Les Rues de Paris, tome troisième: Biographies, portraits, récits et légendes
Macdonald, des héros le juge et le modèle,
Sous un nom étranger il porte un cœur fidèle;
Dans nos sanglants revers moderne Xénophon,
La France et l'avenir ont adopté son nom,
Et son bras, dans les champs d'Arcole et d'Ibérie,
En sauvant les Français a conquis sa patrie.
Madame (rue de): Ouverte en 1790 sur un terrain appartenant à S. A. R. Monsieur (depuis Louis XVIII) qui lui donna ce nom en l'honneur de la princesse de Sardaigne, Marie Louise Joséphine, sa femme.
Madeleine, (église de la): Louis XV posa la première pierre de cette église le 3 avril 1764. L'architecte, chargé de la construction, était Coutant d'Ivry auquel succéda, après sa mort arrivée en 1777, Couture qui modifia heureusement le plan un peu mesquin de son prédécesseur. Mais le monument sortait de terre à peine lorsque éclata la révolution qui fit suspendre les travaux. Ils ne furent repris qu'en 1806 par suite d'un décret de Napoléon, daté de Posen. Mais l'église devenait d'après le décret: «un monument dédié à la Grande Armée, portant sur le fronton: L'Empereur Napoléon aux soldats de la Grande Armée.» Ce Temple de la Gloire, comme on l'appelait, et dont Claude Vignon avait tracé le plan, était plus d'à moitié construit, quand les évènements de 1814 et 1815, arrivèrent. Par suite d'une ordonnance royale du 14 février 1816, l'édifice fut rendu à sa destination primitive et redevint l'église de la Madeleine. Claude Vignon néanmoins conserva la direction des travaux jusqu'à sa mort, arrivée en 1828. Il eut pour successeur M. Huré qui put enfin terminer l'édifice consacré au culte le 4 mai 1842.
«L'extérieur de ce monument, dit M. L. Lazare, a toute la noblesse des temples antiques.» Éloge mérité sans doute mais qui pour une église équivaut presque à une critique d'autant plus que l'édifice assez magnifique au dehors «entouré qu'il est de colonnes d'ordres corinthiens, surmontées de chapiteaux d'une richesse remarquable» laisse beaucoup à désirer pour l'intérieur, qu'il s'agisse de la prédication ou des cérémonies du culte. Faute de bas-côtés la circulation est difficile, et il n'y a point à proprement parler de chapelles particulières.
Malebranche (rue): Né à Paris en 1638, mort en 1715, cet illustre métaphysicien fut aussi un éminent écrivain. La nature de nos travaux ne nous a pas permis d'étudier assez longuement les questions philosophiques et les œuvres de Malebranche en particulier pour oser formuler une opinion sur celui-ci. Aussi nous en référons-nous à ce qu'en a dit un Aristarque plus expérimenté à qui nous laissons, d'ailleurs, toute la responsabilité de son jugement, ce semble, un peu sévère:
«Malebranche a fait une méthode pour ne pas se tromper et il se trompe sans cesse. On peut dire de lui, en parlant son langage, que son entendement avait blessé son imagination.... Ce Malebranche est bien hardi à se moquer des hardiesses. Les siennes ont plus d'excès que toutes celles qu'il reprend. Il y a pourtant en lui des choses admirables; mais ce n'est pas ce qu'on a cité... Son indépendance des opinions de Descartes est toute cartésienne. Il est rebelle par fidélité.
«Malebranche me semble avoir mieux connu le cerveau que l'esprit humain.» (Joubert).
Mail (rue du): Ce nom vient d'un grand mail ou jeu de paume, qui se trouvait dans cette rue et disparut en 1633, lorsque la ville commença à s'étendre de ce côté.
Malaquais, (quai): Le bord de la Seine en cet endroit, s'appelait anciennement port Malaquest.
Voici une jolie anecdote racontée dans les mémoires du temps. Après la paix de Vervins, Henri IV, au retour d'une chasse, vêtu fort simplement, et accompagné de trois ou quatre gentilshommes, vint passer la rivière au port de Malaquest, vis-à-vis la grande galerie du Louvre. Assuré que le batelier ne le connaissait pas, il prit plaisir à le questionner et lui demanda en particulier ce que l'on pensait de la paix. L'autre lui répondit:
«Pour moi je ne sais pas de quelle paix vous parlez; mais on a plus de mal que devant et nous payons plus d'impôts que pendant la guerre. Tenez, il n'y a pas jusqu'à ce méchant bachot qui ne paie impôt et pourtant j'ai assez de peine à vivre sans cela.
—Et que dit le roi là dessus? reprit Henri IV, ne parle-t-il point d'y donner ordre?
—Le roi est assez bon homme, et je crois, entre nous, que cela ne vient pas de lui; mais par malheur il a pour amie une certaine dame, comtesse ou duchesse, qui nous ruine tous; car, sous ombre de belles robes et affiquets qu'elle se fait donner tous les jours, le pauvre peuple pâtit; vu que c'est lui qui paie tout, et pour sûr, ce n'est pas un bon emploi de l'argent qui coûte si cher.
—Vous trouvez, mon brave homme? et de vrai, vous n'avez pas trop tort, dit le roi en riant et sautant du bateau qui venait d'aborder. Mais il avait oublié (avec intention sans doute) de payer le pauvre batelier désappointé qui se mit à crier, donnant les passagers à tous les diables.
—Retirons-nous, Messieurs, dit le prince à ses compagnons, et riant plus fort, nous avons cette fois notre charge.
Le lendemain, il fait venir au Louvre l'honnête batelier et lui commande de répéter, devant la duchesse de Beaufort, tout ce qu'il avait dit la veille. Notre homme, sans s'intimider, obéit et répéta sa tirade en n'omettant rien des dures épithètes et des vérités rudes pour l'oreille de la duchesse. Aussi la dame furieuse le voulait faire pendre.
—Eh! doucement, doucement, dit le roi qu'amusait fort la colère de la dame; je prends sous ma protection ce brave homme, qui y va tout de la bonne foi et ne répète que ce qu'il a ouï dire; c'est à nous d'en profiter. Non-seulement il ne lui sera rien fait, mais je veux qu'à l'avenir il ne paie plus d'impôt pour son bateau, car c'est de là qu'est venu tout le tapage.
—Vive le roi, notre bon roi! s'écria le batelier tout joyeux. Sire, grand merci, n'oubliez pas que mon bateau est à votre service et gratis toutes les fois qu'il vous fera plaisir de passer.
Marais-St-Germain (rue des): Ouverte en 1540 sur une partie de l'emplacement dit le Pré aux Clercs. Sa dénomination vient des terrains marécageux qui l'environnaient. Au XVIe siècle, elle était presque tout entière habitée par les protestants et pour ce motif on l'appelait petite Genève. Racine demeurait au nº 21 et il y mourut en 1699.
Marigny (avenue de): Doit son nom au marquis de Marigny, directeur général des bâtiments et jardins du roi Louis XV, grâce à Madame de Pompadour, la trop célèbre favorite, dont il était frère. Triste parenté!
Saint-Marcel ou Marceau (rue): «On rapporte au temps des empereurs Gratien et Théodore le pontificat de saint Marcel, le plus illustre et le plus connu des évêques de Paris depuis saint Denis. Il prit naissance dans Paris même, d'une famille dont il devint le principal ornement. Instruit de bonne heure dans les devoirs de la religion chrétienne, il passa sa jeunesse dans les exercices de la piété la plus exacte; humble, modeste, chaste, mortifié, et d'une maturité au dessus de son âge. Une conduite si réglée porta son évêque nommé Prudence, successeur de Paul, aussi évêque de Paris, à lui donner rang dans le clergé. Il le fit d'abord lecteur, puis sous-diacre, et ensuite prêtre. Il exerça les fonctions de ces différents ordres avec tant d'édification du clergé et du peuple, que nul ne parut plus digne que lui de remplir le siége épiscopal après la mort de l'évêque Prudence. Quelque répugnance qu'il eût à se charger d'un si grand fardeau, il soumit sa volonté à celle de Dieu qui se déclarait trop ouvertement par la voix des hommes. On sait peu de chose du reste du pontificat de saint Marcel. Son historien, Fortunat, s'est bien moins étendu sur ses actions que sur ses miracles selon le génie de son siècle[52].»
Marie (pont): A pris son nom de Christophe Marie, associé avec Poulthier et François le Regrattier, trésoriers des Cents-Suisses, qui le construisirent à leurs frais (1613 à 1635) «à condition que, pour se dédommager des dépenses excessives qu'ils étaient obligés de faire, dit Germain Brice, on leur donnerait des places dans l'île Notre-Dame et sur les bords de la rivière, qui leur appartiendraient en propre, ce qui leur fut accordé.»
Trois-Maries (place des): Ce nom vient d'une enseigne.
Marivaux (rue de): Marivaux (1688-1763) est connu surtout par son théâtre. Le dialogue a de la finesse et de la grâce, mais avec trop de recherche. Aussi la critique, en exagérant peut-être, pour qualifier la manière de l'auteur, inventa le mot: marivaudage.
Marmousets (rue des):
En la rue du Marmouset
Trouvai homme qui m'eut fait
Une muse corne bellourde[53].
«C'est de temps immémorial, dit le vieux du Breuil[54], que le bruit a couru qu'il y avait en la cité de Paris, rue des Marmousets, un pâtissier-meurtrier, lequel avait occis en sa maison un homme, aidé à ce par un sien voisin barbier, feignant raser la barbe, de la chair d'icelui faisait des pâtés qui se trouvaient meilleurs que les autres d'autant que la chair de l'homme est plus délicate, à cause de la nourriture, que celle des autres animaux. Et que cela ayant été découvert, la Cour du Parlement ordonna qu'outre la punition du pâtissier, sa maison serait rasée, et outre ce, une pyramide ou colonne, érigée au dit lieu, en mémoire ignominieuse de ce détestable fait, de laquelle reste encore part et portion en la dite rue des Marmousets.»
Une maison, dite des Marmousets, existait dans cette rue en 1206 et lui donna son nom. Était-ce la maison dont «la démolition avait été faite pour grand crime commis en ïcelle» ainsi qu'il est déclaré, sans autrement spécifier, dans les lettres patentes octroyées par François Ier à Pierre Belut, conseiller au Parlement, pour rebâtir la place étant demeurée vague pendant plus de cent ans.»
Bien qu'on ne trouve nulle part ni procédure ni arrêts relatifs à ce crime horrible, il ne s'ensuivrait point forcément qu'il ne fût pas commis et que des écrivains soient fondés à le déclarer purement légendaire, un conte à la façon de ceux de Barbe-Bleue ou Croquemitaine. «On sait que, dans les crimes atroces et extraordinaires, il a toujours été d'usage, et même dans les derniers temps de la monarchie, dit Saint-Victor, de jeter au feu les informations et la procédure pour ne pas la rendre croyable.»
Quoique ce système soit condamné par la pratique actuelle, on se demande si la manière de nos pères n'était point préférable, et si le silence, en certains cas, n'avait pas moins d'inconvénient que cette publicité bruyante, excitant fatal pour les imaginations malades et cause peut-être de nouveaux crimes.
À propos de cette même rue, voici une anecdote assez curieuse que nous aurions regret d'oublier. Bien que sous Philippe-Auguste on eût pavé la plupart des grandes voies de Paris, ce bienfait ne s'étendit point immédiatement à tout le reste de la ville, et même par le malheur des temps, sous les successeurs du vainqueur de Bouvines, après saint Louis surtout, soit l'entretien, soit l'exécution des travaux, fut souvent négligé. Il n'y eut enfin pour la voirie de police régulière que sous le règne de Louis XIV. «Or, dit à ce sujet, un contemporain, le commissaire Delamarre, ceux d'entre nous qui ont vu le commencement du règne de Sa Majesté, se souviennent encore que les rues de Paris étaient si remplies de fange que la nécessité avait introduit l'usage de ne sortir qu'en bottes; et quant à l'infection que cela causait dans l'air, le sieur Courtois, médecin, qui demeurait alors rue des Marmousets, a fait cette petite expérience par laquelle on jugera du reste. Il avait, dans sa salle sur la rue, de gros chenets à pomme de cuivre et il a dit plusieurs fois aux magistrats et à ses amis que, tous les matins, il les trouvait couverts d'une teinture épaisse de vert de gris, qu'il faisait nettoyer pour faire l'expérience du jour suivant; et que, depuis l'an 1663, que la police du nettoiement des rues a été rétablie, ces taches n'avaient pas reparu.»
Depuis cette époque pareillement «on n'a plus vu à Paris de contagions et beaucoup moins de ces maladies populaires dont la ville était si souvent effrayée dans les temps que le nettoiement des rues était négligé.»
Une anecdote encore: Louis, fils du roi Philippe Ier, avait fait abattre, de son autorité, partie d'une maison de cette rue des Marmousets près de la porte du cloître qui appartenait au chanoine Duranci: elle saillait trop à son gré et rendait peut-être le passage incommode. Le chapitre de Notre-Dame réclama en invoquant ses priviléges et immunités. Louis reconnut son tort, promit de ne plus rien attenter de semblable et consentit à payer l'amende qui fut fixée d'un commun accord.
Ainsi le souverain, dans ce temps qu'on nous représente parfois sous d'aussi étranges couleurs, donnait le premier l'exemple en témoignant de son respect pour le droit.
Marsollier (rue): Compositeur de musique, né à Paris en 1750, Marsollier est mort à Versailles, le 22 avril 1817.
Martignac (rue de): Jean-Baptiste-Sylvère Gaye, vicomte de Martignac, né à Bordeaux (20 juin 1770), est mort à Paris, le 3 avril 1832. On voit au père La Chaise la tombe de cet homme d'État, l'un des ministres de la Restauration. Orateur éloquent, par la noblesse de son caractère et ses qualités privées, il avait su se concilier de nombreuses sympathies.
Saint-Martin (porte): Elle fut élevée en 1674, d'après les dessins de Pierre Bullet, élève de Blondel, et en l'honneur de Louis XIV victorieux, comme la porte Saint-Denis.
Saint-Martin (rue):
Et en la rue St-Martin
Là ouïs chanter en latin
De Notre-Dame moult de chants.
La rue St-Martin a pris son nom de la grande abbaye à laquelle elle conduisait et du Saint qui est une des grandes gloires de l'église de France.
Martyrs (rue des): Elle doit son nom à une chapelle érigée à l'endroit où l'on croit que saint Denis et ses compagnons furent décapités.
Masséna (rue): Masséna, prince d'Essling, et maréchal de France, s'illustra pendant les guerres de la République et de l'Empire. On sait que le constant bonheur, qui l'accompagna sur tant de champs de bataille, lui avait fait donner par ses soldats le surnom envié de: l'Enfant chéri de la Victoire.
