L'Histoire de France racontée par les Contemporains (Tome 1/4): Extraits des Chroniques, des Mémoires et des Documents originaux, avec des sommaires et des résumés chronologiques
L'admirable récit qui va suivre est extrait et traduit du poëme attribué à Théroulde, et intitulé: La Chanson de Roland[324]. Nous avons cru devoir faire précéder et suivre l'épisode que nous donnons ici d'une courte analyse du poëme.
Marsille, roi sarrasin de Saragosse, se décide en envoyer des ambassadeurs auprès de Charlemagne pour lui demander la paix. A son tour, Charlemagne envoie Ganelon auprès de Marsille pour traiter de la paix. Ganelon se laisse corrompre par Marsille, et s'engage à trahir Charlemagne, pour se venger de Roland; il décidera l'empereur à partir d'Espagne et à laisser Roland à l'arrière-garde, où l'armée de Marsille pourra l'accabler à loisir.
Chargé de présents, le traître Ganelon revient au camp de Charlemagne; il annonce la soumission de Marsille. Charlemagne, trompé, lève son camp, et se met en route pour rentrer en France. Roland, par le conseil de Ganelon, est laissé à l'arrière-garde; l'avant-garde se met en marche, et s'engage dans les défilés.
«Les montagnes sont hautes et les vallées ténébreuses, les rochers noirs, les défilés sinistres. Les Français eurent grand'peine tout le jour; de quinze lieues on entendait leur rumeur, pendant qu'ils approchaient de la grande terre[325]. Ils virent la Gascogne, la terre de leur seigneur; alors ils se rappellent leurs fiefs, et leurs honneurs, et les demoiselles, et les nobles épouses; il n'est celui qui de pitié ne pleure. Plus qu'aucun autre, Charlemagne est anxieux d'avoir laissé son neveu dans les défilés d'Espagne; il est saisi de pitié; il ne peut s'empêcher de pleurer.»
Pendant ce temps, Marsille rassemble 400,000 hommes, barons, comtes et émirs, et s'avance contre l'arrière-garde de Charlemagne. Olivier monté sur un grand pin voit s'approcher les païens:
«Il avertit Roland, et l'engage à sonner de son olifant: Olivier dit: «Les païens sont nombreux, de nos Français il me semble y avoir bien peu; compagnon Roland, sonnez dans votre cor, Charles l'entendra et fera retourner l'armée.» Roland refuse de sonner. «Ne plaise au seigneur Dieu que mes parents pour moi soient blâmés et que douce France tombe ainsi en abaissement. Mais je frapperai de Durandal[326] assez, ma bonne épée que j'ai ceinte au côté; vous en verrez tout l'acier ensanglanté. Les félons païens se sont assemblés pour leur perte, je vous le dis, tous sont livrés à la mort.»
A l'approche des ennemis, l'archevêque Turpin bénit les Français. La bataille s'engage.
La bataille de Roncevaux.
La bataille est merveilleuse et terrible; Olivier et Roland y frappent fort et ferme! L'archevêque Turpin y rend plus de mille coups! les douze pairs n'y sont point en retard; les Français y frappent tous les uns comme les autres; les païens meurent par milliers et par cents; qui ne s'enfuit n'échappe pas à la mort; qu'il le veuille ou non, chacun y laisse sa vie! Les Français y perdent leurs meilleurs garçons, qui ne reverront ni leur père, ni leurs parents, ni Charlemagne, qui les attend au-delà des défilés!
En France il y a de prodigieuses tempêtes; il y a des tourbillons de tonnerre et de vent, pluies et grésil démesurément; la foudre tombe et menu et souvent; tremblement de terre il y a vraiment; de Saint-Michel de Paris jusques à Sens, de Besançon jusqu'au port de Guitsand[327], il n'est de logis dont les murs ne crèvent! à midi il fait de grandes ténèbres; il n'y a de clarté que si le ciel se fend! Personne ne le voit qui ne s'épouvante! plusieurs disent: C'est le définement, c'est la fin du monde qui arrive. Ils ne le savent, et ne disent pas vrai: c'est le grand deuil pour la mort de Roland!
Les Français ont frappé avec cœur et vigueur! païens sont morts à milliers et en foule. Sur cent mille il ne peut en échapper deux! «Çà, dit Roland, nos hommes sont braves, homme sous le ciel n'en a de meilleurs! il est écrit dans la Geste des Francs[328] que notre empereur a les braves.» Roland et Olivier parcourent le camp pour encourager les leurs; tous pleurent des larmes de deuil et de tendresse pour leurs parents, qu'ils aiment de tout cœur.
Le roi Marsille avec sa grande armée les attaque. Il s'avance par une vallée avec sa grande armée, qu'il a rassemblée; il l'a partagée en trente escadrons, dont brillent les heaumes[329] ornés d'or et de pierres précieuses, et les écus[330] et les cuirasses frangées. Sept mille clairons y sonnent la marche; grand est le bruit par toute la contrée.
«Çà, dit Roland, Olivier, mon compagnon, mon frère, Ganelon le traître a juré notre mort; sa trahison ne peut être cachée, l'empereur en tirera une éclatante vengeance! nous aurons une bataille forte et dure, jamais on ne vit telle assemblée! J'y frapperai de Durandal mon épée, et vous, compagnon, frappez de Hauteclaire! En tant de bons lieux nous les avons portées, avec elles tant de batailles nous avons achevées, mauvaise chanson n'en doit être chantée!»
En avant!
Marsille voit de sa gent le martyre, aussi fait-il sonner ses cors et ses trompettes; puis il chevauche avec sa grande armée rassemblée. Devant chevauche un Sarrasin, Abisme; c'est le plus méchant de toute cette bande: il est souillé de crimes et de félonies; il ne croit pas en Dieu le fils de sainte Marie; il est noir comme poix qui est fondue; il aime plus la trahison et le meurtre que tout l'or de la Galice! jamais nul homme ne le vit jouer ni rire. Cependant il est plein de courage et d'orgueil; pour cela il est le favori du félon roi Marsille; il porte le dragon où l'armée se rallie. L'archevêque Turpin ne l'aimera jamais; sitôt qu'il le voit, il désire le frapper; bien tranquillement il se dit à lui-même: «Ce Sarrasin me semble bien hérétique: il est bon que je l'aille occire; jamais je n'aimai couard ni couardise.»
L'Archevêque commence la bataille sur le cheval qu'il ravit à Grossaille, qui était au roi qu'il tua en Danemark. Le destrier est agile et rapide; il a les pieds bien faits et les jambes plates, la cuisse courte et la croupe bien large, les flancs allongés et l'échine bien haute, la queue blanche et la crinière jaune, petite oreille, la tête toute fauve; il n'y a bête qu'on puisse lui comparer. L'Archevêque l'éperonne bravement; il ne veut pas manquer d'assaillir Abisme; il va le frapper sur son écu d'émir, couvert de pierreries, d'améthystes et de topazes, et d'escarboucles qui brillent. Turpin le frappe et ne l'épargne pas; après son coup, l'écu ne vaut pas un denier; il traverse le corps du païen de part en part et le jette mort en belle place. Et les Français de dire: «Voilà un vaillant trait! par l'Archevêque la croix est bien défendue.»
Quand les Français voient qu'il y a tant de païens, et que de tous côtés les champs en sont couverts, ils prient Olivier et Roland, et les douze pairs, de les protéger. Turpin leur dit alors: «Seigneurs barons, n'ayez pas de mauvaise pensée! Pour Dieu! je vous en prie, ne lâchez pas pied, que les honnêtes gens ne chantent pas mauvaise chanson sur nous. Il faut mieux que nous mourions en combattant! Cela nous est promis, nous mourrons ici. Passé ce jour nous ne serons plus vivants; mais d'une chose je vous suis bien garant: c'est que le saint paradis vous est ouvert, où vous serez assis avec les bienheureux.» A ce mot, les Français se réjouissent, et tous crient: Monjoie!
Il y eut un Sarrasin de Saragosse, seigneur d'une moitié de cette ville: c'est Climborin, qui n'était pas homme de bien. C'est lui qui reçut le serment du comte Ganelon, par amitié l'embrassa sur la bouche et lui donna son épée et son escarboucle. Il mettra à honte la grande terre, dit-il, et enlevera la couronne à l'empereur. Sur son cheval, qu'il appelle Barbamouche, il est plus léger qu'épervier ou hirondelle; il l'éperonne fortement, lui lâche la bride, et va frapper Angelier de Gascogne. Ni son écu ni sa cuirasse ne le peuvent garantir; le païen lui met dans le corps la pointe de son épieu, pousse ferme, le traverse d'outre en outre, et à pleine lame le retourne mort sur le sol; puis il s'écrie: «Ils sont bons à confondre! Frappez, païens, pour rompre la presse!» Et les Français de dire: «Quelle perte que celle de ce brave!»
Le comte Roland appelle Olivier: «Sire compagnon, lui dit-il, déjà Angelier est mort; nous n'avions pas de plus vaillant chevalier.» Olivier lui répond: «Que Dieu me donne de le venger!» Il pique son cheval de ses éperons d'or pur, tient Hauteclaire, dont l'acier est sanglant, de tout son courage va frapper le païen, brandit son coup, et le Sarrasin tombe. Les diables emportent son âme. Puis Olivier occit le duc Alphaïen, et tranche la tête à Escababiz; il désarçonne sept Arabes: ceux là ne seront plus bons pour le service! «Çà, dit Roland, mon compagnon est en colère; c'est pour s'égaler à moi qu'il frappe ainsi; c'est pour de tels coups que Charles nous estime.» Puis il crie de toute sa voix: «Frappez-y, chevaliers!»
D'autre part est un païen, Valdabrun; il éleva le roi Marsille; il est seigneur sur mer de 400 dromons; il n'est matelot qui réclame un autre nom que le sien. Il prit jadis Jérusalem par trahison, viola le temple de Salomon, et tua le patriarche devant les fonts. Il reçut aussi le serment de Ganelon, et lui donna son épée et 1,000 mangons. Sur son cheval, qu'il appelle Gramimond, il est plus léger qu'un faucon. Il le pique de ses éperons aigus, et s'en vient frapper le duc Sanche; il brise son écu, déchire son haubert, lui plante dans le corps la banderole de son gonfanon, et à pleine lance le jette mort à bas des arçons: «Frappez, païens! crie-t-il, car nous les vaincrons très-bien!» Et les Français de dire: «Quelle perte que celle de ce brave!»
Le comte Roland, quand il vit Sanche mort, vous devinez la grande douleur qu'il en eut. Il pique son cheval, court à lui à toute force, tient Durandal, qui vaut mieux qu'or fin, va le frapper bravement, tant qu'il peut, sur son casque damasquiné d'or, pourfend la tête, la cuirasse et le corps, et la bonne selle ouvragée d'or, et le dos du cheval jusqu'au fond, et les tue tous deux; qui l'en blâme ou le loue. Les païens de dire: «Ce coup est fatal.» Roland répond: «Je ne puis aimer les vôtres; devers vous est l'orgueil et le tort.»
Il y a un Africain venu d'Afrique; c'est Malcroyant, le fils du roi Malcud; tous ses harnais sont d'or battu; il luit au soleil parmi tous les autres; son cheval s'appelle Saut-Perdu; nulle bête ne peut courir plus vite que lui. Malcroyant va frapper Anséis sur l'écu, dont il tranche le vermeil et l'azur; il rompt les mailles de son haubert et lui met dans le corps et le fer et le bois de sa lance. Le comte est mort, ses jours sont finis. Et les Français de dire: «Malheureux baron!»
Sur le champ de bataille est l'archevêque Turpin; jamais pareil tonsuré ne chanta la messe, qui de son corps fit de telles prouesses; il dit au païen: «Que Dieu te rende tout ce mal; tu viens d'en tuer un que mon cœur regrette!» Il pousse son bon cheval, frappe sur l'écu de Tolède, et l'abat mort sur l'herbe verte.
D'un autre côté est un païen, Grandogne, fils de Capuel, le roi de Cappadoce, sur un cheval qu'il appelle Marinore; il est plus léger que n'est oiseau qui vole; il lâche la bride, le pique des éperons, et va frapper Gérin de toute sa force, brise l'écu vermeil qui lui pendait au cou, ouvre sa cuirasse, et lui entre dans le corps sa banderole bleue, et l'abat mort au pied d'un haut rocher. Il tue encore son compagnon Gérer, et Bérenger, et Guyon de Saint-Antoine, puis va frapper un riche duc, Austore, qui possède Valence et Envers sur le Rhône; il l'abat mort; les païens en ont grande joie. Et les Français de dire: «Quel déchet des nôtres!»
Le comte Roland tient son épée sanglante; il a bien entendu que les Français se désespèrent; il a tant de douleur que le cœur lui fend. Il dit au païen: «Que Dieu te renvoie tout ce mal, car tu viens de tuer un homme que je veux te faire payer cher»; il pique son cheval, qui court de toute force. Qui va le payer! Les voilà en présence.
Grandogne était vaillant et brave combattant; en son chemin il rencontre Roland; il ne l'avait jamais vu, il le reconnaît cependant à son fier visage, à la beauté de son corps, à son regard et à sa contenance. Il ne peut s'empêcher d'avoir peur; il voudrait s'enfuir, mais il ne le peut. Le comte le frappe si vertement que jusqu'au nez il fend le casque, tranche le nez et la bouche et les dents, tout le corps et l'haubert, et la selle d'argent, et l'épée s'enfonce encore profondément dans le dos du cheval; tous les deux sont tués sans remède, et ceux d'Espagne s'en désolent piteusement. Et les Français de dire: «Il frappe bien, notre défenseur!»
La bataille est merveilleuse et grande; les Français y frappent de leurs épieux d'acier bruni. On y voyait grande douleur de gens, hommes morts, blessés et sanglants; l'un gisant sur l'autre, sur le dos ou sur la face. Les Sarrasins ne peuvent plus tenir; qu'ils le veuillent ou non, on les fait déguerpir, et les Français les chassent de vive force.
En avant!
La bataille est merveilleuse et rapide. Les Français combattent avec vigueur et colère, tranchent les poings, les côtes, les échines et les vêtements jusques aux chairs vives; sur l'herbe verte le sang clair découle. Grande terre, Mahomet te maudit; sur toute nation la tienne est hardie! Il n'est Sarrasin qui ne crie: «Marsille! chevauche, roi, nous avons besoin d'aide!»
Le comte Roland dit à Olivier: «Sire compagnon, si vous voulez le permettre, l'Archevêque est très-bon chevalier! Il n'en est pas de meilleur en terre ni sous le ciel; il sait bien frapper et de la lance et de l'épieu.» Olivier répond: «Allons donc l'aider.» A ces mots, les Français recommencent. Durs sont les coups, et le combat est vif; il y a grand carnage de chrétiens. Qui eût vu Roland et Olivier de leurs épées frapper et combattre, aurait pu garder le souvenir de rudes soldats. L'Archevêque frappe de son épieu. Ceux qu'ils ont tué, on les peut bien compter; le nombre est écrit dans les histoires; c'est, dit la Geste, plus de quatre milliers.
Les quatre premières charges ont réussi aux Français; mais le cinquième choc leur est désastreux. Tous les chevaliers français sont occis, excepté soixante que Dieu y a épargnés et qui se vendront cher avant que de mourir.
En avant!
Le comte Roland voit la grande perte des siens; il appelle son compagnon Olivier: «Beau cher compagnon, lui dit-il, par Dieu, qui vous protége, voyez tous ces bons soldats gisants par terre. Nous pouvons plaindre douce France, la belle, qui perd de tels barons! Eh! roi notre ami, que n'êtes-vous ici? Frère Olivier, que pouvons-nous faire? Comment lui ferons-nous savoir des nouvelles? Olivier dit: «Je ne sais comment le quérir; mieux vaux la mort que la honte.»
En avant!
«Çà, dit Roland, je cornerai l'olifant, et Charles, qui passe les défilés l'entendra; je vous garantis que les Français vont revenir.»—«Ah! dit Olivier, ce serait grande honte à répandre sur tous vos parents, et cette honte durerait toute leur vie. Quand je vous dis de corner, vous n'en fîtes rien; vous ne le ferez pas maintenant par mon conseil; et si vous cornez, ce ne sera pas hardiment; déjà vous avez les deux bras sanglants.»—«C'est vrai, dit Roland, mais j'ai donné de fameux coups!»
En avant!
