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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 04: comprenant ses mémoires publiés par Thomas Moore

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FIN DU MORGANTE MAGGIORE.




DISCOURS


DE LORD BYRON.




I. Discours sur le bill relatif aux mécaniques (frame-work bill), prononcé dans la Chambre des Lords, le 27 février 1812.

II. Sur la motion du comte de Donoughmore, qui réclamait la formation d'un comité pour l'examen des droits des catholiques, le 21 avril 1812.

III. Sur la pétition du major Cartwright, ler juin 1813.





AVERTISSEMENT

DU TRADUCTEUR.


Ces trois discours sont certainement dignes d'attirer l'attention. On verra avec plaisir Lord Byron plaider en faveur de la classe ouvrière, réclamer l'émancipation des catholiques, la réforme parlementaire, etc., etc. C'est ainsi que, dès son entrée dans la carrière politique, Byron se sépara de l'orgueilleuse et égoïste aristocratie, à laquelle il appartenait par sa naissance. Que l'on songe que l'émancipation catholique n'a été obtenue qu'en 1828, que la réforme parlementaire trouve encore mille préjugés et mille intérêts à combattre, et l'on ne s'étonnera pas que la haute société anglaise ait prononcé l'anathème contre un noble si infecté d'opinions démocratiques, et l'ait abreuvé de dégoûts, au point de l'obliger à maudire et fuir son pays.




DISCOURS

SUR LE BILL RELATIF AUX MÉCANIQUES

(Frame-work bill),
PRONONCÉ, DANS LA CHAMBRE DES LORDS, LE 27 FÉVRIER 1812.
L'ordre du jour étant la seconde lecture de ce bill, Lord Byron se leva, et (pour la première fois) s'adressa à leurs Seigneuries dans les termes suivans:

Milords,

Le sujet actuellement soumis à vos Seigneuries pour la première fois, quoique nouveau à la Chambre, n'est en aucune façon nouveau pour le pays. Je crois qu'il a occupé les sérieuses méditations de toutes sortes de personnes, long-tems avant d'être amené à la connaissance de la législature, qui seule pouvait rendre de réels services. Comme homme attaché en quelque degré au comté souffrant, quoique je sois étranger, non seulement à la Chambre en général, mais presque à chacune des personnes dont j'ose solliciter l'attention, je dois réclamer de vos Seigneuries quelque peu d'indulgence, lorsque j'offre un petit nombre d'observations sur une question dans laquelle je m'avoue moi-même gravement intéressé.

Il serait superflu d'entrer dans le détail des excès commis. La Chambre sait déjà que les mutins se sont tout permis, sauf l'effusion du sang; que les propriétaires des métiers, et toutes les personnes qu'on supposait avoir quelque relation avec eux, ont été exposés à toute espèce d'insultes et de violences. Durant le court espace de tems que je passai récemment dans le Nottinghamshire 279, douze heures ne s'écoulèrent pas sans quelque nouvel acte de violence; et le jour où je quittai le comté, j'appris que quarante métiers avaient été brisés le soir précédent, comme d'ordinaire, sans résistance, et sans qu'on connût l'auteur du délit. Tel était alors l'état de ce comté, et tel il est encore en ce moment, comme j'ai quelque raison de le croire. Mais, tout en admettant que ces excès prennent en ce moment une extension alarmante, on ne peut nier qu'ils n'aient pris naissance du sein d'une détresse inouïe. La persévérance de ces misérables dans leur conduite tend à prouver qu'il n'y a que l'extrême indigence qui ait pu porter une nombreuse, honnête et industrieuse classe du peuple à commettre des violences si périlleuses pour eux-mêmes, pour leurs familles et pour la société.

Note 279: (retour) Le comte de Nottingham, dans le diocèse d'Yorck: pays manufacturier, riche en fabriques de bas faits au métier, de soieries et cotonnades.

(N. du. Tr.)

A l'époque dont je parle, la ville et le comté étaient chargés de considérables détachemens militaires; la police était en mouvement, les magistrats assemblés, cependant tous les mouvemens de la justice civile et de la force militaire n'ont abouti à rien. Il ne s'est pas présenté un seul exemple d'arrestation, d'un malfaiteur pris réellement en flagrant délit; il n'y a donc pas eu un seul individu contre lequel il existât des preuves légales, suffisantes pour le faire déclarer coupable. Mais la police, quoique inutile, n'était point demeurée oisive: plusieurs individus notoirement coupables, avaient été découverts; hommes atteints et convaincus, avec la plus grande évidence, du crime capital de pauvreté; hommes qui avaient le tort affreux d'avoir légitimement engendré un grand nombre d'enfans, que, grâces à la dureté des tems, ils étaient incapables d'entretenir. Un dommage considérable avait été fait aux propriétaires des métiers perfectionnés; ces machines leur étaient avantageuses, en ce qu'elles leur permettaient de renvoyer un assez grand nombre d'ouvriers, qui, par conséquent, se trouvaient réduits à mourir de faim. Par exemple, par l'adoption d'une certaine espèce de métier, un homme faisait la besogne de plusieurs, et les travailleurs superflus étaient dépourvus d'emploi. Cependant il est digne de remarque, que l'ouvrage ainsi exécuté était de qualité inférieure, qu'il ne pouvait se vendre dans l'intérieur du royaume, et n'était fabriqué que pour l'exportation. Il était désigné, dans l'argot commercial, par le nom d'œuvre d'araignée 280. Les ouvriers renvoyés, dans leur aveugle ignorance, au lieu de se réjouir de ces progrès dans les arts si utiles à l'humanité, pensèrent qu'ils allaient être sacrifiés aux progrès des mécaniques. Dans la simplicité de leurs cœurs, ils imaginèrent que l'existence et le bien-être des pauvres industrieux étaient des objets d'importance plus grande que l'accroissement de la fortune d'un petit nombre d'individus par le moyen de machines perfectionnées, qui ôtaient aux ouvriers leur emploi, et mettaient le travailleur hors d'état de gagner son salaire. Et l'on doit l'avouer, quoique l'adoption des mécaniques, dans l'état de prospérité commerciale dont notre patrie s'enorgueillissait naguère, ait pu être avantageuse au maître sans causer aucun détriment au serviteur, néanmoins, dans la situation actuelle de nos manufactures, dont les produits pourrissent dans les magasins sans espoir d'exportation, les métiers de cette espèce tendent matériellement à aggraver la détresse et le mécontentement de ceux qui souffrent. Mais la cause réelle de la détresse et des troubles qu'elle engendre est située plus haut. Quand on nous dit que ces hommes sont ligués non seulement pour la destruction de tout ce qui fait leur propre aisance 281, mais encore de leurs moyens de subsistance, pouvons-nous oublier que c'est la désastreuse politique, le funeste état de guerre des huit dernières années, qui à détruit leur aisance, la vôtre, et celle de tout le monde? Politique, qui, née avec de grands hommes d'état qui ne sont plus, a survécu à la mort de ces hommes, pour devenir une source de malédictions pour les vivans, jusqu'à la troisième et la quatrième génération! Les ouvriers ne détruisirent jamais leurs métiers avant que ces métiers ne fussent devenus inutiles, et pis qu'inutiles, avant qu'ils ne fussent devenus un obstacle immédiat au travail nécessaire pour gagner leur pain quotidien. Pouvez-vous donc vous étonner, que dans des tems comme ceux où nous vivons, lorsque des banqueroutiers, des hommes convaincus de fraude, accusés de félonie, se rencontrent dans une position sociale fort peu inférieure à celle de vos Seigneuries; pouvez-vous, dis-je, vous étonner que la plus basse classe du peuple, qui n'en est pas moins une classe fort utile, oublie son devoir, et devienne coupable à un moindre degré que tel ou tel de ses représentans? Mais, tandis que le coupable de haut rang peut trouver le moyen de mépriser la loi, de nouvelles peines capitales doivent être imaginées, de nouveaux piéges de mort doivent être tendus contre le malheureux ouvrier que la faim a poussé au mal.

