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Voyages: voyage de Laponie, voyage de Flandre et de Hollande, du Danemark, de la Suède

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VOYAGE
DE FLANDRE ET DE HOLLANDE
COMMENCÉ LE 26 AVRIL 1681

Nous partîmes de Paris le 26 avril 1681, par le carrosse de Bruxelles.

Bruxelles, la seconde ville du Brabant, est très-agréable et très-peuplée, à cause de la demeure ordinaire que les gouverneurs des Pays-Bas y font, et la quantité de gens de qualité qui suivent la cour : c’est pour cela qu’elle est appelée la Noble.

L’hôtel de ville est un bâtiment assez curieux : il fut fait par un Italien, qui se pendit de dépit d’avoir manqué à mettre la tour au milieu, comme son épitaphe le fait connaître ; et cet homme fit par avance de lui ce qu’aurait fait un bourreau. Il ne méritait pas moins qu’une corde, pour avoir manqué à un point où des gens qui n’auraient pas les moindres connaissances de l’architecture ne manqueraient pas. Les églises de Bruxelles, comme toutes celles des Pays-Bas, sont très-belles et fort bien entretenues. Nous vîmes dans la collégiale du nom de Sainte-Gudule les trois hosties miraculeuses sur lesquelles on dit qu’on voit quelques gouttes de sang.

Nous allâmes voir la communauté des béguines, qui est un ordre particulier en ce pays. Elles sont vêtues de blanc dans l’église, et vont par les rues avec un long manteau noir, qui leur descend du sommet de la tête et leur tombe sur les talons. Elles portent aussi sur le front une petite huppe, qui forme un habillement assez galant : et on trouve des filles sous cet habit dévot, que j’aimerais mieux que beaucoup d’autres avec l’or et les diamants qui les environnent : elles étaient pour lors au nombre de huit cents dans le béguinage…

Malines est appelée la Jolie, et non sans raison ; car il semble plutôt que ce soit une ville peinte que réelle, tant les rues en sont propres et bien pavées, et les bâtiments bien proportionnés.

Tout le commun peuple travaille, comme par toute la Flandre, à faire des dentelles blanches qu’on appelle de ce nom ; et le béguinage, qui est le plus grand et le plus considérable de tous, n’est entretenu que par ce travail, que les béguines exercent, et dans lequel elles excellent. Ces béguines sont des filles ou femmes dévotes, qui se retirent dans ce lieu autant de temps qu’elles veulent ; elles y ont chacune une petite maison séparée, où elles sont visitées de leurs parents. Il y en a même quelques-unes qui prennent des pensionnaires. Le lieu s’appelle Béguinage, et les portes s’en ferment tous les soirs de bonne heure. Il y a à Malines une tour qui est fort estimée pour la hauteur, de laquelle on découvre extrêmement loin.

Anvers, la première et la plus grande ville du Brabant, et à qui l’on pourrait donner des titres encore plus superbes, surpasse toutes les autres villes que j’ai vues, à l’exception de Naples, Rome, Venise, non-seulement par la magnificence de ses bâtiments, par la pompe de ses églises, et par la largeur de ses rues spacieuses, mais aussi par les manières de ses habitants, dont les plus polis tâchent à se conformer à nos manières françaises, et par les habits, et par la langue, qu’ils font gloire de posséder en perfection.

La première chose que nous admirâmes en y entrant, ce fut la beauté de ses superbes remparts, qui, tout couverts de grands arbres, forment une promenade la plus agréable du monde ; ils sont revêtus partout de pierres de taille, et arrosés d’un fossé d’eau vive qui court tout autour de la ville, et qui sert autant à l’embellir qu’à la défendre. La cathédrale est fort bien bâtie ; et le clocher, ouvrage des Anglais, est d’une délicatesse surprenante, mais qui pourrait peut-être quelque jour lui devenir funeste. On y voit des peintures admirables, et, entre autres, une descente de croix de Rubens, qui peut passer pour une pièce achevée.

L’église des Jésuites ne cède en magnificence à pas une de toutes celles que j’ai vues en Italie, et est d’autant plus superbe, que le marbre dont elle est toute bâtie y a été apporté de fort loin, et avec une grande dépense. Toute la voûte est ornée de cadres de la main des plus excellents maîtres. Il est aisé de juger de la magnificence de cette église, quand on dira que le seul balustre de marbre qui ferme le maître-autel coûte plus de quarante mille livres.

