La Cour de Lunéville au XVIIIe siècle: Les marquises de Boufflers et du Châtelet, Voltaire, Devau, Saint-Lambert, etc.
Si la mort de Mme du Châtelet fut douloureusement ressentie par ses amis, il faut avouer qu'elle excita en général peu de regrets et devint même le sujet d'innombrables plaisanteries.
Collé écrit ces lignes cruelles:
«Il faut espérer que c'est le dernier air que Mme du Châtelet se donnera: mourir en couches à son âge, c'est vouloir se singulariser; c'est prétendre ne rien faire comme les autres.»
Cette mort si brutale n'inspire à Frédéric que cette épitaphe moqueuse:
Le désespoir de Voltaire était touchant; il restait sourd à toutes les consolations. C'est en vain que Stanislas allait passer de longues heures avec lui; c'est en vain que Mme de Boufflers s'efforçait de l'arracher à sa douleur, rien ne pouvait l'en distraire. Il avait toujours compté passer sa vie avec cette amie rare; jamais l'idée d'une séparation ne lui était venue! Que faire? Que devenir? Où aller? Les projets les plus étranges lui venaient à l'esprit. Tantôt il voulait se retirer à l'abbaye de Senones auprès de dom Calmet, et y passer le reste de ses jours; tantôt il voulait se retirer en Angleterre.
Enfin le roi et Mme de Boufflers, toujours pleins de bonté, l'emmenèrent à la Malgrange pour l'arracher à ses tristes souvenirs et lui rendre un peu de calme et de repos.
Là, tous deux l'entourèrent d'affection et de soins et ils firent tous leurs efforts pour le décider à rester près d'eux. Stanislas ne pouvait se faire à l'idée de perdre ce Voltaire qui, depuis deux ans, faisait la gloire, l'ornement et la joie de sa petite cour. Mais les instances pressantes du roi, les prières de Mme de Boufflers, tout fut inutile, malgré la certitude d'une existence paisible et heureuse, le philosophe ne put se résigner à vivre dans ces lieux où il venait de tant souffrir, où s'était éteinte celle qui avait été la compagne de sa vie et où tout la lui rappelait.
Après bien des hésitations, il se décida à regagner Paris et à reprendre sa vie errante. Auparavant, il voulut encore revoir une fois ce cher Cirey où il avait passé de si douces années; puis, il y avait des affaires d'intérêt à régler, sa bibliothèque à empaqueter, des meubles à emporter; bref, un véritable déménagement à opérer.
Il partit donc avec M. du Châtelet [144].
Les adieux avec Stanislas furent touchants; tous deux, très émus, se promirent un revoir prochain. Voltaire assura qu'il reviendrait, que son absence ne serait que de courte durée; mais au fond tous deux sentaient bien que la séparation était définitive.
Le philosophe ne fut pas seul à quitter la cour; Saint-Lambert suivit bientôt son exemple, mais pour des motifs différents. Il trouvait que Lunéville était un bien petit théâtre pour un poète de son envergure, et il profita de la célébrité que lui donnaient ses aventures avec la divine Émilie pour affronter la scène parisienne, la seule qu'il jugeât digne de ses mérites.
Ainsi se trouva brisée par la mort de Mme du Châtelet cette intimité charmante qui faisait le bonheur du roi Stanislas; ainsi se trouvèrent dispersés ces personnages qui avaient contribué à donner à la petite cour tant de célébrité et de renom.
Heureusement pour le roi de Pologne, Mme de Boufflers ne l'abandonna pas; elle demeura fidèlement auprès de lui jusqu'à sa mort.
Nous verrons dans un prochain volume ce qu'il advint de la cour de Lorraine pendant les dernières années du roi Stanislas et aussi quel fut le sort de Mme de Boufflers. La charmante femme eut l'art de rester ce qu'elle avait toujours été, aimable et séduisante, et, en dépit de l'âge qui avançait, elle continua à inspirer des passions tout aussi vives et violentes que dans ses jeunes années.
FIN
NOTES:
[1] Nous avons fait à ces différentes sources des emprunts si fréquents qu'il nous a été impossible, à notre grand regret, d'en indiquer l'origine au cours du volume; il aurait fallu surcharger le texte de renvois et de notes, et nous avons dû y renoncer.
[2] Né dans le Tyrol, Léopold avait été élevé à Vienne, sous les yeux de l'Empereur. Son père, Charles V, d'illustre mémoire, avait battu les Turcs et sauvé Vienne de la destruction et de l'esclavage. Sa mère, Marie-Éléonore, reine douairière de Pologne, venait de mourir, le 17 décembre 1697.
[3] Les conférences ouvertes au château de Ryswick, le 9 mai 1697, entre la France, l'Angleterre, l'Espagne et les états généraux, avaient amené la conclusion de la paix qui fut signée le 20 septembre. Le 30 octobre de la même année, l'Empire et la France firent la paix à leur tour: Louis XIV restituait au duc Léopold, fils de Charles V, le duché de Lorraine qu'il occupait depuis trente ans.
[4] En 1696, à la bataille de Temesvar, Léopold avait montré un courage héroïque et chargé plusieurs fois les Turcs à la tête de la cavalerie allemande. Il n'avait pas montré moins de bravoure en 1697 sur le Rhin, au siège d'Ebersbourg.
[5] Les chameaux furent ensuite logés sous les voûtes de l'ancienne porte de Saint-Nicolas à Nancy, qui depuis prirent le nom de «voûtes des chameaux».
[6] Pendant des siècles la souveraineté de la Lorraine avait appartenu à l'illustre maison de ce nom. Longtemps elle avait cherché à renverser les Bourbons pour prendre leur place; mais si le trône de France lui avait échappé, elle avait par un mariage obtenu celui de Habsbourg.
[7] L'occupation française pesait sur la Lorraine avec la plus extrême rigueur, car l'armée vivait aux dépens du pays.
[8] D'un million d'habitants que comptaient trente et une villes de la Lorraine au début de la guerre, on n'en trouvait plus que cinquante mille.
[9] Léopold n'avait pas voulu entrer à Nancy tant que les troupes françaises y avaient séjourné; elles avaient occupé la ville longtemps encore après la conclusion de la paix pour en démolir les fortifications.
[10] Un lien étroit de parenté existait entre la maison de Bourbon et celle de Beauvau. Les Beauvau avaient pour aïeule Isabelle de Beauvau, femme de Jean II de Bourbon, comte de Vendôme.
