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Les apôtres

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[48] Gal., i, 13–14; Act., xxii, 3; xxvi, 5.

[49] II Cor., v, 16, ne l'implique nullement. Les passages Act., xxii, 3; xxvi, 4, portent à croire que Paul s'est trouvé à Jérusalem en même temps que Jésus. Mais ce n'est pas une raison pour qu'ils se soient vus.

[50] Act., xxii, 4, 19; xxvi, 10–11.

[51] Ibid., xxvi, 11.

[52] Grand prêtre de 37 à 42. Jos., Ant., XVIII, v, 3; XIX, vi, 2.

[53] Act., ix, 1–2, 14; xxii, 5; xxvi, 12.

[54] Voir Revue numismatique, nouv. série, t. III (1858), p. 296 et suiv., 362 et suiv.; Revue archéol. avril 1864, p. 284 et suiv.

[55] Jos., B. J., II, xx, 2.

[56] II Cor., xi, 32. La série des monnaies romaines de Damas offre, en effet, une lacune pour les règnes de Caligula et de Claude. Eckhel, Doctrina num. vet., pars 1a, vol. III, p. 330. La monnaie damasquine au type d'«Arétas philhellène» (ibid.) semble être de notre Hâreth [communication de M. Waddington].

[57] Jos., Ant., XVIII, v, 1, 3.

[58] Comp. Act., xii, 3; xxiv, 27; xxv, 9.

[59] Act., v, 34 et suiv.

[60] Voir un trait analogue dans la conversion d'Omar. Ibn-Hischam, Sirat errasoul, p. 226 (édition Wüstenfeld).

[61] Act., ix, 3; xxii, 6; xxvi, 13.

[62] Act., ix, 4, 8; xxii, 7, 11; xxvi, 14, 16.

[63] C'est là que la tradition du moyen âge fixait le lieu du miracle.

[64] Cela résulte de Act., ix, 3, 8; xxii, 6, 11.

[65] Nahr el-Awadj.

[66] Tuleil.

[67] La plaine est, en effet, à plus de dix-sept cents mètres au-dessus du niveau de la mer.

[68] Act., xxvi, 14.

[69] De Jérusalem à Damas, il y a huit fortes journées.

[70] Act., ix, 8, 9, 18; xxii, 11, 13.

[71] Voir ci-dessus, p. 171, et II Cor., xii, 1 et suiv.

[72] J'ai éprouvé un accès de ce genre à Byblos; avec d'autres principes, j'aurais certainement pris les hallucinations que j'eus alors pour des visions.

[73] Nous possédons trois récits de cet épisode capital: Act., ix, 1 et suiv.; xxii, 5 et suiv.; xxvi, 12 et suiv. Les différences qu'on remarque entre ces passages prouvent que l'Apôtre lui-même variait dans les récits qu'il faisait de sa conversion. Le récit Actes, ix, lui-même, n'est pas homogène, comme nous le montrerons bientôt. Comparez Gal., 1, 15–17; I Cor., ix, 1; xv, 8; Act., ix, 27.

[74] Chez les Mormons et dans les «réveils» américains, presque toutes les conversions sont aussi amenées par une grande tension de l'âme, produisant des hallucinations.

[75] La circonstance que les compagnons de Paul voient et entendent comme lui peut fort bien être légendaire, d'autant plus que les récits sont, sur ce point, en contradiction expresse. Comp. Act., ix, 7; xxii, 9; xxvi, 13. L'hypothèse d'une chute de cheval est repoussée par l'ensemble des récits. Quant à l'opinion qui rejette toute la narration des Actes, en se fondant sur ἐν ἐμοί, de Gal., i, 16, elle est exagérée. Ἐν ἐμοί, dans ce passage, a le sens de «pour moi», «à mon sujet». Comp. Gal., i, 24, Paul eut sûrement, à un moment précis, une vision qui détermina sa conversion.

[76] Act., ix, 3, 7; xxii, 6, 9, 11; xxvi, 13.

[77] C'est ce que j'éprouvai dans mon accès de Byblos. Les souvenirs de la veille du jour où je tombai sans connaissance se sont totalement effacés de mon esprit.

[78] II Cor., xii, 1 et suiv.

[79] Act., ix, 27; Gal., i, 16; I Cor., ix, 1; xv, 8; Homélies pseudo-clémentines, xvii, 13–19.

[80] Comparez ce qui se passa pour Omar. Sirat errasoul, p. 226 et suiv.

[81] Act., ix, 8; xxii, 11.

[82] Son ancien nom arabe était Tarik el-Adhwa. On l'appelle aujourd'hui Tarik el-Mustekim, qui répond à Ῥύμη ἐυθεῖα. La porte Orientale (Bâb Scharki) et quelques vestiges des colonnades subsistent encore. Voir les textes arabes donnés par Wüstenfeld dans la Zeitschrift für vergleichende Erdkunde de Lüdde, année 1842, p. 168; Porter, Syria and Palestine, p. 477; Wilson, The Lands of the Bible, II, 345, 351–52.

[83] Act., xxii, 11.

[84] Le récit du chapitre ix des Actes semble ici composé de doux textes entremêlés; l'un, plus original, comprenant les versets 9, 12, 18; l'autre, plus développé, plus dialogué, plus légendaire, comprenant les versets 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18. Le v. 12, en effet, ne se rattache ni à ce qui précède, ni à ce qui suit. Le récit xxii, 12–16, est plus conforme au second des textes susmentionnés qu'au premier.

[85] Act., ix, 12. Il faut lire ἄνδρα ἐν ὁράματι, comme porte le manuscrit B du Vatican. Comp. verset 10.

[86] Act., ix, 18; comp. Tobie, ii, 9; vi, 10; xi, 13.

[87] Act., ix, 18; xxii, 16.

[88] Gal., i, 1, 8–9, 11 et suiv.; I Cor., ix, 1; xi, 23; xv, 8, 9; Col., i, 25; Ephes., i, 19; iii, 3, 7, 8; Act., xx, 24; xxii, 14–15, 21; xxvi, 16; Homiliæ pseudo-clem., xviii, 13–19.

[89] Gal., i, 17.

[90] Ἀραβία est «la province d'Arabie», ayant pour partie principale l'Auranitide (Hauran).

[91] Gal., i, 17 et suiv.; Act., ix, 19 et suiv.; xxvi, 20. L'auteur des Actes croit que ce premier séjour à Damas fut court et que Paul, peu après sa conversion, vint à Jérusalem et y prêcha. (Comp. xxii, 17.) Mais le passage de l'épître aux Galates est péremptoire.

[92] Voir les inscriptions découvertes par MM. Waddington et de Vogüe (Revue archéol., avril 1864, p. 284 et suiv.; Comptes rendus de l'Acad. des Inscr. et B.-L., 1865, p. 106–108), Comparez ci-dessus, p. 174–175.

[93] Dion Cassius, LIX, 12.

[94] J'ai développé ceci dans Bulletin archéologique de MM. de Longpérier et de Witte, septembre 1856.

[95] Le lien du verset Gal., i, 16 avec les suivants prouve que Paul prêcha immédiatement après sa conversion.

[96] Jos., B. J., I, ii, 25; II, xx, 2.

[97] Act., ix, 20–22.

[98] Gal., i, 16. C'est le sens de οὐ προσανεθέμην σαρκὶ καὶ αἵματι. Comp. Matth., xvi, 17.


CHAPITRE XI.
PAIX ET DÉVELOPPEMENTS INTÉRIEURS DE L'ÉGLISE DE JUDÉE.

[An 38] De l'an 38 à l'an 44, aucune persécution ne paraît s'être appesantie sur l'Église[1]. Les fidèles s'imposèrent sans doute des précautions qu'ils négligeaient avant la mort d'Étienne, et évitèrent de parler en public. Peut-être aussi les disgrâces des Juifs qui, durant toute la seconde partie du règne de Caligula, furent, en lutte avec ce prince, contribuèrent-elles à favoriser la secte naissante. Les Juifs, en effet, étaient d'autant plus persécuteurs qu'ils étaient en meilleure intelligence avec les Romains. Pour acheter ou récompenser leur tranquillité, ceux-ci étaient portés à augmenter leurs privilèges, et, en particulier, celui auquel ils tenaient le plus, le droit de tuer les personnes qu'ils regardaient comme infidèles à la Loi[2]. Or, les années où nous sommes arrivés comptèrent entre les plus orageuses de l'histoire, toujours si troublée, de ce peuple singulier.

L'antipathie que les Juifs, par leur supériorité morale, leurs coutumes bizarres, et aussi par leur dureté, excitaient chez les populations au milieu desquelles ils vivaient, était arrivée à son comble, surtout à Alexandrie[3]. Ces haines accumulées profitèrent, pour se satisfaire, du passage à l'empire d'un des fous les plus dangereux qui aient régné. Caligula, au moins depuis la maladie qui acheva de déranger ses facultés mentales (octobre 37), donnait l'affreux spectacle d'un écervelé gouvernant le monde avec les pouvoirs les plus énormes que jamais homme eût tenus dans sa main. La loi désastreuse du césarisme rendait possibles de telles horreurs, et faisait qu'elles étaient sans remède. Cela dura trois ans et trois mois. On a honte de raconter en une histoire sérieuse ce qui va suivre. Avant d'entrer dans le récit de ces saturnales, il faut dire avec Suétone: Reliqua ut de monstro narranda sunt.

