Les Dernières Années du Marquis et de la Marquise de Bombelles
CHAPITRE IX
Les étapes de la Révolution.—Le 20 juin.—Dernière lettre de Madame Élisabeth.—Le comte et la comtesse de Régis.—Le drame du Temple.—Bombelles à l'armée de Condé.—Sa rencontre avec Gœthe.—Mort du Roi.—Procès et mort de la Reine.—Angoisses des Bombelles.—Correspondance avec les Raigecourt.—Mort de Madame Élisabeth.—Douleur poignante d'Angélique.
Après s'être imaginé à tort que les affaires de son mari, à Saint-Pétersbourg, marchaient mieux, Mme de Bombelles devra se rendre à l'évidence: la mission du marquis n'avait pas apporté de solution profitable. Bombelles n'était pas homme à se décourager; ni les drames qui se succèdent à Paris, ni les échecs subis par les armées envahissantes n'ont émoussé son espoir que la partie royale n'est pas encore perdue. De temps à autre les lettres, bien clairsemées maintenant, de Madame Élisabeth viennent apporter leur note affectueuse.
On ne saurait lire sans émotion cette relation écrite après la tragédie du 20 juin: la princesse y peint les événements dans le style pittoresque et prenant dont elle a le secret, «les grands jours». L'invasion des Tuileries par les faubourgs, sous sa plume, est angoissante au premier chef. Elle fait dérouler les incidents les plus intéressants: le bonnet rouge sur la tête du Roi, les appartements privés inondés de populace, les menaces, les insultes, les vociférations, la Reine un instant en danger, puis haranguée par Santerre, donnant dans un geste, qui enleva une ovation, sa main à baiser aux grenadiers... On assiste à la scène du soir quand la Reine et ses enfants se jettent au cou du Roi... Madame Élisabeth n'a oublié que les faits qui lui sont personnels. Elle ne dit pas qu'une pique a effleuré sa poitrine... Elle ne dit pas non plus ceci: Dans un moment de presse tumultueuse, les cris de haine redoublent. Au moment où le Roi, sollicité par un garde national, vient de boire à la santé de la Nation, un énergumène apercevant Madame Élisabeth dans une fenêtre et la prenant pour la Reine, hurle: «Voilà l'Autrichienne! Il nous faut la tête de l'Autrichienne!»—Ce n'est pas la Reine, dit l'écuyer de la princesse, M. de Saint-Pardoux.—Et la princesse de s'écrier généreusement: «Pourquoi les détromper? Leur erreur pouvait sauver la Reine [252].»
On avait formulé de sombres pronostics sur la journée de la Fédération. Il n'en fut rien, et la journée fut calme.—«La Fédération s'est passée tranquillement, écrit Madame Élisabeth, le 16 juillet. L'on a bien crié Vive Pétion en passant devant le Roi, et lorsqu'il a paru, cela a été des cris terribles qui, je crois, l'ont tellement flatté qu'un seul moment où il a voulu jeter les yeux sur notre balcon, comme il a vu qu'il y en avait beaucoup de fixés sur lui, la modestie s'est emparée de lui. Le Roi, dans ce moment, était à l'autel de la patrie... Le Roi une fois remonté en voiture, les cris de Vive le Roi et la Reine n'ont pas cessé jusqu'au château. «Les grenadiers qui entouraient le carrosse et criaient sans trêve étaient tout cœur et toute âme, cela faisait du bien», écrivait la princesse, le même jour, à Mme de Raigecourt. Les acclamations de la fin furent le sourire d'une journée qui avait commencé dans l'angoisse. Il y eut des moments émotionnants, quand le Roi se rendit à pied du pavillon de l'École militaire à l'autel dressé à l'extrémité du Champ de Mars. «Quand il monta les degrés de l'autel, a écrit Mme de Staël, on crut voir la victime sainte s'offrant volontiers au sacrifice.» Quant à la Reine, «l'expression de son visage, dit le même écrivain [253], ne s'effacera jamais de mon souvenir; ses yeux étaient abîmés de pleurs, la splendeur de sa toilette, la dignité de son maintien, contrastaient avec le cortège dont elle était entourée... au milieu de ces hommes qui avaient plus l'air d'être réunis pour une émeute que pour une fête.» L'émotion de la Reine avait été très vive pendant toute la cérémonie; elle se figurait qu'on voulait enlever le Roi; l'ayant perdu de vue un instant, elle avait poussé un cri [254]. Et le soir ce furent des pleurs, une scène d'attendrissement et de douce émotion [255].
Peu à peu, pendant l'été, les lettres de Madame Élisabeth sont devenues rares, très rares, jusqu'à la dernière, écrite la veille du 10 août. En revanche, une lettre de Mme de Bombelles a été tout récemment découverte aux Archives nationales [256]. Cette lettre, datée du 6 août, offre certains détails intéressants. Elle montre aussi l'affectueux dévouement que Mme de Bombelles ne cesse de témoigner à son infortunée maîtresse.
Le bruit s'était répandu que la famille royale avait été massacrée. «Depuis trois jours il courait en Suisse le bruit que le plus grand des forfaits s'était consommé, et que des crimes innombrables l'avaient précédé et suivi. Oh! ma princesse! Dans quel état de douleur j'ai été et comment suis-je encore de ce monde après une telle secousse!
... Les nouvelles de ce matin nous ont, grâce à Dieu, rendu le calme et la tranquillité. C'est un état où nous ne resterons pas longtemps; mais le bonheur de savoir notre bon Roi existant ainsi que la Reine et leurs enfants l'emporte sur toutes les inquiétudes que je devais avoir.
Nous n'avons aucune nouvelle des troupes ennemies, mais, selon toute apparence, elles seront aux frontières quand Madame recevra ma lettre. Je suis bien étonnée que par les lettres que j'ai reçues aujourd'hui du 30 et du 1er on n'ait eu alors aucune connaissance du manifeste [257]. Il serait pourtant essentiel que l'Assemblée se hâtât de réparer le tort que cet écrit peut faire dans bien des têtes, et que, par un décret ferme et vigoureux, elle infligeât les peines dues aux imbéciles qui pourraient s'effrayer. On craint pour Landau et Strasbourg, mais le duc de Brunswick, malgré tous ses talents, ne fera rien, et il est dommage qu'un homme d'un aussi grand mérite se soit laissé aveugler par les déclamations des mécontents... C'est à présent que nos braves généraux vont faire connaître leur valeur, et tout ira bien, si tous les partis en France veulent ne plus avoir que les mêmes principes et le même but. Je n'aime pas trop la présence des Marseillais à Paris [258]. Il faudrait les engager à retourner chez eux pour que tout soit à sa place. On nous assure que le roi de Sardaigne va commander lui-même son armée. Encore une autre folie! Non, je ne puis concevoir qu'on tente de nous attaquer, et pour être plus sûr de nos succès, il faudrait seulement que le Roi n'agisse que guidé par notre Constitution. Espérons, ma Princesse, qu'enfin elle triomphera, et que non seulement elle sera respectée, mais encore imitée.»
On remarquera ces phrases si «constitutionnelles» qu'on n'est pas habitué à voir sous la plume de Mme de Bombelles. Est-ce à dire que l'émigrée si ancrée dans le système «ancien régime» que nous connaissons, a diamétralement modifié ses idées? Nous ne le croyons pas, étant données des lettres postérieures à Mme de Raigecourt. Elle ne peut dire ce qu'elle espère: c'est que l'état de choses sera modifié par la guerre. Ce langage, à tout prendre, est adroit et prudent. Mme de Bombelles ne peut savoir les négociations de dernière heure tentées avec les Jacobins et le rôle d'intermédiaire joué par Madame Élisabeth, elle ignore que Pétion, Santerre, Manuel, Danton, vont recevoir de grosses sommes d'argent pour empêcher le mouvement qui se prépare [259],—et qui servira à payer l'émeute,—elle ne sait pas sans doute, les entretiens secrets auxquels sa princesse prit part, l'énergie et l'intelligence montrées par celle qui, par tous les moyens, s'efforce de sauver le Roi [260]. Madame Élisabeth ne parle pas de ses projets,—du moins dans les lettres qui nous sont parvenues,—et Angélique n'y fait pas allusion même à mots couverts. Est-ce à dire qu'elle n'a pas deviné de secrètes combinaisons?
Elle demande à recevoir exactement des nouvelles de la princesse... Peut-elle se douter seulement que cette lettre du 6 août ne parviendra pas à sa destination, que lorsqu'elle arrivera aux Tuileries où elle sera saisie et lue par d'autres, Madame Élisabeth aura franchi les premières marches de ce calvaire: le Temple?
D'elle-même et des siens, Mme de Bombelles donne un bulletin qui nous intéresse. Après une absence à Schinznach, elle est revenue à Wartegg avec ses hôtes, les comtes de Thurn. «Ils sont de la meilleure société et nous témoignent une véritable satisfaction de nous avoir chez eux. Ils sont bons, aimables, obligeants, et nous sommes désolés qu'ils nous quittent demain...
Voici enfin une phrase sur le marquis: «Je ne sais encore quand reviendra mon ami; sa santé est beaucoup meilleure, et je suis persuadée que sa grande cure des eaux lui fera grand bien. Je m'ennuie de son absence, mais l'espoir du rétablissement de sa santé me fait prendre patience...»
Du même jour on possède [261] une autre lettre de Mme de Bombelles, celle-là adressée à la baronne de Mackau. Elle n'est guère, au début, que la paraphrase de la lettre de Madame Élisabeth: récit de ses inquiétudes, espoir que les affaires s'arrangeront. Sur un point important, la marquise insiste: «Le Roi, guidé par la Constitution, ne fera que du bien. Il fera la paix, établira la tranquillité dans le royaume, et les factieux, je l'espère, seront abattus.» Entre les lignes on peut deviner, ce semble, les différents espoirs auxquels la marquise se raccroche; si les armées françaises sont victorieuses, le Roi pourra en reconquérir une force nouvelle; si, au contraire, elles sont vaincues, les puissances peuvent imposer un nouvel état de choses et sauver la famille royale [262]... Elle n'oubliait qu'une chose: la Révolution! La dynastie il n'en était plus question, puisque l'Assemblée, avoue Madame Élisabeth, le 8 août, va être forcée de voter la déchéance... Le 9 pourtant il y a sursis, jusqu'à six heures du soir, le château et la ville doutaient encore du mouvement annoncé, et Madame Élisabeth écrivait sa dernière lettre à la fidèle Angélique.
«Si vous ne trouvez pas, Mam'selle Bombe, que je ne suis pas soumise à vos ordres, vous aurez tort. Ne v'là-t-il pas que je reçois à l'instant la lettre par laquelle vous me demandez force nouvelles, et v'là que je prends la plume et que je vous mande que cette journée du dix [263], qui devait être si vive, si terrible, est la plus calme possible; que l'Assemblée n'a point décrété ni déchéance, ni suspension, qu'elle s'est occupée des fédérés, qu'une partie veut faire partir et l'autre retenir, et que l'on s'est borné à sommer le ministre de rendre compte pourquoi le camp de Soissons n'était pas prêt à les recevoir. Le département a dit qu'il avait donné des ordres à la municipalité pour veiller à l'ordre. Le maire a paru ensuite pour se plaindre de ce que le département ne donnait l'ordre qu'à lui et non à la municipalité, et a demandé que l'on enjoigne au département de donner à la municipalité des ordres précis. Voilà, mon cœur, tout ce qui s'est passé de plus intéressant. Du reste il fait bien chaud; mais malgré cela, celle qui t'écrit, ta mère, et tout ce qui t'intéresse ici se portent bien.»
Pas une plainte, pas un cri d'angoisse dans cette lettre... Madame Élisabeth se figure que les sept cent cinquante mille livres remis à Pétion et à Santerre empêcheraient les rassemblements du lendemain, que les Marseillais ne constituent plus un danger, mais qu'ils sont, au contraire, ramenés à la cause royale, que Louis XVI et sa famille sont encore une fois sauvés... Quelques heures après le départ de la lettre à Mme de Bombelles, le tocsin sonne au clocher des églises, les tambours battent la générale, les faubourgs s'ébranlent et se mettent en marche. Une femme avait prédit qu'en ces jours de revendications violentes, «il pleuvrait du sang», et elle avait raison. Les récits contemporains si nombreux, le récit si consciencieusement étayé sur les documents contemporains de Mortimer Ternaux permettent de suivre heure par heure, minute par minute, les phases du drame; on comprend en quoi la volte-face de Pétion [264], craignant pour ses jours et se faisant appeler à la barre de l'Assemblée, devait irrémédiablement abîmer les dernières illusions de la famille royale, on voit Louis XVI hésitant à faire couler le sang, perdant des moments précieux à demander des conseils, se décidant selon l'avis de Rœderer [265], procureur-syndic, à se réfugier à l'Assemblée... «Nous reviendrons, avaient répété le Roi et la Reine, en se dirigeant vers l'Assemblée; mais ni l'un ni l'autre n'ont d'espoir, et les spectateurs, les fidèles qui les entourent sentent bien que ce qu'ils voient passer «c'est le convoi de la royauté [266]»...
Madame Élisabeth n'a pas quitté le Roi et la Reine. De ce calvaire de la terrasse des Feuillants où insultes et ignominies tombent sur Marie-Antoinette; elle a sa part avec la famille royale; elle sera tenue prisonnière dix-huit heures dans la tribune du logographe.
Là parviennent les nouvelles: la montée des colonnes insurrectionnelles, l'envahissement de la Cour des Tuileries..., l'héroïque défense des Suisses, le massacre de Clermont-Tonnerre, la tête de Suleau portée sur une pique par Théroigne de Méricourt... le pillage et le sac du Château... Pendant trois jours la famille royale est logée au couvent des Feuillants; traînée à l'Assemblée, elle entend la signification de la déchéance de Louis XVI, puis, au milieu des outrages, elle prend le chemin du Temple. La royauté était en prison, et, comme dit Gouverneur-Morris, «l'histoire nous apprend combien est court, pour les monarques détrônés, le passage de la prison à la tombe».
Depuis son retour de Russie, le marquis est le mouvement fait homme. On sait combien l'inaction lui pèse, il cherche toute occasion de remplir les missions que lui confie Breteuil au nom du roi nominal de France. Il a mis son concours au service du prince de Condé, et ses passages à Worms, à Willingen, témoignent de son désir, sinon de servir au titre militaire, au moins de se tenir aux côtés des chefs de l'armée. De ces allées et venues, de ces conciliabules entretenus d'illusions, de ces tiraillements entre l'armée des princes, les représentants de Coblentz et ceux du Roi, ne nous préoccupons pas outre mesure, Bombelles n'ayant joué ici qu'un rôle secondaire.
En revanche au cours de sa chevauchée de diplomate suivant l'armée prussienne, Bombelles s'est rencontré avec Gœthe. C'était en Champagne, la veille de Valmy, au camp du grand-duc de Saxe-Weimar, qu'accompagnait le poète. Dans sa Campagne de France, Gœthe raconte ainsi leur entrevue:
«Parmi toutes les personnes dont le feu éclairait dans ce cercle la taille et le visage, j'aperçus un homme âgé [267] que je crus reconnaître. Quand je m'en fus assuré, je m'approchai de lui, et il ne fut pas peu étonné de me voir là. C'était le marquis de Bombelles que j'avais vu à Venise deux années auparavant, quand j'accompagnais la duchesse Amélie. Il y résidait alors comme ambassadeur de France, et il avait pris à cœur de rendre à cette excellente princesse le séjour de Venise aussi agréable que possible. Nos cris de surprise, la joie du revoir et nos souvenirs égayèrent ce moment sérieux. Nous parlâmes de sa magnifique demeure sur le Grand-Canal; je lui rappelai comme, arrivé chez lui en gondole, nous y avions trouvé un accueil honorable et une gracieuse hospitalité; comment par de petites fêtes, dans le caractère et l'esprit de cette princesse qui aimait la nature et les arts, la gaieté et le bon goût, il l'avait amusée de mille manières, elle et son entourage, et, par l'influence qu'il exerçait, lui avait procuré bien des jouissances refusées aux étrangers.
«Mais quelle fut ma surprise, à moi, qui avais cru le réjouir par un éloge sincère, de l'entendre s'écrier avec mélancolie: «Ne parlons pas de ces choses! Ce temps est trop loin de moi; et dès ce temps même, quand j'amusais mes nobles hôtes avec une apparente sincérité, le souci me rongeait le cœur; je pressentais les suites de ce qui se passait dans ma patrie; j'admirais votre sécurité de ne pas prévoir le danger qui vous menaçait vous-même; je me préparais en silence au changement de mon sort. Bientôt après, je dus quitter mon poste honorable et ma chère Venise et commencer les courses vagabondes qui ont fini par m'amener ici.»
