Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 7: mises en ordre, revues et annotées d'après les manuscrits de l'auteur
À MADAME SCHWABE.
17 janvier 1848.
Madame,
J'apprends avec bien du plaisir que M. Schwabe a fait un heureux voyage et qu'il a trouvé la situation de l'Angleterre en voie d'amélioration.
Je vous remercie d'avoir songé à m'envoyer le Punch. J'y trouverai peut-être quelque chose pour le Libre-Échange, après quoi je le ferai passer à M. Anisson, ou vous le reporterai moi-même.
Voici cinq numéros du dernier Libre-Échange. J'ai fait le premier article sur les armements, dans l'espoir qu'il peut exercer quelque influence en Angleterre. Il m'est donc bien agréable d'apprendre que vous vous chargez de l'y faire parvenir.
27 janvier 1848.
Je vous prie d'agréer l'hommage d'un petit volume que je viens de faire paraître. C'est bien peu de chose; il ne contient que la reproduction de quelques plaisanteries déjà publiées dans les journaux. On m'assure que cette forme superficielle a son genre d'utilité. C'est ce qui m'a décidé à persister dans cette voie qui n'est nullement de mon goût[116].
16 février 1848.
Je suis bien reconnaissant de toutes les bontés dont vous m'accablez. J'ai reçu vos excellents sirops qui achèveront ma guérison. J'espère aussi aller ce soir au concert, mais un peu tard, car je dîne chez M. de Lamartine, et vous comprenez qu'il en coûte de quitter la musique de sa parole même pour celle de Chopin. Cependant, comme le concert commence tard, je m'arracherai au charme de la conversation de notre grand poëte.
Paris, 17 mai 1848.
Vous devez me trouver bien peu Français de tarder autant à vous remercier, ainsi que votre mari, de tant de témoignages d'affection que vous m'avez prodigués tous les deux pendant votre séjour à Paris. Ce n'est certainement pas que je les oublie, le souvenir ne s'en effacera jamais de mon cœur; mais vous savez que je suis allé dans mes chères Pyrénées. D'un autre côté, je ne savais où adresser mes lettres; celle-ci va suivre l'impulsion du hasard.
L'Assemblée nationale est réunie. Que sortira-t-il de cette fournaise ardente? la paix ou la guerre? le bonheur ou le malheur de l'humanité? Jusqu'à présent elle est comme un enfant qui bégaye avant de parler. Figurez-vous une enceinte vaste comme la place de la Concorde. Là, neuf cents membres délibérants et trois mille spectateurs. Pour avoir la chance de se faire entendre et comprendre, il faut pousser des cris aigus accompagnés de gestes télégraphiques, ce qui ne tarde pas à déterminer, chez l'orateur, une explosion de colère sans motif. Voilà comment nous procédons à notre organisation intérieure. Cela absorbe beaucoup de temps, et le public n'a pas le bon sens de comprendre que cette perte de temps est inévitable.
Les journaux vous ont appris les événements du 15. L'Assemblée a été envahie par les masses populaires. Une manifestation en faveur de la Pologne a été le prétexte. Pendant quatre heures, elles ont essayé de nous arracher les votes les plus subversifs. L'Assemblée a supporté cette tempête avec calme, et, pour rendre justice à notre population et à notre siècle, je dois dire que nous n'avons pas à nous plaindre de violence personnelle. Cet attentat a eu pour résultat de faire connaître les vœux du pays tout entier. Il permet au pouvoir exécutif de prendre des mesures de prudence auxquelles il ne pouvait avoir recours en l'absence de toute provocation. Il est fort heureux que les choses aient été poussées aussi loin. Sans cela les projets des factieux n'auraient jamais été bien constatés. Leur hypocrisie leur faisait des partisans. Ils n'en ont plus; ils se sont démasqués; encore une fois le doigt de la Providence s'est montré. Il y avait dix mille chances pour que les choses ne tournassent pas aussi bien.
Je présume que vous voyez madame Cobden. Je vous prie de lui exprimer les sentiments d'admiration que j'ai conçus pour elle, d'après tout ce que vous m'en avez dit.
Adieu, Madame, ne me donnerez-vous pas quelque espoir que nous nous reverrons encore? Vos enfants ne savent pas assez de français, et l'une d'entre elle est citoyenne et républicaine[117]. Il faudra bien lui faire respirer l'air de la patrie.
Je serre bien affectueusement la main à M. Schwabe.
À M. SCHWABE.
Paris, 1er juillet 1848.
Mon cher Monsieur,
Je vous remercie de l'intérêt affectueux qui vous a fait penser à moi, à l'occasion des terribles événements qui ont affligé cette capitale. Grâce au ciel, la cause de l'ordre et de la civilisation l'a emporté. Nos excellents amis MM. Say et Anisson étaient à la campagne, l'un à Versailles, l'autre en Normandie. Leurs fils ont pris part à la lutte et en sont sortis avec honneur, mais sans blessure.
Ce sont les fausses idées socialistes qui ont mis les armes à la main à nos frères. Il faut dire aussi que la misère y a beaucoup contribué; mais cette misère elle-même peut être attribuée à la même cause, car depuis qu'on a voulu faire de la fraternité une prescription légale, les capitaux n'osent plus se montrer.
Voici un moment bien favorable pour prêcher la vérité. Pendant tous ces jours de troubles, il m'est arrivé de parcourir les rangs de la garde nationale, essayant de montrer que chacun devait demander à sa propre énergie les moyens d'existence et n'attendre de l'État que justice et sécurité. Je vous assure que cette doctrine a été pour la première fois bien accueillie, et quelques amis m'ont facilité les moyens de la développer en public, ce que je commencerai lundi.
Vous me demanderez peut-être pourquoi je ne remplis pas cette mission au sein de l'Assemblée nationale, dont la tribune est si retentissante. C'est que l'enceinte est si vaste et l'auditoire si impatient que toute démonstration y est impossible.
C'est bien malheureux, car je ne crois pas qu'il y ait jamais eu, en aucun pays, une assemblée mieux intentionnée, plus démocratique, plus sincère amie du bien, plus dévouée. Elle fait honneur au suffrage universel, mais il faut avouer qu'elle partage les préjugés dominants.
Si vous jetez un coup d'œil sur la carte de Paris, vous vous convaincrez que l'insurrection a été plus forte que vous ne paraissez le croire. Quand elle a éclaté, Paris n'avait pas plus de huit mille hommes de troupes, qu'en bonne tactique il fallait concentrer, puisque c'était insuffisant pour opérer. Aussi l'émeute s'est bientôt rendue maîtresse de tous les faubourgs, et il ne s'en est pas fallu de deux heures qu'elle n'envahît notre rue. D'un autre côté elle attaquait l'Hôtel de ville, et, par le Gros-Caillou, menaçait l'Assemblée nationale, au point que nous avons été réduits, nous aussi, à la ressource des barricades. Mais, au bout de deux jours, les renforts nous sont arrivés de province.
Vous me demandez si cette insurrection sera la dernière. J'ose l'espérer. Nous avons maintenant de la fermeté et de l'unité dans le pouvoir. La chambre est animée d'un esprit d'ordre et de justice, mais non de vengeance. Aujourd'hui notre plus grand ennemi, c'est la misère, le manque de travail. Si le gouvernement rétablit la sécurité, les affaires reprendront, et ce sera notre salut.
Vous ne devez pas douter, mon cher Monsieur, de l'empressement avec lequel je me rendrais à votre bonne invitation et à celle de madame Schwabe, si je le pouvais. Quinze jours passés auprès de vous, à causer, promener, faire de la musique, caresser vos beaux enfants, ce serait pour moi le bonheur. Mais, selon toute apparence, je serai obligé de me le refuser. Je crains bien que notre session ne dure longtemps. Soyez sûr, du moins, que si je puis m'échapper, je n'y manquerai pas.
