L'Alfabet européen appliqué aux langues asiatiques: OEuvres de C.-F. Volney, tome VIII
ÉLÉMENS
DE LA
GRAMMAIRE HÉBRAÏQUE.
CHAPITRE PREMIER.
Des Lettres et de leur Prononciation.
L’alfabet hébreu se compose de vingt-deux lettres radicales, dont la liste est jointe ci-contre (voyez tableaux nos I et IV).
De ces vingt-deux lettres, quatre sont voyelles, savoir: Alef, Iod, Ou et Aïn: ce sont là celles que les anciens ont appelé matres lectionis, c’est-à-dire, moyens ou guides de lecture.
Les dix-huit autres sont toutes consonnes, y compris les deux aspirations, la forte et la faible, lesquelles dans cette langue sont traitées comme consonnes.
La valeur de toutes ces lettres en prononciation européenne, est établie dans la colonne no 2 du tableau 1er chacune en regard de son type.
Dans le cours du présent opuscule, ces vingt-deux lettres grammaticales vont être constamment représentées par nos lettres capitales romaines qui leur sont accolées: de cette manière, le lecteur qui sait déjà l’hébreu, pourra sans cesse le restituer sous ses yeux par une transcription conforme au tableau.
L’hébreu, comme tous les dialectes arabes, a eu, soit dès le principe, soit avec le temps, d’autres voyelles que les quatre grandes radicales; quand les grammairiens ont voulu les faire paraître dans l’écriture, ils ont usé des procédés dont j’ai rendu compte ci-devant sous le nom de points-voyelles; et ces procédés sous une diversité apparente de formes et figures dans l’arabe, l’hébreu, le syrien, reviennent au même but, ainsi qu’on le voit dans le tableau no V, où je les présente comparés l’un à l’autre.
Il résulte de cette comparaison que, chez les uns comme chez les autres, les voyelles non représentées dans l’alfabet ont été figurées par diverses combinaisons de points et autres petits traits; et que, en résultat définitif, la totalité des voyelles nécessaires à la prononciation s’élève au nombre de treize, ainsi qu’on le voit dans mon tableau: les équivalens que je leur assigne en lettres européennes, rendront également facile leur distinction réciproque, et leur restitution en signes hébraïques. Pour y arriver plus sûrement, le lecteur remarquera que tout ce qui est essentiellement point-voyelle sera toujours figuré par des lettres italiques, que la différence de leurs formes rendra faciles à distinguer des capitales auxquelles je les associerai.
Ainsi ramené à nos formes, l’alfabet hébreu se compose réellement de dix-huit consonnes et de treize voyelles, total trente et une lettres. C’est avec cet appareil simple et clair que je prétends écrire l’hébreu avec une correction et une plénitude dont on n’a eu jusqu’à ce jour aucune idée.
CHAPITRE II.
Des Pronoms personnels, ou des Mots exprimant la Personnalité.
S’il s’agissait ici de discuter les principes scientifiques de la Grammaire en général, je serais dans l’obligation d’attaquer toute la nomenclature que nous tenons des latins, et de prouver, par exemple, l’impropriété de ces termes, pronoms personnels, pronoms relatifs, etc.; mais le but unique étant de faire connaître les formes qu’emploie la langue hébraïque, il suffit que j’en expose le canevas de la manière la plus brève et la plus simple.
Commençons par les pronoms dont le tableau se trouve régulièrement dressé ci-contre.
| SYRIAQUE. | ARABE. | HÉBREU. | |||||||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| ana | prononcé | ono | 1 | ana | 1 | ANI ou ANOKI | je ou moi. | mascul. et fémin. | |||
| Honon | 2 | naҥn | ou | naɦno | 2 | ANaҤNω ou NaҤNω | nous. | ||||
| ant | onte | 3 | ANTa | ou | (Enté) | 3 | ATaH ou ATa ou AT[A] | toi homme. | |||
| antωn | ontωn | 4 | antom | (entom) | 4 | ATeM[A] | vous hom. | ||||
| 5 | anti | (enti) | 5 | ATe | toi femme. | ||||||
| antîn | ontain | 6 | antonn | (entonn) | 6 | ATeN | vous fem. | ||||
| hω | 7 | Hω | et | hωa | 7 | HωA | lui hom. | ||||
| hi | hoï | 8 | hi | et | hîa | 8 | HÎA | elle. | |||
| henωn | et | anωn | 9 | hom | 9 | HeM ou HeMaH[A] | eux. | ||||
| henîn | et | anîn | 10 | honn | 10 | HeN ou HeNaH[A] | elles. | ||||
| [A] Les grammairiens doublent la consonne, et disent: atta, attem, hemm, hennah. | |||||||||||
En comparant les trois dialectes, le lecteur commence à voir en quoi ils se ressemblent, en quoi ils diffèrent. Leur écriture est presque la même; leur prononciation s’écarte davantage: on sent que les variantes de cette prononciation sont des altérations introduites par la classe du peuple, dans un langage primitivement homogène et régulier. Nous verrons bientôt des raisons de penser que l’hébreu surtout est dans ce cas, lorsqu’il supprime l’n à la 2e personne et dit at pour ant (toi): atem pour antem (vous), etc. Dès ce premier tableau l’on conçoit pourquoi, au temps du roi Ezéchias, le peuple de Jérusalem ne comprenait pas un discours tenu en langage syrien: la différence des voyelles eût suffi lors même que les mots eussent été les mêmes. Il était bien plus aisé de l’entendre par écrit.
Nous venons de voir les pronoms personnels, dans l’état simple, quand ils sont régissans.... Voyons-les dans l’état composé, quand ils sont régis ou construits. Je prends pour thème le verbe FaQaD (il a visité), et l’appliquant à chaque personne l’une après l’autre, je dis:
| FaQaD | NI | il a visité-moi (il m’a visité). | ||
| Nω | il a visité-nous. | |||
| ak ou faqad-ka | il a visité | toi homme. | ||
| ek ou ki | toi femme. | |||
| kem | vous homm. | |||
| kenn | femm. | |||
| hem | eux homm. | |||
| henn | elles. | |||
On voit que le mot du verbe ne varie pas, et c’est à sa fin que viennent s’attacher les mots de la personne régie, quelque forme que le verbe prenne.
On voit aussi que les mots NI (moi), Nω (nous) sont des abrégés d’ani et de naɦn: que hêm et henn (eux, elles) restent saines et entières; mais il y a changement total lorsque aT et aTeM deviennent aK ou Ka, KeM ou KeNN, à moins que primitivement le T n’ait été prononcé tché ce qui l’aurait rendu analogue à ké prononcé tché par nombre d’Arabes. On aurait dit aTch, aTchem; faqad-atch pour faqad-ak, faqad-cha pour faqad-kia; faqad-tchem pour faqad-kem.
Cela prouverait un état antécédent dont l’hébreu ne serait qu’un dérivé altéré. Nous en verrons d’autres preuves.
L’hébreu n’a point nos pronoms possessifs mon, mien, notre, votre, etc. Il y supplée dans le cas absolu, en employant la particule dative et en disant au lieu de: cela est le mien, le tien, le nôtre, cela est à moi, à toi, à nous.
L’I, à moi. Le Nω, à nous (pour mon, mien, notre).
L’aK ou Le Ka, à toi homme; l’eK ou l’eKi à toi femme (ton, tien).
Le KeM, à vous hom. Le KeNN, à vous fem. (votre).
Le HeM, à eux. Le HeNN, à elles (le leur).
Quand ces possessifs s’appliquent à un nom de chose, voici la forme qu’ils prennent: par ex.
Le mot ṢR ou ṢaR signifie ennemi: l’on dit:
| ṢaR-I | ennemi | mien. | ṢaR-Nω | ennemi | notre. | ||||||
| ṢaR-aK | sien. hom. | KeM. | votre, | m. | |||||||
| ṢaR-eK | tien. fem. | KeN. | f. | ||||||||
| ṢaR-ω | tien. hom. | ṢaR-eM. | leur, | hom. | |||||||
| ṢaR-aH ou eH | sien. fem. | ṢaR-EN. | leur, | fem. | |||||||
On voit que le mot ne change pas, et que les possessifs s’y adaptent par un mécanisme très-simple.
Cette simplicité persiste tant que le mot finit par une consonne; mais s’il finit par une voyelle ou par h doux, le choc des voyelles donne lieu à des variations qui ont pour but ce qu’on appelle euphonie, l’adoucissement de la prononciation.
Ce cas a lieu même avec la finale IM qui, en hébreu, caractérise le pluriel des noms masculins. Par exemple, ṢaR, ennemi, au singulier, fait ṢaR-iM au pluriel; il semblerait simple de dire ṢaR-iM-i, mes ennemis; l’usage ne l’a pas voulu. Les Hébreux comme les Latins paraissent avoir nasalé le m, et avoir prononcé comme nous, in pour im: ce qu’il y a de sûr c’est qu’ils élident ici le m comme font les Latins dans monstr(um) informe, et de plus ils le déclinent: ils disent ṢaRi-i, mes ennemis, au lieu de ṢaRîm-i; MaLaKII, mes rois, au lieu de MaLaKiM-i.
Ce redoublement de ï n’aura sans doute été marqué dans la prononciation qu’en rendant l’i plus long, et en appuyant sur lui. Or, comme l’écriture orientale n’admet pas volontiers le redoublement d’une même lettre, les rabbins l’ont indiqué en ajoutant le signe de petit i (ou hireq) au grand I (iod) ce qui fait î plus i.
Il y a cependant des exceptions puisque NoQI (innocence) fait NoQi-I, mon innocence; NoQiî-Ka, ton innocence; NoQii-Nω, nos innocences; NoQii-Kem, vos innocences, etc.
Si le mot singulier termine en h, il subit des variations diverses selon qu’il est masculin ou féminin: par exemple ҤeKMaH, sagesse, mot féminin, se dit ҤeKMaT-i, sagesse mienne; ҤeKMaT-Nω, sagesse notre; ҤeKMaT-Ka, sagesse tienne, etc. Ainsi, à tous les cas le t remplace le h: même chose a lieu en arabe et en syrien.
Il n’en est pas ainsi quand le mot est masculin: par exemple, pour ŠaDeh (un champ), on dit: ŠaDi, mon champ; ŠaD-Nω, notre champ; ŠaD-Ka ou ŠaD-aK, ton champ; ŠaD-hω, son champ, etc.: ŠaD-î, mes champs; ŠaDÎ-K, tes champs; ŠaDÎ-Hem, leurs champs, etc.
L’on voit ici que le H radical s’élide par euphonie ou douceur de prononciation. Ces exemples suffisent à indiquer ce mécanisme: il appartient au dictionnaire de spécifier ce qui convient à chaque mot. Si l’on en voulait croire les grammairiens, en déclinant chaque mot, il faudrait changer les petites voyelles et dire dabar, parole; debar-i, ma parole: SeFeR, livre; SiFR-i, mon livre; SiFRê-Kem au lieu de SiFRî-KêM, vos livres. Ces changemens sont sans utilité ni autorité; le mot une fois établi, soit au singulier soit au pluriel, on ne doit point le changer. MaLeK, roi, reste malek à tous ses cas singuliers en prenant ses possessifs mon, ton, etc. De même malek-im au pluriel. Si la langue était parlée, l’usage nous réglerait; mais puisqu’elle est morte, tenons-nous-en au plus simple.
