Le Roi de Rome (1811-1832)
M. Duvergier de Hauranne, qui était favorable à la loi de bannissement appliquée à tous les prétendants, se raillait des républicains amis de l'Empire: «Une tendresse si délicate, si susceptible pour la famille Bonaparte, me paraît singulière de la part de ceux qui, plus que nous, se disent amis de la liberté. J'ai cru un moment que les portes de la France pouvaient, sans inconvénient, être ouvertes à la famille Bonaparte. Je ne le crois plus!» M. de Rémusat ne craignait pas le fils de Napoléon, car son père lui avait «laissé un nom impossible à porter». Le rapporteur, Amilhau, tout en se félicitant de voir bientôt la statue de Napoléon replacée sur la colonne Vendôme, se défendit d'avoir voulu créer des proscriptions contre la famille du héros. «Ce n'est pas moi, dit-il, qui en ai pris l'initiative; c'est la révolution de Juillet, ce sont les législateurs qui nous précèdent.» Ainsi, en 1815, l'Acte additionnel excluait les Bourbons, et, en 1816, Louis XVIII excluait Napoléon. Guizot blâma également les mesures d'exception; il déclara que la liberté était assez forte pour défendre le nouveau gouvernement, mais il finit par se rallier au projet de la Commission. «Je dirai peu de choses, ajoutait-il, du divorce de la France avec la dynastie de Napoléon. Ce divorce est consommé depuis longtemps; il l'a été par le fait même du chef de cette dynastie. Napoléon s'est perdu lui-même, chacun le sait, et après lui, il ne restait plus rien, car Napoléon était seul; après lui, rien, absolument rien!…» Guizot avait raillé un orateur qui avait assuré qu'un membre de la Chambre avait tenu «pendant vingt-quatre heures à sa disposition» la couronne de France. «Les pays libres, dit-il avec force, n'appartiennent à personne! En juillet 1830, chacun pouvait proposer son plan de gouvernement, amener son candidat au concours. Eh bien, est-il vrai qu'à ce moment il ait été sérieusement question un seul instant de Henri V, de Napoléon II, de la République?…» Le peuple s'était soumis spontanément à la meilleure solution, la seule nationale. Quant à ceux qui prétendaient avoir conduit les affaires, Guizot répondait dédaigneusement: «C'est une présomption étrange que de croire qu'on dirige de tels événements. La Providence en a fait plus des trois quarts.»
À la Chambre des pairs, la discussion ne fut pas moins vive. Le duc de Broglie, rapporteur de la commission, après avoir blâmé les révolutions, même nécessaires, qui sont trop souvent des exceptions au droit commun, se demanda si on pouvait qualifier ainsi l'éloignement de la dynastie déchue. Ce n'était, à son avis, qu'un acte de prudence et de nécessité. En 1815, la Restauration ne s'était point gênée. Elle avait conclu délibérément à la déportation dans un autre hémisphère et à la captivité rigoureuse du seul concurrent qui était à redouter. En 1816, elle avait voté contre lui et les siens une loi draconienne… Or, en ce moment, les membres de la branche aînée des Bourbons n'avaient pas renoncé à leurs prétentions sur la couronne de France, puisqu'ils donnaient au duc de Bordeaux le nom de Henri V. Les craintes du gouvernement étaient donc fondées, et il avait le devoir de se défendre, comme l'avait fait le régime précédent.
Après diverses vicissitudes à la Chambre des députés et à la Chambre des pairs, la proposition fut définitivement votée le 20 mars 1832, mais avec le retrait de l'article 4 de la loi de 1816, qui appliquait l'article 91 du Code pénal à la famille Napoléon, au cas où l'un de ses membres se serait présenté sur le territoire français.
M. de Chateaubriand, dans une brochure qui avait excité les susceptibilités ironiques de M. Viennet[526], contesta aux Chambres le droit de bannir. Les journées de Juillet advenues, que pouvait-on établir? La République ou l'Empire avec le fils de Napoléon, la monarchie légitime avec le duc de Bordeaux ou la monarchie élective avec la branche cadette. Si le gouvernement républicain fût sorti de la révolution de 1830, il aurait, suivant Chateaubriand, mis à l'aise bien des consciences. En lui prêtant serment, on n'aurait rien trahi, car c'eût été un changement de principes, et non un roi substitué à un roi. Il n'y eût pas eu usurpation, mais création d'un autre ordre de choses. Chateaubriand l'eût préféré «à une monarchie bâtarde, octroyée par je ne sais qui». D'autre part, le choix du duc de Bordeaux eût éloigné toute chance de guerre civile ou étrangère. «Proclamé par le gouvernement, avec les changements nécessaires à la Charte, Henri V eût été reconnu dans toute la France.» Enfin Chateaubriand envisageait le choix du duc de Reichstadt, «héritier d'un grand homme». L'opinion qu'il en émettait dut plaire au jeune prince, qui eut bientôt connaissance de cette éloquente brochure, répandue dans toute l'Europe. «Ce que l'antiquité conférait au duc de Bordeaux, le duc de Reichstadt le puisait dans l'illustration paternelle. Napoléon avait marché plus vite qu'une lignée: haut enjambé, dix ans lui avaient suffi pour mettre dix siècles derrière lui. Le duc de Reichstadt présentait, en outre, aux hommes de religion et à ceux que le préjugé du sang domine, ce qui complaisait à leurs idées: un sacre par les mains du Souverain Pontife; la noblesse par une fille des Césars. Je l'ai dit ailleurs, sa mère lui donnait le passé, son père l'avenir. Toute la France était encore remplie de générations qui, en reconnaissant Napoléon II, n'auraient fait que revenir à la foi qu'ils avaient jurée à Napoléon Ier. L'armée eût reçu avec orgueil le descendant des victoires.»
Chateaubriand disait encore que le drapeau eût été emporté de nouveau par les aigles qui planèrent sur tant de champs de bataille «et qui ne prêtent plus leurs serres et leurs ailes à cet étendard humilié. Le royaume, redevenu empire, eût retrouvé une puissante alliance de famille en Allemagne et d'utiles affinités en Italie.» Venaient ensuite les objections, qui attristèrent certainement le prisonnier de Vienne. «Mais l'éducation étrangère du duc de Reichstadt, les principes d'absolutisme qu'il a dû sucer à Vienne, élevaient une barrière entre lui et la nation. On aurait toujours vu un Allemand sur un trône français, toujours soupçonné un cabinet autrichien au fond du cabinet des Tuileries; le fils eût moins semblé l'héritier de la gloire que du despotisme du père[527].» Le duc de Reichstadt eût été, au contraire, bien Français et eût pratiqué une politique française, car il n'aimait pas Metternich, et sa première pensée, une fois débarrassé de sa surveillance, eût été de se conformer aux indications libérales du testament paternel. La certitude d'être si peu connu et si mal jugé était une des choses qui causaient toujours le plus de tourments au jeune prince. On ne savait pas que la principale règle de sa jeunesse était de ne jamais oublier, comme l'avait conseillé son père, «qu'il était né prince français». On ne savait pas qu'il avait dit à son grand-père qu'il ne mettrait les pieds sur le sol français que rappelé par l'armée française. Mais la constatation de Chateaubriand: «Sa mère lui donnait le passé, son père l'avenir», l'avait consolé. Elle répondait à ses propres observations, car, pénétré de son bon droit, il avait prononcé un jour devant Prokesch ces fières paroles: «Le fils de l'Empereur, de celui que toute l'Europe avait reconnu, le fils de l'archiduchesse Marie-Louise n'offrait-il pas aux puissances des garanties autrement solides que le fils de Philippe-Égalité?…» Et cette prédiction finale le faisait frissonner: «La France ne dormira pas toujours. Comme au héros du Tasse, il suffira de lui présenter un bouclier pour la tirer du sommeil!» Enfin le duc de Reichstadt trouvait que Chateaubriand était le seul écrivain qui eût su parler de son père. Quel autre, en effet, eût mieux répondu aux ultras qui lui disaient, en 1814, que pour gouverner la France il suffisait de changer les draps du lit de Buonaparte et d'y coucher Louis XVIII: «Vous oubliez, messieurs, que les draps du lit de Buonaparte étaient des drapeaux et qu'il y dormait avec la Gloire!…»
Le duc connaissait le caractère généreux de l'ancien ministre de Charles X, le seul qui eût osé écrire, à propos du bannissement des membres de la famille impériale: «Ce sont les alliés qui ont provoqué ce bannissement. Des conventions diplomatiques, des traités formels prononcent l'exil des Buonaparte, leur prescrivent jusqu'aux lieux qu'ils doivent habiter, ne permettent pas à un ministre ou à un ambassadeur des cinq puissances de délivrer seul un passeport aux parents de Napoléon. Le visa des quatre autres ministres ou ambassadeurs des quatre autres puissances contractantes est exigé. Tant ce sang des Napoléon épouvantait les alliés!… Grâce à Dieu, je ne fus jamais soumis à ces mesures: avant qu'un ministre de Louis-Philippe allât voir un enfant et une femme, j'avais délivré, sans conseiller personne, en dépit des traités et sous ma propre responsabilité, comme ministre des affaires étrangères, un passeport à Mme la comtesse de Survilliers, alors à Bruxelles, pour venir à Paris soigner un de ses parents malade. Vingt fois j'ai demandé le rappel de ces lois de persécution; vingt fois j'ai dit à Louis XVIII que je voudrais voir le duc de Reichstadt capitaine de ses gardes et la statue de Napoléon replacée au haut de sa colonne!» Chateaubriand ne faisait que répéter ce qu'il avait dit dans une précédente brochure, parue au mois de mars: «C'est ainsi que je comprenais largement la monarchie légitime; il me semblait que la Liberté devait regarder la Gloire en face[528].» Cette noblesse de langage et d'attitude n'étonnera pas ceux qui ont pratiqué Chateaubriand.
À la fin des réflexions que lui inspira la nouvelle proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille, l'illustre écrivain disait: «Pourquoi envelopper les Bonaparte dans la destinée des Bourbons? Pourquoi frapper du même coup ce qui, depuis vingt ans, nous a donné gloire et liberté? Pourquoi interdire l'entrée de la France aux parents du dominateur des mers et l'ouvrir à ses cendres? Les dernières sont bien plus à craindre, leur conspiration bien plus redoutable à la monarchie nouvelle que le retour et les complots supposés de quelques individus arrachés à l'exil. Elles s'agiteront à chaque anniversaire de leurs victoires. Tous les jours, sous leur colonne, elles diront à la quasi-légitimité passante: «Qu'as-tu fait de l'honneur français[529]?» Chateaubriand faisait ainsi allusion à la pétition d'un sieur Lepayen qui demandait qu'on déposât les cendres de Napoléon sous la colonne de la place Vendôme. À la séance du 13 septembre 1831, le député Martin du Nord, rapporteur de la pétition, concluait à l'ordre du jour. Il admettait que Napoléon avait été un génie, mais il rappelait qu'il avait confisqué toutes nos libertés. «Nous avons un roi-citoyen, disait-il. Ne troublons pas la marche de son gouvernement en rappelant trop souvent des souvenirs que des imprudents pourraient considérer comme des regrets. Laissons les cendres de Napoléon à Sainte-Hélène. Elles y serviront de leçon aux rois qui seraient tentés d'opprimer les peuples et de lasser la fortune.» Las Cases demanda le renvoi de la pétition au président du conseil. Levesque de Pailly combattit cette proposition. Coulmann la défendit en faisant remarquer qu'il n'y avait là aucun péril à redouter. «La France constitutionnelle de 1831, disait-il, n'ira pas plus chercher des prétendants à la couronne à la cour d'Autriche qu'à la cour d'Holy-Rood. Elle ne veut plus de restauration, pas plus du petit-fils de Henri IV que du fils de Napoléon.» Après des conclusions contraires de Benjamin Levraud, le général Lamarque, dans une forte harangue, dit que les malheurs de Napoléon avaient expié ses torts. «L'Angleterre, ajouta-t-il au bruit des applaudissements, doit être pressée de rendre un dépôt qui lui rappelle l'hospitalité violée et la honte de ses ministres.»
M. de Lameth reconnut que Napoléon avait comprimé l'anarchie, «mais il ne serait pas nécessaire, ajouta-t-il,—et ses paroles firent sensation,—que ses cendres vinssent aujourd'hui pour l'appuyer encore». Le général Bertrand soutint que c'était une question d'honneur national, et le renvoi au président du conseil fut voté par la majorité, ce qui détermina une vive et longue agitation dans la Chambre. Cet hommage, rendu à la mémoire de son père, causa une profonde émotion au duc de Reichstadt. Il y vit comme un encouragement pour son avenir. Mais ce qui le minait sourdement, c'était la crainte d'arriver trop tôt, à cause de son inexpérience des choses et de son peu de savoir, quoiqu'il fût, en connaissances diverses, bien supérieur à beaucoup de princes. Il avait pris pour lui—avec le dessein de les réaliser—les conseils de Chateaubriand, dans la brochure éloquente que je viens d'analyser, conseils qui étaient destinés au duc de Bordeaux: «Qu'il devienne le jeune homme le plus éclairé de son temps, qu'il soit au niveau des sciences de l'époque, qu'il joigne aux vertus d'un chrétien du siècle de saint Louis les lumières d'un chrétien de notre siècle! Que des voyages l'instruisent des mœurs et des lois; qu'il ait traversé les mers, comparé les institutions et les gouvernements, les peuples libres et les peuples esclaves; que, simple soldat, s'il en trouve l'occasion à l'étranger, il s'expose aux périls de la guerre, car on n'est point apte à régner sur des Français sans avoir entendu siffler le boulet!» L'ardeur intellectuelle, l'activité matérielle, les études, les voyages et la guerre, la guerre surtout, c'était ce que désirait le fils de Napoléon, et le feu de ces désirs brûlait, dévorait son âme. Là où le hasard des combats l'aurait appelé, il eût tenu encore une fois à se montrer digne du grand nom qu'il portait. Il eût voulu courir au secours des Grecs ou des Italiens, au secours de sa mère menacée par l'insurrection de Parme, au secours des Polonais luttant contre les Russes, partout enfin où l'on se battait; mais toujours l'impitoyable main de Metternich le rejetait dans une froide inaction qui allait le tuer plus sûrement et plus rapidement que la maladie ou les balles ennemies.
CHAPITRE XIX
LA MORT.
La santé précaire du duc de Reichstadt lui avait fait interdire pendant un certain temps les occupations et les exercices militaires. Se trouvant mieux au commencement de l'année 1832, il retourna à son quartier. Le 2 janvier, par une journée très froide, il assista aux funérailles du général Siegenthal. Colonel en second du régiment de Wasa, il voulut commander ses troupes et fut pris d'une subite extinction de voix. Il fut contraint encore une fois de s'arrêter[530]. Il chercha à se distraire de la privation des travaux militaires par des études historiques. Il écrivait au commencement de janvier à son ami Prokesch: «Je viens de quitter mon bureau où j'ai élaboré un long rapport, et je me repose en vous écrivant. Depuis quelques jours j'entends parler beaucoup d'un ouvrage du professeur Iarke (éditeur inconnu) sur l'Histoire de la révolution de 1830, traitée au point de vue de la question d'État. Le connaissez-vous? Qu'en pensez-vous? J'ai besoin de votre amicale conversation. Pouvez-vous venir aujourd'hui? Je vous attends à partir de sept heures[531].» Le duc était plus que jamais dévoué à cet ami fidèle. Il s'était occupé de lui assurer l'avancement de lieutenant-colonel qu'il méritait et dont parle la lettre suivante, si affectueuse: «J'ai fait la commission dont, mon cher ami, vous avez bien voulu me charger. Hier matin, je me suis rendu auprès du général d'artillerie Kutschera. Il vous connaît. Il parla de vous avantageusement et promit de soumettre à l'Empereur la proposition touchant votre avancement. C'est un surcroît d'affaires qui l'a empêché de s'en occuper plus tôt. Je compte, dès lors, vous saluer prochainement comme mon camarade.» M. de Prokesch avait, de son côté, rendu au duc un petit service pour une famille à laquelle il s'intéressait. «Merci pour l'exécution de ma demande, ajoutait le duc. Veuillez être mon interprète auprès du conseiller aulique Kiefewetter. Défendre les veuves et les orphelins fut toujours une jouissance pour les cœurs solides de vos ancêtres; combien cela doit être agréable à votre cœur si sensible!… Mon opinion sur vous est invariable; elle n'avait pas besoin de la lettre du Colonel Kavanagh que je vous renvoie ci-jointe. Le prix que vous attachez à la manière de voir du colonel m'est un garant de la sienne, et sa lettre m'a surtout intéressé à cause des aperçus exacts qu'elle contient sur notre marine. Il serait trop long de vous communiquer mes avis sur les deux articles de l'Allgemeine Zeitung. Je vais l'écrire et je vous en soumettrai la substance. Le comte de Dietrichstein me quitte à l'instant. Il m'a beaucoup entretenu de ce fait que l'opinion publique ne m'est pas favorable et que je passe pour une tour de Babel!… À qui m'adresser pour savoir la vérité? À vous… Assurez-moi par quelques lignes que je ne suis pas tout à fait perdu et si, sans me trahir, vous pouvez apprendre du comte ce que l'on dit de moi, ce serait là une nouvelle preuve de votre amitié[532].» Prokesch lui répondait presque aussitôt: «Laissez le comte de Dietrichstein, avec les préoccupations dévorantes de son amour quasi paternel, accumuler les blâmes contre vous!… Je me réjouis de lire votre pensée sur les deux articles précités, ne serait-ce que pour le style. Savoir écrire bien et clairement est un grand avantage, et la récompense se trouve dans la peine que l'on se donne pour y arriver. Aucune voie n'est meilleure pour vous apprendre à penser justement et à distinguer les conditions nécessaires d'une action droite et correcte. Le style de votre illustre père est l'expression fidèle de son génie. Imaginez-vous que je suis au loin et écrivez-moi sur tout ce qui vous frappe et qui semble devoir vous être de quelque utilité. Je vous promets de répondre loyalement et franchement et, s'il le faut, de critiquer à l'occasion.» Dans le post-scriptum de cette lettre, Prokesch lui disait: «Vous savez sans doute qu'il y a quelques jours une douzaine de gazettes allemandes ont annoncé comme un fait accompli vos fiançailles avec la fille de l'archiduc Charles[533].» Ce n'était là qu'un bruit sans consistance. Le prince était trop souffrant, trop affaibli pour qu'on pût songer en ce moment à des fiançailles. Et cependant, tout malade qu'il était, il n'écoutait aucun conseil; il multipliait imprudences sur imprudences, ce qui désespérait le docteur Malfatti à tel point que celui-ci s'écria un jour: «Il semble qu'il y ait dans ce malheureux jeune homme un principe actif qui le pousse à se suicider. Tous les raisonnements, toutes les précautions échouent contre une fatalité qui l'entraîne.» Le 21 janvier, Prokesch le trouva fort agité. Le maréchal Maison l'avait invité à un bal pour le soir du 21,—date, entre parenthèses, assez mal choisie. Le prince avait demandé à son grand-père s'il devait s'y rendre. François II l'avait laissé libre. «Je n'ai aucun motif de me plaindre du maréchal, remarqua le duc, mais décemment il est impossible que je me trouve chez l'ambassadeur de Louis-Philippe, au moment même où son gouvernement dirige contre moi un arrêt de bannissement et de proscription.» Déjà, à l'arrivée de Maison à Vienne, le duc de Reichstadt avait montré de la répugnance à aller chez le maréchal, objectant à son grand-père qu'il ne pouvait voir le représentant de Louis-Philippe, «parce que ce prince avait moins de droits que lui-même et qu'il ne voyait pas pourquoi il irait rendre hommage à un usurpateur[534].» Profitant de nouvelles complications en Italie, le prince de Metternich, qui supportait mal la présence de M. de Prokesch auprès du duc de Reichstadt, lui confia une nouvelle mission diplomatique à Rome. Le chancelier connaissait pourtant bien l'état réel du jeune malade. Il n'aurait pas dû l'aggraver délibérément, en éloignant le seul être que le duc aimât tendrement et auquel il se plaisait à confier toutes ses pensées. Une telle séparation en des moments aussi douloureux, à la veille d'une solution fatale, était presque un acte de barbarie.
Le dernier entretien qu'eurent les deux amis fut grave, comme le voulaient les circonstances. Le fils de Napoléon déclara une fois de plus que son devoir filial et sa mission providentielle le poussaient irrésistiblement vers la France. Ses espérances, disons le mot, ses illusions—et dans la cruelle maladie dont il était frappé, les illusions sont plus tenaces que dans toute autre—étaient revenues. Mais il se défendait de songer à quelque aventure. Il ne s'en serait pas, d'ailleurs, senti la force. Il consentait donc à attendre avec patience l'instant propice où il lui serait permis de ressaisir le pouvoir impérial. Il croyait encore, comme Metternich lui-même, au peu de durée du règne de Louis-Philippe, et il s'abusait sur les sympathies que devaient inspirer les souvenirs glorieux de l'Empire. Prokesch le remercia avec émotion de la confiance qu'il lui avait toujours témoignée. Il le félicita de n'avoir jamais écouté les personnes qui, le voyant en rapports fréquents avec le premier ministre de François II, auraient pu lui faire croire qu'il s'entendait contre lui avec son adversaire résolu. «Dans votre cœur comme dans le mien, s'écria vivement le prince, il n'y a pas de place pour d'aussi misérables calculs[535]!» Puis il se jeta dans ses bras, en le suppliant de le défendre partout où il serait question de lui. Il lui remit sa propre épée, sur laquelle il avait fait graver son nom. De son côté, Prokesch le pria d'accepter un manteau arabe qu'il avait jadis rapporté d'un voyage en Égypte. Ils se séparèrent, très émus l'un et l'autre. «J'étais loin cependant de prévoir, dit Prokesch, que, dans ce moment, je lui disais un dernier, un éternel adieu!»
Quelques jours après, le duc recevait de Marchand, le fidèle serviteur de son père, une lettre écrite de Strasbourg[536]. «Prince, disait Marchand, depuis plusieurs années je sollicite l'honneur de remettre à Votre Altesse Impériale quelques objets tout de sentiment dont votre auguste père, l'empereur Napoléon, m'a fait dépositaire dans ses derniers moments à Sainte-Hélène. Persuadé que l'âme de Votre Altesse doit aspirer à s'identifier avec eux et mes demandes ayant toujours été sans réponse, je m'adresse à vous, Prince, avec l'espérance que vous me ferez connaître vos ordres et que, conformément aux dernières volontés de l'Empereur mon maître, j'aurai l'honneur d'être admis à vous remettre moi-même le dépôt qui m'a été confié…» Cet honneur fut refusé à Marchand. Metternich, toujours inexorable, n'admettait pas que l'un de ceux qui avaient recueilli le dernier soupir de Napoléon fût autorisé à parler à son fils[537]. Pourquoi cette cruauté nouvelle? Pourquoi interdire au fils de Napoléon la joie de recevoir des legs aussi doux, aussi précieux? pourquoi l'empêcher de s'entretenir avec le fidèle serviteur de son père? De tels actes sont vraiment une tache pour la mémoire de Metternich… Mais il semblait qu'aucune peine ne devait être épargnée au jeune prince. Aussi sa pensée devenait-elle de plus en plus sombre et mélancolique. Elle se tournait, dans ses angoisses, vers la religion, qui seule offrait quelque adoucissement à sa captivité. On a retrouvé, sur un portrait fait par Isabey, quatre vers écrits par le duc dans ces tristes moments. Les voici dans leur simplicité touchante:
Heureux qui met en Dieu toute son espérance!
On a toujours besoin d'implorer sa bonté.
Il nous consolera dans les jours de souffrance,
Si nous l'avons servi dans la prospérité.
Au mois d'avril, le prince se trouva un peu mieux, grâce aux soins assidus des docteurs Malfatti et Wiehrer. Mais il eut tort de sortir et de braver les pluies et les fraîcheurs du printemps. Ses douleurs chroniques se réveillèrent et lui occasionnèrent une toux pénible. Il maigrissait de plus en plus. Cependant il tenait à montrer qu'il pouvait dompter son corps, parce que des propos imprudents de Kutschera lui étaient revenus. Ce général avait eu la maladresse de dire que le prince manquait d'énergie. Ces paroles le blessèrent profondément. Il voulut prouver que son âme était supérieure à son corps fragile, et il le fit avec une audace inconsidérée. Il monta à cheval par un temps humide et froid, et entreprit une course qui eût fatigué un homme robuste. Le soir, il retourna en voiture au Prater et s'y fit promener jusqu'au coucher du soleil. Tout à coup une roue de la voiture se brisa. Il s'élança sur la route et tomba. Cette fois ses forces étaient vaincues. Le lendemain, il était atteint d'une fluxion de poitrine, et cette nouvelle répandait la consternation à la Cour. Dans la consultation qui eut lieu avec Malfatti, les docteurs Vivenot, Wiehrer et Turckeim avaient émis les plus graves pronostics[538]. Le maréchal Maison, qui en avait été averti, informait le comte Sébastiani que la santé du duc de Reichstadt paraissait si compromise qu'on avait dû prévenir sa mère. Marie-Louise ne paraissait cependant pas trop préoccupée de la maladie de son fils. Elle regrettait en ce moment pour les dames de sa Cour le départ du régiment Esterhazy, parce qu'il s'y trouvait d'excellents danseurs. Elle passait une revue de Croates et défilait à cheval avec les généraux; elle recevait des visites, offrait de grands dîners, allait au théâtre, puis déplorait la mort du général Frimont, parce qu'elle lui rappelait «la mort de son bon général». Elle donnait des bals et s'occupait des pièces destinées à son Opéra, comme la Reine de Golconde, la Straniera, etc., car elle avait «une vraie passion pour la musique». Elle croyait son fils déjà remis «de sa fièvre rhumatique». Aussi était-elle heureuse d'apprendre à la comtesse de Crenneville qu'elle s'était fort amusée à l'opéra de Ricci, Il nuovo Figaro e la modista. Au moment même où son fils inspirait les plus vives inquiétudes, elle se complaisait dans les plus grandes illusions. «Dieu soit loué! écrivait-elle le 24 avril, les nouvelles sont toujours meilleures. Mon fils reprend de l'appétit et n'est plus qu'ennuyé par les ménagements qu'il doit prendre et qui, pour un jeune homme de son âge, sont insupportables. Je crois que, pour sa toux, on lui fera prendre cet été une cure d'eau minérale et les bains d'Ischl pour le fortifier. Ce qui rendait mes inquiétudes d'autant plus cruelles, était l'impossibilité absolue de me rendre cet été à Vienne. En général, cette idée me peine souvent, et je n'ai pas encore eu le courage d'ôter cet espoir à mon père. Il faudra que je m'y décide cependant un de ces jours[539].» Toute autre mère, je le répète, en apprenant de quelle affection mortelle son fils était atteint, fût accourue. Mais celle-ci ne savait pas encore si elle se déciderait à venir à Vienne. Ce qu'elle savait mieux, c'est que son Opéra avait réussi, que l'ensemble des artistes était parfait et que «la Ferlotti chantait à ravir[540]». En résumé, Marie-Louise ne devait arriver auprès du duc de Reichstadt que le 24 juin, un mois à peine avant sa mort.