Douvres, 7 octobre 1848.
Je ne veux pas quitter le sol d'Angleterre, mon cher Monsieur, sans vous exprimer le sentiment de reconnaissance que j'emporte, et aussi sans vous demander un peu pardon pour tous les embarras que vous a occasionnés mon séjour auprès de vous. Vous serez peut-être surpris de voir la date de cette lettre. Pendant que je cherchais M. Faulkner à Folkestone, le bateau à vapeur m'a fait l'impolitesse de prendre le large, me laissant sur le quai, indécis si je sauterais à bord. Il y a vingt ans je l'aurais essayé. Mais je me suis contenté de le regarder, et ayant appris qu'un autre steamer part ce soir de Douvres, je suis venu ici, et je ne regrette pas l'accident, car Douvres vaut bien la peine de rester un jour de plus en Angleterre. C'est même ce que je ferais, si je n'étais dépourvu de tous mes effets. Enfin j'ai pu faire votre commission à M. Faulkner tout à mon aise.
..... Les deux jours que j'ai passés avec M. Cobden ont été bien agréables. Son impopularité momentanée n'a pas altéré la gaieté et l'égalité de son humeur. Il dit, et je crois avec raison, qu'il est plus près du désarmement aujourd'hui qu'il n'était près du free-trade quand il fonda la ligue. C'est un grand homme; et je le reconnais à ceci: que son intérêt, sa réputation, sa gloire ne sont jamais mis par lui en balance avec l'intérêt de la justice et de l'humanité.
Veuillez, etc.
Paris, 25 octobre 1848.
....................
Je vous remercie de vos offres obligeantes. On ne quitte jamais d'aussi bons amis sans projeter de les revoir. Il serait trop cruel de ne pas nourrir cette espérance. Mais hélas! elle n'est souvent qu'une illusion, car la vie est bien courte et Manchester est bien loin. Peut-être me sera-t-il donné de vous faire les honneurs de mes chères Pyrénées. Je rêve souvent que votre famille, celle de Cobden, celle de Say et moi, nous nous trouverons un jour tous réunis dans une de mes fraîches vallées. Ce sont là des plans que les hommes exécuteraient certainement s'ils savaient vivre.
Paris continue à être tranquille. Les boulevards sont gais et brillants, les spectacles attirent la foule, le caractère français se montre dans toute sa légère insouciance. Ceci vaut encore cent fois mieux que Londres, et pour peu que les révolutions d'Allemagne continuent, je ne désespère pas de voir notre Paris devenir l'asile de ceux qui fuiront les tempêtes politiques. Que nous manque-t-il pour être la plus heureuse des nations? Un grain de bon sens. Il semble que c'est bien peu de chose.
Je conçois que le choléra vous effraye, vous qui êtes entouré d'une aussi aimable et nombreuse famille. Plus nous sommes heureux par nos affections, plus aussi nous courons de dangers. Celui qui est seul n'est vulnérable que par le point le moins sensible, qui est lui-même. Heureusement que ce redoutable fléau semble tout confus de son impuissance, comme un tigre sans dents et sans griffes. Je me réjouis, à cause de mes amis de l'autre côté du détroit, de voir par les journaux que le choléra n'a de redoutable que le nom, et qu'au fait, il fait moins de ravage que le rhume de cerveau.
Adieu, etc.
À MADAME SCHWABE.
14 novembre 1848.
Madame,
Si ma pensée, guidée par le souvenir d'une bonne et cordiale hospitalité, prend souvent la direction de Crumpsall-house et de Manchester, elle y a été portée avec plus de force encore hier au soir: car on jouait la Sonnambula aux Italiens, et je n'ai pu m'empêcher de violer l'ordonnance des médecins pour aller revoir cette pièce. Chaque morceau, chaque motif me transportait en Angleterre; et soit attendrissement soit faiblesse de constitution, je sentais toujours mes yeux prêts à déborder. Qui pourrait expliquer ce qu'il y a d'intime dans la musique! Pendant que j'entendais le duo si touchant et le beau finale du premier acte, il me semblait que plusieurs mois s'étaient anéantis, et que, les deux représentations se confondant ensemble, je n'éprouvais qu'une même sensation. Cependant, je dois le dire, sans vouloir critiquer vos chanteurs, la pièce est infiniment mieux exécutée ici, et si votre premier ténor égale le nôtre, il est certain que madame Persiani surpasse infiniment votre prima donna.—Et puis cette langue italienne a été inventée et faite exprès pour la musique. Quand j'ai entendu, dans le récitatif, madame Persiani s'écrier: Sono innocente, je n'ai pu m'empêcher de me rappeler le singulier effet que produit cette traduction rhythmée de la même manière: I am not guilty.—Que voulez-vous? La langue des affaires, de la mer et de l'économie politique ne peut pas être celle de la musique.
28 décembre 1848.
Je reconnais votre bonté et celle de M. Schwabe à l'insistance que vous mettez à m'attirer une seconde fois sous le toit hospitalier de Crumpsall-house. Croyez que je n'ai pas besoin d'autres excitations que celles de mon cœur, alors même que vous ne m'offririez pas en perspective le bonheur de serrer la main à Cobden et d'entendre la grande artiste Jenny Lind. Mais vraiment Manchester est trop loin. Ceci n'est peut-être pas très-galant pour un Français; mais à mon âge on peut bien parler raison. Acceptez au moins l'expression de ma vive reconnaissance.
Est-ce que mademoiselle Jenny Lind a conçu de la haine pour ma chère patrie? D'après ce que vous me dites, son cœur doit être étranger à ce vilain sentiment. Oh! qu'elle vienne donc à Paris! Elle y sera environnée d'hommages et d'enthousiasme. Qu'elle vienne jeter un rayon de joie sur cette ville désolée, si passionnée pour tout ce qui est généreux et beau! Je suis sûr que Jenny Lind nous fera oublier nos discordes civiles. Si j'osais dire toute ma pensée, j'entrevois pour elle la plus belle palme à cueillir. Elle pourrait arranger les choses de manière à rapporter, sinon beaucoup d'argent, au moins le plus doux souvenir de sa vie. Ne paraître à Paris que dans deux concerts et choisir elle-même les bienfaits à répandre. Quelle pure gloire et quelle noble manière de se venger, s'il est vrai, comme on le dit, qu'elle y a été méconnue! Voyez, bonne madame Schwabe, à prendre la grande cantatrice par cette corde du cœur. Je réponds du succès sur ma tête.
Nous touchons à une nouvelle année. Je fais des vœux pour qu'elle répande la joie et la prospérité sur vous et sur tout ce qui vous entoure.
11 mars 1849.
Je suis en effet d'une négligence horrible; horrible, c'est le mot, car elle approche de l'ingratitude. Comment pourrais-je l'excuser, après toutes les bontés dont j'ai été comblé à Crumpsall-house?
Mais il est certain que mes occupations sont au-dessus de mes forces. J'en serai peut-être débarrassé bientôt. D'après les avis que je reçois de mon pays, je ne serai pas returned. On m'avait envoyé pour maintenir la République. Maintenant on me reproche d'avoir été fidèle à ma mission. Ce sera une blessure pour mon cœur, car je n'ai pas mérité cet abandon; et en outre, il faut gémir sur un pays qui décourage jusqu'à l'honnêteté. Mais ce qui me console, c'est que je pourrai reprendre mes relations d'amitié et les chers travaux de la solitude.
