Les historiettes de Tallemant des Réaux, tome quatrième: Mémoires pour servir à l'histoire du XVIIe siècle
data ainsi l'année suivante:
Depuis, il se rajusta peu à peu avec Lyonne, qui souffrit enfin qu'il allât chez lui.
En ce temps-là Bensserade commença fort à décheoir; ses premières pièces sont bien plus raisonnables; il y a au moins presque toujours deux bons vers pour deux méchants. Il en fit alors une, où il disoit à une femme:
Je lisois cette pièce devant une femme, et je m'arrêtai exprès après ce vers,
«Hélas! dit-elle, il n'en faut point tant: on est quelquefois bien empêchée d'un.» On fit un couplet contre lui sur l'air de Grand Guenippe:
On le faisoit enrager, en l'appelant le poète Bensserade, car les voleurs dirent dans leur déposition qu'ils avoient volé un soir le poète Bensserade. «Helas! dit-il, ils ne me prirent que deux quarts d'écu; mais ils m'ôtèrent mon manteau; pour ma montre, je la coulai dans mon caleçon, et trépignois des pieds de peur qu'ils n'entendissent le balancier. Le cocher de celui avec qui j'étais dit naïvement aux voleurs: Messieurs, avez-vous fait? irai-je?»
La plus raisonnable action que Bensserade ait faite de sa vie, ce fut que M. de Châteauneuf ayant été fait garde-des-sceaux pour la seconde fois, en 1650, il fit en sorte que la pension que Gombauld avoit sur le sceau fût continuée: il étoit des amis de madame de Leuville, femme du neveu du garde-des-sceaux, et il la fit agir comme il falloit; après il écrivit un billet à Gombauld, sans signer, par lequel on l'avertissoit que l'affaire étoit faite, et qu'il en avoit l'obligation à madame de Leuville, à madame de Villarceaux sa belle-sœur, à madame de Chaulnes la vidame[430], à madame de.......[431], et au président de Bellièvre, et ne parloit point de lui.
. L'abbé Tallemant[432] dit que cela vient de ce qu'un jour il dit à Bensserade que Gombauld faisoit cas de sa poésie. A la vérité il avoit été prié de prendre cette peine par quelque ami de Gombauld, et ne s'en étoit pas avisé de son propre mouvement; aussi n'étoit-il pas tenu de savoir que l'autre fût en nécessité. Nous parlerons de lui dans les Mémoires de la Régence.
MADAME DE CASTELMORON[433].
Madame de Castelmoron étoit héritière de Vicose, une maison de gentilshommes de Gascogne, et avoit trente mille livres de rente. On la maria à un cadet de La Force, frère du duc d'aujourd'hui. Cet homme n'avoit pas vingt mille écus de partage, étoit et est encore un petit homme fort mal bâti et qui n'a rien de recommandable en lui que d'entendre bien la chasse. Elle n'étoit point mal faite, et ne manque nullement d'esprit.
A la première guerre de Bordeaux (1650), il arriva à cette femme une assez étrange aventure. Saint-Geniez, aujourd'hui gouverneur de Brienne pour le cardinal Mazarin (c'est un cadet de Navailles), comme lieutenant-général, commandoit un quartier vers les landes de Bordeaux, où cette femme a une maison appelée Casenave; il fit connoissance avec elle: on avertit le mari qu'il y avoit de la galanterie entre eux. Cependant Saint-Geniez est un garçon qui a une jambe de bois, et, ce qui est de plus difforme, sa véritable jambe n'est point coupée, mais elle lui est inutile, et du pied il se touche quasi le derrière; avec cela il a un bras si fort collé contre le corps, qu'il ne s'en sert quasi point; il a peu d'esprit, mais beaucoup de cœur. Le mari, à ce qu'elle dit, avoit déjà été excité contre elle par ceux de sa famille: elle dit que le duc, alors le marquis de La Force, avoit été amoureux d'elle, qu'elle en avoit des lettres d'amour, et qu'il étoit enragé contre elle de ce qu'elle l'avoit rebuté. D'autres disent que c'est une coquette, et qu'on en avoit déjà médit à Bordeaux, avec je ne sais quel médecin. Un jour, durant les premiers troubles, Castelmoron vit un paysan qui, voulant entrer dans le château, se retira dès qu'il l'aperçut; il l'appelle; cet homme s'enfuit; il court après lui, et enfin le fait revenir. Ce paysan lui avoue qu'il apportoit des lettres, et qu'il avoit ordre de les donner secrètement au maître d'hôtel. Castelmoron les prend; il y en avoit deux, une à cet homme, par laquelle on le prioit de rendre l'autre à madame. Le mari ouvre celle de sa femme; il y voit des lignes en chiffres en deux ou trois endroits; le voilà en colère: il va brusquement demander à sa femme les clefs de sa cassette, de son cabinet et de tous ses coffres. Elle eut beau haranguer, il fallut enfin les donner. Il prend tout ce qu'il trouve de lettres, qui n'étoit pas un petit paquet, car cette femme se pique d'écrire à tous les beaux esprits de province, et reçoit une infinité de lettres; et avec cela il s'en va à Castelnau[434] trouver tous les MM. de La Force qui y étoient alors assemblés. Là on se met à déchiffrer cette lettre, et, après y avoir bien rêvé, ils crurent l'avoir déchiffrée, et qu'il y avoit en un endroit, consolez-vous de la mort de votre petite, à la première vue nous réparerons cette perte. Par l'avis de la parenté, le mari écrit à sa femme que le bien de leurs affaires l'obligeoit à demeurer à Castelnau, et qu'elle l'y vînt trouver aussitôt la présente reçue. Elle va consulter sa mère, remariée au comte de Cabrères; cette femme n'est point d'avis qu'elle y aille: «Tenez-vous chez vous, vous y êtes la maîtresse.» Celle-ci se dérobe et s'y en va avec sa fille aînée, un enfant de sept à huit ans: au même temps, on pratique un brave qui querelle Saint-Geniez; ils se battent; mais le pauvre brave ne se trouve pas bien du tour d'ami qu'il faisoit à MM. de La Force; car Saint-Geniez le tua. Madame de Castelmoron arrivée, on la fait mettre sur la sellette: elle se défend fort bien, car elle ne manque pas de courage, non plus que d'esprit. Le vieux duc étoit pour elle, et il en pleuroit de compassion: elle étoit toujours à table auprès de lui, et, pour plus grande sûreté, ne mangeoit que de ce qu'il mangeoit.
Le mari, au bout de quelque temps, fait semblant d'être satisfait, et parle de s'en retourner: on ne dit rien au bonhomme de ce qu'on avoit résolu. Ils partent; mais ils n'eurent pas fait deux lieues, que voilà des gens armés qui l'emmènent toute seule dans un vieux château à chats-huants. Ce coup-là elle crut être morte; mais pour ne pas leur donner lieu de pouvoir dire qu'elle étoit morte de sa mort naturelle, elle se résout à ne manger que des œufs en coque et à ne boire que de l'eau. Voyant sa résolution, ils firent une mine qui fit sauter tous les planchers du corps de logis où elle étoit, dans l'instant que, par bonheur, elle étoit entrée dans un petit cabinet qui étoit dans l'épaisseur du mur. Cette espèce de miracle touche le mari; il croit qu'elle est innocente, et que c'est pour cela que Dieu l'a sauvée, car c'est un bigot entre les Huguenots.
La marquise de La Force en est de même, et, persuadée du crime de cette femme, elle croyoit qu'une adultère étoit digne de mille morts; il pouvoit aussi y avoir de la jalousie, à cause de son mari, si ce que dit madame de Castelmoron est véritable. Le mari se jette aux pieds de sa femme, lui demande pardon, et elle retourne avec lui.
Comme j'ai déjà dit, elle est la maîtresse, gouverne tout; lui ne se mêle de rien: il y a quelque douceur à cela; d'ailleurs un mari est nécessaire à une galante. La mère avoit commencé un procès à Bordeaux; on jette les informations au feu. Elle a su depuis que la famille avoit mis dans la tête de Castelmoron le plus ridicule scrupule du monde: elle étoit grosse; on suppute combien il y avoit qu'il n'avoit couché avec elle, et on lui fait promettre d'en faire justice si elle n'accouche précisément dans les neuf mois. Par bonheur elle y accoucha.
Quelques années après, Isar[435], garçon bien fait, qui a bien de l'esprit, et qui fait joliment des vers, fit connoissance avec elle à Toulouse; il avoit déjà été plusieurs fois à Paris; je ne doute pas qu'il n'en ait eu toutes choses. Il alla même avec elle à la campagne; et, à Paris, où il vint ensuite, elle lui écrivoit sans cesse; même il découvrit que son valet avoit été gagné et que la demoiselle de la dame avoit commerce avec lui pour savoir toutes les galanteries de son maître. Il trouva moyen de retirer toutes les lettres de la suivante que ce valet gardoit, et puis il le renvoya tout doucement.
Enfin la conduite de la dame a justifié le mari et la famille du mari. Elle a fait encore d'autres galanteries, et puis elle a changé de religion; même elle voulut faire accroire à la cour que ses filles, qui sont déjà assez grandes, vouloient en faire autant. Il fallut les faire venir et les mettre en sequestre: elles déclarèrent qu'elles vouloient être de la religion de leur père.
RÉNEVILLIERS.
Rénevilliers s'appelle Henri Barjot. Son père étoit maître des requêtes et s'appeloit M. de Marchefroid. Cet homme ne fut pas le meilleur ménager du monde; il ne laissa pas pourtant de conserver assez de bien pour pourvoir honnêtement ses enfants, et Rénevilliers, quoique cadet, a quatre mille livres de rente de partage. Il se fit d'épée; ils sont de bonne famille. Il acquit de la réputation, se battit en duel et eut avantage. Il quitta bientôt le service et se mit à faire une vie assez bizarre. Son frère aîné, nommé d'Auneuil, faisoit le gentilhomme, sans porter les armes; il n'étoit point marié. Rénevilliers, qui ne vouloit point qu'il se mariât, car il est terriblement avare, et il espéroit que ce frère, qui se portoit bien, et qui n'a qu'un an de plus que lui, mourroit, avoit soin de le remettre bien avec une certaine femme dont il étoit amoureux; car ils se brouilloient souvent cette femme et lui; et le jour qu'ils devoient se revoir, notre homme alloit à la chasse, et leur apportoit toujours quelque couple de perdrix. Mais malgré tous ses soins, ce frère se maria avec la sœur de Saint-Etienne, dont nous avons parlé, nièce du père Joseph. Cela mit notre cadet en si méchante humeur, et lui tenoit si fort à la tête, qu'il ne pensoit à autre chose ni nuit ni jour; et on m'a dit qu'une nuit qu'ils étoient couchés en même chambre dans une hôtellerie, je crois qu'ils avoient eu quelques différends sur leurs partages, Rénevilliers, tout en dormant, alla, l'épée à la main, pour tuer son frère, qui n'avoit point encore d'enfants; mais ce frère se réveilla fort à propos. Toute leur vie les deux frères ont eu maille à partir. Le commencement vint de ce que Rénevilliers fut forcé de tuer un gentilhomme de leurs voisins; et voici comment. Leur père avoit laissé perdre beaucoup de droits, de sorte qu'eux, les ayant voulu rétablir, eurent bien des démêlés avec leur voisinage. Un jour que notre homme étoit à l'affût dans un bois, où il prétendoit droit de chasse, celui à qui étoit le bois survint, et en l'appelant Petite Ecritoire, car Rénevilliers étoit fort jeune, va à lui l'épée à la main. Rénevilliers lui dit que s'il avançoit, il le tueroit: l'autre ne laissa, et Rénevilliers en fit comme il eût fait d'un lapin. Cette affaire leur coûta beaucoup, et, comme elle avoit eu lieu pour conserver les droits de leur terre, il prétendoit que toute la famille y contribuât. Il arriva aussi long-temps après que, des gens de guerre voulant loger à Auneuil, il contrefit l'aide-de-camp, et changeant leur route, les envoya chez un homme de robe de leurs voisins; mais cet homme, qui avoit du crédit, le fit condamner aux dépens. Je me souviens qu'on le faisoit enrager quand on l'appeloit M. l'aide-de-camp. Il prétendoit encore qu'on le remboursât de ces frais-là. Enfin ils s'accommodèrent.
Rénevilliers a toujours aimé le sexe, mais à son profit. Il étoit grand et bien fait et baisoit une fruitière pour avoir du dessert, une bouchère pour de la viande, et une grènetière pour de l'avoine. Il est vrai qu'il paya une fois une pourpointière en la plus plaisante monnoie du monde. Une veille femme veuve, de la rue de la Pourpointerie[436], avoit long-temps habillé ses laquais, de sorte qu'il lui devoit une assez grosse somme: cette femme l'alloit voir souvent et lui présentoit toujours ses parties; Rénevilliers la remettoit de jour à autre, et cependant il cherchoit quelque invention pour ne point payer. Enfin il lui dit une fois: «Venez demain matin à dix heures, je vous donnerai contentement.» La vieille fut dès neuf heures dans sa chambre: il envoie chercher à déjeûner, la fait boire, la met en belle humeur, et tout d'un coup il la pousse sur le lit, où il la contenta si bien, qu'après cela elle prend ses parties, les jette au feu, et lui dit: «Allez, vous ne méprisez point vieillesse; il ne sera jamais dit que je demande rien à un si honnête homme que vous.»
Il chercha dix ans durant à tromper en mariage, comme il avoit fait en concubinage; mais il pensa bien être trompé lui-même. Une marieuse de gens, on appelle cela vulgairement une apparieuse, qui se nommoit, disoit-on, dame Bricolleuse, lui proposa un parti de conséquence, et lui dit qu'il se trouvât à Saint-Gervais un tel jour pour voir la dame. Elle lui conseilla, lui protestant qu'elle ne faisoit point de conscience de le servir au préjudice d'un autre, d'emprunter l'équipage de quelqu'un de ses amis. Rénevilliers emprunte donc l'habit et le train d'un seigneur de la cour qu'il connoissoit, et entre à Saint-Gervais suivi d'un page, qui lui portoit un carreau avec de l'or, et d'assez bon nombre de laquais: il n'y fut pas plus tôt que la Bricolleuse l'accoste, et lui montre une femme de bonne mine, bien vêtue, et qui n'avoit pas moins de suite que lui; ils se regardent long-temps tous deux, et enfin le galant se retire après avoir su le logis de la dame. Il y alla le lendemain et reconnut bientôt que la Bricolleuse les trompoit tous deux, et il coucha bientôt avec cette créature et sans grande peine.
Il lui arriva une assez plaisante aventure au faubourg Saint-Germain. Il s'y promenoit dans un jardin avec une femme dont il étoit amoureux, et, ayant trouvé l'heure du berger, il étoit sur le point de mettre l'aventure à fin, quand un couvreur, qui les voyoit de dessus un toit, se mit à crier: «Allez...... plus loin.»
Il arriva une chose toute pareille à Habert, secrétaire du Roi, frère aîné du commissaire de l'artillerie et de l'abbé de Cérisy; il alloit tout de même...... une suivante de La Bazinière, dans une hôtellerie des Ardillières à Saumur, quand une sentinelle du château menaça de leur tirer s'ils n'alloient...... plus loin.
Quoiqu'il cherchât fortune en ville, il ne laissoit pas d'avoir un ordinaire chez lui; c'étoit une vieille servante, nommée Blanche. Cette femme avoit été long-temps dans un hôpital; elle y avoit appris cent recettes, et dans la Villeneuve-sur-Gravois[437], près la porte Saint-Denis, ou Rénevilliers demeuroit pour avoir une chambre à meilleur marché, elle servoit de chirurgien, saignoit, renouoit, etc. Elle y étoit connue de tout le monde, jusqu'aux petits enfants. Son maître ne l'étoit pas moins; et quand on disoit M. le baron, on entendoit Rénevilliers. Blanche le plus souvent composoit elle seule tout son train, car comme il vivoit un peu en bohême, la plupart du temps il n'avoit pas un pauvre laquais, et plusieurs fois il est arrivé à Blanche de l'aller quérir le soir en ville, montée sur son cheval, avec un flambeau à la main et une épée au côté.
Au commencement de la régence, espérant attraper un bénéfice, il se mit à porter la soutane et à faire le dévôt; il disoit qu'en effet il sentoit quelque repentir, et qu'il n'étoit pas trop mal dans le chemin du paradis. Mais la dévotion cessa avec l'espérance du bénéfice, et aussi la soutane ne valoit plus rien. Nous avons su depuis que cette soutane n'étoit point à lui, et qu'un nommé Bouillon, qui avoit été aumônier de Montmoron, la lui avoit prêtée et ne l'avoit pu ravoir. Durant sa dévotion, il se fit donner l'intendance des enfans trouvés du diocèse de Beauvais, car Rénevilliers est en ces quartiers-là[438]. Les méchantes langues disoient que c'étoit pour avoir leurs langes et leurs couches. Enfin insensiblement il se défit de toute sa bigotterie, à une croix d'or près, qu'il portoit attachée à son pourpoint avec un ruban violet; encore s'en défit-il à la fin. Depuis il eut un procès contre M. de Beauvais, qui défendit au curé du village de Rénevilliers de le recevoir à la communion; je pense que c'étoit à cause de Blanche. Rénevilliers ne s'en prit point au curé; mais il alla s'en plaindre au bailli de Beauvais, vieux cavalier âgé de quatre-vingts ans, lui représenta qu'il étoit le père de la noblesse, et que c'étoit à lui à faire faire raison aux gentilshommes. Le bailli se moqua de lui. Quelqu'un qui s'y trouva dit après à cet homme qu'il avoit tort de traiter ainsi un homme de cœur et de condition qui s'en pourroit bien prendre à son fils. M. de Villeroi, qui le sut, envoya des gardes à Rénevilliers, qui déclara qu'il n'en vouloit point à ce vieux radoteur; mais lui, qui ne sait quasi pas lire, il accusa M. de Beauvais d'avoir fait un livre où il y a des choses contre la doctrine de l'Eglise. Cela s'accommoda avec le temps. Il y a quelques années qu'il envoya aux filles de madame d'Agamy, chez laquelle il est familier de tout temps, une souris dans une boîte pour leurs étrennes. Elles, pour s'en venger, lui envoyèrent, au nom de leur père, deux bouteilles, l'une de vin d'Espagne, et l'autre de décoction. Il se défioit de quelque malice, et, pour s'en assurer, il en fit boire au laquais. Le laquais, qui, averti de tout, savoit laquelle étoit la bonne bouteille, en but volontiers un grand verre: Blanche vient, qui ne le vouloit point croire; il gage un écu contre elle et le gagne. Aux Rois, il envoie l'autre bouteille à son procureur, qui en fit grande fête à ses voisins, et les convia d'en venir boire; mais ils pensèrent le gourmer, quand ils en eurent goûté. Voilà le procureur outré; il fait perdre le procès à Rénevilliers, et il fallut rendre à Blanche son écu, et lui en donner encore un autre.
Présentement il parle d'aller en Canada pour épouser la reine des Hurons, et il n'est pas plus sage qu'il étoit il y a vingt-cinq ans.
MADAME ROGER.
Madame Roger est fille d'un gentilhomme d'entre la Lorraine et le Liége, de bonne maison, mais pauvre; elle l'appeloit M. le comte de Fermont. Le nom de la fille, c'est d'Ueil. Sa mère n'étoit pas tout-à-fait si noble; elle étoit fille d'un chanoine de Toul qui lui avoit donné un assez gros mariage. Notre madame Roger, étant fille, demeura assez long-temps à Toul en attendant quelque bonne occasion. Enfin, au dernier voyage que le feu Roi fit en ce pays-là, un nommé Roger, fils d'un riche orfèvre de Paris, qui avoit quitté sa boutique et étoit mort quelque temps après, devint amoureux d'elle, l'épousa et l'emmena à Paris. Elle a dit depuis qu'elle avoit cru que Roger étoit gentilhomme, et qu'autrement elle n'eût eu garde de l'épouser. C'étoit une grande femme, assez bien faite, qui parloit sans cesse de sa maison; et surtout elle étoit insupportable au Cours, car elle ne faisoit que prôner sur les armoiries des carrosses; d'ailleurs elle avoit de l'esprit comme une Lorraine. Son mari, d'autre côté, ne faisoit que jouer, aller au b....., et ivrogner. J'ai ouï dire à la dame que plus de deux ans durant après leur mariage, il petunoit[439] tous les soirs dans le lit, elle y étant. Il lui arriva une fois une plaisante aventure: il avoit une guenon un soir qu'il prit quelque drogue; la guenon en but une partie: il la met coucher avec lui à son ordinaire; sa femme étoit aux champs. La drogue opère pour la guenon comme pour lui; mais elle n'alloit pas au bassin, et elle foira d'une si épouvantable manière, qu'elle chia sur le nez de Roger et remplit le lit d'ordure de l'un à l'autre bout.
Cette femme faisoit fort la prude. Un de mes frères, nommé Lussac, grand garçon, bien fait et bien dansant, s'avisa de l'entreprendre, et nous déclara hautement qu'il y alloit planter le piquet et que s'il en venoit à bout, il l'en feroit bien marcher droit. Je le trouvois bien hardi de se jouer à une femme qui méprisoit terriblement les gens de la ville: aussi, quoiqu'il y tînt le siége fort longuement, n'y fit-il pas grand progrès, et les médisants disoient qu'il lui avoit prêté de l'argent sans coucher avec elle, et que, de cet argent, elle en avoit payé un autre galant. Ce galant étoit un gentilhomme lorrain, nommé Vinueilles[440], qui étoit, disoit-elle, son parent.
Elle étoit notre voisine, et ayant été obligé de donner les violons, à mon tour, comme les autres jeunes gens du quartier à cause de sa fille, il fallut que ce fût à elle que je les donnasse. Je voyois bien à sa mine qu'elle avoit quelque honte qu'un bourgeois lui donnât les violons, et je disois: «Sur ma foi, je suis bien fâché qu'elle soit si sotte, car à une autre je lui ferois comprendre que c'est le roi Jugurtha qui lui donne les violons, car mon père les paie à cause de la traduction que je lui ai faite de la guerre de Jugurtha[441].» Il pensa arriver une étrange esclandre à ce bal. Le prince d'Harcourt, avec ses frères, heurta à la porte un moment après que les laquais et ceux qui la gardoient s'étoient battus. Le cuisinier d'un de mes beaux-frères, qui s'étoit mis du côté de nos portiers, avoit une estocade[442], dont la lame étoit fort étroite: croyant que ce fût encore ces laquais qui heurtassent, il passe son épée par la serrure de la porte, et larde le prince d'Harcourt, qui en eût eu un demi-pied dans le corps s'il ne se fut tourné pour parler à quelqu'un; mais effectivement le cuisinier, comme s'il eût piqué de la viande, ne prit que la peau. Aussitôt voilà un bruit du diable; je sors de la salle avec un de mes amis, nous voyons un valet-de-chambre qui, tout furieux, montoit en haut; nous le suivons; il alloit tirer un coup de fusil sur M. d'Elbeuf dans la cour; nous lui ôtons son arquebuse et l'attachons à la quenouille du lit, non sans lui donner quelque horion; nous descendons, et nous voyons tous les trois frères qui entrent dans la salle l'épée à la main. On n'entendoit autre chose que monsieur mon frère est blessé. Je me mis derrière, et ne me vantai pas autrement d'être le maître du bal; Pimpernelle vient, panse monsieur mon frère, qui dansa avant que de partir. Madame de Congis, qui fourre toujours son nez partout, me fit parler au prince d'Harcourt, et nous fûmes les meilleurs amis du monde. Il y avoit eu des coups rués à la porte, car un cocher, qui se sentoit innocent, fut si sot que d'ouvrir sans m'avertir, et en eut la tête cassée. Pour le cuisinier, il s'évada, et on ne l'a jamais vu depuis. Il fallut mener ce cocher au prince d'Harcourt, car il croyoit que c'étoit lui qui l'avoit blessé; j'en fus quitte pour cela; il ne le voulut pas voir, et me traita fort civilement.