Les médecins avaient déclaré qu'il serait avantageux d'envoyer le prince à Naples. L'idée de ce voyage ravit le malade, mais il pensa tout de suite avec effroi à l'opposition qu'allait y faire son geôlier. «Croyez-vous, demandait-il au docteur Malfatti, qu'il n'y aura aucun obstacle? L'Empereur est absent. Voyez le prince de Metternich. Demandez-lui s'il est possible que j'entreprenne ce voyage…» Cette simple demande serre le cœur. Elle montre à quel état d'asservissement on avait réduit le fils de Napoléon. Devant la gravité du mal et l'avis des quatre médecins, Metternich daigna se montrer moins rigoureux que d'habitude. «Excepté la France, dit-il, il peut se rendre dans quelque pays qui lui convienne.» Cette réponse calma le jeune prince, qui crut désormais à la possibilité d'un prochain départ pour l'Italie. Mais il n'était pas assez robuste pour en supporter les fatigues; en attendant, on le transporta au château de Schœnbrunn pour lui faire respirer un air plus vivifiant.
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Le voyageur qui visite Vienne et ses environs éprouve une certaine déception à l'aspect de ce palais d'été qui manque d'art et d'harmonie[541]. De la Rudolfstrasse on voit d'abord deux lions qui se font vis-à-vis, puis un petit pont sous lequel glisse l'eau lente et noire de la Wien, puis deux sphinx en pierre. Enfin apparaît la porte centrale et, à droite et à gauche, deux obélisques en marbre rouge, gauchement surmontés d'aigles aux ailes déployées, puis les communs qui servent de corps de garde. La cour d'honneur a un aspect de cour de caserne, malgré ses deux fontaines. Au fond se dresse le grand pavillon avec un escalier à double révolution flanqué de trois corps de bâtiments, dont le dernier forme saillie. De fausses colonnes doriques sans cannelures montent le long de l'édifice. Sur le centre s'appuie un dôme lourd et épais. Lorsqu'on pénètre dans le jardin, qui a les aspects froids des jardins français du dix-huitième siècle, on aperçoit à l'extrémité un grand bassin que domine un groupe de Tritons et de chevaux marins. Dans les charmilles se dressent des statues qui détachent leurs formes blanches sur une verdure épaisse. De la pelouse centrale on arrive par des sentiers sinueux au portique de la Gloriette, qui a la prétention de représenter un arc de triomphe à la gloire de Joseph II et de Marie-Thérèse[542]. De cette hauteur qu'entourent de beaux massifs, on a une vue très étendue sur la ville de Vienne et ses clochers. Sur les bas côtés du château se trouvent les serres, puis à droite un jardin zoologique, un jardin botanique et un autre qu'on appelle le jardin tyrolien. La source qui a donné son nom au château est cachée dans un petit pavillon grec au fond d'un labyrinthe. Une jolie nymphe en marbre blanc tient une urne d'où l'eau cristalline tombe goutte à goutte dans une vasque en forme de coquillage. Adossé au pavillon, dont les sculptures imitent les mousses pendantes et humides, se trouve un charmant groupe d'Amours. Le parc, planté de chênes, d'ormes et de tilleuls, donne l'impression de celui de Versailles, mais avec moins d'art et plus de mélancolie. Un grand escalier, aboutissant à un balcon qui court le long du château, mène aux appartements de l'Empereur. On traverse de beaux salons blanc et or décorés de portraits de famille et de paysages de Rosa, pour arriver à l'appartement du duc de Reichstadt. Il est composé de trois pièces, agrémentées de dorures, de draperies et de laques somptueuses. La chambre à coucher du prince est tendue d'une tapisserie des Gobelins représentant une troupe de reîtres emportant leur butin dans une charrette. Au-dessus des portes figurent des scènes champêtres très gracieuses. Sur un panneau est placé le portrait de l'empereur François Ier. Dans un angle, à droite, se trouvait le petit lit de camp que le prince n'abandonna qu'aux derniers jours de sa vie. La grande fenêtre de la chambre à coucher donne sur les quinconces du jardin et sur deux groupes médiocres: Hercule et Cérès, Pætus et Arria. Cette fenêtre est voisine du grand balcon en fer forgé où le prince épuisé allait respirer plus à l'aise. De sa chambre il apercevait, à l'angle gauche du palais, la sentinelle de garde dans sa guérite de pierre. L'horizon était borné de deux côtés par les charmilles et au fond par la Gloriette. Tel était le dernier séjour du fils de Napoléon, qui ne se rappelait qu'une chose: c'est que son père était venu dans ce château, deux fois en maître, deux fois en vainqueur.
Auprès de son appartement se trouvent le petit salon japonais aux célèbres incrustations de cuivre, plusieurs salles avec des peintures allégoriques ou historiques et les appartements de l'archiduc Charles. Le duc se reposait sur son lit de camp ou sur un grand canapé. Il aimait sa chambre, parce que c'était précisément celle où Napoléon demeura en juillet 1809, avant le bombardement de Vienne et la victoire de Wagram. Il ne consentit à accepter un lit plus commode et plus doux que lorsque la maladie devint plus aiguë. Et cependant le prince se faisait encore des illusions. Vers la fin du mois, le comte de Dietrichstein étant venu l'avertir qu'il était forcé d'aller à Munich: «Je ne suis donc pas si mal, dit-il, car, s'il me croyait en danger, M. de Dietrichstein ne me quitterait pas.» Mais le dépérissement du pauvre malade était un spectacle navrant. La fièvre lente et continue, la fréquence de la toux, la perte partielle de l'ouïe et l'amaigrissement étaient les indices irrécusables du mal dont il souffrait. Les remèdes et les soins énervaient le duc de Reichstadt. Un jour, malgré l'opposition de son entourage, il voulut aller en voiture découvert à Laxenbourg, château voisin de Schœnbrunn. Il y reçut les officiers de garde et causa longuement avec eux. Au retour, il fut surpris par un violent orage, et son état s'aggrava. Pour la première fois le duc se plaignit d'une douleur au côté droit de la poitrine et cracha le sang. Une nouvelle consultation eut lieu et amena les plus tristes pronostics[543].
On avait choisi pour lieu de repos, dans la journée, un jardin séparé du parc où se trouvait un pavillon dont la vue donnait sur une fraîche prairie et des fleurs riantes. Le prince voulait que personne n'y vînt troubler sa solitude. Le maréchal Maison avait demandé à le voir: «Dites au maréchal, fit-il avec tristesse, que je dors. Je ne veux pas qu'il me voie dans ma misère[544].» Il avait de la peine à marcher. Il fallut bientôt le transporter en chaise à porteurs dans le jardin réservé dont l'archiduchesse Sophie lui avait laissé la libre disposition. Cette jeune princesse, fille du roi de Bavière et femme de l'archiduc François-Charles-Joseph, s'était prise depuis huit ans d'une grande affection pour l'infortuné duc de Reichstadt. Son mari aimait beaucoup aussi le prince, qu'il avait connu enfant et avec lequel il avait joué. C'était une consolation que la Providence envoyait au duc, en l'absence de son cher Prokesch. L'archiduchesse Sophie fut émue des résultats de la dernière consultation médicale. Elle comprit que le jeune malade était perdu, et elle s'attacha, comme une tendre sœur, à consoler, à adoucir ses derniers instants. Au moment où la crise s'aggravait, le prélat de la Cour, Mgr Wagner, crut devoir lui dire qu'il fallait penser à le préparer à la mort. Mais on redoutait que cette proposition ne causât quelque angoisse au prince, qui s'abusait encore sur son état réel. L'archiduchesse se chargea spontanément de cette mission délicate. Elle attendait la naissance d'un autre enfant,—car elle avait déjà un fils[545],—et elle persuada doucement au duc de communier avec elle, afin d'unir leurs prières, lui, pour sa guérison, elle, pour son heureuse délivrance. Le duc de Reichstadt, dont la foi était ardente, accepta de grand cœur cette offre pieuse. La communion eut lieu le 19 juin, en présence des princes et princesses de la famille impériale qui, suivant les usages, doivent assister au viatique, mais sans que le duc s'en aperçût. Un silence profond régnait dans l'assistance. L'émotion fut grande, lorsqu'on vit s'approcher lentement de la table sainte et soutenu par l'archiduchesse, le jeune prince qui, déjà aux mains de la mort, allait recevoir le pain de la vie éternelle. En effet, pour ceux qui croient, la vie ne disparaît pas avec la fin apparente de l'être, car ce n'est qu'une transformation et non pas un anéantissement; et si l'édifice où ils ont vécu sur la terre se dissout en peu d'instants, l'habitation qu'ils trouvent dans les cieux est destinée à ne périr jamais… Et dissoluta terrestris hujus habitationis domo, æterna in cælis habitatio comparatur… Le fils de l'archiduchesse Sophie, qui naîtra trois semaines après cette touchante cérémonie, sera l'archiduc Maximilien, celui qui, en 1867, tomba si cruellement sous les balles des soldats de Juarez. Son cercueil dans la «Kaisergruft», à Vienne, est voisin du cercueil de son cousin le duc de Reichstadt. En 1872, l'archiduchesse Sophie, dont les tristes jours avaient résisté à une douleur pourtant inconsolable, alla reposer enfin dans le même caveau. C'est là que sont les empereurs, les impératrices, les archiducs et les archiduchesses, dont les tombeaux se serrent étroitement les uns contre les autres, «tant la Mort, suivant l'effrayante expression de Bossuet, est prompte à remplir les places»!… Ce n'est que par les inscriptions funèbres qu'on reconnaît tous ces princes, car le même mausolée recouvre et voile toutes leurs grandeurs.
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Malgré les avis les plus pressants et les plus pessimistes, la duchesse de Parme ne pouvait se décider à quitter ses États. Le 14 mai, elle écrivait à Mme de Crenneville qu'elle était «assez sotte pour s'inquiéter outre mesure» de la santé de son fils. Depuis quelques mois, elle était devenue pour tous «une bien mauvaise et triste compagnie». Elle se préoccupait beaucoup, «car lorsqu'on est loin, on se fait des monstres». Ce n'était pas le désir qui lui manquât de revenir à Vienne; elle eût été bien heureuse de revoir son fils et de s'assurer par elle-même de l'état de sa santé. «Je crois, disait-elle, que le climat d'Italie lui serait bien pernicieux, car sa poitrine, grâce au Ciel, est tout à fait libre et toute la maladie s'est jetée sur le foie… Il est d'une mélancolie terrible. Il veut toujours rester seul… La cure sera longue.» Elle semblait se créer des raisons pour ne pas reparaître en Autriche. «S'il arrivait, dit-elle, le malheur qu'il devînt plus mal et que le choléra fût ici, je ne pourrais pas aller à Vienne, car je sens que le devoir de tout souverain est de sacrifier ses plus chères affections pour rester au milieu du danger avec ses sujets…» Sans doute, cette conduite paraît digne d'une souveraine, et si Marie-Louise n'avait pas sacrifié à son duché de Parme l'avenir de son fils, on admettrait bien que les obligations de sa couronne aient dû passer ayant ses obligations maternelles. Mais, en réalité, elle n'a pas montré un assez grand attachement à son enfant et à son époux, pour qu'on puisse croire à la sincérité de son dévouement à ses sujets. Quand, sur une dépêche plus inquiétante que les autres, elle consentira enfin à partir, il sera trop tard. Elle aura beau sangloter au pied du lit de ce fils, elle aura beau lui prodiguer ses caresses… elle n'a point fait ce qu'elle devait faire. Elle a abandonné son époux, elle a trahi ses devoirs de femme, elle a oublié ses devoirs de mère. Par son ingratitude, son insouciance, sa légèreté, elle a pour ainsi dire hâté la mort de son enfant. Elle aurait pu empêcher ses fatigues exagérées, s'opposer à ses imprudences, essayer de prolonger par tous les moyens cette existence si chère; elle ne le comprit pas, ou du moins elle le comprit, lorsqu'il n'était plus temps.
Le prince de Metternich avait averti l'empereur d'Autriche, qui se trouvait à Trieste, de l'aggravation effrayante qui s'était produite dans l'état du duc de Reichstadt[546]. Quelque temps après, il disait au comte Appony qu'il redoutait la perte prochaine du prince, atteint d'une phtisie pulmonaire parfaitement caractérisée. Il priait son ambassadeur d'en parler au roi Louis-Philippe, afin qu'il prît garde au prince qui succéderait au duc, comme prétendant à l'héritage de Napoléon. Pour lui, il redoutait le prince Louis-Napoléon Bonaparte, «engagé dans la trame des sectes» et qui n'était pas placé, comme le duc de Reichstadt, «sous la sauvegarde des principes de l'Empereur[547]». Ces derniers mots en disaient assez.
Enfin, le 24 juin, Marie-Louise arriva au château de Schœnbrunn. On avait prévenu le jeune prince, qui attendait sa mère avec une impatience fébrile et qui même aurait voulu aller au-devant d'elle. Marie-Louise avait prié le docteur Malfatti et le général Hartmann de rester auprès du malade, de crainte de quelque accident. L'entrevue fut émouvante. Le duc eut de la peine à se soulever de son lit pour embrasser sa mère, qui retenait difficilement ses sanglots. Elle se retira bientôt dans la pièce voisine pour donner cours à ses pleurs. La frivole créature comprenait maintenant combien elle avait eu tort de ne pas revenir à temps auprès de ce fils que la mort, menaçante depuis un an, allait lui arracher. Le duc, un peu calmé par le retour de sa mère, se reprenait au contraire à espérer. Il croyait qu'il pourrait se rétablir. Il pensait à ce voyage à Naples, tant désiré; il craignait que sa voiture ne fût pas prête assez tôt. Le 12 juillet, le prince Louis-Napoléon, à qui les hasards de la politique réservaient le trône refusé au duc de Reichstadt[548], écrivit à son cousin pour lui exprimer ses inquiétudes au sujet de sa maladie. Il était dans l'anxiété la plus grande. «Si la présence d'un neveu de votre père, disait-il, si les soins d'un ami qui porte le même nom que vous, pouvaient soulager un peu vos souffrances, ce serait le comble de mes vœux que de pouvoir être utile en quelque chose à celui qui est l'objet de toute mon affection…» Il espérait que cette lettre tomberait entre les mains de personnes compatissantes, qui auraient pitié de son chagrin et permettraient à ses vœux d'aller jusqu'au malade. Cette lettre fut remise à Metternich, qui la garda pour lui seul[549].
Dans les quelques jours qui précédèrent sa fin, le duc de Reichstadt se sentit perdu. Il parlait avec calme de ses derniers moments. Le général Hartmann déclara plus tard à M. de Montbel qu'il n'avait jamais vu un soldat mourir avec plus de courage que ce jeune prince. Marie-Louise passait les journées à lui prodiguer des soins, maintenant bien inutiles. Elle maîtrisait sa douleur devant lui, mais s'écartait de temps à autre pour pleurer silencieusement. «Comment se plaindre, disait-elle, quand on vient d'être témoin de si cruelles souffrances supportées avec tant de résignation?…» Se rappelant un jour le berceau superbe offert par la ville de Paris, et où la Victoire, les ailes déployées, présentait à son jeune front une double couronne de laurier et d'étoiles, le prince dit avec un sourire mélancolique: «C'est jusqu'ici l'unique monument de mon histoire… Ma tombe et mon berceau seront bien rapprochés l'un de l'autre!» Ce berceau historique, il en avait fait don au Trésor impérial de Vienne, où il se trouve auprès de l'épée et du sceptre de Charlemagne, de l'épée et du sceptre de Napoléon, roi d'Italie, faibles et derniers restes de tant de splendeurs!
Le 21 juillet, la veille de sa mort, un orage terrible éclata sur Schœnbrunn, avec la même violence que la tempête qui éclatait à Sainte-Hélène le jour de la mort de l'Empereur. La foudre renversa un des aigles qui se trouvent aux angles du château. La population des environs, qui se préoccupait anxieusement de la santé du prince, y vit un présage lugubre. Ce même jour, les souffrances du duc devinrent si aiguës, qu'il ne put s'empêcher de crier: «Ah! la mort! la mort! Rien que la mort peut me guérir!…» Il eut ensuite quelques instants de délire, pendant lesquels il disait: «Qu'on mette les chevaux! Il faut que j'aille au-devant de mon père! Il faut que je l'embrasse encore une fois!…» Puis revenant à lui, il avoua pour la première fois qu'il souffrait cruellement. La fièvre redoublait. En cet instant d'angoisse, Marie-Louise entra. Le duc eut le courage de rassurer sa mère. À ses questions inquiètes, il répondit qu'il allait bien. Pour ne pas l'effrayer, il parla, et avec une certaine satisfaction, de son prochain voyage pour l'automne. Le soir, le docteur Malfatti vit que le terme fatal approchait. Il conseilla au général Hartmann et au baron de Moll de ne point sortir de la chambre. Vers trois heures et demie du matin, le dimanche 22 juillet, le prince ressentit une violente douleur à la poitrine. Il se dressa sur son chevet et cria: «Je succombe… Ma mère, au secours! Ma mère!…» Le baron de Moll et un valet de chambre soutinrent le moribond dans leurs bras, mais comme ses traits prenaient les caractères rigides de la fin, ils firent avertir la duchesse de Parme et l'archiduc François qui se trouvait auprès d'elle.
Marie-Louise et l'archiduc accoururent. Le prélat de la cour, Mgr Wagner, qui depuis plusieurs semaines ne quittait pas le château et qui plus d'une fois s'était gravement entretenu avec le prince, les suivit. Le capitaine Standeiski, le docteur Malfatti, les serviteurs vinrent les rejoindre. Marie-Louise tomba à genoux auprès du lit. Le duc de Reichstadt ne pouvait plus parler. Son regard, obstinément dirigé vers sa mère, semblait lui demander un dernier appui. Le prélat attendri lui montra le ciel. Le prince leva alors les yeux vers la voûte comme pour affirmer qu'il n'espérait plus qu'en Dieu, puis remua deux fois la tête. Cinq heures sonnèrent. Quelques minutes après, il était mort, et l'on emportait Marie-Louise évanouie. Le fils de Napoléon succombait dans la chambre où Napoléon, vainqueur et maître de l'Autriche, songeait à divorcer avec Joséphine et ne savait pas que l'empereur François II était déjà prêt, pour sauver ses États d'une perte certaine, à lui offrir l'archiduchesse Marie-Louise. Le prince issu de cette alliance superbe mourait le même jour où, onze ans auparavant, il avait appris la mort de son père, le même jour encore où l'empereur d'Autriche lui avait retiré son nom glorieux pour lui imposer celui de duc de Reichstadt.
À la nouvelle de sa fin, l'archiduchesse Sophie, qui relevait à peine de ses couches, en ressentit une telle affliction que sa santé inspira, pendant quelques jours, de grandes inquiétudes. L'Empereur, informé à Linz par le baron de Moll, versa d'abondantes larmes. «Je regarde, dit-il, la mort du duc comme un bonheur pour lui. Je ne sais si l'événement est heureux ou malheureux pour la chose publique; quant à moi, je regretterai toujours la mort de mon petit-fils[550].» Il aurait voulu avoir la consolation d'assister à ses derniers moments, et il déplorait d'en avoir été privé. M. de Méneval a été très sévère pour François II, et son jugement me paraît motivé. «Dans des circonstances ordinaires, dit-il, il aurait recommandé à Marie-Louise la fidélité à son époux, mais voyant qu'il ne peut soutenir son gendre proscrit par la ligue des rois, sans manquer à ses alliés, il conseille à sa fille l'oubli de ses liens. Il l'entretient d'illusions qu'il partage lui-même sur son petit-fils impitoyablement sacrifié. Quand il est déçu dans ses espérances pour cet enfant auquel il doit tous ses sentiments de père et une efficace protection, il les oublie en lui témoignant une stérile tendresse. Il le laisse mourir, parce qu'il est empêché par la raison d'État de faire ce qui pourrait le sauver. Il le pleure. Il s'éloigne pour ne pas être témoin de ses derniers moments, et il se console en pensant qu'il est dans le ciel, parce qu'il finit par se persuader que c'est pour le mieux et qu'il n'y a plus de place sur la terre pour cette infortune[551].»
Le pauvre duc de Reichstadt, qui n'avait que l'apanage éventuel des terres bavaro-palatines,—je ne sais s'il en toucha jamais quelque revenu,—et qui ne possédait aucune fortune personnelle, n'avait point fait de testament. Il avait seulement prié sa mère et le comte de Dietrichstein de remettre au chevalier de Prokesch le sabre que son père avait rapporté d'Égypte et les livres qu'ils avaient souvent lus et étudiés ensemble. Pendant toute la journée du dimanche, le duc resta exposé sur son lit de mort, revêtu du blanc uniforme du régiment de Giulay, ayant à son côté le sabre de son père. La gravure, d'après le portrait de Ender, est saisissante. Mais ce qui m'a le plus impressionné, c'est le masque qui a été moulé le même jour sur sa figure amaigrie. Ce masque, dont il a été pris trois moulages, appartient l'un au prince Roland Bonaparte, l'autre au musée de Baden près Vienne, le troisième au musée lorrain de Nancy. J'ai pu voir de près et toucher le second, grâce à l'obligeance du docteur Hermann-Rollett, directeur du musée de Baden. Le masque du jeune prince a été placé à côté de celui de son père. Antomarchi avait rapporté le masque de Napoléon avec l'intention de le remettre au duc de Reichstadt. On sait qu'il ne put s'acquitter de ce devoir sacré. Le hasard voulut que, longtemps après, ce masque fut trouvé par le père de M. Hermann-Rollett, qui en prit soin et le réunit à celui du duc[552]. Ainsi le père et le fils, qui étaient séparés depuis 1814, se sont retrouvés l'un à côté de l'autre sous la forme de ces empreintes fragiles dans un musée autrichien, à quelques lieues de la grande cité où l'un avait paru en vainqueur et l'autre en prisonnier!
Le masque du duc de Reichstadt montre un front bombé, un nez droit et pincé par la mort, des yeux plissés, des pommettes saillantes, un menton très accentué. L'affreuse phtisie a ravagé cette figure si gracieuse, de façon à ne plus laisser que le squelette[553]. Le masque de Napoléon, au contraire, est resté puissant et ferme. Les souffrances et la captivité du héros n'ont pas défiguré sa physionomie altière. Il n'est point sorti dégradé des mains de la mort. On ne peut sans émotion voir ces deux masques réunis, et je suis resté longtemps pensif à les regarder, au milieu de ce musée étranger dont nul visiteur ne troublait alors le silence…
Une foule considérable passa respectueusement devant le corps du prince, pendant toute la journée du 22. Le lendemain, les docteurs procédèrent à l'autopsie. Ils trouvèrent le corps entièrement émacié, la caisse de la poitrine trop étroite en raison de la taille, qui avait cinq pieds neuf pouces, le sternum aplati, le poumon droit ne consistant qu'en un amas de vomiques, le poumon gauche lésé et la trachée-artère corrodée. Les autres organes étaient dans un état normal. Le cerveau et le cervelet, plus compacts que d'ordinaire, n'avaient subi aucune altération… Dans la nuit du lundi, on transporta le cadavre en litière, à la lueur des torches, dans la chapelle du palais impérial à Vienne. Le 24 juillet, dès huit heures du matin, le corps fut de nouveau exposé. La chapelle était tendue de draperies noires, aux armes du prince. Sur un catafalque était placé le cercueil ouvert. À droite se trouvaient la couronne ducale et le collier de Saint-Étienne; à gauche, le chapeau, l'épée et le ceinturon. Devant le cercueil, deux vases d'argent contenaient le cœur et les entrailles, destinés à être enfermés, suivant les usages impériaux, l'un dans l'église des Augustins, voisine de la Burg, et les autres dans la cathédrale de Saint-Étienne. Aux quatre angles se tenaient droits des officiers de la garde autrichienne et des officiers hongrois en grand uniforme. Le soir eurent lieu les funérailles, réglées sur celles du duc Albert de Saxe-Teschen, époux de l'archiduchesse Marie-Christine. Pendant toute la matinée, on avait célébré des messes aux divers autels, et des prières pour les morts avaient été dites par les serviteurs de la Cour.
À deux heures de l'après-midi, on porta le cœur du prince dans l'église des Augustins et on le plaça près de l'admirable mausolée de Marie-Christine, le chef-d'œuvre de Canova. À cinq heures, le corps, étant bénit, fut replacé dans le cercueil. Les valets de chambre impériaux le prirent et le déposèrent sur le char funèbre. Le temps était très beau. Les habitants de Vienne étaient accourus en grand nombre. Le convoi se mit en marche par la Josephplatz, précédé de jeunes orphelins portant des torches, d'un détachement de cavalerie, de valets de la Cour à cheval et de voitures de la Cour. Les hussards de Saxe-Cobourg et de Wurtemberg, avec le régiment de Wasa, formaient la haie. Le char était un antique carrosse recouvert de maroquin rouge, orné de clous dorés et tiré par six chevaux blancs, tenus en main par des valets de pied aux livrées d'Autriche. De chaque côté marchaient des pages portant des flambeaux allumés. Les voitures de parade, aux énormes roues sculptées et d'un verni rouge vif, contenaient le clergé et les personnes de la Cour. Venaient ensuite les gardes du corps avec les officiers du prince et sa maison militaire, puis une compagnie de grenadiers et un détachement de cavalerie.
