L'Alfabet européen appliqué aux langues asiatiques: OEuvres de C.-F. Volney, tome VIII
SIMPLIFICATION
DES
LANGUES ORIENTALES,
OU
MÉTHODE NOUVELLE ET FACILE
D’APPRENDRE LES LANGUES ARABE, PERSANE ET TURKE,
AVEC DES CARACTÈRES EUROPÉENS.
La diversité des langues est un mur de séparation entre les hommes; et tel est l’effet de cette diversité, qu’elle rend nulle la ressemblance parfaite d’organisation qu’ils tiennent de la nature.
Augustin, de la Cité de Dieu.
DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
C’est un phénomène moral vraiment remarquable que la ligne tranchante de contrastes qui existe et se maintient opiniâtrement depuis tant de siècles entre les Asiatiques, surtout les Arabes, et les peuples européens. Nous ne sommes éloignés d’Alger et de Tunis que de soixante heures de navigation; quatorze jours seulement nous mènent en Égypte, en Syrie, en Grèce; dix-huit à Constantinople: et cependant l’on dirait que ces peuples habitent une autre planète; que, contemporains, nous vivons distans de plusieurs siècles. Le vulgaire se contente de voir pour raison de ces contrastes la différence des religions, des mœurs, des usages; mais cette différence elle-même a ses causes; et lorsqu’enfin las du joug des préjugés et de la routine, l’on recherche avec soin ces causes radicales, on trouve que la plus puissante, que l’unique peut-être consiste dans la différence des langues, par qui s’est établie et par qui se maintient la difficulté des communications entre les personnes. C’est parce que nous n’entendons pas les langues de l’Asie, que depuis dix siècles nous fréquentons cette partie du monde sans la connaître: c’est parce que nos ambassadeurs et nos consuls n’y parlent que par interprètes, qu’ils y vivent toujours étrangers, et n’y peuvent étendre nos relations ni protéger nos intérêts: c’est parce que nos officiers envoyés à la Porte ne savaient pas le turk, qu’ils n’ont pu opérer dans les armées les réformes que désirait le divan même: c’est parce que nos facteurs ne savent pas la langue de leurs échelles, qu’ils y vivent comme prisonniers, ne se montrant point dans les marchés, vendant peu ou mal; de manière que toute la masse de notre commerce est obligée de passer par l’étroite filière de quelques censals[112], et de quelques drogmans. Supposons tout-à-coup la facilité de communiquer établie; supposons l’usage familier et commun des langues, et tout le commerce change de face: les marchands se mêlent; des colporteurs pénètrent jusque dans les villages; les marchandises se distribuent; la circulation s’anime; l’industrie s’éveille; les esprits s’électrisent; les idées se répandent, et bientôt, par ce contact général, s’établit entre l’Asie et l’Europe une affinité morale, une communication d’usages, de besoins, d’opinions, de mœurs, et enfin de lois qui, de l’Europe jadis divisée, ont fait une espèce de grande république d’un caractère uniforme ou du moins ressemblant.
[112] Noms des courtiers en levant.
Tel est le but vers lequel je me propose en cet ouvrage de faire un premier pas, un pas fondamental. Par une opération d’un genre neuf, et cependant simple, j’entreprends de faciliter les langues orientales; de les débarrasser des entraves gratuites qu’une habitude routinière leur a imposées; enfin, de les rendre accessibles, presque populaires, en les ramenant à la condition des langues d’Europe dont elles ne diffèrent point essentiellement. Le développement des idées qui ont amené mon opération va mettre le lecteur en état de prononcer sur sa valeur et sur sa fécondité.
Ce premier fait posé, que la différence du langage est l’unique ou du moins la principale barrière élevée entre les peuples d’Asie et d’Europe, trois questions se sont présentées:
1o Les langues orientales, et spécialement les langues arabe, persane et turke, sont-elles réellement plus difficiles que les langues d’Europe?
2o En quoi consiste leur difficulté principale?
3o Quel est le moyen d’en simplifier l’étude et la pratique?
A l’égard de la première question, il faut distinguer en deux classes les difficultés d’une langue quelconque: difficulté de prononciation, et difficulté de mécanisme ou de construction. Considéré sous le premier rapport, il est vrai que l’arabe offre à nos oreilles des prononciations dont la nouveauté les étonne: non qu’elles soient réellement plus difficiles que les nôtres; mais tel est pour chaque peuple, comme pour chaque individu, l’empire de l’habitude et de l’amour-propre, qu’il regarde comme barbare tout son qui lui est étranger. Ainsi nous nous récrions sur le jota des Espagnols, sur le th des Anglais, sur le c des Italiens; et à leur tour ils se récrient sur notre u, sur notre j, et sur nos nasales on, an, in, qui leur semblent aussi dures que désagréables: nous trouvons doux notre p, notre v, notre gné; et les Arabes les trouvent pénibles à prononcer. La vérité est que cette difficulté gît dans l’habitude, et qu’une habitude contraire la sait effacer.
Quant au persan et au turk, cette difficulté est presque nulle, leur prononciation étant presque aussi coulante et plus harmonieuse que celle d’aucune langue d’Europe.
Vient la difficulté de mécanisme ou de construction: or il est certain qu’aucune langue d’Europe n’a la régularité, ni la simplicité de l’arabe, encore moins du persan; dans aucune, les phrases ne sont plus claires, plus méthodiques: c’est notre construction française. Le turk seul déroge à cette clarté, et il faut avouer qu’avec ses phrases à pleines pages, avec ses inversions qui portent le nom et le verbe gouvernans au bout de nombreuses périodes, il a l’inconvénient que l’on reproche à l’allemand et au latin. Néanmoins toute compensation faite, ces trois langues asiatiques n’ont essentiellement rien de plus difficile que les nôtres. D’où vient donc l’idée que l’on en a? En quoi consiste leur difficulté?
Sur cette seconde question il faut convenir que ce n’est pas sans motif que le préjugé s’est établi; mais ce qu’il reproche de rebutant et de barbare à l’arabe et à ses analogues, appartient bien moins au fond du langage qu’à ses accessoires, qu’à ses signes représentatifs, et pour le dire en un mot, consiste uniquement dans la figure des lettres, et dans le système vicieux de l’alfabet.
En effet, c’est une première difficulté, un premier abus que cette figure bizarre des lettres arabes: si, à l’instar de l’anglais ou du polonais, l’arabe se fût écrit avec des caractères qui nous fussent connus, jamais l’on n’eût érigé sa difficulté en proverbe; mais parce qu’à l’ouverture de ses livres, l’œil est frappé de figures étranges, la surprise et même l’amour-propre se récrient sur la nouveauté, et s’exagèrent les obstacles. Cependant ils ne sont qu’apparens, ou pour mieux dire, que superflus et gratuits; car l’on ne peut éviter ce dilemme: ou les prononciations arabes sont autres que les nôtres, et alors il faut pour les peindre des signes qui nous manquent; ou elles sont les mêmes, et dès-lors il devient inutile de les peindre par des signes différens des nôtres. Si, comme il est vrai, la majeure partie des prononciations, voyelles, aspirations, consonnes, est la même de langue à langue et de peuple à peuple, quelle est la nécessité de leur donner des signes, c’est-à-dire, des caractères alfabétiques divers? Pourquoi cette diversité d’alfabets éthiopien, tartare, chinois, thibétan, arabe, malabare? Pourquoi une même prononciation, par exemple a, b, t, aura-t-elle vingt figures différentes? Pourquoi consumer en frais de lecture une attention et un temps si précieux au fond du sujet? Je le répète: à des sons divers donnez des signes divers, puisqu’ils les distinguent; mais à des sons identiques donnez des signes identiques, sans quoi vous les multipliez onéreusement pour l’esprit.
Je compte pour peu le contraste de la marche de l’écriture arabe, qui, tandis que nous traçons nos lignes de gauche à droite, trace les siennes de droite à gauche, et commence un livre où nous le finissons; mais une troisième difficulté, la plus grave, la plus radicale, c’est son système alfabétique lui-même; c’est la manière incomplète, réellement vicieuse, dont l’arabe peint la parole. Dans nos langues d’Europe, tout élément de cette parole, voyelle, consonne, aspiration, suspension de sens, interrogation, admiration, tout est peint avec détail, précision, scrupule, et les images nettes passent à l’esprit sans fatigue et sans confusion. Nous regardons même une langue comme d’autant plus parfaite que son écriture peint plus exactement toute sa prononciation; que cette langue s’écrit comme elle se prononce: et tel est le mérite que tout étranger aime à reconnaître dans l’italien, l’espagnol, l’allemand, le polonais; tandis que dans l’anglais et le français, le vice contraire, c’est-à-dire, écrire comme l’on ne prononce pas, fait le tourment même des naturels de ces deux idiomes.
Dans l’arabe au contraire et dans ses analogues, éthiopien, persan, turk, non-seulement l’on n’écrit pas comme l’on parle, mais l’on n’écrit réellement que la moitié des mots: dans la plupart il n’y a de tracé que les consonnes, qui en sont la base principale, et les quatre voyelles longues, peintes dans l’alfabet: les trois voyelles brèves qui jouent le plus grand rôle dans la prononciation, et qui en sont la partie intégrante, sont supprimées et sous-entendues; il faut les suppléer d’imagination et en impromptu: quelquefois l’une des consonnes veut en être privée, l’autre non; quelquefois il faut redoubler l’une des consonnes, changer la valeur naturelle de l’une des grandes voyelles: et si l’on manque une seule de ces conditions, si l’on introduit une voyelle brève pour une autre, tout est confondu; je cite un exemple. Les trois consonnes k t b, forment un mot arabe: pour être prononcé il a besoin de voyelles; or, selon celles qu’on lui donne, il change de signification: si l’on prononce ka ta b, c’est, il a écrit; ko te b, il a été écrit; ko to b, des livres; ka tta b, il a fait écrire; et même ka t b, l’action d’écrire, tous sens très-divers et néanmoins enveloppés sous une même forme k t b; car, ainsi que je l’ai dit, les voyelles brèves ne s’écrivent pas dans l’usage ordinaire; ce n’est que dans des cas très-particuliers, pour des livres sacrés: et alors la manière dont je les ai ajoutées représente assez bien l’état de l’arabe; car lorsqu’on les écrit, par exemple, dans le Qôran, on les rapporte ainsi en seconde ligne, et elles y figurent comme une broderie sur le canevas. (Voyez planche Ire.)
Ce n’est pas tout; l’alfabet arabe, quoi qu’en aient dit les grammairiens d’Europe, porte des voyelles, et ces voyelles, longues par leur nature, ont une valeur propre, déterminée: néanmoins il arrive sans cesse que ces valeurs sont changées par l’influence, toujours secrète, des voyelles brèves supprimées; et que, par exemple, ï devient a; que a devient é, ou ô, etc. Ainsi l’on écrit rmi, il a jeté, et l’on dit rama: l’on écrit ali, sur, dessus: et l’on lit ala, même alai; alaikom, sur vous. L’on écrit anbia, les prophètes, et l’on prononce onbia; amam, les nations, et l’on lit omam; sans compter que le bon goût est de n’avoir ni virgules, ni point-virgules, ni alinéa, etc.: de manière que la lecture est une divination perpétuelle, au point qu’il n’est aucun érudit arabe, persan ou turk, capable de lire couramment un livre s’il n’en a fait une préparation préalable.