Massillon (rue): Ce prédicateur célèbre, né à Hyères en Provence (1663), mourut à Paris en 1742. Son Petit Carême est dans toutes les mains. On lui reproche d'être plus enclin à la sévérité qu'à l'indulgence malgré les fleurs dont il émaille volontiers son style. On cite de lui ce mot fameux, début de l'Oraison funèbre de Louis XIV: Dieu seul est grand, mes frères. Mais il s'élève à une bien autre éloquence dans cette page sublime à l'adresse des conquérants, exhumée récemment avec tant de bonheur et d'à-propos par M. de Beauchesne[55] et que Bossuet aurait signée des deux mains. Il faut ici se taire et admirer:
«Sire, si le poison de l'ambition gagne et infecte le cœur du prince; si le souverain, oubliant qu'il est le protecteur de la tranquillité publique, préfère sa propre gloire à l'amour et au salut de ses peuples; s'il aime mieux conquérir des provinces que régner sur les cœurs; s'il lui paraît plus glorieux d'être le destructeur de ses voisins que le père de son peuple; si le deuil et la désolation de ses sujets est le seul chant de joie qui accompagne ses victoires; s'il fait servir à lui seul une puissance qui ne lui est donnée que pour rendre heureux ceux qu'il gouverne; en un mot, s'il n'est roi que pour le malheur des hommes, et que, comme le roi de Babylone, il ne veuille élever la statue impie, l'idole de sa grandeur, que sur les larmes et les débris des peuples et des nations, grand Dieu! quel fléau pour la terre! quel présent faites-vous aux hommes dans votre colère, en leur donnant un tel maître! Sa gloire, Sire, sera toujours souillée de sang. Quelque insensé chantera peut-être ses victoires; mais les provinces, les villes, les campagnes en pleureront. On lui dressera des monuments superbes pour immortaliser ses conquêtes; mais les cendres encore fumantes de tant de villes autrefois florissantes; mais la désolation de tant de campagnes dépouillées de leur beauté; mais les ruines de tant de murs sous lesquels les citoyens paisibles ont été ensevelis; mais tant de calamités qui subsisteront après lui, seront des monuments lugubres qui immortaliseront sa folie et sa vanité. Il aura passé comme un torrent pour ravager, et non comme un fleuve majestueux pour y porter la joie et l'abondance; son nom sera écrit dans les annales de la postérité parmi les conquérants; mais il ne le sera pas parmi les bons rois; on ne se rappellera l'histoire de son règne que pour rappeler le souvenir des maux qu'il a faits aux hommes... Et tout cet amas de gloire ne sera plus à la fin qu'un monceau de boue, qui ne laissera après elle que l'infection et l'opprobre[56]».
Mathurins (rue des): Son nom lui vient d'une chapelle dédiée à St-Mathurin. Les religieux de la Trinité, dont les fondateurs furent Jean de Matha et Félix de Valois, et qui se dévouaient au rachat et à la rédemption des captifs, étant venus s'établir dans l'aumônerie dont la chapelle dépendait, ajoutèrent à leur nom celui de Mathurins. Rutebœuf, si malveillant dans son poème des Ordres de Paris, épargne cependant ces moines humbles autant que dévoués:
Ci gît le léal Mathurin,
Sans reproche bon serviteur,
Qui céans garda pain et vin,
Et fut des portes gouverneur.
Paniers ou hottes, par honneur,
Au marché volontiers portoit;
Fort diligent et bon sonneur;
Dieu pardon à l'âme lui soit.
Matignon (rue): Doit son nom à Jacques de Matignon, maréchal de France, qui l'habitait. «Mais je prévois, dit Sauval, qu'elle s'appellera bientôt la rue Maquignon, parce que le peuple commence déjà à prendre ce nom là pour l'autre comme lui étant plus connu, ce qui lui est ordinaire.»
Maubert (place): Altération du mot Aubert. C'était le nom du second abbé de Ste-Geneviève qui, au XIIe siècle, avait permis de construire des étaux de boucherie sur ce terrain compris dans la censive de l'abbaye.
Maubuée (rue): Existait dès le XIIIe siècle. La dénomination n'est pas à son honneur, car Maubué en vieux langage signifie mal propre.
Mauconseil (rue): Ce nom lui vient, d'après Cenalis, du mauvais conseil qu'on tint, en 1407, dans l'hôtel de Bourgogne, qui s'y trouvait, conseil où fut résolu l'assassinat du duc d'Orléans. D'autres auteurs pensent que ce nom vient plutôt de quelque seigneur de Mauconseil qui aurait demeuré dans cette rue. Mauconseil était un château en Picardie dont il est fort parlé dans les Chroniques de Froissart.
Dans Le Dit des Rues de Paris se lisent ces vers:
.... Et puis en la rue Mauconseil,
Une dame vis sur un seil (seuil),
Qui moult se portait noblement.
Je la saluai simplement,
Et elle, moi, par saint Louis.
Maures (rue des Trois): Il existait dans cette rue, au XVIe siècle, une auberge très achalandée et qui avait pour enseigne aux Trois Maures.
Mazarine (rue): Doit son nom à l'ancien collége Mazarin aujourd'hui palais de l'Institut dont les dépendances bordent une partie de cette voie. On sait le rôle considérable qu'a joué dans notre histoire le célèbre cardinal, successeur au ministère de Richelieu.
Mazagran (rue): Elle doit son nom à l'un des épisodes les plus glorieux de nos guerres d'Afrique: «123 braves de la 10e compagnie du 1er bataillon d'infanterie légère d'Afrique, à peine couverts par une faible muraille en pierres sèches ébréchée par le canon ont repoussé pendant quatre jours les assauts de plusieurs milliers d'Arabes... Le capitaine Lelièvre, commandant cette garnison, a été promu chef de bataillon... La 10e compagnie est autorisée à conserver dans ses rangs le drapeau criblé de balles qui flottait sur le réduit de Mazagran dans les journées des 3, 4, 5 et 6 février 1840, et à chaque anniversaire de cette dernière journée, le présent Ordre du jour sera lu devant le front du bataillon.»
Mazas (rue, boulevart, place): Ce nom fut donné au boulevart, en souvenir du colonel Mazas, qui commandait le 41e de ligne et fut tué à Austerlitz.
Méchain: Astronome célèbre, né à Laon en 1744, mort en 1805.
Médecine (École de): Construite sur l'emplacement de l'ancien collége de Bourgogne et de «quatre maisons y contiguës» d'après un arrêt du conseil du 7 décembre 1768. L'exécution du monument, confiée à l'architecte Gondouin, marcha rapidement et la nouvelle École s'ouvrit aux élèves et professeurs. Le grand amphitéâtre peut contenir au moins 1,200 auditeurs. Dans la cour on voit la statue de Bichat, mort si jeune, au commencement du siècle, et cependant déjà illustre.
Mégisserie (quai de la): Doit son nom aux mégissiers qui s'y étaient établis anciennement et l'habitèrent jusqu'en 1673, où l'on parvint à les reléguer dans un quartier moins central. C'est sur ce quai, comme sur le quai voisin dit de la Ferraille, que se tenaient, avant la Révolution, les trop fameux racoleurs. Quelques-uns d'entre eux ne se bornaient pas à pérorer sur une chaise ou sur une table. Installés en permanence, ils avaient des boutiques à la façon des baraques en toile et en bois de la foire. Au-dessus de la porte flottait un drapeau semé de fleurs de lis. Mercier, dans son livre sur Paris, affirme avoir lu sur une de ces boutiques le vers célèbre de Voltaire:
Le premier qui fut roi fut un soldat heureux!
C'était là assurément le pire mode de recrutement pour l'armée et l'on comprend que, dans notre langue, ce mot de racoleur soit marqué d'une flétrissure et se prononce comme une injure. Combien de malheureux autrefois, dupes d'impudents mensonges et conscrits par surprise, furent les victimes de cet odieux négoce, qui pouvait aller de pair avec la Traite des Nègres!
Merri ou Méderic (église saint): Il existait de toute ancienneté en cet endroit une chapelle dédiée à saint Pierre. Vers 697, Merry ou Méderic vint habiter, avec Frodulfe, son disciple, une cellule bâtie près de la chapelle, et il y mourut trois années après en odeur de sainteté. Vers 936, l'édifice fut reconstruit aux frais d'un certain Odon le fauconnier, Odo Falconarius, qui y reçut la sépulture. L'église actuelle, construite sur de plus vastes plans, et commencée sous le règne de François Ier, fut achevée seulement en 1612.
Mesnil-Montant (rue): Autrefois Mesnil-Maudan. Anciennement on appelait Mesnil une maison de campagne et l'on se servait aussi de ce mot pour désigner un village ou un hameau. Si l'on a corrompu le nom primitif de Mesnil-Maudan, en celui de montant, la position l'explique et le justifie.
Mignon (rue): A pris son nom du collége Mignon, créé en 1343, par Jean Mignon, archidiacre de Blois, et maître des comptes à Paris.
Militaire (École): Dans le préambule de l'édit du roi du mois de janvier 1751, pour la création de cette École, on lit entre autres choses: «Nous avons résolu de fonder une École militaire et d'y faire élever sous nos yeux cinq cents gentilshommes, nés sans biens, dans le choix desquels nous préfèrerons ceux qui, en perdant leurs pères à la guerre, sont devenus les enfants de l'État. Nous espérons même que le plan qui sera suivi dans l'éducation des cinq cents gentilshommes que nous adoptons servira de modèle aux pères qui sont en état de le procurer à leurs enfants; en sorte que l'ancien préjugé, qui a fait croire que la valeur seule fait l'homme de guerre, cède insensiblement au goût des études militaires que nous aurons introduit, etc., etc.»
Voilà un langage vraiment royal. La construction de l'édifice commença, dès l'année suivante, sous la direction de Gabriel, architecte du roi. L'École Militaire aujourd'hui sert de caserne à plusieurs régiments de la garnison de Paris, infanterie et cavalerie.
Miroménil (rue de): Elle a pris son nom de Armand Thomas Hue de Miroménil, nommé garde des sceaux en août 1774, deux années avant l'ouverture de la rue.
Minimes (rue des): Cette rue tire son nom de l'ancien couvent des Minimes qui s'y trouvait. Ces religieux, établis en France, en 1609, avaient pour fondateur François de Paule, le saint ermite de la Calabre. Il avait voulu que ses religieux s'appelassent Minimes, c'est-à-dire les plus petits, les plus humbles de tous.
Supprimé en 1790, l'établissement devint propriété nationale et sert aujourd'hui de caserne.
Molay (rue): Fut nommée ainsi en l'an IX, à cause de la proximité du Temple et en souvenir de Jacques Molay, dernier grand maître dont nul n'ignore la fin tragique.
Monnaies (hôtel des): La première pierre du monument fut posée, le 30 avril 1777, par l'abbé Terray au nom et comme ministre du roi Louis XV. Ce vaste établissement, tant pour ses aménagements intérieurs que pour son organisation et l'excellence de son outillage, est regardé comme le premier de son genre en Europe.
Monsieur (rue de): Ouverte en 1779 sur un terrain appartenant à Monsieur, depuis roi sous le nom de Louis XVIII.
Monsieur le Prince (rue): Ce nom lui vient du prince de Condé dont l'hôtel s'étendait par les jardins jusqu'à cette voie publique.
Monsigny (rue): Célèbre compositeur de musique, Monsigny, né en 1729, est mort en 1817.
Montaigne (rue): Montaigne (Michel de) naquit au château de Saint-Michel de Montaigne, le 29 février 1533 et il y mourut en 1592. Douze années auparavant, avait paru à Bordeaux la première édition du livre des Essais. Si Montaigne s'y montre écrivain des plus remarquables, joignant la vigueur de la pensée à l'originalité de l'expression, il laisse fort à désirer sous d'autres rapports. On regrette, dans son ouvrage, plus encore peut-être que la tendance au scepticisme, une liberté de langage que lui-même il confesse, ce qui ne l'en rend que plus blâmable: «Moi qui ai la bouche si effrontée!» dit-il en propres termes au livre III des Essais. Ailleurs, il parle du suicide comme un païen et un stoïcien. Et pourtant on trouverait dans son livre plus d'un passage par lequel il se refute éloquemment lui-même et témoigne d'une âme naturellement chrétienne, selon l'expression de Tertullien. Sa mort non plus ne fut pas celle d'un impie d'après le récit d'un témoin oculaire, Étienne Pasquier.
Montfaucon (rue de): Bernard de Montfaucon, religieux célèbre de la congrégation de St-Maur, né en 1655, mourut en 1741, à l'abbaye St-Germain des Prés. Il est auteur de savants ouvrages, entre autres les Antiquités expliquées, et une Collection des Pères.
La rue ne doit donc pas son nom, comme on pourrait le croire, au fameux gibet de Montfaucon, sur lequel on nous saura gré d'ailleurs de donner quelques détails. Il fut construit ou plutôt reconstruit par Enguerrand de Marigny, suivant les uns, suivant d'autres, par Pierre Rémy, seigneur de Montigny. Ce qui est certain, c'est qu'il devint fatal à tous deux et qu'ils y furent pendus.
«Montfaucon, dit Sauval, est une éminence douce, insensible, élevée entre le faubourg St-Martin et celui du Temple, dans un endroit que l'on découvre de plusieurs lieues à la ronde. Sur le haut, est une masse accompagnée de seize piliers où conduit une rampe de pierre assez large, qui se fermait autrefois avec une bonne porte. Les piliers, gros, carrés, hauts chacun de trente-deux à trente-trois pieds, et faits de trente-deux ou trente-trois grosses pierres refondues ou rustiques, posées sur des assises faites de gros quartiers de pierres bien liées et cimentées, étaient rangés en deux files sur la largeur et en une sur la longueur. Pour les joindre ensemble, et pour y attacher les criminels, on avait enclavé dans leurs chaperons deux gros liens de bois qui traversaient de l'un à l'autre, avec des chaînes de fer, d'espace en espace. Au milieu était une cave où se jetaient apparemment les corps des criminels quand il n'en restait plus que les carcasses, ou que toutes les chaînes et les places étaient remplies. Présentement cette cave est comblée, la porte de la rampe rompue, ses marches brisées; des piliers à peine en reste-t-il sur pied trois ou quatre... En un mot, de ce lieu patibulaire si solidement bâti, à peine la masse est-elle encore debout.... Maintenant, la Grève, la Croix du Tiroir, la Porte de Paris et l'Estrapade sont les lieux d'exécution les plus ordinaires de la ville.»
Entre les personnages célèbres pendus au gibet de Montfaucon, mais cette fois avec toute justice, il faut citer le fameux Olivier le Dain, dit le Diable, barbier et ministre de Louis XI. «Après la mort du roi, comme il était chargé de grands méfaits et que d'ailleurs les princes lui en voulaient à cause de son insolence, il fut livré à la justice et pendu au gibet de Montfaucon.»
On y pendit aussi le corps de l'amiral de Coligny assassiné, dans la nuit de la Saint-Barthélemy, par les ordres du duc de Guise, dit le Balafré.
Montesquieu (rue): Doit son nom à Charles de Secondat, baron de Bréda et de Montesquieu (1689-1755), l'auteur célèbre du livre de l'Esprit des Lois, qu'un malicieux critique qualifiait: De l'Esprit sur les lois. «La tête de Montesquieu, dit Joubert, est un instrument dont toutes les cordes sont d'accord, mais qui est trop monté et rend des sons trop aigus. Quoiqu'il n'exécute rien contre les règles, il a, dans ses vibrations trop contenues et trop précipitées, quelque chose d'au-delà de toutes les clefs d'une belle et sage musique.
«Montesquieu fut une belle tête sans prudence.»
Montgolfier (rue): Montgolfier (Joseph-Michel) fut, avec son frère Étienne, non pas précisément l'inventeur mais le propagateur en France de la navigation aérienne au moyen des aérostats, vulgairement ballons, que Joseph de Maistre se plaint de ne pas entendre appeler Montgolfières. Le problème si important de la direction des ballons est encore à trouver. Le sera-t-il jamais? Et pourtant que d'essais restés infructueux en dépit de la réclame! Montgolfier, né à Vidalon-lez-Aunay, mourut en 1810.
Montholon (rue): De Montholon, qui a donné son nom à cette rue, était conseiller d'état avant la Révolution. De lui descendait le général comte de Montholon, exécuteur testamentaire de Napoléon et qui, après l'avoir soigné avec un absolu dévouement, pendant de longs jours et de plus longues nuits, lui ferma les yeux.
Montmartre (rue): Son nom lui vient de la montagne à laquelle elle conduit; mais celle-ci doit-elle son nom à un temple de Mars ou de Mercure, qui s'y élevait ou bien au martyre de saint Denis et de ses compagnons? Sur ces opinions longtemps et vivement controversées, Jaillot hésite d'abord à se prononcer; il adopte cependant la première ou plutôt l'une et l'autre; car il croit que saint Denis et ses compagnons furent décapités sur le mont que dominait le temple de Mars.