Le plus inoffensif passe-temps de cet insensé était le souci de sa propre divinité[4]. Il y mettait une espèce d'ironie amère, un mélange de sérieux et de comique (car le monstre ne manquait pas d'esprit), une sorte de dérision profonde du genre humain. Les ennemis des Juifs virent quel parti on pouvait tirer de cette manie. L'abaissement religieux du monde était tel, qu'il ne s'éleva pas une protestation contre les sacrilèges du césar; chaque culte s'empressa de lui décerner les titres et les honneurs qu'il réservait à ses dieux. C'est la gloire éternelle des Juifs d'avoir élevé, au milieu de cette ignoble idolâtrie, le cri de la conscience indignée. Le principe d'intolérance qui était en eux, et qui les entraînait à tant d'actes cruels, paraissait ici par son beau côté. Affirmant seuls que leur religion était la religion absolue, ils ne plièrent pas devant l'odieux caprice du tyran. Ce fut pour eux l'origine de tracasseries sans fin. Il suffisait qu'il y eût dans une ville un homme mécontent de la synagogue, méchant, ou simplement espiègle, pour amener d'affreuses conséquences. Un jour, c'était un autel à Caligula qu'on trouvait érigé à l'endroit où les Juifs le pouvaient le moins souffrir[5]. Un autre jour, c'était une troupe de gamins, criant au scandale, parce que les Juifs seuls refusaient de placer la statue de l'empereur dans leurs lieux de prière; on courait alors aux synagogues et aux oratoires; on y installait le buste de Caligula[6]; on mettait les malheureux dans l'alternative ou de renoncer à leur religion, ou de commettre un crime de lèse-majesté. Il s'ensuivait d'affreuses vexations.

De telles plaisanteries s'étaient déjà plusieurs fois renouvelées, quand on suggéra à l'empereur une idée plus diabolique encore; ce fut de placer son colosse en or dans le sanctuaire du temple de Jérusalem, et de faire dédier le temple lui-même à sa divinité[7]. Cette odieuse intrigue faillit hâter de trente ans la révolte et la ruine de la nation juive. La modération du légat impérial, Publius Pétronius, et l'intervention du roi Hérode Agrippa, favori de Caligula, prévinrent la catastrophe. Mais, jusqu'au moment où l'épée de Chæréa délivra la terre du tyran le plus exécrable qu'elle eût encore supporté, les Juifs vécurent partout dans la terreur. Philon nous a conservé le détail de la scène inouïe qui se passa quand la députation dont il était le chef fut admise à voir l'empereur[8]. Caligula les reçut pendant qu'il visitait les villas de Mécène et de Lamia, près de la mer, aux environs de Pouzzoles. Il était ce jour-là en veine de gaieté. Hélicon, son railleur de prédilection, lui avait conté toute sorte de bouffonneries sur les Juifs. «Ah! c'est donc vous, leur dit-il avec un rire amer et en montrant les dents, qui seuls ne voulez pas me reconnaître pour dieu, et qui préférez en adorer un que vous ne sauriez seulement nommer?» Il accompagna ces paroles d'un épouvantable blasphème. Les Juifs tremblaient; leurs adversaires alexandrins prirent les premiers la parole: «Vous détesteriez, seigneur, encore bien davantage ces gens et toute leur nation, si vous saviez l'aversion qu'ils ont pour vous; car ils ont été les seuls qui n'aient point sacrifié pour votre santé, lorsque tous les peuples le faisaient.» A ces mots, les Juifs s'écrièrent que c'était là une calomnie, et qu'ils avaient offert trois fois pour la prospérité de l'empereur les sacrifices les plus solennels qui fussent en leur religion. «Soit, dit Caligula avec un sérieux fort comique, vous avez sacrifié; c'est bien; mais ce n'est pas à moi que vous avez sacrifié. Quel avantage en retiré-je?» Là-dessus, leur tournant le dos, il se mit à parcourir les appartements, donnant des ordres pour les réparations, montant et descendant sans cesse. Les malheureux députés (entre lesquels Philon, âgé de quatre-vingts ans, l'homme peut-être le plus vénérable du temps, depuis que Jésus n'était plus) le suivaient en haut, en bas, essoufflés, tremblants, bafoués par l'assistance. Caligula, se retournant tout à coup: «A propos, leur dit-il, pourquoi donc ne mangez-vous pas de porc?» Les flatteurs éclatèrent de rire; des officiers, d'un ton sévère, les avertirent qu'on manquait à la majesté de l'empereur par des rires immodérés. Les Juifs balbutièrent; un d'eux dit assez gauchement: «Mais il y a des personnes qui ne mangent pas d'agneau.—- Ah! pour ceux-là, dit l'empereur, ils ont bien raison; c'est une viande qui n'a pas de goût.» Il feignit ensuite de s'enquérir de leur affaire; puis, la harangue à peine commencée, il les quitte et va donner des ordres pour la décoration d'une salle qu'il voulait garnir de pierre spéculaire. Il revient, affectant un air modéré, demande aux envoyés s'ils ont quelque chose à ajouter, et, comme ceux-ci reprennent le discours interrompu, il leur tourne le dos pour aller voir une autre salle qu'il faisait orner de peintures. Ce jeu de tigre, badinant avec sa proie, dura des heures. Les Juifs s'attendaient à la mort. Mais, au dernier moment, les griffes de la bête rentrèrent. «Allons! dit Caligula en repassant, décidément ces gens-ci ne sont pas aussi coupables qu'ils sont à plaindre de ne pas croire à ma divinité.» Voilà comment les questions les plus graves pouvaient être traitées sous l'horrible régime que la bassesse du monde avait créé, qu'une soldatesque et une populace également viles chérissaient, que la lâcheté de presque tous maintenait.

[An 39] On comprend que cette situation si tendue ait enlevé aux Juifs, du temps de Marullus, beaucoup de cette audace qui les faisait parler si fièrement à Pilate. Déjà presque détachés du temple, les chrétiens devaient être bien moins effrayés que les Juifs des projets sacrilèges de Caligula. Ils étaient, d'ailleurs, trop peu nombreux pour que l'on connût à Rome leur existence. L'orage du temps de Caligula, comme celui qui aboutit à la prise de Jérusalem par Titus, passa sur leur tête, et à plusieurs égards les servit. Tout ce qui affaiblissait l'indépendance juive leur était favorable, puisque c'était autant d'enlevé au pouvoir d'une orthodoxie soupçonneuse, appuyant ses prétentions par de sévères pénalités.

Cette période de paix fut féconde en développements intérieurs. L'Église naissante se divisait en trois provinces: Judée, Samarie, Galilée[9], à laquelle sans doute se rattachait Damas. Jérusalem avait sa primauté absolument incontestée. L'Église de cette ville, qui avait été dispersée après la mort d'Étienne, se reconstitua vite. Les apôtres n'avaient jamais quitté la ville. Les frères du Seigneur continuaient d'y résider et de jouir d'une grande autorité[10]. Il ne semble pas que cette nouvelle Église de Jérusalem ait été organisée d'une manière aussi rigoureuse que la première; la communauté des biens n'y fut pas strictement rétablie. Seulement, on fonda une grande caisse des pauvres, où devaient être versées les aumônes que les Églises particulières envoyaient à l'Église mère, origine et source permanente de leur foi[11].

Pierre faisait de fréquents voyages apostoliques dans les environs de Jérusalem[12]. Il jouissait toujours d'une grande réputation de thaumaturge. A Lydda[13], en particulier, il passa pour avoir guéri un paralytique nommé Énée, miracle qui, dit-on, amena de nombreuses conversions dans la plaine de Saron[14]. De Lydda, il se rendit à Joppé[15], ville qui paraît avoir été un centre pour le christianisme. Des villes d'ouvriers, de marins, de pauvres gens, où les Juifs orthodoxes ne dominaient pas[16], étaient celles où la secte trouvait les meilleures dispositions. Pierre fit un long séjour à Joppé, chez un tanneur nommé Simon, qui demeurait près de la mer[17]. L'industrie du cuir était un métier presque impur; on ne devait pas fréquenter ceux qui l'exerçaient, si bien que les corroyeurs étaient réduits à demeurer dans des quartiers à part[18]. Pierre, en choisissant un tel hôte, donnait une marque de son indifférence pour les préjugés juifs, et travaillait à cet ennoblissement des petits métiers qui est, pour une bonne part, l'ouvrage de l'esprit chrétien.

[An 40] L'organisation des œuvres de charité surtout se poursuivait activement. L'Église de Joppé possédait une femme admirable nommée en araméen Tabitha (gazelle), et en grec Dorcas[19], qui consacrait tous ses soins aux pauvres[20]. Elle était riche, ce semble, et distribuait son bien en aumônes. Cette respectable dame avait formé une réunion de veuves pieuses, qui passaient avec elles leurs journées[21] à tisser des habits pour les indigents. Comme le schisme du christianisme avec le judaïsme n'était pas encore consommé, il est probable que les Juifs bénéficiaient de ces actes de charité. «Les saints et les veuves[22]» étaient ainsi de pieuses personnes, faisant du bien à tous, des espèces de bégards et de béguines, que les seuls rigoristes d'une orthodoxie pédantesque tenaient pour suspects, des fraticelli aimés du peuple, dévots, charitables, pleins de pitié.

Le germe de ces associations de femmes, qui sont une des gloires du christianisme, exista de la sorte dans les premières Églises de Judée. A Jaffa commença la génération de ces femmes voilées, vêtues de lin, qui devaient continuer à travers les siècles la tradition des charitables secrets. Tabitha fut la mère d'une famille qui ne finira pas, tant qu'il y aura des misères à soulager et de bons instincts de femme à satisfaire. On raconta plus tard que Pierre l'avait ressuscitée. Hélas! la mort, tout insensée, toute révoltante qu'elle est en pareil cas, est inflexible. Quand l'âme la plus exquise s'est exhalée, l'arrêt demeure irrévocable; la femme la plus excellente ne répond pas plus que la femme vulgaire et frivole à l'invitation des voix amies qui la rappellent. Mais l'idée n'est pas assujettie aux conditions de la matière. La vertu et la bonté échappent aux prises de la mort. Tabitha n'avait pas besoin d'être ressuscitée. Pour quatre jours de plus à passer en cette triste vie, fallait-il la déranger de sa douce et immuable éternité? Laissez-la reposer en paix; le jour des justes viendra.