Tel est le nœud radical des difficultés de la langue arabe et de ses analogues; voilà l’obstacle qu’il s’agit de faire disparaître, et le moyen s’en indique par la chose elle-même. Puisque la difficulté ne réside point dans le fond du langage, mais dans sa forme, dans la manière de le peindre, et dans un système vicieux d’alfabet, il faut abroger ce système, et lui en substituer un plus simple et plus parfait: or, comme le système alfabétique d’Europe réunit une partie de ces conditions, comme il nous est déjà connu, familier, et que l’on peut l’étendre et le perfectionner, c’est faire tout d’un coup un pas considérable dans la connaissance des langues asiatiques, que de le leur appliquer, et de peindre leurs prononciations par nos caractères; c’est, pour ainsi dire, une transposition comme l’on en pratique en musique, et comme les Arabes eux-mêmes l’usitent quelquefois en écrivant de l’arabe en lettres syriaques, ou de l’arménien en arabe, ce qu’ils appellent écriture kerchouni: dès-lors la lecture de l’arabe, du persan, du turk, maintenant si rebutante, devient tout acquise: l’espèce de voile hiéroglyphique qui la couvrait, disparaît; et ces langues ramenées à la condition de l’espagnol, de l’allemand, du polonais, ne demandent plus qu’un degré d’attention et de travail dont tout le monde est capable.
Telle est l’opération simple en principes et féconde en conséquences, que j’exécute en cet ouvrage. Depuis plusieurs années j’en recueille par ma propre expérience et pour mon usage des avantages qui m’en ont constaté la justesse, la solidité, et qui me font regarder comme un service rendu au commerce de publier aujourd’hui ma méthode.
Une seule objection se présente: l’on ne manquera pas de dire qu’en écrivant les langues orientales avec nos caractères européens déjà existans, secondés de quelques caractères de convention, l’on n’apprendra point à lire ni à écrire ces langues en leurs propres lettres, et qu’alors on restera privé de leurs livres, privé des moyens de correspondance; en un mot, que l’on ne pourra les apprendre.
Je ne dénie point cette objection; mais en l’admettant dans toute sa force, je soutiens qu’ayant à choisir entre divers inconvéniens, ceux que l’on évite sont infiniment plus grands que ceux auxquels on se soumet, qui d’ailleurs, susceptibles d’être atténués, emportent avec eux des avantages immenses et incalculables. Faisons-en la balance respective.
1o Il découle immédiatement de mon plan, de faire des dictionnaires arabe, persan et turk en lettres européennes; et ce travail ne serait pas long: car il s’agit simplement de transposer la partie orientale, et de traduire la partie latine des dictionnaires déjà existans, en les réduisant à ce qui est d’utilité pratique; et cette opération est si simple, que les principes de transposition étant une fois établis, il n’est point de copiste qui ne soit capable de l’exécuter: dès-lors ces dictionnaires, ramenés à la condition des nôtres, présentent tous les moyens et toutes les bases d’étude et d’instruction.
2o Il est de fait que presque tous les livres arabes, persans et turks, vraiment utiles ou curieux, sont traduits en nos langues d’Europe; qu’il en reste peu qui méritent la peine d’apprendre leurs langues; que malgré l’enthousiasme de quelques amateurs de la littérature orientale, elle est infiniment au-dessous de l’opinion que l’on s’en fait; et que tout bien pesé, il nous reste peu, pour ne pas dire rien, d’un grand intérêt à recevoir d’elle;
3o Que si l’on en excepte quelques livres de dévotion chrétienne, imprimés par les Maronites, et quelques livres de géographie et d’histoire, imprimés en turk à Constantinople, tous les autres livres existant en Turkie, Arabie et Perse, sont des livres écrits à la main, par cela même, rares, coûteux, hors des moyens et de la portée des voyageurs et marchands, et, par-là encore, ne pouvant être regardés comme un vrai secours pour l’étude de ces langues.
D’où il résulte que renonçant même entièrement à ces prétendus trésors littéraires nous ne ferions aucune perte grave; et cependant je ne veux renoncer à rien: car dans mon plan, tout livre sera transposé à volonté, sans l’altération d’une syllabe; et, lu selon ma méthode, il sera aussi parfaitement entendu d’un naturel que dans le caractère arabe, encore que le lecteur le lût sans y rien comprendre.
Le seul inconvénient qui subsiste est pour la correspondance par écrit; car dans ma méthode, elle ne se trouve pas établie entre ceux qui ne connaîtraient que le système européen, ou que le système arabe. Mais j’observe à cet égard qu’en Asie la correspondance pour le commerce est très-faible, peu de naturels sachant ou voulant écrire; et que pour la diplomatique, et en général pour tout genre d’affaires, on traite bien plus par entretien que par écrit. Or si, comme il est vrai, l’entretien a une utilité bien plus habituelle, bien plus puissante, bien plus vaste, mon système qui s’y applique immédiatement compense d’abord le défaut qu’on lui reproche; défaut d’ailleurs volontaire et momentané, rien n’empêchant les naturels eux-mêmes d’adopter ou de connaître notre alfabet, dont ils trouveraient l’écriture bien plus courante et bien plus commode, ainsi que je l’ai constaté avec des religieux Maronites à qui j’en ai communiqué les premiers essais.
Au reste, à cet inconvénient unique, j’oppose une foule d’avantages importans.
1o La facilité soudainement acquise d’une lecture ci-devant énigmatique, difficile et lente; facilité telle que je suis certain, par mon expérience, d’avancer plus en six mois un élève interprète, qu’il ne le serait en deux ans par la méthode actuelle; car non-seulement il n’aura plus à vaincre les obstacles nombreux de la lecture arabe, mais encore il se trouvera affranchi d’une foule de règles de grammaire que ma méthode rend nulles: règles de mutation d’une voyelle en une autre; règles d’élision, dites de hamza et de djazm; règles de doublement ou cheddi; règles de jonction, madda et ouesla; enfin règles des terminaisons grammaticales qui forment la science du Nahou; de manière que, après avoir analysé les grammaires, soit de l’école d’Ađjroum, soit celle d’Erpenius, j’ai vu que plus de la moitié en devenait complètement inutile.
2o L’avantage d’écrire avec un caractère bien plus expéditif, puisque le meilleur scribe arabe, avec son roseau au lieu de plume, avec son encre grasse comme pour imprimer, et avec les délinéamens entortillés de la plupart des lettres, écrit plus lentement que le scribe européen; et que sitôt qu’il se hâte, il ne forme plus qu’un griffonnage illisible, comme celui des scribes coptes ou des marchands syriens.
3o Mais le plus grand et le plus important avantage, c’est la facilité et l’économie pour l’impression. Dans le système arabe, les frais d’impression sont tellement énormes, que, pour réimprimer le Golius et le Meninski, il n’en coûterait pas moins de 1,500,000 livres; et il faudra les réimprimer, car ces ouvrages fondamentaux manquent entièrement. Dans mon plan, au contraire, les frais se réduisent au prix le plus modique: d’abord j’économise tous ceux de fonte, de gravure, d’emploi des caractères infiniment compliqués; je n’ai besoin que de caractères européens déjà gravés et fondus, et d’un très-petit nombre de caractères additionnels. J’économise les protes et les correcteurs orientalistes devenus très-rares, très-dispendieux; je n’ai besoin que de protes ordinaires; en sorte que ce qui, dans le système arabe, coûterait 1,500,000 livres, n’en coûtera pas la dixième partie: or, que l’on étende cette économie à tout ce qui s’imprimerait par la suite, que l’on calcule la facilité de mettre en circulation des livres dont aujourd’hui chaque copie manuscrite coûte 5 et 600 livres le seul in-4o, qui, imprimé et transporté, ne coûterait pas 20 livres, et que l’on juge de quel côté est l’avantage.
4o Enfin la facilité de former, à moins de frais, des interprètes qui chaque jour deviennent plus rares et plus dispendieux. Dans l’état actuel, on élève des jeunes gens, dès l’âge le plus tendre, sans connaître leurs dispositions; pendant vingt ans, l’on fait pour eux les frais d’une éducation recherchée: au bout de ce terme, sur vingt sujets, à peine deux ont-ils réussi parfaitement; en sorte qu’un bon interprète coûte réellement à la nation plus de 100,000 livres. Au contraire, par ma méthode, l’on n’a plus besoin de préparer des sujets expressément et de longue main: il se formera naturellement des interprètes, par le besoin des affaires, et par des goûts personnels. Nos négociateurs et nos négocians apprendront ces langues comme ils apprennent l’espagnol, l’italien, l’anglais; et leur intérêt personnel, combiné avec leur aptitude, deviendra la mesure de leurs succès et de leurs fortunes. Il est possible, il est même naturel que cette nouveauté éprouve des obstacles, ne fût-ce que ceux de l’habitude; c’est au plan lui-même à se défendre par ses propres moyens. S’il est défectueux, il tombera, et je n’aurai d’autre regret que de n’avoir pu atteindre le but d’utilité que je me propose; s’il est solide, il résistera, et la critique même, en l’épurant, le fortifiera. Alors, après ce premier essai de dépense, mesuré avec sagesse, le gouvernement pourra faire exécuter les dictionnaires qui en dépendent, et dix ans ne s’écouleront pas sans qu’il s’opère dans l’étude des langues orientales une révolution complète.
Appliquée au commerce, cette révolution est d’un véritable intérêt; car du sort de ces langues parmi nous dépend en partie celui de notre commerce en Levant; et ce commerce prend une importance qui croît de jour en jour. C’est lui qui par les blés de la côte barbaresque alimente et doit alimenter le midi trop sec de la France; c’est par lui que l’Égypte nous envoie des riz, des safranons, des cafés, et elle pourrait y joindre toutes les productions des Tropiques; c’est enfin lui dont la masse, dans toute la Turkie, nous procure un mouvement de soixante-trois millions d’échanges, plus réellement riche que la possession de terres vastes et lointaines.... Et si l’on soulève un instant le voile de l’avenir, si l’on calcule que la secousse actuelle de l’Europe entraînera la subversion générale du système colonial, et l’affranchissement de toute l’Amérique; que de nouveaux états formés rivaliseront bientôt les anciens sur l’Océan atlantique; que, concentrée dans ses propres limites, l’Europe sera contrainte d’y restreindre son théâtre d’industrie et d’activité; l’on concevra qu’il nous importe de nous assurer de bonne heure du bassin de la Méditerranée, qui, portant nos communications dans le Nord par la mer Noire, dans le Midi par la mer Rouge, et liant à-la-fois l’Asie, l’Europe et l’Afrique, peut devenir à notre porte et dans nos foyers, le théâtre du commerce de tout l’univers.
Que si je considérais cette révolution sous des rapports moraux et philosophiques, il me serait facile de lui développer des effets immenses; car à dater du jour où s’établiront de l’Europe à l’Asie de faciles communications d’arts et de connaissances, à dater du jour où nos bons livres traduits pourront circuler chez les orientaux, il se formera dans l’Orient un ordre de choses tout nouveau, un changement marqué dans les mœurs, les lois, les gouvernemens. Et quand on observe l’heureuse organisation de ces peuples, comparée à leur arrièrement en civilisation et en connaissance, l’on est tenté de croire que la cause première de cet arrièrement n’a résidé que dans le vice de leur système d’écriture, qui, comme chez les Chinois, rendant l’instruction difficile, a, par une série de conséquences, rendu plus rare l’instruction, empêché la création des livres, leur publication, leur impression, et consolidé le despotisme des gouvernemens par l’ignorance des gouvernés.
Je termine par quelques observations sur la langue arabe. Elle passe avec raison pour l’une des plus répandues sur la terre: en effet on la parle depuis Maroc jusqu’en Perse, et depuis la Syrie jusque vers Madagascar. L’idiome abyssin n’en est qu’un dialecte, et ceux d’une foule de peuplades d’Afrique en sont composés. On l’entend dans la plupart des ports de l’Inde; elle y fait la base d’un langage vulgaire; et si l’on remonte dans les siècles passés, on trouve que l’hébreu, le syriaque, le chaldéen, le copte et d’autres langues d’Asie ont avec elle une analogie marquée, en sorte qu’on la peut regarder comme la clef de l’Orient ancien et moderne.