Gœthe disait vrai. Le marquis de Bombelles avait toujours jugé les événements avec une triste justesse, et à Venise même, lorsqu'avec un grand désintéressement, il avait cru devoir refuser le serment à la nouvelle Constitution et par suite se déclarer démissionnaire, il avait considéré la cause royale comme courant les plus grands dangers. Nous l'avons vu, ne désespérant pourtant pas, mettre son zèle et son dévouement au service des intérêts qu'il ne cessait de défendre, s'efforcer de ramener la concorde parmi les différentes fractions du parti émigré, accepter les tâches les plus délicates et les missions les plus ingrates. La précipitation des événements... les massacres de septembre, la République imminente, l'entrée en fonction de la Convention ne lui ont pas fait perdre tout courage. Comme par le passé, tous les moyens lui paraissent bons pour sauver le Roi et «déjacobiner» la France. Sa femme n'est pas moins ardente, passant de la tristesse à l'espérance...
Avec Mme de Raigecourt, Angélique de Bombelles parle franchement: angoissantes inquiétudes pour la vie du Roi, espérance du côté de Brunswick. Ce ne sont plus là les phrases à double entente ou encadrant celles écrites au citron dont sont émaillées les lettres à la Princesse.
Au comte de Régis, sous l'impression des journées de septembre, elle écrit: «Nous sommes tous dans l'agonie que vont avoir les efforts du duc de Brunswick. Les derniers massacres de Paris font horreur et doivent tout faire craindre pour ces malheureux souverains.»
Dès le 21 septembre elle croit le Roi au secret depuis le 6 (en réalité, il ne fut séparé des siens que le 29). «Quel moment a du être celui de la séparation d'avec la Reine, ses enfants et notre princesse.» L'âme se déchire en se pénétrant de ce lamentable tableau et de la cruelle agonie où doit être ce malheureux Roi dans son cachot... «On espère dans Pétion, qui veut assurer sa vie en sauvant celle du Roi.» On espère aussi dans l'armée prussienne, car «la résistance de Thionville est un grand mal; cela retarde la marche du brave duc... Je crois que si les armées prussiennes n'ont point de revers, nos Jacobins n'oseront pas prononcer sur la vie du Roi; mais si, malheureusement, les patriotes gagnaient une bataille, tout serait perdu».
Par ces mots on voit que les idées de Mme de Bombelles ne s'étaient pas modifiées quand elle pouvait écrire ce qu'elle pensait. Inutile de souligner encore une fois ses souhaits antipatriotiques: pour un émigré, la patrie était là où étaient les intérêts du Roi.
Aux patriotes—les uns sincères, les autres uniquement préoccupés du désir d'anéantir la monarchie et à immoler ses représentants,—les émigrés faisaient la partie belle en appelant à leur secours les puissances transrhénanes, que naguère Voltaire, l'internationaliste humanitaire d'alors, préférait à sa propre patrie. Pour voler aux frontières et défendre le sol envahi—jeunes soldats et vétérans des armées royales—les hommes avaient surgi de terre, cependant que, à l'invasion des bataillons étrangers répondait à l'intérieur l'horreur des massacres de septembre—tolérés sinon ordonnés par ceux qui détenaient le pouvoir.
Revenons à notre marquise antijacobine et laissons-la se leurrer des nouvelles envoyées de Bruxelles par son mari. «Mon mari me mande que, sans la cruelle situation du Roi, tout irait à souhait; que le peuple de la campagne reçoit les armées avec satisfaction, que Châlons attend et désire Brunswick...»
A l'heure où Mme de Bombelles écrivait ces lignes, les espérances des émigrés pouvaient tomber de haut. Les Prussiens étaient vaincus à Valmy et les négociations pour la retraite de Brunswick étaient commencées.
Elle s'inquiète de Mme de Mauléon, sœur de Mme de Raigecourt [268], elle s'inquiète surtout de la princesse, à qui n'a pu parvenir sa dernière lettre. «Mme de Chazet m'en donne autant de nouvelles qu'elle peut à mots bien couverts. Elle me parle de son courage, de sa résignation, et m'assure qu'elle se porte bien ainsi que le Roi et la Reine. Il me semble même qu'elle espère leur salut par l'intelligence de quelques personnes gagnées.» En fin de lettre, un mot sur la baronne de Mackau et les siens. «Ma mère a été interrogée et envoyée innocente. Elle est à Vitry, triste et tremblante, ainsi que ma tante et ma sœur et une partie de notre famille.» Mme de Bombelles pouvait ne pas savoir tout sur la situation de sa mère. Celle-ci avait couru les plus grands dangers aux Tuileries. Quelqu'un put l'emmener, la faire fuir, la mettre en lieu sûr. Qui fut ce sauveur? Alissan de Chazet ou le comte de Wittgenstein, son ami? Peut-être les deux. Alissan de Chazet ne semble pas avoir été inquiété, mais le comte de Wittgenstein, jeté à la Force, fut massacré le 2 septembre [269].
... Un mois s'est passé, Mme de Bombelles n'a que des doléances à exprimer à Mme de Raigecourt sur la marche des événements. «Je suis dans la désolation, mon enfant, écrit-elle le 16 octobre, toujours à Wardeck, de la nécessité où se trouve le duc de Brunswick d'abandonner son projet d'aller à Paris. Il faut que le bouleversement qu'ont occasionné les malheurs du 10 août ait rompu toutes les intelligences; cela joint au temps affreux que nous avons eu tout le mois de septembre, mille autres détails qui nous échappent, auront renversé tous ses plans, et notre malheureux Roi, sa famille, tous les misérables émigrés, que vont-ils devenir?... Je vois tout perdu, je ne vous le cache pas; car tout accommodement avec des monstres comme les Jacobins est chose impossible. Il fallait les écraser; cela ne se pouvant pas, il ne faut rien espérer ni de raisonnable, ni de tranquillisant.» Au comte de Régis elle confie le 30 octobre: «Notre position ici est toujours assez désagréable. Les Suisses ont en horreur les Français, et on ne peut exiger du peuple qu'il distingue ceux qui ne méritent que leur commisération [270].
«Et notre pauvre Roi, que deviendra-t-il? Si on ne l'exécute pas, on le laissera mourir de chagrin dans sa prison, car jamais ils ne se déferont de leur proie...»
Mme de Bombelles est inquiète. Son mari ne lui a point écrit comme elle y comptait. Elle le sait au camp du duc de Brunswick, et «trop brave pour ne pas s'exposer». «Que deviendrais-je s'il lui était arrivé quelque chose?» «Je crains qu'il ne s'expose», écrit-elle au comte de Régis. De Paris, elle a des nouvelles par Mme de Chazet. «La princesse se soutient, console le Roi par sa piété et son courage... Il n'est pas vrai qu'ils soient séparés.»
Des illusions elle ne s'en fait plus guère, ni sur Dumouriez, «qui est le mortel ennemi du Roi et a eu personnellement trop de torts vis-à-vis de lui pour chercher à les réparer», ni sur la situation en général: «C'est un supplice de plus d'avoir à se désabuser sans cesse sur de vaines espérances».
A ces tristesses, à ces angoisses, s'ajoute encore l'anxiété de savoir la Reine de Naples dans un état de santé inquiétant. Elle a perdu deux enfants en quinze jours, «nos maux l'accablent», tant de tortures morales et physiques peuvent abréger ses jours. Nouvelle source de chagrins pour les Bombelles qui, auprès du Roi très faible, n'ont nul avocat. Que deviendraient-ils si soudain la pension qui les fait vivre leur était retirée?
Le bulletin de Mme de Mackau n'est guère réconfortant. Elle est réduite à la plus grande pauvreté.
Après la retraite de Brunswick, Bombelles a quitté l'armée prussienne et est rentré, au moins pour quelque temps, à Wardeck. C'est là qu'il suit, dans la Gazette de Berne, le long calvaire du Temple, le procès du Roi.
«Nous sommes dans l'agitation la plus cruelle sur le sort du Roi, écrit Mme de Bombelles à Mme de Raigecourt, le 2 janvier 1793; il a dû être jugé le 26; le terme était si court que M. de Malesherbes ne pouvait avoir répondu à toutes les calomnies qu'on a artificieusement machinées pendant quatre mois, et il serait possible qu'il n'y eût encore rien de terminé. N'êtes-vous pas touchée du courageux dévouement de ce vertueux vieillard à défendre notre infortuné monarque? Déjà, on trouve fort mauvais qu'en parlant de lui il le traite de Roi; sa vie sera peut-être le prix de sa fermeté; mais sa mort, si elle arrive, sera plus digne d'envie que l'existence des monstres qui la lui raviront.»
Mme de Bombelles veut espérer contre toute espérance, «contre tout raisonnement humain». «La Providence a voulu nous châtier, nous le méritions, mais elle ne veut pas nous abandonner. Et qui pourrait assurer que le Roi ne remontera pas un jour sur le trône?»
Le drame s'est accompli... Louis XVI a été guillotiné le 21 janvier... La nouvelle en parvient à la fin du mois en Suisse. Mme de Bombelles ne prend la plume que le 4 février. Sa lettre au marquis de Raigecourt est écrite sous l'empire de la vraie douleur qui l'accable; elle s'y montre à la fois cruellement affectée et très montée contre ceux qui ont exécuté le crime...
«Rien ne peut égaler notre douleur, mon cher marquis, que celle que vous éprouvez. La mort de notre infortuné maître nous remplit d'amertume et d'effroi, et mon pauvre mari et moi ne cessons de le pleurer du fond du cœur, mais, en même temps, cependant, l'héroïsme, la douceur, la piété de cet excellent prince sont pour nous une véritable consolation...»
On sait la sincérité des sentiments religieux de Mme de Bombelles, on ne s'étonnera donc pas de lui voir ajouter: «Nous l'invoquons avec confiance comme un saint, et l'exemple admirable qu'il nous a donné en mourant doit être notre guide, notre soutien dans les malheurs qui succèderont peut-être encore à tous ceux que nous éprouvons.»
Pas de nouvelles précises de la Reine et de «l'adorable princesse». Cette inquiétude angoissante est «chagrin bien amer et insupportable».
«On me mande de Paris qu'on garde encore un silence profond sur le sort qu'on leur prépare, qu'elles sont étroitement gardées, et qu'on leur refuse jusqu'à la consolation de rendre au petit Dauphin le nommé Cléry [271] qui a servi le Roi jusqu'au dernier moment.»
«Différents bruits ont circulé. Un des monstres a eu l'atrocité de proposer que la Reine fût mise à la Force ou à la Conciergerie. La Gazette de Berne dit que ces barbares veulent faire périr la Reine et notre princesse, et que le procès de cette dernière se fondera sur les preuves qu'ils ont qu'elle a fait passer ses diamants aux princes ses frères [272]. La tête m'en tourne, mon cher marquis; je dis à Dieu: «que votre volonté soit faite», mais hélas! mon sacrifice est bien imparfait... Je gémis et je pleure...»
Des fêtes ont été données à Paris pour que le peuple se tienne tranquille. Mme de Bombelles s'en montre outrée: «Ses habitants sont d'une lâcheté qui me révolte plus peut-être que l'atrocité des Jacobins... Qu'espérer de la pusillanimité, de la tiédeur? C'est une ville, à l'exception de quelques gens vertueux à réduire en cendres; elle est trop corrompue pour jamais en espérer aucun retour...»
Après des réflexions sur les «cannibales», la marquise passe à des nouvelles de famille. Son mari, «dont l'affliction est déchirante», se décidera-t-il à faire campagne! Tout dépendra de la tournure que prendront les affaires.
En terminant: «Vous aurez appris tout ce qui s'est passé à Rome [273]. J'ai cru pendant deux jours que c'était mon frère qui avait été tué. Je le pleure quoiqu'il soit en vie avec Mme de Raigecourt». Angélique, dans lettre du 18 février, s'émeut encore davantage sur le sort des princesses. «Comment se fait-il qu'aucun avocat ne se présente pour aider une cause aussi touchante? Comment se fait-il que la France entière soit muette à de semblables forfaits? Notre nation est un composé de méchanceté et de lâcheté qui fait horreur...»
Un service a été chanté pour le Roi à Wardeck, et «cette cérémonie, qui s'est passée dans la plus grande décence, m'a fait répandre bien des larmes»... «Je gémis comme vous d'être loin de notre princesse... Notre jeune Roi se porte bien; on l'a vu se promener dans le jardin du Temple avec Cléry, qui est gai et gentil comme il l'est toujours...»
Enfin des réflexions sur Monsieur qui, dès le 28 janvier, à Ham en Westphalie, proclama l'avènement au trône de son neveu sous le nom de Louis XVII, et se déclara lui-même Régent de France [274]. «N'eût-il pas été plus sage que Monsieur se fût moins pressé et eût attendu le consentement des puissances et de la saine majorité des magistrats émigrés.»
De si douloureux événements ont réagi sur la santé de Mme de Bombelles: elle a été fort malade d'une fausse couche et même en danger de mourir. «Je me sens actuellement beaucoup mieux, écrit-elle au marquis de Raigecourt, le 22 avril, mais il me reste une grande faiblesse, et les sollicitudes auxquelles je suis livrée sur l'existence de notre vertueuse princesse, de la Reine, ne sont pas faites pour rendre des forces.»
Dans cette même lettre la marquise donne de curieuses appréciations sur Dumouriez; elle en profite pour faire une profession de foi politique dont on pressent l'orientation.
«J'ai éprouvé, comme vous, une grande joie de la défection de Dumouriez [275], et il n'est pas douteux que, si son plan eût eu son entière exécution, la contre-révolution serait faite dans ce moment-ci. Dieu ne l'a pas permis, et peut-être est-ce pour notre bonheur; du moins c'est l'avis de mon mari. Dumouriez, à ce qu'il paraît, voulait, à la tête de son armée et soutenu du prince de Cobourg, donner des lois à la France et nous rejeter dans la Constitution, qui en peu de temps nous eût ramenés à l'anarchie et à toutes les horreurs qui nous ont déjà causé tant de maux. Il vaut donc mieux qu'il ne soit plus en mesure de nous faire du mal [276].»
Mme de Bombelles ne pouvait sentir Dumouriez, mais, comme on le voit, pour des raisons inattendues. Elle poussait, du reste, l'illusion jusqu'à ajouter: «Il vaut mieux que le temps portant conseil, les puissances sentent que, pour leurs propres intérêts, il faut nous remettre simplement à notre ancien régime [277]. C'est à quoi doivent travailler tous ceux dont la voix peut être entendue, et c'est ce que mon mari, du fond de sa retraite, ne cesse d'écrire et, j'ose dire, de prouver. Nos infâmes assassins ne peuvent plus se soutenir longtemps; mais il est absolument nécessaire qu'il ne reste plus vestige de tant de rébellions; sinon, tout ce qui pense bien ne pourrait, en son âme et conscience, rentrer dans un foyer de discordes et d'exécration...»
Breteuil était dans la confidence, mais Bombelles n'y était pas, Dumouriez et sa Constitution ne sont nullement l'affaire de la marquise qui, on le sait, préfère les moyens draconiens aux combinaisons. Elle n'a pas goûté le système de Dumouriez de constituer des otages en vue de les échanger avec les prisonniers du Temple. Et pourtant, dans son espoir invaincu de savoir incessamment la Reine et les Enfants de France en liberté, elle proclame: «Il paraît que les monstres de Paris sentent qu'ils sont pour eux des otages précieux et n'ont nul désir de s'en défaire»; ce qui semble la consoler, c'est que «l'infâme Égalité est prisonnier à Marseille avec sa famille [278]».
Des événements politiques, qui l'atterrent ou la surexcitent, Mme de Bombelles repasse à Madame Élisabeth et elle s'attendrit. «J'ai eu, comme vous, les mêmes informations sur notre malheureuse princesse; sa maigreur est, dit-on, effrayante; mais la religion la soutient; elle est l'ange consolateur de la Reine, de ses enfants; espérons qu'elle ni les siens ne succomberont à tant de maux. Comment pourrait-on se plaindre, en ayant l'imagination remplie du douloureux tableau des habitants de la tour du Temple? J'y pense sans cesse, ainsi que vous, mon cher marquis, et c'est, je l'avoue, le seul point sur lequel ma résignation est souvent en défaut...»