«Çà, dit Roland: la partie est trop forte; je cornerai, et le roi Charles l'entendra.» Olivier reprit: «Ce ne serait pas brave! quand je vous le dis, compagnon, vous ne daignâtes pas m'écouter. Si le roi eût été ici, nous n'aurions pas eu ce dommage. Ceux qui sont là n'en doivent avoir blâme.» Il dit encore: «Par cette mienne barbe, si je puis revoir ma gentille sœur Aude, jamais vous ne serez couché entre ses bras!»
En avant!
«Çà, dit Roland, pourquoi me gardez-vous rancune?» Et Olivier répond: «Compagnon, c'est votre ouvrage; car courage raisonnable n'est pas folie, et modération vaut mieux qu'orgueil: ces Français sont morts à cause de votre imprudence, et de nous Charles n'aura jamais plus de service. Si vous m'aviez cru, notre seigneur arrivait, nous aurions gagné cette bataille, et le roi Marsille serait pris ou mort. Votre prouesse, Roland, a tourné contre nous. Charles le Grand n'aura plus d'aide de nous, et pareil homme ne sera plus jusqu'au jugement dernier. Vous mourrez ici, et la France en sera honnie; aujourd'hui vous manque sa loyale compagnie; avant le soir la perte sera grande.»
En avant!
L'Archevêque les entend disputer; il pique son cheval de ses éperons d'or pur, vient près d'eux, et se met à les reprendre: «Sire Roland et vous sire Olivier, pour Dieu, je vous prie, ne vous disputez pas! Sonner du corps ne nous servirait à rien; mais cependant il est bon que le roi vienne: il nous pourra venger. Ceux d'Espagne n'y doivent pas retourner. Quand nos Français arriveront, ils nous trouveront morts et hachés; ils nous mettront dans des bières, sur des mulets, nous donneront des larmes de deuil et de compassion, et nous enseveliront dans les cimetières des monastères, et les loups, ni les porcs, ni les chiens ne nous mangeront.» Roland répond: «Sire, vous parlez très-bien.»
En avant!
Roland met l'olifant à sa bouche, l'embouche bien, et le sonne de toute sa puissance. Dans ces hautes montagnes, le bruit du cor se prolonge. Trente grandes lieues l'entendirent résonner.
Charles l'entend et tous ses compagnons. «Çà, dit le roi, nos gens livrent bataille.» Mais Ganelon lui répondit à l'encontre: «Si un autre le disait, ça semblerait un grand mensonge.»
En avant!
Le comte Roland sonne son olifant avec tant de peine, d'effort et de douleur qu'un sang clair sort de sa bouche et que la tempe de son front en est rompue aussi. La voix du cor qu'il tient est bien grande! Charles l'entend qui traverse les défilés. Naimes l'entend, et les Français l'écoutent. «Çà, dit le roi, j'entends le cor de Roland! jamais il ne le sonna que ce ne fût en combattant.» Ganelon répond: «Il n'est point de bataille; vous êtes déjà vieux et blanc fleuri; par telles paroles vous ressemblez à un enfant! Vous savez assez le grand orgueil de Roland; c'est merveille que Dieu le souffre autant; déjà, sans votre commandement il a pris Naples; les Sarrasins qui y étaient s'en échappèrent; six de leurs chefs vinrent trouver le preux Roland...........[331]; ensuite il fit laver les prés avec de l'eau pour qu'on ne vît plus le sang. Pour un seul lièvre il va corner tout un jour; devant ses pairs il est maintenant à folâtrer. Sous le ciel il n'est homme qui osât le rappeler à la raison. Donc chevauchez; pourquoi vous arrêter? La grande terre est bien loin devant nous.»
En avant!
Le comte Roland a la bouche sanglante; la tempe de son front est rompue; il sonne l'olifant avec douleur et peine. Charles l'entend et les Français l'entendent. «Çà, dit le roi: «Ce cor a longue haleine.» Le duc Naimes répond: «C'est un brave qui a cette peine; il y a bataille. Par ma conscience, celui-là l'a trahi qui veut vous donner le change. Apprêtez-vous, criez votre cri de guerre, et allez au secours de votre noble maison. Vous entendez assez que Roland se désespère.»
L'empereur fait sonner ses cors; les Français redescendent[332], revêtent leurs hauberts et leurs heaumes et prennent leurs épées d'or; ils ont des boucliers et des épieux grands et forts, et gonfanons blancs, et bleus, et rouges. Tous les barons de l'armée remontent sur leurs destriers et les piquent vivement; tant que durent les défilés ils se disent tous entre eux: «Si nous voyions Roland avant qu'il fût mort, ensemble avec lui nous donnerions de grands coups!» Mais c'est en vain! Ils ont trop tardé.
L'ombre est éclaircie; il fait jour; les armures reluisent au soleil; heaumes et hauberts jettent de grands reflets, et les écus, qui sont bien peints à fleurs, et les épées, et les gonfanons dorés. L'empereur chevauche avec colère, et les Français tristes et soucieux. Il n'y en a aucun qui ne pleure rudement, et tous sont remplis d'inquiétude sur Roland. Le roi fait prendre le comte Ganelon; il l'a ordonné aux queux[333] de sa maison; il a dit à Besgun, leur chef: «Garde-le-moi bien, ce félon qui a trahi ainsi ma maison.» Besgun le reçoit, et met auprès de lui cent compagnons de la cuisine, des meilleurs et des pires, qui lui arrachent la barbe et les moustaches poil à poil; chacun lui donne quatre coups de son poing; ils le battent à coups de bâton et lui mettent au cou une chaîne, et l'enchaînent tout comme un ours. Sur un âne ils le placent par ignominie, et le garderont jusqu'à ce qu'ils le rendent à Charles.
En avant!
Les monts sont hauts, et ténébreux, et grands, les vallées profondes et les eaux rapides; les trompettes sonnent et derrière et devant, et toutes répondent à l'olifant. L'empereur chevauche avec fureur, et les Français tristes et soucieux; tous pleurent et se lamentent et prient Dieu qu'il conserve Roland jusqu'à ce qu'ils le rejoignent sur le champ du combat; réunis à lui ils y frapperont ferme. Mais c'est en vain; ils ont trop tardé, ils ne peuvent y être à temps.
En avant!
Le roi Charles chevauche en grand courroux; sur sa cuirasse gît sa barbe blanche. Tous les barons de France piquent leurs chevaux, et chacun exprime sa colère de ne pas être avec Roland le capitaine, qui se bat avec les Sarrasins d'Espagne; s'il est blessé, ils ne croient pas que d'autres en réchappent! Dieu! il a soixante chevaliers avec lui, tels que jamais roi ou capitaine n'en eut de meilleurs.
En avant!
Roland regarde les montagnes et les sapins; il voit tant de Français étendus morts qu'il les pleure en noble chevalier: «Seigneurs barons, dit-il, que Dieu vous fasse miséricorde; qu'à toutes vos âmes il octroie le paradis et les fasse reposer au milieu des fleurs saintes! Meilleurs soldats que vous jamais je ne vis, vous qui si longtemps m'avez aidé à conquérir de grands royaumes pour Charles! Pour cette fin cruelle l'empereur vous avait-il nourris! Terre de France, bien doux pays, vous êtes veuve aujourd'hui de bien braves soldats! Barons français, vous êtes morts par ma faute! Je ne puis plus vous sauver; que Dieu vous aide, qui jamais ne mentit! Olivier, frère, je ne dois pas vous faire défaut: de chagrin je mourrai si je ne suis tué ici. Sire compagnon, retournons au combat!»
Le comte Roland reparaît sur le champ de bataille, tient Durandal et frappe comme un brave; il coupe en deux Faudron de Pin et vingt-quatre Sarrasins des mieux prisés; jamais homme ne se défendit mieux. Comme le cerf s'enfuit devant les chiens, ainsi devant Roland s'enfuient les païens, et l'Archevêque de dire: «Vous allez assez bien! Telle valeur doit avoir un chevalier bien armé et sur un bon cheval; il doit être fort et fier pendant la bataille, ou autrement il ne vaut pas quatre sous, et doit être moine dans un de ces monastères où il priera tous les jours pour nos péchés.»—Roland répond: «Frappez, point de quartier!» A ces mots les Français recommencent; grande perte il y eut des chrétiens.
Les Français savent qu'il n'y aura pas de prisonniers dans une telle bataille; aussi se défendent-ils et sont-ils fiers comme des lions.
Voici Marsille; il a l'air d'un noble guerrier sur son cheval, qu'il appelle Gaignon; il le pique, fond sur Beuve, sire de Beaune et de Dijon, et du choc lui brise l'écu, lui rompt le haubert et le renverse mort sans blessure. Puis il occit Yvoire et Yvon, et avec eux Gérard de Roussillon. Le comte Roland, qui n'est guère loin, dit au païen: «Que Dieu te confonde, toi qui tues mes compagnons! tu en seras payé avant de nous séparer, et tu apprendras le nom de mon épée.» Il court dessus, comme sur un noble guerrier, lui tranche le poing droit, puis coupe la tête à Jurfaleu le blond, le fils du roi Marsille. Les païens crient: «Aide-nous, Mahomet, notre Dieu, venge nous de Charles! Il a envoyé contre nous, dans ce pays, des félons qui ne fuiront pas, même pour ne pas mourir.» Ils se disent les uns aux autres: «Eh! sauvons nous!» A ces mots, cent mille se sauvent; les rappelle qui voudra, ils ne reviendront pas.
En avant!
Mais c'est en vain. Si Marsille s'est enfui, est demeuré son oncle Marganice, qui tient Carthagène pour son frère Garmaille et l'Ethiopie, une terre maudite; les noirs qu'il commande ont le nez grand et les oreilles larges; ils sont plus de cinquante mille, et chevauchent fièrement et avec fureur, criant la devise des païens. «Çà, dit Roland, ici nous recevrons le martyre, et je sais bien que nous n'avons guère à vivre; mais sera félon qui ne vendra cher sa vie; frappez, seigneurs, de vos épées fourbies, et disputez votre mort et votre vie; que la douce France par nous ne soit honnie! Quand sur ce champ viendra Charles, notre sire, il verra comment nous avons combattu les Sarrasins, et en trouvera quinze de morts contre un de nous; il ne laissera pas que de nous bénir.»
En avant!
Quand Roland vit la gent maudite, qui est plus noire que l'encre et n'ont de blanc que sur les dents: «Or çà, dit le comte, je sais vraiment que nous mourrons certainement aujourd'hui; frappez, Français, je vous le recommande.» Et Olivier de dire: «Malheur sur les plus lents!» A ces mots les Français reviennent à la charge.
Quand les païens voient que les Français diminuent, ils en ont et orgueil et reconfort; ils se disent: «L'empereur a tort.» Le Marganice, sur un cheval bai, qu'il pique de ses éperons d'or, frappe Olivier par derrière, au milieu du dos, lui crève son haubert blanc et lui plante son épieu dans la poitrine, et dit après: «Vous avez reçu un fort coup! Mal vous en a pris que Charlemagne vous ait laissé dans les défilés! S'il nous a fait du mal, il n'aura pas à s'en vanter, car sur vous seul j'ai bien vengé les nôtres!»—Olivier sent qu'il est frappé à mort; il tient toujours Hauteclaire à l'acier bruni; il frappe sur le casque d'or de Marganice, en démolit les fleurs et les cristaux, fend la tête jusqu'aux dents, brandit son coup et l'abat mort, et dit après: «Païen, maudit sois-tu! Je ne dis pas que Charles n'y perde, mais ni à ta femme, ni à une autre du royaume dont tu fus, tu n'iras te vanter de m'avoir enlevé pour un denier vaillant, ni d'avoir fait tort à moi ou à d'autres.» Après il appelle Roland à son secours.
En avant!
Olivier sent qu'il est blessé à mort; il n'aura plus d'autre occasion de se venger; il se jette dans la mêlée et y frappe en brave, tranchant lances, écus, pieds, poings, selles et côtes. Qui l'eût vu couper en morceaux les Sarrasins, jeter par terre un mort sur un autre, d'un bon guerrier conserverait le souvenir. Olivier ne veut pas oublier la devise de Charles; il crie Montjoie d'une voix forte et claire, et appelle Roland son ami et son pair: «Sire compagnon, lui dit-il, joignez-vous à moi; car à notre grand deuil nous serons aujourd'hui séparés.»
En avant!
Roland regarde Olivier au visage; le teint est livide, décoloré et pâle. Le sang vermeil lui coule partout le corps et descend sur la terre en ruisseaux. «Dieu, dit le comte, que faire maintenant! Sire compagnon, ta noblesse est malheureuse; jamais nul ne sera qui te vaille! Eh, douce France, tu demeureras aujourd'hui privée de bons soldats, confondue et chétive. L'empereur en aura grand dommage! A ce mot, sur son cheval il se pâme.»
En avant!
Roland est pâmé sur son cheval et Olivier est blessé à mort; il a tant saigné que les yeux en sont troubles; de loin ni de près, il ne peut voir assez clair pour reconnaître quelqu'un; comme il a rencontré son compagnon, il le frappe sur le casque doré et le fend jusqu'au nasal, mais il ne touche pas la tête. A ce coup, Roland le regarde et lui demande avec douceur et amitié: «Sire compagnon, l'avez-vous fait de bon gré? C'est Roland qui est là, Roland qui tant vous aime! d'aucune manière vous ne m'aviez défié.»—«Je vous entends parler, dit Olivier, je ne vous vois pas. Que Dieu vous protège! je vous ai frappé! pardonnez-le moi!» Roland répond: «Je ne suis pas blessé, je vous le pardonne ici et devant Dieu.» A ces mots, ils s'inclinent l'un vers l'autre, et dans cette étreinte la mort va les séparer.
Olivier sent que la mort le prend; les deux yeux lui tournent dans la tête, il perd l'ouïe et la vue; il descend de cheval et se couche sur la terre; à haute voix il confesse ses péchés; ses deux mains jointes vers le ciel, il prie Dieu qu'il lui donne le paradis et qu'il bénisse Charles, et la France, et son compagnon Roland sur tous les hommes. Le cœur lui faut, son casque se penche sur sa poitrine, il s'étend tout de son long sur la terre. Le preux est mort, rien n'en reste plus. Le brave Roland le pleure et se lamente; jamais sur terre vous n'entendrez homme plus dolent.
Quand Roland vit que son ami est mort, gisant la face contre terre, il se prit à le regretter bien doucement: «Sire compagnon, vous fûtes si hardi pour votre perte! Nous avons été ensemble tant d'années et de jours, et jamais tu ne me fis de mal, ni je ne t'en fis! Maintenant que tu es mort, c'est douleur que je vive! A ces mots Roland se pâme sur son cheval Veillantif; mais il est affermi sur ses étriers d'or, et quelque part qu'il aille il ne peut tomber.
Avant que Roland se soit reconnu et revenu de sa pamoison, un grand dommage lui est apparu; les Français sont morts, il les a tous perdus, sauf l'Archevêque et Gautier de Luz, qui descend des montagnes où il a si bien combattu ceux d'Espagne; ses hommes sont morts vaincus par les païens; qu'il le veuille ou non, il s'enfuit de ces vallées et réclame le secours de Roland: «Eh, noble comte, vaillant homme, où es-tu? Jamais je n'eus peur là où tu étais! C'est moi Gautier, qui vainquis Maëlgut, le neveu de Droon, le vieillard chenu; pour ma valeur j'étais accoutumé à être ton favori! ma lame est brisée et mon écu percé, et mon haubert démaillé et rompu! un épieu m'a frappé dans le corps; j'en mourrai, mais j'ai vendu chèrement ma vie!» Roland l'a entendu, il pique son cheval et vient vers lui.
En avant!
Roland dans sa douleur était d'humeur dangereuse; en la mêlée il recommence à frapper; il tue vingt Sarrasins, et Gautier six, et l'Archevêque cinq. Et les païens de dire: «Oh! les terribles hommes! prenez garde, seigneurs, qu'ils n'en sortent vivants! félon sera qui ne leur courra sus, et lâche qui les laissera sauver.» Donc recommencent à huer et à crier, et de toutes parts on revient les attaquer.
En avant!
Le comte Roland est un noble guerrier, Gautier de Luz un bien bon chevalier, et l'Archevêque un vaillant éprouvé. Aucun ne veut rien laisser aux autres; ils frappent les païens dans la mêlée. Mille Sarrasins à pied et quarante mille à cheval arrivent encore, et, croyez-moi, n'osent s'approcher! Ils lancent leurs épieux et leurs lances, leurs dards, leurs traits et leurs javelots. Aux premiers coups ils tuent Gautier; Turpin de Reims a son écu percé, son casque cassé; ils l'ont blessé à la tête, ils ont rompu et démaillé son haubert; il a dans le corps quatre épieux; son cheval est tué sous lui. C'est grand malheur que l'Archevêque tombe.