Cependant il ne faut pas croire que l’arabe soit identique comme le français: au contraire, il subit des différences assez sensibles d’un canton à l’autre. Un Arabe d’Alger a de la peine à se faire entendre au Kaire; un Arabe de Syrie comprend difficilement un Arabe d’Yemen: la raison en est simple: les peuples arabes vivant généralement isolés et indépendans, chacun d’eux s’est fait des mots particuliers et locaux sur nombre d’objets, d’où il est résulté une distinction d’arabe vulgaire et d’arabe littéral, par laquelle chaque canton appelle vulgaire ce qu’il usite, et littéral ce qui lui est étranger, parce que cet arabe étranger se trouve consigné dans des livres qui néanmoins ont cours dans toute l’Arabie; et ils ont cours, parce qu’il y a un fond de mots universels et communs, et une syntaxe la même pour tous. Que s’il se formait parmi les Arabes un peuple dominateur et poli, il ferait dans la totalité de ces mots un choix suffisant à peindre toutes ses idées, et il laisserait à l’écart cette inutile multitude de redondances et de synonymes, faussement appelée richesse de langage, et qui n’en est véritablement que le chaos.
GRAMMAIRE
DE LA
LANGUE ARABE.
CHAPITRE PREMIER.
De la Langue Arabe, de ses Prononciations, et de ses Lettres alfabétiques.
La langue arabe, ainsi que nos langues d’Europe, est composée de trois élémens de prononciation, qui sont:
1o Les voyelles,
2o Les consonnes,
3o Les aspirations.
L’on appelle voyelle[113] tout son simple, indivisible, proféré par le gosier, sans le mélange d’aucun autre son qui en change la modification à l’oreille.
[113] Le mot voyelle vient du latin vocalis, son vocal.
Ainsi â dans âtre est un son voyelle qui continue d’être le même, encore qu’on puisse le proférer sur tous les tons de la gamme musicale; mais qui change et devient une autre voyelle sitôt que le gosier et la bouche prennent une autre ouverture, une autre disposition[114].
[114] Voici le mécanisme du son dans la gorge, soit de l’homme, soit des animaux. Le poumon contracté chasse l’air par le canal du larynx: cet air parvenu au tambour appelé pomme d’Adam, y rencontre deux membranes tendues sur ce tambour, comme on le voit dans les gosiers d’oie dont s’amusent les enfans. En passant entre elles, il les fait frémir, et ce frissonnement occasionne un son plus ou moins grave, plus ou moins aigu, selon qu’elles sont plus ou moins tendues, comme cordes, et plus ou moins ouvertes, comme instrumens à vent; en sorte que le tambour vocal est un instrument partie à vent et partie à cordes.
D’où il résulte 1o qu’il y a autant de voyelles que le gosier et la bouche prennent d’ouvertures différentes; par conséquent, que c’est une erreur d’avoir établi et de répéter, comme on le fait tous les jours, qu’il n’y a que sept voyelles: notre seule langue française en possède dix-sept très-distinctes.
2o L’on appelle consonnes les contacts de certaines parties de la bouche, telles que les lèvres, la langue, les dents; contacts qui par eux-mêmes sont sourds, non sonores, et ne se manifestent que par l’intermède nécessaire des sons voyelles qui les suivent, les précèdent ou les accompagnent. Ainsi b, p seuls et par eux-mêmes ne se peuvent prononcer, puisqu’ils sont un contact des deux lèvres, une véritable clôture de la bouche; et dans cet état on doit les appeler consonnes fermées: pour les prononcer, il faut nécessairement qu’elles soient précédées ou suivies d’une voyelle, comme pé, bé, ef, er, et dans ce second état je les appelle consonnes ouvertes.
3o On nomme aspiration une expulsion sèche de l’air par la gorge, sans accompagnement de son; c’est un souffle plus ou moins fort, mais sourd par lui-même, tel que la prononciation peinte par h, surtout chez les Allemands: c’est une espèce de consonne.
Il résulte de ces définitions, que la consonne, pour être proférée, ayant besoin de l’accompagnement d’un son voyelle, elle doit être considérée comme une vraie syllabe, c’est-à-dire comme un composé de deux élémens, ainsi que l’exprime son nom, consonans, sonnant avec un autre; tandis que le son vocal pur, ou voyelle, est un élément unique et indécomposable de la parole: et cette observation aura le mérite de nous donner la solution de plusieurs difficultés de l’alfabet arabe.
Non-seulement les Arabes parlent comme nous avec des voyelles, des consonnes et des aspirations, ils ont encore avec nous cela de commun, d’avoir représenté chacun de ces élémens de la parole par des signes attachés à chacun d’eux, et appelés vulgairement lettres alfabétiques.
Mais là commencent plusieurs différences. Nos lettres européennes venues des Romains se ressemblent toutes à peu près de nation à nation; celles des Arabes au contraire sont originales dans leur genre: nous écrivons de gauche à droite; les Arabes écrivent de droite à gauche: nous ne comptons que vingt-cinq lettres; les Arabes en comptent vingt-huit: nous écrivons tous les sons que nous prononçons; les Arabes n’en écrivent presque réellement que la moitié. Voilà les différences qu’il s’agit de faire disparaître, et pour cet effet il faut les bien connaître et les bien analyser.
Si l’on en croyait quelques grammairiens européens, les vingt-huit lettres de l’alfabet arabe seraient toutes des consonnes; mais si, comme il est vrai, les consonnes ne se peuvent prononcer sans voyelles, il faut, ou que plusieurs de ces lettres représentent des voyelles, ou qu’il y ait des voyelles supplémentaires à l’alfabet; et ces deux cas se trouvent également vrais.
Nous allons donner le tableau des vingt-huit lettres arabes, telles que les rangent ordinairement les grammairiens: il est indispensable au lecteur de l’examiner avec attention, afin de bien saisir les raisonnemens dont il va être le sujet. (Voyez le Tableau ci à côté.)
D’abord l’on remarquera que, sur ces vingt-huit lettres, dix-sept représentent des prononciations absolument les mêmes que dans notre langue française; en conséquence, je les exprime par nos propres lettres, sauf quelques observations qui suivront ci-après.
ALFABET ARABE
SELON L’ORDRE VULGAIRE.
| LETTRES ARABES. |
VALEUR EN FRANÇAIS. |
LETTRES ARABES. |
VALEUR EN FRANÇAIS. |
|---|---|---|---|
| 1 ا | a | 15 ض | |
| 2 ب | b | 16 ط | |
| 3 ت | t | 17 ظ | |
| 4 ث | 18 ع | ||
| 5 ج | dj | 19 غ | |
| 6 ح | 20 ف | f | |
| 7 خ | 21 ق | ||
| 8 د | d | 22 ك | k |
| 9 ذ | 23 ل | l | |
| 10 ر | r | 24 م | m |
| 11 ز | z | 25 ن | n |
| 12 س | s | 26 و | ou |
| 13 ش | ché | 27 ه | h |
| 14 ص | 28 ى | i |
| Page 208. | No 1er. |
Il reste onze lettres qui peignent des prononciations qui nous sont étrangères, et qu’il s’agit de bien définir afin d’y attacher des signes propres et particuliers.
Io La quatrième lettre ث est la même que le θ (thêta) des Grecs, et le th dur des Anglais dans les mots think (penser), with (avec); et non le th doux comme dans those (ceux-là), there (là): pour prononcer cette lettre il faut appliquer le bout de la langue contre les dents supérieures; il en résulte un sifflement tenant de l’s mais que l’on ne peut bien exécuter qu’avec les leçons d’un maître. Dans quelques provinces d’Espagne le z se prononce de la même manière: les Français, les Allemands, les Italiens ne connaissent point cette consonne.
Chez les Arabes elle n’est pas universellement usitée. En Barbarie, à Bagdad, à Basra, dans le désert et l’Arabie propre, on la prononce exactement; mais les Syriens et les Égyptiens lui substituent tantôt le t et tantôt l’s; ainsi ils ne disent point θelâθé trois, mais telâté.
IIo La sixième lettre ح est une pure aspiration sèche, un véritable h plus dur que le nôtre. Je ne connais en Europe de comparaison à lui donner que la manière dont les Florentins prononcent le c devant a, o, u: car ils ne disent pas casa, core, cavallo; mais avec une aspiration forte et sèche, hasa, hore, havallo; ils rendent réellement le ح (hā) arabe.
IIIo La septième lettre خ dont la figure ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle porte un point, est le jota des Espagnols, ch des Allemands (buch, un livre); c’est encore le χ des Grecs. Pour la prononcer il faut supposer que l’on veut cracher: dans cette position, la luette touche légèrement le voile du palais, et il en résulte une consonne que l’on n’imite bien qu’en l’entendant.
IVo La neuvième ذ lettre est le th doux des Anglais dans les mots those, there, that. Nul autre peuple ne l’usite en Europe: parmi les Arabes même, plusieurs pays ne l’usitent pas; l’Égypte et la Syrie la remplacent par d et par z.
Vo La quatorzième lettre ص est un véritable s, avec cette différence qu’il veut, pour être prononcé, un gonflement de gorge qui lui donne un ton dur et emphatique.
VIo La quinzième ض est un d prononcé avec la même emphase de dureté.
VIIo La seizième ط est un t également dur et emphatique.
VIIIo La dix-septième ظ est un z pareillement dur et emphatique.
IXo La dix-huitième ع est un véritable à prononcé de la gorge, à la florentine: il faut l’avoir entendu pour le bien concevoir.
Xo La dix-neuvième غ est tout simplement l’r grasseyé à la manière des Provençaux ou des Parisiens.
XIo Enfin, la vingt-unième ق a dans sa formation quelqu’analogie avec le jota espagnol ou arabe; car elle se prononce aussi avec la luette et le voile du palais; seulement elle exige un contact complet: il faut l’entendre pour la concevoir; nul peuple d’Europe ne la connaît. Chez les Arabes bédouins, et dans la haute Égypte on la prononce ga, go, gou; à Damas, on la supprime brusquement, ce qui produit un hiatus ou bégaiement fort désagréable à l’oreille: nos Européens la prononcent défectueusement, ca, co, etc.; mais alors même il y a de cette lettre à la suivante ك cette différence, que cette dernière est toujours prononcée comme un k mouillé, c’est-à-dire comme un k suivi d’i, ce qui s’opère en couchant la langue contre le palais: on dit kia, kè, ki, kio, etc.[115]; tandis que dans l’autre, ق, la langue ne touche que par sa racine le voile du palais, et que l’on prononce d’une manière sèche et rude qa, qo, qou, presque comme dans quoique[116].
[115] Cette différence est très-marquée dans les mots qalb, cœur, et kalb, chien: pour peu que l’on s’écarte de la juste prononciation, on commet une équivoque risible, comme ce prédicateur, qui disait: élevez votre chien à Dieu, pour dire élevez votre cœur.
[116] Nous ne parlons point du lamalef ﻻ, dont quelques-uns font une vingt-neuvième lettre, mais qui n’est que la réunion de l’a et de l’l.
A l’égard des dix-sept prononciations semblables aux nôtres, nous observerons que la cinquième lettre djé, se prononce diversement, selon les pays: en Égypte, on dit ga, gué, gui, etc.; en Barbarie, en Syrie et dans l’Arabie propre, l’on dit dja, djé, dji, etc.
De même le ك kef, se prononce chez les Bédouins comme le cz des Russes et des Polonais, c’est-à-dire presque comme notre tché, quoique plus doux: ainsi les Bédouins ne disent pas, comme les Égyptiens et les Syriens, kelb, un chien, mais tchelb ou tsielb.
Il nous reste à remarquer que sur ces vingt-huit lettres, quatre sont de véritables voyelles, savoir: a, i, ou et a guttural, ou ăïn; mais de plus, les Arabes emploient dans leur écriture d’autres signes qui, pour n’être pas compris dans l’alfabet, n’en sont pas moins des caractères alfabétiques, de véritables lettres voyelles, ainsi que nous allons le démontrer.