Pour revenir à madame Roger, elle devoit tant à tous ceux qui la fournissoient, et elle avoit tant emprunté, qu'elle résolut de s'en aller: en ce dessein elle prend une chaise, se fait porter aux Jésuites de la rue Saint-Antoine, prend une autre chaise et va chez la mère Marguerite, auprès de Charonne. Vineuilles l'avoit ruinée plus que tout le reste. Le mari, qui avoit été si sot que de donner à sa femme une procuration générale, trouva après qu'elle lui avoit fait pour cinquante mille écus de dettes. Quelques jours après elle envoya dire qu'elle étoit chez la mère Marguerite; il l'y fut prendre et la mena à une maison qu'il avoit à Essone. Là, il tâcha, par toutes sortes de voies, de lui faire confesser ce qu'elle avoit fait de tout cet argent. On dit qu'il n'en put rien tirer, sinon qu'elle avoit donné à diverses fois vingt mille livres à son père: il est vrai qu'il venoit tous les ans faire la récolte; c'étoit un des plus sots hommes que j'aie vus de ma vie. Elle dit aussi qu'elle avoit donné huit mille livres à son cousin de Vineuilles.
Le mari, pour passer son chagrin, alla un jour à la chasse: dans ce temps-là elle donna pour sept cents livres tout le bétail de la maison qui valoit bien mille écus, et se retira dans une religion à Corbeil; de là elle alla jusqu'à Gênes, parce qu'elle y avoit un de ses parents marié. Au retour, car elle ne trouva pas son compte à Gênes, elle se mit dans les filles de Saint-Nicolas de Lorraine au faubourg Saint-Germain. Enfin Roger l'a laissé et ne sait que lui donner par an.
On fait un plaisant conte de ces filles de Saint-Nicolas. Les Cravates brûlèrent Saint-Nicolas quand on prit la Lorraine; plusieurs d'entre elles se retirèrent d'abord à Châlons: la plupart avoient été violées par ces brûleurs de maisons, et comme il n'y avoit pas moyen de le nier, elles appeloient cela souffrir le martyre. On dit que, comme elles faisoient le récit de leur infortune à l'évêque, il y en avoit telle qui disoit l'avoir souffert deux fois, qui trois, qui quatre: «Ah! ce n'est rien auprès de moi, dit une autre, je l'ai souffert jusqu'à huit fois.—Huit fois le martyre! s'écria l'évêque; ah! ma sœur, que vous avez de mérite!»
MADAME DE VERVINS.
Madame de Vervins, mère de Vervins qui a épousé depuis peu mademoiselle Fabert[443], est fille d'un maréchal de Lorraine, nommé de Braisne: c'étoit une grande dignité en ce pays-là; elle avoit épousé en secondes noces le feu marquis de Vervins, premier maître d'hôtel de la maison du Roi, qui étoit un des plus pauvres hommes de France. Cette femme étoit une enragée, s'il y en a jamais eu; elle battit tant de fois son mari, et lui fit tant de fois porter ses marques, que le feu Roi conseilla à Vervins de l'enfermer, et la Reine fut contrainte de lui faire dire qu'elle ne vînt plus au Louvre. Cette folle disoit: «C'est que la Reine est jalouse, et qu'elle voit bien que le Roi devient amoureux de moi.»
Durant l'amour du feu Roi (Louis XIII) pour Hautefort, elle enrageoit de ce qu'il ne s'adressoit point à elle. A Saint-Germain, pour aller voir ses amours, il falloit qu'il passât devant la porte de sa chambre; elle le faisoit toujours guetter, et se montroit à lui toujours fort parée: à la messe elle se mettoit toujours devant lui. Quelque belle qu'elle fût, cela n'y fit rien.
Je crois, en effet, que madame de Vervins avoit été belle en sa jeunesse, mais alors elle étoit crevée de graisse, et, à bien parler, elle n'avoit plus rien de beau que les cheveux: ce n'étoit pas pourtant son opinion, car elle a cru encore depuis que M. d'Enghien seroit tout heureux de jouir de ses embrassements. Effectivement on a dit qu'au retour de Fribourg elle s'adressa à un chirurgien qui le venoit de traiter de quelque incommodité qu'il n'avoit pas gagnée à la guerre, pour moyenner un rendez-vous entre elle et cet Alexandre dont elle vouloit être la Thalestris, car elle se vantoit d'être la plus vaillante femme du monde; et c'est pour cela qu'elle vouloit coucher avec lui pour faire un héros. On verra ensuite quelques-uns de ses exploits.
Sa maison étoit une espèce de conciergerie. Dès qu'une fille étoit entrée chez elle, elle n'en pouvoit plus sortir; elle les faisoit travailler et les châtioit fort rudement, car elle les faisoit fouetter. Une fois elle en mit une dehors après lui avoir fait donner les étrivières si rudement, qu'elle en mourut. Son suisse n'eût osé ouvrir la porte sans son ordre; et, pour l'avoir ouverte une fois, il fut fouetté quatre jours durant. Un chanoine de Saint-Thomas-du-Louvre, dont la maison répond dans la sienne, disoit que, le vendredi-saint de 1647, elle ne fit autre chose tout le jour que faire fesser un homme et une femme l'un après l'autre. Voiture disoit que c'étoit sans doute des Juifs sur lesquels elle vouloit venger la mort de Notre-Seigneur[444].
Au reste, elle étoit si lubrique, que j'ai ouï dire que quand il y avoit quelqu'un qui lui plaisoit à souper chez eux, car son mari tenoit la table de premier maître d'hôtel, elle défendoit de lui ouvrir la porte, et il falloit qu'il couchât dans un petit lit qui étoit dans la même chambre où son mari et elle couchoient en deux différents lits. Le lendemain le mari sortoit, mais le galant ne sortoit pas; on tiroit la porte sur la dame et sur lui, et si quelqu'un eût été assez hardi pour entrer sans qu'elle eût appelé, elle l'eût fait assommer. Vinueilles, dont nous venons de parler[445], disoit qu'il en étoit si las, qu'il avoit juré de n'y plus retourner; et une fois qu'il n'y avoit pas voulu coucher, elle le battit; elle aimoit ce garçon et vouloit une fois que son mari troquât sa charge contre des terres que ce garçon avoit en Lorraine; elle étoit jalouse de madame Roger. Un jour que celle-ci avoit mené Vinueilles jouer chez mon père, elle fut chez elle et fureta depuis le grenier jusqu'à la cave. Du temps que la Montarbaut étoit réfugiée chez M. de Chevreuse, d'où elle ne sortoit que de nuit, un soir qu'elle étoit en chaise, elle trouve madame de Vervins à sa porte: elle envoya un laquais pour savoir qui étoit cette femme; on n'avoit garde de le lui dire. «Je le veux savoir.» Les gens de cette folle grossissent: la Montarbaut, qui avoit peut-être ouï parler d'elle, envoie vite à l'hôtel de Chevreuse, et, durant la contestation, les gens de l'hôtel de Chevreuse vinrent en si grand nombre, qu'ils en tuèrent trois ou quatre; depuis elle ne se frotta plus à eux.
Elle ne passa guère mieux le jour de Pâques de l'année suivante qu'elle avait fait le vendredi-saint de 1647. Madame de Brassac, qui logeoit auprès de cette extravagante, passoit en chaise devant son logis; les gens de madame de Vervins se mirent à dire: «Voilà dame Ragonde, voilà la Martingalle qui passe.» Ceux de madame de Brassac répondirent quelque chose de plus fâcheux encore pour madame de Vervins; de sorte que cette femme, qui, oyant du bruit, s'étoit mise à la fenêtre, entendit ce qu'on avoit dit contre elle; la voilà en fureur; elle crie: «Aux armes! tue! tue!» Madame de Brassac monte et lui fait satisfaction pour ses gens, offre de les chasser, et de ne les reprendre qu'à sa prière. Elle ne reçoit point cette satisfaction; au contraire, plus enragée qu'auparavant, elle jure qu'elle les fera tous tuer, et dit un million d'extravagances: madame de Brassac se retire. Le lendemain matin cette folle lui envoya dire bien sérieusement qu'elle fît confesser tous ses gens, parce qu'après dîner madame de Vervins avoit résolu de les faire tous tuer. Après dîner, elle arme tout son domestique, se met à leur tête, la hallebarde à la main, et va à la porte de madame de Brassac, où elle ne trouva pas autrement de gens à tuer, car ils étoient sortis avec leur maîtresse. Par bonheur un gentilhomme[446] qui la connoissoit s'y rencontra, qui aussitôt la saisit au corps et la mena chez elle. Par le chemin elle crioit: «Vous m'empêchez de montrer ma générosité,» et lui arracha une bonne partie des cheveux et de la barbe. Cet homme lui fit toutes les remontrances imaginables; mais il n'en put obtenir autre chose, sinon qu'elle faisoit trève pour ce jour-là et pour le lendemain avec madame de Brassac; mais que si madame de Brassac ne faisoit tuer ceux de qui elle avoit été offensée, qu'elle en feroit une vengeance exemplaire. Enfin, il en fallut avertir la Reine, qui fit dire à madame de Vervins qu'elle ne vouloit plus ouïr parler de semblables extravagances.
Une fois, elle donna le fouet à son mari, et elle en eut après un tel repentir, que, pour en faire pénitence, elle s'alla mettre jusqu'au cou dans un marais. Elle a des foiblesses de son pays, où l'on croit fort aux sorciers; elle dit que, quand elle a fait bien bouillir des broquettes[447], ses ennemis n'ont plus de force contre elle: pour cela, elle en a toujours une caque pleine. Elle se vante d'avoir rendu paralytique la main de madame de Moret, alors madame de Vardes, en lui donnant sa malédiction, parce qu'elle avoit écrit à M. de Vervins qu'il se devoit défaire de cette enragée. Depuis la mort de cet homme, les gens de guerre l'ayant prise, elle et je ne sais combien de filles qu'elle a toujours, ils la laissèrent aller; mais ses filles furent menées dans un bois; au retour, elle les visita toutes pour voir ce qui s'étoit passé. Le lieutenant-général de Soissons, où elle étoit allée demeurer, de peur de pareil accident, fut enfermé chez elle, je ne sais combien d'heures: elle l'avait querellé et ne le vouloit pas laisser sortir. Il cria par la fenêtre; le peuple s'émut et enfonça la porte. Elle croit présentement que le suisse qu'elle a est un seigneur de Suisse qui s'est déguisé pour avoir l'honneur de la servir.
RUQUEVILLE.
Ruqueville étoit un gentilhomme de Normandie, qui s'étoit donné à M. de Longueville. C'étoit un assez plaisant homme. Il avoit un frère de mère, nommé Boisdalmais[448]; c'est celui que Ruvigny tua[449]. Il n'étoit pas trop bien avec ce frère, et il disoit que c'étoit son frère de loin, comme on dit parent de loin. Ruqueville n'avoit pas été trop bon ménager, et il disoit: «Ah! si feu mon bien étoit encore au monde, on feroit bien plus cas de moi qu'on n'en fait.»
Il s'étoit marié; mais sa femme et lui ne purent jamais s'accorder, et se séparèrent volontairement: ils avoient une fille qu'ils marièrent à un gentilhomme, nommé Le Mesnil-Leurry; elle devint amoureuse d'un garçon appelé Montrada: c'étoit un garçon bien fait et qui vivoit de ses rentes. Elle se résout, par son conseil et par celui de sa mère, d'empoisonner son mari: deux fois le poison n'opéra point. Enfin le galant lui écrit: «Je vous envoie du poison qui fera mieux son effet que les autres.» Elle prend le poison et jette la lettre dans le feu sans la déchirer; la fumée, poussée par l'air qui étoit assez grand dans la chambre, peut-être y avoit-il quelque porte ou quelque fenêtre ouverte, emporte cette lettre par le tuyau dans la cour, et elle tombe aux pieds du frère du mari qui s'y promenoit; il ramasse cette lettre, la lit, court trouver son frère, qui avoit avalé un bouillon et disoit: «Quel bouillon ai-je pris? sans doute je suis empoisonné.—Il n'y a rien de plus certain, dit le frère: tenez, voilà une lettre qui en est la preuve.» La femme accusa le cuisinier; mais il étoit constant qu'elle avoit voulu donner le bouillon elle-même à son mari, à qui elle avoit fait prendre médecine au retour d'un voyage. Je pense que le mari fut sauvé par du contre-poison: pour la mère et pour la fille, elles furent mises dans un couvent, où elles sont mortes. Ruqueville fit de cela une chanson pitoyable et lamentable, comme sur l'exécution de quelque insigne criminel.
Ruqueville étant à l'extrémité, son tailleur, à qui il devoit beaucoup, le pria de lui donner une reconnoissance. «Bon, mon ami, lui dit-il, écrivez, je la signerai.» Il lui dicta: «Je soussigné, etc., promets à maître, etc., maître tailleur d'habits à Paris, demeurant rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Eustache, etc.» Il lui en fait mettre tout le plus long qu'il peut, et, après l'avoir bien fait écrire, il ajoute cent coups de bâton, au lieu de la somme. Le tailleur le donne au diable, et s'en va. Je ne sais si le diable prit Ruqueville, mais il trépassa peu de temps après.
Une fois il se rompit la jambe et en fut fort long-temps malade: enfin, un jour il se traîna à l'hôtel de Longueville. Quelqu'un lui dit: «Vous avez là une méchante jambe.—Méchante, dit-il, elle me coûta pourtant deux mille livres rendue ici.»
Il avoit un neveu âgé de vingt ans, fort débauché. «Je ne veux point, disoit-il, fréquenter ce coquin, car je pourrois prendre de mauvaises habitudes avec lui.» Il avoit quarante ans de plus que ce garçon; il étoit brave. Une fois, se battant en duel, il reçut un grand coup d'épée au travers du corps, et pourtant désarma son homme; l'autre lui demanda la vie. «Attends,» dit-il froidement. En disant cela, il crache dans sa main, et voyant son crachat blanc: «Va, dit-il, je te la donne.» C'est qu'il avoit ouï dire qu'on étoit blessé à mort quand on crachoit le sang. Une autre fois, celui contre qui il se battoit lui donna un coup d'épée dans les cheveux. «Hé! lui dit-il en jetant son épée, vous pourriez bien m'éborgner: vous avez appris d'un mauvais maître; je ne me battrai jamais contre vous.» Et la chose en demeura là.
A l'extrémité, il avoit du dépit de ce que ses camarades de chez M. de Longueville ne lui venoient point dire adieu; il ôte son bonnet, et parlant comme s'ils eussent été présents: «Adieu, dit-il, monsieur de Plenoches, adieu monsieur Farsau, adieu celui-ci, celui-là; vous êtes de braves gens de n'avoir pas manqué à rendre ce dernier devoir à votre pauvre camarade.»
On dit que sa mine étoit fort plaisante, et qu'il ne rioit jamais. Un jour qu'on parloit de je ne sais quelle antiquaille, M. de Longueville lui dit: «Cela est tout autrement beau à voir à Rome; c'est une honte que vous ne l'ayez point vu.» On fut quatre mois sans entendre parler de Ruqueville. Enfin il revint. «Eh! d'où venez-vous?—Je viens de Rome, dit-il.—Et y avez-vous été long-temps?—J'y ai dîné, et, après avoir vu ce que vous m'aviez dit, je suis remonté à cheval.»
A l'article de la mort, il envoya quérir l'argentier de M. de Longueville et lui dit: «Monsieur un tel, je vous lègue cinq cents écus.» L'autre le remercia. Mais quand ce vint après sa mort à lire le testament, on trouva l'article ainsi couché: «Item, je lègue à.... les cinq cents écus qu'il m'a volés sur les commissions qu'il a faites pour moi.»
LE PAGE ET SES DEUX FEMMES.
Le Page étoit un homme bien fait, mais de bas lieu: son père étoit sergent à Châlons. A son avènement à Paris, il épousa une laide femme, parce qu'elle avoit quatre mille livres en mariage. Il fit fortune dans l'extraordinaire de la guerre, et, las de sa femme, qui étoit une vraie harangère et jalouse par-dessus tout cela, il couroit un peu l'aiguillette. Un jour qu'il dînoit en ville, elle voulut savoir du cocher où son maître étoit demeuré. Le cocher avoit peut-être bu, ou bien il n'en faisoit pas grand cas, à l'imitation de son maître, de sorte qu'elle lui ayant dit des injures, il lui donna des coups de fourche. Le cocher en eut le fouet par la main du bourreau. Je me souviens que le peuple bariolé[450] pensa faire désordre, et disoit tout haut que les valets n'avoient que faire de souffrir de la jalousie des femmes de leurs maîtres. Ces coups de fourche ne la rendirent pas plus sage. Une autre fois elle pensa surprendre son mari à Bagnolet avec des gourgandines, et il n'eut que le loisir de remonter en carrosse. Elle crioit: «Le voilà le ruffien[451] qui se sauve avec ses g.....! le voilà.» Un jour qu'il traitoit des gens chez lui, elle gronda tout le matin, puis ne voulut pas se mettre à table, c'étoit un jour maigre. On lui envoya une hure de saumon: elle jeta le plat par la fenêtre, qui, dit-on, alla coiffer un homme dans la rue. Enfin le bon Dieu l'en délivra; mais le pauvre homme ne se souvint pas du conseil de saint Paul, car il reprit une autre femme qui lui a bien fait voir du pays.
Il devint amoureux de mademoiselle de La Roche-Posay, cadette de celle que le cardinal de Richelieu avoit fait épouser à Sabattier. D'Émery fit ce qu'il put pour empêcher Le Page d'épouser cette belle[452]; mais il lui dit: «Hé! monsieur, laissez-moi avoir un ange: n'ai-je pas eu assez long-temps un diable?»
Or, vous allez voir quel ange c'étoit. Elle étoit un peu parente du feu cardinal, et on disoit même qu'il avoit couché autrefois avec la mère. A propos du cardinal, on dit qu'un jour qu'elle étoit conviée chez lui à une assemblée, elle prit un remède pour avoir le teint plus beau; mais ce remède opéra si tard qu'elle alla au Palais-Cardinal lorsque personne n'y entroit plus. Elle étoit engagée[453] jusqu'aux yeux, tant elle avoit fait de dépense. Celui dont on avoit le plus médit avec elle étoit un petit abbé de Sasilly qui avoit des rubans de couleur; on dit qu'ils furent une fois huit jours dans une hôtellerie, sur le chemin de Poitiers. Je vous laisse à penser ce qu'ils faisoient. Voilà l'ange de M. Le Page. Elle ne fut pas plus tôt mariée qu'elle lui fit prendre une maison de quatre mille cinq cents livres de loyer; le reste alloit à proportion: elle lui fit acheter une belle terre en Poitou appelée Saint-Loup: pensez que ce fut sous son nom. Tous les jours on demandoit au mari: «Où est madame de Saint-Loup?» M. de Schomberg s'y attacha. Bautru disoit: «Je ne m'étonne pas qu'il l'aime, son nom a des charmes pour lui; elle s'appelle madame Le Page.» On a un peu accusé M. de Schomberg d'aimer les ragoûts de delà les monts. Quand on traitoit le mariage de madame d'Hautefort et de lui, cette pauvre madame de Saint-Loup fut toute une après-dinée chez Maurice le parfumeur, d'où elle voyoit tout ce qui entroit et sortoit de l'hôtel de Schomberg, et elle appela l'un après l'autre, tant elle étoit en inquiétude, tous les gentilshommes du maréchal.
Elle s'éprit peu de temps après de M. de Candale, qui valoit bien pour le moins ce qu'elle perdoit, et, pour le voir plus facilement, elle fit changer de quartier à son mari, et s'approcha le plus qu'elle put de la rue Plâtrière, où est l'hôtel d'Epernon[454].
La veille de Pâques fleuries, elle, M. de Candale, la comtesse de Fiesque[455], le marquis de La Vieuville, mademoiselle d'Outrelaise[456], parente de Fiesque, et le marquis d'Alluye furent manger du jambon, un matin, aux Tuileries. On en fit un vaudeville appelé un Pour et contre.
Madame de Rohan-Chabot rompit avec madame de Saint-Loup, disant qu'elle menoit une vie trop scandaleuse. Cependant, tandis que le chevalier de Chabot vivoit, madame de Saint-Loup étoit l'amie du cœur; mais à cette heure on n'avoit plus besoin d'une femme qui lui donnât de quoi subsister. Elle donnoit au chevalier ce qu'elle tiroit du maréchal. Bien d'autres que M. de Candale en tâtoient; mais elle a fait bien de la vanité de l'avoir retenu près de six ans. Un jour qu'elle étoit avec Vardes, le bonhomme Sennectère la vint prendre, et dit: «Monsieur, avec votre permission, j'ai un mot à dire à madame;» et il la mène dans une garde-robe: à un quart-d'heure de là il la lui rend. Vardes eut envie de quelque chose: il trouva les pistes du bonhomme. Elle n'avoit pas eu le loisir d'y mettre ordre. «Ah! madame, lui dit-il, vous jouez donc de ces esteufs-là?» Il l'alla conter partout. Regardez si cela n'est pas honorable au bonhomme, il avoit soixante-douze ans, de venir à cet âge-là ôter une dame à un godulereau.... Depuis on lui dit, un peu avant qu'il se fût remarié: «Monsieur, ne voyez-vous plus madame de Saint-Loup?—Voulez-vous que je vous die, répondit-il, je suis trop vieux pour aller à la brèche.» C'est qu'elle étoit brèche-dent depuis quelque temps.
Cependant regardez quel abus: la Reine souffrit que madame de Saint-Loup entrât dans son carrosse en allant de Saumur à Tours; c'étoit en 1652. Le Page a eu bien du désordre dans ses affaires; je crois que cela ne va pas trop bien.