Mont-de-Piété (hôtel du grand): Le grand Mont-de-Piété fut établi ou autorisé par lettres patentes du 9 décembre 1777, signées du roi. On peut douter que les résultats actuels, par le taux élevé de l'intérêt, répondent pleinement aux intentions bienveillantes du monarque qui disait d'une façon si admirable: «Ce moyen nous a paru le plus capable de faire cesser les désordres que l'usure a introduits, et qui n'ont que trop fréquemment entraîné la perte de plusieurs familles.... Nous avons cru devoir rejeter tous les projets qui n'offraient que des spéculations de finances pour nous arrêter à un plan formé uniquement par des vues de bienfaisance et digne de fixer l'attention publique, puisqu'il assure des secours d'argent peu onéreux aux emprunteurs dénués d'autres ressources.»
Montorgueil (rue): Très-anciennement il y avait en cet endroit un chemin appelé: Vicus superbiæ, le chemin de l'Orgueil. Pourquoi? nul ne le dit. Dans certains actes on lit: Vicus montis superbi: Le chemin du mont orgueilleux.
Mont-Parnasse (rue): Sur un monticule voisin de l'ancienne barrière, les étudiants de l'Université avaient coutume autrefois de se réunir pour discuter sur la poésie ou l'éloquence et lire sur ces divers sujets leurs élucubrations d'où cette butte prit le nom de Mont-Parnasse.
Maintenant on ne voit plus là de joyeux ébats d'étudiants, mais tout au contraire les corbillards se rendant au cimetière du même nom.
Morgue (la): Autrefois placée sur le quai dit du Marché-Neuf, la Morgue se cache en quelque sorte maintenant derrière le square Notre-Dame, et, ce dont il faut se féliciter, les curieux, loin de la trouver sur leur passage, doivent l'aller chercher. «S'il faut en croire Vaugelas, dit M. Lazare, Morgue serait un vieux mot français qui signifie visage. À l'entrée des prisons, on trouvait autrefois un endroit portant le nom de Morgue où l'on retenait quelques instants les prisonniers au moment où on les écrouait pour que les gardiens pussent bien voir leur morgue ou visage afin de les reconnaître en cas d'évasion. Plus tard, on exposa dans les morgues les cadavres que la Justice voulait faire reconnaître.» L'exposition s'étendit ensuite à toutes les victimes (n'importe la cause de l'accident) dont les corps étaient relevés sur la voie publique ou retirés de la rivière. Les filets de Saint-Cloud à ce sujet sont célèbres. Un poète a dit:
Et la Morgue au teint vert qui jette chaque nuit
Son hameçon dans la rivière.
La Mothe-Picquet (rue de): La Mothe-Picquet, marin célèbre pendant la guerre d'Amérique, mourut lieutenant-général à Brest en 1791. Il était né en 1720.
Mouffetard (rue): Altération du mot Montcétard, nom qu'on donnait à cette voie dans le XIIIe siècle.
Moulins (rue des): Elle doit son nom à deux Moulins situés sur la butte Saint-Roch et qui furent détruits lorsqu'après avoir aplani la butte, on couvrit de maisons l'espace qu'elle occupait.
Mozart (rue): Un critique distingué de notre temps a caractérisé admirablement en peu de lignes, le talent de ce maître illustre: «Mozart est aussi grand musicien que poète sublime. Il chante la grâce et les sentiments exquis des natures supérieures, les douleurs mystérieuses de l'âme qui entrevoit des horizons infinis, les tristesses et les voluptés d'une civilisation avancée. Il a l'élégance, la profondeur et la personnalité des patriciens. Son génie dédaigne les appétits grossiers de la foule; jamais il n'emploie de formules banales pour capter l'approbation du vulgaire. Il dit ce qu'il veut dire sans se préoccuper du public qui l'écoute, et ses cadences s'arrêtent où s'arrête sa pensée. Il est le musicien des nuances, mais des nuances qui réfléchissent la délicatesse de l'âme, et non pas de celles qui expriment les raffinements de l'esprit. Il a la piété d'un enfant, la tendresse et la pudeur d'une femme; et son langage passionné, mais chaste et religieux, ne s'adresse qu'à ces natures d'élite qui sont toujours en minorité sur la terre..... «Ah! disait-il un jour à un protestant de ses amis, vous avez votre religion dans la tête et non dans le cœur; vous ne sentez pas comme nous ce que veulent dire ces mots: «Agnus Dei qui tollis peccata mundi, dona nobis pacem»; mais lorsqu'on a été comme moi introduit dès sa plus tendre enfance dans le sanctuaire, que, l'âme agitée de vagues désirs, on a assisté au service divin où la musique traduisait ces saintes paroles: Benedictus qui venit in nomine Domini! oh! alors, c'est bien différent. Plus tard, lorsqu'on s'agite dans le vide d'une existence vulgaire, ces impressions premières, restées ineffaçables au fond du cœur, se ravivent et montent à l'esprit comme un soupir qui se dilate.»
«On voit que Mozart avait le secret de son génie[57].»
Murillo (rue de): Bartholomé-Esteban Murillo (1608-1682), l'un des maîtres les plus célèbres de l'École Espagnole. Son talent sans doute est grand, mais ne saurait justifier l'engouement prodigieux qui, depuis un temps, donne à ses tableaux une plus value exagérée. Peintre naturaliste, admirable dans le Petit Mendiant par exemple, Murillo, malgré la facilité de sa touche et la magie du coloris, nous paraît, dans les sujets élevés, chrétiens, surtout, le plus souvent au-dessous de sa tâche. Ses types manquent de grandeur bien loin de réaliser notre idéal, témoin cette Immaculée Conception du Louvre, acquise à la folle enchère (oh! vraiment folle!) et payée dix fois sa valeur. Que de chefs-d'œuvre de maîtres divers et qui nous manquent on aurait eus pour les six cents et quelques mille francs si légèrement donnés!
Nous avons vu de Murillo, l'élève de Velasquez, des portraits splendides, le sien en particulier.
Musée de Cluny: Grâce à l'acquisition faite par l'État de l'ancien hôtel de Cluny et à la cession par la ville de Paris du vieux Palais des Thermes, ce Musée, avec ses jardins et ses bâtiments d'une architecture aussi variée que curieuse, offre aux visiteurs tous les genres d'attrait. La collection, donnée par M. du Sommerard, fut le noyau de cet important Musée archéologique, dont les richesses se sont accrues successivement soit par des dons soit par des acquisitions intelligentes.
L'hôtel de Cluny, tel que nous le voyons aujourd'hui, fut construit ou reconstruit par Jacques d'Amboise, l'un des neuf frères du célèbre ministre de Louis XII. Cet hôtel servait d'habitation aux abbés de l'Ordre.
Petit-Muse (rue du): Corrozet la nomme de la Petite Puce. «En 1358, dit Sauval, elle s'appelait la rue du Petit-Muce, la rue du Pute-y-Muce et la rue du Pul-y-Muce à raison peut-être que c'était alors une voirie et un lieu où chacun faisait son ordure.» D'après Germain Brice, elle aurait dû s'appeler la rue Petimus (nous demandons) parce que, dans l'espace que cette rue occupe à présent, se trouvait autrefois l'hôtel des quatre maîtres des requêtes que l'on nommait l'hôtel Petimus, sur ce que les requêtes que l'on présentait alors en langue latine ainsi que tous les actes judiciaires commençaient toujours par le terme Petimus.»
Piganiol a relevé cette erreur en prouvant que l'hôtel des maîtres des requêtes s'élevait dans la rue Saint-Paul.
Musset (rue Alfred de): Poète et auteur dramatique, Alfred de Musset, né en 1810, est mort en 1857. Quel dommage de voir un pareil talent se dévoyer aussi misérablement! Musset semble se complaire dans ce scepticisme absolu qui cependant le torturait et le faisait s'écrier dans une heure de désespoir:
..... L'Infini me tourmente.
Au point de vue moral, il n'est pas moins dangereux pour les jeunes gens parce que sa corruption raffinée ôte au vice la laideur qui repousse et pare la débauche de toutes les élégances de la poésie. L'absinthe avec laquelle, dit-on, Musset s'empoisonna n'était rien auprès des philtres mortels qu'il composait trop bien et nous offrait dans des vases ciselés avec un art des plus savants, merveilleux parfois.
[52] Félibien et Lobineau:—Histoire de Paris.
[53] Homme qui me fait une cornemuse.
[54] Théâtre des Antiquités de la Ville de Paris.
[55] L'historien de Louis XVII adressait, le 4 novembre 1870, ce fragment au roi Guillaume, avec une lettre d'envoi remarquable et qui conciliait tout à la fois le respect et la fermeté.
[56] (Massillon. Mémoires de la minorité de Louis XV, page 9.)
[57] Note manquante
N
Napoléon: Quai de ce nom, impasse à Montrouge, square à Belleville. (Voir la France héroïque).
Necker (rue): Jacques Necker, ministre de Louis XVI, esprit plus spéculatif que pratique. Né à Genève en 1732, il mourut dans cette ville en 1804. «Les Necker et leur école. Jusqu'à eux on avait dit quelquefois la vérité en riant; ils la disent, toujours en pleurant, ou du moins avec des soupirs et des gémissements. À les entendre, toutes les vérités sont mélancoliques. Aussi M. de Pange m'écrivait-il: «Triste comme la vérité.» Aucune lumière ne les réjouit; aucune beauté ne les épanouit; tout les concentre. Leur poétique est héraclitienne.» (Joubert).
Necker (hôpital): S'appelle ainsi en souvenir de Madame Necker qui fonda l'établissement à l'aide d'une somme annuelle de 42,000 livres accordée par le roi Louis XVI, en 1779, pour la création de 120 lits. Madame Necker, frappée autant qu'attristée des abus qui s'étaient introduits ailleurs, voulut inaugurer un nouveau système et décida que chaque malade aurait un lit à lui seul.
Sous la Révolution, l'hôpital s'appela: Hospice de l'Ouest; mais plus tard il reprit le nom de la charitable fondatrice, ce qui n'était que justice.
Neuve-du-Luxembourg (rue): Elle doit son nom à un hôtel que le maréchal de Luxembourg avait fait construire sur une partie de l'ancien emplacement des Capucines.
Nicolet (rue): Nicolet fut un joueur de marionnettes célèbre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Entre les amateurs empressés à ses représentations se trouvait souvent Joseph Vernet, avec son fils Carle ou Charlot encore enfant. «Joseph Vernet, dit Léon Lagrange, ne prenait pas moins de plaisir que le graveur Ville à voir les huit sauteurs catalans dont un fait le paillasse et est supérieur aux autres, quoique tous fassent des prodiges en divers jeux et des sauts étonnants et neufs[58].»
Nicole (rue): Pierre Nicole, né en 1625, est mort en 1695; moraliste et théologien dont on a dit qu'il était, après Pascal, l'écrivain le plus distingué de Port-Royal. On ne peut que regretter davantage qu'un homme de ce mérite n'ait pas su s'affranchir des entêtements de parti et des préjugés de secte. On lit encore ses Pensées et son traité de l'Unité de l'Église.
Notre-Dame-de-Lorette (église): «Un de ces édifices religieux qui rappellent les églises d'Italie. C'est en quelque sorte, dit M. L. Lazare, un spécimen curieux, ayant sa raison d'être dans une ville comme Paris, dont le magnifique panorama plaît surtout par la diversité, les contrastes que présentent les œuvres des artistes.»
Parmi les nombreuses peintures qui décorent ce monument de construction récente, il faut citer tout d'abord celles de la Chapelle du Mariage par Orsel, et de la Chapelle de la Communion, par M. Perrin, deux artistes vraiment et profondément chrétiens comme leur œuvre l'atteste.
Nonnains d'Hyères, (rue des): En 1182, Ève, abbesse d'Hyères, acheta en cet endroit une maison, dite de la Pie, à Richard Villain, moyennant 25 livres de cens annuel. Cette rue prit alors le nom des religieuses.
Et parmi la rue aux Nonnains
D'Ière, vis chevaucher deux nains
Qui moult estoient esjoï (réjouis).
(Le Dit des Rues).
[58] L. Lagrange: Joseph Vernet et la Peinture au XVIIIe siècle.
O
Observatoire (l'): Construit par l'ordre de Louis XIV, de 1667 à 1672. Perrault, dont Colbert avait fait choix comme architecte, dessina les plans et dirigea les travaux. Mais les développements que prit plus tard l'établissement, rendirent nécessaires de nouvelles constructions, faites à différentes époques. En 1834 notamment quatre ailes furent ajoutées.
Cet établissement, que domine une tour élevée par les conseils de Cassini, est destiné, on le sait, aux observations astronomiques. Il compte un assez nombreux personnel, composé du directeur, des astronomes-adjoints et d'autres employés.
Odéon (Théâtre de l'): Ce monument qui a donné son nom à la place et à la rue voisine, fut terminé en 1782, et s'appela Théâtre-Français, conformément à sa destination. En 1790, on le nomma Théâtre de la Nation, puis, (1798) Odéon, (odeion); les Grecs appelaient ainsi le lieu où les poètes et les musiciens se faisaient entendre. En 1799, l'Odéon ayant brûlé, les Comédiens Français s'installèrent au Palais-Royal dans la salle, où ils sont encore et qu'on avait appropriée et restaurée à leur intention. L'Odéon fut reconstruit en 1807 seulement et prit le nom de: Théâtre de l'Impératrice qui fut changé, lors de la Restauration, en celui de Second Théâtre-Français. Quoique longtemps seul sur la rive gauche, ce théâtre, par un singulier phénomène, rarement attira la foule même avec de bonnes pièces, aussi bonnes du moins qu'ailleurs où chaque soir la salle était comble. Plus d'une fois, en entrant à l'orchestre ou au parterre, le spectateur dut se rappeler ces vers de la Némésis écrits en 1831:
La tombe où gît Bossange[59] et le triste Odéon
Qui, ravivant sans fruit la tragi-comédie,
Ne peut se réchauffer que par un incendie.
Il est vrai que le Satirique ne traitait guère mieux le premier Théâtre Français:
Tantôt, sacrifiant une heure solitaire,
J'entrerai dans le vide habité par Voltaire.
Oiseaux (rue des): Ce nom lui fut donné à cause d'un marché aux oiseaux qui s'y tenait.
Olier (rue): L'abbé Olier, né à Paris le 20 septembre 1608, et mort le lundi de Pâques, de l'année 1657 entre les bras de saint Vincent de Paul, était curé de Saint-Sulpice. À peine ordonné prêtre (21 mars 1633), il se montra préoccupé de l'œuvre importante à laquelle il se sentait appelé, l'établissement en France des grands séminaires. Mais avec la prudence du zèle éclairé, il sut ne rien précipiter et ce ne fut qu'en 1642, que la première de ces saintes maisons fut fondée à Vaugirard; trois ans après, s'ouvrit celle de Saint-Sulpice, puis successivement furent établis les séminaires de Nantes, de Viviers, du Puy, de Clermont, de Québec, au Canada, etc.
Le curé de Saint-Sulpice ne s'occupait pas avec moins de sollicitude de sa paroisse où sa charité, dans les temps les plus calamiteux (l'année 1649 par exemple), trouvait moyen de venir au secours de toutes les misères. «Frère Jean m'a assuré, écrit à ce sujet un contemporain, que si, dans les autres temps, M. Olier était libéral, pendant cet hiver, qui fut très-rigoureux, on pouvait en quelque sorte lui reprocher d'être prodigue.» Une personne, chargée de la distribution de ses aumônes, étant venue le prévenir d'un air d'inquiétude qu'elle n'avait plus d'argent: «Vous n'avez point de foi, répondit M. Olier; Dieu peut-il nous manquer?»