CHAPITRE III.
Des Pronoms Démonstratifs, Relatifs et Interrogatifs.
1o Pronoms démonstratifs:
| EN ARABE. | EN HÉBREU. | |
|---|---|---|
| ʐa, haʐa | singul. ZeH, celui-ci, ou celui-là; | |
| Da et dé, hada, hadé | ||
| ʐeh ʐi zehi | ZAS et ZoH, celle-ci, ou celle-là; | |
| Teh, Ti, Tehi, Ta | ||
| ʐāk, hazāk, ʐalek | ᴢω et HaLLaZ et
HaLLaZeH et
HaLLaZω, celle-là, celui-là; |
|
| Tāk et telk | ||
| ces trois derniers sont de commun genre, et tous trois semblent n’être que des composés des mots simples ZeH et Zω à qui l’on a joint les articles He et aL, que nous allons voir. | ||
| aωlak, aωlaiek et aωlâlek |
plur. | al ou æl et ɐl | ceux-ci, celles-ci, ou ceux-là, celles-là. |
2o Les pronoms relatifs que, qui, laquelle, lesquels, etc., à tous les genres, cas, personnes et nombres s’expriment par le mot
| ARABE. | HÉBREU. | |||
|---|---|---|---|---|
| allazi ou elladi masc. | aŠeR ou aŠR (équivalent that en anglais), |
|||
| allati, ellati fém. | Š prononcée Ši ou Še. Par ex. on dit: |
|||
| ellazin plur. masc. | zeH H’ïωM | Ši (ou aŠR) | QωiN Hω | |
| et ellati commun genre | ceci le jour | que avons | attendu lui | |
| He GIDeH | L’I Še | (ou aŠR) | ||
| eh montrez | à moi | qui | ||
| aHeB-aH | NaFŠ-I | |||
| aime | ame mienne | (qui j’aime). | ||
Les grammairiens supposent que ce Še vient d’aŠr dont il fait les fonctions: cette origine sent un peu l’Alfana vient d’equus; j’aimerais mieux dire qu’il vient d’une même source ancienne que le qui des Latins dont il a le sens;—car puisque, selon Quintilien, quos fut dit cos, le qui a pu être dit ki: or il est démontré que fréquemment ki est devenu tŠi (les Arabes disent tŠeLB pour KeLB); alors le t seul fait la différence de qui et de Ši; ce dernier a pu, comme d’autres mots connus, être emprunté par le latin à l’idiome des Phéniciens, de qui les Hébreux ont pu l’emprunter aussi[178]. Dans le syrien ou syriaque, il a pour équivalent le mot Di si souvent prononcé zi par zed ou par zal: tout cela semble n’avoir été qu’un même mot varié selon les dialectes (comme siboulet et Šiboulet).
[178] Sur ce mot Ši l’on a fait remarquer qu’il ne se trouve pas une seule fois dans le Pentateuque, et qu’il ne commence à se montrer dans les livres que depuis David: mais si l’on y trouve le mot nabia, qui ne s’introduisit chez les Hébreux que bien plus tard, si l’on y trouve plus de vingt passages avoués être posthumes, l’argument de la remarque est nul. Quelqu’un pourra-t-il calculer ce qu’Ezdras s’est permis dans la refonte incontestable des livres? (sans compter le grand-prêtre Helqîah, rédacteur premier.)
L’arabe offre une autre analogie ou origine qui ne détruit pas celle-ci: dans cette langue le même mot, Ši, qui se dit Šaï et Š seul après voyelle, signifie chose et que, quoi: ai-š-teqωl: qu’est ce que tu dis? ma fi-š: il n’y a chose, il n’y a quoi: l’ai-š: pourquoi? or si ce mot a existé chez les anciens Arabes, les Phéniciens peuvent l’avoir eu dans l’emploi indiqué, et dire zω-š-aqol, ce que je dis; zω š-akol, ce que je mange.
3o Les pronoms interrogatifs pour les personnes, sans distinction de genre et de nombres s’expriment par le seul mot:
| ARABE. | HÉBREU. | |
|---|---|---|
| man hω, mascul. | Mї,—qui, lesquels, lequel, lesquelles? | |
| men hi, fém. | Mї aMaR,—qui a dit ou parlé? | |
| man hom, men henn. | Mї RaSω,—lesquels, lesquelles ont couru? | |
| Pour les choses c’est le monosyllabe | ||
| mâ, aï, aišai, aiš, aïa, etc. | maH ou meH,—que? quoi? quel, quels, quelle, lesquelles? | |
| MaH Faăl,—qu’a-t-il fait? | ||
CHAPITRE IV.
Des Particules, Prépositions, Conjonctions, etc.
En toute langue, il y a un certain nombre de petits mots qui semblent avoir été inventés comme des chevilles pour indiquer, séparer, joindre les portions d’idée et de phrase: quelques langues sont riches en ce genre; elles savent peindre toutes les nuances de la pensée: l’hébreu au contraire est pauvre, n’a que les traits nécessaires à dessiner le croquis. Nos érudits, y voyant un seul mot répondre à une quantité des nôtres, appellent cela du laconisme, de l’énergie; réellement ce n’est que disette; mais l’engouement veut toujours voir du merveilleux.
L’on est d’accord qu’il faut compter cinq particules principales, qui sont—H, B, K, L, M,—formées chacune d’une seule lettre alfabétique, et qui, pour être prononcées, requièrent indispensablement l’adjonction d’une petite voyelle.
D’abord, l’aspiration pure peinte par la seule lettre H, et que l’on prononce H’ ou He, a cinq et même six valeurs différentes.
He ou H’—placé devant un nom, vaut nos articles le, la, les, à tous genres et nombres du nominatif. On dit Hé DaBeR, ou DaBR, la parole; He SaFeR ou SaFR, le livre; He SoFeR, l’écrivain.
Si le mot commence par une voyelle, le H marche seul;—H’ARṢ, la terre.
Quelquefois il vaut le démonstratif ce: par ex., H’ïωM, ce jour; H’ANωŠiM, ces hommes; H’aReҤ, ce voyageur. On dit même He-Hωa, celui que voilà; He-HîA, celle-ci même; HaZeH, celui-ci; HeZAT, celle-ci; HE HOMMaH, HaHeNNeH, eux-mêmes, elles-mêmes; H’aL; HaLLeH, eux, elles-mêmes.
Ces divers emplois indiquent déjà que cette aspiration He est un signal naturel du parleur pour appeler l’attention de l’écouteur sur un sujet, ainsi qu’il se pratique presqu’en tout pays, et ainsi que je l’ai trouvé chez les sauvages d’Amérique. Les emplois suivans confirment cette idée: on dit Le năR He iωleD, à l’enfant qui naîtra (ou naissant); ASaF, He NoBa-ASaF, le prophétisant; ou qui prophétisa; He HaLe-KiM, les allans; He NiRaH, celle qui a été vue; He NiMKaRiM, les vendus.
Il s’emploie en signe d’interrogation.
He ŠoMeR aҤ-I aNoKI?—Eh, gardien de frère mien, moi (suis-je)? He N’āŠeH aH DaBeR-ω? Eh! ferons-nous sa parole (lui obéirons-nous)? H’aTaH ZeH BeN-i.—Eh! toi? ce fils mien? (es-tu mon fils)? Il est le signe propre du vocatif, He DaωD, ô David; (nous disons hê David. Tous emplois conformes à l’idée et à l’acte d’exciter, d’appeler l’attention par un bruit qui n’a que cet objet; supposer, comme quelques hébraïsans, qu’il est diminutif de Hωa, est une chimère).
Placé à la fin des mots ce même eH ou He prend deux autres valeurs: en certain cas, il signifie vers; par exemple HaBRωN-eH, vers Hébron.
En d’autres cas, il devient le signe du genre féminin, c’est-à-dire qu’étant ajouté à un mot masculin, il le convertit en féminin; par exemple, de MaLeK (roi), on fait MaleK-eh ou mal’Kah, reine; de GaDωL (grand), on fait GaDωL-aH (grande)[179].
[179] Remarquez ici que de BeN (fils) on eût dû faire BeNeH (fille), ou BeNeT (puisque H devient T): pourquoi l’hébreu dit-il BeT, quand l’arabe a conservé BeNT? n’est-ce pas que l’N aurait ici disparu par une altération populaire, comme il a disparu de l’hébreu AT dans le mot ANT (toi) conservé par le syrien et l’arabe? tout cela ne tend-il pas à confirmer l’origine populaire que j’ai indiquée à ce dialecte?
Une seconde particule—B—prononcée be devant toute consonne, et B’ devant les voyelles pour éviter hiatus. Be dans son sens le plus général, correspond à nos mots, dans, en, à, aux, pour, par.
be-rašit, au commencement, ou dans le principe.
ҥaRaB Be ҥarb ou ҥorb, il a ravagé dans l’épée, c’est-à-dire par l’épée.
iaDω Be KŭL, sa main sur tous, au lieu de contre tous.
Be Ka ou Be-K: pour toi, en toi. Be KeSF: en argent, pour de l’argent, etc.
Une troisième particule est L prononcé Le, devant toute consonne, et L’ devant voyelle. Son sens le plus général est de donner à, d’attribuer à; aussi est-il le signe propre du datif, et là il ne varie ni pour les nombres, ni pour les genres des noms; mais, parce que l’hébreu en fait quelquefois des emplois singuliers, notre langue est obligée de le rendre par des locutions diverses.
Nous disons Béni de Dieu, l’hébreu dit Béni à Dieu, BaRωK L’aL. Retirez-vous des entours de la tente.—L’hébreu dit:
| H’ăLω. | Me SaBÎB | Le maŠKaN. |
| Eh! montez (retirez-vous) | de l’entour à | la tente (ou habitation). |
| ωa | ïehaŠTaҥωh | l’hω. |
| Et | il se prosterna | à lui (pour devant lui.) |
Ainsi ce mot Le fait quelquefois fonction de nos génitifs et même de nos ablatifs. Le sens général détermine sa valeur, comme de bien d’autres prépositions et particules hébraïques.
Néanmoins nous avons des locutions populaires qui lui correspondent: on dit l’armoire à madame pour de madame. La canne à monsieur pour de monsieur.
Nous disons un but devant la flèche: l’hébreu dit à la flèche, MaԎRaH L’ăs.
Grands chez les Juifs, GaDωl l’iωDim, grand aux Juifs.
Près de vous, l’aK ou Le ka (à vous.)
Vers le soir, l’ăT ăReB, au temps de soir.
Autour de l’arche, L’aRωN, (à l’arche).
Soyons prudens contre lui: NeTeҤkaMaH L’ω: (sapiamus ipsi).
