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La fabrique de mariages, Vol. 5

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IV
— La police de la vicomtesse. —

«Hier au soir, ma bonne Aglaé, je n’ai pas achevé ma lettre. Mon malade s’est éveillé. Dès qu’il s’éveille, je vais m’asseoir à son chevet. Nous causons. Naguère, nous ne savions pas causer. Quand le hasard nous rassemblait et que nous étions dix minutes ensemble, l’impatience me prenait, et je voyais bien qu’il faisait des efforts terribles pour ne point bâiller. Nous n’avions d’autre souci que d’être quittes l’un de l’autre.

»N’est-ce pas admirable cette chance que Dieu nous laisse de renaître au bonheur après une mort si longue? Je t’assure, Aglaé, que le bonheur qui renaît ainsi vaut toutes les jeunes félicités. Ou plutôt, je t’affirme que le bonheur est la jeunesse même. Nous sommes jeunes, depuis que nous nous aimons.

»Nous avons vécu deux fois. Nous pouvons comparer ces fleurs du second printemps à celles qui parfumaient nos belles années. Celles-ci sont plus douces; je les aime mieux. Se faneront-elles aussi?...

»Depuis hier, il s’est passé bien des choses. Mais achevons d’abord de régler notre arriéré. Tu penses bien que je n’ai pas laissé la famille Roger dans la mansarde de la petite bonne femme. Nous avons choisi un appartement dans le quartier, rue Bourbon-le-Château, et nous nous voyons tous les jours. Le pauvre vieux capitaine est toujours fort malade. Je ne crois pas qu’on puisse appliquer le mot délire à son état mental: c’est une sorte d’engourdissement coupé de réveils imparfaits, où il entrevoit comme une vague lueur de réalité. Cela ne va jamais jusqu’à la perception complète. Il n’a aucune idée de ce qui s’est passé. Je ne t’étonnerai pas beaucoup en te disant qu’il n’a point reconnu sa femme.

»Ma petite marchande de plaisirs est bonne et douce pour lui; mais le moment de la reconnaissance (style dramatique), s’il vient jamais, ne sera pas des plus attendrissants. Marguerite a concentré toutes ses facultés d’aimer sur ses deux enfants. Entre elle et Roger, c’est un lien brisé. Elle sera miséricordieuse, attentive et dévouée, ce sera tout.

»Il y avait vingt-quatre ans qu’ils ne s’étaient vus. C’est trop. Et peut-être les motifs de la séparation furent-ils graves. J’aurais peine à mettre les torts du côté de ma petite bonne femme.

»Elle est tellement au-dessus de Roger... Mais je ne sais pourquoi je raisonne ainsi à tâtons. Nous avons autre chose à faire.

»Ma belle Béatrice soigne son père et défend son mari, que Marguerite veut parfois attaquer. Je n’ai jamais vu résignation plus angélique. Elle serait capable encore de pardonner. Tant mieux!

»Quant à ce qui s’est passé dans la fameuse entrevue du maréchal et de Marguerite, la nuit du bal, je n’en sais pas plus long que le premier jour. Ce qui est certain, c’est que le maréchal est à nous et qu’il mène son neveu tambour battant. La petite bonne femme me paraît le diriger comme elle me dirige moi même...

»Maintenant, procédons par ordre; car il est bien facile de s’égarer dans ce dédale de démarches et de faits. Je te promets que mon métier actuel n’est pas une sinécure. Je ne connais qu’une personne au monde pour travailler plus que moi: c’est maman Carabosse. Mais celle-là est une fée.

»Césarine est venue, malgré une lettre de moi qui le lui défendait. Elle est venue de grand matin et s’est presque jetée à mes pieds. C’est une enfant extrême en tout, qui voudrait maintenant payer de sa vie le mal qu’elle a fait. Elle pourra bien faire encore d’autre mal par imprudence ou par excès de zèle; mais il est impossible de ne pas lui pardonner et de ne pas l’aimer. Ceci a été pour elle une terrible leçon. Dès qu’elle va devenir femme, ce sera un être charmant; mais, puisque nous parlions de sinécure, ce n’en sera pas une non plus que l’état de son mari. Je ne connais qu’un homme absolument propre à la dompter: c’est ce pieux Énée de Vital, ce modèle de douceur vaillante que je n’aurais certes pas choisi pour moi, mais dont la fermeté vertueuse et la mâle patience useraient bien vite l’exubérance de fougue qui met en fièvre cette indomptée.

»Tu vas me demander si je suis folle. Encore passe de travailler à la réunion du comte et de Béatrice, puisqu’il y a fait accompli;—mais marier ce lieutenant de la ligne à mademoiselle de Mersanz!...