Note 281: (retour) Tout ce qui fait l'aisance. Cela est exprimé en anglais par le mot comfort; il serait à désirer que ce mot fût transporté dans notre langue, comme son dérivé comfortable.

(N. du Tr.)

Ces hommes étaient disposés à bêcher la terre, mais la bêche était en d'autres mains; ils ne rougissaient pas de demander l'aumône, mais il n'y avait personne pour la leur faire; leurs moyens de subsister étaient supprimés, tous les autres emplois déjà occupés: leurs excès, tout déplorables et condamnables qu'ils sont, peuvent à peine être un sujet de surprise.

Il a été dit que les personnes qui possèdent temporairement les mécaniques sont de connivence avec les ouvriers qui les brisent; si la preuve de ce fait est résultée de l'enquête, il était nécessaire que cette circonstance accessoire du crime fût une des principales considérations dans l'application de la peine. Mais j'espérais que la mesure proposée par le gouvernement de Sa Majesté, et soumise à la décision de vos Seigneuries, aurait eu pour base les moyens de conciliation, ou du moins, si cette espérance était vaine, que quelque enquête préalable, quelque délibération eût été jugée nécessaire, afin que nous ne fussions pas appelés, sans examen et sans motif, à prononcer des condamnations en masse, et à signer, les yeux fermés, des arrêts de mort. Mais admettons que ces hommes n'aient eu aucun motif de se plaindre; que leurs doléances et celles de leurs maîtres soient sans fondement; qu'ils méritent le dernier supplice: quelle insuffisance, quelle ineptie évidente dans la méthode adoptée pour réduire ces rebelles! Pourquoi, si la force militaire devait être appelée, l'a-t-elle été pour devenir un objet de risée? Autant que la différence des saisons l'a permis, ç'a été une pure parodie de la campagne d'été du major Sturgeon; et, en vérité; tous les actes de l'autorité civile et militaire semblent avoir été calqués sur ceux du maire et de la municipalité de Garratt.--Que de marches et de contremarches! de Nottingham à Bullwell, de Bullwell à Bandford, de Bandford à Mansfield! Et quand enfin les détachemens arrivaient à leur destination, dans tout l'orgueil, la pompe et l'apparence d'une guerre glorieuse, ils venaient juste à tems pour être témoins des désastres qui avaient été commis, pour s'assurer que les auteurs du crime avaient fui, pour recueillir comme dépouilles opimes 282 les débris des métiers mis en pièces, et retourner dans leurs quartiers à travers les railleries des vieilles femmes et les huées des enfans. Certes, quoique, dans un pays libre, il soit à désirer que notre force militaire ne devienne jamais trop formidable à nous mêmes, cependant je ne comprends pas la politique qui place nos soldats dans une situation où ils ne peuvent être que ridicules. Comme le glaive est le pire argument que l'on puisse employer, il doit être le dernier. Dans cette circonstance, il a été le premier; mais, par un heureux hasard, il n'est pas encore sorti de son fourreau. La mesure actuelle va, il est vrai, le mettre hors de sa gaîne. Cependant, si des conférences 283 convenables eussent été tenues lors des premières scènes de ce désordre, si les souffrances de ces hommes et de leurs maîtres (car les maîtres ont aussi leurs souffrances), eussent été bien pesées et justement examinées, je pense qu'on aurait pu trouver le moyen de rendre les ouvriers à leur besogne, et la tranquillité au comté. À présent le comté souffre le double fléau d'une garnison militaire oisive, et d'une population mourante de faim. Dans quel état d'apathie avons-nous été si long-tems plongés, pour que la Chambre n'ait eu jusqu'à ce moment aucune connaissance officielle de ces troubles? Tout cela s'est passé à cent-trente milles 284 de Londres, et cependant nous, braves gens dans l'aisance, nous avons cru que notre grandeur s'accroissait, et nous avons, au milieu des calamités domestiques, paisiblement joui des triomphes que nous remportons au dehors. Mais toutes les villes que vous avez prises, toutes les armées qui ont battu en retraite devant vos généraux, ne sont que de misérables sujets de nous féliciter, si votre pays se divise, si vos dragons et vos exécuteurs doivent être lâchés contre vos concitoyens.--Vous appelez ces hommes une populace désespérée, dangereuse et ignorante; et vous semblez penser que le seul moyen d'apaiser la bellua multorum capitum 285 est d'abattre quelques-unes de ces têtes superflues. Mais la populace même est susceptible d'être ramenée à la raison par un mélange de mesures fermes et de voies conciliatrices, beaucoup mieux que par de nouveaux sujets d'irritation, que par des supplices multipliés. Connaissons-nous ce dont nous sommes redevables à la populace? C'est la populace qui laboure dans vos champs, et qui sert dans vos maisons,--qui arme vos vaisseaux et recrute votre armée,--qui vous à mis en état de défier le monde entier, et qui pourra aussi vous défier vous-mêmes, alors que l'abandon et la misère l'auront poussée au désespoir. Libre à vous d'appeler le peuple populace; mais n'oubliez pas que la populace exprime trop souvent les sentimens du peuple. Et ici je dois remarquer avec quel empressement vous êtes accoutumés à voler au secours de vos alliés malheureux, tandis que vous abandonnez les malheureux de votre propre patrie au soin de la providence ou de la paroisse. Quand les Portugais eurent été ruinés par les Français forcés à la retraite, chacun étendit son bras, ouvrit sa main; depuis les immenses largesses du riche jusques au denier de la veuve, tout leur fut fourni pour les mettre à même de rebâtir leurs villages et de regarnir leurs greniers. Et, dans ce moment, quand des milliers de vos concitoyens, hommes égarés mais malheureux, luttent contre la misère et la faim, votre charité devrait faire dans l'intérieur du pays l'œuvre qu'elle a commencée au dehors. Avec une somme beaucoup moindre, avec la dîme des libéralités faites au Portugal, lors même que ces hommes n'auraient pu être rendus à leurs occupations (ce que je ne puis admettre sans enquête ultérieure), vous auriez rendu inutiles les tendresses miséricordieuses de la baïonnette et du gibet. Mais sans doute nos amis ont trop de misères étrangères à soulager pour tourner leurs regards sur les calamités domestiques, quoique jamais la pitié n'ait pu avoir un plus touchant spectacle. J'ai traversé le théâtre de la guerre dans la péninsule, j'ai été dans quelques-unes des provinces turques les plus opprimées; mais jamais sous le plus despotique des gouvernemens infidèles, je ne vis une détresse aussi affreuse que celle que j'ai vue depuis mon retour dans le cœur même d'un pays chrétien. Et quels sont vos remèdes? Après des mois entiers d'inaction, et des mois d'action pires que l'inactivité, enfin paraît le grand spécifique, l'infaillible recette de tous les médecins du corps politique, depuis le siècle de Dracon jusqu'à l'époque actuelle. Après avoir tâté le pouls du patient et hoché la tête, après avoir prescrit les ressources usuelles de l'eau chaude et de la saignée, l'eau chaude de votre nauséeuse police et les lancettes de vos militaires, ces convulsions doivent se terminer par la mort, sûre terminaison des prescriptions de tous nos Sangrados politiques. Je mets de côté l'injustice palpable, et l'inefficacité non-douteuse du bill; n'y a-t-il donc pas assez de peines capitales dans vos statuts? N'y a-t-il pas assez de sang qui souille votre code pénal? voulez-vous en verser encore, qui monte vers le ciel et porte témoignage contre vous? Comment, d'ailleurs, mettrez-vous le bill à exécution? Pouvez-vous renfermer un comté tout entier dans ses prisons? Élèverez-vous un gibet dans chaque champ, et pendrez-vous les hommes comme autant d'épouvantails? ou bien (puisque vous devez mettre à exécution cette mesure), procéderez-vous par décimation? placerez-vous le pays sous le régime de la loi martiale? dépeuplerez-vous, ravagerez-vous tout autour de vous? et rétablirez-vous la forêt de Sherwood comme apanage de la couronne, dans son ancien état de chasse royale, et d'asile pour les malfaiteurs? Le malheureux affamé qui a bravé vos baïonnettes, pâlira-t-il à l'aspect de vos gibets? Quand la mort est un bien, et le seul bien que vous paraissiez vouloir lui faire, vos dragonnades le réduiront-elles à la tranquillité? Ce que vos grenadiers n'ont pu faire, vos bourreaux pourront-ils l'accomplir? Si vous procédez par les formes légales, où est votre évidence? Ceux qui ont refusé de dénoncer leurs complices, lorsque la déportation était la seule punition à craindre, ne seront pas tentés de porter témoignage contre eux, maintenant que la peine capitale les attend. Avec toute la déférence due aux nobles lords d'opinion contraire, je soutiens qu'une petite investigation, une enquête préalable les engagerait à changer de conduite. Cette mesure favorite de nos hommes d'état, suivie de succès si merveilleux dans plusieurs circonstances, et dans des circonstances récentes, la temporisation ne perdrait point ses avantages dans le cas actuel. Quand une proposition vous est faite dans le but d'émanciper et de soulager, vous hésitez, vous délibérez pendant des années entières, vous temporisez et vous préparez les esprits; mais un bill de mort doit passer tout de suite, sans que l'on songe le moins du monde aux conséquences. Je suis sûr d'après ce que j'ai entendu dire, et d'après ce que j'ai vu, que l'adoption du bill, sans enquête, sans délibération, ne ferait qu'ajouter une injustice à l'irritation actuelle, et la barbarie à l'abandon. Les auteurs d'un tel bill doivent être contens d'hériter des honneurs de ce législateur athénien, dont on a dit que les décrets avaient été écrits non pas avec de l'encre, mais en lettres de sang. Mais supposons le bill adopté; supposons un de ces hommes, comme je les ai vus,--amaigri par la famine, plongé dans un sombre désespoir, peu soucieux de conserver une vie que vos Seigneuries sont peut-être sur le point d'évaluer un peu au-dessous d'un métier à bas,--supposez cet homme environné par ses enfans à qui il ne peut procurer du pain aux dépens même de son existence, près d'être arraché pour toujours à une famille que naguère il entretenait par sa paisible industrie, et qu'il est devenu, sans faute de sa part, incapable d'entretenir;--supposez cet homme (et il y en a dix mille tels que lui, parmi lesquels vous pouvez choisir vos victimes), supposez-le traîné devant la cour pour être jugé pour ce nouveau délit, par cette nouvelle loi; hé bien! il manque encore deux conditions pour qu'il soit reconnu coupable, et condamné comme tel; il manquera, c'est mon opinion,--douze bouchers pour jury, et un Jefferies 286 pour juge.