Le convoi suivit la place de l'Hôpital et arriva à la petite église des Capucins, sur la Neue-Markt. Là, le représentant du premier grand maître de la Cour frappa à la porte de l'église, déclina les noms et qualités du défunt et sollicita humblement l'entrée du temple. Le corps fut déposé sur un catafalque. Les princes et princesses étaient déjà réunis dans le sanctuaire. Après les absoutes, les Capucins descendirent eux-mêmes le cercueil dans la Kaisergruft ou «caveau impérial». Le grand maître de la Cour, le major général et le baron de Moll seuls les suivirent. Là, le grand maître fit rouvrir le cercueil et montra le corps du prince au Père gardien. Puis il fit refermer le cercueil, remit une des clefs au Père et l'autre au directeur du bureau de la grande maîtrise. La Cour allait prendre le deuil pour six semaines. Les obsèques étaient terminées.
La mort a encore une fois fait son œuvre. Mais, grâce à elle, l'infortuné prince est affranchi du fardeau qui pesait sur ses trop faibles forces. Il entre, déjà consolé, dans cette vie qui n'a ni les déceptions ni les amertumes de la terre. D'immortelles joies l'attendent. Il va y trouver enfin l'oubli des maux que les événements et les hommes lui avaient prodigués.
Voici comment le maréchal Maison informa son gouvernement de la fin du prince:
«Baden, 22 juillet 1832.
«M. le duc de Reichstadt est mort ce matin à cinq heures au palais de Schœnbrunn. Il paraît que ce n'est point aux progrès naturels de la maladie dont il était atteint que ce jeune prince a succombé, mais que les complications d'un accident intérieur sont venues hâter ce triste dénouement, considéré, d'ailleurs, comme inévitable. Sa Majesté l'archiduchesse Marie-Louise est plongée dans la douleur la plus profonde.
«MAISON.»
Le bruit courait à Vienne que la secousse produite en elle par cette mort avait été si vive que l'on craignait pour ses jours. Il y avait là un peu d'exagération. Voici ce que Marie-Louise écrivait, quelque temps après, à la comtesse de Crenneville: «Vous me reverrez bien sûr à Vienne; si longtemps que mon bon père vivra, j'y viendrai aussi souvent qu'autrefois. Cela me fera même du bien. Quoique les souvenirs soient douloureux, j'y en aurai au moins de celui que je pleure; au lieu qu'ici, je ne rencontre aucun lieu où je puis dire: Il a fait ceci, cela, etc., et alors la vie me paraît bien triste et le monde désert… Jugez de ce que je dois souffrir de rester ainsi oisive, livrée à mes pensées et, par conséquent, uniquement à ma douleur. Si je n'avais pas Albertine et Guillaume, qui réclament encore mes soins, je demanderais au bon Dieu de m'appeler à lui pour rejoindre les deux personnes que j'ai perdues et qui m'étaient les plus chères au monde; mais les enfants qui me restent me font un devoir de traîner encore ma triste existence…[554]» Dans les deux personnes que Marie-Louise pleurait, on ne peut placer Napoléon, et, dès lors, c'était le souvenir de Neipperg qui l'attendrissait autant que celui de son fils.
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Plus perspicace que Marie-Louise, M. de Prokesch avait eu de tristes pressentiments en quittant le duc de Reichstadt au mois de février, mais cependant il espérait le revoir. Il était encouragé dans cette espérance par une lettre du comte Maurice Esterhazy qui lui écrivait de Naples, à la date du 14 juillet: «Vous aurez le bonheur de voir encore l'intéressant jeune homme qui touche déjà au terme de sa trop rapide carrière. Vous recevrez ses adieux! Il doit se sentir quitter la vie en exilé, cherchant autour de lui quelqu'un habitué à comprendre sa langue pour lui adresser ses derniers regrets… Peut-être vous est-il réservé de les recueillir… J'envie votre sort, sans pouvoir espérer le partager…» Esterhazy suppliait le chevalier de Prokesch-Osten de lui faire parvenir de Vienne quelques détails sur ce douloureux sujet[555]. M. de Prokesch était entré à Rome en rapports familiers avec le colonel prince Pompeio Gabrieli, mari de Charlotte Bonaparte, fille de Lucien. Les relations si affectueuses qu'il avait avec le fils de Napoléon les lièrent bientôt. Le 20 juillet, le chevalier, rappelé subitement par le prince de Metternich,—car sa mission était terminée,—vint prendre congé du prince Gabrieli. La princesse Charlotte lui demanda s'il ne voyait aucun inconvénient à aller avec elle voir la mère de Napoléon, Mme Lætitia, qui habitait Rome et qui désirait vivement connaître l'ami fidèle de son petit-fils. Prokesch répondit que l'on se ferait une fausse idée de son gouvernement, si l'on supposait que, dans la démarche respectueuse de l'un de ses agents, il verrait un autre motif que le désir de porter des consolations à une vénérable aïeule, cherchant à avoir des nouvelles d'un prince qui lui était si cher.
Le lendemain, 21 juillet, le chevalier de Prokesch et la princesse Charlotte se rendirent place de Venise, au palais de Mme Lætitia. Ils pénétrèrent dans un vaste et sombre appartement. La mère de Napoléon apparut au diplomate autrichien à moitié aveugle et presque paralysée. Elle était vêtue de noir. Malgré ses quatre-vingt-quatre ans et ses infirmités, elle se dressa, salua noblement Prokesch, puis, épuisée par cet effort, se laissa retomber sur un sofa, en invitant son visiteur à y prendre place. Celui-ci n'hésita pas à lui parler immédiatement de son petit-fils et à lui dire tout ce qu'il savait, tout ce qu'il redoutait. Elle l'écouta en pleurant. Les détails, qui lui furent donnés sur l'intéressante victime, firent une certaine diversion à sa douleur. Elle questionnait avidement. Elle voulait connaître ses qualités, ses penchants. Elle cherchait à retrouver des traits de ressemblance entre Napoléon et son fils. Elle fut satisfaite d'apprendre que le roi de Rome—elle ne le connaissait que sous ce nom—était traité avec les plus grands égards. Elle pria Prokesch de porter à son petit-fils cette parole qui résumait toutes ses pensées et tous ses vœux: «Qu'il respecte les dernières volontés de son père! Son heure viendra, et il montera sur le trône paternel…» Hélas! au moment même où elle parlait, son heure était venue… Mme Lætitia promit ensuite à Prokesch de lui faire remettre pour le prince sa propre miniature avec une boucle de cheveux de son père. Le chevalier se disposait à partir, lorsqu'elle le retint et fit un suprême effort pour se redresser. «Sa personne, dit-il, me parut grandir et un air de majestueuse dignité l'enveloppa.» Prokesch sentit qu'elle tremblait. «Ses deux mains se posèrent sur ma tête.» Il devina son intention et plia le genou. «Puisque je ne puis arriver jusqu'à lui, murmura-t-elle, que sur votre tête descende la bénédiction de sa grand'mère qui bientôt quittera ce monde!…» Puis elle embrassa Prokesch et, soutenue par la princesse Charlotte, demeura quelque temps silencieusement penchée sur lui. Quand elle se fut rassise sur le sofa, le chevalier lui baisa la main en prononçant des paroles que lui suggéra son cœur attendri par cette scène auguste.
Le 22 juillet, Prokesch sortait de Rome et s'acheminait en toute hâte vers Vienne, porteur des souvenirs de Mme Lætitia, lorsqu'en route, à Bologne, il apprit la mort de son jeune ami. Sa surprise, son chagrin furent tels qu'il en demeura comme paralysé le reste du voyage. À son arrivée à Vienne, il alla voir le docteur Malfatti et ceux qui avaient assisté aux derniers moments du prince. Il voulut connaître tous les tristes détails de l'agonie et de la mort, et le duc de Reichstadt fut longuement pleuré par lui. Prokesch obtint ensuite une audience de l'Empereur. François II eut le bon goût de le louer d'avoir tenu une conduite respectueuse envers la mère de Napoléon, conduite que l'ambassadeur d'Autriche à Rome avait seul osé blâmer. Prokesch écrivit à la princesse Charlotte. En l'entretenant de la triste nouvelle, il lui demandait les intentions de Mme Lætitia sur les objets qu'elle lui avait confiés. La princesse répondit que Madame Mère le priait de renvoyer les portraits, mais de garder l'étui à jeu de Napoléon «en souvenir de l'heure de bonheur qu'elle lui avait due, à la veille de la mort du duc». Le chevalier de Prokesch conserva ce précieux souvenir, qu'il fut heureux de léguer à ses enfants.
Il leur a légué quelque chose de plus précieux encore: le souvenir d'une bonté, d'une grâce, d'une délicatesse exquises à l'égard du prince que l'Autriche gardait comme un otage. Dans cette relation si touchante et si sincère, à laquelle j'ai été heureux de me reporter souvent, le chevalier fait preuve de la plus touchante modestie. Il s'étonne que le fils du grand Empereur, «dont les monarques avaient entouré le berceau de leurs hommages, que des millions de Français avaient acclamé et que toute l'Europe avait salué comme l'ange de la paix», il s'étonne, dis-je, que le prince ait eu tant de confiance pour un officier de rang inférieur dans l'armée autrichienne… Il n'y a là rien de surprenant. Le fils de Napoléon, entouré d'ennemis ou d'indifférents, avait, dès la première heure, deviné un ami véritable dans celui qui avait défendu son père au moment où tous le calomniaient. Il avait eu l'heureuse fortune de découvrir le cœur fidèle et dévoué dont son jeune cœur avait besoin, dans l'homme qui, dès ses premières paroles, s'était rendu à son appel et qui, ne redoutant ni la disgrâce, ni les calomnies, ni les méchancetés, lui aurait volontiers sacrifié son avenir. Le duc s'était senti attiré aussitôt par la plus vive sympathie vers le seul être qui parût digne de l'initier aux exigences de la vie et aux nobles devoirs de la carrière militaire. C'est à cet homme, en effet, qu'il pouvait confier ses vœux, ses désirs et ses illusions, sûr de retrouver en lui l'écho de sa pensée. C'est par Prokesch qu'il avait pris confiance en l'avenir et en lui-même. C'est à lui qu'il avait été redevable de quelques jours de fierté, de joie et d'apaisement après tant d'épreuves et de tristesses. C'est grâce à lui, à ses conseils si prudents et si sages, qu'il avait pu parer à certaines éventualités, échapper à certains pièges où sa jeunesse imprudente et généreuse serait facilement tombée. Aussi le prince a-t-il pu écrire que la reconnaissance et l'affection l'attachaient à jamais à lui. Il l'a plus d'une fois serré sur sa pauvre poitrine, comme s'il n'eût eu que cet ami et ce défenseur. «Un jour, un de ses camarades de jeu, rapporte Prokesch, lui insinuait de ne pas se fier à moi. Que fit-il? Il me donna la main, me raconta tout et me pressa sur son cœur en s'écriant: «Ces gens-là ne vous connaissent pas; mais moi, je vous connais.» Une parole aussi confiante était la plus haute marque d'estime pour cet ami fidèle, et en même temps la plus méritée. Fidèle, Prokesch le fut en effet, car jamais il ne sacrifia son amitié à la faveur des puissants. Aussi cette attitude si droite et si courageuse lui fit-elle rendre la justice qui lui était due. Par ses talents et sa réelle valeur, il atteignit les postes les plus élevés, mais nulle part il ne fut si grand que dans cette conduite généreuse et dévouée à l'égard de l'infortuné fils de Napoléon. Que dire encore?… Il mérita d'être son ami. Et cette amitié, toute d'honneur et de délicatesse, fondée librement sur la similitude des goûts pour tout ce qui était grand et beau, n'ayant que des vues loyales et désintéressées, réunit, pendant deux ans, leurs pensées et leurs volontés; elle formait un de ces sentiments dont le poète disait qu'il n'était rien de plus doux dans les choses humaines[556].
M. de Prokesch avait désiré savoir toutes les causes de la mort prématurée du prince impérial. Le prince de Metternich lui dit que cette mort avait eu son point de départ dans un affaiblissement naturel provenant d'un développement physique exagéré. Le rapport officiel sur l'autopsie confirmait cette opinion, mais n'expliquait pas les raisons primordiales de la maladie. Après avoir longuement observé et réfléchi, M. de Prokesch a pu dire avec raison: «Le prince a succombé au chagrin qui le dévorait et qui était le résultat de sa situation et de l'inactivité à laquelle étaient condamnées ses plus nobles facultés. Il m'est impossible de renoncer à la conviction qu'une jeunesse heureuse et active aurait beaucoup contribué à fortifier le corps, et que l'arrêt qu'a subi le développement des organes a été le résultat des souffrances morales. J'ai assez connu cette âme pour comprendre que ses tourments avaient dû briser le corps…» En effet, si sa mère avait compris quels étaient ses vrais devoirs, elle eût pu par des soins intelligents, assidus et tendres, retarder l'époque de la crise fatale et peut-être même opérer dans sa nature un revirement salutaire. Si la politique implacable de M. de Metternich, qui le détenait en Autriche comme dans une prison et qui l'excluait à jamais de tous les trônes, eût bien voulu donner à cette juvénile et ardente ambition quelque dérivatif noble et puissant, à sa pensée toujours en feu quelque aliment substantiel, à son besoin d'expansion une confiance sincère; si l'Empereur lui avait laissé entrevoir sincèrement, et sans restrictions subtiles, la possibilité d'arriver à la situation et à la gloire d'un autre prince Eugène et, de par sa volonté absolue, avait ménagé ses jours en lui interdisant trop de labeurs et d'exercices stériles, le prince eût pu vivre plus longtemps. Mais il intéressait trop peu d'esprits à son avenir, et, d'autre part, ceux qui présidaient aux destinées de l'Europe et qui redoutaient les retours capricieux de la fortune, virent sans aucun regret s'éteindre la vie éphémère du fils de Napoléon.
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Les journaux viennois apprirent à leurs lecteurs qu'une mort douce avait terminé les longues souffrances de Son Altesse le duc de Reichstadt. L'Observateur autrichien, du 25 juillet, rendait hommage à la peine de Marie-Louise, en des termes qui ont quelque chose d'officiel: «Sa Majesté l'archiduchesse, duchesse de Parme, qui, depuis son arrivée, a soigné son fils chéri avec une tendresse maternelle, est, ainsi que toute la Cour, plongée dans la plus profonde douleur… Cette douleur est vivement partagée par les habitants de cette capitale[557].» En Allemagne, on manifesta une émotion modérée. La Gazette d'Augsbourg (31 juillet) annonçait ainsi la triste nouvelle: «Une mort lente a mis fin à l'existence douloureuse du fils de Napoléon. On a fait aujourd'hui même des préparatifs pour le départ de la mère du prince, dont l'affliction est voisine du désespoir.» Il y avait une exagération singulière dans ces dernières lignes, car Marie-Louise supportait son chagrin avec résignation. Le Correspondant de Nuremberg ajoutait à la nouvelle de la mort du duc de Reichstadt une réflexion sympathique: «Qui pourrait, disait-il, refuser quelques larmes à un jeune prince dans le berceau duquel était tombée une couronne, au fils unique enfin de l'Homme du siècle, qui devait régner sur des rois et sur des peuples, et continuer par l'amour une dynastie fondée par la force et par la terreur?…» Un journal de Francfort-sur-le-Mein déclarait que la mort du jeune Napoléon avait produit une grande sensation. «Les amis de la France, ajoutait-il, regrettent en lui le fils du grand homme que l'Allemagne, pour un moment et à juste titre, a pu haïr, mais qu'elle a toujours admiré…» Le journal allemand faisait encore une observation qui mérite d'être reproduite: «Cet événement, disait-il, prive l'Autriche d'une ressource dont elle aurait pu profiter contre le gouvernement français… Le cabinet d'Autriche a toujours regardé la personne du duc de Reichstadt comme un moyen de menace. M. de Metternich l'a dit bien des fois: «Le gouvernement français croit que c'est dans son intérêt que nous gardons Reichstadt, mais c'est aussi un peu dans l'intérêt autrichien.»
En Angleterre, la presse s'occupa de l'événement, sans y mettre trop d'insistance. Le Times repoussait, comme toutes les feuilles sensées, l'accusation d'empoisonnement, et il accentuait l'observation faite par le journal de Francfort. «L'Empereur et son rusé conseiller Metternich, disait-il, connaissaient parfaitement le gage qu'ils possédaient dans la personne d'un Napoléon, pour tout ce qu'ils auraient voulu entreprendre contre la France. Ils avaient cherché à lui donner une éducation allemande, mais ils savaient qu'il pourrait fort bien avoir un cœur français: ils le tenaient éloigné de l'Italie, mais ils sentaient que l'influence du nom et de la gloire de son père pourrait être l'équivalent d'une armée et même, dans les dernières négociations, au sujet de l'intervention autrichienne dans les Légations romaines, l'important otage de Schœnbrunn ne fut pas oublié comme gage de paix ou d'instrument d'hostilité.» C'est ce que démontraient exactement les dépêches confidentielles de Metternich à Appony. «Sa mort prématurée, ajoute le journal de la Cité, a donné lieu à un sincère chagrin, sinon à des regrets, de voir dissiper les espérances attachées à son nom par les amis de l'indépendance italienne et peut-être française. Au reste, il vaut mieux que le jeune homme soit mort.»
Les journaux français furent généralement sympathiques au prince. Le Moniteur du 1er août rendit ainsi compte de sa fin, dans la partie non officielle: «Le 22 juillet, à cinq heures du matin, après une courte agonie, le duc de Reichstadt est mort au château de Schœnbrunn. Nous n'étions pas de ceux qui pensaient qu'il y eût pour lui une succession à recueillir en France; les hommes comme Bonaparte ont une étoile qui commence avec eux et finit avec eux. On n'est pas le prédestiné de la Providence à la seconde génération.» Le Moniteur ajoutait qu'au point de vue philosophique, il fallait se réjouir de cet événement pour la victime condamnée à un double exil: exil de la patrie, exil du trône. «Mais à ne voir qu'une vie de jeune homme s'éteignant un peu après vingt ans, à ne voir que ce nom retentissant auquel on avait prêté autrefois tant d'avenir, sitôt fini, sitôt réfugié dans l'histoire, un sentiment douloureux vient vous saisir, destiné à être unanimement partagé.» La Quotidienne du 3 août rapportait que le Constitutionnel avait dit que Napoléon II avait en France, sinon un parti, au moins de nombreux partisans, et que c'était un héritage que les factions allaient disputer au gouvernement; «À quel titre, remarquait la Quotidienne, le gouvernement se présenterait-il pour recueillir une part quelconque dans l'héritage de Napoléon? Que peut-il y avoir, en effet, de commun entre l'opinion bonapartiste et le juste milieu?» Et le journal légitimiste disait que la différence entre le régime impérial et le régime actuel était celle-ci: «Gloire et honte! Grandeur et abaissement!» Le 5 août, il publiait un beau poème de Guiraud, mais qui n'avait ni l'ampleur des vers de Victor Hugo, ni l'originalité touchante des vers de Béranger.
La Gazette de France, à la date du 1er août, répétait mot pour mot ce que le maréchal de Castellane consignait dans son Journal[558]. «Le duc de Reichstadt a succombé à Schœnbrunn, le 22 juillet, à une maladie de poitrine. C'est un événement. Le jeune Napoléon vient de finir une vie qui n'a été qu'une espérance. La France ne peut manquer de prendre un véritable intérêt à la mort de ce jeune homme, dont le père a porté si loin l'éclat et la gloire du nom français. Personnellement, il était digne d'intérêt par son esprit, par l'aménité de son caractère et par ses qualités précoces…» La Gazette ajoutait que Napoléon avait voulu un héritier de son nom et que, pour ce rêve, il avait perdu son avenir. L'Empereur et sa dynastie passaient comme un météore, différant en cela de cette race royale où l'on peut dire: «Le Roi ne meurt pas!» La Revue des Deux Mondes[559] s'exprimait ainsi sur cet événement: «Il est mort, le pauvre jeune homme, parce qu'il s'est dévoré lui-même, parce que l'air lui a manqué dans cette Cour dont on lui avait fait un cachot. Il est mort, parce que se voyant oublié par la France de 1830, il a désespéré de l'avenir. Il est mort, parce qu'il n'a pu venir embrasser la Colonne[560]!…» La Chronique disait: «La mort du duc de Reichstadt semble, en tout cas, devoir consolider les bases sur lesquelles reposent la paix et la tranquillité de l'Europe.» Le Temps faisait ces réflexions philosophiques: «Le jeune fils de Napoléon vient de mourir, à Schœnbrunn, de son exil et de l'impuissance de son parti. Les dynasties ne sont plus rien depuis que la souveraineté populaire est tout.» Le Constitutionnel était plus ému: «Le fils de Napoléon est mort. Cette nouvelle, longtemps prévue, a produit dans Paris une sensation douloureuse, mais calme. Cette fin obscure d'une vie à laquelle de si belles destinées avaient été promises, ce pâle et dernier rayon d'une gloire immense qui vient de s'éteindre, quel sujet de tristes méditations!» Enfin M. Thureau-Dangin dépeint ainsi l'attitude d'une partie de la presse parisienne: «En août 1832, tous les journaux de gauche célébreront pieusement les funérailles du duc de Reichstadt.» C'est avec le nom et les souvenirs de Napoléon qu'Armand Carrel et ses amis persisteront à faire opposition au gouvernement de Louis-Philippe; suivant eux, la France seule devait «continuer le grand homme». On sait à quels résultats aboutit leur campagne et de quelles illusions ils furent les victimes.
Le théâtre essaya de s'emparer d'un sujet aussi dramatique que la mort du fils de Napoléon. «Un matin, disent Jacques Arago et Louis Lurine dans la préface de leur pièce: Le duc de Reichstadt[561], nous lûmes dans les feuilles publiques: «Le duc de Reichstadt vient de mourir au château de Schœnbrunn.» Comme tant d'autres, nous déplorâmes par quelques religieuses paroles la triste fin d'un prince que sa naissance avait appelé à de si hautes destinées. Et puis nous nous dîmes: Il y a tout un drame dans la vie de ce fils de Napoléon, un drame avec des larmes, un drame sans scandale, sans hostilité pour aucun parti… Ce n'est pas pour un cadavre que les hommes se font la guerre aujourd'hui. Achille et Patrocle sont morts depuis bien des siècles. Nous prîmes la plume, et, le surlendemain, le drame était achevé. Le Vaudeville, par prévision, avait déjà reçu sur ce triste sujet un ouvrage de trois auteurs à l'âme ardente, à la pensée généreuse. Le Palais-Royal, veuf de Mlle Déjazet, n'osa pas essayer; les Variétés et le Gymnase refusèrent de rappeler une aussi récente catastrophe. Que faire? L'œuvre était là; nous la livrâmes à l'impression. C'est une larme sur une bière, c'est un dernier adieu à une dernière espérance… Rien ne ranime un mort: la voix la plus faible ranime un souvenir.» Les auteurs, qui ne s'étaient pas fatigués à inventer une trame compliquée, avaient supposé que le duc de Reichstadt aimait la jeune Marie, fille d'un vieil officier français. Cette jeune fille devait être une autre Odette qui calmerait ses inquiétudes et ses terreurs. Mais le précepteur du duc, Malden, entoure le prince d'une surveillance méchante. Ainsi il s'empare du poème de Barthélémy, le Fils de l'Homme, et le jette au feu. «À quoi s'occupe le duc? demande Berthini.—À rien.—Et vous?—Je l'aide.» Le duc apprend tout à coup que Napoléon est son père; il se livre à la joie et à des rêves de gloire. Mais la maladie le terrasse, et il meurt sans avoir pu tirer l'épée. Il meurt en revoyant sa mère et en lui disant: «Je vous plains, madame, de n'être plus la veuve de Napoléon!» On voit que ce drame était bien anodin[562]. Le 13 juin 1850 seulement, le théâtre de l'Ambigu représenta un grand mélodrame en cinq actes et douze tableaux intitulé le Roi de Rome, et dont les auteurs étaient Charles Desnoyers et Léon Beauvallet. Le duc de Reichstadt, qu'un brave sergent de grenadiers, Michel Lambert, avait voulu enlever à l'Autriche et ramener en France, meurt à Schœnbrunn. Une jeune orpheline, Jeanne Muller, son amie, est prise de désespoir et se fait religieuse. Le tableau de Steuben, qui représentait le roi de Rome endormi sur les genoux de son glorieux père, fut très applaudi. Une foule considérable acclama ce mélodrame qui remuait en elle des sentiments patriotiques et, dans une apothéose solennelle, réunissait Napoléon Ier et Napoléon II. Le ministère du prince président avait été favorable à la représentation de cette pièce. Ce fut une des nombreuses manifestations, habilement conçues, qui préparèrent les esprits à la restauration de l'Empire avec Napoléon III[563].
CONCLUSION
Une question s'impose à la fin de cet ouvrage. En admettant que le fils de Napoléon eût été heureusement servi par les circonstances et par les hommes, en admettant que, plein de force et de vigueur, il eût réussi à monter sur le trône, aurait-il pu s'y maintenir?