»Mon Dieu! ma bonne, en principe, je déteste profondément ces épousailles de princesses et de bergers. J’ai plus d’une fois cessé de couper les feuilles d’un roman nouveau parce qu’il était question d’amener à bien l’union de la fille d’un pair de France avec un jeune sculpteur pauvre et rempli de talent. Ce n’est pas audacieux comme ils le pensent: c’est nigaud, tout uniment.

»Mais, ici, la position de Béatrice change bien l’énoncé du problème. D’ailleurs, à part leur fortune, ces de Mersanz ne sont pas le Pérou. Noblesse de finance, qui, un beau jour, s’est pendu la brette aux reins.

»D’ailleurs encore, l’idée n’est pas de moi. Elle est, ne t’en déplaise, de mademoiselle Césarine de Mersanz elle-même. Hélas! oui! à la respectable pension Géran, on prend de ces idées-là vers la quinzième année, quand on ne les a pas dès quatorze ans. Césarine aime Vital de toute la somme de tendresse que le contraste peut ajouter à la passion. Et le timide Vital le lui rend avec usure.

»Je n’ai pas pu te dire cela dans ma première lettre parce que je l’ignorais: la grande scène d’insulte, conduite par cette petite Césarine avec tant d’impitoyable audace, était purement une affaire de jalousie. Elle croyait que Vital était l’amant de sa belle-mère.

»En sortant de la vénérable pension Géran, on est apte à faire, du premier coup, de ces suppositions-là.

»Du reste, je ne prétends pas du tout ici te faire part du mariage du pauvre lieutenant Vital avec Césarine de Mersanz. Nous causons toutes deux et je te dis: Si ce mariage se fait, Césarine sera une adorable femme.

»Elle veut voir Béatrice, elle veut embrasser ses genoux, elle veut quitter la maison de son père, elle veut se retirer auprès de Béatrice.—Et toutes ces extravagances paraissent le double de leur taille quand elles sortent de sa bouche.

»Traduction littérale: elle en est folle du lieutenant Vital.

»Mais il y a quelqu’un de plus fou qu’elle, c’est son grand bellâtre de père. Quand je songe que j’aurais pu épouser un homme pareil, je suis tentée de mettre mon Henri sous verre. Achille est noyé jusqu’au cou dans sa passion nouvelle; Achille a le transport au cerveau.

»Si quelqu’un me disait ce soir qu’Achille s’est jeté du haut de la colonne Vendôme sur le pavé, j’en serais fâchée pour ma pauvre Béatrice, et non point surprise.

»Ces tempêtes du cœur chez les hommes qui n’ont pas de cœur sont cependant des phénomènes bien curieux.

»J’observe celui-là de tout près et sous différents angles. J’ai Césarine et ma police.

»Ce qui chauffe au rouge l’ardeur du superbe Achille, c’est la résistance qu’on lui oppose, résistance sincère de la part de Maxence, résistance calculée et admirablement ménagée de la part de madame la marquise de Sainte-Croix.

»Maxence est fort malade, comme j’ai pu te le dire. C’est une fille dont la menaçante précocité n’a pu être domptée que par la plus belle des âmes. Pour moi, Maxence est plus parfaite encore de cœur que de visage. Elle ne voit personne. Césarine elle-même n’a pu parvenir jusqu’à elle.

»Tout à l’heure, j’aurai l’honneur de te présenter le précieux Fromenteau, le chef de ma brigade de sûreté. C’est lui qui t’apprendra ce qui se passe dans la maison Sainte-Croix. Césarine n’en sait pas le premier mot. Extrême en tout, elle allait jusqu’à soupçonner Maxence, qui, autrefois, paraîtrait-il, lui avait parlé contre Béatrice.

»Cette Maxence a dû beaucoup combattre avant de remporter son admirable victoire.

»Le comte Achille en est donc réduit à faire sa cour par ambassadeur. Il ne traite qu’avec la marquise, et tu juges s’il est bien servi. La marquise lui a mis le pied sur la gorge. Elle pèse. Il est vaincu, il est esclave.

»Ce n’a pas été cependant sans résister un peu qu’il s’est couché devant son vainqueur. Il y a eu réaction après la scène du bal et le duel. La réprobation de ses amis les moins scrupuleux, le vide qui s’est fait subitement autour de lui, la conduite du maréchal, tout cela lui a donné à réfléchir. Le lendemain du bal, il resta enfermé tout le jour dans sa chambre. Vers le soir, pris d’un beau mouvement, il chassa M. Baptiste, son valet de chambre, un des plus splendides marauds de la rive gauche, et mademoiselle Jenny, l’ancienne femme de chambre de Béatrice,—une peste de premier ordre.

»Il ordonna d’atteler. Césarine croit qu’il avait réellement la pensée d’aller chercher Béatrice.

