Mathématiques et Mathématiciens: Pensées et Curiosités
Te souvient-il alors
Du théorème de Taylor?
Nous n'y vîmes tous deux
Que du feu.
Par des témoins je me suis laissé dire
Que parfois Sturm et le bon Gérono
Allaient chercher, pleins d'un charmant délire,
Un théorème au fond d'un vieux tonneau.
DIPLOMATIE ET POLITIQUE
Quelques-uns affirment encore, dit en souriant le diplomate, que le plus court chemin est la ligne droite. N'en croyez rien, mon jeune ami.
LES MODÉRÉS
Deux et deux font quatre, assure l'un; l'autre réplique avec énergie que deux et deux ne font que trois; l'homme du juste milieu conclut que deux et deux font trois et demi.
SOURD PARLANT
La Condamine est aujourd'hui
Reçu dans la troupe immortelle;
Il est bien sourd,—tant mieux pour lui!
Mais non muet,—tant pis pour elle.
Piron.
ZÉRO ACADÉMIQUE
Quant Labruyère se présente
Pourquoi faut-il crier haro?
Pour faire un nombre de quarante
Ne fallait-il pas un zéro!
Variante:
Trente-neuf joints à zéro,
Si j'entends bien mon numéro,
N'ont jamais pu faire quarante;
D'où je conclus, troupe savante,
Qu'ayant à vos côtés admis
Cottin, cette masse pesante,
Le digne cousin de Louis,
La place est encor vacante.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer ce madrigal de Boufflers à Mme de Staël:
Je vois l'Académie où vous êtes présente;
Si vous m'y recevez, mon sort est assez beau.
Nous aurons à tous deux de l'esprit pour quarante,
Vous comme quatre et moi comme zéro.
Les variantes sont nombreuses:
Ils sont là quarante qui ont de l'esprit comme quatre.
N'oublions pas le distique de Fontenelle:
Sommes-nous trente-neuf, on est à nos genoux,
Et sommes-nous quarante, on se moque de nous.
TIERS ET DEMI
Quel est le tiers et demi de cent?
C'est cinquante, puisque le tiers d'une chose plus la moitié de ce tiers, c'est tout simplement la moitié de la chose.
AMUSETTES
1o π est incommensurable, en effet: vache = βπ; d'où
vachel = βπl; changeant l'ordre des facteurs, cheval =
βπl; d'où π = .
2o bouteille ½ pleine = bouteille ½ vide, d'où, en divisant les deux membres par ½, bouteille pleine = bouteille vide.
3o 10 centimes = 2 sous; d'où, en élevant au carré, 100 centimes ou un franc = 4 sous.
4o Pour peupler un colombier, il suffit de décrire une circonférence avec un jonc pour rayon; en effet, on a ainsi: deux pigeons.
5o Dire l'étendue et le prix d'un champ où du champagne a été bu à minuit par trois cardinaux.—Réponse: 1 hectare, 7 ares, 3 centiares.
6o Si six scies scient six cigares, six cent six scies scient six cent six cigares: ce n'est plus une règle de trois, c'est une règle de six ou de scies.
7o Trois joueurs jouent ensemble toute une nuit. Après la dernière partie, il se trouve qu'ils ont gagné chacun 20 fr.—C'étaient trois joueurs de violon.
8o Obtenir le nombre 21 avec trois villes de France et seulement 20 en ajoutant une quatrième.—Troyes, Foix, Cette, Autun.
Etc., etc.
BON PLACEMENT
«Voilà de l'argent bien placé!» s'écria le duelliste, en sentant la balle s'aplatir sur une pièce de cinq francs, placée dans la poche de son gilet.
Méry.
SPECTACLE TOURNANT
Quelquefois, par exemple, je me figure que je suis suspendu en l'air, et que j'y demeure sans mouvement, pendant que la terre tourne sous moi en vingt-quatre heures. Je vois passer sous mes yeux tous ces visages différents, les uns blancs, les autres noirs, les autres olivâtres. D'abord ce sont des chapeaux, et puis des turbans, et puis des têtes chevelues, et puis des têtes rasées; tantôt des villes à clocher, tantôt des villes à longues aiguilles qui ont des croissants, tantôt des villes à tours de porcelaine, tantôt de grands pays qui n'ont que des cabanes; ici de vastes mers, là des déserts épouvantables; enfin toute cette variété infinie qui est sur la surface de la terre.
Fontenelle.
OISEAUX
De six oiseaux, en tuant trois, combien en demeure? Il n'en demeure aucun, les autres s'enfuient.
Tabarin.
JOUETS MATHÉMATIQUES
E. Lucas nous a encore donné récemment la Fasioulette, la Pipopipète, la Tour d'Hanoï, l'Icosagonal et l'Arithmétique diabolique. C'est drôle et instructif.
X, Y ET Z
X... est mon nom; je ne sais quel caprice
Me fit donner un nom si dur, si sec;
J'eus pour cadet un frère qu'en nourrice
On baptisa du joli nom d'Y...
Pour compléter cette liste gentille
Il nous survint un tiers frère puîné
Qu'on nomma Z..., et voilà la famille
Dont j'ai l'honneur, Messieurs, d'être l'aîné.
..........
..........
Je suis tout ce que l'on ignore,
Ce que l'imprudente Pandore
Cherchait au fond de son écrin
..........
Je disparais sitôt qu'on m'a tenu,
Et plus l'esprit marche et progresse
Plus devant lui j'agrandis l'inconnu.
..........
Cette boutade, dont nous ne citons que quelques vers, est due à un de nos grands anciens à l'École polytechnique (Promotion de 1834).
Vacquerie, ancien candidat, dit en parlant de lui-même:
On le tordit, depuis les ailes jusqu'au bec,
Sur l'affreux chevalet des x et des y.
RASSURANT
—Docteur, là, vraiment, est-ce que j'en reviendrai?
—Infailliblement! répond le médecin qui tire un imprimé de sa poche.
Et faisant lire ce papier au malade:
—Tenez, voilà la statistique de votre cas. Vous voyez qu'on en guérit un sur cent.
—Eh bien! fait le malade effrayé.
—Eh bien! vous êtes le centième que j'ai entre les mains et les 99 premiers sont morts.
PLAIDOIRIE EN CHIFFRES
Le docteur Flamand, garde national, ayant manqué à son service le 5 février, adressa l'épître suivante au conseil de discipline:
| Mes manquements, Messieurs, ne sont pas très comm..... | 1 | |
| Aujourd'hui je demande indulgence pour | 2 | |
| Ma mère était malade en la ville de | 3 | |
| Pour partir à l'instant j'ai fait le diable à | 4 | |
| Vous m'avez, il est vrai, commandé pour le | 5 | |
| Mais auprès d'un malade il faut être pré | 6 | |
| Pour appliquer à temps l'onguent et la lan | 7 | |
| Dieu merci! j'ai vaincu la fièvre et la pit | 8 | |
| J'ai fait à la malade un estomac tout | 9 | |
| Vous pardonnerez bien mon zèle, cadé | 10 | |
| Et, pour un fils, vos cœurs ne seront pas de br | 11 | |
| Alors je monterai des gardes par | 12 | (aines). |
Le conseil de discipline, qui était ce jour-là plus spirituel que de coutume, lui répliqua en ces termes:
LE CAFÉ
Il peut du philosophe égayer les systèmes,
Rendre aimables, badins, les géomètres mêmes
Par lui l'homme d'État, dispos après dîner,
Forme l'heureux projet de nous mieux gouverner.
............
Il peut de l'astronome éclaircissant la vue
L'aider à retrouver son étoile perdue.
Berchoux.
SILENCIEUX
Il y avait à Amadan une célèbre Académie, dont le premier statut était conçu en ces termes: Les Académiciens penseront beaucoup, écriront peu, et ne parleront que le moins possible. On l'appelait l'Académie silencieuse, et il n'était point en Perse de vrai savant qui n'eût l'ambition d'y être admis. Le docteur Zeb, auteur d'un petit livre excellent, intitulé le Bâillon, apprit, au fond de sa province, qu'il vaquait une place dans l'Académie silencieuse. Il part aussitôt; il arrive à Amadan, et, se présentant à la porte de la salle où les Académiciens sont assemblés, il prie l'huissier de remettre au président ce billet: Le docteur Zeb demande humblement la place vacante. L'huissier s'acquitta sur-le-champ de la commission; mais le docteur et son billet arrivaient trop tard; la place était déjà remplie.
L'Académie fut désolée de ce contre-temps; elle avait reçu, un peu malgré elle, un bel esprit de la Cour, dont l'éloquence vive et légère faisait l'admiration de toutes les ruelles, et elle se voyait réduite à refuser le docteur Zeb, le fléau des bavards, une tête si bien faite, si bien meublée! Le président chargé d'annoncer au docteur cette nouvelle désagréable, ne pouvait presque s'y résoudre, et ne savait comment s'y prendre. Après avoir un peu rêvé, il fit remplir une grande coupe, mais si remplie, qu'une goutte de plus eût fait déborder la liqueur; puis il fit signe qu'on introduisît le candidat. Il parut avec un air simple et modeste, qui annonce presque toujours le vrai mérite. Le président se leva, et, sans proférer une seule parole, il lui montra d'un air affligé la coupe emblématique, cette coupe si exactement pleine. Le docteur comprit de reste qu'il n'y avait plus de place dans l'Académie; mais, sans perdre courage, il songeait à faire comprendre qu'un académicien surnuméraire n'y dérangerait rien. Il voit à ses pieds une feuille de rose, il la ramasse, il la pose délicatement sur la surface de l'eau, et fait si bien qu'il n'en échappe pas une seule goutte.
À cette réponse ingénieuse, tout le monde battit des mains, on laissa dormir les règles pour ce jour-là, et le docteur Zeb fut reçu par acclamation. On lui présenta sur-le-champ le registre de l'Académie, où les récipiendaires devaient s'inscrire eux-mêmes. Il s'y inscrivit donc, et il ne lui restait plus qu'à prononcer suivant l'usage, une phrase de remerciement. Mais, en académicien vraiment silencieux, le docteur Zeb remercia sans dire mot. Il écrivit en marge le nombre cent, c'était celui de ses nouveaux confrères; puis en mettant un zéro devant le chiffre, il écrivit au-dessous: Ils n'en vaudront ni moins, ni plus (0100). Le président répondit au modeste docteur avec autant de politesse que de présence d'esprit. Il mit le chiffre un devant le nombre cent et il écrivit: ils en vaudront dix fois davantage (1100).
Abbé Blanchet (apologues orientaux):
Nous pensons que ce président dut écrire: ils en vaudront mille de plus.
PARADOXES ET SINGULARITÉS
Nous passons maintenant aux exceptions, aux fantaisies et aux étrangetés qui peuvent nous intéresser aussi dans une certaine mesure.
Cette troisième partie du livre se distingue parfois assez faiblement de la précédente.
Les idées hardies et neuves, qui sont les paradoxes d'aujourd'hui, seront peut-être les vérités de demain.
PHILOSOPHIE
AXIOMES ET THÉORÈMES
Qu'est-ce que la plupart de ces axiomes dont la géométrie est si orgueilleuse, si ce n'est l'expression d'une même idée simple par deux signes ou mots différents? Celui qui dit que deux et deux font quatre a-t-il une connaissance de plus que celui qui se contenterait de dire que deux et deux font deux et deux? Les idées de tout, de partie, de plus grand et de plus petit ne sont-elles pas, à proprement parler, la même idée simple et individuelle, puisqu'on ne saurait avoir l'une sans que les autres se présentent toutes en même temps? Nous devons, comme l'ont observé quelques philosophes, bien des erreurs à l'abus des mots; c'est peut-être à ces mêmes abus que nous devons les axiomes. Je ne prétends point cependant en condamner absolument l'usage: je veux seulement faire observer à quoi il se réduit; c'est à nous rendre les idées simples plus familières, par l'habitude, et plus propres aux différents usages auxquels nous pouvons les appliquer.
J'en dis à peu près autant avec les restrictions convenables, des théorèmes mathématiques. Considérés sans préjugés, ils se réduisent à un assez petit nombre de vérités primitives. Qu'on examine une suite de propositions de géométrie déduites les unes des autres, en sorte que deux propositions voisines se touchent immédiatement et sans aucun intervalle, on s'apercevra qu'elles ne sont que la première proposition qui se défigure, pour ainsi dire, successivement et peu à peu, dans le passage d'une conséquence à la suivante, mais qui pourtant n'a point été réellement multipliée par cet enchaînement et n'a fait que recevoir différentes formes...
... On peut donc regarder l'enchaînement de plusieurs vérités géométriques comme des traductions plus ou moins différentes et plus ou moins compliquées de la même proposition, et souvent de la même hypothèse.
Ces traductions sont au reste fort avantageuses par les divers usages qu'elles nous mettent à la portée de faire du théorème qu'elles expriment; usages plus ou moins estimables, à proportion de leur importance et de leur étendue. Mais tout en convenant du mérite réel de la traduction mathématique d'une proposition, il faut reconnaître aussi que ce mérite réside originairement dans la proposition même. C'est ce qui doit nous faire sentir combien nous sommes redevables aux génies inventeurs qui, en découvrant quelqu'une de ces vérités fondamentales, source et, pour ainsi dire, original d'un grand nombre d'autres, ont réellement enrichi la géométrie et étendu son domaine.
d'Alembert.
COMPTABLE
Les vérités mathématiques... sont moins des vérités que des outils pour en acquérir, puisque, faisant abstraction de la nature des choses, elles ne s'occupent que de leur grandeur ou de leur forme. Elles me laissent, au regard du monde, comme ferait un comptable, qui, voulant dresser l'état de sa caisse, établirait le nombre de ses billets, sans se préoccuper de leur valeur.
J. Wallon.
Les mathématiques ne développent l'esprit que sous une face. Elles ont pour unique objet la forme et la quantité. Elles s'arrêtent donc pour ainsi dire à la surface des choses, sans pénétrer jusqu'à leurs qualités essentielles, jusqu'à leurs relations internes, de beaucoup les plus importantes.
Klumpf.
Après cette première étape, indispensable, on ira plus loin, si l'on peut.
LOGIQUES ANGLAISES
Certains de nos contemporains d'outre-Manche ont tenté de régénérer la logique, en lui donnant un caractère mathématique.
De Morgan, après avoir rappelé que, dans toute langue, il y a des noms positifs et des noms négatifs, comme vertébré et invertébré, dit que tout nom, sans exception, doit être considéré comme pouvant être pris positivement ou négativement. Le mot homme, par exemple, s'applique positivement à Alexandre et négativement à Bucéphale, qui était un non-homme. Si U est la totalité considérée et X sa partie positive, sa partie négative U - X est désignée par x. Les propositions s'écrivent alors symboliquement sous forme d'égalités.