..... C'est avec surprise et satisfaction que j'apprends votre prochain passage à Paris. Je n'ai pas besoin de vous dire avec quel plaisir je vous serrerai la main ainsi qu'à M. Schwabe. Seulement je crains que cette date ne coïncide précisément avec celle de nos élections. En ce cas, je serai à deux cents lieues, si du moins je me décide à courir les chances du scrutin. Mon esprit n'est pas encore fixé là-dessus.
Comme vous pensez bien, je suis avec le plus vif intérêt les efforts de notre ami Cobden. J'en fais même ici la contrepartie. Hier, nous avons eu de la commission du budget un retranchement de deux cent mille hommes sur notre effectif militaire. Il n'est pas probable que l'Assemblée et le ministère acceptent un changement aussi complet; mais n'est-ce pas un bon symptôme que ce succès auprès d'une commission nommée par l'Assemblée elle-même?
..... Adieu, Madame, je me propose de vous écrire plus régulièrement bientôt. Aujourd'hui je suis absorbé par un débat important que j'ai soulevé dans l'Assemblée et qui me force à quelques recherches.
14 octobre 1849.
Ne craignez pas, Madame, que vos conseils m'importunent. Est-ce qu'ils ne prennent pas leur source dans l'amitié? Est-ce qu'ils n'en sont pas le plus sûr témoignage?...
C'est en vain que vous présentez l'avenir à mes yeux comme renfermant des chances d'un tardif bonheur. Il n'en est plus pour moi, même dans la poursuite, même dans le triomphe d'une idée utile à l'humanité; car ma santé me condamne à détester le combat. Chère dame, je n'ai versé dans votre cœur qu'une goutte de ce calice d'amertume qui remplit le mien. Voyez, par exemple, quelle est ma pénible position politique, et vous jugerez si je puis accepter la perspective que vous m'offrez.
De tout temps j'ai eu une pensée politique simple, vraie, intelligible pour tous et pourtant méconnue. Que me manquait-il? Un théâtre où je pusse l'exposer. La révolution de février est venue. Elle me donne un auditoire de neuf cents personnes, l'élite de la nation déléguée par le suffrage universel, ayant autorité pour la réalisation de mes vues.—Ces neuf cents personnes sont animées des meilleures intentions. L'avenir les effraye. Elles attendent, elles cherchent une idée de salut. Elles font silence dans l'espoir qu'une voix va s'élever; elles sont prêtes à s'y rallier. Je suis là; c'est mon droit et mon devoir de parler. J'ai la conscience que mes paroles seront accueillies par l'Assemblée et retentiront dans les masses. Je sens l'idée fermenter dans ma tête et dans mon cœur..... et je suis forcé de me taire. Connaissez-vous une torture plus grande? Je suis forcé de me taire, parce que c'est dans ce moment même qu'il a plu à Dieu de m'ôter toute force; et quand d'immenses révolutions se sont accomplies pour m'élever une tribune, je ne puis y monter. Je me sens hors d'état non-seulement de parler, mais même d'écrire. Quelle amère déception! quelle cruelle ironie!
Depuis mon retour, pour avoir voulu seulement faire un article de journal, me voilà confiné dans ma chambre.
Ce n'est pas tout, un espoir me restait. C'était, avant de disparaître de ce monde, du jeter cette pensée sur le papier, afin qu'elle ne périt pas avec moi. Je sais bien que c'est une triste ressource, car on ne lit guère aujourd'hui que les auteurs à grande renommée. Un froid volume ne peut certes pas remplacer la prédication sur le premier théâtre politique du monde. Mais enfin l'idée qui me tourmente m'aurait survécu. Eh bien! la force d'écrire, de mettre en ordre un système tout entier, je ne l'ai plus. Il me semble que l'intelligence se paralyse dans ma tête. N'est-ce pas une affliction bien poignante?
Mais de quoi vais-je vous entretenir? Il faut que je compte bien sur votre indulgence. C'est que j'ai si longtemps renfermé mes peines en moi-même, qu'en présence d'un bon cœur je sens toutes mes confidences prêtes à s'échapper.
Je voudrais envoyer à vos chers enfants un petit ouvrage français plein d'âme et de vérité, qui a fait le charme de presque toutes les jeunes générations françaises. Il fut mon compagnon d'enfance; plus tard, il n'y a pas bien longtemps encore, dans les soirées d'hiver, une femme, ses deux enfants et moi nous mêlions nos larmes à cette lecture.—Malheureusement M. Héron est parti; je ne sais plus comment m'y prendre. J'essaierai de le faire parvenir à M. Faulkner de Folkestone.
Adieu, chère dame, je suis forcé de vous quitter. Quoique souffrant, il faut que j'aille défendre la cause des Noirs dans un de nos comités, sauf à regagner ensuite mon seul ami, l'oreiller.
À M. ET À MADAME CHEUVREUX (Extrait).
Bruxelles, hôtel de Bellevue, 1849.
..... Pour moi, j'en suis réduit à aimer une abstraction, à me passionner pour l'humanité, pour la science. D'autres portent leurs aspirations vers Dieu. Ce n'est pas trop des deux.
C'est ce que je pensais tout à l'heure en sortant d'une salle d'asile dirigée par des religieuses qui se vouent à soigner des enfants malades, idiots, rachitiques, scrofuleux. Quel dévouement! quelle abnégation! Et après tout, cette vie de sacrifices ne doit pas être douloureuse, puisqu'elle laisse sur la physionomie de telles empreintes de sérénité. Quelques économistes nient le bien que font ces saintes femmes. Mais ce dont on ne peut douter, c'est la sympathique influence d'un tel spectacle. Il touche, il attendrit, il élève; on se sent meilleur, on se sent capable d'une lointaine imitation à l'aspect d'une vertu si sublime et si modeste.—Je me disais: Je ne puis me faire moine, mais j'aimerai la science et je ferai passer tout mon cœur dans ma tête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Paris, 11 avril 1850.
... Nous autres souffreteux, nous avons, comme les enfants, besoin d'indulgence; car plus le corps est faible, plus l'âme s'amollit, et il semble que la vie à son premier comme à son dernier crépuscule souffle au cœur le besoin de chercher partout des attaches. Ces attendrissements involontaires sont l'effet de tous les déclins; fin du jour, fin de l'année, demi-jour des basiliques, etc. Je l'éprouvais hier sous les sombres allées des Tuileries... Ne vous alarmez cependant pas de ce diapason élégiaque. Je ne suis pas Millevoye, et les feuilles, qui s'ouvrent à peine, ne sont pas près de tomber. Bref, je ne me trouve pas plus mal, au contraire, mais seulement plus faible; et je ne puis plus guère reculer devant la demande d'un congé. C'est en perspective une solitude encore plus solitaire. Autrefois je l'aimais; je savais la peupler de lectures, de travaux capricieux, de rêves politiques avec intermèdes de violoncelle. Maintenant tous ces vieux amis me délaissent, même cette fidèle compagne de l'isolement, la méditation. Ce n'est pas que ma pensée sommeille. Elle n'a jamais été plus active; à chaque instant elle saisit de nouvelles harmonies, et il semble que le livre de l'humanité s'ouvre devant elle. Mais c'est un tourment de plus, puisque je ne puis transcrire aucune page de ce livre mystérieux sur un livre plus palpable édité par Guillaumin. Aussi je chasse ces chers fantômes, et comme le tambour-major grognard qui disait: Je donne ma démission et que le gouvernement s'arrange comme il pourra;—moi aussi, je donne ma démission d'économiste et que la postérité s'en tire, si elle peut.....
Mugron, juin 1850.