»Madame la marquise de Sainte-Croix se fit annoncer au moment où il partait. Elle passa toute cette soirée avec lui. M. Baptiste rentra. Mademoiselle Jenny fut gagée pour servir de femme de chambre à la nouvelle comtesse. Le mariage était décidé. Depuis lors, Césarine elle-même a été tenue à distance. Le comte est comme un étranger dans son hôtel, où il ne fait que de rares apparitions. Césarine croit savoir que le maréchal lui avait signifié dans une lettre fort dure qu’il n’était plus son héritier. Ceci l’a touché médiocrement: c’est, il est vrai, une immense fortune de perdue, mais il lui reste son propre patrimoine, qui est une immense fortune aussi.

»Mais qu’y a-t-il donc entre Marguerite et le maréchal, pour que cet homme, si sévère et si fort ennemi des mésalliances, punisse ainsi son neveu,—presque son fils,—précisément par cette raison qu’il n’a pas voulu se mésallier?

»Le comte à l’air très-triste. Il a parlé vaguement de s’expatrier. C’est une idée qui germe en lui. Si l’intérêt de la Sainte-Croix s’y trouve conforme, il l’exécutera.

»Lors des rares séjours que le comte Achille fait à son hôtel, il y a de nombreuses allées et venues d’hommes d’affaires. Maître Souëf, l’un des principaux notaires du quartier, vient jusqu’à trois et quatre fois par jour à la maison. Quand ce n’est pas lui, c’est l’un de ses clercs.

»Voilà ce que je sais par Césarine; mais passons à Fromenteau.

»Figure-toi le plus pauvre diable qui ait jamais battu l’affreux pavé du quartier Saint-Jacques, un cloporte de ces vieilles maisons qui empâtent le palais des Thermes, un ancien petit clerc d’huissier, je pense, monté en grade et devenu écrivain public, habitant le tonneau de Diogène ou une guérite abandonnée, et rédigeant, pour cinq sous, pétitions, placets, réclamations, lettres au roi, cédules amoureuses, etc. Figure-toi cela. Fromenteau est plus fort.

»Fromenteau a cinq ou six grandes poches d’où sortent témérairement des liasses de papier formidables. Il est hérissé de papiers, comme une bogue de châtaigne est hérissée de ses épines. Il est déjeté, il est affamé, il rit jaune comme un homme souvent battu, il louche un peu derrière des lunettes invraisemblables, il court, il rampe, il passe partout; il a une pauvre redingote si luisante, qu’on la dirait peinte à l’huile; il a, au contraire, des bottes, si haut crottées, qu’on se demande en les voyant, comment il se fait que les rues de Paris aient encore de la boue.

»Il a un cousin dentiste qui s’associerait à son commerce s’il pouvait faire mille francs de capital; il croit à tout, même à sa fortune: il est simple plus qu’un enfant, rusé plus qu’un renard et amoureux imperturbablement.

»Je te conterai quelque jour les amours de Fromenteau avec sa Stéphanie, qui est à son quatrième veuvage et en train de se remarier, en attendant qu’il ait une position faite.

»Les naïvetés véritablement grandes, profondes, épiques, ne se trouvent qu’à Paris.

»Fromenteau a essayé de tous les métiers, peut-être même de quelque métier honnête. Il n’a pas de bonheur. La position le fuit. C’est une victime de notre civilisation.

»Il a tant de talent, cependant! Il nous a déjà rendu des services depuis hier. Je le récompenserai. Peut-être son étoile va-t-elle enfin percer le brouillard; peut-être sera-t-il le sixième mari de Stéphanie?

»Vers sept heures, ce soir, Fromenteau est entré dans ma chambre. Je lui avais donné ses instructions le matin. Il m’a demandé un bouillon, ayant couru, à son dire, toute la journée durant sans manger ni boire.

»Il a, du reste, parfaitement l’air d’un homme qui ne mange qu’à l’occasion.

»Ayant dépêché un bol de potage, il a tiré de sa poche un volumineux dossier et m’a dit:

»—Madame la vicomtesse demeure donc maintenant dans la maison du commissaire?

»Ç’avait été son premier mot ce matin. Cela le préoccupe singulièrement. Pour les gens comme Fromenteau, les commissaires ont une incalculable importance.

»—Qu’avez-vous fait, monsieur Fromenteau? demandai-je.

»—J’ai dépensé les cinq louis que madame la vicomtesse avait bien voulu me confier.

»—Et vous êtes à jeun?

»—Quant à moi, oui, madame la vicomtesse... mais j’ai fait dîner Coqueret, Bertrand, Jolyet, Martellier et Burot.

»—A un louis par tête.

»—Burot à deux louis, madame la vicomtesse; c’est lui qui a traité M. Baptiste de chez le comte de Mersanz.

»Je comprenais.

»Fromenteau s’est frotté les mains parce qu’il me voyait sourire.

»—Et que savez-vous par M. Baptiste? demandai-je.

»Fromenteau assura ses lunettes de ce coup de doigt sec qui annonce l’homme de plume et déplia un de ses papiers.