Et tels sont d’abord les trois signes appelés motions ou points-voyelles figurés َ , ِ , ُ ; ces signes, il est vrai, n’existent jamais seuls, et ils ne se montrent que comme des parasites, toujours attachés à d’autres lettres consonnes ou voyelles dont ils déterminent et modifient la prononciation, comme dans cet exemple بَ ba, بِ bi, bo بُ; mais si d’un côté ils n’existent que par d’autres lettres, il est certain d’une part que ces lettres, surtout les consonnes, ne peuvent se proférer sans eux, au point que l’absence des points-voyelles cause des équivoques qui ne se résolvent qu’en les retraçant. Rendons ceci plus sensible par la répétition de l’exemple déjà cité dans le discours préliminaire; nous y avons vu que les trois lettres k, t, b, forment un mot arabe écrit ainsi کتب: composé, comme il l’est, de trois consonnes, l’on ne peut le prononcer, il veut des voyelles; or, selon les signes-voyelles qu’on lui ajoutera, il prendra des sens différens ainsi qu’on le voit dans les mots suivans:
| کَتَب | katab, | il a écrit; |
| کُتِب | koteb, | il a été écrit; |
| کُتُب | kotob, | des livres; |
| کَتّب | kattab, | il a fait écrire: |
tous sens divers, déterminés seulement par les voyelles supplétives et sur-ajoutées, d’où il résulte plusieurs considérations remarquables.
Le première est que l’écriture arabe, telle qu’elle se pratique, c’est-à-dire, sans les points-voyelles, ne présente réellement que la moitié des mots; que leur squelette, auquel il faut ajouter les ligamens et les muscles; et cette addition de ce qui manque, en fait une divination perpétuelle qui constitue sa difficulté.
La seconde est que lorsque cette écriture est armée de tous ses signes et points accessoires, on peut dire qu’elle est écrite sur deux et même sur trois lignes, l’une composée des caractères majeurs et alfabétiques, et les deux autres composées des signes mineurs ou additionnels.
Or, comme cette distinction d’élémens qui sont réellement de même nature, est non-seulement inutile, mais encore défectueuse, ainsi qu’on le voit; il est bien plus simple de les faire tous rentrer dans une même ligne, et de rendre l’écriture une et complète[117].
[117] Il résulte encore de là que cette écriture est purement syllabique, et si l’on en recherche la raison, on la trouvera sans doute dans la définition que nous avons donnée de la consonne. Il paraît que les premiers grammairiens ayant remarqué comme nous, que la consonne emportait nécessairement avec elle sa voyelle, ils n’en firent qu’un tout, et qu’ils se contentèrent de peindre un seul signe représentatif des deux élémens.
La troisième est que les trois points-voyelles ont précisément le même son que les trois grandes voyelles de l’alfabet a, ï, ou, avec cette différence qu’ils ont brève la valeur que les grandes voyelles ont longue; ce qui est constaté 1o par l’oreille; car pour quiconque a écouté parler les Arabes et analysé leur système de prononciation, il est démontré que le premier point-voyelle appelé fatha َ a le son d’a bref; le second appelé kesré ِ a le son d’i bref, et le plus souvent d’é; et que le troisième appelé domma ُ a le son d’o et d’ou brefs; 2o par la figure même de ces trois points-voyelles; car il est évident à l’œil attentif que le domma ُ n’est que le diminutif de و, le fatha َ celui d’alef ا, et même le kesré ِ celui de l’ïé souvent rendu par ces traits non ponctués ﯩ د ی.
Il résulte de là que la langue arabe nous présente déjà au moins sept voyelles très-caractérisées, savoir, quatre lettres alfabétiques ou majeures:
| ا | â | longs, | |
| ی | ï | ||
| و | ou | ||
| ع | a | guttural; | |
et trois supplémentaires ou mineures:
| َ | a | bref, |
| ِ | i | bref, |
| ُ | o | bref. |
Et il est remarquable que cette distinction de longues et de brèves est très-sentie dans la prosodie et dans la cadence des vers arabes; ce qui établit un rapport sensible avec les voyelles longues et les voyelles brèves des Latins et des Grecs, qui, comme l’on sait, reçurent leurs alfabets de l’Asie, et qui ont conservé aux lettres un ordre et une dénomination très-rapprochés de l’arabe[118].
[118] L’alfabet grec est évidemment modelé sur le syriaque à vingt-deux lettres, dont les Arabes ont pris, comme l’on sait, jusqu’à la figure, et auquel ils ont ajouté quelques lettres très-faciles à reconnaître, puisqu’il n’ont fait qu’ajouter des points à celles qui existaient. Il est d’ailleurs remarquable que les Grecs ont aussi précisément sept voyelles, et qu’ils semblent avoir fait une opération analogue à celle que j’exécute aujourd’hui, en faisant rentrer tout ce qui était sous-entendu ou tracé dehors.
Mais ce n’est pas tout: ces mêmes points-voyelles appliqués aux voyelles majeures de l’alfabet, les modifient encore de manière qu’il en résulte de nouvelles voyelles, distinctes des unes et des autres, et formées à la manière de nos diphthongues: c’est ce que va rendre sensible le tableau suivant.
| EXEMPLE. | ||
|---|---|---|
| 1 | اَ vaut | â. |
| 2 | اِ | é. |
| 3 | اُ | o. |
| 4 | یَ | ai ou ê. |
| 5 | یِ | î. |
| 6 | یُ | incompatible. |
| 7 | وَ | aû ou ô. |
| 8 | وِ | incompatible. |
| 9 | وُ | oû. |
| 10 | عَ | ả guttural. |
| 11 | عِ | è guttural. |
| 12 | عُ | o ou eû guttural. |
Ce tableau analysé nous fournit cinq nouvelles voyelles, savoir:
| Le no 2 | اِ | â combiné avec i, que les Arabes prononcent exactement é. |
| 4 | ىَ | a bref avec i, faisant ai ou ê, comme dans le français. |
| 7 | وَ | a bref devant ou faisant ô long, précisément comme au français. |
| 11 | عِ | ảïn avec i bref faisant è guttural ouvert et aigu. |
| 12 | عُ | ảïn avec ou bref faisant o ou eu guttural. |
Enfin, il faudrait aussi compter pour voyelle distincte le no 3, اُ â avec ou bref faisant o moyen; mais comme le domma lui-même se prononce o, il devient inutile de multiplier les êtres.
Maintenant si nous comptons les voyelles arabes au total, nous en trouverons effectivement douze, comme on peut le voir au tableau ci-après. (Voyez le tableau, no 2.)
A quoi il faut joindre les trois nunnations ou nasalemens, on ٌ , an ً , en ٍ ; terminaisons fréquentes des mots dans l’arabe littéral; ce qui présente, comme l’on voit, un canon alfabétique bien plus étendu qu’on n’a voulu le croire jusqu’à ce jour.
Or si, comme il est vrai, la perfection d’un alfabet consiste à offrir la liste complète de toutes les prononciations d’une langue, et à peindre chaque voyelle ou consonne d’un signe propre et distinct, simple et indivisible comme elle, il est évident que l’alfabet actuel des Arabes n’est pas moins défectueux que la plupart de nos alfabets d’Europe; qu’il se ressent comme eux de l’inexpérience des siècles où il fut composé[119], et que c’est rendre un vrai service à la science et à la communication des peuples que de le ramener à un état de précision et de simplicité qui débarrasse la langue de ses difficultés accessoires: c’est ce que j’ai exécuté dans le tableau ci-joint, dont je vais donner l’analyse. Tous les signes de l’écriture arabe s’y trouvent rassemblés; tous y reçoivent un équivalent en caractères européens déjà existans ou de convention; ils y sont tellement combinés qu’ils forment un système d’écriture homogène et régulier avec lequel l’arabe, le persan, le turk, et toutes les langues peuvent s’écrire comme on les parle. Dans la description des lettres, je n’ai point suivi la routine accoutumée qui mêle indistinctement les voyelles, les consonnes, les aspirations: je procède par un ordre méthodique fondé sur la nature des prononciations; et, les considérant relativement aux organes dont elles émanent, je les classe par familles d’espèces semblables, ainsi que le tableau va l’expliquer clairement.
[119] La bonne composition d’un alfabet est un ouvrage plus abstrait, plus difficile qu’on ne le pense communément; ce n’est, pour ainsi dire qu’en ces derniers temps que l’on en a bien conçu le mécanisme: ceux de toutes les langues d’Europe sont à refaire, particulièrement ceux des langues anglaise et française, dont l’incohérence et la barbarie sont dignes des siècles qui les ont vu naître.
Voyez le tableau général ci-contre (no 2), et suivez attentivement le renvoi de chaque numéro à chaque lettre: l’intelligence de tout cet ouvrage dépend entièrement de celle de ce tableau.
ALFABET ARABE,
TRANSPOSÉ EN CARACTÈRES EUROPÉENS,
A L’USAGE DES VOYAGEURS ET NÉGOCIANS EN ASIE ET EN AFRIQUE.
| NOMBRE. | LETTRES ARABES. | LETTRES EUROPÉENNES. |
VALEUR DES LETTRES. |
EXEMPLES. | OBSERVATIONS. | ||||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| V O Y E L L E S. |
I. | 1 | ا اَ | 1 â, | â ouvert ou long | comme dans bleuâtre. | Les six figures no 1er se prononcent toutes â long, et doivent se peindre par cette lettre mais, pour conserver leur distinction, il convient de leur attacher des signes propres, comme ä pour ىَ; | ||||
| 2 | آ اُ | 2 a’, | |||||||||
| 3 | ىَ | 3 ä, | |||||||||
| II. | đarab il a frappé, |
ضَرَب | (َ ) | a | a bref | parasol. | |||||
| III. | eđreb frappe, |
اِضْرِب | اِ (ِ ) | é | e moyen | espérance. | |||||
| IV. | ommo mère, |
اُمُّ | اُ (ُ ) | o | o moyen ou bref | obole. | EXEMPLE. ramä رَمىَ il a jeté. |
||||
| V. | bait maison, |
بَیٺ | یَ | ai | ai ou ê | maître. | |||||
| VI. | یِ | î ou ï | î long | île (en mer). | Cette figure no VII, la même que dans le no III, ne doit se rendre par i que dans les terminaisons grammaticales. | ||||||
| VII. | (ِ ) | i | i bref | fini. | |||||||
| VIII. | sωq marché, |
سوُق | وُ | ω | oû français | voûte. | EXEMPLE. b’esmi allâhi, au nom de Dieu, بِسْمِ ٱللَّهِ |
||||
| IX. | ʆῶt la voix, |
صوَت | وَ | ῶ | ô profond | môle. | |||||
| X. | ảdl justice, |
عَدْل | عَ | ả | à du fond de la gorge | A la fin des mots ة prend souvent deux points,
et se prononce at et et. Il devra s’accentuer àt, afin de le distinguer de ات qui s’écrira toujours avec le romain ât. |
|||||
| XI. | ĕlm science, |
عِلمْ | ع | ĕ | è de même | ||||||
| XII. | ỏrđ honneur, |
عُرضْ | عُ | ỏ | ò et eù de même | ||||||
| A S P I R A T I O N S. |
I. | hω lui, |
هُو | ه | h | h français | honte. | ||||
| II. | ɦorriàt liberté, |
حُرّيَة | خ | ɦ | h très-dur | DÉNOMINATION. |
|||||
| C O N S O N N E S. |
I. | Labiales | م | m | ma. | Les Arabes n’ont point le v, qu’il faut appeler va, et qui est la mineure de fi, comme m du bé, et bé du pé. | |||||
| II. | ب | b | bé. | ||||||||
| III. | Labiodentale | ف | f | fi. | |||||||
| IV. | Dentales douces | د | d | da. | |||||||
| V. | ض | đ | đ dur | đo. | |||||||
| VI. | Dentales dures | ت | t | ta. | |||||||
| VII. | ط | ȶ | ȶ dur | ȶo. | |||||||
| VIII. | Zedantes douces | ذ | ȥ | th anglais doux (those). | ȥal. | ||||||
| IX. | ث | θ | th anglais dur (think) | θêta grec. | |||||||
| X. | Zedantes dures | ز | z | z | zed. | ||||||
| XI. | ظ | ʓ | ʓ dur | ʓo. | |||||||
| XII. | Sifflantes | س | s | s | sa. | ||||||
| XIII. | ص | ʆ | ʆ dur | ʆo. | |||||||
| XIV. | Chuchotantes | ج | đj | đja. | |||||||
| XV. | ش | ῳ | ch français, sh anglais | ch. | |||||||
| XVI. | Linguales | ر | r | r | ra. | ||||||
| XVII. | ل | l | l | lé. | |||||||
| XVIII. | ن | n | n | no. | |||||||
| IX. | Glottales | غ | γ gamma grec | r grasseyé | γamma. | ||||||
| XX. | خ | χ jota espagnol | χota. | ||||||||
| XXI. | ق | q ou ga | qâf. | ||||||||
| XXII. | Palatiale | ك | k | k | ké. | ||||||
| Total. | 36. | ( ٌ on), ( ً an), ( ٍ en). | |||||||||
| Page 219. | No 2. |
ANALYSE DU TABLEAU.
a long.