Note 282: (retour) En latin dans le texte: spolia opima.
Note 284: (retour) Environ quarante-trois lieues.

(N. du Tr.)

Note 285: (retour) La bête à plusieurs têtes.

(N. du Tr.)

Note 286: (retour) Lord George Jefferies, chancelier d'Angleterre sous Jacques II, célèbre par ses cruautés.

(N. du Tr.)




DISCOURS

SUR LA MOTION DU COMTE DE DONOUGHMORE,

QUI RÉCLAMAIT LA FORMATION D'UN COMITÉ POUR L'EXAMEN DES
DROITS DES CATHOLIQUES, AVRIL 21, 1813.

Milords,

La question qui occupe la Chambre a été l'objet de discussions si fréquentes, si complètes, si habiles (et peut-être aujourd'hui encore plus habiles qu'en aucune autre circonstance), qu'il serait difficile d'apporter de nouveaux argumens pour ou contre. Mais, à chaque discussion, des difficultés ont été éloignées, des objections ont été épluchées et réfutées; et quelques-uns des anciens adversaires de l'émancipation catholique ont enfin concédé qu'il était convenable de faire droit aux réclamations des pétitionnaires. Après cette importante concession, néanmoins, une nouvelle objection s'est élevée: il n'en est pas tems, dit-on, ou le tems est mal choisi, ou il y a encore assez de tems. En quelque sorte, je suis d'accord avec ceux qui disent qu'il n'en est pas tems précisément: le tems en est passé; mieux vaudrait, pour le pays, que les catholiques possédassent en ce moment leur quote-part de nos priviléges, et que leurs nobles eussent dans nos conseils une juste portion d'influence, que de nous trouver ici assemblés pour discuter leurs droits. Oui, cela vaudrait mieux.

Non tempore tali

Cogere consilium, quum muros obsidet hostis.

L'ennemi est au dehors et la misère est au dedans. Il est trop tard pour chicaner sur des points de doctrine, quand nous devons nous unir pour la défense de choses plus importantes que le pur cérémonial de la religion. Il est, en vérité, singulier que nous soyons convoqués pour délibérer, non pas sur le Dieu que nous devons adorer, car là-dessus nous sommes d'accord; non pas sur le roi à qui nous devons obéir, car nous lui sommes très-fidèles; mais sur la question de savoir jusqu'à quel point une différence dans les cérémonies du culte, jusqu'à quel point une foi, non pas trop restreinte, mais trop étendue (ce qui est le pire des griefs que l'on puisse imputer aux catholiques),--jusqu'à quel point un excès de dévotion à leur Dieu peut rendre nos concitoyens incapables de servir efficacement leur roi.

On a, dans cette Chambre et hors de cette Chambre, beaucoup parlé de l'église et de la constitution; et, quoique ces mots respectables aient été trop souvent prostitués aux plus misérables desseins de l'esprit de parti, nous ne pouvons les entendre répéter trop souvent. Tous les orateurs sont, je présume, les défenseurs de l'église et de la constitution; de l'église du Christ et de la constitution de la Grande-Bretagne, mais non d'une constitution d'exclusion et de despotisme; non d'une église intolérante, non d'une église militante, qui s'expose elle-même à l'objection dirigée contre la communion romaine, et s'y expose à un plus haut degré; car la religion catholique ne refuse que ses bénédictions spirituelles (et ce point même est douteux); mais notre église, ou plutôt nos hommes d'église, non-seulement dénient aux catholiques les grâces spirituelles, mais encore toute espèce de biens temporels. Le grand lord Peterborough observa dans cette enceinte, ou dans celle où les lords s'assemblaient à cette époque, qu'il était pour un roi parlementaire, pour une constitution parlementaire, mais non pour un Dieu parlementaire, non pour une religion parlementaire. L'intervalle d'un siècle n'a pas affaibli la force de cette remarque. Il est tems, en vérité, que nous laissions ces misérables chicanes sur des points si frivoles, ces subtilités lilliputiennes, dignes de qui veut décider s'il est mieux de casser les œufs par le gros ou le petit bout.