»—Pas grand’chose, grommela-t-il en haussant les épaules; c’est de l’argent qui ne rapporte pas. M. Baptiste ne se grise jamais tout à fait... et il lui faut du bon... il en a à la maison... Voici le rapport de Burot...

»Je ne te donnerai pas le rapport de Burot... Il ne contenait guère en substance qu’une contrepartie des renseignements fournis par Césarine. M. Baptiste, cependant, ne partageait point l’opinion que le comte pût passer à l’étranger. On est si bien en France pour faire une sottise!

»Ce Baptiste est un maraud de beaucoup d’esprit, qui juge son maître de haut. Le mépris de ce coquin est superbe. Chaque mot qu’il prononce au sujet de son maître est écrasant de dédain. Assurément, nous qui avons tant à nous plaindre d’Achille, nous sommes loin de le juger aussi sévèrement que M. Baptiste.

»—C’est vrai, dis-je après avoir pris connaissance du rapport, il n’y en a pas beaucoup pour deux louis.

»—Il y a, me répondit Fromenteau, de la marchandise plus avantageuse. Coqueret a déjeuné avec Marcailloux, troisième clerc chez maître Souëf (Isidore-Adalbert), et ça n’a coûté que douze francs cinquante... Différence des positions.

»Je voulus voir tout de suite le rapport de Coqueret.

»—Ce sont des jeunes gens bien, me dit Fromenteau en dépliant son second papier. Moi, je ne peux pas faire ce service, rapport à mon costume d’abord, qui est un peu défraîchi... Ça ne flatte pas d’entrer avec moi dans un établissement public... En outre de quoi, la boisson me fait mal, n’en ayant pas l’habitude... Enfin, troisième raison, je manque un peu de gaieté pour cause de préoccupation de mes affaires de cœur.

»Il poussa un énorme soupir et je lus sur les flétrissures de sa lèvre le nom adoré de Stéphanie.

»Le rapport de Coqueret contenait ces renseignements principaux:

»On avait déjà consulté M. Souëf pour le contrat de mariage. Le mariage était donc arrêté en principe; mais ce fameux contrat est, à ce qu’il paraît, aussi difficile à dresser qu’un traité de paix entre une demi-douzaine de puissances de premier ordre. Il nécessite des travaux diplomatiques extraordinaires. Les protocoles se succèdent avec la rapidité de la foudre, et l’étude de maître Souëf (Isidore-Adalbert) est sur les dents.

»Personne, à l’étude, ne connaît madame la marquise. Maître Souëf ne l’a jamais vue; les clercs donneraient beaucoup pour l’apercevoir. Elle traite par ambassadeur, et son chargé d’affaire est un négociateur de haute importance, un homme dont la spécialité est de faire des mariages, un dieu Mercure du bon motif, un courtier d’hyménées, dont le renom est positivement européen.

»M. Garnier de Clérambault, connu par vingt ans de succès, le seul qui, par ses relations dans la haute société, puisse offrir des dots échelonnées depuis six cents livres de rente jusqu’à cinq millions six cent mille francs!

»Tu juges, ma bonne petite sœur, si ce rapport m’intéressait. Je savais que ce Garnier de Clérambault avait toujours été l’homme de la Sainte-Croix; mais je savais aussi que depuis très-longtemps ils dissimulaient leurs accointances avec une adresse telle, que M. du Tresnoy lui-même, lorsqu’il était préfet de police, n’avait pu les surprendre ensemble.

»L’opinion de ce magistrat était qu’ils devaient avoir un lieu de réunion dans Paris même, car les voyages laissent une piste facile à suivre, et ses recherches ne l’avaient jamais mis sur cette trace.

»Quoi qu’il en soit, je n’interrompis point Fromenteau, qui poursuivait. Je traduis son rapport:

»Au contraire, M. le comte de Mersanz agit par lui-même. Il est bien aisé de voir qu’il a honte et qu’il ne veut point élargir le cercle de ses confidents. Quand il ne vient pas à l’étude, maître Souëf lui écrit; il répond. Les clercs ne font d’autre office que celui de messager.

»Mais, pour cette belle jeunesse qui fleurit les études, le papier vélin lui-même est transparent. C’est un clerc qui a inventé cet art de la seconde vue, au moyen duquel on lit un livre fermé. Les clercs de maître Souëf (Isidore-Adalbert), savent les affaires de M. de Mersanz sur le bout du doigt.

»Le Clérambault lui tient la dragée haute. Il ne faut pas croire que le comte Achille dicte les conditions. Le comte Achille est comme ce malade à qui son chirurgien disait, au beau milieu d’une opération: «Payez, ou je vous laisse mourir!» Le comte Achille est dépassé, dominé, vaincu. On le pille, on le rançonne, on le pousse à bout. Il courbe la tête.