En avant!
Turpin de Reims, quand il se sent abattu et blessé de quatre épieux dans le corps, joyeusement, le brave, il se relève, cherche où est Roland, puis court vers lui, et dit un mot: «Je ne suis pas vaincu! un bon soldat n'est jamais pris vivant!» Il tire Almace, son épée d'acier bruni, et frappe dans la mêlée mille coups et plus. Charles l'a dit depuis, qu'il n'en avait épargné aucun et qu'il en avait trouvé quatre cents autour de lui, les uns blessés, d'autres coupés en deux, et d'autres sans leur tête.
Le comte Roland se bat en gentilhomme, mais le corps lui sue de grande chaleur; en la tête il a douleur et grand mal parce qu'il s'est rompu la tempe en cornant. Cependant, il veut savoir si Charles va venir; il prend son olifant, mais le sonne faiblement. L'empereur s'arrête, et écoute: «Seigneurs, dit-il, nos affaires vont mal; Roland mon neveu cejourd'hui nous va manquer; j'entends à son corner qu'il ne vivra guère. Qui veut arriver chevauche rapidement! sonnez vos clairons tant qu'il y en a dans cette armée!» Soixante mille clairons y sonnent si fort, que les monts et les vallées y répondent. Les païens l'entendent, et n'en sont pas réjouis. Ils se disent l'un à l'autre: «Nous aurons encore affaire à Charles!»
En avant!
Et les païens de dire: «L'empereur revient! Entendez-vous sonner les clairons des Français? Si Charles vient, Dieu! il y aura grande perte pour nous! Nous y perdrons notre terre d'Espagne. Si Roland vit, la guerre recommence!» Alors ils se rassemblent quatre cents armés de casques, et des meilleurs de leur armée; ils rendent à Roland une attaque formidable. A cette heure, le comte a assez affaire autour de lui.
En avant!
Le comte Roland, quand il les vit venir, se fait d'autant plus fort, fier et intrépide; ils ne le prendront pas vivant. Sur son cheval Veillantif, qu'il pique de ses éperons d'or fin, il les va tous attaquer dans la mêlée, accompagné de l'archevêque Turpin; l'un dit à l'autre: «Çà, frappez, ami! nous avons entendu les cors des Français; Charles revient, le roi puissant.»
Le comte Roland jamais n'aima les couards, ni les orgueilleux, ni les méchants, ni chevalier qui ne fût bon soldat; il dit à l'archevêque Turpin: «Sire, vous êtes à pied, et je suis à cheval; pour l'amour de vous, ici je vais descendre; nous aurons ensemble et le bien et le mal; je ne vous abandonnerai pour nul mortel; nous allons rendre aux païens cet assaut. Les meilleurs coups sont ceux de Durandal!» Et l'Archevêque de dire: «Félon qui bien n'y frappe! Charles revient qui nous vengera.»
Les païens disent: «Malheur à nous! à mauvais jour nous sommes arrivés; nous avons perdu nos seigneurs et nos pairs! Charles revient avec sa grande armée, le terrible! des Français nous entendons les clairons éclatants, et le grand bruit des cris de Monjoie! Le comte Roland est de si grande valeur qu'il ne sera vaincu par nul homme de chair. Lançons tout sur lui, et qu'il reste sur la place.» Et ils lancent dards et épieux, et lances et traits empennés. Ils ont traversé et fracassé l'écu de Roland, rompu et démaillé son haubert; mais ils n'ont pas atteint le corps. Cependant Veillantif, en vingt endroits frappé, reste mort sous le comte. Puis les païens se sauvent, et laissent Roland sur la place; mais il est démonté.
En avant!
Les païens s'enfuient courroucés et furieux, et galoppent du côté de l'Espagne. Le comte Roland ne peut les poursuivre, car il a perdu son cheval Veillantif; qu'il le veuille ou non, il faut rester à pied. Il va au secours de l'archevêque Turpin, lui détache son casque d'or de la tête, lui enlève son haubert blanc et léger, et déchire sa tunique, et en met les morceaux sur ses grandes plaies; puis il le serre contre sa poitrine, et puis le couche doucement sur l'herbe verte, et bien humblement lui fait une prière: «Eh! gentilhomme, donnez-moi congé; nos compagnons qui nous furent si chers sont morts maintenant; mais nous ne devons pas les abandonner! Je veux les aller querir et devant vous les ranger.» Et l'Archevêque de dire: «Allez et revenez. Ce champ de bataille reste à vous, Dieu merci, et à moi!»
Roland s'en va, et s'avance tout seul par le champ de bataille, cherche dans les vallées et cherche dans les montagnes, trouve Gérer et Gérin son compagnon; il trouve aussi Bérenger et Othon, Anséis, Sanche et Gérard, le vieux de Roussillon. Roland un à un les a pris, les a apportés à l'Archevêque et mis en rang devant ses genoux. L'Archevêque ne peut s'empêcher de pleurer, lève sa main, fait sa bénédiction, et dit ensuite: «Malheur vous est arrivé, seigneurs; toutes vos âmes ait Dieu le glorieux! en paradis qu'il les mette au milieu des saintes fleurs! Ma mort me remplit d'angoisse, je ne verrai plus le puissant empereur.»
Roland s'en retourne et va fouiller le champ de bataille; ayant trouvé son compagnon Olivier, il le serre étroitement contre son cœur, et comme il peut il revient vers l'Archevêque; il le couche sur un bouclier auprès des autres, et l'Archevêque les a absouts et bénits. Alors se réveille le deuil et la pitié. «Çà, dit Roland, beau compagnon Olivier, vous fûtes le fils du vaillant duc Régnier, qui tenait la Marche[334] jusqu'au val de Runers; pour rompre une lance, pour mettre en pièces un écu, pour vaincre et dompter l'insolence, et pour conseiller loyalement un honnête homme, nulle part il n'y eut meilleur chevalier.»
Le comte Roland, quand il vit ses pairs morts et Olivier qu'il aimait tant qu'il pouvait, se sentit ému et commença à pleurer, et son visage fut tout décoloré; il eut chagrin plus grand qu'il ne peut être; malgré lui il tombe par terre évanoui. Et l'Archevêque de dire: «Vous êtes bien malheureux, chevalier.»
Quand il vit Roland se pâmer, l'Archevêque eut donc telle douleur que jamais il n'en eut si grande; il tendit la main et prit l'olifant. Il y a dans le val de Roncevaux une eau courante; Turpin y veut aller pour en donner à Roland; il s'avance à petits pas et tout chancelant; il est si faible qu'il ne peut avancer; il n'en a pas la force, il a trop perdu de sang; avant qu'il ait marché la longueur d'un arpent, le cœur lui faut, et il tombe sur la face, dans les angoisses de la mort.
Le comte Roland revient de pamoison; il se dresse sur ses pieds, mais il a grande douleur! Il regarde en aval, il regarde en amont, il voit gisant sur l'herbe verte, outre ses compagnons, le noble baron, c'est-à-dire l'Archevêque que Dieu mit ici bas en son nom; il confesse ses péchés, lève les yeux, joint ses deux mains contre le ciel et prie Dieu de donner le paradis à Turpin. Turpin est mort, le bon soldat de Charles, qui par grandes batailles et par beaux sermons, contre les païens fut de tout temps un rude champion. Que Dieu lui octroie sa sainte bénédiction.
En avant!
Le comte Roland voit l'Archevêque à terre; dehors son corps il voit sortir les entrailles; dessus le front lui sort la cervelle. Roland lui croise ses blanches et belles mains sur la poitrine, et le plaint à la manière de son pays. «Eh! gentil homme, chevalier de bonne maison, je te recommande en ce jour au glorieux père céleste; jamais homme ne sera un meilleur serviteur; depuis les Apôtres, il n'y eut pareil prophète pour maintenir la loi et pour conquérir les âmes. Que votre âme ne souffre pas de mal et que la porte de paradis lui soit ouverte!»
Roland sent que la mort lui est proche; par les oreilles lui sort la cervelle; il prie que Dieu reçoive ses pairs, et se recommande lui-même à l'ange Gabriel. Il prend l'olifant (que reproche n'en ait), et de l'autre main son épée Durandal. Il n'eût pu lancer flèche d'une arbalète! Il va vers l'Espagne, dans un guéret, monte sur un tertre. Sous un bel arbre, il y a quatre perrons de marbre. Là, Roland tombe à la renverse sur l'herbe verte, et se pâme, car la mort lui est proche.
Hauts sont les monts et hauts sont les arbres! Il y a là quatre perrons de marbre luisant. Sur l'herbe verte le comte Roland est pâmé. Un Sarrasin l'épiait et le guettait, et faisant le mort gisait parmi les autres, le corps et le visage couverts de sang. Il se relève et se hâte de courir. Il fut fort et de grand courage!
Dans son orgueil et sa mortelle rage, il saisit Roland, corps et armes, et dit un mot: «Vaincu est le neveu de Charles; cette épée je la porterai en Arabie!» Il la tire; mais Roland ressentit quelque chose.
Il s'aperçoit qu'on lui enlève son épée, ouvre les yeux, et dit un mot au païen: «Par mon escient, tu n'es pas des nôtres.» Il tenait l'olifant, qu'il ne voudrait perdre; il l'en frappe sur le casque damasquiné d'or, brise l'acier, la tête et les os, lui fait sortir les deux yeux de la tête et le renverse mort à ses pieds, et après lui dit: «Coquin, comment as-tu été si osé que de me toucher, à droit ou à tort; il n'y aura homme qui ne te tiendra pour fol! J'en ai fendu le gros bout de mon olifant; l'or et le cristal en sont tombés!»
Mais Roland sent qu'il n'y voit plus; il se relève, s'évertue; mais son visage a perdu toute couleur. Devant lui est une roche brune; de dépit il y frappe dix coups; l'acier grince, mais ne rompt ni s'ébrèche. «Eh, dit le comte, Sainte Marie, à mon aide! ma bonne Durandal, vous êtes malheureuse! quoique je n'aie plus que faire de vous, vous m'êtes toujours chère! tant de batailles par vous j'ai gagné! tant de grandes terres j'ai conquis, que possède aujourd'hui Charles, à la barbe chenue! Que jamais homme ne vous ait qui fuirait devant un autre! vous fûtes longtemps aux mains d'un bon soldat; jamais la France n'en verra pareil; la France libre[335]!»
Roland frappe le perron de marbre; l'acier grince, mais ne rompt ni s'ébrèche. Quand il voit qu'il n'en peut briser un morceau, il commence à plaindre son épée en lui-même: «Ah! ma Durandal, que tu es claire et blanche, comme tu flambes et reluis au soleil! Charles était aux vallons de Maurienne quand le Dieu du ciel lui manda par son ange qu'il te donnât à un comte capitaine. Donc le noble, le grand roi me la ceignit. Avec elle je lui conquis Normandie et Bretagne, je lui conquis le Poitou et le Maine, je lui conquis Bourgogne et Lorraine, je lui conquis Provence et Aquitaine, et Lombardie et toute la Romagne, je lui conquis Bavière et toute la Flandre et l'Allemagne, et la Pologne, Constantinople, dont il eut la foi, et la Saxonie soumise à sa loi; je lui conquis Écosse, Galles, Islande et Angleterre, qu'il aimait à habiter; avec elle j'ai conquis tous les pays et terres que possède Charlemagne, à la barbe blanche. Pour cette épée j'ai douleur et inquiétude! Mieux vaut mourir qu'aux païens elle ne reste! Que Dieu le père ne laisse pas honnir la France!»
Roland frappe sur un rocher gris[336]; plus en abat que je ne vous sais dire. L'épée grince, mais ne se tord et ne se brise; elle rebondit contre le ciel. Quand le comte voit qu'il ne la brisera pas, il la plaint doucement en lui-même. «Eh! Durandal, que tu es belle et sainte! Il y a tant de reliques dans ta garde dorée; une dent de saint Pierre et du sang de saint Bâle, et des cheveux de monseigneur saint Denis, du vêtement de sainte Marie! Il n'est pas juste que les païens te prennent; par des chrétiens vous devez être servie. Ne vous ait homme qui fasse couardise! Par vous j'ai conquis beaucoup de grandes terres que possède Charles à la barbe fleurie, et dont l'empereur en est puissant et riche!»
Mais Roland sent que la mort l'entreprend et de vers la tête sur le cœur lui descend. Dessous un pin il est allé courant, et s'est couché sur l'herbe verte, face en terre; dessus lui il met son épée et l'olifant, et tourne la tête vers la gent païenne, parce qu'il veut vraiment, le noble comte, que Charlemagne dise, et tout son monde, qu'il est mort en conquérant! Il confesse ses péchés, et menu et souvent. Pour ses péchés il offre son gant à Dieu.
En avant!
Roland sent que son temps est fini! Il est sur un pic aigu tourné vers l'Espagne; d'une main il frappe sa poitrine: «Dieu, dit-il, je fais pénitence de mes péchés, des grands et des petits, que j'ai faits depuis l'heure que je suis né jusqu'à ce jour que tout est fini.» Son gant droit il a tendu vers Dieu, et les anges du ciel descendent à lui.
En avant!
Le preux Roland gisait sous un pin, le visage tourné vers l'Espagne; alors il se prit à se souvenir de plusieurs choses: des royaumes qu'il a conquis, de douce France, des hommes de sa maison, de Charlemagne son seigneur qui le nourrit; il ne se peut tenir d'en pleurer et soupirer! Mais il ne se veut oublier lui-même, il confesse encore ses péchés et prie Dieu de lui faire merci: «Vrai père, qui jamais ne mentis, qui ressuscitas saint Lazare d'entre les morts et préservas Daniel des lions, sauve mon âme de tous périls pour les péchés que je fis en ma vie!» Il offre son gant droit à Dieu, et saint Gabriel de sa main le prit. Roland, sa tête penchée sur le bras, et les mains jointes, est allé à sa fin. Dieu envoya son ange Chérubin et saint Michel surnommé du péril; saint Gabriel s'est joint à eux, et ils emportent l'âme du comte en paradis.
Analyse de la suite du poëme.
Charlemagne arrive enfin dans la vallée de Roncevaux; il est consterné à l'aspect du champ de bataille jonché de cadavres; il retrouve le corps de son neveu, et le fait mettre à part avec ceux de Turpin et d'Olivier; il recueille leurs cœurs, puis fait enterrer tous les Français que les Sarrasins ont tués. Il allait repartir, quand il voit apparaître l'armée des Sarrasins: il s'écrie alors de sa voix grande et haute: «Barons français, à cheval et aux armes!» Après une furieuse bataille, les Sarrasins sont mis en fuite; Charlemagne prend Saragosse et revient en France, à Aix-la-Chapelle, et entre dans son palais.
Voici venir à lui Aude, une belle demoiselle[337], qui dit au roi: «Où est Roland le capitaine, qui me jura de me prendre pour femme?» Charles en a grande douleur; il pleure et tire sa barbe blanche. «Sœur, chère amie, lui dit-il, tu me parles d'un homme mort, mais je te donnerai Louis en échange; je ne te puis mieux dire; il est mon fils, et gouvernera mes frontières.»—Aude répond: «Ces paroles sont étranges: ne plaise à Dieu, ni à ses saints, ni à ses anges qu'après Roland je reste vivante!» Elle pâlit, tombe aux pieds de Charlemagne, morte pour toujours. Dieu ait pitié de son âme! Les barons français en pleurent et la plaignent. La belle Aude est allée à trépas, mais le roi croit qu'elle n'est que pâmée; il en a pitié et en pleure, lui prend les mains, la relève; mais sur les épaules la tête est penchée. Quand Charles voit qu'elle est morte, il mande quatre comtesses et la fait porter en un couvent de nonnains, qui la veillent toute la nuit jusqu'au jour, et l'enterrent bellement le long d'un autel.»
Puis vient le châtiment de Ganelon. Il se défend devant la cour des barons, qui demande sa grâce à Charlemagne. Vous me trahissez tous, dit le roi, et son visage se rembrunit. Alors un chevalier, Thierry, demande à Charlemagne qu'il ordonne le jugement de Dieu; il s'offre à combattre le champion de Ganelon. Thierry est vainqueur, et Ganelon est écartelé.
Théroulde, La Chanson de Roland, traduite par L. Dussieux.