Sa femme, depuis qu'elle est dévote, car il faut bien se donner à Dieu quand le monde ne veut plus de nous, elle se fait appeler par humilité madame Le Page. Voici comme cela lui prit. Il y a deux ans qu'elle s'avisa de dire qu'elle se sentoit appelée à se convertir, et quelque temps après elle fit cette fable: «La nuit, disoit-elle, je sentis tirer mon rideau, je m'éveille, je n'entends plus rien; je crus qu'on avoit oublié de le fermer, je le ferme et me rendors une seconde fois: je l'entends encore tirer, je le referme et me rendors encore. (Voyez quel courage!) Quelque temps après la même chose arrive, et je sens une douleur effroyable; je m'écrie; on vient; je me fais apporter de la lumière, je regarde à ma main, j'y trouve une croix rouge la mieux empreinte du monde, auprès de laquelle il y a comme des marques de clous.» Elle montre cette croix à ses amis, et aux autres elle dit qu'elle a du mal à la main, et y porte un emplâtre. L'abbé de La Victoire dit que c'est la fleur de lys de paradis, et que si elle retourne à sa première vie, elle sera pendue. Ce qu'il dit a du brillant, mais il ne le faut pas examiner de trop près. Nonobstant cette sainte aventure, elle alla trois jours après à la comédie. Depuis quelque temps elle ne montre plus cette croix qu'on ne lui donne pour les pauvres[458].
On m'a conté que je ne sais quelle prude disoit un jour, en présence de madame Le Page, qu'elle alloit retirer deux de ses filles de religion. «Ah! Jésus! lui dit-elle, madame, gardez-vous-en bien: le monde est plein de mauvais exemples. Pour moi, j'y laisserai les miennes.—Ah! madame, reprit l'autre, c'est selon l'éducation et les exemples qu'on leur donne.»
LE VICOMTE DE LAVEDAN,
DEPUIS LE MARQUIS DE MALAUSE.
Le vicomte de Lavedan[459] se donna à Monsieur, aujourd'hui M. d'Orléans; il fut amoureux de madame de La Maisonfort, et il tint à peu qu'il ne la fît demander. Depuis il eut inclination pour une de ses cousines germaines, fille de madame la marquise de Kerveno, sa tante. Comme il étoit fils unique, on pensa à le marier de bonne heure: on lui proposa en Languedoc, son pays, plusieurs partis, entre autres l'héritière de Rieux, qui avoit de grandes et belles terres proches des siennes. Il la voulut voir, et alla incognito à Toulouse, ayant fait habiller un des siens en seigneur anglois; mais il fut bientôt reconnu. Il ne put se résoudre à l'aimer, et soupiroit toujours après sa Bretonne: c'est ainsi qu'il appeloit mademoiselle de Kerveno, qui effectivement étoit Bretonne. Son père et sa mère, voyant qu'il n'en vouloit point d'autre, consentirent qu'il la demandât en mariage. En ce temps-là le marquis d'Asserac la recherchoit, et l'affaire étoit fort avancée. Cette fille, qui connoissoit fort Le Pailleur[460], car la maréchale de Thémines étoit la bonne amie de sa mère, le pria de lui faire son horoscope. Le Pailleur feignit de faire sa figure, et, au plus loin de sa pensée, lui dit qu'elle épouseroit un homme brun, or Asserac étoit blond, et qu'un jour elle feroit galanterie avec un homme d'Eglise. On fait la proposition de Lavedan; voilà madame de Kerveno[461] bien empêchée; elle va à la maréchale: «Ma bonne, conseillez-moi.» Le Pailleur, qui s'y trouva, dit qu'il n'y avoit pas à hésiter, qu'Asserac étoit de religion et de même pays, et que leurs terres étoient voisines. Elle part résolue de la donner au blond, et le lendemain l'affaire étoit conclue avec le brun. La Chalais, qui étoit lors auprès d'elle, ayant été gagnée, lui avoit tourné l'esprit. On dit que madame de Kerveno, en bonne tante, lui avoit dit qu'elle ne lui conseilloit pas de prendre sa fille, que c'étoit un esprit altier et hardi qui lui donneroit bien de l'exercice: nonobstant cet avertissement, il passa outre[462].
Ils passèrent un an ou deux dans la plus grande intelligence du monde; elle alloit à la chasse avec lui, et ils n'étoient jamais l'un sans l'autre. Au bout de ce temps elle commença à n'être pas bien avec sa belle-mère[463]; elles étoient toutes deux impérieuses; la belle-mère vouloit tout gouverner à l'ordinaire, et l'autre eût bien voulu être la maîtresse. Enfin la mère donna à entendre à son fils qu'il feroit bien de se retirer avec sa femme à Miramont, l'une des terres qu'on lui avoit données en mariage. Ce fut là que la désunion commença entre le mari et la femme: elle devint jalouse d'une de ses demoiselles; la fille fut renvoyée. Celle qu'on mit en sa place, et qui passoit pour une sainte, fut soupçonnée de grossesse, et on la congédia comme l'autre.
Quelque temps après ils retournèrent chez le père, parce que madame de Malause étoit morte. Le comte parla de faire un voyage à Paris, et elle, qui ne demandoit pas mieux que d'aller à la cour, le voulut accompagner. Pour s'en défaire, il lui fit trouver bon de le laisser partir devant, et lui promit de l'envoyer quérir; mais il n'en fit rien, s'amusa à faire l'amour[464], et remettoit de mois en mois à revenir. Elle savoit toute chose et s'en plaignoit hautement. Enfin elle changea de langage, et commença à dire qu'elle étoit bien aise qu'il fût à Paris, puisqu'il s'y plaisoit tant: dès-lors on eut soupçon qu'elle se vengoit avec un nommé Mongé, un homme d'affaires qui étoit à son mari, mais qui n'avoit rien d'aimable. Il est constant que cet homme passoit des cinq et six heures avec elle, sous prétexte de parler d'affaires. Depuis, allant à quelqu'une de ses terres, elle passa par Alby et eut curiosité de voir l'église cathédrale, qui est une des plus belles de France, bâtie par le cardinal d'Amboise. M. d'Alby, de la maison Du Lude, prélat jeune et bien fait, la retint quelques jours et la traita magnifiquement. Je ne sais si ce fut la prophétie de Le Pailleur, car elle avoit été étonnée de ce qu'il lui avoit prédit, ou autre chose, mais elle écouta les cajoleries de l'évêque, et quand elle fut de retour chez elle, il lui alla rendre visite. Les domestiques remarquèrent qu'un peu auparavant elle avoit changé d'appartement, et s'étoit logée en un endroit d'où elle pouvoit, sans être aperçue, aller à l'appartement qu'elle fit donner à M. d'Alby. Ce ne fut pas la seule visite qu'il lui fit, et le bonhomme le recevoit d'aussi bon cœur que sa belle-fille; car de tout temps elle avoit fort dorloté le beau-père, jusqu'à se jeter à son cou, lui embrasser les genoux et lui baiser les mains. Avec ces caresses, elle l'avoit gagné entièrement, et elle étoit capable de lui persuader tout ce qu'elle eût voulu: il y avoit même des gens malpensants qui en médisoient, à cause que ce bonhomme avoit fort aimé les femmes; mais il avoit quatre-vingts ans.
Cependant les visites du prélat scandalisoient toute la maison, qui étoit tout huguenote. Le vicomte, qui s'amusoit à Paris, fut averti de ce qui se passoit, et revint bientôt chez lui: elle affecta de ne s'y point trouver, pour lui faire voir qu'elle ne se tourmentoit guère de lui: néanmoins, dès qu'elle sut son arrivée, elle partit en diligence de Castres, où elle étoit, pour le venir trouver; mais ils ne furent jamais bien ensemble. Elle, qui se sentoit peut-être coupable, fit d'abord dessein de se séparer d'avec lui, s'il se pouvoit. Pour en venir à bout, voici comme elle s'y prit. Elle écrit à la cour que le marquis de Malause avoit assez de pente à se faire catholique; qu'elle l'avoit presque gagné, mais que le vicomte, son fils, s'y opposoit fortement, jusqu'à la quereller sans cesse depuis qu'elle avoit fait un si louable dessein. Elle écrivit plusieurs lettres, par lesquelles elle faisoit toujours espérer la conversion de son beau-père. Elle s'imaginoit que soit qu'elle réussît ou non, si son mari venoit à la maltraiter tant soit peu, ce lui seroit un prétexte pour le quitter, et s'en aller à la cour, où elle croyoit qu'on la recevroit à bras ouverts. Quelque temps après le mari étant allé en Auvergne à quelqu'une de ses terres, elle persuada au bonhomme d'aller se promener à une maison qu'il avoit auprès d'Alby. Aussitôt voilà tout le pays d'alentour, qui étoit tout huguenot, fort alarmé, et il courut un bruit qu'elle vouloit enlever le marquis pour le faire changer de religion. Le jour qu'ils devoient partir, les gentilshommes et les ministres du voisinage se rendirent à La Case, séjour ordinaire du marquis, résolus d'empêcher ce voyage jusqu'au retour du vicomte. Elle tâcha de leur ôter le soupçon qu'ils avoient, et le bonhomme, qui étoit assez grossier, mais franc et résolu, et qui jusqu'alors avoit fait profession de dire tout ce qu'il pensoit, leur représenta en son patois, car il n'avoit pu parler autre langage que le gascon, que s'il avoit envie de changer de religion, personne ne l'en empêcheroit, et qu'il le pouvoit faire aussi bien et mieux chez lui qu'ailleurs, puisqu'il y étoit le maître; mais qu'il n'y avoit point d'apparence qu'il s'avisât de cela en sa vieillesse, sans nécessité et sans profit, lui qui ne l'avoit pas fait lorsqu'on lui faisoit espérer un bâton de maréchal[465]; qu'il lui importoit de faire ce voyage pour désabuser le monde; qu'autrement on alloit dire qu'il étoit tombé en enfance, quoiqu'il eût aussi bon sens que jamais. Il dupa ainsi les gentilshommes et les ministres. On remarqua pourtant qu'il pleura aux exhortations que lui fit un de ses plus anciens domestiques. Il part, et ne fut pas plus tôt à cette maison que l'évêque s'y rendit, et là il fit abjuration[466]; après cela il s'en alla à Malause, qui est en Guienne, et là il mourut quelque temps après de mort soudaine[467].
Elle, l'ayant accompagné jusque là, prit le chemin de la cour; mais le marquis, de retour d'Auvergne, avoit informé la Reine, M. d'Orléans et les parents de sa femme, de la vérité. Sa mère ni le comte de Lannoy, son oncle, ne la voulurent point voir, et la Reine lui dit qu'elle étoit trop honnête femme pour vouloir vivre séparée de son mari ailleurs que dans un couvent, et que la bienséance ne permettoit pas qu'elle demeurât à la cour. Elle, qui n'avoit pas remué tant de choses pour s'enfermer dans une religion, et qui se voyoit rebutée de ses proches, par leur ordre, et ne sachant où se retirer, s'en alla à Miramont; mais celui qui étoit dans le château avoit ordre de lui en refuser l'entrée, et elle fut contrainte de se retirer chez un gentilhomme jusqu'à ce que, par les prières de madame de Kerveno, le mari se résolut à la voir. Il la vit donc, mais avec beaucoup de froideur, et, la laissant dans Miramont, il donna ordre qu'elle ne manquât de rien, mais qu'on ne souffrît pas que personne la vît. Aussi elle étoit comme prisonnière dans cette solitude, où elle se nourrissoit bien, et ne faisoit point d'exercice; elle devint prodigieusement grasse, et un homme prédit qu'elle crèveroit de santé. En effet, cela lui augmenta le mal de mère[468], auquel elle étoit sujette, et qui lui donnoit d'étranges convulsions. Comme ses accès étoient quelquefois très-violents, et qu'il sembloit qu'elle allât mourir, on le fit savoir à son mari, qui se rendit aussitôt à Miramont: elle le reçut avec toutes les caresses et toutes les cajoleries imaginables, mais il demeura toujours froid et insensible. Ils soupèrent ensemble, mais il ne voulut point coucher avec elle, de peur peut-être de la guérir; et la rage de se voir ainsi méprisée augmenta son mal de telle sorte, qu'elle en mourut la nuit même.
Quelques-uns ont voulu dire qu'elle avoit été empoisonnée; mais les moines mêmes qui l'ont assistée, et qui l'ont vue mourante et morte, justifièrent le mari; aussi madame de Kerveno ni les autres parents ne l'en ont jamais soupçonné, et ont vécu avec lui comme devant.
Les enfants de cette femme moururent un peu après que la sœur de leur mère, qui étoit religieuse, eut fait profession; de sorte que tout le bien de madame de Kerveno va aux enfants de la princesse d'Harcourt.
Le marquis de Malause épousa depuis une Duras[469], nièce de M. de Turenne.
DE NIERT, LAMBERT ET HILAIRE.
De Niert, car c'est ainsi qu'il se nomme[470], quoique tout le monde die Denière ou Denièle, est de Bayonne: il dit que son grand-père, étant maire du temps de la Saint-Barthélemy, empêcha qu'on ne fît le massacre dans Bayonne. Il s'adonna dès sa jeunesse à la musique: M. de Créquy le prit en qualité de suivant. Il a toujours chanté, de façon qu'on ne pouvoit pas dire qu'il fît le chanteur. M. de Créquy le traitoit fort bien, et ne lui disoit jamais chantez, ni le menoit en aucun lieu en lui disant que c'étoit pour chanter; mais De Niert lui disoit: «Monsieur, porterai-je mon théorbe[471]?—Ce que tu voudras,» répondoit M. de Créquy.
Je crois que De Niert fut amoureux autrefois de madame Aubry, qui chantoit fort bien; mais malgré tout cela, parce qu'elle avoit fait venir l'ambassadeur de Venise à un souper où il avoit promis de chanter devant le marquis de Pompéo Frangipani, il n'y voulut jamais aller, et elle eut bien de la peine à faire la paix.
Quand M. de Créquy fut à Rome pour l'ambassade d'obédience[472] du feu Roi, De Niert prit ce que les Italiens avoient de bon dans leur manière de chanter, et le mêlant avec ce que notre manière avoit aussi de bon, il fit cette nouvelle méthode de chanter que Lambert pratique aujourd'hui, et à laquelle peut-être il a ajouté quelque chose. Avant eux on ne savoit guère ce que c'étoit que de prononcer bien les paroles. Au retour, le feu Roi le voulut voir; M. de Créquy ne laissa pas de lui continuer les mêmes appointements: le feu Roi lui donna la place de premier valet de garde-robe, à la charge de donner douze mille livres de récompense. Il n'avoit pas un sou; mais il étoit en bonne réputation, et on voyoit bien que le Roi l'affectionnoit: il trouva cent mille écus avant que de sortir de la chambre de Sa Majesté; de là il alla dans la chambre de la Reine, où il dit le don que le Roi lui venoit de faire: «Mais, ajouta-t-il, je suis bien empêché, car il me faut trouver quatre mille écus.»
Une jeune veuve, femme-de-chambre de la Reine, lui offrit de la meilleure grâce du monde de les lui prêter. Cela le charma, et dans ce moment il en devint amoureux. C'étoit la fille d'un ministre de Languedoc que l'on avoit convertie; je crois que ce fut elle qui appela la Reine Siresse. Il en fut amoureux douze ans. Cet amour a furieusement nui à De Niert, car le feu Roi, qui haïssoit la Reine, et qui ne vouloit pas qu'il y eût aucune correspondance entre ses gens et ceux de sa femme, n'approuvoit nullement cette affection, et il eût fait sans cela tout autre chose pour notre homme qu'il ne fît. Il lui disoit: «Vous n'attendez que ma mort pour vous marier.»
Quand le cardinal de Richelieu, qui vouloit que les officiers qui approchoient le Roi de fort près ne lui voulussent point de mal, fit faire compliment à De Niert sur cette charge, De Niert le dit au Roi, et lui demanda s'il ne trouveroit pas bon qu'il en remerciât le cardinal; le Roi le lui permit. On ne sauroit croire combien il étoit chatouilleux pour les charges de sa maison; il ne vouloit pas souffrir que le cardinal s'en mêlât. Durant la grande faveur de M. le Grand, tous les premiers valets-de-chambre et tous les premiers valets de garde-robe étoient comme de petits favoris.
Le feu Roi mort, De Niert épouse cette femme. Elle est adroite et même un peu escroque, s'il faut ainsi dire, car elle n'a jamais rien perdu faute de demander, et elle a obligé parfois telles gens à lui donner qui n'en avoient nullement envie; d'ailleurs elle est fort avare; lui est prodigue; elle l'appelle Panier percé, et le ragote[473] sans cesse sur sa dépense. Il dit qu'une fois elle voulut avoir un carrosse: la nuit elle entendoit du bruit dans l'écurie; elle réveille son mari. «Ce sont, lui dit-il, les chevaux qui mangent.—Quoi, reprit-elle, nourrir des animaux qui mangent la nuit! Dieu m'en garde!» Elle les vendit dès le lendemain.
Lui et sa femme se tourmentèrent tant qu'ils obtinrent pour leur fils, qui est le seul qu'il aient, la survivance de cette charge de premier valet de garde-robe. Le Roi témoigna assez de bonté en cette rencontre, car il se mit à genoux afin que cet enfant, qui n'avoit que cinq ans, lui pût donner sa chemise pour entrer en possession. Le pauvre De Niert pleuroit de joie quand il racontoit cela: depuis il fut fait premier valet-de-chambre, et, l'année passée, comme sa femme poursuivoit chaudement la survivance, le Roi lui dit: «Qui te donneroit quatre doigts de parchemin te feroit bien aise?—En vérité, oui, Sire, dit-elle.—Eh bien, ajouta le Roi en riant, ce sera dans douze ans.» Le cardinal la trouva ensuite à la messe, et lui dit: «Que demandes-tu encore à Dieu? ta chienne[474] est retrouvée et ton fils a la survivance.» Elle lui sauta au cou tout devant la Reine, en lui disant: «Madame, excusez, s'il vous plaît, mon transport.»
Lambert[475] est de Champigny; il étoit enfant de chœur à Champigny même où il y a une sainte chapelle, quand Moulinié, qui étoit maître de la musique de Monsieur, le prit et le fit page de la musique de la chambre de Monsieur. Lambert, ayant quitté les couleurs, se trouva un tel génie pour la belle manière de chanter, que De Niert, en peu de temps, n'eut plus rien à lui montrer. Ni l'un ni l'autre ne sont de ces belles voix, mais la méthode fait tout.
Lambert étudia soigneusement et à composer et à exécuter, et encore présentement[476] il chante tous les matins pour lui-même, afin de se perfectionner d'autant plus. Un de ses chagrins, à ce qu'il dit, c'est de ne pouvoir laisser par écrit sa science, car tout cela dépend de la manière qu'on ne sauroit exprimer.
Lambert commença à montrer et à chanter dans les compagnies: on l'appeloit le petit Michel, le petit Maître, Champigny[477] et Lambert; de sorte qu'une fois il y eut une plaisante dispute. Quatre femmes un jour se pensèrent prendre aux cheveux; l'une soutenoit que Lambert chantoit mieux que personne. «Voire, dit l'autre, c'est le petit Michel.—Vous vous trompez, dit une troisième, c'est le petit Maître.—Vraiment, vous vous y entendez toutes, dit la dernière, c'est Champigny qui est le plus estimé de tous.» Ce n'est pas que Lambert ne grimace horriblement, et qu'il ne soit effroyable à voir en cet état, car même il est fort vilain quand il ne grimace pas. Il n'y a que lui qui montre bien, et les écolières des autres ne sont rien au prix des siennes. Si Dieu avoit voulu que c'eût été un homme plus régulier, il y auroit un grand nombre de personnes qui chanteroient bien; mais, quoiqu'il ne soit point débauché, il est si peu exact, que c'est quasi peine perdue que de s'y amuser. Il n'est point intéressé, et n'a jusqu'ici guère songé à sa fortune; s'il avoit voulu, il iroit à cette heure en carrosse.
Il étoit toujours de çà et de là en parties où il ne gagnoit rien, et comme il promettoit à tout le monde, il manquoit aussi à tout le monde[478]. Une fois, je ne sais quel homme de la cour qui s'étoit vanté de le faire entendre à une dame, voyant que Lambert lui avoit manqué trois jours de suite, l'attendit long-temps dans le Luxembourg pour le battre; mais par bonheur, il ne le trouva pas.
Lambert fit connoissance avec la fille de Bel-Air[479] qui avoit la voix fort belle et qui étoit assez jolie: il se mit à lui montrer, et en lui montrant, il en devint amoureux, car il est d'assez amoureuse manière: il s'y engagea si avant qu'il lui promit de l'épouser, et en parla publiquement; ils furent même accordés, mais il ne concluoit point. Enfin la mère de la fille, comme voisine de madame d'Aiguillon, alla se plaindre à elle; madame d'Aiguillon en parle au cardinal, qui lui dit: «Laissez-moi faire.» Sur l'heure, il envoie chercher Desmarets, et lui dit de faire un dialogue sur telle chose; le dialogue fait, il l'envoie à Lambert pour y faire un air, car Lambert compose bien. On le fait apprendre à Lambert et à sa maîtresse, et après cela on les fit venir à Ruel, où madame d'Aiguillon se trouva. Voici le dialogue:
Le cardinal les fit marier; mais il ne leur donna rien: il perdit là une belle occasion; il n'a jamais rien fait pour eux. Tant pis pour lui[480].
La femme de Lambert étoit assez enjouée. Je ne sais si cela lui déplut ou s'il crut avoir été attrapé; mais, quoi qu'il en soit, il ne la traita point bien. Elle s'en plaignit au bonhomme Le Pailleur, leur voisin, qui lui conseilla d'en parler à son père, à sa mère et à ses sœurs. «Dieu m'en garde! répondit-elle; ils se moqueroient de moi; car c'est moi toute seule qui l'ai voulu.» Le Pailleur en parla donc à Lambert, qui ne lui voulut jamais rien avouer.
Le feu cardinal se divertissoit pourtant de Lambert. Un jour que notre Orphée s'étoit laissé entraîner dans une de ces caves de vin muscat, à la Croix du Tiroir[481], il en sortit la tête en compote, et en s'en retournant, il trouva Le Puis, son beau-père, qui lui dit qu'il le cherchoit, que le cardinal le demandoit, et qu'il y avoit un carrosse au logis qui attendoit il y avoit long-temps. Il fallut aller. Par bonheur pour lui, il y avoit ce jour-là deux comédies chez le cardinal, l'une françoise, l'autre italienne, durant lesquelles il dormit fort bien; on soupa: il n'avoit pas besoin de souper; il employa encore ce temps-là à dormir. Il étoit dix heures quand on le fit chanter: il n'eut jamais tant de voix.
Sa femme mourut de chagrin au bout de trois ou quatre ans de mariage: il en a eu une fille.