»Quand la marquise et lui se voient, ils ne parlent jamais d’affaires. La marquise ne veut pas. Elle tient les choses au plus bas de son superbe dédain. Mais, tous les jours, Clérambault apporte des exigences nouvelles, et l’on dirait que le comte s’acharne davantage à cet extravagant projet, à mesure que les conditions qui lui sont faites sont plus inacceptables.

»C’est la loi. Cette marquise connaît admirablement le cœur humain. Elle sait ce qu’on peut oser au delà des limites du possible avec un homme comme le comte Achille.

»D’autant qu’on ne lui accorde rien, absolument rien. Il n’a pas vu Maxence depuis la scène du bal. Tant qu’on lui tiendra ainsi la tête sous l’eau, on peut tout risquer.

»Du reste, la marquise et son Garnier de Clérambault ont trouvé un prétexte pour colorer leurs exactions; deux prétextes.

»Pour ce qui regarde la Sainte-Croix elle-même, car elle a fait stipuler impudemment un pot-de-vin considérable, Clérambault a déclaré ruine complète, dangers de toutes sortes, créanciers ennemis. Il faut sortir de là. On ne fait pas toilette pour sauter par la fenêtre d’une maison en flammes. De l’argent pour la marquise; ou point de mariage.

»Tu sens bien qu’Achille sait où il va. C’est un homme intelligent, après tout, et qui connaît le monde. Il se voit parfaitement glisser sur sa pente et ne peut méconnaître à quelle sorte de gens il a affaire.

»Mesure donc son entêtement, puisqu’il ne fait aucun effort pour s’arrêter.

»Il va. Il est aveugle. On dirait un furieux qui prend sa course tête baissée pour se jeter du haut d’un pont. C’est un homme abandonné de Dieu, depuis sa dernière lâcheté. Son bon ange a déserté avec Béatrice. Il reste seul, damné dans sa maison maudite.

»Pour ce qui regarde Maxence elle-même, le prétexte est bien autrement heureux. Il permet de tout stipuler; il exige qu’on soit sans pitié. Ne faut-il pas sauvegarder la troisième épouse de Barbe-Bleue? Ne faut-il pas revêtir d’une armure la fiancée de ce vampire qui a déjà pris le sang de deux femmes.

»Oui, ma bonne, la marquise a cette suprême effronterie de s’appuyer sur les deuils qu’elle a faits, sur les ruines qui sont son ouvrage. Le Clérambault parle la bouche ouverte de la première comtesse de Mersanz et de Béatrice. Il les cite toutes deux comme exemple. Cette tombe et cet exil lui sont des arguments. Il dit:

»—Nous ne voulons pas que Maxence ait un jour le sort de celle-ci ou de celle-là. Nous connaissons votre vie. Nous avons le droit de n’avoir point confiance en vous. L’amour qui vous pousse aujourd’hui durera-t-il jusqu’à demain? Vos amours sont ainsi: ardents mais éphémères. Nous voulons des sûretés, nous voulons des garanties. Nous ne voulons pas mourir comme la première; nous ne voulons pas être chassée comme la seconde.

»Achille proteste et jure que sa tendresse durera autant que lui-même.

»—Alors, réplique ce logicien de Clérambault, qu’avez-vous à craindre? Ne serez-vous pas toujours le maître chez votre femme? Ne jouirez-vous pas indéfiniment des biens que vous lui aurez donnés?

»—Mais, objecte le comte,—puis-je me dépouiller?

»—Vous pouvez rompre les négociations, voilà votre droit... Songez bien que nous n’avons pas à vous défendre contre votre fiancée de seize ans, mais bien à protéger votre fiancée de seize ans contre vous...

»On a stipulé d’abord ainsi je ne sais quel douaire impossible, puis la reconnaissance par contrat d’une bonne partie des biens de Mersanz,—puis une donation;—il semble qu’on veuille arriver à une vente.

»Tout cela en projet, pourtant. Rien n’est fait. Maxence, mineure, ne peut traiter que par l’entremise d’un tuteur. Or, on n’a pas encore produit le moindre papier.

»Il n’y a là véritablement que ténèbres.

»L’argent comptant seul peut se livrer de la main à la main sans actes ni formalités. Tu verras que ces préliminaires de contrat sont une comédie jouée. J’ai mes soupçons. Fromenteau m’a parlé d’un certain nombre de nièces dont la Sainte-Croix se servait jadis comme elle se sert aujourd’hui de Maxence.

»Cette femme n’a jamais dû être mère.

»Il n’y a point de papiers, il n’y a point de tutelle. C’est fourberie audacieuse du haut en bas. Nous n’avons à craindre que la folie du comte Achille, qui pourrait se défaire de ses immeubles...

»Mais il faut du temps pour cela, et rien, dans les rapports de Fromenteau, n’indique une pareille extrémité.

»La vente n’est encore probablement que dans mes soupçons et dans les espoirs de la Sainte-Croix.

»Elle aura lieu: souviens-toi bien de ce que je te dis là,—mais trop tard pour la marquise. Nous marchons à grands pas vers un dénoûment. Nous serons en mesure.