Je ne crois pas aussi qu’on puisse jamais voir un ouvrage plus achevé : le marbre est manié si délicatement, qu’il semble qu’il ait quitté sa dureté naturelle pour prendre la forme qu’on lui a voulu donner, et se fléchir comme de la cire, suivant la volonté de l’ouvrier.

Du temps de Philippe II, fils de Charles-Quint, les dix-sept provinces étaient gouvernées par…, sœur de Charles-Quint, et par conséquent tante de l’empereur, qui en était le maître, et qui a voulu lever sur ces peuples certains droits nouveaux, et introduire parmi eux l’inquisition. Les Hollandais s’opposèrent à ces nouvelles déclarations, et le prince d’Orange, soutenu du comte de Horn, et de…, à la tête de la populace, firent des remontrances à la gouvernante, et lui proposèrent deux cents articles, sur lesquels ils voulaient qu’on leur donnât satisfaction. Cette femme, surprise de ce tumulte, se retourna vers un des premiers de son conseil, qui lui dit, comme en se moquant, qu’elle ne devait point se mettre en peine de ces gens, qui n’étaient que des gueux ; ce qui fut rapporté à ce peuple mutiné, il en devint si courroucé, qu’ils formèrent entre eux un parti, qui depuis a été appelé le parti des Gueux. La gouvernante cependant étant retournée en Espagne, et connaissant le naturel remuant des peuples des dix-sept provinces, ne voulut pas s’y faire voir, qu’elle ne les contentât sur une partie des articles qu’ils demandaient ; ce qui fit que Philippe II envoya le duc d’Albe, qui depuis a tant fait de carnage, et a été cause de l’entière rébellion de ces provinces. On dit qu’il a fait mourir par la main du bourreau plus de dix-huit mille personnes. Il ne fut pas plus tôt à Bruxelles, qu’il y convoqua les états. Le comte de Horn, ne voulant point paraître chef de la sédition, y alla ; mais le prince d’Orange, craignant les Espagnols, dont il se défiait, sortit des états pour ne point s’y trouver ; et le comte de Horn rencontrant le prince d’Orange qui s’absentait : Adieu, lui dit-il, prince sans terre ; à quoi le prince répondit : Adieu, comte sans tête, comme en effet cela se trouva vrai ; et ayant été arrêté aux états, on lui fit sauter la tête avec une quantité presque innombrable de gens qu’on croyait suivre son parti, ou qui étaient suspects ; étant un crime de lèse-majesté parmi les Espagnols d’être seulement suspect à son prince. Le prince d’Orange, voyant, par la mort du comte de Horn et de ses adhérents qu’il avait très-bien fait de se sauver, voulut encore songer à son salut ; et, appuyant la faction des mécontents, il se mit à leur tête ; et après plusieurs combats, où il eut toujours le dessous, il prit enfin la Brille, d’où le duc d’Albe prétendit le chasser ; mais n’en ayant pu venir à bout, il donna occasion à ces tableaux que l’on a faits de lui, dans lesquels il est dépeint par dérision avec des lunettes sur le nez, parce que Brille, en hollandais, signifie lunettes. La Hollande se divise en sept provinces unies qui sont la Gueldre, la Hollande, la Zélande, Utrecht, la Frise, l’Over-Yssel, et Groningue.

Nous arrivâmes à minuit à Rotterdam, et nous fûmes obligés de passer par-dessus les murailles pour entrer dans la ville, dont les portes étaient fermées. Cette ville est la seconde de tout le pays, et il est aisé de juger de sa richesse par la quantité de vaisseaux qu’on y voit aborder de tous les pays, et qui emplissent le canal de la ville, qui est extrêmement large. Cette ville est remarquable par l’étendue de son commerce et par la beauté de ses maisons, qui ont toutes la propreté qu’on remarque dans toutes les villes de Hollande. L’on voit au milieu d’une grande place la statue d’Erasme, qui était natif de cette ville, et qui a assez bien mérité de la république pour avoir une statue en bronze sur le pont qui est au milieu de la grande place.