Le fils aîné de la marquise, Louis-Philippe, âgé alors de treize ans, a voulu ajouter un mot pour le marquis de Raigecourt. «Je ne veux pas laisser partir la lettre de ma pauvre mère sans vous dire, Monsieur le marquis, combien je vous aime et vous révère.
«C'est un grand bien que l'étourderie du triple traître Dumouriez; c'est un grand bien que la rude école qu'il a fait faire au prince de Cobourg ait démasqué des vues fâcheuses. En vain voudra-t-on nous replonger dans la boue de la Constitution; une fois à l'œuvre, les puissances ouvriront les yeux sur l'abîme qu'elles se creuseraient, en donnant gain de cause à un peuple rebelle, en déshonorant la Royauté et en prolongeant une anarchie contagieuse pour le reste de l'Europe. Si j'en crois ce qu'on m'écrit, tout va aller le mieux du monde. Je ne me presse pas plus de jouir que de me désespérer; mais l'état où nous sommes est fait pour donner de l'espoir; j'aurai une grande satisfaction à vous embrasser en France.»
Mme de Raigecourt a été très souffrante, elle est sur le point d'accoucher, et elle écrit fort peu. Installée à Dusseldorf—son mari est toujours à l'armée des princes—elle a donné signe de vie le 19 juin. Mme de Bombelles lui répond peu de jours après, lui marque son regret qu'ayant une nouvelle installation à faire elle n'ait pu pousser jusqu'en Suisse, à Constance par exemple. «On y vit à assez bon compte; toute la colonie française qui s'y trouve est en général bonne compagnie; nos curés s'y conduisent comme des anges, et les bourgeois, les paysans de Constance et de la banlieue ont pour eux la bienfaisance la plus touchante.» Que ne peut-elle soigner son amie pendant ses couches! Dans leur affligeante situation, c'eût été une consolation de se réunir souvent et de causer à loisir de l'infortunée princesse et de tous leurs intérêts, car elle est bien persuadée que leurs cœurs ulcérés battent à l'unisson.
Voici de l'ardeur politique: «L'inquisition, la tyrannie sont portées au comble, mais le joug du parti de la Montagne est si affreux qu'il est impossible que les plus lâches ne cherchent bientôt à le secouer. Les projets de Gaston tiennent du miracle [279]: Nantes doit être soumis [280] à présent; il paraît que la Normandie se réunira à la Bretagne pour se soulever [281], et il se pourrait, si les choses continuent, que nous dussions notre salut à ce même Gaston que les princes ont renvoyé honteusement de Coblentz, l'an passé.
Autant qu'elle peut, Mme de Bombelles suit le mouvement de la guerre aux frontières. «Nos sièges vont bien mal; celui de Mayence est une plaisanterie, et à la manière dont il s'y prend, il pourra ressembler à celui de Troie. Il y a dans l'armée prussienne une lenteur bien extraordinaire et qui n'est pas naturelle; le temps nous dévoilera ce mystère. Le brave prince de Cobourg fait tout ce qu'il peut, et je parierais que Valenciennes sera pris avant Mayence [282].»
Il est des choses qu'elle ignore dans la politique des princes et des différents chefs émigrés. «Je ne crois pas que le baron (de Breteuil) intrigue contre les princes, et je puis bien vous assurer que, si la contre-révolution a lieu, et qu'il y soit pour quelque chose, il ne voudra aucune nouvelle Constitution et remettra toutes choses sur leur ancien pied, sauf les abus.»
Le marquis de Bombelles s'est rendu à Constance, il en revient avec l'archevêque de Paris et le marquis de Juigné...
Au milieu de ces allées et venues d'émigrés, la marquise a conservé à la fois ses tristesses et ses illusions. En Gaston, l'éphémère général vendéen, elle a placé son espérance, ignorant que depuis longtemps le perruquier-soldat est mort. Elle s'est réjouie de la reddition de Mayence; le jour même où Valenciennes a capitulé elle s'attend à éprouver le même plaisir.
«Je ne sais si je vous ai mandé que nous avions vu passer Sémonville et Maret, l'un en qualité de ministre plénipotentiaire de la République française à Constantinople, le second avec la même qualité à Naples pour remplacer mon frère. Ces vilains Jacobins ont poursuivi leur route par les Grisons et allaient entrer en Italie, lorsque des sbires milanais les ont arrêtés [283] à Novale, sur le bord du lac de Côme. On les a conduits prisonniers à Milan et on a laissé aux femmes qui étaient avec eux la liberté de faire ce qu'elles voudraient. Il était important d'empêcher Sémonville de répandre à Constantinople dix-sept mille louis qu'il avait échangé en or à Bâle(?) Il l'était aussi d'ôter au Roi de Naples l'embarras et le dégoût d'avoir à recevoir un nouveau perturbateur de l'ordre public.
Mme de Bombelles partage les préventions de son entourage contre les diplomates républicains, ignorant en quoi les dessous de leur mission auraient pu contribuer à sauver la Reine, et elle ajoute naïvement: «En bonne conscience, il n'y a pas moyen de plaindre cette mesure, toute sévère qu'elle est [284].»
Puis encore des nouvelles de Vendée plus ou moins exactes: «Les nouvelles que nous recevons dans l'instant nous apprennent que Santerre, de son propre aveu, a été bien battu par Gaston [285]; mais nous n'avons point de détails; ils doivent être excellents, puisque Santerre appelle le jour de la bataille une fatale journée.»
Les nouvelles envoyées de Dusseldorf et de Coblentz ne sont pas pour rassurer Mme de Bombelles, renseignée d'ailleurs par les journaux de Berne. Elle passe d'un extrême à l'autre, un instant se figurant que la Reine va périr sans jugement, un autre, au contraire, que rien n'est perdu et qu'elle peut encore être déclarée innocente. «Sans le secours de la religion, c'est à perdre la tête.»
Dans sa famille même, quelqu'un l'a perdue. «Je ne sais, écrit Angélique à la marquise de Raigecourt, le 30 août, si vous avez lu dans les papiers publics le chagrin particulier que j'ai éprouvé: mon pauvre beau-frère, M. de Soucy [286], s'est cassé la tête d'un coup de pistolet au moment où on l'arrêtait, bien sûr d'être guillotiné, étant d'un parti royaliste qui s'était formé en Normandie; il laisse sa femme et six enfants à la mendicité, sa malheureuse mère au désespoir; elle ignore cependant qu'il s'est tué lui-même; que n'a-t-il émigré comme les honnêtes gens? Il a craint la misère et n'a pas assez calculé que la Providence n'abandonne pas ceux qui mettent en elle toute leur confiance; s'il se fût réuni à nous, nous l'aurions soutenu de notre mieux... Mon frère est toujours à Naples, ne sachant que devenir. L'arrestation de Maret le laisse dans le plus grand embarras...»
Rien de nouveau pour la Reine. On sait seulement que les papiers relatifs au procès ne sont pas rassemblés et qu'on va s'en occuper. Encore des illusions. Le baron de Breteuil veut s'imaginer que le procès se terminera par la déportation. «Dieu le veuille! mais je crains bien que le désir que nous en avons ne fasse sentir aux Jacobins combien ils feraient mal de se dessaisir d'un tel otage.»
La marquise revient sur le même sujet dans la lettre suivante, et, bien en train de faire fausse route elle insiste: «Je voudrais me livrer à l'espoir, mais j'en ai bien peu et ne puis me flatter que nos monstres de Jacobins laissent échapper une proie qui, nécessairement, par le récit de ses malheurs, ses moyens de persuasion, redonnerait aux puissances une énergie qu'elles n'ont pas encore bien connue...»
Et c'est ainsi que, leurrée d'espoirs, bercée d'illusions, Mme de Bombelles passe tristement à Wartegg, avec ses jeunes enfants et un petit cercle d'amis dont les Régis, le commencement de l'automne. Son mari et son fils aîné voyagent en Suisse avec leurs «amis» Wynn...
Les nouvelles arrivent peu à peu, le procès se déroule, enlevant graduellement toute parcelle d'espérance; quatre jours qui sont des siècles où Marie-Antoinette est abreuvée d'accusations la plupart injustifiées, d'outrages et de hontes..., la condamnation..., l'exécution de celle «dont la mort fut un crime pire que le régicide [287]».
Le 7 novembre, Angélique écrit à son amie Mme de Raigecourt: «Je n'ai pas eu le courage de vous écrire, ma chère petite, depuis le massacre de notre infortunée Reine [288]. J'en ai été d'autant plus attérée que le baron de Breteuil croyait être sûr qu'elle serait sauvée, nous mandait sans cesse de ne pas nous effrayer des apparences. Il comptait apparemment sur le crédit de Danton qui était gagné [289]; de sorte qu'en apprenant la mort de cette malheureuse princesse, ayant ignoré même ses interrogatoires, nous avons été accablés comme par un coup de foudre.»
Mme de Bombelles a déploré la mort de sa Reine en termes dignes; mais, «la première impression passée, la religion est venue à mon secours», et elle se demande, ayant appris par la bonne Mme de Chazet que la Reine est morte «dans les meilleurs sentiments [290]», si elle n'est pas plus heureuse maintenant. «Ces réflexions, ajoute-t-elle, m'ont tellement soulagée qu'en pleurant encore, cependant, c'est de l'envie que je porte à cette nouvelle victime, et je dis à Dieu, du fond du cœur, que votre sainte volonté soit faite.»
Au delà de la mort de la Reine elle en entrevoit une autre, et cette expectative est pleine d'angoisses; «L'attente de sa mort me met au supplice, écrit-elle, ne se faisant plus d'illusions... Je suis sans espoir. Cette abominable Révolution ne craindra pas de commettre un nouveau crime et calculera combien l'intérêt que causera notre princesse, une fois qu'elle serait déportée, ajouterait à l'horreur qu'inspirent tous ces monstres.» Avec l'annonce de sa mort, Mme de Bombelles a pris connaissance des derniers interrogatoires; elle y trouve le plan bien arrêté de confondre Madame Élisabeth dans les mêmes crimes que la Reine. «L'inculpation qu'ils lui ont faite déjà, dans la ridicule et atroce accusation contre la Reine au sujet de son fils, prouve leur projet, mais qu'ils disent, inventent tout ce que l'enfer leur fournira; jamais ils n'altèreront une réputation sans tache, même aux yeux les plus forcenés... J'attends en frémissant chaque courrier, et jour et nuit, notre adorable princesse est présente à mon imagination, livrée à ces furieux et terminant une vie remplie de vertus, de courage et de bienfaisance...»
De novembre à mai sa correspondance avec le marquis et la marquise de Raigecourt a cessé. Impossible donc de faire autre chose que deviner les alternatives d'illusion et de désespérance par lesquelles passa la Marquise [291].
Le 1er mars, Mme de Bombelles accoucha d'une fille. Les notes manuscrites du comte de Régis nous donnent de minutieux détails sur l'événement intime qui réjouit la petite colonie de Wardeck. La jeune mère eut un accouchement très heureux; l'enfant fut baptisée le même jour; la Reine de Naples avait accepté d'être marraine et s'était fait représenter à la cérémonie par le chevalier de Bressac. «Nous nous sommes tous rendus en voiture à Roschach, à quatre heures de l'après-midi. On a mis à cette cérémonie tout l'appareil et toute la décence qui convenaient à la qualité de l'auguste marraine.» M. de Régis nous dit encore que le prince de Direntis, en crosse et en mître, a fait le baptême en présence du curé, qu'il était accompagné des coureurs du prince-abbé venus pour faire cortège. Il y eut grande musique et «toute la pompe qu'on a pu donner». La petite «nouvellement née» recevait les noms de Caroline-Marie-Antoinette, suivant le désir exprimé par la marraine.
Dans ces notes, «on pourrait suivre pas à pas les allées et venues des émigrés voisins du lac de Constance; ils aiment à se rendre visite les uns aux autres, ils sont les hôtes du prince-abbé ou de ceux qui ont pu conserver un semblant de maison. On vit bien simplement à Wardeck, où Mme de Bombelles fait payer au comte de Régis, avec sa femme, son fils et un domestique, la modique somme de trois à quatre louis par mois, mais on y est hospitalier: le registre note des dîners donnés à la princesse de Nassau-Siegen ayant avec elle les comtes d'Agoult et d'Albignac et le marquis d'Aragon [292], marié à une fille naturelle du prince de Nassau; au comte de Juigné, au marquis de Vérac, ancien ambassadeur; au comte de Rougé, au marquis de Pracomtal, au comte de Fernan-Nunez, ancien ambassadeur d'Espagne à Paris; au marquis et à la marquise des Monstiers-Mérinville. Avec ces derniers, Mme de Bombelles a pu parler à cœur ouvert de Madame Élisabeth.
Jusqu'au dernier moment Mme de Bombelles s'était fait des illusions sur le sort de la princesse.
Le réveil fut terrible. La nouvelle de l'exécution de la princesse [293] «l'écrasa comme un coup de foudre», écrit-elle après au marquis de Raigecourt. L'émotion fut en effet si vive qu'on craignit un instant pour sa raison. Mme de Bombelles était encore au lit, lorsque parvenaient à Wardeck, en mai 1794, les journaux porteurs de la nouvelle. Le château est en rumeur; un domestique entra dans la chambre le visage couvert de larmes et prononce à peine le mot terrible. La marquise pousse un cri et retombe sur son oreiller. Son mari arrivant à l'instant cherche à la soutenir, et elle fait effort pour se relever, mais, «l'excès de sa sensibilité intervertissant les mouvements de la nature», un éclat de rire effrayant se manifeste sur son visage baigné de pleurs. C'est la démence de la douleur, «démence effrayante qui eût peut-être été sans remède si la tendresse ingénieuse de M. de Bombelles ne se fût avisée, sur-le-champ d'un moyen de diversion pour rappeler la nature à elle-même. «Ses enfants! s'écria-t-il, ses enfants!» Ceux-ci savaient déjà qu'ils avaient perdu celle qu'ils pouvaient aussi appeler leur mère. Ils entrent et se jettent sur le lit de l'infortunée. Leurs cris, leurs caresses, le vif sentiment des deux aînés, la naïve et touchante effusion des plus jeunes, le nom d'Élisabeth répété au milieu de tous les accents de la douleur, la confusion déchirante qui régnait autour de ce lit, où toutes les affections donnaient le spectacle des plus douces comme des plus poignantes émotions, produisirent chez Mme de Bombelles une réaction salutaire qui la rendit à elle-même. Elle était sauvée [294].»
Sans doute Ferrand a pu dramatiser outre mesure la scène, prêter plus de paroles qu'ils n'en avaient dites à ceux qui entouraient Mme de Bombelles lorsque la mort de sa royale amie vint la frapper comme un coup de massue; ce qu'il n'a certes pas exagéré, c'est la douleur vraie, poignante, l'écrasement profond où fut jetée la marquise pendant nombre de jours. Elle fut malade, obligée de s'aliter, veillée par ceux qui craignaient un transport au cerveau.
Quand, le 28 mai, elle écrit au marquis de Raigecourt, elle a sinon apaisé son chagrin, du moins repris ses états, elle apprécie les événements avec une tristesse que la religion rend plus résignée, mais que l'on sent profonde et inconsolable. Elle avait voulu espérer jusqu'au dernier moment comme espérait Mme de Raigecourt: «La nouvelle du martyre de la princesse aura été pour elle un coup de foudre comme elle l'a été pour moi.» Elle espérait, et pourtant elle concède que si atroce était sa vie qu'elle est maintenant plus heureuse «et bienheureuse [295]».
«Je l'invoque sans cesse; cependant je vous l'avoue, je suis encore bien faible et ne puis m'accoutumer à l'idée qu'elle n'existe plus et aux détails que nous donnent les papiers publics de son trépas. Grand Dieu! quel excès d'atrocité, et quel excès de vertus dans notre adorable martyre! Elle est morte comme elle avait vécu, en invoquant Dieu et en montrant le courage le plus sublime.»
«Votre lettre du 18 que je viens de recevoir, continue la marquise, a été pour moi une bien douce consolation. Quoi! cette adorable princesse s'est occupée de moi en pensant à laisser après elle des souvenirs à ses amis. Oh! avec quelle sensibilité je recevrai ces précieuses lignes! de quelle reconnaissance mon cœur est déjà pénétré! Tâchez, tâchez, je vous en conjure, de me faire parvenir le plus tôt possible cette adorable lettre que je mettrai toute ma vie au nombre des bienfaits de la Providence envers moi [296].»