»Quand Fromenteau a remis le rapport de Coqueret dans sa poche, je lui ai dit:

»—Avant de passer outre, donnez-moi tous les renseignements que vous avez sur ce Garnier de Clérambault.

»Il a pris aussitôt un air interdit et sournois.

»—Sur ce Garnier de Clérambault! a-t-il répété;—c’est que... j’en demande bien pardon à madame la vicomtesse... ça va allonger la sauce pas mal... et le potage est déjà loin.

»J’ai sonné. J’ai ordonné qu’on servît à souper sur mon guéridon.

»J’aurais donné quelque chose pour avoir un témoin qui vît la figure jubilante de mon Fromenteau à l’aspect des trois plats de viande froide qui furent étalés devant lui. Sa joie était mêlée d’attendrissement. Il regardait tour à tour la volaille froide, le pâté, la daube: une larme pendait à son œil. Je crois que c’était pour la daube, enfouie dans sa gelée d’or.

»Il souriait en même temps. Il était laid à miracle. Je comprends les mariages de Stéphanie. Elle fait comme ce captif à qui le baron des Adrets ordonnait de sauter du haut d’une tour. Elle prend plusieurs fois son élan.

»—Bien des excuses! murmurait-il,—bien des excuses!... et des pardons... si j’ai osé... Madame est si bonne.

»—A table! à table! monsieur Fromenteau.

»J’imitai ces candidats qui tiennent table ouverte avant l’élection. Je versai moi-même à l’amant de Stéphanie son premier verre de vin.

»Il se mit à frétiller comme un chien qu’on caresse. Il se serait bien assis, mais il ne savait pas où poser son chapeau. Ce chapeau, dangereux pour les meubles, fut enfin placé sous la table.

»—Bien des pardons, répétait cependant Fromenteau,—et des excuses... de m’asseoir en présence de madame la vicomtesse.

»—A table! à table!

»Quand tu viendras à Paris, je te donnerai le spectacle de Fromenteau aux prises avec un ambigu. Ah! ma bonne! c’est un beau coup d’œil! Il a des dents qu’on ne soupçonne pas! C’est un des plus vaillants estomacs qu’il m’ait été donné de contempler en ma vie.

»Je savais bien que c’était la daube qui lui mettait la larme à l’œil. Il est d’abord tombé sur la daube avec une voracité sourde, mais implacable. Il ne fait point de grands mouvements, ses mâchoires ne jouent point à la volée. Je ne sais pas te dire, moi; il broie, il avale sans bruit. C’est une mécanique à part. On s’aperçoit seulement qu’une énorme quantité de nourriture disparaît.

»Entre ces deux mots: «Bien des excuses... et des pardons,» il absorbe le dîner d’un être civilisé.

»Et il parle en mangeant quand il veut. Quel brevet à prendre!—Je m’attendais à le voir enfler, comme un boa constrictor, de tout le volume de la daube, du pâté, de la volaille, du pain, du vin, etc.—Point! Cela descend on ne sait où. Mon Fromenteau reste plat comme une sardine et garde toujours ce même air affamé qui est le trait le plus aimable de sa physionomie.

»Au milieu de la daube, il a commencé, la bouche pleine:

»—Bien des pardons... S’il m’était permis de boire à la santé de madame la vicomtesse...

»—Buvez et entrez en matière, monsieur Fromenteau: je vous écoute.

»—Bien des excuses... Tant pis pour le patron... j’entends M. Garnier!... Comme on est traité on sert... Je suis sobre, excepté à l’occasion... M. Garnier de Clérambault est le dernier qui m’ait promis les mille francs pour ma position d’associé avec mon neveu... Ça a été bien près, mais ce grand coquin de Jean Lagard arriva et chipa la chose... Si M. Garnier m’avait donné le billet, Stéphanie ne serait pas affichée au onzième et je ne dirais rien sur lui ni pour or ni pour argent... mais il ne m’a pas payé seulement les renseignements que j’avais pris sur le jeune Rodelet et la somme totale des biens de M. le comte de Mersanz, chez M. Souëf (Isidore-Adalbert). Aussi, je ne lui dois rien.

»—A quelle époque? demandai-je.

»—Ça n’est pas vieux... c’était l’autre jour, avenue de Saxe... Le commencement de la danse, quoi! Il préparait ce qui se fait aujourd’hui.

»—Et vous l’avez aidé?...

»—C’est l’état... Il y a donc que vous ne pouvez pas mieux vous adresser: d’abord, parce que M. Garnier et moi, nous sommes de vieilles connaissances, ayant été employé par M. du Tresnoy pour le surveiller et m’étant trouvé mêlé à certaine affaire de la rue du Cherche-Midi.

»—Je sais cela, l’interrompis-je,—passez.