Orfèvres (quai des): Ce nom lui vient du grand nombre d'orfèvres qui jadis y avaient leurs boutiques. Dans la rue conduisant au quai, s'élevait naguère une maison appelée l'Hôtel des Trois Degrés. Cette maison fut achetée par la corporation des Orfèvres qui successivement acquit huit autres maisons voisines; et ces divers bâtiments, réparés ou reconstruits, devinrent un vaste hôpital ou hospice destiné à recevoir les confrères malheureux aussi bien que leurs veuves laissées sans ressources. «Les orfèvres pauvres et infirmes, dit Jaillot, ont retrouvé dans la générosité de leurs confrères les secours dont ils avaient besoin (pour le corps et pour l'âme)... Il y en a parmi eux qui ont employé une partie considérable de leur fortune pour procurer, dans l'hôpital des Incurables, tous les secours nécessaires à leurs confrères assez malheureux pour n'avoir pas même la seule consolation que laisse l'espérance.»
Cette dernière phrase, j'en demande pardon à l'honnête Jaillot, ressemble fort à un galimatias, mais le reste est assez clair et met en relief un exemple bon à imiter et qui prouve en faveur des corporations, supprimées brutalement quand il n'eût fallu que modifier les statuts.
Ormes (quai des): Ce nom lui vient d'une allée d'arbres qu'avait fait planter Charles V et qui conduisait à l'hôtel St-Paul. Ce chemin s'appela d'abord des Ormetaux, puis des ormes quand les jeunes plants furent devenus de grands arbres.
Orsay (quai d'): La première pierre de ce quai fut posée le 6 juin 1705. Ce nom lui fut donné en l'honneur de Charles Boucher, seigneur d'Orsay, alors prévôt des marchands et qui remplit ces fonctions de 1700 à 1708.
Orties (rue des): Ce nom lui vient très-anciennement des orchidées qui foisonnaient en cet endroit avant que la rue fût bâtie, et quand elle n'était qu'un sentier ou chemin.
Oudinot (rue): Oudinot, duc de Reggio et maréchal de France, né en 1767, mort en 1847, gouverneur des Invalides. Ce volontaire de la République, qui avait gagné tous ses grades à la pointe de l'épée, joignait, à de grands talents militaires, à une bravoure héroïque, la probité, le désintéressement et le sentiment de l'honneur au plus haut degré. Aussi les contemporains ont-ils applaudi à ces beaux vers du Chant du Sacre qui résument admirablement cette vie glorieuse:
..... Reggio! Ce nom, à son aurore,
Du saint vernis du temps n'est pas couvert encore;
Mais ses titres d'honneur sont partout déroulés:
Regarde avec respect ses membres mutilés!
Ce nom, comme les noms des Dunois, des Xaintrailles,
A germé tout à coup sur vingt champs de batailles:
J'aime mieux, pour orner le bandeau qui me ceint,
Un grand nom qui surgit qu'un vieux nom qui s'éteint.
La postérité, en ce qui concerne Oudinot, a déjà confirmé le jugement de Lamartine.
Ours (rue aux): Elle s'appelait, au XIIe siècle, rue aux Oies, rue où l'on cuit les oies; mais, vers 1552, le peuple, on ne sait comment, ni pourquoi, lui donna le nom de rue aux Ours «qui est bien un autre oiseau», dit plaisamment Sauval. Il ajoute: «Le peuple, qui veut à toute force que ce soit son véritable nom, et qu'elle n'en doit point avoir d'autre, allègue qu'anciennement on y gardait et vendait des ours et pour preuve montre là un logis à porte cochère où, au-dessus de la porte, à la clé de l'arcade, on voit un ours sculpté.»...Mais en cela il se trompe et cette preuve manque de solidité. Le vrai nom de la rue «est celui de rue aux Oues (oies) parce que de tout temps c'était une rôtisserie publique: et comme alors on n'était pas si friand qu'aujourd'hui les oisons du voisinage chargeaient plus de broches que les chapons du Mans ni les autres viandes délicates qu'on apporte de loin. Et de fait, dans toutes les anciennes chartes, elle est appelée: la rue où l'on cuit les oies. Ce changement de nom vient de ce que nos anciens prononçaient la lettre O comme nous prononçons Ou, et ainsi appelaient oue ce que nous appelons oie si bien qu'il faudrait dire la rue aux Oies et non pas la rue aux Ours.»
À l'appui de cette opinion de Sauval on peut citer ces deux vers du Dit des Rues de Paris:
Et si fus en la rue aux Oues
Où l'on me fit force moues.
[59] Directeur du Théâtre des Nouveautés.
P
Pagevin (rue): Ce nom lui vient de Jean Pagevin, huissier au parlement, qui y demeurait.
Paix (rue de la): Ouverte en 1806 sur l'emplacement de l'ancien couvent des Capucines, elle s'appela rue Napoléon, nom qui fut changé en 1814. La rue prit alors celui qu'elle porte aujourd'hui.
Paon-Blanc (rue du): Ce nom vient d'une enseigne.
Palais-Royal: Ce monument, bâti par le cardinal de Richelieu, n'était d'abord qu'une modeste habitation connue sous le nom d'hôtel Richelieu. Mais, par suite d'agrandissements nombreux, il devint un vaste et magnifique palais, tel même que le cardinal jugea qu'il ne pouvait plus être habité que par des Majestés ou des Altesses. Dans l'année 1639, il en fit donation entre vifs au roi Louis XIII, donation confirmée par son testament (1642). Cette même année, la reine régente, Anne d'Autriche, étant venue habiter le palais avec la famille royale, l'inscription de: Palais-Cardinal fut remplacée par celle de Palais-Royal. Des constructions et des modifications successives donnèrent une meilleure apparence à l'édifice de forme assez irrégulière d'abord. Le jardin fut dessiné et planté par l'ordre du duc d'Orléans, régent. Auparavant ce n'était qu'un terrain à moitié inculte, renfermant un mail, un manége et deux bassins, le tout disposé sans ordre et sans symétrie. Les Galeries furent construites, les trois premières par Philippe Égalité, et la quatrième, dite d'Orléans, par le roi Louis-Philippe. Elle remplaça cette double rangée de baraques en bois, qu'on y voyait il n'y a pas bien des années encore, et qui, par la foule des promeneurs et des curieux, faisait que l'endroit ressemblait à une grande foire de village.
Panoramas (passage des): Construit en 1800, il dut son nom aux panoramas qui y furent établis et disparurent vers 1831.
Papillon (rue): Ouverte en 1781, elle dut son nom à M. Papillon de la Ferté, contrôleur général de l'argenterie, menus plaisirs et affaires de la chambre du roi, qui périt sur l'échafaud en 1794 (7 juillet).
Papin (rue): Denis Papin, célèbre physicien français, naquit à Blois, le 22 août 1647, et mourut à Marbourg, vers 1714. «Papin, dit F. Arago, a imaginé la première machine à vapeur à piston; il a vu le premier que la vapeur aqueuse fournit un moyen simple de faire rapidement le vide dans la capacité du corps de pompe; il est le premier qui ait songé à combiner dans une même machine à feu l'action de la force élastique de la vapeur avec la propriété dont cette vapeur jouit, et qu'il a signalée, de se condenser par ce refroidissement.»
Nous ajouterons que Papin a inventé aussi la soupape de sûreté; car elle forme la partie essentielle de son digesteur, ou marmite de Papin, employée à extraire, par la vapeur à haute pression, la partie gélatineuse des os. Papin, le premier encore, démontra, en 1678, que les liquides, par exemple l'eau et l'alcool, entrent en ébullition à une très faible chaleur dans le vide.
Paradis (rue): Ce nom vient d'une enseigne.
Parcheminerie (rue de la): Ainsi nommée en 1287. C'était auparavant la rue des Écrivains.
Paul (rue Saint): Dans cette rue se trouvait l'hôtel St-Paul, résidence de plusieurs de nos rois, Charles V et Charles VI, entre autres. L'hôtel St-Paul était magnifiquement décoré comme l'affirment plusieurs auteurs anciens. D'après Germain Brice, un historien du temps dit «que l'appartement du roi consistait en une grande antichambre, une chambre de parade appelée la chambre à parer, la chambre au gîte du Roi, deux cabinets, une garde robe, la chambre des napes (lingerie), celle de l'étude, celle des bains et des Tourterelles; la chambre du conseil; avec cela deux chapelles, des étuves que l'on nommait chauffe-doux; une volière, un jeu de paume, une ménagerie pour les grands lions, une autre pour les petits; la chambre de Charlemagne qui avait quinze toises de long sur six de large. Les mêmes Mémoires ajoutent que les poutres des chambres les mieux ornées étaient enrichies de fleurs de lis d'étain doré; que les lits étaient de drap d'or et que les chenets de fer pesaient cent quatre-vingts livres.»
Pas de la Mule (rue du): Aucune dénomination, dit M. Lazare, n'ayant été affectée à ce prolongement d'une autre rue, le peuple voulut y suppléer en baptisant la rue à sa manière. Son nom à lui c'était un conseil; son nom semblait dire aux pauvres piétons: «Si vous tenez à ne pas vous casser le cou, imitez la patience et le pas de la mule en gravissant cette pente escarpée et glissante.»
(Pastourelle): Ce nom vient de Roger Pastourelle qui habitait la rue en 1331.
Pavée (rue):
En la rue Pavée alé (allai)
Où a maint visage hâlé,
dit Guillot. Dans cette rue Pavée alors que beaucoup d'autres étaient privées de cet avantage, logeaient sans doute des vignerons et des voituriers au teint hâlé. On disait aussi, suivant Lebœuf, la rue Pavée d'Andouilles. Était-ce parce qu'il s'y trouvait force charcutiers?
Trois Pavillons (rue des): Elle fut ainsi nommée d'une maison située à l'angle de cette rue et de celle des Francs-Bourgeois et qui se faisait remarquer par ses Trois Pavillons. Le peuple, de sa propre autorité, remplaça par ce nom celui de Diane qui venait de la duchesse de Valentinois, trop célèbre sous le règne de Henri II.
Payenne (rue): S'appelait anciennement Payelle, nom d'un propriétaire riverain.
Pépinière (rue de la): Tracée vers 1782, sur les terrains faisant partie de la pépinière dite du roi. Quel besoin de changer ce nom en celui de Abattucci?
Perle (rue de la): Ce nom lui vient «d'un tripot carré qui a passé longtemps pour le mieux entendu de Paris», dit Sauval.
Pélagie (Sainte): Cette prison était, avant la Révolution, une communauté de femmes fondée en 1665, par madame Beauharnais de Miramion. Dans cette maison on recevait ou renfermait les filles ou femmes tombées dans le désordre et qu'on espérait ramener à une vie meilleure. Une partie de l'établissement s'appelait: Le Refuge; l'autre, Sainte-Pélagie. Cette sainte, comédienne célèbre d'Antioche au Ve siècle, s'étant convertie, fit oublier par une héroïque pénitence les scandales de sa vie antérieure.
Lors de la Révolution, le couvent fut supprimé, les religieuses se virent dépossédées et de leur paisible demeure on fit une prison.
On sait que, dans un corps de bâtiment séparé, sont renfermés, depuis 1828, les détenus politiques et en particulier les condamnés pour délits de presse.
Pélican (rue du): Ce nom vient d'une enseigne. Je lis dans Bernardin de St-Pierre, (Études de la Nature) un curieux passage sur le pélican: «Le pélican ou grand-gosier est un oiseau blanc et brun, qui a un large sac au-dessus de son bec qui est très-long. Il va tous les matins remplir son sac de poisson; et quand sa pêche est faite, il se perche sur quelque pointe de rocher à fleur d'eau, «où il se tient immobile jusqu'au soir, dit le père Dutertre, comme tout triste, la tête penchée par le poids de son long bec, et les yeux fixés sur la mer agitée, sans bouger non plus que s'il était de marbre.»
Perrée (rue): C'est le nom d'un intrépide marin qui, en 1800, soutint avec un seul vaisseau, le Généreux, un combat acharné contre quatre vaisseaux anglais, l'un d'eux, le Foudroyant, commandé par Nelson. Le Généreux n'abaissa point son pavillon et si l'ennemi put s'en emparer, c'est qu'il ne restait personne pour le défendre. Quand les Anglais arrivèrent sur le pont, ils n'y trouvèrent plus que des mourants et des morts et, entre ceux-ci, le capitaine Perrée, tombé sur son banc de quart qu'il n'avait pas voulu quitter quoique blessé grièvement.
Penthièvre (rue de): Doit son nom au vertueux duc de Penthièvre si célèbre dans le siècle dernier par sa bienfaisance. «La physionomie de M. le duc de Penthièvre annonce de l'esprit, de la douceur et même un peu de coquetterie; on dirait qu'il vous oblige en vous regardant et, lorsqu'il vous a parlé, vous vous sentez attiré à l'aimer autant qu'à le respecter.
«Voilà ce que j'ai éprouvé au premier aspect, mais lorsque ses bontés m'ont donné des rapports plus particuliers avec lui, j'ai trouvé que son âme était au-dessus de tout le reste, qu'il était mille fois supérieur à tout ce que sa figure annonçait, à tout ce que ses manières laissaient entrevoir. Cette âme est d'une trempe si peu commune que je ne trouverai point l'expression qu'il faudrait pour ce que je vois et encore plus pour ce que je sens; toutes les vertus y sont dans un équilibre parfait parce que la sagesse les conduit toutes dans les bornes qu'elles ne peuvent franchir sans devenir vice ou défaut. Généreux sans prodigalité, pieux sans minutie, tendre sans faiblesse, modeste avec dignité, chez lui actions, paroles, maintien, regards, tout est à sa place; il semble que rien ne pourrait être autrement.
«Ce prince m'a paru un être si différent des autres hommes que, pendant deux années, j'ai plus d'une fois, je l'avoue, épié ses défauts pour essayer de consoler mon amour-propre: recherche vaine; mes observations n'ont servi qu'à me faire mieux sentir sa supériorité, et je me suis dit que je ne devais point aspirer à une perfection fondée par la nature dans un de ses plus heureux moments.»
Ce portrait, si remarquable par la finesse de la touche et qu'on sait d'une parfaite ressemblance, emprunte un intérêt particulier au nom de celui qui l'a tracé. Il a pour auteur cet autre homme de bien, M. de Montyon.
Pères (rue des Saints): Son vrai nom est Saint-Pierre, provenant de la chapelle Saint-Pierre qui s'y trouvait. Ce nom fut changé d'abord en celui de Saint-Père, puis Saints-Pères.
Pétrelle (rue): C'était le nom d'un propriétaire riverain.
Pigalle (rue): Le sculpteur Pigalle, né à Paris en 1714, y mourut en 1785. «Pigalle avait reçu de la nature un œil savant qui, dans chaque trait, découvrait mille traits, et dans chaque partie, une infinité de parties. Il aimait à peindre ce qu'il savait voir. Aucun artiste n'avait représenté avant lui cette multitude de détails que l'art aime à considérer nus, parce qu'il peut avoir besoin de les reproduire, mais que le bon goût se plaît à couvrir de voiles. Jamais il ne pouvait exprimer assez à son gré tous les reliefs du corps humain, comme les anciens ne pouvaient jamais assez les ramener au contour. Il semblait s'être fait une loi rigoureuse de n'imiter que la vérité, telle non seulement que les yeux peuvent la voir, mais telle que les mains pourraient la toucher... On voit presque toujours, dans ses ouvrages, les deux extrêmes de la vie humaine, celui où la nature, animant le corps avec vigueur, en fait saillir toutes les parties, et celui où, l'abandonnant, elle les découvre et les désunit. Sans doute il a peint quelquefois la beauté, mais non cette ravissante beauté d'un corps «hôte d'une belle âme», pour employer avec le poète une expression qui semble née au pied de quelque statue antique.» (Joubert.)
Picpus (rue): Vers 1775, c'était un chemin qui traversait le territoire, dit de Pique-puce dont on a fait par corruption picpus. L'origine de cette dénomination est assez singulière, si l'on en croit M. L. Lazare, qui ne la donne, d'après d'anciens auteurs, que sous réserves. Un mal épidémique se manifesta dans les environs de Paris vers le milieu du XVIe siècle. On voyait sur les bras des femmes et des enfants de petites tumeurs rouges qui ressemblaient à plusieurs piqûres faites par un insecte qui s'attachait de préférence aux mains blanches et délicates des personnes jeunes.