Après l'expression des regrets personnels, après l'admiration de nouveau formulée pour le courage et l'abnégation de la princesse, on peut pressentir les témoignages de foi sincère où la marquise cherche et trouve sa consolation: «... C'est une grande douceur de n'avoir que ces souvenirs touchants, édifiants de toute la vie de l'amie qu'on pleure, et de pouvoir douter sans manquer à tout ce que la foi nous prescrit du bonheur dont elle jouit dans le ciel... Prenons donc courage et ne regrettons plus notre séparation d'avec notre protectrice, puisque toutes les jouissances de ce monde ne sont rien auprès de celles du ciel, et que, loin d'être heureuse, elle souffrait tout ce qu'il est possible de souffrir.»
En mémoire de la princesse, un service va être célébré à Roscharck: l'évêque de Châlons, Mgr Jules de Clermont-Tonnerre, officiera dans quelques heures. Mme de Bombelles s'émeut de nouveau à la pensée de ce service où il lui faudra tant prendre sur elle. «Mes organes sont encore si faibles que je crains l'impression que me fera le deuil de l'église. Je voudrais ne pas faire de scène et me contiendrai le mieux que je pourrai. Qui m'eût dit, il y a quelques années, que j'aurais, et sitôt, ce devoir pénible à rendre à la mémoire de ma princesse, moi qui avais calculé souvent avec plaisir que, plus vieille qu'elle, je n'aurais pas à la pleurer?»
De cette époque c'est la dernière lettre que l'on possède parmi les lettres échangées entre Bombelles et Raigecourt. En regard des impressions de notre Angélique, on regrette de ne pouvoir placer celles d'une autre amie de cœur de Madame Élisabeth. «Rage», aussi, pleure sa princesse. On se rappelle avec quelle insistance elle avait supplié Madame Élisabeth de lui laisser reprendre sa place auprès d'elle: il n'est pas impossible de se figurer ce que fut la douleur de cette autre amie fidèle de la princesse martyre.
Il vient d'être question d'une lettre de Madame Élisabeth, que Mme de Bombelles suppliait M. de Raigecourt de lui envoyer au plus tôt.
En quittant la France en 1790, Mme de Raigecourt avait en effet reçu des mains de Madame Élisabeth un paquet cacheté avec ordre de ne l'ouvrir qu'après la mort de la princesse. Le paquet renfermait une lettre pour le roi Louis XVI, une pour le comte d'Artois et une troisième pour Mme de Bombelles. Le tout était remis dans les mains du comte d'Artois après la mort de Madame Élisabeth et il ne semble pas que le prince se soit hâté d'envoyer à la marquise la lettre qui lui était adressée et qu'avait dû lui réclamer M. de Raigecourt, puisque Mme de Bombelles, encore que cette démarche pût lui être pénible en raison des rapports de son mari avec le frère du Roi—s'est décidée à lui écrire le 17 juillet. Le comte d'Artois répond de Hamm, le 1er août, et sa lettre est fort courtoise. La tendre amitié qui l'unissait à sa malheureuse sœur et la cruelle douleur où cette perte le plonge sont trop connues de Mme de Bombelles pour qu'elle ne soit pas certaine «qu'il aurait exécuté sur-le-champ ses dernières volontés, s'il avait eu les moyens d'envoyer un courrier et s'il n'avait craint de compromettre un trésor que rien ne peut remplacer». Il ajoutait: «Je regarde comme un ordre de l'ange que Dieu nous a enlevée et je ne perds plus un instant pour vous l'envoyer. [297] Croyez, Madame, que les amis de ma malheureuse sœur auront toujours les plus grands droits sur mon cœur et que je rechercherai avec empressement toutes les occasions de vous donner personnellement des preuves de ma véritable affection [298].»
Le comte d'Artois, dans cette démonstration d'amitié, ne pouvait être tout à fait sincère; nous connaissons ses sentiments pour M. de Bombelles. Néanmoins il s'exécuta; la dernière volonté de sa sœur et la lettre parvinrent à son adresse [299].
Les adieux de Madame Élisabeth, bien des fois publiés, étaient conçus en ces termes:
«Comme je viens, ma petite Bombe, de relire mon testament, de voir que je t'y recommande aux bontés du Roi et que je te laisse mes cheveux, il faut bien que je te dise moi-même que je me recommande à tes prières et puis que je te répète encore une petite fois que je t'aime bien. Prie bien pour le comte d'Artois, convertis-le par le crédit que tu dois avoir dans le ciel, et contribues-y toi-même, si tu le peux. Tu donneras de mes cheveux à Raigecourt. Tu ne m'oublieras (sic) ni l'une ni l'autre, mais ne va pas me regretter assez pour te rendre un peu malheureuse. Adieu; sais-tu bien que les idées que tout cela laisse ne sont pas gaies? Il faudrait pourtant s'en occuper surtout dans ce moment. Je t'embrasse de tout mon cœur.»
CHAPITRE X
Départ de Wardeck.—Courses de M. de Bombelles.—A Ratisbonne.—Passage de l'armée de Condé à Brünn.—Correspondance avec le comte de Régis.—Louis de Bombelles.—Naissance de Victor-Armand.—Mort d'Angélique à la suite de ses couches.—Touchantes manifestations à ses funérailles.—Douleur du marquis et de ses enfants.—M. de Bombelles entre dans les ordres.—Mort de Bitche à Ulm.—Rencontre avec Vandamne.—Curé prussien.—Évêque d'Amiens.—Mariage de Caroline.—Mort de Bombelles.—Les fils de M. de Bombelles.—Le troisième mari de Marie-Louise.
Madame Élisabeth morte, la colonie de Wardeck va se désagréger. Les Régis ont pris congé du prince-abbé de Saint-Gall et des Bombelles et se sont d'abord retirés à Lindau. L'année suivante, ils se dirigeront vers Naples où la reine Caroline leur a offert une petite situation. Aux lettres échangées entre le comte et la «bonne petite Régis» d'une part, et Angélique de l'autre, on sent quels liens de durable amitié cette vie côte à côte de plusieurs années avait fomentés et fortifiés entre les exilés. Le comte de Régis n'a pas seulement subi l'ascendant d'un homme de dévouement et d'expérience, il a su distinguer les qualités sérieuses qui, ajoutées à son indiscutable charme, faisaient de Mme de Bombelles une femme superattachante. Il garde reconnaissance à la marquise de cette affection quasi maternelle témoignée à sa femme, au jeune Édouard, compagnon des enfants, il cherchera toute occasion de leur rendre les bons procédés qu'il a reçus de la famille tout entière. Quand il s'agira, quelques années plus tard, de chercher une situation à l'étranger pour Louis de Bombelles, c'est du côté de Naples que se tourneront les regards des Bombelles: Naples où, après des vicissitudes de révolution, la reine Caroline est revenue, où résident des amis fidèles qui tiendront à honneur de protéger et de faciliter les débuts du nouvel officier.
Le marquis va continuer ses pérégrinations politiques et diplomatiques. Son objectif est l'armée de Condé où la formation d'un nouveau corps lui permettrait de trouver situation digne de son grade [300]. Ce résultat escompté ne sera jamais obtenu. Les subsides ont diminué, les états-majors s'éclaircissent au lieu de s'augmenter et, avec les succès des armes françaises sur le Rhin et sur le Pô, s'évanouiront peu à peu les dernières espérances des émigrés combattants.
Bombelles court d'un coin à l'autre de l'Allemagne. Il assiste à la retraite de Brunswick, il voit Coblentz menacé, le Régent réfugié à Hamm, le comte d'Artois poursuivi à Trèves par ses créanciers... Il ne se rendra pas à la petite cour de Vérone, où Louis XVIII s'était déclaré roi depuis la mort «annoncée» de Louis XVII; il ne peut pas songer à se rapprocher du comte d'Artois toujours très monté contre lui... Le rôle effacé maintenant de Bombelles consiste à rendre des services «civils» à l'armée de Condé, qui ne combat pas comme elle voudrait et ne touche qu'irrégulièrement la solde tour à tour à tour stipulée par l'Angleterre et l'Autriche.
Mme de Bombelles s'est retirée provisoirement à Ratisbonne avec ses enfants, tandis que son mari suit la retraite de l'armée de Condé vers Munich. C'est là qu'elle apprend la mort, en couches, de sa pauvre petite belle-sœur de Mackau. Mme de Chazet en a fait part à M. de Bombelles. «La douleur, la résignation de cette malheureuse mère sont ce qu'on peut voir de plus attendrissant, écrit la marquise à M. de Régis. Elle mande que sa fille est morte ainsi qu'elle avait vécu, comme une sainte, que mon frère fera ce qu'il pourra pour remplir ses intentions à l'égard de ses enfants...»
Chagrins intimes, séparation constante d'avec son mari, embarras d'argent, éducation difficile, par conséquent, de ses enfants, voilà le lot d'Angélique réfugiée en cette ville d'empire où elle avait, quelque quinze ou seize ans auparavant, coulé des jours si heureux. Les Wynn sont venus passer plusieurs mois avec elle, avant de gagner l'Italie, elle a entrevu sa sœur la marquise de Soucy, accompagnant Madame Royale en Autriche, voilà les sourires d'une vie toute de préoccupation et de mélancolie... Le marquis continue à aller et à venir, se figurant bénévolement qu'il rend des services à l'armée de Condé et qu'il finira par s'en rendre à lui-même. Un besoin incessant d'activité le dévore, et son impuissance à sortir d'embarras le mine et le tourmente. Le plus souvent possible en route, touchant barre à Ratisbonne où il inculque à sa femme ses espérances momentanées, voyant les uns après les autres s'écrouler les échafaudages de son imagination... jamais découragé pourtant...
De Ratisbonne les Bombelles se sont retirés à Brünn, en Moravie, à cause de l'éducation de leurs enfants. C'est là qu'Angélique revoit cette armée de Condé sur laquelle elle avait tant compté, vaincue, décimée, désorganisée, abandonnée par l'Autriche, forcée à se réfugier en Russie [301]. «On attend aujourd'hui le duc d'Enghien, écrit-elle le 13 novembre 1797 à la marquise de Raigecourt. Une grande partie de l'armée de Condé a passé et passera par ici. Elle est divisée en quatre colonnes... J'ai vu plusieurs chefs et officiers qui ont passé chez moi presque tout le temps qu'ils ont eu de libre. Il y a parmi notre infortunée noblesse des gens excellents, pleins d'honneur, de probité et d'une conduite parfaite; mais, parmi ces chevaliers de la couronne, les chasseurs nobles, il y a des têtes détestables, un esprit de corps qui leur fait un point d'honneur d'être absolument brise-raison et de la plus grande insubordination... «Le tableau est instructif. N'est-ce pas là l'image trop fidèle de cette émigration où il y eut tant de forces perdues, tant de dévouements inutiles, tant de sacrifices superflus, parce que, «à côté de gens excellents, pleins d'honneur et de probité, il y avait eu trop de têtes détestables et trop de brise-raison [302].»
Dans sa retraite de Brünn, Bombelles goûte momentanément un repos qu'il n'a pas cherché. Il s'occupe de ses enfants, oriente Bitche vers la vie militaire et parvient, dès que son second fils a dix-huit ans, à le faire entrer dans l'armée autrichienne. Louis est parti pour Naples où nous allons le voir peu heureux dans ses débuts militaires, Charles suivra la même fortune que Bitche: Henri continue ses études, Caroline se contente de se faire adorer par ses parents. Quant au marquis, son rôle politique se borne maintenant à faire de temps à autre des démarches à Vienne dans le but de faire régler l'arriéré de l'armée de Condé. Il met ses papiers en ordre et se prépare à rédiger une histoire de la Révolution [303].
Les débuts de Bitche et de Charles ne semblent pas avoir occasionné d'ennuis à leurs parents; il n'en est pas de même de ceux de Louis, qui sont pénibles, faute d'argent, faute d'avancement suffisant. L'excellent Régis s'est montré paternel pour le fils de ses amis, un peu perdu à Naples et sur lequel la bienveillance de la Reine Caroline, égarée par des conseillers désireux de nuire aux Bombelles, ne parvient pas à descendre de façon efficace.
Angélique a remercié M. de Régis, en juin 1800, de tout ce qu'il a fait pour son fils. «Vos procédés et bontés pour mon pauvre Louis vont au fond de mon cœur, vous vous en occupez comme de votre enfant, et malgré l'extrême besoin que vous avez de ménager vos moyens pour vous-même, vous les employez pour Louis. Vous êtes son avocat, son appui. Ah! puisse le ciel vous récompenser un jour dans Édouard d'une conduite aussi généreuse!... Je vous avoue que mon cœur saigne de voir ce pauvre Louis sans avancement, après avoir eu autant de motifs pour espérer de le voir incessamment hors de peine.»
Après s'être attendrie, la marquise reprend sérieusement: «Il n'est pas extraordinaire que la fortune vienne lentement. Je n'en suis pas fâchée quand je réfléchis... Louis a besoin d'être un peu éprouvé par l'infortune, d'être suivi enfin, et j'espère, comme vous, que lorsque le temps aura atténué les légèretés naturelles de son caractère, il sera excellent sujet; mais continuez à lui donner de bons conseils. Tâchez surtout quand vous serez réunis, de lui faire aimer la religion et de le dégoûter de toutes les belles idées philosophiques de nos jours dont nos malheurs devraient bien nous prouver la fausseté et la chimère.
Enfin, mon excellent ami, je vous en conjure, que Louis soit toujours votre enfant. Ne soyez pas trop indulgent pour lui et songez que vous ne pouvez l'éclairer, le guider qu'en le voyant tel qu'il est, c'est-à-dire avec tous ses inconvénients... Parlez-moi toujours vérité sur le compte de mon enfant.»
La lettre d'Angélique se termine par des nouvelles de sa grossesse «qui continue à être fort heureuse». J'accoucherai vers la fin de septembre.»
Sur les privations que doit s'imposer son fils Louis, étant données ses infimes ressources pécuniaires, Mme de Bombelles revient encore dans une lettre suivante: «Il ne me demande rien, mais je crains qu'il ne soit bien pauvre. Il me paraît qu'il se conduit raisonnablement, et j'en remercie Dieu.»
Une autre question la préoccupe de façon pressante. Elle a déjà fait allusion à l'indifférence religieuse de son fils; elle insiste de nouveau: «Une chose me tourmente, c'est qu'il ne me parle jamais religion, lui qui sait combien je suis attachée à ce qu'il garde de bons principes; je crains que différents ouvrages qu'il lit avec goût ne l'aient rendu un peu philosophe; j'en serais au désespoir, parlez-lui raison de temps en temps et faites-lui sentir que notre bonheur présent et à venir est attaché à la croyance d'une religion qui renferme la plus sublime philosophie et la seule qui puisse nous rendre heureux. Ce langage de votre part lui fera plus d'impression que de la mienne, et vous mettrez le comble à ma reconnaissance si je dois à vos soins d'avoir convaincu mon enfant sur un point aussi essentiel.»
Ceci est une nouvelle preuve de la confiance que lui inspire le comte de Régis; toutes les lettres que lui a adressées Mme de Bombelles sont sur ce ton. Angélique n'a rien abdiqué de la foi qui a dirigé toutes ses actions, fortifié son courage dans l'adversité. Après s'être montrée la femme dévouée, la mère affectueuse de ses enfants jeunes que la première partie de cette étude nous a fait connaître, elle s'affirme la custode éclairée de l'âme des siens et, dans cette lettre, une des dernières qu'elle écrira, on croit lire comme des recommandations testamentaires d'ultimes volontés qu'un ami fidèle transmettra à son fils aîné.
Le marquis est absent. «Il ne tardera pas à rejoindre le prince de Condé qui revient en Allemagne avec son armée et qui désire l'avoir près de lui. Ce parti sera plutôt l'effet du dévouement et du zèle pour la bonne cause que celui de l'ambition, car nos affaires ne me paraissent pas brillantes, mais c'est un motif de plus pour payer de ses conseils et de sa personne.»