»Fromenteau discontinua pour un moment d’adresser à la volaille froide toutes les caresses de son regard et tourna vers moi son œil étonné.

»—Ah! ah!... fit-il,—vous savez cela... Alors, vous connaissez madame la baronne du Tresnoy... ou la petite concierge... ou la sage-femme... ou madame Merriaux... ou...

»—Passez, vous dis-je!

»—Bien des pardons... et des excuses... Le fait est que je ne suis pas ici pour interroger madame la vicomtesse... mais l’habitude de l’état... Où en étions-nous?

»—A la seconde raison que je puis avoir de vous féliciter...

»—D’avoir fait ma connaissance!... c’est cela... Elle est fameuse, la seconde raison!... et inédite, comme ils disaient quand j’étais pour faire les courses chez le libraire!... Celle-là, vous ne la connaissez pas!

»Il lâcha sa fourchette pour se frotter les mains tout doucement; puis il but un bon petit coup de vin avec sensualité.

»—C’est une histoire, dit-il en s’accoudant sur la table, car les plus ardents travailleurs ont des temps de repos, et il lui fallait vraiment reprendre haleine avant d’attaquer la poularde,—c’est une histoire... Faut-il comme ça que des individus aient de drôles d’idées!... Il y a dans Paris un homme qui pense le jour et la nuit à faire un trou dans le mur d’octroi, là! c’est une idée fixe, quoi! Il veut percer la barrière des Paillassons. Je ne sais pas son nom; mais si madame la vicomtesse le veut...

»—Oh! fis-je en l’interrompant,—je n’ai aucune envie de savoir le nom de cet homme-là.

»Fromenteau sourit avec finesse, quoiqu’il mit beaucoup d’énergie à broyer le reste de la croûte de pâté.

»—Peut-être, peut-être, dit-il:—ne jurons de rien... Si j’avais rencontré cet homme-là du temps où je travaillais pour M. le baron du Tresnoy...

»Il vit que, sur-le-champ, je devenais plus attentive et poursuivit en baissant la voix:

»—La chose qui arrêtait les recherches de feu M. le baron et qui arrêtera toutes celles qu’on voudra tenter contre le Clérambault et sa marquise, c’est qu’on ne peut jamais les prendre ensemble. On savait bien dès lors qu’ils mêlaient leur jeu; mais jamais madame de Sainte-Croix ne mettait le pied dans la maison Clérambault, et jamais M. Garnier ne passait le seuil de l’hôtel de Sainte-Croix. Ils se voyaient, pourtant. Où se voyaient-ils? Feu le baron s’en est allé avant de savoir la réponse à cette question.

»Ces deux mots d’explication étaient nécessaires pour que madame la vicomtesse comprit le sel de ma petite histoire.

»Voilà cinq ou six jours, je me promenais sur le boulevard extérieur, vers cinq heures du matin. C’est un moment où l’on n’y rencontre pas beaucoup de calèches découvertes; mais, moi, je vas et je viens, la nuit comme le jour. L’état veut ça; j’aimerais mieux être rentier.

»Je flânais donc, revenant je ne sais d’où, entre la barrière de l’École et la barrière de Sèvres, lorsque j’entendis tout à coup deux hommes qui causaient de l’autre côté de la chaussée. Quand une fois on a pris l’habitude d’écouter, ça se fait tout seul. Je marchai cinquante pas pour ne pas effaroucher les oiseaux, et puis je traversai la chaussée tout doucement, pour me couler le long du mur d’octroi. Il y avait un grand et un gros. Le gros disait:

»—Nini, c’est fini, rien ne vient, vous m’avez induit. Vous verrez de quel bois je me chauffe, quand on se moque de moi!

»Je tressaillis en entendant de plus près la voix du grand. C’était Clérambault. Mes deux oreilles s’ouvrirent comme des cornets pour les sourds.

»—Vous êtes incorrigible, mon bon, disait-il;—on a beau travailler pour vous, c’est comme si l’on chantait! Pensez-vous que Paris a été bâti en un jour?...

»Et autres balivernes à l’usage du Garnier. Je vis qu’il était en train d’empaumer mon gros, et je m’appuyai crânement le dos à l’arbre qui nous séparait: histoire de me reposer en écoutant leur colloque.

»Voici de quoi il s’agissait. Le gros, qui m’avait la tournure d’un aubergiste de campagne ou d’un cabaretier de la banlieue, avait prêté sa maison à Clérambault et à la marquise pour leurs conférences,—et sa maison devait être bien commode pour cela, car je n’y avais vu que du feu, dans le temps où M. le baron du Tresnoy m’avait promis ma position si je lui trouvais cette piste-là.

»Une autre preuve que la maison était commode, c’est que Clérambault se démenait comme un diable pour garder la possibilité d’y continuer ses rendez-vous. Mais le gros ne voulait plus. Il donnait congé en bonne forme. Ça m’amusait. Bien des excuses et des pardons...