[11] Il était né le 29 avril 1679. Il était fils du second lit de Louis marquis de Beauvau et de Anne-Henriette de Ligny.
[12] Elle était née en 1686. La famille de Ligniville est l'une des quatre de la grande chevalerie de Lorraine.
[13] Ces pièces sont reproduites par M. Meaume dans sa brochure la Mère du chevalier de Boufflers, Paris, Techener, 1885.
[14] Allusion à un procès fait à Madeleine Sibile de Neitzschütz, maîtresse de l'électeur Jean-George IV, procès dans lequel furent révélées une foule de pratiques superstitieuses employées par les femmes de l'époque.
[15] En 1712, M. de Craon reçut le titre de marquis; en 1721, Léopold lui facilita l'achat d'une grande terre en Allemagne, et il obtint pour lui ainsi que pour l'aîné de ses descendants, sous le nom de prince de Beauvau, la dignité du Saint-Empire; il lui fit obtenir la Grandesse, la Toison d'Or, etc.
[16] Le ménage du duc de Lorraine était l'objet à un degré presque égal des bénédictions du ciel, car pendant que Mme de Craon avait vingt enfants, la duchesse de Lorraine de son côté en avait seize, si bien que la pauvre femme se plaignait d'être «toujours ou malade ou enceinte».
[17] Histoire d'une famille de la chevalerie lorraine, par le comte de Ludres, Paris, Champion, 1894. Nous avons fait à cet ouvrage si remarquable de fréquents emprunts.
[18] Voici la liste des enfants de M. et de Mme de Craon:
1o Elisabeth-Charlotte, née à Lunéville le 29 septembre 1705, mariée le 29 juillet 1723 à Ferdinand-François de la Baume-Montrevel;
2o Anne-Marguerite, née à Lunéville le 28 avril 1707, mariée le 17 août 1723 à Jacques-Henri de Lorraine, prince de Lixin;
3o Gabrielle-Françoise, née à Lunéville le 31 juillet 1708, mariée le 17 août 1725 à Alexandre d'Alsace, de Baussa, prince de Chimay;
4o Marie-Philippe-Thècle, née à Lunéville le 23 septembre 1709, chanoinesse de Remiremont;
5o Nicolas-Simon-Jude, né à Lunéville le 18 octobre 1710, mort à Rome en mai 1734;
6o Marie-Françoise-Catherine, née à Lunéville le 8 décembre 1711, mariée le 19 avril 1735 à François-Louis de Boufflers;
7o François-Vincent-Marc, né à Lunéville le 23 janvier 1713, primat de Lorraine, mort à Paris le 29 juin 1742;
8o Léopold-Clément, né à Lunéville le 27 avril 1714, mort à Paris le 27 février 1723;
9o Louise-Eugénie, née à Craon le 29 juillet 1715, abbesse d'Epinal le 7 août 1728, morte à Nancy en 1736;
10o Henriette-Augustine, née le 28 août 1716, chanoinesse de Poussay, a fait profession chez les dames de Sainte-Marie à Paris en 1736;
11o Charlotte, née le 28 novembre 1717, abbesse de Poussay en 1730, mariée à Clément de Bassompierre, maistre de camp de cavalerie;
12o Anne-Marguerite, née à Lunéville le 10 février 1719, religieuse professe chez les dames de Sainte-Marie, rue du Bac, en 1738;
13o Charles-Just, né à Lunéville le 10 novembre 1720;
14o Elisabeth, née à Lunéville le 19 janvier 1722, chanoinesse de Poussay, professe aux Dames de Sainte-Marie, à Paris, en 1740;
15o Ferdinand-Jérôme, né à Lunéville le 15 septembre 1723, chevalier de Malte;
16o Gabrielle-Charlotte, née à Lunéville le 28 octobre 1724, chanoinesse de Remiremont, et depuis religieuse professe à l'abbaye royale de Saint-Antoine au mois d'août 1734;
17o Alexandre de Beauvau, né à Lunéville le 16 décembre 1725, colonel du régiment de Hainaut en 1744;
18o Béatrice, née à Lunéville le 17 juillet 1727, morte le 19 mars 1730;
19o Hilarion, né à Lunéville le 22 septembre 1728, mort quatre jours après;
20o Antoine, né à Lunéville le 28 janvier 1730, mort à Haroué en bas âge.
[19] Vie de la princesse de Poix, par la vicomtesse de Noailles. Paris, 1855.
[20] Avant 1789, ce célèbre couvent s'appelait l'Eglise Insigne collégiale et séculaire de Remiremont ou Chapitre Illustre des Dames Chanoinesses de Remiremont. Le couvent avait été élevé sur une montagne située sur la rive droite de la Moselle, par saint Romaric, seigneur lorrain austrasien. Les religieuses suivaient la règle de saint Benoît. En l'an 900 elles transportèrent les reliques de saint Romaric sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la ville de Remiremont et construisirent un monastère et une église. Tout fut détruit par un incendie en 1057. Les religieuses élevèrent un nouveau couvent sur les ruines de l'ancien; mais elles abandonnèrent la règle de saint Benoit et se sécularisèrent.
[21] L'abbaye de Poussay était située à une demi-lieue au-dessous de Mirecourt, sur la chaussée de Nancy. Le chapitre, où les preuves étaient les mêmes que dans les autres chapitres nobles de Lorraine, était composé d'une abbesse, d'une doyenne et de quinze dames chanoinesses. Après avoir suivi pendant longtemps la règle de saint Benoit, les religieuses se sécularisèrent. L'habit de chœur des dames était un manteau d'étamine bordé d'hermine.
[22] Le nombre des chanoinesses pouvait aller jusqu'à soixante-dix-neuf. Après l'abbesse il y avait deux dignités: la doyenne et la secrète. Une tourière, une aumônière, quatre chanoinesses-chantres étaient les autres dignitaires. Chacune des dames avait le droit de choisir une coadjutrice, qu'on appelait nièce et qui lui succédait de plein droit en cas de mariage ou de mort.
[23] En 1744, Louis XV accorda aux chanoinesses le droit de porter de la droite à la gauche un large cordon bleu liseré de rouge auquel devait être attachée en forme de croix de chevalerie une médaille représentant saint Romaric.