On a demandé pour lui le traitement de maréchal de camp. En exercera-t-il les fonctions? en tout cas il n'attendra pas—pour servir—d'en recevoir les honoraires. Un ami que la marquise ne nomme pas lui a prêté cent louis; il a offert ses bons offices, il est disposé à se mettre en route, et Mme de Bombelles s'apprête à partir avec lui pour Vienne où d'ailleurs est attendue la Reine de Naples: c'est une occasion escomptée de témoigner sa gratitude à sa bienfaitrice. Un autre espoir est caressé par la marquise, c'est d'obtenir de l'avancement pour son Louis qui s'éternise dans le même grade. Pendant ce temps, le sort de Bitche qui est à l'armée de Mélas ne l'en préoccupe que davantage. «Vous pouvez mieux que personne, écrit-elle le 18 juin, juger des anxiétés que me causent toujours les dangers auxquels il est exposé.» Qu'allait-il faire dans cette galère? serait-on en velléité d'objecter.
Ceci n'est pas pour déplaire à la marquise qui est terriblement «émigrée». Elle s'inquiète de savoir quels seront les sentiments de la Reine Caroline en apprenant les événements de Lombardie. «Quel chagrin lui auront causé les résultats de la terrible bataille de Marengo, mande-t-elle le 24 juillet. Qui aurait jamais pu prévoir un tel désastre! En arrivant à Vienne, j'ai appris tous ces tristes détails, je savais que mon pauvre Bitche avait été de la bagarre, je suis restée trois jours dans l'appréhension qu'il fût tué ou blessé.» Une lettre de son fils quelques jours après devait la rassurer; mais dans quelles angoisses ne vit-elle pas entre son second fils qui fait campagne et son mari arrivé maintenant au quartier général du prince de Condé, et prêt à quitter son rôle de conseiller pour celui de combattant effectif. La situation pécuniaire du ménage est mauvaise, la marquise le répète, au moment d'accoucher, et elle est plus désireuse encore qu'elle ne le dit de voir les services de son mari—diplomatiques ou militaires—utilement rétribués. Tout dépend de la générosité de l'Angleterre, ajoute-t-elle naïvement, ou de l'arrivée toujours annoncée, toujours reculée—de la Reine Caroline; à cette princesse elle ne craindrait pas de demander appui pécuniaire. Encore des projets et encore des tracas d'argent; de ceux-ci Mme de Bombelles ne sera jamais délivrée. «La pauvreté se supporte, mais des dettes, ne savoir comment les payer, voilà qui est accablant!»
Pour son fils Charles—qui a de belles qualités morales, mais se montre assez paresseux à l'étude—les Bombelles ont renoncé au service de Naples et établissent un programme autrichien. «J'attends d'un jour à l'autre sa nomination comme enseigne.»
C'est le même Charles, alors âgé de vingt ans, qui se charge d'annoncer le 14 septembre au comte de Régis la naissance de ce petit frère Armand-Victor. Mme de Bombelles avait peu longuement souffert, l'accouchement normal n'inspirait aucune inquiétude pour ses suites. L'enfant avait été baptisé, ayant pour parrain et marraine le duc d'Aumont et sa fille, Charles représentant le premier. Et le jeune homme entrait dans maint détail croyant faire plaisir à ce parfait ami. Dès qu'elle sera remise, la marquise ira à Vienne pour voir la reine Caroline et obtenir son appui pour Louis.
Et voici que moins de six semaines après, une affreuse nouvelle parvient à Rome au jeune Louis de Bombelles. «La douleur m'accable, écrit ce dernier au comte de Régis, le 27 octobre, de Frascati. Oui, je suis le plus malheureux des hommes. J'ignore encore comment j'ai eu la force de résister à un coup si affreux!» La manifestation de sa douleur est expansive, car si tous adoraient cette mère parfaite, il semble que celui qui avait été si longtemps le Bombon choyé et gâté devait plus cruellement sentir l'irréparable séparation. Des centaines de lieues le séparent des siens, son cœur se déchire à l'idée qu'il ne reverra plus sa mère même morte. «Depuis vingt-quatre heures que cette cruelle nouvelle a frappé mes oreilles, je ne sais plus ce que je fais, ce que je deviens... Je m'aperçois que jusqu'à présent je n'avais jamais connu le chagrin. Mais, ô ciel, quel effroyable apprentissage! Je ne sais encore aucun détail, je désire, je crains de les apprendre.»
Il regrette amèrement de n'avoir pas auprès de lui le comte de Régis, car «quelle douceur de pouvoir pleurer ensemble, que de pouvoir partager ses peines! Que deviendront mes frères, ma sœur, papa? Ah! que de réflexions tristes et accablantes!... Le comble du malheur est d'être isolé au milieu d'étrangers qui ne conçoivent pas que la perte de la meilleure des mères puisse être un malheur! Arrivez-moi vite, mon cher comte, et n'abandonnez pas votre malheureux ami...».
«C'est le 27 de septembre que cet ange m'a été enlevé, écrira le marquis au comte de Régis [304]. Le 30 au matin, M. le prince de Condé me dit que ma famille m'appelait. Les lettres du 26 m'auraient pu laisser de l'espoir si j'avais vu deux mots de la main de ma femme, mais ne les trouvant nulle part et connaissant son courage autant que sa tendresse, je me dis: elle est au dernier terme puisqu'il ne lui reste pas la force de m'écrire. Cependant elle avait souri, le 26, à l'envoi de l'estafette et se flattait que j'arriverais avant sa fin. Ses dernières intentions sont le chef-d'œuvre de la présence d'un bon esprit et d'un excellent cœur; je les ai trouvées écrites sous sa dictée.»
Donc Bombelles ne put revenir à temps pour recueillir son dernier soupir; la femme qu'il avait tant chérie, le modèle de toutes les vertus domestiques, l'«Angélique adorable», la petite «Bombe» de Madame Élisabeth venait de succomber à trente-neuf ans en couches de son sixième enfant, et l'infortuné mari ne fut de retour à Brünn que dans les premiers jours d'octobre.
Les obsèques de Mme de Bombelles avaient donné lieu aux plus touchantes manifestations. Malgré la modicité de ses ressources et les charges nécessitées par l'éducation de ses enfants, la marquise trouvait moyen—les journaux autrichiens en font foi—de répandre autour d'elle aumônes et secours médicaux. Les habitants de Brünn montrèrent une gratitude démonstrative; les paysans du petit village de Menowitz où elle avait habité quelque temps firent plus encore. Comme ils arrivaient à la maison de deuil, c'était le jour des funérailles et le cercueil était fermé. Ils témoignèrent leur douleur par des cris déchirants et, avec instances, demandèrent à revoir les traits de la morte. Le cercueil fut rouvert et les assistants vénérèrent comme une sainte celle qui avait été leur bienfaitrice. Ce «concert touchant de la reconnaissance», «cet éloge funèbre à travers les sanglots» laissèrent une impression profonde dans tout le pays, et la Gazette de Brünn en a conservé le souvenir [305].
Sur la tombe de l'épouse aimée fut inscrite cette épitaphe [306]:
HUC VITA U. NOMINE
ANGELICA MARCHIA BOMBELLES, NATA BARO MACKAU
E. THALAMO · FIDELI · VISE · EGREDIENS
IN AMPLEXU ·ARMANDI · ULTIMÆ
PROLIS SUÆ-AD BEATAM REQUIEM
ÆTERNÆ · PACIS AVIDA-EMIGRAVIT
DIE XXIX SEPTEM ANNO MDCCC
ÆTATIS XXXIX
CONJUGEM PIAM
MATREM TENERRIMAM
AMICAM INTEGERRIMAM
MULIEREM FORTEM
VIATOR SI QUÆRIS
IN HOC TUMULO INVENIES
GLORIOSA REVIVISCET
A. A. P. P.
SI GIT EXEMPTE DES MISÈRES
DE LA FRAGILE HUMANITÉ
LA PLUS EXCELLENTE DES MÈRES
LA PLUS TOUCHANTE PIÉTÉ
FEMME CHÈRE AUTANT QUE ADMIRABLE
LE PREMIER CHAGRIN QU'ELLE FIT
A SON ÉPOUX INCONSOLABLE
DATE DU JOUR OU IL L'A PERDUE
Ce que fut la douleur de M. de Bombelles, on le devine. Écrasé par la perte de celle qu'il avait chérie d'un amour constant et presqu'au-delà de l'humaine mesure, n'ayant guère foi dans la cause des princes, qu'allait-il devenir?
Avec deux enfants tout jeunes, en proie à des difficultés d'argent que son veuvage ne peut qu'augmenter, puisqu'il ne lui est plus guère loisible, en rendant des services à l'armée de Condé, de trouver là une augmentation de ressources, il lui faut d'abord chercher en même temps à pousser la carrière de ses fils aînés et à assurer le sort des plus jeunes.
Il a commencé, suivant le vœu de sa femme, par conduire la petite Caroline à son «auguste marraine».—«Je me trouvais, écrit-il au comte de Régis, dans les plus grands embarras pour ma famille qu'on voulait renvoyer de Brünn et de Moravie en l'englobant dans un ordre de départ pour tous les étrangers. La protection qui aurait dû être la plus puissante semblait irriter les exacts exécuteurs des seuls règlements pesant sur les émigrés, j'avais à sauver ma colonie d'une vraie persécution et à mettre dans toutes mes démarches une mesure qui ménageât la dignité de ce que vous et moi respectons le plus au monde. Trois semaines se sont passées.—Grâce au ciel et à l'intercession de celle que je pleure et qui me manque sans cesse, je suis parvenu à quitter Vienne à peu près tranquillisé sur le sort de mes enfants. Mes chagrins et mes soucis ont été bien adoucis par les bontés dont la Reine m'a comblé.»
La petite Caroline a été placée au couvent de la Visitation sur le désir de la Reine de Naples. «Cette petite a fait à Sa Majesté l'effet que sa gentillesse et sa raison produisent généralement. Les religieuses l'aiment déjà à la folie.»
Pour ses fils, Bombelles a aussi des promesses et des résultats. Louis aura de l'avancement dans l'armée napolitaine. Bitche et Charles sont, le premier, sous-lieutenant dans l'«Archiduc-Joseph-infanterie», le second enseigne dans Mittrowski, aussi infanterie autrichienne. Henri rejoindra son père au quartier général de Condé, à moins que ce ne soit celui-ci qui revienne définitivement à Brünn. «Pressé de rejoindre le corps de Condé, j'ai partagé ses fatigues comme je partage en ce moment ses justes inquiétudes sur le destin qui l'attend. D'ici à peu de jours, écrit-il le 30 janvier, je saurai s'il m'est permis d'ajouter au dévouement que j'ai montré, ou s'il est de mon devoir d'y mettre un terme, à la suite duquel je rejoigne mon ménage.»
Bombelles était intervenu à Vienne pour faire obtenir de derniers secours à l'armée de Condé, mais il était alors trop tard: M. de Cobentzel, ministre de l'Empereur, discutait avec Joseph Bonaparte les conditions de paix entre les Gouvernements autrichien et français. La dislocation est imminente; les émigrés sont réduits à l'impuissance; l'Autriche mise hors de cause; l'Angleterre ne paierait pas une armée qui ne combattrait pas. C'en était fini de l'armée de Condé [307]. Ils allaient devenir exceptionnels ceux qui continueraient à porter les armes contre la France: la majeure partie des proscrits revinrent, acceptèrent avec philosophie le nouvel ordre de choses, heureux de voir les autels rétablis et l'ordre assuré; beaucoup surent ne pas refuser les présents du Premier Consul [308]. Nous aurions aimé à ne pas enregistrer le nom des Bombelles sur la même liste que les Langeron et les Saint-Priest. Le marquis n'eut pas un instant la pensée de refaire des Français de ses fils. Si lui-même a renoncé à toute ambition militaire, il continuera à ne pas s'étonner que ses enfants servent les ennemis de la France; rien ne modifiera un programme dont nous avons vu le premier acte dans le refus de serment à la Constitution. Irréconciliable il est resté avec la Révolution et ses suites... Ses fils ne seront pas tous victimes de cette obstination; deux d'entre eux, l'épée posée, parcourront de brillantes carrières; mais le second, Bitche, que nous avons vu à l'armée de Mélas, mourra, au siège d'Ulm, tué par une balle française.
M. de Bombelles va rentrer à Brünn où il a laissé l'enfant au maillot «aux soins parfaits des trois excellentes filles du duc d'Aumont-Villequier. Ces dames, dont l'aînée a vingt-six ans, restent jusqu'à d'autres temps réunies aux débris de ma famille. Nous sommes logés à Brünn dans le palais du prince de Dietrichstein qui m'y réfugia quand je perdis (en 1797) la pension de la Reine. Sa Majesté, qui m'en avait fait rétablir une de 2.000 florins, vient de me rendre cette pension sur le pied précédent... Sa Majesté a été dans cette occasion tout ce qu'elle sera toujours quand l'homme de bien peut arriver jusqu'à elle».
Les plus grosses difficultés assaillent néanmoins M. de Bombelles. L'augmentation de pension promise par la Reine de Naples n'arrive pas, la carrière de Louis reste stationnaire. «Je ne reçois plus de réponses de la Reine depuis mon retour ici, écrit le marquis, le 8 septembre, à M. de Régis [309]; la route de ses bienfaits est également barrée. Elle voulait qu'ils fussent reportés de 2 à 5. Je n'entends pas plus parler d'un taux que de l'autre, et l'on me refuse la seule grâce que je demande, celle de me dire: Vous n'aurez rien, parce qu'alors, pièce en main, je pourrais solliciter ailleurs du pain, au lieu que, dans l'état de souffrance où l'on me laisse, j'ai à m'attendre, si je frappais à d'autres portes, qu'on me réponde: Prenez patience, vous avez un traitement de Naples, il vous sera payé tôt ou tard. En attendant ainsi, je suis mangé et par la dépense journalière de mes faibles économies et par les besoins d'une famille qui, ne recevant plus sa pension de l'ancien habitant de Mittau, n'a plus, pour administrer sagement un ménage, la femme distinguée, douce, économe et sage qui était notre boussole à tous et notre ancre de salut.»
Bombelles se plaint de la malveillance de quelques-uns qui l'auront desservi auprès de la reine. «Ce qui me vaut ce traitement est précisément ce qui vaut à mon bon Louis l'oubli de tout ce qui mériterait récompense; je n'ai rien à me reprocher envers les hommes et particulièrement envers les Rois, si ce n'est de n'avoir pas cet esprit souple qui fait crier tour à tour: vive le Roi! vive la Ligue! Je tiens à l'amour de mon Dieu, de sa religion, je tiens à cette forme de gouvernement paternel qui se nomme monarchie. Je ne puis pas accorder mon adoration au triomphe du crime...»
Bombelles s'étend longuement sur ses opinions, sur l'exécration en laquelle il tient les «philosophes modernes» et continue à se plaindre de la persécution dont il est l'objet. S'il n'obtient pas ce qu'il peut justement désirer, étant donnés ses services passés, ce n'est faute de savoir demander et se plaindre. Sans doute les doléances continuelles de Marc-Henri ont un peu lassé tout le monde, aussi bien le régent et ses amis que cette sœur de Marie-Antoinette dont la générosité l'a fait vivre lui et les siens. Mais, comme il le marque si bien à son ami Régis, sa femme n'est plus là, organisatrice parfaite, mère de famille entendue, femme séduisante et adroite, qui sait attirer sur sa famille ces gerbes de grâces utiles que pouvaient écarter les fastidieuses jérémiades de son époux vieilli.
Il comptait sur le baron de Breteuil, qui, suivant lui, lui redoit de grosses sommes convenues pour ses missions antérieures. Mais Breteuil, qui a passé six semaines à Vienne et aux environs, n'a pas jugé bon de se déranger. «Étant, nonobstant tout, dans de bons rapports avec lui, je l'avais conjuré de passer par ici en retournant à Hambourg. Il m'a répondu dans les termes les plus tendres et au milieu de protestations d'amitié qu'il ne pouvait se détourner de trois postes pour voir un ami si fidèle et qu'il n'avait pas le temps d'aller voir ma fille au couvent. Le fait est qu'il a voulu se sauver de l'embarras de causer avec moi depuis tout ce qu'il m'a écrit sur les 30.000 livres et au delà qu'il me doit sans vouloir prendre des arrangements à cet égard. O argent, ô argent, que ton métal fait faire de vilaines choses!»
Bombelles est forcément très embarrassé, il n'ose même pas envoyer quelque argent à son fils Louis. «Ce n'est pas par un sentiment d'attache à ce métal que je n'en envoie pas à mon pauvre Louis, le cœur me saigne lorsque je pense qu'il peut être dans l'embarras; mais au moment où je tends la main, si je lui envoyais quoi que ce soit, on ne manquerait pas de dire que j'ai fait le pauvre pour mieux abuser de la bienfaisance de la Reine et que, dans le fait, je suis à mon aise.»