Boole généralise le problème de la déduction qui n'est d'abord que l'élimination d'un terme moyen dans un système de trois termes. Il considère un nombre quelconque de termes et se propose d'éliminer autant de termes moyens qu'on voudra. Le logicien s'est ainsi proposé d'appliquer l'algèbre à la logique: il adopte les symboles 1 (tout) et 0 (rien), puis x, y, z, etc., pour représenter les choses, en tant que sujets de nos conceptions, et les signes, +, -, ×, =, pour les appliquer aux opérations de l'esprit.
Enfin Stanley Jevons a imaginé, à l'instar des machines arithmétiques, une machine logique qui est un petit piano à 21 touches, les unes correspondant aux termes positifs ou négatifs (sujets ou prédicats) et les autres aux opérations: copules, etc. On raisonne pour ainsi dire mécaniquement, en jouant de ce piano.
AVANT LEIBNIZ ET NEWTON
On a vraiment lieu de s'étonner que le Calcul infinitésimal n'ait pas été inventé plus tôt, surtout quand on songe que ceux qui, par métier, se livrent à des travaux d'une certaine précision, auraient dû y être conduits comme par la main. Ainsi, tout charpentier ou tailleur de pierre est journellement à même de voir qu'il est à peu près impossible que l'outil, destiné à suivre la marque pour diviser une planche ou une pierre, entame exactement le milieu de la ligne tracée, qu'il y a presque toujours des déviations, plus ou moins sensibles autour de ce milieu, et que la somme de ces déviations peut devenir très marquée. Un marchand qui aune un morceau d'étoffe, et le coupe suivant la marque tracée, n'ignore pas combien il lui est facile de retenir à son profit une fraction de mesure qui échappe à l'œil de l'acheteur le plus vigilant; et il sait qu'à la longue les sommes de ces quantités imperceptibles peuvent faire des aunes ou des mètres entiers. Il en est de même du détaillant qui vend les denrées au poids: des grains de poussière, salissant le plateau d'une balance, s'ajoutent au poids, et les sommes de ces infinitésimales, indéfiniment répétées, n'échappent pas à l'esprit mercantile.
Il est à regretter que ces détails de la vie matérielle, qui ont leur importance, aient toujours été jugés indignes d'un penseur. Si les philosophes, à l'époque où la philosophie comprenait toutes les connaissances humaines, avaient daigné y porter leur attention, ils auraient devancé les grands philosophes géomètres du xviie siècle.
F. Hoefer.
Confusion entre le très petit et l'infiniment petit.
PÉDANT
Un instituteur, après avoir fait compter des billes et autres objets matériels aux bambins, s'écria, avant de passer aux nombres isolés: «Attention, je vais faire des abstractions!»
L'HARMONIEN
Le Civilisé (homme actuel) est à l'Harmonien (homme perfectionné?) comme 12 est à 32, c'est-à-dire comme l'addition est à la multiplication, car le nombre 32 est le produit de 8 par 4, c'est-à-dire du premier cube par le premier carré, tandis que 12 n'est que la somme de ces deux chiffres.
A. Toussenel.
Les attractions sont proportionnelles aux destinées.
Charles Fourier.
LA MÉTAGÉOMÉTRIE
Quelques mathématiciens philosophes se sont proposé de reconstituer la géométrie, sans admettre que par un point on ne peut mener qu'une parallèle à une droite. De là des géométries non euclidiennes où la somme des angles d'un triangle n'est plus égale à deux droits: dans celle de Riemann, elle est plus petite que deux droits et dans celle de Lobatschewski, elle est plus grande. On peut interpréter ces hypothèses singulières en prenant pour surface fondamentale l'ellipsoïde et l'hyperboloïde à deux nappes.
On a aussi parlé d'une géométrie à plus de trois dimensions et considéré ce qu'on appelle l'hyperespace. Il s'agit simplement des équations à plus de trois variables, mais les calculs ne sont susceptibles d'aucune traduction concrète.
«La géométrie euclidienne est, à leur sens, une première approximation, applicable en toute rigueur aux figures infiniment petites et, avec une approximation suffisante, aux figures finies dont les dimensions ne dépassent pas certaines limites... En dehors de ces limites, la même géométrie usuelle peut au contraire, d'après eux, tomber complètement en défaut, ou conduire aux erreurs les plus grossières pour des figures assez grandes.»
Boussinesq.
Des trois axiomes de la géométrie, le premier seul (celui de la distance et de ses propriétés essentielles) est un axiome principal, c'est-à-dire indispensable pour l'établissement d'un système quelconque de géométrie. Les deux autres (celui de l'augmentation indéfinie de la distance et celui de la parallèle unique) sont secondaires ou de simplification. Ils servent uniquement à écarter des systèmes de géométrie plus compliqués que le système usuel, mais cependant complets, logiquement possibles et conduisant en pratique aux mêmes résultats que la géométrie usitée, dans les limites de nos moyens de mesure...
La géométrie générale se divise en trois branches: la géométrie usitée, la géométrie abstraite et la géométrie doublement abstraite. Dans la seconde on ne se prive que du troisième axiome, tandis que dans la troisième on se prive aussi du second. Les trois géométries s'appellent quelquefois euclidienne, gaussienne et riemanienne.
de Tilly.
Je ne parlerai point de la Géométrie à n dimensions; ce n'est que de l'Analyse, sous des noms empruntés à la Géométrie. Cette étude remonte aux lieux analytiques de Cauchy, qui, du moins, ne cherchait pas à cacher sa pensée et à donner le change par des démonstrations absurdes (Comptes-rendus, 1847). Au moyen de ces espaces, dont nous ne pouvons avoir aucune idée, et aussi, peut-être, au moyen de la considération des points et des lignes à distance infinie ou imaginaire, dont je crains que les modernes n'aient un peu abusé, on dépouille la Géométrie de ce qui forme son meilleur avantage et son charme particulier, de la propriété de donner une représentation sensible aux résultats de l'Analyse et l'on remplace cette qualité par le défaut contraire, puisque des résultats qui n'auraient rien de choquant, sous leur forme analytique, n'offrent plus de prise à l'esprit ou paraissent absurdes lorsqu'on les exprime par une nomenclature géométrique, supposant des points, des lignes ou des espaces qui n'ont aucune existence réelle, et dont l'admission répugne au bon sens ou dépasse l'intelligence.
Genocchi.
Quelqu'un a dit que les hommes pourraient douter des vérités mathématiques, s'ils y avaient intérêt; ce n'est pas assez dire, ils peuvent en douter, par curiosité d'esprit et par simple liberté de supposer.
Renouvier.
«Tout l'objet des néogéomètres, dit encore le même philosophe, est de s'exercer à des analyses mathématiques sur des hypothèses variées, sans se préoccuper d'aucune autre vérité que de celle du rapport des conclusions aux prémisses.»
Les géométries singulières qui ont surgi dans ces dernières années (géométries fin-de-siècle) ne doivent inquiéter aucun esprit. Ce sont de purs exercices de logique: des chercheurs paradoxaux se sont demandé ce qu'il resterait de la géométrie, si l'on refusait d'admettre le postulatum des parallèles.
La géométrie non euclidienne n'est, suivant M. Mouret, qu'un art, une sorte de poésie géométrique ou de jeu intellectuel.
LOI DE MALTHUS
L'économiste Malthus a prétendu que, tandis que la subsistance croissait en progression arithmétique, la population croissait en progression géométrique, c'est-à-dire beaucoup plus vite, de là une rupture d'équilibre à redouter. Le remède consisterait à ralentir l'accroissement de la population.—Crainte chimérique, la population peut croître librement. Sa vitesse d'accroissement a diminué, hélas, en France.
L'ÂME ET LA VIE
Pour peindre plus exactement la différence entre l'âme et la vie, Lordat fait usage d'une comparaison empruntée à la géométrie. Il représente la vie comme un fuseau, qui a un diamètre presque nul à son extrémité commençante, va en se renflant sans cesse jusqu'au milieu, puis décroît insensiblement et finit par redevenir presque nul. Au contraire, l'âme est représentée par une parabole. Partie d'un point imperceptible, la parabole se développe lentement, émettant deux lignes symétriques, qui s'allongent sans cesse pour se perdre dans l'infini.
L. Figuier.
Voir l'Alliance entre l'âme pensante et la force vitale, par Lordat. Ce médecin philosophe admet que l'âme gagne en force chez le vieillard, tandis que la vie s'affaiblit.
SCEPTICISME
Ce sont des triangles, des carrés, des cercles et d'autres figures semblables; ils les mêlent et les confondent en forme de labyrinthes. Ce sont aussi des lettres rangées comme un bataillon séparé en plusieurs compagnies: c'est par ces momeries qu'ils éblouissent les sots.
Erasme.
Qui pourra jamais me persuader que d'un amas confus de petites lignes, de croix, etc., de chiffres, etc., dont leurs livres sont remplis et qui peut-être sont mis au hasard (sic), on puisse jamais déduire des inventions utiles aux hommes et avantageuses à la société?
Sextus Empiricus.
Je te ferai voir, dans ce traité, qu'il n'y a pas moins de sujets de doute en mathématiques qu'en physique, en morale, etc.
Hobbes.
Nous démontrons les vérités mathématiques, parce que nous les faisons.
Vico.
Ce qu'on appelle vérités mathématiques se réduit à des identités d'idées, et n'a aucune réalité.
Buffon.
Le géomètre avance de supposition en supposition, et retournant sa pensée sous mille formes, c'est en répétant sans cesse le même est le même, qu'il opère tous ses prodiges.
Condillac.
«Rien n'est moins exact, dit M. Liard, que cette doctrine qui ne tendrait à rien moins qu'à faire du système entier des mathématiques une vaste tautologie, où tout progrès apparent se réduirait à une éternelle répétition. Les notions qu'unissent les propositions mathématiques ne sont pas des redites les unes des autres; si le nombre 10 est égal à 5 + 5, il diffère de la somme 5 + 5 par la forme imposée à la réunion des 10 unités ici assemblées en un seul nombre, là groupées en deux nombres égaux;.... si la somme des trois angles d'un triangle est équivalente à deux angles droits, autre chose est tracer dans l'espace les trois angles de ce triangle, autre chose y tracer deux angles droits.»
Lorsque Archimède démontre que le cercle équivaut au triangle qui aurait pour base la circonférence et pour hauteur le rayon, il ne s'agit là ni d'identité, ni d'égalité: un cercle et un triangle ne sont pas une seule et même chose!
Ampère repoussait bien loin ce qu'il appelait «la ridicule identité».
AVENIR
L'avenir tient dans le présent, comme les propriétés du triangle tiennent dans sa définition.
P. Bourget.
Aphorisme inconciliable avec la liberté humaine.
BORNÉ
L'homme ne voit pas faux, comme le supposent les sceptiques subjectifs; il voit borné. Il juge son univers grand et vieux; ce n'est pourtant que a dans la formule ∞ + a, or, dans ce cas, a = 0.
Renan.
NOMBRE INFINI
Tout nombre, c'est-à-dire toute somme d'unités réelles, est essentiellement fini; car, puisque chacun des nombres obtenus par des additions successives ne diffère du précédent que par une unité, tous ces nombres successifs sont donc nécessairement finis à la fois, le second par le premier, le troisième par le second, etc. Tout nombre est nécessairement pair ou impair, premier ou non premier; s'il est pair, il ne contiendra pas tous les nombres impairs; s'il est premier, il ne contiendra pas le dernier des nombres premiers, car la série des nombres premiers est illimitée. En tous cas, qu'il soit premier ou non premier, il ne contiendra pas son carré, son cube, sa quatrième puissance; il ne sera donc pas plus grand que tout nombre donné; il ne sera pas infini, mais fini. Tout nombre est essentiellement fini, donc le nombre des hommes qui ont existé sur la terre est fini et il y a eu un premier homme; donc le nombre des révolutions de la terre autour du soleil est fini et il y a eu une première révolution....
Abbé Moigno.
LES PRINCIPES
On peut dire a priori qu'il est absurde d'essayer de démontrer par l'analyse les principes de la géométrie et de la mécanique. Ces principes sont évidents ou résultent de l'expérience. Tout calcul les présuppose.
Nous admettons difficilement des géométries sans aucune figure et des mécaniques où l'on ne parle que d'équations différentielles.
TULIPES
Vous savez que le tout est plus grand que sa partie et que, qui ajoute choses égales à choses égales, les touts sont égaux: vous savez toutes les mathématiques...
Les tulipes qui naissent à présent étaient bien enveloppées dans celles qui fleurissaient il y a 600 ans. Ainsi les équations de l'algèbre sont-elles bien enveloppées dans les propositions que je viens de vous dire; mais il ne tient qu'à les en tirer. Elles y sont: vous voyez les plus simples et les plus aisées en sortir, puis les autres. Je ne vous apprends rien, mais je vous fais voir jusqu'où va ce que vous saviez.
Fontenelle.
Toutes les vérités mathématiques sont implicitement contenues dans les premières notions, soit, mais il s'agit de les dégager!
LIGNE DE CONDUITE
La ligne courbe représente le cours de la vie pratique, toute de nécessité, de rapport avec nos proches, nos semblables, ou pleine de ménagement pour autrui, de concessions réciproques, de sacrifices mutuels. La ligne droite représente la vie théorique, l'idéal, l'idée indépendante, absolue.
Mme Pape-Carpentier.
Cet extrait est tiré du livre Le secret des grains de sable où l'auteur recherche «les heureuses corrélations qui relient la géométrie et le sentiment».
MOULIN
On peut comparer les mathématiques à un moulin d'un travail admirable, capable de moudre à tous les degrés de finesse; mais ce qu'on en tire dépend de ce qu'on y a mis, et comme le plus parfait moulin du monde ne peut donner de la farine de froment si l'on n'y met que des cosses de pois, de même des pages de formules ne tireront pas un résultat certain d'une donnée incertaine.
Huxley.
Les mathématiques sont comme un moulin à café qui moud admirablement ce qu'on lui donne à moudre, mais qui ne rend pas autre chose que ce qu'on lui a donné.
Faraday.
Il me semblait que résoudre un problème de géométrie par les équations, c'était jouer un air en tournant une manivelle.
J.-J. Rousseau.
Lorsqu'on raisonne, on ne peut demander aux prémisses que ce qu'elles contiennent.
Le calcul constitue une méthode rapide d'analyse, pour résoudre les problèmes. On pourrait, après coup, rétablir tous les intermédiaires.