Dans ces villes très-mêlées, le problème de l'admission des païens au baptême se posait avec beaucoup d'urgence. Pierre en était fortement préoccupé. Un jour qu'il priait à Joppé, sur la terrasse de la maison du tanneur, ayant devant lui cette mer qui allait bientôt porter la foi nouvelle à tout l'Empire, il eut une extase prophétique. Dans le demi-sommeil où il était plongé, il crut éprouver une sensation de faim, et demanda quelque chose. Or, pendant qu'on le lui préparait, il vit le ciel ouvert et une nappe nouée aux quatre coins en descendre. Ayant regardé à l'intérieur de la nappe, il y vit des animaux de toute espèce, et crut entendre une voix qui lui disait: «Tue et mange.» Et sur l'objection qu'il fit que plusieurs de ces animaux étaient impurs: «N'appelle pas impur ce que Dieu a purifié,» lui fut-il répondu. Cela, à ce qu'il paraît, se répéta par trois fois. Pierre fut persuadé que ces animaux représentaient symboliquement la masse des gentils, que Dieu lui-même venait de rendre aptes à la communion sainte du royaume de Dieu[23].

L'occasion se présenta bientôt d'appliquer ces principes. De Joppé, Pierre se rendit à Césarée. Là, il fut mis en rapport avec un centurion nommé Cornélius[24]. La garnison de Césarée était formée, en partie du moins, par une de ces cohortes composées de volontaires italiens, qu'on appelait Italicœ[25]. Le nom complet de celle-ci a pu être cohors prima Augusta Italica civium romanorum[26]. Cornélius était centurion de cette cohorte, par conséquent Italien et citoyen romain. C'était un honnête homme, qui depuis longtemps se sentait de l'attrait pour le cul le monothéiste des Juifs. Il priait, faisait des aumônes, pratiquait en un mot les préceptes de religion naturelle que suppose le judaïsme; mais il n'était pas circoncis; ce n'était pas un prosélyte à un degré quelconque; c'était un païen pieux, un Israélite de cœur, rien de plus[27]. Toute sa maison et quelques soldats de sa centurie étaient, dit-on, dans les mêmes dispositions[28]. Cornélius demanda à entrer dans l'Église nouvelle. Pierre, dont la nature était ouverte et bienveillante, le lui accorda, et le centurion fut baptisé[29].

Peut-être Pierre ne vit-il d'abord à cela aucune difficulté; mais, à son retour à Jérusalem, on lui en fit de grands reproches. Il avait violé ouvertement la Loi, il était entré chez des incirconcis et avait mangé avec eux. La question était capitale, en effet; il s'agissait de savoir si la Loi était abolie, s'il était permis de la violer par prosélytisme, si les gentils pouvaient être reçus de plain-pied dans l'Église. Pierre, pour se défendre, raconta sa vision de Joppé. Plus tard, le fait du centurion servit d'argument dans la grande question du baptême des incirconcis. Pour lui donner plus de force, on supposa que chaque phase de cette grande affaire avait été marquée par un ordre du Ciel. On raconta qu'à la suite de longues prières, Cornélius avait vu un ange qui lui avait ordonné d'aller quérir Pierre à Joppé; que la vision symbolique de Pierre eut lieu à l'heure même où arrivèrent les messagers de Cornélius; que d'ailleurs Dieu s'était chargé de légitimer tout ce qui avait été fait, puisque, l'Esprit-Saint étant descendu sur Cornélius et sur les gens de sa maison, ceux-ci avaient parlé les langues et psalmodié à la façon des autres fidèles. Était-il naturel de refuser le baptême à des personnes qui avaient reçu le Saint-Esprit?

L'Église de Jérusalem était encore exclusivement composée de Juifs et de prosélytes. Le Saint-Esprit se répandant sur des incirconcis, antérieurement au baptême, parut un fait très-extraordinaire. Il est probable que dès lors existait un parti opposé en principe à l'admission des gentils, et que tout le monde n'accepta pas les explications de Pierre. L'auteur des Actes[30] veut que l'approbation ait été unanime. Mais, dans quelques années, nous verrons la question renaître avec bien plus de vivacité[31]. On accepta peut-être le fait du bon centurion, comme celui de l'eunuque éthiopien, à titre de fait exceptionnel, justifié par une révélation et un ordre exprès de Dieu. L'affaire était loin d'être décidée. Ce fut la première controverse dans le sein de l'Église; le paradis de la paix intérieure avait duré six ou sept ans.

Dès l'an 40 à peu près, la grande question d'où l'avenir du christianisme paraît ainsi avoir été posée. Pierre et Philippe, avec beaucoup de justesse, entrevirent la vraie solution et baptisèrent des païens. Sans doute, dans les deux récits que l'auteur des Actes nous donne à ce sujet, et qui sont en partie calqués l'un sur l'autre, il est difficile de méconnaître un système. L'auteur des Actes appartient à un parti de conciliation, favorable à l'introduction des païens dans l'Église, et qui ne veut pas avouer la violence des divisions que l'affaire a soulevées. On sent parfaitement qu'en écrivant les épisodes de l'eunuque, du centurion, et même de la conversion des Samaritains, cet auteur ne veut pas seulement raconter, qu'il cherche surtout des précédents à une opinion. Mais nous ne pouvons admettre, d'un autre côté, qu'il invente les faits qu'il raconte. Les conversions de l'eunuque de la candace et du centurion Cornélius sont probablement des faits réels, présentés et transformés selon les besoins de la thèse en vue de laquelle le livre des Actes a été composé.

[An 41]Celui qui devait, dix ou onze ans plus tard, donner à ce débat une portée si décisive, Paul, ne s'y mêlait pas encore. Il était dans le Hauran ou à Damas, prêchant, réfutant les Juifs, mettant au service de la foi nouvelle autant d'ardeur qu'il en avait montré pour la combattre. Le fanatisme, dont il avait été l'instrument, ne tarda pas à le poursuivre à son tour. Les Juifs résolurent de le perdre. Ils obtinrent de l'ethnarque qui gouvernait Damas au nom de Hâreth, un ordre de l'arrêter. Paul se cacha. On sut qu'il devait sortir de la ville; l'ethnarque, qui voulait plaire aux Juifs, plaça des escouades aux portes pour se saisir de sa personne; mais les frères le firent échapper de nuit en le descendant, au moyen d'un panier, par la fenêtre d'une maison qui surplombait le rempart[32].

Échappé à ce danger, Paul dirigea ses yeux vers Jérusalem. Il y avait trois ans[33] qu'il était chrétien, et il n'avait pas encore vu les apôtres. Son caractère roide, peu liant, porté à s'isoler, lui avait d'abord fait tourner le dos en quelque sorte à la grande famille dans laquelle il venait d'entrer malgré lui, et préférer pour son premier apostolat un pays nouveau, où il ne devait trouver aucun collègue. Le désir de voir Pierre, cependant, s'était éveillé en lui[34]. Il reconnaissait son autorité et le désignait, comme tout le monde, du nom de Képha «la pierre». Il se rendit donc à Jérusalem, faisant en sens contraire la route qu'il avait parcourue trois ans auparavant en des dispositions si différentes.

Sa position à Jérusalem fut extrêmement fausse et embarrassée. On y avait bien entendu dire que le persécuteur était devenu le plus zélé des évangélistes et le premier défenseur de la foi qu'il avait voulu détruire[35]. Mais il restait contre lui de grandes préventions. Plusieurs craignaient de sa part quelque horrible machination. On l'avait vu si enragé, si cruel, si ardent à pénétrer dans les maisons, à déchirer le secret des familles pour chercher des victimes, qu'on le croyait capable de jouer une odieuse comédie pour mieux perdre ceux qu'il haïssait[36]. Il demeurait, ce semble, dans la maison de Pierre[37]. Plusieurs des disciples restaient sourds à ses avances et se retiraient de lui[38]. Un homme de cœur et de volonté, Barnabé, joua à ce moment un rôle décisif. En qualité de Chypriote et de nouveau converti, il comprenait mieux que les disciples galiléens la position de Paul. Il vint au-devant de lui, le prit en quelque sorte par la main, le présenta aux plus soupçonneux et se fit son garant[39]. Par cet acte de sagesse et de pénétration, Barnabé mérita au plus haut degré du christianisme. Ce fut lui qui devina Paul; c'est à lui que l'Église doit le plus extraordinaire de ses fondateurs. L'amitié féconde de ces deux hommes apostoliques, amitié qui ne souffrit aucun nuage, malgré bien des dissentiments, amena plus tard leur association en vue de missions chez les gentils. Cette grande association date, en un sens, du premier séjour de Paul à Jérusalem. Parmi les causes de la foi du monde, il faut compter le généreux mouvement de Barnabé tendant la main à Paul suspect et délaissé, l'intuition profonde qui lui fit découvrir une âme d'apôtre sous cet air humilié, la franchise avec laquelle il rompit la glace et abattit les obstacles que les fâcheux antécédents du converti, peut-être aussi certains traits de son caractère, avaient élevés entre lui et ses frères nouveaux.

Paul, du reste, évita comme systématiquement de voir les apôtres. C'est lui-même qui le dit, et il prend la peine de l'affirmer avec serment; il ne vit que Pierre et Jacques, frère du Seigneur[40]. Son séjour ne dura que deux semaines[41]. Certes, il est possible qu'à l'époque où il écrivit l'épître aux Galates (vers 56), Paul se soit trouvé entraîné, par les besoins du moment, à fausser un peu la couleur de ses rapports avec les apôtres, à les présenter comme plus secs, plus impérieux, qu'ils ne le furent en réalité. Vers 56, il tenait essentiellement à prouver qu'il n'avait rien reçu de Jérusalem, qu'il n'était nullement le mandataire du conseil des Douze, établi dans cette ville. Son attitude, à Jérusalem, aurait été l'allure haute et altière d'un maître qui évite les rapports avec les autres maîtres, pour ne pas avoir l'air de se subordonner à eux, et non la mine humble et repentante d'un coupable honteux de son passé, comme le veut l'auteur des Actes. Nous ne pouvons croire que, dès l'an 41, Paul fût animé de cette espèce de soin jaloux de garder sa propre originalité qu'il montra plus tard. La rareté de ses entrevues avec les apôtres et la brièveté de son séjour à Jérusalem vinrent probablement de son embarras, devant des gens d'une autre nature que lui et pleins de préjugés à son égard, bien plutôt que d'une politique raffinée, qui lui aurait fait voir, quinze ans d'avance, les inconvénients qu'il pouvait y avoir à les fréquenter.