Par cette lettre et par d'autres adressées soit au comte de Régis [310], soit à Louis de Bombelles, on est informé des angoisses pécuniaires par lesquelles passe le marquis de Bombelles. Ces tracas joints aux dispositions religieuses, naturelles à son esprit et que la perte de sa femme n'ont fait qu'augmenter, vont faire germer un projet caressé par le marquis depuis qu'il est définitivement réfugié à Brünn. Après avoir mis ordre, autant que faire se pouvait, à ses affaires et obtenu la promesse que la pension faite par la reine de Naples serait reversée sur ses enfants, une fois une certaine somme payée, Bombelles s'est décidé à se retirer dans un couvent de Brünn pour y recevoir les ordres. «C'est pénétré du désir d'améliorer le sort de mes chers enfants, écrit-il le 15 février 1803, à son fils Louis, que je me consacre au service des autels, pour, avec le temps, en retirer, en outre, des avantages spirituels, ceux de vivre de mon nouvel état et de ne pas morceler, par ma propre subsistance, celle de mon indigente famille.» Et après lui avoir indiqué le moyen de toucher des avances sur la pension que lui fait la Reine, il donne rendez-vous à son fils à Vienne. «Je vous laisse à penser combien je serai heureux de vous voir présent à ma première messe, et de pouvoir vous y réunir à vos frères à la sainte Table; c'est alors que du haut du ciel votre angélique mère réunirait ses intercessions à mes prières pour ces fils quelle nourrit de son lait et de la parole de Dieu, qu'elle servit si bien.»
Louis de Bombelles a accompli le voyage projeté à Vienne, et ce n'est pas sans une profonde émotion qu'il a retrouvé ses frères et son père. «Les larmes le suffoquaient, cet excellent papa, écrit-il au comte de Régis, le 8 octobre, il ne pouvait que me serrer dans ses bras et lever les bras au ciel. Henri me tiraillait d'un autre côté pour m'embrasser aussi; enfin jamais entrevue ne fut plus touchante.» Il n'a presque pas trouvé son père vieilli depuis ces cinq ans de séparation. «Son nouveau costume avec ses croix de Saint-Louis et de Saint-Lazare lui va à merveille, et il lui donne même un air de douceur et de résignation qui le rendent cent fois plus intéressant.»
A son père, prêtre, Louis n'a rien déguisé, «même de ce qui pouvait être à son désavantage», et il a trouvé en lui, «non seulement un père indulgent, mais un ami charmant qui se reporte lui-même à l'âge de vingt-quatre ans et qui malgré son respectable habit conçoit fort bien que le printemps de la vie soit plus sujet aux orages que la maturité de l'existence». Il ajoute: «Je vous assure qu'il est le seul ecclésiastique que j'aie jusqu'à présent rencontré qui sache rendre la vertu aussi séduisante et qui la dépouille de tout ce qu'elle a ordinairement de farouche.» Il a été trop question du comte de Régis, si parfait ami de tous et de chacun d'eux, pour que Louis de Bombelles ne souligne pas ce souvenir reconnaissant. «J'ai été heureux en voyant que l'amitié que vous avez toujours si franchement témoignée à notre famille est bien sentie et partagée par tous ses membres et surtout par le chef.»
Il donne ensuite des détails sur ses frères: «Henri, qui est le premier que j'aie vu, a quinze ans. Sans être d'une très jolie figure, il a une tournure très agréable, beaucoup d'esprit et fournissant aux frais de la conversation comme un homme fait. Aussi est-il caressé et gâté par toutes les dames de la société; mais il n'en est pas moins bon enfant et, à sa coiffure à la Titus près, à laquelle il tient beaucoup, il a toutes les qualités que l'on peut désirer dans un jeune homme.»
Bitche et Charles, tous deux officiers autrichiens, comme nous le savons, revenaient du camp quand leur frère les a vus. «Bitche n'a presque pas changé de figure, il est plus grand que moi et très blanc. C'est le meilleur cœur et j'oserai même dire la plus belle âme que l'on puisse trouver; de l'honneur jusqu'au bout des ongles et la franchise d'un ancien chevalier, mais il n'a ni l'air élancé ni la tenue militaire de Charles, qui est, dans ce service-ci, un officier de la plus grande distinction.»
Charles va passer capitaine, «à la requête de quatre colonels qui se le disputent pour l'avoir dans leur régiment; un de ces messieurs a été dernièrement trouver l'archiduc Charles et lui a dit: «Ce n'est pas pour les beaux yeux de M. de Bombelles que je me soucie de le voir fait capitaine, mais c'est que l'Empereur a besoin d'officiers de distinction et qu'il faut que, dans quatre ans au plus, nous en fassions un officier d'état-major.»
Quant à son père, il est impossible de jouir d'une plus grande considération qu'il ne le fait. L'Empereur et l'Impératrice l'ont comblé de bontés à leur passage à Brünn, l'Impératrice a voulu entendre sa messe et lui a dit après: «Je connais votre attachement pour ma mère [311], mais je veux que vous m'aimiez aussi; ainsi, dès que Caroline sortira du couvent, personne ne s'en chargera que moi-même.»
Louis subit le charme de sa sœur: «C'est un bijou: la figure la plus intéressante, une taille charmante et un air de bonté qui gagne tous les cœurs. Elle m'accable de caresses et m'a déjà déclaré que j'étais son favori. Aussi c'est une querelle qu'il m'est impossible d'éviter si je reste un jour sans aller à la Visitation.»
Louis de Bombelles est sûr d'être agréable au comte de Régis quand il ajoute: «Elle m'a demandé des nouvelles de cette dame qui était l'amie de maman et qui logeait à Naples. Je lui ai répondu que cette dame était aussi une bien bonne amie et qu'elle m'avait chargé de l'embrasser. Eh! bien, dit-elle, écrivez à cette dame que Caroline l'aime de tout son cœur, car toutes les personnes que maman a aimées sont toujours chères à mon cœur.»
Lui-même est fort gâté à Vienne. Il a fait trois couplets pour le jour de naissance de son père, et il les a chantés à table chez le comte de Cobentzel «avec beaucoup plus de succès qu'ils n'en méritaient». Dans toutes les autres maisons, «le Bombelles napolitain, comme on l'appelle, a eu le bonheur de fort bien réussir».
Cette réunion de famille, attendue depuis longtemps et à laquelle manque si cruellement celle qui en était l'âme et le lien, sera la dernière pour bien des années; encore l'un de ces officiers ne répondra-t-il pas à l'appel... et cela dès l'année suivante.
L'abbé de Bombelles est encore à Vienne lorsqu'il apprend la mort de son second fils, Bitche, tué le 14 octobre 1803 au siège d'Ulm. «Notre bon et vertueux Bitche, écrit encore Louis de Bombelles au comte de Régis, atteint d'un coup mortel, a expiré comme il devait mourir, en brave chevalier et en fidèle serviteur de son maître. Il est mort quelques heures après avoir reçu une blessure affreuse à la cuisse. La balle s'était fait jour par l'épaule et avait déchiré les entrailles... Le coup qui m'a enlevé un frère adoré m'a frappé moi-même d'une manière qu'aucun laps de temps ne sera capable d'effacer de ma mémoire. J'ai laissé mon pauvre père dans un état de douleur qu'il est impossible de décrire. Heureusement qu'il a Victor avec lui, et c'est, je vous l'assure, une vraie ressource.» Louis de Bombelles fait des réflexions «sur la cruelle destinée de tant de braves gens qui sont les victimes de la coupable folie d'un seul homme». Il est devenu si étranger à sa patrie, si hostile à ce qui est Français qu'il ne lui vient pas à l'idée de déplorer que son frère, servant contre la France, ait été tué par un balle française!
Par le crédit de la princesse Thérèse de Tour et Taxis, Bombelles a obtenu, en 1806, la cure d'Oppelsdorff en Silésie prussienne. Il allait avoir à se rencontrer avec d'anciens compatriotes, car le pays qu'il habitait était devenu le théâtre de la guerre. Lui, émigré depuis quinze ans, devenu curé prussien, eut l'occasion de secourir des Français blessés ou malades, et il se tira avec honneur d'une situation plus que délicate.
Pendant le siège de Neisse [312], ville voisine de son presbystère presbytère, il fut en butte aux exigences des troupes et demanda une garde de sûreté au général wurtenbergeois Sekendorf, qui la lui accorda. Quelques jours après, non sans surprise, il recevait une invitation pressante de se rendre au quartier général français. Le général Vandamne [313], illustre soldat, mais qui ne passait pas pour un modèle d'urbanité, le reçut avec une grande politesse.
«Je sais, monsieur le curé, dit Vandamne, que vous avez été inquiet.—Non, général, j'ai été inquiété.—Vous allez avoir à l'instant une sauvegarde. Je vous remercie, général; grâce aux cartes de sûreté,—je suis tranquille depuis quelques jours.—Si cela ne durait pas, avertissez-moi, et je vous promets une sauvegarde [314].»
Depuis ce moment un échange de politesses eut lieu entre le général et le curé. Un jour même, devant le presbystère, une calèche à quatre chevaux s'arrêtait; le général Vandamne venait rendre visite au vieil émigré dans sa cure d'Oppersdorff. Il passa une heure avec lui, causant librement de l'ancienne France, l'engageant à retourner dans sa patrie comme l'avaient fait Boufflers et tant d'autres, lui promettant qu'il y retrouverait dignités et fortune.
Le curé refusa. Ses fils servaient à l'étranger; il avait renoncé à toute ambition, il ne vivait plus qu'en Dieu. Au récit de ses malheurs, Vandamne s'était ému. Bombelles en profita pour lui recommander ses communautés et reçut des promesses favorables. «C'était un spectacle à la fois instructif et curieux, dit Alissan de Chazet, de voir un homme créé par la Révolution venir chez l'homme détruit par elle, et lui témoigner les égards et les déférences que l'on refuse bien rarement à un beau caractère et à une grande infortune noblement supportée.»
Malgré ses malheurs, Bombelles avait gardé une grande sérénité d'esprit et ce tour humoristique qui fait le charme de ses lettres. Voici un mot écrit à un des officiers de l'état-major de Vandamne, où il avait été si favorablement accueilli.
En suscription:
A M. le comte de Königseck, aide de camp
de Son Excellence le général de division Vandamne
à Bielau
Oppersdorff, le 15 juin 1807.
«Mon cher comte,
«Il y a des gens qui ne sont chanceux en rien: le porteur de ma lettre ne garda pas, dit-on, soigneusement sa moitié, lorsque le ménage était jeune; ses fils ne gardent pas mieux leurs chevaux. La nuit dernière, dans le cabaret de Woitz, ces deux fils, couchant dans l'écurie, une sentinelle étant à la porte, on a pris un cheval de leur père, et il vient, à travers un déluge de paroles, de me conter sa dolente aventure. Il n'est pas question de couleur d'habit ni de parement, la nuit tous les chats sont gris. C'est comme une aiguille dans une botte de foin, qu'il veut chercher sa rossinante. Vous verrez, qu'il a assez la mine de don Quichotte; au reste, toutefois, si cela se peut, vous lui rendrez service, j'en suis sûr, parce que vous êtes bon, aimable et obligeant.
Mon Franz [315], qui vous remettra cette lettre, va en ville pour s'informer comment je pourrais me procurer du fumier, il doit y abonder. On tirait de l'or du fumier d'Ennius, j'en veux tirer de tout l'engrais de Neisse pour pouvoir, un jour, être un aussi dodu curé que vous êtes un jeune et joli seigneur. Si vous savez quels seront les ordres pour l'évacuation de ces fumiers faites-les connaître afin que je prenne mes mesures en conséquence. Respects à qui vous savez.
Bombelles [316].
Ce ton enjoué n'empêchait pas M. de Bombelles de se voir en proie aux plus grands ennuis. Sa cure ne lui suffisait pas pour vivre, car la plus grande partie de ses maigres appointements passait aux pauvres dont il s'était fait le soutien. Il dut avoir recours à celui des princes avec lequel il entretenait les relations les plus suivies.
De Londres, le 4 juillet 1807, le duc de Berry lui répondit:
«Mon cher Bombelles,
«Je ne puis vous rendre tout ce que j'ai éprouvé en lisant le récit de vos malheurs, ni vous exprimer le désespoir que me cause le retard de votre lettre, qui a été quatre mois en route; elle m'est arrivée par Mittau. Je m'empresse de mander à l'évêque de tâcher de vous faire passer le plus tôt possible cinquante louis; c'est bien peu dans la position où vous êtes, mais il m'est impossible pour à présent, d'en faire plus. Combien je crains tout ce que vous aurez souffert pendant ce temps-là; vous connaissez trop mon amitié pour ne pas juger que mon cœur est déchiré du récit de vos peines. Adieu, mon cher Bombelles, répondez-moi le plus tôt possible, et comptez sur ma tendre amitié.
«Charles-Ferdinand.»
Ainsi s'écoulèrent les années jusqu'à la chute de l'Empire...
En 1814, le curé d'Oppersdorff était doyen d'Oberglogau. La Restauration des Bourbons le ramenait dans son ancienne patrie, et l'amitié du duc de Berry qui ne lui avait jamais fait défaut s'employa à le retenir. Le débarquement de Napoléon et la fuite de la famille royale devaient inciter une seconde fois M. de Bombelles à quitter la France. Il rejoignit son «doyenné» d'Oberglogau, et, en passant par Vienne où il était allé voir ses fils, il reçut une lettre flatteuse du prince de Hardenberg, premier ministre du roi de Prusse, qui, «en souvenir des ambassades où le marquis s'était distingué, lui conférait au nom de son maître le titre d'Excellence».
A la seconde Restauration sans doute, il eût été facile à l'abbé de Bombelles excipant des services rendus—le comte d'Artois avait oublié leurs anciennes querelles—de prendre place politique. Il n'eut pas cette ambition, mais donna sa démission de doyen et se laissa nommer aumônier de la duchesse de Berry. Deux ans après il était appelé à l'évêché d'Amiens où il laissa sa réputation d'un organisateur zélé et d'un prélat parfait [317].
Comme évêque, il eut la joie de donner la bénédiction nuptiale à sa fille Caroline, qui, le 5 juillet 1819, épousait le vicomte François Biaudos de Castéjà [318]. La cérémonie eut lieu, 25, rue de la Ville-l'Évêque, dans la maison qu'habitait M. de Bombelles, dont la salle à manger avait été transformée en chapelle. De ce discours simple et pénétrant d'un père bénissant ses enfants, naissait une sensation attendrissante à laquelle n'échappèrent point les assistants [319].
M. de Bombelles, jusqu'à la fin de sa vie, conserva une verdeur et une activité étonnantes. A soixante-dix-huit ans, il accomplissait ses devoirs de pasteur avec une vigilance et une ardeur que rien n'arrêtait. Ses jours étaient pourtant comptés; un jour de fin de janvier 1822, l'évêque s'alita pour ne plus se relever; administré le 22 février, il sentit venir la mort et fit ses adieux à ses enfants. Son Nunc dimittis était empreint à la fois d'une grande humilité chrétienne et d'une grande élévation de sentiments. «De toutes les grâces que Dieu m'a faites, dit-il d'une voix ferme, j'ai toujours regardé comme la plus grande celle d'être l'organe de ses commandements; mais aujourd'hui que les forces de son serviteur sont épuisées, aujourd'hui que je suis dans cet état de misère où se trouve réduit le pécheur, je remercie le Très-Haut du fond du cœur de m'avoir laissé le temps de me convertir...» Il vécut encore onze jours cependant et rendit le dernier soupir, le 5 mars.
On ne s'étonnera pas que la fin de ce patricien, homme de bien, se soit montrée digne de sa vie et ait édifié ses contemporains. Parmi les serviteurs restés fidèles à la cause royale, il est des hommes plus marquants, moins scrupuleux et mieux favorisés par le sort. En tenant compte de l'époque où il eut à vivre et des erreurs communes à tous les émigrés, on retiendra son nom comme celui d'un dévoué rempli des meilleures intentions et sur lequel la calomnie n'a nulle prise.
Le marquis de Bombelles laissait quatre enfants: la vicomtesse Biaudos de Castéjà et trois fils dont deux ont fait souche nombreuse dans leur nouveau pays. Après avoir conté la vie de leurs parents, il n'est pas sans intérêt de consacrer quelques lignes à ceux qui ont joué un rôle public ou privé.