SANS AXIOMES
La Géométrie sans axiomes est le titre d'un livre anglais de Perronet Thomson, traduit par Van Tenac, où les axiomes, incorporés dans les définitions, ne sont pas formellement énoncés.
IMAGES LOINTAINES
Supposez maintenant que vous vous éloigniez de la terre avec une vitesse supérieure à celle de la lumière, qu'arrivera-t-il? Vous retrouverez, à mesure que vous avancerez dans l'espace, les rayons partis avant vous, c'est-à-dire les photographies, qui, de seconde en seconde, d'instant en instant, s'envolent dans l'étendue.
Si, par exemple, vous partez en 1867 avec une vitesse égale à celle de la lumière, vous garderez éternellement l'année 1867 avec vous. Si vous allez plus vite, vous retrouverez les rayons partis aux années antérieures et qui emportent avec eux les photographies de ces années.
Pour mieux mettre en évidence la réalité de ce fait, je vous prie de considérer plusieurs rayons lumineux partis de la Terre à différentes époques. Le premier est je suppose, celui d'un instant quelconque, du 1er janvier 1867. À raison de 75000 lieues par seconde, il a, au moment où je vous parle, déjà fait un certain trajet depuis le moment de son départ et se trouve maintenant à une certaine distance, que j'exprimerai par la lettre A. Considérons maintenant un second rayon parti de la Terre cent ans auparavant, le 1er janvier 1767: il est de cent ans en avance sur le premier, et il se trouve à une distance beaucoup plus grande, distance que j'exprimerai par la lettre B. Un troisième rayon, celui, je suppose, du 1er janvier 1667, est encore plus loin, d'une longueur égale au trajet que parcourt la lumière en cent ans. J'appelle C le lieu où en est ce troisième rayon. Enfin, un quatrième, un cinquième, un sixième, sont respectivement des 1er janvier 1567, 1467, 1367, etc., et sont échelonnés à des distances égales, D, E, F, s'enfonçant de plus en plus dans l'infini.
Voilà donc une série de photographies terrestres échelonnées sur une même ligne, de distance en distance, dans l'espace. Or l'esprit qui s'éloigne en passant successivement par les points A, B, C, D, E, F, y retrouve successivement l'histoire séculaire de la Terre à ces époques.
Flammarion.
Un moraliste, plus ingénieux que solide, puise dans les considérations précédentes un encouragement au bien. En effet, l'image d'un meurtre ne disparaît plus et, à l'éternelle honte du meurtrier, cette image qui s'envole dans l'espace proclame le crime jusqu'aux astres les plus lointains.
LOI DES SENSATIONS
Les sensations sont proportionnelles aux logarithmes des impressions ou des excitations.
Weber.
C'est là un énoncé curieux et obscur attribué aussi à Fechner et qui a été généralement contesté.
«C'est le propre des phénomènes vitaux, assure Bichat, d'échapper à tous les calculs.» L'assertion est trop absolue, mais il faut être prudent en ces délicates matières.
PLUS GRANDS ET PLUS PETITS
La suite continue des nombres entiers, fractionnaires, incommensurables, où le cas simple est très exceptionnel, est une conception délicate.
Quelque petit que soit un nombre, il y a exactement autant de nombres plus petits que lui que de nombres plus grands, puisque à un nombre quelconque correspond son inverse.
On trouve dans les mathématiques des régions philosophiques—ce ne sont pas les plus claires—où se complaisent certains esprits.
NOMBRE MYSTÉRIEUX
Que celui qui a de l'intelligence compte le nombre de la bête... son nombre est six cent soixante-six.
Il s'agit de l'Antechrist.
ÊTRE OU NÉANT
Qu'est-ce que l'élément infinitésimal? C'est la grandeur décroissante jusqu'à s'évanouir, et prise au moment où elle s'évanouit, car avant, ce serait trop tôt, et après ce serait trop tard. C'est la grandeur prise au moment où, cessant d'être quelque chose, elle n'est pas encore rien du tout, c'est-à-dire au moment où elle participe à la féconde identité de l'être et du néant.
Hegel.
Très subtil et peu clair.
CONCILIATION
Le mouvement dans l'espace d'un corps soumis à l'action d'une force donnée et partant d'une position aussi donnée doit être absolument déterminé. C'est donc par une sorte de paradoxe que les équations différentielles dont ce mouvement dépend peuvent être satisfaites par plusieurs équations qui remplissent en outre les conditions initiales du mouvement.
Poisson.
On peut rattacher à cette remarque deux travaux philosophico-mathématiques plus ingénieux que solides. 1o Accord de la liberté morale avec les lois du mécanisme, par Saint-Venant (Comptes rendus du 15 mars 1877); 2o Conciliation du véritable déterminisme avec l'existence de la vie et de la liberté morale, par Boussinesq (Comptes rendus du 19 février et du 5 mars 1877.)
M. J. Bertrand dit à propos de ces tentatives:
«Quand une table rigide et pesante repose par plus de trois pieds sur un sol parfaitement dur, l'effort supporté par chaque pied est indéterminé. Le calcul l'affirme mais ni les physiciens ni les géomètres ne l'ont cru un instant; ils se sont bien gardés surtout de supposer à chaque pied la faculté de choisir, en lui prêtant une volonté devenue indispensable».
CERTITUDES ANTÉRIEURES
Il y a des certitudes qui ne reposent pas sur l'expérience. Je sais qu'il y a des polygones de 7, de 11, de 13 côtés, etc., tout en sachant qu'on ne peut, actuellement du moins, les construire géométriquement. On admet qu'il y a un carré égal à un cercle donné, et personne ne s'avisera plus de chercher ce carré. Rien de plus aisé que de former une équation du me degré, en se donnant au préalable m racines réelles ou imaginaires; l'équation une fois formée, on sait qu'elle a ces racines et pourtant on ne peut pas toujours les dégager.
Or, comment sait-on qu'il y a des polygones réguliers de 7, de 11, de 13 côtés, etc., qu'il y a un carré égal à un cercle donné...? Par un raisonnement d'analogie et d'induction, celui-ci par exemple: Je sais diviser une droite en 7 parties égales; si la circonférence était rectifiée, je pourrais la diviser en 7 parties égales. Y a-t-il une droite égale à une circonférence donnée? Oui, car une circonférence est finie et peut croître indéfiniment par infiniment petits; une ligne droite est dans le même cas, donc on peut faire croître une ligne droite de manière à lui donner la longueur de la circonférence proposée.
J. Delbœuf.
On peut être sûr de l'existence d'une figure sans savoir la construire, d'un nombre sans savoir le calculer.
COMMENCEMENT
Toutes les lacunes, tous les vides ne sont pas remplis, et ces lacunes, ces vides se font surtout sentir dans ce qui semble tenir de plus près aux connaissances préliminaires à la géométrie.
Poncelet.
CONTINUITÉ
D'après le principe de continuité de Leibniz, le repos serait un mouvement infiniment petit; la coïncidence, une distance infiniment petite; l'égalité, la dernière des inégalités, etc.
MUNITO
C'était surtout la manière dont ce chien faisait une addition qui était curieuse à voir! Des chiffres étaient marqués sur des morceaux d'os de la grandeur des dominos. Son maître lui posait trois ou quatre rangées de trois ou quatre chiffres chacun, Munito regardait, puis, s'il avait:
3
9
7
il allait prendre un carré d'os, et apportait au bas un neuf; puis il retenait un, et allait ainsi jusqu'au bout sans la moindre erreur.
James Rousseau.
D'après Delbœuf, les serins ne comptent que jusqu'à trois et une chienne intelligente ne sait pas distinguer trois de quatre.
Houzeau croit que les mulets savent compter au moins jusqu'à cinq. Le garde-chasse Leroy admet cette limite supérieure pour les corbeaux. Romanes a enseigné à un chimpanzé à compter jusqu'à cinq.
Nous ne garantissons pas ces diverses assertions.
SCEPTICISME MATHÉMATIQUE
Autrefois on prenait pour base de la géométrie abstraite l'espace réel, avec les lois que l'expérience révèle, avec les trois dimensions auxquelles sont soumis tous les corps qui tombent sous nos sens. Aujourd'hui les géomètres s'affranchissent de ces conditions vulgaires; ils supposent des espaces différents, à quatre, cinq, six dimensions ou davantage; ils appliquent à ces hypothèses fantastiques l'analyse mathématique, et les voilà partis, dans un monde imaginaire, à la poursuite de conclusions très logiquement déduites, mais devant lesquelles l'esprit se perd.
Puis, quand ils reviennent à ce vieil espace traditionnel au sein duquel nous habitons, ils prétendent que ces lois n'ont pas, devant la raison, plus de valeur que les espaces étranges où la somme des angles d'un triangle est inférieure ou supérieure à deux angles droits, où une courbe peut servir de parallèle à une ligne droite. Le résultat de cette débauche d'analyse, c'est le scepticisme mathématique.
d'Hulst.
CHIMÈRES
La pierre philosophale, le mouvement perpétuel, la quadrature du cercle, le désintéressement parfait, etc.
DEUX ET DEUX
Vous ne rencontrez nulle part dans la nature deux objets identiques: dans l'Ordre Naturel, deux et deux ne peuvent jamais faire quatre, car il faudrait assembler des unités exactement pareilles, et vous savez qu'il est impossible de trouver deux feuilles semblables sur un même arbre..... Vous pouvez ajouter le ducat du pauvre au ducat du riche, et vous dire au trésor public que ce sont deux quantités égales; mais aux yeux du penseur l'un est certes moralement plus considérable que l'autre.
H. de Balzac.
Les mathématiques sont la science des formes et des quantités; le raisonnement mathématique n'est autre que la simple logique appliquée à la forme et à la quantité. La grande erreur consiste à supposer que les vérités qu'on nomme purement algébriques sont des vérités abstraites ou générales. Et cette erreur est si énorme, que je suis émerveillé de l'unanimité avec laquelle elle est accueillie. Les axiomes mathématiques ne sont pas des axiomes d'une vérité générale. Ce qui est vrai d'un rapport de forme ou de quantité est souvent une grossière erreur relativement à la morale. Par exemple, dans cette dernière science, il est communément faux que la somme des fractions soit égale au tout.... Il y a une foule d'autres vérités mathématiques qui ne sont des vérités que dans des limites de rapport. Mais le mathématicien argumente incorrigiblement d'après ses vérités finies, comme si elles étaient d'une application générale et absolue...
Edgar Poe (La lettre volée).
CRITÉRIUM
Quelques-uns disent que le mouvement excentrique ou d'extension paraît indiquer une supériorité physique ou morale. Un professeur de géométrie prétend qu'il juge très vite du caractère d'un élève par sa manière de tracer spontanément une circonférence au tableau: les forts la tracent de dedans en dehors, les mous de dehors en dedans.
ÂME DE LA TERRE
Kepler croyait que la terre a une âme qui la guide. «Cette âme, dit-il, a le sentiment des raisons et des proportions géométriques; c'est ainsi que la terre peut apprécier les distances, évaluer les angles et reconnaître s'ils sont harmoniques ou incongrus.»
CŒUR ET RAISON
Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et que les nombres sont infinis; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies. Et il est aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ces premiers principes pour vouloir y consentir, qu'il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir.
Pascal.
Il a été donné à bien peu d'hommes de sentir aussi vivement les choses abstraites.
ABSTRACTIONS
Qu'est-ce que les mathématiques? Des sciences toutes formelles. L'arithmétique et l'algèbre sont la rhétorique des nombres. On raisonne et on raisonne, on déduit et on déduit, étant donné n'importe quoi dans l'abstrait. On applique les principes généraux à des problèmes particuliers et la solution de ces problèmes devient un petit talent mécanique, comme la syllogistique du moyen âge, ou comme la machine à raisonner de Raymond Lulle. La science même du mouvement, la reine du siècle, la mécanique, roule encore sur des relations formelles dans l'espace et dans le temps, et elle ne cesse pas de déduire, de raisonner à perte de vue sur une hypothèse qui est l'équivalent scientifique d'une matière de discours latin. Il est vrai que, dans un cas, il faut raisonner juste; dans l'autre, ce n'est pas nécessaire, et même, quand la cause à soutenir est mauvaise, il est bon de déraisonner. Mais le mathématicien ne raisonnera pas mieux qu'un autre dans la vie réelle parce qu'il sera habitué à raisonner dans l'abstrait, à déduire des conséquences rectilignes d'une hypothèse, non à observer et à réunir toutes les données de l'expérience, non à induire, à deviner, à apprécier les probabilités. L'esprit mathématique, dans la vie privée et dans la vie publique, c'est l'art de ne voir qu'un des côtés de la question. Dans les sciences mathématiques, nous faisons nous-mêmes nos définitions; dans la réalité, c'est l'expérience qui nous les impose et, sans cesse, les transforme, les corrige par des déterminations nouvelles. Nous trouvons toujours dans les résultats plus que nous n'avions mis dans nos définitions et dans nos principes. Nous avions dit: deux et deux font quatre, et nous trouvons cinq; nos étroites formules sont débordées par la nature et par la vie.
Alfred Fouilliée.
Selon d'Alembert, pour acquérir la sagacité, cette qualité première de l'esprit, il faut s'exercer aux démonstrations rigoureuses, mais ne pas s'y borner.
BENZINE
La benzine, pour l'allemand, c'est C6H6, un hexagone ou un parallélépipède, puisque cette tendance amène à représenter les corps chimiques par des images géométriques ou des formules d'algèbre; la benzine, pour l'anglais, est un produit qui sert à détacher.
Léon A. Daudet.
On connaît le mot de Lagrange: la chimie devient aussi facile que de l'algèbre.
SYMBOLES
Dans les mathématiques le raisonnement est devenu automatique à un si haut degré, que les mathématiciens ont presque tous perdu de vue le point de départ, et qu'on les étonne beaucoup, quand on leur rappelle que les symboles des mathématiques ne sont pas de pures créations de l'esprit... qu'un symbole n'est un symbole qu'autant qu'il symbolise quelque chose, et que sous chaque signe il y a la chose signifiée.
Malgré cet oubli de la chose et le souci du signe, les raisonnements des mathématiciens sont cependant rigoureux et les résultats auxquels ils parviennent sont exacts, mais on ne peut dire qu'ils aient une notion adéquate de la science sur laquelle s'exercent leurs efforts.
G. Mouret.
AXIOMES
Quel est le fondement de notre croyance aux axiomes? Sur quoi repose leur évidence? Je réponds: Ce sont des vérités expérimentales, des généralisations de l'observation.
John Stuart Mill.