Les adversaires des catholiques peuvent être divisés en deux classes: ceux qui affirment que les catholiques ont déjà trop, et ceux qui allèguent que la classe inférieure, du moins, n'a rien de plus à demander. Les uns nous disent que les catholiques ne seront jamais contens; les autres, qu'ils sont déjà trop heureux. Le dernier paradoxe est suffisamment réfuté par la pétition présente comme par toutes les pétitions passées; on aurait pu tout aussi bien prétendre que les nègres ne désiraient pas être émancipés; mais c'est une comparaison malheureuse; car vous avez déjà délivré ceux-ci du régime de la servitude, sans pétition de leur part, et malgré plusieurs pétitions de leurs maîtres dans un but tout opposé. Pour moi, quand j'y réfléchis, je plains les paysans catholiques de n'avoir pas eu le bonheur de naître avec une peau noire. Mais, nous dit-on, les catholiques sont contens, ou, du moins, doivent l'être. Je m'en vais donc rappeler quelques-unes des circonstances qui contribuent si merveilleusement à leur excessif contentement. Ils ne jouissent pas du libre exercice de leur religion dans l'armée régulière; le soldat catholique ne peut manquer au service du ministre protestant; et à moins qu'il ne soit cantonné en Irlande ou en Espagne, où peut-il trouver, s'il en a le désir, l'occasion d'assister aux cérémonies de son culte? La permission d'avoir des chapelains catholiques fut accordée comme une faveur spéciale aux régimens de la milice irlandaise, et encore ne fut-elle accordée qu'après plusieurs années de réclamations, quoique un acte passé en 1793 l'eût établie comme un droit. Mais, en Irlande, les catholiques sont-ils convenablement protégés? leur église peut-elle acheter un morceau de terre pour y élever une chapelle? Non. Tous les édifices consacrés au culte sont bâtis en vertu de baux de concession, ou de tolérance, donnés par un laïque, baux aisément résiliables et fort souvent violés. À l'instant où un désir bizarre, un caprice fortuit, du bienveillant propriétaire rencontre quelque opposition, les portes sont fermées à la pieuse assemblée. C'est ce qui est arrivé sans cesse, mais jamais avec autant d'éclat que dans la ville de Newton-Barry, dans le comté de Wexford. Les catholiques, n'ayant point de chapelle régulière, louèrent, pour ressource temporaire, deux granges qui, réunies ensemble, servirent au culte public. À cette époque, demeurait, vis-à-vis de ce lieu, un officier qui paraît avoir été profondément imbu de ces préjugés, dont les pétitions protestantes; actuellement sur le bureau, prouvent l'heureuse destruction chez la portion la plus raisonnable de la nation; et, quand les catholiques vinrent, au jour accoutumé, s'assembler, en paix et bonne volonté avec les hommes, pour le culte de leur Dieu, qui est aussi le vôtre, ils trouvèrent la chapelle fermée, et furent avertis que s'ils ne se retiraient pas sur-le-champ (et cet avertissement leur était signifié par un officier des yeomen 287 et par un magistrat), le riot act 288 allait être lu, et l'assemblée dispersée à la pointe de la baïonnette! Une plainte contre cette violence fut adressée à un haut fonctionnaire, au secrétaire du Château, en 1806, et celui-ci répondit (au lieu d'ordonner une réparation), qu'il ferait écrire une lettre au colonel, afin de prévenir, s'il était possible, le retour de semblables scènes de désordre. Ce fait ne demande pas le développement d'un grand appareil oratoire; mais il tend à prouver que, tandis que l'église catholique n'a pas la faculté d'acheter des terrains pour élever ses chapelles, elle ne trouve dans les lois aucune protection. En même tems, les catholiques sont à la merci du plus mince officier, qui peut impunément faire ses bons tours à la face du ciel, insulter son Dieu et outrager ses semblables.

Note 287: (retour) Espèce de garde municipale.

(N. du Tr.)

Note 288: (retour) Ordonnance contre les rassemblemens.

(N. du Tr.)

Tout écolier, tout petit laquais (car de tels individus ont obtenu des brevets dans notre service militaire), tout petit laquais qui a pu changer ses rubans de livrée pour une épaulette, peut faire tout cela, et même plus encore contre les catholiques, en vertu de l'autorité même, à lui déléguée par son souverain sous l'obligation expresse de défendre ses concitoyens jusqu'à la dernière goutte de son sang, sans différence ou distinction aucune entre les catholiques et les protestans.

Les catholiques irlandais ont-ils le bénéfice plein et entier du jugement par jury? Non, ils ne l'ont pas; ils ne peuvent l'avoir qu'après avoir obtenu le droit de partager avec les protestans le privilége de servir l'état en qualité de shériffs et de sous-shériffs. Il y a eu un exemple frappant de cet abus, aux assises d'Enniskillen. Un yeoman fut traduit en justice pour le meurtre d'un catholique nommé Macvournagh; trois témoins respectables, et non contredits, déposèrent qu'ils avaient vu le prévenu charger son arme, viser, faire feu, et tuer ledit Macvournagh. Cette circonstance fut convenablement développée par le juge; mais, à l'étonnement du barreau, et à la grande indignation de la cour, le jury protestant acquitta l'accusé. La partialité était si évidente, que le juge, M. Osborn, regarda comme son devoir, d'arrêter l'assassin acquitté, mais non pas absous, pour de larges indemnités, et de lui ôter ainsi pour quelque tems la liberté de tuer impunément les catholiques.

Les lois faites en leur faveur sont-elles observées? Elles sont rendues illusoires dans les cas les plus frivoles comme dans les plus sérieux. Par un règlement récent, on permet dans les prisons les chapelains catholiques: mais dans le comté de Fermanagh le grand jury persista dernièrement à présenter pour cet office un ministre suspendu, et viola par là le statut, malgré les plus pressantes remontrances d'un respectable magistrat, nommé M. Fletcher. Telles sont les lois, telle est la justice pour les libres, heureux, et joyeux catholiques.

On a demandé pourquoi les riches catholiques ne créent pas des dotations pour l'éducation de leurs prêtres.--Mais pourquoi ne leur permettez-vous pas de le faire? Pourquoi tous les legs de cette nature sont-ils soumis à une intervention vexatoire, arbitraire et concussionnaire, à l'intervention de la commission orangiste 289 des donations charitables? Quant au collége de Maynooth, en aucune circonstance, hormis à l'époque de sa fondation, alors qu'un noble pair (lord Camden), à la tête de l'administration de l'Irlande, parut s'intéresser aux progrès de cet établissement; et sous le gouvernement d'un noble duc (Bedford) qui, comme ses ancêtres, a toujours été l'ami de la liberté et de l'humanité, et qui n'a pas assez bien adopté la politique égoïste du jour, pour exclure les catholiques du nombre de ses semblables: sauf ces exceptions, le collége de Maynooth n'a pas été convenablement encouragé. Il y a eu à la vérité un tems où l'on chercha à se concilier le clergé catholique, lorsque l'union était incertaine, union qui ne pouvait avoir lieu sans l'intermède de ce clergé, lorsque son assistance était indispensable pour obtenir des adresses favorables de la part des comtés catholiques: alors les prêtres catholiques étaient cajolés et caressés, craints et flattés, on leur fit entendre que l'union mettrait une heureuse fin à toute chose; mais, le moment de la crise une fois passé, ils furent repoussés avec mépris dans leur première obscurité.