On a dû remarquer, au cours de ce récit, qu'un de ceux qui étaient le plus à même de juger la situation, François II, ne cessa de parler à son petit-fils, dès la révolution de 1830, de son avènement probable et parfois en termes peu équivoques. Ne lui avait-il pas dit, un jour où les rapports étaient devenus acerbes entre le cabinet de Vienne et celui des Tuileries, à la suite de la révolte dans les duchés italiens: «Tu n'auras pas plus tôt paru sur le pont de Strasbourg que c'en sera fait des d'Orléans…»? N'avait-il pas dit une autre fois que, si le peuple français demandait son petit-fils, il ne s'opposerait pas à le voir monter sur le trône de France? Aussi, grâce aux ouvertures faites par l'empereur d'Autriche lui-même, les rêves du duc étaient-ils devenus des espérances. Il savait que les salons officiels discutaient ouvertement ses chances d'avenir. Sans l'opposition formelle de Metternich, le jeune prince eût peut-être cédé à une tentation irrésistible et eût couru les chances dont on parlait. Examinant, avec une gravité au-dessus de son âge, le régime qui venait de succéder à la seconde Restauration, il s'était dit que le fils de l'Empereur et de Marie-Louise pouvait offrir aux Français et aux puissances des garanties plus solides que Louis-Philippe. S'il avait pu connaître les sympathies secrètes de l'armée pour sa personne, les agissements de Joseph Bonaparte, de Mauguin, de Cavaignac, d'Armand Carrel, des bonapartistes, des libéraux et des républicains qui poussaient à une action immédiate contre le gouvernement de Juillet, il se fût prononcé. Que de fois il s'était demandé de quel droit on faisait expier au fils les fautes du père; pourquoi on le privait d'une succession qui avait été rouverte par une révolution imprévue; pourquoi on le privait d'un trône qui lui appartenait par droit d'hérédité. L'Empereur n'avait-il pas abdiqué en sa faveur, et les Chambres ne l'avaient-elles pas officiellement proclamé sous le nom de Napoléon II?
À ces illusions, à ces espérances, il faut répondre catégoriquement. Si Napoléon, malgré le prestige et la gloire dont il s'était environné et qui avaient rejailli sur la France,—car nul Français n'a oublié Arcole, Rivoli, Marengo, Austerlitz, Iéna, Wagram,—si Napoléon avait été obligé de se reconnaître incapable de gouverner une nation qui ne voulait plus de guerres et d'aventures, même glorieuses, comment son fils, avec sa jeunesse et avec son inexpérience, aurait-il pu s'acquitter d'une tâche aussi difficile?… Parfois, lorsque la raison venait tempérer ses ardeurs juvéniles, il le reconnaissait lui-même, et il se demandait avec anxiété s'il aurait la force nécessaire pour mener à bien une telle œuvre. Lui qui avait tant étudié l'histoire, il se rappelait le cri qui avait échappé à Marie-Antoinette et à Louis XVI, lorsque le pouvoir les surprit: «Ô mon Dieu, prenez pitié de nous! Nous régnons trop jeunes!…» Quelle aurait été, d'ailleurs, sa situation immédiate? Il serait arrivé en pleine tourmente, au moment où la rue s'agitait, où l'émeute grondait à toute heure. Le nom de Napoléon aurait-il suffi à calmer les passions déchaînées? «Mon fils même, avait dit un jour l'Empereur, aurait souvent besoin d'être mon fils pour me succéder tranquillement.» Et une autre fois: «La nation a bien consenti à être gouvernée par moi, parce que j'avais acquis une grande gloire et rendu de grands services.» Mais où était la gloire, où étaient les services du duc de Reichstadt?… À supposer même qu'avec le talisman du nom de son père, il eût arrêté momentanément les dissensions dans le pays, ne se fût-il pas trouvé aussitôt en face de graves difficultés extérieures? La Pologne, la Grèce, l'Italie n'auraient-elles pas réclamé l'épée du fils de Napoléon? Serait-il, lui si généreux, resté sourd à leurs appels, et ses élans, ses désirs impatients de luttes et de combats pour le plus grand honneur de la France, auraient-ils pu demeurer inertes? Sans doute, les dernières instructions paternelles lui avaient conseillé une politique pacifique, mais cette politique convenait plutôt à un prince âgé qu'à un prince jeune, de nature chevaleresque. Pouvait-il vraiment oublier les victoires qui avaient porté si haut le nom de Napoléon? Pouvait-il en demeurer simplement l'admirateur, sans essayer de grossir un jour le nombre de ces victoires? Enfin avait-il l'expérience, la puissance, l'habileté et l'audace suffisantes pour résister aux divers ennemis qui se seraient bientôt ligués contre lui? Sur quels hommes se serait-il appuyé? Où étaient les ministres sincères, fidèles, dévoués, constants dans leurs desseins, sans attaches et sans compromis, qui allaient se trouver prêts à lui suggérer et à pratiquer avec lui une politique équitable et prudente? Si bien doué qu'il fût, il n'avait pas la prétention de gouverner à lui seul la France.
À cela ses partisans répondent que, la France et l'Europe acceptèrent plus tard un Napoléon qui n'avait pas sa valeur intellectuelle. Soit, mais cela s'est passé après un laps de vingt ans, c'est-à-dire après l'expérience de la monarchie de Juillet et de la seconde République, après une préparation adroite et des machinations savantes. Louis-Napoléon avait eu l'habileté de se faire connaître à la France, de se créer des amis résolus, de se préparer tout un personnel et de s'emparer peu à peu du pouvoir, de conquérir le trône par un violent coup d'État et de chercher à s'en justifier par l'approbation du peuple… La France ne connaissait pas le duc de Reichstadt. M. de Metternich l'avait si bien séquestré et si opiniâtrement éloigné de tout ce qui était Français, que partout on le croyait élevé comme un archiduc, avec des sentiments exclusivement autrichiens. Le chancelier, dont la rancune inapaisée poursuivait encore le père dans le fils, avait laissé dire, sans se donner la peine d'apporter un démenti, que l'on cachait au prince la vie et la gloire de Napoléon. L'aventure du poète Barthélémy et du Fils de l'Homme avait accrédité cette légende. Le duc de Reichstadt s'en était aperçu, et il en souffrait cruellement. Il avait lu, il lisait des journaux français qui, par méchanceté ou par ignorance, l'accusaient de n'être qu'un Allemand. Plus d'une fois, au cours de ses voyages, M. de Prokesch avait eu à soutenir le contraire et à le défendre surtout au sujet de son éducation, qu'on disait avoir été habilement préparée pour étioler son intelligence.
À la Cour même d'Autriche, on le connaissait peu, on ne le comprenait pas. Certains, ne saisissant pas sa réserve, lui reprochaient d'être taciturne et peu communicatif. D'autres l'appelaient capricieux ou entêté, parce qu'il avait horreur des petites exigences mondaines, ou parce qu'il était résolu à maintenir énergiquement toutes ses idées. Quelques-uns même lui trouvaient de la dissimulation, appelant ainsi ce qui n'était que du tact ou de la prudence. Comment ce jeune Français, captif dans une Cour étrangère ou ennemie, eût-il pu s'abandonner à des hommes qui ne comprenaient pas sa nature droite et fière? Il avait acquis un ami sûr et fidèle. C'était assez pour son cœur. Mais les calomnies des uns, les faux jugements des autres le préoccupaient et le minaient sourdement. Son ambition inassouvie et la séquestration dont il était victime, les efforts inutiles qu'il tenta pour satisfaire l'une et se délivrer de l'autre, la crainte de servir la politique des Cours étrangères ou des factions, la méconnaissance de sa valeur réelle, et surtout l'abandon où le laissait une mère frivole qui n'avait pas, comme lui, le respect et le culte de Napoléon, aggravèrent la maladie qui l'emporta. Il ne pouvait vraiment pas se résigner à vivre comme un simple officier ou même comme un archiduc. Roi de Rome, fils de l'Empereur, né et élevé au milieu de véritables prodiges, lui était-il possible d'oublier ces titres uniques? Et impuissant à remplir sa destinée, il se sentait un être fatalement désigné à l'immolation. Il lui fallait, avant la chute du rideau, disparaître d'une scène où il avait espéré jouer le premier rôle. Après ces observations, n'est-on pas amené à se demander s'il faut regretter avec trop d'amertume la perte si rapide d'une existence qui eût été soumise à tant d'épreuves? «Sa fausse position, a dit Prokesch, ne faisait-elle pas son plus grand tourment, et y avait-il une autre fin pour celui dont les affections, les désirs et les espérances se livraient un continuel combat dans son âme?… Ne le plaignons pas de sa mort prématurée. Une telle mort, après avoir recueilli l'héritage de l'esprit et du caractère de son père, est une belle fin. Le père ne mourut complètement que dans le fils.» C'est à cette conclusion qu'arrivait également le comte Maurice Esterhazy: «Malheureuse victime! disait-il. De tant de grandeurs n'hériter que la mort! Mais peut-être est-ce un bien pour lui? Pourquoi le plaindre? Sa destinée n'offrait que peu de chances de bonheur, et dans les alternatives que laissait entrevoir son avenir, la mort se présentait souvent comme le cas préférable. Ses devoirs eussent été nombreux, souvent opposés, peut-être incompatibles!… Une gloire incomplète eût été un malheur pour lui, et la médiocrité, un crime.»
Dans la lettre de Prokesch sur la mort du duc de Reichstadt[564], lettre si peu connue qu'elle semble aujourd'hui presque inédite, se trouve un touchant portrait du fils de Napoléon qui m'apparaît comme le résumé de tout ce que je viens d'écrire et qui doit avoir sa place ici même: «Je le vois devant moi avec cette jeune figure, avec cette taille svelte et élancée, pleine de dignité dans son port et dans ses mouvements, souple et habile dans les exercices de tout genre où il excellait et conservant toujours ce calme imperturbable que lui donnait la gravité de son caractère. Je vois ce beau front ombragé des boucles de sa blonde chevelure, cet œil bleu plein de tristesse, cette bouche où un doux sourire semblait éclore, ces joues où brillait la jeunesse, ce visage où se peignaient les traits de son père et de sa mère, ces traits avec lesquels tomba en poussière le dernier monument d'une époque qui, depuis vingt ans, appartient à l'histoire. J'entends cette voix qui s'exprima souvent en paroles sévères et qui, souvent aussi, trouva des inflexions si douces pour épancher son âme. Lorsque je me représente cette image, alors je comprends l'amour et les regrets des milliers d'habitants de cette ville populeuse qui n'avaient vu le prince que de loin et qui, cependant, furent captivés par le charme de son existence.» M. de Prokesch dépeignait ensuite, et avec les traits de la plus parfaite ressemblance, son caractère: «Un certain malaise dans les étroites limites de la vie commune, un enthousiasme facile à s'enflammer à la pensée du grand, de l'extraordinaire, du sublime, une bonté de cœur qui, sans affaiblir son jugement, se faisait encore remarquer lorsqu'il blâmait, une noble ambition bornée par une louable méfiance de lui-même, une grande sûreté dans sa manière de juger et de traiter les hommes des conditions les plus différentes, me frappèrent alors, et, depuis, pendant les longues relations que j'ai eues avec le prince, j'ai toujours vu ces qualités dominer en lui.» M. de Prokesch affirmait qu'il était né avec toutes les qualités d'un vrai général. Doué d'un surprenant coup d'œil stratégique, le duc aimait à étudier et à expliquer les campagnes des grands hommes de guerre. Il avait bien compris pourquoi son père avait été un plus habile capitaine que ses meilleurs adversaires, rompus cependant au métier des armes. Ses jugements étaient neufs, précis, impérieux. «De telles matières donnaient à sa langue une éloquence entraînante. Son œil étincelait. Ses pensées étaient rapides comme l'éclair. Des entretiens de cette nature furent, sans contredit, les plus belles heures de sa vie.» Il adorait la vie du soldat et ses ambitions généreuses. «Il sentait que l'épée était son titre et son sceptre.»
Insistant sur sa ressemblance avec Napoléon, M. de Prokesch ajoute: «Son port et ses mouvements étaient les siens, et cette ressemblance corporelle annonçait une ressemblance plus précieuse, celle de l'esprit et de l'âme. Un des principaux rapports de son esprit avec celui de son père me parut toujours être cette lenteur de conception qui provenait d'un besoin de connaissances solides et, en même temps, cette difficulté qu'il avait de s'intéresser à différentes choses qui paraissent très importantes aux autres… M. de Prokesch dit avoir entendu de Madame Mère elle-même que Napoléon, dans son enfance et dans sa jeunesse, possédait ces deux qualités au point d'être regardé par plusieurs comme faible d'esprit. Il avait, en effet, dans ses premières classes obtenu très peu de succès. Il s'en aperçut, s'en préoccupa et finit par l'emporter sur ses condisciples. Madame Mère aimait à répéter que le jour où il mérita une attestation élogieuse de ses maîtres, il la lui montra joyeusement, puis il la posa sur une chaise et s'assit dessus avec l'air d'un triomphateur. Le roi de Rome avait manifesté la même joie dans ses premiers succès.
Il y a un an, dans une Exposition rétrospective où se trouvaient réunis les plus précieux souvenirs de la famille impériale, mes regards s'arrêtaient sur de menus objets ayant appartenu au roi de Rome: une petite robe, un bonnet de dentelle, des souliers d'enfant, des gants minuscules, un alphabet d'ivoire, une crécelle, une petite trompette de cuivre, une courte épée, un petit sabre avec sa dragonne, une toute petite harpe, puis le premier costume qu'il porta en Autriche, une sorte d'habit de drap blanc sur lequel étaient encore attachés les rubans des trois ordres de la Légion d'honneur, de la Couronne de fer, de la Réunion et les plaques de la Légion et de Marie-Thérèse. J'apercevais aussi une médaille en or frappée pour sa naissance, le 20 mars 1811, diverses miniatures le représentant dans son enfance, quelques bustes et quelques portraits de lui, restes fragiles d'un passé touchant, moins fragiles pourtant que ce que l'âpre nature veut bien laisser de notre misérable substance… Puis à côté du fauteuil du Sacre et du trône impérial, le lit de mort de Napoléon, pauvre petit lit de fer avec un seul matelas étroit et mince, et tout auprès la barcelonnette du roi de Rome, non pas ce berceau merveilleux offert par la ville de Paris, mais ce meuble si simple où les mains caressantes des berceuses venaient doucement et lentement endormir le nouveau-né, espoir de l'Empereur et de l'Empire. Voici que le hasard rapprochait, l'un tout près de l'autre, la couchette de l'enfant impérial où s'étaient élevés ses premiers cris et le lit de l'Empereur où avaient retenti ses derniers gémissements. Et je me redisais, avec émotion, la parole du poète: «Oui, il y a des larmes dans les choses[565]!»
Il y a des larmes aussi dans la destinée des jeunes princes, «ces enfants de douleur», comme les a si justement appelés Chateaubriand. Avant le roi de Rome, dans le jardin des Tuileries, «cette maison de passage où la Gloire n'a pu rester», on avait vu jouer le dauphin Louis et la dauphine Marie-Thérèse. On sait le sort qui les attendait. Le fils de Napoléon Ier n'abandonna qu'à regret cette demeure pour aller mourir bien loin dans un château étranger. On y vit plus tard le fils du dernier Napoléon, qu'une mort barbare et prématurée devait frapper, lui aussi, loin de sa patrie… Et de ces Tuileries somptueuses qui avaient abrité tant de princes et tant d'orgueils, que restait-il après une épouvantable tourmente? Des cendres vite balayées et quelques colonnes vendues à l'encan… Oui, ce sont bien des enfants de douleur, tous ces fils de monarques, et je comprends qu'un historien ait écrit après la mort du duc de Reichstadt: «Cette mort ne faisait que signaler la fatalité d'une loi terrible en cours d'exécution dans ce pays. Pour trouver un successeur à Louis XIV il avait fallu descendre jusqu'à son arrière-petit-fils. Il y avait eu la mort d'un héritier présomptif entre Louis XV et Louis XVI. Un autre héritier présomptif, Louis XVII, avait cessé de vivre, presque sans qu'on le sût. Le duc de Berry était tombé sanglant à la porte d'un spectacle. Le duc de Bordeaux venait de faire le fatal voyage de Cherbourg. Et maintenant c'était sur l'héritier présomptif de Napoléon lui-même que s'accomplissait l'arrêt inexorable que Dieu, depuis plus d'un demi-siècle, semblait avoir prononcé contre l'orgueil des dynasties qui se prétendaient immortelles[566].»
* * * * *
J'ai tenu à visiter à Vienne le caveau où reposent les restes du duc de Reichstadt. Depuis deux cents ans les Capucins de la Neue-Markt ont le pieux privilège de veiller, dans la crypte de leur modeste église, sur les tombeaux des empereurs, des archiducs et des archiduchesses d'Autriche. À deux pas de la porte principale du temple est située l'entrée du caveau impérial. Un Capucin sert obligeamment de guide aux visiteurs. À l'extrémité d'un long couloir, on arrive à une porte sur laquelle est écrit en grosses lettres le mot Kaisergruft; on descend une vingtaine de marches, et l'on se trouve immédiatement dans le caveau. Quelques pas encore, et l'on aperçoit l'immense mausolée de François Ier et de Marie-Thérèse, entouré de statues représentant les Vertus qui pleurent. La grande Impératrice est étendue, avec son époux, sur ce mausolée, tandis qu'autour d'eux leurs enfants et leurs petits-enfants sont renfermés dans des sarcophages de cuivre, presque tous semblables. Les empereurs seuls ont des mausolées. On peut passer entre les tombeaux, qui n'ont rien de la splendeur des tombeaux de Saint-Denis. Mais la présence des religieux, la simplicité mystérieuse de la mort, l'illustration des défunts, tout est fait pour impressionner. Dans la seconde partie de la crypte, éclairée par un jour venu de la voûte, on voit au centre le mausolée de François II. Près du mur de droite apparaissent enfin le tombeau de Marie-Louise et celui du duc de Reichstadt. Ce dernier est orné de huit têtes de lion qui supportent de grands anneaux de bronze. Aux angles on a figuré un casque renversé sur un javelot et sur un glaive. Au dessus du tombeau, sous une grande croix tréflée, on lit, dans une plaque ovale, une belle inscription latine qui résume admirablement cette jeune et touchante existence. En voici la traduction exacte: «À l'éternelle mémoire de Joseph-Charles-François, duc de Reichstadt, fils de Napoléon, empereur des Français, et de Marie-Louise, archiduchesse d'Autriche, né à Paris le 20 mars 1811. Dans son berceau il fut salué du nom de roi de Rome. À la fleur de l'âge, doué de toutes les qualités de l'esprit et du corps, d'une stature élevée, d'un visage empreint d'une grâce juvénile, extraordinairement attaché aux études et aux exercices militaires, la phtisie le surprit, et la plus triste mort l'enleva à Schœnbrunn près de Vienne, dans le palais suburbain des Empereurs, le 22 juillet 1832[567].» Au milieu de ce cimetière impérial, j'entendais la voix grave et monotone d'un jeune Capucin qui laissait tomber lentement les noms de l'empereur Mathias, de Charles VI, de Marie-Thérèse, de François Ier, de Joseph Ier, de Joseph II, de Léopold Ier et de Léopold II, de François II, de Ferdinand Ier, de l'archiduc Charles, de l'empereur Maximilien, des impératrices, des archiducs, des archiduchesses et de leurs enfants qui, au nombre de plus de cent vingt, dorment sous ces humbles voûtes, dans la paisible uniformité de la mort… Et je pensais que cette femme, si ingrate et si faible, était là, de par une loi inéluctable, auprès de ce fils sacrifié et délaissé, de ce fils dont elle avait oublié la perte affreuse en donnant deux ans après, pour successeur au comte de Neipperg, le comte Charles de Bombelles, grand maître de sa maison, ancien gentilhomme de la chambre sous Louis XVIII et Charles X[568]. La duchesse de Parme employa les dernières années de sa vie à diriger avec le comte de Bombelles l'administration de ses chers duchés, à se distraire par des voyages, des fêtes, des bals, des opéras et des ballets, à soigner enfin ses rhumatismes et ses nerfs. Le 17 décembre 1847, elle mourait d'une fluxion de poitrine, laissant le souvenir d'une femme insoucieuse de ses devoirs et de ses responsabilités, n'ayant montré aucune énergie dans les périls et dans les épreuves, et qui, après avoir été unie au plus grand homme de son siècle, n'avait pu se réduire à une constante fidélité que lui imposaient au moins les convenances. La mort l'avait ramenée auprès de son fils dans la grande sépulture impériale; mais qui donc, en passant près de son tombeau, éprouverait de l'émotion ou de la pitié?
Cette émotion, cette pitié, je les ressentais pour le jeune prince dont j'avais depuis longtemps résolu d'écrire la vie si courte, il est vrai, mais si pleine de faits et d'enseignements.
* * * * *
Le 15 décembre 1809, deux mois après la paix de Vienne, en présence de l'impératrice Joséphine, de Madame Mère, des rois, des reines et princesses, ses frères et sœurs, Napoléon avait déclaré solennellement que le bien de l'État exigeait que des héritiers nés de lui pussent monter un jour sur le trône, afin de consacrer une dynastie chère à ses peuples et de garantir la paix du monde. Depuis trois ans, il pensait à un sacrifice que la politique et le bien de l'État semblaient lui commander impérieusement. Pour arriver au but de ses désirs, il lui fallut briser le cœur d'une femme qui l'adorait, violer le statut de 1806, qui interdisait le divorce aux membres de la famille impériale, méconnaître certaines dispositions formelles du Code, obtenir par ruse et par menace d'une Officialité tremblante la rupture des liens spirituels de son premier mariage en se passant de l'autorisation du Pape, seul juge compétent pour les souverains, faire plier à ses volontés le conseil ecclésiastique de France et jusqu'à l'archevêque de Vienne, satisfaire surtout son orgueil en se décidant pour l'union avec la Maison d'Autriche, qui devait lui être si funeste, et commencer avec la Russie une inimitié qui allait aboutir aux désastres de 1812. Nulle considération n'avait été capable de l'arrêter. Il lui fallait à tout prix un fils. Il l'a eu le 20 mars, anniversaire du jour où, sur son ordre, des mains criminelles avaient, dans le fossé de Vincennes, creusé la tombe du duc d'Enghien, dix heures avant le simulacre d'un jugement. Il eût pu, cependant, profiter de la naissance de son héritier pour modifier sa politique. Pie VII, qu'il avait outragé et violenté, consentait encore à lui pardonner, s'il reconnaissait les véritables intérêts de l'Empire. «Il a dans les mains, disait-il le 16 mai 1810 au comte de Lebzeltern, s'il se rapproche de l'Église, les moyens de faire tout le bien de la religion, d'attirer à soi et à sa race la bénédiction des peuples et de la postérité et de laisser un nom glorieux sous tous les aspects.» Or, loin de se réconcilier avec la Papauté et l'Église, l'Empereur leur porta de nouveaux et terribles coups. Mais le triomphe de celui qui ne craignait même pas, comme les Germains superbes, que le ciel s'écroulât sur sa tête, ce triomphe n'a point duré.
Avec le fils de Napoléon, qui n'a porté que quelques jours le nom de Napoléon II, et qui est mort juste à l'âge où il aurait pu commencer un règne, s'est éteint ce titre brillant et fastueux de roi de Rome qui ne reparaîtra plus dans les annales des souverains. Le sénatus-consulte du 17 février 1810 disait, dans ses considérants, que la ville de Rome avait craint un instant «de descendre du rang moral où elle se croyait encore placée, mais qu'elle allait remonter plus haut qu'elle n'avait été depuis le dernier des Césars…». Les courtisans de Napoléon s'étaient, à cet égard, répandus en flatteries et en promesses. Quelques années ont passé, et tout a été dit. Une petite île perdue dans l'Océan est devenue le tombeau du grand Empereur. Les froids lambris d'un palais étranger, qui avaient deux fois abrité sa gloire, ont reçu le dernier soupir de son fils. Et cette Rome, dont l'enfant impérial avait pris le nom, a vu rentrer dans ses murs la Papauté triomphante que le plus orgueilleux des despotes croyait en avoir exilée pour jamais.
FIN.
NOTES
[1: Voir Le duc d'Enghien, librairie Plon, 1888.]
[2: Mémoires de Metternich, t. V, p. 266.]
[3: La Constitution impériale du 28 floréal an XII (18 mai 1804) disait dans l'article IX que «le fils aîné de l'Empereur porte le titre de prince impérial». À ce moment, Napoléon espérait encore avoir des enfants de Joséphine. Mais quand il a divorcé, il se croit sûr d'avoir un fils, et il substitue au titre de «prince impérial» celui de «Roi de Rome». Cependant le sénatus-consulte du 5 février 1813, relatif à la régence, parlait du «prince impérial, roi de Rome».]
[4: Le 25 février 1810, il avait décrété que l'édit de Louis XIV sur la Déclaration du clergé de France, donné au mois de mars 1682, était loi de l'Empire.]
[5: Correspondance de Napoléon, t. XX, p. 195.]
[6: Voir pour le détail mon ouvrage sur Le Divorce de Napoléon, librairie Plon, 1889.]
[7: Il en sera de ce dessein comme des autres qui avaient pour but de détruire l'autorité du Saint-Siège. La parole du Psalmiste deviendra une prophétie: «Cogitaverunt concilia quæ non potuerunt stabilire»; et la menace qu'elle contient produira ses terribles effets: «Fructum eorum de terra perdes et semen eorum a filiis hominum.»]
[8: Correspondance de Napoléon, t. XX, page 198.]
[9: Voir l'entretien du comte de Lebzeltern avec Pie VII, le 16 mai 1810. Cf. Le Divorce de Napoléon, p. 231, note.]
[10: Voir Pièces justificatives du tome III de l'ouvrage du comte d'HAUSSONVILLE, L'Église romaine et l'Empire.]
[11: Correspondance de Napoléon, t. XX, p. 196 et 262.]
[12: Archives nationales. Fic 105.]
[13: Ibid.]
[14: Ibid.]
[15: Ibid.]
[16: Elle se trouvait déjà dans le Missel parisien édité par Mgr de Vintimille en 1738, parmi les Orationes ad diversa. C'est la même oraison que prescrivit à toutes les églises de son diocèse, pour l'impératrice Eugénie, l'archevêque de Paris, Mgr Sibour, en 1855.]
[17: C'est l'oraison Pro impetrando Delphino.]
[18: Carmen in proximum et auspicatissimum Augustæ Prægnantis partum, scribebat N. E. Lemaire, Kalendariis januariis 1811.]
[19: Napoléon et Alexandre, t. II, p. 318.]
[20: Mémoires, t. III.]
[21: M. Amédée Lefèvre-Pontalis, ancien député, possède le voile de dentelles qui couvrait le dessus du berceau. Il le tient de sa grand'mère, Mme Soufflot, sous-gouvernante du Roi.]