La géométrie est fondée sur l'observation; mais sur une observation si familière et si évidente que les notions premières qu'elle fournit pourraient sembler intuitives.
Leslie.
Assertions très contestables. Nous les avons déjà discutées.
PASSIONS
Si la géométrie s'opposait autant à nos passions et à nos intérêts présents que la morale, nous ne la contesterions et nous ne la violerions guère moins, malgré toutes les démonstrations d'Euclide et d'Archimède.
Leibniz.
CONCEPTIONS
La géométrie ne prouve rien du tout de l'existence des choses, mais seulement ce qu'elles sont, supposé qu'elles existent réellement.
Le P. Buffier.
HYPERESPACE
Imaginons un être réduit à un point, mais doué d'intelligence et de sens, assujetti à pouvoir se déplacer sur une ligne droite pour fixer les idées, mais ne pouvant sortir de cette droite; supposons que ses sens soient tels qu'ils ne lui permettent pas d'avoir conscience du monde extérieur à son domaine qui est la droite en question. Si cet être est conduit à faire de la géométrie, il ne fera que de la géométrie à une dimension; appelons cet être A. On peut de même imaginer un être B assujetti à se mouvoir dans un monde réduit à une simple surface et n'ayant pas conscience du monde extérieur à cette surface. Si B fait de la géométrie, cette géométrie sera à deux dimensions. Nous autres, nous pouvons faire de la géométrie à trois dimensions, parce que notre espace est constitué de telle sorte que trois quantités sont nécessaires pour définir la position d'un point; B fait de la géométrie à deux dimensions, parce que deux quantités seulement lui sont nécessaires pour définir la position d'un point dans l'espace dont il a conscience. On peut donc se demander si ce que nous considérons comme notre univers ne serait pas une variété d'un espace à plus de trois dimensions, dont l'organisation simple de nos sens nous empêcherait d'avoir connaissance.
H. Laurent.
CHERCHEUR
La vie la plus belle, la mieux remplie, la moins sujette aux déceptions, est encore celle du fou sublime qui cherche à déterminer l'inconnue d'une équation à racines imaginaires.
H. de Balzac.
LES MARIER
On pourrait se passer complètement de l'idée de nombre et emprunter tout à l'idée d'espace.
L'algèbre est une symbolie ou écriture hiéroglyphique qui exprime les faits de déplacement dans des espaces à nombre variable de dimensions: l'arithmétique raconte ce qui se passe dans un espace à une dimension; l'algèbre des fonctions algébriques dans des espaces à deux dimensions; l'algèbre des quantités complexes, dans un espace à n dimensions.
...........................
À qui la palme? À la symbolie? À la graphie? Il serait bien difficile de décider, chacun suivant son organisation cérébrale peut accorder son vote à l'une ou à l'autre. Pour éviter des discussions interminables, le mieux serait, je crois, de les marier.
Arnoux.
GRADGRIND
C'est dans son roman Les temps difficiles que Dickens nous présente ce personnage.
«Thomas Gradgrind, monsieur, l'homme des faits, l'homme qui procède d'après le principe: deux et deux font quatre, rien de plus, et qu'aucun raisonnement n'amènera jamais à concéder une fraction en sus! Thomas Gradgrind, monsieur, avec une règle et des balances, et une table de multiplication dans la poche, monsieur, toujours prêt à mesurer et à peser le premier colis humain venu et à vous en donner exactement la jauge...»
VALEUR VARIABLE
Un franc, considéré aujourd'hui, ne valait pas encore un franc hier et il vaudra plus d'un franc demain, du moins dans certaines questions de finance. L'hypothèse du placement continuel à intérêts composés est une fiction hardie et certains pessimistes attribuent une partie des souffrances de la société moderne, à l'exécrable fécondité de l'argent.
J'ai deux voisins; l'un se lamente de ce que l'argent ne rapporte plus que 2%; l'autre réclame le prêt gratuit.
HISTOIRE
CALCUL MENTAL
Mme de Lautré, dont parle Mme de Genlis, faisait dans les salons, des multiplications de nombres de huit chiffres.
Diner, le berger de Stuttgard, devint péniblement maître d'école. N'ont pas percé davantage les autres petits calculateurs prodiges: Annich, Buxton, Colburn, Bidder, Pughiesi, Magiamele, etc. Malgré les meilleures leçons, Henri Mondeux n'a pas pu s'élever au dessus des calculs numériques.
De nos jours, c'est Inaudy, qu'on promène comme une curiosité: il a été présenté à l'Académie des Sciences, comme son prédécesseur. Inaudy n'est pas un visuel, c'est un auditif: il a pu retenir d'un seul coup jusqu'à 42 chiffres. La capacité de sa mémoire est le secret de sa force.
Dans leur enfance, Gauss et Ampère ont calculé très vite, mais cette faculté s'est ralentie chez eux dès qu'ils se sont livrés à la recherche mathématique.
Un de nos amis, lorsqu'il voyageait, décomposait de tête les numéros des wagons en facteurs premiers, en prenait la racine carrée, etc.
TAUTOCHRONE ET BRACHISTOCHRONE
La cycloïde ou roulette, qui a été étudiée par Pascal, jouit de deux propriétés bien curieuses. Un point pesant descendant le long de sa concavité arrive toujours dans le même temps au sommet inférieur, de quelque hauteur qu'il parte. De plus, c'est cette courbe, et non une ligne droite, que doit décrire un point pesant pour descendre dans le moins de temps possible.
QUADRATURE DU CERCLE
Il est dit, dans la Bible, qu'il y avait, dans le Temple de Salomon, un grand bassin hémisphérique dont le diamètre était de dix coudées et la circonférence de trente.
«J'étais semblable à ce géomètre qui s'efforce de quarrer le cercle et cherche en vain dans sa pensée le principe qui lui manque.»
Dante.
Pisthétéros.—Mais, dites-moi, quels instruments avez-vous là?
Méton.—Ce sont des règles pour mesurer le ciel... J'appliquerai une règle droite et je prendrai si bien mes dimensions, que je ferai d'un cercle un carré.
...........................
Pisthétéros.—...Croyez-moi, retirez-vous au plus vite.
Aristophane.
Plutarque affirme qu'Anaxagore avait trouvé la quadrature du cercle. Roger Bacon parle de la question comme si elle était complètement connue de son temps. Or il est maintenant prouvé qu'on ne peut résoudre le célèbre problème avec la règle et le compas.
LONGUES FORMULES
Dans la Théorie de la lune, de l'astronome Delaunay (qui s'est noyé en se baignant à Cherbourg) il y a une formule dont le second membre occupe 138 pages.
L'œuvre de Delaunay comprend dans le premier volume l'expression de la longitude de la lune et, dans le second, celle de sa latitude.
On m'a parlé d'un mémoire d'Olbers qui se compose d'une seule phrase.
CONCESSION
L'Académie des Sciences de Paris se refusa pendant quelque temps à admettre une doctrine (il s'agit des infiniment petits) qui semblait altérer la pureté géométrique; elle vit naître d'ardentes discussions dans lesquelles plusieurs de ses membres, s'attachant avec obstination à de fausses idées qu'ils s'étaient formées, et à des locutions qui les choquaient sans qu'ils voulussent considérer le fond des choses, contestèrent non seulement la rigueur des raisonnements, mais encore l'exactitude des règles de Leibniz. Cette opposition fut utile, en forçant les géomètres infinitésimaux à donner une forme nette aux principes contestés, qui peut-être n'avaient été mal compris des uns que pour avoir été jusque-là mal expliqués par les autres. Leibniz lui-même, que les plus grands géomètres de l'Europe avaient enfin admiré et compris, loin de s'envelopper dans sa gloire et de mépriser les critiques, ne dédaigna pas de répliquer avec courtoisie à des adversaires qu'il estimait malgré la faiblesse de leurs arguments. Sa réponse au Journal de Trévoux est restée célèbre par une concession singulière qui semblerait passer condamnation sur le manque de rigueur qu'on lui reprochait; il assimile en effet les infiniment petits des divers ordres à des grandeurs incomparables à cause de leur extrême inégalité, comme le serait un grain de sable par rapport au globe de la terre. Un tel langage, il faut l'avouer, ne signifie rien de précis et conduirait à confondre l'infiniment petit avec le très petit. Leibniz ressemble dans cette circonstance, dit Fontenelle, à un architecte qui a fait un bâtiment si hardi qu'il n'ose lui-même s'y loger, tandis que d'autres, plus confiants que lui, s'y logent sans crainte, et qui plus est, sans accident. Mais à cette citation, on doit ajouter que, la lettre de Leibniz n'étant pas écrite pour des géomètres, la concession qui semble trop timide n'était peut-être que prudente.
J. Bertrand.
PIERRE À AIGUISER
Robert Record (auquel nous devons le signe =, égale) a publié, en 1557, la seconde partie de son arithmétique, sous le titre de Whetstone of wit c'est-à-dire Pierre à aiguiser l'esprit. C'est un dialogue, et, l'élève étant surpris par les deux racines de l'équation du second degré, le maître lui répond: «Cette variété de racines fait voir qu'une seule équation peut servir à deux questions différentes. La nature de la question vous indiquera facilement laquelle de ces deux racines vous devez prendre; et il est des cas où vous pourrez les prendre toutes les deux.»
CHOSE
Les premiers algébristes italiens appelaient l'inconnue «la chose», de là le nom de cossites donné à ces initiateurs.
CHICANE
Qu'Euclide se donne la peine de démontrer que deux cercles qui se coupent n'ont pas le même centre, qu'un triangle renfermé dans un autre a la somme de ses côtés plus petite que celle des côtés du triangle dans lequel il est renfermé, on n'en sera pas surpris. Ce géomètre avait à combattre des sophistes obstinés, qui se faisaient gloire de se refuser aux vérités les plus évidentes; il fallait qu'alors la Géométrie eût, comme la logique, le secours des raisonnements en forme, pour fermer la bouche à la chicane.
Clairaut.
QUADRATURES ET RECTIFICATIONS
Je ne cite pas ici comme une véritable quadrature celle que découvrit Hippocrate de Chio d'un espace terminé par des arcs de cercle (lunules), qui retranchent d'un côté d'un espace rectiligne, ce qu'ils y avaient ajouté de l'autre; cette quadrature, et d'autres semblables que l'on a données depuis, ne sont que des espèces de tours de passe-passe.
Mais la subtilité d'Archimède lui fit trouver un espace curviligne véritable quarrable. C'était l'espace parabolique, dont il détermina exactement la mesure.
...........................
Découvrir, comme a découvert le subtil Bernoulli, que la circonférence du cercle est à son diamètre comme une quantité imaginaire (le logarithme de moins un) est à une autre quantité imaginaire (la racine carrée de moins un), ce n'est qu'un jeu d'esprit qui nous rejette dans des abîmes plus profonds que ceux dont nous voulions sortir.
...........................
Descartes, à qui la géométrie doit tant, sut qu'il y avait des courbes dont on déterminait les aires: mais il crut qu'il n'y en avait aucune dont on pût déterminer la longueur; et assura l'impossibilité de toute rectification. Cependant un géomètre qui n'était pas à lui comparer, rectifia une courbe qui porte encore son nom (la parabole de Neil); et bientôt après une infinité d'autres courbes furent rectifiées.
Maupertuis.
AVATAR DU NOMBRE
Voici, d'après Ed. Lucas, quelques-unes des transformations curieuses et subtiles du nombre: au début, on fit des marques sur les arbres et des stries sur les os des animaux; le nombre prit plus tard la forme digitale (Alcuin); il devint ensuite successivement mystique (Pythagore), nuptial (Platon); magique (Persans), abracadabrant (Zoroastre); premier ou composé, entier ou fractionnaire, commensurable ou incommensurable, exact ou approché (Euclide); triangulaire, carré, pentagonal, polygonal, pyramidal (Diophante); cubo-cubique (Indiens); ortho-triangulaire, congruent (Arabes); sourd, aveugle (Moyen-Âge); plaisant et délectable (Bachet), récréatif (Ozanam); indivisible (Cavalieri); différentiel, incrémentiel (Leibniz), fluent (Newton); exponentiel, logarithmique, rhabdologique (Neper); parfait, amiable, abondant, déficient, aliquotaire (Fermat, Frénicle, etc.); congru ou incongru (Gauss); complexe, idéal, norme (Kummer); réel ou imaginaire, équivalent, anastrophique (Cauchy); équipollent (Bellavitis); quaternion (Hamilton); enfin hypertranscendantal (Hermite).
AU BRÉSIL
La république a été proclamée au Brésil, le 15 novembre 1889. Le promoteur du mouvement révolutionnaire fut Benjamin Constant Botelho de Magalhâes, né en 1833 d'un père portugais et d'une mère brésilienne. Élève de l'École militaire puis astronome à l'Observatoire, il avait une aptitude distinguée pour les mathématiques. Il avait été classé le premier à la suite d'un concours pour une chaire de calcul infinitésimal.
QUADRATEUR
Au xviiie siècle, le chevalier de Caussans, prétendit avoir résolu la quadrature du cercle et déposa mille écus chez un notaire pour celui qui prouverait la fausseté de sa solution. Une dame fit la preuve et actionna Caussans devant le Châtelet. Les juges indulgents déclarèrent le pari nul et le quadrateur mourut dans l'impénitence finale.
«Ceux qui ne savent pas de mathématiques, dit La Caille, n'ont que trop souvent le malheur de trouver la quadrature exacte du cercle refusée aux autres.»
ÉRUDITS
Baïardi avait cherché le point du Ciel où Dieu plaça le soleil, lors de la création. «Il venait de découvrir ce point, dit l'abbé Barthélemy, et il me le montra sur un globe.»
Moreri affirme que: «Adam avait une profonde connaissance des sciences et surtout de l'astronomie dont il apprit plusieurs secrets à ses enfants, et il grava sur deux tables diverses observations qu'il avait faites sur le cours des astres.»
Ils croient savoir bien des choses, les érudits.
MOUJIK
Je ne dois savoir qu'une chose, ma langue et celle de l'Église, avec les lois du calcul; quant aux autres sciences, si j'en ai besoin, je les apprendrai moi-même.
Tolstoï.
CLUB
À la Société populaire de Colmar, Bach employa presque toute une séance à réfuter un citoyen du Mont-Adour qui avait envoyé un procédé pour évaluer exactement la racine carrée de 2. (Étude, de M. Véron-Réville, sur la Révolution dans le Haut-Rhin.)
CERCLE DE POPILIUS
Popilius, envoyé du peuple romain et porteur d'une sommation du Sénat à l'adresse d'Antiochus, traça un cercle autour de ce roi, en lui prescrivant de répondre, avant de sortir du cercle.