L'aîné, Louis-Philippe, le Bombon de la première partie de cette histoire, né à Ratisbonne en 1780, est mort à Vienne en 1843. Après avoir comme nous l'avons vu, pris du service à Naples, il entra au service de l'Autriche et fit une brillante carrière dans la diplomatie, fut successivement ministre de l'empereur en Suisse, en Toscane, en Danemarck. Sa première mission à Copenhague, en 1813, consistait à détacher le Danemarck de l'alliance avec Napoléon. Il put courir l'année suivante à Paris pour assister au spectacle de l'entrée des alliés, et revenir ensuite à Copenhague avec le grade de ministre plénipotentiaire autrichien. C'était un homme spirituel, mais léger et très bavard, dit une contemporaine l'ayant bien connu. Cette contemporaine, la baronne du Montet, née la Boutetière [320], émigrée, vivant alors à Vienne, explique ces défauts qui suivant elle, ont empêché le développement de la fortune diplomatique du comte Louis. «S'il n'eût été que léger, cela n'eût peut-être pas beaucoup nui à sa carrière; mais c'était un peu trop que d'être Français, léger et beau parleur...» Ceci ne l'empêcha pas d'ailleurs d'obtenir des postes agréables, et celui de Copenhague lui valut son mariage avec Ida Brun, fille d'une femme auteur danoise connue et que son culte pour les arts et l'amitié que lui témoigna Mme de Staël, ont rendu elle-même presque célèbre.
Le troisième, Henri-François (1789-1850), après avoir été officier, entra également dans la diplomatie autrichienne, remplit des missions en Portugal et en Sardaigne. Sa carrière se termina à Vienne où, en 1845 il avait été appelé au poste de gouverneur de l'archiduc François-Joseph, empereur actuel et de son malheureux frère Maximilien. Il laissa deux filles [321] et deux fils, Marc-Henri-Guillaume et Charles-Albert-Marie. Ce dernier qui fut grand-maître de la Cour de l'archiduc Rodolphe, est mort il y a quatre ans. C'est au comte Marc et à son fils que nous devons des renseignements précieux sur la famille de Bombelles [322] et surtout le portrait de la marquise Angélique qui orne le commencement du premier volume.
Nous avons gardé le deuxième pour la fin [323], sa carrière étant fort curieuse et méritant quelques instants d'attention. Charles de Bombelles avait pris d'abord du service dans l'armée autrichienne et rentra en France en 1814 comme aide de camp du prince de Schwarzemberg [324].
«C'était, dit la baronne du Montet qui a bien connu les trois frères, un loyal gentilhomme bon comme ses frères.» Rempli d'ambition, il alliait la rudesse militaire qui peut imposer à toute la douceur d'un homme du monde qui veut plaire. On lui connaissait deux voix: l'une formidable, étourdissante, cassante, et l'autre douce et timide; il passait fréquemment de l'une à l'autre, ce qui formait un contraste bizarre. Ces deux voix, qui offraient pour ainsi dire l'indice de deux caractères, lui furent également utiles. «L'homme timide, réservé et délicat, a plu à plusieurs femmes; l'homme rude a discuté, fait ses conditions, remporté des victoires de salon: avec la grosse voix, il a prouvé qu'il était apte à tout; avec la voix douce, il a parlé bas à l'oreille des jeunes femmes.»
Rien d'amusant comme sa manière de poser des conditions à Mme de Cavanagh, dont il voulait épouser la fille. Celle-ci était riche, lui n'avait rien, absolument rien. Il faisait une cour douce et modeste à Mlle Caroline et, vis-à-vis de la mère, prenait des airs de matamore: «20.000 livres de rente, ou pas de Bombelles.» Des amis, timidement, lui faisaient observer que 20.000 livres de rente c'était beaucoup demander quand on ne possédait rien.—Qu'appelez-vous rien, s'écriait M. de Bombelles avec sa voix de tonnerre, et mon nom?—«Cette négociation mêlée d'amour (il était épris), d'intérêt (la fortune l'attirait), de regrets d'ambition (l'alliance avec Mlle de Cavanagh ne flattait pas suffisamment son amour-propre), «cette négociation, dit la baronne du Montet qui y assista, fut un traité complet de fanfaronnades, d'esprit et de cœur.»
A Vienne s'étaient traités les préliminaires, à Marseille eut lieu le mariage. La jeune comtesse de Bombelles, agréable sans être jolie, plaisait à son mari, que de son côté elle aimait passionnément. L'union d'ailleurs fut fort courte, la phtisie minait la jeune femme: elle mourut à vingt-cinq ans, à Vienne en 1819, laissant à son mari deux enfants, une fille et un fils.
Charles de Bombelles pleura sa femme... mais ne tarda pas à faire la cour à une belle et riche Autrichienne Mlle von Bartenstein dont il était devenu amoureux. Ce fut un vrai roman allemand avec les longs entretiens, les correspondances exaltées et sentimentales... La jeune fille ne se décidait pas complètement, donnait sa parole, puis la reprenait. Bombelles passait de la joie paradisiaque aux plus poignants désespoirs. Agité et bizarre, passablement ennuyeux sans doute avec ses débordements d'amour de tête, il n'améliorait guère sa cause. Un jour, Mlle von Bartenstein put arriver à lui faire comprendre qu'elle n'éprouvait pas pour lui un sentiment assez fort pour se décider à l'épouser. Elle lui écrivit les plus belles choses du monde; les deux amoureux de comédie se mirent d'accord pour se quitter bons amis et ne pas s'épouser. Il fut permis à Bombelles de mettre un baiser sur le front de la jeune fille, et chacun s'en fut de son côté. Mlle de Bartenstein épousa un bon et gros garçon, un Hongrois riche, de famille ordinaire et nullement sentimental.
Bombelles se consola, s'occupa de l'éducation de ses enfants... et poursuivit ses rêves d'ambition, tout en aimant à raconter à satiété l'histoire de son roman.
Il sollicita à la fois en Autriche et en France, et chose curieuse, il obtint presque en même temps les faveurs qu'il demandait. A Vienne, il était nommé chambellan du prince héritier et recevait le grade de colonel, cependant qu'à Paris, son père et sa sœur, s'employaient avec zèle pour lui faire obtenir la place de gentilhomme de la chambre avec pension. La nomination française précédait de quelques jours l'obtention des faveurs autrichiennes: c'eût pu être un obstacle à la régularisation de ces dernières. Bombelles ne s'effraya pas pour si peu; il s'entremit utilement, trouva moyen de persuader à l'Empereur et à son protecteur le comte de Mercy, que son père avait agi sans son aveu, mais qu'il n'osait pas mécontenter ce père si excellent. Si bien que l'adroit Bombelles put partir pour Paris avec le brevet du titre de colonel.
Charles de Bombelles, Autrichien et Français à la fois, manifestait surtout les opinions du vrai fils d'émigré et n'entendait faire aucune concession aux idées nouvelles.
Un jour, à Vienne, à un dîner chez la baronne du Montet, il fut question de Fouché et de la singulière idée qu'avait eue Louis XVIII d'accepter les services d'un régicide. «Quelle concession horrible à la Révolution! s'écria la maîtresse de maison... Puisque Louis XVIII est si condescendant, il aurait dû conserver le titre d'empereur et le drapeau tricolore, cela eût fasciné beaucoup de gens!»—A ces mots le comte Charles se monta en fureur: «Qu'appelez-vous, dit-il d'une voix tonnante, la cocarde tricolore? Allez dire une chose pareille au faubourg Saint-Germain! Le faubourg Saint-Germain vous fermera toutes ses portes! La cocarde tricolore!» Et il trépignait, frémissait et s'emportait de plus en plus!—Et la baronne de lui répondre non sans justesse: «Vous êtes bon, votre faubourg Saint-Germain n'a-t-il jamais pris la cocarde tricolore? Et les chambellans, les gardes d'honneur, quelle était leur cocarde, s'il vous plaît?» M. de Bombelles restait au paroxysme de la fureur, on dut s'interposer tant la discussion était devenue aigre.
Le soir même, chez la comtesse de Chotek, la baronne du Montet racontait avec verve sa brouillerie avec le comte Charles. Soudain la porte s'ouvrit et M. de Bombelles parut. L'heure des rodomontades était passée, celle de la douceur avait sonné. Humblement, presque comme un enfant qui promet de ne plus recommencer, il s'approcha de son ennemie de l'après-midi et demanda à faire la paix. La grâce aussitôt et gaiement octroyée, le comte voulut témoigner sa reconnaissance et s'en fut prendre dans un vase de fleurs qui était sur une console une rose blanche, une fleur bleue et une fleur rouge dont il forma un petit bouquet et qu'il vint offrir à la baronne d'un petit air à la fois doux et railleur.
«Je n'en veux point de votre main, lui dit celle-ci en repoussant le bouquet, mais soyez sûr que si le Roi me l'offrait, je l'accepterais, car il m'est fort égal de quelle couleur soit un drapeau, pourvu que ce soit celui de la Légitimité. Or je crois que les rois peuvent adopter telle couleur qu'il leur convient, surtout quand ces couleurs ont eu de beaux jours de gloire.»
M. de Bombelles ne devait pas tarder à revoir la lutte entre les deux drapeaux. Il servait à Nancy comme lieutenant-colonel du 5e régiment d'infanterie légère—le colonel autrichien était devenu officier supérieur français—lorsqu'éclata la Révolution de Juillet.
Le soir même du jour où fut connue la nouvelle, il entre chez une amie, belle-sœur de la même baronne du Montet. Pâle, presque jaune, les traits décomposés, terrassé par l'annonce de la Révolution, il tenait son shako dans les deux mains. Il le déposa dans un angle obscur de l'appartement, prit sa tête dans ses deux mains et se mit à éclater en soupirs et en sanglots. On croit à une nouvelle catastrophe, au meurtre du Roi, personne n'a l'idée d'une révolution. Chacun questionne Bombelles, qui, d'une voix entrecoupée, apprend à ses interlocuteurs que, le matin même, il avait reçu l'ordre de faire prendre la cocarde tricolore à son régiment (en l'absence du colonel).
«Et vous l'avez prise! s'écria la baronne du Montet, vous l'avez prise de la main sanglante de la révolte et de l'émeute?»
M. de Bombelles restait muet et consterné.—«Plût à Dieu, dit la baronne, que Louis XVIII l'eût donnée cette cocarde; aujourd'hui vous ne la prendriez pas teinte du sang de vos frères de la garde royale!»
Bombelles devait rester fidèle au drapeau blanc et ne jamais chercher à se rapprocher du Gouvernement né de la Révolution. Il quitta le service de la France et revint à Vienne. Il y retrouvait son fils [325] qui servait dans l'armée autrichienne, et sa fille Marie que, depuis la mort d'une fille de dix-sept ans, sa belle-sœur, la comtesse Henri, avait recueillie maternellement [326].
Il reprit contact avec Metternich—avec lequel, on se le rappelle, il avait entretenu autrefois des rapports réguliers. Un jour, le prince lui dit à brûle-pourpoint: «Le poste de grand-maître de la Cour de Parme est vacant [327] par suite de la mort du comte de Neipperg [328]. Ce poste exige un homme capable de dominer le caractère faible de l'archiduchesse Marie-Louise, de maîtriser sa petite Cour et de gouverner avec intégrité son petit État. La famille impériale a jeté les yeux sur vous, elle désire votre consentement, ne refusez pas [329].» Bombelles crut devoir accepter.
Le comte de Falloux, qui raconte cet entretien, était parent de M. de Bombelles. Il alla lui rendre visite vers 1840. «Lorsque je m'acheminais vers Parme, dit-il, M. de Bombelles, qui n'avait cru et voulu accepter que l'héritage politique du comte de Neipperg, avait obtenu sans le chercher le même crédit que lui sur le cœur de la souveraine, et la veuve de l'Empereur Napoléon avait contracté un troisième mariage.»
Les relations de Marie-Louise avec Charles de Bombelles semblent dater de peu après la mort du duc de Reichstadt. Le mariage secret, mais régulier, eut lieu le 17 février 1834 [330]. Ce nouvel époux réunissait, paraît-il, tout ce qu'on peut désirer, fermeté et douceur dans les manières en même temps. «C'est un homme si vertueux, écrivait Marie-Louise à la comtesse de Crenneville, c'est une vraie trouvaille.» Elle ajoutait: «C'est un saint et un homme aimable en société.»
Ce mélange de vertu et de qualités extérieures produisit un effet utile. Bombelles continua les traditions de Neipperg et se montra comme lui administrateur intelligent et honnête. L'archiduchesse, si insoucieuse de ses devoirs et dévorée jusqu'à la fin de sa vie de la soif des fêtes et des voyages avait eu la chance de rencontrer des ministres intègres et bienfaisants qui enrichirent le duché d'une foule d'institutions de charité et de monuments utiles (Archives de l'État, hospice des Incurables, ponts, théâtre, bibliothèque, etc.) [331].
Bombelles eut aussi une influence morale sur Marie-Louise et détermina son évolution dernière vers la religion. Il était bien le fils du pieux évêque d'Amiens et se montra, de plus, zélé défenseur des congrégations et communautés religieuses. De là à être appelé jésuite et fanatique il n'y a qu'un pas, ce que n'ont pas manqué de noter les écrivains antireligieux. Par lui, a pu écrire un auteur récent, Trolard, «la ville dégageait une odeur cléricale plus forte que le parfum de ses fleurs».
Faut-il attribuer aux représailles du carbonarisme les tentatives d'empoisonnement qui menacèrent les jours de Marie-Louise et mirent la vie de Bombelles en danger [332]?
Après la mort de Marie-Louise en 1847, Charles de Bombelles habita quelque temps Vienne, puis il vint s'établir à Versailles avec sa fille Marie [333]. Il mourut en 1855 dans l'ancien hôtel de Mademoiselle, 7, rue de la Bibliothèque [334], tout près de ce palais où s'était effondrée la royauté, non loin du domaine enchanteur de Montreuil où, sous la tendre protection de Madame Élisabeth, s'était épanoui le roman conjugal de notre attachante héroïne, Angélique de Mackau, marquise de Bombelles.
TABLE DES NOMS
DES DEUX VOLUMES
A
- Adélaïde (Madame), II, 169 et suivantes.
- Adhémar (comte d'), I, 61, 66, 184, 290.
- Alméïda (chevalier d'), II, 16, 21, 22, 35.
- Angivillier (Flahaut de la Billarderie, comte d'), I, 197.
- Angoulême (duc d'), II, 120, 121.
- Apostoli (agent secret à Venise), II, 158.
- Archiac (comte d'), I, 47.
- Arnould (Sophie), I, 279.
- Artois (comte d'), I, 40, 41, 54, 56; II, 49, 51, 158, 159, 160, 164, 165, 166, 167, 174, 179, 182, 193, 194, 195, 199, 218, 227, 248, 253, 289, 339.
- Artois (comtesse d'), I, 237, 242; II, 41, 80.
- Aumale (vicomtesse d'), I, 27.
- Autichamp (marquis d'), I, 55.
B
- Bailly, II, 130, 170.
- Balbi (comtesse de, née Caumont la Force), I, 207; II, 232, 236, 237.
- Barentin (de), II, 59.
- Bariatinsky (prince), I, 27.
- Barnave, II, 221, 226, 250.
- Beaumont (Christophe de), I, 218.
- Bayreuth (margrave de), I, 134.
- Beauveau (maréchal de), II, 135.
- Belsunce (Henri de), II, 136.
- Benkenrod (de), II, 14.
- Bercheny (comte de), II, 54.
- Berthier, II, 139.
- Bezenval (baron de), I, 55, 57; II, 43.
- Biron (maréchal de), II, 46, 81, 298.
- Bombelles (Marc-Henri, marquis de Bombelles), I, 1 à 353; II, 1 à 380.
- Bombelles (Angélique de Mackau, marquise de), I, 1 à 353; II, 1 à 380.
- Bombelles (Henri-François, comte de), I, 2, 3.
- Bombelles (baron de), I, 218, 242; II, 186.
- Bombelles (comte de), le fils, I, 3.
- Bombelles (comtesse de), I, 44.
- Bombelles (Jeanne-Renée de), et voyez marquise de Travanet, I, 8, 31, 139, 125, 143.
- Bombelles (Henriette de), et voy. comtesse de Reichemberg, I, 7, 61, 78, 81.
- Bombelles (Francois-Bitche-Henri de), I, 284; II, 345.
- Bombelles (Louis-Philippe de), dit Bombon, I, 148, 159; II, 371.
- Bombelles (Charles de), II, 373, 374.