Mademoiselle Lambert avoit une petite sœur: c'est Hilaire. De Niert, qui lui trouva beaucoup de dispositions, se mit à lui montrer, et elle réussît admirablement. Lambert, voyant cela, voulut avoir sa part de la gloire. De Niert se retira aussitôt: cela causa quelque petite froideur entre eux; depuis pourtant cela s'est raccommodé, et de Niert les va voir fort souvent: il prend grand plaisir à montrer quelque chose à cette fille. Comme la plupart des gens de musique sont bizarres, Lambert s'avisa de devenir amoureux de cette fille, parce que c'était la seule dont il ne le devoit pas être; sa beauté ne lui servoit point d'excuse, car elle n'est point jolie: il est vrai qu'elle ne fait pas peur; mais, ma foi, elle n'a rien de beau que la voix et les dents: c'est une fille fort raisonnable; et quand je considère les sottes gens avec qui elle a été nourrie, je m'étonne qu'elle ait l'esprit si bien fait. Cette amour l'a pensé faire enrager, car il a été un temps qu'il ne lui vouloit rien montrer qu'en particulier, et quand ils étoient tous deux tout seuls, il se mettoit à genoux, et lui disoit cent extravagances. Elle aimoit mieux ne rien apprendre; je dis ne rien apprendre, parce que ce n'est pas tout que d'avoir les airs notés, il faut que ce soit lui qui vous les montre, ou vous ne leur donnez pas la centième partie de l'agrément qu'il leur donne. Une fois il en vint jusqu'à faire détendre son lit pour quitter la maison du père d'Hilaire; après, il le fit retendre. Un jour il vouloit mettre sa fille en religion: «Vous ferez bien,» lui dit Hilaire. Aussitôt il ne le voulut plus. Quand il lui parloit de sa passion, elle lui disoit: «Que voulez-vous, vous êtes fou. Si j'étois capable de faire quelque sottise, vous m'en devriez empêcher.» Cela le mit en colère: il s'en va, et ni lui ni son valet ne venoient plus manger au logis. Cela l'ennuyoit furieusement, et il étoit bien embarrassé de sa colère; pour se raccrocher, il renvoya son valet prendre ses repas à l'ordinaire: il y revint lui-même bientôt après, et il disoit à tout le monde: «Ne croyez pas que j'en sois amoureux.» Et tout le monde le croyoit un peu plus fort.
Lambert voulut penser à quelque charge de la musique: il se trouva si gueux qu'il en eut honte; cela lui servit à une chose. M. de Lisieux-Matignon aimoit fort à les entendre lui et Hilaire. Ils chantent des dialogues ensemble les plus agréables du monde. Il leur envoyoit tous les ans un carrosse pour aller le trouver à la campagne, et ne les renvoyoit point sans quelque présent. Un honnête homme, nommé M. Marchand, custodi-nos[482] du prince Eugène, car il a une sœur chez madame de Carignan, étoit aussi comme l'intendant de M. de Lisieux.
Cet homme s'affectionna à Hilaire; il aimoit aussi Lambert: il demanda si le père d'Hilaire le vouloit prendre en pension. On lui fait quitter le cabaret. Marchand est infirme, et passe une bonne partie de l'année au lit; il a fait du bien à toute la maison, car il fit donner une pension de mille livres à Lambert sur les bénéfices de M. de Lisieux. On eut bien de la peine à faire faire à notre homme ce qu'il falloit pour cela: c'est un petit esprit de bois blanc, comme disoit Le Pailleur. Il donna une prébende de Dreux de douze cents livres de rente au frère d'Hilaire, qui prit une des filles avec lui, et ils vivent là tous deux.
Lambert avoit eu une pension de quatre cents écus du temps de M. d'Émery, à qui il en avoit l'obligation, et tout le monde est ravi de le faire payer de sa pension; aussi est-il assez reconnoissant.
Marchand payoit gros, et faisoit valoir ce qu'Hilaire avoit pu amasser des présents qu'on lui faisoit et des ordonnances qu'elle avoit pour avoir chanté aux ballets du Roi.
Hilaire avoit une sœur qu'elle a encore, qui est jalouse d'elle horriblement. Cette fille dit tant de sottises de Marchand et d'elle, que cet homme sortit de la maison. Enfin pourtant on l'y fit revenir, et Lambert, qui n'est plus amoureux, considérant que sa belle-sœur lui étoit nécessaire, qu'ils se faisoient valoir l'un l'autre, et aussi pour se délivrer des impertinences du père, de la mère et de cette belle-sœur, alla loger avec Hilaire, avec ce M. Marchand, auprès des Petits-Pères, où Hervault[483] les attira, et leur fait payer leurs pensions soigneusement, car Hilaire en a une aussi, si je ne me trompe: ils ont soin du bonhomme, de la bonne femme et de la sœur même; il est vrai que cette fille travaille. La fille de Lambert est assez jolie, danse bien, joue bien du clavecin, et Lambert dit qu'il lui trouve de la voix: elle aime sa tante tendrement, aussi lui a-t-elle bien de l'obligation[484]. M. de Langres a donné depuis peu un bénéfice de huit cents livres de rente à Lambert.
LA GAILLONNET ET SA FILLE.
Une lavandière de Paris avoit une jolie fille qu'elle vendit à un commandeur de Malte, qui l'entretint quelque temps; après, un nommé Gaillonnet[485], de l'extraordinaire des guerres, l'entretint et en eut une fille; et après, afin qu'il lui en coûtât moins, il y associa aussi un garçon de l'extraordinaire des guerres, appelé Marbault. Tous deux ensemble ils la marièrent à un nommé Chirat, qui avoit un frère procureur du roi du Châtelet. C'étoit un coquin que ce Chirat, qui n'ignoroit pas la vie de la demoiselle; cependant, comme il s'avisa de faire le fâcheux quelque temps après, sa femme et Gaillonnet le voulurent empoisonner. Il les accusa d'adultère et d'empoisonnement, et ils furent pris tous deux. L'affaire s'accommoda pour quinze mille livres, par l'avis du procureur du roi, et comme il n'y avoit point d'enfants, on les démaria par impuissance. Voilà Gaillonnet et Marbault en liberté; ils font une nouvelle société avec leur confrère Le Page[486], dont nous avons parlé ailleurs. Sa première femme, qui découvrit l'affaire, l'attendit une fois tout un jour dans une écurie pour le châtier, comme il alloit voir sa mignonne. Gaillonnet, qui avoit beaucoup donné à cette femme, et qui voyoit qu'elle avoit tiré de bonnes nippes de ses associés, pour jouir de ce bien-là, épousa la demoiselle. On mit sa fille sous le poêle, disant qu'il n'y avoit point eu de mariage avec Chirat. La fille étoit déjà grandette; on parle de la marier et de lui donner cinquante mille écus. Fourrilles, grand maréchal-des-logis, jeune homme à qui son père avoit laissé assez de dettes, voyant la fille jolie, le père de bon lieu et de quoi s'acquitter, n'eut point d'égard à tout le reste et l'épouse. Je ne sais à qui en est la faute; mais au bout de deux jours, les voilà aux couteaux tirés. Par une bizarrerie admirable, il hait sa femme et devient amoureux de sa belle-mère; il est vrai que cette femme est vive et a quelque chose de fort aimable. Un jour le chevalier, son frère, trouva la mère et la fille et une parente, l'une avec la pelle, l'autre avec les pincettes, et la troisième avec le balai, en haut, pour assommer le pauvre Fourrilles. «Comment, ce dit-il, à quoi songes-tu? Que ne jettes-tu toutes ces p......-là par la fenêtre?» Voilà encore plus de grabuge que jamais, quoiqu'il n'y eût point de coups rués. Fourrilles avoit été si sot que d'épouser sans toucher l'argent[487]; c'étoit là le véritable sujet de tout ce qui s'ensuivit; car n'aimant point sa femme, et mal satisfait de n'avoir que du papier, il ne la traitoit nullement bien. Elle se mit à le haïr encore plus fort; enfin, il les fallut démarier. Voici une nouvelle bizarrerie. Dès qu'elle ne fut plus sa femme, il en devint amoureux, et fit, mais en vain, tout ce qu'il put pour coucher encore avec elle[488]. D'autres ne la trouvèrent pas si cruelle. Le père, voyant du scandale, la fait mettre dans un couvent; le père consent qu'elle en sorte quelque temps après, parce que Pâris, qui étoit à M. de Turenne, parloit de l'épouser; mais il l'entretint seulement. Or, Fourrilles avoit touché quelque chose de la dot: il demandoit à payer sûrement; un créancier huguenot fit aller l'affaire à l'édit[489].
Après Pâris, un gentilhomme de Normandie, mais qui n'étoit pas un fin Normand, nommé Bressey, fils de madame de Clinchamp[490], l'entretint et en avoit même eu des enfants. Pour s'exempter de retourner jamais en religion, elle se met en tête de l'attraper, et lui dit, en sollicitant son procès, que s'il la traitoit de femme, cela serviroit à son affaire. Il le fit et dit à tous ses juges que c'étoit sa femme. Après elle lui dit: «Mais la chose seroit bien plus croyable si nous faisions un petit contrat de mariage.» Il en fit un tout niaisement, et même en badinant elle se fit épouser; il est vrai qu'il y avoit quelques nullités: elle gagne son procès, et sur l'heure[491], avant que de sortir de l'audience, elle présente requête, exposant que M. de Bressey, qui l'a toujours traitée de femme, comme tous ces messieurs en sont témoins, et qui l'avoit épousée après un contrat de mariage qu'elle produisoit, ne la vouloit pas reconnoître pour telle: il étoit présent et disoit pour ses raisons qu'il ne l'avoit épousée qu'à la cavalière, et pour lui faire gagner son procès; il fut ordonné sur l'heure qu'il iroit en bas[492], si mieux n'aimoit la reconnoître pour sa femme. Il la reconnut, et, pour plus grande sûreté, elle fit recélébrer le mariage. Fourrilles dit qu'il est fort des amis de la dame, et qu'ils s'écrivent assez souvent.
NOTES:
[1] On a vu plus haut l'histoire de madame Lévêque (t. III, p. 278).
[2] Si quelqu'un en a eu quelque chose, ç'a été le fou de président de La Barre. (T.)
[3] Cette description d'une farce jouée en société, du temps de Louis XIII, est une des choses les plus curieuses que Tallemant nous ait transmises. Les autres Mémoires du temps n'offrent rien d'analogue.
[4] Nicolas Perrot d'Ablancourt, né à Châlons-sur-Marne le 5 avril 1606, mort à Paris le 17 novembre 1664.
[5] Ce même valet, qui avoit été nourri avec lui, se mit en tête de le marier; mais d'Ablancourt manquoit toujours aux entrevues. Une fois il lui dit: «Mais ne me faites donc plus comme cela; je n'ai que des reproches de vous.» (T.)
[6] Ce passage montre que d'Ablancourt a composé la préface de l'Honnête femme, par le Père Du Bosc, religieux cordelier, conseiller et prédicateur ordinaire du Roi. Paris, 1658, petit in-12. Nous citons la quatrième édition, qui est sous nos yeux; elle est dédiée à la duchesse d'Aiguillon. La préface, qui sert de défense à l'ouvrage, indique qu'elle n'est pas de l'auteur, mais d'Ablancourt y garde l'anonyme.
[7] L'abbaye d'Hermières, près de Tournan en Brie.
[8] Le grand Condé.
[9] Il étoit beau-frère de madame Cornuel, si célèbre par ses bons mots. (Voyez l'article de cette dernière, p. 72 de ce volume.)
[10] Coulon est conseiller au Parlement, et fils d'un homme d'affaires. (T.)
[11] Un autre disoit: «Tout le monde couche avec ma femme hors moi.» (T.)
[12] Marion de Lorme. (Voyez son article, t. III, p. 141.)
[13] Ce nom est incertain dans le manuscrit.
[14] Le conseiller Coulon s'étoit jeté à corps perdu dans le parti de la Fronde.
[15] Cascais (T.)
[16] Charost, en parlant du cardinal de Richelieu, l'appelle toujours mon maître. Cela est bien valet. (T.)
[17] De la Bretonnerie. (T.)
[18] Les femmes disoient bien soigneusement on me four.....; elles n'avoient garde d'oublier l'R. (T.)
[19] Surnommé à la cour Son Impertinence. (T.) (Voyez plus bas page 25.)
[20] Il y a dans le manuscrit deux autres couplets que Tallemant a biffés. Les voici (le second est de Desbarreaux):
[21] Boinville, qui fut trouvé caché sous le lit de la Reine-mère, qui alla à Saint-Gervais avec un habit et un chapeau blanc, et qui, ensuite, fut enfermé par ses parents, étoit Hennequin. (T.)
[22] Leonor-Charles, comte de Maillé, épousa, le 21 octobre 1653, Marie de Peschart, fille de François de Peschart, seigneur de Limoges, et d'Olive du Coudray.
[23] Ce nom se prononce Carman, mais il s'écrit Kerman.
[24] Une veuve dévote qui a un petit couvent. (T.)
[25] Madame de Rambouillet alla voir dans Ramusio, et trouva que les esclaves en Éthiopie étoient marqués au-dessus du sourcil. On dit qu'on lui trouva cette marque. Il y a une relation imprimée de son voyage et de sa fuite, ou plutôt un roman; car ce n'étoit en effet qu'une fable. (T.)
Zaga-Christ se donnoit pour être fils du roi d'Abyssinie. C'étoit vraisemblablement un imposteur. Il se fit entretenir à Rome et à Paris, où il arriva en 1634. Il mourut en 1638, au château de Ruel, où il a été enterré. On lui fit cette épitaphe:
[26] Michel le Masle, sieur Des Roches, portefeuille du cardinal. Il a de bons bénéfices. (T.)
[27] Isaac de Laffemas, d'abord avocat au Parlement de Paris, ensuite maître des requêtes, né en 1589, lieutenant civil en 1638, mourut vers 1650.
[28] A Navarre, étant écolier, il fit une pastorale, qui y fut jouée, où il y avoit un berger Lefamas, ou Lemafas, ou Falemas, et un Semblant beau. (T.)
[29] Ce Montauban, en lisant les auteurs, mettoit ce qu'il y trouvoit de beau sur de petits morceaux de papier, et jetoit tout cela dans un tiroir; puis quand il faisoit un plaidoyer, il tiroit une poignée de ces billets au hasard, et il falloit que tout ce qu'il avoit tiré entrât dans ce plaidoyer. (T.)—Si ce fait n'est pas exact, c'est au moins une critique spirituelle de l'abus qu'on faisoit alors dans les plaidoyers des citations sacrées et profanes.
[30] Bois-Robert disoit que quand Laffemas voyoit une belle journée, il s'écrioit: «Ah! qu'il feroit beau pendre aujourd'hui!» (T.)
Laffemas est passé à la postérité sous le poids de l'exécration. Juge inique, dévoué au cardinal de Richelieu, son nom est devenu le synonyme d'homme sans conscience, et presque de bourreau. Il trouva son second en Angleterre, George Jefferys, chancelier sous Jacques II.
[31] Il étoit mal avec le chancelier et avec Bullion, à qui il dit en plein conseil, qu'il seroit ravi d'avoir la commission de lui faire son procès, et qu'il ne le feroit guère languir. Bullion alla au cardinal faire ses plaintes, et lui dit qu'il falloit que lui ou Laffemas se retirât. On obligea Laffemas d'aller aux champs pour six semaines. (T.)
[32] Tardieu, lieutenant-criminel, l'alla accuser en plein conseil. «Il ne se contente pas, messieurs, dit-il, d'avoir sa charge pour rien, il empiète sur la mienne qui me coûte si cher.» Le chancelier, Bullion et tous les pendards étoient pour Tardieu. Laffemas répondit: «Je n'ai que deux mots à dire pour confondre M. le lieutenant-criminel. Un marchand de la rue Aubry-Boucher avoit quinze mille livres en argent dans un petit coffre-fort: des voleurs rompent sa boutique, entrent et emportent le coffre. Ils n'étoient pas encore à cinquante pas que des gens qui partoient à la petite pointe du jour viennent à passer par cette rue: les voleurs ont peur, et laissent le coffre sur une boutique. Un marchand se lève de bon matin, et trouve ce coffre; il vient me présenter requête, dit qu'il est prêt de le rendre à qui il appartient, et demande quelque chose pour son droit d'avis; le maître se trouve, et se présente avec la clef et le bordereau des espèces; je fais ordonner cinquante écus pour le droit d'avis. N'est-ce pas une affaire civile? Pour les voleurs, que M. le lieutenant-criminel les pende, je les lui abandonne; mais qu'a fait ce pauvre coffre-fort pour tomber entre ses mains?» Tout le monde se mit à rire, et Tardieu fut baffoué. (T.)
[33] Voyez plus haut, page 19 de ce volume, la chanson dite des Feuillantines, sur la présidente Lescalopier.
[34] Vagheggiare, lorgner.
[35] Gentilhomme ordinaire.
[36] Fontainier italien. (T.)
[38] Claude de L'Estoile, membre de l'Académie françoise, mort vers 1652.
[39] Pierre de l'Estoile, audiencier de France, devenu célèbre par le livre Journal sur lequel il inscrivoit l'événement de chaque jour. Les Mémoires qu'il nous a ainsi laissés sont un des ouvrages les plus curieux qui nous restent sur les règnes de Henri III et de Henri IV.
[40] La mère de Pierre de L'Estoile étoit fille de François de Montholon, garde des sceaux sous François Ier. Il n'y a pas eu de chancelier de L'Estoile.
[41] Elle chantoit aussi et dansoit fort joliment; elle avoit de l'éclat et étoit fort agréable. (T.)
[42] Je ne sais s'il se repentoit d'avoir eu affaire avec des procureurs, mais ayant été poussé assez incivilement au Palais par un procureur, il demanda son nom. «Il s'appelle Fléau, lui dit-on.—Vraiment, ce nom ne lui convient pas mal; je serois d'avis, dit-il, qu'on appelât ainsi tous les procureurs.» (T.)
[43] Le Clerc. (T.)—Michel Le Clerc, de l'Académie françoise. On ne connoît de lui que deux tragédies, la Virginie romaine, et l'Iphigénie, qu'il eut la maladresse de faire représenter peu après celle de Racine.
[44] Ramire. (T.)
[45] Les poésies de L'Estoile sont éparses dans les Recueils du temps. On a de lui la Belle Esclave, tragédie, 1643, et l'Intrigue des filoux, comédie, 1648.
[46] Charles-François d'Abra de Raconis, né vers 1580, au village de Perdreau, près de Montfort-l'Amaury, évêque de Lavaur, en 1639, mort en 1646.
[47] Il paroît que le nom de ventriloque n'étoit pas connu alors.
[48] Cette anecdote semble être la plus ancienne de toutes celles qui se rattachent à la bizarre faculté des ventriloques.
[49] Morery fait naître Abra de Raconis au château de Raconis, que cet évêque a bâti dans sa vieillesse. Il en fait même un grand prélat, et c'est comme cela qu'on écrit l'histoire!
[50] Raconis, auteur d'une philosophie imprimée en 1617, se montra fort opposé aux Jansénistes. Despréaux l'a cité dans le quatrième chant du Lutrin.
[51] Courance étoit un très-beau château du Gâtinois. Il a été gravé.
[52] Le château de Liancourt, auprès de Clermont-Oise, et le château de Blérancourt, bâti par Bernard Potier, près de Noyon.
[53] C'étoient sans doute les sœurs d'Ogier le Danois, et du prieur Ogier, le prédicateur, dont il a été parlé plus haut dans l'article de M. d'Avaux, (tome 3, page 385).
[54] Il y avoit encore un couplet sur l'air: La, sol, fa, mi, ré, Jacquet.
[55] La pièce est intitulée: Galanterie à une dame à qui on avoit donné, en raillant, le nom de Souris. (Œuvres de Sarrasin; Paris, 1685, t. 2, p. 146.)
[57] C'étoit un maître des requêtes. Il faisoit des présents à la Reine, qui les renvoyoit à sa femme. Une fois il se fit mener dans une charrette de paille, de peur qu'on ne le découvrît, à une maison où étoit la Reine. Elle ne voulut pas qu'on lui fît rien quand on le trouva sous son lit.
(T.)
[58] A cette maison de la Chapelle, il arriva une fois une assez plaisante chose. Un curé de Montevrin, vers Lagny, y étoit soir et matin; c'étoit un homme qui faisoit des malices à tout le monde, et tout le monde lui en faisoit aussi. En badinant on lui mit un casque qui fermoit avec je ne sais quel ressort; et après on envoya à Paris un valet qui le savoit ouvrir; de sorte que le pauvre curé fut vingt-quatre heures, mangeant, buvant, disant son bréviaire, l'armet en tête. (T.)
[59] Mathieu de Montreuil, auteur de quelques madrigaux pleins de délicatesse.
[60] Du quartier de l'île Saint-Louis.
[61] Vers de Malherbe. (T.)
[62] Ils en sont accusés; et le plus fâcheux, c'est qu'une de leurs sœurs mourut, il y a quelques années, toute dévisagée de ladrerie. (T.)
[63] Pont situé au midi de l'église de Notre-Dame; il est adossé aux bâtiments de l'Hôtel-Dieu qui traversent la rivière.
[64] Les bons mots de madame Cornuel sont épars dans tous les ouvrages du temps. Madame de Sévigné en rapporte les plus saillants.
[65] L'abbé de La Victoire l'appelle, à cette heure, la reine Marguerite. (T.)—Il existe un portrait de mademoiselle Cornuel, sous le nom de la reine Marguerite, composé par M. de Vineuil, et adressé au duc de La Rochefoucauld. On le trouve à la suite des Mémoires de mademoiselle de Montpensier, tome 7, page 22; édition de Londres, 1746.
[66] Il est fait allusion à l'esprit fin et caustique de madame Cornuel, et des deux autres dames qui demeuroient avec elle, dans les vers suivants, tirés d'une épître anonyme adressée à mademoiselle de Vandy. Elle est dans la manière de Benserade:
(Nouveau Recueil des plus belles poésies; Paris, Loyson, 1654; in-12, p. 352.)
[67] Voyez le portrait que madame Cornuel a tracé du marquis de Sourdis, dans la Lettre adressée à la comtesse de Maure, que nous plaçons à la suite de cet article.
[68] Nous croyons faire plaisir aux lecteurs en plaçant à la suite de cet article une lettre de madame Cornuel, qui est vraisemblablement la seule que l'on ait conservée. C'est encore une obligation que nous avons à Conrart; il a copié lui-même cette lettre qui se trouve à la bibliothèque de l'Arsenal dans le manuscrit n{té} 902, in-folio. (Belles-Lettres françoises, t. 11, p. 1293.)
[69] Des hauts bois: des bois de futaie.
[70] La sœur de l'avocat Galland, qui épousa, en secondes noces, le président Le Coigneux. Tallemant a parlé fort au long, ainsi que Conrart, des orages qui ne tardèrent pas à troubler cette union.
[71] Gaston de France, duc d'Orléans.
[72] Voyez l'article de Gombauld, t. 2, p. 389.
[73] Voyez son article, t. 1.
[74] François Du Val, marquis de Fontenay-Mareuil. (Voyez précédemment la note 2 de la p. 69 du t. I.)
[75] Pecque: Expression de mépris, pour dire une femme ridicule, et qui fait l'entendue. (Dict. de Trévoux.)
[76] Le beau château de Petit-Bourg, auprès de Corbeil, construit par Galland, secrétaire du conseil, appartenoit alors à l'abbé de La Rivière, favori de Gaston. Il étoit avant la révolution à la duchesse de Bourbon; il est aujourd'hui propriété de M. Aguado.