Nous partîmes de Rotterdam sur les deux heures après midi par les barques, qui sont d’une commodité admirable par toute la Hollande. Elles partent toutes en différentes heures, et à une demi-heure l’une de l’autre ; ce qui fait qu’à toutes les demi-heures du jour et de la nuit il part de ces commodités qui vont en cent endroits différents, et qui sont si ponctuelles, que le cheval est attelé à la barque lorsque l’heure est prête à sonner, et qu’à peine elle a frappé que le cheval marche.

Nous passâmes à Delft, petite ville à deux lieues de la Haye, où nous vîmes le frère d’un de nos amis que nous avions laissé esclave en Alger. Nous entrâmes dans le principal temple de la ville, où nous vîmes le tombeau du fameux amiral Tromp.

Nous arrivâmes le soir à la Haye, le plus beau et le premier village du monde. C’est le lieu où le prince d’Orange fait sa résidence ordinaire. Il n’y était pas pour lors, et il était allé à une chasse générale qui se faisait en Allemagne sur les terres de… avec le…

Le prince d’Orange s’appelle Guillaume III de Nassau. Ces dernières guerres ont servi à le rendre recommandable dans la Hollande, et à le faire déclarer stathouder, capitaine général des armées des Provinces-Unies des Pays-Bas, et grand amiral. Les états lui accordent pour cela une pension de cent mille francs, et font la dépense de toute sa maison. Quelques remuants lui ont voulu mettre en tête de se faire déclarer souverain dans la Hollande pendant qu’il était maître absolu de toutes les troupes ; mais les plus politiques lui ont fait connaître premièrement la difficulté de son dessein, et entendre ensuite que quand il serait assez heureux pour le mettre en exécution, il ne pourrait jamais se maintenir dans cette souveraineté, la Hollande étant un pays qui périrait bientôt, si elle était gouvernée par un particulier et si elle cessait d’être république, à cause des grands frais qu’il faut renouveler continuellement pour la conservation du pays, et des grandes levées qu’un prince serait obligé de faire sur ses sujets, que des républicains, qui se repaissent du titre spécieux de liberté, donnent avec plaisir, n’ayant tous pour but que la même chose, ce qui fait qu’il n’y a point de pays plus vexé d’impôts et de subsides que la Hollande ; et ces peuples se flattent que comme ce sont eux qui se les imposent, ils sont libres de se les ôter lorsqu’ils le veulent. Ce conseil, le plus sûr et le plus politique, fut suivi du prince d’Orange qui s’en trouva bien.

On voit, en sortant du château, une porte qui est proche le logis de M… le lieu où se fit le massacre du pensionnaire de With, qui fut tué par la populace au commencement de la guerre ; tout cela par les menées du prince d’Orange, à cause qu’il avait été fait depuis peu un édit par lequel il était défendu de reconnaître le prince d’Orange pour souverain, que le peuple voulait reconnaître tel.

Le prince Guillaume de Nassau, qui était à la tête des mécontents lorsqu’ils secouèrent le joug espagnol, se comporta si généreusement dans toute cette rébellion, qu’après avoir forcé l’Espagnol, par la paix, à reconnaître les Hollandais et leur république pour souverains, ils se trouvèrent obligés de récompenser sa vaillance, en lui donnant le titre de protecteur des états. Ce titre est dévolu à ses successeurs. Mais le conseil des provinces et particulièrement les de With, qui faisaient une faction particulière, et qui en entraînèrent d’autres avec eux, firent cet édit perpétuel par lequel ils déclaraient qu’on ne pourrait jamais proposer le prince d’Orange comme souverain et le firent même signer au prince d’Orange d’aujourd’hui encore jeune.

La guerre de France est arrivée sur ces entrefaites ; et le peuple appréhendant la domination des Français, et croyant que, s’ils avaient le prince d’Orange à la tête de leurs armées, ils feraient des merveilles, le proposèrent : mais étant arrêtés par cet édit perpétuel, ils éclatèrent contre de With, le général des troupes, et le firent arrêter, l’accusant du crime de trahison, et d’avoir voulu perdre l’Etat ; mais n’ayant point trouvé de sujet pour le faire mourir, on se contenta de le bannir pour satisfaire le peuple et la faction du prince d’Orange. Son frère, le pensionnaire à la Haye pour les affaires de la province de Hollande, demanda la permission de le voir ; mais en voulant entrer dans la prison, le peuple mutiné, souffrant impatiemment la vue d’un homme qui s’opposait à ses menées, se rua dessus lui, et l’assassina cruellement sur la place ; ils le traînèrent un peu plus loin, où ils le pendirent. Chacun accourut à ce spectacle ; et le peuple était si animé, qu’il le coupa en pièces, dont chacun prit des morceaux de chair, qui se vendaient quelques jours après fort cher à ceux qui n’avaient pas eu le plaisir d’assister à cette boucherie.

