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Manuel de synonymie Latine

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Monsieur Adler-Mesnard
Maître de conférences à l’École Normale Supérieure,
membre de l’Académie allemande de Berlin,
chevalier de la Légion d’honneur.

Mon cher Maître,

L’ancienne Université de Paris, parlant par la bouche de Rollin, recommandait à ses maîtres un petit livre de l’Allemand Steuvéchius, sur les particules de la langue latine, et Rollin se plaisait à reconnaître que cet Allemand fort habile avait traité son sujet avec beaucoup d’ordre et de précision. L’étude des langues classiques n’a point dégénéré en Allemagne depuis le temps de Rollin, et notre Université impériale est aussi capable que son aînée d’apprécier le mérite d’un savant étranger. Louis Dœderlein recevra donc un accueil favorable s’il a réussi, au terme d’une longue carrière consacrée à l’étude des langues anciennes, à composer un de ces bons livres élémentaires qui sont et seront toujours rares.

C’est ce qu’il semble permis d’affirmer quand on lit son Manuel dans le texte allemand. C’est votre avis, mon cher maître. Vous ne craignez pas de le faire connaître en permettant qu’on vous dédie une version française du Manuel. Vous répondez du mérite de votre illustre compatriote, et peut-être donnez-vous encore à entendre que son œuvre n’est pas trop défigurée dans le travail d’un de vos élèves. Double et précieuse recommandation que je suis heureux de vous devoir et qui m’autorise à vous donner ici un témoignage public d’affection et de reconnaissance.

Th. Leclaire.

Avant-propos

Différentes personnes, entre autres des maîtres que j’estime, m’ont engagé à résumer dans un manuel les principaux résultats de mon ouvrage en six volumes sur les synonymes et les étymologies de la langue latine. Voici douze ans que j’ai commencé à m’occuper de la synonymie latine trop longtemps négligée, et depuis, les travaux analogues de Habicht, de Ramshorn, de Jentzen, de Schmalfeld ont pour ainsi dire encombré la librairie de manuels de synonymes ; je n’hésite cependant pas à satisfaire par le présent extrait au vœu qu’on m’adresse, et en affirmant que ma méthode, ma façon d’établir les rapprochements est essentiellement distincte de celle de ces hommes éminents, je ne crois par là ni rehausser mon mérite ni rabaisser le leur. L’extrait que je publie aujourd’hui contient, je l’espère, tout ce qu’il y a d’important dans mes six volumes en fait de synonymie ; j’ai dû omettre par contre certains points accessoires dont voici le détail.

Premièrement. — Toutes les déductions étymologiques.

Deuxièmement. — Tous les passages comparés ou citations à l’appui qui n’ont pas une évidence démonstrative. En revanche, je communique tout au long les endroits classiques dans lesquels les anciens opposent des synonymes les uns aux autres, et les distinguent de la sorte dans le courant du discours et non par voie de réflexions grammaticales ; quand ces endroits me font défaut, je place souvent en regard divers passages d’un seul et même écrivain dans lesquels il paraît qu’il a observé la propriété des termes.

Troisièmement. — Toutes les discussions de critique et d’interprétation.

Quatrièmement. — L’explication détaillée des synonymes grecs. Je n’ai pas laissé pour cela de rechercher avec un soin scrupuleux et de placer en regard du synonyme latin l’expression correspondante la plus exacte que puisse fournir ou la langue grecque ou la nôtre, et je me suis en outre efforcé de déterminer et de rendre palpable dans tous les cas possibles, avec la précision dont j’étais capable, la valeur et la portée de l’idée exprimée par le mot latin en indiquant le vrai terme contraire.

Cinquièmement. — Les vues particulières des auteurs qui ont composé des traités de synonymes.

Sixièmement. — Les synonymes très-rares et ceux qui ne prêtent qu’à des différences subtiles.