Et il se prosterna devant le roi: ωa ïeŠTaҤω l’e MaLeK (au roi).
Jusqu’à leur mort: L’e MωTeM (à leur mort).
Une quatrième particule est la lettre—M—qui se dit Me—devant toute consonne, et M’ devant voyelle. Elle est comme l’abrégé de MeN et signifie également tout ce qui ôte et retire de et par. Elle est le signe de l’ablatif en opposition à Le, qui est signe de l’attributif.
Prenez garde à vous de parler:
| HeŠMeR | L’ak | Me | DaBeR: |
| eh! cave | tibi | ab | verbo. |
| —aT-i | Masω | Me | MeLK |
| —Me rejecerunt | ab | regno. | |
Notre grammairien français[180] a traduit ici pour que je ne règne point, ou de peur que je règne. Comme nous n’avons pas l’équivalent de regno, l’hébreu et le latin avec leur substantif sont bien plus précis, ils m’ont rejeté du règne, ils m’ont rejeté de régner. C’est à imiter cette concision que consiste surtout l’art de traduire.
[180] L’abbé Ladvocat, auteur de la meilleure grammaire hébraïque en français.
Les autres mots ou particules de ce genre, du moins les plus remarquables, sont:
Les négations.—1o aL (non et ne), qui s’applique surtout au futur du verbe;
2o La et Lωa, qui s’appliquent aux divers temps, hors l’impératif;
3o ain, qui se joint aux noms, aux participes et adjectifs.—BaL, BeLI et BeLaTi, non, sans, excepté.—ăM, avec, chez.—QobL, avant.
AL, à un lieu;—ăl, dessus;—ăD, à, jusqu’à. aT, quand;—TaҤT, dessous: aҤR, après. Ces cinq derniers prennent après eux un—i—. On dit aɦriK, après vous; taɦt-i, sous moi; ăLi HeM, sur eux.
BeIN, entre, b’ăbωr, proche; B’ăbr, au-delà; HeN, HeNeH, voici, voilà; FeN, de peur que; az, alors; ăωD, de plus; aTTaH, alors, c’est pourquoi; TeReM, nondùm; GaM, aussi (jam en latin); Ki, car, si, parce que, mais; GaM-Ki, bien que; KaN, ainsi, de même; Le KaN, sur quoi; aω et ω pour notre ou français, et alors; Le-Ma, pourquoi, qu’il faut distinguer de l’arabe L’aMMa, quand; Ka, comme Ka-Ԏel, comme rosée, etc.
CHAPITRE V.
Des Noms.
Dans l’hébreu et dans ses analogues, l’arabe, le syrien, etc., le nom est indéclinable comme dans notre français et autres langues modernes de l’Europe.
Ce point établit une différence notable entre le système des langues sémitiques et celui des langues sanskritiques (ou ïaphétiques) dont le grec et le latin font partie. En ces dernières, le nom change de forme à chaque cas: le latin dit, Rex, Regis, Regi, Regem, Rege, pour notre mot Roi indéclinable, celui-là même que les Hébreux rendent par malek, aussi indéclinable. Ils ne distinguent leurs cas que par des particules semblables aux nôtres le, la, les, de, du, des. En voici l’exemple:
| ARABE. | HÉBREU. | FRANÇAIS. | LATIN. | ||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| al ou el | he | Malek | le | Roi | Reg s | ||
| [181] id. | — | du | Reg is | ||||
| l’al ou l’el | le | au | Reg i | ||||
| al | at he | le | Reg em | ||||
| ïa | he | ô | Reg s | ||||
| men al | me | du | Reg e | ||||
L’on voit par ce tableau que les cas ne sont caractérisés en hébreu et en arabe que par des particules posées avant le mot, tandis que, dans le latin, ils le sont, on peut dire, par des particules aussi placées à la fin du mot. A bien le prendre, le mot latin est lui-même un radical fixe (Reg)[182], qui, dans son nominatif, Rex, a le mérite de nous donner la valeur de la lettre x décomposée en ses élémens: nous y trouvons la preuve que les Latins l’ont prononcée ks ou gs.
[181] Le syrien n’a de différence remarquable pour ses cas que dans sa particule di ou D’, qui est le signe du génitif.
[182] Dans le sanskrit et l’indien moderne, Radjâ et Raguiâ ont le même sens.
Dans le grec il y a cette autre particularité que, outre les particules finales ος, ον, ους, il y en a encore avant le nom d’autres, telles que -ὁ, τοῦ, ἡ, etc., répondant aux nôtres le, la, du, etc., ὁ λόγ-ος, τοῦ λόγου; ἡ μοῦσ-α, etc. Tout ceci est un sujet de méditation pour les savans étymologistes[183].
[183] Dans l’arabe ancien ou littéral (nahou), il y a aussi des finales qui caractérisent les cas:
| el | malek-o, | le Roi; | |
| l’el | malek-i, | au Roi; | |
| accusatif | el | malek-a, | le Roi. |
Il est remarquable que, dans l’hébreu et l’arabe, le génitif n’a point de signe propre: on ne le reconnaît que par l’antécédence d’un autre nom qui le régit; par exemple le mot QeN ou Qun signifie un nid: le mot ŠaFωR, signifie oiseau: si l’on dit QuN ŠaFωR, c’est nid d’oiseau ou nid de l’oiseau[184].
[184] En latin, cuniculus, trou, nid de lapin, n’est qu’un diminutif de cunn-us: les mots cunæ et cunabula, berceau d’enfant, sont de cette même famille, et ont pour radical cun ou qun.
Au pluriel les articles restent les mêmes; seulement le singulier reçoit une finale qui, pour le masculin est im; ainsi on dit malek-im, ou, he malekim, les rois; le malekim, aux rois, etc.; he ŠaFωr, l’oiseau, he Šafωrim, les oiseaux.
Si l’on voulait croire les grammairiens juifs et leurs disciples, il faudrait varier les petites voyelles des noms selon les cas et les nombres; ainsi DaBar, parole, ferait en construction DeBar, au pluriel DaBar-im; mais quand ce pluriel retranche l’m, comme il arrive souvent, il ferait DiBri ou DiBrai (DiBr-ê).
NaHR, rivière, ferait Nehar im, nahari: il est bien possible que, dans leur langue parlée, les Hébreux de divers cantons aient eu de telles variétés mises en règles; mais, parce que l’écriture alfabétique n’en a point conservé de traces, et que les rabbins n’en ont pas de certitude, on a le droit de considérer leurs règles à cet égard comme arbitraires et de nul service, puisque le sens des mots n’en est pas affecté. Le judicieux grammairien français l’abbé Ladvocat en a lui-même jugé ainsi[185].
[185] A la page 38 de sa grammaire: «Il se fait, dit-il, un grand nombre de changemens dans la prononciation, c’est-à-dire dans les points-voyelles, même quelquefois dans les lettres, lorsqu’un nom passe du masculin au féminin, ou du singulier au pluriel, ou de l’absolu au construit: nous conseillons aux commençans de ne pas s’y arrêter.»
En hébreu comme en toute langue, les noms ont deux genres ou sexes, le masculin et le féminin, mais il n’y a pas de neutre; le féminin quelquefois en tient place.
Les noms de femmes, de villes, de contrées ou pays, de vents, etc. sont presque généralement féminins, quelle que soit leur terminaison.
Il arrive habituellement que des noms masculins, surtout ceux qui viennent des verbes, à titre de participes ou adjectifs, sont rendus féminins par la seule addition de la lettre h prononcée eh ou ah; par exemple: de malek on fait malekeh ou malek-ah, reine: si au lieu de h on met la finale ωT, le singulier devient pluriel; on dit malekωt, les reines; du reste les particules de déclinaison restent les mêmes.
Le substantif masculin ṣedq, signifiant ce qui est juste, devient féminin si l’on dit ṣedq-ah; le mot TωB, signifiant bon, devient TωB-ah, bonne; NaBal, fou; Nabal-ah, folle; GaDωl, grand; gaDωl-ah, grande, etc.
Si ce féminin est suivi d’un mot qui commence par une voyelle, le ah devient at.
La même chose arrive quand il est suivi d’un nom qu’il régit, dût ce nom commencer par une consonne: ainsi l’on dit, Tωrat MoŠeh (prononcez en français mouchek), la loi de Moyse, et non Tωrah mušeh.
Si un mot par lui-même finit en i et qu’on veuille le rendre féminin, l’on y ajoute le seul t: on dit šenî, second, deuxième; šenît, seconde, et non šeniat; mais il y a des exceptions: šebi, au masculin, fait esclavage; ŠeBiωT, captivité.
L’impératif Dă, sachez, ou le substantif savoir, fait DăT, science; ZaMR, chant, fait zamrat, chanson (de cette famille est mazMωr, psaume); les psaumes n’étaient qu’un chant.
Quand le pluriel masculin entre en construction, il supprime l’m de sa finale im: par exemple, les paroles du roi se disent Debari-Malek et non Debarim Malek; ici, c’est devant une consonne; une voyelle n’y change rien: on dit Debari iehωh, les paroles de iehωh.
Si, au contraire, ce pluriel ne construit rien, il reste entier; on dit: hommes sages, anošim[186] ҥa-kemim; une fille jeune ou vierge, nărah betωlah et non pas nărat.
[186] anoš ou enoš ressemble beaucoup au latin ens, un être.
On veut que l’hébreu ait eu un duel comme l’arabe, qui, ayant dit Radjol (ou ragol) un homme, et Redjâl, les hommes, dit radjolain, deux hommes; mais en hébreu, cette forme n’a point de signe marqué et n’y a que des besoins rares; on y écrit iωm un jour, iωmim, des jours. Sur ce dernier mot il plaît d’ajouter un point-voyelle, et l’on veut prononcer iωmaim, deux jours; où est l’autorité, où est la preuve? Il y a lieu de penser que cette règle comme beaucoup d’autres est un emprunt que les Massorètes du second âge ont fait aux Arabes musulmans.
CHAPITRE VI.
Du Verbe en général.
Jusqu’ici cette première partie de la grammaire ne nous a offert que des mots isolés, mis l’un à côté de l’autre pour exprimer des objets peu ou point liés entre eux: on peut dire qu’il n’y a eu dans l’entendement que des images, successives comme dans une lanterne magique; maintenant le verbe va tout changer. Comme cet élément du discours exprime l’action compliquée des personnes et des choses avec des circonstances de temps, de lieu, de nombre, de genre, les idées vont devenir des scènes dramatiques; la phrase va être un tableau complet dont l’esprit doit saisir toutes les parties à la fois.