Note 289: (retour) The orange commissioners for charitable donations.

Dans la conduite qu'on n'a pas cessé de tenir à l'égard du collége Maynooth, tout semble fait pour irriter et inquiéter,--tout semble fait pour effacer de la mémoire des catholiques la plus légère impression de gratitude. Le foin même, coupé dans la plaine, la graisse et le suif du bœuf et du mouton alloués, doivent être payés, et les comptes doivent en être rendus et réglés par serment. Il est vrai que cette économie en miniature ne peut être suffisamment louée, particulièrement à une époque où il n'y a que ces insectes dévorateurs du trésor, vos Hunt et vos Chinnery, où il n'y a que ces punaises dorées 290 qui puissent échapper à l'œil microscopique des ministres. Mais quand de session en session, après n'avoir laissé qu'avec effort et répugnance échapper de vos mains votre chétive aumône, vous venez vous vanter de votre libéralité; alors le catholique pourrait bien s'écrier, dans les termes mêmes de Prior:

J'ai quelque obligation à Jean; mais, par malheur, Jean juge à propos de le communiquer à toute la nation: ainsi, Jean et moi nous sommes quittes 291.
Note 290: (retour) Gilded bugs. Citation.
Note 291: (retour)

To John I owe some obligation,

But John unluckily thinks fit

To publish it to all the nation:

So John and I are more than quit.

Quelques personnes ont comparé les catholiques au mendiant de Gil Blas. Qui les a faits mendians? de qui la dépouille de leurs ancêtres a-t-elle grossi les richesses? Et ne pouvez-vous soulager le mendiant que vos pères ont réduit à un tel état? Si vous êtes disposés à le soulager tout-à-fait, ne pouvez-vous accomplir cette œuvre sans lui jeter vos deniers 292 au visage? Toutefois, pour faire contraste à cette misérable bienfaisance, considérons les écoles protestantes de charité 293; vous leur avez récemment alloué 41,000 liv. 294. C'est ainsi qu'elles sont entretenues; et comment sont-elles recrutées? Montesquieu fait observer à l'égard de la constitution anglaise, qu'on en peut trouver le modèle dans Tacite, là où l'historien décrit les institutions politiques des Germains; et ce publiciste ajoute: «Ce beau système fut tiré des forêts.» Pareillement, en parlant des écoles protestantes de charité, on peut faire observer que ce beau système fut tiré des Bohémiennes. Comme se recrutaient les Janissaires au tems de leur enrôlement sous Amurat, comme les Bohémiennes de l'époque actuelle se recrutent encore avec des enfans volés; ainsi ces écoles se recrutent avec des enfans séduits, et dérobés à leurs familles catholiques, par leurs riches et puissans voisins protestans. Cela est notoire, et un seul exemple peut suffire pour montrer de quelle manière cela se pratique. La sœur de M. Carthy (gentleman catholique fort riche en biens fonds) laissa en mourant deux filles qui furent immédiatement désignées comme prosélytes, et conduites à l'école de charité de Coolgreny: leur oncle, à la nouvelle de ce fait, qui avait eu lieu pendant son absence, réclama la restitution de ses nièces, et offrit de transférer une partie de ses biens sur la tête de ses deux parentes. Sa demande fut rejetée, et ce n'est qu'après une lutte de cinq années, et grâce à l'intervention d'une haute autorité, que ce gentleman catholique obtint que deux jeunes filles, qui lui étaient si étroitement liées par les droits du sang, sortissent de l'école de charité, et lui fussent rendues. Voilà de quelle façon l'on se procure des prosélytes que l'on mêle aux enfans de tous les protestans qui peuvent avoir recours au bénéfice de cette institution. Et quelle instruction leur est donnée? On leur met entre les mains un catéchisme, qui est composé, je crois, de quarante-cinq pages, et dans lequel il y a trois questions relatives à la religion protestante. L'une de ces demandes est celle-ci: «Où était la religion protestante avant Luther?» Réponse: «Dans l'Évangile.» Il reste quarante-quatre pages et demie qui concernent la damnable idolâtrie des papistes.

Note 292: (retour) Farthings: liards, deniers.
Note 293: (retour) Protestant charter schools.

Permettez-moi de le demander à nos pasteurs et maîtres spirituels: est-ce là la manière d'instruire un enfant dans la voie qu'il doit suivre? Est-ce là la religion de l'Évangile avant le tems de Luther? cette religion qui proclame tout haut: paix sur la terre, et gloire à Dieu! Est-ce là élever des enfans, pour les rendre hommes ou démons? Mieux vaudrait les envoyer n'importe où,--que de leur enseigner de telles doctrines: mieux vaudrait les envoyer dans ces îles des mers australes, où, par une éducation plus humaine, ils apprendraient à devenir cannibales: il serait moins odieux qu'ils fussent instruits à dévorer les morts qu'à persécuter les vivans. Donnez-vous le nom d'écoles à de tels établissemens? Nommez-les plutôt des fumiers où la vipère de l'intolérance dépose ses petits, afin que plus tard leurs dents étant devenues tranchantes, et leur venin s'étant mûri, ils en sortent, chargés d'ordure et de poison, pour blesser les catholiques. Mais sont-ce là les doctrines de l'église d'Angleterre, ou celles des gens d'église? Non, les ecclésiastiques les plus éclairés sont d'une opinion différente. Que dit Paley: «Je n'aperçois aucune raison pour laquelle des hommes de diverses croyances religieuses ne doivent pas siéger sur le même banc, délibérer dans le même conseil, ou combattre dans les mêmes rangs, tout aussi bien que des hommes d'opinions religieuses différentes discutent ensemble sur une controverse d'histoire naturelle, de philosophie ou de morale.» On peut répondre que Paley n'était pas rigoureusement orthodoxe; je ne saurais rien décider sur son orthodoxie, mais qui niera qu'il n'ait été un des ornemens de l'église, de la nature humaine, et de la chrétienté? Je n'appuierai point sur le fardeau des dîmes, fardeau si durement senti par les paysans, mais il est peut-être à propos de remarquer qu'il y a encore une charge additionnelle, un droit de tant pour cent pour le collecteur, qui, par conséquent, est intéressé à porter les dîmes au plus haut taux possible, et nous savons que dans plusieurs bénéfices considérables d'Irlande, les protestans résidens sont les seuls qui soient procureurs de la dîme.

Parmi tant de causes d'irritation, trop nombreuses pour être récapitulées, il y en a une dans la milice, qu'on ne doit point passer sous silence: je veux parler de l'existence des loges orangistes parmi les particuliers. Les officiers peuvent-ils dénier ce fait? Et si ces loges existent, tendent-elles, peuvent-elles tendre à établir l'harmonie parmi les hommes, qui sont ainsi individuellement séparés de la société, quoique confondus dans les rangs de l'ordre social? Et doit-on permettre ce système général de persécution, ou est-il à croire qu'avec un tel système les catholiques puissent ou doivent être contens? S'ils le sont, ils manquent à l'humaine nature; alors, en vérité, ils sont indignes d'être autre chose que ce que vous les avez faits,--autre chose que des esclaves. Les faits que j'ai cités ont pour appui les plus respectables autorités: sans quoi, je n'aurais point osé en ce lieu, ni en quelque lieu que ce soit, me hasarder à les avancer. Si l'on m'objecte que je n'ai jamais été en Irlande, je vous prierai de remarquer qu'il est aisé de connaître un peu l'Irlande, sans jamais y avoir été, comme il paraît possible que quelques personnes y soient nées, y aient été nourries et élevées, et pourtant demeurent dans l'ignorance des véritables intérêts de cette contrée.

