an III. (retour)
Note 123: Moniteur du 30 fructidor. (retour)
Note 124: Moniteur du 6 vendémiaire. (retour)
Note 125: Cette légion venait d'être établie par un décret du 9 messidor pour le service des tribunaux, des prisons, des ports, etc. Elle était casernée sur le quai d'Orsay. (retour)
Note 126: Moniteur du 20 vendémiaire an III. (retour)
Note 127: Cet octroi ne produisit dans chacune des trois premières années que 2 millions. De 1798 au 4 décembre 1849, il a produit 1,241,269,150 francs. (retour)
Note 128: Buonarotti, Hist. de la conspiration de Babeuf. (retour)
Note 129: Ainsi, le Moniteur (12 messidor an VI) dit de la fête de l'Agriculture: «Elle représentait à l'imagination ces anciennes fêtes que la fertile Phrygie célébrait en l'honneur de la déesse des moissons au pied du mont Ida.» Il dit de la fête funèbre de Hoche (15 vendémiaire an VI): «Elle retraçait parfaitement les magnifiques obsèques que Télémaque fit faire au fils de Nestor sur les bords du Galèse; on pourrait même croire qu'on les avait prises pour modèle.» (retour)
Note 130: Hist. des Français, t. IV, p. 269. (retour)
Note 131: Voici en quels termes et par quels rapprochements
puérils Laréveillère expliqua gravement les noms dont il
affublait les vieux monuments de la piété de nos pères:
«L'église Saint-Philippe-du-Roule est consacrée à la
Concorde. Ce premier arrondissement renferme les promenades
des Tuileries et des Champs-Élysées et tous les jardins où,
depuis deux ans, les citoyens se réunissent pour y jouir des
fêtes qu'on y donne.--L'église Saint-Roch, au Génie. Dans
ce temple reposent le grand Corneille, le créateur du théâtre
français, et Deshoulières, la plus célèbre des femmes qui
aient cultivé la poésie française.--L'église
Saint-Eustache, à l'Agriculture Cet édifice est situé
près la halle aux grains et de toutes les autres où l'on vend
des subsistances.--L'église Saint-Germain-l'Auxerrois, à la
Reconnaissance. On doit la plus vive reconnaissance aux
sciences et aux arts, qui ont retiré les peuples de la
barbarie. Les poëtes et les anciens historiens ne cessent de
louer tous ceux qui, comme Orphée, ont adouci les mœurs des
hommes et leur ont appris à vivre en société. Si un édifice
doit être dédié à la Reconnaissance, c'est sans doute celui
qui se trouve placé devant le palais national des sciences et
des arts, celui où repose Malherbe, auquel nous devons la
pureté du langage.--L'église Saint-Laurent, à la
Vieillesse. En face de cet édifice est l'hospice des
Vieillards.--L'église Saint-Nicolas-des-Champs, à
l'Hymen. Le sixième arrondissement est un des plus peuplés;
il renferme la division des Gravilliers, qui est une de
celles qui ont le plus fourni de défenseurs à la
patrie.--L'église Saint-Merry, au Commerce. On sait que
le commerce est le lien des nations et la source de leurs
richesses: si on honore l'agriculture, on doit également
honorer le commerce. L'église Saint-Merry est placée devant
le tribunal de commerce et dans un des quartiers les plus
marchands de Paris.--L'église Sainte-Marguerite, à la
Liberté et à l'Égalité. Ce nom doit particulièrement
appartenir au lieu de la réunion des habitants du faubourg
Saint-Antoine; on sait le courage qu'ils ont déployé dans
tous les temps et à toutes les époques pour renverser le
despotisme et établir la République.--L'église
Saint-Gervais, à la Jeunesse. La loi du 3 brumaire a
institué une fête pour la Jeunesse; l'édifice dont il s'agit
est spacieux et est décoré d'un portail fait par Debrosses;
ce portail date de l'époque de la renaissance de la bonne
architecture, et où l'on a enfin abandonné le
gothique.--L'église Notre-Dame, à l'Être suprême. On a
pensé que, pour imposer silence aux ennemis de la chose
publique, qui affectent d'accuser d'athéisme et d'irréligion
les autorités constituées, on devait consacrer l'édifice le
plus vaste, le plus majestueux et le plus central du canton
de Paris, à l'Être suprême.--L'église Saint-Thomas d'Aquin,
à la Paix. Les Romains avaient un temple ainsi dédié: le
temple de la Paix ne peut être mieux placé qu'auprès de celui
dont on va parler.--L'église Saint Sulpice, à la
Victoire. Cet édifice est dans la division du Luxembourg,
où est situé le palais directorial.--L'église
Saint-Jacques-du-Haut-Pas, à la Bienfaisance. Dans le
quartier où est situé ce temple, il y a plusieurs
hospices.--L'église Saint-Médard, au Travail. La division
du Finistère renferme beaucoup de journaliers, de gens de
main-d'œuvre qui sont occupés à des travaux pénibles et
utiles à la société.--Et Saint-Étienne-du-mont, à la
Piété-filiale. Cet édifice est situé près le Panthéon, que
la République a dédié aux grands hommes. Il apprendra à
chacun que la République honore à la fois les vertus
éclatantes et les vertus domestiques, et qu'en couronnant les
guerriers courageux et les législateurs éclairés, elle
n'oublie pas le bon père.» (Moniteur du 27 octobre 1798.)