Le no 1er offre sous plusieurs formes un même â ouvert ou long[120], tel que nous le prononçons dans âtre (du foyer), noirâtre.
[120] En Syrie, surtout à Alep, on prononce volontiers cet a en ê; et dans quelques endroits, tels que le canton de Sidnaïa, on le prononce ô; mais ce sont des prononciations vicieuses.
Je n’ai donné à l’a qui leur correspond ces trois modifications, a, a’, ä, que pour indiquer les formes diverses de l’alef arabe. La plus remarquable, ä, sera toujours affectée à l’ىَ.
EXEMPLE.
رَمىَ ramä, il a jeté. مَلىَ malä, il a rempli.
En général, cet a représentant l’alef dans toutes ses modifications, doit être et sera toujours peint dans mon système par l’a romain, tandis que le fatha َ ou a bref, no II, sera toujours peint par l’a italique; ce qui conservera même dans l’alfabet transposé la distinction de l’a radical avec l’a motion.
Il est à remarquer qu’à la fin des mots féminins le ه se prononce aussi a, et qu’avec deux points ۃ il se prononce at, ce qui arrive surtout quand le mot suivant commence par une voyelle.
EXEMPLE.
marràt ωâħedàt, une fois seule: cet a sera peint par àt italique accentué en à pour le distinguer des terminaisons d’une autre espèce.
e.
Le no III est notre e moyen, comme dans espérer: il est formé de deux manières en arabe, tantôt par اِ, tantôt par kesré seul ِ : le son est exactement le même en arabe qu’en français; mais pour en distinguer la source, je peindrai toujours اِ par e romain, et le kesré par e italique. D’ailleurs il faut remarquer une fois pour toutes que jamais le kesré ِ n’a lieu que dans le corps des mots, et que quand ils commencent par E, c’est toujours اِ.
EXEMPLE.
- ektob, écris, اِکْٺُبْ
- ermi, jette, اِرْمىِ
o.
Le no IV a également le son d’o sous deux formes: la première اُ a lieu surtout au commencement des mots.
EXEMPLE.
- omm, mère, اُمّْ
- omam, nations, اُمام
- onʓor, regardes, اُنْظُرْ
La seconde ُ n’a jamais lieu au commencement, mais seulement après d’autres lettres. Par exemple, ʓor dans onʓor; قُبرُس qobros, l’île de Cypre.
Ces figures sont quelquefois prononcées eu, e, et ou bref, selon les divers peuples. Par exemple, les Alépins disent eumm, mère; les Turks même les prononcent u; mais il suffit de savoir que o représente اُ et ُ , pour lui donner ensuite la valeur usitée dans le pays.
ai ou ê.
Le no V est absolument notre aî français dans maître, le même que ê ouvert dans être, fenêtre. J’avoue que c’est un défaut de représenter ce son par les deux lettres ai; mais il en résulte un avantage précieux, en ce que très-souvent un nombre singulier en ai ne fait que retourner au pluriel la diphthongue, et se prononce en ia.
EXEMPLE.
dair, maison; diâr, les maisons: bair, puits; biâr, les puits. Dans tous les cas, l’i radical se remontre d’une manière ou d’une autre.
EXEMPLE.
bait, maison; biωt, plusieurs maisons; ῳaix, vieillard; ῳîωx, les vieillards: et cet avantage ne se trouverait pas dans la lettre é.
i long.
Le no VI est notre î bien appuyé, bien senti: il sera toujours peint ï ou î.
i bref.
Le no VII est une seconde fois le kesré ِ , avec cette différence que, prononcé é dans le corps des mots de l’arabe vulgaire, il se prononce i dans l’arabe littéral ou savant, surtout dans les terminaisons grammaticales; en conséquence, je distinguerai toujours cet état par l’i italique, qui évitera toute confusion avec l’i romain affecté pour l’i radical.
ω.
Le no VIII est notre son voyelle ou. Ce son étant simple, indivisible, c’est un défaut de le peindre par deux lettres; je leur substitue donc le double w des Anglais, sous une forme commode à écrire ω.
ῶ ô ouvert.
Le no IX est notre son voyelle ô ouvert, le même que au dans pauvre: il est à remarquer que l’arabe le forme de la même manière que nous par la réunion d’a et d’ou. Je l’ai représenté par ῶ surmonté d’un petit a, parce que cette diphthongue se renverse comme la précédente.
EXEMPLE.
ʆaωȶ, la voix; aʆωaȶ, les voix: zaωđj, le mari; zωađjàȶ, les maris.
ả a guttural.
Le no X représente l’à guttural pur et simple.
ĕ è guttural.
Le no XI est l’è guttural, qui a lieu surtout à la fin des mots.
EXEMPLE.
qâȶĕ, tranchant.
ỏ ò guttural.
Enfin le no XII est un son guttural, prononcé tantôt comme ò, et tantôt comme eù.
EXEMPLE.
qỏod, assieds-toi; el borqỏ (eu), voile du visage.
Ces différences dépendent de l’usage du pays; il suffit de savoir que l’ảïn affecté d’un domma ُ , est représenté par ỏ.
A ces voyelles, il faut ajouter les trois finales nasales on, en, an, qui n’introduisent aucun son nouveau, et que par cette raison nous exprimons avec des figures déjà employées; il n’en résulte pas de confusion pour on et en, en ce que nulle autre terminaison ne leur ressemble, mais an, ayant deux analogues, veut des signes distinctifs. Nous avons donc approprié la figure an italique, à ً pur et simple.
EXEMPLE.
| đarban, coup, ضَرْبً. |
| et celle de a’n à اً đarbâ’n, ضَرْباً. |
| et celle de an simple à ان, eθnan, اِثْنان |
Des Aspirations.
h doux.
Le no I est notre h dans les mots honte, Hollande; les Arabes en font une consonne qu’ils emploient ouverte ou fermée également.
EXEMPLE.
| haωâ, | l’air. |
| behi, | beau. |
| bahhah, | gaîté, amusement. |
| nahr, | ruisseau. |
| onhor, | les ruisseaux. |
Il ne faut pas prononcer béï, nâr, onor; mais bé-hi, na-hr, on-hor, en faisant bien sentir l’h, sans quoi il naîtrait mille équivoques; par exemple, nar, veut dire feu; nehar, jour; béï, en moi.
ħ dur.
Le no II est l’ħ dur, prononcé d’une manière forte: les voyageurs européens l’expriment souvent par deux hh; mais comme ils ajoutent aussi un h à plusieurs consonnes telles que đ, ch, etc., il en résulte une répétition d’h dans un même mot, qui en détruit la simplicité. La figure que nous adoptons évite ce défaut; elle est facile à peindre, et facile à distinguer du petit h par son ligament supérieur, qui dans l’écriture devra toujours être bouclé ainsi ħ, tandis que l’h mineur sera toujours un trait sec.
L’ħ dur est une des lettres arabes les plus difficiles à prononcer, surtout lorsqu’il est dans l’état de consonne fermée.
EXEMPLE.
- daħrađj, degré; aħmar, rouge.
- maħkamàt, tribunal.
Quelquefois il n’a pas même de voyelle devant lui, comme dans malħ, sel.
Alors il faut supposer qu’il y a un è, et prononcer brièvement malèħ.
Mais un maître seulement peut bien diriger ces prononciations.
Le reste des consonnes a moins de difficultés; il n’en existe point sur m, ni sur b. Les Arabes n’ont pas le p, qui est la troisième labiale, ils le trouvent trop dur et le remplacent par b; mais les Turks et les Persans l’ont et le peignent par پ.
Les Arabes manquent aussi du vé, quoique la plupart des drogmans européens veuillent prononcer ainsi le ω; mais c’est une prononciation vicieuse qu’ils imitent des Turks dont ils sont les élèves.
Le fé, qui est la consonne majeure de vé, est chez les Arabes le même que chez nous.
Il en est ainsi de toutes les lettres suivantes, lorsqu’elles n’ont pas de forme ou de signe particulier; il nous suffira d’expliquer celles qui ont de nouveaux signes.
Le no V exprime le đ dur: nous l’avons distingué du d doux, en lui attachant au sommet de la tige un ligament qui tient de l’o; ce qui convient d’autant mieux, que ce đ, dans sa prononciation, semble imprimer le son d’o à toutes les voyelles qui l’approchent.
La même observation a lieu pour les trois autres consonnes ȶ dur, no VII; ʓ dur, no XI; ʆ dur, no XIII; aussi leur attachons-nous le même signe, et dans leur dénomination les distinguons-nous par la voyelle o qui les suit et qui retrace leur caractère[121].
[121] La planche gravée indique la manière de tracer ces signes distinctifs, d’une manière courante dans l’écriture. (Voyez pl. Ire.)
Le no VIII représente le ȥal. Les Égyptiens et les Syriens lui substituent tantôt d, tantôt z, comme nous l’avons dit: il suffira de savoir que partout il sera peint par notre ȥ barré, comme l’on voit dans le tableau, sauf à le prononcer selon l’usage des lieux.
Le no IX est le θêta grec que nous adoptons sans altération comme une lettre simple et commode, sauf encore à la prononcer t ou s, à la manière des Syriens et des Égyptiens; car ils prononcent etnân pour eθnân, deux.
Le no XII est notre s, qui jamais ne doit prendre dans l’arabe le son de z que nous lui donnons dans rose, close.
Le no XIV, đj, a l’inconvénient de porter deux lettres à-la-fois, mais les Arabes les font sentir très-distinctement; et l’on ne peut employer ici le g italien, parce que devant a, o, ω, il faudrait ajouter un i; que si l’on prononçait ga, go, à la manière des Égyptiens, il faudrait ajouter u devant é et i, pour faire gué, gui, ce qui romprait la simplicité que l’on doit se proposer. Nous avons remédié à cet inconvénient par la forme liée de la lettre đj qu’il faut prononcer dgé.
Le no XV est une lettre nouvelle pour peindre notre consonne ch. Chez tous les peuples d’Europe cette consonne a le double défaut d’être peinte par des lettres multiples et diverses. Les Anglais la peignent par sh; les Allemands par sch; les Polonais par sz; les Italiens par sci; nous par ch; et cela par la raison que les Grecs et les Romains n’ayant point cette consonne, les Barbares du Nord qui leur ont succédé n’ont pas eu l’art d’ajouter une lettre à leur alfabet. Il eût été à désirer que l’on pût adopter le ش arabe, mais dans notre écriture à la main il se confondrait avec l’m. Nous avons donc préféré d’imaginer un signe nouveau, et celui que nous adoptons a le double mérite de conserver des rapports avec la lettre arabe, et même avec le ja qui est sa consonne mineure, puisque le ῳ est composé du jambage j dans son milieu, avec seulement deux ailes latérales: pour le bien former dans l’écriture, voyez la planche no Ier.