[77] Mère de madame de Boudarnau et de madame de Beaujeu. (T.)
[78] Pierre Costar, né à Paris en 1603, mourut le 13 mai 1660.
[79] On dit que son véritable nom est Coustar: il a cru se déguiser en ôtant un u. (T.)—Il signoit Costar.
[80] Le père Du Bosc, qui le voyoit un jour faire de grands compliments à bien des gens, disoit: «Bon Dieu, le grand paraphraseur de votre serviteur très-humble, que voilà.» (T.)
[81] Cette pluie produite par l'ambition.
[82] Tallemant a déjà rapporté cette anecdote, avec quelques différences, dans l'article sur Voiture, t. 2, p. 284.
[83] Voici le portrait de Costar fait par un auteur anonyme qui étoit son commensal. Nous le tirons d'une Vie manuscrite de Costar adressée à Ménage:
«Il étoit, comme vous savez, monsieur, d'une taille assez haute, fort agréable et fort dégagée. Il avoit le visage rond, et de vives et belles couleurs y paroissoient toujours dans sa santé; mais il avoit la vue fort courte, et ce défaut ayant commencé à sa naissance, il ne fit que s'augmenter et devenir presque extrême par l'âge. Ses dents étoient mal arrangées, et plus jaunes que blanches. Ses cheveux étoient d'un châtain fort brun, et se frisoient naturellement; tout son air avoit quelque chose de propre et d'élégant qui auroit extrêmement plu, et qui l'auroit rendu très-aimable, s'il n'y eût point eu aussi en tout cela de l'affectation et de la contrainte. L'une et l'autre se trouvoient même en son entretien, où, quoiqu'il parlât très-éloquemment, et que ce qu'il disoit ne fût pas vide de pensées subtiles, raisonnables et surprenantes, par tout ce qu'elles avoient de nouveauté et de justesse, d'ingénieux et de savant, il y avoit néanmoins toujours je ne sais quoi de trop peiné, qui en ôtoit la grâce, en faisant voir qu'il avoit trop d'application à mettre en ordre ce qu'il disoit, et trop de soin de l'embellir et de l'orner. Ce fut cela même qui obligea un jour M. Scarron, dont l'esprit étoit vif et tout rempli de naïves grâces, qui ne connoissoient aucune étude, et qui agissoient partout librement, de dire de lui à l'oreille de quelqu'un de ses amis: «Bon Dieu! que j'aimerois bien mieux qu'il dît sans y prendre garde mangy pour mangea, et qu'il donnât des soufflets à Ronsard, que de parler toujours si bien et si juste!» (Vie de Costar, suivie de la Vie de Louis Pauquet, manuscrit du temps, communiqué par M. Aimé Martin. Nous nous proposons de donner ces deux ouvrages à la suite de ces Mémoires.)
[84] Ce laquais s'appeloit Dugue; il devint valet-de-chambre de Costar. Ce dernier avoit en outre un lecteur nommé Depoix, «plein d'esprit, qui lui lisoit infatigablement tout ce qu'il vouloit lui faire lire, d'une voix nette et claire, sans prendre jamais un mot pour l'autre.» L'abbé Pauquet étoit le secrétaire en titre, «qui lui rendoit les plus grands et les plus importants secours dans toutes ses écritures, dont il avoit besoin de conserver jusqu'aux moindres lignes et aux moindres syllabes. Elles méritoient qu'on eût ce soin, continue l'auteur anonyme, car elles lui avoient été si utiles, qu'elles lui avoient produit dix mille livres de rente; elles lui avoient donné pour près de douze mille francs de vaisselle d'argent, et pour une somme considérable d'autres meubles, qui lui pouvoient servir, et pour le nécessaire et pour le plaisant.» (Vie Manuscrite déjà citée.)
[85] Fondateur des Lazaristes, le vénérable saint Vincent de Paul.
[86] Le cardinal de Retz.
[87] M. du Mans conserva néanmoins une bien mauvaise réputation; car après sa mort, des prêtres ordonnés par lui, et notamment le célèbre Mascaron, furent ordonnés de nouveau sous condition. (Vie de Saint-Évremont, par Des Maiseaux, à la tête de ses Œuvres, 1753, in-12, t. 1, p. 31.)
[88] Encastelé se dit d'un cheval qui a la corne du pied trop serrée. Pris au figuré, il signifie ici un esprit trop étroit.
[89] Voyez la Lettre 9 de Voiture, où il raconte à mademoiselle de Bourbon, depuis duchesse de Longueville, qu'il a été berné comme Sancho Pança dans le roman de Cervantes.
[90] Voyez la lettre 95 de Voiture, écrite à madame de Rambouillet. Le Valentin est un château situé près de Turin.
[91] Allusion à un passage de la Requête des Dictionnaires de Ménage, où il est dit que Colletet prenoit souvent Renard pour Marte. (P. 13 de l'édition in-4o de 1652.)
[92] Gilbert Gaulmin, maître des requêtes, puis conseiller d'État, mourut en 1665, à l'âge de quatre-vingts ans. On a de lui de savants ouvrages; mais il est encore plus célèbre par ses liaisons avec les érudits et les gens de lettres de son temps.
[93] Louis Pauquet, chanoine et archidiacre du Mans, étoit secrétaire, créature et factotum de Costar. Cet homme, né à Bresles, en Bauvoisis, avoit été laquais; il avoit trouvé le moyen d'apprendre le latin, mais il étoit livré à l'ivrognerie de la manière la plus dégoûtante. Costar le tenoit très-sévèrement sur ce chapitre. Après sa mort, Pauquet continua de se livrer à la débauche, il mangea son bien, et mourut âgé de soixante-trois ans, le 14 novembre 1673. (Vie de Pauquet, à la suite du manuscrit déjà cité.)
[94] Nicolas Foucquet, procureur-général et surintendant des finances.
[95] Secrétaire de Mazarin; il devint ensuite secrétaire particulier ayant la main du Roi, c'est-à-dire écrivant les lettres qui passoient pour être de la main du Roi. Il a été président de la chambre des comptes, et membre de l'Académie françoise. Il étoit célèbre pour son avarice.
[96] Il mourut le 13 mai 1660. (Manuscrit déjà cité.)
[97] Par son testament notarié du 9 juin 1659, Costar fit l'abbé Pauquet son légataire universel, et la veille de sa mort, il lui résigna tous ses bénéfices. Il légua deux mille livres à l'abbé Coustard Du Coudray, curé de Gesvres, son neveu, et fit des dons assez considérables à diverses églises, mais plus particulièrement à celle de Niort, dont il étoit curé. (Vie manuscrite de Costar.)
[98] C'étoit apparemment un privilége pour des chaises à porteur. L'usage en fut introduit en France par le marquis de Montbrun, fils naturel, mais légitime, du duc de Bellegarde. (Voyez les Antiquités de Paris, par Sauval, t. 1, p. 192.)
[99] Né en 1613, mort à Paris le 24 août 1679.
[100] Son père n'étoit pas brave: M. de Guise l'en méprisoit, et cela fut cause en partie de l'acharnement qu'il eut contre lui dans la prétention que le général des galères devoit être dépendant de l'amiral du Levant; M. de Guise l'étoit. Il avoit cela tellement en tête, qu'il ne parloit d'autre chose. (T.)
[101] Près de la Loire, et non loin de Nantes.
[102] Ce mot est douteux dans le manuscrit autographe. Il semble que l'auteur a écrit quelque chose de fer, on pourroit aussi lire quelque chose de fier; mais la première leçon nous semble la plus vraisemblable, surtout si on la rapproche de ce qui suit du caractère connu du cardinal, et des portraits gravés qui nous sont restés de lui.
[103] La mère du cardinal de Retz s'appeloit Françoise-Marguerite de Silly, dame de Commercy.
[104] Le cardinal le dit positivement. (Mémoires du cardinal de Retz, dans la collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, 2e série, t. 44, p. 87.)
[105] Le cardinal a parlé de ce duel dans ses Mémoires. Le second de Praslin étoit le chevalier du Plessis, et non pas le comte d'Harcourt. (Mémoires du cardinal de Retz, audit lieu, p. 93.)
[106] Le cardinal de Retz parle dans ses Mémoires des menées qu'il fit à Paris pour le comte de Soissons, mais il ne nomme pas M. de Thou. (Ibid., p. 109 et suivantes.)
[107] Disputant un jour contre l'abbé de Souillac en Sorbonne, il cita un passage de saint Augustin, que l'autre dit être faux. Il envoya quérir un Saint-Augustin, et le convainquit. Souillac, qui, quoiqu'il ne soit pas ignorant, parle pourtant fort mal latin, dit pour excuse: Non legeram ista toma. Le docteur qui présidoit lui dit plaisamment: Ergo quia vidisti, Thoma, credidisti. (T.)
[108] Voyez les Mémoires du cardinal de Retz, ibid., p. 100.
[109] C'est peu de chose, et ce qu'il fait est assez médiocre. Il a pourtant bien de l'esprit; mais il ne pense point assez aux choses, et ne se met pas même en peine de les apprendre. Il avoit beaucoup pris du Mascardi. (T.)—Augustin Mascardi, auteur de l'Histoire de la Conjuration de Fiesque, 1629, in-4o. Cet ouvrage a été traduit en françois par Fontenay-Sainte-Geneviève; Paris, 1639, in-8o.
[110] Villani et Machiavel ne parlent point des Gondis; M. de Thou les dit fils d'un banquier. (T.)
[111] J'ai ouï dire que la gloire en est due à Fernel. Ce garçon, qui avoit été des capettes du collége de Montaigu, fut quelque temps à délibérer s'il suivroit le barreau ou s'il se feroit d'église; mais ne se trouvant pas assez de voix, ni pour prêcher, ni pour plaider, il se résolut d'étudier en médecine. Ce qui le mit en réputation, ce fut la cure qu'il fit d'un gentilhomme qui étoit au Roi: ce gentilhomme en parla à Sa Majesté qui n'avoit point encore d'enfants. Le Roi le fit venir, et, quoique Fernel fût assez jeune encore, le Roi, sur le témoignage du cavalier, ajouta foi à ce qu'il lui dit. Le Roi obligea la Reine à dire à Fernel toutes les particularités qu'il falloit savoir. Il dit au Roi qu'il croyoit que la Reine pourroit concevoir s'il la voyoit dans le fort de ses purgations; ce qu'il fit. Mais en récompense la plupart de ses enfants n'étoient pas de trop bonne constitution. Fernel ensuite fut premier médecin du Roi. On a su cette particularité de ceux de sa famille qui la reçurent par tradition. (T.)
[112] C'est on fort beau trait; mais Louis XIV fut plus grand quand il jeta sa canne par la fenêtre dans la crainte de succomber à la tentation d'en frapper Lauzun.
[113] Il seroit impossible de vérifier ce point, quoique la plupart des manuscrits originaux de Brantôme existent à la Bibliothèque royale, ainsi que les copies que MM. Du Puy en ont fait faire. Les passages indiqués devroient se trouver dans le volume des Dames galantes, et le manuscrit original de ce volume paroît avoir été détruit. (Voyez la Notice sur Brantôme, t. 1, p. 95; Paris, 1822, in-8o.)
[114] L'ambassadrice étoit si sotte qu'elle disoit: «Ma charge,» en parlant de l'ambassade. (T.)—Cet ambassadeur est appelé de Maillé dans les Mémoires du cardinal. (Mémoires du cardinal de Retz déjà cités, p. 102.)
[115] C'étoit à la naissance du Roi. (T.)—En 1638.
[116] Voyez l'article de Bezons, et celui de la présidente de Pommereuil qui suit.
[117] Claude Bazin, seigneur de Bezons, conseiller d'État, membre de l'Académie françoise, mourut en 1684.
[118] Charles Faucon de Riez, seigneur de Charleval, poète d'un tour fin et délicat. Scarron disoit de lui que les Muses ne le nourrissoient que de blanc-manger et d'eau de poulet. Il mourut en 1693.
[119] On a déjà vu une partie de ces faits à l'article de Conrart. Les titres de Bezons à l'Académie françoise étoient bien légers; on lui attribuoit la traduction anonyme d'un traité de paix.
[120] En 1648 qu'on commençoit à fronder. (T.)
[121] François-Henri Salomon-Virelade, conseiller d'État, membre de l'Académie françoise, mourut en 1670. Ses titres littéraires étoient tout aussi légers que ceux de Bezons, et néanmoins il l'emporta sur P. Corneille, parce qu'il avoit le mérite de demeurer à Paris, tandis que Corneille habitoit Rouen.
[122] On n'en a pas moins fait à M. Salomon-Virelade une belle généalogie, tout aussi fausse que ses titres littéraires. (Voyez les Mélanges d'histoire et de littérature de Vigneul de Marville, tome 3, page 393.)
[123] Ils étoient tous les deux renommés pour les inepties qui leur échappoient, comme à d'autres des bons mots. (Voyez plus haut l'article de M. de Montbazon.)
[124] Discours d'État à M. Grotius, sur l'histoire du cardinal Bentivoglio; Paris, 1640, in-8o.
[125] Sibille-Angélique-Émilie d'Amabli épousa, en 1643, le comte de Cominges.
[126] Gilles Ménage, né à Angers en 1613, mort à Paris en 1692.
[127] Nœuds de rubans qu'on portoit à la jarretière.
[128] Quintilien dit cela d'un homme de son temps. (T.)
[129] Cette même fille étoit cajolée par un garçon qui, jaloux, quand ce fut à son tour à chanter une chanson, en dit une où il y avoit qu'il romproit ses fers. Elle, car elle chanta après lui, se met à en dire une avec feu, dont la reprise étoit:
[130] Cressy est un gentilhomme. (T.)
[131] Son amant, se mourant d'amour.
[132] On lit dans la Rechute amoureuse:
Le vers cité par Tallemant l'a sûrement été de mémoire, car on trouve l'autre dans le Miscellanea de 1652, comme dans l'édition Elzevir de 1663, et vraisemblablement dans toutes les réimpressions des poésies de Ménage.
[133] Voyez le Discours sur l'Héautontimoruménos de Térence et la Réponse de Ménage dans les Miscellanea; Paris, 1652, in-4o.
[134] Vita Gargilii Mamurræ Parasitopædagogi, scriptore Marco Licinio, dans les Miscellanea déjà cités.
[135] Maltalent, du mot italien maltalento, mauvaise volonté, disposition défavorable.
[136] L'abbé de Retz étoit déjà coadjuteur. (T.)
[137] Voyez plus haut la note sur l'abbé Pauquet, page 96 de ce volume.
[138] C'étoit un gouverneur des pages de M. d'Orléans, qui avoit fait un voyage. (T.)
[139] C'étoit à la fin de 1649. (T.)
[140] Marie de Rabutin-Chantal, dame de Sévigné, notre immortelle épistolaire. Il y avoit une autre dame de Sévigné (ou Sévigny), belle-tante de Marie de Rabutin; c'étoit la mère de madame de Lafayette qui avoit épousé, en secondes noces, le chevalier René Renaud de Sévigné.
[141] Débauche.
[142] Paroles du Cid, acte 2, scène 9.
[143] Depuis évêque d'Avranches. (T.)
[144] Mademoiselle de Rambouillet épousa le comte de Grignan, comme on l'a déjà vu plus haut.
[145] Il n'a pas osé mettre Gilles. (T.)
[146] On a vu précédemment un article sur ce poète ridicule.
[147] Trillepert étoit l'un des fils du président Aubry. (Voyez l'article de la présidente Aubry et de son mari.)
[148] Avis à M. Ménage sur son Églogue intitulée Christine. Cette pièce a été réimprimée par La Monnaie dans son Recueil de pièces choisies. La Haye, 1714, in-8o, 1re partie, p. 277.
[149] Gilles Boileau, frère aîné de Despréaux.
[150] Indication de ces vers de la deuxième églogue de Ménage:
[151] La Vie et la Morale d'Épictète; cela est imprimé pour la deuxième fois. (T.)
[152] Ce M. Lefèvre est président des bureaux des trésoriers de France, à Soissons. Ce fut autrefois le premier intendant qu'on envoya en Lorraine; il ne tint qu'à lui d'y gagner deux cent mille écus. Tout le conseil étoit étonné de la fidélité et de l'intégrité de cet homme: il en eut pour toute récompense le remboursement d'un office de vingt mille écus qui avoit été supprimé. En voici un exemple. Il amassa de lui-même pour plus de quatre cent mille livres de grains de çà et de là, sans que la cour le sût; il eut ordre d'en acheter pour l'armée qui y alloit. Il manda qu'il en avoit déjà pour quatre cent mille livres. Il n'y avoit rien plus aisé que de prendre tout cet argent. Il n'a pas été employé depuis. (T.)
[153] Sauval est un garçon de Paris qui fait trois volumes in-folio, intitulés: Paris ancien et moderne, où il remarque tout ce qu'il y a de beau. Ce travail sera utile. Furetière disoit: «Les gens de lettres qui voient cela disent: Je pense que pour ce qui est de la peinture et de l'architecture, il en parle bien; mais pour le reste, ce n'est point bien écrit; et que les peintres et les architectes disent: Nous croyons que cela est bien écrit; mais il ne parle point bien de l'architecture ni de la peinture.» (T.)
Les recherches de Sauval ont été publiées depuis en trois volumes in-folio, sous le titre d'Antiquités de Paris.
[154] Guy de Laval Bois-Dauphin, dit le marquis de Laval, mort en 1646.
[155] Henri d'Escoubleau de Sourdis, frère du cardinal de ce nom, fut nommé archevêque de Bordeaux après la mort de son frère, et lui succéda en 1628. Par un abus très-commun en ce temps, il allia les commandements militaires aux dignités de l'Église.
[156] Tallemant nous semble ici confondre Henri de Sourdis avec le cardinal, son frère. Henri n'a pas été revêtu de la pourpre. Ses différends avec le duc d'Épernon lui ont donné de la célébrité.
[157] Son mari fut tué à Aire. (T.)
[158] C'étoit vraisemblablement l'hôtel qui est maintenant une succursale de la Légion-d'Honneur. Il appartenoit, avant la révolution, à M. de Corberon dont il portoit le nom.
[159] Cela me fait souvenir d'un enfant qui, voulant écrire au valet-de-chambre de son père, sans lui mettre monsieur, mit à Chaumat, Chaumat; c'étoit le nom du valet, et celui de l'enfant c'est Marbaut, dont il sera parlé dans l'Historiette de la Gaillonnet. (T.)
[160] C'étoit vraisemblablement Bonne de Pons, depuis marquise d'Heudicourt, amie de madame de Maintenon. On verra plus bas, dans l'article de M. de Guise, petit-fils du Balafré, comment mademoiselle de Pons vint à la cour, et y fut nommée fille d'honneur de la reine Anne d'Autriche.
[161] Mademoiselle de Chalais étoit dame de compagnie de la marquise de Sablé. Voiture lui a adressé plusieurs lettres.
[162] Pierre-César Du Cambout, marquis de Coislin, colonel-général des Suisses.
[163] Loisel, curé de Saint-Jean en Grève. (T.)
[164] Léon d'Aubusson, comte de La Feuillade, tué à la bataille de Lens, en 1647. C'étoit le frère aîné du maréchal de La Feuillade.
[165] Le chevalier de Rivière fit une chanson sur l'air de Catane la belle jardinière:
Le chevalier de Rivière a fait beaucoup de chansons et vaudevilles; on lui attribue les recueils de ces sortes de pièces.
[166] Boutaut, de Tours. (T.)
[167] Il lui assigna son douaire sur une pièce de vingt francs; c'est qu'il tira un quadruple, quand il fallut donner une pièce, comme on les épousoit. (T.)
[168] Un baigneur célèbre. (T.)
[169] Saint-Etienne, dont le père étoit gouverneur de Château-Renault, avoit enlevé, à Reims, mademoiselle de Sallenauve, et il s'étoit battu en duel. (Voyez plus bas l'article de mademoiselle de Sallenauve.)
[170] Poncet avoit droit à cette cure en vertu de l'Indult, qui appartenoit à son frère, comme maître des requêtes.
[171] Une des terres que le chancelier a eues à vil prix. (T.)
[172] Aujourd'hui évêque de Léon. (T.)
[173] Jacques Esprit, de l'Académie françoise, né à Béziers en 1611, mourut dans sa patrie en 1678.
[174] Frère de Louis XIV, depuis duc d'Orléans, et père du régent.
[175] On a de l'abbé Esprit le livre de la Fausseté des vertus humaines, ouvrage médiocre, qui est une faible contre-épreuve des Maximes du duc de La Rochefoucauld. On croit qu'il n'a pas été étranger à la composition de ce dernier ouvrage, et que la marquise de Sablé y a aussi eu quelque part.
[176] Jean-François Sarrazin, né en 1605, mort en 1655.
[177] L'amant de mademoiselle Paulet. (T.)—C'étoit un docteur en théologie, mais Tallemant dit lui-même qu'on n'en a pas médit. (Voyez l'article de mademoiselle Paulet, t. 1, p. 196.)
[178] Jean de Montereul, frère de Mathieu, duquel on a des lettres et de jolis madrigaux. Il n'existe rien d'imprimé de l'académicien.
[179] Le petit Courtin qui avoit été à Munster; il est maître des requêtes.
[180] Daniel de Cosnac, évêque de Valence. Le huitième livre des Mémoires de Choisy lui est presque entièrement consacré. (Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, deuxième série, tome 63, p. 36.)
[181] Jean-Gaspard Ferdinand, comte de Marchin (on prononçoit Marsin) et du Saint-Empire; il quitta le service de France en 1653 pour passer à celui d'Espagne. C'est le père du maréchal de Marchin.
[182] On a du marquis de Chouppes des Mémoires importants qu'on regrette de ne pas trouver dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France. Ils forment deux parties in-12. (Paris, Duchesne, 1753.)
[183] On surprit une lettre de Sarrazin au cardinal Mazarin, qui commençoit ainsi: «Ce petit bossu, qui fait le vaillant et qui ne l'est pas, vous demande de l'argent pour donner à des gens qui ne vous aiment point.» Le prince de Conti, sur cela, lui dit en particulier (il n'y avoit que le P. Talon, Jésuite, autrefois son précepteur, et un valet-de-chambre): «Traître, tu mériterois que je te fisse jeter par les fenêtres; va, que je ne te voie jamais.» A deux jours de là, le P. Talon, à la prière de Sarrazin, qui pleuroit comme une vache, obtint que cet homme lui donnât la comédie; et il se mit à bouffonner si plaisamment, que le pauvre prince lui sauta au cou. (T.)
[184] Pierre Lenet. On a de lui des Mémoires assez importants; ils font partie de la deuxième série de la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, dont ils forment le cinquante-troisième volume.
[185] Ce Matha devoit être un frère de Barthélemy de Bourdeille, baron de Matha, ou Mata, ou Mastas. Barthélemy mourut en 1640, laissant un fils posthume. Ce ne peut donc être ni le père ni le fils. Il est vraisemblable que celui dont parle Tallemant est ce Matha dont Hamilton raconte des traits si plaisants dans ses Mémoires de Grammont.