VIEUX COMPTE
Parmi les objets découverts par Lartet dans la célèbre grotte sépulcrale d'Aurignac, appartenant à la période quaternaire et à la fin de l'âge du Mammouth, on remarque une lame de bois de renne «présentant sur l'une de ses faces planes, de nombreuses raies transversales, également distancées, avec une lacune d'interruption qui les divise en deux séries; sur chacun des bords latéraux ont été entaillées de champ d'autres séries d'encoches plus profondes et régulièrement espacées. On serait tenté, dit Lartet, de voir là des signes de numération exprimant des valeurs diverses ou s'appliquant à des objets distincts.»
MARÉCHAL DE SAXE
Le maréchal est mort à cinquante-cinq ans et l'on s'est amusé à composer ainsi son épitaphe en vers blancs:
| Son courage l'a fait admirer de chac | 1 |
| Il eut des ennemis mais il triompha | 2 |
| Les rois qu'il défendit sont au nombre de | 3 |
| Pour Louis son grand cœur se serait mis en | 4 |
| Des victoires par an il gagna plus de | 5 |
| Il fut fort comme Hercule et beau comme Thyr | 6 |
| Pleurez, braves soldats, ce grand homme hic ja | 7 |
| Il mourut en novembre et de ce mois le | 8 |
| Strasbourg contient son corps en un tombeau tout | 9 |
| Pour tant de te Deum, pas un de profun | 10 |
| — | |
| 55 |
MÉTHODES
DÉMONSTRATIONS FAUSSES
1o Deux tétraèdres de bases équivalentes et de hauteurs égales sont équivalents: on partage la hauteur commune en beaucoup de parties égales, on mène des plans parallèles aux bases et l'on considère comme des prismes les troncs partiels extrêmement minces.—On n'a jamais le droit de considérer comme parallèles des droites qui dès leur origine diffèrent de direction.
2o Pour démontrer qu'une fraction qui a pour termes des nombres premiers entre eux est irréductible, il ne suffit pas de dire qu'alors on ne peut plus diviser les deux termes par un même nombre.—En effet, peut-être pourrait-on simplifier une fraction autrement que par voie de division, par exemple en retranchant aux deux termes des nombres convenables.
3o Il ne faut pas dire, pour arriver au volume de la sphère par la méthode des limites, qu'on inscrit à la sphère un polyèdre régulier dont on augmente indéfiniment le nombre des faces.—Il n'y a en effet que cinq polyèdres réguliers et celui qui a le plus de faces en a vingt.
DANS LA RUE
Chasles exagère un peu, lorsqu'il affirme, dans son Aperçu historique, qu'on ne peut se flatter d'avoir éclairé et réduit convenablement une théorie, tant qu'on ne peut pas l'expliquer en peu de mots à un passant dans la rue.
Poinsot déclare, de son côté, en parlant des mathématiques, que «ce n'est jamais assez simple».
Il faut pourtant reconnaître que certaines conceptions mathématiques ne deviendront jamais accessibles à tous. (Chimère de l'instruction intégrale.)
«Les hautes mathématiques, dit M. Richet, deviennent de plus en plus difficiles et il n'y a guère plus d'une vingtaine de personnes dans le monde qui soient en état de comprendre tous leurs développements.»
NOMBRE INDISPENSABLE
Voici un quatrain mnémonique pour retenir le rapport π de la circonférence au diamètre:
Que j'aime à faire apprendre un nombre utile aux sages!
Immortel Archimède, artiste ingénieur,
Qui de ton jugement peut priser la valeur?
Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.
Les nombres de lettres de chaque mot donnent les chiffres successifs.
π = 3,14159265....
Si l'on ne veut que les cinq premières décimales de π, retenir que: un quatre, un cinq font neuf.
Pour l'inverse, 1/π, souvent utile,
on peut se dire, sans faire de politique, que les trois journées de 1830 sont un 89 renversé.
SANS CHIFFRES
Je voudrais qu'on fît faire toute l'arithmétique aux enfants avant qu'ils connussent la forme d'un chiffre.
Heiss.
On raconte que Alcuin faisait compter jusqu'à dix mille, avec les dix doigts.
Il vaut mieux compter de tête, en se rappelant que le calcul mental commence par la gauche, c'est-à-dire par les unités les plus fortes.
Voici une boutade d'un anonyme sur les chiffres:
Le nombre, réduit à la condition de chiffre, a cessé d'être l'Ordre et a perdu sa vertu surnaturelle.
...........................
Quand l'huissier griffonne ses sommations, la blanchisseuse ses mémoires, l'épicier ses factures, quand le traiteur enfle l'addition de ses menus, ce sont des chiffres que je vois tomber de toutes parts; je relève le front et regarde les cieux, ce sont les nombres que j'y vois resplendir.
Nemzetseg.
NUMÉROTAGE
Ces signes + et - me rappellent ces poteaux qui indiquent au piéton la route qu'il doit suivre; et, si j'en crois mes jambes, une lieue à droite est aussi longue qu'une lieue à gauche.
Dans les villes, ces poteaux sont remplacés par des plaques où sont inscrits les noms des rues et les numéros des maisons. À Paris, par exemple, lorsqu'on va de la Bastille à la Madeleine, on rencontre successivement sur les boulevards: la rue du Temple à gauche en même temps que la rue du Faubourg-du-Temple à droite, puis les rues Saint-Martin et du Faubourg-Saint-Martin, etc.
Eh bien! l'algèbre donne à la Ville de Paris un moyen bien simple de supprimer ce nom de faubourg qui ne saurait convenir à de belles rues qui ne sont pas au-delà de son enceinte. Pour cela, il suffit de donner, par exemple, le signe + aux numéros de la rue Montmartre, et le signe-à ceux de la rue dite Faubourg-Montmartre. La chose une fois convenue, on pourra effacer le mot faubourg sans le moindre inconvénient.
Redouly.
En chronologie, on considère comme positives les dates postérieures à Jésus-Christ et comme négatives celles qui sont antérieures.
LE POSTULATUM
Le postulatum des parallèles fait, depuis tant de siècles, le scandale de la géométrie et le désespoir des géomètres.
d'Alembert.
Au commencement de ce siècle, Lobatschewski et Bolyai ont enfin établi l'impossibilité de la démonstration du postulatum d'Euclide.
Autre aspect de la question:
Les lignes parallèles peuvent être considérées selon deux notions différentes: l'une négative et l'autre positive. La négative est de ne se rencontrer jamais, quoique prolongées à l'infini. La positive est d'être toujours également distantes l'une de l'autre.
On a ainsi essayé de faire la théorie des parallèles en les définissant par l'équidistance: la difficulté ne serait que déplacée.
DÉSORIENTÉ
Un élève commençait une démonstration du premier livre de géométrie en disant: «je prends le milieu de la droite AB...», lorsqu'il fut interrompu par cette objection: «Vous n'êtes pas censé savoir prendre le milieu d'une droite, c'est une construction du second livre.»
SYSTÈMES DE NUMÉRATION
Le système décimal est adopté par tous les hommes, à cause des dix doigts de la main.
Leibniz admirait beaucoup le système binaire.
Il a été publié une arithmétique tétractique, c'est-à-dire à base quatre.
Le Protée d'Homère comptait par cinq les phoques qu'il conduisait.
Huit a eu des partisans, mais c'est douze qui a le plus lutté contre dix: on a fait justement remarquer les nombreux facteurs de douze, mais Lagrange a répliqué plaisamment que si l'on prenait la base onze et en général un nombre premier, toutes les fractions auraient le même dénominateur!
Auguste Comte remarque qu'on pourrait, pour compter, tirer meilleur parti des doigts divisés en phalanges et il compare le pouce et les autres doigts au caporal commandant ses quatre hommes.
«Une arithmétique, dont l'échelle aurait eu le nombre douze pour racine, aurait été bien plus commode, les plus grands nombres auraient occupé moins de place, et en même temps les fractions auraient été plus rondes; les hommes ont si bien senti cette vérité, qu'après avoir adopté l'arithmétique dennaire, ils ne laissent pas de se servir de l'échelle duodénaire; on compte souvent par douzaines, par douzaines de douzaines ou grosses; le pied est dans l'échelle duodénaire la troisième puissance de la ligne, le pouce la seconde puissance. L'année se divise en douze mois, le jour en douze heures, le zodiaque en douze signes, le sou en douze deniers: toutes les plus petites mesures affectent le nombre douze, parce qu'on peut le diviser par deux, par trois, par quatre et par six...
Buffon.
On a des exemples d'animaux qui, attachés à une meule, à un tourne-broche, à une corde de puits, etc., apprennent à calculer leur tâche avec la dernière précision. Ces animaux n'ont aucun système de numération, comment donc savent-ils compter?
Proudhon.
UN IRRÉGULIER
Que faisiez-vous dans l'allée des soupirs?
—Une assez triste figure.
—Au sortir de là vous battiez le pavé.
—D'accord.
—Vous donniez des leçons de mathématiques.
—Sans en savoir un mot. N'est-ce pas là que vous voulez en venir?
—Justement.
—J'apprenais en montrant aux autres et j'ai fait quelques bons élèves.
Diderot.
Le paradoxal écrivain affirme ailleurs qu'il est plus facile d'apprendre la géométrie que d'apprendre à lire.
On trouve dans ses œuvres complètes cinq mémoires de mathématiques.
ÉGOÏSME
Il me disait: Quand vous aurez trouvé une nouvelle vérité mathématique ou la solution d'une question importante, gardez-vous d'en simplifier l'exposition. Présentez-la, au contraire, avec toute sa complication originelle. Vos contemporains apprécieront d'autant mieux votre découverte qu'ils auront plus de peine à la bien saisir. Il est vrai que l'avenir lui restituera toujours sa véritable valeur; mais la belle avance, si ceux avec lesquels vous devez vivre, trompés par l'imprudente simplification que vous serez parvenu à lui donner, l'accueillent comme une niaiserie! N'imitez donc ni Lagrange, ni Poinsot, suivez plutôt l'exemple de Laplace et celui de Poisson, dont la lucidité n'atteignait toute sa perfection que lorsqu'ils exposaient les travaux des autres...
... C'est une véritable duperie que de se livrer à des travaux toujours très pénibles et très difficiles de concentration et de simplification. Si leur publication a pour effet d'accélérer notablement l'œuvre scientifique d'une époque, c'est toujours au détriment de l'auteur qui semble d'autant moins profond mathématicien qu'on le lit plus facilement.
Lamé.
En d'autres termes: plus on est obscur, plus on paraît savant.
UN NOUVEL ENSEIGNEMENT
Tous les hommes apportent en naissant la faculté des mathématiques. Elle se développe chez quelques-uns et s'atrophie, chez la plupart, par défaut d'exercice et d'enseignement. Le but de cette faculté est la découverte successive des lois qui régissent le monde.
Cela posé, cherchons quel mode d'enseignement peut accroître le nombre de géomètres inventeurs, les diriger vers le but signalé, et cela le plus promptement possible...
Le nouvel enseignement doit essentiellement satisfaire aux deux conditions suivantes:
1o Écarter à tout jamais la division de la science en Mathématiques pures et en Mathématiques appliquées.
La première classe n'existe plus aujourd'hui. L'arithmétique est éminemment pratique; la théorie des nombres elle-même retrouve ses plus beaux théorèmes dans l'étude des vibrations. La Géométrie et la Mécanique sont deux branches de la Physique mathématique qui étudient deux propriétés distinctes de la matière, l'étendue et le mouvement. L'Algèbre, le Calcul différentiel, ne sont que les instruments analytiques, indispensables, inséparables, de toutes les théories physiques, ceux qui conduisent aux lois les plus générales des phénomènes qu'on étudie. Le Calcul intégral, traité isolément, est un non-sens, car chacun de ses progrès a son origine naturelle dans une application.
2o Présenter toutes les parties de chaque science à l'aide de leurs propres méthodes d'invention, en se gardant soigneusement de ne parler que des méthodes d'après-coup ou de pure vérification, dites plus rigoureuses, mais complètement stériles.
Il ne saurait exister de méthode générale pour inventer. Chaque découverte a la sienne, qui lui est propre et même exclusive. Le seul moyen d'exercer l'esprit de recherche consiste à retracer toutes les découvertes déjà connues, telles qu'elles ont été faites. La multiplicité de ces exemples peut seule éveiller la faculté d'en accroître le nombre. Et si, dans la série des méthodes d'invention, l'Analyse et la Géométrie agissent, tantôt réunies, tantôt isolées, il faut conserver religieusement cet ordre naturel.
Lamé.
C'est en vain qu'on espère un grand profit dans les sciences en greffant toujours sur le vieux tronc que l'on surcharge; il faut tout renouveler, jusqu'aux plus profondes racines, à moins que l'on ne veuille toujours tourner dans le même cercle, avec un progrès sans importance et presque digne de mépris.
Bacon.
Tout ce qu'on peut espérer des bases actuelles a été ressassé, et l'on tombera toujours dans la même ornière. Il faut refaire la science, la placer sur un nouveau piédestal, en tirer toutes les conséquences, sauf à intercaler les anciens résultats. On ne peut envisager une théorie sous un nouveau point de vue, sans qu'il en découle une foule de résultats inattendus, et il serait à désirer que ce fût un homme nouveau, qui fût étranger au mouvement et au progrès des sciences et n'en connût que les premiers éléments, qui s'en occupât.
Laplace.
MATHÉMATIQUES DE ROBINSON
Nous soumettons à M. Tissandier, directeur du journal La Nature, une idée qui lui sourira. Il a enseigné avec succès la mécanique, la physique et la chimie à l'aide d'expériences amusantes. Ne pourrait-il pas, sans théorie abstraite, donner aussi un aperçu des mathématiques, à l'aide de problèmes faciles et piquants?
TROP SCRUPULEUX
Quelques savants semblent trouver banales et incomplètes les propositions et les démonstrations habituelles. Ils ont un goût maladif pour le difficile, le rare, l'exceptionnel. Ils font penser à un naturaliste qui n'étudierait que les monstres et à un casuiste qui se chercherait toujours des péchés.
BALANCE FAUSSE
Chaque jour on pèse très exactement avec une balance fausse, en procédant par la méthode des doubles pesées, due à Borda; aucune pesée un peu précise ne se fait autrement.
PHOTOGRAPHIES CÉLESTES
Les cartes célestes exigent un très grand nombre de mesures précises. On se borne maintenant, grâce aux frères Henry, à photographier le ciel avec toutes ses étoiles. Un congrès d'astronomes s'est réuni à l'Observatoire de Paris pour régler tous les détails de l'ingénieuse opération.