Un religieux du couvent de Franconville près Beaumont, diocèse de Beauvais, venu pour fonder une maison dans les environs de Paris, à l'aide d'une certaine liqueur, guérit nombre de malades. On le retint par reconnaissance dans le village et le couvent qu'il y fonda s'appela Picpus.
Dans cette même rue, se trouve le cimetière où furent enterrées les victimes de la Révolution qui périrent sur l'échafaud dressé près la porte Saint-Antoine. On en compta 1350, dans l'espace de quarante jours seulement.
Poissonnière (rue et faubourg): Elle s'appelle ainsi à cause que c'était par cette voie qu'arrivaient les marchands de marée.
Pierre Sarrazin (rue): A pris son nom d'un bourgeois nommé Pierre Sarrazin qui demeurait en cet endroit et y mourut vers 1255.
La rue Pierre Sarrazin
Où l'on essaie maint roncin (cheval)
Chacun an, comment on le happe.
Pinel (rue): Pinel, médecin aliéniste célèbre, né à Saint-Paul, près Castres, en 1745, mourut à Paris, le 25 octobre 1826. L'humanité doit une éternelle reconnaissance au docteur Pinel par le changement radical qu'il apporta, en dépit des oppositions venant de la routine, dans le traitement des infortunés privés de la raison par une cause ou par une autre. Sa conviction, que par ses écrits et son langage, il sut faire partager à beaucoup de ses confrères comme aux chefs de l'administration, c'était que les fous sont des malades qu'il faut traiter avec ménagement, justice et douceur, mais, une douceur où l'on sent au besoin la fermeté. Nommé en 1793, médecin en chef de l'hospice de Bicêtre, il y introduisit peu à peu, d'après ces principes, d'utiles et humaines réformes qui s'étendirent par la suite à toutes les maisons d'aliénés. Honneur à Pinel!
Planche (rue de la): Ce nom lui vient du sieur Raphaël de la Planche, trésorier général des bâtiments de Henri IV, lequel avait donné au dit seigneur des lettres de privilége pour l'établissement d'une manufacture de tapisseries de haute-lice.
Pont-au-Change: Ce pont, qui aboutit d'un côté au quai de l'Horloge, de l'autre au quai de la Mégisserie et qui fut pendant longtemps le seul moyen de communication de la cité avec la rive septentrionale, s'appela d'abord le Grand-Pont. Construit en bois, il fut à diverses reprises soit emporté par les inondations soit détruit par l'incendie comme en 1621, et rebâti mais non pas toujours exactement au même endroit. D'après un usage qui a persisté presque jusqu'à la moitié du siècle actuel, des maisons avec boutiques s'élevaient de chaque côté du pont dans toute sa longueur. En 1141, Louis VII, dit le Jeune, ordonna que le Change se ferait sur ce pont à l'exclusion de tous autres endroits, d'où il prit son nom de Pont-au-Change.
Pont-Neuf. La construction de ce pont fut commencée sous le règne de Henri III qui, accompagné de sa mère, Catherine de Médicis, de Louise de Lorraine, son épouse, et entouré des plus illustres personnages de la cour, en posa la première pierre avec grand appareil le 30 mai 1578. Les travaux furent poursuivis d'abord avec une grande activité, et les quatre piles, du côté de la rue Dauphine, s'élevèrent à fleur d'eau dès la première année; mais l'ouvrage ensuite demeura suspendu sans doute par le manque d'argent. Pourtant, afin de fournir aux dépenses considérables de l'entreprise, on avait établi un impôt spécial ou dîme sur le peuple et «le produit, dit Germain Brice, aurait fourni quatre fois plus qu'il n'était nécessaire, si cet argent, selon le terme des auteurs, n'avait pas été englouti par les favoris qui ne se mettent guère en peine du bien de la patrie, parce qu'ils ne songent qu'à leur fortune et à leur agrandissement.»
La paix rétablie partout après les guerres de la Ligue, «Henri IV, qui aimait la ville de Paris parce que le peuple l'aimait infiniment» fit reprendre les travaux et, dès l'année 1604, le pont était complètement achevé. «Personne ne peut disconvenir que ce pont ne soit un des plus beaux et des mieux ordonnés de toute l'Europe.» Guillaume Marchand, dans cette seconde période, dirigeait, comme architecte, les travaux. Le pont avait été commencé d'après les dessins et sous la direction du célèbre Du Cerceau à qui l'on doit le dessin de la galerie du Louvre.
La statue de Henri IV,
Le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire,
qui s'élève sur le terre-plein du Pont-Neuf, due au sculpteur Lemot, fut érigée dans les premières années de la Restauration en remplacement de celle que la Révolution avait eu le tort de renverser.
«Ce monument, dit le judicieux Saint-Victor, est une preuve des plus frappantes de l'inconstance de la multitude et du mépris que méritent également sa haine et son amour. Pendant près de deux siècles, le souvenir de Henri IV fut cher au peuple de Paris et sa statue était pour ce peuple l'objet d'une sorte de culte. Dans les premiers jours de la Révolution, on l'avait vu forcer les passants à s'agenouiller devant l'image de ce bon roi: environ deux ans après, il l'abattit avec des cris de rage comme celle du plus affreux tyran.»
Ce n'était pas le vrai peuple qui agissait ainsi, mais cette triste plèbe, sédiment impur de toute société que les Révolutions font remonter à la surface, et dont les passions aveugles, fruit de l'ignorance, s'exaltent encore par les prédications des meneurs et les diatribes et calomnies de bas folliculaires.
De la statue nouvelle, celle de Lemot, Saint-Victor nous dit: «C'est un monument d'un grand style, d'un dessin correct et savant: l'artiste a su allier la beauté des formes à la vérité de l'attitude; la noblesse et la ressemblance parfaite des traits avec la franchise et la naïveté de l'expression. Il s'est montré d'une exactitude scrupuleuse dans les détails de costume et jusque dans les moindres accessoires, sans jamais descendre à l'imitation servile d'un copiste; le mouvement du cheval est neuf et vraiment admirable; toutes les parties en sont étudiées avec le plus grand soin et traitées dans la plus grande manière; enfin, à la place d'une statue médiocre[60], s'est élevée une statue digne d'un de nos plus grands rois.»
Poissonnerie (rue de la): Jadis le chemin dit de la Vallée aux voleurs, puis des Poissonniers, parce que les marchands de marée suivaient cette voie pour se rendre aux halles.
Popincourt (rue de): Elle doit son nom à Jean de Popincourt, premier président du parlement de Paris sous Charles VI, qui possédait en cet endroit une maison de campagne.
Postes (Hôtel des): Appartenait au comte de Morville, ministre et secrétaire d'état des affaires étrangères, lorsque le roi en ordonna l'acquisition en 1757, pour l'affecter au service des Postes.
Poulies (rue des): D'après Sauval, ce nom lui vient des Poulies de l'hôtel d'Alençon et ces Poulies étaient un jeu ou exercice encore en usage en 1543. Jaillot croit que cette dénomination provient d'Edmond de Poulie qui possédait dans cette rue une grande maison et un jardin qu'il vendit à Alphonse, comte de Poitiers, frère de saint Louis.
Prouvaires, (rue des):
M'en ving en la rue à Prouvaires,
Où il a maintes pennes vaires (étoffes de couleurs variées).
Dans cette rue s'élevait l'hôtel de maître Jacques Duchié, dont Guillebert de Metz, dans son livre original (1435), nous a laissé cette très-curieuse description:
«La porte duquel est entaillée de art merveilleux; en la court estoient paons et divers oiseaux à plaisance. La première salle est embellie de divers tableaux et écritures d'enseignements attachés et pendus aux parois. Une autre salle remplie de toutes manières d'instruments, harpes, orgues, vielles, guiternes (guitares), psaltérions et autres desquels le dit maître Jacques savait jouer de tous. Une autre salle était garnie de jeux d'échecs, de tables et d'autres diverses manières de jeux, à grand nombre. Item, une belle chapelle où il y avait des pupitres à mettre livres dessus, de merveilleux art, lesquels on faisait venir à divers siéges loin et près, à dextre et à senestre. Item une étude où les parois étaient couvertes de pierres précieuses et d'épices de souefve (suave) odeur. Item, une chambre où étaient fourrures de plusieurs manières. Item, plusieurs autres chambres richement adoubées (ornées) de lits, de tables engigneusement (ingénieusement) entaillées et parées de riches draps et tapis à or frais. Item, en une autre chambre haute, étaient grand nombre d'arbalètes dont les aucunes étaient peintes à belles figures. Là étaient étendarts, bannières, pennons, arcs à main, piques, faussarts, planchons, haches, guisarmes, mailles de fer et plomb, pavois, targes, écus, canons et autres engins, avec planté (quantité) d'armures; et brièvement il y avait aussi comme toutes manières d'appareils de guerre. Item, là était une fenêtre faite de merveillable artifice par laquelle on mettait hors une tête de plaques de fer creuse, parmi laquelle on regardait et parlait à ceux du dehors, si besoin était, sans douter (craindre) le trait. Item, par dessus tout l'hôtel, était une chambre carrée, où étaient fenêtres de tous côtés pour regarder par dessus la ville. Et quand on y mangeait, on montait et avalait (descendait) vins et viandes à une poulie, pour ce que trop haut eût été à porter. Et par dessus le pinacle de l'hôtel étaient belles images dorées. Cestui maître Jacques Duchié était bel homme, de honnête babil (langage) et moult notable; si tenait serviteurs bien morigénés et instruits, d'avenante contenance, entre lesquels était un maître charpentier qui continuellement ouvrait (travaillait) à l'hôtel. Grand foison de riches bourgeois avait et d'officiers qu'on appelait petits royeteaux de grandeur[61].»
Prud'hon (rue): Pierre-Paul Prud'hon né à Dijon en 1760, mort à Paris en 1822. «Ce peintre, dit Quatremère de Quincy, mettait aux moindres idées un tel agrément; ce qu'il touchait recevait de lui l'empreinte d'une si aimable naïveté, d'une vérité si ingénue; son maniement de crayon avait une suavité si particulière que le peintre habile s'y trahissait de toute part.... C'est que tout ce que le souffle du sentiment anime a la propriété de faire apercevoir plus qu'il ne montre.»
On peut regretter souvent chez l'artiste le choix des sujets empruntés à la Fable, mais qu'à force de talent, et en dépit de la nudité, il élevait jusqu'à l'idéal. Sous le pinceau délicat de Prud'hon, la volupté, s'il était possible, deviendrait chaste.
Puits qui parle, (rue du): Ce nom vient d'un puits qui faisait écho et qu'on voit encore au coin de la rue des Poules.
[60] La Première, de Jean de Bologne.
[61] Guillebert de Metz. Description de Paris; édition de Leroux de Lincy; in-8º 1855.
Q
Quatre-Fils (rue des): Ce nom vient d'une enseigne.
Quatre-Vents (rue des): Une enseigne aussi lui donna ce nom.
Quinault (rue): Auteur dramatique né en 1635 et mort en 1688. Malgré la vogue de quelques-unes de ses pièces, il ne fut pas ménagé par Boileau:
Les héros chez Quinault parlent bien autrement,
Et jusqu'à: Je vous hais, tout s'y dit tendrement.
On dit qu'on l'a drapé dans certaine satire;
Qu'un jeune homme...—Ah! je sais ce que vous voulez dire,
A répondu notre hôte: «Un auteur sans défaut,
La raison dit Virgile et la rime Quinault.»
—Justement, à mon gré la pièce est assez plate.
Et puis blâmer Quinault!... Avez-vous lu l'Astrate?
C'est là ce qu'on appelle un ouvrage achevé.
Satire III.
Puisque vous le voulez, je vais changer de style.
Je le déclare donc: Quinault est un Virgile.
Satire IX.
Quincampoix (rue): Elle fut ainsi appelée, dit-on, à cause du seigneur de Quincampoix qui, vers l'an 1300, fit construire la première maison. Suivant d'autres auteurs, ce nom lui venait de sa situation, parce qu'elle était de cinq paroisses différentes: quinque campanis.
«Dans les années 1719 et 1720, cette rue dit Germain Brice, a rendu son nom fameux par le concours prodigieux des agioteurs d'actions de la nouvelle Banque Royale (création de Law), entre lesquels quantité ont fait des fortunes immenses et bien au-delà de ce qu'on peut imaginer. Le commerce de papier que l'on y a vu, pendant ces deux années, de plusieurs centaines de milliards, y avait attiré tous les juifs les plus ardents de divers endroits de l'Europe et tous les plus actifs usuriers.»
Quinze-Vingts (Hospice des): La fondation de cet établissement remonte à saint Louis. On choisit pour élever les bâtiments un terrain nommé le Champourri, situé à peu de distance du Louvre. D'après la tradition, l'hospice, dont le célèbre Eudes de Montreuil avait donné les plans, était destiné à servir d'asile à trois cents chevaliers pauvres et revenus aveugles de la croisade.
Dans l'année 1701, l'établissement des Quinze-Vingts (ou des trois cents) ayant été transféré rue de Charenton, le roi autorisa la vente des anciens bâtiments et des terrains qui en dépendaient, et c'est alors que s'ouvrirent les rues de Beaujolais, de Chartres, Rohan, Montpensier, etc.
R
Rambuteau (rue): Elle a pris ce nom en l'honneur de M. Claude-Philibert Berthelot, comte de Rambuteau, préfet de la Seine, lorsque cette voie fut ouverte en 1838.
Rameau (rue): Rameau, compositeur de musique, né en 1683 mourut à Paris en 1764. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur la musique.
Ramponneau (rue de): Elle doit son nom à un certain Ramponneau, cabaretier et comédien à la façon de Gautier Garguille, et qui, vers 1760, attirait la foule dans son établissement par des joyeusetés et des facéties.
Rats (rue des): Cette rue fut bâtie sous la prévôté de Hugues Aubriot, au temps de Charles VI. Guillot nous dit:
..... rue d'Aras
Où l'on rencontre maints gros rats.
Regard (rue du): Elle aboutissait, du côté de la rue de Vaugirard, vis-à-vis d'un regard de la fontaine aujourd'hui supprimée, d'où lui vint son nom.
Reuilly (rue de): Ce nom est dû à un territoire remarquable par son antiquité où se voyait naguère un ancien palais de nos rois de la première race. Ce fut dans ce palais que Dagobert Ier répudia sa femme Gomatrude pour épouser Nanthilde.
Richelieu (rue): Dans notre étude sur le célèbre cardinal (France héroïque, III) se trouve un portrait de Richelieu par Labruyère, portrait tiré des Caractères. Mais il en est un second par le même et illustre écrivain qui nous a paru curieux à reproduire. Nous laissons d'ailleurs au moraliste, devenu si ardent panégyriste, la responsabilité de ses jugements:
«Génie fort supérieur, il a su tout le fond et tout le mystère du gouvernement; il a connu le beau et le sublime du ministère; il a respecté l'étranger, ménagé les couronnes, connu le poids de leur alliance; il a opposé des alliés à des ennemis; il a veillé aux intérêts du dehors, à ceux du dedans; il n'a oublié que les siens: une vie laborieuse et languissante, souvent exposée, a été le prix d'une si haute vertu.
«Comparez-vous, si vous l'osez, au grand Richelieu, hommes dévoués à la fortune, qui, par le succès de vos affaires particulières, vous jugez dignes que l'on vous confie les affaires publiques; qui vous donnez pour des génies heureux et de bonnes têtes; qui dites que vous ne savez rien, que vous n'avez jamais lu, que vous ne lirez point, ou pour marquer l'inutilité des sciences, ou pour paraître ne devoir rien aux autres, mais puiser tout de votre fonds.