[22: Voir sa lettre à Napoléon, en date du 18 février 1810.]
[23: Archives nationales, AFiv 1097.]
[24: Sur sa proposition, le Conseil d'administration du Sénat vota une pension viagère de dix mille francs au page Berton de Sambuy qui était venu apporter aux sénateurs la nouvelle de la naissance du roi de Rome.]
[25: Archives nationales, AFiv 1453.]
[26: Voir dans mon ouvrage La Censure sous le premier Empire les pages 250 à 252, relatives à ce sujet.]
[27: Archives nationales, Fic 105.]
[28: L'un d'eux, un Allemand, Schmitz, avait dû se donner bien du mal pour composer certaines Réflexions musicales sur les douleurs de l'enfantement. (Archives nationales, AFiv 1453.)]
[29: Archives nationales, AFiv 1290.]
[30: Ibid., AFiv 1323.]
[31: Ibid., AFiv 1685.]
[32: Il s'agit de Frédéric de Schill, un des adversaires les plus acharnés de Napoléon, qui donna en 1809 le signal de la révolte en Prusse et fut tué au siège de Stralsund.]
[33: Archives nationales, AFiv 1690.]
[34: Ibid., AFiv 1453.—22 mars 1811.]
[35: Voir Le Divorce de Napoléon, ch. II.]
[36: Archives nationales, O2 41.—Pour ses dépenses du 27 mars au 30 avril 1810, Metternich avait reçu alors près de cent mille francs sur la cassette impériale. (Voy. Bibliothèque nationale, Fonds fr., vol. 6594.)]
[37: Les fêtes des Tuileries et de Saint-Cloud coûtèrent plus de trois cent cinquante mille francs. Après le baptême, quarante mille francs de gratification furent distribués aux archevêques d'Aix et de Malines, aux évêques de Versailles, de Montpellier, de Bruges et de Gand, aux maîtres des cérémonies, chapelains et chanoines.]
[38: Correspondance de Marie-Louise. Vienne, 1887, in-12.—Des courtisans avaient fait courir le bruit que l'archiduchesse était restée reconnaissante à Napoléon de n'avoir pas fait bombarder, en 1809, le palais où elle demeurait à Vienne. À ce moment, Marie-Louise était à Bude.]
[39: Correspondance de Marie-Louise.]
[40: Ibid.]
[41: Lord Liverpool disait à lord Holland, à propos de Marie-Louise, «que jamais femme ne fut courtisée d'une façon si bizarre, et que jamais femme ne fut de cette façon obtenue». Il comparait la conduite de Napoléon en cette circonstance «à un assaut donné, plutôt qu'à une cour faite». (Souvenirs diplomatiques de lord Holland.)]
[42: Correspondance de Marie-Louise, p. 1]
[43: Ibid., p. 96.]
[44: Tagebuch, 15 février 1810.]
[45: Souvenirs de la générale Durand.]
[46: Correspondance de Napoléon, t. XXII.]
[47: La maison du roi de Rome était composée en 1812 d'une gouvernante, de deux sous-gouvernantes, Mmes de Boubers et de Mesgrigny, d'un secrétaire des commandements, d'un secrétaire de la gouvernante, d'un médecin, d'un chirurgien, de trois femmes de chambre, d'une nourrice et de deux nourrices retenues, d'une surveillante des nourrices, de trois berceuses, de deux femmes et de deux filles de garde-robe, de deux valets de chambre; d'un maître d'hôtel, d'un écuyer tranchant, de deux garçons de garde-robe et de plusieurs pages. Mme Soufflot ne devint sous-gouvernante qu'en 1814. Elle était première dame du Roi dès 1811.]
[48: Souvenirs de la générale Durand.—Du jour où il put espérer un héritier, Napoléon songea à construire pour lui un palais sur les hauteurs de Chaillot. Il voulait y consacrer seize millions. «L'Élysée ne me plaît point, disait-il, et les Tuileries sont inhabitables. Je veux en quelque façon que ce soit un Sans-Souci renforcé, un palais agréable, plutôt qu'un beau palais.» Les événements empêchèrent la réalisation de ce projet. (Voy. Mémoires de Bausset et de Méneval.)]
[49: Mémoires de Méneval, t. III. (Édition de 1894, publiée par son petit-fils.)]
[50: «L'Empereur d'Autriche allait la combler de bénédictions, l'Impératrice lui prodiguerait des caresses un peu forcées, et finalement, après beaucoup d'effusions, on se séparerait entre belle-mère et belle-fille, plus fraîchement que l'on ne s'était retrouvé.» (Albert VANDAL, Napoléon et Alexandre, t. III.)]
[51: Mémoires de Bausset, t. II.—Voy. aussi TOLSTOÏ, La Guerre et la Paix, t. III, p.80.]
[52: Mémoires, t. II, p. 47.—Cependant il croyait bien que la France était attachée au roi de Rome, car il dit au Conseil d'État: «Si le peuple montre tant d'amour pour mon fils, c'est qu'il est convaincu, par sentiment, des bienfaits de la monarchie.»]
[53: MÉNEVAL, t. III, pages 99 et 102.]
[54: Correspondance de Marie-Louise. Vienne, 1887.]
[55: Histoire de la Restauration, t. 1.]
[56: Napoléon et les femmes, 1 vol. in-8°, chez Ollendorff.]
[57: Souvenirs du comte d'Haussonville.]
[58: Dépêches inédites aux hospodars de Valachie.—Gentz définissait ainsi sa politique: «Autant d'alliance avec Napoléon qu'il en fallait pour ne pas se ranger en pure perte au nombre de ses ennemis, et juste aussi peu qu'il en fallait pour ne pas se brouiller directement et sans retour avec les puissances liguées contre lui.»]
[59: ONCKEN, Œsterreichs und Preussen Befreiuns-Kriege, t. I, Berlin, 1876-1879.]
[60: ONCKEN, t. I.]
[61: Le rapprochement entre la Suède, l'Angleterre et la Russie avait été habilement opéré par M. de Neipperg, ambassadeur en Suède. (Voy. Mémoires d'un homme d'État, t. II.)]
[62: ONCKEN, t. I, et Œsterreichische Geschichte, t. LXXVII.]
[63: Rapport du comte de Bubna sur l'entrevue de Prague, le 16 mai 1813. Voy. ONCKEN, t. II, p. 650, et les Essais d'histoire et de critique, par M. Albert SOREL. (Metternich.)]
[64: Ce n'est pas ce que Metternich disait en 1809 et 1810. Il convient, à ce propos, de relire ses lettres à Schwarzenberg et à Mme de Metternich, où dominait l'orgueil de l'avoir emporté sur la Russie dans une alliance alors si recherchée.—Voir les Mémoires de Metternich, t. II, p. 302 à 332, et mon ouvrage, le Divorce de Napoléon, p. 148 à 192.]
[65: Voir le récit si vivant de cette entrevue dans les Annexes de Napoléon et ses détracteurs, par le prince NAPOLÉON, pièce II, p. 306.]
[66: On verra un peu plus loin que Marie-Louise fit cette démarche auprès de François II.]
[67: Souvenirs de lord Holland.]
[68: Ils se conformaient ainsi habilement aux instructions secrètes données depuis longtemps par Alexandre à Novossiltzof, ambassadeur de Russie en Angleterre: «On déclarera à cette nation que ce n'est pas à elle qu'on en veut, mais uniquement à son gouvernement.» (Voy. les Plans de la Coalition en 1804, par M. Albert SOREL, dans le Temps du 8 septembre 1895.)—Le 9 novembre 1813, M. de Metternich avait dit à M. de Saint-Aignan, ministre de France à Weimar, que la France devait conserver ses limites naturelles.]
[69: Du 17 janvier 1805 au 15 novembre 1814, le Sénat avait décrété la levée de 2,173,000 hommes.]
[70: Dans un gracieux tableau, exposé au Salon des Champs-Élysées en 1896, M. Dawant a représenté Napoléon laissant sa main prise entre les petites mains de son fils endormi. L'Empereur est assis dans un fauteuil à côté du berceau, le front soucieux. Il est captif de ce petit être, pendant que son esprit médite les combats suprêmes qu'il va falloir livrer.]
[71: Œsterreichs Theilnahme an der Befreiuns-Kriege, von GENTZ, 29 janvier 1814.]
[72: MÉNEVAL, Mémoires.—D'autre part, le chancelier Pasquier rappelle, dans ses Mémoires, que Metternich affirmait, le 18 mars, à Caulaincourt «que les vœux de l'Autriche étaient en faveur d'une dynastie intimement liée à la sienne». (T. II.)—Six semaines auparavant, il avait écrit à Caulaincourt que le jour où François II avait donné sa fille au prince qui gouvernait l'Europe, il avait cessé de voir en lui un ennemi personnel. Le sort de la guerre avait seul changé son attitude. Si Napoléon voulait écouter la voix de la raison, François II reviendrait aux sentiments qu'il avait au moment où il lui avait confié son enfant de prédilection. Sinon, «il déplorerait le sort de sa fille, sans arrêter sa marche!»]
[73: Œsterreichs Theilnahme an der Befreiuns-Kriege.]
[74: Ibid.—Il ne faut pas croire que nos ennemis étaient toujours aussi navrés. En effet, après la prise de Troyes, le grave Metternich écrivait à Schwarzenberg: «Cette nouvelle Troie ne nous a pas arrêtés dix ans comme l'ancienne avait arrêté les héros de la Grèce. Si j'étais Lichnowsky, je vous dirais que vous ne faites ni une ni deux pour avoir Troyes; que Napoléon vous a dispensé de vous mettre en quatre pour la prendre.»
Metternich n'aura plus l'idée de faire de calembours, lorsque Napoléon reprendra cette même Troyes et forcera Schwarzenberg à battre en retraite, après la bataille de Nangis.]
[75: Œsterreichs Theilnahme an der Befreiuns-Kriege, 7 mars 1814.]
[76: Ibid.]
[77: Ibid.]
[78: Sa lettre du 3 mars à l'Empereur est un monument de fermeté et de noblesse. Elle fait un singulier honneur à sa mémoire.]
[79: Voir, entre autres, sur cette abdication, les récits de Pelet, Ségur, Fain, Marmont, Macdonald, Thiers, Pasquier, Henri Houssaye.]
[80: L'article 5 du traité de Fontainebleau était ainsi rédigé: «Les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla appartiendront en toute propriété et souveraineté à Sa Majesté l'Impératrice Marie-Louise. Ils passeront à son fils et à sa descendance en ligne directe. Le prince, son fils, prendra, dès ce moment, le titre de prince de Parme, de Plaisance et de Guastalla.»]
[81: Le traité de Fontainebleau, qui figure à la page 493 bis, numéro du 5 mai 1814 du Moniteur universel, dit que «les puissances alliées ne pouvaient ni ne voulaient oublier la place qui appartient à l'empereur Napoléon dans l'histoire de son siècle». C'est Alexandre qui avait tenu à cette généreuse déclaration.]
[82: Mémoires de Metternich, t. II.]
[83: Consulter à ce sujet les Mémoires du chancelier Pasquier, t. II. On y voit, entre autres, que Pasquier était opposé au départ, comme le duc de Massa. Il le fit avec tant de franchise que Talleyrand dit en secret à Mme de Rémusat que M. Pasquier avait donné le conseil le plus contraire aux Bourbons.]
[84: Mémoires de Méneval, t. III.]
[85: MÉNEVAL, t. III.]
[86: Mémoires de Bausset, t. II.—Quelques jours après, le même de Bausset, qui paraissait si dévoué et si impartial, avouait confidentiellement à un agent des Bourbons qu'il était attaché à la monarchie légitime par les services de ses ancêtres, et qu'il lui offrait une franche adhésion. Il appelait le règne de Napoléon «une interpolation». Il désirait devenir un des maréchaux de la cour, car ce ridicule «nom de préfet du palais, disait-il, ne saurait subsister». Il avait conseillé à Marie-Louise de retourner en Autriche et de mettre fin «à une niaiserie sentimentale», en déliant «les nœuds d'une conjugalité» qu'il regardait comme expirée. Enfin, il s'exprimait ainsi sur Napoléon qu'il avait servi à genoux: «Cet homme a eu un moment tout le bonheur de Mahomet, ainsi que son audace et son charlatanisme!» Tant de platitude et d'ingratitude ne suffit pas pour faire obtenir à M. de Bausset le poste de maréchal de la Cour. (Voir le Cabinet noir, par M. D'HÉRISSON.)]
[87: Notice historique sur le général Caffarelli, par Ul. TRÉLAT.]
[88: Cf. Thiers, Méneval, Bausset, Durand, Caffarelli, etc. Le duc de Rovigo dit que l'ascendant de Mme de Montesquiou put seul le calmer. «Encore fallut-il qu'elle lui promît bien de le ramener, pour le décider à se laisser emporter.» (Mémoires, t. VII.)]
[89: BAUSSET, t. II.]
[90: M. Pasquier assure qu'il éclata même des murmures. (Mémoires, t. II.)]
[91: «Le gouvernement d'une femme faible et ignorante ouvrait une belle perspective à l'égoïsme de cette âme; ce qu'il désirait, c'était la régence de Marie-Louise.» (Louis BLANC, Histoire de dix ans.)]
[92: Voy. Henri HOUSSAYE, 1814, liv. VIII, § I.—Talleyrand avait cependant laissé entendre à Méneval qu'il eût préféré la régence à la Restauration.]
[93: Mémoires de Talleyrand, t. III, p. 155.]
[94: Mémoires de Pasquier, t. II.]
[95: D'après Gentz, ce n'est qu'à partir de la rupture des conférences de Châtillon que Metternich se mit «nettement à la tête du système qui devait rappeler les Bourbons». (Dépêches inédites de Gentz.)—C'est ce que dit aussi Prokesch-Osten (page 99).]
[96: Voy. Imbert DE SAINT-AMAND, Marie-Louise et l'invasion en 1814.]
[97: Mémoires de Bausset, t. II, et Mémoires du colonel de Garbois.]
[98: Le même jour, ce triste personnage écrivait à Talleyrand qu'il adhérait à tous les actes faits par le Sénat depuis le 1er avril.]
[99: «Nous commençons à espérer, écrit Mme de Rémusat à son fils Charles, qu'il n'y aura pas de bataille, et que, l'armée se débandant, le sang français sera épargné.» (Correspondance de Mme de Rémusat, t. I.)—Voy. cette même note dans la belle étude du comte d'HAUSSONVILLE sur le Congrès de Vienne. (Revue des Deux Mondes, 1862.)]
[100: Souvenirs du comte d'Haussonville.]
[101: Voir sur le séjour de Marie-Louise à Blois un intéressant écrit, La Régence à Blois, Paris, 1814, 27 pages in-8°.]
[102: Qu'on se rappelle ses paroles à Caulaincourt, lorsqu'il regrette que les alliés n'aient point donné la Toscane à sa femme: «Elle n'aurait eu que le canal de Piombino à traverser pour me rendre visite. Ma prison aurait été comme enclavée dans ses États. À ces conditions, j'aurais pu espérer de la voir. J'aurais même pu aller la visiter; et quand on aurait vu que j'avais renoncé au monde, que, nouveau Sancho, je ne songeais plus qu'au bonheur de mon île, on m'aurait permis ces petits voyages.» (Voy. THIERS, t. XVII.)]
[103: Souvenirs du comte d'Haussonville.]
[104: MÉNEVAL, Mémoires, t. III.]
[105: La générale Durand cite aussi un fait de ce genre. (Voir ses Souvenirs.)]
[106: MÉNEVAL, t. III.]
[107: On rapporte que le petit roi de Rome, s'amusant à distribuer des bonbons à des enfants qui étaient venus le voir jouer, leur dit tout à coup avec un triste sourire: «Je voudrais bien vous en donner davantage, mais je n'en ai plus. Le roi de Prusse m'a tout pris!» Le comte de Suzor affirme avoir entendu ce propos.]
[108: Histoire de France, par BIGNON, t. XIV.]
[109: Souvenirs de la générale Durand.]
[110: MÉNEVAL, t. III.]
[111: Ibid.]
[112: Ibid.]
[113: Voir le Divorce de Napoléon et les Mémoires de Metternich.]
[114: Mémoires de Metternich, t. II.]
[115: Mémoires, t. III, p. 161.—M. de Talleyrand avait dit à Méneval, en paraissant regretter le départ de Marie-Louise, que toutes les combinaisons avaient dû échouer devant le fait de l'existence de l'Empereur; que l'Empereur mort, tout eût été facile; mais que tant qu'il aurait vécu, son abstention eût été illusoire. (Souvenirs de Méneval, t. III.)]
[116: Cité par I. DE SAINT-AMAND, dans Marie-Louise et les Cent-jours.]
[117: Mémoires de Bausset, t. II.]
[118: Ibid.]
[119: MÉNEVAL, t. III.]
[120: Voy. THIERS, le Consulat et l'Empire, t. XVII.]
[121: Une personne qui l'avait vue de près, lady Burghersh, femme de l'attaché militaire à l'ambassade d'Angleterre, disait de son refus déguisé de se rendre auprès de Napoléon: «Je pense que c'est un monstre, car elle prétendait l'aimer, et il s'est toujours bien conduit envers elle. C'est révoltant à elle de l'abandonner dans son malheur, après avoir affecté de l'adorer dans sa prospérité…» (Voir le Correspondant du 10 juin 1894. Cité par Mme Marie Dronsart.)]
[122: MÉNEVAL, t. III.]
[123: Vie de Napoléon II, Paris, 1832, chez Ladvocat.]
[124: BAUSSET, t. III.]
[125: MÉNEVAL, t. III.]
[126: Notice historique sur le général Caffarelli, par Ul. TRÉLAT.]
[127: La maison de Neipperg est une ancienne maison féodale de Souabe qui est présumée descendre de Conrad de Neipperg en 1261. Celui qui devint le mari morganatique de Marie-Louise s'appelait Adam-Albert. Il était le fils d'Adam-Adalbert, comte de Neipperg, et de la comtesse Pola. L'Almanach de Gotha relate officiellement son mariage avec «Marie-Louise, duchesse de Parme, Plaisance et Guastalla, veuve de Napoléon Ier, empereur des Français, née archiduchesse d'Autriche».]
[128: MÉNEVAL, t. III.]
[129: «Ce buste, dit M. de Bausset, suivit Napoléon à Sainte-Hélène, et c'est sur les traits de l'enfant que se reposèrent les yeux du père mourant.» (T. III.)]
[130: Voir la lettre de Talleyrand à Metternich, en date du 9 août 1814.—Il paraîtrait cependant que Marie-Louise a dû recevoir des émissaires de Fouché aux eaux d'Aix. On a même prétendu qu'Isabey et que Corvisart l'avaient pressentie sur la question de la régence. (Voir Henri HOUSSAYE, 1815.)]
[131: MÉNEVAL, t. III]
[132: Souvenirs de la générale Durand.]
[133: BAUSSET, t. III.]
[134: Voy. Mémoires de Talleyrand, t. II.—Il est curieux de voir à ce propos ce que disait une dépêche du comte de Bombelles, datée de Paris, 1er septembre 1814, et adressée à Metternich:
«… Quoi qu'en disent les feuilles françaises, la France est loin d'être tranquille. L'armée, tout en se réorganisant, conserve un mauvais esprit… Le peuple, en général, est assez paisible. Las de tant de troubles et de malheurs, il ne se révoltera contre aucun gouvernement et ne sera foncièrement attaché à aucun. Il fallait aux Romains du temps de Suétone du pain et des spectacles. Cette devise est devenue entièrement celle de la France… Tout ira tant bien que mal si la paix subsiste, mais une guerre quelconque perdrait la France. Il n'est pas inutile que Votre Altesse soit bien convaincue de cette vérité. Elle doit diminuer de beaucoup l'influence que M. de Talleyrand cherchera à se donner au Congrès. Il compte partir le 10 pour Vienne.»
Ausgang der französichen Herrschafft in Ober Italien, par le baron DE HELFERT, Archiv fur Œsterreichische Geschichte, t. LXXVI, 1890.]
[135: BAUSSET, t. III.]
[136: Voy. Mémoires de Talleyrand, t. II—Talleyrand affirme que cette substitution eut lieu sur l'invitation de l'empereur d'Autriche.]
[137: Voir la lettre de Louis XVIII à Talleyrand, du 21 octobre 1814. (Mémoires, t. II.)]
[138: MÉNEVAL, t. III.]
[139: Mémoires de Talleyrand, t. III.]
[140: Mémoires, t. II, p. 474]
[141: Ibid., t. II.]
[142: Ibid.]
[143: L'infante Marie-Louise, troisième fille de Charles IV, roi d'Espagne, avait été régente du royaume d'Étrurie après la mort de son époux, Louis Ier, en 1803. Elle ne sut pas gouverner son royaume et dut le quitter en 1807, époque à laquelle il fut annexé à la France. Marie-Louise obtint une compensation en Portugal. (Voir Le royaume d'Étrurie, par P. MARMOTTAN, 1896.)]
[144: Mémoires, t. II.]
[145: Voir MÉNEVAL, t. III.]
[146: Mémoires de Talleyrand, t. II.]
[147: Ibid., t. III.]
[148: Mémoires, t. III.]
[149: Archives des Affaires étrangères, vol. 688.]
[150: Mémoires, t. III.]
[151: On n'en a d'ailleurs pas tenu à la date du 24 février.]
[152: Archives des affaires étrangères, vol. 688, p. 164 à 167.]
[153: Souvenirs de Méneval, t. III.]
[154: Il faut en excepter particulièrement M. Henri Houssaye. Voir son 1815, p. 158 à 165.]
[155: Voir Mémoires de Talleyrand, t. II.]
[156: Voir Henri HOUSSAYE, 1815, p. 170.]
[157: Éduard WERTHEIMER, Talleyrand in Wien zur Congresszeit; Art. de la Neue Freie Presse du 11 avril 1896.—Cette lettre porte l'adresse du prince de Talleyrand à Vienne.]
[158: Voy. Fêtes et souvenirs du congrès de Vienne, par le comte DE LA GARDE, 1843, et Mémoires de M. de Bausset, t. III.]
[159: Mémoires, t. III.—Il s'est ouvert, au mois de mars 1896, dans la capitale de l'Autriche, sous la protection de l'Empereur et sous la présidence du comte d'Abensperg-Traun, une exposition rétrospective du congrès de Vienne dont j'ai fait l'étude dans le Monde du 23 mars. J'en détache quelques lignes qui se rattachent plus directement à cet ouvrage: «… La rentrée de l'Empereur aux Tuileries a bouleversé l'œuvre si habile de Louis XVIII et de Talleyrand. Le Congrès effrayé se lève contre Napoléon. Il l'appelle un bandit; il le jette au ban des nations, il met sa tête à prix. Il ne retrouve son calme qu'après le désastre de Waterloo et la seconde abdication. Et le 9 juin, par un Acte final qui laisse de côté toutes les considérations morales et se borne à invoquer pour la ratification des dispositions votées: «l'intérêt majeur et permanent», il complète les dispositions du traité du 30 mai 1814 avec une foule de dispositions contenues dans cent vingt et un articles. Quant à la France, elle payera bientôt, même sous son Roi légitime et par un autre traité draconien, la terreur nouvelle qu'elle a fait en quelques mois ressentir aux nations. La faute en est, suivant Metternich et les autres diplomates, à l'usurpateur qui a tout remis en question et dont le souvenir doit être abhorré… Mais lorsqu'on visite l'Exposition du congrès de Vienne, ce n'est pas «le brigand» qu'on revoit, ce n'est pas «le Buonaparte» qu'il fallait «anéantir» et contre lequel étaient dirigées les déclarations furibondes des 13 mars et 11 avril, c'est l'empereur Napoléon, c'est le gendre de l'empereur François II. On le trouve, on le rencontre partout, seul ou entre Marie-Louise et le roi de Rome. Les vitrines sont pleines de présents faits par lui à sa femme ou à la famille impériale.
«Ici c'est le trône qu'il a occupé à Venise; là c'est son bureau de la Malmaison, là c'est celui du palais de Saint-Cloud. Son buste en marbre, sa table de travail, sa miniature entourée de brillants, la reproduction du tableau de David, Bonaparte passant les Alpes, une autre miniature d'Isabey, son nécessaire de voyage, son épée offerte à Alexandre, son carrosse nuptial, les Adieux de Fontainebleau, la Sortie de l'île d'Elbe, son portrait par Gérard, son portrait en camée, on ne voit que lui, et partout on le voit dans l'appareil de la grandeur et de la puissance.»]
[160: Talleyrand in Wien zur Congresszeit, von Eduard WERTHEIMER.—Pozzo di Borgo et Nesselrode étaient particulièrement sévères pour Talleyrand.]
[161: M. Dumont, archiviste des Affaires étrangères, qui avait eu connaissance de ce fait par le général anglais Alova, aide de camp de Wellington, avait, dans un mémorandum du 20 juin 1838 (Affaires étrangères, vol. 680, Vienne), attesté que M. de Talleyrand s'était bien gardé de joindre ce Mémoire à sa correspondance pendant le congrès de Vienne. Je l'ai retrouvé aux Archives des Affaires étrangères, dans le vol. 681. Il porte le n° 139.]
[162: Affaires étrangères, Vienne, vol. 681.—Dans son Journal, Gentz affirme, et cela n'est pas exact, qu'il est l'auteur de la déclaration du 13 mars, préparée avec Metternich chez Talleyrand.—Il nous apprend encore que Metternich n'avait pas alors perdu toute gaieté, car le 1er avril il écrit ceci: «Metternich m'avait préparé un poisson d'avril en faisant fabriquer une lettre de Bonaparte contre la déclaration des puissances. J'y étais préparé. Aussi cela n'a pas pris!»]
[163: Archives des Affaires étrangères, vol. 680. Vienne.—«Il faut parfois en politique frapper trop fort pour frapper juste, disait un jour Talleyrand, afin de se justifier de la violence de cette déclaration. Ne voyez-vous pas que, pour empêcher l'Autriche de se souvenir jamais qu'elle avait un gendre, il fallait lui faire mettre sa signature au bas d'une sentence de mort civile et non d'une déclaration de guerre? On peut toujours traiter avec un ennemi. On ne se remarie pas avec un condamné.» (VILLEMAIN, Souvenirs contemporains, t. II.)]