Voir La carte photographique du ciel, par Ch. Trépied, dans les nos du 30 août et du 15 septembre 1892 de la Revue générale des sciences.
MESURE DE LA SIMPLICITÉ
Voici en gros comment M. Em. Lemoine procède à cette mesure qui semble paradoxale.
La simplicité d'une démonstration dépend du nombre des syllogismes par lesquels on déduit des vérités premières le théorème considéré.
La simplicité d'une construction dépend du nombre des constructions élémentaires à l'aide desquelles on résout le problème proposé.
Ne pas considérer toujours une démonstration et une construction comme d'autant plus simples qu'elles s'expriment dans un langage plus simple.
MOUVEMENT PERPÉTUEL
Supposons qu'une machine ait été mise en mouvement d'une manière quelconque, et que les forces mouvantes viennent à disparaître. Alors à cause des résistances passives qu'on ne peut éviter, la vitesse de la machine ira en diminuant et finira par devenir nulle. Il est chimérique de chercher à construire une machine qui puisse se passer de moteur.
VRAI MAXIMUM
En mathématiques, le maximum peut ne pas être la plus grande de toutes les valeurs et le minimum peut être plus grand que le maximum: c'est qu'on compare chaque valeur seulement aux valeurs infiniment voisines de part et d'autre. Ainsi les mathématiciens diront que le carré inscrit dans un carré donné n'a pas de maximum et cependant il est clair qu'il ne peut surpasser le carré primitif.
D'ABORD LA SPHÈRE
C'est par la sphère qu'il conviendrait, paraît-il, de commencer la géométrie, parce que son étude est indépendante du postulatum d'Euclide (?). De la géométrie et de la trigonométrie sphériques, on déduirait ensuite la géométrie et la trigonométrie planes.
MOINS QUE RIEN
«Cet homme possède moins que rien» est une locution populaire, pour dire qu'il a des dettes.—«Retirer 4 fois une dette de 12 fr. c'est ajouter 4 fois 12 francs», ce qui correspond à (-12) × (-4) = + (12 × 4).—On a rappelé aussi pour justifier la règle moins par moins que «deux négations valent une affirmation.»
LOUPS
Dans un prochain avenir, le fantôme des imaginaires aura disparu des écoles françaises, comme autrefois les loups furent chassés d'Angleterre.
J.-F. Bonnel.
L'imaginaire tend à absorber le réel, de même que le général comprend le particulier. Peut être faudrait-il changer des dénominations étroites et vieillies?
SERRURIER
La collection des théorèmes peut-être comparée à une sorte de trousseau de clefs que l'on essaye aux serrures à secret des problèmes, mais un habile serrurier n'essaye que quelques-unes des clefs.
ERRATUM
M. Poincaré vient de démontrer que les séries servant à calculer les perturbations, en Mécanique céleste, sont divergentes, quoique leurs premiers termes forment des suites convergentes. Ces séries permettent bien de prévoir les mouvements et les positions des astres, plusieurs années à l'avance, mais elles n'assurent plus la stabilité indéfinie du système du monde. (Voir Les Méthodes nouvelles de la Mécanique céleste.)
PROCÉDÉ SINGULIER
Pour trouver le rapport de la circonférence au diamètre, tracez des parallèles équidistantes, prenez une aiguille cylindrique de longueur moindre que l'équidistance des parallèles et jetez-la, au hasard, un grand nombre de fois, sur les parallèles. Comptez combien de fois l'aiguille rencontre l'une quelconque des parallèles et multipliez le rapport de ce nombre au nombre total des jets par le double du rapport de la longueur de l'aiguille à l'équidistance des parallèles.
RÉFORMONS
Écoutez: Jeunes élèves, on vous trompe!
La meilleure sphère n'est pas la sphère d'Archimède!
Disons plus et disons mieux: il n'y a pas de sphère, il n'y a que l'équidomoïde!
C'est-à-dire que la sphère n'a pas droit à une existence indépendante, elle n'est que le corollaire de l'équidomoïde.
L'équidomoïde est le générateur polygonal de la sphère.
Écrivons et méditons ceci:
Équidomoïde : sphère :: prisme : cylindre.
L. Hugo.
L'auteur appelle équidomoïde un cristalloïde dont les onglets sont concaves vers l'axe.
CALCUL INFAILLIBLE
Nos calculs n'ont pas tant besoin que l'on pense d'être éclairés; ils portent avec eux une lumière propre et c'est d'ordinaire de leur sein même que sort toute celle que l'on prétend répandre sur eux.... Ce n'est pas le calcul qui nous trompe, quand il est bien fait; il n'a pas besoin d'être appuyé par des raisonnements; mais, d'ordinaire, ce sont les raisonnements qui nous trompent, et qui ne doivent nous déterminer qu'autant qu'ils sont appuyés par le calcul.
Saurin.
Le calcul est un raisonnement abrégé et il ne vaut que par le raisonnement qu'il condense.
CITÉ MODÈLE
Savez-vous pourquoi Platon exige que sa ville idéale se compose de cinq mille quarante citoyens libres, ni plus ni moins? C'est que cet heureux nombre est exactement divisible par les dix premiers nombres!
PERRUQUIERS
Grâce à une ingénieuse préparation des formules et à un système de vérification réciproque des calculs, de Prony est parvenu à faire exécuter, par des hommes fonctionnant comme des machines, les magnifiques tables de logarithmes du cadastre. Il put employer, dit-on, à ce travail peu récréatif les garçons perruquiers que la suppression de la poudre et des queues avait laissés sans ouvrage, dans le cours de la Révolution.
W. de Fonvielle.
MESURES SUBTILES
Buffon dit dans la préface de son Arithmétique morale: «La mesure des choses incertaines fait ici mon objet: je vais tâcher de donner quelques règles pour estimer les rapports de vraisemblance, les degrés de probabilité, le poids des témoignages, l'influence des hasards, l'inconvénient des risques, et juger en même temps la valeur réelle de nos craintes et de nos espérances.»
VUE DIRECTE
L'esprit de calcul émousse toujours le génie: or, c'est le génie qui fait les véritables découvertes; le calcul, à la vérité, facilite les choses, aide à développer, à étendre, à épuiser ce que l'on a déjà trouvé; mais il y a beaucoup de mécanique à tout cela, et pour ce qui s'appelle découvrir, il faut voir, pénétrer, ce qui est l'affaire du génie.
Le P. Castel.
ALLÉGORIE
On peut comparer le calcul dans la Géométrie, aux troupes auxiliaires dans les Armées romaines. Tant que ces troupes ne furent qu'auxiliaires et le tiers tout au plus d'une Légion, Rome s'agrandit et conquit l'Univers. Mais la Paresse gagna les Légions avec les richesses des Nations. On déposa donc le casque, la cuirasse et le courage; et les troupes étrangères et barbares, les Huns, les Goths, les Visigoths, les Arabes sous le nom d'Auxiliaires, gagnèrent les Armées, les remplirent, les anéantirent, et, le tiers, devenant le tout, le tout fut réduit à rien et il n'y eut plus d'Empire romain.
C'est le train que prend la Géométrie, depuis qu'elle est métamorphosée en calcul arabe et presque ostrogoth et que le tiers y est devenu aussi le tout. La tête presque délivrée du soin de penser, devient paresseuse et l'esprit laisse aller les doigts: on se repose de tout sur les formules.
Le P. Castel.
À TOUTES LES SOURCES
À l'Association Britannique pour l'Avancement des Sciences, en 1868, il y eut un curieux débat entre deux professeurs célèbres.
Le naturaliste Huxley, suivant l'opinion traditionnelle, affirma que la Science Mathématique est seulement déductive et qu'elle n'emprunte rien à l'observation, rien à l'expérience, rien à l'induction. Alors le mathématicien Sylvester répliqua, avec vivacité et humour, que l'Analyse mathématique invoque constamment le secours de nouveaux principes, d'idées nouvelles et de nouvelles méthodes; qu'elle fait un appel incessant aux facultés d'observation et de comparaison; que son arme principale est l'induction; enfin qu'elle offre un champ illimité à l'exercice des plus hauts efforts de l'imagination et de l'invention. À l'appui de sa thèse hardie, Sylvester cita l'exemple de Lagrange, si profondément convaincu de l'importance, pour le mathématicien, de la faculté d'observation; celui de Gauss appelant les Mathématiques la science de l'œil; celui de Riemann considérant l'espace, non comme une forme de l'entendement, mais comme une réalité physique objective. Il dit avoir trouvé lui-même jusque dans ses conceptions les plus abstraites, un fond géométrique et finit par conclure que la plupart, sinon la totalité, des grandes idées mathématiques, ont leur origine dans l'observation.
PARTAGE
Un chasseur, riche et affamé, rencontre deux bergers; l'un avait cinq fromages et l'autre trois qu'ils allaient manger. Le chasseur déjeune avec les bergers puis il leur donne huit pièces d'or, pour payer les huit fromages. Il s'agit de partager cet or inattendu.
Le premier berger dit qu'il prendrait cinq pièces et laisserait les trois autres à son camarade.—Ce dernier répliqua qu'il fallait d'abord partager également les pièces, quatre à chacun, et que, lui, il rembourserait le prix d'un fromage.—L'instituteur dut les mettre d'accord: Vous avez partagé chaque fromage en trois parts égales, et vous avez mangé, le chasseur et vous, chacun huit parts. Vous, le premier berger qui aviez cinq fromages ou quinze parts, vous en avez cédé sept au chasseur. Vous, le second berger, qui n'aviez que trois fromages ou neuf parts, vous n'avez pu qu'en donner une au chasseur. Le premier de vous a donc gagné sept pièces d'or et le second une seule.—Qu'aurait fait le juge de La Fontaine? Il se serait fait d'abord remettre les huit pièces; il en aurait cédé une au greffier qui aurait payé les fromages aux bergers et gardé la monnaie. Quant à lui, le juge, il se serait payé avec les sept autres pièces d'or.
SIMULTANÉMENT
J'ai abandonné la distinction d'usage entre la géométrie plane et la géométrie dans l'espace. Outre qu'elle n'est pas dans la réalité des choses, puisque la nature ne nous offre que des figures dans l'espace, elle met un long intervalle entre la théorie de la ligne droite et celle du plan, dont chacune cependant est nécessaire à la parfaite intelligence de l'autre; elle nécessite même une interruption dans l'étude de la ligne droite. Enfin, elle est encore plus nuisible dans l'enseignement professionnel, car la pratique des arts réclame bien plus la connaissance des principales combinaisons de droites et de plans, que celle de propositions théoriques comme les propriétés des sécantes du cercle. Ces inconvénients m'ont paru surpasser de beaucoup les avantages que cette méthode peut avoir comme artifice didactique; si elle divise et aplanit un peu les premières difficultés de la Géométrie, on ne peut nier qu'elle soit pour beaucoup dans la lenteur que mettent les élèves à acquérir la faculté de lire dans l'espace.
C. Méray.
PARAPLUIES
Un marchand de parapluies, de la Xaintrie (Corrèze), meurt en laissant trois fils et un testament ainsi conçu: Je lègue 17 parapluies à mes trois fils et je stipule que l'aîné en aura la moitié, le second le tiers et le troisième le neuvième.—Grand embarras des fils qui ne savent comment réduire des parapluies en fractions. On s'en rapporte au notaire qui, aussi malin que Salomon, commence par emprunter un 18e parapluie, puis effectue ainsi le partage: l'aîné reçoit la moitié de 18, soit 9 parapluies; le second le tiers, soit 6; le troisième le neuvième, soit 2; total 17. L'opération faite, le notaire rend le parapluie qu'il avait emprunté et les héritiers ont la satisfaction d'avoir reçu plus qu'il ne leur revenait.
SERPENT D'ÉGLISE
La vérité d'une proposition est absolument indépendante du tracé de la figure. Ce n'est jamais à cette figure, bien ou mal exécutée, que s'applique le raisonnement ou la démonstration, mais toujours au contraire à la figure idéale dont le tracé est et ne peut être qu'une représentation grossière, propre à aider l'intelligence et à soulager la mémoire... L'un de mes principaux soins dans mes leçons, c'est d'éviter cette erreur à mes élèves... Je repousse comme une peste, les règles, les équerres, les compas et je trace des figures très informes et en pleine contradiction avec l'énoncé. Je fais des lignes droites grosses de toute la largeur de la craie et droites comme un serpent d'église.
Delezenne.
Ne pas suivre ce mauvais exemple.
LIGNES DE L'ÉQUERRE
Un jour, Delezenne, professeur à Lille, montrant une équerre à ses élèves, leur demanda combien de lignes elle offrait. Les réponses se croisèrent: trois, six, neuf. Faidherbe, le futur général, trouva qu'en ajoutant aux neuf lignes de l'équerre, considérée comme un volume, les deux circonférences du trou, on obtenait onze lignes. C'était la réponse que le professeur attendait et il augura bien de l'avenir scientifique du jeune Faidherbe.
IRRATIONNEL
Je ne connais rien de plus insupportable en mathématiques que les nombres irrationnels; leur introduction en arithmétique est un véritable scandale; dans ce domaine si élémentaire, à côté de cette notion du nombre entier qui est la plus claire du monde, à côté de ces propositions si précises, de ces démonstrations si nettes que les plus grands mathématiciens ont pris à cœur d'accroître et de simplifier, et qui ont toute la beauté, toute la perfection de celles que les Grecs nous ont léguées, voici venir tout le cortège du transcendant et de l'infini. C'est là, non ailleurs, que sont condensées toutes les difficultés des idées de limite, de convergence, de continuité. Que faire pourtant si l'on veut seulement écrire V2 + V3? Nous n'y pouvons rien, et c'est en vain qu'on se révoltera: cette idée de l'infini est dans la nécessité des choses; on la réduira si l'on veut à ses termes les plus simples, à dire qu'après un nombre entier il y en a un autre, on ne s'en débarrassera pas, pas plus en Arithmétique qu'ailleurs.
À vrai dire, la sagesse est de reconnaître les difficultés là où elles sont, et l'honnêteté dans l'enseignement ne consiste pas à dire tantôt on verra plus tard, tantôt on a déjà vu, sans jamais rien montrer..... À chaque longueur est attaché un nombre rationnel ou non; à chaque nombre rationnel ou non, une longueur est attachée: cette longueur sert à définir l'égalité, comme l'addition et la soustraction: d'ailleurs, on montre comment on peut se passer de cette considération concrète, au moyen d'opérations arithmétiques effectuées sur des nombres rationnels, et poursuivies jusqu'à l'infini.