Nous n’avons pas la même peine pour l’r grasséyé, no XXI, parce que le γ des Grecs l’exprime exactement; car les Grecs ne prononcent pas gamma, mais ramma, en grasséyant l’r.
Pour le no XX, nous adoptons le χ grec qui ne doit pas se prononcer iks; mais comme le jota espagnol et le ch allemand: lorsque la prononciation ks se trouvera en arabe, nous la peindrons par ks, qui est un signe composé et divisible comme elle.
EXEMPLE.
Maksωr brisé, venant de kasar briser, où l’on voit k, s, divisés.
Nous n’ajouterons rien à ce que nous avons dit sur q, sinon qu’il ne prendra jamais d’u à sa suite, et qu’il s’écrira qa, qé, qi, etc.
Nous n’avons rien à ajouter non plus à ce que nous avons dit de k.
Tel est notre système d’écriture dont l’usage démontrera une foule d’avantages précieux de facilité et de simplicité; il a entre autres le mérite de rendre nuls cinq signes usités dans l’arabe, dont les règles sont on ne peut plus embarrassantes. Le premier est le đjam ْ ou signe du repos d’une consonne, c’est-à-dire qui désigne qu’elle est fermée ou sans voyelle après elle.
EXEMPLE.
ضَربْ đarb, un coup; et non pas ضَرَب đarab, il a frappé.
Ce signe devient nul par la nature même de notre écriture européenne.
Le second est le taῳdîd ّ qui désigne que la lettre est redoublée.
EXEMPLE.
- đarrab, il a fait frapper, ضَرَّب;
- kattab, il a fait écrire, کَتَّب.
Ce signe devient également nul, puisque toute lettre prononcée est écrite.
Le troisième est le hamza ٔ qui avertit qu’il y a un a absent, ou changé en une autre lettre.
EXEMPLE.
- سؤ sωٔ pour sωa mal.
- مأ mâٔ pour maa l’eau.
- شَٸ ῳaiٔ pour ῳaïa chose.
- إن en, si.
- أن an, que.
Ce signe est encore nul, soit parce que nous écrivons les lettres absentes, soit parce que nous appliquerons à sa place une virgule qui indiquera une élision.
Le quatrième est le madda ٓ ou extenseur de l’alef final, qui se place devant le hamza, et ce signe est entièrement inutile.
Enfin le cinquième est le ωesla ٱ , aussi exclusivement attaché à l’alef initial, pour indiquer qu’il disparaît par la lettre qui termine le mot antécédent.
EXEMPLE.
- ٱلسَّمأَ عُمْقُ, ỏmqo al samâi;
prononcez: ỏmq os’ sama-i, la profondeur du ciel.
Nous remarquerons plusieurs règles dans cette phrase; 1o l’effet du ωesla qui indique de prononcer o’l au lieu de al; 2o l’effet du hamza sur samâ; 3o l’effet du taῳdid qui indique de redoubler l’s et de dire ossama, au lieu de ol sama; mais toutes ces règles si embarrassantes dans l’arabe, disparaissent dans notre méthode. Nous laisserons donc à part tous ces signes minutieux et embarrassans; et supprimant ainsi, à l’avantage des novices, plus d’un quart de la grammaire d’Erpenius, nous allons produire la langue arabe dans toute sa simplicité et sa pureté.
CHAPITRE II.
§ Ier.
Du Nom.
En arabe comme en français, le discours est composé de trois parties principales, 1o le nom (de l’agent), 2o celui de l’action ou le verbe, et 3o les particules qui lient l’agent à l’action, c’est-à-dire le nom au verbe.
Dans le nom, l’on distingue, 1o l’article; 2o le cas; 3o le genre; 4o le nombre.
Rien n’est plus simple que la déclinaison du nom dans l’arabe vulgaire; il est le même à tous les cas qui ne se distinguent que par les particules, ou par le sens de la phrase.
EXEMPLE.
| Nom. | al samak | le poisson. |
| Gén. | al samak | du poisson. |
| Dat. | l’al samak | au poisson. |
| Acc. | al samak | le poisson. |
| Voc. | ïâ samak | ô poisson. |
| Abl. | men al samak, | du ou par le poisson. |
On voit par cet exemple, 1o que l’article al est indéclinable, et qu’il répond à tous nos articles le, la, de, du, même aux pluriels les, des, tant au féminin qu’au masculin.
2o Que le nom ne change pas de forme, et qu’il reste le même dans tous les cas; il en résulte l’inconvénient de ne pas distinguer facilement le génitif du nominatif ou de l’accusatif: mais il est convenu en arabe que quand deux noms se suivent et que le premier manque de l’article al, il gouverne le second au génitif.
EXEMPLE.
| râs | al samak, | la tête du poisson. |
| sari | al markab, | le mât du vaisseau. |
Lorsque c’est un nom propre, l’article al est lui-même supprimé.
| bait zaid, | la maison de Zaid. |
| mandîl fâtmat, ou fâtmé, | le mouchoir de Fâtmé. |
Voilà pour l’arabe vulgaire, à quoi il faut ajouter que par corruption l’on prononce el au lieu d’al dans l’Égypte et dans la Syrie, où le changement d’â en é a lieu dans une infinité de cas.
Remarquons de plus que l’l dans al se perd devant treize consonnes de l’alfabet, appelées solaires, qui sont[122]:
d, đ, t, ȶ, θ, z, ȥ, ʓ, s, ʆ, ῳ, r, n, et qu’à sa place on double ces lettres pour l’agrément de la prononciation; ainsi l’on prononce es’samak, et non el samak; en’nabi, le prophète, et non el nabi; eʓʓolm, la tyrannie, et non el ʓolm: mais c’est à l’usage d’enseigner cela, et non à l’écriture de le tracer, et les signes imaginés par les grammairiens pour diriger cette manière d’écrire, sont aussi ridicules que si chez nous l’on écrivait ces mots, ils ont écrit à Rome, de cette manière: il zon t’écri t’à Rome.
[122] Appelez-les selon le canon alfabétique, da, đo, ta, ȶo, θêta, ȥal, etc.
Quant à l’arabe littéral, connu sous le nom de naħωi, l’équivoque des cas n’y a pas lieu, parce qu’ils y sont distingués par des finales ajoutées au corps du mot, comme en grec os, ωn, et en latin us, a, um.
EXEMPLE.
| Nom. | al nahr-o | le ruisseau. |
| Gén. | al nahr-i | du ruisseau. |
| Dat. | l’al nahr-i | au ruisseau. |
| Acc. | al nahr-a | le ruisseau. |
| Voc. | ïa nahr-a | ô ruisseau. |
| Abl. | men al nahr-i | du ou par le ruisseau. |
L’on voit par cet exemple que l’o appartient au nominatif; l’i aux génitif, datif, ablatif; et l’a aux accusatif et vocatif; et cela tant au singulier qu’au pluriel, et tant au féminin qu’au masculin.
Si le nom est un nom propre, ou qu’il soit privé de l’article al, il ne prend plus pour finales o, i, a, mais les nasales on, en, an, le vocatif seul excepté.
EXEMPLE.
| Nom. | Moħammad-on | Mahomet. |
| Gén. | Moħammad-en | de Mahomet. |
| Dat. | l’Moħammad-en | à Mahomet. |
| Acc. | Moħammad-an | Mahomet. |
| Voc. | ïa Moħammad-o[123] | ô Mahomet. |
| Abl. | men Moħammad-en | par Mahomet. |
| Nom. | nahâr-on | jour. |
| Gén. | nahâr-en | de jour. |
| Dat. | l’nahâr-en | à jour. |
| Acc. | nahâr-en | jour. |
| Voc. | ïâ nahâr-a | ô jour. |
| Abl. | men nahâr-en | par jour. |
[123] Dans les noms propres, le vocatif prend o, comme le nominatif des substantifs.
Si le nom propre se terminait par lui-même en an, il ne faudrait plus lui appliquer les nasales, mais bien les lettres o, i, a.
EXEMPLE.
| Nom. | ỏθmân-o | Otman. |
| Gén. | ỏθmân-i | d’Otman. |
| Dat. | l’ỏθmân-i | à Otman. |
| Acc. | ỏθmân-a | Otman. |
| Voc. | ïa ỏθmân-o | ô Otman. |
| Abl. | men ỏθmân-i | par Otman. |
On voit par les exemples ci-dessus que l’on appartient au nominatif; en aux génitif, datif, ablatif, et an à l’accusatif, tant au singulier qu’au pluriel, et au féminin comme au masculin.
§ II.
Du Genre.
En arabe comme en français, il n’y a que deux genres, le masculin et le féminin; il n’y a pas de neutre.
La terminaison a et àt prononcée en arabe vulgaire é et ét, est le signe constant du féminin singulier, tant substantif qu’adjectif: au pluriel cet a bref devient ât long.
EXEMPLE.
tinât, des figues.
Il faut en excepter les deux mots χalifàt, un kalife; ảlamàt, un savant, qui sont masculins, malgré leur finale féminine.
D’autre part, les terminaisons ωn, în, ân, sont les signes des pluriels masculins; mais elles se bornent presque exclusivement aux participes actifs et passifs, et suivent, quant aux cas, la règle d’on, en, an.
EXEMPLE.
| Nom. sing. | al ʓâlem | l’opprimant. |
| Nom. plur. | al ʓâlem-ωn | les opprimans. |
| Gén. | al ʓâlem-în | des opprimans. |
| Dat. | l’al ʓâlem-în | aux opprimans. |
| Acc. | al ʓâlem-ân | les opprimans. |
| Voc. | ïa ʓâlem-an | ô opprimans. |
| Abl. | men al ʓâlem-în | des opprimans. |
PASSIF SINGULIER.
al ou el maʓlωm l’opprimé.
PLURIEL.
| Nom. | el maʓlωm-ωn | les opprimés. |
| Gén. | el maʓlωm-în | des opprimés. |
| Dat. | l’el maʓlωm-în | aux opprimés. |
| Acc. | el maʓlωm-ân | les opprimés. |
| Voc. | ïa maʓlωm-an | ô opprimés. |
| Abl. | men el maʓlωm-în | des ou par les oppr. |
Avec les finales àt et ât on fera
SINGULIER FÉMININ.
| Nom. | el ʓâlem-àto | l’opprimante. |
| Gén. | el ʓâlem-àti | de l’opprimante. |
| Acc. | el ʓâlem-àta | l’opprimante, etc. |
PLURIEL.
| Nom. | el ʓâlem-âto | les opprimantes. |
| Gén. | el ʓâlem-âti | des opprimantes. |
| Acc. | el ʓâlem-âta | les opprimantes, etc. |
PASSIF SINGULIER.
| Nom. | el maʓlωm-àto | l’opprimée. |
| Gén. | el maʓlωm-àti | de l’opprimée. |
| Acc. | el maʓlωm-àta | l’opprimée, etc. |
PLURIEL.
| Nom. | el maʓlωm-ât | les opprimées. |
| Gén. | el maʓlωm-ât | des opprimées. |
| Acc. | el maʓlωm-ât | les opprimées, etc. |
Voilà les seuls signes auxquels on reconnaisse les masculins et les féminins; mais il s’en faut beaucoup que ces signes soient généraux: au contraire, la presque totalité des noms substantifs en est privée, et l’on n’en peut distinguer le genre par la forme qui, comme en français, est indistinctement commune aux uns et aux autres: l’usage seul peut les faire connaître, et c’est là une des difficultés de la langue arabe; difficulté d’autant plus grande, que le substantif étant équivoque, l’adjectif qu’il gouverne ne peut l’être, et doit se montrer masculin ou féminin.
En général, les noms de femmes, de pays, de villes, d’élémens sont féminins.