J’ajoute une remarque de pratique. Au point de vue de l’enseignement on peut diviser les synonymes en trois classes ; la première comprend ceux que l’élève ne peut jamais apprendre à distinguer trop tôt parce que leur parenté purement apparente n’est fondée que sur la tentation de les traduire par un même mot dans notre langue maternelle, par exemple liberi et infantes, animal et bestia, hærere et pendere, sumere et adimere, hostis et inimicus. La confusion de ces synonymes est une bévue qu’il faut ranger sur la même ligne qu’un solécisme proprement dit. A la seconde classe appartiennent les synonymes entre lesquels on peut établir une distinction aisée et sûre, mais qui expriment des idées si rapprochées, que les anciens mêmes n’hésitaient pas à les prendre les uns pour les autres, par exemple lascivus et petulans, parere et obedire, ater et niger, incipere et inchoare, mederi et sanare, vacuus et inanis, spernere et contemnere, tranquillus et quietus. Tant que l’élève est encore aux prises avec les éléments de la grammaire, le maître est autorisé à lui laisser croire que ces expressions ont tout à fait le même sens ; mais il convient d’y rendre attentifs les élèves plus avancés, soit pour les habituer, quand l’occasion se présente, à la propriété des termes, soit pour leur faire faire un excellent exercice d’esprit. Je range dans une troisième classe les synonymes dont la différence ne saurait être établie ni sans peine, ni avec pleine évidence à l’aide des textes classiques, et que les anciens, selon toute probabilité, ne distinguaient que très-confusément, par exemple lira et sulcus, remus et tonsa, pæne et prope, etiam et quoque, recordari et reminisci, lævus et sinister, velox et pernix, vesanus et vecors, fatigatus et fessus, collis et clivus. De pareilles distinctions n’ont que peu ou point d’importance dans la composition, à moins qu’une antithèse en forme, par exemple celle de mare, lacus, par rapport à amnis, fluvius ; de metus, spes, par rapport à timor, fiducia, n’impose par occasion la nécessité de recourir aux richesses de la langue en synonymes de ce genre. Une sévérité excessive en cette matière ne serait à mes yeux qu’un pédantisme fâcheux qui ne manquerait pas d’entraver toute liberté d’esprit chez l’élève occupé à composer. Comme professeur, je demande que les synonymes de la première classe deviennent familiers aux élèves dès les cours élémentaires ; je n’introduis que dans les cours supérieurs l’étude des synonymes de la seconde catégorie ; c’est vers l’âge de quatorze ans à peu près que j’engage les élèves à s’en occuper dans le travail de la composition à propos du choix des expressions ; c’est alors que je commence à en tenir compte dans l’explication des textes, avec mesure s’entend, pour aiguillonner l’esprit et non pour embarrasser la lecture. Quant à ceux de la troisième catégorie, je me fais une loi de n’en parler qu’en expliquant des passages à propos desquels il est impossible de l’éviter, par exemple, quand l’auteur associe flumina et amnes et qu’il faut le défendre contre une accusation de pléonasme.

J’ai cru rendre mon manuel d’un usage plus commode en fondant la table dans le texte. On a ainsi la chance de tomber du premier coup sur l’article qu’on cherche, ce qui serait impossible avec un index à part.

L’auteur.

Erlangen, décembre 1839.

Avis pour la seconde édition

Il y a neuf ans que ce manuel a vu le jour ; il reparaît plutôt remanié que transformé. Outre que je l’ai revu plusieurs fois, j’ai profité de nombreuses observations que je dois à de savants amis, soit pour améliorer le fond, soit pour perfectionner l’expression, et j’ai inséré quelques articles nouveaux. J’ai en revanche supprimé les étymologies, tantôt parce que je m’étais trompé en les croyant justes, tantôt (et le plus souvent) parce qu’elles n’ont aucun sens pour l’élève et qu’elles peuvent même occasionner des méprises quand elles ne sont pas approfondies.

L’auteur.

Erlangen, décembre 1848.

Manuel de
synonymie latine

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