[24] Pour être admise à Remiremont, il fallait prouver contradictoirement devant le chapitre assemblé soixante-quatre quartiers de noblesse, c'est-à-dire faire preuve de neuf générations chevaleresques dans les deux lignes paternelle et maternelle. Louis XIV et Louis XV n'auraient pu faire admettre leurs filles dans le célèbre chapitre parce qu'elles avaient du sang de Médicis dans les veines.
[25] Il était fils de Charles-François, marquis de Boufflers, lieutenant-général, chevalier de Saint-Louis, seigneur de Remiencourt, Dommartin, Gaullancourt, la Valle, la Bucaille et autres lieux, et de Louise-Antoinette-Charlotte de Boufflers.
Les Boufflers étaient originaires de la Picardie. Un partage de terre fait entre trois frères le 6 juillet 1585 avait divisé la famille en trois branches: l'aînée, qui reçut de Louis XIV en 1695 le titre ducal; la branche des Rouverel, et enfin celle des Remiencourt; cette dernière se fixa en Lorraine.
La descendance directe du maréchal de Boufflers s'éteignit bientôt; mais la branche des Remiencourt, celle de Nancy, s'étant alliée à la dernière descendante du maréchal, les Remiencourt, par les femmes, se trouvèrent, à un moment, descendre du maréchal.
[26] Stanislas Leczinski (1682-1766), simple palatin de Posnanie, avait été élu roi de Pologne en 1704, grâce à l'amitié de Charles XII; il fut renversé, en 1714, par Auguste, électeur de Saxe. En attendant qu'il pût l'aider à reconquérir son royaume, Charles XII donna à Stanislas le gouvernement de la principauté de Deux-Ponts qui appartenait à la Suède. Mais le roi de Suède mourut en 1718 et Stanislas fut expulsé des Deux-Ponts. Il dut se réfugier à Landau, puis à Wissembourg, où la France lui offrit un asile. Il y vivait avec sa femme et sa fille Marie dans un état voisin de la misère lorsqu'en 1725, à la suite de l'intrigue la plus invraisemblable, Louis XV demanda la main de la jeune Marie Leczinska.
Après le mariage de sa fille, Stanislas habita le château de Chambord.
[27] En 1733 l'on apprit que le roi Auguste de Pologne était mort et que les Polonais, mécontents de la maison de Saxe, offraient de nouveau la couronne au roi Stanislas. Ce dernier partit pour la Pologne où il fut élu à l'unanimité. Des mécontents proclamèrent le fils d'Auguste, électeur de Saxe. Poursuivi par les Russes et abandonné par les nobles de son parti, Stanislas se réfugia à Dantzig, puis à Kœnigsberg.
Pendant ce temps Charles VI avait voulu à tout prix faire reconnaître par les puissances étrangères sa pragmatique sanction de 1713 et assurer à l'aînée de ses filles l'entière succession de tous ses États. La France s'y était refusée et était entrée en guerre avec l'Empire.
En 1735, la France proposa à Charles VI de reconnaître sa pragmatique sanction, à condition que les duchés de Lorraine et de Bar seraient cédés à Stanislas, qui renoncerait à la couronne de Pologne. A la mort de Stanislas les duchés devaient revenir à la France.
[28] Pierre Boyé, Stanislas et le troisième traité de Vienne.
[29] François III ne s'était décidé à signer l'acte de cession qu'après avoir reçu de Charles VI l'investiture de la Toscane.
[30] Il était situé à 30 kilomètres de Lunéville.
[31] Elle partit de Remiremont en 1745 pour se rendre à Insprück; elle ne revint jamais en Lorraine.
[32] A la mort du grand-duc de Toscane, elle devait être portée à 2,000,000 de livres.
[33] Antoine-Martin de Chaumont de la Galaizière, né le 2 janvier 1697, avait travaillé dès l'âge de quatorze ans dans les bureaux de M. Voisin, secrétaire d'État de la guerre sous Louis XIV. Nommé maître des requêtes en 1716, il franchit rapidement tous les degrés de la hiérarchie et il fut envoyé en 1731 comme intendant à Soissons.—Il avait épousé le 16 mai 1724 Louise-Élisabeth Orry, fille d'un intendant des finances. Il devint veuf en septembre 1761.—Il administra seul la Lorraine de 1737 à 1758, et avec un de ses fils de 1759 à 1766.
[34] L'année 1737 fut considérée comme la première mort du pays, 1766 fut la seconde.
[35] Stanislas ne fit son entrée à Nancy que le 9 août.
[36] Toute la noblesse accourut chez eux; comme on connaissait l'intimité du prince et de François, chacun lui faisait la cour et sollicitait un emploi pour le jour où il y aurait lieu d'organiser la nouvelle administration. M. de Craon, qui voulait ménager tout le monde, promettait la même place à vingt personnes. Quand le grand-duc mourut, le 9 juillet 1737, le prince fit reconnaître aussitôt le duc François, et il gouverna en son nom avec le titre de vice-roi. Il fut naturellement impossible au prince de tenir toutes les promesses qu'il avait faites, et ce fut un concert de récriminations et de plaintes: «Ce sont de plaisantes gens que ces Florentins, s'écriait-il indigné; ils prennent des politesses pour des engagements.»
[37] Chanson populaire. Boyé, Troisième traité de Vienne.
[38] Plusieurs d'entre eux, entre autres le comte de Ludres, étaient à la fois chambellans du roi de Pologne et du grand-duc de Toscane; ils prenaient les deux titres dans les actes officiels, et Stanislas ne trouvait pas mauvais ce témoignage de fidélité à son prédécesseur.
[39] Le personnel de la cour était considérable. Outre les charges que nous venons de citer, on comptait dans le personnel inférieur: 1 médecin, 2 chirurgiens, 1 apothicaire, 4 valets de chambre, 1 tapissier, 3 huissiers, 1 perruquier, 1 garçon de la garde-robe, 2 frotteurs, 2 balayeurs, 4 porteurs de bois, 1 allumeuse de lampes, 2 ramoneuses, 18 grands valets de pied, 10 petits, 2 coureurs, 6 heiduques, 22 suisses.
La blanchisseuse du roi était la Pierrot; Mme Mathis était chargée du linge de table; M. Pluchon était le cordonnier du roi et M. Roxin le peintre.
116 personnes étaient chargées de l'entretien des jardins et des fontaines.