J. Tannery.
OBJECTIONS
MOYEU DE LA ROUE
Mairan, successeur de Fontenelle comme secrétaire de l'Académie des Sciences, eut, nous l'avons déjà dit, une discussion avec Madame du Châtelet sur les forces vives et ce fut Madame de Geoffrin qui le calma: «Que pensera-t-on de vous, si vous tirez l'épée contre un éventail?» Nous lisons dans un éloge de cet estimable savant quelques lignes sur un vieux paradoxe:
On savait bien qu'un cercle qui avance en ligne droite sur un plan, et qui tourne en même temps autour de son centre, décrit sur ce plan une ligne droite égale à sa circonférence. Lorsque ce cercle emporte avec lui un plus petit cercle qui lui est concentrique, et qui n'a pas d'autre mouvement que celui qu'il emprunte au premier (ce qu'on voit dans une roue de carrosse, qui emporte son moyeu), celui-ci décrira une ligne droite égale non à sa circonférence, mais à celle de la roue, puisque c'est le même centre qui avance en ligne droite, dans l'un et l'autre cas. Mais comment concevoir que la petite roue, quoique plus petite, puisse parcourir autant de chemin que la grande? Aristote avait senti cette difficulté sans la résoudre; Galilée... l'avait tenté en vain; elle va s'évanouir devant le génie de Mairan. Il démontrera que la petite roue a un autre mouvement que le roulement, le mouvement de glissement ou de razion; mouvement qui ne doit point paraître puisqu'il est mêlé avec le roulement per intimâ, et qu'il l'affecte à chaque instant infiniment petit. Ainsi, Mairan parvint à résoudre ce problème qui avait paru insoluble à Aristote et à tous les savants.
MOINS PAR MOINS
Il ne faudra plus dire que moins par moins donne plus, fausse règle qui a toujours choqué l'oreille et la raison, mis en déroute les plus fameux calculateurs, occasionné des contestations et des disputes interminables sur les quantités négatives, les racines imaginaires, le cas irréductible, les exposants et les logarithmes négatifs, etc.
Porro.
L'oreille est peut-être choquée, mais non la raison, puisqu'on constate le fait, dans la multiplication algébrique.
OBJECTION
Dans la proportion -1/1 = 1/-1, le premier terme est plus petit que le second, tandis que le troisième est plus grand que le quatrième, ce qui est contradictoire.
d'Alembert.
On peut tirer de la proportion précédente
d'où
(V-1)2 = (V1)2
- 1 = 1.
Un nombre positif égal à un nombre négatif! Continuons et ajoutons 2 aux deux membres
- 1 + 2 = 1 + 2
ou enfin
1 = 3.
Conclusion visiblement fausse.
Variante: Partons de
4 - 10 = 9 - 15
Nous en concluons
(2 - 5/2)2 = (3 - 5/2)2
donc
2 = 3!
IMAGINAIRE ÉGAL AU RÉEL
D'après les règles ordinaires du calcul, on aurait
,
résultat contradictoire, puisque, si a est positif, le premier membre est imaginaire et le second réel.
TOUS LES NOMBRES SONT ÉGAUX
Posons
a - b = c,
multiplions les deux membres par a - b, il vient
(a - b)(a - b) = ca - cb
d'où
a(a - b - c) = b( a - b - c)
et enfin
a = b.
LE CAS IRRÉDUCTIBLE
On doit à Cardan (qui l'avait dérobée à Tartaglia) une formule exprimant les trois racines de l'équation du troisième degré, mais, dans le cas où les trois racines sont réelles, la formule, les présentant sous une forme compliquée d'imaginaires, n'est plus utile.
ASYMPTOTES
Je lui répliquay lors que j'aimois mieulx suyvre les effects que la raison. Or ce sont choses qui se chocquent souvent: et l'on ma dict qu'en la géométrie (qui pense avoir gaigné le hault poinct de certitude parmi les sciences), il se trouve des démonstrations inévitables, subvertissant la vérité de l'expérience: comme Jacques Peletier me disoit chez moy, qu'il avoit trouvé deux lignes s'acheminant l'une vers l'autre pour se joindre, qu'il vérifioit toutesfois ne pouvoir jamais, jusques à l'infinité, arriver à se toucher.
Montaigne.
Il n'y a aucun mystère dans l'existence des asymptotes.
DEMI-CIRCONFÉRENCE
Ayant divisé le diamètre d'une demi-circonférence en un certain nombre de parties égales, et décrit sur chacune des parties comme diamètre une demi-circonférence, il est facile de voir que la grande demi-circonférence est égale à la somme des autres. Cela est vrai, quelque nombreuses que soient les divisions du diamètre, et par suite vrai encore à la limite, lorsque la somme des petites demi-circonférences s'est réduite au diamètre de la demi-circonférence primitive.—Donc toute demi-circonférence est égale à son diamètre.
Paradoxe analogue suivant lequel un côté d'un triangle serait égal à la somme des deux autres.
L'explication consiste en ce que la limite d'un nombre infini de parties peut ne pas être égale à la somme des limites. Ainsi, divisez un rectangle en petits rectangles égaux très minces dont vous augmenterez indéfiniment le nombre, alors chaque rectangle tendra vers zéro et pourtant leur somme ne sera pas nulle, puisqu'elle égale toujours le rectangle total.
SÉRIE ÉTRANGE
Posons
x = 1 - 1 + 1 - 1 + .....
Il vient successivement
x = 1 - (1 - 1 + 1 - 1 + .....) = 1 - x
d'où
2x = 1
x = ½
Ainsi, en additionnant ou en soustrayant des nombres entiers, on obtiendrait une fraction.
La faute provient de ce que la série n'est pas convergente; la somme des termes est alternativement 1, 0, 1, 0, etc.
TORTUE D'ACHILLE
Le sophiste Zénon prouvait ainsi qu'Achille ne rattrapera jamais la tortue, qui a une lieue d'avance, quoiqu'il marche dix fois plus vite: lorsqu'Achille a fait la première lieue, la tortue a fait 1/10 de lieue et garde ainsi une avance de 1/10 de lieue; lorsqu'Achille fait ce 1/10 de lieue, la tortue fait un 1/10 de ce dixième de lieue et garde ainsi une avance de un centième de lieue; lorsqu'Achille fait ce centième de lieue, la tortue fait 1/10 de ce centième et garde ainsi une avance de un millième de lieue, etc., indéfiniment. La tortue ne sera jamais atteinte, puisqu'elle aura toujours une avance égale au dixième du chemin qu'aura parcouru Achille.
Quiconque connaît la limite de la somme des termes d'une progression géométrique décroissante voit le vice de ce singulier raisonnement.
Consulter le mémoire de M. Brochard sur les arguments de Zénon contre le mouvement. Outre l'Achille, il y en a trois autres: la Dichotomie, la Flèche, et enfin le Stade.
Voir aussi l'étude de M. Frontera sur le même sujet.
DIMINUER EN MULTIPLIANT
Tous les arithméticiens déclarent qu'en multipliant un nombre par une fraction proprement dite on le diminue.
M. Berdellé propose de remplacer les mots multiplier et multiplication par les mots prorater et proratation.
L'HEURE EN EUROPE
La France a conservé, jusqu'à nouvel ordre, son heure nationale, d'après le méridien de Paris. Les autres nations européennes viennent d'adopter le système américain des fuseaux, d'après lequel il y a, à partir de Greenwich, trois zones d'heure, celles de l'ouest, du centre et de l'est. Par suite, en passant maintenant de France en Suisse, l'heure avance brusquement de 50 minutes 30 secondes.
Un Français allant à Constantinople a le plaisir de changer trois fois d'heure. Il paraît vieillir par soubresauts. La vitesse de l'Express-Orient est surpassée dans le cas suivant, où le paradoxe s'aiguise à outrance.
Sans télégraphe ni chemin de fer, Alexandre Dumas fils voyage très vite:
«Si avec une voiture à deux chevaux je vais de Paris à Saint-Cloud en une demi-heure, avec quatre chevaux j'y serai en un quart d'heure, avec huit chevaux j'y serai tout de suite, avec seize chevaux me voilà revenu avant d'être arrivé et même avant d'être parti.»
ANTIPODES
Jamais vous ne persuaderez à un ignorant que d'autres hommes marchent les pieds et la tête opposés à ses propres pieds et à sa propre tête. Le poète Lucrèce, quoique sans préjugés, affirme que la doctrine des antipodes est une folie.
JOUR PERDU OU GAGNÉ
Voici quelques détails sur l'erreur de date que commirent à leur retour les premiers navigateurs qui firent le tour du monde. Le Portugais Magellan, parti le 20 septembre 1519, traversa l'Atlantique, rencontra la côte orientale de l'Amérique, découvrit au sud de ce continent le détroit qui porte son nom, aborda aux îles Philippines, et fut tué dans l'une d'elles, l'île Zébu, par les naturels. L'expédition fut continuée par l'un de ses compagnons, Sébastien del Cano, qui ramena les matelots par le cap de Bonne-Espérance. À leur retour en Europe, le livre de bord marquait le 5 septembre 1522, et cependant la véritable date était le 6 septembre. C'est que les navigateurs, ayant fait le tour de la terre vers l'ouest, c'est-à-dire en sens contraire de la rotation du globe, avaient accompli une révolution de moins autour de la ligne des pôles que s'ils étaient restés en place; ils avaient vu un lever et un coucher de soleil de moins. De même les voyageurs qui font le tour du monde vers l'est tournent une fois de plus qu'un point fixe du globe autour de l'axe terrestre, et comptent un jour de plus.
Pour éviter les erreurs de ce genre, il est de règle dans la navigation d'avancer ou de retarder la date d'un jour lorsqu'on franchit le 180e degré de longitude vers l'ouest ou vers l'est: le méridien qui répond à cette longitude s'appelle ligne de démarcation.
On lit dans Le tour du monde en 80 jours, de Jules Verne:
Philéas Fogg avait «sans s'en douter» gagné un jour sur son itinéraire,—et cela uniquement parce qu'il avait fait le tour du monde en allant vers l'Est, et il eût au contraire perdu ce jour en allant en sens inverse, soit vers l'Ouest.
En effet, en marchant vers l'Est, Philéas Fogg allait au-devant du soleil, et, par conséquent, les jours diminuaient pour lui d'autant de fois quatre minutes qu'il franchissait de degrés dans cette direction. Or on compte trois cent soixante degrés sur la circonférence terrestre, et ces trois cent soixante degrés multipliés par quatre minutes, donnent précisément vingt-quatre heures,—c'est-à-dire ce jour inconsciemment gagné. En d'autres termes, pendant que Philéas Fogg, en marchant vers l'est, voyait le soleil passer quatre-vingts fois au méridien, ses collègues restés à Londres ne le voyaient passer que soixante-dix-neuf fois. C'est pourquoi, ce jour-là même, qui était le samedi et non le dimanche, comme le croyait M. Fogg, ceux-ci l'attendaient dans le salon de Reform-Club.
CONTOURS TROMPEURS
Des géographes ont été repris par les géomètres, pour avoir cru que la dimension des îles était suffisamment indiquée par le circuit de la navigation. En effet, plus une forme est parfaite, plus elle a de capacité. Si donc le contour figure une circonférence, qui est la courbe plane la plus parfaite, elle embrassera un plus grand espace, que si elle trace un carré d'égale longueur; à son tour le carré en renfermera plus que le triangle, et le triangle à côtés égaux, plus que le triangle à côtés inégaux.
Quintilien.
SOPHISMES SIMPLES
1o Le tas de blé: un grain de blé ajouté à un autre grain de blé ne fait pas un tas; un autre grain ajouté ne le fait pas non plus, et ainsi de suite; donc on ne fera jamais un tas de blé avec des grains de blé.
2o Le chauve: en ôtant un cheveu à une tête garnie de cheveux, on ne rend pas un homme chauve; en en ôtant deux, trois, pas davantage; donc on peut lui ôter tous les cheveux de la tête sans le rendre chauve.
COLOMBE
Les corps lancés de haut en bas, tandis que la terre tourne et s'éloigne, ne devraient pas retomber au point d'où ils sont partis.
Cette objection des ignorants en mécanique a été poétisée par Buchanan dans son poème sur La Sphère: «La tourterelle n'oserait quitter son nid et s'élever dans l'air dans la crainte de ne plus revoir ses petits.»
MOUVEMENT SINGULIER
On établit, très simplement et très exactement, que dans l'hypothèse de l'attraction inversement proportionnelle au cube de la distance, un mobile décrirait une spirale logarithmique: «Bien que le mobile décrive une infinité de révolutions autour du centre, le temps au bout duquel il l'atteindra est fini.» (Faye, Cours d'Astronomie. T. II, page 120.)
On se fait difficilement une idée du temps fini, suffisant pour accomplir un nombre infini de révolutions autour d'un centre. D'ailleurs, rassurons-nous. Il s'agit d'un point matériel parcourant une trajectoire asymptotique à un point. Tout peut se passer aisément dans le domaine de la théorie.
DESIDERATA
À DÉMONTRER
Fermat affirme, sans démonstration, qu'au-dessus du carré, la somme des puissances semblables de deux nombres n'est jamais la puissance semblable d'un troisième nombre. La proposition est-elle vraie? Fermat en possédait-il une démonstration? Quoi qu'il en soit, les plus habiles mathématiciens n'ont pu démontrer, d'une manière générale, le Théorème de Fermat.
Il ne faut pas, bien entendu, confondre le théorème précédent avec un autre du même savant, qu'on établit dans les Cours.
NOMBRE DE PLATON
Ce nombre mystérieux, sur lequel les traducteurs et les commentateurs sont loin d'être d'accord, paraît lié à l'égalité
33 + 43 + 53 = 63,
analogue à celle de Pythagore
32 + 42 = 52.
Il s'agirait d'une période réglant les mariages et les naissances (d'où le nom de nombre nuptial) ou de la grande année au bout de laquelle le soleil, la lune et les planètes reprennent les mêmes positions relatives dans le ciel.
Voici quelques-unes des valeurs proposées;
12960000; 1728; 8128; 216; 5040; 864; 7500; 2700; 760000. (Voir les mémoires de M. J. Dupuis sur Le nombre géométrique de Platon.)
UN GRAND NOMBRE
On lit dans une lettre au Père Mersenne: «Vous me demandez si le nombre 100895598169 est premier ou non, et une méthode pour découvrir dans l'espace d'un jour, s'il est premier ou composé. À cette question, je réponds que ce nombre est composé et se fait du produit de ces deux: 898423 et 112303 qui sont premiers. Je suis toujours, mon révérend Père, votre très humble et très affectionné serviteur, Fermat.