En réalité, ce qui devait mettre une sorte de mur entre les apôtres et Paul, c'était surtout la différence de leur caractère et de leur éducation. Les apôtres étaient tous Galiléens; ils n'avaient pas été aux grandes écoles juives; ils avaient vu Jésus; ils se souvenaient de ses paroles; c'étaient de bonnes et pieuses natures, parfois un peu solennelles et naïves. Paul était un homme d'action, plein de feu, médiocrement mystique, enrôlé comme par une force supérieure dans une secte qui n'était nullement celle de sa première adoption. La révolte, la protestation, étaient ses sentiments habituels[42]. Son instruction juive était beaucoup plus forte que celle de tous ses nouveaux confrères. Mais, n'ayant pas entendu Jésus, n'ayant pas été institué par lui, il avait, selon les idées chrétiennes, une grande infériorité. Or, Paul n'était pas fait pour accepter une place secondaire. Son altière individualité exigeait un rôle à part. C'est probablement vers ce temps que naquit en lui l'idée bizarre qu'après tout il n'avait rien à envier à ceux qui avaient connu Jésus et avaient été choisis par lui, puisque lui aussi avait vu Jésus, avait reçu de Jésus une révélation directe et le mandat de son apostolat. Même ceux qui furent honorés d'une apparition personnelle du Christ ressuscité n'eurent rien de plus que lui. Pour avoir été la dernière, sa vision n'en avait pas été moins remarquable. Elle s'était produite dans des circonstances qui lui donnaient un cachet particulier d'importance et de distinction[43]. Erreur capitale! L'écho de la voix de Jésus se retrouvait dans les discours du plus humble de ses disciples. Avec toute sa science juive, Paul ne pouvait suppléer à l'immense désavantage qui résultait pour lui de sa tardive initiation. Le Christ qu'il avait vu sur le chemin de Damas n'était pas, quoi qu'il dît, le Christ de Galilée; c'était le Christ de son imagination, de son sens propre. Quoiqu'il fut attentif à recueillir les paroles du maître[44], il est clair que ce n'était ici qu'un disciple de seconde main. Si Paul eût rencontré Jésus vivant, on peut douter qu'il se fût attaché à lui. Sa doctrine sera la sienne, non celle de Jésus; les révélations dont il est si fier sont le fruit de son cerveau.

Ces idées, qu'il n'osait communiquer encore, lui rendaient le séjour de Jérusalem désagréable. Au bout de quinze jours, il prit congé de Pierre et partit. Il avait vu si peu de monde qu'il osait dire que personne dans les Églises de Judée ne connaissait son visage et ne savait quelque chose de lui autrement que par ouï-dire[45]. Plus tard, il attribua ce brusque départ à une révélation. Il racontait qu'un jour, priant dans le temple, il eut une extase, qu'il vit Jésus en personne, et reçut de lui l'ordre de quitter au plus vite Jérusalem, «parce qu'on n'y était pas disposé à recevoir son témoignage». En échange de ces endurcis, Jésus lui aurait promis l'apostolat de nations lointaines et un auditoire plus docile à sa voix[46]. Quant à ceux qui voulurent effacer les traces des nombreux déchirements que l'entrée de ce disciple insoumis causa dans l'Église, ils prétendirent que Paul passa un assez long temps à Jérusalem, vivant avec les frères sur le pied de la plus complète liberté, mais que, s'étant mis à prêcher les Juifs hellénistes, il faillit être tué par eux, si bien que les frères durent veiller à sa sûreté et le faire conduire à Césarée[47].

Il est probable, en effet, que, de Jérusalem, il se rendit à Césarée. Mais il y resta peu, et se mit à parcourir la Syrie, puis la Cilicie[48]. Il prêchait sans doute déjà, mais pour son compte et sans accord avec personne. Tarse, sa patrie, fut son séjour habituel durant cette période de sa vie apostolique, qu'on peut évaluer à deux ans[49]. Il est possible que les Églises de Cilicie lui aient dû leurs commencements[50]. Cependant la vie de Paul n'était pas, dès cette époque, telle que nous la voyons plus tard. Il ne prenait pas le titre d'apôtre, lequel était alors strictement réservé aux Douze[51]. Ce n'est qu'à partir de son association avec Barnabé (an 45) qu'il entre dans cette carrière de pérégrinations sacrées et de prédications qui devaient faire de lui le type du missionnaire voyageur.

[1] Act., ix, 31.

[2] Voir l'aveu atrocement naïf de III Macch., vii, 12–13.

[3] Lire le IIIe livre (apocryphe) des Macchabées, tout entier, en le comparant à celui d'Esther.

[4] Suétone, Caius, 22, 52; Dion Cassius, LIX, 26–28; Philon, Legatio ad Caium, § 25, etc.; Josèphe, Ant., XVIII; viii; XIX, i, 1–2; B. J., II, x.

[5] Philon, Leg. ad Caium, § 30.

[6] Philon, In Flaccum, § 7; Leg. ad Caium, § 18, 20, 26, 43.

[7] Philon, Leg. ad Caium, § 29; Josèphe, Ant., XVIII, viii; B. J., II, x; Tacite, Ann., XII, 54; Hist., V, 9, en complétant le premier passage par le second.

[8] Philon, Leg. ad Caium, § 27, 30, 44 et suiv.

[9] Act., ix, 31.

[10] Gal., i, 18–19; ii, 9.

[11] Act., xi, 29–30, et ci-dessus, p. 79.

[12] Act., ix, 32.

[13] Aujourd'hui Ludd.

[14] Act., ix, 32–35.

[15] Jaffa.

[16] Jos., Ant., XIV, x, 6.

[17] Act., ix, 43; x, 6, 17, 32.

[18] 4. Mischna, Ketuboth, vii, 10.

[19] Comp. Gruter, p. 891, 4; Reinesius, Inscript., XIV, 61, Mommsen, Inscr. regni Neap., 622, 2034, 3092, 4985; Pape, Wört. der griech. Eigenn., à ce mot. Cf. Jos., B. J., IV, iii, 6.

[20] Act., ix, 36 et suiv.

[21] Ibid., ix, 39. Le grec porte ὅσα ἐποίει μετ’ αὐτῶν οὖσα.

[22] Ibid.,ix, 32, 41.

[23] Act., x, 9–16; xi, 5–10.

[24] Ibid., x, 1-xi, 18.

[25] Il y en avait au moins trente-deux (Orelli et Henzen, Inscr. lat., nos 90, 512, 6756).

[26] Comp. Act., xxvii, 1, et Henzen, no 6709.

[27] Comparez Luc, vii, 2 et suiv. Luc se complaît, il est vrai, dans cette idée de centurions vertueux et juifs par l'âme sans la circoncision (voir l'Introd., p. xxii). Mais l'exemple d'Izate (Jos., Ant., XX, ii, 5). prouve que de telles situations étaient possibles. Comp., Jos., B. J., II, xxviii, 2; Orelli, Inscr., no 2523.

[28] Act., x, 2, 7.

[29] Ceci paraît, il est vrai, en contradiction avec Gal., ii, 7–9. Mais la conduite de Pierre en ce qui concerne l'admission des gentils fut toujours très-peu consistante. Gal., ii, 12.

[30] Act., xi, 18.

[31] Ibid., xv, 1 et suiv.

[32] II Cor., ii, 32–33; Act., ix, 23–25.

[33] Gal., i, 48.

[34] Gal., i, 18.

[35] Ibid., i, 23.

[36] Act., ix, 26.

[37] Gal., i, 18.

[38] Act., ix, 26.

[39] Act., ix, 27. Toute cette partie des Actes a trop peu de valeur historique pour qu'on puisse affirmer que la belle action de Barnabé ait eu lieu durant les quinze jours que Paul passa à Jérusalem. Mais il y a sans doute dans la manière dont les Actes présentent la chose un sentiment, vrai des relations de Paul et de Barnabé.

[40] Gal., i, 19–20.

[41] Ibid., i, 18. Impossible, par conséquent, d'admettre comme exacts les versets 28–29 du ch. ix des Actes. L'auteur des Actes abuse de ces embûches et de ces projets meurtriers. Les Actes diffèrent de l'épître aux Galates, en ce qu'ils supposent le premier séjour de saint Paul à Jérusalem plus long et plus voisin de sa conversion. Naturellement, c'est l'épître qui mérite la préférence, au moins pour la chronologie et les circonstances matérielles.

[42] Voir surtout l'épître aux Galates.

[43] Épître aux Galates, i, 11–12 et presque entière; I Cor., ix, 1 et suiv.; xv, 1 et suiv.; II Cor., xi, 21 et suiv.

[44] On en trouve le sentiment plus ou moins direct: Rom., xii, 14; I Cor., xiii, 2; II Cor., iii, 6; I Thess., iv, 8; v, 2, 6.

[45] Gal., i, 22–23.

[46] Act., xxii, 17–21.

[47] Act., ix, 29–30.

[48] Gal., i, 21.

[49] Act., ix, 30; xi, 25. La donnée chronologique capitale pour cette époque de la vie de saint Paul est Gal., i, 18; ii, 1.

[50] La Cilicie avait une Église en l'an 51. Act., xv, 23, 41.