Dans la nomenclature première que je viens d’exposer, les auteurs du langage hébreu ou phénicien n’ont pas développé un grand talent d’invention: beaucoup de langues sauvages offrent plus de fécondité en combinaisons grammaticales. Cette simplicité, vantée par quelques écrivains, ressemble beaucoup à la grossièreté du jargon nègre dans nos colonies, du petit franc, usité sur la côte de Barbarie, et surtout de l’idiome Berbère que parlent de temps immémorial les tribus Libyennes répandues depuis Maroc jusqu’à l’Abissinie[187]. Il y a lieu de croire que les inventeurs du langage phénicien-hébreu ont eux-mêmes été des sauvages placés dans les marais de la Chaldée, où la fécondité du pays les multiplia, tandis que les difficultés d’un sol aquatique les protégèrent contre l’étranger. Quoi qu’il en soit des hypothèses historiques, voyons comment ils ont organisé le verbe, cet élément si difficile et si compliqué de l’art de parler.
On ne saurait douter qu’en des temps postérieurs les peuples civilisés et savans qui nous sont connus sous le nom d’Égyptiens, de Chaldéens, d’Assyriens et Syriens, de Tyriens, de Sidoniens, etc., n’aient cultivé l’art de la grammaire, n’aient eu des livres traitant de cette science. Les auteurs grecs et latins nous en fourniraient au besoin des témoignages positifs: quelque isolés que les Hébreux fussent dans leurs montagnes, leurs prêtres, leurs poètes, sous le nom de Prophètes, n’ont pu manquer d’avoir quelque participation à cette branche de connaissances, et de posséder quelque grammaire composée dans les grandes cités des empires voisins, de la même manière que les Druzes de nos jours possèdent des grammaires arabes composées hors de leur pauvre et ignorante société; mais, lors même que l’on voudrait supposer qu’il n’y eût eu dans Jérusalem aucune grammaire avant la captivité de Babylone, l’on ne pourrait nier qu’au retour de cet exil, les riches et les prêtres, élevés dans les sciences chaldéennes, n’aient connu et apporté les grammaires d’une langue si cultivée par un peuple puissant.
Lorsque ensuite les Grecs et les Romains, maîtres de la Syrie et de l’Égypte, firent dominer leur langage, les docteurs juifs ne purent manquer de connaître les grammaires de ces conquérans; mais, en examinant la différence notable que nous allons voir entre les uns et les autres dans la manière d’envisager le verbe, on finit par être convaincu que les Orientaux ont tiré de leur propre fonds, sur ce sujet subtil, une doctrine qui leur est propre et qui leur est venue de leurs ancêtres.
D’abord, il est remarquable que ce qui porte le nom de verbe chez tous les Occidentaux, est nommé acte et action par les Orientaux, qui, en cela, se montrent meilleurs analystes que nous et nos maîtres, car tout verbe quelconque bien analysé est une action; ainsi aimer, penser, parler, voir, frapper, grossir, etc., présentent toujours l’idée d’un acte quelconque: il n’y a pas jusqu’au verbe être, quoi qu’on en ait dit, qui ne soit un acte, une action; car être, avoir existence porte l’idée d’apparaître où d’avoir apparu hors du néant.
Par opposition à ceci, voyez combien est impropre l’expression latine verbum, c’est-à-dire le mot; est-ce que toutes les parties de la phrase, le nom, la particule, le pronom, l’adjectif, ne méritent pas aussi le nom de mot?
J’avoue, pour mon compte, que, plus je scrute cette grammaire latine dont on a pris soin, dès le berceau, d’emmailloter mon esprit comme de tant d’autres maillots, plus je m’étonne de l’ignorance de ses inventeurs. Que sont ces prétendues définitions, de pronom, ou mot au lieu de nom? d’adjectif, ou mot ajouté au nom? de préposition, ou mot mis devant un autre? de subjonctif, ou mot joint dessous, etc.? n’a-t-on pas droit de penser que la fortuite coalition des bannis[188] qui fondèrent la langue et la puissance de Rome, n’eut d’abord aucune idée de la science grammaticale; et que, lorsqu’elle vint à s’en occuper tardivement, ses sauvages guerriers, novices dans l’art, tirèrent de leur fonds unique ces dénominations vagues et presque ridicules?
[188] En italien Banditi.
Quoi qu’il en soit, il y a entre les deux doctrines cette première différence, que l’une nomme acte et action ce que l’autre nomme mot ou verbe.
Ensuite vient une seconde différence, savoir, que l’Asiatique-hébreu-arabe, etc., en énonçant l’acte ou verbe, spécifie le temps et la personne, tandis que l’Européen latin, grec, etc., laisse tout dans le vague de ce qu’il appelle infinitif; car, lorsqu’on dit aimer, regarder, frapper, visiter, on ne sait ni qui est l’agent, ni quand se fait l’action; au contraire l’hébreu et l’arabe, quand ils énoncent un verbe, disent le verbe il a aimé, le verbe il a regardé, le verbe il a visité; de manière que, chez eux, le type fondamental du verbe est à la troisième personne masculine du prétérit ou temps passé.
Cette méthode me semble plus dans la nature de l’entendement humain à son premier degré de culture, où tout est image physique; tandis que l’autre est une abstraction qui n’a dû être imaginée que postérieurement dans un état social déjà avancé.
Le mot qui exprime cette troisième personne est ce qu’en hébreu on nomme racine ou mot radical, duquel dérivent tous les mots qui ensuite apparaissent dans la conjugaison.
Rien de plus simple que cette conjugaison, puisque les verbes hébreux n’ont d’autres temps que le passé ou prétérit, le futur, l’impératif, avec un participe déclinable et un substantif, qu’il a plu d’appeler infinitif, sans aucun de ces modes subjonctifs, conditionnels, imparfaits, plus que parfaits du latin et du grec.
Quand l’hébreu, l’arabe, etc., veulent appeler le verbe en général, ils disent le -FăL-, comme si nous disions l’acte, ou plus littéralement le il a fait, il a agi, car c’est ce que signifie -FăL-: cela choque nos habitudes, mais chacun s’entend dans les siennes et prétend y avoir raison.
Or comme ce mot -FăL- est devenu le modèle radical de toutes les conjugaisons, soit actives et passives, soit factitives, c’est-à-dire transmissives d’action, ses diverses combinaisons sont devenues chez les grammairiens orientaux le terme apellatif de chacune.
De là sont nés ces mots phaal, niphal, phiel, phual, hiphil, hophal, hithphael, qui, assaisonnés de phatach, kamets, schourec, kibbus, etc., forment un jargon vraiment barbare et rebutant pour tout novice; jargon d’autant plus ridicule, d’autant plus vicieux, que l’instituteur prétend expliquer l’hébreu par de l’hébreu, et qu’il emploie une orthographe qui, masquant les lettres radicales, ôte le moyen de les reconnaître.
Ma méthode a du moins l’avantage de balayer tout cet imbroglio: parlant à des Européens, j’emploie le langage qui leur est connu; j’applique aux grammaires d’Orient les termes de nos habitudes; le disciple n’est pas effarouché par une nomenclature baroque à laquelle il n’entend rien, et de plus il retrouve dans toutes les formes de la conjugaison les lettres radicales soigneusement conservées.
Cette barbare nomenclature n’est pas la seule maladresse qu’aient commise nos hébraïsans d’Europe; dès le principe, ils en ont commis une autre plus grave en adoptant la vieille méthode des Orientaux qui déraisonnablement ont pris le mot FăL pour type de conjugaison: je dis déraisonnablement, je dois expliquer pourquoi.
Dans la structure du verbe hébreu, arabe, etc., il y a ce mécanisme remarquable, que le verbe n’est considéré comme sain et régulier que quand son mot radical est composé de trois lettres alfabétiques: les grammairiens disent trois lettres; moi, je dis trois syllabes, en priant qu’il me soit accordé d’appeler syllabe une portée de voix, un son entier, soit voyelle simple, soit voyelle vêtue d’une consonne, puisqu’en l’un et l’autre cas, il n’y a qu’un seul temps de voix, une seule prononciation.
Nous disons donc que le mot radical, est composé de trois lettres ou syllabes radicales; maintenant un principe constitutif de la langue veut que ces syllabes soient toujours prononcées en a bref.
Par exemple, le radical étant DBR (il a parlé), ou FQD (il a visité), ces trois lettres doivent être prononcées en a, DaBaRa, FaQaDa: ceci veut une explication.
Les grammairiens hébreux et syriens déclarent que les deux premières lettres seulement se prononcent en a, et que la troisième reste muette (DaBaR, FaQaD); je n’ai rien à leur objecter; ils ont pour eux un usage qui paraît immémorial, et qui existe encore dans l’arabe vulgaire; mais, dans l’arabe ancien, appelé littéral ou Naɦou, la chose se trouve comme je viens de l’établir, c’est-à-dire que la troisième lettre radicale prend toujours une voyelle, d’autant plus nécessaire qu’elle a servi à caractériser divers états du mot, non-seulement dans le verbe, mais encore dans le nom; car, selon que l’on ajoute à un nom l’une des trois petites voyelles a, i, o, ou u, ou l’une des nasales an, on, in, on leur imprime ou on leur confirme un état nominatif, ou génitif, datif, accusatif, etc.
Par exemple:
| ARABE ANCIEN ou NAHOU. | |||||
|---|---|---|---|---|---|
| NOM. | al ou el | malek u | le | Roi. | |
| GÉN. | el | malek i | du | ||
| DAT. | l’el | malek i | au | ||
| ACC. | el | malek a | le | ||
| VOC. | ïa | malek a | ô | ||
| ABL. | men el | malek i | du | ||
On voit ici quelque chose de semblable au latin et encore plus au grec; en ce que, outre les articles le, du, au, qui précèdent le nom (comme font ὁ, τοῦ, τὸν), ce nom reçoit encore les finales ù, i, a, qui, comme ος, ου, ω, ον, ε, servent, pour ainsi dire, par surabondance, à spécifier son cas. Dans le vieil arabe, comme dans le grec et le latin, cette addition suit des règles fixes, tant au singulier et pluriel du nom, qu’aux cas et nombres de son ou de ses adjectifs. Laquelle de ces deux races d’hommes, lequel de ces deux systèmes, le scythique-sanskrit ou l’arabique-chaldéen, doit-on considérer comme inventeur ou comme imitateur d’une telle méthode? C’est une question intéressante et profonde, dont la recherche appartient à d’habiles étymologistes.
Les inventeurs ne se sont pas bornés à qualifier ainsi les noms et les adjectifs: ils ont appliqué aux verbes ces mêmes petites voyelles finales: là elles prennent également un emploi caractéristique des personnes, des genres, des temps; elles y sont affectées l’une au temps passé, l’autre au temps présent, et leur apparition sert à éviter des équivoques qui autrement existeraient; cette méthode est plus scientifique que celle de l’arabe vulgaire, ainsi que de l’hébreu et du syriaque. Laquelle faut-il croire la plus ancienne, la primitive et originelle? Si cette méthode du naɦou est la plus ancienne, l’hébreu est un dialecte populaire dégénéré; si elle est de seconde main et d’invention scientifique, l’hébreu est donc resté dans son état sauvage originel. Mais revenons à notre sujet, à l’examen du mot Radical, composé de trois syllabes dans l’arabe naɦou (DaBaRa, FaQaDa), et de deux seulement dans l’hébreu et le syrien, DaBaR, FaQaD, encore que les grammairiens y déclarent trois lettres[189]. Quand ces trois lettres sont des consonnes ou aspirations, il n’y a pas de difficulté à les construire en a, mais, si elles se trouvent être des voyelles alfabétiques telles que A, i, ω, et ăïn, il y survient nécessairement de l’embarras: or, voilà le cas du mot FăL pris pour modèle des conjugaisons; je répète qu’en ce choix, il y a eu maladresse, malhabileté des grammairiens.