(retour)
Note 132: Voici leurs noms: Des Arts (Opéra), Français, Favart (Italiens), Feydeau (Opéra-Comique), de la République, du Vaudeville, Molière, Montansier, de la Cité, du Marais, de l'Ambigu-Comique, de la Gaité, des Jeunes-Artistes, des Variétés amusantes, des Délassements, des Jeunes-Élèves, Sans-Prétention. On joua, en 1797, sur ces dix sept théâtres, cent vingt-six pièces nouvelles. Nous parlerons de chacun d'eux dans l'Histoire des quartiers de Paris. (retour)
Note 133: Voir l'Histoire des quartiers de Paris, liv. II, chap. VII. (retour)
Note 134: «Je me trouvais, a-t-il raconté, à cette hideuse époque, logé à Paris, rue du Mail, place des Victoires. Au bruit du tocsin et de la nouvelle qu'on donnait l'assaut aux Tuileries, je courus au Carrousel... Je me hasardai à pénétrer dans le jardin. Jamais, depuis, aucun de mes champs de bataille ne me donna l'idée d'autant de cadavres que m'en présentèrent les masses de Suisses... Je parcourus tous les cafés du voisinage de l'Assemblée: partout l'irritation était extrême, la rage dans tous les cœurs; elle se montrait sur toutes les figures, bien que ce ne fussent pas du tout des gens de la lie du peuple.» (Mémorial de Sainte-Hélène, t. IV, p. 211; édit. de 1824.) (retour)
Note 135: Mémorial, t. IV, p. 222. (retour)
Note 136: De là date le monopole de la boulangerie, qui appartient aujourd'hui à six cents boutiques privilégiées; mais ce ne fut l'œuvre ni du pouvoir législatif ni du pouvoir exécutif; les boulangers demandèrent eux-mêmes à la préfecture de police que leur nombre fût limité à six cents; la préfecture accéda à cette demande, et, depuis cinquante ans, tous les gouvernements et même les tribunaux se sont crus liés par cette autorisation. (Voyez le discours de M. Lanjuinais, ministre du commerce, à l'Assemblée législative, le 27 octobre 1849.) (retour)
Note 137: Rapport de M. de Clermont-Tonnerre au roi Charles X en 1826. On lit dans ce curieux rapport: «Quand Bonaparte s'établit dans le palais de nos rois, il sentit plus qu'un autre la nécessité d'isoler la demeure du souverain. Ce fut dans ce dessein qu'il entreprit de construire la nouvelle galerie qui doit enceindre dans le palais même une immense place d'armes ayant des débouchés sur toutes ses faces, qu'il isola le jardin des Tuileries et fit percer la rue de Rivoli, dont le prolongement doit aller jusqu'à la colonnade du Louvre, afin de dégager entièrement l'enceinte du palais. Mais il ne se contenta pas d'isoler le palais et de le placer entre de longs espaces que le canon ou des charges de cavalerie peuvent balayer avec la plus grande facilité; il ajouta à ces premières dispositions une précaution de détail qui mérite d'être remarquée, en réservant en face du pavillon Marsan une petite place en retraite, dont le but est évidemment de pouvoir, au besoin, réunir et mettre à couvert une réserve de troupes d'artillerie, et, par l'acquisition du terrain qu'il fit jusqu'à la rue Saint-Honoré, il s'assura des moyens d'agir sur cette importante communication. On sait enfin qu'il se refusa constamment à dégager la façade de Saint-Roch, où il avait acquis, le 13 vendémiaire, la preuve que le peuple soulevé pouvait trouver un appui redoutable, afin que du haut de cette citadelle on ne puisse pas prendre de vues sur les Tuileries ou déboucher facilement de la butte Saint-Roch, près du château, sur la rue de Rivoli.» (retour)
Note 138: Opinions de Napoléon au conseil d'État, p. 41. (retour)
Note 139: Opinions de Napoléon, p. 42. (retour)
Note 140: Opinions de Napoléon, p. 67. (retour)
Note 141: Thiers, Hist. du Consulat et de l'Empire, t. IV, p. 139. (retour)
Note 142: Opinions de Napoléon, p. 73. (retour)
Note 143: Mém. d'Outre-Tombe. (retour)
Note 144: Dix années d'exil. (retour)