[186] Le P. Talon dit que la femme ne fut point empoisonnée; que son mari, qui étoit bon gentilhomme, l'épargnoit à cause de ses parents qui étoient plus de qualité que lui; il empoisonnoit les galants d'un poison bien lent. Il croit que M. de Candale en est mort, comme Sarrazin lui fit envie de coucher avec cette femme, lui disant qu'il n'en avoit jamais trouvé de si agréable... (T.)
[187] On a de Sarrazin un poème badin intitulé: Dulot vaincu, ou la Défaite des bouts rimés. L'un des éditeurs possède un imprimé en huit pages in-4o, intitulé: la Défaite des bouts rimés, poème héroïque, par M. Sarrazin, avec les éloges et acclamations des plus beaux esprits de ce temps. On y lit un Avertissement de l'imprimeur au lecteur, par Pellisson, et quelques pièces de vers dont deux sont d'Ysarn. Cette brochure s'est trouvée dans des portefeuilles de Tallemant des Réaux, qui font partie de la bibliothèque de M. Monmerqué. Tallemant y a joint la note suivante: «Sarrazin avoit fait la Défaite des bouts rimés, mais il ne la vouloit point donner. C'étoit du temps du mariage du prince de Conti. Pour lui faire malice, Pellisson et Ysarn firent imprimer ceci pour le faire crier devant la porte de Sarrazin. Ce qu'il y eut de meilleur, c'est que l'imprimeur trouvoit la préface admirable.» Cette préface est une véritable facétie.
[188] Ils s'appellent L'Argentier en leur nom. (T.)
[189] Pierre de Bellegarde, dit le marquis de Montbrun, seigneur de Souscarrière.
[190] Ce petit homme étoit une espèce de m........ et d'escroc. On a dit de lui dans un vaudeville:
Ses deux filles sont du métier. Ce qu'il y a d'extraordinaire en cet homme, c'est qu'il étoit aussi franc athée qu'on en ait jamais vu: à sa mort il ne se vouloit point confesser. M. de Chavigny, qu'il appeloit Eumènes, parce qu'il étoit secrétaire comme Eumènes, y alla pour le persuader à se confesser. «Bien, lui dit-il, Eumènes, je le ferai pour l'amour de vous, et à condition que le grand prototrosne (il nommoit ainsi le cardinal de Richelieu) croira que je meurs son serviteur.» Sa femme lui dit: «Si vous ne vous confessez pas, nous voilà ruinés; on ne nous paiera plus notre pension.» Il se confessa donc, et en se confessant, il disoit à sa femme: «Voyez, ma mie, ce que je fais pour vous.» (T.)—Eumènes a été secrétaire de Philippe, roi de Macédoine, et ensuite d'Alexandre le Grand.
[191] Le Père Anselme a été la dupe de cette reconnoissance; et qui ne l'auroit été, puisqu'il y avoit des lettres de légitimation? Voici la mention de ce généalogiste: «Fils naturel de Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde, et de Michelle ou Léonarde Aubin ou Aubert, femme absente de son mari; Pierre de Bellegarde, dit le marquis de Montbrun, seigneur de Souscarrière, près de Grosbois en Brie, fut légitimé par lettres du mois d'avril 1628, etc.» (Histoire généalogique de la maison de France, t. 4, p. 307.)
[192] Une fois chez M. d'Olonne, à propos d'un bâtard d'Espagne, Montbrun dit qu'en France on traitoit trop mal les bâtards, etc. Quelqu'un dit: «De quoi se plaint-il? on sait ce que sa mère étoit, une fort honnête femme.» C'est que beaucoup de gens disent que M. de Bellegarde n'avoit point couché avec elle, et qu'il disoit qu'au moins n'en avoit-il nul souvenir. Il étoit fils d'un loueur de chevaux, premier mari de la pâtissière (T.)
[193] Voyez les Antiquités de Paris par Sauval, t. 1, p. 192.
[194] Elle s'appeloit Anne des Rogers; son père étoit intendant de la duchesse Nicole de Lorraine. Elle mourut le 20 août 1650. (Voyez le père Anselme au lieu cité.)
[195] Étant à la campagne avec sa femme, il surprit une lettre d'elle à Villandry; il la mena dans le parc, puis il la fit entrer dans un cabinet qui y étoit, et là lui dit en lui montrant sa lettre qu'elle priât Dieu. Ce ne fut point pour faire semblant, car il tira une baïonnette, et lui voulut donner un coup qu'elle para, et eut deux doigts blessés. Voyant son sang, il en eut pitié, et lui pardonna, mais à condition de ne se voir jamais. Il servit deux mille louis d'or dans un plat au roi d'Angleterre en un repas à Paris. Il eut l'insolence de faire prendre le deuil de la duchesse de Lorraine (Nicole) à un bâtard qu'il avoit. (T.)
[196] Charles-Henri de Bellegarde, fils naturel de Souscarrière et de Jeanne Corolin, fut légitimé et anobli en décembre 1652. Il mourut en 1668, au retour de l'expédition de Candie. (Voyez le P. Anselme audit lieu). Plus bas Tallemant dit que ce jeune homme fut noyé en revenant de Gigery.
[197] Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde, grand écuyer de France, prétendu père de Souscarrière. Il mourut à l'âge de quatre-vingt-trois ans, en 1646.
[198] C'étoit du temps de M. de Rohan. (T.)
[199] Henri de Lorraine, duc de Guise, né à Paris en 1614, mort à Paris en 1664.
[200] La fille de cette dame de Joyeuse a été la comtesse de Brosses. (Voyez l'article de Maucroix.)
[201] Elle s'appeloit Toussine. (Voyez l'article de Maucroix.)
[202] Cette actrice mourut en 1670; on l'apprend par une lettre en vers de Robinet, citée par les frères Parfaict dans l'Histoire du Théâtre-François, t. 11, p. 119. Elle jouoit les grands rôles tragiques. Son mari, acteur comme elle, a composé plusieurs pièces, et particulièrement la comédie des Coteaux, ou les Marquis friands, dont on se souvient à cause de la troisième satire de Despréaux. (Histoire du Théâtre-François, t. 8, p. 264.)
[203] Voyez l'article de madame d'Avenet et de la princesse Palatine, à la suite de l'article de Marie de Gonsague, reine de Pologne, leur sœur, t. 2, p. 435.
[204] Le Prince de Joinville, l'aîné, ne fit qu'une seule campagne, en Piémont, l'année que le Roi naquit. Il se déroba ou feignit de se dérober, et alla servir Madame; il mourut de maladie au retour. Il étoit bien fait et fort civil; il étoit accordé avec mademoiselle de Bourbon. (T.)
[205] Les couleurs d'Espagne.
[206] Bonne de Pons, depuis marquise d'Heudicourt. Elle devoit être très-belle, malgré ce que Tallemant en dit quelques lignes plus bas, car elle fut sur le point de devenir la maîtresse de Louis XIV, et de l'emporter sur madame de La Vallière. (Voyez les Souvenirs de madame de Caylus, dans la deuxième série de la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 66, p. 443.)
[207] Elle s'appeloit Honorée de Glimes, et étoit fille de Geoffroy, comte de Grimberg. Elle étoit veuve d'Albert Maximilien de Hennin, comte de Bossu. Son mariage avec le duc de Guise fut célébré le 11 novembre 1641.
[208] Le nom est en blanc dans le manuscrit.
[209] M. Beffara, dont on connoît les patientes et utiles recherches, a retrouvé sur les registres de la paroisse de Saint-Eustache, à Paris, sous la date du 3 juin 1635, l'acte de naissance de Philippe Quinault; il y est dit être fils de Thomas Quinault, maître boulanger, et de Perrine Riquier. Quinault n'a jamais servi Tristan l'ermite, mais ce poète l'avoit élevé avec son propre fils qu'il perdit fort jeune. Pénétré de reconnoissance, Quinault demeura près de Tristan, et il tâcha, par ses soins assidus, de le consoler dans sa douleur. (Voyez la Notice sur Quinault, à la tête de ses Œuvres choisies; Paris, Crapelet, 1824, in-8o, p. 5.)
[210] Chrétienne de France, duchesse de Savoie, fille de Henri IV.
[211] On joint ici une lettre de la princesse de Savoie au cardinal de Richelieu, relative à madame Dalot. Elle fait partie de la collection d'autographes de M. Monmerqué, un des éditeurs:
«Monsieur mon cousin,
«Je vous ay fait une prierre sur un fait qui regarde l'Eglise et la religion; je m'asseure que ces raisons vous auront esmue, oultre ma considération, à y porter vostre assistance; de quoy j'ay désiré de vous remercier. Le Roy et la Reyne madame ma mère m'ont fort obligée de considérer à ma prierre les justes plaintes de cette damoiselle fort persécutée en hayne de sa conversion. Je recepveray à beaucoup de faveur sy vous les assistez et secondez les intentions de leurs majestés, affin qu'elle obtienne justice du tort que beau père et mère luy ont fait en sa personne et en ses biens. Le sieur Dallot, son mary, va interiner son abolition. Je vous recommande l'un et l'autre en la suite de cest affaire, parce que je serois bien ayse de les mettre en repos, et que je crois en cela faire une grande charité, en quoy je m'asseure vous voudrez prendre part, et me tesmoigner que vous avez agréables mes prierres, vous asseurant que j'estime tousjours très-véritablement vostre amitié, et que je vous continue la mienne, comme estant,
Monsieur mon cousin,
Vostre affectionnée cousine,
Chrestienne.
De Thurin, le 3 janvier 1626.»
[212] Antoine, baron de Roquelaure, né en 1543, maréchal de France en 1615, mort à Lectoure en 1625.
[213] Frelaure, ou frelore, vieux mot qui vient de verloren, qui signifie en allemand, perdu, gâté. Pendant les guerres de religion, les Landsknechté ou Lansquenets avoient introduit beaucoup de mots dérivés de l'allemand dans la langue françoise.
[214] Il a été intendant de Lyon. La spirituelle madame de Coulanges étoit sa fille.
[215] Voyez plus bas l'article de madame d'Orgères.
[216] Il y avoit un maréchal-ferrant de ce nom-là à la rue Saint-Antoine, qui avoit un mouton qui le suivoit partout; il lui disoit toujours: «Plus tu deviens grand, plus tu deviens bête.» Cela a fait un proverbe: il ressemble au mouton de Pelloquin, plus il devient grand, plus il devient bête. (T.)
[217] Pierre de Boissat, de l'Académie françoise, mourut en 1662, âgé de cinquante-huit ans.
[218] Pellisson a donné la relation détaillée de ce différend. On y lit toutes les pièces du procès, à l'exception de la première lettre dans laquelle Boissat racontoit les traitements dont il se plaignoit. On voit plus bas qu'il en avoit demandé lui-même la suppression. (Voyez l'Histoire de l'Académie françoise; Paris, 1730, t. 1, p. 183.)
[219] Marie-Madeleine-Pioche de La Vergne, depuis comtesse de La Fayette, auteur de Zayde et de la Princesse de Clèves. Aymar de La Vergne, son père, étoit gouverneur du Havre. Il nous semble qu'on ignoroit jusqu'à présent qu'il eût été attaché à l'éducation du maréchal de Brézé.
[220] Rénée-Éléonore de Bouillé, princesse, femme du comte Du Lude. Madame de Sévigné la présente aussi dans ce caractère, mais elle la peint de cette manière qui lui est propre: c'étoit en 1672, au moment où l'armée se rendoit sur les bords du Rhin. «Je fus hier à l'Arsenal,...... je trouvai La Troche qui pleuroit son fils, et la comtesse Du Lude qui pleuroit son mari: elle avoit un chapeau gris, qu'elle enfonçoit dans l'excès de ses déplaisirs; c'étoit une chose plaisante; je crois que jamais chapeau ne s'est trouvé à pareille fête: j'aurois voulu ce jour-là mettre une coiffe ou une cornette. Enfin ils sont partis tous deux ce matin, la femme pour le Lude, et le mari pour la guerre.» (Lettre à madame de Grignan, du 27 avril 1672.)
[221] Cécile-Élisabeth Hurault de Cheverny, petite-fille du chancelier, avoit épousé, en 1645, François de Paule de Clermont, marquis de Montglas. Elle a été maîtresse de Bussy-Rabutin, qu'elle abandonna dans sa disgrâce. Le comte se vengea en la faisant peindre sous les traits de la Fortune, avec cette devise: Ambo leves, ambo ingratæ. (Voyez les Souvenirs d'une visite aux ruines d'Alyse, et au château de Bussy-Rabutin, par M. Corrard de Breban; Troyes, 1833, in-8o, pag. 18.)
[222] Marie de Bailleul, mariée, en 1645, à Louis Châlons Du Blé, marquis d'Uxelles, mère du maréchal. Son mari étoit gouverneur de Châlons, et n'étoit pas riche. Elle passoit pour galante; on fit sur elle le couplet suivant:
(Airs et vaudevilles de cour, dédiés à Mademoiselle; Paris, Sercy, 1665, p. 295.)
[223] Pertharite, tragédie de Pierre Corneille, ne fut représentée qu'une seule fois, en 1653.
[224] Il s'étoit attaché au comte de Fiesque, quand ce dernier fut relégué en Normandie. Segrais est de Caen. (T.)
[225] Comédie de Thomas Corneille, en cinq actes, représentée en 1653.
[226] Antoine de Roquelaure, chevalier de Malte. On dit dans Morery que ce chevalier mourut jeune. Les généalogies dans ce Dictionnaire ont été fournies par la famille. On verra par la suite de cet article que les Roquelaure avoient intérêt à dissimuler l'existence du chevalier.
[227] Un jour qu'il jouoit et perdoit, il blasphéma tant, qu'un orage étant survenu, tout le monde eut peur et se retira; il demeura seul à dîner, et disoit en regardant le ciel: «Tonne, tonne, mordieu! tonne; tu penses me faire peur.» Un nommé Frissart, grand joueur de paume et grand blasphémateur, fit un jour venir un maçon pour lever un carreau d'un jeu de paume, où il y avoit, disoit-il, un diable dessous. Il fallut le lever, et il fit mille signes de croix avant qu'on le remît. (T.)
[228] Ce brave fut tué en second par un bâtard de Montauron qu'il vouloit marquer, disoit-il, sur le nez. (T.)
[229] Henri-Hurault de L'Hôpital, seigneur de Belesbat, fut reçu conseiller au Parlement en 1633. Il devint ensuite maître des requêtes, et mourut en 1684.
[230] Il est parlé de ce maître des requêtes dans l'Historiette de Roquelaure. (T.)
[231] Ce Laigues est mêlé dans toutes les intrigues du temps. Il étoit fort lié avec Montrésor; le cardinal de Retz en parle fréquemment dans ses Mémoires.
[232] Renée de Flexelles, fille de Jean de Flexelles, seigneur de Bregy. Elle se maria en 1637, et mourut en 1707.
[233] Vespériser, réprimander. Cette expression, tout-à-fait hors d'usage, est dérivée du mot vespérie: on appeloit ainsi le dernier acte de théologie que devoit soutenir le licencié avant de prendre le bonnet de docteur; cet acte se faisoit la veille au soir du jour où devoit avoir lieu la réception; celui qui présidoit donnoit au répondant quelques avis, qui pouvoient bien quelquefois sentir la réprimande. (Voyez le Dict. de Trévoux.)
[234] Paul-Hurault de L'Hôpital, prieur de Saint-Benoît-du-Sault, mort d'apoplexie le 7 mars 1691.
[235] Brancas, le fameux distrait, le Ménalque de La Bruyère.
[236] Le chevalier de Gramont, le héros d'Hamilton, et l'ami de Saint-Évremont.
[237] Jean-Louis Faucon de Ris, seigneur de Charleval, poète agréable et léger, dont les ouvrages, épars dans les Recueils du temps, ont été réunis en 1759 par Lefebvre de Saint-Marc, et publiées avec les Œuvres de Saint-Pavin, de Lalanne et de Montplaisir.
[238] Il a été ambassadeur en Angleterre au moment de la révolution qui renversa les Stuarts. Il en est souvent parlé dans les Lettres de madame de Sévigné.
[239] François Le Coigneux de Bachaumont, auteur de quelques poésies légères; il n'est connu aujourd'hui que par le Voyage qu'il publia conjointement avec Chapelle.
[240] César Phœbus, maréchal d'Albret, porta le titre de comte de Miossens, ou Miossans, jusqu'au moment où il fut élevé à la dignité de maréchal de France.
[241] Cet alinéa a été écrit par l'auteur à la marge du manuscrit plusieurs années après ce qui précède. C'est ce qui explique la différence qu'on remarque entre deux passages qui se suivent d'aussi près.
[242] Gabriel Cotignon, seigneur de Chauvry, étoit secrétaire des commandements de la reine Marie de Médicis. Il devint, en 1613, généalogiste des ordres du Roi. Nicolas Cotignon, son fils, l'objet de l'article de Tallemant, succéda à son père dans cette charge.
[243] Elle s'appeloit Marie Royer, dame Du Breuil.
[244] Elle parle au mari. (T.)
[245] Cette madame Perrochel, une fois chez madame de Rohan, voyant des portraits, demanda de qui ils étoient. «Des princesses de Rohan, lui dit-on.—Jésus! vous m'étonnez, répondit-elle, ils sont blancs comme neige!» (T.)
[246] Elle sortit de Paris au blocus à la tête d'une compagnie de chevau-légers qu'avoit un Chaumont, parent du bonhomme Chaumont, beau-frère du président Le Bailleul; elle étoit déguisée en homme. On disoit à Chaumont: «Vous avez là un joli cadet.» Ce garçon faisoit entrer les jeunes gens de la cour tous les jours à Paris. Meret, une fois, pour avoir mal contenté ses porteurs, fut en danger, car ils crièrent: «Au Mazarin!» (T.)
[247] Madame de Choisy faisoit le charme de la haute société par les agréments de son esprit. Mademoiselle de Montpensier, madame de Brégis, Segrais, dans les Divertissements de la princesse Aurélie, et Somaize, dans le grand Dictionnaire des précieuses, ont fait d'elle les portraits les plus flatteurs. On a parlé ailleurs de cette dame avec quelque détail. (Voyez la Notice sur l'abbé de Choisy, en tête de ses Mémoires, dans la deuxième série des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 63, p. 123.)
[248] Louis Barbier, dit l'abbé de La Rivière, évêque de Langres. C'étoit le favori de Gaston, duc d'Orléans, quoique, dit le Gallia christiana, d'après tous les Mémoires du temps, il ne lui ait pas toujours tenu sa foi. C'étoit un véritable roué revêtu des habits d'un prélat.
[249] Secrétaire des commandements de Gaston, duc d'Orléans, dont il est souvent parlé dans les Mémoires de mademoiselle de Montpensier.
[250] Le président Tambonneau, il étoit à la chambre des comptes. On se souvient que Louis XIV fit, avec madame de Montespan, un couplet sur la présidente Tambonneau. (Œuvres de Louis XIV, tome 6, page 264.)
[251] Crosser; c'étoit un jeu qui consistoit à chasser une balle ou une pierre avec un bâton recourbé. (Dict. de Trévoux.) Ce jeu devoit beaucoup ressembler à celui du mail.
[252] On pourra juger de l'étendue de l'esprit de Françoise de Lorraine, duchesse de Vendôme, par ce passage d'une lettre écrite à Conrart, le 13 novembre 1665, par Marie-Éléonore de Rohan, abbesse de Malnoue. (Nous avons copié cette lettre sur l'original autographe qui fait partie du manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal, no 151, in-4o, t. 2, p. 239)
«Il faut encore vous dire que madame de Vendôme, en remerciant le Roi des honneurs qu'il a fait rendre à M. de Vendôme, lui dit:—Il ne manque rien à ma satisfaction, sinon que M. de Vendôme vît lui-même les honneurs que Votre Majesté lui rend après sa mort; il en auroit été bien content, et moi aussi.—Je n'ai rien vu d'elle de plus joli que ce compliment, non pas même quand elle prioit Dieu afin que la mer ne fût point débordée durant que son fils de Beaufort seroit dessus.»
[253] Marie de Gonzague, qui devint reine de Pologne en épousant Wiesnovieski. «Ma mère, dit son fils, avoit un commerce réglé avec la reine de Pologne, Marie de Gonzague, avec madame royale de Savoie, Christine de France, avec la fameuse reine de Suède, et avec plusieurs princesses d'Allemagne.» (Mémoires de l'abbé de Choisy, deuxième série de la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, tome 63, page 153.)
[254] Henriette de La Guiche, veuve de Jacques de Matignon, comte de Thorigny, femme de Louis de Valois, duc d'Angoulême.
[255] Madame de Belesbat est sa fille.
[256] Ce passage de Tallemant donne le véritable nom de la comtesse de Brégis, ainsi c'est par erreur qu'elle a été appelée Charlotte de Saumaise dans une note des Œuvres de Louis XIV, t. 5, p. 19.
[257] Un homme de qualité qui, par amour, avoit épousé une gourgandine. Depuis elle consentit à la dissolution du mariage, et il épousa madame d'Auriac, sœur du maréchal de Villeroy. (T.)
[258] Cette lettre, quoique multipliée par des copies, n'a pas été insérée dans les Lettres et Poésies de madame la comtesse de B. (Brégis); Leyde, Antoine Du Val, 1666, petit in-12, ou Jean Sambix, 1668. Cette pièce, en effet, ne méritoit pas la publication, et Tallemant l'a bien jugée en la présentant comme un exemple de ridicule et d'affectation.
[259] Reichsthaler, pièce de monnoie allemande.
[260] Célèbre arquebusier. (T.)
[261] On a attribué au comte de Brégy, ou Brégis, les Mémoires de M. de ***, pour servir à l'histoire du dix-septième siècle; Amsterdam, 1760; 3 vol, petit in-8o. Cette opinion ne repose sur rien de solide. Voyez la Notice de M. Alexandre Petitot en tête de l'ouvrage, dans la deuxième série de la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 58.
[262] Marc Duncan de Cérisante, né vers 1600, mort en 1648.
[263] Ce fut en prenant le parti des armes que Duncan adopta ce nom de roman. (T.)
[264] Anne Poussart, fille de François Poussart, marquis de Fors, seigneur du Vigean, dame d'honneur de la Reine, et ensuite de madame la Dauphine, veuve en premières noces de François-Alexandre d'Albret, sire de Pons, comte de Marennes, mariée en secondes noces à Armand-Jean Du Plessis, duc de Richelieu. Elle est morte en 1684.
[265] Hugues Grotius (ou de Groot), homme universel, poète, historien, diplomate. Il vint en France comme ambassadeur de Suède, en 1635, et il y remplit ces hautes fonctions pendant dix années. Né en 1583, il mourut en 1645.
[266] Alexandre, comte d'Oxenstiern, chancelier de Suède, et l'un des premiers hommes d'État de son temps. Né en 1583, il mourut en 1654.
[267] Gustave, comte de Horn, maréchal de Suède, et l'un des plus habiles généraux de Gustave Adolphe, mourut en 1657, à l'âge de soixante-cinq ans.
[268] Hugues de Lionne, secrétaire d'État au département des affaires étrangères, mort en 1671.