Le peuple, qui est une bête féroce qui porte toujours dans les extrémités, parce qu’il agit sans raison, et qui est timide par excès ou impétueux dans l’extrémité, n’est pas à se repentir de cette action. Il reconnaît que cet édit était fait pour son utilité ; et la mort du pensionnaire a été le premier échec qui ait été donné à la république.

Les Provinces-Unies doivent, après le ciel, leur liberté aux princes d’Orange, qui ont tant fait qu’ils ont obligé le roi d’Espagne à signer leur liberté et à les reconnaître pour peuples libres, indépendants de tout autre, ce qui est une circonstance fort remarquable. Guillaume Ier cimenta de son sang les fondements de cette république. Maurice et Henri, ses fils, en accrurent la splendeur par le gain de plusieurs batailles. Guillaume II égala les autres, mourut fort jeune, et laissa pour successeur de ses vertus Guillaume, IIIe du nom, prince d’Orange d’à présent, fils de Guillaume II et de Marie-Stuart, fille aînée de Charles Ier, roi d’Angleterre, qui eut la tête coupée. Ce prince l’eut à la trente-six ou trente-septième année de son âge, et a épousé la fille du duc d’York. Il ne vint au monde qu’après la mort de son père, et il perdit à onze ans la princesse royale sa mère, qui mourut à Londres de la petite vérole, de même que le feu prince Guillaume son mari.

La Haye est le lieu où la noblesse de Hollande fait résidence ; il n’y en a guère de plus agréable dans le monde. Un grand bois de haute futaie, bordé de magnifiques palais d’un côté, et de l’autre, de vastes et agréables prairies qui l’entourent, rendent son aspect un des plus riants de l’Europe. On voit devant le château un étang revêtu de pierres de taille ; de hauts arbres qui le bordent servent à embellir le palais du prince. On va de la Haye à la mer en moins d’un quart d’heure, par un chemin très-agréable. Nous vîmes en y allant un chariot à voiles que le prince d’Orange a fait faire, et nous entrâmes dans un lieu où l’on court la bague sur des chevaux de bois.

Nous allâmes voir une maison du prince d’Orange à quelques lieues de la Haye, appelée Osnadin ; c’est là où il passe une partie de l’année, et où il entretient quantité de bêtes extraordinaires. Nous y vîmes des vaches de Calicut très-particulières avec une bosse sur le dos, et quantité de cerfs.

Nous partîmes de la Haye et fûmes dîner à Leyde, qu’on appelle Lugdunum Batavorum, recommandable par son université, par son anatomie, et par la propreté de ses bâtiments ; plus agréable à mon goût que pas une ville de Hollande. Nous y vîmes quantité de choses curieuses, entre autres un hippopotame, ou vache de mer, que les Hollandais ont rapporté des Indes. On voit dans le cabinet anatomique plus de choses que n’en peut contenir un gros volume.

De Leyde nous allâmes à Amsterdam, et vîmes en passant Harlem, où nous remarquâmes une grande église : nous arrivâmes le soir à Amsterdam. Cette ville des villes, si renommée dans tout l’univers, peut passer pour un chef-d’œuvre : les maisons y sont magnifiques, les rues spacieuses, les canaux extrêmement larges, bordés de grands arbres, qui, venant à mêler leur verdure avec la diversité des couleurs dont les maisons sont peintes, forment l’aspect du monde le plus charmant. Cette ville paraît double : on la voit dans les eaux ; et la réverbération des palais qu’on voit dans les canaux fait de ces lieux un séjour enchanté. L’hôtel de ville est sur le Dam : cet ouvrage pourrait passer pour un des plus beaux de l’Europe, si l’architecte n’avait manqué dès le commencement, et eût fait quelque distinction de la porte avec les fenêtres qu’il faut chercher de tous côtés, et qu’il faut bien souvent demander.