Note 145: L'une des meilleures a pour titre: Première représentation du Consulat en attendant une pièce nouvelle. Napoléon, en escamoteur, est monté sur des trétaux, entouré de la foule, à laquelle il jette de la poudre aux yeux; dans sa poche est une couronne; sur sa table on voit les Pyramides et les Alpes. A côté de lui, Lucien bat le tambour du 18 brumaire; et plus loin, derrière le rideau, les soldats préparent un trône à Napoléon empereur. (retour)
Note 146: Pelet de la Lozère, p. 69. (retour)
Note 147: Dix années d'exil. (retour)
Note 148: Pelet, p. 69 et suiv. (retour)
Note 149: Pelet, p. 85. (retour)
Note 150: Pelet de la Lozère, p. 306. (retour)
Note 151: Thiers, Hist. du Consulat et de l'Empire, t. II, p. 509. (retour)
Note 152: Le plan de cette rue avait été conçu dès le temps de Louis XIV: «C'était le projet du grand Colbert de continuer la rue Saint-Antoine, depuis la Bastille jusqu'au Louvre, non en ligne droite, ce qui était impossible, mais depuis l'Hotel-de-Ville» (Piganiol, t. V, p. 52.) (retour)
Note 153: Décret du 8 août 1807. Les théâtres conservés furent: l'Opéra, le Théâtre Français, l'Odéon, l'Opéra-Comique, le Vaudeville, les Variétés, l'Ambigu-Comique et la Gaité. Il faut leur ajouter le Théâtre-Italien et le Cirque-Olympique, qui obtinrent des autorisations spéciales. (retour)
Note 154: Mém. du duc de Rovigo, t. IV, p. 311. (retour)
Note 155: Napoléon et Marie-Louise, t. I, p. 376. (retour)
Note 156: «Ce palais, placé sur la hauteur en face de l'École militaire, dominant le pont d'Iéna, enfilant le cours de la rivière d'une part, et tout le développement de la rue de Rivoli de l'autre, devait être construit de manière à remplir toutes les conditions d'une véritable forteresse; mais, pour lui donner toute la valeur dont elle était susceptible, il embrassait dans ses dépendances tout le grand plateau qui s'étend de la barrière de l'Étoile et de la hauteur des Bons-Hommes jusqu'au bois de Boulogne et la route de Neuilly. Sur ce plateau, il devait établir un immense jardin entouré de fortes murailles ou de fossés profonds, qui en faisaient au besoin un vaste camp retranché, auquel arrivaient par toutes les routes, et sans être obligées d'entrer dans Paris, les troupes de Versailles, de Courbevoie, de Saint-Denis, en un mot la garde entière.» (Rapport de M. de Clermont-Tonnerre au roi Charles X en 1826.) (retour)
Note 157: Canal de l'Ourcq, 19,500,000 fr.; abattoirs. 6,700,000; halle, aux vins, 4,000,000; halle aux blés, 750,000; grandes halles, 2,600,000; marchés, 4,000,000; greniers de réserve, 2,300,000; pont d'Iéna, 4,800,000; quais, 11,000,000; lycées, 500,000; église Sainte-Geneviève, 2,000,000; Notre-Dame et l'Archevêché, 2,500,000; hôtels des ministères, 2,800,000; Archives, 1,000,000; temple de la Gloire, 2,000,000, palais du Corps Législatif, 3,000,000; colonne de la place Vendôme, 1,500,000; Pont-Neuf, 1,200,000; Arc de l'Étoile, 4,300,000; statues, 600,000; place de la Bastille, 600,000; ouverture de rues et places, 4,000,000; Jardin des-Plantes, 800,000; palais de la Bourse, 2,500,000; Louvre et Musée, 11,000,000; Tuileries, 9,700,000; Arc du Carrousel, 1,400,000, etc. (retour)
Note 158: Mém. de Bourrienne, t. IX, p. 310. (retour)
Note 159: Napoléon dit, dans les Mémoires de Sainte-Hélène (t. IX, p. 38), qu'à son retour d'Austerlitz, voyant avec quelle facilité le sort de l'Autriche avait été décidé par la prise de Vienne, il songea à fortifier Paris; «mais que la crainte d'inquiéter les habitants et l'incroyable rapidité des événements l'empêchèrent de donner suite à cette grande pensée.» (retour)
Note 160: Mém., t. VI, p. 295. (retour)
Note 161: Un décret du 12 janvier 1813 avait transformé les quatre-vingt-huit cohortes du premier ban de la garde nationale en vingt-trois régiments de ligne; un autre, du 6 janvier 1814, ordonna la formation de cinquante-neuf régiments composés de gardes nationales, etc. (retour)
Note 162: De la restauration de la royauté, p. 56. (retour)