Mais il y en a qui affirment que les catholiques ont été déjà trop bien traités. Voyez, disent-ils, ce qui a été fait; nous leur avons donné un collége entier, nous leur allouons la nourriture et l'habillement, la pleine et complète jouissance des élémens, et nous les laissons combattre pour nous aussi long-tems qu'ils ont leurs membres et leurs vies à nous offrir, et néanmoins ils ne sont jamais contens! O généreux et justes déclamateurs! C'est à cela, et à cela seul qu'aboutissent tous vos argumens, dépouillés de tout sophisme. Ces personnes me remettent en mémoire l'histoire d'un certain tambour qui, appelé au rigoureux devoir d'administrer la punition ordonnée contre un ami attaché au poteau, fut sommé de fouetter haut; il fouetta bas, il fouetta un peu moins bas, il fouetta haut, puis bas, puis entre deux, et ainsi de suite à plusieurs reprises, mais le tout en vain: le patient continua ses plaintes avec la plus choquante opiniâtreté, jusqu'à ce que le tambour, épuisé de fatigue et bouillant de colère, eût jeté à bas les verges, en s'écriant: «Le diable vous rôtisse; il n'y a aucune manière de fouetter qui vous plaise.» Ainsi vous comportez-vous vous-mêmes: vous avez fouetté le catholique haut et bas, ici et là, et partout, et vous vous étonnez qu'il ne soit pas content! Il est vrai que le tems, l'expérience, et la fatigue qui suit l'exercice même de la barbarie, vous ont appris à fouetter un peu plus doucement; mais vous continuez toujours à sangler votre victime, et continuerez ainsi jusqu'à ce que peut-être le fouet soit arraché de vos mains, et tourné contre vous-mêmes et contre votre postérité.

Il a été dit par un des orateurs précédens (j'ai oublié qui c'était, et ne me soucie guère de m'en souvenir): «Si les catholiques sont émancipés, pourquoi pas les juifs?» Si ce propos a été dicté par une sincère compassion pour les juifs, il mérite attention; mais si ce n'est qu'un trait d'ironie contre les catholiques, est-ce autre chose que le langage de Shylock transporté du mariage de sa fille à l'émancipation catholique?--

Je voudrais que quelqu'un de la tribu de Barrabas l'obtint plutôt qu'un chrétien 295.
Note 295: (retour)

Would any of the tribe of Barrabbas

Should have it rather than a christian.

(Shaksp., The Merch. of Ven.)

Je présume, qu'un catholique est un chrétien, même dans l'opinion de celui dont le goût seul peut être supposé pencher en faveur des juifs.

C'est une remarque, souvent citée, du docteur Johnson (que je prends pour une autorité presque aussi bonne que le doux apôtre de l'intolérance, le docteur Duigenan), que celui qui entretiendrait quelque appréhension sérieuse de danger pour l'église dans les tems actuels, aurait crié au feu durant le Déluge. Ceci est plus qu'une métaphore, car un restant de ces personnages antédiluviens semble aujourd'hui s'être retiré chez nous, avec le feu dans la bouche et l'eau dans la cervelle, pour troubler et inquiéter le genre humain de leurs cris bizarres et fantasques. Et comme c'est un symptôme infaillible de la désolante maladie dont je les crois atteints (maladie sur laquelle le premier docteur venu donnera des renseignemens à vos Seigneuries), comme c'est, dis-je, un symptôme infaillible pour ces infortunés malades d'apercevoir sans cesse des éclairs devant leurs yeux; surtout quand leurs yeux sont fermés, il est impossible de convaincre ces pauvres créatures que le feu contre lequel ils nous avertissent nous et eux-mêmes de nous prémunir, n'est rien autre chose qu'un feu follet; produit de leurs imaginations idiotes. Quelle rhubarbe, quel séné; ou quelle autre drogue purgative peut expulser de leur esprit ce vain fantôme?--Cela est impossible; ils sont perdus. C'est à eux que s'applique véritablement ce mot.

Caput insanabite tribus Anticyris 296.

Note 296: (retour) Citation d'Horace. «Tête incurable, même par l'ellébore qu'on recueillerait dans trois Anticyres.» Anticyre, île de l'Archipel, célèbre dans l'antiquité, parce qu'elle fournissait l'ellébore, qui passait, bien à tort, pour un spécifique contre la folie.

(N. du Tr.)

Tels sont vos vrais protestans. Comme Bayle, qui protestait contre toutes les sectes, ainsi protestent-ils contre les pétitions catholiques, contre les pétitions protestantes, contre toute réparation, et tout ce que la raison, l'humanité, la politique, la justice et le bon sens peuvent opposer aux illusions de leur absurde délire. Ces gens-là présentent le cas inverse de la montagne qui enfanta une souris: ce sont des souris qui s'imaginent être dans le travail d'enfantement d'une ou plusieurs montagnes.

Pour revenir aux catholiques, supposez que les Irlandais fussent actuellement contens, malgré toutes les incapacités dont la loi les frappe,--supposez-les capables d'une stupidité telle qu'ils ne désirent aucunement être délivrés,--ne devons-nous pas désirer leur délivrance, dans notre propre intérêt? N'avons-nous rien à gagner par leur émancipation? Quelles ressources nous ont été fermées? quels talens ont été perdus à cause de cet égoïste système d'exclusion? Vous connaissez déjà la valeur des secours irlandais: en ce moment, la défense de l'Angleterre est confiée à la milice irlandaise; en ce moment, tandis que le peuple mourant de faim se soulève dans la fureur du désespoir, les Irlandais sont fidèles au devoir confié en leurs mains. Mais tant qu'une égale énergie n'aura pas été communiquée partout, par l'extension de la liberté, vous ne pourrez avoir la pleine et entière jouissance de la force que vous êtes heureux d'interposer entre vous et la destruction. L'Irlande a beaucoup fait, mais fera plus encore. En ce moment, le seul triomphe que nous ayons obtenu durant les longues années d'une guerre continentale, a été remporté par un général irlandais 297. Il est vrai qu'il n'est pas catholique; s'il l'eût été, nous eussions été privés de ses talens. Toutefois, je ne présume pas que personne veuille prétendre que sa religion eût affaibli son génie militaire ou diminué son patriotisme; quoique, dans le cas supposé, il eût été obligé de combattre dans les rangs; car, à coup sûr, il n'eût jamais commandé une armée.

Note 297: (retour) Arthur Wellesley, depuis lord Wellington.

(N. du Tr.)

Mais tandis qu'il gagne au dehors des batailles en faveur des catholiques, son noble frère s'est fait dans cette séance le défenseur de leurs intérêts avec une éloquence que je ne déprécierai point par l'humble tribut de mon panégyrique, pendant le tems même qu'un de leurs parens, qui leur est aussi peu semblable qu'il leur est inférieur en talent, a combattu à Dublin contre ses frères catholiques avec des circulaires, des édits, des proclamations, des arrestations et des dispersions de rassemblemens,--avec tous les moyens vexatoires de la chétive guerre qui pouvait être entretenue par les guérillas mercenaires du gouvernement, vêtues de l'armure rouillée de leurs statuts surannés. Il est, en vérité, singulier d'observer la différence de notre politique étrangère et de notre politique intérieure. Si la catholique Espagne, le fidèle 298 Portugal, ou le non moins fidèle et non moins catholique ex-roi des Deux-Siciles (à qui, soit dit en passant, il ne restait plus que la Sicile, dont vous l'avez récemment dépouillé), si, dis-je, ces peuples et ces rois catholiques ont besoin de secours, vite nous faisons partir une flotte et une armée, un ambassadeur et un subside, quelquefois pour soutenir de rudes combats, généralement pour faire de mauvaises négociations, et toujours pour payer beaucoup d'argent pour nos alliés papistes. Mais si quatre millions de nos concitoyens, qui combattent, paient, et travaillent pour nous, s'avisent de nous adresser des prières pour obtenir quelque soulagement, nous les traitons comme des étrangers, et, quoique la maison de leur père offre plusieurs logemens, il n'y a pour eux aucune place de repos. Permettez-moi de vous le demander, ne vous battez-vous pas pour l'émancipation de Ferdinand VII, qui certainement est un sot, et par conséquent, suivant toute probabilité, un bigot?