Pour le service de la chapelle, on comptait: 1 confesseur, 2 aumôniers, les chanoines réguliers, 1 garçon sacristain, 1 horloger, 1 facteur d'orgues.
Pour l'écurie: 1 premier écuyer, 8 cochers, 6 postillons, 12 garçons d'attelage, 2 charretiers, 16 palefreniers, 3 postillons de chaise, 4 muletiers, 2 selliers, etc.
Pour la comédie: 14 personnes.
Pour la vénerie: 20 personnes, chargeurs d'armes, piqueurs, valets de limier, valets de chiens, boulangers, palefreniers.
Enfin, il y avait, pour les chasses, un capitaine des gardes à cheval, des gardes à pied, etc.
[40] Il se démit de sa charge en 1746 en faveur de M. de Ligniville et contre une place de grand chambellan en faveur de son neveu, qui portait son nom.
[41] Elle était née le 5 octobre 1680.
[42] Elle était fille de Jean-Stanislas Jablonowski, palatin de Russie. Le duc Ossolinski l'avait épousée en secondes noces en 1733; elle avait trente ans de moins que lui.
[43] Le mariage avait été célébré à Chambord, le 29 novembre 1730.
[44] Il mourut d'un effort à la cuisse. On avait voulu lui couper la jambe; mais il s'y refusa absolument, aimant mieux mourir que d'être hors d'état de servir. Il montra un courage et une fermeté sans pareils.
[45] Dans le séjour qu'elle fit à Versailles pour tâcher de ramener son mari, il arriva à Mme de Talmont une assez dangereuse aventure. Elle se promenait avec Mme de la Tournelle et Mlle de Mailly lorsque la petite chienne que Mme de la Tournelle portait toujours sous son bras les mordit toutes trois cruellement; on crut la chienne enragée et les trois dames partirent aussitôt pour la mer: c'était le traitement de la rage à cette époque. On vous faisait prendre des bains de mer, puis on usait de frictions mercurielles. Aucune de ces dames ne fut malade.
[46] Sous le règne de Léopold de regrettables scandales avaient déjà attristé «l'illustre chapitre» de Remiremont. Marie-Anne-Ursule d'Ulm, âgée de vingt-sept ans, dut quitter l'abbaye en mars 1711; elle avait eu des relations avec un médecin de la ville nommé Richardot; elle accoucha secrètement à Munster et se défit de son enfant. La chanoinesse «décoiffée» fut déchue de ses «qualités, honneurs et prérogatives de dame de l'illustre chapitre» et elle ne dut la vie qu'à l'intervention de Louis XIV, car en Lorraine l'infanticide était puni de mort.
Un accident du même genre était arrivé quelques années plus tôt, pendant l'occupation de la Lorraine par les armées françaises, à l'abbaye de Poussay. L'abbesse était alors Anne-Pierrette de Damas. Une chanoinesse, Catherine-Angélique Davy de la Pailleterie, fut inculpée d'infanticide. La chanoinesse nia énergiquement et elle reprit sa place au chapitre par ordre de l'officialité; elle ne fut tenue «qu'à tenir chasteté à l'avenir et à ne plus récidiver». En 1760, M. de La Pailleterie quitta la Lorraine et acheta le trou de Jérémie à Saint-Domingue; il s'y maria et son fils fut le général Alexandre Dumas.
[47] Il remplaçait le marquis de Lambertye qui venait de mourir.
[48] Le duc de Richelieu avait épousé, en 1734, Mlle de Guise qui appartenait à la maison de Lorraine. Son cousin, le prince de Lixin, fut tellement humilié d'une union avec un Wignerod, qu'il refusa de signer au contrat. Quand il rencontra Richelieu au camp de Philippsbourg, il eut avec lui une altercation violente et il lui dit très insolemment: «Vous avez épousé une savonnette à vilain!» A ce mot Richelieu dégaina; le prince fut tué et Richelieu si grièvement blessé qu'il en faillit mourir.
[49] Par ordonnance du 20 mars 1740, Louis XV créa le régiment des gardes lorraines infanterie. Ce régiment n'était que d'un bataillon; mais en 1744, par suite du départ de M. de Livry, on y incorpora le régiment du Perche.—M. de Beauvau fit plusieurs campagnes avec l'armée française à la tête de son régiment.
[50] Outre ce régiment, le roi de Pologne avait deux compagnies de gardes, l'une à Nancy, l'autre à Lunéville, vêtus de jaune galonné d'argent. Chaque compagnie était de soixante-douze gardes. Le roi possédait encore un établissement de cadets qui lui coûtait 66,000 livres par an, plusieurs bataillons de milice de Lorraine; des maréchaussées, toutes vêtues de la livrée du roi.
[51] Bibliothèque publique de Nancy.
[52] Collection d'autographes de Mme Morrisson.
[53] Collection d'autographes de Mme Morrisson.
[54] Il était le fils du célèbre musicien Desmarets.
[55] Mlle de Guise, de la maison de Lorraine, avait épousé en 1734 le duc de Richelieu.
[56] Surnom que l'on donnait encore quelquefois à Panpan.
[57] L'adresse est de la main de Clairon: «A monsieur Deveaux, chez monsieur Michel, avocat au Parlement. Ville Neuve, à Nancy.» (La Mère du chevalier de Boufflers, par M. Meaume.)
[58] Quatre familles seulement avaient le droit de porter le titre de grands chevaux de Lorraine: les du Châtelet, les Lenoncourt, les Ligniville, les Haraucour. La seconde chevalerie portait le titre de petits chevaux; mais plusieurs de ces petits chevaux prétendaient égaler les grands, d'où l'expression monter sur ses grands chevaux.
[59] En 1727, Mme du Châtelet eut un fils qui fut ambassadeur en Autriche, en Portugal, et colonel des gardes françaises. Il mourut sur l'échafaud en 1794.
[60] Sa femme de chambre.
[61] Sur le socle de la statue se trouvait cette inscription:
[62] Mme de Richelieu.