[269] Voir pour l'origine de ce surnom, t. 3, p. 179.
[270] Jacques Carpentier de Marigny, auteur d'une multitude de vaudevilles sur le temps de la Fronde. Son poème du Pain-Bénit, imprimé en 1673, est le plus connu de ses ouvrages. Marigny mourut en 1670.
[271] Ce garçon, pour avoir fait quelque insolence dans une débauche, fut battu par le comte Jacques de La Gardie, cadet du comte Magnus, et à tel point qu'il en mourut de regret. (T.)
[272] Elle épousa Gondran, fils de l'avocat Galland. (Voyez plus bas l'Historiette de madame Gondran.)
[273] Ce partisan avoit pris à ferme la taxe établie sur les gens aisés.
[274] C'étoit apparemment le nom du bourreau de ce temps-là.
[275] Depuis peu, Sainte-Hélène n'a pu se faire déclarer noble. (T.)—Il ne faut pas confondre ce frère de Cérisante avec le Cormier de Sainte-Hélène, l'un des juges du surintendant Fouquet.
[276] Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène, né en 1608, mort en 1673. On a de lui l'Histoire des révolutions de Naples, complément nécessaire des Mémoires du duc de Guise. Cet ouvrage, qui étoit devenu fort rare, a été réimprimé par les soins de M. le comte de Fortia-d'Urban, membre de l'Académie des inscriptions; Paris, Sautelet, 1826, ou Pellicier, 1827. Les exemplaires de cette dernière date sont de la même édition que ceux de 1826; mais, en réimprimant des titres, on a retranché la généalogie de la maison de Raimond-Modène.
[277] M. de Guise dit qu'il fut blessé en mettant chausses bas, et que ce fut à la jambe. La vérité est que ce fut au gros orteil. Lui, pour se comparer en quelque chose à Achille, écrivit à M. Chapelain qu'il eût mieux aimé que c'eût été au talon pour mourir de la mort d'Achille. (T.)
[278] Cet homme-là a tort; car moi j'ai eu curiosité à Saumur de lire ce testament; il y a dans le style du notaire, qui le prenoit pour un grand seigneur, quelques termes de châteaux et seigneuries; mais où il parle de lui, il n'y en a pas un mot. Son frère Sainte-Hélène, qui m'a montré ce testament, prétend qu'en 1641, qu'il fut à Constantinople, il y alla par ordre du cardinal de Richelieu. Il se peut faire qu'y voulant aller, il se fit donner quelque patente par la faveur de madame du Vigean auprès de madame d'Aiguillon. (T.)
[279] Diminutif de Charlotte.
[280] François Tallemant Des Réaux, abbé du Val-Chrétien, membre de l'Académie françoise, oncle de l'auteur de ces Mémoires, mourut en 1693.
[281] Sa femme étoit fille de Sarrau, secrétaire du Roi. (Mémoires de Conrart, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, deuxième série, t. 48, p. 188).
[282] Leur famille.
[283] Cadet de Feuquières. (T.)
[284] Antoine Rambouillet de La Sablière, auteur de jolis madrigaux, publiés en 1680. M. Walkenaer, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, a donné, sur ce poète, des détails jusqu'alors inconnus, dans l'article de la Biographie universelle qu'il lui a consacré, et dans la notice qu'il a placée à la tête de l'édition de ses Poésies diverses (Paris, Nepveu, 1825). Il a puisé ces détails dans les Mémoires de Tallemant Des Réaux que nous publions.
[285] Des privautés, de menues faveurs. (Dict. de Trévoux.)
[286] Gaspard Masclary, fils, secrétaire du Roi en 1636. (Voyez l'Histoire de la chancellerie de France, de P. Tessereau, t. 1, p. 403.)
[287] A l'enterrement de son père, il dit à un avocat: «Ferai-je porter le poêle par des avocats ou bien par des gens d'honneur?» (T.)—Ce mot prouve que Gondran, ce qui n'arrive que trop souvent, avoit la sottise de renier son origine, et de rougir de n'être pas né gentilhomme.
[288] La maison de Rambouillet située à Reuilly. Il en reste encore quelques murailles, et la porte d'entrée, à l'extrémité de la rue de Charenton. (Voyez la Vie de La Sablière, par M. le baron Walckenaer, à la tête des Poésies de cet auteur, p. 9.)
[289] Turcan, maître des requêtes, dont on verra plus bas l'historiette.
[290] L'un des fils de Clotaire, qui eut pour sa part le royaume d'Orléans, en 562.
[291] On appeloit un magistrat, monsieur maître; monsieur étoit l'expression d'honneur, et maître indiquoit le gradué.
[292] Messire n'appartenoit qu'aux nobles ou aux ecclésiastiques.
[293] C'est-à-dire qu'elle avoit du brillant, mais qu'en l'examinant avec attention, on ne lui reconnoissoit aucun mérite. (Voyez le Dict. de Trévoux.)
[294] C'étoit un assez sot homme; il se fâchoit si un laquais disoit, La Roche Gifflard, au lieu de La Roche Giffard. Il fut tué au combat du faubourg Saint-Antoine. (T.)
[295] Mot de jargon, terme de mépris, que nous n'avons vu nulle part. Peut-être faut-il prendre cette expression comme chorea, danse. Rabelais s'est servi du mot chorée dans ce dernier sens. (Voyez le Glossaire des Œuvres de Rabelais; Janet, 1823.)
[296] En mai 1645. (T.)
[297] Il mourut d'apoplexie à Charenton. (T.)
[298] Mademoiselle de Pons, qui épousa le marquis d'Heudicourt, et dont il est souvent question dans les livres du temps. Elle fut l'amie intime de madame de Maintenon.
[299] Le père de La Case étoit un original sur sa noblesse. Pour ses enfants, quoiqu'il les appelât monsieur un tel et mademoiselle une telle, il les traitoit de sujets, toujours debout et tête nue devant lui à table: s'il ne disoit: «Monsieur un tel, mangez de cela,» ils n'eussent osé toucher à rien. On servoit chez lui des plats de vingt grandeurs et de vingt façons différentes, de même des assiettes et du reste. Il disoit que c'étoit aux maisons nouvelles à avoir de la vaisselle d'argent neuve. Cela me fait souvenir d'un avocat nommé Sevin, qui, ayant eu un brevet de conseiller d'État par la faveur de La Chambre, son beau-frère, acheta pour quatre mille livres de vaisselle d'argent, et toute la nuit ne fit que la rouler par les montées afin qu'elle se bosselât, et qu'on crût qu'elle n'étoit pas neuve. Une de ses filles, qui avoit trente ans, n'eût pas osé aller dans le parterre sans sa permission. Cet homme s'étoit fait faire chevalier de Saint-Michel. (T.)
[300] Voyez plus bas l'historiette de Turcan.
[301] Il l'a dit à feu Martin, intendant de M. de Rohan, de qui je le tiens. Ce Martin ne m'eût pas menti, il avoit été notre commis. (T.)
[302] Il étoit enseigne des gendarmes de la Reine. (T.)
[303] Jacques Gillot, conseiller-clerc au parlement de Paris, mort en 1619, l'un des auteurs de la Satire Ménippée. (Voyez la Notice sur sa Vie et ses ouvrages, t. 49, p. 241 de la première série de la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France.)
[304] Elle étoit huguenote.
[305] Celui-ci est de Sablière. (T.)
[306] Ils se faisoient des malices toute la nuit.
[307] Voyez les Mémoires de Conrart, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, deuxième série, t. 48, p. 191. Conrart est d'accord avec Tallemant sur l'incroyable dévergondage de cette madame de Gondran, mais il entre dans beaucoup moins de détails. Cette femme a eu la triste célébrité d'avoir été la cause du duel dans lequel fut tué le marquis de Sévigné.
[308] Sans doute un membre de la famille Rambouillet.
[309] Une discrétion étoit une gageure indéterminée, dont l'importance étoit laissée à l'arbitrage de celui qui la perdoit. (Dictionnaire de Trévoux.)
[310] Il y fut fort blessé au visage. (T.)
[311] Orondate, personnage du roman de Cyrus. Saint-Simon raconte, dans ses Mémoires, l'anecdote qui fit donner ce surnom au père du maréchal de Villars. (Mémoires de Saint-Simon; Sautelet, 1829, t. 2, p. 114.)
[312] Lucie de Cotentin de Tourville, femme de Michel d'Argouges, marquis de Gouville. Bussy-Rabutin en a souvent parlé dans ses Lettres.
[313] Le mépris semble percer dans cette expression de Tallemant. Il paroît bien que Villars, le père, ne dut sa fortune qu'à une infâme trahison. (Voyez les Mémoires du P. Berthod, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 48, p. 396 et suivantes.)
[314] Marie Gigault de Bellefonds, marquise de Villars. C'étoit une femme de beaucoup d'esprit. Les lettres qu'elle écrivit à madame de Coulanges pendant qu'elle étoit ambassadrice en Espagne, l'ont mise au rang de nos épistolaires. On en a publié un petit volume en 1762, réimprimé depuis.
[315] Nous ignorons entièrement le motif de cette expression dérisoire de Tallemant à l'occasion des substituts du procureur-général du Parlement. Le mot se lit au manuscrit très-distinctement.
[316] Henri, marquis de Sévigny, ou Sévigné. Le vrai nom est Sévigny, mais dans l'usage on adopta la seconde terminaison.
[317] Tallemant est en général si avare d'éloges pour les femmes, que son témoignage en faveur de madame de Sévigné ne doit pas paroître suspect; il est d'ailleurs l'écho de tous les contemporains. Nous croyons devoir citer ici ce qu'en dit Conrart.
«Sévigné avoit épousé la fille unique du baron de Chantal... Quoiqu'elle soit fort jolie et fort aimable, il ne vivoit pas bien avec elle, et avoit toujours des galanteries à Paris. Elle, de son côté, qui est d'humeur gaie et enjouée, se divertissoit autant qu'elle pouvoit, de sorte qu'il n'y avoit pas grande correspondance entre eux.... On dit qu'il disoit quelquefois à sa femme qu'il croyoit qu'elle eût été très-agréable pour un autre, mais que, pour lui, elle ne lui pouvoit plaire. On disoit aussi qu'il y avoit cette différence entre son mari et elle, qu'il l'estimoit et ne l'aimoit point, au lieu qu'elle l'aimoit et ne l'estimoit point. En effet, elle lui témoignoit de l'affection; mais comme elle a l'esprit vif et délicat, elle ne l'estimoit pas beaucoup, et elle avoit cela de commun avec la plupart des honnêtes gens, car bien qu'il eût quelque esprit, et qu'il fût assez bien fait de sa personne, on ne s'accommodoit point de lui, et il passoit presque partout pour fâcheux.» (Mémoires de Conrart, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, deuxième série, tome 48, page 187.)
[318] Il étoit constant que la princesse d'Harcourt et elle étoient nées en même jour. «Madame, lui dit-elle une fois, tombons d'accord de nos faits; dites-moi, voyons quel âge nous voulons avoir?» (T.)—Anne d'Ornano, comtesse de Montlaur, avoit épousé, en 1645, François de Lorraine, comte d'Harcourt; elle mourut au mois de septembre 1695, quelques mois avant madame de Sévigné, laquelle étoit née, comme on l'a récemment découvert, le 5 février 1626. Voir son extrait baptistère, t. 4, p. 156 de la Revue rétrospective.
[319] Voir t. 3, p. 250.
[320] Conrart a rapporté les propos que l'abbé de Romilly auroit tenus (Voyez les Mémoires de Conrart, audit lieu, p. 191.)
[321] Une g..... et comédienne. (T.)—Le nom surchargé dans le manuscrit est incertain.
[322] Qui fut depuis madame de Lafayette, l'auteur de la Princesse de Clèves.
[323] Ce duel eut lieu le 3 février 1651. Conrart a fait de cet événement un récit très-circonstancié. (Voyez les Lettres de madame de Sévigné; Paris, Blaise, 1818; pièces préliminaires, t. I, p. 57, ou les Mémoires de Conrart, au lieu déjà cité, p. 186.)
[324] Madame de Sévigné revint à Paris au mois de novembre 1651, dix mois après la mort de son mari. On lit dans la Muse historique de Loret, à la date du 19 novembre 1651:
[325] Ces deux sœurs sont les véritables héroïnes des Amours des Gaules, de Bussy-Rabutin.
[326] Le commencement d'une chanson de Porchères, qui avoit eu grande vogue autrefois. (T.)
[327] Il avoit fait mettre sur la porte de sa maison: In fundulo, sed avito. Châtelet, l'académicien, l'interprétoit ainsi: «Je suis gueux, mais c'est de race.» (T.)
[328] Le marquis de Royan, de La Trémouille, l'a depuis épousée. On fit un couplet contre d'Olonne, où il y avoit:
[329] Elle faisoit fort la prude, et on l'appela ainsi pour se moquer d'elle. (T.)
[330] Garouage, débauche. Courir le garou, courir le guilledou. (Voyez le Dictionnaire de Trévoux, et le Dictionnaire comique de Leroux.)
[331] Perrot de La Malmaison espéroit d'hériter de cette belle-sœur qui n'avoit point d'enfants. (T.)
[332] Mathieu de Montereul, le poète, celui duquel madame de Sévigné disoit qu'il étoit douze fois plus étourdi qu'un hanneton. (Lettre à Ménage, t. 1, p. 47 de l'édition de Blaise; Paris, 1818, in-8.)
[333] Lenclos étoit un gentilhomme de Touraine, qui avoit épousé une demoiselle de Raconis, d'une famille noble de l'Orléanais. Anne, leur fille, plus ordinairement appelée Ninon, née à Paris le 15 mai 1616 (d'autres disent 1615), y mourut en octobre 1706.
[334] Il est parlé de ce Chaban dans l'historiette de la maréchale de Themines.
[335] Coulon, conseiller au Parlement, qui a beaucoup marqué dans les troubles de la Fronde. (Voyez plus haut l'Historiette de sa femme, où il est un peu question de lui.)
[336] Ceci ébranleroit fort la réputation de désintéressement que la plupart des biographes de Ninon s'étoient accordés à lui faire. «Elle poussoit les scrupules du désintéressement, lit-on dans la Biographie universelle, jusque-là que ceux dont elle avoit satisfait les désirs, perdoient le droit de lui faire accepter les dons les plus légers.» Toutefois, sans crainte de se contredire, Tallemant n'en dit pas moins, quelques pages plus loin: «Elle n'est point intéressée.»
[337] Ninon captiva non-seulement Henri de Sévigné, mais Charles, son fils; le marquis de Grignan, petit-fils, se plaisoit aussi beaucoup dans la société de cette femme célèbre. (Notice sur madame de Sévigné, par M. Saint-Surin, t. I, p. 59 de l'édition de Blaise, 1818.)
[338] Georges Brossin, chevalier de Méré. On a de lui divers ouvrages écrits avec roideur et obscurité, mais avec une grande pureté de style. (Voyez ses Œuvres; Amsterdam, 1692, 2 vol. in-12.)
[339] Miossens devint depuis le maréchal d'Albret.
[340] Philippe de Montault-Benac, depuis duc de Navailles, et maréchal de France. Il épousa, en 1651, Suzanne de Baudean de Neuillan, qui devint gouvernante des filles d'honneur de la Reine, et eut, à cette occasion, quelques démêlés avec Louis XIV.
[341] Jean-Louis-Faucon de Ris, seigneur de Charleval, dont Lefèvre de Saint-Marc a réuni les poésies légères en 1759.
[342] Le marquis de Brancas, le distrait, le Ménalque de La Bruyère.
[343] Le cardinal de Lyon étoit le frère du cardinal de Richelieu.
[344] Perrachon étoit un avocat de Lyon. (Voyez le Faux Satirique puni; Lyon, Claude Rey, 1696, in-8o.)
[345] Le faubourg Saint Germain étoit alors soumis à la juridiction de l'abbé de Saint-Germain-des-Prés. Un édit du mois de mars 1674 ayant réuni les justices particulières au Châtelet de Paris, celle de Saint-Germain fut réduite à l'enclos de l'abbaye. (Voyez l'Histoire de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, par D. Bouillart; Paris, 1724, in-folio, p. 269.)
[346] Cette madame Paget est galante. (T.)
[347] La même anecdote a été racontée précédemment, avec quelques différences, par Tallemant, dans l'Historiette de Bois-Robert.
[348] On assure que le fils que Ninon avoit eu de Villarceaux conçut une passion très-vive pour sa mère qu'il ne connoissoit pas, et qu'en apprenant le secret de sa naissance il se donna la mort. Ce fait ne nous semble pas être bien établi, mais Ninon est du nombre de ces personnages singuliers au sujet desquels on a souvent altéré la vérité.
[349] Molière a mis cette scène dans sa comédie de la Comtesse d'Escarbagnas.
[350] Mademoiselle de Guerchy, fille d'honneur de la reine Anne d'Autriche. Sa mort tragique donna lieu au sonnet de l'Avorton. (Voyez les Délices de la poésie galante, deuxième partie; Paris, Jean Ribou, 1667, in-12, p. 36)
[351] Louis de Mornay, marquis de Villarceaux. Il est mort en 1691.
[352] Je pense des Girard dont il y a eu un procureur-général de la chambre; il y en a encore un présentement. Le président de Tillet est de cette famille; c'est peu de chose dans l'origine. (T.)
[353] Jacques de Castelnau, seigneur de Mauvissière, maréchal de France, épousa, au mois de mars 1640, Marie de Girard, fille d'un maître-d'hôtel ordinaire du Roi, et mourut eu 1658, à l'âge de trente-huit ans.
[354] Denise de La Fontaine, demoiselle d'Esches et d'Orgerus, fille d'honneur de la Reine.
[355] Suzanne-Charlotte de Gramont, femme de Henri Milte de Miolans, marquis de Saint-Chaumont.
[356] Jérôme de Nouveau, surintendant-général des postes, grand trésorier des ordres du Roi en 1654, mourut en 1665.
[357] Ce propos ridicule étoit si connu, que La Bruyère, dont l'ouvrage n'a paru qu'en 1687, en a aussi fait mention. L'auteur des Caractères désigne Nouveau sous le nom de Ménalippe. «Un autre (le président Le Coigneux), avec quelques mauvais chiens, auroit envie de dire, ma meute...... Il ne dit pas comme Ménalippe: Ai-je du plaisir? Il croit en avoir, etc.» (La Bruyère, chap. de la Ville.)
[358] Ce mot nous fait souvenir de ce grand seigneur (c'étoit, ce nous semble, un duc de Brissac) qui tenoit tant à son cordon bleu, qu'il en avoit fait imiter un avec du fer-blanc, afin de ne point s'en séparer quand il entroit dans le bain.
[359] C'étoit à la fin de l'année 1651. (T.)
[360] Nicolas Jeannin de Castille, marquis de Montjeu, mourut au mois de juillet 1691.
[361] C'étoit la veuve de Henri de Talleyrand, comte de Chalais; elle étoit sœur de Jeannin de Castille. (Voyez plus haut son article dans ces Mémoires, t. 2, p. 350.)
[362] Il a déjà été question de Saint-Étienne et de sa grâce sollicitée par M. le Prince dans l'article de M. de Laval. (Voyez plus haut, p. 165.)
[363] Au mois de janvier 1648. (T.)
[364] Ceci se passoit dans l'étendue de la justice de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. (Voyez plus haut la note, 345 p. 316.)
[365] La plupart du monde dit que ce fut le valet-de-chambre de Chalnay qui tua Cuile, et que Chalnay n'en pouvoit plus. En effet, il fut fort mal de ses blessures. Ce Cuile étoit fort incommode avec son humeur de gladiateur; avec cela c'étoit un petit tyranneau. (T.)
[366] Le chevalier de Baradas avoit été le favori de Louis XIII pendant quelques mois, et durant ce peu de temps, il étoit devenu premier écuyer, premier gentilhomme de la chambre, etc. Disgracié en 1626, il sortit du royaume, où il rentra quand la Régente rappela les exilés. (Voyez les Mémoires du cardinal de Richelieu, deuxième série des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 23, page 218 et suivantes, et l'Histoire de Louis XIII, par Le Vassor, t. 6, p. 680 de l'édition in-4; Amsterdam, 1757.)
[367] Le brevet contenant le don de la confiscation des biens du frère de mademoiselle de Sallenauve.
[368] Il est chevalier de l'ordre. (T.)
[369] Dans l'été de 1650. (T.)
[370] Gens du furet, terme de chasse.
[371] Daniel de Priezac, membre de l'Académie françoise, mourut en 1662.
[372] Crapaudaille, ou crépaudaille, crépon, espèce de crêpe de soie bouillie, dont on faisoit anciennement les coiffes des femmes. (Voyez le Dictionnaire de Trévoux.)
[373] Pélican: on appelle ainsi une pince à l'usage des dentistes. (Dict. de Trévoux.)
[374] C'est-à-dire qu'elles avoient beaucoup de mouches, suivant l'usage d'alors.
[375] Un maître des requêtes. (T.)
[376] Voyez sur cet abbé l'article de madame de Gondran, dans ce même volume, et les Mémoires de Conrart qui y sont cités.
[377] Le récit de Tallemant est difficile à concilier avec la belle harangue attribuée par Conrart au président Amelot; d'autant que plusieurs passages de cette pièce ont dû être improvisés. (Mémoires de Conrart, deuxième série de la collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 48, p. 33.)
[378] Né à Paris en 1600, mort à Paris en 1674.
[379] Claude de Malleville, de l'Académie françoise, poète françois dont quelques pièces se lisent encore. Il étoit secrétaire du maréchal de Bassompierre.
[380] Cette dispute sur la particule car donna lieu à la 51e lettre de Voiture, adressée à mademoiselle de Rambouillet, madame de Montausier.
[381] M. du Parc aux Chevaux. Caballus se prend dans le sens de rosse, mauvais cheval.
[382] On appeloit ainsi alors l'île Saint-Louis.
[383] Les Mémoires du duc de Nevers, en deux volumes in-folio, sont le seul ouvrage de Gomberville qui doive rester; ce n'est, au reste, qu'un grand recueil de pièces historiques.
[384] C'étoit la comédie de Rotrou, imitée de Plaute, et intitulée les Sosies. Représentée en 1636, elle eut un grand succès. Molière n'a pas dédaigné d'en emprunter des vers pour son Amphitryon, représenté en 1668.
[385] L'escoupette, ou escopette, étoit une petite arquebuse que la cavalerie françoise portoit en bandoulière sous Henri IV et sous Louis XIII. Cette arme à feu n'est plus en usage depuis fort long-temps. (Dict. de Trévoux.)
[386] Il sembleroit, d'après ce passage, que les dames qui recevoient chez elles engageoient les hommes à danser en leur présentant des bouquets.
[387] Le branle étoit une danse en rond, où tout le monde pouvoit danser à la fois. Le Dictionnaire de Trévoux donne d'assez curieux détails sur les diverses espèces de branles.
[388] Jacques Gauffredy, ou Gauffridi, décapité en 1670.