Note 298: (retour) Allusion aux dénominations des rois d'Espagne et de Portugal: le premier se nommant Sa Majesté Catholique (S. M. C.), le second, Sa Majesté Très-Fidèle (S. M. T. F.).

(N. du Tr.)

Et avez-vous donc plus de considération pour un souverain étranger que pour vos concitoyens qui ne sont point des sots (car ils connaissent votre intérêt mieux que vous ne connaissez le vôtre); qui ne sont point des bigots, car ils vous rendent le bien pour le mal; mais qui endurent un sort pire que d'être tenus en prison par un usurpateur, car les chaînes qui asservissent l'ame sont plus pesantes que celles qui entravent le corps.

Je ne m'étendrai point sur les conséquences qui doivent résulter de votre refus d'accéder aux réclamations des pétitionnaires; vous les connaissez, vous les éprouverez, ainsi que les enfans de vos enfans quand vous ne serez plus. Adieu pour jamais à cette union, ainsi nommée par la même raison que lucus à non lucendo 299, union qui n'a jamais rien uni, dont le premier effet fut de donner un coup mortel à l'indépendance de l'Irlande, et dont le dernier résultat sera peut-être de séparer à jamais l'Irlande de notre pays. Si l'on peut appeler cela une union, c'est celle du requin avec sa proie; le ravisseur dévore sa victime, et c'est ainsi qu'il ne forme plus avec elle qu'un tout indivisible. Ainsi la Grande-Bretagne a dévoré le parlement, la constitution, l'indépendance de l'Irlande, et elle refuse maintenant de rendre un seul privilège, quoiqu'elle ait par là le moyen de guérir la surcharge indigeste de son corps politique.

Note 299: (retour) Lucus (nom des bois sacrés, impénétrables à la lumière) vient, selon les étymologistes, de lucere (luire), par antiphrase.

(N. du Tr.)

Et maintenant, milords, avant de me rasseoir, je demanderai aux ministres de Sa Majesté la permission de dire quelques mots, non pas sur leurs mérites, car cela serait superflu; mais sur le degré d'estime que leur accorde le peuple des trois royaumes. L'estime qu'on leur accorde a été en une récente occasion célébrée d'un ton de triomphe dans cette enceinte, et l'on a établi une comparaison entre leur conduite, et celle des nobles lords qui siégent de ce côté de la Chambre.

Quelle portion de popularité peut-elle être échue en partage à mes nobles amis (si toutefois je ne suis pas indigne de les regarder comme tels); c'est ce que je ne prétends pas déterminer: mais, quant à celle des ministres de Sa Majesté, il serait inutile de la nier. La popularité, c'est un fait sûr, est un peu comme le vent: «On ne sait pas d'où elle vient ni où elle va,» mais ils la sentent, ils en jouissent, ils s'en vantent. En vérité, simples et modestes comme ils le sont, à quelle extrémité du royaume peuvent-ils fuir pour éviter le triomphe qui les poursuit? S'ils s'enfoncent dans les provinces méditerranées, ils y seront accueillis par les ouvriers des manufactures, qui tenant à la main leurs pétitions méprisées, et portant autour du cou la corde récemment votée en leur faveur, appelleront les bénédictions du ciel sur les têtes de ceux qui ont imaginé le moyen si simple, mais si ingénieux, de les délivrer de leurs misères, ici-bas, en les envoyant dans un monde meilleur. S'ils voyagent en Écosse, de Glasgow à Johnny Groat, partout ils recevront de pareilles marques d'approbation. S'ils font une tournée de Portpatrick à Donaghadee, ils rencontreront les embrassemens empressés de quatre millions de catholiques, à qui leur vote d'aujourd'hui les a rendus chers pour jamais. Quand ils reviendront dans la capitale,--ils ne peuvent échapper aux acclamations des bourgeois, et aux applaudissemens plus timides mais non moins sincères des marchands en faillite et des capitalistes en péril de banqueroute. S'ils tournent leurs regards sur l'armée, quelles guirlandes, non de lauriers, mais de morelle 300 ne prépare-t-on pas pour les héros de Walcheren! Il est vrai qu'il est resté peu d'hommes en vie pour certifier leurs mérites en cette occasion: mais un nuage de témoins est venu de cette brave armée qu'ils ont si généreusement et si pieusement mise en campagne pour recruter la noble armée des martyrs.

Note 300: (retour) La morelle, en anglais night-shade, mot à mot, ombre de la nuit, est une plante assez commune dans les champs: la couleur sombre de ses feuilles en font un emblème assez naturel de la tristesse.

(N. du Tr.)

Si dans le cours de cette carrière triomphale, où ils recueilleront autant de cailloux qu'en recueillit l'armée de Caligula dans un triomphe semblable, prototype du leur;--si, dis-je, ils n'aperçoivent aucun de ces monumens qu'un peuple reconnaissant élève pour honorer ses bienfaiteurs, oui, quoiqu'il n'y ait pas même une enseigne qui veuille condescendre à déposer la tête du Sarrasin 301 pour la remplacer par l'image des conquérans de Walcheren, ils n'ont pas besoin de portrait, eux qui peuvent toujours avoir les honneurs de la caricature; ils n'ont point à regretter le manque de statue, eux qui se verront si souvent pendus en effigie. Mais leur popularité n'est pas bornée dans les étroites limites d'une île; il y a d'autres contrées où leurs mesures, et surtout leur conduite envers les catholiques les rendra éminemment populaires. S'ils sont aimés ici, en France ils doivent être adorés. Il n'y a pas de mesure plus contraire aux desseins et aux sentimens de Buonaparte que l'émancipation des catholiques; pas de plan de conduite plus favorable à ses projets que celui qui a été, est encore, et sera toujours, je le crains, suivi à l'égard de l'Irlande. Qu'est l'Angleterre sans l'Irlande, et qu'est l'Irlande sans les catholiques? C'est sur la base de votre tyrannie que Napoléon espère bâtir la sienne. L'oppression des catholiques doit inspirer tant de reconnaissance à son cœur, que sans aucun doute (comme il a dernièrement permis un renouvellement de communication) le prochain cartel amènera dans ce pays des cargaisons de porcelaines de Sèvres et de rubans (denrée, grandement recherchée, et de valeur égale en ce moment), de rubans de la Légion-d'Honneur pour le docteur Duigenan et ses disciples ministériels. Telle est cette popularité si bien gagnée, qui résulte de ces expéditions extraordinaires, si ruineuses pour nos finances et si inutiles à nos alliés; de ces singulières enquêtes, si favorables aux accusés, et si peu satisfaisantes pour le peuple, de ces victoires paradoxales, si honorables, nous dit-on, pour le nom anglais, mais si contraires aux vrais intérêts de la nation anglaise: surtout, telle est la récompense, de la conduite tenue par les ministres envers les catholiques.