[189] N’est-il pas singulier que cette seconde syllabe QaD et BaR, au lieu d’être ouverte, de se terminer en voyelle, comme il semblerait naturel, soit au contraire fermée par une consonne qui ne sert qu’à étouffer le son, et cela, non pas dans quelques exemples rares, mais dans la grande majorité des verbes hébreux? Un tel mécanisme a-t-il pu être le primitif et originel dont se soient avisés les inventeurs? Cela est d’autant plus difficile à croire, qu’aujourd’hui, par la connaissance acquise d’un très-grand nombre de langues, il paraît que le monosyllabisme a été le plus ancien système; qu’il doit être considéré comme le plus naturel, et comme celui sur lequel se seraient entés les systèmes polysyllabiques par des opérations graduelles provenues du mélange de divers peuples et de leurs langues. Il résulterait de cette idée que tout le système arabico-phénicien serait de formation secondaire, et supposerait une souche de langue et de nation antérieure.
En effet, lorsqu’à ces trois lettres radicales il faut ajouter les petites voyelles, il en résulte cet hiatus choquant, FaăaL: les rabbins disent que, pour l’éviter, ils ont une règle qui à l’ăïn incorpore le petit a et le fait être FaăL; mais d’abord, voilà une règle inutile, puisque, sans cet a (fatɦa), ăïn seul serait ă. Ensuite cet expédient ne purge pas un autre embarras, qui renaît quand le mot passe du prétérit au futur, car alors FaQaD, replié sur lui-même, devient ïaFQoD (il visitera); c’est-à-dire que, plaçant devant lui la lettre ï, l’on attache à cet ï le a de la première consonne F, qui devient muette, et le Q prend un o à la place de a[190]: or comment construire sur ce modèle le mot ïaFăoL? Ici les rabbins disent encore qu’ils ont une règle par laquelle ăïn, affecté de o, devient une voyelle unique prononcée eù guttural, que je peins ŏ (ïaFŏL); mais c’est une nouvelle complication qui ne sert qu’à masquer la règle générale, et qui laisse le grand inconvénient d’attribuer le rôle de consonne à une voyelle; il est donc constant que ce vieux type du verbe hébreu et arabe est vicieux, et l’on doit savoir gré à ceux de nos modernes qui l’ont écarté et lui ont substitué des types réguliers, tels que FaQaD, dont je vais aussi me servir.
[190] Le Nahou dit iaFQᴏDᴏ ou iaFQŭDŭ.
Note pour les Infinitifs latins.
Quelques grammairiens, en décomposant les infinitifs latins, ont prouvé qu’ils n’étaient pas des mots aussi simples qu’on le croit, mais qu’au contraire ils étaient très-généralement un composé de deux expressions réunies, fondues l’une dans l’autre. Prenant pour exemple les infinitifs, amare, dormire, transire, perire, ridere, agere, etc., ils ont trouvé que la finale re, armée d’une voyelle antérieure qui varie en a, i, e, était primitivement le verbe ire, exprimant l’action d’aller et de marcher, de manière que cette syllabe étant liée à un radical tel que am, dorm, trans, per, rid, ag, il en résultait le sens de aller ou être aimant, aller ou être riant, aller ou être passant, etc.
Dans cet état, il se trouve que le mot de chaque action est un monosyllabe, et qu’il ne devient dissyllabe que par son union à l’instrument commun ire.
Le monosyllabe am offre ici une remarque singulière: comment am signifie-t-il aimer? d’où cette action, cette idée abstraite a-t-elle pu tirer son nom, quand il est de fait que toute idée a pour origine un objet physique qui a reçu son nom, la plupart du temps, par onomatopée? Voici ma conjecture.—Dans tous les idiomes arabiques, le mot écrit am, quoique prononcé om, signifie une mère; cette syllabe est généralement celle qu’énonce l’enfant tendant les bras vers sa mère qu’il désire; cette mère étant devenue l’objet physique désigné par am, ses actions, ses sentimens sont devenus aussi ceux du personnage am; or, comme le plus saillant de ces sentimens est l’affection et la tendresse, il s’ensuit que l’ensemble des actes qui en sont l’effet a dû prendre le nom de agir en mère, avoir les sentimens d’une mère: am-ire ou amare.
Dans le mot rid-ere, rid est le radical, et à certains égards on peut le considérer comme le bruit imitant l’acte de rire.
Per-ire est une idée plus abstraite; aller par, ou aller dans, pris dans le sens de notre mot périr, ne laisse pas d’être vague; ici les idiomes arabiques m’offrent un moyen de solution très-spécieux.
Dans ces idiomes, le verbe ABaD signifie spécialement, il a disparu comme une fumée dans l’air, et il s’est anéanti dans le vague; il est allé dans le néant: n’est-ce pas là précisément le mot latin ire per vacuum? ire per (inane), en inversion, per-ire, il a péri, il a disparu. L’hébreu dit ABaDω BaITiM; on l’a mal traduit en disant, les maisons ont été détruites. Le terme destruere, déconstruire, ne signifie que démolir; l’autre signifie rasées sans traces. Le mot evanuit, il s’est évanoui, trouve ici sa solution, car il n’est que le composé in vanum ivit, il est allé dans le vide, dans le vague (les palais ont péri, les grandeurs se sont évanouies): van-um, jadis uan-um, est ici un radical qui exprime un souffle de la bouche, un vent sans corps, sans réalité; il trouve un analogue remarquable dans le mot arabe FaNi, qui a exactement le même sens. (EL DuNia FaNi), le monde est une vanité, une chose passagère comme le souffle, le vent.
(Dans le radical latin -DRm-ire-, les trois consonnes se trouvent les mêmes que dans le radical hébreu -RDm, sommeil, dormition; cette confusion de rodm avec dorm a d’autres exemples. Aller est l’acte physique et palpable, le plus propre à être pris pour le type de toute action en général: c’est le mouvement personnifié; et le mouvement est la base, l’essence de toute action.)
CHAPITRE VII.
Conjugaisons des Verbes.
Les grammairiens s’accordent à compter au verbe hébreu quatre conjugaisons régulières, au mode actif; trois desquelles ont un mode passif: au total, sept formes régulières[191].
[191] Le savant Albert Schultens en a voulu trouver presque autant que dans l’arabe (qui en a treize); mais ce sont là des subtilités.
Pour première conjugaison, l’on a établi celle où le mot radical se compose de la manière la plus simple et la plus régulière; les anciens prenaient pour type le mot FăL (il a fait); nous prenons FaQaD (il a visité):
Le tableau ci-joint offre sous un coup-d’œil facile tout le jeu de cette conjugaison, qui est aussi la première en arabe et en syriaque.
PREMIÈRE CONJUGAISON ACTIVE.
(Première aussi en arabe.)
TEMPS PRÉTÉRIT.
Répétez FaQaD à chaque ligne.
| FaQaD | il a | visité. | |||
| id. | -ah. | elle a | |||
| id. | -ta. | tu as, toi, masc. | |||
| id. | -te. | tu as, toi, fém. | |||
| id. | -ti. | j’ai (de commun genre) | |||
| id. | -ω. | ils ou elles ont | |||
| id. | -tem. | vous avez, masc. | |||
| id. | -t’en. | vous avez, fém. | |||
| id. | -nω. | nous avons (de com. genre) |
TEMPS FUTUR.
| ia- | Fqod | il | visitera. | ||
| Te- | elle | id. | |||
| Te- | toi, masc. | visiteras. | |||
| Te- | -i. | toi, fém. | id. | ||
| A- | je (de commun genre) | visiterai. | |||
| ie- | -ω. | ils | visiteront. | ||
| Te- | -Neh. | elles | id. | ||
| Te- | -ω. | vous, masc. | visiterez. | ||
| Te- | -Neh. | vous, fém. | visiterez. | ||
| Ne- | nous (de commun genre) | visiterons. |
IMPÉRATIF.
| Fiqod | toi, masc. | visite. |
| Fiqid-i | toi, fém. | id. |
| Fiqid-ω | vous, masc. | visitez. |
| Fiqod-Neh | vous, fém. | id. |
INFINITIF.
| Fiqod ou Foqωd |
visiter ou visitement. |
PARTICIPE.
| Foqid | masc. | visitant. | |
| Foqid-ah ou Foq’d-at |
fém. | visitante. | |
| Foqid-im | masc. | visitans. | |
| Foqid-ωt | fém. | visitantes. | |
Le lecteur voit, 1o que l’hébreu commence par la troisième personne singulière masculine du passé et non par la première du présent comme nous faisons;
2o Que c’est sur cette troisième personne que se construisent les autres;
3o Que leur radical -FaQaD- reste le même pour tout, mais que chacune ensuite se caractérise par des lettres ou syllabes, j’ose dire postiches, ajoutées à la fin de FaQaD. Ce mécanisme est d’une grande simplicité.
Il a plu aux rabbins d’ajouter à la deuxième personne singulière un a et un e final pour en caractériser le genre ou sexe: FaQaDTa (toi homme), FaQeDTe (toi femme) as visité: c’est une de leurs imitations de l’arabe nahou; mais, comme l’arabe usuel ignore ou néglige cette perfection, nous pouvons compter que l’hébreu n’a pas été plus recherché.
Pour former le futur, le radical se replie sur lui-même d’une manière particulière; mais, une fois établi, il ne change pas plus qu’au prétérit; il y a entre eux cette différence, qu’au prétérit les lettres qui caractérisent les personnes sont à la fin du mot, tandis qu’au futur elles sont au commencement.
Nous venons de voir qu’au prétérit le radical se construit ou se prononce généralement en a; néanmoins, il y a, comme en toutes choses, des cas d’exception où la seconde voyelle se trouve être un e: par exemple, Hafes, il a voulu, il a désiré; iakol, il a pu; iagor, il a craint: c’est au dictionnaire à faire connaître ces exceptions, qui d’ailleurs jettent un verbe dans la classe des irréguliers.
Les lettres ou syllabes mobiles qui roulent autour du mot, demeuré fixe, sont appelées lettres serviles ou plutôt serviables, parce qu’elles rendent le service d’exprimer les modifications de l’action, et de désigner le genre, le sexe, le nombre, la qualité de l’agent.
Ces lettres serviles sont au nombre de onze, savoir: mšh ω KLB aïTn. Leur réunion en ces quatre mots a le mérite de les rendre plus faciles à retenir, à raison du sens qui en résulte: ce sens est moušah (Moyse), et kaleb (le) vaillant.
