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Proverbes sur les femmes, l'amitié, l'amour et le mariage

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Non cet amour que le caprice allume,
Ce fol amour qui par un doux poison
Enivre l'âme et trouble la raison,
Et dont le miel est suivi d'amertume;
Mais ce penchant par l'estime épuré,
Qui ne connaît ni transports ni délire,
Qui sur le cœur exerce un juste empire,
Et donne seul un bonheur assuré.

(Parny, le Réveil d'une mère.)

Je n'examine point quel mauvais calcul fait un mari qui commence par prodiguer à sa femme les témoignages d'une passion dont l'ardeur se refroidit si promptement, ni quels sont les inconvénients de ce rôle qu'il lui est impossible de soutenir. Je remarquerai seulement que l'amour proprement dit, qui s'éteint dans la jouissance, est incompatible avec le mariage, et je citerai encore un passage de Montaigne sur ce sujet: «Le mariage a pour sa part l'utilité, la justice, l'honneur et la constance; un plaisir plat mais plus universel: l'amour se fonde au seul plaisir et l'a, de vray, plus chastouilleux, plus vif et plus aigu; un plaisir attizé par la difficulté; il y fault de la picqueure et de la cuisson: ce n'est plus amour s'il est sans flèches et sans feu. La libéralité des dames est trop profuse (prodigue) au mariage, et esmousse la pointe de l'affection et du desir. Pour fuyr à cet inconvénient, voyez la peine qu'y prennent en leurs loix Lycurgue et Platon.» (Essais, liv. III, chap V.)

Rester pour coiffer sainte Catherine.

C'était autrefois l'usage, en plusieurs provinces, le jour où une jeune fille se mariait, de confier à une de ses amies, qui désirait faire bientôt comme elle, le soin d'arranger la coiffure nuptiale, dans l'idée superstitieuse que, cet emploi portant toujours bonheur, celle qui le remplissait ne pouvait manquer d'avoir, à son tour, un époux avant la fin de l'année. Et l'on trouve encore au village plus d'une jouvencelle qui, sous l'influence de cette superstition toujours existante, prend secrètement ses mesures afin d'attacher la première une épingle au bonnet d'une fiancée. Or, comme un tel usage n'a jamais pu être observé à l'égard d'aucune des saintes connues sous le nom de Catherine, puisque, d'après la remarque des légendaires, toutes sont mortes vierges, on a pris de là occasion de dire qu'une vieille fille reste pour coiffer sainte Catherine; ce qui signifie, en développement, qu'il n'y a chance pour elle d'entrer en ménage qu'autant qu'elle aura fait la toilette de noces de cette sainte, condition impossible à remplir.

Cette explication, qui m'a été communiquée, m'a paru bonne à rapporter, à cause des faits assez curieux qu'elle rappelle; mais elle est un peu trop compliquée, et je ne crois pas qu'elle doive être admise. En voici une autre plus simple, fondée sur l'ancienne coutume d'habiller et de coiffer les statues des saintes dans les églises. Comme on ne choisissait que des vierges pour coiffer sainte Catherine, la patronne des vierges, il fut tout naturel de considérer ce ministère comme perpétuellement assigné à celles qui vieillissaient sans espoir de mariage, après avoir vu toutes les autres se marier.

Les Anglais disent dans le même sens: «To carry a weeping willow branch. Porter la branche du saule pleureur,» parce que le saule, emblème de la mélancolie, est particulièrement regardé, en Angleterre, comme l'arbre de l'amour malheureux, opinion confirmée par la vieille romance du Saule, dans laquelle gémit une amante abandonnée.

Ils disent aussi: Conduire des singes en enfer, pour signifier vieillir fille. Cette expression singulière, employée par Shakespeare dans la Méchante Femme mise à la raison (acte II, scène I), et dans Beaucoup de bruit pour rien (acte II, scène I), est prise de leur vieux proverbe: Les vieilles filles conduisent les singes en enfer. Ce qui vient peut-être de la supposition très-impertinente que les vieilles filles ne peuvent tenter que des singes.

FIN.

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