EXEMPLE.
| mariam | Marie. | meʆr | l’Égypte. |
| el ârđ | la terre. | ῳâm | la Syrie. |
| el samâ | le ciel. | qobros | Cypre. |
| el mâ’ | l’eau. | ħalab | Alep, ville. |
| el nâr | le feu. | boγdâd | Bagdad. |
| el haωâ | l’air. | baʆrâ | Basra. |
| el rîħ | le vent. | ʆωr | Tyr. |
| el ῳams | le soleil. | tedmωr | Palmyre. |
| el qamar[124] | la lune. | etc. |
[124] Plus souvent masculin que féminin.
Sont aussi féminins les membres pairs:
| el ïad | la main. |
| el ảïn | l’œil. |
| el aȥn | l’oreille, etc. |
Et quelques mots en ä; tels que ȥekrä, souvenir; oωlä, première; ȶωlä, plus longue;
Et d’autres en â; kobriâ, l’orgueil; maῳiωχâ, sénat; ħamrâ (chose), rouge.
Souvent il est permis de rendre féminin un nom masculin, surtout quand il est susceptible d’être de l’un ou de l’autre sexe.
EXEMPLE.
| đjadd | aïeul, | đjadd-àt | aïeule. |
| ảmm | oncle, | ảmm-àt | tante. |
Cela se pratique généralement pour les adjectifs.
EXEMPLE.
| kabîr | grand, | kabîr-àt | grande. |
| ʆaγîr | petit, | ʆaγîr-àt | petite. |
| nađîf | net, | nađîf-àt | nette. |
| ảȥîm | très-grand, | ảʓîm-àt | très-grande, etc. |
Si l’on prononce comme le vulgaire, kabîr-é, ʆaγîr-é, nađif-é, on voit que cette forme ressemble à celle du français, où l’e final rend féminins les adjectifs masculins, grand-e, fort-e, petit-e, etc.
Que si les adjectifs commencent par un a, cet a passe à la fin du mot pour le genre féminin.
EXEMPLE.
| aʆfar | jaune, masc. | ʆafrâ, fém. |
| ahdab | à longs cils, | hadabâ. |
| aħmar | rouge, | ħamrâ. |
| abiađ | blanc, | baiđâ. |
Cette règle a spécialement lieu pour les comparatifs qui tous se forment par l’a initial, avec la seule différence que l’ä porte deux points.
EXEMPLE.
| aȶωal | plus long, | ȶωlä | plus longue. |
| akbar | plus grand, | kobrâ | plus grande. |
Quelquefois la terminaison at s’ajoute à un nom masculin, et alors il exprime spécialement l’unité.
EXEMPLE.
| tebn, | de la paille, | tebnat, | une seule paille. |
| ȥahab, | de l’or, | ȥahab-at, | un peu d’or. |
| đarb, | coup, | đarb-at, | une tape, etc. |
Une bizarrerie de la langue est que quelquefois un nom singulier en at prend au pluriel une terminaison en apparence masculine, sans cesser d’être féminin.
EXEMPLE.
madinàt, une ville; modon, des villes; amràt, une femme; nesωân, des femmes, etc.
Enfin une dernière bizarrerie est que quoique en général l’adjectif suive le genre du substantif, cependant la plupart des objets inanimés, ou même non raisonnables, gouvernent également dans le pluriel les adjectifs au féminin singulier.
EXEMPLE.
el ảʆâfîr el ȶâïéràt, (mot à mot) les oiseaux la volante, (pour) les oiseaux volans;
el ħađjar el ʆalîđàt, les pierres la dure, (pour) les pierres dures.
Sur quoi nous remarquerons en passant, que l’article el se répète toujours devant l’adjectif, sans quoi il emporterait l’équivoque de gouverner le génitif.
§ III.
Du Nombre.
Les Arabes distinguent comme les Grecs trois espèces de nombres, le singulier, le pluriel et le duel, ou nombre deux.
Le duel n’est point usité dans l’arabe vulgaire; il a seulement lieu dans l’arabe savant ou littéral, où il est employé tant dans les noms que dans les verbes.
Sa forme dans les noms est simple; elle consiste à ajouter au nom singulier la finale ân pour le nominatif, et ain pour les génitif et accusatif, tant au masculin qu’au féminin.
EXEMPLE.
rađjol, un homme, rađjol-an, deux hommes.
Gén., acc., dat. rađjol-ain, de deux hommes.
madinat, une ville, madinat-an, deux villes.
Gén, acc., dat. madinat-ain, de deux villes.
A l’égard des singulier et pluriel, masculin et féminin, nous avons vu dans le paragraphe des genres comment ils se composent pour les participes et les adjectifs; et comment les finales ωn, în, ân, at, at forment les pluriels masculins et les féminins singuliers et pluriels. Ce sont-là en quelque sorte les seuls noms qui conservent de la régularité: quant aux noms substantifs, la presque totalité, tant masculins que féminins, ne suit aucune règle constante ni uniforme pour passer du singulier au pluriel; au contraire ils se replient de manières si diverses et si singulières, que c’est-là une des plus grandes difficultés pour les novices dans la langue.
Les grammairiens ont pris la peine d’en former vingt-deux classes; mais cette multiplicité, loin d’éclaircir le sujet, ne fait que l’embrouiller, et il vaut mieux s’en tenir à la pratique, et apprendre à mesure du besoin le pluriel de chaque mot.
Nous allons cependant donner quelques exemples qui serviront à prouver cette vérité, et à donner une idée de cette difficulté.
EXEMPLE.
| SINGULIER | PLURIEL. | |
|---|---|---|
| iaħiàt | la barbe, | ioħiân. |
| kobrâ | plus petite, | kobar. |
| ảmωd | une colonne, | ỏmωd et ảωâmid. |
| qađib | un bâton, | qođob. |
| aħmar | rouge, | ħomr. |
| qerbàt | une outre, | qerâb. |
| romaħ | une lance, | remâħ. |
| rađjol | un homme, | ređjâl, et arđjâl. |
| kảb | talon, | kảâb. |
| đjabal | montagne, | đjebâl. |
| raqabàt | le cou, | reqâb. |
| đers | grosse dent, | đorωs. |
| ῳâhed | témoin, | ῳohωd. |
| kâmel | parfait, | kamalat. |
| γâȥen | attaquant, | γoȥâàt. |
| dobb | un ours, | debâb et debâbàt. |
| zῶđj | mari, | zeωađjàt. |
| âχ | frère, | eχωàt. |
| ωađjh | face, | aωđjoh. |
| ïad | main, | aïden. |
| maȶar | pluie, | amȶâr. |
| raγîf | pain, | arγefàt et roγfân. |
| ῳamâl | nord, | ῳamâïel. |
| âđjωz | vieille, | ađjâïez. |
| tâđj | couronne, | tiđjân. |
| saqf | voûte, | soqfân. |
| ῳarif | noble, | ῳorafâ. |
| baχil | avare, | boχalâ. |
| ħabib | aimé, | aħebbâ. |
| γani | riche, | aγniâ. |
| đjariħ | blessé, | đjarħa. |
| qaȶîl | tué, | qaȶla. |
| ʆaħrâ | désert, | ʆaħara. |
| ảȥrâ | la vierge, | ảȥâra. |
| nafs | l’ame, | nofos et anfωs. |
| baħr | la mer, | bohor, ebħâr, abħor. |
| akbar | plus grand, | akâber. |
| mâ | l’eau, | miâh, amωâ. |
| fomm | la bouche, | afωâàt. |
| emràt | femme | nesâ, nesωân, nesωat. |
| ensan | homme, | anâs, et enes. |
C’en est assez pour faire sentir que l’usage seul peut apprendre la variété de ces formes; et cependant il arrive que quand on a saisi le génie de la langue on devine souvent par analogie quel pluriel doit résulter d’un singulier donné.
§ IV.
Du Comparatif et du Superlatif.
Le comparatif se forme tout simplement, en appliquant a devant l’adjectif.
EXEMPLE.
| ħasan | bon, | aħsan | meilleur. |
| ʆaγir | petit, | aʆγar | plus petit. |
| ħabib | cher, | aħabb | plus cher. |
Et le que qui suit s’exprime par men.
EXEMPLE.
Plus généreux que,
akrâm men.
Plus grand que le sultan,
aảʓam men el solȶan.
CHAPITRE III.
Des Pronoms personnels et possessifs, des Conjonctions et des Particules.
Les pronoms personnels, quand ils régissent et gouvernent la phrase, s’expriment comme il suit:
| Genre. | ||||
|---|---|---|---|---|
| Je ou moi | anâ | commun. | ||
| tu ou toi | ent | masculin. | ||
| enti | féminin. | |||
| Il ou lui | hω | masc. | ||
| Elle | hi | fém. | ||
| Nous | naħn | comm. | ||
| Vous | entom | masc. | ||
| entonn | fém. | |||
| Eux | hom | masc. | ||
| Elles | honn | fém. | ||
Dans l’arabe littéral on dit: anta, anti, hωa, hi, naɦno, antom, antonna, hom, honna.
On se sert aussi du duel dans l’arabe littéral pour les deux termes suivans:
| Vous deux, | commun; | antomâ. |
| Eux deux, | commun; | homâ. |
Mais ils sont peu usités dans le vulgaire.
Que s’ils sont gouvernés et régis par un verbe, ils s’accolent à la fin du verbe régissant dans la forme ci-après.
EXEMPLE.
| naʆar-ni | il a aidé | moi. | ||
| naʆar-ak | il a aidé | toi | masc. | |
| ek | toi | fém. | ||
| naʆar-ho | il a aidé | lui | ||
| ha | elle | |||
| naʆar-na | il a aidé | nous | comm. | |
| naʆar-kom | vous | masc. | ||
| konn | vous | fém. | ||
| naʆar-hom | eux | masc. | ||
| honn | elles | fém. | ||
AUTRE EXEMPLE.
| rïamä-k | il a jeté | toi | masc. |
| ïarmi-k | il te jette | masc. | |
| ïarmi-ki | fém. | ||
| γaȥâ-k | il a attaqué | toi | masc. |
| γaȥâ-ki | toi | fém. | |
| ïaγȥω-k | il attaque | toi | masc. |
| ïaγȥω-ki | toi | fém. | |
Par où l’on voit que le k désigne proprement le tu et le toi, et qu’il reçoit l’influence de la voyelle qui le précède.
Dans le littéral on ajoute sans cesse a final à naʆar, et à quelques-uns de ces pronoms: l’on dit, naʆara-ka, naʆara-ki, naʆara-konna, naʆara-honna.
Dans plusieurs cas l’on sépare le pronom du verbe; mais alors on interpose la particule eïâ.
EXEMPLE.
| đarab | - | eïâ-ï | il a frappé | moi | ||
| đarab | eïâ-k | toi | masc. | |||
| eïâ-ki | toi | fém. | ||||
| eïâ-ho, etc. | lui |
Les mots confirmatifs, même, moi-même, toi-même, etc., s’expriment par mon ame, ton ame, etc.
| Je m’aime moi-même, | aħebb nafs-i. j’aime mon ame. |
| Vous vous aimez vous-mêmes; | taħebbω anfos-kom. vous aimez vos ames. |
| Aimez votre prochain comme vous-mêmes; | ħebbω qarib-kom, ka-anfos-kom. comme vos ames. |
Les pronoms possessifs mon, mien, mes, ton, tien, tant masculin que féminin, et tant singulier que pluriel, s’expriment comme il suit:
| ketâb | ï | livre | mien | |||
| ak | tien | masc. | ||||
| ek | tien | fém. | ||||
| ho | son | masc. | ||||
| ha | son | fém. | ||||
| na | notre | comm. | ||||
| kom | votre | masc. | ||||
| konn | votre | fém. | ||||
| hom | leur | masc. | ||||
| honn | leur | fém. |
AU FÉMININ.
| đjaddàt | i | mon aïeule | ||
| ak | ton aïeule | masc. | ||
| ek | fém. | |||
| ho, etc. | son aïeule |
Dans l’arabe littéral on dit toujours ka, ki, kom, konna, hom, honna, avec les finales grammaticales du mot qui précède.
| ketâbo-ka. | ||
| Gén. | ketâbi-ka. | |
| Acc. | ketâba-ka. |
Pour le duel dans le littéral on suit la même marche, et l’on accole également le pronom à la suite du nom.