Il importe de les noter en sa mémoire, afin que l’on puisse, quand les mots se montrent surchargés de lettres, s’assurer de celles qui ne sont point serviles, et qui dès-lors deviennent un moyen de découvrir les radicales: cette opération est une des véritables difficultés de ce langage; mais l’habitude en donne le tact; par exemple, dans le mot ωhŠTҤωh (et il s’est prosterné) Ҥ seul n’est pas servile, et il n’est pas d’abord facile de démêler le radical ŠҤh šaɦah, incliner, courber une chose.
L’hébreu n’a pas d’autres temps que ce prétérit et ce futur: ainsi, lorsque, dans les traductions quelconques, l’on nous donne des imparfaits, des conditionnels, des présens, ce sont des déviations, des altérations réelles du texte.
Les interprètes disent que c’est pour mieux nous le faire entendre; qu’autrement le style roide et rompu de l’original choquerait nos oreilles et nos habitudes: ces excuses ne sont pas recevables; du moment qu’il a plu d’attacher la plus haute importance possible au sens des écritures, l’on n’a pas le droit de modifier le littéral pour nos convenances; on nous ôte le moyen d’apprécier l’intelligence de ces hommes du temps passé, et d’en mesurer la finesse ou la grossièreté, par l’instrument le plus fidèle qu’ils nous en aient laissé.
Dans le futur, il y a équivoque entre les deux termes, toi, homme, visiteras, et elle, femme, visitera, exprimés par le même mot TeFQoD: c’est un défaut de la langue;—le vieil arabe la corrige par ses finales;—il dit:
| Tefqod-ŭ | toi, homme, visiteras. |
| Tefqod-i, | elle, femme, visitera. |
Après le prétérit et le futur, vient le mode impératif qui, à vrai dire, n’est pas un temps. Le lecteur doit remarquer que ses trois radicales F, Q, D, sont précisément les mêmes que dans l’infinitif: leurs petites voyelles, même rabbiniques, ne diffèrent point essentiellement; d’ailleurs l’authenticité de ces voyelles rabbiniques est plus que douteuse, surtout pour la première: jamais, dans l’arabe, la consonne première de l’impératif n’en reçoit, elle est muette; et, pour la prononcer, on place devant elle une voyelle: on dit EFQoD (visite), ou plutôt OFQoD; car par euphonie, le o de QoD convertit en o l’E ou Alef qui est devant F[192].
[192] Dans le syriaque, cette première radicale est muette: on dit FQoD comme d’une syllabe; mais parce que le système rabbinique n’admet point de consonne muette, il attribue ici à l’F un e brévissime, qui n’est que l’équivalent du djazm arabe, ou privation de voyelle, FQoD.
Ne peut-on pas considérer le mot de l’impératif comme un vrai substantif, dont l’énoncé provoque l’acte que l’on demande ou commande?
Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ici, comme dans l’arabe, l’infinitif (selon notre style) n’est qu’une vraie forme de substantif, qui se caractérise plus spécialement dans le second terme FoQωD; il ne reste que le participe, qui est toujours déclinable, et qui, pour l’hébreu comme pour le syrien, est le seul moyen d’exprimer nettement le temps présent.
Les rabbins écrivent le pluriel de visitant FoQiDiIM; mais en DiIM, le petit i est superflu; il suffit de prolonger le grand i pour caractériser l’état. Voyons le passif de cette première conjugaison.
PASSIF DE LA PREMIÈRE CONJUGAISON ACTIVE.
(Répondant à la septième arabe.)
| TEMPS PRÉTÉRIT. | |||||||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Ni- | FQed | il a été | visité. | ||||||
| Ni- | ha | elle a été | visitée. | ||||||
| Ni- | Ta | tu as été, masc. | visité. | ||||||
| Ni- | Te | tu as été, fém. | visitée. | ||||||
| Ni- | Ti | j’ai été | visité. | ||||||
| Ni- | ω | ils ou elles ont été | visités ou visitées. | ||||||
| Ni- | tem | vous avez été, m. | visités. | ||||||
| Ni- | ten | id. f. | visitées. | ||||||
| Ni- | nω | nous avons été | visités ou visitées. | ||||||
| TEMPS FUTUR. | |||||||||
| i- | FFaQed | il sera | visité. | ||||||
| Ti- | elle sera | visitée. | |||||||
| Ti- | tu seras, masc. | visité. | |||||||
| Ti- | i | tu seras, fém. | visitée. | ||||||
| a- ou ɐ- |
je serai | visité. | |||||||
| i- | ω | ils seront | visités. | ||||||
| Ti- | nah | elles seront | visitées. | ||||||
| Ti- | ω | vous serez, m. | visités. | ||||||
| T- | nah | vous serez, f. | visitées. | ||||||
| Ni- | nous serons | visités. | |||||||
| IMPÉRATIF. | |||||||||
| he- | FFaqed | sois, | masc. | visité. | |||||
| he- | i | id., | f. | visitée. | |||||
| he- | ω | soyez, | m. | visités. | |||||
| he- | nah | id., | f. | visitées. | |||||
| INFINITIF. | |||||||||
| he- | FFaqed | l’être visité ou visitation reçue. |
|||||||
| PARTICIPE. | |||||||||
| Ni- | F’qad | masc. | visité. | ||||||
| Ni- | ah ou at |
fém. | visitée. | ||||||
| Ni- | im | m. | visités. | ||||||
| Ni- | ωt | f. | visitées. | ||||||
| (Ou bien), | |||||||||
| Foqωd | étant | visité. | |||||||
| eh | id. | visitée. | |||||||
| im | id. | visités. | |||||||
| ωt | id. | visitées. | |||||||
La première conjugaison active a un passif qui répond à la septième conjugaison arabe: ce passif se forme très-simplement, en mettant la lettre N ou syllabe Ni devant les trois radicales que les rabbins veulent écrire FeQaD; mais, parce que le petit e se trouve brévissime, l’on doit regarder le F comme muet, et dire NiFQaD: ainsi établi, ce mot reste le même à toutes les personnes du prétérit, qui ne se caractérise qu’en y ajoutant les lettres finales que l’on voit posées dans la colonne qui le suit: NiFQaD-ah, elle a été visitée.
NiFQaD-Ta, masc. tu as été visité; NiFQaD-Te, fém. tu as été visitée, etc., etc.
Je répète ici mon observation que ces deux finales a, e sont de l’invention des rabbins, imitées de l’arabe; je n’en ferai plus mention.
Pour le futur, l’on nous donne le mot IFFaQeD ou IaFFaQeD; il y a ici une irrégularité digne de remarque: la lettre N étant le signe propre du passif, son prétérit NiFQaD devrait faire Tan-FaQeD au futur; pourquoi l’N est-il supprimé et l’F redoublé? dira-t-on que c’est par une règle semblable à celle du latin dans les mots irruere, irrumpere, irradiare, irrigare, qui sont réellement in-ruere, in-rumpere, in-radiare, in-rigare? mais si, dans l’hébreu, le redoublement des lettres F, F, n’a d’autre autorité que le bon plaisir des rabbins, et le petit point furtivement et tardivement inséré dans la lettre; si le doublement de lettres n’a point eu lieu dans l’idiome syriaque plus ancien et plus répandu, si enfin, dans plusieurs cas, l’hébreu ne craint pas d’écrire double une même lettre, comme on le voit dans saBaB, GaLaL, etc., l’on a droit de croire que c’est encore ici une règle factice et posthume imitée des Arabes ou autres étrangers.
Quoi qu’il en soit, iaFFaQeD nous étant donné pour troisième personne, les autres se caractérisent toutes par les lettres antécédentes que l’on voit dans la colonne première, et quelques-unes par des lettres finales placées dans la troisième.
L’impératif et le participe n’offrent rien de particulier digne de remarque.
DEUXIÈME CONJUGAISON ACTIVE.
(Répondant à la deuxième arabe, signifiant je ferai faire.)
| TEMPS PASSÉ. | |||||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Fiqqed | il a | visité fréquemm. | |||||
| ah | elle a | ||||||
| ta | tu as, masc. | ||||||
| te | tu as, fém. | ||||||
| ti | j’ai | ||||||
| ω | ils ou elles ont | ||||||
| tem | vous avez, masc. | ||||||
| ten | vous avez, fém. | ||||||
| nω | nous avons | ||||||
| FUTUR. | |||||||
| ie- | Faqqed | il | visitera fréquemm. | ||||
| te- | elle | id.id. | |||||
| te- | tu, masc. | visiteras fréq. | |||||
| te- | -i | tu, fém. | id.id. | ||||
| a- | je | visiterai fréq. | |||||
| ie- | -ω | ils | visiteront id. | ||||
| te- | -nah | elles | id.id. | ||||
| te- | -ω | vous, masc. | visiterez fréq. | ||||
| te- | -nah | vous, fém. | id.id. | ||||
| ne- | nous | visiterons fréq. | |||||
| IMPÉRATIF. | |||||||
| Faqqed | masc. | visite fréquemm. | |||||
| -i | fém. | id.id. | |||||
| -ω | masc. | visitez fréq. | |||||
| -nah | fém. | id.id. | |||||
| INFINITIF. | |||||||
| Faqqed | le visiter fréq. ou le visitement. |
||||||
| PARTICIPE. | |||||||
| me- | Faqqed | masc. | le visiteur. | ||||
| me- | ah ou at |
fém. | la visiteuse. | ||||
| me- | -im | masc. | les visiteurs. | ||||
| me- | -ωt | fém. | les visiteuses. | ||||
TEMPS PRÉTÉRIT.
Nos trois radicales prennent ici la forme de FiqqeD, en redoublant la lettre du milieu par une règle dont je viens de contester l’authenticité: il appartient aux savans professeurs allemands de prononcer sur cette question, sur laquelle j’appelle leur impartialité; provisoirement je laisse subsister la forme usitée.
On voit ici le temps prétérit caractérisé dans ses diverses personnes par les lettres finales qui lui sont ajoutées.
Le futur donne IFFaQQeD ou ïaFaQQeD qui, pour caractériser ses diverses personnes, place pour chacune, une lettre ou syllabe avant le mot, et qui pour quelques-unes ajoute encore une syllabe après le mot.
L’impératif, le participe et l’infinitif n’ont rien de particulier: mais il est utile de remarquer qu’à dater de cette seconde conjugaison inclusivement, toutes les autre actives et passives placent une M devant le participe, ou, si l’on veut, caractérisent le participe par un m qui le précède.
PASSIF DE LA DEUXIÈME CONJUGAISON ACTIVE.