[164: Il y a à cette mesure un précédent historique. La cour de Dresde, lorsque Frédéric II eut envahi la Saxe sans déclaration de guerre, l'avait déclaré «perturbateur de la paix publique», et la Diète l'avait mis au ban de l'Empire.—Napoléon crut habile d'opposer Fouché à Talleyrand et chargea le duc d'Otrante de la réponse. Le 29 mai, dans le conseil des ministres, celui-ci, faisant allusion à la déclaration du 13 mars, la qualifia de libelle, de pièce apocryphe fabriquée par l'esprit de parti, contraire à tout principe de morale et de religion, attentatoire au caractère de loyauté des souverains dont les auteurs de cet écrit avaient compromis tous les mandataires. Elle ne méritait qu'un profond mépris. Elle n'avait fixé l'attention du ministère que lorsque des courriers du prince de Bénévent l'avaient apportée en France. Elle émanait visiblement de la légation du comte de Lille à Vienne, qui au crime de provocation à l'assassinat avait ajouté celui de falsification de la signature des ambassadeurs… Si l'on admet ce genre de réponse, il faut convenir qu'il était difficile de trouver mieux. Le conseil d'État, à qui l'on avait déféré cette déclaration, se servit des mêmes motifs pour la repousser.]
[165: MÉNEVAL, t. III.]
[166: Lord Holland dit de François II: «C'était un homme de quelque intelligence, de peu de cœur et sans aucune justice.» Il conteste absolument qu'il fût, comme on l'a affirmé, doux et bienveillant. Dans toutes les circonstances, il avait agi comme un homme d'un caractère bien opposé. «Quant au mariage de sa fille, ajoute lord Holland, il faut admettre cette alternative, ou qu'il ait consenti à sacrifier son enfant à une politique couarde, ou bien qu'il ait lâchement abandonné et détrôné un prince qu'il avait choisi pour son gendre. Il sépara sa fille du mari qu'il lui avait donné et aida à déshériter son petit-fils, issu d'un mariage qu'il avait approuvé et, à ce que je crois, sérieusement recherché. Pour éloigner de l'esprit de cette même fille le souvenir de son époux détrôné et exilé, mais dont la conduite envers elle était irréprochable, on prétend qu'il encouragea et même combina lui-même les moyens de la rendre infidèle…» (Souvenirs diplomatiques de lord Holland.)]
[167: «La chasteté, disait l'Empereur, est pour les femmes ce que la bravoure est pour les hommes. Je méprise un lâche et une femme sans pudeur.»]
[168: BAUSSET, t. III.]
[169: L'empereur d'Autriche devançait les désirs de Joseph de Maistre, qui écrivait le 22 mars 1815, à propos du retour de Napoléon: «L'archiduchesse Marie-Louise et son fils seront très embarrassants dans cette occasion. Il faudrait que l'empereur d'Allemagne eût le courage de les mettre (surtout le jeune prince) hors de la puissance de Napoléon.» (Lettres, t. I.)]
[170: MÉNEVAL, t. III.—«Elle avait suivi, malgré les dégoûts dont elle était entourée, le prince dont elle était la gouvernante. La meilleure mère ne peut pas montrer un plus grand attachement que celui dont elle fit preuve.» (L'île d'Elbe et les Cent-jours.) Il n'y a rien à ajouter à ce juste hommage rendu par l'empereur Napoléon à Mme de Montesquiou.]
[171: MÉNEVAL, t. III.]
[172: On a dit aussi que le lieutenant-colonel Monge, des grenadiers de la garde, avait été chargé, par Napoléon, d'enlever Marie-Louise et son fils. Je n'ai pu vérifier ce bruit.—Le prétendu enlèvement du roi de Rome à cette même date par la comtesse de Mirepoix et Mme de Croy-Chanel n'est qu'une fable.]
[173: MÉNEVAL, t. III, p. 429.]
[174: La comtesse de Montesquiou écrivait à M. de Talleyrand: «Je me sens assez de forces physiques et morales pour soutenir une plus longue captivité, et je vous avoue que, lorsque je souffrirai seule, je souffrirai avec plus de constance. Mais de voir ce jeune malheureux regrettant tout, excepté les marques d'amitié qu'il m'a données en faisant tant de chemin pour venir me voir, se sentant appelé en France par ses affaires, sa femme, son fils, sa fortune même—son absence depuis quatre mois empêche de pouvoir rien terminer—toute la contrariété qu'il éprouve, me désespère et me rend de plus en plus pénible ma triste retraite.» Ce ne fut que dans les premiers jours de juin que Talleyrand obtint les passeports demandés. (France, vol. 1801. Archives des Affaires étrangères.)]
[175: MÉNEVAL, t. III.]
[176: Mme Soufflot, la sous-gouvernante qui restait encore auprès du roi de Rome, écrivait à ses enfants, à la date du 8 avril: «Votre pauvre mère est malheureuse d'être séparée de vous dans des moments si pénibles. Hélas! où l'amour de mon devoir et mon bon cœur m'ont-ils conduite? Dans le chemin de l'honneur le plus sévère, mais aussi dans celui de tous les chagrins. Après avoir déjà fait tant de sacrifices à ce cher enfant, je n'ai pu me résoudre à l'abandonner dans une crise aussi pénible que délicate, celle où on le séparait de celle qui lui était si chère à tant de titres. Je continuerai, tant que cela me sera permis, de veiller sur lui et de suppléer aux sages leçons qu'il a toujours reçues…» (Collection Amédée Lefèvre-Pontalis.)]
[177: Voir la Revue de Paris du 2 février 1895.]
[178: Talleyrand, qui avait adhéré à la quadruple Alliance le 27 mars, croyait pouvoir affirmer au Roi, le 29, que le traité de Chaumont était uniquement fait dans le but de soutenir la France, quoique, au fond, il sût le contraire. Il avait, en effet, confidentiellement écrit à M. de Jaucourt, le 16 mars: «Songez bien à ceci: c'est que cette même Europe qui a été amenée à faire la déclaration que je vous ai envoyée, est en pleine jalousie de la France, du Roi et de la maison de Bourbon.» Elle le prouva bien, peu de temps après.]
[179: On verra le contraire au chapitre suivant, ce qui prouve combien chacun était sincère.]
[180: Mémoires de Talleyrand, t. III.]
[181: D'après les Mémoires de Napoléon, Montrond devait fournir à Talleyrand l'occasion d'écrire en France et au gouvernement français la possibilité de découvrir le fil de ses trames, gagner l'ambassadeur de Louis XVIII, porter une lettre à Marie-Louise et rapporter sa réponse. Montrond n'obtint en réalité que des réponses évasives de Talleyrand et ne l'intimida guère. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'il en eût l'intention. Toujours est-il que les menaces de séquestre sur ses biens et d'un grand procès qu'allait lui faire la Haute Cour n'aboutirent qu'à éloigner Talleyrand de l'Empire. Une note de Napoléon définissait ainsi la mission exacte de Montrond: «Voir M. de Talleyrand et le renseigner sur la véritable disposition des esprits.» Suivant Bignon, la mission de Montrond, qui jouait double rôle et était auprès de Talleyrand l'agent confidentiel de Fouché aussi bien que celui de l'Empereur, fut plus nuisible qu'utile à la cause française. (Voy. BIGNON, Histoire de France sous Napoléon, t. XIV.)]
[182: Mémoires, t. III.]
[183: Archives des Affaires étrangères, vol. 1801, France.—Marie-Louise avait reçu directement de Napoléon, et à la même date, ce petit billet: «Ma bonne Louise, je suis maître de toute la France. Tout le peuple et toute l'armée sont dans le plus grand enthousiasme. Le soi-disant Roi est passé en Angleterre. Je t'attends pour le mois d'avril ici avec mon fils. Adieu, mon amie.—NAPOLÉON.» (Collection de M. Antonin Lefèvre-Pontalis.)]
[184: Le petit prince était représenté avec un gracieux costume rose que traversait le grand cordon de Saint-Étienne. Sa figure souriante rappelait les traits de Napoléon et de Marie-Louise.]
[185: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1801.]
[186: Document inédit.]
[187: Id.]
[188: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1801.]
[189: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1801, et Mémoires, t. III.]
[190: «Telle était cette nature frêle, timide, rêveuse, née pour la vie privée et pour les tendresses du foyer allemand.» (LAMARTINE, Histoire de la Restauration, t. I.)]
[191: Pour prix d'obéissance à leurs volontés, les alliés stipulèrent, dans un protocole séparé des conférences et daté du 28 mars, que les duchés de Parme, Plaisance et Guastalla, à l'exception des parties situées sur la rive gauche du Pô, seraient possédés en toute souveraineté par elle, mais qu'ils retourneraient, après elle, à l'infant, don Carlos, fils de S. M. Marie-Louise d'Espagne. L'empereur d'Autriche renonçait pour sa fille à toute pension à laquelle elle et les siens pourraient prétendre à la charge de la France. (Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 683.)
L'art. 99 de l'Acte final du Congrès de Vienne, en date du 9 juin 1815, ne devait ratifier que la possession des duchés par Marie-Louise. Quant à la réversion elle fut ajournée. Elle ne fut décidée en faveur de l'infante d'Espagne, Marie-Louise, de son fils et de ses descendants, que par le traité spécial du 10 juin 1817.]
[192: 13 avril 1815, Mémoires, t. III.]
[193: Il s'agissait du baron François d'Ottenfels-Gschwind, qui avait pris le pseudonyme de Werner pour s'entendre à Bâle, au nom de Metternich, avec un affidé de Fouché.]
[194: Le Consulat et l'Empire, t. XIX.]
[195: Pour en avoir une certitude complète, il suffit de lire les lettres que M. de Jaucourt adressait de Paris à M. de Talleyrand pendant son ambassade à Vienne. Ainsi, examinant un jour la manière dont les affaires avaient été conduites depuis la rentrée du Roi en 1814, M. de Jaucourt faisait cet aveu: «Grand Dieu! quel chemin nous avons parcouru depuis ce temps-là!… Il faut le dire en un seul mot: il conduisait à l'île d'Elbe.» (Affaires étrangères, Vienne.)]
[196: Lettre du 28 septembre 1814 (Affaires étrangères, Vienne, vol. 681), publiée par M. PALLAIN, Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII.]
[197: Il avouait en même temps qu'il correspondait avec M. de Metternich. Ainsi il donnait au chancelier autrichien des détails sur la France et l'Europe, en formant entre autres le vœu que la Belgique revînt à l'Autriche comme «un hommage rendu à une possession séculaire interrompue seulement depuis une vingtaine d'années».—M. de Méneval a eu connaissance des lettres de Fouché à Metternich par le comte Aldini, auquel le chancelier les avait communiquées.]
[198: On a dit qu'au lendemain de l'abdication de Napoléon, Marie-Louise avait fait dresser un acte authentique par lequel elle protestait, au nom de son fils, contre cette abdication et réservait ses droits au trône. Une copie de cet acte aurait été communiquée à Regnaud de Saint-Jean d'Angély.—Méneval, Bausset, et les contemporains à même de connaître cet important détail, n'en disent rien. J'incline à croire que cet acte a été composé, lui aussi, à Paris, par les derniers partisans de Napoléon. Au commencement de 1815, deux mois avant le retour de l'île d'Elbe, «on fit imprimer une quantité prodigieuse d'exemplaires de cette protestation pour les distribuer avec profusion dans toutes les casernes et tous les corps de garde de France, afin de connaître les sentiments des soldats. Ils furent tels que les conjurés le désiraient.» (Voir Fouché de Nantes, 1816, in-18.)]
[199: «Les journaux de Paris ont annoncé la prochaine arrivée de l'archiduchesse Marie-Louise en France. Il serait bien désirable de donner la plus grande publicité aux faits qui démentent cette assertion.» (Blacas à Talleyrand, 16 avril.)]
[200: Napoléon à l'archichancelier: «13 août 1815. Nommez une commission de magistrats sûrs pour lever le séquestre et faire l'inventaire des papiers qu'on trouvera chez le prince de Bénévent et dans la maison des autres individus exceptés de l'amnistie par un décret de Lyon. On m'annonce qu'on trouvera des papiers importants. Nommez des hommes sûrs.» (Archives nationales, AFiv 907. Minutes des lettres de Napoléon.)]
[201: Voir dans les Mémoires du chancelier Pasquier, t. III, p. 170 à 173, ce très intéressant entretien.]
[202: Mémoires de Metternich, t. I; Autobiographie, p. 207.]
[203: Mémoires du chancelier Pasquier, t. III.]
[204: Napoléon a dû se dire qu'il ne trouverait pas plus de papiers en 1815 qu'il n'en trouva chez Fouché en 1810, lorsqu'il le remplaça par Savary et qu'il ordonna des perquisitions en son hôtel.]
[205: Minutes des lettres de Napoléon. Archives nationales, AFiv 907.]
[206: Mémoires pour servir à l'histoire de la vie privée, du retour et du règne de Napoléon en 1815.]
[207: Archives nationales, AFiv 907.]
[208: L'île d'Elbe et les Cent-jours.—M. de La Valette, dans ses Mémoires, raconte une scène violente que Napoléon fit à Fouché à ce sujet. Je veux bien y croire, mais avec quelques restrictions, car La Valette, qui s'était caché pour l'entendre, reparaissait un peu trop tôt pour recevoir les confidences de Fouché à ce sujet.]
[209: Cette déclaration est, je le répète, identique à celle qu'Alexandre faisait en 1804 à Novossiltzof, ex-ambassadeur à Londres. (Voy. le Temps du 8 septembre 1895, Les Plans de la coalition en 1804, par M. Albert SOREL.) Ces déclarations sont aussi sincères l'une que l'autre.]
[210: Voy. Mémoires de Metternich, t. II, p. 514 à 516.]
[211: Mémoires de Metternich, t. II.]
[212: Voir Mémoires pour servir à l'histoire de Napoléon en 1815.—Et voici comment Metternich en rend compte: «Les agents se rencontrèrent à Bâle à l'heure fixée et se séparèrent après une courte entrevue, parce qu'ils n'avaient rien à se dire.» Il semblerait, d'après le chancelier, qu'ils ne s'étaient fait aucune communication importante, et que, sans avoir dit autre chose que des banalités, chacun s'en était tenu là.]
[213: Mémoires de Pasquier, t. III, p. 196.—Fouché amena si bien le dénouement, que deux mois après il siégeait dans le conseil du Roi auprès de M. Pasquier.]
[214: «J'aurais dû le fusiller, a dit Napoléon à Sainte-Hélène; j'ai fait une grande faute de ne pas le faire.» (MONTHOLON, t. II.)]
[215: Mémoires pour servir à l'histoire de Napoléon en 1815, t. II, p. 32.]
[216: Comment cette proposition peut-elle cadrer avec cette parole de l'empereur Alexandre à lord Clancarty: «Je me suis assuré que l'Autriche, de son côté, ne songe plus à la régence et ne la veut plus.» (Lettre de Talleyrand à Louis XVIII, 23 avril.)—Et, d'autre part, comment cela s'arrange-t-il avec les déclarations de Gentz (Dépêches inédites), qui assure que l'empereur d'Autriche n'avait aucun goût pour la régence et Napoléon II?… Ce n'était donc que momentanément, pour tromper les Français et arriver à se débarrasser de Napoléon, que les alliés paraissaient favorables à la régence, car François II n'aurait jamais osé, sans leur adhésion, présenter cette combinaison. Tout cela montre bien que, de part et d'autre, on cherchait à se duper.]
[217: On voit que Montrond était aussi bien, en allant à Vienne, l'agent de Fouché que celui de l'Empereur. Et c'est lui qui, sans aucun doute, avait préparé la mission d'Ottenfels en demandant de vive voix à Metternich si l'Autriche soutiendrait la régence succédant à l'abdication, volontaire ou forcée, de Napoléon.]
[218: Mémoires de Lavalette, t. II.—Les Mémoires de Fouché reproduisent un petit discours de Carnot pour dissuader l'Empereur de faire fusiller Fouché. Cette générosité servit peu à Carnot, car, à la seconde Restauration, Fouché s'empressa de le placer sur les listes de proscription.]
[219: Il faut remarquer que c'était le thème de Fleury dans la première entrevue avec Ottenfels.]
[220: Mémoires de Pasquier, t. III.]
[221: Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII, publiée par M. PALLAIN, p. 380.]
[222: Napoléon disait plus tard à Montholon: «Je pouvais sauver ma couronne en lâchant la bride aux ennemis du peuple contre les hommes de la Restauration. Je ne l'ai pas voulu. Vous vous rappelez, lorsqu'à la tête de vos faubouriens, vous vouliez faire justice de la trahison de Fouché et proclamer une dictature. Je vous ai refusé, parce que tout mon être se révolte à la pensée d'être le roi d'une Jacquerie.»]
[223: Œsterreichs Theilnahme an der Befreiuns-Kriege, von F. VON GENTZ.]
[224: Qu'on se rappelle les platitudes et les génuflexions du même Schwarzenberg lors du mariage en 1810 et de l'entrevue de Dresde en 1812, et que l'on compare avec les insultes qui précèdent!]
[226: Voir à ce sujet Une lettre du Roi, publiée par moi dans la Revue des études historiques, année 1893.—Napoléon, s'étonnant à Sainte-Hélène de voir qu'un esprit aussi supérieur que Louis XVIII eût employé un traître comme Fouché, disait du duc de Richelieu: «À la bonne heure! celui-là, je le comprends. Il ne sait rien de notre France, mais c'est l'honneur personnifié, c'est un bon Français!» (Mémoires de Montholon, t. I.)]
[227: Supplementary Despatches, t. X.]
[228: Voir Mémoires de Bausset, t. III, et ANGEBERG, le Congrès de Vienne, t. II.]
[229: D'après une lettre de Caulaincourt à Napoléon, il paraîtrait que le prince impérial fut rendu à sa mère, à Schœnbrunn, le 29 mai. (Archives des affaires étrangères.)]
[230: MÉNEVAL, t. III.]
[231: Elles allaient être forcées de le quitter, elles aussi, quelques mois après. En effet, le 11 octobre, Mme Soufflot informait ses enfants de son retour. «Demain, écrivait-elle, doit arriver le gouverneur. Je resterai deux ou trois jours pour habituer ce cher petit, et, malgré que j'aie le cœur déchiré par cette cruelle séparation, vous devez penser avec quel empressement j'irai vous rejoindre.» (Collection Amédée Lefèvre-Pontalis.)]
[232: Lettre à Mme de Crenneville, 11 avril 1815.]
[233: Lettre du 28 mai 1815.]
[234: Voir ch. VII.]
[235: Mémoires, t. III, et Affaires étrangères, vol. 1802, France. Voir plus haut.]
[236: Mémoires, t. III.]
[237: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 681, et Correspondance de Talleyrand avec Louis XVIII, publiée par M. PALLAIN.]
[238: Voir ANGEBERG, le Congrès de Vienne, t. II.]
[239: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1801.]
[240: France, vol. 1802. Archives des Affaires étrangères.]
[241: Correspondance de Napoléon, t. XXVIII, et Archives des Affaires étrangères, vol. 1802, France.]
[242: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1802.]
[243: Voir mon ouvrage sur le Maréchal Ney, Plon, 1894, p. 73.]
[244: Histoire des deux Chambres de Buonaparte, par F. Th. DELBARE, et Archives parlementaires, publiées par Mavidal et Laurent, 1re série.]
[245: Histoire des deux Chambres, par Th. DELBARE.]
[246: Plusieurs témoins de cette scène devaient s'en souvenir, lors du procès de Labédoyère, et contribuer par haine à sa condamnation après les Cent-jours.]
[247: Archives parlementaires, t. XIV.]
[248: Mémoires de Pasquier, t. III.—Les choses allaient plus vite que Fouché ne l'avait cru. Son intérêt était de retarder le retour des Bourbons, afin de mieux imposer ses conditions.]
[249: Mémoires de Pasquier, t. III.]
[250: Mémoires, t. III, p. 261.]
[251: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1801.]
[252: Ibid.]
[253: Une caricature, qui faisait fureur à Vienne, le représentait avec six têtes, dont la première criait: «Vive la République!» la seconde: «Vive l'Égalité!» la troisième: «Vive le premier Consul!» la quatrième: «Vive l'Empereur!» la cinquième: «Vivent les Bourbons!» la sixième: «Vive…!» Talleyrand attendait pour ce dernier cri ce que la nation ou le hasard décideraient.]
[254: Voy. le n° du 11 avril 1896 de la Neue Freie Presse, article de M. Wertheimer sur Talleyrand pendant le Congrès de Vienne.—Voy. aussi les Mémoires de Méneval, t. III, et POZZO DI BORGO, t. II.]
[255: Mémoires de Talleyrand, t. III.]
[256: Le 6 juillet, M. de Maleville protesta, par une lettre adressée au président de la Chambre des représentants, et obtint la distribution d'un écrit contenant sa défense.]
[257: Supp. Despatches of Wellington, tome X, p. 641.]
[258: Pour décider ses collègues, Fouché disait que c'était pour eux une question de vie ou de mort. «Eh! qu'importent ta vie et la mienne, s'écria Carnot, quand il s'agit du salut de la France! Tu n'es qu'un lâche et qu'un traître!» (Mémoires de Carnot, p. 184.)]
[259: Voir mon ouvrage sur le Maréchal Ney, ch. IV.]
[260: François II connaissait les desseins des autres puissances à l'égard de l'Empereur. Wellington était si pressé de s'en emparer qu'il aurait voulu que le gouvernement provisoire livrât de ses propres mains Napoléon aux alliés.]
[261: Il ignorait que Castlereagh, lors du traité de Fontainebleau, s'était opposé à ce qu'on lui maintînt le titre d'Empereur et avait préconisé une autre position que celle de l'île d'Elbe pour lui servir de retraite.]
[262: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1803.]
[263: Le premier lieu de détention choisi était plus humain, puisque Metternich avait écrit le 18 juillet à Marie-Louise en l'informant de l'arrivée de Napoléon sur le Bellérophon: «D'après un arrangement fait entre les puissances, il sera constitué prisonnier au fort Saint-Georges dans le nord de l'Écosse, et placé sous la surveillance de commissaires autrichiens, russes, français et prussiens. Il y jouira d'un très bon traitement et de toute liberté, compatible avec la plus entière sûreté qu'il ne puisse échapper.» (Mémoires, t. II, p. 526.)]
[264: Ne faut-il pas voir dans ces dernières lignes une précaution de Napoléon? S'il s'était laissé aller à un juste ressentiment, c'est son fils qui en eût probablement supporté la peine. D'autre part, il lui eût répugné de faire rougir le fils devant sa mère.]
[265: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1803.]
[266: Ibid.]
[267: Ibid.]
[268: Mémoires, t. IV.]
[269: On verra plus loin que l'Empereur d'Autriche a devancé lui-même les désirs de Louis XVIII à ce sujet.]
[270: Voici la lettre que Marie-Louise écrivit à Mme Soufflot le 19 octobre 1815: «Les circonstances m'obligeant de mettre mon fils dans les mains des hommes, je ne veux pas vous laisser partir, Madame, sans vous assurer de toute la reconnaissance que je vous ai vouée pour toutes les peines que vous vous êtes données pour la première éducation de mon fils qui a si complètement réussi au gré de mes désirs. Je désirerais pouvoir vous prouver, de loin comme de près, toute ma satisfaction, et je vous prie de croire que je serais heureuse de trouver une occasion pour vous le prouver.»
L'enfant impérial n'oublia pas sa sous-gouvernante, qui de retour à Paris lui avait adressé quelques jouets. Il lui écrivait le 17 janvier 1816: «Ma chère Toto, je vous aime toujours beaucoup; nous parlons souvent de vous et je vous embrasse, ainsi que Fanny, de tout mon cœur.»
Marie-Louise, en envoyant ce mot, ajoutait: «Mon fils, qui me charge de cette lettre, vous remercie bien de tous les jolis souvenirs que vous lui avez envoyés. Nous parlons souvent de vous et je lui montre toute la reconnaissance que nous vous devons tous deux, pour les soins que vous avez bien voulu lui rendre, ainsi que Fanny. J'ai vu avec plaisir, par votre lettre, que vous aviez retrouvé votre famille bien portante. Elle aura été heureuse de vous revoir après une si longue sortie. Mon fils et moi nous jouissons de la meilleure santé et je suis fort contente de ses progrès et du développement de son intelligence. Je vous prie de croire que je pense souvent à vous et que je fais des vœux bien sincères afin que dans le courant de cette année vous n'éprouviez que du bonheur.
«Votre très affectueuse,
«MARIE-LOUISE.»
(Collection Antonin Lefèvre-Pontalis.)]
[271: Voir les intéressants détails donnés par le capitaine Foresti à M. de Montbel. (Le duc de Reichstadt.)]
[272: J'ai retrouvé dans un opuscule absolument oublié, «Du système de l'éducation du roi de Rome et des princes français», publié à Londres en 1820 en un texte moitié anglais, moitié français, un travail daté de Saint-Cloud, le 27 juillet 1812. «C'est dans l'empire de Dieu sur les rois, dit cet opuscule, que doivent se puiser les principes de l'éducation des princes du sang de Napoléon faits pour obéir et pour commander…» L'auteur, qui doit être un impérialiste passionné, dit à propos des sujets qu'il faudra soumettre au jeune prince: «Dieu et l'Empereur seront l'inépuisable sujet de ses compositions.»]
[273: Voir sur ce sujet une Lettre de Roi, publiée par moi dans la Revue des Études historiques, en mai 1893.]
[274: Dépêches inédites aux hospodars de Valachie.]
[275: Ces craintes ne rappellent-elles pas les vers d'Oreste dans la première scène d'Andromaque:
Je viens voir si l'on peut arracher de ses bras
Cet enfant dont la vie alarme tant d'États.
]
[276: Il va sans dire que la reine d'Étrurie refusa d'obéir à cette proposition.—Une dépêche de Vienne attestait qu'on avait informé Marie-Louise qu'elle ne devait plus user dorénavant du titre d'Impératrice, «ce qui, ajoutait la dépêche, lui a été extrêmement sensible». (Affaires étrangères, Vienne, année 1816.)]