Le normand Théroulde, qui, selon la thèse très-savante et très-acceptable de M. Génin, paraît avoir été le précepteur de Guillaume le Conquérant, composa le poëme ou chanson de Roland avant 1066. Trop oublieuse de ses vieilles gloires, la France possède dans la chanson de Roland une épopée qu'elle a trop longtemps laissée de côté. Il est admis dans certains cours de littérature que la France n'a pas de poésie épique; c'est une grave erreur. Le poëme de Théroulde est notre épopée française, et a été longtemps un poëme national et très-populaire; on le chantait à la bataille de Hastings (1066), comme le rapporte Robert Wace[338]. Les étrangers admiraient notre poëme, l'imitaient et le traduisaient. En Espagne, l'auteur du poëme du Cid lui a fait de nombreux emprunts; en Allemagne, on en fit trois imitations pendant le moyen âge; en Italie, Pulci Boiardo et l'Arioste (Roland furieux) l'ont imité également. Mais au seizième siècle l'admiration enthousiaste pour l'antiquité fit succéder un mépris irréfléchi pour toutes les créations spontanées du génie français: art, poésie, tout fut honni et oublié qui ne sortait pas de la source grecque ou latine. Le poëme de Théroulde fut compris dans cette proscription universelle. Plus justes que nos pères, nous avons rendu la vie à cette œuvre admirable; et si la France ne peut opposer que sa triste et froide Henriade aux épopées artificielles étrangères: L'Énéide, La Jérusalem délivrée, La Messiade, Le Paradis perdu et Le Roland furieux, elle compte parmi les épopées naïves et populaires sa Chanson de Roland, et l'oppose à L'Iliade, à L'Odyssée, aux Nibelungen, au poëme du Cid, à La Divine Comédie.
Théroulde a recueilli pour la création de son poëme toutes les traditions populaires qui se retrouvent aussi dans la chronique du faux Turpin[339]. Roland est un personnage historique, mais n'était pas neveu de Charlemagne; il est demeuré le type populaire de la valeur. Le traître Ganelon était un archevêque de Sens, qui trahit Charles le Chauve. Quant aux faits de la bataille, si Théroulde les a exagérés, il est bien évident qu'Éginhard les a amoindris, et qu'il a atténué toute cette affaire, pour ne pas diminuer la gloire de Charlemagne.
LA GRANDE TAILLE DE ROLAND.
L'opinion que Roland avait été d'une taille surhumaine était encore en vigueur du temps de François Ier; car ce prince, à son retour d'Espagne, passant par Blaye, où était le tombeau de Roland, voulut vérifier la tradition. Je crois que le lecteur ne sera pas fâché d'entendre cette anecdote de la bouche même d'un témoin oculaire[340].
«Les chroniques françaises nous content que Charlemagne et ses douze pairs étaient des géants. Afin d'en savoir la vérité, et d'ailleurs grand amateur de ces antiquailles, le roi François Ier, lorsqu'il passa par Blaye, à son retour de sa captivité d'Espagne, descendit dans le souterrain où Roland, Olivier et saint Romain sont ensevelis, dans des sépulcres de marbre, de dimensions ordinaires. Le roi fit rompre un morceau du marbre qui recouvrait Roland, et tout de suite après avoir plongé un regard dans l'intérieur, il fit raccommoder le marbre avec de la chaux et du ciment, sans un mot de démenti contre l'opinion reçue. Apparemment il ne voulait point paraître avoir perdu ses peines.
«Quelques jours après, le prince palatin Frédéric, qui allait rejoindre Charles Quint en Espagne, ayant, en passant, salué François Ier à Cognac, vint à son tour loger à Blaye, et voulut voir aussi ces tombeaux. J'y étais, avec l'illustre médecin du prince, le docteur Lange; et comme nous étions l'un et l'autre à la piste de toutes les curiosités, nous questionnâmes le religieux qui avait tout montré au prince: si les os de Roland étaient encore entiers dans le sépulcre, et s'ils étaient aussi grands qu'on le disait. Assurément, la renommée n'avait point menti d'une syllabe, et il ne fallait pas s'arrêter aux dimensions du sépulcre; c'est que depuis que ces reliques avaient été apportées du champ de bataille de Roncevaux, les muscles avaient eu le temps de se consumer, et le squelette ne tenait plus; mais les os avaient été déposés liés en fagot, à telles enseignes qu'il avait fallu creuser le marbre pour pouvoir loger les tibias, qui étaient entiers. Nous admirâmes beaucoup la taille de Roland, dont, supposé que le moine dit vrai, les tibias calculés sur la longueur du marbre, avaient trois pieds de long pour le moins.
«Pendant que nous raisonnions là-dessus, le prince emmena le moine d'un autre côté, et nous restâmes tout seuls. Le mortier n'était pas encore repris: si nous ôtions le morceau de marbre? Aussitôt nous voilà à l'ouvrage; la pierre céda sans difficulté, et tout l'intérieur du tombeau nous fut découvert... Il n'y avait absolument rien qu'un tas d'osselets à peu près gros deux fois comme le poing, lequel étant remué nous offrit à peine un os de la longueur de mon doigt!
«Nous rajustâmes le fragment du marbre, en riant de bon cœur de la duperie de ce moine ou de son impudence à mentir[341]!»
LE CHANT D'ALTABIÇAR[342].
LES CAPITULAIRES DE CHARLEMAGNE.
Les capitulaires de Charlemagne, relatifs à la législation civile et religieuse, reproduisent à peu près ce que l'on trouve dans les lois romaines et dans les canons des conciles; mais ceux qui concernent la législation domestique sont curieux, par le détail des mœurs.
Le capitulaire De Villis fisci se compose de soixante-dix articles, vraisemblablement recueillis de plusieurs autres capitulaires.
Les intendants du domaine sont tenus d'amener au palais où Charlemagne se trouvera le jour de la Saint-Martin d'hiver tous les poulains, de quelque âge qu'ils soient, afin que l'empereur, après avoir entendu la messe, les passe en revue.
On doit au moins élever dans les basses-cours des principales métairies cent poules et trente oies.
Il y aura toujours dans ces métairies des moutons et des cochons gras, et au moins deux bœufs gras, pour être conduits, si besoin est, au palais.
Les intendants feront saler le lard; ils veilleront à la confection des cervelas, des andouilles, du vin, du vinaigre, du sirop de mûres, de la moutarde, du fromage, du beurre, de la bière, de l'hydromel, du miel et de la cire.
Il faut, pour la dignité des maisons royales, que les intendants y élèvent des laies, des paons, des faisans, des sarcelles, des pigeons, des perdrix et des tourterelles.
Les colons des métairies fourniront aux manufactures de l'empereur du lin et de la laine, du pastel et de la garance, du vermillon, des instruments à carder, de l'huile et du savon.
Les intendants défendront de fouler la vendange avec les pieds: Charlemagne et la reine, qui commandent également dans tous ces détails, veulent que la vendange soit très-propre.
Il est ordonné, par les articles 39 et 65, de vendre au marché, au profit de l'empereur, les œufs surabondants des métairies et les poissons des viviers.
Les chariots destinés à l'armée doivent être tenus en bon état; les litières doivent être couvertes de bon cuir, et si bien cousues qu'on puisse s'en servir au besoin comme de bateaux pour passer une rivière.
On cultivera dans les jardins de l'empereur et de l'impératrice toutes sortes de plantes, de légumes et de fleurs: des roses, du baume, de la sauge, des concombres, des haricots, de la laitue, du cresson alénois, de la menthe romaine, ordinaire et sauvage, de l'herbe aux chats, des choux, des oignons, de l'ail et du cerfeuil.
C'était le restaurateur de l'empire d'Occident, le fondateur des nouvelles études, l'homme qui, du milieu de la France, en étendant ses deux bras, arrêtait au nord et au midi les dernières armées d'une invasion de six siècles; c'était Charlemagne enfin qui faisait vendre au marché les œufs de ses métairies et réglait ainsi avec sa femme ses affaires de ménage.
Les capitulaires des rois franks jouirent de la plus grande autorité: les papes les observaient comme des lois; les Germains s'y soumirent jusqu'au règne des Othons, époque à laquelle les peuples au delà du Rhin rejetèrent le nom de Franks qu'ils s'étaient glorifiés de porter. Karle le Chauve, dans l'édit de Pitres (chap. VI), nous apprend comment se dressait le capitulaire. «La loi, dit ce prince, devient irréfragable par le consentement de la nation et la constitution du roi.» La publication des capitulaires, rédigés du consentement des assemblées nationales, était faite dans les provinces par les évêques et par les envoyés royaux, missi dominici.
Les capitulaires furent obligatoires jusqu'au temps de Philippe le Bel: alors les ordonnances les remplacèrent. Rhenanus les tira de l'oubli en 1531: ils avaient été recueillis incomplétement en deux livres par Angesise, abbé de Fontenelles (et non pas de Lobes), vers l'an 827. Benoît, de l'église de Mayence, augmenta cette collection en 845. La première édition imprimée des Capitulaires est de Vitus; elle parut en 1545.
Les assemblées générales où se traitaient les affaires de la nation avaient lieu deux fois l'an, partout où le roi ou l'empereur les convoquait. Le roi proposait l'objet du capitulaire: lorsque le temps était beau, la délibération avait lieu en plein air; sinon, on se retirait dans des salles préparées exprès. Les évêques, les abbés et les clercs d'un rang élevé se réunissaient à part; les comtes et les principaux chefs militaires, de même. Quand les évêques et les comtes le jugeaient à propos, ils siégeaient ensemble, et le roi se rendait au milieu d'eux; le peuple était forclos, mais après la foi faite on l'appelait à la sanction. (Hincmar, Hunold.) La liberté individuelle du Frank se changeait peu à peu en liberté politique, de ce genre représentatif inconnu des anciens. Les assemblées du huitième et du neuvième siècle étaient de véritables états, tels qu'ils reparurent sous saint Louis et Philippe le Bel; mais les états des Karlovingiens avaient une base plus large, parce qu'on était plus près de l'indépendance primitive des barbares: le peuple existait encore sous les deux premières races; il avait disparu sous la troisième, pour renaître par les serfs et les bourgeois.
Cette liberté politique karlovingiennne perdit bientôt ce qui lui restait de populaire: elle devint purement aristocratique quand la division croissante du royaume priva de toute force la royauté.
La justice dans la monarchie franke était administrée de la manière établie par les Romains; mais les rois chevelus, afin d'arrêter la corruption de cette justice, instituèrent les missi dominici, sorte de commissaires ambulants qui tenaient des assises, rendaient des arrêts au nom du souverain, et sévissaient contre les magistrats prévaricateurs.
Chateaubriand, Analyse raisonnée de l'Histoire de France.
CANONISATION ET CULTE DE CHARLEMAGNE.
Son corps, revêtu du cilice qu'il avait porté en santé, et couvert par-dessus des habillements impériaux, fut mis dans l'église d'Aix-la-Chapelle, où il fut en vénération publique à tout l'Occident, jusqu'à ce qu'en 1165 il fut élevé de terre par les soins de l'empereur Frédéric Ier, surnommé Barbe-Rousse, pour être mieux exposé au culte religieux qu'on rendait déjà à sa mémoire. On prétend que ce fut dans le temps de sa translation qu'il fut canonisé par Pascal III, antipape, qui tenait l'Église divisée en faveur de l'empereur Frédéric contre le pape légitime Alexandre III. Cet acte devait être nul, ce semble, comme étaient tous les autres qui avaient été faits par cet usurpateur du saint-siége. Cependant, il n'a été ni cassé ni blâmé par les papes suivants, qui n'ont pas jugé à propos de s'opposer au culte public de Charlemagne, à qui ils savaient que l'Église romaine avait des obligations immortelles. Son nom, comme celui d'un saint confesseur, est inséré dans la plupart des martyrologes de France, d'Allemagne et des Pays-Bas: l'office de sa fête se trouve dans plusieurs bréviaires des églises de tous ces pays. Et quoi qu'il ait été retranché dans celui de Paris, on n'a point laissé de continuer non-seulement la vacance du Palais et du Châtelet, mais encore la messe solennelle du jour (28 janvier) en diverses églises de Paris. La fête semblait s'abolir peu à peu dans l'Université, qui le reconnaît comme son fondateur, mais elle y fut rétablie sur la fin de l'an 1661.
A. Baillet, Les Vies des Saints, t. II (in-4o, 1739).
LOUIS LE PIEUX[344].
817.
On voyait briller en lui des vertus sacrées qu'il serait trop long d'énumerer. Il était d'une taille ordinaire; il avait les yeux grands et brillants, le visage ouvert, le nez long et droit, des lèvres ni trop épaisses ni trop minces, une poitrine vigoureuse, des épaules larges, les bras robustes; aussi pour manier l'arc et lancer un javelot personne ne pouvait-il lui être comparé. Ses mains étaient longues, ses doigts bien conformés; il avait les jambes longues et grêles pour leur longueur; il avait aussi les pieds longs, et la voix mâle. Très-versé dans les langues grecque et latine, il comprenait cependant le grec mieux qu'il ne le parlait. Quant au latin, il pouvait le parler aussi bien que sa langue naturelle[345]. Il connaissait très-bien le sens spirituel et moral des Écritures Saintes ainsi que leur sens mystique. Il méprisait les poëtes profanes qu'il avait appris dans sa jeunesse, et ne voulait ni les lire, ni les entendre, ni les écouter. Il était d'une constitution vigoureuse, agile, infatigable, lent à la colère, facile à la compassion. Toutes les fois que, les jours ordinaires, il se rendait à l'église pour prier, il fléchissait les genoux et touchait le pavé de son front; il priait humblement et longtemps, quelquefois avec larmes. Toujours orné de toutes les pieuses vertus, il était d'une générosité dont on n'avait jamais ouï parler dans les livres anciens ni dans les temps modernes, tellement qu'il donnait à ses fidèles serviteurs, et à titre de possession perpétuelle, les domaines royaux qu'il tenait de son aïeul et de son bisaïeul. Il fit dresser pour ces donations des décrets qu'il confirma en y apposant son sceau et en les signant de sa propre main. Il fit cela pendant longtemps. Il était sobre dans son boire et son manger, simple dans ses vêtements; jamais on ne voyait briller l'or sur ses habits, si ce n'est dans les fêtes solennelles, selon l'usage de ses ancêtres. Dans ces jours, il ne portait qu'une chemise et des hauts-de-chausses brodés en or, avec des franges d'or, un baudrier et une épée tout brillants d'or, des bottes et un manteau couverts d'or; enfin il avait sur la tête une couronne resplendissante d'or, et tenait dans sa main un sceptre d'or. Jamais il ne riait aux éclats, pas même lorsque, dans les fêtes et pour l'amusement du peuple, les baladins, les bouffons, les mimes défilaient auprès de sa table suivis de chanteurs et de joueurs d'instruments: alors le peuple même, en sa présence, ne riait qu'avec mesure; et pour lui, il ne montra jamais en riant ses dents blanches. Chaque jour avant ses repas il faisait distribuer des aumônes. Au mois d'août, époque où les cerfs sont le plus gras, il s'occupait à les chasser jusqu'à ce que le temps des sangliers arrivât.
Thégan, Vie et actions de Louis le Pieux, trad. de M. Guizot.
Thégan, chorévêque (vicaire général) de Trèves, mort vers 845, était d'origine franque et noble; il était renommé pour sa beauté, ses vertus, sa science et son éloquence. Au milieu des dissensions du règne de Louis le Débonnaire, il fut toujours fidèle à l'empereur. Son histoire est assez bien faite, quoique abrégée, et s'étend de 813 à 835.
BAPTÊME DE HÉROLD LE DANOIS[346].
826.
Dès que tout est prêt pour la cérémonie sacrée, Louis et Hérold se rendent dans le saint temple. César[347], par respect pour le Seigneur, reçoit lui-même Hérold quand il sort de l'onde régénératrice, et le revêt de sa propre main de vêtements blancs. L'impératrice Judith, dans tout l'éclat de sa beauté[348], tire de la source sacrée la reine, femme d'Hérold, et la couvre des habits de chrétienne. Lothaire, déjà césar, fils de l'auguste Louis, aide de même le fils d'Hérold à sortir des eaux baptismales; à leur exemple, les grands de l'empire en font autant pour les hommes distingués de la suite du roi danois, qu'ils habillent eux-mêmes, et la foule tire de l'eau sainte beaucoup d'autres d'un moindre rang. O grand Louis! quelle foule immense d'adorateurs tu gagnes au Seigneur! Quelle sainte odeur s'émane d'une telle action et s'élève jusqu'au Christ? Ces conquêtes, prince, que tu arraches à la gueule du loup dévorant, pour les donner à Dieu, te seront comptées pour l'éternité.