Nous montâmes en haut, où nous vîmes quantité d’armes et un très-beau carillon. Nous découvrîmes Utrecht du clocher. Ce fut le lieu où le roi borna ses conquêtes. Le Spineus est une aussi plaisante invention que je sache : c’est là où l’on renferme toutes les filles de mauvaise vie, que l’on condamne pour un certain temps, et où elles travaillent. Il n’y a peut-être point de lieu, après Paris, où le libertinage soit plus grand qu’à Amsterdam ; mais ce qui est de particulier, c’est qu’il y a de certains lieux où demeurent les accoupleuses, qui gardent chez elles un certain nombre de filles. On fait entrer le cavalier dans une chambre qui communique à plusieurs autres petites chambres dont vous payez les portes, et au-dessus le portrait et le prix de la personne qu’elle renferme ; c’est à vous à choisir : on ne fait point sortir l’original que vous n’ayez payé le prix de la taxe : tant pis pour vous si la copie a été flattée.

Le Raspeus est un autre lieu pour les mauvais garnements, et pour les enfants dont les pères ne sauraient venir à bout : on les emploie à scier du Brésil. Il y a dans la grande église d’Amsterdam une chaîne d’un prix infini pour la délicatesse de son travail. On permet à Amsterdam, et par toute la Hollande, toutes sortes de religions, excepté la catholique : c’est un point de leur plus fine politique ; et ils savent bien que ce serait un grand échec à leur liberté si les catholiques y étaient soufferts, qui pourraient ensuite se rendre les maîtres. On y voit des luthériens, des calvinistes, des arminiens, des nestoriens, des anabaptistes, et des Juifs qui y sont plus puissants qu’en aucun autre endroit de la terre.

Leur synagogue est incomparablement plus belle que celle de Venise, et ils y sont beaucoup plus puissants. La maison des Indes, qui est hors de la ville, marque bien qu’elle appartient aux plus riches négociants de l’Europe. On y bâtissait un très-beau vaisseau qui devait, un mois après, faire le voyage des Indes.

Nous allâmes voir les vaisseaux de guerre, qui n’ont rien de beau, et je n’en vis pas un qui approchât de la beauté de nos vaisseaux. Ils ne veulent point de galerie à la poupe comme nous ; ils croient que cela retarde la course du vaisseau : mais, bien loin d’y apporter aucun défaut, je trouve que cela est d’une grande utilité pour les officiers, et d’un grand ornement au vaisseau.

Je partis d’Amsterdam le 25 mai 1681, et nous arrivâmes à Enkhuyse le soir même, où sans nous arrêter qu’autant de temps qu’il faut pour manger, nous remarquâmes que cette ville portait trois harengs pour ses armes, à cause de la pêche considérable qui s’y fait de ce poisson.

Nous frétâmes la nuit une barque à Vorkum, où nous arrivâmes le lendemain matin. Cette province s’appelle Nord-Hollande, et je ne crois pas qu’au reste de la terre il se puisse trouver de plus jolies femmes. Les paysannes ont une beauté qui ne le cède point aux anciennes Romaines, et qui donne de l’amour à la première vue.

Nous arrivâmes à Leeuvarden, capitale de la Frise, ville très-jolie, qui reconnaît le prince de Nassau pour son gouverneur, n’ayant point voulu donner sa voix pour le prince d’Orange. Ce prince peut avoir vingt-cinq ou vingt-six ans : il perdit son père il y a environ dix-huit ans, à la septième année de son âge. Ce prince mourut par un accident funeste : un pistolet, qui se lâcha malheureusement, ôta en même temps un grand homme à l’Europe, et un généreux gouverneur à la Frise.

Hambourg est une ville hanséatique, libre et impériale, qui, par sa bonne milice et ses fortifications régulières, est en état de ne point appréhender quantité de princes qui envient fort ce morceau ; et particulièrement le roi de Danemark, à qui elle siérait parfaitement bien. Ce prince la bloqua pendant ces dernières guerres avec vingt-cinq mille hommes ; mais ayant vu les troupes auxiliaires qui lui venaient de toutes parts, il ne put rien entreprendre davantage. Il a cédé depuis peu, pendant son vivant, toutes les prétentions qu’il pouvait avoir sur cette ville moyennant la somme de deux cent mille écus. Elle est gouvernée par quatre bourgmestres et dix-huit conseillers. Les femmes y sont très-belles ; elles se couvrent le visage à l’espagnole.

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