[277: Archives des Affaires étrangères, Vienne.]
[278: J'ai reçu avec sensibilité, écrivait alors Marie-Louise au marquis de Bausset, la démission de votre charge de grand-maître de ma maison que vous avez remplie avec autant de zèle que de fidélité. Les circonstances seules dans lesquelles je me trouve me font une loi de l'accepter.» (Affaires étrangères, Vienne.)]
[279: La sous-gouvernante de l'enfant, Mme Soufflot, qui était partie avec sa fille Fanny, au mois d'octobre précédent, avait été comblée de prévenances par Marie-Louise, par les princes et tout leur entourage. Chacun avait rendu hommage à sa conduite et à son zèle. Le gouverneur, comte de Dietrichstein, lui avait adressé, le 20 octobre 1815, les vers suivants:
Les mêmes soins nous occupaient tous deux
Et j'attachais du prix à ce partage;
De sincère amitié nous avons plus d'un gage,
Même intérêt, même espoir, mêmes vœux.
(Collection Amédée Lefèvre-Pontalis.) ]
[280: Archives des Affaires étrangères, Vienne.]
[281: Ibid., Parme, vol. 5.]
[282: Voy. plus haut, chapitre IX.]
[283: Archives des Affaires étrangères, Parme.—Cité par M. I. de Saint-Amand.]
[284: Archives des Affaires étrangères, Parme.]
[285: Correspondance de Marie-Louise (1799-1847). Vienne, 1887, Gérold.]
[286: Ibid.]
[287: Archives des Affaires étrangères, Vienne.—L'Autriche voulut revenir là-dessus en 1830. Elle fut si mal accueillie qu'elle cessa désormais toute réclamation à cet égard.]
[288: La Russie ne témoignait pas autant de déférence envers le gouvernement français. Gentz rappelait dans son Journal, à la date du 18 septembre 1816, qu'Alexandre se plaisait souvent à relever les fautes énormes des Bourbons depuis leur retour. «Il verse le sarcasme à pleines mains, disait-il, sur leur conduite faible et vacillante, sur leur attachement superstitieux aux anciens usages et à l'ancienne étiquette, sur l'ignorance et le fanatisme des émigrés, sur la folie des ultra-royalistes.» (Journal de Fr. de Gentz.)]
[289: Archives des Affaires étrangères, Florence, cité par M. I. de Saint-Amand.]
[290: Mémorial de Sainte-Hélène.]
[291: MONTHOLON, t. I.]
[292: Il ne faut pas oublier cette dépêche de lord Liverpool à lord Castlereagh, datée de Fivehouse le 29 juillet 1815: «Si le roi de France voulait pendre ou fusiller Bonaparte, ce serait à mes yeux la meilleure solution pour cette affaire.»]
[293: Rapports du baron Stürmer, 13 décembre 1816.—Voy. le même incident dans la Captivité de Sainte-Hélène, d'après les rapports du marquis de Montchenu, par M. Georges Firmin-Didot, p. 96 et suiv.—Il paraîtrait que c'est la fille de Mme Soufflot qui eut, la première, l'idée d'envoyer cette boucle de cheveux à Napoléon.]
[294: «Mon calme imperturbable, mon immuable sérénité m'ont valu la confiance de tout le monde!» disait un jour Metternich à Varnhagen. (Salons de Vienne.)]
[295: 30 mars 1817.]
[296: 11 avril.]
[297: Correspondance de Marie-Louise, p. 198.]
[298: Archives nationales, F7 6668.]
[299: Archives des Affaires étrangères, Vienne, 1817.]
[300: Ibid.]
[301: Ibid.]
[302: 2 juin 1817. Affaires étrangères, vol. 1803.]
[303: 22 juin. Ibid.]
[304: 10 juillet. Ibid.]
[305: Ce petit prince avait écrit, sous la dictée de sa mère, à Napoléon, le 24 juillet 1807: «Sire, maman me parle toujours de vous. Je vous aime et je veux vous connaître. En attendant, envoyez-moi votre portrait, qu'il y a longtemps que maman souhaite et que vous lui avez promis.» (Le royaume d'Étrurie, par P. MARMOTTAN.)]
[306: Correspondance de Marie-Louise, 13 octobre 1817.]
[307: Voir ANGEBERG, le Congrès de Vienne, t. I et II.]
[308: Lorsque le traité du 17 juin fut connu en France, le Protocole proposa, puisque la succession de Parme était assurée à la reine d'Étrurie et à son fils, de rétablir l'article PARME dans l'Almanach de 1818. «On placerait d'abord, disait une note officielle, l'archiduchesse Marie-Louise comme duchesse de Parme, puis la reine d'Étrurie et son fils comme héritiers présomptifs et éventuels.» Le ministre y consentit. (Affaires étrangères, Parme, vol. 5.)—On poussa la condescendance plus loin, car, en 1819, on mit après le nom de Marie-Louise celui du «lieutenant général comte de Neipperg, chevalier d'honneur de Sa Majesté».]
[309: Dépêches inédites aux hospodars de Valachie.]
[310: Correspondance intime, p. 199, 200.]
[311: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 398.]
[312: Ce n'était pas seulement de l'esprit que recherchait Gentz, c'était encore de l'argent. Il a été un des écrivains les plus pensionnés de l'Europe, et il a reçu de toutes mains, sans vergogne. Voici ce que contenait son Journal (t. II), à la fin de 1816: «Finita la commedia pour 1816. Année brillante dans l'histoire de ma vie. Rétablissement de ma santé, affaires importantes, perspectives riches. Je suis content de moi-même, jouissant de beaucoup de choses et me moquant du reste.» Ailleurs, il fait complaisamment le compte de ses gains et il s'en vante. Ainsi, en 1814, il a récolté en bénéfices extraordinaires 48,000 florins, dont 24,000 du roi de France remis par Talleyrand. Il fait un jour savoir à notre ambassadeur à Vienne «qu'une augmentation pécuniaire de 250 ducats sera reçue avec une très vive reconnaissance et qu'on y attachera au moins autant de prix qu'on pourrait le faire à une décoration dont on n'a déjà que trop». (Affaires étrangères, Vienne, vol. 404.)]
[313: Il y était question d'une fausse protestation de Marie-Louise. Voir plus haut, ch. VII.]
[314: Gentz ajoutait dans un autre accès de franchise: «Faites des vœux pour que la France et l'Autriche ne s'entendent jamais!» (Affaires étrangères, Vienne, vol. 398.)]
[315: Voy. L'Église romaine et le premier Empire, par le comte d'HAUSSONVILLE, t. V, p. 347.—Le Journal de Luisbourg et l'Abeille américaine ont publié, en novembre 1817, une autre lettre attribuée à Pie VII et adressée par lui à Alexandre. Après examen de cette lettre et après de minutieuses recherches faites à Rome par l'entremise très obligeante de Mgr Celli, je me suis convaincu que cette pièce était apocryphe. (Archives nationales, F7 6668.)]
[316: Le bruit courut plus tard qu'Alexandre aurait reproché à Napoléon de ne pas s'être adressé à la générosité de la Russie: «Il le pouvait, aurait-il dit, et s'il l'avait fait, il serait peut-être encore Empereur des Français.» (Mémoires d'un homme d'État, t. XII.)]
[317: Archives des Affaires étrangères.]
[318: Ibid.]
[319: Archives des Affaires étrangères, Vienne, 1818.]
[320: GENTZ, Dépêches inédites aux hospodars de Valachie.—Il ne faut pas oublier que lord Chatam disait déjà en 1764: «Que deviendrait l'Angleterre si elle était toujours juste envers la France?… Craignez, réprimez la maison de Bourbon!»]
[321: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 399.]
[322: Voy. MONTBEL, p. 104 à 106.]
[323: Affaires étrangères, Vienne, 1819.—Il s'agissait du prince Eugène, qui avait obtenu la principauté d'Eischtedt avec le titre de duc de Leuchtenberg.]
[324: Le comte d'Appony, ministre d'Autriche près la cour de Toscane, avait négocié au nom de l'Empereur l'affaire des terres bavaro-palatines auprès du grand-duc.]
[325: Archives des Affaires étrangères, Parme,—cité par I. de Saint-Amand.]
[326: Archives nationales, F7 6884.]
[327: C'était à la date précise du 24 avril.]
[328: Publiée par la Bibliothèque historique, t. IV, p. 201.]
[329: La publication si impartiale et si fidèle de la Campagne de 1815, écrite à Sainte-Hélène en 1817, avait exaspéré contre le général Gourgaud le duc de Wellington, qui l'avait poursuivi de sa haine. Pendant plusieurs années, le général erra proscrit en Europe, sans pouvoir rentrer en France. Il y revint seulement le 20 mars 1821, grâce à la bienveillance de M. Pasquier, alors ministre des affaires étrangères. Il se défendit vigoureusement en 1827 contre les accusations de Walter Scott qui, dans son histoire romanesque de Napoléon, l'avait accusé d'avoir fait connaître au gouvernement anglais les projets d'évasion de l'Empereur. Il put affirmer et prouver que le célèbre romancier avait été «le calomniateur volontaire d'un dévouement et d'une fidélité irréprochables».]
[330: Archives des Affaires étrangères, Vienne, 1818.—Mémoire de Pozzo di Borgo au Congrès.]
[331: Affaires étrangères, ibid.]
[332: En présence de ce rapprochement du roi de Rome et de François II, comment ne pas rappeler le fait que signale M. Albert Vandal dans le tome III de Napoléon et Alexandre Ier, lors de l'entrevue de Dresde en 1812? L'Empereur avait remarqué l'absence de l'héritier présomptif de la couronne d'Autriche, l'archiduc Ferdinand, et comme sa belle-mère s'excusait de ne l'avoir point amené, en alléguant sa jeunesse et sa timidité, Napoléon s'était écrié: «Vous n'avez qu'à me le donner pendant un an, et vous verrez comme je le dégourdirai.»]
[333: Correspondance de Marie-Louise.]
[334: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 400.]
[335: Ibid.]
[336: Ibid.]
[337: PASQUIER, Mémoires, t. IV, p. 170.]
[338: Voir pour les détails les Mémoires de Pasquier, t. IV, p. 389 à 400.—Voir, passim, l'ouvrage de M. GUILLON, Les complots militaires sous la Restauration, Plon, 1895.]
[339: Voir mon ouvrage sur Le maréchal Ney, ch. III, p. 76, 77.]
[340: Mémoires de Pasquier, t. IV, p. 160.]
[341: Archives des Affaires étrangères, Vienne, 6 février 1820.]
[342: Mémoires de Pasquier, t. IV, p. 361.]
[343: Archives des Affaires étrangères, Vienne, 1820, vol. 401.]
[344: Kaiser Franz und die Napoleoniden, von Dr H. SCHLITTER. Archiv für Œsterreichische Geschichte, t. LXXII.]
[345: Correspondance de Marie-Louise, p. 215.]
[346: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 401.]
[347: Ibid., France, vol. 1805.]
[348: Opinion d'un médecin sur la maladie de l'empereur Napoléon et sur la cause de sa mort, par J. HÉREAU.]
[349: Il est rédigé sur un grand papier filigrané in-4°, long de 0m,32 sur 0m,20 de largeur, avec la marque: «J. Wathman, 1819.—Balston et Cie», et l'écusson en forme de cœur où sont les lettres V. E. C. L. entre-croisées. À la première page figurent ces mots: «Ceci est mon testament ou acte de ma volonté dernière.»]
[350: La première page du testament est toute fanée par le temps, et les cassures du papier ont été réunies par des bandes de papier pelure d'oignon.]
[351: «Ce fils, prisonnier comme lui, était le seul grand sentiment par lequel il survécût sur la terre, son orgueil, son amour, sa dynastie, son nom, sa postérité. Il n'eut de larmes qu'à cette image.» (LAMARTINE.)]
[352: Héreau, l'ancien chirurgien de Madame Mère et de Marie-Louise, fit à cet égard, et d'après des documents authentiques, un examen attentif qu'il consigna dans son livre intitulé: Napoléon à Sainte-Hélène. Il l'offrit, en mars 1827, au duc de Reichstadt, «heureux, disait-il au prince, si je puis vous préserver des peines et des inquiétudes qui doivent accompagner une vie que l'on croit toujours menacée».—Voir aussi sur ce point les récits de Montholon et d'Antomarchi.]
[353: Il relisait souvent les Évangiles. Un jour, méditant sur le sermon de Jésus sur la Montagne, il se disait ravi, extasié de la pureté, de la sublimité d'une telle morale. (Mémorial de Sainte-Hélène.)]
[354: Elle-même, à son lit de mort, le 29 avril 1814, avait prononcé ces dernières paroles: «L'île d'Elbe, NAPOLÉON!»]
[355: Que devenait la parole dite en 1814 par lord Castlereagh au duc de Vicence «qu'il valait mieux se fier à l'honneur anglais qu'à un traité»?]
[356: Napoléon à Montholon.]
[357: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 402.]
[358: Affaires étrangères, Parme. Cité par M. Imbert de Saint-Amand.]
[359: Correspondance de Marie-Louise.]
[360: Die Stellung der Œsterreichischen Reqierung zum Testament Napoléon Bonapartes, von Dr Hans SCHLITTER, Archiv für O. G., t. LXXX.]
[361: Ibid.]
[362: «La cour de Vienne mit un soin particulier à ce que nulle émotion publique ne signalât la mort du père du duc de Reichstadt et de l'époux de l'archiduchesse Marie-Louise.» (Mémoires de Pasquier, t. V.)]
[363: Le 9 août 1821 naquit cet enfant adultérin, auquel l'empereur d'Autriche voulut bien donner un titre princier. Il devint chambellan, conseiller intime, général de cavalerie, et mourut à Vienne le 7 avril 1895.]
[364: Ich wählte die ruhige Abenstunde und sah mehr Thränen fliessen als ich mir von einem Kinde erwartet hätte welches seinem Vater nie gesehen nie gekannt hat. (Archiv für O. G., t. LXXX.])
[365: Voy. M. DE MONTBEL, p. 123, 124.]
[366: Correspondance de Marie-Louise.—Lettres intimes.]
[367: Archives des Affaires étrangères, France, vol. 1805, cité par M. Georges Firmin-Didot. (Le marquis de Montchenu.)]
[368: Archives nationales, F7 6678.]
[369: Voir Mémoires d'Antomarchi, t. II.]
[370: Mémoires d'Antomarchi, t. II.]
[371: Après avoir dressé un procès verbal du décès de l'Empereur, les exécuteurs testamentaires constatèrent que les cassettes impériales contenaient 327,833 fr. 20. Le 14 mai, ils firent le partage des livres et effets de l'Empereur, en mettant de côté les objets destinés à son fils, aux princes et princesses de sa famille. Le 25 juillet, ils arrêtèrent l'état des payements faits pour le compte de la succession. Ils s'élevaient à 341,447 fr. 70. Bertrand et Montholon avaient donc fait l'avance d'une somme de 13,644 fr. 50.]
[372: Staats Archiv, SCHLITTER.]
[373: La meilleure étude que j'aie consultée à cet égard, et avec fruit, est celle du docteur Schlitter. (Archiv für Œsterreichische Geschichte, t. LXXX.)]
[374: SCHLITTER, ibid.]
[375: SCHLITTER, Archiv für O. G.]
[376: Voir la lettre de Napoléon citée plus haut.—Voir, pour le détail, le Testament de Napoléon, par M. DUPIN. (Mémoires, t. I.)]
[377: M. de Montholon venait de donner au gouvernement de Louis XVIII communication officielle du testament impérial. «M. Laffitte, dit le chancelier Pasquier, ne trouvait pas, et avec assez de raison, que les exécuteurs testamentaires eussent qualité suffisante pour qu'il pût avec sûreté se dessaisir en leurs mains. Il voulait, au moins pour la forme, y être contraint par jugement.» On consulta le gouvernement, qui, d'un commun accord, écarta la répétition du dépôt confié au banquier, répétition qui, de sa part, eût paru indigne de la grandeur nationale et de la dignité royale. Quant au testament lui-même, le conseil des ministres ne voulut pas le reconnaître et permettre ainsi aux exécuteurs testamentaires de faire valoir leurs droits. Le comte de Montholon prit alors le parti de déposer le testament en Angleterre et de s'en faire délivrer un extrait.]
[378: Voir Mémoires de Dupin, t. I et annexes.]
[379: Marchand envoya ces objets à Marie-Louise le Ier juillet, avec une chaîne de montre pour le duc de Reichstadt, faite également avec des cheveux de Napoléon.]
[380: Voir Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 404.]
[381: La note disait en outre que les questions de la cour de Vienne étaient indiscrètes et insidieuses. Elle ajoutait: «Il n'existe pour le gouvernement du Roi ni fils de Napoléon, ni tuteur de cet enfant.» (Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 404.)]
[382: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 404.]
[383: La mort du duc, survenue le 22 juillet 1832.]
[384: Archiv für Œsterreichische Geschichte Hans Schlitter, t. LXXX.]
[385: Voici ce que devint l'héritage de Napoléon. Des cinq millions déposés chez Laffitte (c'était le chiffre reconnu), on ne put retirer que trois millions et demi. Les deux cents millions du domaine privé de l'Empereur étaient réduits en 1818 à cent dix-huit millions, qu'une ordonnance royale fit verser au Trésor. Avec les trois millions et demi du dépôt, les exécuteurs testamentaires se virent forcés de faire face à des legs montant à neuf millions. Le 5 août 1854, sur le rapport de M. Fould et après avoir entendu le Conseil d'État, Napoléon III ouvrit au ministre d'État un crédit de huit millions, affecté à l'exécution des dispositions testamentaires de Napoléon Ier. Une commission spéciale chargée de la répartition fut nommée le 29 août. La régularisation du crédit devait être ultérieurement proposée au Corps législatif.]
[386: En 1825, il fut nommé conseiller de régence, puis baron. L'éducation du duc de Reichstadt devait se terminer en juin 1831.]
[387: Il visita, entre autres, à cette époque, les champs de bataille d'Austerlitz et de Wagram.]
[388: Il lut, entre autres, Montholon, O'Méara, Gourgaud, Antomarchi, Fleury de Chaboulon, Las Cases, Ségur, Polet, Benjamin Constant, Massias, Arnault et le Mémorial de Sainte-Hélène, sans compter plusieurs écrits allemands.]
[389: Correspondance de Marie-Louise, année 1822, p. 230, 231.]
[390: Paris, 1838, t. I.]
[391: Journal du maréchal de Castellane, t. II.]
[392: Archives des Affaires étrangères, Parme, vol. 5.]
[393: Cette omission avait déjà choqué le comte de Neipperg, car le 23 novembre 1817, un agent des Affaires étrangères informait le duc de Richelieu que Neipperg lui avait renvoyé l'enveloppe d'une dépêche officielle qu'il avait reçue «ouverte de la façon la plus inconvenante, et que même on s'y était permis de biffer sur l'enveloppe le titre de Majesté adressé à Sa Majesté l'archiduchesse, duchesse de Parme». Le directeur des postes, interpellé à ce sujet, jura, en s'excusant fort, que cette infidélité ne pouvait être attribuée à aucun bureau français. (Affaires étrangères, Parme, vol. 5.)]
[394: 13 décembre 1827. Affaires étrangères, Parme.—Lamartine annonçait en même temps à M. de Damas que la duchesse de Parme voulait contracter un emprunt de dix millions chez Rothschild. Le banquier exigeait la garantie et la signature du duc de Lucques. Celui-ci y avait consenti, mais à la condition d'avoir un million sur les dix. Rothschild avait en outre pris hypothèques sur la totalité des domaines de Parme, qui se montaient à trente millions. La terre de Borgo San Domino, que possédait la mère du duc de Lucques, avait été vendue autrefois à Marie-Louise, qui en avait formé un majorat en faveur d'un enfant de Neipperg. Le nouvel emprunt était officiellement affecté aux dépenses du cadastre et d'un grand théâtre nouveau. «Mais on assure qu'à peu près le tiers de cette somme, disait le secrétaire, est destiné à acheter des terres et des rentes pour les enfants de l'archiduchesse, de sorte que la dette de l'État ne sera que peu ou point diminuée par cette opération.» (Affaires étrangères, Parme.) Les trois enfants nés de l'union secrète de Marie-Louise et du comte de Neipperg étaient le prince de Montenuovo et deux filles, dont l'une épousa le comte de San Vitale.]
[395: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol. 406.]
[396: Archives nationales, F7 6979.]
[397: Ibid., F7 6975.]
[398: Archives des Affaires étrangères, Vienne, vol, 409.]
[399: Mémoires de Vitrolles, t. III, p. 455.]
[400: Entretiens de Foresti et de Montbel.]
[401: Voir Mémoires de Metternich, t. V, p. 265, 266.]
[402: Tome I.]
[403: Or, ce Napoléon était celui que Metternich avait flatté comme tant d'autres, celui dont Talleyrand a dit: «Les trois hommes qui ont reçu sur la terre le plus de louanges sont Auguste, Louis XIV et Napoléon… Je n'ai pas vu à Erfurt une seule main passer noblement sur la crinière du lion.» (Mémoires, t. I.)]
[404: Mémoires du baron de Vitrolles.]
[405: CAPEFIGUE, Les diplomates européens, t. Ier, 1843.]
[406: Metternich l'avait fait croire à beaucoup et le croyait lui-même. «Que feriez-vous, prince, lui demandait un jour le vieux général de Gerzelles, si vous n'étiez plus en activité?—Vous admettez là, répliqua Metternich avec raideur, un cas qui est impossible.» Cela se vit pourtant en 1848. Mais même après l'insurrection qui le força à déposer le pouvoir et à quitter l'Autriche pour se réfugier en Angleterre, Metternich continua à se juger infaillible. Il dit un jour à M. Guizot, amené sur le même sol par la Révolution, que l'erreur n'avait jamais approché de son esprit. «Vous êtes bien heureux! repartit M. Guizot. Moi, cela m'est arrivé quelquefois.»]
[407: Lettre à la comtesse de Crenneville, 27 février 1824.]
[408: 27 avril 1824.]
[409: 20 janvier 1829.]
[410: D'après le baron de Méneval, la mort du premier mari de la comtesse de Neipperg, née comtesse Pola, ne précéda la mort de celle-ci que de quelques mois. On sait que Neipperg avait jadis enlevé cette femme à son mari. (Mémoires de Méneval, t. III, p. 592.)]
[411: Il s'agit toujours du testament de Napoléon. (Voir ch. XII.)]
[412: Elle avoua ce nouveau mariage dans ses testaments des 25 mai 1837 et 22 mai 1844. (Voir M. I. DE SAINT-AMAND, p. 413.)]
[413: Archives des Affaires étrangères, Parme, et Mémoires du baron de Vitrolles].
[414: Archives des Affaires étrangères, Parme.]
[415: Archives nationales, F7 6993.]
[416: Elle avait loué pour le mois d'août et de septembre le château de Mme Budé-Boissy.]
[417: Archives nationales, F7 6993.]
[418: Ibid.]
[419: Ibid.]
[420: Archives des Affaires étrangères, Parme.—Cité par M. I. de Saint-Amand.]
[421: Correspondance de Marie-Louise.]
[422: F7 6704, 6705, 6706.]
[423: Les portraits surtout causaient de l'émoi aux agents. Cet émoi datait de loin. Un-rédacteur de l'Indépendant, M. Latouche, avait rendu compte, en 1822, de l'exposition des tableaux au Salon du Louvre et avait parlé avec éloges d'un joli portrait représentant un enfant qui tenait à la main un bouquet de fleurs bleues. Cet article attira l'attention. La foule s'amassa devant le tableau. Les uns prirent les fleurs pour des Vergiss mein nicht, les autres s'écrièrent: «C'est le roi de Rome!» La police fit évacuer le Salon, enlever le portrait et supprimer l'Indépendant, qui reparut peu de temps après sous le nom de Constitutionnel.]
[424: Jusqu'en Pologne même on fit cette propagande. Ainsi, en 1829, à Cracovie, il circulait des pièces de monnaie avec cette exergue: «N. F. C. Joseph, roi de Pologne.»]
[425: Le 18 juillet 1829, la police avait été inquiétée par le faux bruit de l'arrivée du duc de Reichstadt à Besançon. (Archives nationales, F7 6995.)]
[426: Archives nationales, F7 6706.]
[427: Voir, pour les détails, le volume de M. GUILLON, Les complots militaires sous la Restauration, et les Mémoires de M. Pasquier, t. IV, ainsi que les débats de la Cour de Paris, du 7 mai au 8 juin 1821.]
[428: Voir GUILLON.]
[429: Voir GUILLON et les Complots de Saumur.]
[430: Ibid., p. 274 et suiv.]
[431: Il devait racheter ses erreurs par sa conduite héroïque en Grèce contre les Turcs.—Voir GUILLON, p. 340.]
[432: Préface du Fils de l'Homme. Bruxelles, Wahlen et Cie, 1829.]
[433: Voir le Procès du «Fils de l'Homme», chez Denain, 1829, in-8°.]
[434: Barthélémy avait alors trente-quatre ans.]
[435: Correspondance de Marie-Louise, 12 janvier 1830.]
[436: 31 janvier.—Lettres intimes.]
[437: Voir du docteur Herrmann ROLLET, la Neue Beitrage zur Chronik der Stadt Baden bei Wien (VII Theil) Verlag von P. Schütze, 1894, p. 78 à 80.]
[438: Prokesch fut plus tard attaché à l'ambassade d'Autriche à Rome, puis devint ministre plénipotentiaire à Athènes, feld-maréchal et membre du Conseil privé de l'Empereur, ambassadeur à Berlin, membre de l'Académie des sciences de Vienne. Son intelligence, sa droiture, sa vigueur et son activité méritaient de tels honneurs.—M. G. Valbert a dit qu'il était un élève du prince de Metternich, «qui l'avait formé, façonné et nourri du lait de sa sagesse». (Revue des Deux-Mondes du 1er novembre 1896). Ce que j'en sais me donne à croire qu'il avait certaines idées de Metternich, mais qu'il s'était formé lui-même.]
[439: Mes relations avec le duc de Reichstadt.—Mémoire du comte de P. O., traduit par son fils et extrait du ler volume des Œuvres posthumes, chez E. Plon, 1878, 1 vol. in-18.]