«Il savait quelle est la force et l'utilité de l'éloquence, la puissance de la parole qui aide la raison et la fait valoir, qui insinue aux hommes la justice et la probité, qui porte dans le cœur du soldat l'intrépidité et l'audace, qui calme les émotions populaires, qui excite à leurs devoirs les compagnies entières ou la multitude: il n'ignorait pas quels sont les fruits de l'histoire et de la poésie, quelle est la nécessité de la grammaire, la base et le fondement des autres sciences; et que, pour conduire ces choses à un degré de perfection qui les rendît avantageuses à la république, il fallait dresser le plan d'une compagnie où la vertu seule fût admise, le mérite placé, l'esprit et le savoir rassemblés par des suffrages.»
Richepance (rue): Le général Richepance, né en 1770, mourut à la Guadeloupe en 1802.
Roch (église Saint): Construite dans les dépendances et sur l'emplacement de l'hôtel Gaillon, cette église eut pour architecte Lemercier, architecte du roi Louis XIV qui posa la première pierre en 1653.
Plusieurs des hommes illustres du XVIIe siècle y furent enterrés: Pierre Corneille, Le Nôtre, Mignard, le duc de Créquy, etc.
Rivoli (rue de): Ainsi nommée en souvenir de la bataille gagnée par les Français sur les Autrichiens en Italie, le 1er janvier 1797.
Roch (rue de St): S'appelait d'abord rue Michaut Riégnaut, et Michaud Regnaut en 1521. Elle prit plus tard le nom de rue St-Roch parce que la principale entrée de l'ancienne église se trouvait dans cette rue.
Aux nos 10 et 12, dit M. Lazare, était la communauté de Sainte-Anne. Nicolas Formont, grand audiencier de France, résolut de fonder un établissement dans lequel on apprendrait aux pauvres filles de la paroisse Saint-Roch à gagner honorablement leur vie, en multipliant ainsi en leur faveur les instructions religieuses dans le but de les préserver des séductions si nombreuses dans les grandes villes. Cette création, empreinte d'un si noble et si touchant caractère, date du 4 mai 1683, et les lettres patentes d'autorisation accordées par le roi sont du mois de mars 1686. Cette œuvre toute de charité ne devait-elle pas être épargnée par la Révolution qui la supprima cependant en 1790; et la maison de Sainte-Anne fut vendue comme propriété nationale.
Roi-Doré (rue): Fut ainsi appelée à cause d'un buste du roi Louis XIII qui se voyait à l'une des extrémités de la rue.
Rollin (rue): Charles Rollin, né le 30 janvier 1661, à Paris, mourut dans cette ville le 14 septembre 1741. Fils d'un coutelier, il obtint une bourse au collége des Dix-huit dont il fut l'un des plus brillants élèves. À peine âgé de 22 ans, il remplaçait Hersan dans la chaire de seconde, puis dans celle de rhétorique et enfin dans la chaire d'éloquence du Collége royal. Après dix années de professorat, il quitta l'enseignement pour se livrer tout entier à l'étude. Le succès de son Histoire ancienne, parue, de 1730 à 1738, dépassa de beaucoup les espérances ou les prévisions de l'auteur. Cet ouvrage avait été précédé par le Traité des Études, publié en 1736, et dont un critique éminent, M. Villemain, n'hésitait pas à dire: «Monument de raison et de goût, livre l'un des mieux écrits dans notre langue après les livres de génie.»
L'Histoire Romaine de Rollin, restée inachevée, fut terminée par Crevier.
Roquette (rue de la): La Roquette est une plante crucifère à fleurs jaunes qui croît abondamment dans les lieux incultes.
La prison de la Roquette, où furent enfermés les otages de la Commune, reste à jamais célèbre par le martyre de six des plus illustres ou des plus vénérables d'entre eux, Monseigneur Darboy, archevêque de Paris, le président Bonjean, l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine, les pères Clerc et Ducoudray, jésuites, l'abbé Allard, missionnaire.
Nous connaissons par divers récits, comme par le procès des assassins, les détails de cette horrible tragédie, et l'on ne sait ce qu'il faut admirer le plus, ou la magnanime attitude des victimes ou la froide et imbécile férocité des bourreaux. Les Iroquois et les Hurons n'auraient rien appris aux Peaux-Rouges de la Commune.
Rossini (rue): De cet illustre maëstro dont la mort récente a causé tant de regrets, Scudo, critique si compétent mais sévère parfois pour les contemporains, disait, il y a quelques vingt ans: «C'est au milieu de ces idées et de ces formes musicales sonores, tendues et un peu creuses, qui ne sont pas sans analogie avec ce que nous appelons en France la littérature de l'Empire, que s'éleva Rossini, plein de jeunesse et d'audace, prenant son bien partout où il le trouvait parce qu'il savait s'approprier tout ce qu'il dérobait. Son œuvre, aussi considérable que varié, se fait remarquer par l'éclat de l'imagination, par l'abondance et la fraîcheur des motifs, par la puissance des accompagnements et la nouveauté des harmonies, par la véhémence, la splendeur et la limpidité qu'il donne au langage de la passion. Génie éminemment italien, tout empreint de l'esprit bruyant et sensuel de son époque, Rossini rompt violemment avec les maîtres qui l'ont précédé. Il débouche du huitième siècle comme d'une vallée ombreuse et paisible, et s'avance vers l'avenir en dominateur.»
Ailleurs le critique dit encore, comparant l'auteur de Guillaume Tell avec Mozart: «Homme de son temps et de son pays, pressé de vivre et de jouir des progrès accomplis, Rossini flatte la foule, il marie l'instrumentation allemande à la mélodie italienne dont il développe les proportions et retrempe la vigueur. Il excelle à peindre le choc des passions, l'irradiation de la gaîté et de la jeunesse, les agitations infinies de la vie, mais d'une vie qui ne doit pas avoir de lendemain. Jamais le rayon de l'invisible ne descend sur cette musique pleine de sang et de lumière qui respire la volupté. Le règne de Rossini est de ce monde, tandis que Mozart chante l'amour qui, faute de la terre, aura le ciel pour récompense[62].»
Roule (faubourg du): A pris son nom de l'ancien village de Roule que Paris, en s'étendant, a complètement absorbé. Ce village, d'après l'opinion de plusieurs savants, aurait été le Criolum dont il est parlé dans la vie de St-Éloi. Des actes du XIIIe siècle nomment ce hameau Rolus, Rotulus, dont on fit Rolle et enfin Roule.
Roule (rue du): Ce nom lui vient de l'ancien fief du Roule dont le chef-lieu était situé à l'angle des rues du Roule et des Fossés Saint-Germain l'Auxerrois.
Rousseau, (rue J. Jacques): Elle s'appelait d'abord rue Plâtrière, à cause d'une fabrique de plâtre qu'on y voyait au XIIIe siècle. À une certaine époque de sa vie, l'auteur de la Nouvelle Héloïse, de l'Émile, et autres livres fort goûtés du XVIIIe siècle, habita un petit appartement au 4e étage de la maison nº 2. La municipalité, de Paris, en souvenir de cette circonstance, sur la motion d'un de ses membres plus ou moins lettré, vota d'enthousiasme le changement de nom, et la rue Plâtrière s'appela rue J. Jacques Rousseau au lendemain de cette glorieuse séance. (4 mai 1791).
Rien n'est nouveau sous le soleil. Au nº 20 de cette même rue, était établie la communauté de Ste-Agnès, fondée, en 1681, par Léonard de Lamet, curé de Saint-Eustache, et qui avait pour but de procurer aux jeunes filles pauvres du quartier des moyens d'existence en leur apprenant un état, couture, broderie, tapisserie, etc. C'était, à bien dire, ce qu'on appelle aujourd'hui une École professionnelle, pour laquelle les dames de la paroisse vinrent à l'envi en aide au bon curé. Aussi moins de quatre années après, la maison qui, au début, se composait de trois sœurs seulement, comptait quinze sous-maîtresses et plus de deux cents élèves ou apprenties. Confirmé et consolidé par des lettres patentes du roi Louis XIV et doté par Colbert, sur sa fortune particulière, d'une rente de 500 livres, cet établissement, de plus en plus prospère, rendit d'immenses services à la classe indigente. Il n'en fut pas moins supprimé en 1790, par de prétendus amis du peuple, et tous les bâtiments se trouvèrent confisqués.
Pour en revenir à Rousseau, voici le jugement porté sur lui par Joubert: «Une piété irreligieuse, une sévérité corruptrice, un dogmatisme qui détruit toute autorité; voilà le caractère de la philosophie de Rousseau. Donner de l'importance, du sérieux, de la hauteur et de la dignité aux passions, voilà ce que J. J. Rousseau a tenté. Lisez ses livres: la basse envie y parle avec orgueil; l'orgueil s'y donne hardiment pour une vertu; la paresse y prend l'attitude d'une occupation philosophique et la grossière gourmandise y est fière de ses appétits. Il n'y a point d'écrivain plus propre à rendre le pauvre superbe. On apprend avec lui à être mécontent de tout, hors de soi-même. Il était son Pygmalion.»
Rousselet (rue): S'appelait au XVIe siècle chemin des Vaches, nom qui fut changé, vers 1721, en celui de Rousselet, l'un des propriétaires riverains.
Royer-Collard (rue): Pierre-Paul Royer-Collard, homme d'état célèbre sous la restauration, membre de l'Académie Française, était né en 1773, à Sompuis, près Vitry-le-Français: il mourut à Paris le 2 septembre 1845.
Rubens (rue): Pierre-Paul Rubens, né en 1577, est mort en 1640. Un maître et un grand maître que ce Flamand, pour les jeunes gens plus à admirer qu'à imiter et dont il faut un peu se défier, mais pas au point que voulait feu Ingres qui rondement l'excomunie en le déclarant hérétique. D'ailleurs quelle palette plus riche pour l'éclat et la fraîcheur des tons, encore que la couleur de Pierre Paul n'ait pas la solidité de celle du Titien! On peut regretter sans doute, dans ces pages étonnantes par l'ampleur de la composition et la vigoureuse exécution, l'abus de certaines formes qui pèchent, même et surtout chez les femmes, au point de vue de l'élégance. Mais pourtant les têtes de ces corpulentes viragos sont rarement vulgaires; on dirait autant de reines. Puis quelle vie dans ces personnages! Comme tout chez eux semble d'accord, l'expression ainsi que le geste encore que l'un et l'autre se sentent de l'art décoratif! Il faut l'avouer, malgré notre admiration pour ce maître, Rubens est le peintre des corps bien plus que des âmes, et si la lumière ruisselle à flots sur ses toiles étincelantes et met admirablement en relief les personnages, rarement elle les transfigure en faisant rayonner l'âme à travers la splendide enveloppe.
[62] Critique et littérature musicales, par Scudo.
S
La Sablière (rue de la): Madame de La Sablière fut la généreuse protectrice de La Fontaine (1636-1693) qui l'immortalisa dans ses vers dont nous citerons quelques-uns seulement:
Iris, je vous louerais; il n'est que trop aisé:
Mais vous avez cent fois notre encens refusé
En cela peu semblable au reste des mortelles
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
...............
Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,
Le nectar, que l'on sert au maître du tonnerre,
Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre,
C'est la louange, Iris, vous ne la goûtez point;
D'autres propos chez vous récompensent ce point:
Propos, agréables commerces.
Où le hasard fournit cent matières diverses;
Jusque là qu'en votre entretien
La bagatelle à part: le monde n'en croit rien (etc.)[63].
Sabot, (rue du): Ce nom vient d'une enseigne. Dans le terrier de l'abbaye de Saint-Germain des Prés, de 1523, on lit: «Maison rue du Four, faisant le coin de la rue Copieuse où pend le Sabot.» Le mot Sabot remplaça celui de Copieuse qui sait par quel caprice populaire?
Sablon (rue du): Au temps de Sauval servait d'égout: «Elle est toute puante des immondices qu'on y jette de la salle de l'Hôtel-Dieu et des maisons de la rue Neuve-Notre-Dame. Deux portes de bois treillissées et armées de fichons de fer la ferment par les deux bouts. On les fit, en 1511, pour empêcher que la rue du Sablon ne servît de retraite aux vagabonds et aux voleurs.»
À la bonne heure! mais par l'entassement des immondices qui y séjournaient indéfiniment, l'impasse devenait un foyer permanent d'infection, ce qui ne valait certes pas mieux.
Sandrié (passage): Ce nom lui vient d'un certain François-Jérôme Sandrié, à qui le terrain sur lequel fut ouvert plus tard le passage, avait été loué à bail emphytéotique par les religieux Mathurins. La Révolution cassa le bail en dépossédant les propriétaires.
Santé (rue et boulevard de la): Cette rue s'appelait primitivement chemin de Chantilly. Ce nom fut changé en celui de la Santé parce que la voie conduisait à la maison de Santé ou hôpital fondé par la reine Anne d'Autriche.
Sartine (rue): Antoine-Raymond-Jean-Guilbert-Gabriel de Sartine fut lieutenant-criminel de police à Paris en 1774, puis ministre. Forcé au moment de la Révolution de quitter la France, il mourut dans l'exil à Tarragone (7 septembre 1801).
Saussaies (rue des): S'appelait d'abord des Carriers, puis de la Couldraie des Saussaies, en raison des Coudriers, des saules qu'on voyait en grand nombre près de cet emplacement.
Sauval (rue): Sauval (Henri), reçu avocat au parlement de Paris, abandonna l'exercice de sa profession pour se consacrer aux études historiques. Quoiqu'il eût employé plus de vingt années à ses recherches comme à la rédaction de son grand ouvrage: Histoire et Recherches des Antiquités de Paris, 3 vol. in-fº, ce livre, à sa mort, n'était pas entièrement terminé. Il ne put être publié qu'en 1724, par l'ami de Sauval, le conseiller Rousseau qui avait pris soin de combler les lacunes. On regrette çà et là quelques détails de mœurs sur lesquels mieux eût valu glisser, parfois aussi de la prolixité et des répétitions; l'auteur d'ailleurs fait preuve d'érudition et de sens critique; assez souvent même il se montre écrivain.
Scipion (rue): Ce nom lui fut donné, non pas, comme on pourrait le croire, en l'honneur de l'illustre Romain, vainqueur d'Annibal, mais à cause d'un certain Scipion Saldini, gentilhomme italien, qui y fit construire un hôtel, sous le règne de Henri III.
Scribe (rue): Eugène Scribe (1791-1861), auteur dramatique contemporain des plus féconds, mais d'ailleurs aidé par de nombreux collaborateurs. Il dut à des mérites réels quoique d'un ordre inférieur, une vogue prodigieuse; aujourd'hui son nom a presque disparu des affiches. On peut critiquer dans son œuvre souvent le manque de style, le terre à terre des idées et la sentimentalité bourgeoise qui n'a pas peu contribué, ce semble, à l'énervement des caractères.
Saint-Séverin, église fort ancienne dans la rue de ce nom. «Quant à Saint-Séverin dont saint Cloud fut le disciple, comme on n'a aucune histoire de ce saint, tout ce qu'on sait, c'est qu'il s'enferma dans une cellule ou monastère dans les faubourgs de Paris; qu'il y vécut reclus pendant plusieurs années, tout occupé des exercices de la contemplation et que sa haute piété, qui porta saint Cloud à se ranger sous sa discipline, lui mérita aussi la vénération des peuples pendant sa vie et après sa mort[64].»
Le patron de l'église cependant ne paraît point avoir été le saint solitaire, mais un autre Séverin qui fut abbé d'Ayanne et dont la fête se célèbre le 24 novembre, jour de sa mort.
C'est dans le cimetière de cette église qu'eut lieu la première opération de la pierre. «Au mois de janvier, dit Sainte-Foix, les médecins et chirurgiens de Paris représentèrent à Louis XI que «plusieurs personnes de considération étaient travaillées de la pierre, colique, passion et mal de côté; qu'il serait très-utile d'examiner l'endroit où s'engendraient ces maladies; qu'on ne pouvait mieux s'éclairer qu'en opérant sur un homme vivant et qu'ainsi ils demandaient qu'on leur délivrât un Franc-Archer qui venait d'être condamné à être pendu pour vol et qui avait été souvent fort molesté des dits maux.»