... Je m'étais fait un peu d'illusion sur l'influence de l'air natal. Quoique la toux soit moins fréquente, les forces ne reviennent pas. Cela tient à ce que j'ai, toutes les nuits, un peu de fièvre. Mais la fièvre et les Eaux-Bonnes n'ont jamais pu compatir ensemble. Aussi dans quatre jours je serai guéri. Je voudrais bien guérir aussi d'un noir dans l'âme que je ne puis m'expliquer. D'où vient-il? Est-ce des lugubres changements que Mugron a subis depuis quelques années? Est-ce de ce que les idées me fuient sans que j'aie la force de les fixer sur le papier, au grand dommage de la postérité? Est-ce... est-ce...? mais si je le savais, cette tristesse aurait une cause, et elle n'en a pas.—Je m'arrête tout court, de peur d'entonner la fade jérémiade des spleenétiques, des incompris, des blasés, des génies méconnus, des âmes qui cherchent une âme,—race maudite, vaniteuse et fastidieuse, que je déteste de tout mon cœur, et à laquelle je ne veux pas me mêler. J'aime mieux qu'on me dise tout simplement comme à Basile: C'est la fièvre; buona sera.....
... Vous veniez de perdre une amie d'enfance. Dans ces circonstances, le premier sentiment est celui du regret; ensuite on jette un regard troublé autour de soi, et on finit par faire un retour sur soi-même. L'esprit interroge le grand inconnu, et, ne recevant aucune réponse, il s'épouvante. C'est qu'il y a là un mystère qui n'est pas accessible à l'esprit, mais au cœur.—Peut-on douter sur un tombeau?....
Mugron, 14 juillet 1850.
... Vous êtes bien bon, mon cher Monsieur, de m'encourager à reprendre ces insaisissables Harmonies. Je sens aussi que j'ai le devoir de les terminer, et je tâcherai de prendre sur moi d'y consacrer ces vacances. Le champ est si vaste qu'il m'effraye. En disant que les lois de l'économie politique sont harmoniques, je n'ai pu entendre seulement qu'elles sont harmoniques entre elles, mais encore avec les lois de la politique, de la morale et même de la religion (en faisant abstraction des formes particulières à chaque culte). S'il n'en était pas ainsi, à quoi servirait qu'un ensemble d'idées présentât de l'harmonie, s'il était en discordance avec des groupes d'idées non moins essentielles?—Je ne sais si je me fais illusion, mais il me semble que c'est par là, et par là seulement, que renaîtront au sein de l'humanité ces vives et fécondes croyances dont M.... déplore la perte.—Les croyances éteintes ne se ranimeront plus, et les efforts qu'on fait, dans un moment de frayeur et de danger, pour donner cette ancre à la société, sont plus méritoires qu'efficaces. Je crois qu'une épreuve inévitable attend le catholicisme. Un acquiescement de pure apparence, que chacun exige des autres et dont chacun se dispense pour lui-même, ce ne peut être un état permanent.
Le plan que j'avais conçu exigeait que l'économie politique d'abord fût ramenée à la certitude rigoureuse, puisque c'est la base. Cette certitude, il paraît que je l'ai mal établie, puisqu'elle n'a frappé personne, pas même les économistes de profession. Peut-être le second volume donnera-t-il plus de consistance au premier.....
À M. PAILLOTTET.
Paris, 14 juillet 1849.
Mon cher Paillottet, je vous suis bien reconnaissant de vous être souvenu de moi dans nos Pyrénées, et en même temps je suis fier de l'impression qu'elles ont faite sur vous. Que j'aurais été heureux de vous suivre dans vos courses! Nous aurions peut-être refroidi et vulgarisé ces beaux paysages, en y mêlant de l'économie politique. Mais non; les lois sociales ont leurs harmonies comme les lois du monde physique. C'est ce que je m'efforce de démontrer dans le livre que j'ai en ce moment sur le métier.—Je dois avouer que je ne suis pas content de ce qu'il est. J'avais un magnifique sujet, je l'ai manqué et ne suis plus à temps de refaire, parce que les premières feuilles sont sous presse. Peut-être ce fiasco n'est-il pas de ma faute. C'est une chose difficile sinon impossible de parler dignement des harmonies sociales à un public qui ignore ou conteste les notions les plus élémentaires. Il faut tout prouver jusqu'à la légitimité de l'intérêt, etc.—C'est comme si Arago voulait montrer l'harmonie des mouvements planétaires à des gens qui ne sauraient pas la numération.
En outre, je suis mal disposé et ne sais à quoi l'attribuer, car ma santé est bonne. J'habite le Butard, où je croyais trouver des inspirations; au lieu de cela, elles se sont envolées.
On assure que l'Assemblée va se proroger du 15 août au 1er octobre. Dieu le veuille! J'essayerai de me relever dans mon second volume, où je tirerai les conséquences du premier par rapport à notre situation actuelle. Problème social.—Problème français...
L'économie politique vous doit beaucoup et moi aussi pour votre zèle à nous recommander. Continuez, je vous prie. Un converti en fait d'autres. Le pays a bien besoin de cette science qui le sauvera.
Adieu! Votre bien dévoué.
Mugron, 19 mai 1850.
Mon cher Paillottet, je vous remercie de l'intérêt que vous prenez à ma santé et à mon voyage. Celui-ci s'est fait très-heureusement et plus régulièrement que vous ne l'aviez prévu. Il n'y a pas eu de malentendu entre ma place et moi. En route, de Tours à Bordeaux, j'ai rencontré de fervents adeptes de l'économie politique, ce qui m'a fait plaisir, mais m'a forcé de parler un peu trop. À Bordeaux, je n'ai pu éviter quelque chose de pis que la simple causerie, car la réaction y est arrivée à un tel excès qu'il faudrait être de marbre pour écouter froidement ses blasphèmes.—Tout cela fait que mon larynx est arrivé ici un peu fatigué, et les épanchements de l'amitié, quelque délicieux qu'ils soient, ne sont pas propres à le délasser. Pourtant, considérant les choses en gros, je me trouve un peu mieux; j'ai plus de force de corps et de tête. Voilà certes un long bulletin de ma santé; votre amitié me l'a demandé, prenez-vous-en à elle.
Je reçus hier le Journal des Économistes, en même temps que votre lettre; j'ai lu mon article. Je ne sais comment vous vous y êtes pris, mais il m'a été impossible d'y reconnaître les reprises, tant elles se confondent avec le tissu. L'idée dominante de cet article n'y est peut-être pas mise assez en saillie. Malgré cela, elle devrait frapper les bons esprits; et si j'avais été à Paris, j'aurais fait tirer à part 500 copies pour les distribuer à l'Assemblée. L'article n'étant pas long, il me semble que la Voix du peuple devrait le reproduire dans un de ses lundis. Si vous en entendez parler, faites-moi savoir ce qu'on en dit.
... Vous voilà chargé de mes affaires publiques et privées. En tout cas, n'y consacrez, je vous prie, que vos moments perdus. Vous voudriez beaucoup faire une renommée à mes pauvres Harmonies. Cela vous sera difficile. Le temps seul y réussira, si elles valent la peine que le temps s'occupe d'elles.—J'ai obtenu tout ce que je pouvais raisonnablement désirer, savoir: que quelques jeunes hommes de bonne volonté étudient le livre. Cela suffit pour qu'il ne tombe pas, s'il mérite de se tenir debout. M. de Fontenay aura beaucoup fait pour moi, s'il réussit à obtenir l'insertion d'un compte rendu dans la Revue des deux mondes. Il fera plus encore à l'avenir par les développements qu'il saura donnera l'idée principale. C'est tout un continent à défricher. Je ne suis qu'un pionnier, commençant avec des instruments fort imparfaits. La culture perfectionnée viendra plus tard, et je ne saurais trop encourager de Fontenay à s'y préparer. En attendant, tâchez, par notre ami Michel Chevalier, de nous rendre M. Buloz favorable.