»Ici, Fromenteau ayant repris son couteau et sa fourchette, décolla sans art, mais avec succès, la cuisse et l’aile de la poularde. Il les mit sur son assiette, gardant le reste pour plus tard.

»—Garnier parlait ferme, poursuivit-il; le gros tenait bon. Il disait:

»—Voilà assez de temps qu’on me fait aller. Je commence à voir que je suis le dindon. La justice mettra le nez là-dedans un jour ou l’autre; je ne veux pas que mon établissement soit souillé par le déshonneur!

»Garnier répondait:

»—Ingrat! au moment où l’on s’occupe de nous dans tous les ministères et auprès des architectes du roi, vous vous plaignez! Croyez-vous qu’on n’ait que vous à penser aux travaux publics des ponts et chaussées! Vous vous retirez à l’heure de la récolte. Dans quelques jours, votre fortune sera faite, et vous renoncez de vous-même à toute récompense!...

»Comme le gros haussait les épaules et disait: «Tarare!» Garnier a pris tout à coup une pose aussi noble que celle des acteurs de tragédie, et il a tendu sa main vers le mur d’octroi. Justement, ils étaient arrêtés devant cette baraque qu’on appelle la barrière des Paillassons, bien que l’enceinte n’ait point d’ouverture à cet endroit.

»—Malheur! s’est écrié Garnier;—vous touchiez au but de vos espoirs! j’avais sur moi le plan de l’ouverture, dressé par les architectes du gouvernement! Adieu! jamais la barrière des Paillassons ne sera percée.

»Il a fait mine de s’éloigner à grands pas. Le gros a hésité, puis il l’a rappelé. Le plus fort, c’est que ce coquin de Clérambault avait dans sa poche un plan, un véritable plan, dressé par un homme de l’art.—Ce plan présentait une porte à double grille, flanquée de deux monuments aussi jolis que toutes nos autres barrières. Il faut que Clérambault et la marquise tiennent diaboliquement... bien des excuses... et des pardons... tiennent fameusement à la baraque du gros pour préparer des frimes semblables...

»Mais conçoit-on cette idée, faire un trou dans le mur d’octroi!... Le gros a pleuré, madame! Il a pleuré comme un veau, sauf le respect que je vous dois; il a mouillé le papier, qu’il regardait à la lueur d’un réverbère. Il a demandé pardon à Clérambault. Il a promis de ne plus faire le méchant. Bref, son établissement reste entièrement à la disposition de M. Garnier et de madame la marquise...

»Ainsi se termina le récit de Fromenteau, ma bonne Aglaé, en même temps que la dernière bouchée de la poularde disparaissait dans son vaste estomac. J’avoue que j’attendais mieux, et, cependant, ce tronçon d’histoire était comme une nouvelle énigme proposée à mon imagination, déjà si tendue.

»Ma première parole a été, tu le penses bien:

»—Pourquoi n’avoir pas suivi ces deux hommes?

»Je te donne, dans sa solidité antique, la réponse textuelle de Fromenteau:

»—Parce que je n’avais plus M. le baron du Tresnoy et que je n’avais pas encore madame la vicomtesse.

»Fromenteau ne fait que sur commande.

»Mais il va rôder. Il se fait fort de trouver le gros avant une semaine.

»Les rapports de ses autres agents avaient trait à divers personnages de notre imbroglio. Je n’ai pas besoin de te dire que toute cette campagne a été conduite d’après la haute inspiration de ma petite bonne femme, général en chef; Martellier avait dîné avec un Polonais qui joue le rôle de prince russe dans les grandes occasions pour le compte de la fabrique de mariages. Il a vingt francs, et on lui prête l’habit avec les décorations. Jolyet a obtenu un rendez-vous de la femme de chambre de madame la marquise.—Bertrand a pris son repas dans un bouge de la plus excentrique espèce, une maison de jeu clandestine.—On lui a parlé d’une femme en noir qui vient s’établir dans une sorte de cage, d’où elle dirige son jeu par l’entremise d’un serviteur complaisant. Cette femme boit de grands verres d’eau-de-vie derrière son voile épais de dentelles. Serait-il possible que ce fût la marquise! Elle perd des sommes folles presque tous les soirs.

»Tu ne saurais croire, ma bonne petite sœur, avec quelle passion je me plonge dans cet océan de mystères.

»Henri va mieux. Il demande à servir comme simple soldat dans notre bataillon.

»Il m’aime toujours.

»J’ai promis à Fromenteau de lui donner la position de dentiste associé s’il fait bien son devoir. Il m’a quittée à minuit, son repas l’avait un peu alourdi. Pourtant, j’ai vu briller un éclair derrière ses lunettes, et, pendant que ses mains frémissantes entassaient dans ses poches des montagnes de vieux papier, il a murmuré d’une voix douce et tendre ce mélodieux nom de Stéphanie...»


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