- Boufflers (chevalier de), II, 97.
- Bouillé (marquis de), II, 186, 205, 215, 249.
- Bouillon (duchesse de), I, 128, 130.
- Boulainvilliers (Mme de), I, 225.
- Bourbon (duc de), I, 54, 56.
- Bourbon (duchesse de), II, 117, 123.
- Bourdeilles (Mme de), I, 61.
- Bouthillier (marquis de), II, 233.
- Brancas (Mme de), I, 45; II, 246, 249.
- Brassens (Mlle de), I, 78.
- Braye (chevalier de), II, 234.
- Breteuil (baron de), I, 90, 143, 170, 172, 175, 187, 191, 208; II, 14, 23, 28, 29, 30, 35, 195, 196, 254, 262, 266, 270, 271, 272, 280, 286, 288, 292, 324, 327, 330, 358.
- Breteuil (abbé de), I, 178, 179.
- Breünner (Mme de), II, 166.
- Brienne (comte Loménie de), II, 5, 15, 44.
- Briche (Mme de la), II. 21.
- Brionne (comtesse de), I, 166, 325; II, 106, 111.
- Broglie (comte de), I, 191, 196.
- Brunswick (maison de), I, 46.
C
- Cadaval (duc de), I, 309, 320, 325, 329, 335; II, 16.
- Calonne (de), II, 161, 162, 166, 175, 194, 195, 196, 199, 201, 233, 237, 242, 259, 286, 292.
- Canillac (Mme de), I, 45, 54, 58.
- Caroline (reine de Naples), II, 178, 179, 180, 339, 349, 357.
- Castries (maréchal de), I, 218; II, 118, 142; II, 270, 292, 293.
- Cassel (landgrave de), I, 129.
- Catherine de Russie, I, 277, 278; II, 245, 273, 277, 278, 281, 285, 287, 296, 298, 300, 301.
- Caulaincourt (marquis de), I, 122.
- Caumartin (Lefèbre de), I, 246.
- Causans (Mme de), I, 61, 263.
- Chabanais (de), II, 117.
- Châlons (de), II, 104.
- Chandelier, II, 36.
- Charles-Théodore (électeur palatin), I, 88.
- Chartres (duc de), I, 55; II, 116.
- Chartres (duchesse de), I, 172.
- Châtelet (duc du), II, 155.
- Chauvelin (de), II, 12.
- Chazet (Mme de), I, 161.
- Choin (Mlle), II, 10.
- Choiseul (duc de), II, 2, 119, 204, 220.
- Cicé (Champion de), II, 135.
- Clotilde (Mme), I, 21, 25, 26.
- Cobentzel (comte de), II, 355.
- Cobourg (prince de), II, 327.
- Coigny (duc de), I, 143.
- Coigny (comte de), 1, 61.
- Condé (Louise-Adélaïde de Bourbon, princesse de), I, 60, 210, 224, 226, 227, 229, 231, 232, 275.
- Condorcet, II, 151, 241.
- Contat (Mlle), II, 113.
- Conzié (de), II, 227, 270.
- Cornwallis, I, 219.
- Corradini, II, 163.
- Courtebonne (comtesse de), I, 222.
- Croy (prince de), II, 106.
- Crussol (chevalier de), I, 56.
- Crussol (duc de), II, 165.
D
- Dassy (Dr), I, 27, 296.
- Deux-Ponts (des), I, 217.
- Deux-Ponts (Mme des), I, 217, 256.
- Dietrichstein (prince de), II, 356.
- Dillon, II, 298.
- Dillon (comtesse), I, 60.
- Dillon (abbé), II, 116.
- Direntis (prince abbé de), II, 333.
- Doublet (Mme), I, 110.
- Dugazon (Mlle), I, 209; II, 108.
- Dumouriez (général), II, 322, 324, 325.
E
- Elisabeth (Madame), I, 1, 20 à 29, 41, 45, 48, 53, 63, 71, 72, 107, 130, 138, 142, 150, 163, 168, 169, 172, 173, 178, 183, 193, 221, 235, 243 à 250, 254, 289, 296 à 301, 307, 312 à 320; II, 8, 60, 73 à 75, 97, 132 à 141, 145, 149, 150, 155, 156, 168, 183 à 185, 192, 206 à 220, 222, 226, 239 à 241, 254, 263, 268, 272, 302, 307, 309, 320, 324, 334, 338.
- Eprémesnil (d'), II, 92, 93, 105.
- Eterno (d'), I, 252; II, 119.
- Esterhazy (comte Valentin d'), I, 8, 51, 66, 69, 71, 73, 80, 93, 115, 116, 167, 174, 180, 183, 250, 258, 259, 267; II, 24, 25, 26, 112, 273 à 278, 282, 283, 290, 293.
F
- Ferrand (comte), I, 300.
- Fersen (de), II, 207, 212, 250, 290, 294.
- Ferté-Imbault (marquise de la), I, 22, 110.
- Firmon (Edgeworth de), II, 184.
- Fitz-Gérald (Bodkin de), II, 59.
- Fleury (Joly de), I, 165, 169; II, 53.
- Florian (chevalier de), II, 93, 122.
- Foulon, I, 166.
- Francklin, I, 61.
- Frédéric II, I, 87, 97, 102.
- Fronsac (duc de), II, 73, 113, 114.
- Fürstenberg (prince de), I, 76.
- Fürstenberg (princesse de), I, 76.
G
- Garde (de la), I, 61.
- Genêt (ambassadeur à Saint-Pétersbourg), II, 274, 293.
- Genlis (Mme de), I, 242.
- Giles (Mme), I, 199.
- Gœthe, II, 312.
- Goetz, I, 142, 210, 213.
- Goguelat (baron de), II, 269.
- Goltz, I, 91, 96, 100.
- Gourbillon (Mme), II, 120.
- Gouvernet (de la Tour du Pin), II, 135.
- Gramont (duchesse de), II, 55.
- Grasse (de), I, 173.
- Guéménée (prince de), I, 279.
- Guéménée (princesse de), I, 27, 36, 40, 44, 54, 59, 60, 69, 174, 182, 206, 232, 280, 281.
- Guiche (duc de), I, 143; II, 32.
- Gustave III de Suède, I, 303; II, 282.
H
- Harcourt (duc d'), II, 9, 121.
- Harcourt (duchesse d'), II, 109, 110.
- Hautoir (du), II, 198.
- Hector (d'), II, 252.
- Henri de Prusse, I, 304; II, 98, 109.
I
- Isle (chevalier de l'), I, 278, 281.
J
- Joseph II, I, 34, 36, 39, 41, 87, 88, 89, 91, 96, 104, 178.
K
- Karg (baron de), I, 112.
- Kaunitz (prince de), I, 89.
L
- La Fayette (marquis de), I, 246; II, 23, 136, 226, 267.
- Lamballe (princesse de), I, 180.
- Lambesq (prince de), I, 116; II, 66.
- Lameth (de), II, 140, 142, 226.
- Lamoignon (de), II, 29, 50 à 57, 65.
- Las Cases (marquise de), II, 97.
- Lastic (Mme de), I, 197.
- Lemonnier, I, 27.
- Listenois (prince de Bauffremont ou de), II, 35.
- Lima (don Fernando de), II, 35.
- Lochrum (Mlle de), I, 77.
- Lorges (duchesse de), II, 121.
- Louis XVI, I, 87, 91, 114, 120, 166, 239, 249, 261; II, 17, 66, 71, 72, 129, 147, 152, 155, 169, 175, 184, 185, 202, 205, 208, 221, 222, 245, 258, 264, 269, 303, 304, 314, 319.
- Louis Wenceslas de Saxe, II, 232.
- Louise (Madame), I, 29.
- Louis-Joseph-François-Xavier (premier Dauphin), I, 203, 204, 205, 206; II, 125 à 131.
- Louvois (marquis de), I, 8, 186, 188, 190, 191, 241.
- Louvois (marquise de), née baronne d'Hoffel, I, 172.
- Louvois (marquise de), née Bombelles, I, 244, 282, 283.
- Lückner (maréchal de), II, 265.
- Luxembourg (duc de), II, 123.
- Luzerne (marquis de la), II, 68, 69.
M
- Mackau (baronne de), née Soucy, I, 11, 23, 25, 27, 30, 32, 34, 35, 41, 45, 61, 121, 137, 267, 331; II, 191, 316.
- Mackau (baronne de), née A. de Chazet, I, 161; II, 61.
- Mackau (Marie-Angélique de), voir marquise de Bombelles.
- Mackau (baron de), I, 324, 336; II, 174, 189.
- Mailly (duchesse de), I, 82, 169.
- Malesherbes (de), II, 4, 7.
- Marchais (Mme de), I, 197.
- Marck (comte de la), I, 104.
- Marck (comtesse de la), I, 40; II, 3, 110.
- Maret (futur duc de Bassano), II, 317.
- Marie-Antoinette, I, 8, 26, 40, 63, 72, 80, 81, 90, 91, 98 à 100, 116 à 120, 178, 179, 205, 213, 238, 246 à 251, 261, 281, 305; II, 17, 28, 71, 77, 78, 129, 137, 188, 202, 207, 212, 221, 236, 279, 280, 304.
- Marie-Christine (princesse), I, 306.
- Marie-Louise (archiduchesse, duchesse de Parme), II, 378, 379, 380.
- Marie-Thérèse d'Autriche, I, 89, 92 à 94, 97 à 100, 116, 157.
- Marlborough (duc de), I, 287.
- Marsan (comtesse de), I, 20, 23, 24, 27, 28, 321, 322, 324, 327, 338.
- Martin (J.-B.), I, 54.
- Matignon (comtesse de), née Breteuil, I, 285; II, 236.
- Matignon (Mlle de), II, 3.
- Maurepas (de), I, 98, 99, 114, 128, 136, 166, 169, 170, 215, 216.
- Melfort (Mme de), I, 61.
- Mercy, I, 88, 93, 95, 100, 115, 267; II, 235.
- Mirabeau (marquis de), II, 109, 110, 112, 183, 187.
- Mirepoix (maréchale de), I, 114.
- Monaco (Mme de), I, 222; II, 237.
- Monsieur, II, 93, 290, 322.
- Monstiers-Mérinville (vicomtesse des), I, 1.
- Montaigu (abbé), I, 23, 61, 108.
- Montmorency (princesse de), II, 4.
- Montmorin (comte de), I, 254; II, 3, 29, 99, 108.
- Montyon, II, 94, 123.
- Moreau le jeune, I, 245.
- Mortemart (Mlle de), I, 18; II, 106.
- Mortemart (duc de), II, 82.
- Mouchy (duchesse de), I, 120.
N
- Naillac (chevalier de), I, 78, 81, 109, 121, 125, 139, 141.
- Nassau-Siegen (prince de), I, 128; II, 244.
- Necker, I, 165, 166, 169; II, 44, 50, 69, 78, 85, 99, 101, 115, 125.
- Neipperg (comte de), I, 261.
- Neipperg (comtesse de), I, 113.
- Noailles (marquis de), II, 119.
- Nollet (abbé), I, 23.
- Nord (grand duc et grande duchesse Paul de Russie sous le nom de comte et comtesse du), I, 271, 275, 276.
- Normandie (duc de), II, 18, 119.
O
- Oberkirch (baronne d'), I, 272, 273, 274.
- O'Dune, I, 285.
- Offémont (Mme d'), I, 6.
- Olbreuse (Mlle d'), I, 46, 47.
- Orléans (duc d'), II, 83, 89, 216.
- Orsay (Grimod Dufort, seigneur d'), I, 122.
- Orsay (comte d'), I, 122.
- Osman Khan (Monchan), II, 38.
- Ossun (comtesse d'), I, 169.
- Ostermann, II, 280, 284, 285, 296.
- Oxenstiern, II, 234, 291.
P
- Panin (de), I, 103.
- Pétion, II, 264, 310.
- Pie VI, I, 269, 270.
- Pilcher (baron de), I, 100.
- Podenas (de), I, 61.
- Polastron (Mme de), II, 183, 201, 237.
- Polignac (comtesse Diane de), I, 61, 62, 71, 136, 164, 191, 256, 257, 262; II, 143, 164.
- Polignac (duchesse de), II, 48, 69, 70, 109, 143, 149.
- Poitrine (Mme), I, 207.
- Pons (de), I, 250.
- Pompignan (Lefranc de), II, 135.
- Porte (Mme de la), I, 246.
- Praslin (duchesse de), II, 23.
- Prisy (de), I, 247.
- Provence (comte de), I, 64, 119.
- Provence (comtesse de), II, 120, 121.
R
- Raigecourt (marquis de), II, 227, 232, 242, 246, 257, 258.
- Raigecourt (marquise de), I, 1; II, 11, 145, 149, 184, 226, 229, 238, 247, 251, 325.
- Rassé (Marie-Suzanne de), I, 4.
- Rayneval (Gérard de), I, 43, 61, 164, 251.
- Razé (Mme de), I, 61.
- Régis (comte et comtesse de), II, 266, 336, 341, 351 et suivantes.
- Reichemberg (comtesse de), voyez marquise de Louvois, I, 44 à 46, 123, 126, 134, 144, 186, 187, 198, 214, 242.
- Richelieu (maréchal de), II, 42, 113.
- Richelieu (duchesse de), II, 103.
- Robert (frères), I, 291.
- Robespierre, II, 149.
- Rochambeau, I, 219.
- Roche Lambert (Mme de la), I, 226.
- Rodney, I, 173.
- Rœderer, II, 310.
- Rohan (cardinal Louis de), I, 19; II, 106.
- Rohan-Rochefort (princesse Charlotte de), I, 309, 328, 330, 334, 335; II, 16.
- Roland (Mme), I, 22, 39.
- Romanzof (comte de), II, 234, 281, 291.
- Rosambo (Le Pelletier de), II, 65.
S
- Saint-Huberti (Mme), I, 175.
- Saint-Lambert (de), II, 98.
- Saint-Priest (comte de), I, 181, 266; II, 13, 52, 275.
- Sainte-Foix (Radix de), II, 3.
- Saluces (de), I, 260.
- Santerre, II, 329.
- Savonnières (de), II, 136.
- Saxe-Teschen (duchesse de), I, 169.
- Schwartzenau (M. de), I, 96.
- Schwartzenau (Mme de), I, 10.
- Schwartzenau (Mlle de), I, 10, 33, 43, 133.
- Schwartzengald (Mme de), II, 254.
- Ségur (comte de), I, 304.
- Sémonville (marquis de), II, 327, 328.
- Sérant (Montmorency-Luxembourg, marquise de), I, 61, 108, 233.
- Sombreuil (de), II, 275.
- Soreau (Mme de), I, 53, 61.
- Soubise (maréchal de), I, 175.
- Soucy (marquise de), I, 52, 63, 78, 108.
- Sophie (Madame), I, 253.
- Sophie-Hélène-Béatrix (fille de France), I, 317.
- Soucy (marquis de), II, 329.
- Souvié (marquise de), I, 187.
- Staël (Mme de), II, 122, 221.
- Stedingk, II, 293, 294.
- Suffren (baron de), II, 17.
- Suleau, II, 235, 255.
T
- Tarente (princesse de), I, 225.
- Tencin (Mlle de), I, 18.
- Thiars (comte de), II, 115.
- Thouret, II, 217, 222, 241.
- Tilly (Mme de), I, 61.
- Tippoo-Saheb, II, 36.
- Tour et Taxis (princesse de), I, 77, 111; II, 364.
- Trautmansdorf, I, 268.
- Travanet (marquis de), I, 146, 249.
- Travanet (marquise de), I, 148, 150, 198, 213, 273, 308; II, 1, 3, 202, 369.
- Trëmoille (duchesse de la), I, 225.
- Tressau (comte de), I, 284.
V
- Vandamne (général), II, 364.
- Vautourmel, II, 160.
- Vaupalière (marquis de la), II, 5.
- Vaupalière (Mme de), I, 168, 187, 255.
- Vaudémont (princesse de), II, 35.
- Vauguçon (duchesse de la), II, 35.
- Vaux (maréchal de), II, 27, 31.
- Vergennes (comte de), I, 45, 87, 98, 126, 128, 161, 251, 252, 266; II, 257.
- Vergennes (comtesse de), I, 169, 170, 181, 211, 242, 251, 252.
- Vibraye (de), I, 56.
- Viosmesnil (de), II, 261, 269, 290.
- Volude (comtesse de Lâge de), II, 127, 129.
Z
- Zouboff (Platon), II, 275.