J'oublie probablement bien des choses, mais cela se retrouvera; car j'espère que vous voudrez bien m'écrire le plus souvent possible, et quant à moi, je vous donnerai souvent de mon écriture à débrouiller.
Mugron, 2 juin 1850.
... Mon cousin est parti avant-hier pour Paris. Il y arrivera à peu près en même temps que cette lettre et vous remettra une bonne moitié de l'article que je fais pour compléter la brochure[118]. Mais cet article a pris un tel développement que nous ne pouvons lui faire suivre cette destination. Il y aura près de cinquante pages de mon écriture, c'est-à-dire de quoi faire un nouveau pamphlet, s'il en vaut la peine. C'est un essai. Vous savez que j'ai toujours eu l'idée de savoir ce qu'il adviendrait si je m'abstenais de refaire. Ceci a été écrit à peu près par improvisation. Aussi je crains que cela ne manque de la précision nécessaire au genre pamphlet. Dans quelques jours, je vous enverrai la suite. Quand vous aurez l'ensemble, vous déciderez.
... Me voici à la prétendue source de la santé. Je fais les choses en conscience; c'est vous dire que je travaille très-peu. N'ayant pas envie de me mettre à continuer les Harmonies, j'achève le pamphlet Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, et je serai probablement en mesure de vous l'envoyer d'ici à quelques jours.
Je vous remercie de l'article que vous avez inséré dans l'Ordre. Il vient d'être reproduit dans les journaux de mon département. C'est probablement tout ce qu'on y saura jamais de mon livre.
Un autre compte rendu a paru dans le Journal des Économistes. Je ne puis comprendre comment M. Clément a jugé à propos de critiquer mon chapitre futur sur la Population. Ce qui a paru offre bien assez de prise, sans aller s'en prendre d'avance à ce qui n'a pas paru. J'ai annoncé, il est vrai, que j'essayerai de démontrer cette thèse: La densité de la population équivaut à une facilité croissante de production.—Il faudra bien que M. Clément en convienne, ou qu'il nie la vertu de l'échange et de la division du travail.
La critique qu'il fait du chapitre Propriété foncière me fait penser qu'il serait peut-être utile de réimprimer en brochure les quatre ou cinq articles qui ont paru dans les Débats sous le titre de Propriété et Spoliation[119]. Ce sera d'ailleurs un anneau de notre propagande, nécessaire à ceux qui n'ont pas la patience de lire les Harmonies.
Ne m'oubliez pas auprès de MM. Quijano et de Fontenay.
... Voici la première partie de l'article Loi[120]. Je n'ai rien ajouté. Je suppose l'autre partie en route.—C'est bien sérieux pour un pamphlet. Mais l'expérience m'a appris que ce sur quoi l'on compte le moins réussit quelquefois le mieux, et que l'esprit est nuisible à l'idée.
Je voulais vous envoyer Ce qu'on voit; mais je ne le trouve pas réussi. Là j'aurais dû reprendre la plaisanterie, au lieu de tourner au sérieux, et qui pis est au genre géométrique[121].
C'est avec plaisir que je recevrai l'ouvrage de Michel Chevalier. S'il me fait l'honneur de m'emprunter quelques points de vue, en revanche il me donne beaucoup de faits et d'exemples: c'est du libre Échange. Notre propagande a bon besoin de sa plume.
Eaux-Bonnes, 2 juillet 1850.
... Votre observation sur la Loi est juste. Je n'ai pas prouvé comment l'égoïsme qui pervertit la loi est inintelligent. Mais maintenant il n'est plus temps. Cette preuve, d'ailleurs, résulte de l'ensemble des brochures précédentes et résultera mieux encore des suivantes. On verra que la main sévère de la justice providentielle s'appesantit tôt ou tard cruellement sur ces égoïsmes. Je crains bien que la classe moyenne de notre époque n'en fasse l'expérience. C'est une leçon qui n'a pas manqué aux rois, aux prêtres, aux aristocraties, aux Romains, aux Conventionnels, à Napoléon.
J'écrirais à M. de Fontenay pour le remercier de sa bonne lettre, s'il ne m'annonçait son départ pour la campagne.—Il y a de l'étoffe chez ce collègue. D'ailleurs, les jeunes gens de notre temps ont une souplesse de style au moyen de laquelle ils nous dépasseront. Ainsi va et doit aller le monde. Je m'en félicite. À quoi servirait qu'un auteur fît une découverte, si d'autres ne venaient la féconder, la rectifier au besoin, et surtout la propager?
Mon intention est de partir d'ici le 8 et d'arriver à Paris vers le 20. Je mettrai ma santé sous votre direction.
Lyon, 14 septembre 1850.
Je ne veux pas me lancer dans la seconde moitié de mon voyage, sans vous dire que tout s'est assez bien passé jusqu'ici. Je n'ai été un peu éprouvé que dans le trajet de Tonnerre à Dijon; mais cela était presque inévitable. Je crois que le mieux eût été de sacrifier une nuit et de prendre le courrier. C'est toujours le meilleur système. Coucher en route vous assujettit à prendre des pataches, des coucous, à être jeté sur l'impériale au milieu d'hommes ivres, etc.; et vous arrivez dans un mauvais cabaret pour recommencer le lendemain.
Je ne vous ai pas dit, mon ami, combien j'ai été sensible à l'idée qui vous a un moment traversé l'esprit de m'accompagner jusqu'en Italie. Je vous suis tout aussi reconnaissant que si vous eussiez exécuté ce projet. Mais je ne l'aurais pas souffert. C'eût été priver madame Paillottet de l'occasion de voir un jour ce beau pays, ou du moins c'eût été diminuer ses chances. D'ailleurs, ne pouvant pas causer, tout le charme de voyager ensemble eût été perdu. Ou nous aurions souvent violé la consigne, ce qui nous eût causé des remords; ou nous l'aurions observée, et ce n'eût pas été sans une lutte pénible et perpétuelle. Quoi qu'il en soit, je vous remercie du fond du cœur; et si madame Paillottet en a le courage, venez me chercher ce printemps, quand je ne serai plus muet.
Rappelez à de Fontenay mon conseil, je dis plus, ma pressante invitation de faire imprimer son Capital.
Pise, 11 Octobre 1850.
... J'ignore combien durera la législation actuelle sur la presse et la signature obligatoire. En attendant voilà, pour nos amis, une bonne occasion de se faire dans la presse une honorable renommée. J'ai remarqué avec plaisir des articles de Garnier, bien traités, bien soignés, et où l'on voit qu'il ne veut pas compromettre l'honneur du professorat. Je l'engage à continuer. Sous tous les rapports, le moment est favorable. Il peut se faire une belle position en répandant une doctrine pour laquelle les sympathies publiques sont prêtes à s'éveiller.—Dites-lui de ma part que, si l'occasion s'en présente, il ne permette ni à M. de Saint-Chamans ni à qui que ce soit d'assimiler ma position à celle de M. Benoist d'Azy dans la question des tarifs.—Il y a ces trois différences essentielles:
1o D'abord, quand il serait vrai que je suis poussé par l'amour de ma province, cela n'est pas la même chose que d'être poussé par l'amour de l'argent.
2o Tout mon patrimoine, tout ce que j'ai au monde est protégé par nos tarifs. Plus donc M. de Saint-Chamans me suppose intéressé, plus il doit me croire sincère quand je dis que la protection est un fléau.
3o Mais ce qui ne permet, en aucune façon, d'assimiler le rôle à la Chambre des protectionistes et des libre-échangistes, c'est l'abîme qui sépare leur requête. Ce que M. Benoist d'Azy demande à la loi, c'est qu'elle me dépouille à son profit. Ce que je demande à la loi, c'est qu'elle soit neutre entre nous et qu'elle garantisse ma propriété comme celle du maître de forges.