Note 163: Mémoires, t. VI, p. 319 et 321. (retour)
Note 164: Ibid., t. VII, p. 18. (retour)
Note 165: Mém., t. VII, p. 2 et 5. (retour)
Note 166: Souvenirs histor. de M. de Menneval, t. II, p. 133. (retour)
Note 167: Mém. de Bourrienne, t. X, p. 12. (retour)
Note 168: «Armons-nous pour défendre cette ville, ses monuments, ses richesses, nos femmes, nos enfants, tout ce qui nous est cher! Que cette vaste cité devienne un camp pour quelques instants, et que l'ennemi trouve sa honte sous ces murs qu'il espère franchir en triomphe!...» (retour)
Note 169: Il faut pourtant dire que les théâtres, à cette époque, n'étaient remplis que d'officiers étrangers. Dans un des premiers jours d'avril, on joua au Théâtre-Français Iphigénie en Aulide devant un auditoire où il n'y avait que dix Français. (retour)
Note 170: Mém. de Rovigo, t. VII, p. 207. (retour)
Note 171: Souvenirs, t. II, p. 444. (retour)
Note 172: Mém. de Fleury de Chaboulon, t. II. (retour)
Note 173: Mém. de Rovigo, t. VIII, p. 47. (retour)
Note 174: M. de Chabrol, dans un mémoire publié en 1823, estime le nombre des rues de Paris à cette époque à 1,070, outre 120 culs-de-sac et 70 places. (retour)
Note 175: Députés de la Seine en 1827: Dupont de l'Eure, Jacques Laffitte, Casimir Périer, Benjamin Constant, Schonen, Ternaux, Royer-Collard, Louis, Alex. de Laborde, Odier, Vassal, J. Lefebvre. (retour)
Note 176: Députés de la Seine en 1830: Vassal, Laborde, Odier, Lefebvre, Mathieu Dumas, Demarçay, Eusèbe Salverte, de Corcelles, Schonen, Chardel, Bavoux, Charles Dupin. (retour)
Note 177: «Il faut avoir vu des ouvriers demi-nus, placés en faction à la porte des jardins publics, empêcher, selon leur consigne, d'autres ouvriers déguenillés de passer, pour se faire une idée de cette puissance du devoir qui s'était emparée des hommes demeurés les maîtres.» (Mém. d'Outre-Tombe, t. IX.) (retour)
Note 178: Il avait été nommé le 24 août et avait eu pour prédécesseur, du 28 juillet au 24 août, M. de Laborde. (retour)
Note 179: M. Odilon Barrot fut forcé de donner sa démission le 22 février, fut remplacé par M. de Bondy. (retour)
Note 180: Depuis 1853, ces rues n'existent plus. (retour)
Note 181: C'est l'année où commencent les recensements quinquennaux. Jusque-là, les chiffres donnés comme officiels sur la population de Paris sont tout à fait problématiques et certainement erronés. Voici ceux qu'on donne ordinairement pour les époques antérieures: au XIIIe siècle, 120,000; au XVe siècle, 150,000; sous Henri II, 200,000; à la fin du XVIe siècle, 200,000; en 1680, 490,000; en 1720, 500,000; en 1752, 576,000; en 1776, 658,000; en 1784, 660,000; en 1792, 610,000; en 1798, après recensement, 640,000; en 1802, 672,000; en 1806, 547,000; en 1808, 580,000; en 1810, 594,000; en 1817, 713,000; en 1827, 890,000. (retour)
Note 182: En voici une triste preuve. Dans la séance de la Chambre des députés du 24 février 1846, M. Berryer disait: «Sur 27,000 personnes qui meurent à Paris par année, il y en a près de 11,000 qui meurent dans les hôpitaux et 7,000 autres qui sont enterrées gratuitement, dont la ville paie le cercueil et le suaire. Il meurt donc 18,000 personnes sur 27,000 qui ne laissent pas même de linceul pour les envelopper!»--A cette époque, 80,000 personnes entraient annuellement dans les hôpitaux et 100,000 étaient secourues à domicile. (retour)
Note 183: Nous avons abrégé les derniers événements de l'histoire générale de Paris jusqu'en 1848, et nous n'avons rien dit de la révolution de février et des événements si graves dont la capitale a été le théâtre depuis cette époque, parce que nous croyons que le temps n'est pas encore venu d'écrire l'histoire impartiale de cette période. Néanmoins, nous énoncerons, chacun à sa place, les principaux faits de l'histoire de Paris de 1848 à 1856, dans l'Histoire des quartiers de Paris. (retour)