[51] C'est dans l'épître aux Galates (vers 56) que Paul se place pour la première fois avec éclat au rang des apôtres (i, 1 et la suite). Selon Gal., ii, 7–10, il aurait reçu ce titre en 51. Cependant, il ne le prend pas encore dans la suscription des deux épîtres aux Thessaloniciens, qui sont de l'an 53. I Thess., ii, 6 n'implique pas un titre officiel. L'auteur des Actes ne donne jamais à Paul le nom d'«apôtre». «Les apôtres», pour l'auteur des Actes, sont «les Douze». Act., xiv, 4, 14 est une exception.


CHAPITRE XII.
FONDATION DE L'ÉGLISE D'ANTIOCHE.

[An 41] La foi nouvelle faisait de proche en proche d'étonnants progrès. Les membres de l'Église de Jérusalem qui avaient été dispersés à la suite de la mort d'Étienne, poussant leurs conquêtes le long de la côte de Phénicie, atteignirent Chypre et Antioche. Ils avaient d'abord pour principe absolu de ne prêcher qu'aux Juifs[1].

Antioche, «la métropole de l'Orient», la troisième ville du monde[2], fut le centre de cette chrétienté de la Syrie du Nord. C'était une ville de plus de cinq cent mille âmes, presque aussi grande que Paris avant ses récentes extensions[3], résidence du légat impérial de Syrie. Portée tout d'abord par les Séleucides à un haut degré de splendeur, elle n'avait fait que profiter de l'occupation romaine. En général, les Séleucides avaient devancé les Romains dans le goût des décorations théâtrales appliquées aux grandes cités. Temples, aqueducs, bains, basiliques, rien ne manquait à Antioche de ce qui faisait une grande ville syrienne de cette époque. Les rues bordées de colonnades, avec leurs carrefours décorés de statues, y avaient plus de symétrie et de régularité que partout ailleurs[4]. Un Corso orné de quatre rangs de colonnes, formant deux galeries couvertes avec une large avenue au milieu, traversait la ville de part en part[5], sur une longueur de trente-six stades (plus d'une lieue)[6]. Mais Antioche n'avait pas seulement d'immenses constructions d'utilité publique[7]; elle avait aussi, ce que peu de villes syriennes possédaient, des chefs-d'œuvre d'art grec, d'admirables statues[8], des œuvres classiques d'une délicatesse que le siècle ne savait plus imiter. Antioche, dès sa fondation, avait été une ville tout hellénique. Les Macédoniens d'Antigone et de Séleucus avaient porté dans cette région du bas Oronte leurs souvenirs les plus vivants, les cultes, les noms de leur pays[9]. La mythologie grecque s'y était créé comme une seconde patrie; on avait la prétention de montrer dans le pays une foule de «lieux saints» se rattachant à cette mythologie. La ville était pleine du culte d'Apollon et des nymphes. Daphné, lieu enchanteur à deux petites heures de la ville, rappelait aux conquérants les plus riantes fictions. C'était une sorte de plagiat, de contrefaçon des mythes de la mère patrie, analogue à ces transports hardis par lesquels les tribus primitives faisaient voyager avec elles leur géographie mythique, leur Bérécynthe, leur Arvanda, leur Ida, leur Olympe. Ces fables grecques constituaient une religion bien vieillie et à peine plus sérieuse que les Métamorphoses d'Ovide. Les anciennes religions du pays, en particulier celle du mont Casius[10], y ajoutaient un peu de gravité. Mais la légèreté syrienne, le charlatanisme babylonien, toutes les impostures de l'Asie, se confondant à cette limite des deux mondes, avaient fait d'Antioche la capitale du mensonge, la sentine de toutes les infamies.

A côté de la population grecque, en effet, laquelle ne fut nulle part en Orient (si l'on excepte Alexandrie) aussi dense qu'ici, Antioche compta toujours dans son sein un nombre considérable d'indigènes syriens, parlant syriaque[11]. Ces indigènes constituaient une basse classe, habitant les faubourgs de la grande cité et les villages populeux qui formaient autour d'elle une vaste banlieue[12], Charandama, Ghisira, Gandigura, Apate (noms pour la plupart syriaques)[13], Les mariages entre ces Syriens et les Grecs étant ordinaires, Séleucus d'ailleurs ayant établi par une loi que tout étranger qui s'établirait dans la ville en deviendrait citoyen, Antioche, au bout de trois siècles et demi d'existence, se trouva un des points du monde où la race était le plus mêlée. L'avilissement des âmes y était effroyable. Le propre de ces foyers de putréfaction morale, c'est d'amener toutes les races au même niveau. L'ignominie de certaines villes levantines, dominées par l'esprit d'intrigue, livrées tout entières aux basses et subtiles pensées, peut à peine nous donner une idée du degré de corruption où arriva l'espèce humaine à Antioche. C'était un ramas inouï de bateleurs, de charlatans, de mimes[14], de magiciens, de thaumaturges, de sorciers[15], de prêtres imposteurs; une ville de courses, de jeux, de danses, de processions, de fêtes, de bacchanales; un luxe effréné, toutes les folies de l'Orient, les superstitions les plus malsaines, le fanatisme de l'orgie[16]. Tour à tour serviles et ingrats, lâches et insolents, les Antiochéniens étaient le modèle accompli de ces foules vouées au césarisme, sans patrie, sans nationalité, sans honneur de famille, sans nom à garder. Le grand Corso qui traversait la ville était comme un théâtre, où roulaient tout le jour les flots d'une populace futile, légère, changeante, émeutière[17], parfois spirituelle[18], occupée de chansons, de parodies, de plaisanteries, d'impertinences de toute espèce[19]. La ville était fort lettrée[20], mais d'une pure littérature de rhéteurs[21]. Les spectacles étaient étranges; il y eut des jeux où l'on vit des chœurs de jeunes filles nues prendre part à tous les exercices avec un simple bandeau[22]; à la célèbre fête de Maïouma, des troupes de courtisanes nageaient en public dans des bassins[23] remplis d'une eau limpide[24]. C'était comme un enivrement, comme un songe de Sardanapale, où se déroulaient pêle-mêle toutes les voluptés, toutes les débauches, n'excluant pas certaines délicatesses. Ce fleuve de boue qui, sortant par l'embouchure de l'Oronte, venait inonder Rome[25], avait là sa source principale. Deux cents décurions étaient occupés à régler les liturgies et les fêtes[26]. La municipalité possédait de vastes domaines publics, dont les duumvirs partageaient l'usufruit entre les citoyens pauvres[27]. Comme toutes les villes de plaisir, Antioche avait une plèbe infime, vivant du public ou de sordides profits.

La beauté des œuvres d'art et le charme infini de la nature[28] empêchaient cet abaissement moral de dégénérer tout à fait en laideur et en vulgarité. Le site d'Antioche est un des plus pittoresques du monde. La ville occupait l'intervalle entre l'Oronte et les pentes du mont Silpius, l'un des'embranchements du mont Casius. Rien n'égalait l'abondance et la beauté des eaux[29]. L'enceinte, gravissant des rochers à pic par un vrai tour de force d'architecture militaire[30], embrassait le sommet des monts, et formait avec les rochers, à une hauteur énorme, une couronne dentelée d'un merveilleux effet. Cette disposition de remparts, unissant les avantages des anciennes acropoles à ceux des grandes villes fermées, fut en général préférée par les lieutenants d'Alexandre, comme on le voit à Séleucie de Piérie, à Ephèse, à Smyrne, à Thessalonique. Il en résultait de surprenantes perspectives. Antioche avait, au dedans de ses murs, des montagnes de sept cents pieds de haut, des rochers à pic, des torrents, des précipices, des ravins profonds, des cascades, des grottes inaccessibles; au milieu de tout cela, des jardins délicieux[31]. Un épais fourré de myrtes, de buis Henri, de lauriers, de plantes toujours vertes et du vert le plus tendre, des rochers tapissés d'œillets, de jacinthes, de cyclamens, donnent à ces hauteurs sauvages l'aspect de parterres suspendus. La variété des fleurs, la fraîcheur du gazon, composé d'une multitude inouïe de petites graminées, la beauté des platanes qui bordent l'Oronte, inspirent la gaieté, quelque chose du parfum suave dont s'enivrèrent ces beaux génies de Jean Chrysostome, de Libanius, de Julien. Sur la rive droite du fleuve s'étend une vaste plaine, bornée d'un côte par l'Amanus et les monts bizarrement découpés de la Piérie, de l'autre par les plateaux de la Cyrrhestique[32], derrière lesquels on sent le dangereux voisinage de l'Arabe et du désert. La vallée de l'Oronte, qui s'ouvre à l'ouest, met ce bassin intérieur en communication avec la mer, ou pour mieux dire avec le vaste monde au sein duquel la Méditerranée a constitué de tout temps une sorte de route neutre et de lien fédéral.

Parmi les colonies diverses que les ordonnances libérales des Séleucides attirèrent dans la capitale de la Syrie, celle des juifs était une des plus nombreuses[33]; elle datait de Séleucus Nicator et possédait les mêmes droits que les Grecs[34]. Bien que les juifs eussent un ethnarque particulier, leurs rapports avec les païens étaient très-fréquents. Ici, comme à Alexandrie, ces rapports dégénéraient souvent en rixes et en agressions[35]. D'un autre côté, ils donnaient lieu à une active propagande religieuse. Le polythéisme officiel devenant de plus en plus insuffisant pour les âmes sérieuses, la philosophie grecque et le judaïsme attiraient tous ceux que les vaines pompes du paganisme ne satisfaisaient pas. Le nombre des prosélytes était considérable. Dès les premiers jours du christianisme, Antioche avait fourni à l'Église de Jérusalem un de ses hommes les plus influents, Nicolas, l'un des diacres[36]. Il y avait là d'excellents germes qui n'attendaient qu'un rayon de la grâce pour éclore et pour porter les plus beaux fruits qu'on eut encore vus.