Molinari est chargé, à ce qu'il paraît, dans la Patrie, d'une partie plus vive et plus saillante. De grâce, qu'il ne la traite pas à la légère. Que de bien il peut faire en montrant combien sont infectées de socialisme les feuilles qui s'en doutent le moins! Comment a-t-il laissé passer l'article du National sur le livre de Ledru-Rollin et cette phrase:
«En Angleterre, il y a dix monopoles entés les uns sur les autres; donc c'est la libre concurrence qui fait tout le mal.
«L'Angleterre ne jouit que d'une prospérité précaire parce qu'elle repose sur l'injustice. Voilà pourquoi, si l'Angleterre rentre dans les voies de la justice, comme le propose Cobden, sa décadence est inévitable.»
Et c'est pour avoir fait ces découvertes que le National décerne à Ledru-Rollin le titre de grand homme d'État!...
Adieu, je suis fatigué.
FIN
TABLE DES MATIÈRES
DU SEPTIÈME VOLUME.
ESSAIS.
- 1.—D'une pétition en faveur des réfugiés polonais 1
- 2.—D'un nouveau collége à fonder 4
- 3.—Compte rendu sur la question des duels 10
- 4.—Liberté du commerce 14
- 5.—Questions soumises aux Conseils généraux, en 1845 20
- 6.—Projet de ligue anti-protectioniste 30
- 7.—Même sujet 34
- 8.—Même sujet 38
- 9.—Association à Bordeaux 43
- 10.—Au rédacteur du Journal de Lille 47
- 11.—Théorie du bénéfice 50
- 12.—Au rédacteur de l'Époque 53
- 13.—Le libre-échange en action 58
- 14.—Qu'est-ce que le commerce? 63
- 15.—À M. le Ministre du commerce 66
- 16.—Au rédacteur du Courrier français 71
- 17.—La réforme postale 78
- 18.—Même sujet 83
- 19.—La liberté commerciale 91
- 20.—1re lettre au Journal des Débats 96
- 21.—2e lettre 99
- 22.—Du chemin de fer de Bordeaux à Bayonne 103
- 23.—Aux membres de l'Association 108
- 24.—À M. Tanneguy-Duchâtel 114
- 25.—La logique du Moniteur industriel 119
- 26.—Toast 122
- 27.—La loi des céréales et le salaire 125
- 28.—Au Moniteur industriel 128
- 29 à 31.—Aux négociants du Havre 131
- 32 et 33.—Au rédacteur de la Presse 143
- 34 et 35.—Au rédacteur du National 152
- 36.—Le Roi libre-échangiste 167
- 37.—Discours à la salle Duphot 170
- 38.—Projet de discours à Bayonne 178
- 39.—Aux membres du Conseil général de la Seine 193
- 40.—Aux membres du Conseil général de la Nièvre 199
- 41.—À M. Jobard 207
- 42 à 45.—Courts articles dans la République française, du 27 février au 6 mars 1848 210
- 56 à 63.—Courts articles dans le Jacques-Bonhomme, du 11 au 23 juin 1848 235
- 64.—Le Capital 248
- 65.—Profession de foi de 1849 255
- 66.—Rapport au Conseil général des Landes 263
ÉBAUCHES.
- 67.—Sophismes électoraux 271
- 68.—Dialogue électoral 280
- 69.—Fragment 289
- 70.—Réforme parlementaire 289
- 71.—Lettre à un candidat 298
- 72.—Lettre à M. Dampierre 300
- 73.—Projet de préface pour les Harmonies 303
- 74.—Anglomanie, Anglophobie 309
- 75.—Le profit de l'un est le dommage de l'autre 327
- 76.—Individualisme et Fraternité 328
- 77.—Barataria 343
- 78.—Lettre à un ecclésiastique 351
- 79.—Question religieuse 353
- 80.—De la séparation du temporel et du spirituel 357
- 81.—Pensée 361
- 82.—Les trois conseils 361
- Lettre à M. Laurence 369
- Lettre à M. Dunoyer 371
- Lettre à M. de Lamartine 373
- Lettre à M. Paulton 374
- Cinq lettres à M. Horace Say 377
- Dix-sept lettres à M. Domenger 385
- Lettre à M. George Wilson 412
- Deux lettres à M. le comte Arrivabene 416
- Onze lettres à M. et madame Schwabe 420
- Cinq lettres à M. et madame Cheuvreux 432
- Huit lettres à M. Paillottet 436
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
Corbeil.—Typ. et stér. de Crété.
Notes
1: Il est probable, mais je n'en suis pas sûr, que cet article, extrait d'un cahier de Bastiat et écrit de sa main, a été inséré dans un journal de Bayonne, en 1834.
2: J'ai à répéter sur cet article ce que je viens de dire sur le précédent.
3: La Chalosse, journal de l'arrondissement de Saint-Sever, no du 11 février 1838. À cette époque, Bastiat et son ami M. Félix Coudroy, l'auteur de la brochure sur le Duel, se croyaient l'un et l'autre voués à l'obscurité. Ce fut seulement sept ans après que le premier fut appelé à manifester les qualités de son esprit sur un vaste théâtre. Pour l'y suivre, s'associer à ses travaux et se révéler comme loi au monde civilisé, il n'a manqué qu'une chose à M. Coudroy, la santé. On a déjà pu voir l'opinion de Bastiat sur le mérite de son ami en lisant les lettres insérées au tome Ier. Voici une lettre de plus écrite en 1845:
«Mon cher Félix,
«À cause de la difficulté de lire, je ne puis bien juger le style; mais ma conviction sincère (tu sais que là-dessus je mets de côté toute modestie de convenance), c'est que nos styles ont des qualités et des défauts différents. Je crois que les qualités du tien sont celles qui, lorsqu'on s'exerce, amènent le vrai talent: je veux dire un style vif, animé, avec des idées générales et des aperçus lumineux. Copie toujours sur de petits feuillets; s'il faut en modifier quelqu'un, ce sera peu de chose. En copiant, tu pourras peut-être polir; mais, pour moi, je remarque que le premier jet est toujours plus rapide et plus à la portée des lecteurs de nos jours, qui n'approfondissent guère.
«N'as-tu pas le témoignage de M. Dunoyer?»
4: Article inédit paraissant avoir été destiné à un journal du midi de la France. Il est de 1844.
5: Lorsque Bastiat écrivait un article, une fois sa tâche faite et le manuscrit livré à l'éditeur, il n'y pensait guère et n'en parlait plus. Les lignes que nous allons reproduire devaient faire suite, dans le Journal des Économistes, à l'article intitulé: Une question soumise aux Conseils généraux, etc. (Voir Œuvres complètes, t. Ier, p. 392 et suiv.) Mais, restées inédites par suite d'une omission contre laquelle l'auteur n'a pas réclamé, elles n'ont été remises dans mes mains que postérieurement à 1855.
6: Mémorial bordelais du 8 février 1846.
7: Mémorial bordelais du 9 février 1846.
8: Ce reproche discret et poétique, que Bastiat adressait à l'un de ses anciens condisciples de Sorrèze, resta sans effet.
9: Mémorial bordelais du 10 février 1846. (N. E.)
10: 10,000 francs.
11: Mémorial bordelais du 18 février 1846. (N. E.)
12: Mémorial bordelais du 19 février 1846.
13: Mémorial bordelais, du 26 février 1846. (N. E.)
14: Mémorial bordelais du 8 mars 1846.