EXEMPLE.
| ketâbâ | ï | deux livres | mien | |||
| ka | tien | masc. | ||||
| ki | tien | fém. | ||||
| ho | sien | masc. | ||||
| ha | sien | fém. | ||||
| na | notre | |||||
| komâ | votre | commun. | ||||
| homâ | leur | commun. |
Des Pronoms démonstratifs.
Celui-ci, ȥâ ou haȥa; au Kaire, dé.
| Celle-ci | ȥeh, ȥi, ȥehi; | |
| ou tâ, teh, ti, tehi, et haȥéhé. |
| Ceux-ci et Celles-ci |
oωlâ, et haωlâ. | |
Pour exprimer l’éloigné on ajoute à la fin de ces mêmes mots la seule lettre k, et l’on dit:
| Celui-là, | ȥâk, haȥâk, et ȥalek, | |
| Celle-là, | tàk, et telk. | |
| Ceux-là | oωlâk, oωlaïek, oωlâlek, etc. | |
| Celles-là | ||
En littéral ces deux-ci:
| ȥâni et ȥaini | masc. ou | haȥâni. |
| tâni et taini | fém. | hatâni et hataini. |
| En littéral ces deux-là | ȥâneka, ȥaineka. | masc. | |
| tâneka, taineka. | fém. |
Des Pronoms relatifs.
Qui, que, lequel, laquelle.
Ces pronoms s’expriment par les mots,
ellazi ou elladi, pour le masculin singulier
ellazin ou elladin, pour le masculin pluriel,
| et par | ellati, au féminin singulier, | |
| ellâti, au féminin pluriel, |
avec cette singularité, que lorsqu’il faut leur joindre des particules telles que, avec, par, en, dans, pour, etc., on prend cette tournure, qui, ou lequel avec lui, au lieu de dire avec qui; de manière que le pronom reste indéclinable.
SINGULIER.
| Nom. | qui, lequel, | ellaȥi. |
| Gén. | de qui, duquel, dont, | ellaȥi men-ho. |
| Dat. | à qui, auquel, | ellaȥi l’ho (lequel à lui). |
| Acc. | que, lequel, | ellaȥi. |
| Abl. | duquel, de qui, | ellaȥi men-ho (lequel de lui). |
| dans qui, | ellaȥi fi-h. |
PLURIEL.
| Lesquels, qui, | ellaȥin. |
| Auxquels, pour qui, | ellaȥin l’hom (lesquels à eux). |
| Avec lesquels, | ellaȥin mả hom. |
| Dans lesquels, | ellaȥin fi hom. |
SINGULIER FÉMININ.
| Nom. | laquelle, | ellati. |
| Dat. | à qui, pour laquelle, | ellati l’ha. |
| Abl. | de laquelle, | ellati men ha. |
PLURIEL.
| Lesquelles, | ellâti. |
| Auxquelles, | ellâti, l’ha (lesquelles à elles). |
| Dans lesquelles, | ellâti, fi ha. |
Que si ces pronoms relatifs se rapportent à d’autres personnes qu’à la troisième, citée en exemple, on répète le pronom de cette personne.
EXEMPLE.
Vous que j’ai vu, ent ellaȥi rait-ak
Nous en qui votre confiance, naħn ellaȥin amân-kom b’-na.
Ainsi des autres personnes.
Quand ces pronoms qui et lequel sont interrogatifs, on les exprime par aï au masculin, tant singulier que pluriel, et par aïat au féminin singulier, et aïât au pluriel.
EXEMPLE.
De quel droit, b’aï ħaqq?
Par quels sentiers marches-tu? b’aïàt dorωb ent sâlek?
Que et qui pris au sens neutre s’expriment par ma.
Ce que j’ai dit, ma qolt.
Et l’on ajoute élégamment le pronom ho à la fin: mâ qolt-ho.
Ce qui arrive par fois, mâ ïoʆđaf.
S’ils sont interrogatifs, on se sert de la phrase quelle chose, au lieu de que; et l’on dit: aiῳ par abréviation de aï-ῳai; qu’est-il arrivé? aiῳ ʆađaf?
En arabe savant l’on dit plus élégamment: a? ma ʆađaf?
Des Particules conjonctives.
Les particules conjonctives, c’est-à-dire qui servent à lier le sens des mots dans la phrase, sont de deux sortes; les unes sont essentiellement attachées au mot; les autres peuvent s’en séparer. Nous allons d’abord traiter des premières; elles consistent dans les huit lettres suivantes:
A, b, t, s, f, k, l, ω: dont chacune a un sens complet.
A est le signe de l’interrogation; il ouvre la phrase comme pour avertir de la question:
â safar zaid? Zaid est-il parti?
â ent? est-ce toi? â fi-h? est-ce dedans?
B. b qui se prononce bé, a plusieurs sens: 1o il signifie dans; b’el bait, dans la maison, où l’on voit l’élision de son e devant une voyelle: nous n’écrirons jamais cet e, même devant les consonnes, et il sera toujours remplacé par une virgule: b’nafs-i, dans mon ame; b’-nâ, en nous.
2o Il signifie par et avec: par Dieu, b’ellah. Par le tombeau de mon père, b’torbet âb’i. Ils sont venus avec l’enfant, âtω ou đjâω b’el fatä (au lieu de dire ils l’ont amené.) J’ai écrit par ou avec la plume, katabt b’el qalam.
Il prend aussi le sens de pour et de à cause; b’doχωl-ak, pour ton entrée.
3o Par une tournure singulière d’affirmation et presque de serment on dit: moi fidèle croyant, ana b’mωmen. Dieu puissant, allah b’qađir.
4o Enfin b’ prend le sens de sur et de outre; marr b’i, il m’a passé, il a passé sur moi, outre moi.
T. t prononcé té, est un jurement qui n’a lieu que dans la forme suivante:
allah, b’ellah, t’illah, par Dieu; comme si l’on voulait décliner tout l’alfabet en attestant le nom de Dieu.
s, prononcé sa, est le signe spécial du futur: il s’ajoute en première lettre aux personnes du verbe; il attaquera, s’ïoγȥω; je partirai, s’asâfer; tu m’aideras, satanʆor-ni.
f, prononcé fa, signifie or, et commence ou soutient très-élégamment une phrase ou une période; or il mourut, fa-mât; ils mangèrent tout, fa akalω el koll.
k, prononcé ka, signifie de même, ainsi que, comme; comme un torrent, ka sîl; ainsi que la foudre, ka el ʆaảqàt.
l, prononcé lé, a plusieurs sens; 1o il signifie le datif à, pour, à cause; dis au juge, qoll l’el qâđi; je l’ai châtié pour ou à cause de son mensonge, addabt-ho l’keȥb-ho.
Avec les pronoms tu, toi, vous, etc., on le prononce en vulgaire comme il suit:
| A toi, masc. | l’ak; | à vous, | l’kom. |
| A toi, fém. | l’ek; | l’konn. | |
| A moi, | l’ï; | à nous, | l’na. |
| A lui, | l’ho; | à eux, | l’hom. |
| A elle, | l’ha; | l’honn. |
En arabe littéral on dit l’ka, l’ki, l’kom, l’konna, l’hom, l’honna.
2o Il est formule de serment; l’ellah, par Dieu, ou pour Dieu.
3o Il sert à appeler: ïâ l’moʆtafa, ô Mustapha!
4o Il assure fortement une chose; enn allah l’qađir, Dieu est puissant; enn el ensân l’meskin ωa raȥîl, l’homme est faible et misérable.
5o Enfin, joint au prétérit il le change en optatif; pour qu’il vienne! l’đjà (qu’il fût venu).
ω, prononcé ωa, prend une foule d’acceptions dans le discours arabe, quoiqu’il ne signifie littéralement que et; on l’emploie signifiant par, dans le serment suivant que les Arabes ont sans cesse à la bouche: ωallah, par Dieu.
Des Particules disjonctives.
Nous renfermons sous ce titre les adverbes, les prépositions, les conjonctions, les interjections, toutes particules formées de mots invariables.
Adverbes de lieu.
Où, en quel lieu, par interrogation, ain? et fi ain?—Dans le cours de la phrase ħaiθ, et fi, avec le pronom convenable à l’objet; le puits où il tomba, el bir ħaiθ ωaqả, (où) ellaȥi ωaqả fi-h: d’où, men ħaiθ, men ain.
Vers où, jusqu’où, elä ain, elä ħaiθ.
Où que ce soit, ħaiθmâ, ain mâ, aïï.
Ici, honâ, héné, hâhonâ.
D’ici, men honâ, ou men héné.
Là, honâk, honâlek; de là, men honâk.
Vers ici, vers là, elä honà, elä honâk.
Adverbes de temps.
Quand, lorsque: matâ, lamma.
Déjà, avec un sens affirmatif: qad: il est déjà venu: qad đja.
Jamais, qaȶ, faqaȶ, faqad, l’qad.
Ensuite, pour lors, θomm, et θommat.
Alors, ħîn, ïῶm, ħinaiȥen, ïῶmiȥen.
Puisque, sitôt que, dès que, eȥ, eȥâ, eȥma, aïan.
Après que, bảd-en, bảd-men, bảd-ma, lamma.
Après, bảd, sωf, sω, sai, saf, men bảd.
Après cela, bảd haȥa.
Avant, qabl; avant que, qabl ma, qabl-en, men qabl; avant cela, qabl haȥa.
Jusqu’à ce que, elä en, ħattä en, ħattä eȥa;
Les adverbes pour appeler, sont:
â et aïâ, pour un objet voisin.
haïa, pour un objet éloigné.
ïa, et aïoha, pour un objet masculin.
ïa aïàt-ha, pour un objet féminin.
Voici (pour le masculin), eȥ, eȥa, ha, hωȥa, hahωȥa, hanaza.
Voici (pour le féminin), hanaȥeh.
Quoi, Eh? interrogant, â, hal.
N’est-ce pas? a’ma, a-la, a’fa-la, a’lam, afalam, aω lam, aω-la.
Oui, certes, nảm, en, balä ađjal, đjîr, amîn.
Non, la, kolla (tout non), lam, ma, et lais.
Mais lais se conjugue en verbe; lais, il n’est pas, laist, tu n’es pas, laistom, vous n’êtes pas.
Nullement, lan, lan-ma.
Comment, kaif, anni; kaif ma, comment que, de quelque façon que.
Pourquoi, l’ma, l’aiῳ, l’ai-ῳai; pour quelle chose seulement, l’aiῳai faqaȶ.
Absolument tout-à-fait, b’el koll, kollian.
Plût à Dieu, puissé-je! lait, ïa lait!
Peut être, lảl, robb, robb-ma.
De même que, et comme si, k’ann, ka-ma.
Toutes fois que, tant que, koll ma.
Allons donc, or donc, eȥan, fa eȥan.
Beaucoup d’adverbes se forment de l’adjectif, en lui ajoutant la finale an.
| Bon, | ħasan; | bien, | ħasan-an. |
| Mauvais, | ῳarr; | mal, | ῳarran. |
| Avec, | mả, | ensemble, | mảan. |
| Éloigné, | bĕïđ; | de loin | bĕïđân. |
| Premier, | aωal; | premièrement, | aωalan. |
| Maintenant, | elan; | jusqu’à présent, | elä elan. |
Désormais, dorénavant, men elan.
Ou distinctif: l’un ou l’autre, aω, am, amma.
Mais, bal, laken, enn’ma.
Afin que, b’ma, l’kaï, l’kaïma.
Parce que, l’ann, bema.
De peur que, l’illa, kaila, l’kaïla.
Si conditionnel, pour le passé; lω, en, l’ain.
Sinon, ella, lωla; lωma.
Quoique, ωa en, ωa lω.
Or, fa enn, famma, enn, ennama, ann, amma pour ann-ma.