[389] Louis Gaufridy, ou Goffridi, curé d'une paroisse de Marseille, brûlé vif à Aix, le 30 avril 1611, comme sorcier. (Voyez l'Histoire admirable de la possession et conversion d'une pénitente séduite par un magicien, etc., par le révérend père Sébastien Michaélis; Paris, 1613, première partie, p. 458.) L'arrêt y est rapporté. Gaufridy avoua, par la crainte des tortures, comme il arrivoit presque toujours dans ces procédures extravagantes.
[390] Claude Achillini, né à Bologne en 1574, mort en 1640. Ce poète a imité le Marino, dont il a l'enflure et le mauvais goût.
[391] Odoardo, le dernier mort. (T.)—Il mourut le 12 septembre 1646.
[392] Le manifeste qu'Odoard publia dans cette occasion étoit si rempli de hauteur et de fierté, que le grand-duc de Toscane s'écria, après l'avoir lu: «Le roi de Parme déclare la guerre au duc d'Espagne.» (Art de vérifier les dates.)
[393] On appeloit cabinet un meuble ordinairement en marqueterie, ayant un grand nombre de petits tiroirs, qui servoit à renfermer les bijoux et les raretés.
[394] La querelle venoit de ce que le pape Innocent X avoit nommé Giarda évêque de Castro, malgré le duc Ranuce. Gauffredy fit assassiner le prélat, et le pape ayant fait marcher ses troupes sur Castro, le prit, en rasa le château, et en réunit le duché à la chambre apostolique. (Art de vérifier les dates.)
[395] 1670. Les détails contenus dans cette Historiette nous semblent, pour la plupart, être entièrement inconnus.
[396] Il étoit trésorier des parties casuelles.
[397] Jacques Mangot, seigneur d'Orgères, conseiller au grand conseil, puis maître des requêtes, fils du garde-des-sceaux.
[398] Nous ayons vu se réaliser ce qui passoit alors pour une chose impossible. En 1805, l'armée de Boulogne ayant été transportée comme par enchantement sur les bords du Rhin, après une campagne de six semaines Napoléon fit son entrée à Vienne.
[399] Madeleine Garnier, veuve d'Orgères, épousa Jean-Édouard Molé de Champlâtreux. Voyez la généalogie des Molé dans le Dictionnaire de Moreri. Les auteurs de ce livre demandoient aux familles des articles généalogiques; aussi n'y est-il fait aucune mention du premier mariage de Madeleine Garnier. A l'article Mangot, M. d'Orgères est indiqué comme mort sans alliance, effet évident de la complaisante vénalité des éditeurs du Moreri. Fauvelet du Toc, dans son Histoire des secrétaires d'État (p. 234), dit que Jacques Mangot, seigneur d'Orgères, épousa Madeleine Garnier d'avec laquelle il fut démarié. Il paroît s'être trompé sur ce dernier point; d'après le récit de Tallemant, les deux époux furent tout au plus séparés de corps.
[400] La Rivière, quand il étoit en habit court, en changeoit trois et quatre fois par jour. (T.)—Il s'agit ici de l'abbé de La Rivière, favori de Monsieur, qui devint évêque de Langres.
[401] Cette bagarre étoit la protestation des maîtres des requêtes contre un édit de création de nouvelles charges que le surintendant d'Émery étoit sur le point de présenter à l'enregistrement du Parlement. Les maîtres des requêtes cessèrent de remplir leurs fonctions, ils protestèrent le 8 janvier 1648, furent mandés et tancés par la Reine, et l'édit n'en fut pas moins enregistré, mais en lit de justice, le 15 janvier 1648. (Voyez les Mémoires d'Omer Talon dans la deuxième série des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. 61, p. 108.)
[402] Amans de Barthélemy, seigneur de Grammont, baron de Lanta, chambellan de Gaston, duc d'Orléans.
[403] Gabriel de Barthélemy, seigneur de Grammont et de Montlaur, conseiller au grand conseil, puis président aux enquêtes du Parlement de Toulouse. Il a composé, en latin, une Histoire du règne de Louis XIII.
[404] Voir son article précédemment, p. 17.
[405] Comme il a de l'esprit, il s'en est raillé le premier. Peut-être avoit-il servi La Rivière en quelque amourette. (T.)
[406] Le surintendant des postes. (Voyez précédemment, page 323, note 356.)
[407] Expression familière empruntée du jeu de quilles.
[408] Grammont dit que c'étoit un gentilhomme, qui, amoureux de cette fille, se fit précepteur de ses frères, et qu'à la grille, à Chartres, pensant qu'elle voulût être religieuse, il se donna trois coups de poignard au travers du corps; il en a été guéri. (T.)
[409] Couplet contre le petit de La Lande. (T.)—Voyez précédemment, p. 185, note 190.
[410] Ils sont grands rimeurs. Pour se venger ils font des chansons: ils en firent d'atroces contre M. d'Épernon; ses gens l'excitoient à les châtier: «Hé! messieurs, leur disoit-il, laissez-les chanter pour leur argent.» (T.)
[411] Michel Mazarin, frère du cardinal Mazarin, a été général de l'ordre des frères Prêcheurs, et archevêque d'Aix. Il fut fait cardinal du titre de Sainte-Cécile, en 1647, et en 1648 il fut nommé vice-roi de Catalogne. Ce cardinal est mort à Rome, au mois de septembre 1648.
[412] C'étoit en 1638. (T.)—Tallemant parle de son voyage d'Italie dans l'article qu'il a consacré au cardinal de Retz.
[413] Volume de La Serre. (T.) Jean Puget de La Serre, écrivain ridicule dont Despréaux a fait justice.
[414] Mademoiselle de Scudéry avoit laissé à Marseille des souvenirs et des regrets. «Madame de Pennes a été aimable comme un ange; mademoiselle de Scudéry l'adoroit; c'étoit la princesse Cléobuline: elle avoit un prince Thrasibule en ce temps-là; c'est la plus jolie histoire de Cyrus.» (Lettre de madame de Sévigné à sa fille, du 13 mai 1671.)
[415] Aujourd'hui premier gentilhomme de la chambre, brave homme. Il étoit alors à Monsieur. (T.)
[416] Allié des Phélippeaux. (T.)
[417] Des mémoires.
[418] Catherine-Gillone Guyon de Matignon, née en 1601, mariée à François de Silly, comte, puis duc de La Roche-Guyon.
[419] Le comte de La Roche-Guyon (François de Silly) étoit frère utérin de Roger Du Plessis-Liancourt, duc de La Roche-Guyon, sa mère ayant épousé en deuxièmes noces Charles Du Plessis-Liancourt, marquis de Guercheville. (Voyez les Mémoires de l'abbé de Choisy, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, 2e série, t. 63, p. 515.)
[420] Meneur de M. de Rambouillet. (T.)
[421] Elle étoit fille du comte de Thorigny, fils du maréchal de Matignon, de la maison de Guyon de Normandie; La Moussaye en est une branche. Ce Thorigny avoit épousé une cadette de Longueville, sœur de la marquise de Belle-Isle. De quatre qu'elles étoient, les deux autres avoient mieux aimé être religieuses que de ne pas épouser des princes. La grand'mère de la comtesse Roche-Guyon, aussi grand'mère de M. de Longueville d'aujourd'hui, étoit de Bourbon. (T.)—C'était Marie de Bourbon-Vendôme, duchesse d'Estouteville, comtesse de Saint-Paul.
[422] Isaac de Bensserade, si connu par les poésies qu'il composa pour la cour de Louis XIV, naquit en 1612, et mourut en 1691. Paul Tallemant, de l'Académie françoise, parent de l'auteur de ces Mémoires, a été l'éditeur de ses Œuvres. Le Discours sommaire touchant la Vie de M. de Bensserade, qui est placé à la tête, est de cet abbé Tallemant. Quoiqu'il ait fait à l'éloge une part assez large, on voit qu'il a eu connoissance des Mémoires de son parent, auxquels il a emprunté plus d'un trait.
[423] Hobereau, ou haubereau, petit gentilhomme de campagne, apprentif, novice dans le monde. (Dict. de Trévoux.)
[424] Cette pièce, imprimée en 1636, est dédiée au cardinal de Richelieu.
[425] En allant à Orbitelle, il demanda une abbaye pour Bensserade; il l'auroit eue enfin s'il eût vécu. (T.)
[426] Guerchy disoit à Bensserade: «Mandez-moi si les filles de la reine de Suède ont une aussi impertinente Dupuy que nous.» (T.)—Madame Dupuy étoit gouvernante des filles de la Reine. Bensserade lui a adressé une très-humble Remontrance. (Voyez les Œuvres de Bensserade, 1698, in-8o, première partie, p. 58.)
[427] Ces vers ne se trouvent pas dans les Œuvres de Bensserade.
[428] Œuvres de Bensserade, première partie, p. 56. On y lit:
[429] Ce couplet, que Bensserade ne pouvoit pas avouer, n'est pas dans ses Œuvres, mais il se trouve dans les Recueils satiriques manuscrits du temps.
[430] Françoise de Neuville-Villeroy, femme de Henri-Louis d'Alberg d'Ailly, duc de Chaulnes, vidame d'Amiens.
[431] Il y a ici un nom que l'on n'a pas pu lire. Il est dit, dans l'Historiette de Gombauld, que sa pension fut rétablie à la prière de mesdames de Chaulnes-Villeroy, de Rhodes, de Bois-Dauphin et de Leuville]
[432] François Tallemant des Réaux, aumônier du Roi, membre de l'Académie françoise, frère consanguin de l'auteur de ces Mémoires.
[433] Marguerite de Vicose, dame de Casenave, mariée à François de Caumont, marquis de Castelmoron.
[434] Madame de Castelmoron étoit fille de Henri, baron de Castelnau, et de Marie de Favart. (Voyez le Père Anselme, t. 4, p. 472.)
[435] Il s'appeloit Isarn. On a conservé de lui une jolie pièce en prose et en vers, intitulée: le Louis d'or; elle est adressée à mademoiselle de Scudéry. (Voyez le Recueil de pièces choisies, dit de La Monnoye; La Haye, 1714, in-8o, t. 2, p. 241.)
[436] C'étoit la rue des Lombards. Elle portoit, au XIIIe siècle, le nom de rue de la Buffeterie, comme on le voit dans le Dit des rues de Paris, publié par l'abbé Le Beuf:
Mais les Lombards, qui y exerçoient l'usure depuis des temps fort reculés, l'emportèrent sur ces deux noms (Voyez Sauval, Antiquités de Paris, t. 1, p. 174; et Jaillot, Recherches sur Paris, quartier Saint-Jacques la Boucherie.)
[437] Le quartier qui s'étendoit depuis le couvent des Filles-Dieu, de la rue Saint-Denis, où sont aujourd'hui le passage, la rue et la place du Caire, jusqu'à la rue Poissonnière et le boulevard de Bonne-Nouvelle, étoit désigné, dans le XVIe siècle, sous le nom de la Villeneuve. Pendant les guerres de la Ligue on ruina ce faubourg, et les maisons en furent abattues. Ces démolitions avoient rehaussé le terrain, et quand, sous Louis XIII, on commença à rebâtir, tout cet espace fut appelé la Villeneuve-sur-Gravois. Il ne reste pas aujourd'hui d'autre trace de ces dénominations que le nom de la rue Bourbon-Villeneuve. (Voyez Jaillot, Recherches sur Paris, quartier Saint-Denis, t. 2, p. 8.)
[438] C'est vraisemblablement la terre de Rainvillers, située à cinq quarts de lieue à l'ouest de Beauvais, à peu de distance de l'ancienne abbaye de Saint-Paul, dans un lieu humide et aquatique (Ranarum villa). La terre d'Auneuil, qui appartenoit au frère aîné, est fort près de là.
[439] Il fumoit du tabac. Petun est le nom que les peuples de la Floride donnoient au tabac. (Voyez le Dict. de Trévoux.) Les Bas-Bretons se servent également, dans la même signification, du mot betun. Sans doute c'est une importation faite de l'Amérique en Bretagne par les nombreux marins de cette province; le mot aura seulement, dans la traversée, subi une légère altération.
[440] Ne seroit-ce pas Vineuil, gentilhomme qui a été long-temps exilé?
[441] Cette traduction n'a pas été imprimée.
[442] L'estocade étoit une longue épée fort pointue. (Dictionnaire de Trévoux.)
[443] Anne-Dieu-Donnée Fabert, fille du maréchal, épousa, le 3 octobre 1657, Louis de Cominges, marquis de Vervins, premier maître d'hôtel du Roi.
[444] Cette femme étoit apparemment de l'humeur de la grand'dame dont parle Brantôme, qui prenoit tant de plaisir à fouetter les dames et filles qui étoient attachées à son service. (Voyez les Œuvres de Brantôme; Paris, Foucault, 1822, t. 7, p. 255.)
[445] Dans l'Historiette de madame Roger.
[446] Un gentilhomme de M. de Parabère, beau-frère de Brassac. (T.)
[447] Espèce de chou qu'on appeloit broque, ou broccoli. C'étoient des rejetons d'un chou d'êté.
[448] Voir précédemment, t. 3, p. 56, note 2.
[449] Ce duel eut lieu à Venise, en 1627. Mémoires manuscrits de Goulas, cités dans le père Lelong. (Bibliothèque historique de la France, t. 2, page 449, no 21395.)
[450] Peuple bariolé. Cette expression n'est expliquée ni dans Trévoux, ni dans Nicot, ni dans Richelet. On pense qu'elle signifie le menu peuple. Sous Henri IV, Louis XIII et la minorité de Louis XIV, tous les hommes étoient vêtus de noir ou de gris, il n'y avoit que le peuple qui portât des vêtements de toutes les couleurs. C'est vraisemblablement de cet usage qu'est empruntée cette expression pittoresque.
[451] Le débauché, de l'italien ruffiano.
[452] Elle est petite, mais elle étoit jolie et vive. (T.)
[453] C'est-à-dire obérée.
[454] L'hôtel d'Épernon, acheté par d'Hervart, contrôleur-général des finances, fut par lui rebâti presque en entier. Acquis par M. d'Armenonville, il portoit son nom, quand il fut acheté, en 1757, pour y établir le bureau des postes. (Voyez les Recherches sur Paris, par Jaillot, t. 2, Quartier Saint-Eustache, p. 42.)
[455] Gilonne d'Harcourt, femme de Charles-Léon, comte de Fiesque, amie de madame de Sévigné. On l'appeloit la comtesse.
[456] Mademoiselle d'Outrelaise, l'amie de madame de Frontenac, demeuroit avec elle à l'Arsenal. On les appeloit les Divines; c'étoient des personnes qui donnoient le ton, et dont il falloit avoir l'approbation. (Mémoires du duc de Saint-Simon, t. 2, p. 209, édition de 1829.)
[457] Le comte de Fiesque en rit, sa mère en gronda. (T.)
[458] Ce prétendu miracle a bien l'air d'être une imitation des mots mystérieux que l'on assuroit avoir été miraculeusement gravés sur la main de la mère des Anges, supérieure des religieuses ursulines de Loudun. Avant Tallemant, le conte ridicule de la croix de madame de Saint-Loup avoit été rapporté par Gourville, dont nous empruntons le passage suivant: «A mon retour de Guyenne, dit-il, j'allai voir madame de Saint-Loup: je trouvai sa tapisserie couverte de petits cadres où il y avoit des sentences et des dictums pleins de dévotion, avec un assez gros chapelet qui pendoit sur son écran. Elle me dit qu'elle avoit bien prié Dieu pour moi, et qu'elle souhaitoit fort que je fisse mon profit de ce qui lui étoit arrivé, comme avoit fait M. de Langlade: je la remerciai de ses vœux et de ses prières, ne me trouvant pas encore touché; mais quand l'heure du dîner fut venue, je le fus encore moins, quand je vis servir deux potages, l'un à la viande pour eux, et un maigre pour moi, me disant qu'ils avoient été bien fâchés de rompre le carême à cause de leurs indispositions. On ôta les potages, et on servit une poularde devant eux, avec un petit morceau de morue pour moi. Madame de Saint-Loup, voyant que je la regardois, me dit qu'elle auroit mieux aimé manger ma morue que sa poularde; M. de Langlade citoit à tous propos saint Augustin: elle le faisoit souvenir des passages de ce saint, et tous deux me jetoient de temps en temps quelques propos de dévotion... Force gens étoient curieux d'aller voir cette croix. Souvent madame de Saint-Loup, la montrant, leur demandoit quelque chose pour les pauvres... Le temps qui s'étoit écoulé avoit effacé la croix; mais ce qu'on aura peine à croire, c'est qu'elle supposa que, par un autre miracle, la croix avoit été renouvelée. Elle disoit qu'étant aux Pères de l'Oratoire fort attentive, comme on levoit le Saint-Sacrement, elle avoit encore senti à sa main, qui étoit gantée, la même chose que la première fois, et qu'ayant ôté son gant, elle avoit trouvé la croix très-bien refaite. Mon étonnement augmenta beaucoup; mais M. de Langlade parut si persuadé de ce second miracle, qu'il l'attestoit avec des serments effroyables, etc.» (Mémoires de Gourville, 1782, t. 1, p. 184, et dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, deuxième série, t. 52, p. 305.)
[459] Louis de Bourbon, marquis de Malause, vicomte de Lavedan, mourut le 1er septembre 1667.
[460] On a vu déjà l'Historiette de Le Pailleur.
[461] Marie de Lannoy La Boissière, marquise de Kerveno.
[462] Le vicomte de Lavedan épousa Charlotte de Kerveno, en l'église de Saint-Sulpice de Paris, le 22 avril 1638. (Voyez le P. Anselme, t. 1, p. 371.)
[463] Marie de Chalon, dame de La Case, femme de Henri de Bourbon, marquis de Malause, filleul de Henri IV.
[464] Le marquis de Malause eut en effet, vers cette époque, un enfant naturel qui fut appelé Louis, bâtard de Bourbon-Malause, né de Françoise de Birgand, et qui fut baptisé à Saint-Sulpice de Paris le 17 février 1641. (Voyez le P. Anselme.)
[465] Il est descendu d'un bâtard de Bourbon; c'étoit un fort grand seigneur. (T.)—Henri de Bourbon-Malause, descendu de Charles, bâtard de Bourbon, fils de Jean, deuxième du nom, duc de Bourbon et d'Auvergne, fait connétable le 23 octobre 1483, mort le 1er août 1488. (Voyez le P. Anselme, t. 1, p. 311.)
[466] Il abjura dans l'église de Las-Graisses, l'une de ses terres, à deux lieues d'Alby, le 3 octobre 1647. (Voyez le P. Anselme, audit lieu.)
[467] Suivant le Père Anselme, il seroit mort au château de Sanche-Marans, en Quercy, le 31 décembre 1647.
[468] Des suffocations hystériques. (Voyez le Dictionnaire de Trévoux.)
[469] Il épousa, en secondes noces, en 1653, Henriette de Durfort, fille de Guy-Aldonce de Durfort et d'Élisabeth de La Tour de Bouillon.
[470] Il se nommoit Pierre Denyert, et il étoit premier valet-de-chambre du Roi. (Quittance de deux cents livres tournois pour son habit de deuil, à cause de la mort de la duchesse de Parme, passée devant notaire le 29 août 1663. Cabinet de M. Monmerqué.)
[471] On disoit téorbe, théorbe et tuorbe. Cet instrument avoit remplacé le luth. (Dict. de Trévoux.)
[472] Cette expression doit être prise uniquement dans le sens de la soumission à l'autorité spirituelle. Salvaing de Boissieu, lieutenant-général de Grenoble, accompagna M. de Créquy, en qualité d'orateur de Sa Majesté très-chrétienne. On lit un extrait de sa harangue dans l'Histoire de Louis XIII, par Levassor (t. 4, p. 332, édition de 1757, in-4o). Cette ambassade, dont le but étoit d'amener le pape à entrer dans une ligue contre la maison d'Autriche, eut lieu en 1633.
[473] Ragoter, gronder, grogner. Expression triviale et populaire. (Dict. de Trévoux.)
[474] Elle en avoit une qu'elle aimoit fort. (T.)
[475] Michel Lambert, suivant les biographes qui ont copié Titon Du Tillet (Parnasse françois; Paris, 1732, in-folio, p. 390), naquit en 1610 à Vivonne en Poitou. Il mourut en 1696. Tallemant le fait naître à Champigny en Touraine; il y avoit un beau château qui appartenoit à mademoiselle de Montpensier. La sainte chapelle, dont les vitraux représentoient la vie de saint Louis, étoit de l'architecture la plus élégante.
[476] Tallemant écrivoit ceci vers 1660.
[477] Cette circonstance rend vraisemblable ce que dit Tallemant sur le lieu d'origine de Lambert.
[478] Si Boileau n'avoit voulu, avant tout, donner à son amphitryon de la satire du Festin le caractère d'un hâbleur, on pourroit croire que c'est cette inexactitude de Lambert qui lui a fait dire:
[479] A l'Historiette de Bensserade, il est parlé du père de cette fille. (T.)
[480] Cette anecdote peut servir de pendant à la dure négation du cardinal de Richelieu, en réponse au beau sonnet que chacun sait par cœur, et qui commence par ces vers:
[481] C'est ce qu'on appelle la Croix du Trahoir; cette croix étoit placée au coin de la rue de l'Arbre-Sec et de la rue Saint-Honoré. L'orthographe de ce nom, de même que l'étymologie qui s'y rapporte, ont singulièrement varié. (Voyez les Recherches sur Paris, par Jaillot, t. 1, quartier du Louvre, p. 7.)
[482] Le custodi-nos étoit le titulaire d'un bénéfice; il prêtoit son nom à celui qui en étoit le véritable usufruitier.
[483] Ce nom est douteux.
[484] Lulli épousa la fille de Lambert. (Parnasse françois de Titon Du Tillet, p. 391 et 401.)
[485] Vions, sieur de Gaillonnet. On dit qu'ils sont gentilshommes. (T.)
[486] Voyez l'Historiette de Le Page.
[487] Il dit que, pour ne le pas payer d'une partie qu'il devoit toucher d'eux dans quelque temps, ils prirent prétexte sur ce que la fille n'avoit pas encore douze ans quand on la maria. (T.)
[488] M. de Cornusson de La Valette avoit épousé une femme qui se gouverna assez mal; elle n'eut qu'une fille; elle supposa un fils, puis, par colère, elle le tua. Accusée, elle prouve qu'il étoit à une meunière: on étouffe l'affaire. Sou mari et elle se séparent, font rompre le mariage. Il prend une seconde femme. Etant à Paris, il trouve sa première femme en chambre comme une gourgandine: il couche avec elle, se renflamme, et la reprenoit si la deuxième n'eût accouché tout à propos d'un garçon. (T.)
[489] La chambre de l'édit étoit mi-partie de conseillers catholiques et de juges protestants. Elle avoit été créée par l'édit de Nantes.
[490] Louise de Montgommery, dame de Clinchamp; elle avoit épousé Clinchamp en secondes noces. (Voyez l'article Clinchamp, p. 376.)
[491] Vers la fin du Parlement, en 1657. (T.)
[492] En bas, dans les prisons de la Conciergerie.