15: Ici le mot satisfactions, préféré par l'auteur à consommations, montre que, longtemps avant d'écrire les Harmonies, il jugeait nécessaire d'introduire quelques modifications dans la langue de l'économie politique.
16: Mémorial bordelais, du 12 mars 1846.
17: Courrier français du 1er avril 1846.
18: Mémorial bordelais, du 6 avril 1846.
19: Courrier français du 11 avril 1846.
20: Mémorial bordelais du 23 avril 1846.
21: Mémorial bordelais, 30 avril 1846.
22: Recevez dans l'année 4 lettres à 3 décimes, 4 lettres à 2 décimes et 2 lettres à 1 franc; n'est-ce point comme si vous aviez payé pour chaque lettre le taux fixe de 40 centimes qui est la moyenne du système actuel?
23: Nous renvoyons pour la démonstration à l'excellent rapport de M. Chégaray (Séance du 5 juillet 1844, p. 10 et suiv.).
24: Mémorial bordelais du 2 mai 1846.
25: Journal des Débats du 2 mai 1846.
26: Reproduite par le Mémorial bordelais du 14 mai 1846.
27: Mémorial bordelais, du 19 mai 1846, reproduisant la Patrie.
28: Mémorial bordelais du 14 juin 1846.
29: Aucun de ces personnages ne fit partie de l'association pour laquelle, dans des conversations particulières, ils n'avaient pas hésité à témoigner de la bienveillance. La plupart n'avaient pas assez étudié la question, et les plus compétents n'étaient pas assez convaincus pour embrasser ouvertement la cause du libre-échange, sans s'inquiéter des obstacles qui pouvaient en retarder le triomphe.
30: On vient de voir l'auteur, s'adressant à ses collègues, manifester une ferme espérance. Dans la pièce suivante, no 24, il emprunte, pour s'adresser à un ministre, le fier langage d'Achille. Sa lettre à M. Duchâtel eut des résultats bien divers, sur lesquels les pages 73 et 74 du tome Ier fournissent des renseignements.
31: Mémorial bordelais du 30 juin 1846.
32: Mémorial bordelais du 1er juillet 1846.
33: Courrier français du 19 août 1846.
34: Courrier français du 24 août 1846.
35: Courrier français du 29 août 1846.
36: Mémorial bordelais du 22 octobre 1846.
37: Mémorial bordelais du 23 octobre 1846.
38: Mémorial bordelais du 25 octobre 1846.
39: Courrier français du 22 août 1846.
40: Voir la déclaration de l'Association pour la liberté des échanges, t. II, p. 1 et 2.
41: Voir t. VI, p. 415 et suiv.
42: Courrier français du 2 septembre 1846.
43: La protection s'est relevée, en Amérique, du coup que lui avait porté le tarif de 1846. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. Ce n'est pas d'une mesure gouvernementale, c'est de l'opinion publique que dépend le sort définitif d'un système. Or l'opinion publique, aux États-Unis, n'en est pas encore arrivée à reconnaître ce qu'a d'inique et de malfaisant le système protecteur. Bastiat l'avait crue plus avancée.
44: Courrier français du 10 novembre 1846.
45: Courrier français du 11 novembre 1846.
46: Libre-échange du 30 mai 1847.
47: On a vu, dans un grand nombre des articles qui précèdent, et notamment aux numéros 10 à 12, 14 à 16, 19 à 21, 25, 27, 28, 32 à 36, les premiers efforts de l'auteur pour amener les journaux français à l'étude des vérités économiques, et au respect de la liberté, sous toutes ses formes. La continuation des mêmes efforts est présentée, au tome II, dans les numéros 16 à 29.
48: Libre-échange du 13 juin 1847.
49: C'est au sortir de Marseille (voir t. II, p. 293 et suiv.) que l'auteur eut l'idée de visiter sa ville natale, et d'y prendre la parole en faveur de la liberté d'échanger. J'ignore pourquoi ce projet ne fut pas exécuté.
50: Le 5 septembre 1492.
51: Ici s'arrête le manuscrit du discours projeté. Quelques notes qui y sont jointes indiquent comment l'auteur entendait le terminer. Il devait exposer que l'esprit de liberté et l'esprit d'oppression se livreraient encore plus d'un combat au Parlement; que le parti libéral y était devenu plus fort depuis les dernières élections; que ce parti, d'après ses actes anciens et récents, méritait la confiance et la sympathie de la France. En d'autres termes, il devait développer devant le public de Bayonne la même idée qu'on trouve dans quelques-uns de ses écrits, notamment t. III, p. 459, et au présent volume, dans l'ébauche intitulée et ANGLOMANIE, ANGLOPHOBIE.
52: Libre-échange du 14 novembre 1847.
53: Libre-échange du 21 novembre 1847.
54: Lettre publiée par l'Économiste belge, no du 1er septembre 1860.
55: L'expropriation pour cause d'utilité publique y remédie.
56: Dans le t. II, p. 459 à 465, figure le contingent fourni par Bastiat aux Petites affiches de Jacques Bonhomme. Grâce à l'obligeance de M. G. de Molinari, nous pouvons reproduire maintenant de courts articles qu'écrivit Bastiat pour deux autres des feuilles publiques, qui eurent une courte existence en 1848, la République française et Jacques Bonhomme.
57: La République française, no du 27 février 1848.
58: La République française, no du 28 février 1848.
59: Ici et ailleurs, l'emploi du pluriel montre que Bastiat parlait au nom de ses collaborateurs comme au sien. À ce moment, il signait avec eux le journal, et acceptait la solidarité de leurs opinions.
60: La République française, no du 29 février 1848.
61: La République française, no du 29 février 1848.
62: La République française, no du 29 février 1848.
63: No du 1er mars 1848 de la République française.
64: No du 1er mars 1848 de la République française.
65: À partir du second numéro de la République française, celui du 27 février jusqu'au no 5, du 1er mars 1848, le nom de Bastiat figure à la dernière ligne du journal avec les noms de ses autres rédacteurs. Il n'en est plus ainsi dans les numéros suivants: Bastiat ne signe plus le journal; il se borne à signer ses propres articles.
66: No du 2 mars 1848 de la République française.
67: En ce sens qu'ils attirent le plus la concurrence.
68: No du 4 mars 1848 de la République française.
69: No du 5 mars 1848 de la République française.
70: No du 6 mars 1848 de la République française.
71: 1er numéro du Jacques Bonhomme, du 11 au 15 juin 1848.
72: Même numéro.
73: Même numéro.
74: On reconnaît, dans cet article et le suivant, l'esquisse du pamphlet l'État, publié trois mois après. Voir t. IV, p. 327.
75: No 2 de Jacques Bonhomme, du 15 au 18 juin 1847.
76: No 2 de Jacques Bonhomme, du 15 au 18 juin 1847.
77: No 3 du Jacques Bonhomme, du 20 au 23 juin 1848.
78: No 3 du Jacques Bonhomme, du 20 au 23 juin 1848.
79: Almanach républicain pour 1849, 1 vol. in-32. Paris, Pagnerre. N'oublions pas qu'à cette époque des voix retentissantes prodiguaient au capital les épithètes d'infâme et d'infernal.
80: Jacques Bonhomme, no du 20 au 23 juin; au présent volume, p. 246.
81: Je n'ai pas découvert qu'on ait jamais imprimé un travail de Bastiat sous le titre d'Individualisme et Fraternité. A-t-il, par mégarde, désigné l'ébauche reproduite ci-après (no 76) comme un travail publié? Aurait-il achevé cette ébauche pour quelque publication qui me soit restée inconnue? Je ne sais à quelle conjecture m'arrêter.
82: M. Victor Lefranc.
83: M. Adolphe de Lajonkaire.