[440: Dans cette rencontre heureuse se réalisait la parole du noble Henri Perreyve qui, frappé avant l'heure, eut cependant la joie de compter des amitiés précieuses: «La Providence a fait certaines âmes avec certaines ressemblances qui forcent ces âmes, quand elles se rencontrent, à se regarder, à se reconnaître et à s'aimer.»]
[441: Voy. MONTBEL, Récit de Prokesch-Osten.]
[442: Mein Verhältniss zum Herzog von Reichstadt, Stuttgart, 1878.]
[443: Conversation de M. de Prokesch avec Montbel, p. 166.—Le duc de Reichstadt.]
[444: «La France et l'Autriche, dit-il plus tard au duc de Raguse, pouvaient un jour être alliées et leurs armées combattre l'une à côté de l'autre. Ce n'est pas contre la France que je puis et dois faire la guerre. Un ordre de mon père l'a défendu, et jamais je ne l'enfreindrai. Mon cœur me le défend aussi, de même qu'une bonne et sage politique.» (Mémoires de Marmont, t. VIII.)]
[445: MONTBEL, p. 152.—Voir aussi PROKESCH-OSTEN.]
[446: Il ne faut pas oublier que le prince Eugène de Savoie-Carignan avait demandé à Louis XIV de servir la France. Après le refus du Roi, il s'offrit en 1683 à l'Autriche, qui eut l'intelligence de l'accepter. Des 1687, il était feld-maréchal général, puis président du conseil aulique de la guerre. Plus tard, Louis XIV lui fit offrir inutilement le bâton de maréchal. Ses victoires à Zentha, Carpi, Chiari, Luzzara, Hochstedt, Oudenarde, Malplaquet, Peterwardein, Belgrade, sont assez connues. Il rencontra dans le maréchal de Villars un adversaire redoutable. Le prince Eugène, dont l'audace et le coup d'œil sont demeurés légendaires, était un de ces guerriers qui devaient passionner la nature ardente et chevaleresque du fils de Napoléon.]
[447: Mémoire de Prokesch-Osten, p. 22, et MONTBEL, p. 168.]
[448: Les bruits les plus mensongers coururent sur lui. On en trouvera un exemple dans une Pièce historique sur le roi de Rome, 1830, in-8°.]
[449: Lettre sur la mort du duc de Reichstadt par un de ses amis, traduite de l'allemand par Bastien (de Luisbourg en Wurtemberg), Paris, 1833, in-8°.]
[450: Voir la Lettre sur la mort du duc de Reichstadt par un de ses amis.]
[451: «Dans chaque science l'histoire était pour lui la partie la plus essentielle, et son impatience l'entraînait du sujet de la science à l'esprit de cette science. L'histoire n'était pas seulement pour lui la science des faits, mais celle de l'esprit, des peuples et des individus.» (Lettre sur la mort du duc de Reichstadt.)]
[452: «La guerre est une institution de Dieu. En elle les plus nobles vertus trouvent leur épanouissement. Sans la guerre, le monde se perdrait dans le matérialisme.» Le feld-maréchal de Moltke, qui a dit cela, s'inspirait de la parole saisissante de J. de Maistre: «Lorsque l'âme humaine a perdu son ressort par la mollesse, l'incrédulité et les vices gangreneux qui sont l'excès de la civilisation, elle ne peut être retrempée que dans le sang.»]
[453: Lettre sur la mort du duc de Reichstadt.]
[454: Après avoir quitté le service militaire en 1800, le comte de Dietrichstein s'était adonné aux lettres. Chambellan, puis conseiller intime de l'Empereur, intendant de la chapelle de la Cour, chargé de la direction des théâtres, il avait renoncé en 1826 à ces diverses fonctions pour devenir directeur de la Bibliothèque impériale. Le comte de Dietrichstein se sépara du duc de Reichstadt au mois de mai 1832 et fut nommé, en récompense de ses bons services, grand-croix de l'ordre de Léopold.]
[455: Lettre sur la mort du duc de Reichstadt.]
[456: Voir Mémoire de Prokesch.]
[457: Voir Napoléon et Alexandre Ier, par le comte Albert VANDAL, t. III.—Voir une note sur Caulaincourt et Napoléon, publiée par moi dans la Revue des Études historiques, 1896, fasc. I.]
[458: Vers la fin de l'année 1831, les chefs de l'insurrection polonaise, qui avaient pensé au fils de Napoléon, se tournèrent vers son cousin, Louis-Napoléon, celui qui devait être Napoléon III, et lui offrirent le commandement de leur légion. Le prince acceptait et allait partir, quand il apprit la défaite de Varsovie.]
[459: «On a agi sagement, dit peu de temps après le duc à Prokesch. Que pouvait avoir à faire avec moi l'ambassadeur extraordinaire de Louis-Philippe? Voulait-il me demander mon adhésion à ce qui vient de se passer en France?»]
[460: Mes relations avec le duc de Reichstadt, p. 46 et 153.]
[461: Mémoires de Metternich, t. V, p. 161.]
[462: D'après le maréchal de Castellane, François II aurait dit au général Belliard: «Charles X a mérité son sort, puisqu'il a manqué à sa parole. Le petit Napoléon est un jeune homme distingué. Je sais bien que je pourrais, avec lui, faire du mal au roi Louis-Philippe, mais pareille chose est loin de ma pensée. Je l'ai élevé comme étranger à la France.» (5 novembre 1830.—Journal du maréchal, t. II.) Ces affirmations, faites sur ce ton, paraissent peu exactes.]
[463: Voir, pour plus de détails, le 1er volume de l'ouvrage de M. Thirria: Napoléon III avant l'Empire.—Librairie Plon.]
[464: La Russie l'y eût aidé, car elle ne s'en cachait pas, vis-à-vis des autres puissances. Ainsi, Nesselrode avait écrit à Matusiewicz, le 19 octobre, que l'Empereur aurait vivement désiré que le cabinet de Londres se fût trouvé à même de déployer, dès à présent, des forces importantes pour concourir avec ses alliés à maintenir une combinaison à laquelle il avait si puissamment contribué en 1814 et en 1815.—Dans ses Mémoires récemment publiés, Nicolas Ier appelle la révolution de Juillet «l'infâme Révolution».]
[465: Metternich la lui avait fait attendre et s'en était même vanté auprès de Nesselrode. (Mémoires, t. V.)]
[466: Metternich l'avait écrit à Appony, le 12 septembre: «Rien de ce qui, dans ce moment, existe en France, ne pourra se soutenir.»]
[467: Voir PROKESCH-OSTEN.]
[468: Gentz avait dit à Protesch que l'avènement du duc de Reichstadt à l'Empire serait une chose désirable pour l'Autriche, mais il avait aussitôt ajouté que jamais M. de Metternich n'y consentirait, car il redoutait avec lui une guerre générale.]
[469: Mémoires de Metternich, t. V, p. 159.]
[470: Le 18 septembre 1830, le prince Joseph avait également adressé à la Chambre des députés une lettre où il blâmait le choix du duc d'Orléans pour souverain et où il revendiquait les droits de Napoléon II. «J'ai des données positives, affirmait-il, pour savoir que Napoléon II serait digne de la France… Le fils de cet homme de la Nation peut seul réunir tous les partis dans une constitution vraiment libérale et conserver la tranquillité de l'Europe.» Aucune suite ne fut donnée à cette lettre.]
[471: Histoire de Dix ans, t. V.—Louis Blanc parle aussi d'une offre de cinq millions faite à Lafayette de la part du prince Eugène, pour couvrir les premiers frais d'une révolution en faveur du frère de la reine Hortense. Je n'ai pu approfondir cette assertion, qui semble très contestable.]
[472: Le duc écrivait de Presbourg à son ami Prokesch que le séjour de cette ville était très brillant et que ce n'étaient que fêtes, parades et réceptions. «Mais je puis pourtant, ajoutait-il, vouer deux ou trois heures à la lecture.»]
[473: Voir PROKESCH-OSTEN.—Metternich était alors très préoccupé de la politique de Louis-Philippe. Il déclarait à Esterhazy que jamais François II n'admettrait le principe de non-intervention proclamé par la France en face de la propagande révolutionnaire. Il redoutait, ailleurs qu'en Belgique, l'imitation de ce qui venait de se passer en France.]
[474: Voir Mémoires de Metternich, t. V.]
[475: «Son esprit, plus ardent que jamais, dévorait tout ce que disaient l'estime, la haine et la passion contre ou pour le puissant César, dans des milliers de livres ou de journaux.» (Lettre sur la mort du duc de Reichstadt.)]
[476: Ibid.]
[477: Lors du procès des ministres, les bonapartistes invitèrent le prince Napoléon-Louis, fils aîné de Louis Bonaparte, à venir à Paris seconder la cause de Napoléon II. Il répondit alors que le peuple était le seul maître de ses actes et que du moment qu'il avait accepté ce nouveau souverain, il n'avait pas à intervenir.]
[478: Prokesch apprit, après la mort du prince, à M. de Metternich, l'affaire de la comtesse Camerata et la façon dont il croyait la police au courant de tout. Le prince appela aussitôt dans son cabinet le comte Sedlnizky, ministre de la police, et fit raconter une seconde fois par Prokesch tous les détails de cette affaire. «Je vis peint dans les traits du comte, dit Prokesch, un étonnement qui ne fit qu'augmenter, si bien qu'il finit par me dire: «Je ne savais pas un mot de toute cette affaire!» (Mes relations avec le duc de Reichstadt, p. 152.)]
[479: Metternich venait d'écrire à Trautmannsdorf, à Berlin, que François II était disposé à accorder un asile à Charles X, mais qu'il lui fallait «l'assentiment des cours alliées». Et, cependant, il disait ailleurs que des Chambres séditieuses avaient proclamé Louis-Philippe au mépris de tous les droits!]
[480: Dès l'arrivée du maréchal Maison à Vienne, M. de Metternich, s'entretenant avec lui de la situation de l'Europe, dit «qu'il préférerait avoir pour voisine une Pologne bienveillante et amie qu'une Russie envieuse et envahissante.» À Trautmannsdorf il disait, au contraire, que «le royaume de Pologne depuis sa création avait eu à ses yeux la valeur d'un magasin à poudre». Le prince de Talleyrand, de son côté, croyait que l'Angleterre et la France pourraient faire tourner les derniers événements de la Pologne à l'avantage de l'Europe et constituer un royaume de Pologne comme la meilleure barrière contre les envahissements de la Russie. (Mémoires, t. III.)]
[481: Conversant un jour avec M. de Rayneval, au mois de juin 1830, M. de Metternich avait dit que Marie-Thérèse et le prince de Kaunitz avaient été forcés d'accepter le désastreux partage de la Pologne, à cause des intrigues et de l'ambition de Frédéric II et de Catherine. «Si le prince de Metternich, dit-il, avait été en 1772 ce qu'il est en 1830, l'Autriche eût resserré l'alliance de 1756, l'Angleterre s'y serait adjointe, et la Pologne, ce boulevard de l'Europe, eût été sauvée.» Enfin, dans un entretien confidentiel avec le maréchal Maison, en octobre 1831, M. de Metternich s'était laissé aller à regretter le partage de 1772 et avait dit que Marie-Thérèse avait été contrainte d'accepter une part de ce pays «pour éviter de plus grands maux». (Documents inédits.) Cela rappelle le mot connu: «Elle pleurait, mais elle prenait toujours.» (Voir à ce sujet la Question d'Orient au XVIIIe siècle, par M. Albert SOREL, pages 218, 253, 274.)]
[482: En 1831, il devait passer au régiment de Wasa et, en 1832, être nommé colonel en second de ce même régiment.]
[483: Voir PROKESCH-OSTEN, p. 76.]
[484: Il s'agissait de Maximilien-Joseph, fils cadet du prince Eugène, qui avait pris le titre de duc de Leuchtenberg.]
[485: Mémoires, t. V.]
[486: Ibid.]
[487: Mein Verhältniss zum Herzog von Reichstadt.]
[488: Mein Verhältniss zum Herzog von Reichstadt.]
[489: Mémoires de Marmont, t. VIII.]
[490: Il avait eu la même attitude vis-à-vis de Napoléon, dans les affaires de grand litige. (Voir le Duc d'Enghien et le Divorce de Napoléon, passim.)]
[491: Documents inédits.]
[492: Voir Lettre sur la mort du duc de Reichstadt.]
[493: Mémoires de Pasquier, t. II.]
[494: La reproduction de ce portrait figure dans les Mémoires de Marmont. Le duc est représenté assis, contemplant le buste de Napoléon.]
[495: Documents inédits.]
[496: Ibid.]
[497: Voir PROKESCH-OSTEN.]
[498: Documents inédits.]
[499: Charles-Louis Napoléon et Louis Napoléon avaient été organiser la défense des révoltés italiens depuis Foligno jusqu'à Civitta Castellana. Cédant aux instances de Louis Bonaparte et de la reine Hortense, ils revinrent à Bologne, espérant que le gouvernement français ferait quelque chose en faveur des insurgés. Le prince Charles-Louis succomba le 17 mars à Forli, et le prince Louis-Napoléon se réfugia à Ancône, d'où il s'échappa difficilement pour gagner l'Angleterre et revenir en Suisse.]
[500: Documents inédits.]
[501: Ibid.]
[502: On a parlé de relations intimes du duc avec l'infant don Miguel, de 1824 à 1827. Ces relations se sont bornées à quelques visites banales. Le caractère ignoble de don Miguel ne pouvait avoir la moindre affinité avec la nature délicate du fils de Napoléon.]
[503: Journal du maréchal de Castellane, t. II.]
[504: Les romanciers et les auteurs dramatiques les ont exploités, à commencer par Alexandre Dumas dans les Mohicans de Paris.]
[505: Dans son rapport au Roi, Casimir Périer avait dit que l'histoire ne séparerait pas le nom du grand capitaine, dont le génie avait présidé aux victoires de nos légions, du monarque habile qui avait fait succéder l'ordre à l'anarchie, rendu aux cultes leurs autels et donné à la société un Code immortel.]
[506: Mémoires de Talleyrand, tome IV. On voit que ce renseignement était fondé.—«La personne du jeune Napoléon a été entre les mains de l'Autriche tour à tour un objet de terreur pour elle-même et un épouvantail pour la France et la Restauration.» Le Constitutionnel, qui écrivait ces lignes en 1832, aurait pu ajouter: «et pour la monarchie de Juillet».]
[507: Mémoires de Talleyrand, tome IV.]
[508: Ibid.]
[509: Voir l'Histoire de la monarchie de Juillet, tome I, p. 445.—Voir aussi THIRRIA, Napoléon III avant l'Empire, tome I, p. 24 à 27.—Librairie Plon.]
[510: La reproduction qu'on en a faite montre un crayon sûr et énergique.]
[511: C'est ce que rapporte le docteur Herrmann Rollet, qui a été témoin de ce fait. (Neue Beiträge zur Chronik der Stadt Baden.)]
[512: Voir les Rapports du docteur Malfatti, publiés par M. DE MONTBEL.]
[513: À la princesse de Lieven, qui appellera devant lui le gouvernement de Juillet «une flagrante usurpation», Talleyrand aura l'esprit de répondre: «Vous avez raison, madame. Seulement, ce qui est à regretter, c'est qu'elle n'ait pas eu lieu quinze ans plus tôt, comme le désirait et le voulait l'empereur Alexandre, votre maître!»]
[514: Histoire de la monarchie de Juillet, t. I, p. 448, 449.]
[515: Elle a été publiée récemment dans la Correspondance de Victor Hugo, chez Calmann Levy, 1 vol. in-8°, 1896.]
[516: Voir PROKESCH-OSTEN.]
[517: 28 mars 1831. (Mémoires, t. IV.)]
[518: Voy. PROKESCH-OSTEN, p. 127.]
[519: C'est ce qui a fait dire que l'Empereur et Metternich avaient, «par un machiavélisme infernal», ouvert au jeune adolescent les coulisses de l'Opéra. M. Émile Dard, dans une excellente étude sur Le duc de Reichstadt (Annales de l'École des sciences politiques, 15 mai 1896), a cru pouvoir dire que ce point était particulièrement obscur. Il ne l'est pas. C'est une légende qu'il faut écarter avec mépris.]
[520: Fanny Essler a déclaré à ses intimes qu'elle n'avait jamais vu le duc de Reichstadt. Cette danseuse, très courtisée, avait une figure plus spirituelle que jolie.]
[521: Il paraît que Gentz avait un cabinet de lecture dans l'hôtel de Fanny Essler… On sait que le publiciste était follement épris de la danseuse.]
[522: Mein Verhältniss zum Herzog von Reichstadt.]
[523: Il s'agissait du discours prononcé le 3 octobre 1831 à la Chambre des députés, par M. Thiers, sur le projet de loi relatif à la modification de l'art. 23 de la charte sur l'hérédité de la pairie. L'orateur avait examiné trois formes de gouvernement: «le monarchique, l'aristocratique, le démocratique». Suivant lui, la monarchie périssait par la démocratie, la démocratie par l'anarchie, l'anarchie par le despotisme. Il voulait composer la monarchie représentative de royauté, d'aristocratie et de démocratie. La royauté délivrait la société des troubles de la République; la démocratie appelait l'élite de la nation à délibérer sur les intérêts du pays; l'aristocratie était nécessaire pour servir d'intermédiaire entre la royauté et la démocratie. Une seconde Chambre présentait toujours de grands avantages, quelle que fût la Constitution. Il fallait une Chambre héréditaire, car l'hérédité reposait sur l'utilité nationale. Cette aristocratie parlementaire possédait seule les traditions. La Chambre élective restait la Chambre de l'ambition, mais la Chambre haute, placée dans une sphère plus sereine, ne dépendait pas des caprices électoraux.]
[524: Un jour seulement il se laissa emmener à l'Opéra, mais le lendemain il écrivit à Prokesch que la conversation de son ami lui eût été plus chère que l'audition de la plus harmonieuse des musiques.]
[525: C'était une réponse au prince Louis-Napoléon, qui avait sollicité l'autorisation de revenir en France, ainsi qu'une menace adressée aux partisans de Napoléon II.]
[526: De la nouvelle proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille. Paris, Le Normant, in-8°, 1831.]
[527: La brochure de Chateaubriand suscita les Observations d'un patriote, attribuées à Louis BELMONTET. L'auteur disait qu'à la chute de Charles X, Napoléon II aurait eu toute la France pour lui. Belmontet défendait avec animation le patriotisme du fils de l'Empereur.]
[528: Voir, dans la brochure Sur le bannissement de Charles X (octobre 1831), les services rendus par Chateaubriand au cardinal Fesch et à Jérôme en 1829 (p. 129 à 134).]
[529: Nul écrivain n'a plus éloquemment parlé de l'honneur français: «Dans ce pays, a-t-il dit, l'honneur est pour ainsi dire autochtone, inhérent au sol.»]
[530: «Je me trouvai, dit le docteur Herrmann-Rollet, sur la Josephplatz, au moment où, en commandant son régiment qui devait escorter le convoi d'un général, il n'eut plus la force d'émettre aucun son et dut renoncer, en pleurant de dépit, à ordonner les mouvements.»]
[531: 10 janvier 1832.—Mein Verhältniss zum Herzog von Reichstadt.]
[532: Mein Verhältniss zum Herzog von Reichstadt.]
[533: 19 janvier 1832.]
[534: Mémoires de Metternich, t. V.—Journal de la princesse Mélanie.]
[535: Voir PROKESCH-OSTEN.]
[536: 18 mars 1832. Archiv fur Œsterreichiche Geschichte, t. LXXXVI.]
[537: «Dans la situation où se trouvait le duc de Reichstadt, dit le docteur Malfatti pour excuser le chancelier d'Autriche, on ne crut pas devoir répondre à cette demande, qui fut inutilement renouvelée.»]
[538: Le 20 avril, la princesse Mélanie, la troisième femme du prince de Metternich, écrivait dans son Journal ces quelques lignes: «L'Empereur dit à Clément qu'il avait réuni des médecins en consultation pour se prononcer sur l'état du duc de Reichstadt et que tous avaient déclaré que la situation du malade leur paraissait désespérée. Il crache déjà des morceaux de poumon et n'a plus que quelques mois à vivre. Que la volonté du Ciel s'accomplisse! Quoi qu'il en soit, nous trouvons fort triste la destinée de ce prince, qui ne manque ni d'esprit, ni de talent, ni de génie.»]
[539: Correspondance de Marie-Louise, p. 298.]
[540: Ibid., p. 299.]
[541: Il a été commencé sous l'empereur Mathias comme chalet de chasse et terminé sous Marie-Thérèse en 1775. On l'a revêtu d'un affreux badigeonnage d'un jaune criard, et l'on a peint toutes les persiennes en vert cru. Ces couleurs enlèvent toute majesté aux constructions, qui sont d'ailleurs assez disparates.]
[542: On lit sur le fronton de cet édifice peu artistique: «JOSEPHO II AUGUSTO ET MARIÆ THERESIÆ AUGUSTÆ IMPERANTIBUS ERECTUM MDCCLXXV.»]
[543: Note du docteur Malfatti sur le traitement du prince.]
[544: Un étranger de passage, qui l'aperçut une fois dans ce jardin, le vit assis dans un grand fauteuil, enveloppé dans une robe de chambre à raies blanches et rouges, avec un pantalon blanc et un bonnet à la grecque d'où s'échappaient des boucles blondes. Sa figure était d'une pâleur de cire. Le prélat de la Cour lui faisait la lecture.]
[545: C'est l'empereur actuel d'Autriche, François-Joseph Ier, qui gouverne l'Autriche depuis 1848. Il est né le 18 août 1830 à Schœnbrunn.]
[546: «Il était si faible, disait le Times, qu'il lui fallait le sein d'une femme pour prendre quelque nourriture.»—«Le lait d'une nourrice qui lui a été ordonné, disait le Moniteur à la date du 14 juillet, paraît produire de bons effets.»]
[547: Mémoires de Metternich, t. V, p. 288.]
[548: Comme je l'ai écrit ailleurs: «Napoléon a répudié Joséphine pour avoir un fils héritier de son œuvre et de son nom, et c'est le petit-fils de cette même Joséphine qui est devenu le continuateur direct de l'Empire, sous le nom de Napoléon III.» (Voir le Divorce de Napoléon.)]
[549: Sur ces entrefaites, le chancelier était allé voir le prince. Malgré son impassibilité systématique, il parut ému. «C'était, écrivait-il le 21 juillet à l'Empereur, un spectacle déchirant. Je ne me rappelle pas avoir jamais vu une plus triste image de la destruction.»]
[550: Metternich à Appony le 4 août.]
[551: Souvenirs, t. III.—Napoléon avait été jadis bien dur pour l'empereur d'Autriche. Il l'appelait «un enfant gouverné par ses ministres, un prince débile et faux, un homme bon et religieux, mais une ganache, ne s'occupant que de botanique et de jardinage». Enfin il blâmait «sa débonnaireté, qui le rendait toujours dupe des intrigants».]
[552: «Ce masque, dit le docteur Hermann-Rollet, tomba entre les mains de mon père dans les circonstances suivantes. Il venait d'être appelé chez l'ex-impératrice pour donner ses soins à l'un des enfants de son intendant; en ouvrant la porte, il aperçut les autres enfants en train de jouer avec un objet en plâtre qu'ils avaient attaché au bout d'une ficelle et qu'ils traînaient sur le parquet en manière de voiture. Mon père vit tout de suite que cet objet était un masque en plâtre placé sens dessus dessous. À ce moment même entra l'intendant, qui s'empressa d'enlever le moulage à ses enfants et de les gronder pour s'en être emparés. C'était le masque de Sainte-Hélène. L'intendant avait mandat spécial de le conserver et de l'emporter partout avec lui, mais sans le remettre au jeune duc. Mon père, qui possédait la riche collection de bustes et de crânes formée par le docteur Gall, et en outre un certain nombre de masques en plâtre de personnages célèbres, demanda aussitôt qu'on voulût bien lui confier le masque impérial, avec promesse d'en avoir soin et de le rendre aussitôt que cela serait jugé nécessaire.
«C'est ainsi que ce moulage entra dans sa collection et passa plus tard au musée de Baden. Le nez, dont la pointe est légèrement aplatie, témoigne encore du traitement que lui avaient fait subir les enfants de l'intendant.» (Neue Beiträge zur Chronik Stadt Baden, 1894.)]
[553: Le masque déposé à Nancy m'a paru meilleur. Il offre plus de ressemblance avec la figure de Napoléon. C'est probablement la première empreinte, qui a été prise aussitôt après la mort.]
[554: Sala, le 12 août.—Correspondance, p. 304.]
[555: M. de Prokesch ne savait de la santé du prince que ce qu'en disaient les journaux, c'est-à-dire peu de chose. Il ne pouvait s'attendre à un dénouement si rapproché et si tragique. «M'écrire à Rome, a-t-il dit, le duc ne le pouvait pas sans en demander l'autorisation. Je compris qu'il préférait garder le silence. Je n'avais donc pas le moindre pressentiment de l'état où il se trouvait.»]
[556:
Rebus in humanis nil dulcius experiere
Alterno convictu et fido pectore amici.
]
[557: Après les obsèques Marie-Louise était partie pour le château de Persenbeug, où se trouvait l'Empereur. Elle devait retourner ensuite à Parme, par Innsbruck.]
[558: T. III, P. 15.]
[559: Numéro du 14 août 1832.]
[560: C'était une allusion au mot dit par le prince au baron de la Rue, qui rentrait de Vienne à Paris en 1830: «Lorsque vous verrez la Colonne, saluez-la pour moi!»]
[561: Drame en deux actes, mêlé de couplets. Paris. Poussielgue, 1832.]
[562: Il ne fut joué sur aucun théâtre.]
[563: Il y eut peu de manifestations publiques en 1832. À Clichy-la-Garenne, à la demande des habitants de ce quartier, un service funèbre fut célébré le 23 août. On vendait dans les rues de Paris des placards intitulés: Les derniers moments du fils de Napoléon, ou le Tombeau du duc de Reichstadt, avec des gravures d'une simplicité primitive.