L'Église d'Antioche dut sa fondation à quelques croyants originaires de Chypre et de Cyrène, qui avaient déjà beaucoup prêché[37]. Jusque-là, ils ne s'étaient adressés qu'aux juifs. Mais, dans une ville où les juifs purs, les juifs prosélytes, les «gens craignant Dieu» ou païens à demi juifs, les purs païens, vivaient ensemble[38], de petites prédications bornées à un groupe de maisons devenaient impossibles. Le sentiment d'aristocratie religieuse qui remplissait d'orgueil les Juifs de Jérusalem n'existait pas dans ces grandes villes d'une civilisation toute profane, où l'horizon était plus étendu et où les préjugés étaient moins enracinés. Les missionnaires chypriotes et cyrénéens furent donc amenés à se départir de leur règle. Ils prêchèrent indifféremment aux Juifs et aux Grecs[39].

Les dispositions réciproques de la population juive et de la population païenne paraissent, à ce moment, avoir été fort mauvaises[40]. Mais des circonstances d'un autre ordre servirent peut-être les idées nouvelles. Le tremblement de terre qui avait gravement endommagé la cité le 23 mars de l'an 37 occupait encore les esprits. Toute la ville ne parlait que d'un charlatan nommé Debborius, qui prétendait empêcher le retour de tels accidents par des talismans ridicules[41]. Cela tenait les esprits tendus vers les choses surnaturelles. Quoi qu'il en soit, le succès de la prédication chrétienne fut très-grand. Une jeune Église ardente, novatrice, pleine d'avenir, parce qu'elle était composée des éléments les plus divers, fut fondée en peu de temps. Tous les dons du Saint-Esprit s'y répandirent, et il était dès lors facile de prévoir que cette Église nouvelle, libre du mosaïsme étroit qui traçait un cercle infranchissable autour de Jérusalem, serait le second berceau du christianisme. Certes Jérusalem restera à jamais la capitale religieuse du monde. Cependant le point de départ de l'Église des gentils, le foyer primordial des missions chrétiennes fut vraiment Antioche. C'est là que pour la première fois se constitua une Église chrétienne dégagée de liens avec le judaïsme; c'est là que s'établit la grande propagande de l'âge apostolique; c'est là que se forma définitivement saint Paul. Antioche marque la seconde étape des progrès du christianisme. En fait de noblesse chrétienne, ni Rome, ni Alexandrie, ni Constantinople ne sauraient lui être comparées.

La topographie de la vieille Antioche est si effacée qu'on chercherait vainement sur ce sol, presque vide de traces antiques, le point où il faut rattacher tant de grands souvenirs. Ici, comme partout, le christianisme dut s'établir dans les quartiers pauvres, parmi les gens de petits métiers. La basilique qu'on appelait «Ancienne» et «Apostolique[42]» au ive siècle, était située dans la rue dite de Singon, près du Panthéon[43]. Mais on ne sait où était ce Panthéon. La tradition et certaines vagues analogies inviteraient à chercher le quartier chrétien primitif du côté de la porte qui garde encore aujourd'hui le nom de Paul, Bâb Bolos[44], et au pied de la montagne nommée par Procope Stavrin, qui porte le côté sud-est des remparts d'Antioche[45]. C'était une des parties de la ville les moins riches en monuments païens. On y voit encore les restes d'anciens sanctuaires dédiés à saint Pierre, à saint Paul, à saint Jean. Là paraît avoir été le quartier où le christianisme s'est le plus longtemps maintenu, après la conquête musulmane. Là fut aussi, ce semble, le quartier des «saints» par opposition à la profane Antioche. Le rocher y est percé, comme une ruche, de grottes qui paraissent avoir servi à des anachorètes. Quand on chemine sur ces pentes escarpées, où, vers le ive siècle, de bons stylites, disciples à la fois de l'Inde et de la Galilée, de Jésus et de Çakya-Mouni, prenaient en dédain la ville voluptueuse du haut de leur pilier ou de leur caverne fleurie[46], il est probable qu'on n'est pas bien loin des endroits où demeurèrent Pierre et Paul. L'Église d'Antioche est celle dont l'histoire se suit le mieux et renferme le moins de fables. La tradition chrétienne, dans une ville où le christianisme eut une si vigoureuse continuité, peut avoir de la valeur.

La langue dominante de l'Église d'Antioche était le grec. Il est bien probable cependant que les faubourgs parlant syriaque donnèrent à la secte de nombreux adeptes. Déjà, par conséquent, Antioche renfermait le germe de deux Églises rivales et plus tard ennemies, l'une parlant grec, représentée maintenant par les grecs de Syrie, soit orthodoxes, soit catholiques; l'autre dont les représentants actuels sont les Maronites, ayant parlé autrefois le syriaque et le conservant encore comme langue sacrée. Les Maronites, qui, sous leur catholicisme tout moderne, cachent une haute ancienneté, sont probablement les derniers descendants de ces Syriens antérieurs à Séleucus, de ces faubouriens ou pagani de Ghisira, Charandama, etc.[47], qui firent dès les premiers siècles Église à part, furent persécutés par les empereurs orthodoxes comme hérétiques, et s'enfuirent dans le Liban[48], où, en haine de l'Église grecque et par suite d'affinités plus profondes, ils firent alliance avec les latins.

Quant aux Juifs convertis d'Antioche, ils furent aussi très-nombreux[49]. Mais on doit croire qu'ils acceptèrent tout d'abord la fraternité avec les gentils[50]. C'est sur les bords de l'Oronte que la fusion religieuse des races, rêvée par Jésus, disons mieux, par six siècles de prophètes, devint une réalité.

[1] Act., xi, 49.

[2] Jos., B. J., III, ii, 4. Rome et Alexandrie étaient les deux premières. Comp. Strabon, XVI, ii, 5.

[3] C. Otfried Müller, Antiquit. Antiochenœ (Gœttingæ, 1839), p. 68. Jean Chrysostome, In sanct. Ignatium, 4 (Opp. t. II, p. 597, édit. Montfaucon); In Matth. homilia lxxxv, 4 (t. VII, p. 810), évalue la population d'Antioche à deux cent mille âmes, sans compter les esclaves, les enfants et les immenses faubourgs. La ville actuelle n'a pas plus de sept mille habitants.

[4] Les rues analogues de Palmyre, Gérase, Gadare, Sébaste étaient probablement des imitations du grand Corso d'Antioche.

[5] On en trouve quelques traces dans la direction de Bâb Bolos.

[6] Dion Chrysostome, Orat. xlvii (t. II, p. 229, édit. de Reiske); Libanius, Antiochicus, p. 337, 340, 342, 356 (édit. Reiske); Malala, p. 232 et suiv., 276, 280 et suiv. (édit. de Bonn). Le constructeur de ces grands ouvrages fut Antiochus Épiphane.

[7] Libanius, Antioch., 342, 344.

[8] Pausanias, VI, ii, 7; Malala, p. 201; Visconti, Mus. Pio-Clem., t. III, 46. Voir surtout les médailles d'Antioche.

[9] Piérie, Bottia, Pénée, Tempé, Castalie, jeux olympiques, Iopolis (qu'on rattachait à Io). La ville prétendait devoir sa célébrité à Inachus, à Oreste, à Daphné, à Triptolème.

[10] Voir Malala, p. 199; Spartien, Vie d'Adrien, 14; Julien, Misopogon, p. 361–362; Ammien Marcellin, XXII, 14; Eckfael, Doct. num. vet., pars 1a, III, p. 326; Guigniaut, Religions de l'ant., planches, no 268.

[11] Jean Chrysostome, Ad pop. Antioch. homil., xix, 1 (t. II, p. 189); De sanctis martyr., 1 (t. II, p. 651).

[12] Libanius, Antioch., p. 348.

[13] Act. SS. Maii, V, p. 383, 409, 414, 415, 416; Assemani, Bib. Or., II., 323.

[14] Juvénal, Sat., iii, 62 et suiv.; Stace, Silves, I, vi, 72.

[15] Tacite, Ann., II, 69.

[16] Malala, p. 284, 287 et suiv.; Libanius, De angariis, p. 555 et suiv.; De carcere vinctis, p. 455 et suiv.; Ad Timocratem, p. 385; Antioch., p. 323; Philostr., Vie d'Apoll., I, 16; Lucien, De saltatione, 76; Diod. Sic., fragm. l. XXXIV, no 34 (p. 538, éd. Dindorf); Jean Chrys., Homil. vii in Matth., 5 (t. VII, p. 113); lxxiii in Matth., 3 (ibid., p. 712); De consubst. contra Anom., 1 (t. I, p. 501); De Anna, 1 (t. IV, p. 730); De Dav. et Saüle, iii, 1 (t. IV, 768–770); Julien, Misopogon, p. 343, 350, édit. Spanheim; Actes de sainte Thècle, attribués à Basile de Séleucie, publiés par P. Pantinus (Anvers, 1608), p. 70

[17] Philostr., Apoll., III, 58; Ausone, Clar. Urb., 2; J. Capitolin, Verus, 7; Marc-Aur., 25; Hérodien, II, 10; Jean d'Antioche, dans les Excerpta Valesiana, p. 844; Suidas, au mot Ἰοβιανός.

[18] Julien, Misopogon, p. 344, 365, etc.; Eunape, Vies des Soph., p. 496, édit. Boissonade (Didot); Ammien Marcellin, XXII, 14.

[19] Jean Chrys., De Lazaro, ii, 11 (t. I, p. 722–723).

[20] Cic., Pro Archia, 3, en tenant compte de l'exagération ordinaire à l'avocat.

[21] Philostrate, Vie d'Apollonius, III, 58.

[22] Malala, p. 287–289.

[23] Jean Chrysost., Homil. vii in Matth., 5, 6 (t. VII, p. 113). Voir O. Müller, Antiquit. Antioch., 33, note.

[24] Libanius, Antiochicus, p. 355–356.

[25] Juvénal, iii, 62 et suiv., et Forcellini, au mot ambubaja, en observant que le mot ambuba est syriaque.