«On leur accorda leur demande et cette opération qui est, je crois, la première qu'on ait faite pour la pierre, eut lieu publiquement dans le cimetière de l'église Saint-Séverin. «Après qu'on eut examiné et travaillé, ajoute la Chronique, on remit les entrailles dans le corps du dit Franc-Archer qui fut recousu et par l'ordonnance du roi très-bien pansé; et tellement qu'en quinze jours il fut guéri et eut rémission de ses crimes sans dépens et il lui fut même donné de l'argent.»
Sévigné (rue): C'est à madame de Sévigné que La Bruyère, quoiqu'il ne la nomme pas, pensait sans doute lorsqu'il écrivait dans son chapitre des Ouvrages de l'Esprit: «Je ne sais si l'on pourra jamais mettre dans des lettres plus d'esprit, plus de tour, plus d'agrément, et plus de style que l'on en voit dans celles de Balzac et Voiture. Elles sont vides de sentiments, qui n'ont régné que depuis leur temps, et qui doivent aux femmes leur naissance. Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d'écrire. Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont que l'effet d'un long travail et d'une pénible recherche: elles sont heureuses dans le choix des termes qu'elles placent si juste, que, tout connus qu'ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, et semblent être faits pour l'usage où elles les mettent. Il n'appartient qu'à elles de faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate. Elles ont un enchaînement de discours inimitable, qui se suit naturellement et qui n'est lié que par le sens. Si les femmes étaient toujours correctes, j'oserais dire que les lettres de quelques-unes d'entre elles seraient peut-être ce que nous avons dans notre langue de mieux écrit.»
Sainte-Avoie (rue): Reçut son nom d'un couvent de religieuses fondé, sous ce titre, par saint Louis pour les femmes infirmes. «On nommait auparavant ces religieuses Béguines dit G. Brice parce qu'elles suivaient quelques constitutions données par sainte Bègue dont la règle est fort connue dans les Pays-Bas.»
Sèvres (rue de): Ce nom vient du village auquel la rue conduit.
Sorbonne (rue de la): Elle doit son nom à Robert dit de Sorbon, d'un village près de Rhétel qui fut le lieu de sa naissance. Robert fut le fondateur du collége si célèbre depuis: «Le benoît Roi, dit le confesseur de la Reine Marguerite, fit acheter maisons qui sont en deux rues assises à Paris, devant le palais des Thermes, èsquelles il fit faire maisons bonnes et grandes pour ce que les écoliers, étudiant à Paris, demeurassent là toujours.»
Richelieu fit rebâtir le collége et l'on voit son tombeau dans l'église.
Suger (rue): Cette rue existait dès la seconde moitié du XIIe siècle (1179) et s'appelait alors rue aux Sachettes, parce qu'il s'y trouvait une maison des dites sœurs, ainsi nommées à cause de leur costume composé d'une robe en forme de sac. Ces religieuses vivaient d'aumônes et tous les matins elles se répandaient à cet effet dans les rues de Paris:
Ça du pain por Dieu aux Sachesses!
Par ces rues sont granz les presses,
lit-on dans les Crieries de Paris. Cette congrégation supprimée vers 1350, la rue s'appela des Deux Portes, puis du Cimetière St-André des Arts. Ce n'est que récemment, par une ordonnance du 5 août 1844, qu'elle a pris le nom de Suger, le sage ministre de Louis VI et Louis VII.
Sully (rue): Maximien de Béthune, duc de Sully, le fidèle ministre et ami de Henri IV, naquit à Rosny en 1560, et mourut à Villebon en 1641. (Voir la France héroïque.)
Sulpice (église Saint): Elle existait comme paroisse dès le commencement du XIIIe siècle. L'église actuelle ne date que du XVIIe siècle. Anne d'Autriche en posa la première pierre en 1646, mais les circonstances contraires firent plus d'une fois interrompre les travaux, et plusieurs architectes, Christophe Gamard, Louis le Veau, Daniel Gittard et Gille-Marie Oppenord concoururent à sa construction. Le portail tout entier est de Servandoni, qui l'avait presque terminé en 1745, lors de la consécration solennelle de l'église.
En 1793, l'église St-Sulpice devenait le Temple de la Victoire; et, sous le Directoire, elle se vit profanée par les parades des Théophilanthropes dont la Reveillère-Lépaux s'était constitué le grand pontife. Le ridicule suffit d'ailleurs pour faire justice de ces sottises.
Devant l'église se trouve la place St-Sulpice, ornée d'une fontaine monumentale d'un bel effet. À gauche s'élève le séminaire de St-Sulpice[65], qui a donné et donne encore à l'église de France tant de prêtres instruits, zélés, vertueux et saints. Des noms par centaines se pressent sous ma plume, je n'en citerai qu'un seul resté entre tous populaire, celui du prêtre intrépide qui, prisonnier lui-même, fut en quelque sorte l'aumônier des prisons pendant la Terreur, l'abbé Émery dont Feller nous fait ce portrait admirable autant que fidèle:
«Il savait combiner l'attachement aux règles avec les tempéraments que nécessitaient les circonstances. Il n'était point ami des mesures extrêmes, et se défiait de l'exagération en toutes choses; quelques-uns lui ont même reproché d'avoir poussé trop loin la condescendance et la modération; mais dans tout le cours de la Révolution, il marcha constamment sur la même ligne. Il ne fut point ardent dans un temps, et modéré dans un autre; il n'allait pas chercher l'orage, il l'attendait sans crainte; il ne bravait pas l'injustice des hommes, mais il ne s'en laissait pas intimider; l'intérêt de la religion le guidait toujours. Ceux qui ne jugent que d'après l'impulsion du moment lui trouvèrent trop de fermeté, quand ils en manquaient eux-mêmes, ou trop de mollesse quand ils étaient exaltés; mais c'étaient eux qui changeaient. Pour lui, il fut toujours le même, sage, égal, mesuré; sachant céder lorsqu'il le croyait utile: sachant aussi résister quand il le jugeait nécessaire[66]».
[63] Fables, livre Xe: Discours à Madame de la Sablière.
[64] Félibien et Lobineau.
[65] Il eut pour fondateur le vénérable M. Olier, curé de St-Sulpice, dont il est parlé plus haut.
[66] Feller.—Dictionnaire historique.
T
Tombe-Isoire ou Isouard (rue de la): Ce nom vient d'une maison ainsi appelée et située près de l'ancienne barrière St-Jacques, au-dessus des carrières Montrouge.
«Un puits fut creusé dans le petit enclos attenant à cette maison, et les ossements, enlevés des charniers des Halles, y furent descendus et déposés sur deux lignes parallèles et à six pieds de hauteur. Des prêtres en surplis et chantant l'office des morts suivaient les chariots. Lorsque le transport fut entièrement achevé, on éleva un mur en maçonnerie qui sépara ces nouvelles catacombes des autres parties des carrières, et l'archevêque lui-même y descendit pour les bénir.» (St-Victor).
Turgot (rue): Turgot, économiste distingué et ministre du roi Louis XVI, né en 1727, mourut en 1781. «Il n'y a que vous et moi qui aimions le peuple» écrivait Louis XVI à son ministre. Cependant, peu longtemps après, cédant à de fatales influences, il remplaçait Turgot par le génevois Necker dont la fausse popularité lui faisait illusion.
Taitbout (rue): M. Taitbout, était greffier de la ville à l'époque où la rue fut ouverte (1775).
Talma (rue): Talma, le dernier grand tragédien et qui n'a point été remplacé (1766-1826).
Taranne (rue): Appelée indifféremment au XIVe siècle rue aux Vaches, rue de la Courtille, rue Forestier, elle prit en 1418 le nom de rue Tarrennes en l'honneur de Simon de Tarrennes, échevin en 1417. Taranne n'est qu'une altération.
Temple (rue du): Elle doit son nom au manoir des Templiers qui déjà s'y voyait à la fin du XIIe siècle. Dans ses vastes dépendances, le manoir enfermait tout l'espace compris entre le faubourg du Temple et la rue de la Verrerie, en englobant partie du marais qu'on appelait la Culture du Temple. Entouré de hautes et solides murailles et de fossés profonds, le Temple était une véritable forteresse où l'Ordre renfermait ses trésors et qu'une milice nombreuse et aguerrie semblait pouvoir défendre avec succès même contre l'autorité royale. De là sans doute, la cupidité aidant, les ombrages de Philippe le Bel.
Maintenant quelques mots sur l'ordre des Templiers. Guigues ou Hugues des Païens, Geoffroi de St-Omer et sept autres chevaliers français le fondèrent, en 1118, dans le but de secourir, de soigner et de protéger les pèlerins sur les routes de la Palestine, devoir auquel s'ajouta plus tard celui de défendre la religion chrétienne et le saint Sépulcre contre les Sarrazins. Baudouin II, roi de Jérusalem, donna aux chevaliers, pour leur servir d'habitation, un palais attenant à l'emplacement de l'ancien Temple, et c'est de là que vint leur nom. Forcés, en 1291, d'abandonner la Terre-Sainte avec ses derniers défenseurs, ils revinrent en Europe et établirent dans l'île de Chypre le siége de l'Ordre placé jusqu'alors à Jérusalem. La même année, 1291, fut élu le dernier grand maître Jacques-Bernard de Molai, qui, avec Guy, grand prieur de Normandie, âgé de plus de 80 ans, fut brûlé vif (18 mars 1314) par l'ordre de Philippe le Bel qu'on ne saurait guère, dans toute cette grave affaire du procès des Templiers, excuser de passion et de cruauté. D'ailleurs, «ces moines étaient-ils innocents ou coupables? Cette question, sur laquelle aucun historien raisonnable n'a jamais osé rien affirmer, est sans contredit la plus difficile, la plus obscure de toute l'histoire moderne, et les ténèbres qui la couvrent ne seront probablement jamais éclaircies. Cependant Sainte-Foix, avec son audace et sa légèreté ordinaires, ne manque point, à l'occasion du supplice de ces deux personnages, de renouveler en leur faveur ces déclamations si multipliées dans le siècle dernier; déclamations dont le but était moins de prouver l'innocence des Templiers que d'insulter, avec quelque apparence de raison, l'autorité politique et religieuse.
«.... Ceux qui défendent les Templiers ont souvent allégué en leur faveur l'invraisemblance des crimes qu'on leur reproche: «Est-il probable, s'écrient-ils, que tant d'illustres guerriers, tant d'hommes d'une si haute qualité fussent coupables de crimes aussi atroces, d'aussi honteuses turpitudes?» «Est-il vraisemblable, pourrait-on leur répondre avec un auteur contemporain (Baluze), que ces personnages si nobles eussent jamais avoué de telles infamies si l'accusation n'eût été vraie?»
«Si les apologistes répliquaient que la torture leur arracha beaucoup d'aveux, il serait facile de donner la preuve que la plupart d'entre eux firent des aveux sans qu'on les eût torturés, de manière que les deux opinions, offrant un égal degré de vraisemblance, la question n'en deviendrait que plus embrouillée et plus indécise pour les esprits sages et non prévenus.» (St-Victor.)
L'ancien couvent du Temple servit, comme on sait, de prison au roi Louis XVI et à sa famille. C'est de là que l'infortuné monarque partit pour se rendre à la place de la Révolution. Nous avons raconté ailleurs (France héroïque) la mort admirable du Roi-martyr.
Théâtre (rue du): À Grenelle, Montmartre, etc. Quelques mots à ce sujet sur les origines de théâtre en France ou mieux à Paris. Par lettres patentes du 4 décembre 1402, Charles VI autorisa les Confrères de la Passion à ouvrir, dans l'hôpital de la Trinité, un théâtre où l'on jouait des mystères et des farces appelées sotties. De ce mélange du sacré et du profane résultèrent des abus qui firent fermer le théâtre. Mais les confrères obtinrent, en 1548, de le rouvrir et s'installèrent, rue Françoise, dans l'hôtel dit de Bourgogne, parce qu'il avait appartenu à Jean-sans-Peur. Plus tard, ils cédèrent leur privilége à une troupe nommée des Enfants sans souci qui devinrent les comédiens de l'hôtel de Bourgogne.
En 1659, deux nouvelles troupes leur firent concurrence, celle de Molière qui était venue se fixer à Paris, et celle du Marais, installée rue de la Poterie, à l'hôtel d'Argent. Mais par l'ordre de Louis XIV, quelques années après, les trois troupes durent se réunir et ne formèrent qu'une société qui devint le Théâtre Français. L'Opéra, lui, fut constitué en 1672, par lettres patentes accordées au musicien Lully. On connaît les vers de Boileau, un peu sévères peut-être, à l'adresse du musicien:
Et tous ces lieux communs de morale lubrique
Que Lully réchauffa des sons de sa musique.
La Bruyère dit de son côté, à propos de ce genre de spectacle alors tout nouveau: «L'on voit bien que l'Opéra est l'ébauche d'un grand spectacle, il en donne l'idée.
«Je ne sais pas comment l'opéra, avec une musique si parfaite, et une dépense toute royale, a pu réussir à m'ennuyer.»
Cet homme assurément n'aime pas la musique,
aurait dit Sosie.
Pour la première fois cette année (1870), on a vu tous les théâtres fermés à cause du siége et la plupart même se sont convertis en ambulances. Puissent-ils avoir ainsi racheté au moins en partie les scandales donnés par certains d'entre eux depuis quelques années surtout!
On a remarqué que, pendant la Terreur même et sous la première invasion, les théâtres étaient restés ouverts. Grâce à Dieu, cette fois, Paris en face du danger, s'est montré digne et sérieux, en se préparant à devenir héroïque.
Thomas d'Aquin (église St): Elle fut construite par les religieux de l'ordre des Jacobins (Dominicains), établis à Paris vers 1632. Les travaux, dirigés par l'architecte Pierre Bullet, commencèrent dès l'année 1682, mais, par le manque d'argent, le monument ne put être terminé qu'en 1740.
Le Musée et le Comité d'Artillerie occupent aujourd'hui les bâtiments de l'ancien couvent.
Tiquetonne (rue): Ce nom vient par altération de Roger de Quiquetonne, un riche boulanger qui demeurait dans cette rue vers 1339.
Tirechape (rue): Était tout entière bâtie dès le commencement du XIIIe siècle. Des fripiers surtout, juifs pour la plupart, occupaient les petites boutiques du rez-de-chaussée et y exerçaient leur industrie. Ils ne se contentaient pas d'inviter les passants à entrer chez eux, mais, joignant le geste à la parole, ils les tiraient par leurs chapes, espèces de robes, pour les décider. De là le nom de rue Tirechape donné à la rue par nos ancêtres si prompts à saisir le côté pittoresque des choses.
Croix du Tiroir (rue de la): Elle n'existe plus, grâce à l'infatigable marteau des démolisseurs; il nous semble utile néanmoins, tant de gens ayant connu cette rue dont le nom paraît étrange, de lui consacrer quelques lignes. Au milieu de la rue de l'Arbre-Sec et près de la fontaine construite par l'ordre de François Ier, on voyait anciennement une croix appelée du Tiroir, Trailhouer, Traihoir, Tirauer, Tyrouer, Tiroi, car l'orthographe a constamment varié. On comprend ainsi l'incertitude relative à l'origine de cette dénomination sur laquelle les historiens ont des opinions différentes et assez vagues.
Ce qui paraît certain, c'est que, dans l'année 1636, la Croix, qui gênait la circulation, fut placée à l'angle du réservoir des eaux d'Arcueil, que le prévôt des marchands avait fait construire à l'extrémité de la rue de l'Arbre-Sec, du côté de la rue St-Honoré. Cette place était un lieu patibulaire ou place d'exécution et «Sauval, dit St-Victor, en a tiré cette conjecture fort raisonnable que la croix y avait été placée pour offrir une dernière consolation et montrer dans ces tristes moments le signe du salut aux malheureux qu'on y faisait mourir.»