Note 301: (retour) Une tête de Sarrasin est une enseigne aussi fréquente en Angleterre que l'est chez nous le lion d'or, le soleil d'or, le bon coing, etc.

(N. du Tr.)

J'ai à m'excuser auprès de la Chambre, qui, je l'espère, pardonnera à un jeune homme qui n'a pas l'habitude de réclamer souvent votre patience, d'avoir aujourd'hui si longuement tâché d'attirer votre attention. Mon opinion irrévocable est, comme mon vote le sera, en faveur de la motion.




DISCOURS

SUR LA PÉTITION DU MAJOR CARTWRIGHT,

LE Ier JUIN 1813.


Lord Byron se leva et dit:

Milords,

La pétition que je tiens, dans l'intention de la présenter à la Chambre, doit, si je ne me trompe, obtenir une attention particulière de la part de vos Seigneuries; en effet, quoiqu'elle ne soit signée que par un seul individu, elle contient des faits qui, s'ils ne sont pas contredits, demandent de fort sérieuses investigations. Le grief dont le pétitionnaire se plaint, n'est ni personnel, ni imaginaire. Ce grief ne lui est point particulier; il a été, il est encore ressenti par une foule d'autres personnes. Il n'y a aucun citoyen hors de ces murs, ni même, en vérité, dans cette enceinte, qui ne puisse demain être exposé à la même insulte et aux mêmes obstacles, dans l'accomplissement d'un devoir impérieux pour la restauration de la véritable constitution des trois royaumes, en pétitionnant pour la réforme du parlement 302. Le pétitionnaire, milords, est un homme dont la longue vie a été consacrée à une lutte perpétuelle pour la liberté des citoyens, contre cette influence illégitime qui s'est sans cesse accrue, qui s'accroît encore, et qu'il est nécessaire de diminuer; et, quelque contraires que puissent être plusieurs esprits à ses dogmes politiques, peu de gens mettront en doute la pureté de ses intentions. Maintenant même, accablé d'années, et sujet aux infirmités qui accompagnent son âge, mais sans avoir rien perdu de son talent, ni de son inébranlable énergie,--frangas, non flectes 303,--il a reçu plus d'une blessure en combattant contre la corruption; et le nouvel outrage, la récente insulte dont il se plaint, peut lui laisser une cicatrice de plus, mais non le déshonorer. La pétition est signée par John Cartwright; et c'est pour la cause du peuple et du parlement, dans la légitime poursuite de cette réforme dans la représentation du pays, réforme qui est le meilleur service qui puisse être rendu tant au parlement qu'au peuple, que le major Cartwright a souffert l'indigne outrage qui fait le sujet principal de sa pétition à vos Seigneuries. Sa plainte est écrite dans un langage ferme, mais respectueux;--dans le langage d'un homme qui n'oublie pas sa propre dignité, mais en même tems a, je crois, un sentiment égal de la déférence due à la chambre. Le pétitionnaire avance, entre autres faits d'importance, sinon plus grande, au moins égale, pour tous ceux qui sont Bretons par les sentimens, comme par le sang et par la naissance, que le 21 janvier 1813, à Huddersfield, lui et six autres personnes qui, à la nouvelle de son arrivée, s'étaient rendues auprès de lui, dans l'intention pure et simple de lui donner un témoignage de respect, furent saisies par les autorités civile et militaire, et tenues au secret pendant plusieurs heures, sous le poids d'une grossière et injurieuse prévention insinuée par l'officier commandant, relativement au caractère du pétitionnaire; que lui (le pétitionnaire), il fut enfin conduit devant un magistrat, et ne fut remis en liberté qu'après qu'un examen minutieux de ses papiers eut prouvé qu'il était non-seulement injuste mais matériellement impossible d'articuler contre lui une charge quelconque; et que, malgré la promesse et l'ordre exprès du président du tribunal, la copie du mandat d'arrêt lancé contre le pétitionnaire a été refusée sous divers prétextes, et n'a pu, jusqu'à cette heure, être obtenue. Les noms et la condition des parties intéressées se trouvent dans la pétition. Quant aux autres points dont il est question dans la pétition, je ne m'en occuperai pas maintenant, désireux que je suis de ne pas abuser du tems de la Chambre; mais j'appelle sincèrement l'attention de vos Seigneuries sur ces divers points.--C'est dans la cause du parlement et du peuple que la liberté individuelle de ce vénérable citoyen a été violée; et c'est, dans mon opinion, la plus haute marque de respect qu'il ait pu donner à la Chambre, que de recourir à votre justice, plutôt qu'à un appel à une cour inférieure. Quel que puisse être le sort de sa plainte, c'est pour moi une satisfaction, à la vérité, mêlée de regret en cette circonstance, que d'avoir eu l'occasion de dénoncer publiquement les obstacles auxquels le citoyen est exposé dans la poursuite du devoir le plus légitime et le plus impérieux,--celui d'obtenir, par voie de pétition, la réforme parlementaire. J'ai brièvement exposé le grief dont le pétitionnaire se plaint plus longuement. Vos Seigneuries adopteront, je l'espère, une mesure propre à donner pleine protection, pleine réparation au pétitionnaire, et non pas au pétitionnaire seul, mais au corps entier de la nation, insulté et blessé dans un de ses membres par l'interposition d'une autorité civile abusée et d'une force militaire illégale entre les citoyens et leur droit d'adresser des pétitions à leurs représentans.

Note 302: (retour) Le jeu d'esprit suivant, adressé à M. Hobhouse sur son élection à Westminster, a été attribué à Lord Byron. On le rappelle ici à cause de son rapport au sujet en question:

«Mors janua vitæ

Would you get to the house through the true gate,

Much quicker than even whig Charley went?

Let Parliament send you to Newgate--

And Newgate will send you to--Parliament.

«Voulez-vous gagner la Chambre par la véritable porte, beaucoup plus vite même que le whig Charley n'y parvint? Faites-vous envoyer par le Parlement à Newgate, et Newgate vous enverra au Parlement.

(N. d'un édit. anglais.)

Note 303: (retour) On peut le briser, non le fléchir.

(N. du Tr.)

Sa Seigneurie présenta alors la pétition du major Cartwright: on en fit lecture. Plainte y était faite de ce qui était arrivé à Huddersfield, et des entraves opposées au droit de pétition dans plusieurs endroits de la partie septentrionale du royaume.

Sa Seigneurie fit la motion que la pétition fût prise en considération 304.

Note 304: (retour) Should be laid on table, mot à mot, «fût mise sur la table.»

(N. du Tr.)

Plusieurs pairs ayant parlé sur la question, Lord Byron répliqua qu'il avait, par des motifs de devoir, présenté cette pétition à l'examen de leurs Seigneuries. Un noble comte avait prétendu que ce n'était pas une pétition, mais un discours; et que, comme elle ne contenait aucune prière, elle ne devait pas être accueillie.--Quelle était la nécessité d'une prière? Si ce mot devait être employé dans son sens propre, leurs Seigneuries ne pouvaient attendre qu'aucun homme adressât une prière à d'autres hommes.--Il n'avait rien autre chose à dire, sinon que la pétition, quoique conçue dans certains passages en termes peut-être trop forts, ne contenait aucune phrase inconvenante, mais était écrite dans un style fort respectueux envers leurs Seigneuries, il espérait donc que leurs Seigneuries prendraient la pétition en considération.


FIN DES DISCOURS PARLEMENTAIRES.



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