Hérold, couvert de vêtements blancs et le cœur régénéré, se rend sous le toit éclatant de son illustre parrain. Le tout-puissant empereur le comble alors des plus magnifiques présents que puisse produire la terre des Franks. D'après ses ordres, Hérold revêt une chlamyde tissue de pourpre écarlate et de pierres précieuses, autour de laquelle circule une broderie d'or; il ceint l'épée fameuse que César lui-même portait à son côté et qu'entourent des cercles d'or symétriquement disposés; à chacun de ses bras sont attachées des chaînes d'or; des courroies enrichies de pierres précieuses entourent ses cuisses; une superbe couronne, ornement dû à son rang, couvre sa tête; des brodequins d'or renferment ses pieds; sur ses larges épaules brillent des vêtements d'or, et des gantelets blancs ornent ses mains. L'épouse de ce prince reçoit de l'impératrice Judith des dons non moins dignes de son rang et d'agréables parures. Elle passe une tunique entièrement brodée d'or et de pierreries, et aussi riche qu'ont pu la fabriquer tous les efforts de l'art de Minerve; un bandeau entouré de pierres précieuses ceint sa tête; un large collier tombe sur son sein naissant; un cercle d'or flexible et tordu entoure son cou; ses bras sont serrés dans des bracelets tels que les portent les femmes; des cercles minces et pliants, d'or et de pierres précieuses, couvrent ses cuisses, et une cape d'or tombe sur ses épaules. Lothaire ne met pas un empressement moins pieux à parer le fils d'Hérold de vêtements enrichis d'or; le reste de la foule des Danois est également revêtu d'habits franks, que leur distribue la religieuse munificence de César.
Tout cependant est préparé pour les saintes cérémonies de la messe; déjà le signal accoutumé appelle le peuple dans l'enceinte des murs sacrés. Dans le chœur brille un clergé nombreux et revêtu de riches ornements, et dans le magnifique sanctuaire tout respire un ordre admirable. La foule des prêtres se distingue par sa fidélité aux doctrines de Clément[349], et les pieux lévites se font remarquer par leur tenue régulière. C'est Theuton qui dirige, avec son habileté ordinaire, le chœur des chantres; c'est Adhalwit qui porte en main la baguette, en frappe la foule des assistants et ouvre ainsi un passage honorable à César, à ses grands, à sa femme et à ses enfants. Le glorieux empereur, toujours empressé d'assister fréquemment aux saints offices, se rend à l'entrée de la basilique en traversant de larges salles de son palais resplendissant d'or et de pierreries éblouissantes; il s'avance la joie sur le front, et s'appuie sur les bras de ses fidèles serviteurs. Hilduin est à sa droite; Hélisachar le soutient à gauche; et devant lui marche Gerung, qui porte le bâton, marque de sa charge[350], et protége les pas du monarque, dont la tête est ornée d'une couronne d'or. Par derrière viennent le pieux Lothaire et Hérold, couverts d'une toge et parés des dons éclatants qu'ils ont reçus. Charles, encore enfant, tout brillant d'or et de beauté, précède, plein de gaieté, les pas de son père, et de ses pieds il frappe fièrement le marbre. Cependant Judith, couverte des ornements royaux, s'avance dans tout l'éclat d'une parure magnifique; deux des grands jouissent du suprême honneur de l'escorter; ce sont Matfried et Hugues; tous deux, la couronne en tête et vêtus d'habits tout brillants d'or, accompagnent avec respect les pas de leur auguste maîtresse. Derrière elle, et à peu de distance, vient enfin l'épouse d'Hérold étalant avec plaisir les présents de la pieuse impératrice. Après, on voit Friedgies[351] que suit une foule de disciples, tous vêtus de blanc et distingués par leur science et leur foi. Au dernier rang marche avec ordre le reste de la jeunesse danoise, parée des habits qu'elle tient de la munificence de César.
Aussitôt que l'empereur, après cette marche solennelle, est arrivé à l'église, il adresse, suivant sa coutume, ses vœux au Seigneur; sur-le-champ, le clairon de Theuton fait entendre le son clair qui sert de signal, et au même instant les clercs et tout le chœur lui répondent et entonnent le chant. Hérold, sa femme, ses enfants, ses compagnons contemplent avec étonnement le dôme immense de la maison de Dieu, et n'admirent pas moins le clergé, l'intérieur du temple, les prêtres et la pompe du service religieux. Ce qui les frappe plus encore, ce sont les immenses richesses de notre roi, à l'ordre duquel semble se réunir ce que la terre produit de plus précieux. «Eh bien, illustre Hérold, dis, je t'en conjure, ce que tu préfères maintenant, ou de la foi de notre monarque, ou de tes misérables idoles. Jette donc dans les flammes tous ces dieux faits d'or et d'argent; c'est ainsi que tu assureras à toi et aux tiens une éternelle gloire. Si dans ces statues il s'en trouve de fer, dont on puisse se servir pour cultiver les champs, ordonne qu'on en fabrique des socs, et en ouvrant le sein de la terre elles te seront plus utiles que de telles divinités avec toute leur puissance...»
Cependant on préparait avec soin d'immenses provisions, des mets divers et des vins de toutes les espèces pour le maître du monde. D'un côté, Pierre, le chef des pannetiers, de l'autre, Gunton, qui préside aux cuisines, ne perdent pas un instant à faire disposer les tables avec l'ordre et le luxe accoutumés. Sur des toisons, dont la blancheur le dispute à la neige, on étend des nappes blanches, et les mets sont dressés dans des plats de marbre. Pierre distribue, comme le veut sa charge, les dons de Cérès, et Gunton sert les viandes. Entre chaque plat sont placés des vases d'or; le jeune et actif Othon commande aux échansons et fait préparer les doux présents de Bacchus.
Dès que les cérémonies du culte respectueux adressé au Très-Haut sont terminées, César, tout brillant d'or, se dispose à reprendre le chemin qu'il a suivi pour se rendre au temple. Son épouse, ses enfants, et tout son cortége, couverts de vêtements resplendissants d'or, et enfin les clercs habillés de blanc, imitent son exemple, et le pieux monarque se rend d'un pas grave à son palais, où l'attend un festin préparé avec un soin digne du chef de l'empire. Radieux, il se place sur un lit[352]; par son ordre, la belle Judith se met à ses côtés, après avoir embrassé ses augustes genoux; le césar Lothaire et Hérold, l'hôte royal, s'étendent de leur côté sur un même lit, comme l'a voulu Louis. Les Danois admirent la prodigalité des mets et tout ce qui compose le service de la table, le nombre des officiers, ainsi que la beauté des enfants qui servent César. Ce jour, si heureux à juste titre pour les Franks et les Danois régénérés par le baptême, sera pour eux dans la suite l'objet de fêtes qui en rappelleront la mémoire.
Le lendemain, à la naissance de l'aurore, dès que les astres quittent le ciel et que le soleil commence à réchauffer la terre, César s'apprête à partir pour la chasse avec ses Franks, dont cet exercice est le plaisir habituel, et il ordonne qu'Hérold l'accompagne. Non loin du palais est une île que le Rhin environne de ses eaux profondes, où croît une herbe toujours verte et que couvre une sombre forêt. Des bêtes fauves, nombreuses et diverses, la remplissent, et leur troupe, dont rien ne trouble le repos, trouve dans les vastes bois un asile paisible. Des bandes de chasseurs et d'innombrables meutes de chiens se répandent çà et là dans cette île. Louis monte un coursier qui foule la plaine sous ses pas rapides, et Witon, le carquois sur l'épaule, l'accompagne à cheval. De toutes parts se pressent des flots de jeunes gens et d'enfants, au milieu desquels se fait remarquer Lothaire, porté par un agile coursier. Hérold, l'hôte de l'empereur, et ses Danois accourent aussi pleins de joie pour contempler ce beau spectacle; la superbe Judith, la pieuse épouse de César, parée et coiffée magnifiquement, monte un noble palefroi; les premiers de l'État et la foule des grands précèdent ou suivent leur maîtresse, par égard pour leur religieux monarque. Déjà toute la forêt retentit des aboiements redoublés des chiens; ici les cris des hommes, là les sons répétés du clairon frappent les airs; les bêtes fauves s'élancent hors de leurs antres, les daims fuient vers les endroits les plus sauvages; mais ni la fuite ne peut les sauver ni les taillis ne leur offrent d'asiles sûrs. Le faon tombe au milieu des cerfs armés de bois majestueux; et le sanglier aux larges défenses roule dans la poussière percé par le javelot. César, animé par la joie, donne lui-même la mort à un grand nombre d'animaux qu'il frappe de ses propres mains. L'ardent Lothaire, dans la fleur et la force de la jeunesse, fait tomber plusieurs ours sous ses coups; le reste des chasseurs tue çà et là, à travers les prairies, une foule de bêtes fauves de toutes espèces.
Tout à coup une jeune biche, que la meute des chiens poursuit avec chaleur, traverse en fuyant le plus épais de la forêt, et bondit au milieu d'un bouquet de saules; là s'étaient arrêtés la troupe des grands, Judith, l'épouse de César, et le jeune Charles, encore enfant. L'animal passe avec la rapidité de l'éclair, tout son espoir est dans la vitesse de ses pieds: s'il ne trouve son salut dans la fuite, il périt. Le jeune Charles l'aperçoit, veut le poursuivre à l'exemple de ses parents, demande un cheval avec d'instantes prières, presse vivement pour qu'on lui donne des armes, un carquois et des flèches légères, et brûle de voler sur les traces de la biche, comme son père a coutume de le faire. Mais vainement il redouble ses ardentes sollicitations; sa charmante mère lui défend de la quitter, et refuse à ses vœux la permission de s'éloigner. Sa volonté s'irrite, et si le maître aux soins duquel il est confié et sa mère ne le retenaient, le royal enfant n'hésiterait pas à suivre la chasse à pied. Cependant d'autres jeunes gens volent, atteignent la biche dans sa fuite, et la ramènent au petit prince sans qu'elle ait reçu aucune blessure; lui, alors, prend des armes proportionnées à la faiblesse de son âge et en frappe la croupe tremblante de l'animal; toutes les grâces de l'enfance se réunissent et brillent dans le jeune Charles, et leur éclat emprunte un nouveau lustre de la vertu de son père et du nom de son aïeul. Tel autrefois Apollon, quand il gravissait les sommets des montagnes de Délos, remplissait d'une orgueilleuse joie le cœur de sa mère Latone.
Déjà César, son auguste père, et les jeunes chasseurs chargés de gibier se disposaient à retourner au palais. Cependant la prévoyante Judith a fait construire et couvrir dans le milieu de la forêt une salle de verdure; des branches d'osier et de buis dépouillées de leurs feuilles en forment l'enceinte, et des toiles la recouvrent. L'impératrice elle-même prépare sur le vert gazon un siége pour le religieux monarque, et fait apporter tout ce qui peut assouvir la faim. Après avoir lavé ses mains dans l'eau, César et sa belle compagne s'étendent ensemble sur un lit d'or, et, par l'ordre de cet excellent roi, le beau Lothaire et leur hôte chéri, Hérold, prennent place à la même table; le reste de la jeunesse s'assoit sur l'herbe qui couvre la terre, et repose ses membres fatigués sous l'ombrage de la forêt. On apporte, après les avoir fait rôtir, les entrailles chargées de graisse des animaux tués à la chasse, et la venaison se mêle aux mets apprêtés pour César. La faim satisfaite disparaît bientôt. On vide les coupes; et la soif à son tour est chassée par une agréable liqueur; un vin généreux répand la gaieté dans toutes ces âmes courageuses, et chacun regagne d'un pas plus hardi le toit impérial.
Ermold le Noir, Faits et Gestes de Louis le Pieux, chant IV, traduction de M. Guizot[353].
Ce poëme a été composé vers 826. On ne sait rien sur son auteur.
FIN.
NOTES:
[1] La plupart des peuples de la Belgique étaient d'origine germanique (César, liv. II, ch. 4), mais les Belges (Bolgs) étaient de race celtique.
[2] Les Aquitains diffèrent absolument des deux autres peuples, non-seulement par leur langage, mais encore par leur figure, qui approche plus de la figure des Ibères (Espagnols) que de celle des Gaulois. (Strabon, IV, 1.)
[3] La Provence, qui avait été soumise par les Romains cent ans avant le reste de la Gaule.
[4] Les Helvétiens habitaient la Suisse.
[5] Strabon dit en effet, au liv. II, que les avantages de la Méditerranée sont d'avoir des côtes situées sous un meilleur climat et habitées par des nations policées.
[6] Roussillon, Languedoc, Provence et partie du Dauphiné.
[7] Depuis que la Gaule était soumise aux Romains.
[8] L'Océan et la Méditerranée.
[9] La guerre des Ibères dura deux cents ans.
[10] Les habitants du Beauvaisis.
[11] Les habitants du Soissonnais.
[12] Au temps de César.
[13] C'est d'après cet usage que les Romains ont appelé la Gaule transalpine la Gaule chevelue, excepté la partie méridionale, la Narbonnaise, qu'ils appelaient la Gaule braccata, ou Gaule à braies ou à hauts-de-chausses.
[14] Espèce de manteau militaire ou capot.
[15] Pantalons très-amples.
[16] Les femmes étaient chargées de tous les travaux que les hommes devaient faire, et ceux-ci passaient leur temps, soit à la guerre, soit dans l'oisiveté.
[17] Barde, chanteur, poëte.
[18] Druide, du celtique derv, chêne.
[19] Posidonius, philosophe stoïcien, contemporain de Pompée et de Cicéron, qui tint école à Rhodes. Tous ses écrits sont perdus; on ne les connaît que par un petit nombre de fragments qui nous ont été conservés par quelques auteurs anciens. Posidonius avait visité la Gaule.
[20] La résine de cèdre servait aussi chez les Égyptiens à embaumer les morts.
[21] César donne pour cela un précieux détail et qui diminue de beaucoup l'horreur que nous inspire ces immolations. «Les druides, dit-il, sont persuadés que de ces supplices, les plus agréables aux dieux sont ceux des criminels qui ont été saisis dans le vol, dans le brigandage ou dans quelque autre forfait.» (Liv. III.) Les prêtres exécutaient eux-mêmes les condamnés à mort.
[22] Ces sacrifices ont été abolis par l'empereur Claude.
[23] C'est l'ancienne tiretaine du moyen âge, ou tartan des Écossais, peuple également d'origine gauloise.
[24] Dans l'Orient, en Galatie.
[25] Posidonius le stoïcien dit: «Voici comment les Celtes servent à manger. Ils se mettent du foin sous eux, et mangent sur des tables de bois, peu élevées au-dessus de terre. Le manger consiste en très-peu de pain, et beaucoup de viandes bouillies et rôties sur la braise ou à la broche. On les apporte proprement, il est vrai; mais ils y mordent comme des lions, saisissant des membres entiers des deux mains. S'il se trouve quelque chose de dur à arracher, ils l'entament avec un long couteau qui est à leur côté dans une gaîne particulière.» (Athénée, Festin des philosophes, trad. de Lefebvre de Villebrune, in-4o, t. II, p. 82.)
[26] On verra combien le récit de Polybe diffère de celui de Tite-Live, et combien ce dernier auteur a flatté les Romains.
[27] Arezzo.
[28] Sinigaglia.
[29] Rimini.
[30] Peuple de Thrace.
[31] La forêt Noire, qui, malgré son étendue, n'est qu'une faible partie de la forêt Hercynienne.
[32] Peuple du haut Languedoc.
[33] La Gaule Narbonaise (Provence et Languedoc).
[34] Ptolémée Céraunus.
[35] Callimaque (hymne VI, εις την Δηλον ) [Grec: eis tên Dêlon], parle de Gaulois exterminés sur les bords du Nil par Ptolémée Philadelphe. Le scoliaste de Callimaque nous apprend qu'après le désastre des Gaulois à Delphes, une partie de leur armée passa au service de Ptolémée, qui pour lors avait besoin de troupes. Il ajoute qu'étant arrivés en Égypte, ils conspirèrent pour s'emparer des trésors de ce prince, et que leur projet ayant été découvert, ils furent exterminés sur les bords du Nil.
[36] Le consul Cépion prit Toulouse 106 ans av. J.-C., et fut battu l'année suivante par les Cimbres, sur les bords du Rhône.
[37] Roi de Pergame.
[38] Rabies gallica. Il y a longtemps, comme on le voit, que l'on parle de la furia francese.
[39] Roi de Pergame, allié des Romains.
[40] Sans bois.
[41] Suivant Strabon, cette déesse s'appelait Agdistis.
[42] Qui habitaient le pays appelé depuis le Dauphiné.
[43] Bituite, couvert d'une saie aux couleurs brillantes, commandait son armée monté sur un char d'argent.