[63] Mme de Graffigny partit pour Paris avec sa nièce, Mlle de Ligniville. Les deux dames se logèrent rue d'Enfer, près du Luxembourg, et ouvrirent un salon littéraire. Mais la vie était chère et les petites pensions que servaient les cours de Vienne et de Lorraine furent bien vite insuffisantes. Pour augmenter ses revenus, Mme de Graffigny se chargeait de toutes les commissions de l'Empereur à Paris, et elle achetait, entre autres, les cadeaux qu'il destinait aux dames de la cour. Elle chercha aussi des ressources dans les productions littéraires; elle publia les Lettres d'une Péruvienne, qui eurent le plus grand succès, et elle fit jouer un drame, Cénie, qui ne fut pas moins goûté. Dès lors, le salon de la rue d'Enfer fut à la mode; on l'appela le bercail des beaux esprits. En 1751, Helvétius épousa Mlle de Ligniville.
[64] C'est l'abbé de Choiseul qui fut désigné pour le remplacer.
[65] Mme de Boufflers maria l'aînée de ses filles, Marie-Louise, le 13 février 1744, au marquis de Roquépine; la seconde, Marie-Cécile, épousa, le 25 mai 1744, le marquis d'Aubigné.
[66] Saint-Lambert se faisait l'interprète des sentiments de haine que l'on éprouvait pour M. de la Galaizière lorsqu'il écrivait:
[67] Aff. étrang., Lorraine, 2 avril 1740.
[68] L'appartement qu'il occupait dans l'aile du château ayant été brûlé en janvier 1744, il logeait à ce moment dans l'appartement appelé «du cardinal de Rohan» parce qu'on le réservait à ce prélat lors des visites qu'il faisait à la cour de Lunéville.
[69] Après avoir fait capituler la ville de Fribourg, Louis XV revint à Paris. Il y fit son entrée le 13 novembre, et fut reçu au milieu d'acclamations enthousiastes. On lui donna des fêtes splendides. Quelques jours après, Mmes de Châteauroux et de Lauraguais étaient rappelées à la cour et rentraient en possession de toutes leurs charges; tous ceux qui avaient pris parti contre elles furent exilés. Au moment où la favorite triomphait et reprenait tout son pouvoir, un coup inattendu l'enlevait à l'affection du roi. Atteinte dans les premiers jours de décembre d'une fièvre maligne, la pauvre femme succombait le 8 décembre.
[70] De 1745 à 1748, la guerre continua, entremêlée de succès et de revers. Le 13 septembre 1745, François de Lorraine, grand-duc de Toscane, mari de Marie-Thérèse, fut élu à Francfort roi des Romains, puis empereur d'Allemagne.
La guerre n'ayant plus d'objet, la paix fut signée le 18 octobre 1748.
[71] Mestre de camp, lieutenant du régiment d'Orléans-Dragons en 1737, M. de Boufflers commanda à l'armée de Westphalie, sur les frontières de Bohême et en Bavière, de 1741 à 1743; il finit cette campagne en haute Alsace. Il commanda le régiment d'Orléans à l'armée de Moselle en 1744, servit au siège de Fribourg et passa l'hiver en Souabe. En 1745, il servit à l'armée du Bas-Rhin et fut déclaré, au mois de novembre, brigadier. Employé à l'armée du prince de Conti en 1746, il servit sur la Meuse, puis entre Sambre et Meuse. Il assista à la bataille de Lawfeld en 1747 et au siège de Maestrich en 1748. Maréchal de camp au mois de janvier 1749, il se démit du régiment d'Orléans et quitta le service.
[72] Pierre-Joseph de la Pimpie (1686-1773).
[73] Les comptes du palais et ceux personnels à Stanislas étaient arrêtés tous les huit jours; tous les vendredis, un conseil, composé de cinq personnes et nommé conseil aulique, se réunissait et réglait les comptes.
[74] Louise-Adélaïde de Bourbon, fille de Louis-François de Bourbon, prince de Conti, et de Marie-Thérèse de Bourbon-Condé, dite Mlle de la Roche-sur-Yon, née le 2 novembre 1696, morte le 20 novembre 1750.
[75] C'est dans un de ces voyages qu'il fit la connaissance de Mlle de Ligniville qu'il retrouva ensuite à Paris chez Mme de Graffigny; séduit par les charmes de la jeune fille, il hasarda une demande qui fut agréée, à la surprise générale. Mlle de Ligniville était fort pauvre, il est vrai; mais elle appartenait à une des plus grandes familles de Lorraine; épouser un homme de finances, quelque riche qu'il fût, était une mésalliance insigne pour l'époque.
[76] Le Royaume de la rue Saint-Honoré par le marquis Pierre de Ségur.—Quelque temps après, Mme de la Ferté-Imbault, étant en séjour chez la princesse de la Roche-sur-Yon, à Vauréal, vit arriver de sa fenêtre une chaise de poste «très vilaine, avec un laquais très mal vêtu». Elle demande à son valet le nom de ce visiteur. «Madame, répondit l'homme respectueusement, c'est cet imbécile que vous avez vu chez le roi de Pologne.» L'imbécile, c'était le président de Montesquieu!
[77] 1698-1771.
[78] Elles lui furent payées 144,184 livres 81,9 den.
[79] Lamour devint riche. Il possédait dans sa maison de la rue Notre-Dame un cabinet de peintures et d'autres curiosités qu'il montrait avec orgueil.
[80] Mort en 1757.
[81] 1719-1788. Né en Westphalie.
[82] Né à Bruges en 1724.
[83] Après la mort de Stanislas, Cyfflé, associé avec Chambrette, fonda à Lunéville une manufacture de porcelaine et de faïence, avec la permission d'employer la terre de Lorraine et la terre de pipe. Il produisit des ouvrages très remarquables. Néanmoins, ses affaires furent loin de prospérer; il dut quitter la Lorraine et il alla fonder une nouvelle manufacture près de Namur. Il mourut dans la misère en 1810.
[84] 1705-1763.
[85] 1709-1778.
[86] Né en 1706.
[87] Il mourut à Lunéville le 14 août 1755, âgé de quatre-vingt-quinze ans.
[88] Le personnel de la musique royale se compose de 7 chanteurs, 2 haute-contre, 3 haute-taille, 4 basse-taille, 10 violons, 2 hautbois, 5 basses de violon, 2 bassons, cor de chasse, luth, etc. Le maître de musique était M. Delapierre. La musique coûtait à Stanislas 25,000 francs par an.
[89] La troupe de comédie du roi coûtait 18,000 livres par an. Elle était composée de 14 personnes. Les comédiens étaient: Maizière, Du Coin, de Lorme, Huriau, Comasse, Plante, Le Bœuf, Prince, Pitou.—Les comédiennes se nommaient: Clairon, la Barnau, Béris, Prince, de Lorme, Fanchon, Camasse et sa fille.