La question pourrait embarrasser nos contemporains, et on ignore la méthode suivie par Fermat.
Parlons d'un autre grand nombre. Lorsqu'on place bout à bout les dominos, de façon que deux consécutifs quelconques se touchent par des points équivalents, le dernier élément est toujours égal au premier. Le problème de Reiss consiste à trouver le nombre de combinaisons, lorsque la rangée se termine à un double indiqué. M. G. Tarry a résolu la question assez simplement, et il trouve jusqu'au double-huit, ce nombre de combinaisons.
10.752.728.122.249.860.612.096.000
MOQUERIE
Quel est cet an quarante dont on se moque tant?
Pourquoi se moque-t-on aussi du tiers et du quart?
PÉRIHÉLIE
Le mouvement anormal du périhélie de Neptune attend encore une explication. La loi de Newton n'a pas permis, jusqu'à présent, d'en rendre compte.
Il en est de même, depuis Clairaut, du mouvement du périgée de la lune. En deux siècles, la lune s'écarte progressivement de la position calculée, mais sans que la différence dépasse une seconde de temps.
LANGUE, LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS
GARGANTUA
En ce moyen entra en affection d'icelle science numérale, et touts les jours après disner et souper y passait temps aussi plaisantement qu'il soulait, en dez ou ès chartes. À tant sceut d'icelle et théoricque et practicque, que Tunstal Anglois, qui en avait amplement escript, confessa que vrayement en comparaison de luy il n'y entendoit que le hault Alemant.
Rabelais.
INCOMMENSURABLE
Beaucoup de personnes voulant parler d'un très grand nombre disent un nombre incommensurable. La locution est mauvaise, puisqu'il y a des nombres incommensurables petits et grands, ainsi V2 vaut 1,4142..., et π vaut 3,141592..., etc.
LES INCONNUES
Les anciens Indiens désignaient toutes les inconnues par la même syllabe ya (initiale du mot), mais diversement colorée.
ESTHÉTIQUE
Le problème de l'esthétique des formes revient évidemment à celui-ci: quelles sont les lignes les plus agréables?
Mais d'abord qu'est-ce qu'une ligne?
Jamais nous n'avons vu de lignes; nos yeux ne connaissent que des directions. Ce que nous appelons une ligne est la synthèse de deux sens parallèles et contraires. La réalité, c'est la direction, ce sont ce que les géomètres contemporains appellent des demi-droites. Je ne vois pas de cercles mais je vois des cercles décrits dans un sens ou dans un autre, ce que l'on appelle des cycles. Par exemple, le cercle euclidéen, le cercle abstrait, peut avoir quatre tangentes parallèles entre elles; le cercle réel, le cycle, ne peut en avoir que deux. Donner quatre tangentes parallèles entre elles à un cercle, c'est faire une figure détestable, parce que cette figure oblige l'œil à changer deux fois de direction; donner deux tangentes au cycle, c'est faire une figure agréable.
C. Henry.
Les nombres harmoniques sont ceux qui sont formés uniquement des facteurs premiers 2, 3 et 5 et dont la formule est par suite 2a × 3b × 5c
Nombres harmoniques: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 18, 20, 24, 25, 27, 30...
Nombres qui ne sont pas harmoniques: 7, 11, 13, 14, 17, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29, 31...
Tout est harmonie dans la nature, tout s'y règle par des nombres harmoniques. Exemples: cristallographie, acoustique, etc.
Telles sont les affirmations du vieil Euler, d'après l'idée vague de la simplicité dans la nature. Helmholtz a réfuté ces opinions quant à la musique et, d'après un théoricien nouveau, Charles Henry, elles sont aussi inexactes pour l'esthétique des formes.
À la conception primitive d'un ordre très simple partout, succède peu à peu celle d'un ordre plus savant et plus délicat.
MESURE DE L'ÂNE
Il paraît que cette mesure est le kilomètre, auquel, trompés par une faute d'orthographe, nous attribuons la signification de mille mètres. «Quant au kilomètre, disent MM. Brachet et Dussouchet, on peut hésiter pour son étymologie entre mesure de l'âne (killos-metron) ou mesure du foin (chilos-metron). Le vrai mot eût été chiliomètre, mille mètres.»
ARGOT DES ÉCOLES
Deux camarades qui vivent et travaillent dans la même salle sont deux binomes.
Les élèves de mathématiques spéciales s'appellent des taupins, sans doute parce qu'ils sont presque tous myopes comme des taupes. En première année, ils sont bizuth, puis ils deviennent carrés, et quelquefois, hélas, cubes et même bicarrés.
Les candidats font, ensemble, après les examens de l'École polytechnique, une promenade à travers Paris. Cette longue file qui serpente en chantant, c'est le joyeux monome!
Les élèves de l'École polytechnique sont des x, la tangente au côté.
Nous signalons ici avec plaisir un curieux livre illustré, L'Argot de l'X, par Albert Lévy et G. Pinet.
TIRADE
Géométrie! algèbre! arithmétique! Zone
Où l'invisible plan coupe le vague cône,
Où l'asymptote cherche, où l'hyperbole fuit;
Cristallisation du prisme dans la nuit;
Mer dont le polyèdre est l'affreux madrépore;
Nuée où l'univers en calculs s'évapore.
Victor Hugo (Toute la lyre.)
Nous ne donnons qu'un échantillon. Le discours continue hardi et obscur...
PROFESSEUR DE TRIANGLE (MONOLOGUE)
Je suis professeur!—«Professeur, de quoi?»—De quoi? Je vous le donne en mille... Eh bien, je suis professeur de triangle..., oui, de triangle!
J'ai toujours adoré le triangle; cela doit venir de ce que, en nourrice, on m'avait fait un petit triangle avec des faveurs roses et des grelots, pour m'amuser; je m'en souviens encore, comme si j'y étais, de mon petit triangle.
Lorsque je commençais à marcher, je m'amusais à tracer des triangles sur le sable. Plus tard au collège, lorsqu'on jouait aux billes, je ne jouais jamais qu'au triangle. En géométrie, je ne savais que ce qui avait rapport aux triangles.
Ah! que de douces heures il m'a fait passer mon triangle, mon cher triangle; grâce à lui, je suis devenu chef de fanfare, chef d'orchestre, etc., etc.
ŒUF
Prenons un œuf en nos mains. Cette forme elliptique, la plus compréhensive, la plus belle, celle qui offre le moins de prise à l'attaque extérieure... Les choses inorganiques n'affectent guère cette forme parfaite.
Michelet.
Rien n'est rond dans la nature, excepté le globe de l'œil... et, encore, il n'est pas rond.
BUSES GRAVES
Tel est le titre d'une parodie des Burgraves, de Victor Hugo. On y lit:
Je possède zéro, prenez-en la moitié.
STATUE PÉRIODIQUE
Un sculpteur doit faire la statue de Charlemagne, assis sur son trône, couronne en tête, tenant d'une main le globe du monde, de l'autre le sceptre surmonté d'une réduction exacte de la même statue avec tous ses accessoires.
L'artiste a consenti à n'être payé que lorsqu'il aura complètement terminé le travail...
Berdellé.
Le vrai symbole de l'infini, dit le même auteur, c'est l'enseigne du barbier facétieux: Ici on rasera gratis demain.
PARURE
Qui le croirait? c'est par des lignes arides, c'est par l'austère géométrie que doit commencer l'étude de la parure. Cette jolie femme est enfermée à son insu dans un réseau de parallèles, comme le serait un oiseau dans sa cage, un invisible treillis de verticales et d'horizontales emprisonne sa beauté mouvante et libre.
Charles Blanc.
COULEURS
On suppose le plan d'un territoire divisé en autant de parcelles que l'on voudra. Quel est le minimum de couleurs distinctes qu'il faudra employer pour colorier ces parcelles, sans qu'aucune des parcelles contiguës ne possède la même couleur?
Réponse: quatre.
Ainsi, avec quatre couleurs seulement, on peut colorier une carte quelconque de France en départements ou en arrondissements, ou en communes ou même le plan cadastral de la France.
Les personnes auxquelles on pose cette question à brûle-pourpoint ont toujours quelque peine à concevoir que quatre couleurs seulement puissent suffire.
RAISON SOCIALE
Ce «nouveau venu» était une raison sociale. Nous nous amusions, en ce temps, à écrire à propos d'Erckmann-Chatrian et des frères de Goncourt:
«Les deux romanciers peut-être les plus remarquables de ce temps, sont quatre.»
J. Claretie.
PERDU!
Dans ses écrits mathématiques, Sylvester est parfois éloquent. Son style est fleuri. Ses mémoires sont fréquemment coupés de courtes pièces de poésie, citées d'autrui ou de sa propre composition. Ainsi dans son article dans Nature, janvier 1886, il y a un court poème «sur un terme perdu dans une famille de groupes de termes d'une formule algébrique.»
REBUFFADE
À propos des visites des candidats à l'Académie française, M. Jules Simon raconte l'anecdote suivante:
Il y avait des rebuffades célèbres. Celle entre autres d'un académicien qui dit à un auteur dramatique: «Je ne vais pas dans ces théâtres-là!» Le pauvre auteur avait pourtant été joué à la Comédie française. Je me rappelle même, après soixante-trois ans, trois de ces vers qui étaient célèbres à l'École normale:
Élève distingué d'une célèbre école,
Charle est ingénieur et dans tout ce qu'il dit
De la polytechnique on reconnaît l'esprit
CONTRADICTIONS
L'auteur d'un livre sur les événements de 1870 raconte qu'il sortit vers deux heures du matin de la Chambre après la séance de nuit du 4 septembre où fut prononcée la déchéance de l'Empire: «Au bout du pont de la Concorde, j'aperçois M. Thiers penché à la portière de sa voiture, il raconte Sedan.... et là-bas, dans le fond, derrière les tours de Notre-Dame et derrière la flèche de la Sainte-Chapelle, derrière les clochetons du Palais-de-Justice, dans l'azur plein d'étoiles glisse doucement la lune.»
Or le 4 septembre, dès 11 heures du soir, la lune se trouvait dans la direction du Champ-de-Mars à l'opposé de la Sainte-Chapelle, réplique un astronome.
Menu détail, est-ce que les peintres se préoccupent de placer comme il faut les cornes de la lune?
Lamartine a dit: Vénus se lève à l'horizon...
Dans un roman: «La lune, à son zénith, annonçait minuit.» À son zénith! Puis, l'heure du passage de la lune au méridien varie chaque jour.
Ces naïvetés astronomiques ont été relevées par des membres de la Société d'astronomie de M. Vinot.
CHEMINS
L'homme n'arrive jamais à une idée simple et vraie qu'à force de détour; pour lui, la ligne courbe est le chemin qui conduit à la ligne droite.
Saintine.
RÉGULIER
Pour moi, à ne consulter même que mes yeux, je ne vois rien de si beau qu'une figure qui seule renferme toutes les autres, qui n'a rien de coupé par des angles, rien qui aille de biais, rien de raboteux, point d'inégalité, point de bosse, point de creux. Ainsi les deux figures les plus estimées, savoir le globe parmi les solides, et le cercle parmi les planes, sont les seules dont toutes les parties soient semblables entre elles, et où le bas et le haut soient également éloignés du centre. Que peut-on imaginer de plus juste?
Cicéron.
ABRÉGEONS
Un professeur connu disait, pour abréger, perpenculaire et on l'appelait lui-même le père pencu. Un autre prononçait portionnel pour proportionnel. Un troisième rejetant parallélipipède et parallélépipède préférait parlipède; pourquoi pas spath, comme les Allemands, d'après la cristallographie?
PROTESTATION
S'il n'en est plus que mille, eh bien! j'en suis; si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Scylla;
S'il en demeure dix, je serai le dixième,
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là!
Victor Hugo (Les Châtiments).
CLAIR-OBSCUR
On sait ce que fut la révolution cartésienne: le Nombre prenant possession de la Géométrie, acceptant l'héritage des Anciens, mais sous bénéfice d'inventaire et comme pour soumettre toutes les vérités reçues à ses vérifications; poussant ensuite au-delà, avec nous, tantôt menant et infaillible, tantôt mené et n'oubliant rien derrière soi; nous abandonnant, il est vrai, le choix de nos problèmes, se réservant, lui, pour les résoudre: admirable géomètre qui, portant la géométrie à une impossible perfection, la supprimait du même coup si, capable comme il l'est de répondre à toutes nos questions, il ne devenait muet à la fin, se refusant à nous suppléer davantage et nous laissant l'interprétation de ses oracles. Ainsi fait le Nombre. Ce qu'il sait le mieux, c'est encore son commencement. Toutes les obscurités dont il nous délivre, de prime abord, il nous les laisse pour la fin, accumulées en un même point: quelquefois plus transparentes, s'il s'agit d'une chose simple, ou déjà connue, ou seulement supposée; plus opaques d'autres fois et d'une densité telle que, même en connaissant d'avance ce que l'on cherche, on ne le retrouve point.
P. Serret.
PAN!
«Nous jouons à compter, dit Charlotte, attention! Je commence de droite à gauche: vous comptez! Chacun son chiffre! À mesure que le tour lui vient, celui qui hésite ou qui se trompe, un soufflet! et ainsi de suite jusqu'à mille.» C'était amusant à voir. Elle parcourait le cercle le bras tendu. Le premier dit: «Un.—Deux, fit le second.—Trois, poursuivit l'autre; et toujours ainsi.» Mais bientôt elle commença d'aller plus vite: il y en eut un qui se trompa, pan! un soufflet et tous de rire; le suivant aussi, pan! et toujours plus vite...
Gœthe.
TOUT ET MOITIÉ
Je ne connais de biens que ceux que l'on partage.
Cœurs dignes de sentir le prix de l'Amitié,
Retenez cet ancien adage:
Le tout ne vaut pas la moitié.
Florian.
DIX-HUIT
En argot, un dix-huit, c'est un habit dégraissé, un chapeau retapé, etc. Étymologie: dix-huit, c'est deux fois neuf.
BATAILLE OU RANÇON?
On lit, dans Le Siège de Paris, par le vicomte d'Arlincourt:
Pour chasser de ces murs les farouches normands,
Le roi Charles s'avance avec vingt mille francs.
VERS NOMBREUX
Un vers nombreux est un vers bien rythmé, on dit des vers nombreux lorsqu'il s'agit de beaucoup de vers, nous nous permettons de qualifier ici de nombreux des vers qui contiennent des nombres. Boileau surtout avait le goût du numérique et celles de nos citations dont les auteurs ne sont pas nommés doivent être attribuées à Nicolas.
Le nombre 1.