[44] 120,000 Gaulois furent tués suivant Tite-Live; 150,000 suivant Orose.
[45] Provence et Dauphiné. Le nom de Provence dérive de celui de province, provincia.
[46] Tunique bordée par-devant d'une large bande de pourpre, et garnie de nœuds de pourpre ou d'or, imitant des têtes de clous. C'était le vêtement des sénateurs et de la plupart des magistrats.
[47] C'était un quartier de Rome très-fréquenté, entre l'Esquilin et le Cælius.
[48] La Grande-Bretagne, l'Angleterre.
[49] 581 fr. 25.
[50] 27,900,000 fr.
[51] Chapitre 75.
[52] Préface du livre VIII de la Guerre des Gaules.
[53] Le mille romain répond à 4,449 pieds métriques, ou 1 kilomètre 483 mètres.
[54] Chez les Éburons.
[55] Un Scipion commandait l'armée ennemie.
[56] Vénus Mère. César prétendait descendre de cette déesse; il lui voua ce temple avant la bataille de Pharsale (Appien, II, 68).
[57] Ou Transalpine (la Province romaine). Il comptait que les désordres de la Gaule indépendante lui fourniraient l'occasion d'en faire la conquête.
[58] Deux.
[59] L'Alouette.
[60] Ces actions de grâces (supplicationes) étaient rendues aux dieux pour les victoires d'un général.
[61] 7,750,000 fr.
[62] Clermont.
[63] Les Éduens.
[64] Roi des Suèves.
[65] Les Nerviens et leurs alliés.
[66] Gergovie.
[67] Arvernes et Séquanes.
[68] Éduens.
[69] La bataille contre Arioviste a été donnée dans le mois de septembre et du côté de Belfort. (Note de Napoléon.)
[70] Bellovaques.
[71] Les Nerviens.
[72] Un des meilleurs généraux de l'armée de César.
[73] La seconde.
[74] Cette ville était située à une lieue de l'emplacement actuel de Clermont, sur une colline qui porte encore le nom de mont Gergoie ou Gergoriat.
[75] Peuple du Limousin.
[76] Aujourd'hui Bourges.
[77] La défaite de César, dissimulée par lui dans ses Commentaires, est attestée par Suétone, d'après lequel César aurait éprouvé dans la guerre des Gaules trois échecs: l'un en Bretagne; le second devant Gergovie, où une légion fut détruite; enfin, le troisième en Germanie. L'histoire de la conquête de la Gaule racontée par le vainqueur est tout à son avantage; ses victoires sont longuement décrites; il est à peine question des revers. Et notre éducation latine produit cet incroyable résultat que nous applaudissons au vainqueur, en étudiant et en admirant la beauté de son style. Pour nous, Gaulois et Vercingétorix sont des ennemis et des barbares. Ce sont cependant nos pères, et le grand roi Arverne était le défenseur de l'indépendance nationale.
[78] De l'armée que les divers peuples de la Gaule envoyaient au secours de Vercingétorix, assiégé dans Alise.
[79] Quos illi soldurios appellant. (César, III, 22.)
[80] Les Bas-Bretons appellent encore aujourd'hui nos prêtres des belhhec, c'est-à-dire des porte-lin.
[81] Le droit de contracter des mariages.
[82] La plebs conservait un culte populaire, plus ancien que le druidisme; c'était un polythéisme dans lequel les forces et les phénomènes de la nature étaient divinisés. La différence des religions, l'esclavage de la plebs, la puissance des classes supérieures, la constatation de types différents dans les peuples gaulois, l'un grand et blond, l'autre petit et brun, amènent naturellement à supposer qu'une conquête avait eu lieu dans les Gaules à une époque reculée, et que la race celtique avait soumis et réduit à l'esclavage la race primitive. On ne sait quelle est cette race primitive, mais tout porte à croire que c'est la race ibérienne, qui se conserva indépendante dans tout le midi de la Gaule. (Sur le polythéisme populaire de la Gaule, voir D. Martin, La Religion des Gaulois.)
[83] César, Guerre des Gaules, VI, 19.
[84] Collatéraux descendant par les mâles d'une même souche masculine.
[85] Les Phocéens fondèrent Marseille 600 ans av. J.-C. Phocée était une ville grecque de l'Asie Mineure, dont les habitants étaient de race ionienne.
[86] Le port s'appelait Lacydon.
[87] Marseille était alors située près du cap de La Croisette, où l'on voit encore ses ruines, et son port s'ouvrait alors au midi.
[88] Ville grecque de l'Asie Mineure.
[89] Timouques, ceux qui possèdent les honneurs.
[90] L'Ibérie ou l'Espagne. Ces villes sont: Hemeroscopium (Denia), Emporium (Ampurias), Rhode (Rosas).
[91] Rhode était bâtie sur le Rhône (Rhodanus), et lui donna sans doute son nom; la position de cette ville est inconnue.
[92] Agde.
[93] Les Grecs et les Romains appelaient barbares tous les peuples qui n'appartenaient pas à leur civilisation.
[94] Torento, aujourd'hui en ruines, au fond du golfe des Lèques.
[95] Eoube.
[96] Antibes.
[97] Nice. Ces quatre villes étaient situées sur la côte de Provence.
[98] Peuple des environs d'Aix.
[99] Les Ligures étaient d'origine ibérienne, et couvraient une partie du Roussillon, du Languedoc, de la Provence et du pays de Gênes.
[100] Aix, en latin Aquæ Sextiæ, les Eaux Sextiennes ou de Sextius.
[101] Marseille soutint de longues luttes contre les Étrusques et les Carthaginois; ces guerres furent causées par des raisons commerciales.
[102] Marseille s'était déclarée pour Pompée contre César, celui-ci l'assiégea, et fut d'abord repoussé. Obligé de partir pour l'Espagne, il laissa à ses lieutenants le soin de continuer le siége et de prendre la ville.
[103] Ceci ne doit s'appliquer qu'aux Gaulois de la Province Romaine, c'est-à-dire du midi.
[104] Autun (Bibracte), Toulouse, Lyon, Bordeaux, Nîmes, Vienne, Arles, Narbonne avaient des écoles justement célèbres.
[105] Plus lard, le luxe et la dissolution des mœurs firent de tels progrès à Marseille, qu'il s'établit deux proverbes: Tu viens de Marseille, Tu devrais faire le voyage de Marseille, qu'on appliquait aux débauchés.
[106] 2,500 francs.
[107] 125 francs.
[108] Bourgogne.
[109] Pays de Trèves.
[110] Gouverneurs de province.
[111] Habitants des cités d'Angers et de Tours.
[112] Primores Galliarum.
[113] Toutes les légions étaient établies le long du Rhin.
[114] Franche-Comté.
[115] Dans l'Ombrie.
[116] Bevagna, dans l'État de l'Église.
[117] 1,168 francs.
[118] La Grande-Bretagne.
[119] D'Alexandrie.
[120] Cette tour s'est écroulée en 1644. Le dessin se trouve dans le magasin pittoresque, 1847, p. 332.
[121] Pour ressembler aux Germains, qui étaient blonds.
[122] A la torture.
[123] Marc-Aurèle.
[124] L'original grec est perdu; on a conservé heureusement la traduction latine que saint Jérôme en avait faite et une traduction en langue arménenne.
[125] L'histoire des Franks est extrêmement obscure et disséminée dans les écrivains contemporains. A défaut d'un récit, nous essayerons de résumer dans cette note les événements principaux de l'histoire de ces barbares.
C'est vers 240 que les tribus germaniques habitant entre le Rhin, le Mein, le Weser et la Lippe, formèrent entre elles une confédération et prirent le nom de Franks (Franken), mot dont le sens paraît répondre à celui du latin ferox, fier et belliqueux. Les tribus qui entrèrent dans cette confédération furent les Bructères, les Teuctères, les Chamaves, les Sicambres, les Cattes et les Angrivariens. Le pays des Franks prit le nom de Francia (France), conservé encore aujourd'hui dans celui de Franconie.
Depuis 241 jusqu'en 287, les Franks s'emparent de la Batavie, pillent et dévastent la Belgique. En 287, l'empereur Maximien, malgré quelques avantages remportés sur eux, leur céda le pays dévasté des Trévires et des Nerviens, qui comprenait la partie de la Belgique entre Trèves et Tournay (Toxandrie), à titre de bénéfice militaire, c'est-à-dire à condition du service militaire et de l'obéissance envers l'empire.
Constance Chlore, en 292, battit de nouveau les Franks, mais ne put pas les détruire ni les chasser; il les força à se soumettre à l'empire, et leur céda la Germanie inférieure, située entre la Meuse et le Rhin.
Cependant les Franks d'outre-Rhin continuèrent à attaquer l'empire, et la guerre fut continuelle contre eux. Constantin (306-12) leur fit une guerre acharnée, livra aux bêtes, dans l'amphithéâtre de Trèves, deux de leur rois; mais il finit, comme ses prédécesseurs, par admettre un grand nombre de ces barbares dans les colonies militaires de la Belgique.
Depuis lors les Franks fournissent de nombreux contingents aux armées impériales, et leurs rois ou chefs occupent d'importants emplois à la cour; l'un d'eux, le ripuaire Arbogaste (mort en 394), est le plus célèbre de ces rois franks vassaux de l'empire.
En 358, Julien fit la guerre aux Salyens, dont le nom paraît alors pour la première fois dans l'histoire, et renouvela les traités en vertu desquels ils étaient établis depuis 287 dans le pays appelé la Toxandrie, c'est-à-dire entre la Meuse et l'Escaut. C'est la tribu établie dès cette époque dans la Toxandrie qui est la principale des tribus franques; c'est elle qui est le noyau de la nation, et qui deviendra sous Clovis le peuple prépondérant de la Gaule.
Arbogaste, qui était général des forces militaires et le maître de l'empire, lutta contre les Franks d'outre-Rhin et battit leurs chefs Marcomer et Sunnon. En 407 les Franks essayèrent de défendre le Rhin contre les Vandales, les Suèves et les Alains, mais ils furent vaincus.
Les désordres de l'empire (407-428) permirent aux Franks de secouer l'autorité romaine et de conquérir de nouveaux territoires dans la Belgique; les Salyens s'emparèrent de la Morinie, d'Amiens, Cambray, Tournay, Arras, et étendirent leur domination jusqu'à la Somme; les Ripuaires prirent Trèves et Cologne (413).
En 428, Aétius, qui restaura pour un moment l'autorité impériale dans les Gaules, attaqua les Ripuaires, les battit, et les força de nouveau à reconnaître la suzeraineté de l'empire. En 431, il attaqua les Salyens, et battit à Helena leur roi Chlodion (Chloio, Chlogio, ou Clovis), qui résidait à Dispargum (Duisbourg?). Vaincus dans d'autres rencontres, les Salyens se soumirent, mais restèrent maîtres de tous les territoires qu'ils avaient conquis.
C'est ainsi que s'accomplissaient les conquêtes des barbares. «Les empereurs, dit l'historien grec Procope, cité par M. de Pétigny, les empereurs ne pouvaient pas empêcher les barbares d'entrer dans les provinces; mais les barbares, de leur côté, ne croyaient point posséder en sûreté les terres qu'ils occupaient tant que le fait de leur possession n'avait pas été changé en droit par l'autorité impériale.»
Les Franks Salyens et Ripuaires firent fidèlement leur devoir dans la guerre contre Attila. Mérovée, roi des Salyens, et bien probablement fils de Clodion, était particulièrement dévoué à Aétius. Après la mort de ce grand général, lâchement assassiné par l'empereur Valentinien, en 454, les Franks se crurent déliés de leurs obligations envers l'empire, et pillèrent la Belgique. Soumis de nouveau par Avitus et par Majorien, les Salyens, qui avaient chassé leur roi Childéric, prirent pour chef Egidius maître des milices de la Gaule, et à ce titre chef suprême de tous les barbares vassaux de l'empire. Egidius fut le dernier des officiers de l'empire qui ait su maintenir l'autorité du nom romain.
Depuis 457 Egidius gouverna les Franks jusqu'en 464, qu'ils reprirent leur roi Childéric et qu'Egidius mourut, après avoir été battu par ses ancien sujets. A son tour, Childéric devint maître des milices vers 469. Peu après, l'empire s'écroula en Italie, et les monarchies barbares, jusque là vassales et fédérées de l'empire, devinrent indépendantes, et restèrent enfin maîtresses des territoires qu'elles avaient conquis. (Cf. l'ouvrage de M. de Pétigny déjà cité.)
[126] Mons Martyrum, mont des martyrs.
[127] Je ne parle point ici des révoltes de Sacrovir, sous Tibère, et de Vindex sous Néron. Ces soulèvements eurent un caractère politique, une allure pour ainsi dire officielle. Ce n'étaient pas des émeutes populaires, c'étaient des conjurations d'ambitieux, des mouvements de parti, auxquels se mêlèrent les plus hauts personnages des cités gauloises.
[128] Tacite, Hist., liv. II, ch. 61.
[129] Hérodien. Cet historien, grec de nation, a écrit une histoire estimée, allant de 180 à 238 ap. J.-C. (L. D.)
[130] Eumène, Panégyr. de Constance.
[131] Glossarium médiæ et infimæ Latinitatis (1678).—MM. Didot ont publié une excellente édition de ce précieux livre. (L. D.)
[132] Cette place a disparu récemment, dans les changements qui ont été faits autour de l'hôtel de ville. (L. D.)
[133] Eutrope, Hist., liv. 9.
[134] Que nous reproduisons plus loin.
[135] A Ligugé, à deux lieues de Poitiers.
[136] A peine reste-t-il aujourd'hui quelques vestiges de l'église de ce monastère, qui est détruit depuis un grand nombre d'années. L'église paroissiale actuelle a été bâtie sur l'ancienne cellule de saint Martin.
[137] Julien, neveu de Constantin, né en 331, fut nommé gouverneur des Gaules, avec le titre de césar, puis empereur en 360; il mourut en 363. Il est aussi célèbre par son apostasie que par l'habileté de son gouvernement.
[138] Lutèce (Lutecia) était le nom de la ville des Parisii (Parisiens).
[139] Médecin de l'empereur Julien, né à Pergame. Il a laissé un recueil d'extraits des écrits des anciens médecins.
[140] Célèbre médecin grec de la fin du second siècle de l'ère chrétienne. Il reste de lui plusieurs ouvrages importants.
[141] L'ouvrage de Julien, dont ce fragment est extrait, est écrit en grec, et porte le titre de Misopogon, ce qui veut dire haine de la barbe. C'est une satire contre la ville d'Antioche, dans laquelle Julien fait semblant d'écrire contre lui-même. La barbe que portait Julien déplaisait beaucoup aux habitants d'Antioche.
[142] Lutèce (Lutecia) était le nom de la ville des Parisii (Parisiens).
[143] L'observation des Gaulois-Romains était juste; les hivers sont plus humides, mais moins froids, aux bords de la mer que dans l'intérieur des terres. (Note de Chateaubriand.)
[144] On voit que le climat de Paris n'a guère changé. Il y a longtemps que l'on cultive la vigne à Surène. Julien ne se piquait pas de se connaître en bon vin. Quant aux figuiers, on les enterre et on les empaille encore à Argenteuil. (Note de Chateaubriand.)
[145] Julien peint très-bien ce que nous avons vu ces derniers hivers. Les glaçons que la Seine laisse sur ses bords, après la débâcle, pourraient être pris pour des blocs de marbre. (Note de Chateaubriand.)
[146] Ces fourneaux étaient apparemment des poêles.
[147] Lactance, écrivain chrétien, né vers 250, mort vers 325. Il fut chargé par Constantin de l'éducation de son fils Crispus. Il est auteur des ouvrages suivants: Institutions divines, L'Œuvre de Dieu, La Colère de Dieu, La Mort des persécuteurs. C'est un écrivain élégant, que l'on a surnommé le Cicéron chrétien.
[148] L'armée, les fonctionnaires civils, les juges, les percepteurs ou exacteurs, etc. C'est Dioclétien qui créa l'administration civile et cette armée d'employés civils.
[149] Lactance, Mort des Persécuteurs.
[150] Bagat, en celtique, assemblée, multitude de gens. Ces révoltes, sans cesse renaissantes, duraient encore au milieu du cinquième siècle. (L. D.)
[151] Lois de Constantin, dans le Code Théodosien.
[152] La loi finit par identifier le colon à l'esclave. «Que les colons soient liés par le droit de leur origine, et bien que, par leur condition, ils paraissent des hommes libres, qu'ils soient tenus pour serfs de la terre sur laquelle ils sont nés.» (Code Justinien.)—«Si un colon se cache ou s'efforce de se séparer de la terre où il habite, qu'il soit considéré comme ayant voulu se dérober frauduleusement à son patron, ainsi que l'esclave fugitif.» (Code Justinien.)