[90] Comète ou manille:
«Ce jeu est nouveau et a fait le premier divertissement de Louis XV, roi de France. Le nom de manille qu'on lui a donné est plutôt un nom de caprice que de raison; à l'égard de celui de la comète qu'il porte aussi, on pourrait bien l'avoir nommé ainsi par la longue queue des cartes qu'on jette en jouant chaque coup, les comètes étant pour l'ordinaire accompagnées d'une longue traînée de lumière. Ce jeu est fort divertissant. Il convient de dire que c'est un jeu à perdre considérablement lorsque le malheur en veut à quelqu'un. Ainsi, l'on se réglera là-dessus pour taxer ce qu'on voudra que chaque jeton vaille.» (Académie des jeux, 1730, Paris.)
Stanislas avait à ce point la passion du jeu qu'il demanda à Louis XV la permission d'établir à Lunéville un jeu comme celui de l'hôtel de Gesvres. Le roi refusa.
[91] Le marquis de Boufflers était capitaine des gardes.
[92] Ce perron porte encore à Lunéville le nom de perron Boufflers.
[93] Il avait épousé, le 3 avril 1745, Marie-Sophie-Charlotte de la Tour d'Auvergne, née le 20 décembre 1729. C'était une femme aimable; «elle avait cette facilité d'être heureuse qui préserve également les femmes des égarements, des inquiétudes et de l'humeur.» Elle avait une physionomie charmante, mais elle était assez disgraciée quant à la tournure.
[94] M. de Mirepoix était d'apparence assez originale. «Le Mirepoix, dit le président Hénault, est, comme vous le connaissez, parlant des coudes, raisonnant du menton, marchant bien, bonhomme, dur, poli, sec, civil, etc.» Il possédait une grande noblesse d'âme, et il montra à la guerre de véritables talents. Il mourut le 25 septembre 1757.
[95] Il prit plus tard le nom de prince de Bauffremont, après la mort de son frère aîné.
[96] Elle était née en 1744.
[97] Pierre-Charles-François, né à Caen en 1728.
[98] La maison du roi était composée de 455 personnes, non compris 68 pensionnaires.
[99] Joly, le Château de Lunéville.
[100] Joly, le Château de Lunéville.
[101] Elle avait été construite en 1631, après une peste.
[102] C'est Richaud, horloger de Nancy, qui était l'auteur de ce jouet précieux.
[103] C'est-à-dire des jardins potagers.
[104] Le service de la bouche était confié à un premier maître d'hôtel qui avait sous ses ordres 3 maîtres d'hôtel ordinaires, 1 contrôleur de cuisine, 5 chefs cuisiniers, 6 aides, 3 garçons de cuisine, 5 relaveurs, 4 marmitons et 1 garde-vaisselle.
Pour la rôtisserie, il y avait 1 chef, 2 aides et 2 garçons.
De même pour le service de la pâtisserie.
L'échansonnerie et la paneterie étaient dirigées par 2 chefs et 3 officiers.
Enfin venaient 6 couvreurs de table, 1 contrôleur, 1 chef du café, 3 garçons de la cave, etc.
[105] Il a laissé un monument de son art en un magnifique in-4o enrichi de nombreuses planches et intitulé le Cannaméliste français: les Usages, le choix et les principes de tout ce qui se pratique dans la préparation des fruits confits, secs, liquides ou à l'eau-de-vie, ouvrages de sucre, liqueurs rafraîchissantes, pastilles, pastillages, neiges, mousses et fruits glacés. Les planches sont par Dupuys, dessinateur de Sa Majesté, et gravées en taille-douce par le célèbre François. L'ouvrage est dédié au duc Ossolinski.
[106] Il était originaire de la principauté de Salm.
[107] Il s'appelait Nicolas Ferry et était né à Plaisnes, dans les Vosges, le 11 novembre 1741.
[108] Le Duc de Lauzun et la Cour intime de Louis XV, Plon-Nourrit et Cie, 10e édition, 1903, chapitre I; Les Demoiselles de Verrières, Plon-Nourrit et Cie, 1904, chapitre I.
[109] Et cependant, si le monde était indulgent, les lois étaient fort rigoureuses contre les femmes coupables, mais nul ne songent à en réclamer l'application. (Voir le Duc de Lauzun et la Cour Louis XV, chapitre X.)
[110] Collection Morrisson.
[111] La reine avait toujours pensé remonter sur le trône de Pologne, et ce mariage avec la fille du roi Auguste ruinait à jamais ses espérances.
[112] «Le roi a réglé qu'on prendra samedi le deuil pour six mois; les dames du palais, quoique non titrées, draperont; de même les dames de Mme la dauphine et de Mesdames. C'est le seul cas où les femmes peuvent avoir leurs gens de livrée habillés de noir, quoique ceux de leurs maris ne soient point en deuil.
«L'on tend chez le roi l'antichambre et l'Œil-de-Bœuf en noir, et la chambre à coucher en violet. Chez la reine, il n'y a que l'antichambre et le cabinet devant la chambre. L'on met un dais noir chez la reine.»
[113] Mme de Richelieu était morte le 3 août 1740.
[114] Son père, d'Adhémar de Monteil de Brunier, marquis de Marsannes, avait été chambellan du duc Léopold; il devint ensuite maître d'hôtel du roi de Pologne.
[115] Il fit imprimer son conte de Zadig chez Leseure de Nancy, et chez le libraire Briflot, à Bar, la 4e édition du Panégyrique de Louis XV.
[116] Voir le Duc de Lauzun et la cour de Louis XV, chapitre XXV.
[117] Il avait été nommé par brevet de Stanislas du 4 décembre 1747.
[118] Intendant de Nevers.
[119] A Voltaire.
[120] Crébillon avait fait jouer une Sémiramis le 10 avril 1717.
[121] Le chevalier de la Morlière était un chef de claque émérite, et il est resté célèbre:
«Il s'était fait une manière de bâiller éclatante et prolongée qui produisait le double effet de faire rire et de communiquer le même mouvement au diaphragme de ses voisins. Un jour, la sentinelle l'avertit de ne pas faire tant de bruit: «Comment, mon ami, lui dit-il, vous qui paraissez un homme de sens et qui avez l'habitude du spectacle, est-ce que vous trouvez cela beau?—Je ne dis pas cela, lui répond le soldat un peu adouci, mais ayez la bonté de bâiller plus bas.» (Suard, Mélanges de littérature.)