(En arabe, elle répond à la forme passive de Faqad, Foqad il a été visité.)
| TEMPS PASSÉ. | ||||||
|---|---|---|---|---|---|---|
| Foqqad | il a été | revisité. | ||||
| Foqqed | -ah | elle a été | revisitée. | |||
| -ta | tu as été, m. | revisité. | ||||
| -te | tu as été, f. | revisitée. | ||||
| -ti | j’ai été | revisité ou ée. | ||||
| Foqqed | -ω | ils ou elles ont été | revisités. ou revisitées. |
|||
| -tem | nous avons été, m. | revisités. | ||||
| -ten | vous avez été, f. | revisitées. | ||||
| Foqqed | -nω | nous avons été | revisités ou ées. | |||
| FUTUR. | ||||||
| ie- | Foqqad | il sera | revisité. | |||
| Te- | elle sera | revisitée. | ||||
| Te- | tu seras, m. | revisité. | ||||
| Te- | -i | tu seras, f. | revisitée. | |||
| A- | je serai | revisité ou ée. | ||||
| ie- | ils seront | revisités. | ||||
| Te- | -nah | elles seront | revisitées. | |||
| Te- | -ω | vous serez, m. | revisités. | |||
| Te- | -nah | vous serez, f. | revisitées. | |||
| Ne- | nous serons | revisités ou ées. | ||||
| IMPÉRATIF. | ||||||
| (N’existe pas.) | ||||||
| INFINITIF. | ||||||
| Foqqod | l’être revisité ou revisitation. |
|||||
| PARTICIPE. | ||||||
| me- | Foqqod | masc. | le revisité. | |||
| me- | -ah | fém. | la revisitée. | |||
| me- | -im | masc. | les revisités. | |||
| me- | -ωt | fém. | les revisitées. | |||
TEMPS PRÉTÉRIT.
Ici notre radical prend la forme de Foqqad; les rabbins veulent qu’au féminin de la troisième personne il devienne Foqqed: cela est sans utilité comme sans autorité: le lecteur qui s’habitue à cette marche du verbe, n’a pas besoin de nouvelles explications pour ce tableau; les conjugaisons III et IV qui suivent ne demandent également que d’être étudiées chacune sur son tableau; la quatrième n’a point de passif.
Sur la troisième il est nécessaire de remarquer une irrégularité capable d’embarrasser tout novice: on voit que cette conjugaison se caractérise par le h ou par le hi attaché devant le radical (hi FQID). Le participe devrait être M’hiFQiD, et cela n’est pas. Le h s’est éclipsé sous l’M, pour éviter le hiatus, et l’on dit MeFQiD; voilà pour ce qui concerne les verbes réguliers: avec des formes simples dans leurs bases, il y a néanmoins un art d’invention ingénieux dans les combinaisons; maintenant le lecteur dont la mémoire souple a pu retenir les mots radicaux des sept formes de verbes que je viens d’exposer, entendra facilement la méthode usuelle de les désigner, en disant la conjugaison-FaQaD, au lieu de première active et son passif NiFQaD; la conjugaison FiqqeD, au lieu de la deuxième active et son passif FoqqaD, etc. Ces mots lui rappelleront comment les trois lettres radicales se combinent avec les petites voyelles et deviennent ainsi les modèles de tout autre verbe qui leur ressemble; alors seulement il comprendra ce qu’a voulu dire la formule ordinaire de FaăL, Fiel, HiFiL, HiFaeL, etc., en même temps qu’il apercevra combien elle est vicieuse, puisqu’elle masque entièrement le rôle que joue ou doit jouer la seconde radicale aïn que l’on n’aperçoit plus nulle part. On dirait que les adeptes de cette science ont pris à tâche de la rendre obscure et d’en faire une branche de la science cabalistique.
TROISIÈME CONJUGAISON ACTIVE.
(En arabe afqad, il a fait désirer.)
| TEMPS PASSÉ. | |||||||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| hi- | FQîD | -ah | il a | fait visiter. | |||||
| hi- | id. | -ta | elle a | ||||||
| hi- | FQaD | -te | tu as, m. | ||||||
| hi- | FQaD | tu as, f. | |||||||
| hi- | id. | j’ai | |||||||
| hi- | id. | -ω | ils ou elles ont | ||||||
| hi- | FQîD | -tem | vous avez, m. | ||||||
| hi- | FQaD | -ten | vous avez, f. | ||||||
| hi- | id. | -nω | nous avons | ||||||
| FUTUR. | |||||||||
| ia- | FQîD | il | fera | visiter. | |||||
| ta- | elle | id. | |||||||
| ta- | -i | tu, m. | feras | ||||||
| ta- | tu, f. | feras | |||||||
| a- | je | ferai | |||||||
| ïa- | -nah | ils | feront | ||||||
| ta- | FQeD | -ω | elles | id. | |||||
| ta- | -nah | vous, m. | ferez | ||||||
| ta- | FQeD | vous, f. | id. | ||||||
| na- | nous | ferons | |||||||
| IMPÉRATIF. | |||||||||
| ha- | FQeD | masc. | fais visiter. | ||||||
| ha- | FQîD | -i | fém. | id. | |||||
| ha- | FQîD | -ω | masc. | faites visiter. | |||||
| ha- | FQeD | -nah | fém. | id. | |||||
| ha- | FQîD | le faire visiter. | |||||||
| PARTICIPE. | |||||||||
| ma- | FQîD | masc. | faisant visiter | ||||||
| ma- | FîQD ou FQeD |
-ah. ou at |
fém. | id. | |||||
| ma- | -im | m. | les faisant visiter. | ||||||
| ma- | f. | id. | |||||||
PASSIF DE LA TROISIÈME CONJUGAISON ACTIVE.
| TEMPS PASSÉ. | ||||||
|---|---|---|---|---|---|---|
| ho- | FQaD | il a été | fait visiter. | |||
| ho- | FQeD | -ah | elle a été | |||
| ho- | -ta | tu as été, m. | ||||
| ho- | -te | tu as été, f. | ||||
| ho- | -ti | j’ai été | ||||
| ho- | -ω | ils ou elles ont été | ||||
| ho- | -tem | vous avez été, m. | ||||
| ho- | -ten | vous avez été, f. | ||||
| ho- | -nω | nous avons été | ||||
| FUTUR. | ||||||
| io- | FQaD | il sera | fait visiter. | |||
| to- | elle sera | |||||
| to- | tu seras, m. | |||||
| to- | FQeD | -i | tu seras, f. | |||
| ao- | je serai | |||||
| io- | -ω | ils seront | ||||
| to- | -nah | elles seront | ||||
| to- | FQeD | -ω | vous serez, m. | |||
| to- | -nah | vous serez, f. | ||||
| no- | nous serons | |||||
| IMPÉRATIF. | ||||||
| (N’existe pas.) | ||||||
| INFINITIF. | ||||||
| ho- | FQeD | être fait visiter. | ||||
| PARTICIPE. | ||||||
| mo- | FQaD | masc. | étant fait visiter. | |||
| mo- | -ah | fém. | id. | |||
| mo- | -im | masc. | les étant-fait | |||
| ou | ||||||
| mo- | -ωt | fém. | les fait-visiter. | |||
QUATRIÈME CONJUGAISON ACTIVE.
(Équivalant au passif j’ai été visité, analogue à l’arabe toFaqqad.)
| TEMPS PASSÉ. | ||||||
|---|---|---|---|---|---|---|
| hit- | FaQQeD | il s’est | visité (soi-même). | |||
| hit- | -ah | elle s’est | ||||
| hit- | -ta | tu t’es, m. | ||||
| hit- | FaQQaD | -te | tu t’es, f. | |||
| hit- | -ti | je me suis | ||||
| hit- | -ω | ils ou elles se sont | ||||
| hit- | -tem | vous vous êtes, m. | ||||
| hit- | -ten | vous vous êtes, f. | ||||
| hit- | -nω | nous nous somm. | ||||
| FUTUR | ||||||
| it- | FAQQeD | il se | visitera. | |||
| Tit- | elle se | id. | ||||
| Tit- | tu te, m. | visiteras. | ||||
| Tit- | -i | tu te, f. | id. | |||
| at- | je me | visiterai. | ||||
| it- | -ω | ils se | visiteront. | |||
| Ti- | -nah | elles se | id. | |||
| Tit- | -ω | vous vous, m. | visiterez. | |||
| Tit- | -nah | vous vous, f. | id. | |||
| Nit- | nous nous | visiterons. | ||||
| IMPÉRATIF. | ||||||
| hit- | FaQQeD | masc. | visite-toi. | |||
| hit- | -i | fém. | id. | |||
| hit- | -ω | masc. | visitez-vous. | |||
| hit- | -neh | fém. | id. | |||
| INFINITIF. | ||||||
| hit- | FaQQeD | se visiter ou le visitement de soi-même. |
||||
| PARTICIPE ADJECTIVÉ. | ||||||
| mit ou met- | FaQQeD | masc. | se visitant. | |||
| mit ou met | -ah | fém. | id. | |||
| mit ou met- | -im | masc. | les se visitant. | |||
| mit ou met- | -ωt | fém. | id. | |||
§ VII.
Observations et remarques générales.
Les grammairiens ajoutent à ces conjugaisons plusieurs remarques dont quelques-unes sont nécessaires, d’autres tout-à-fait inutiles.
J’appelle inutiles la plupart de celles qui donnent des règles pour les changemens des petites voyelles ou points-voyelles; par exemple, ils ordonnent dans le cours d’une phrase de prononcer TiGNeBω (vous déroberez); mais à la fin du verset et devant toute pause, ils veulent que l’on dise TiGNoBω.
Si la langue était parlée, il y aurait à cela utilité et autorité; mais comme elle est morte, qu’ils ne savent rien du fait et que le sens reste le même, cette règle et ses semblables doivent tomber nulles. Ajoutez que, pour la clarté du précepte, ils vous disent de substituer Kibuts devant athNak.
En hébreu, comme en arabe et syriaque, on ajoute quelquefois par emphase une N à la fin du verbe, terminé en ω; par exemple, au lieu de ïedăω (ils ont connu), on dit ïedăωn; au lieu de TaKrotω (vous couperez), on dit Takrotωn: le sens est le même avec plus d’affirmation.
Il arrive aussi que l’on ajoute un H final, par exemple, au lieu de BagaDt, on dit Bagadtah, tu as prévariqué; au lieu de AŠmer, on dit AŠmerah, j’observerai.
L’emploi de ce h final ne me semble pas le même dans ce qui suit: par ex., au lieu de L’MoŠeH, valant en français pour oindre (en latin ad unguendum), on dit L’MoŠeHah; mais ici le h final n’est-il pas le signe d’un féminin substantif, et ne signifie-t-il pas proprement pour onction?
Dans la première conjugaison, lorsque la troisième radicale du verbe est un T comme KaRaT (il a coupé), la première et la deuxième personne exigent l’addition d’un autre T qui les caractérise: on doit dire KaRaTTi, j’ai coupé; KaRatt, tu as coupé; KaRaTTom, vous avez coupé: l’Hébreu n’écrit pas cette lettre double, mais les rabbins l’indiquent en posant dans le T l’insensible point qui est le signe du redoublement; nous, qui pouvons redoubler les lettres, nous n’en avons pas besoin.
Si le verbe finit par une N, comme Natan (il a donné), l’on devrait dire NaTaNT-Tom, vous avez donné; mais l’Hébreu écrit et dit par élision et euphonie NaTaTTi, NaTaT-Tom, ce qui devient d’autant plus obscur, qu’outre l’N supprimée, le redoublement du T n’est marqué que par un petit point.