[153] Les villes de la Gaule avaient pour les administrer une curie (assemblée, sénat). Les membres de ces curies étaient appelés curiales; on les choisissait dans les moyens propriétaires. Dans les derniers siècles de l'empire leur sort était devenu intolérable.
[154] Aussi ne disposent-ils pas librement de leur bien. Ils ne peuvent vendre sans autorisation. Le curiale qui n'a pas d'enfants ne peut disposer par testament que du quart de ses biens. Les trois autres quarts appartiennent à la curie.
[155] Impôts prétendus volontaires, que les curiales étaient obligés de payer aux empereurs en monnaie ou en couronnes d'or, dans diverses circonstances heureuses ou malheureuses, pour témoigner de leur joie ou pour venir en aide au trésor public, à peu près dans les circonstances où l'on fait aujourd'hui des adresses au souverain. (L. D.)
[156] Code Théodosien, XII, 1.
[157] Voici les principales dispositions de la loi de 418:—I. L'assemblée est annuelle.—II. Elle se tient aux ides d'août.—III. Elle est composée des honorés, des possesseurs et des magistrats de chaque province.—IV. Si les magistrats de la Novempopulanie et de l'Aquitaine, qui sont éloignées, se trouvent retenus par leurs fonctions, ces provinces, selon la coutume, enverront des députés.—V. La peine contre les absents sera de cinq livres d'or pour les magistrats, et de trois pour les honorés et les curiales.—VI. Le devoir de l'assemblée est de délibérer sagement sur les intérêts publics.
[158] Défenseur de la cité.
[159] Nous ne saurions trop recommander la lecture de cette poétique et savante histoire à nos lecteurs.
[160] Il s'agit de la grande révolte des Bagaudes, aux ordres de Tibat ou Tibaton; cette révolte dura deux ans (435-36). Comme toujours ceux qui firent cette Bagaudie étaient surtout des esclaves et des colons. La Bagaudie de 441 paraît être une des dernières ou même la dernière; ces révoltes avaient commencé vers 280.
[161] Il s'agit du patronage (patrocinium), qui se trouvera expliqué plus loin, p. 226.
[162] Les colons.
[163] Les combats de gladiateurs étaient encore les principaux jeux du cirque.
[164] Code Théodosien, XI, tit. 24, l. 2.
[165] Le petit propriétaire, libre de naissance et maître de sa terre, pour échapper au fisc, à l'impôt, aux exactions et aux violences de toutes espèces, achetait la protection, le patronage (patrocinium) de quelque puissant personnage, en lui donnant sa terre et en devenant colon, c'est-à-dire à peu près esclave, lui et sa postérité. Les grands, en devenant patrons d'un grand nombre de colons, se constituèrent d'immenses propriétés (latifundia) sur lesquelles ils régnaient en seigneurs presque indépendants. L'usage des patrocinia se continua sous les Franks par le système de la recommandation. (L. D.)
[166] Code Théodosien, l. 3 (année 395).
[167] C'est-à-dire aux propriétaires qui avaient cédé leurs propriétés à des patrons et en étaient devenus les colons, échangeant la liberté et la propriété contre une espèce d'esclavage et un peu de sécurité. (L. D.)
[168] Année 396.
[169] Année 399.
[170] Géographe écossais, né en 1758, mort en 1826. L'ouvrage principal de Pinkerton est sa Géographie. Le livre auquel fait allusion M. Michelet est intitulé: Recherches sur les Goths.
[171] Les Celtes étaient divisés en deux rameaux, les Gaulois et les Kymris ou Belges, et ces populations différaient entre elles par les caractères physiologiques, la taille, la couleur des cheveux et des yeux, et par les langues. Les auteurs anciens constatent chez les Celtes deux types différents: l'un, petit et aux cheveux bruns; l'autre, grand, aux cheveux blonds ou roux et aux yeux bleus. Les Gaels ou Gaulois semblent appartenir au premier, les Kymris au second, De ces deux types, c'est le premier qui l'a emporté dans la formation de la nation française et qui lui donne ses caractères les plus tranchés; mais il faut tenir compte aussi dans la création du type gallo-français, petit et brun, des influences ibériennes et de la conquête romaine.
Si les langues celtiques attestent l'existence de deux rameaux dans la race, elles prouvent en même temps que les Kymris étaient Celtes et non pas Germains, et qu'ils avaient la plus étroite parenté avec les Gaels. Modifiés au point de vue de la langue, des mœurs, de la religion et des institutions, par la conquête romaine, et sans nul doute aussi par un certain mélange avec les conquérants, les peuples gaulois sont devenus les Gallo-Romains; c'est dans cette population que sont venues se fondre les peuplades germaniques qui se sont établies en Gaule, et qui à leur tour, et dans une certaine proportion, ont modifié les Gallo-Romains. (L. D.)
[172] Sidoine Apollinaire, Panégyrique de Majorien.
[173] Sorte de manteau en usage chez les peuples des bords du Rhin.
[174] S. Apollinarius, lib. IV, Epist. ad Domnit.
[175] Apollinarius, lib. VIII, epist. IX.
[176] Salvian., De Gubern. Dei, lib. VII.
[177] Ammien Marcellin, liv. XXXI, ch. 9.
[178] Ammien Marcellin, liv. XXXI, ch. 2.
[179] Idem, XXXI, 16.
[180] T. IV, p. 201, adv. Jovin., lib. II.
[181] Jornandès. Chap. 45.
[182] Martyrs, liv. VI.
On trouvera plus loin ce chant reproduit tout entier.
[183] Chants populaires de la Grèce.
[184] Les deux Edda, les Sagga; Worm., Litt. runic.; Mallet, Hist. de Danemark.
[185] Rerum Gall. et Franc. Script., tom. IX, pag. 99.
[186] Voyez ces chants dans l'Histoire de la Conquête de l'Angleterre par les Normands, de M. A. Thierry, tom. I, pag. 131 de la 3e édition.
[187] Du Cange, voce Cantilena Rollandi; Mém. de l'Ac. des Inscript., tom. I, part. I, pag. 317; Hist. litt. de la France, tom. VII, Avertiss., pag. 73.
[188] Edda.—Voyez aussi Mallet, Introd. à l'histoire de Danemark, et les Monuments de la Mythologie des anciens Scandinaves pour servir de preuve à cette introduction, par le même auteur, in-4o; Copenhague, 1766.
[189] Second voyage du capitaine Parry pour découvrir le passage au nord-ouest de l'Amérique.
[190] Lex Salic., tit. XXV.—Lex Rip., tit. XLII.
[191] Lex Salic., tit. VIII.—Lex Rip., tit. LXVIII.
[192] Leg. Wall.
[193] Lex Salic., tit. XXXII.
[194] Lex Anglo-Saxonic., pag. 7.
[195] Lex Ripuar., tit. V, art. XII.
[196] Lex Ripuar., tit. II, art. XII.
[197] Ibid., tit. LXX, art. I.
[198] Voilà l'exemple de la préférence dans la ligne maternelle.
[199] Rerum Hungararum Scriptores varii; Francofurti, 1660.
[200] De Provid. div., trad. de Tillemont, Hist. des Emp.
[201] Grégoire de Tours, III, 7.
[202] S. Bernard. Vit.
[203] Art. IV.
[204] Saint Jérôme.
[205] Bedæ, presbit., Hist. eccl. gentis Anglorum, cap. XIII.
[206] Histor. Gildæ, liber querulus de excidio Britanniæ, p. 8, in Hist. Brit. et Angl. Script., tom. II.
[207] Leges Wallicæ, lib. III, cap. III, pag. 207-260.
[208] Traduct. de Fleury, Hist. ecclés.
[209] Victor, Vitensis episc., lib. I, De Persecutione africana, pag. 2; Divione, 1664.
[210] Victor, Vitens. episc., De Persecutione africana, pag. 3.
[211] Saint Jérôme.
[212] Idem.
[213] Aug., De Urb. Excidio, t. VI, pag. 624.
[214] Cod. Theodos., lib. XI, XIII, XV.
[215] Brottier et Gibbon ne portent cette population qu'à douze cent mille, évaluation visiblement trop faible, comme celle de Juste Lipse et de Vossius est trop forte; il s'agirait, d'après ces derniers auteurs, de quatre, de huit et de quatorze millions. Un critique moderne italien a rassemblé avec beaucoup de sagacité les divers recensements de l'ancienne Rome.
[216] Cette admirable étude, aussi belle dans la forme que savante dans le fond, a été rédigée d'après les sources suivantes:
Agathias, Histoire du règne de Justinien.—Ammien Marcellin, Histoire romaine.—Saint Augustin, Cité de Dieu.—Bède, Histoire ecclésiastique de la nation anglaise.—Recueil des Bollandistes (sainte Geneviève).—Claudien, Invectives contre Rufin; Consulat d'Honorius.—Chronicon Alexandrinum.—L'Edda.—Eusèbe, Histoire ecclésiastique.—Frédegaire, Chronique.—Gallia christiana.—Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Franks.—Idace, Chronique.—Saint Jérôme, Contre Jovin et Lettres.—Jornandès, Histoire des Goths.—Julien, Diverses œuvres.—Le P. Labbe, Collection des Conciles.—Luitprand, Ambassades auprès de Nicéphore.—Orose, Histoire.—Priscus, Histoire des Goths.—Procope, Histoire des Goths et des Vandales.—Prosper d'Aquitaine, Chronique.—Salvien, du Gouvernement de Dieu.—Sidoine Apollinaire, Panégyrique de Majorien, Lettres.—Sozomène, Histoire ecclésiastique.—Tertullien.—Victor, évêque de Vite, Histoire de la Persécution des Vandales.—Zosime, Histoire romaine, etc.
[217] Son beau-frère.
[218] Placidie, sœur de l'empereur Honorius, avait été faite prisonnière par Alaric, en 409, à la prise de Rome.
[219] Général d'Honorius, qui aspirait aussi à la main de Placidie.
[220] Une ancienne généalogie, qui paraît remonter à une époque très-reculée, dit positivement: Faramond engendra Cleno et Cludiono. (Note de M. Saint-Martin, Hist. du Bas Empire, t. VI; p. 25.)
[221] Cette date est fixée par M. de Pétigny; quelques auteurs donnent 447.
[222] Aétius et Majorien.
[223] L'Artois.
[224] Probablement Lens.
[225] Voitures dans lesquelles les familles franques demeuraient et voyageaient.
[226] Bacchus.
[227] La mer d'Azof.
[228] Je crois qu'il serait plus exact de dire que les Huns et leurs alliés occupaient tout le pays situé sur les bords du Rhin, depuis Mayence jusqu'à Bâle, lorsqu'ils franchirent ce fleuve pour pénétrer dans les Gaules. (Note de Saint-Martin.)
[229] Serbie et Bulgarie.
[230] Hongrie occidentale.
[231] Compétiteur de Mérovée, réfugié à la cour d'Attila. Son existence est cependant douteuse.
[232] Attila, avant de commencer son invasion, avait écrit à Valentinien et à Théodoric. Au premier il disait qu'il n'en voulait qu'aux Wisigoths; à Théodoric, qu'il n'en voulait qu'aux Romains.
[233] Ce fait n'est pas certain; on remarquera plus loin que Jornandès ne parle pas de Mérovée.
[234] Aussitôt qu'Aétius et Théodoric furent informés de la trahison que méditait Sangiban, ils s'assurèrent de sa personne et des siens.
[235] Jusqu'ici le récit est emprunté à l'histoire du Bas-Empire de Le Beau; la suite est de Jornandès.
[236] Pelage, auteur de cette hérésie, était un moine né en Angleterre, qui enseignait que l'homme naissait sans péchés, et qu'il pouvait vivre dans l'innocence et parvenir au royaume du ciel sans le secours de la grâce de Dieu.
[237] Les eulogies étaient des présents de choses bénites que l'on s'envoyait, en ces temps-là, en signe d'union et d'amitié.
[238] Elles ont été sauvées en 1793.
[239] Les lettres de Sidoine Apollinaire sont aujourd'hui le seul document d'après lequel on puisse se faire quelque idée de cette guerre. La troisième du livre 3 est particulièrement intéressante parmi celles qui ont rapport à ce sujet.
[240] Lettres, VII, I.—Sa date est de 472 ou 473.
[241] Sidoine Apollinaire, Lettres, V, 16.
[242] Lettres, VII, 7.
[243] Lettres, VII, 17.
[244] Hist. des Franks, II, 20.
[245] Cassiod. Chronic., ad ann. 483.
[246] Sidoine Apollinaire, Lettres, VIII, 3, 9.
[247] Lettres, VIII, 9 (on la trouvera traduite tout entière, p. 329).
[248] Roi des Suèves qui dévasta l'Italie septentrionale, fut battu, pris et décapité en 406.
[249] De Civitate Dei, lib. I, 7.
[250] Liv. III, 29.
[251] Saint Prosper d'Aquitaine, né en 403, mort vers 463, est auteur d'une chronique estimée et d'un poëme intitulé: les Ingrats, dirigé contre l'hérésie du semi-pélagianisme.
[252] Homeliæ S. Eusebii (Eucherii), p. 282.
[253] Saint Remi, évêque de Reims, mourut en 533, âgé de quatre-vingt-seize ans, après avoir été évêque pendant soixante-quatorze ans.
[254] Clovis à son avénement n'avait que quinze ans.
[255] Childéric avait possédé la dignité romaine de maître des milices, et la transmit à Clovis. Tel est le sens que trouve M. Pétigny à la phrase Rumor ad nos magnus pervenit, administrationem vos secundum rei bellicæ suscepisse. D'autres croient qu'il s'agit d'une seconde expédition militaire et lisent: administrationem vos secundam.
[256] Terres cédées par les empereurs romains aux Barbares, à la condition du service militaire.
[257] La Gaule du nord, sur laquelle s'étendait son autorité comme officier de l'empire.
[258] Les Gallo-Romains, en faveur desquels saint Remi intervient auprès de Clovis.
[259] Le texte de cette lettre est dans Duchesne, Script. francor., t. I.
[260] Syagrius était patrice et non pas roi des cités gallo-romaines du bassin de la Seine.
[261] Celui de Cambrai.
[262] Saint Remi.
[263] Il s'agit de la bataille de Tolbiac, livrée en 496.
[264] Clovis fut baptisé le jour de Noël de l'année 496.
[265] Quelques jours après, Clovis écoutait la lecture de l'évangile que lui faisait saint Remi. Quand l'évêque vint à dire comment J.-C. avait été livré aux bourreaux, Clovis devint furieux et s'écria: Que n'étais-je là avec mes Franks, j'aurais promptement vengé son injure! (Chronique de Frédégaire.)
[266] Parce qu'ils étaient catholiques et que les autres barbares étaient ariens. Pour les Gallo-Romains catholiques, la domination des Franks catholiques était plus supportable; aussi les évêques aidaient-ils partout à l'établir.
[267] Ville de l'Aquitaine et soumise aux Wisigoths.
[268] Psaumes, XVII, v. 39, 40.
[269] Ce gué est près de Lussac, et s'appelle encore le gué de la biche.
[270] C'est dans les plaines de Voulon (vocladensis campus), à quatre lieues de Poitiers, que s'est livrée la bataille, et non pas à Vouillé. L'année de cette victoire est 507.
[271] Roi des Franks ripuaires.
[272] Des Franks ripuaires.
[273] Roi de Thérouanne.
[274] En 511.
[275] L'empire d'Orient ou l'empire grec.
[276] Syagrius était fils d'Egidius et Clovis de Childéric.
[277] Syagrius avait pris le titre de patrice, dignité qui d'abord jointe à celle de maître des milices, avait fini par la remplacer.
[278] Hincmar, Vie de saint Remi.
[279] Frédégaire, Histoire, chap. 16.
[280] Grégoire de Tours, liv. 2, ch. 27.
[281] Il explique la conquête de la Gaule par les Romains et par les Franks. César et Clovis purent conquérir la Gaule, parce que deux fois le patriotisme local s'opposa à ce que le pays tout entier acceptât un dictateur national. Vercingétorix vint trop tard, quand la partie était presque perdue; et personne ne soutint Syagrius. (L. D.)
[282] Les cités belges qui avaient reconnu le pouvoir de Syagrius étaient celles de Soissons, de Vermandois, d'Amiens, de Beauvais et de Senlis. Leur territoire est représenté par celui des départements de l'Aisne, de la Somme et de l'Oise.