[122] Dans la tragédie de Sémiramis, l'ombre de Ninus paraissait sur la scène. Les comédiens français avaient eu la singulière idée d'habiller de deuil l'acteur qui jouait le rôle de l'ombre. A cette nouvelle, Voltaire s'était révolté, et il avait prié sa nièce, Mme Denis, d'intervenir auprès de d'Argental.
Voici la lettre de Mme Denis à d'Argental:
«Je reçois dans l'instant, Monsieur, une lettre de M. de Voltaire. Sans doute qu'il ne sait point encore votre retour. Il me charge de faire dire sur-le-champ aux comédiens qu'il défend absolument que son ombre soit vêtue en noir. Voilà les propres mots de sa lettre:
«Les crêpes noirs sont ridicules. Il faut un habit guerrier tout blanc, une cuirasse bronzée, une couronne d'or, un sceptre d'or et un masque tout blanc comme dans la statue du Festin de Pierre. Je vous prie de ne pas souffrir que l'ombre porte le deuil d'elle-même.»
«Il me mande qu'il sera à Paris les premiers jours de septembre et que sa santé est fort mauvaise; il est actuellement à Lunéville. Je me flatte que vous voudrez bien dire aux comédiens ses intentions et les faire suivre. J'aurais saisi cette occasion avec bien de l'empressement pour avoir l'honneur de vous voir, si je n'avais une fluxion dans la tête, qui m'empêche de sortir. Je n'ose espérer que vous m'en dédommagerez en me faisant celui de passer chez moi à vos heures perdues. J'en serais trop flattée.
«Mignot Denis.»
(Inédite.)
[123] Ce cabinet chinois a été légué par la reine à sa dame d'honneur, la comtesse de Noailles; il existe encore, admirablement conservé, au château de Mouchy.
[124] Le cavagnole était un jeu importé vers le milieu du dix-huitième siècle de Gênes où on le nommait cavaiola. C'était une sorte de loto; il se jouait à l'aide de petits tableaux à cinq cases contenant des figures et des numéros.
Voltaire en dit dans une de ses épîtres:
[125] 1684-1770. Président au Parlement. Il avait composé un Abrégé chronologique de l'histoire de France qui lui avait ouvert les portes de l'Académie. On disait que ce livre avait été fort utile à M. et à Mme Geoffrin, parce qu'il leur avait appris qu'Henri IV n'était pas le fils d'Henri III, et que Louis XII n'était pas le père de Louis XIII, ce qui les avait étonnés au dernier point.
[126] Louis-Élisabeth de la Vergne, comte de Tressan, né au Mans le 5 octobre 1705 dans le palais de son grand-oncle, évêque du Mans. Il fit ses études au collège de la Flèche et à Louis-le-Grand. Il était petit-neveu de la duchesse de Ventadour, gouvernante du roi. Son père, ses oncles, tous ses parents étaient de la société intime du Palais-Royal.
[127] Mme de la Ferté-Imbault prétend que c'est Marie Leczinska qui s'opposa au mariage de son père pour ne pas perdre ses économies. C'est une pure calomnie; la reine n'aurait rien tant désiré que de voir son père se remarier.
[128] L'abbé de Voisenon raconte une plaisante anecdote au sujet des rapports de Mme du Châtelet et de Voltaire:
«Mme du Châtelet n'avait rien de caché pour moi; je restais souvent tête à tête avec elle jusqu'à cinq heures du matin, et il n'y avait que l'amitié la plus vraie, qui faisait les frais de nos veillées. Elle me disait quelquefois qu'elle était entièrement détachée de Voltaire. Je ne répondais rien; je tirais un des huit volumes (des lettres manuscrites de Voltaire à la marquise, lettres qu'elle avait divisées en huit beaux volumes in-quarto) et je lisais quelques lettres. Je remarquais des yeux humides de larmes; je renfermais le livre promptement en lui disant: «Vous n'êtes pas guérie.» La dernière année de sa vie, je fis la même épreuve: elle les critiquait; je fus convaincu que la cure était faite. Elle me confia que Saint-Lambert avait été le médecin.» (Voisenon, Œuvres complètes, 1781.)
[129] Ballet de Roy, musique de Destouches.
[130] Comédie en un acte de Fagan.
[131] Petite comédie de Saint-Foix.
[132] Voltairiana.
[133] 31 janvier.
[134] Mme du Châtelet lui avait écrit quelques semaines auparavant pour obtenir en Lorraine une lieutenance du roi pour son fils, alors à Gênes. D'Argenson était ministre de la guerre.
[135] Stanislas lui-même, auteur du Philosophe chrétien.
[136] Elle devrait dire quarante-trois.
[137] Elle veut parler de l'aile droite de la cour d'honneur où étaient situés les appartements des étrangers. En sous-sol se trouvaient les écuries royales.
[138] Sur la rive droite de l'Oise, à 6 kilomètres de Versailles.
[139] Mme du Châtelet avait le cœur bon, car elle écrit peu après: «La Chevalier est placée, et c'est un repos d'esprit pour moi, car elle me faisait pitié.»
[140] C'est de M. de Boufflers qu'il s'agit.
[141] Jolivet, que Stanislas avait gracieusement mis à la disposition de la marquise pour y passer les heures les plus chaudes de la journée.
[142] Actuellement église Saint-Jacques.
[143] En 1793, la tombe de Mme du Châtelet fut profanée; on souleva le marbre, on enleva le cercueil de plomb et l'on rejeta pêle-mêle les ossements avec les décombres. En 1858, les ossements retrouvés ont été réunis et placés au même endroit dans une caisse de bois.
[144] La fille de Mme du Châtelet mourut en nourrice au bout de peu de jours.—Pendant le séjour de Voltaire à Cirey, M. du Châtelet eut un jour la fantaisie d'ouvrir une cassette sur laquelle la marquise avait écrit: Je prie M. du Châtelet de brûler tous ces papiers sans y regarder; ils ne peuvent lui être d'aucune utilité. Longchamp lui conseillait sagement de se conformer à cette prescription; mais la curiosité l'emporta et il lut quelques lettres qui n'eurent pas lieu de le satisfaire. Il finit alors par où il aurait dû commencer, c'est-à-dire par tout jeter au feu.