[26] Libanius, Antioch., p. 315; De carcere vinctis, p. 455, etc., Julien, Misopogon, p. 367, édit, Spanheim.

[27] Libanius, Pro rhetoribus, p. 211.

[28] Libanius, Antiochicus, p. 363.

[29] Libanius, Antiochicus, p. 354 et suiv.

[30] L'enceinte actuelle, qui est du temps de Justinien, présente les mêmes particularités.

[31] Libanius, Antioch., p. 337, 338, 339.

[32] Le lac Ak-Deniz, qui forme de ce côté la limite actuelle du territoire d'Antakieh, n'existait pas, à ce qu'il semble, dans l'antiquité. V. Ritter, Erdkunde, XVII, p. 1149, 1613 et suiv.

[33] Josèphe, Ant., XII, iii, 1; XIV, xii, 6; B. J., II, xviii, 5; VII, iii, 2–4.

[34] Josèphe, Contre Apion, II, 4; B. J., VII, iii, 3–4; v, 2.

[35] Malala, p. 244–245.; Jos., B. J., VII, v, 2.

[36] Act., vi, 5.

[37] Ibid., xi, 19 et suiv.

[38] Comparez Jos., B. J., II, xviii, 2.

[39] Act., xi, 20–21. La bonne leçon est Ἕλληνας. Ἑλληνιστἀς est venu d'un faux rapprochement avec ix, 29.

[40] Malala, p. 245. Le récit de Malala ne peut, du reste, être exact. Josèphe ne dit pas mot de l'invasion dont parle le chronographe.

[41] Ibid., p. 243, 265–266 (Comparez Comptes rendus de l'Acad. des Inscr. et B.-L., séance du 17 août 1865.

[42] S. Athanase, Tomus ad Antioch, (Opp. t. I, p. 771, édit. Montfaucon); S. Jean Chrysost., Ad pop. Ant. homil. i et ii, init. (t. II, p. 1 et 20); In Inscr. Act., ii, init. (t. III, 60); Chron. Pasch., p. 296 (Paris); Théodoret, Hist. eccl., II, 27; III, 2, 8, 9. Le rapprochement de ces passages ne permet pas de rendre ἐν τῆ καλουμένῃ Παλαιᾷ par «dans ce qu'on appelait l'ancienne ville», ainsi que les éditeurs l'ont fait quelquefois.

[43] Malala, p. 242.

[44] Pococke, Descript. of the East, vol. II, part. i, p. 192 (Londres, 1745); Chesney, Expedition for the survey of the rivers Euphr. and Tigris, I, 425 et suiv.

[45] C'est-à-dire à l'opposite de la partie de la ville ancienne qui est encore habitée.

[46] Voir ci-dessous, p. 233, note 5.

[47] Le type des Maronites se retrouve d'une manière frappante dans toute la région d'Antakieh, de Soueidieh et de Beylan.

[48] F. Naironi, Evoplia fidei cathol. (Romæ, 1694), p. 58 et suiv., et l'ouvrage de S. Ém. Paul-Pierre Masad, patriarche actuel des Maronites, intitulé Kitâb ed-durr el-manzoum (en arabe, imprimé au couvent de Tamisch dans le Kesrouan, 1863).

[49] Act., xi, 19–20; xiii, 1.

[50] Gal., ii, 14 et suiv. le suppose.


CHAPITRE XIII.
IDÉE D'UN APOSTOLAT DES GENTILS.
SAINT-BARNABÉ.

[An 42] Quand on apprit à Jérusalem ce qui s'était passé à Antioche, l'émotion fut grande[1]. Malgré la bonne volonté de quelques-uns des principaux membres de l'Église de Jérusalem, en particulier de Pierre, le collége apostolique continuait d'être assiégé des idées les plus mesquines. Chaque fois qu'on apprenait que la bonne nouvelle avait été annoncée à des païens, il se produisait, de la part de quelques anciens, des signes de mécontentement. L'homme qui cette fois triompha de cette misérable jalousie et qui empêcha les maximes exclusives des «hébreux» de ruiner l'avenir du christianisme, fut Barnabé. Barnabé était l'esprit le plus éclairé de l'Église de Jérusalem, il était le chef du parti libéral, qui voulait le progrès et l'Église ouverte à tous. Déjà il avait puissamment contribué à lever les défiances qui s'étaient élevées contre Paul. Cette fois, il exerça encore une grande influence. Envoyé comme délégué du corps apostolique à Antioche, il vit et approuva tout ce qui s'était fait; il déclara que l'Église nouvelle n'avait qu'à continuer dans la voie où elle était entrée. Les conversions continuaient à se produire en grand nombre[2]. La force vivante et créatrice du christianisme semblait s'être concentrée à Antioche. Barnabé, dont le zèle voulait toujours être au point où l'action était la plus vive, y resta. Antioche sera désormais son Église; c'est de là qu'il va exercer le ministère le plus fécond. Le christianisme a été injuste envers ce grand homme, en ne le plaçant pas en première ligne parmi ses fondateurs. Toutes les idées larges et bonnes eurent Barnabé pour patron. L'intelligente hardiesse de Barnabé fut le contre-poids à ce qu'aurait eu de funeste l'entêtement de ces Juifs bornés qui formaient le parti conservateur de Jérusalem.

Une magnifique idée germa à Antioche dans ce grand cœur. Paul était à Tarse dans un repos qui, pour un homme aussi actif, devait être un supplice. Sa fausse position, sa roideur, ses prétentions exagérées annulaient une partie de ses qualités. Il se rongeait lui-même, et restait presque inutile. Barnabé sut appliquer à son œuvre véritable cette force qui se consumait en une solitude malsaine et dangereuse. Une seconde fois, il tendit la main à Paul, et amena ce caractère sauvage à la société de frères qu'il voulait fuir. Il alla lui-même à Tarse, le chercha, l'amena à Antioche[3]. Voilà ce que les vieux obstinés de Jérusalem n'auraient jamais su faire. Gagner cette grande âme rétractile, susceptible; se plier aux faiblesses, aux humeurs d'un homme plein de feu, mais très-personnel; se faire son inférieur, préparer le champ le plus favorable au déploiement de son activité en s'oubliant soi-même, c'est là certes le comble de ce qu'a jamais pu faire la vertu; c'est là ce que Barnabé fit pour saint Paul. La plus grande partie de la gloire de ce dernier revient à l'homme modeste qui le devança en toutes choses, s'effaça devant lui, découvrit ce qu'il valait, le mit en lumière, empêcha plus d'une fois ses défauts de tout gâter et les idées étroites des autres de le jeter dans la révolte, prévint le tort irrémédiable que de mesquines personnalités auraient pu faire à l'œuvre de Dieu.

[An 43]Durant une année entière, Barnabé et Paul furent unis dans cette active collaboration[4]. Ce fut une des années les plus brillantes, et sans doute la plus heureuse de la vie de Paul. La féconde originalité de ces deux grands hommes éleva l'Église d'Antioche à une hauteur qu'aucune Église n'avait atteinte jusque-là. La capitale de la Syrie était un des points du monde où il y avait le plus d'éveil. Les questions religieuses et sociales, à l'époque romaine comme de notre temps, se faisaient jour principalement dans les grandes agglomérations d'hommes. Une sorte de réaction contre l'immoralité générale, qui plus tard fera d'Antioche la patrie des stylites et des solitaires[5], était déjà sensible. La bonne doctrine trouvait ainsi dans cette ville les meilleures conditions de succès qu'elle eût encore rencontrées.

Une circonstance capitale prouve, du reste, que la secte eut pour la première fois à Antioche pleine conscience d'elle-même. Ce fut dans cette ville qu'elle reçut un nom distinct. Jusque-là, les adhérents s'étaient appelés entre eux «les croyants», «les fidèles», «les saints», «les frères», «les disciples»; mais il n'y avait pas de nom officiel et public pour les designer. C'est à Antioche que le nom de christianus fut formé[6]. La terminaison en est latine, et non grecque, ce qui semble indiquer qu'il fut créé par l'autorité romaine, comme appellation de police[7], de même que herodiani, pompeiani, cæsariani[8]. Il est certain, en tout cas, qu'un tel nom fut formé par la population païenne. Il renfermait un malentendu; car il supposait que Christus, traduction de l'hébreu Maschiah (le Messie), était un nom propre[9]. Plusieurs même de ceux qui étaient peu au courant des idées juives ou chrétiennes, devaient être amenés par ce nom à croire que Christus ou Chrestus était un chef de parti encore vivant[10]. La prononciation vulgaire, en effet, était chrestiani[11].

Les Juifs, en tout cas, n'adoptèrent pas, au moins d'une façon suivie[12], le nom donné par les Romains à leurs coreligionnaires schismatiqnes. Ils continuèrent d'appeler les nouveaux sectaires «Nazaréens» ou «Nazoréens»[13], sans doute parce qu'ils avaient l'habitude d'appeler Jésus Han-nasri ou Han-nosri, «le Nazaréen». Ce nom a prévalu jusqu'à nos jours dans tout l'Orient[14].

C'est ici un moment très-important. L'heure où une création nouvelle reçoit son nom est solennelle; car le nom est le signe définitif de l'existence. C'est par le nom qu'un être individuel ou collectif devient lui-même et sort d'un autre. La formation du mot «chrétien» marque ainsi la date précise où l'Église de Jésus se sépara du judaïsme. Longtemps encore on confondra les deux religions; mais cette confusion n'aura lieu que dans les pays où la croissance du christianisme est, si j'ose le dire, arriérée. La secte, du reste, accepta vite l'appellation qu'on avait faite pour elle et la considéra comme un titre d'honneur[15]. Quand on songe que, dix ans après la mort de Jésus, sa religion a déjà un nom en langue grecque et en langue latine dans la capitale de la Syrie, on s'étonne des progrès accomplis en si peu de temps. Le christianisme est complètement détaché du sein de sa mère; la vraie pensée de Jésus a triomphé de l'indécision de ses premiers disciples; l'Église de Jérusalem est dépassée; l'araméen, la langue de Jésus, est inconnue à une partie de son école; le christianisme parle grec; il est lancé définitivement dans le grand tourbillon du monde grec et romain, d'où il ne sortira plus.