[283] Grégoire de Tours, Histoire, livre 2, ch. 27.
[284] Vie de sainte Geneviève, dans les Bollandistes, ch. 35 à 40.
[285] Historien grec, mort vers 565.
[286] Les Franks.
[287] Par la chute de l'empire d'Occident et la suppression de la préfecture d'Arles.
[288] Procope, de la Guerre des Goths, liv. I, ch. 12.
[289] Lettres, liv. VIII, 3; liv. IV, 1.
[290] La soumission des Gallo-Romains du Nord fut le prix de la conversion de Clovis.
[291] Dans les mœurs germaniques, venger le meurtre de ses parents était un devoir qu'on ne pouvait négliger sans encourir l'infamie et l'exhérédation.
[292] Grégoire de Tours ne parle de ces faits que très-succinctement et en termes généraux. Nous en connaissons les détails par les récits de Frédégaire (Histoire, ch. 17 et 18) et de l'auteur des Gestes des rois franks (chap. 11 et 12), qui sont le résumé des traditions de famille de la dynastie mérovingienne. J'ai pris alternativement dans ces deux récits les circonstances qui m'ont paru les plus vraisemblables. (Note de M. de Pétigny).
[293] Elle mourut presqu'aussitôt après son baptême.
[294] Le sou d'or valait 90 francs.
[295] Homme libre, né de parents libres.
[296] Antrustion (in truste regis, sous la protection du roi), ou convive du roi, personnage élevé aux plus hautes dignités de la cour des rois franks.
[297] La maison (sala) et la terre qui l'entoure était la seule propriété héréditaire chez les anciens Germains, comme l'ogorod chez les Russes; les autres terres changeaient de possesseurs tous les ans, par la voie du sort, comme cela se pratique encore chez les serfs de Russie. La terre salique (la terre paternelle, l'alleu des parents de la loi des Ripuaires) n'était pas soumise à ces partages annuels, et restait propriété ou alleu héréditaire dans les mâles de la famille.
[298] Envoyée par le roi Léovigilde, qui venait prendre Rigonthe, promise à Reccarède, fils du roi des Wisigoths.
[299] Ce fut le pape Zacharie qui ordonna la déposition de Childéric, au mois de mars 752.
[300] Eudon ou Eudes, duc d'Aquitaine.
[301] Maire du palais du roi des Franks.
[302] En 770.
[303] Elle s'appelait Désirée.
[304] Il la répudia parce qu'elle était toujours malade et inhabile à lui donner des enfants.
[305] Charles n'eut pas toutes ces concubines en même temps, mais successivement et à différentes époques. Bien qu'Éginhard et les anciens historiens les appellent constamment des concubines, le P. Le Cointe prétend qu'on doit les considérer comme épouses légitimes. (Note de M. Teulet.)
[306] Cependant, en 787, il consentit au mariage de Berthe avec Angilbert, l'un des officiers de son palais. (Note de M. Teulet.)
[307] Une grande licence régnait à la cour de Charlemagne, et les historiens contemporains ont été forcés de reconnaître que, sous ce rapport, il donnait lui-même un fort mauvais exemple. (Note de M. Teulet.)
[308] C'était les contestations de haute importance, potentiores causæ, celles qui s'agitaient entre les évêques, les abbés, les comtes et les autres grands de l'empire. (Note de M. Teulet.)
[309] Ce passage d'Éginhard a donné lieu à de nombreux commentaires. Il semble résulter, des termes mêmes du texte, que Charlemagne savait écrire; mais il est probable qu'il ne put parvenir à acquérir cette fermeté, cette élégance d'écriture en usage de son temps, dont nous possédons encore aujourd'hui de nombreux modèles. (Note de M. Teulet.)
[310] En 774, 781, 787 et 800. (Note de M. Teulet.)
[311] C'est-à-dire des empereurs grecs. (Note de M. Teulet.)
[312] La loi Salique et la loi des Ripuaires. (Note de M. Teulet.)
[313] Ces poëmes populaires, vulgares cantilenæ, gentilitia carmina, dont l'existence, bien antérieure au règne de Charlemagne, est incontestable, se chantaient ordinairement durant les repas, comme le prouve ce curieux passage de la vie de S. Ludger (dans Pertz, tom. II, p. 412): «Tandis qu'il était à table avec ses disciples, on lui amena un aveugle, nommé Bernlef, fort aimé du voisinage à cause de sa bonne humeur, et parce qu'il était habile à chanter les gestes et les guerres des anciens rois.» (Note de M. Teulet.)
[314] Les noms donnés aux mois par Charlemagne ne furent pas inventés par lui, car ils étaient en usage bien antérieurement chez les divers peuples germains, et notamment chez les Anglo-Saxons. Ces noms de mois avaient une signification appropriée aux différentes saisons de l'année, comme on peut le voir par le tableau suivant:
Wintarmanoth, Janvier, mois d'hiver.—Hornung, Février, mois de boue.—Lentzinmanoth, Mars, mois de printemps.—Ostarmanoth, Avril, mois de Pâques.—Winnemanoth, Mai, mois des délices.—Brachmanoth, Juin, mois des défrichements.—Heuvimanoth, Juillet, mois des foins.—Aranmanoth, Août, mois des moissons.—Witumanoth, Septembre, mois des vents.—Windumemanoth, Octobre, mois des vendanges.—Herbistmanoth, Novembre, mois d'automne.—Heilagmanoth, décembre, mois saint. (Note de M. Teulet.)
[315] Au mois d'août 813.
[316] Vers neuf heures du matin, le samedi 28 janvier 814.
[317] C'étaient des enfants que Charlemagne confiait aux monastères pour les faire élever dans la religion chrétienne, et les envoyer ensuite prêcher l'Évangile dans leur pays. Tel fut Ebbo, archevêque de Reims, l'apôtre du Danemark. (Note de M. Teulet.)
[318] En 804.
[319] Ce titre s'est conservé jusqu'à nos jours dans la langue turque pour désigner les princes tartars, Khâcân, Kan. (Note de M. Teulet.)
[320] Le récit épique qui suit est regardé avec raison par quelques critiques comme la traduction latine du quelque chant tudesque.
[321] La vallée de Roncevaux, Roscida vallis, en Navarre, entre Pampelune et Saint-Jean-Pied-de-Port.
[322] Ce passage est le seul, parmi les historiens, où il soit fait mention du célèbre Roland, qui joue un si grand rôle dans les épopées carlovingiennes.
[323] «Les noms de ceux qui périrent étant connus, je me suis dispensé de les dire», écrit l'Astronome, dans sa vie de Louis le Débonnaire. Une telle phrase suppose que la popularité de la bataille et des preux qui y furent tués était déjà très-considérable, plus que ne semble le faire croire la phrase assez concise d'Éginhard. (L. D.)
[324] M. Génin a publié, en 1850, une bonne édition de La Chanson de Roland, 1 vol. in-8o.
[325] La France.
[326] Dur en da, dur en donne, selon la chronique du faux Turpin.
[327] Wissant, près de Boulogne, qui était alors un port fréquenté.
[328] Gesta Francorum.
[329] Casques.
[330] Boucliers.
[331] Il y a une lacune d'un ou de plusieurs vers dans tous les manuscrits; M. Génin pense qu'il était question du massacre de ces six chefs qui s'étaient rendus, et que Roland fit tuer.
[332] Ils gravissaient les montagnes.
[333] Cuisiniers, officiers de la bouche.
[334] Marquisat, frontière.
[335] Dans nos vieilles traditions, conservées dans la chronique de Turpin, la France est appelée libre, parce que la domination et l'honneur lui sont dus sur toutes les autres nations.
[336] La brèche de Roland, dans les Pyrénées, est une immense crevasse dans les rochers, de 40 à 60 mètres d'ouverture, sur 100 mètres de hauteur et 1,000 mètres de longueur. La légende veut que Roland ait taillé cette brèche, dans le roc, d'un coup de sa Durandal.
[337] La sœur d'Olivier.
[339] La Chronique de Turpin, dont on ne connaît ni l'auteur ni la date, est, selon M. Génin, l'œuvre de Guy de Bourgogne, archevêque de Vienne, devenu pape en 1119, et qui mit sa chronique au nombre des livres canoniques, en 1122.
[340] Hubertus Thomas Leodius, De Vita Frederici II, palatini, lib. 1, p. 5, traduit par Génin, dans son Introduction à La Chanson de Roland.
[341] Génin, Introduction à la Chanson de Roland, p. XXII.
[342] Ce chant, que l'on croit être du neuvième siècle ou du dixième, s'est conservé chez les montagnards des Pyrénées; M. Eug. de Montglave l'a publié dans le journal de l'Institut historique, t. I, p. 176.
[343] Basques.
[344] Les contemporains ont tous appelé Louis le Débonnaire Louis le Pieux.
[345] Le tudesque.
[346] Hérold, chef danois, fut baptisé dans l'église de Saint-Alban, à Mayence, avec sa femme et beaucoup de Danois. Louis le Débonnaire lui donna un comté dans la Frise. (Vie de Louis le Débonnaire par L'Astronome.)
[347] L'empereur.
[348] L'empereur avait choisi entre toutes les filles des seigneurs de son empire, réunies de tous côtés, la belle Judith, fille du noble comte Guelfe. (Voy. L'Astronome.)
[349] Le pape saint Clément Ier, auquel on a attribué des ouvrages qui contiennent beaucoup de détails sur les devoirs des prêtres. (Dom Bouquet.)
[350] Celle de portier en chef du palais.
[351] Chancelier de l'empereur et abbé de Saint-Martin de Tours.
[352] L'usage des Romains de manger couchés sur des lits était encore conservé.
[353] M. Guizot a publié, de 1823 à 1827, en 29 volumes in-8o, une collection des mémoires relatifs à l'histoire de France. Cette collection se compose de traductions des principales chroniques et histoires écrites en latin, depuis Grégoire de Tours jusqu'au treizième siècle.
TABLE DES MATIÈRES
| LA GAULE. | |
|---|---|
| Pages. | |
| Les peuples de l'ancienne Gaule. (César.) | 1 |
| Description de la Gaule, sous Auguste. (Strabon.) | 2 |
| Mœurs et usages des Gaulois. (César.) | 4 |
| Même sujet. (Strabon.) | 9 |
| Même sujet. (Diodore de Sicile.) | 14 |
| Les Gaulois en Italie, 587 à 222 avant J.-C. (Polybe.) | 19 |
| Prise de Rome par les Gaulois, 390 avant J.-C. (Tite-Live.) | 38 |
| Ambassade des Gaulois à Alexandre. (Strabon.) | 63 |
| Même sujet. (Appien.) | 63 |
| Conquêtes des Gaulois dans la Germanie. (César.) | 64 |
| Les Gaulois en Espagne. (Diodore de Sicile.) | 65 |
| Invasion des Gaulois en Macédoine et en Grèce. (Justin.) | 66 |
| Les Gaulois en Asie Mineure. (Justin.) | 73 |
| Retour d'une partie des Gaulois dans la Gaule. (Justin.) | 73 |
| Les Romains soumettent les Gallo-Grecs. (Tite-Live.) | 74 |
| Richesses de Luern, roi des Arvernes. (Athénée.) | 93 |
| Les Romains commencent à s'établir dans la Gaule. (Rollin.) | 94 |
| Portrait de César. (Suétone.) | 99 |
| César. (Michelet.) | 111 |
| César dans les Gaules. (Suétone.) | 111 |
| La guerre des Gaules. (Napoléon.) | 113 |
| Arioviste battu par César. (Napoléon.) | 117 |
| Guerre des Belges. Combat sur l'Aisne. Défaite des Belges du Hainaut. Bataille sur la Sambre. (Napoléon.) | 118 |
| Guerre contre les Vénètes. (Napoléon.) | 122 |
| Vercingétorix. (César.) | 123 |
| Siége de Bourges. (César.) | 125 |
| Bataille de Gergovie. (Plutarque.) | 135 |
| Bataille d'Alise. (César.) | 136 |
| Vercingétorix se rend à César. (Plutarque.) | 143 |
| Même sujet. (Dion Cassius.) | 143 |
| Conquête de la Gaule par César. (Marc-Antoine.) | 144 |
| De la civilisation gauloise avant la conquête romaine. (Ch. Giraud.) | 145 |
| La république de Marseille. (Strabon.) | 155 |
| LA GAULE ROMAINE. | |
| Révolte de Sacrovir. (Tacite.) | 159 |
| Folies de Caligula dans les Gaules. (Suétone.) | 164 |
| Première persécution des chrétiens dans la Gaule. (Eusèbe.) | 168 |
| Cantilène dans laquelle se trouve la première mention du nom des Franks | 178 |
| Saint Denis. (Baillet et Le Nain de Tillemont.) | 179 |
| Les Bagaudes, 285. (Pétigny.) | 183 |
| Saint Martin. (Richard.) | 192 |
| Paris en 358. (Chateaubriand et Julien.) | 196 |
| Gouvernement de Julien. (Ammien-Marcellin.) | 198 |
| Tyrannie de l'administration romaine. (Michelet.) | 199 |
| Impôts et exactions. Les Bagaudes. Le Patrociniat. (Salvien.) | 207 |
| Mœurs des Gallo-Romains. (Salvien.) | 218 |
| Les Tyrans. Le Patrociniat. Origines de la féodalité. (Lehuërou.) | 223 |
| De la race celtique. (Michelet.) | 228 |
| LES BARBARES. | |
| Mœurs des barbares. (Chateaubriand.) | 231 |
| Invasion de la Gaule par les Alains, les Vandales et les Suèves. (Le Beau.) | 275 |
| Établissement des Alemans et des Burgondes dans la Gaule. (Le Beau.) | 278 |
| Conquêtes des Wisigoths dans la Gaule. (Le Beau.) | 279 |
| Pharamond. (Saint-Martin.) | 282 |
| Clodion battu par Aétius. (Sidoine Apollinaire.) | 285 |
| Les Huns et les Alains. (Ammien-Marcellin.) | 287 |
| Les Huns. (Jornandès.) | 292 |
| Portrait d'Attila. (Jornandès.) | 294 |
| Invasion d'Attila en Gaule. (Le Beau et Jornandès.) | 295 |
| Saint Aignan. (Grégoire de Tours.) | 311 |
| Sainte Geneviève. (Richard.) | 312 |
| Résistance de l'Arvernie contre les Wisigoths, 471-475. (Fauriel.) | 316 |
| Euric, roi des Wisigoths. (Fauriel.) | 327 |
| La cour du roi Euric à Bordeaux. (Sidoine Apollinaire.) | 329 |
| Conduite du clergé envers les conquérants germains. (Fauriel.) | 331 |
| LES FRANKS. | |
| Lettre de saint Remi à Clovis | 338 |
| Clovis. (Grégoire de Tours.) | 340 |
| Lettre du pape Anastase à Clovis | 355 |
| Lettre d'Avitus à Clovis | 356 |
| Clovis soumet les Gallo-Romains indépendants. (Pétigny.) | 357 |
| Mariage de Clovis. (Pétigny.) | 364 |
| La sainte Ampoule. (Frodoard.) | 370 |
| Lettre de saint Remi à Clovis | 372 |
| La loi salique | 373 |
| Meurtre des fils de Clodomir, 533. (Grégoire de Tours.) | 380 |
| Brunehaut et Galsuinthe, 566. (Grégoire de Tours.) | 383 |
| Comment le roi Chilpéric dota sa fille Rigonthe. (Grégoire de Tours.) | 385 |
| Les rois fainéants. (Éginhard.) | 387 |
| Les maires du palais. (Chateaubriand.) | 389 |
| Invasion des Arabes. Bataille de Poitiers. (Fauriel.) | 390 |
| Vie intérieure et habitudes domestiques de Charlemagne. (Éginhard.) | 400 |
| Guerre contre les Saxons. (Éginhard.) | 413 |
| Guerre contre les Avares. (Éginhard.) | 415 |
| Charlemagne prend Pavie. (Le Moine de Saint-Gall.) | 416 |
| Bataille de Roncevaux. (Éginhard.) | 420 |
| La bataille de Roncevaux et la mort de Roland. (Théroulde.) | 423 |
| La grande taille de Roland. (Thomas Leodius.) | 451 |
| Le chant d'Altabiçar | 453 |
| Les capitulaires de Charlemagne. (Chateaubriand.) | 455 |
| Canonisation et culte de Charlemagne. (Baillet.) | 458 |
| Louis le Pieux. (Thégan.) | 459 |
| Baptême de Hérold le Danois. (Ermold le Noir.) | 461 |
FIN DE LA TABLE.