84: Cette esquisse, c'est ainsi que l'auteur la désigne en marge, restée à l'état de fragment, est postérieure à 1840.
85: Cette lettre, préparée sur un cahier, il y a trente ans à peu près, fut-elle mise au net et envoyée au destinataire, dont je supprime le nom? Je l'ignore. Mais je crois utile de la reproduire, ne fût-ce que pour montrer une fois de plus combien Bastiat prenait au sérieux le gouvernement représentatif, et aimait à conformer ses actes à ses théories. Je la fais suivre d'une lettre qui fut adressée quelques années plus tard à M. Dampierre.
86: Aux électeurs de l'arrondissement de Saint-Sever. T. Ier, p. 461.
87: Il est facile d'inférer de ce passage et de plusieurs autres, que Bastiat eut porté deux jugements sur ce qu'on nomme aujourd'hui les candidatures officielles. 1o Il y aurait vu une dérision du régime représentatif; 2o cette dérision lui eut semblé plus triste que nouvelle.
88: Ce projet, en forme de lettre adressée à l'auteur, fut ébauché par lui vers la fin de 1847.
89: Cette ébauche est de 1847. L'auteur voulait en faire un chapitre pour la seconde série des Sophismes économiques, qui parut à la fin de l'année.
90: Voir l'article intitulé Deux Angleterre, t. III, p. 459.
91: On pourrait plaider, en faveur des journaux français, une circonstance atténuante. Il y eut, ce me semble, de leur part, ignorance spéciale, prévention, inadvertance plutôt que calcul, dans la plupart des méfaits que Bastiat leur reproche. Qu'on examine, par exemple, les lettres qu'il dut adresser, en septembre et en novembre 1846, à deux des coryphées du journalisme parisien, les rédacteurs en chef de la Presse et du National, et l'on se convaincra que ces deux feuilles, n'entrevoyaient ni la marche ni l'importance du débat sur les Corn-Laws, en Angleterre.—Voir pages 148 à 166.
92: Globe and Traveller.
93: Ébauche de 1847. L'auteur s'en est tenu à ce court préambule du chapitre qu'il promettait dans l'ébauche précédente. Il s'aperçut bien vite que, pour la réfutation projetée, un chapitre ne suffisait pas. C'était un livre qu'il fallait; et il écrivit les Harmonies.
94: Histoire de la Révolution Française, par Louis Blanc, t. Ier, p. 9.
95: Louis Blanc, Histoire de la Révolution, t. Ier, p. 350.
96: Bastiat n'ayant pas achevé de copier de sa main, sur son manuscrit, le passage du livre dont il s'occupe, j'ai dû combler cette lacune et donner la phrase entière. À propos des derniers mots, je me permets de dire qu'ils impliquent contradiction avec la pensée de réaliser un système social quelconque par l'intervention de l'État, c'est-à-dire par la force. Ceux qui proposent des systèmes sociaux de leur invention ne bornent, pas plus que Robespierre, leur prétention à persuader, à obtenir le volontaire assentiment des cœurs, et ne sont pas mieux fondés que lui à se placer sous le drapeau de la liberté.
97: En publiant ce court fragment d'une brochure projetée, il est de mon devoir de rapporter une réflexion de l'auteur. Je parlais avec regret, devant lui, peu de jours avant sa mort, de ce projet deux fois formé et deux fois abandonné. Il s'empressa de dire qu'il avait bien fait de laisser là ce sujet, et que, dans l'opinion des masses, l'économie politique n'était que trop entachée de positivisme et d'égoïsme. C'eût été, ajouta-t-il, alimenter ce préjugé défavorable que de placer le langage du bon sens, de la vérité économique dans la bouche de Sancho Pança, et le langage du socialisme, de l'utopie dans la bouche de Don Quichotte.
98: Nous avions quelque peine à comprendre comment Don Quichotte avait pu citer Rousseau, et il nous est naturellement venu à la pensée que ce pouvait bien être Rousseau qui avait fait des emprunts à Don Quichotte. Mais considérant que l'antiquité est le seul sujet d'étude et d'admiration des modernes, nous préférons croire à une simple coïncidence, qui n'a rien de surprenant.
Tous les passages placés entre guillemets ou écrits en italique, sont tirés du Contrat social.
99: Économiste belge du 14 Janvier 1860.
100: Celle du 22 mars 1848. (Œuvres complètes, t. I, p. 506.)
101: Ce projet d'article indique sa date lui-même.
102: Extraite d'un cahier de l'auteur, et probablement écrite en 1849.
103: Le mot manque dans le manuscrit. Il est probable que l'intercalation de périrait serait conforme à la pensée de l'auteur.
104: Ébauche publiée par l'Économiste belge, no du 3 juin 1860.
105: De la répartition de la contribution foncière dans le département des Landes, t. Ier, p. 283.
106: La lettre à laquelle Bastiat répond lui avait été adressée à propos de l'article du Journal des Économistes, intitulé: Un économiste a M. de Lamartine. (Voir t. Ier, p. 406).
107: L'un des lecturers de l'Anti-corn-laws League.
108: Voyez ci-dessus, p. 325, la fin de l'ébauche intitulée: Anglomanie, Anglophobie.
109: Il me semble que je ne dois me faire aucun scrupule de livrer aujourd'hui à la publicité le nom de M. de Langsdorf. Quel blâme pourrait-il encourir, à raison des secrètes sympathies témoignées à la cause de la liberté commerciale, il y a dix-neuf ans?
110: La chaire de M. Michel Chevalier avait été supprimée et n'était pas encore rétablie.
111: Ceci nous donne la date de la profession de foi en forme de lettre à MM. Tonnelier, Degon, Bergeron, etc. Fin du tome Ier.
112: Deux mois plus tard, je rencontrai, à Livourne, la contrefaçon belge qui s'y vendait fort bien.
113: Ici la date précise importe, à cause des appréciations politiques qui suivent, et Bastiat a laissé le quantième en blanc; mais la suscription offre très-net le timbre de la Sardaigne du 1er décembre, d'où il suit que la lettre fut probablement écrite et jetée à ta poste à Rome le 28 novembre.
114: Voici le texte de l'invitation à laquelle Bastiat répond:
BANQUET TO CELEBRATE THE FINAL REPEAL OF THE CORN LAWS.
Newall's Buildings, Manchester, January 9, 1849.
My dear Sir,
The Act for the repeal of our Corn Laws will come into operation on the 1st February next, and it has been resolved to celebrate the event by a banquet in the Free Trade Hall in this City, on the 31st January.
The prominent part you have taken in your own country, in the adversary of the principles of Commercial Freedom, and the warm sympathy you have always manifested in our movement, has induced the Committee to direct me respectfully to invite you to be present as a Guest.
In conveying this invitation, permit me to hope that you may be able to make it convenient to make one among us at our festival.
Believe me, dear Sir,
Your faithful and obedient servant,
115: La lettre de M. le comte Arrivabene, à laquelle Bastiat répond, était relative à un passage du chapitre III des Harmonies, publié en décembre 1848 dans le Journal des Économistes. Ce passage se trouve pages 73 et 74 du tome VI.
116: Il s'agit de la deuxième série des Sophismes économiques.
117: Une des filles de madame Schwabe, née à Paris, peu après la révolution de février.
118: Ce travail, au lieu de servir de complément au pamphlet Spoliation et loi, devint un pamphlet séparé, sous ce titre: La loi.—Voir t. IV, p. 342, et t. V, p. 1.
119: Voir t. IV, p. 394.
120: Non plus en manuscrit, mais en épreuve imprimée.
121: Voir au tome V la note de la page 336.
Note au lecteur de ce fichier numérique:
—Page 5, le Y devrait avoir un signe "brève" dans Tītyrĕ.