L'activité, la fièvre d'idées qui se produisait dans cette jeune église dut être quelque chose d'extraordinaire. Les grandes manifestations «spirites» y étaient fréquentes[16]. Tous se croyaient inspirés, sur des modes divers. Les uns étaient «prophètes», les autres «docteurs»[17]. Barnabé, comme son nom l'indique[18], avait sans doute rang de prophète: Paul n'avait pas de titre spécial. On citait encore, parmi les notables de l'Église d'Antioche, Siméon surnommé Niger, Lucius de Cyrène, Menahem, qui avait été frère de lait d'Hérode Antipas, et qui par conséquent devait être assez âgé[19]. Tous ces personnages étaient juifs. Parmi les païens convertis était peut-être déjà cet Evhode qui paraît, à une certaine époque, avoir tenu le premier rang dans l'Église d'Antioche[20]. Sans doute, les païens qui répondirent à la première prédication eurent d'abord quelque infériorité; ils devaient peu briller dans les exercices publics de glossolalie, de prédication, de prophétie.

Paul, au milieu de cette société entraînante, se laissa aller au courant. Plus tard, il se montra contraire à la glossolalie[21], et il est probable que jamais il ne la pratiqua. Mais il eut beaucoup de visions et de révélations immédiates[22]. C'est apparemment à Antioche[23] qu'il eut cette grande extase qu'il raconte en ces termes: «Je connais un homme en Christ, qui, il y a quatorze ans (la chose se passait-elle corporellement ou en dehors du corps? je l'ignore, Dieu le sait), fut ravi jusqu'au troisième ciel[24]. Et je sais que cet homme (Dieu pourrait dire si ce fut en corps ou sans corps) a été ravi dans le paradis[25], où il a entendu des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un mortel de dire[26].» En général, sobre et pratique, Paul partageait cependant les idées de son temps sur le surnaturel. Il croyait faire des miracles[27], comme tout le monde; il était impossible que les dons du Saint-Esprit, qui passaient pour être de droit commun dans l'Église[28], lui fussent refusés.

[An 44]Mais des esprits possédés d'une flamme si vive ne pouvaient s'en tenir à ces chimères d'une exubérante piété. On se tourna vite vers l'action. L'idée de grandes missions destinées à convertir les païens, en commençant par l'Asie Mineure, s'empara de toutes les têtes. Une pareille idée, fût-elle née à Jérusalem, n'aurait pu s'y réaliser. L'Église de Jérusalem était dénuée de ressources pécuniaires. Un grand établissement de propagande exige une certaine mise de fonds. Or, toute la caisse commune de Jérusalem allait à nourrir les bons pauvres, et parfois n'y suffisait pas. De toutes les parties du monde, il fallait envoyer des secours pour que ces nobles mendiants ne mourussent pas de faim[29]. Le communisme avait créé à Jérusalem une misère irrémédiable et une complète incapacité pour les grandes entreprises. L'Église d'Antioche était exempte d'un tel fléau. Les Juifs, dans ces villes profanes, étaient arrivés à l'aisance, parfois à de grandes fortunes[30]; les fidèles entraient dans l'Église avec un avoir assez considérable. Ce fut Antioche qui fournit les capitaux de la fondation du christianisme. On conçoit la totale différence de mœurs et d'esprit que cette circonstance à elle seule dut établir entre les deux Églises. Jérusalem resta la ville des pauvres de Dieu, des ebionim, des bons rêveurs galiléens, ivres et comme étourdis des promesses du royaume des cieux[31]. Antioche, presque étrangère à la parole de Jésus, qu'elle n'avait pas entendue, fut l'Église de l'action, du progrès. Antioche fut la ville de Paul; Jérusalem, la ville du vieux collége apostolique, enseveli dans ses songes, impuissant en face des problèmes nouveaux qui s'ouvraient, mais ébloui de son incomparable privilège, et riche de ses inappréciables souvenirs.

Une circonstance justement mit bientôt tous ces traits en lumière. L'imprévoyance était telle dans cette pauvre Église famélique de Jérusalem, que le moindre accident mettait la communauté aux abois. Or, dans un pays où l'organisation économique était nulle, où le commerce avait peu de développement et où les sources du bien-être étaient médiocres, les famines ne pouvaient manquer d'arriver. Il y en eut une terrible la quatrième année du règne de Claude, l'an 44[32]. Quand les symptômes s'en firent sentir, les anciens de Jérusalem eurent l'idée de recourir aux frères des Églises plus riches de Syrie. Une ambassade de prophètes hiérosolymites vint à Antioche[33]. L'un d'eux, nommé Agab, qui passait pour avoir un haut degré de clairvoyance, se vit tout à coup saisi de l'Esprit, et annonça le fléau qui allait sévir. Les fidèles d'Antioche furent fort touchés des maux qui menaçaient la mère Église, dont ils se regardaient encore comme tributaires. Ils firent une collecte, à laquelle chacun contribua selon son pouvoir. Barnabé fut chargé d'aller en porter le produit aux frères de Judée[34]. Jérusalem restera encore longtemps la capitale du christianisme. Les choses uniques y sont centralisées; il n'y a d'apôtres que là[35]. Mais un grand pas est fait. Durant plusieurs années, il n'y a eu qu'une Église complétement organisée, celle de Jérusalem, centre absolu de la foi, d'où toute vie émane, où toute vie reflue. Il n'en est plus ainsi maintenant. Antioche est une Église parfaite. Elle a toute la hiérarchie des dons du Saint-Esprit. Les missions partent de là[36] et y reviennent[37]. C'est une seconde capitale, ou, pour mieux dire, un second cœur, qui a son action propre, et dont la force s'exerce dans toutes les directions.

Il est même facile de prévoir dès à présent que la seconde capitale l'emportera bientôt sur la première. La décadence de l'Église de Jérusalem, en effet, fut rapide. C'est le propre des institutions fondées sur le communisme d'avoir un premier moment brillant, car le communisme suppose toujours une grande exaltation, mais de dégénérer très-vite, le communisme étant contraire à la nature humaine. Dans ses accès de vertu, l'homme croit pouvoir se passer entièrement de l'égoïsme et de l'intérêt propre; l'égoïsme prend sa revanche en prouvant que l'absolu désintéressement engendre des maux plus graves que ceux qu'on avait cru éviter par la suppression de la propriété.

[1] Act., xi, 22 et suiv.

[2] Act., xi, 22–24.

[3] Act., xi, 25.

[4] Act., xi, 26.

[5] Libanius, Pro templis, p. 164 et suiv.; De carcere vinctis, p. 458; Théodoret, Hist. eccl., IV, 28; Jean Chrysost., Homil. lxxii in Matth., 3 (t. VII, p. 705); In Epist. ad Ephes. hom. vi, 4 (t. XI, p. 44); In I Tim. hom. xiv, 3 et suiv. (ibid. p. 628 et suiv.); Nicéphore, XII, 44; Glycas, p. 257 (éd. Paris).

[6] Act., xi, 26.

[7] Les passages I Petri, iv, 16, et Jac., ii, 7, comparés à Suétone, Néron, 16, et à Tacite, Ann., XV, 44, confirment cette idée. Voir aussi Act., xxvi, 28.

[8] Il est vrai qu'on trouve Ἀσιανός (Act., xx, 4; Philon, Legatio, 36; Strabon, etc). Mais il paraît que c'est là un latinisme, de même que Δαλδιανοί, et les noms des sectes, Σιμωνιανοί, Κηρινθιανοί, Σηθιανοί, etc. Le dérivé hellénique de χριστός eût été χρίστειος. Il ne sert de rien de dire que la terminaison anus est une forme dorique du grec ηνος, on n'avait nulle souvenance de cela au premier siècle.

[9] Tacite (loc. cit.) le prend ainsi.

[10] Suétone, Claude, 25. Nous discuterons ce passage dans notre livre suivant.

[11] Corpus inscr. gr., nos 2883 d, 3857 g, 3857 p, 3865 l; Tertullien, Apol., 3; Lactance, Divin. Inst., IV, 7. Comp. la forme française chrestien.

[12] Jac., ii, 7, n'implique qu'un usage momentané et incertain.

[13] Act., xxiv. 5; Tertullien, Adv. Marcionem, IV, 8.

[14] Nesâra. Les noms de meschihoio en syriaque, mesihi en arabe, sont relativement modernes, et calqués sur χριστιανός. Le nom de «Galiléens» est bien plus récent. Ce fut Julien qui le mit à la mode, et même le rendit officiel, en y attachant une nuance de raillerie et de mépris, Juliani Epist., vii; Grégoire de Nazianze, Orat. IV (invect. i), 76; S. Cyrille d'Alex., Contre Julien, II, p. 39 (édit. Spanheim); Philopatris, dialogue attribué faussement à Lucien, et qui est en réalité du temps de Julien, § 12; Théodoret, Hist. eccl., III, 4. Je pense que, dans Épictète (Arrien, Dissert., IV, vii, 6; et dans Marc-Aurèle (Pensées, XI, 3), ce nom ne désigne pas les chrétiens, mais qu'il faut l'entendre des «sicaires» ou zélotes, disciples fanatiques de Juda le Galiléen ou le Gaulonite et de Jean de Gischala.

[15] I Pétri, iv, 16; Jac., ii, 7.

[16] Act., xiii, 2.

[17] Ibid., xiii, 1.

[18] Voir ci-dessus, p. 105–106.

[19] Act., xiii, 1.

[20] Eusèbe, Chron., à l'année 43; Hist. eccl., III, 22; Ignatii Epist. ad Antioch. (apocr.), 7.

[21] I Cor., xiv entier.

[22] II Cor., xii, 1–5.

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