TABLE DES MATIÈRES
| CHAPITRE PREMIER LA COUR DE LUNÉVILLE DE 1698 A 1729 |
|
| Entrée de Léopold à Lunéville.—Joie des habitants.—État de la Lorraine en 1698.—Mariage de Léopold.—Guerre de la succession d'Espagne.—La cour de Lunéville.—M. et Mme de Beauvau-Craon.—Passion de Léopold pour Mme de Craon.—Indignation de la Princesse palatine.—Les jésuites à la cour de Lorraine.—Passion coûteuse de Léopold pour le jeu et la politique.—Accident survenu au prince.—Sa mort.—Son fils François lui succède | 1 |
| CHAPITRE II (1729-1737) |
|
| Les enfants de M. et de Mme de Craon.—Leur établissement.—Les chapitres nobles de Lorraine.—Catherine de Beauvau-Craon.—Son enfance.—Sa vie au couvent.—Son mariage avec le marquis de Boufflers.—Stanislas Leczinski, roi de Pologne.—Il est nommé duc de Lorraine.—Sa cour à Meudon.—La duchesse régente de Lorraine quitte Lunéville.—Désespoir de ses sujets | 30 |
| CHAPITRE III (1737-1740) |
|
| Déclaration de Meudon.—M. de la Galaizière est nommé intendant de Lorraine.—Son arrivée à Nancy.—Arrivée de Stanislas et de la reine Opalinska.—Froideur de la population.—Grande réserve de la noblesse.—Le roi s'entoure de ses amis polonais.—Austérité de la reine.—Goût du roi pour le beau sexe.—Scandales de la cour de Lunéville | 48 |
| CHAPITRE IV (1735-1740) |
|
| Société littéraire de Lunéville: Mme de Graffigny, Devau, Saint-Lambert, Desmarets | 73 |
| CHAPITRE V | |
| Liaison de Voltaire avec Mme du Châtelet | 90 |
| CHAPITRE VI (1739) |
|
| Séjour de Mme de Graffigny à Cirey | 103 |
| CHAPITRE VII | |
| Départ de Mme de Boufflers pour Paris.—Son séjour dans la capitale.—Mort de Charles VI.—Guerre entre la France et l'Empire.—La Lorraine est menacée.—Fuite de Stanislas.—Énergie de M. de la Galaizière.—Louis XV accourt au secours de l'Alsace et de la Lorraine.—Il tombe malade à Metz.—Visites de Marie Leczinska et de Louis XV à Lunéville | 123 |
| CHAPITRE VIII (1745 à 1747) |
|
| Le peuple et la noblesse se rallient à Stanislas.—Le règne de Mme de Boufflers.—Ses luttes avec le Père de Menoux | 145 |
| CHAPITRE IX | |
| La cour de Lunéville: les Lorrains, les étrangers, les artistes | 161 |
| CHAPITRE X | |
| Goûts littéraires et artistiques de Mme de Boufflers.—Sa société intime.—M. de Beauvau.—Mme de Mirepoix.—Mme Durival.—Le chevalier de Listenay.—Panpan.—Saint-Lambert.—L'abbé Porquet | 179 |
| CHAPITRE XI | |
| Bonté du roi.—Son esprit de repartie.—Ses plaisanteries.—Son goût pour les constructions.—Ses maisons de campagne.—Le luxe de sa table.—Les surtouts.—Les desserts.—Les truquages du roi.—Le vin de Tokay.—Bébé | 202 |
| CHAPITRE XII | |
| État des mœurs au dix-huitième siècle | 222 |
| CHAPITRE XIII (1739 à 1748) |
|
| Voltaire et Mme du Châtelet | 255 |
| CHAPITRE XIV (1748) |
|
| Séjour à Lunéville (février, mars, avril) | 272 |
| CHAPITRE XV | |
| Brouille entre Mme de Boufflers et Saint-Lambert.—Liaison de Saint-Lambert avec Mme du Châtelet | 283 |
| CHAPITRE XVI (1748) |
|
| Séjour à Cirey et à Paris (mai et juin) | 307 |
| CHAPITRE XVII (1748) |
|
| Séjour de Voltaire et de Mme du Châtelet à Commercy, du 29 juin au 10 août; à Lunéville, du 11 au 26 août | 327 |
| CHAPITRE XVIII | |
| Séjour de Mme de Boufflers et de Mme du Châtelet à Plombières, du 26 août au 10 septembre 1748 | 338 |
| CHAPITRE XIX (1748) |
|
| Voyage de Voltaire et de Stanislas à la cour de France, du 26 août au 10 septembre 1748 | 352 |
| CHAPITRE XX (1748) |
|
| Séjour de la cour à Lunéville, du 15 septembre au 6 octobre.—Maladie de Voltaire.—La parodie de Sémiramis est interdite.—Correspondance avec Frédéric.—Séjour de la cour à Commercy, du 6 au 17 octobre.—Aveux de Mme du Châtelet à Stanislas.—Querelles avec Mme de Boufflers.—M. du Châtelet est nommé grand maréchal des logis.—Voltaire surprend Saint-Lambert et Mme du Châtelet.—Colère du philosophe.—Explications avec la marquise.—Réconciliation générale.—Les Deux Amis | 367 |
| CHAPITRE XXI | |
| Retour à Lunéville.—Voltaire et le parti dévot.—Panpan et les dames de la cour.—Représentations théâtrales.—Fermeture du théâtre.—Départ de Voltaire et de Mme du Châtelet | 385 |
| CHAPITRE XXII (1749) |
|
| Séjour de Cirey, de décembre 1748 à février 1749.—Séjour à Paris, de février à avril 1749.—Séjour à Trianon, du 14 au 28 avril 1749 | 401 |
| CHAPITRE XXIII | |
| Séjour à Paris, du 28 avril au 26 juin 1749 | 427 |
|
CHAPITRE XXIV (1749) |
|
| Juin à septembre.—Séjour à Lunéville.—Sombres pressentiments de Mme du Châtelet.—Querelle entre Voltaire et M. Alliot.—Dernières lettres de Mme du Châtelet.—Son accouchement.—Sa mort.—Désespoir de Voltaire.—La bague de cornaline.—Obsèques de Mme du Châtelet.—Départ de Voltaire | 445 |