Sur la troisième conjugaison ᴏFQaD, si la première radicale est ăïn, cette voyelle ne subit pas de changement au participe, et l’on dit MoăMad, établi: voilà encore une exception; dans la conjugaison quatrième (HiTFaqqaD), si la première lettre du radical est une des consonnes N, D, T, Ԏ, il y a élision d’abord du T dans HiT et même d’un second T qui serait caractéristique; par ex., au lieu de HiT-TNaBBeTI, j’ai prophétisé, on dit HiNNabeTI; au lieu de MiTDaBBeR, conservant, on dit middaber.
Si cette première radicale est une des quatre consonnes sifflantes z, s, š, ṣ, le T de HiT passe après elle; par ex., saBaL, il a chargé, on devrait dire HiTSaBBeL, et l’on dit HiSTaBBeL, il s’est chargé: ŠaBaҤ, il a loué; on devrait dire HiT-ŠaBBaҤ, et l’on dit HiŠTaBBaɦ.
Si la première lettre est un z ou un ṣad, ces deux lettres, outre qu’elles se déplacent, s’altèrent encore; savoir: Z en D, et ṣad en ԏêta. Par exemple: ṣaDaQ, il a été juste, au lieu de HiTṢaDDeQ, fait—HiṣTaDDeQ, il s’est justifié; zamer, il a préparé,—au lieu de HiTZaMMeR, fait HiZDaMMeR, il s’est préparé.
Ces règles d’exceptions ne laissent pas que de compliquer le système et rendre la langue plus difficile: seulement elles ont le mérite, dans le cas présent, de nous indiquer la prononciation des diverses lettres que je viens de citer, et cela au moyen de l’analogie que suppose leur permutation réciproque: les grammairiens citent encore nombre d’autres règles relatives aux permutations des petites voyelles ou points-voyelles; mais les unes n’ont aucune utilité, et les autres appartiennent aux règles des verbes irréguliers dont je vais traiter.
CHAPITRE VIII.
Des Verbes Irréguliers.
Tout verbe qui s’écarte des formes que nous venons de voir, est un verbe irrégulier, et l’on peut juger qu’il y en a beaucoup, si l’on considère combien il y a de manières de s’en écarter; par ex., lorsqu’une seule ou plusieurs des trois radicales sont voyelles, au lieu d’être consonnes, ce premier cas fournit plusieurs combinaisons; car ce peut être la première lettre ou la deuxième ou la troisième, ou bien encore les lettres une et deux, les lettres une et trois, les lettres trois et deux: aussi est-ce là que sont les difficultés de la langue.
On peut leur assigner deux causes principales:
1o La disposition obligée des deux petites voyelles du radical qui au prétérit veulent être a a (FaQaD); qui au futur se changent en a o (iaFQoD): or, si l’une des radicales est elle-même une voyelle, soit Alef, soit ioD, ω, ăïn, comment les moulera-t-on sur le modèle obligé?
Une autre cause d’irrégularité, est l’antipathie de certaines lettres à se trouver ensemble, à se suivre, et la nécessité d’élider les unes, de doubler les autres, ce qui rend les mots méconnaissables en plusieurs cas. Les rabbins nous disent qu’il ont pourvu à tout par des règles; mais leurs règles sont apocryphes, posthumes à l’usage et à la connaissance de la langue; les manuscrits de Moïse et d’Ezdras n’en ont pas fourni la moindre indication; nous allons voir qu’il y en a beaucoup qui n’ont pas de fondement.
Les verbes irréguliers se divisent en deux classes, savoir: les Défectifs et les Quiescents.
Ils sont défectifs, si, en se conjuguant, une de leurs consonnes radicales disparaît.
Ils sont quiescents, s’ils ont pour radicales une des quatre lettres a, H, ï, ω, attendu que ces lettres disparaissent aussi dans la conjugaison.
Ce mot quiescent, c’est-à-dire en état de repos, me paraît impropre; ne vaudrait-il pas mieux dire que les verbes sont irréguliers, les uns par la disparition ou éclipse de quelques voyelles, les autres par la disparition ou éclipse de quelques consonnes? ces lettres qui disparaissent, seraient très-bien nommées éclipsantes ou éclipsées, car c’est le fait.
L’irrégularité peut avoir lieu tantôt dans la première, tantôt dans la seconde, tantôt dans la troisième radicale: tout lecteur entend ce langage; on dirait que nos docteurs ont pris à tâche d’être obscurs: ils rendent cette même idée en disant que le verbe est défectif ou quiescent en F, ou en ăïn, ou en LaMeD:
Quand une lettre s’éclipse, elle est quelquefois compensée par le redoublement de la suivante.
Ce cas arrive toujours si la première radicale est ou N ou i, car l’une et l’autre doivent disparaître selon les temps ou les personnes.
Par exemple, NaBaL (il est tombé) devrait au futur faire IaNBωL, et il fait IaBBωL (il tombera); IaṢaB (il a établi) devrait faire au passif NiṢaB (il a été établi), et il fait NaṢṢB; prononcé NiṢṢaB par i bref au lieu du grand i radical.
La seconde classe des défectifs est celle dont la deuxième radicale disparaît; tels sont les verbes qui ont une même lettre pour deuxième et troisième radicales. Par exemple, SaBaB (il a environné); ŠaNaN (il a aiguisé); GaLaL (il a roulé).
On donne trois règles à cette classe: par la première on retranche la lettre double de milieu, et l’on dit Sa-B et Ga-L.
Par la deuxième, si le mot est suivi de quelques lettres serviles, on lui rend sa radicale supprimée: par exemple, on dit SaBBaH (elle a environné), GaLLaH (elle a roulé).
Par la troisième, si, au temps prétérit, le mot est suivi des lettres qui caractérisent les personnes, l’on introduit un ω et l’on dit SaBBωT (il a environné), SaBBωTi (j’ai environné), SaBBωNω (nous avons environné).
La dernière classe des défectifs par consonnes, est celle dont s’éclipse la troisième radicale; par ex., le verbe NaTaN (il a donné) devrait faire NaTaNT (tu as donné); NaTaNTi (j’ai donné): au lieu de cela, on supprime l’N et l’on écrit NaTaTT.
Sur ceci je remarque que, dans le principe, on a dû écrire pleinement NaTaNT, et que ce n’est que par le laps de temps et la trituration du langage qu’il fut trouvé plus commode de prononcer NaTaTT et de l’écrire ainsi; cela prouverait que cette écriture n’est pas de la haute antiquité, mais d’époques postérieures.
Maintenant pour les quiescents ou irréguliers par éclipse des voyelles a, H, ω, I, la chose se passe de trois manières:
1o Quand la première radicale est a ou bien i;
2o Quand la deuxième est soit ω, soit i;
3o Quand la troisième est a ou H;
Dans le premier cas, supposons amar (il a dit)
ayant pour type FaQaD,
:
le futur devrait faire IaMoR (il dira),
comme
,
qui est son type; les rabbins veulent que l’on dise IoMeR: j’accorde
mer au lieu de mor: plusieurs verbes l’appuient;
mais je nie le changement de a en o: il a
contre lui son modèle iaF, qui ordonne de dire ia;
ensuite les manuscrits de Moïse et d’Ezdras, en écrivant -iaMR-,
n’ont indiqué aucun signe de changer l’a:
la tradition des prononciations a été trop brisée
pendant quatre ou cinq cents ans pour s’y confier,
et les rabbins ont certainement imité ici l’idiome
syriaque, devenu dominant, et qui prononce o pour a.
Si au lieu de a, la première radicale est i, voici ce qui arrive: par exemple: IaŠaB (il s’est assis) devrait faire au futur iiŠeB (il s’assiéra): l’ont veut qu’il fasse ieŠeB; mais alors, comment distinguer ce futur de son passé, quand il n’a existé que les grandes lettres: il en résulte que l’on peut à volonté y voir un passé ou un futur, c’est-à-dire un narratif ou un prophétique, ce qui est un peu différent, et cependant les écrivains poétiques, dits prophètes et psalmistes, sont pleins de ces cas dont les interprètes ont fait tout ce qu’il leur a plu.
Au passif, ce verbe iŠaB devrait faire NIŠaB (il a été assis de force): on veut qu’il fasse NωŠaB; à la bonne heure: cela est écrit en toutes lettres.
La seconde classe des quiescents est celle dont la deuxième radicale est ω, ou bien i; par exemple: les verbes Qωm (s’élever), Mωt (mourir), BiN (comprendre.)
C’est ce verbe que les Arabes appellent verbe creux, parce que la voyelle qui occupe le milieu venant à disparaître, il y a comme un vide entre les deux consonnes; mais ce vide n’existe point dans ma méthode, puisque toujours une petite voyelle prend la place de la grande.
On devrait dire régulièrement QaωM (verbe creux) (il s’est levé), et on l’écrit QaM ou QaM; BiN devrait faire BaIaN, et on l’écrit BaN: à la bonne heure, on conçoit ces irrégularités.
La troisième classe des quiescents est celle dont la troisième radicale est A ou Ҥ; par exemple: MaSA (il a trouvé). Dans le fait, cet A n’ayant chez les rabbins d’autre changement qu’un point-voyelle qui ne le dénature pas, l’on peut dire que le précepte est nul.
Si la finale, au lieu d’A, est Ҥ, cette lettre se prête à diverses altérations; par exemple: GaLaH (révéler) perd son H avant ω et avant I: on dit GaLω, au lieu de GaLHω, etc.
Il y a encore des irréguliers quiescents à deux voyelles, comme BωA (venir): au temps passé il se dit BA (il est venu): rigoureusement parlant, ce dernier mot est le vrai radical, et prouverait qu’il y a eu des verbes de deux lettres seulement ou d’une syllabe. Le mot BωA nous est donné comme un infinitif ou plutôt comme un substantif (l’action de venir.)—Le ω se trouve supprimé dans une partie de la conjugaison qui, du reste, se comporte assez régulièrement pour les lettres serviles.
Si mon travail avait pour but d’enseigner la langue hébraïque dans ses moindres détails, je devrais dresser ici le tableau complet de tous ses verbes irréguliers; mais, outre que la cumulation de ces difficultés dans une grammaire ne fait que charger la mémoire des commençans, et qu’il est bien plus commode de ne les connaître qu’à mesure du besoin, lorsqu’on les rencontre dans le cours des phrases qui les fixent dans l’esprit, je regarde comme plus convenable de les renvoyer à un dictionnaire qui serait composé selon mes principes[193]. Il suffira à mes lecteurs d’avoir pris une connaissance sommaire de l’édifice grammatical; il ne me reste plus qu’à exposer la manière dont les Hébreux lient ensemble dans un ordre successif les mots et les idées que renferme le cadre d’une phrase: c’est là ce que l’on nomme syntaxe, et là surtout est la pierre de touche du degré d’intelligence que possède une nation.
[193] Notre judicieux et savant grammairien l’abbé Ladvocat en a composé de bons tableaux, que les amateurs trouveront aux pages 130 et suivantes de sa Grammaire.