Tixeranderie (rue de la): Ce nom lui vient d'une grande maison qui s'y trouvait et des nombreux tisserands qui autrefois l'habitaient.
Tournelles (rue des): Elle fut ainsi appelée de l'hôtel de ce nom qu'avait fait bâtir, sous le règne de Jean II dit le Bon, Pierre d'Orgemont, chancelier de France et de Dauphiné. Il appartint, après sa mort, à son fils qui le vendit au duc de Berry, lequel le céda au duc d'Orléans. Henri II y étant mort, par l'accident que l'on sait, Charles IX, à l'instigation de sa mère Catherine, en ordonna la démolition et sur le terrain déblayé s'ouvrit la Place-Royale, aujourd'hui Place des Vosges.
Tournon (rue de): François de Tournon, archevêque et cardinal, fut l'un des principaux conseillers de François Ier. Tour à tour ambassadeur en Italie, en Espagne, en Angleterre, il mourut à Paris en 1562.
Tronchet (rue): François-Denis Tronchet (1726-1806), avocat au parlement, s'honora comme l'un des défenseurs de Louis XVI. Après le 18 brumaire, cet éminent jurisconsulte prit une part active à la rédaction du Code Civil.
Trône (place du): Doit son nom à un trône élevé aux frais de la ville de Paris et sur lequel Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche se placèrent, le 26 août 1660, pour recevoir le serment de fidélité de leurs sujets.
Les Tuileries. Vers le milieu du XIVe siècle, sur le terrain dit de la Sablonnière, s'élevaient trois grandes maisons où se fabriquait la tuile. Pendant le XVe et le XVIe siècle, ces bâtiments furent remplacés par deux hôtels, appelés tous deux hôtels des Tuileries. Ce fut aussi le nom que Catherine de Médicis donna au palais qu'elle fit construire sur ce même terrain acheté par elle. Les architectes Philibert Delorme et Jean Brillant dirigeaient les travaux interrompus par un caprice de Catherine et repris plus tard par l'ordre de Henri IV, mais sans doute avec lenteur; car le monument ne s'acheva que sous Louis XIV, d'après les dessins de Ducerceau qui modifia pour une bonne partie les plans de ses prédécesseurs. On s'explique ainsi la diversité d'ornements et d'ordonnances dont se trouve composée, tant sur la façade du jardin que sur celle du Carrousel, la masse totale de l'édifice. De nouveaux travaux, ayant pour but d'atténuer les disparates qui choquaient dans les constructions et de mettre plus d'ensemble dans les parties, s'exécutèrent par l'ordre de Louis XIV, sous la direction des architectes Lerau et d'Orsay. Le palais fut dès lors, à quelques changements près, ce que nous le voyons aujourd'hui. Le pavillon et la galerie, du côté de la rivière, viennent, comme on sait, d'être reconstruits.
Le jardin, créé par un nommé Renard, en 1630, sur un terrain défriché exprès, fut agrandi considérablement plus tard et planté tout de nouveau d'après les dessins du célèbre Le Nôtre.
Pas n'est besoin de dire que le jardin anglais, tracé devant le château, n'est pas de celui-ci; car il y a peu d'années, il n'existait pas non plus que les fossés profonds qui lui servent de clôture.
Qui nous eût dit, quand nous écrivions ces lignes, que ce glorieux monument, bientôt ne serait plus qu'une lamentable ruine, après être devenu la proie des flammes allumées par des misérables qui n'avaient assurément de Français que le nom!
Comme les Tuileries n'ont-ils pas incendié le palais du quai d'Orsay, la Légion-d'Honneur, l'Hôtel-de-Ville, le Ministère des Finances, le Palais de Justice, le Grenier d'Abondance, et combien d'autres édifices, l'orgueil de Paris comme de la France? Et assurément, si le temps ne leur eût manqué à ces infâmes, et que leur plan dans son ensemble eût réussi, ils auraient pareillement brûlé la Sainte-Chapelle, Notre-Dame, le Louvre, toutes nos églises, tous nos monuments, aussi bien les maisons et habitations du pauvre que celles du riche. Ce Paris en un mot, dont ils avaient fait leur conquête, on sait comment, plutôt que de le rendre, dans leur furieux désespoir de se voir arracher ce magnifique butin, ils voulaient tout entier le détruire!...
Paris à cette heure, sans l'héroïsme et l'indomptable élan de l'armée, ne serait plus qu'un immense monceau de cendres, une vaste nécropole avec des milliers et des milliers de cadavres enfouis sous les décombres.
Turenne (rue): Quel plus bel éloge et plus complet que celui qui est contenu dans cette courte page de Madame de Sévigné écrite à propos de la mort du grand homme:
«Ne croyez point, ma fille, que son souvenir soit déjà fini dans ce pays-ci; ce fleuve qui entraîne tout n'entraîne pas sitôt une telle mémoire, elle est consacrée à l'immortalité.
«.... Vous ne sauriez croire comme la douleur de sa perte est profondément gravée dans les cœurs: vous n'avez rien par dessus nous que le soulagement de soupirer tout haut et d'écrire son panégyrique. Nous remarquions une chose, c'est que ce n'est pas depuis sa mort que l'on admire la grandeur de son cœur, l'étendue de ses lumières et l'élévation de son âme; tout le monde en était plein pendant sa vie, et vous pouvez penser ce que fait sa perte par dessus ce qu'on était déjà; enfin, ne croyez point que cette mort soit ici comme celle des autres. Vous pouvez en parler tant qu'il vous plaira sans croire que la dose de votre douleur l'emporte sur la nôtre. Pour son âme, c'est encore un miracle qui vient de l'estime parfaite qu'on avait pour lui; il n'eut tombé dans la tête d'aucun dévot qu'elle ne fût pas en bon état: on ne saurait comprendre que le mal et le péché pussent être dans son cœur; sa conversion si sincère nous a paru comme un baptême; chacun conte l'innocence de ses mœurs, la pureté de ses intentions, son humilité éloignée de toute sorte d'affectation, la solide gloire dont il était plein, sans faste et sans ostentation, aimant la vertu pour elle-même, sans se soucier de l'approbation des hommes, sa charité généreuse et chrétienne. Vous ai-je dit comme il rhabilla ce régiment anglais? il lui en coûta quatorze mille francs et il resta sans argent. Les Anglais ont dit à M. de Lorges qu'ils achèveraient de servir cette campagne pour venger la mort de M. de Turenne; mais qu'après cela ils se retireraient, ne pouvant obéir à d'autres qu'à lui. Il y avait de jeunes soldats qui s'impatientaient un peu dans les marais, où ils étaient dans l'eau jusqu'aux genoux; et les vieux soldats leur disaient:
«Quoi! vous vous plaignez? on voit bien que vous ne connaissez pas M. de Turenne; il est plus fâché que nous quand nous sommes mal; il ne songe, à l'heure qu'il est, qu'à nous tirer d'ici; il veille quand nous dormons; c'est notre père: on voit bien que vous êtes jeunes» et ils les rassuraient ainsi.
«Tout ce que je vous mande est vrai; je ne me charge point des fadaises dont on croit faire plaisir aux gens éloignés; c'est abuser d'eux, et je choisis bien plus ce que je vous écris, que ce que je vous dirais si vous étiez ici. Je reviens à son âme; c'est donc une chose à remarquer que nul dévot ne s'est avisé de douter que Dieu ne l'eût reçue à bras ouverts, comme une des plus belles et des meilleures qui soient jamais sorties de ses mains; méditez sur cette confiance générale de son salut, et vous trouverez que c'est une espèce de miracle qui n'est que pour lui. Vous verrez dans les nouvelles les effets de cette grande perte.» (Sévigné).
«La vie de Turenne, a dit quelque part Montesquieu, est un hymne à la louange de l'humanité.» (Voir pour les détails la (France héroïque)).
U
Ulrich: Avenue, ci-devant, de l'Impératrice. Le nom du général Ulrich sera désormais légendaire. Il mérite d'être inscrit en lettres d'or dans nos annales le nom du vaillant soldat qui commandait à cette population héroïque, ne se résignant qu'à regret, et faute de munitions et de vivres, à capituler, alors qu'elle eut préféré s'ensevelir sous les ruines de la cité glorieuse et si opiniâtrement défendue. Le siége de Strasbourg est à jamais mémorable, et qui n'eut pas applaudi, avec tout Paris ou mieux toute la France, à cet effort du patriotisme qui, dans la défaite même, apparaît sublime et nous offre un si magnifique exemple!
Université (rue de l'): En 1639, l'Université, ayant aliéné le terrain dit le Pré aux Clercs, des constructions s'élevèrent le long de l'ancien chemin des Treilles, qui prit le nom de rue de l'Université.
Ursins (rue des): Elle doit son nom à Jean Juvénal des Ursins, le célèbre prévôt des marchands sous Charles VI.
Ursulines (rue des): Nom qui vient des religieuses de cette observance établies autrefois dans le faubourg Saint-Jacques, et dont la fondation offre d'intéressants détails. En 1608, Françoise de Bermont et Lucrèce de Monte, appartenant à la congrégation des Ursulines d'Aix, vinrent à Paris. D'abord logées à l'hôtel Saint-Jacques, et assez à l'étroit, elles s'occupaient de l'éducation des jeunes filles. Une dame de la paroisse, Madeleine Leullier, veuve du président Sainte-Beuve, personne d'une grande piété et dont l'intelligence égalait le cœur, les ayant connues, fut touchée de leur zèle et songea aux moyens de leur assurer un établissement stable. Elle acheta un terrain près de l'hôtel Saint-André, et fit bâtir une maison vaste et commode qu'elle donna aux Ursulines «à la condition, disent les historiens, que ces filles, qui, jusque-là étaient séculières et sans clôture, fussent désormais religieuses et cloîtrées, et qu'outre les trois vœux ordinaires de religion, elles en fissent un quatrième particulier de vaquer à l'instruction des jeunes filles.» Elle passa, en outre, un contrat de 2,000 livres de rente perpétuelle pour l'entretien de douze religieuses.
La chapelle attenant au couvent par la suite devint trop petite et la présidente Sainte-Beuve fit construire une nouvelle église terminée en 1627. Elle y fut enterrée l'année suivante et jusqu'à la Révolution qui détruisit l'église, on y vit son tombeau, objet de vénération pour les Ursulines reconnaissantes comme pour leurs élèves.
V
Val-de-Grâce (église du): Cette église fut construite ou reconstruite par les ordres d'Anne d'Autriche qui avait fait vœu, si Dieu mettait un terme à sa longue stérilité, de lui bâtir un temple magnifique. Après vingt-deux ans d'attente, la reine eut un fils qui fut Louis XIV. L'église, commencée en 1645, ne put, à cause des troubles de la Fronde, être terminée qu'en 1665. Les architectes du monument furent François Mansard, Jacques Lemercier, Pierre Lemrut et Gabriel Leduc. Les peintures de la coupole sont dues à Mignard.
La communauté des religieuses du Val-de-Grâce de Notre-Dame de la Crèche, qui avait donné son nom à l'église, fut supprimée en 1790. Les bâtiments, que les sœurs occupaient, près de l'église, d'abord transformés en vastes magasins, devinrent, sous l'Empire, l'hôpital spécial des malades de la garnison.
Valhubert (place): Le général Valhubert, dont le nom est inscrit sur l'Arc-de-Triomphe de l'Étoile, fut tué à Austerlitz. Ayant eu la jambe emportée par un boulet, il tomba de cheval. Des soldats aussitôt s'empressent pour le relever et le porter à l'ambulance.
«Laissez, mes amis, laissez, leur dit ce martyr de la discipline; souvenez-vous de l'ordre du jour qui défend de quitter les rangs quoi qu'il arrive. Si vous êtes vainqueurs, vous m'enlèverez du champ de bataille; si vous êtes vaincus, que m'importe un reste d'existence!» Puis il ajoute après quelques instants: «Que n'ai-je perdu plutôt un bras, je pourrais combattre encore avec vous et mourir pour mon pays.»
Valhubert succomba le lendemain à ses blessures. L'empereur, par un décret, ordonna qu'une des rues nouvelles de Paris porterait son nom.
Vanneau (rue): Ainsi nommée, en souvenir de l'élève de l'École Polytechnique, tué à l'attaque de la caserne de Babylone (29 juillet).
Vaugirard (rue de): Signifie vallée de Girard. Girard de Moret, abbé de St-Germain des Prés, avait fait bâtir dans cette rue une maison de convalescence pour les malades.
Vendôme (place): Ouverte, par suite d'un arrêt du conseil de l'année 1686 et de lettres patentes du roi (1699), sur l'emplacement qu'occupait l'hôtel Vendôme démoli à cet effet. Mansart, le célèbre architecte, fut chargé des nouvelles constructions. Au milieu de la place s'élevait, dès l'année 1699, une statue équestre en bronze de Louis XIV, qui fut renversée en 1792. Elle se voyait à l'endroit où maintenant se dresse la Colonne en l'honneur de la Grande Armée.
Ventadour (rue): Nom d'une famille qui y avait un hôtel.
Verdelet (rue): Cette rue se nommait autrefois rue Merderiau, Merderai ou Merderet, expressions tant soit peu rabelaisiennes, mais que nos pères eux-mêmes trouvaient assez mal sonnantes. Le mot fut adouci par le changement de deux lettres et, dès le commencement du XVIIe siècle, la rue s'appelait comme aujourd'hui: Verdelet.
Vertbois (rue): Comme cet endroit était, au XVIe siècle, tout en marais et en jardins, il est assez vraisemblable que le nom de Vertbois lui vient des arbres qui environnaient de ce côté l'enclos du prieuré St-Martin avant qu'on eût percé la rue.
Verrerie (rue de la): Primitivement (1386) de la Voisie, puis de la Verrerie sans doute à cause de plusieurs verreries qui s'y trouvaient.
Verneuil (rue de): Doit son nom à Henri de Bourbon, duc de Verneuil, abbé de Saint-Germain des Prés, qui la fit ouvrir en 1640.
Vertus (rue des): Ce nom lui fut donné par antiphrase à cause de certaines dames ou demoiselles qui l'habitaient et dont la conduite ne faisait point honneur au sexe.
Vero-Dodat (passage): L'un des premiers construits à Paris, ce passage doit son nom au propriétaire qui avait fait une grande fortune dans la boutique de charcuterie établie à l'angle de la rue Croix-des-Petits-Champs et de la rue Montesquieu.
Victoires (place des): Elle fut construite par François, vicomte d'Aubusson, de la Feuillade, maréchal de France, qui fit, dans ce but, abattre, en 1684, une partie de l'hôtel de la Ferté qu'il avait acheté. «Ayant reçu de la cour des bienfaits extraordinaires, il a voulu laisser à la postérité une marque éclatante de sa reconnaissance» dit G. Brice.
Pour ce motif, il fit ériger au milieu de la place une statue de Louis XIV, renversée pendant la Révolution et dont voici la description faite par un contemporain:
«La statue est élevée sur un grand piédestal de marbre blanc veiné, de vingt-deux pieds de hauteur en y comprenant un soubassement de marbre bleuâtre, avec des corps avancés du même profil. Sur ce piédestal, le Roi est représenté dans les habits dont on se sert aux cérémonies du sacre à Reims, et que l'on conserve dans le trésor de Saint-Denis. Il a un Cerbère à ses pieds, et la Victoire derrière lui, montée sur un globe, qui semble d'une main lui mettre une couronne de laurier sur la tête, et de l'autre, elle tient un faisceau de palmes et de branches d'olivier dans une attitude noble et hardie. Toutes ces choses ensemble font un groupe de treize pieds de hauteur, d'un seul jet, où l'on a employé près de trente milliers de métal. Et ce qui rend encore ce monument d'une apparence plus magnifique, quoique bien des gens de bon goût n'en soient pas contents, c'est qu'on l'a doré entièrement pour le faire paraître et briller plus loin.»
Sur le piédestal de la statue on lisait cette inscription: