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Chercheurs de sources

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CHAPITRE IX
LES AMIES DE L’HOMME

Une vierge est dans ta maison,
Frêle, pudique, — observatrice :
Dès lors il faut que ta raison
Prenne le pas sur ton caprice.

Louis Legendre.

Sous ce titre, je range toutes les femmes qui sont des amies pour l’homme : de la mère à la fille, en passant par les relations fraternelles, amoureuses et amicales qui ont uni jusqu’ici les êtres humains et les uniront toujours. Je ne crois nullement à une société future où les deux sexes seraient en perpétuel conflit, l’un disputant à l’autre les positions acquises et l’autre les défendant âprement. Il n’y aurait d’armistice que durant les rapides contacts, destinés à assurer la continuité de la race, et qui laisseraient les âmes plus distantes encore qu’elles ne l’étaient auparavant.

Si pareille transformation s’accomplissait, toute douceur disparaîtrait de la vie, pour un sexe comme pour l’autre. Les hommes en souffriraient plus que les femmes, car il resterait à celles-ci le tendre instinct de la maternité. Plus tard le conflit pourrait surgir entre les fils et la mère, mais, du moins, pendant quelques années, celle-ci connaîtrait la consolation de chérir et de protéger. L’homme n’aurait même pas ces joies fugitives, l’instinct de l’amour paternel étant peu développé chez lui. Il ne connaîtrait que le côté âpre des relations humaines. Dans sa mère, dans ses sœurs, dans ses filles, dans sa compagne, il verrait les représentantes d’un sexe rival contre lequel il devrait sans cesse se défendre et lutter. Plus d’abandon, plus de confiance ! Chacun tiendrait un fusil sous le bras, prêt à en lâcher les coups, et l’amour deviendrait forcément brutal et cruel. Il ne resterait que le lien des intérêts communs, si le mariage survivait à cette bourrasque. Mais ce lien suffirait-il à maintenir l’organisation de la famille ?

Je suis persuadée que rien de tout ceci n’arrivera, le malaise actuel n’est que passager ; il faut donc l’envisager sereinement, dans ses causes et dans ses effets, comme une manifestation transitoire, et regarder au delà.


Pour porter un jugement sur la situation actuelle des sexes l’un vis-à-vis de l’autre, une grande impartialité est nécessaire, et il faut se débarrasser des préjugés inutiles qui encombrent notre mentalité.

Reconnaissons-le, tout d’abord, il y a eu des torts des deux côtés, et chacun a le droit de se plaindre. Il suffit de regarder autour de soi, pour que cette vérité apparaisse évidente. L’homme a abusé de ses privilèges, et toutes les fois que les révolutions politiques ou les courants d’opinion lui ont permis de réformer les lois, il l’a fait, presque toujours, à son unique avantage, excluant la femme des améliorations et des libertés qu’il s’octroyait à lui-même. Pourquoi ne pas avoir appliqué à sa compagne les doctrines de justice et d’égalité devant la loi qui, depuis plus d’un siècle, régissent le monde, du moins en théorie ? Pourquoi ne l’a-t-il pas libérée, économiquement, de façon spontanée, comme l’on accomplit un acte que la conscience impose ? Pourquoi absorbe-t-il à son profit des métiers qui sont évidemment du ressort de l’autre sexe, et lui enlève-t-il ainsi le gagne-pain auquel celui-ci aurait droit ? Pourquoi laisser la femme légalement désarmée, et se réserver le pouvoir d’abuser d’elle pour ses plaisirs et à son avantage ? Pourquoi lui imposer la ruse et l’hypocrisie comme les seules armes de défense, et la mépriser ensuite parce qu’elle s’en sert ? Les pourquoi pourraient se multiplier à l’infini. Certes, l’homme ne s’est pas montré généreux et la femme s’en est vengée, à sa façon, en cessant de lui donner, sans réserve, son cœur et son dévouement.

En certains pays, les femmes tiennent encore infiniment à l’opinion des hommes[40], par une habitude héréditaire et par la loi de nature, mais, en d’autres, la femme ne voit plus guère dans l’homme qu’un banquier sur lequel il faut tirer le plus possible, ou un appui social que sa vanité exploite. Si l’on pouvait surprendre les rêves des jeunes fiancées d’aujourd’hui, on verrait quel maigre rôle y jouent l’imagination et le sentiment. Ce sont des sources qu’on a négligé de faire jaillir. Quelqu’un, dans l’avenir, les découvrira peut-être ; mais ce sera trop tard pour le bonheur ! Bref, si l’homme n’a pas voulu faire participer sa compagne aux privilèges que lui apportaient les doctrines nouvelles, elle, de son côté, s’apprête à l’isoler de son foyer. Il n’est plus le centre autour duquel convergeaient les âmes féminines de la maison. On ne croit plus guère à sa valeur morale ; il ne règne plus qu’au point de vue économique et social, et dans beaucoup de familles on se ligue volontiers aujourd’hui contre l’opinion du mâle.

[40] Voir dans Faiseurs de peines et Faiseurs de joies le chapitre : Ce que les hommes pensent des femmes.

L’homme, de plus en plus absorbé par l’existence extérieure, la recherche de l’argent et du plaisir, ne s’aperçoit pas qu’il est dépossédé. Une tristesse l’oppresse, sa vie devient de plus en plus lourde, et il n’en devine pas la raison. S’il note certains symptômes, il ne s’en alarme point, il réserve sa colère pour les revendications féministes, pour l’envahissement de l’université par les étudiantes, leur entrée dans les professions libérales, la haute culture demandée par la femme, et, abomination des abominations, le droit de vote ! Il brandit son épée contre ces moulins à vent, sans s’apercevoir que son foyer est miné par un féminisme bien plus redoutable que celui des suffragettes ou des employées des postes et des banques. J’ai dit des moulins à vent, non par manque de respect pour le mouvement actuel, mais parce que le nombre des femmes qui s’astreindront à des études sérieuses et prolongées représentera, longtemps encore, une minorité qui ne fera pas grand tort aux intérêts masculins. Je crois, du reste, malgré les impertinentes théories d’Érasme, que l’homme aurait tout à gagner à la culture de la femme (mère, sœur, fille ou épouse), à tout ce qui augmentera sa compréhension, à tout ce qui la rendra plus apte à la vie et à l’amour.

Au lieu de le comprendre, il perd son temps, avec une puérilité désolante, à combattre un mouvement qui, lorsqu’il sera dégagé de ses exagérations ridicules et de ses prétentions absurdes, donnera des résultats dont il sera le premier à bénéficier, et il ne discerne pas, auprès de lui, le péril terrible qui le guette. Ce ne sont pas les rares savantes, les artistes, les écrivains, les éducatrices qui détruisent peu à peu la position de l’homme dans la famille, mais c’est toute la cohorte des femmes ignorantes et frivoles qui mine sourdement la prépondérance masculine, en réduisant l’homme au rôle de pourvoyeur de son bien-être. Celles-là aussi se déclarent contraires aux justes réformes que leur sexe demande, mais l’esprit de rébellion les a pénétrées, elles proclament leur droit au luxe, au plaisir, aux jouissances de la vanité. Aucune ne consent plus à rester dans l’ombre ; elles veulent se montrer partout, briller n’importe comment, affirmer leur personnalité. L’idée américaine que le mari doit gagner beaucoup de dollars pour mettre sa femme en valeur a envahi peu à peu l’âme des Européennes, et le besoin de chérir et de se dévouer est en train de déserter leur cœur.

Chez les travailleuses sérieuses qui ont appris à connaître l’échelle des valeurs, et savent que, hors du sentiment, il n’y a pas de douceur réelle, on trouve encore un coin d’idéal. Mais chez les autres, les vraies femmes, comme on se plaît à les nommer, la frénésie de l’élégance[41] a remplacé la tendresse. Pour arrêter en elles le développement de goûts plus sérieux et les distraire du désir d’une existence plus digne, les hommes poussent les femmes dans cette direction. Comme je l’ai dit ailleurs, elles ne s’aperçoivent pas du piège, et y tombent. Les hommes, avec une ingénuité tout aussi grande, ne se rendent pas compte que le piège tendu aux femmes se retourne contre eux, car, peu à peu, celles-ci apprennent à vivre pour elles-mêmes, n’ayant plus qu’une préoccupation : la mise en valeur de leur personnalité vaniteuse.

[41] Voir le chapitre : Les Femmes et la toilette.

Tout cela est gros de conséquences morales autrement graves que les prétentions les plus hardies du féminisme outrancier, les hommes devraient le comprendre et, dans leur propre intérêt, encourager les tendances de leurs sœurs, de leurs filles, de leurs compagnes, vers une vie meilleure, plus intelligente, plus compréhensive, plus réelle. Si elles ne prennent pas cette voie, elles s’engageront sur l’autre, et l’autre sera la désorganisation de la famille, amenée par la frivolité, la vanité et le goût désordonné du luxe qui, après avoir été jadis l’apanage de certaines catégories, s’est emparé peu à peu de toute l’âme féminine.

Retourner en arrière, voilà le souhait de beaucoup d’esprits qui rappellent avec complaisance que lorsque le grand Condé épousa Mlle de Brézé, celle-ci ne savait ni lire, ni écrire ! Mais serait-ce désirable ? Du reste les courants ne se remontent pas. Il faut donc les suivre, mais la marche en avant peut prendre différentes directions. Une seule me paraît bonne et conforme au plan divin qui est aussi le plan de la nature. Au lieu de la délier, il serait utile de resserrer la chaîne qui unit l’homme à la femme, non pas d’une façon sensuelle — à cela, la nature pourvoit, — mais intellectuelle et morale. Ils ont besoin l’un de l’autre, pour donner ce qu’ils ont de meilleur ; ils doivent être réciproquement l’un pour l’autre des chercheurs de sources.


J’ai déjà parlé ailleurs des relations des pères et des filles, des mères et des fils, et j’ai indiqué leur importance pour la formation du caractère. L’influence qu’elles exercent est immense, et rien ne la remplace plus tard dans la vie.

L’intimité entre les mères et les fils a diminué par le fait de la tendance toujours croissante, chez les femmes, d’abandonner leur maison et de s’occuper de toilette et de plaisir. Cependant, on en voit des exemples. La bonté est ce qui touche le plus, dès leur bas âge, le cœur des hommes, pourvu que cette bonté ne soit pas de la faiblesse, car celle-ci n’atteint pas son but vis-à-vis de l’enfant et a des conséquences néfastes sur son caractère. Mais rien ne résiste à la bonté intelligente, à la douceur ferme, sauf les cœurs marqués d’avance pour le vice ou le crime. Quand une mère possède ces qualités, ses fils en gardent le souvenir et l’empreinte durant toutes les années de leur vie. Aussi la responsabilité des mères est-elle effrayante ; elles préparent l’humanité future ; et au lieu d’y penser elles s’occupent surtout de la forme de leurs chapeaux ! Pareille insouciance, pareil aveuglement prouvent à quel point nous sommes inconscients encore de nos responsabilités, et à quel point nous vivons à la surface des choses les plus graves.

On peut dire que, dans chaque homme, l’image de la mère (ou de celle qui l’a moralement remplacée) se reflète. Il n’y a presque pas d’exception à cet égard. A moins d’hérédités particulièrement fâcheuses, ceux qui ont manqué leur avenir le doivent en général à la déraison, à la futilité, à l’ignorance de leur mère. N’ayant pas compris le sens profond de notre passage en ce monde, elle n’a pu le leur enseigner ; or, c’est par la femme surtout que l’homme reçoit les impressions qui concernent la vie intérieure. Avec son intuition plus fine, elle sait les faire pénétrer en lui. Qu’elle soit mère, tante, sœur, éducatrice, elle seule a de l’influence sur l’âme de l’enfant et de l’adolescent. Les hommes durs, brutaux, cyniques n’ont probablement vu autour d’eux, dans les premières années de leur existence, que des femmes ignorantes, futiles ou pires encore ; elles ne leur ont inspiré aucun respect. Comment de pareilles femmes pourraient-elles enseigner la douceur d’âme, le but de la vie, le secret du bonheur ?

L’image de la femme se ternit ainsi d’avance dans le cœur de quelques hommes, et plus tard ils se vengeront du crime, commis envers eux par une mère incapable ou inconsciente, sur toutes les femmes qu’ils rencontreront sur leur route. L’intimité morale entre la mère et le fils donne de si merveilleux résultats, et nous en voyons de si admirables exemples qu’elle devrait tenter toutes les femmes. Combien d’entre elles se plaignent du vide de leur existence ! « Rendez-vous capables d’être les amies de vos fils, cela remplira vos heures, » pourrait-on leur répondre. Recueillir et concentrer en elles-mêmes toutes les forces bonnes pour les répandre ensuite silencieusement sur leurs enfants, n’est-ce pas déjà une raison de vivre ? Dès l’enfance, il faudrait préparer les jeunes filles à ce côté de leur tâche future. Mais qui s’en occupe ? Quand certaines habitudes mentales sont prises, il est dur d’y renoncer, et l’on préfère suivre automatiquement la pente.

Jadis le sentiment tenait lieu, aux femmes, du développement intellectuel qui leur manquait, et par l’amour, seul, elles faisaient brèche dans le cœur de leurs fils. Mais, je le répète, l’affirmation de leur droit à la jouissance distrait aujourd’hui beaucoup de femmes des préoccupations affectueuses. Ayant perdu l’influence du cœur, leur prestige tend à s’effacer de ce côté-là, et les autres qualités leur manquent encore. Ce n’est pas seulement l’activité fiévreuse des journées actuelles, mais plutôt le tourbillon des pensées futiles qui fait perdre aux femmes leurs facultés intuitives et, par conséquent, leur ascendant. L’influence d’un être sur un autre s’exerçant surtout par l’esprit, il faudrait avoir le temps de penser pour que la pensée fût communicative.

Il y a, il est vrai, le travail mystérieux du subconscient, dont, après Leibnitz, parlent tant les modernes psychologues, mais peut-il rayonner sur les autres sans le concours du moi conscient ? Si sainte Monique avait passé sa journée à faire des visites et à combiner la veille les essayages du lendemain, il est probable que saint Augustin ne se serait pas converti, et que l’Église compterait un Père de moins. Toutes les mères ne sont pas destinées à être des Sainte Monique ; elles doivent vivre selon leur temps et dans l’organisation sociale actuelle. On ne leur demande pas de former des Doctores Serafici, mais simplement de faire des hommes dans la noble acception du mot. Une influence puissante s’exerce toujours d’un sexe à l’autre. George Sand disait que, parfois les hommes les plus incapables d’avoir un ascendant quelconque sur les autres hommes en ont un sans bornes sur l’esprit des femmes. La proposition peut être renversée. Pour ce qui est des choses de l’âme, les femmes seules savent mener les hommes. C’est un grand rôle ; elles devraient s’y préparer, en devenant pour leurs fils d’intelligentes amies, assez intelligentes et intuitives pour les comprendre, les deviner et les aider silencieusement.


Le nombre des mères capables de s’élever au-dessus des soins matériels étant encore relativement restreint, le jeune garçon peut trouver, près de lui, une autre amie, sans sortir de la famille. Cette amie est la sœur. Rien de plus salutaire et de plus charmant qu’une intimité de ce genre ! C’est le premier couple parfait dans la pureté absolue. Le développement de la culture chez la jeune fille augmentera le nombre de ces amitiés. Souvent les jeunes gens méprisaient leurs sœurs à cause de leur ignorance et de leur frivolité ; ils refusaient de les considérer comme des camarades. Ce prétexte disparaîtra lorsque tous feront les mêmes études, qu’ils auront les mêmes intérêts et pourront discuter ensemble les mêmes questions intellectuelles.

Le gain, en ce cas, sera réciproque. Les jeunes filles qui sont les amies de leurs frères, n’ont plus, dès aujourd’hui, la puérilité, l’hypocrisie et l’excessive vanité de celles qui vivent dans des milieux trop exclusivement féminins. Et cela pour deux raisons : d’abord, les frères ne les flattent point, les traitent en camarades, et, à l’occasion, se moquent d’elles salutairement. Ensuite, elles auraient honte de manifester devant eux certains préjugés, certaines aspirations sottes, de se permettre certaines grimaces. Elles sont, par conséquent, plus simples, plus décidées, leur esprit est plus ouvert ; elles auront moins de surprises et de déceptions dans la vie. Si je devais choisir une femme, je m’adresserais volontiers à une jeune fille qui a été l’amie de son frère ou de ses frères, elle n’aura pas les allures d’une fausse ingénue, ni d’une vierge à qui l’esprit sera venu trop tôt, elle ne pratiquera pas la coquetterie équivoque et ne verra pas, dans tout homme, un adorateur à encourager ou à éconduire ; elle sera un peu plus dans la vérité de la vie.

Le frère, de son côté, bénéficierait de ces contacts, qu’aucun attrait sensuel ne viendrait troubler, avec un esprit jeune et frais de l’autre sexe. C’est par des sœurs intelligentes et pures qu’il apprendrait à connaître les femmes. Souvent, entre lui et sa mère, la différence d’âge est trop grande ; d’une génération à l’autre, il existe des sauts brusques qui empêchent l’intimité parfaite, à moins que la mère ne soit douée d’une souplesse ou d’une intuitivité spéciale. Avec une sœur, on vibre plus facilement à l’unisson. Dans l’âme de tout homme qui a été l’ami de ses sœurs, on trouve, pour les femmes, un fond de respect et d’amitié qui manque au cœur de ceux qui n’ont pas connu ce genre d’intimité. Ils comprennent qu’il y a dans la femme autre chose que le simple art de plaire ou d’éveiller des désirs, et il leur arrive de penser, en rencontrant des jeunes filles dans le monde, qu’elles sont, peut-être, pour leurs frères, des camarades affectueuses, dignes, par conséquent, d’être respectées.

L’histoire et la littérature nous ont fourni quelques exemples d’amitiés fraternelles célèbres : la sœur de Charles-Quint, — qui l’appelait « Mon tout, après Dieu », — celle de François Ier, d’autres encore. Mais, en général, ce sentiment a été trop négligé ; l’humanité pourrait en tirer un plus grand parti ; c’est encore un champ en friche que l’éducation mixte[42] rendra fertile, en augmentant les contacts intellectuels entre les frères et les sœurs. Le poète italien, Giovanni Pascoli, a éprouvé ce sentiment dans sa plénitude, et il pourrait écrire, sur la douceur de l’amitié fraternelle, un volume de prose ou de vers qui ouvrirait bien des horizons. On dirait que c’est la part des poètes. Sans parler de Chateaubriand, François Coppée a connu, lui aussi, l’affection tendre et exclusive d’une sœur et l’on pourrait citer d’autres exemples encore.

[42] Par école mixte, je n’entends pas pour les jeunes gens des repas, des récréations, des parties en commun, mais les cours, auxquels les élèves des deux sexes assisteraient dans la même salle. Les frères et les sœurs auraient ainsi un fonds d’études semblables qui les rapprocheraient.

La jeune fille, en quête d’une amitié sentimentale avec une compagne d’école ou de cours dont elle ne sait rien, et que, la plupart du temps, elle n’aime pas, trouverait à la maison, dans son frère, un camarade plus intéressant et plus sain. Cette intimité lui serait autrement profitable que celle de la jeune pimbêche, élevée au rôle de confidente, avec qui elle échange ces menus propos insignifiants qui marquent le cerveau des femmes d’une empreinte si puérile. Par crainte des moqueries, la sœur n’ose mettre le frère au courant de certaines pensées prétentieuses, tandis qu’avec ses compagnes elle se complaît dans d’inutiles répétitions, de conversations entendues à la dérobée, de romans vécus ou lus, dans des confidences dont son ignorance l’empêche souvent de comprendre l’absurdité.

L’on prétend, depuis des siècles, que l’esprit vient vite aux filles. La nature, sans doute, pourvoit au développement de cette science précoce, mais les amies y aident puissamment. Dans l’opérette jadis célèbre : La fille de Madame Angot, Clairette et Mademoiselle Lange évoquent leurs souvenirs et tout ce « qu’une fois les portes closes, il se disait de choses, dans cette pension-là ». Que n’a-t-on pas raconté sur les couvents et les pensionnats ? En effet, les agglomérations de jeunes filles sont, malgré la surveillance la plus rigoureuse, des écoles de corruption. Et point n’est besoin de vivre sous le même toit, le contact de l’externat suffit. Fatalement, celle qui sait initie celle qui ignore, et c’est une traînée de poudre. Il y a certainement entre jeunes filles des amitiés charmantes, et je ne voudrais en priver personne ; mais il en est de si fades et pernicieuses, qu’on ne peut les absoudre et les protéger en bloc. Avec le développement de la culture féminine, les amitiés de pensionnaires prendront et ont déjà pris une autre allure, mais elles sont encore périlleuses, le premier instinct des jeunes filles étant de communiquer aux autres tout ce que leur curiosité en éveil a pu découvrir.

Je ne crois nullement que, dans l’état social actuel, l’ignorance soit utile ou représente un bon préservatif. Pour douloureux que cela puisse être, il faut, je crois, initier les jeunes filles aux réalités de l’existence. Mais il y a un abîme entre la simple connaissance des mystères de la vie et l’instruction à la fois incomplète et dépravée que les compagnes de pension se donnent parfois sur certains côtés de l’amour et sur le dessous des scandales mondains. Cette dernière forme d’initiation me paraît la plus dangereuse, bien qu’elle ait été jusqu’ici préférée, les parents trouvant plus commode d’abandonner au hasard la grave révélation.

L’intimité fraternelle empêchera les initiations trop précoces, les frères étant, d’ordinaire, assez jaloux de l’innocence de leurs sœurs ! Pour leur part, les jeunes gens ont énormément à gagner, eux aussi, à ces contacts avec de jeunes et pures intelligences féminines. Après les rapports quotidiens avec des camarades parfois grossiers et souvent vulgaires, l’amitié d’une sœur s’exercera rafraîchissante. La nécessité d’éviter, avec elle, les termes brutaux, et d’apprendre à présenter sa pensée d’une façon digne et convenable sera un excellent exercice intellectuel et moral. Ainsi le jeune homme perdra moins de vue le côté répréhensible de certaines choses, — ce qui lui arrive facilement, s’il n’est forcé à aucune retenue de langage, — et il sentira constamment la responsabilité de ses paroles et de ses pensées. Or, c’est le fait de l’oublier qui dévoie les consciences.

L’attraction d’un sexe sur l’autre n’est pas seulement physique, elle est sensible aussi sur le cerveau et sur l’âme. Lorsque ses sentiments affectifs seront satisfaits par une douce intimité fraternelle, le jeune homme courra peut-être avec moins de hâte vers l’amour. En tout cas, il livrera moins facilement à la première venue les secrets de sa vie intérieure et se gardera mieux pour sa compagne future. Les jeunes gens qui connaissent et goûtent les intimités féminines de la famille sont, en effet, ceux dont la jeunesse se conserve plus digne et plus intacte. Jusqu’ici, l’occasion de ces rapports étroits se présentait rarement : les études communes les rendront plus faciles. Ceux qui sauront en profiter apprendront à connaître des relations très douces et se prépareront, en outre, pour tout le cours de leur vie un abri sûr où se réfugier les jours d’orage.


Une autre amitié également douce, également préservatrice et également utile attend l’homme vers le déclin de la vie, mais il faut qu’il la désire et la prépare. Le père qui ne se sera pas soucié du développement de la psyché de ses enfants pourra difficilement devenir l’ami de ses filles. Ce genre d’amitié demande de part et d’autre, sinon une véritable supériorité, du moins un certain développement d’esprit. Si le père est médiocre, l’âme de la fille ne se tournera pas vers lui ; de même pour celle du père, si la fille est sotte ! Attiré par sa beauté, sa fraîcheur, la gentillesse de ses façons, il pourra la rechercher un instant, s’en parer durant quelques promenades, mais l’intimité ne durera pas, ne se développera pas… Son essence est spéciale ; généralement elle prend naissance dans l’imagination de la fille, séduite par la force, le calme, la logique de l’homme. Surtout si la mère est agitée, nerveuse, puérile, la psyché de l’enfant la poussera vers le père. Elle sent d’instinct que de sa bouche vont sortir les paroles raisonnables dont l’âme enfantine, affamée de logique, a un si ardent besoin. Les pensées déraisonnables et les faux points de vue qui obscurcissent la mentalité de la jeunesse et la jettent dans le doute et dans l’effroi sont souvent la réaction de ce besoin non satisfait.

Le désir des forces calmes qu’elle ne trouve pas en elle-même, ni chez les femmes de son entourage, est l’un des plus forts sentiments qui entraîne vers son père l’enfant intelligente. Mais la plupart des hommes, absorbés par le tourbillon des affaires, ne s’aperçoivent pas de cette attirance qu’ils exercent, ou ne lui prêtent qu’une attention distraite. Quelques caresses, et c’est tout ! Peu à peu, la petite ou la grande fille, ne se voyant ni comprise ni devinée, se replie sur elle-même, non parce que le père perd son prestige, mais simplement parce que la distance entre eux est trop grande ; avec sa fine intuition féminine, l’enfant comprend que, pour la franchir, il faudrait des efforts patients dont elle ne se sent pas capable. Et ainsi meurt, avant de naître, une des plus douces intimités que le sort puisse offrir. Parfois, plus tard, le hasard devient favorable à la fille : une circonstance fortuite la met en contact avec la mentalité paternelle, mais souvent il est trop tard ; les habitudes prises les entraînent chacun d’un côté opposé ; leurs pensées ne peuvent se confondre. Le père ne parvient plus à modeler et à élever l’esprit de la fille, dont il a négligé la formation intellectuelle et morale. Il se trouve en face d’une inconnue ! C’est dès l’enfance que ce travail devrait commencer.

Les exemples d’affections de ce genre sont nombreux dans la littérature et dans l’histoire : Antigone, Cordélia, les filles de Milton, et dans les vies plus humbles, que de cas semblables à ceux-ci ! Mais il s’agit là, surtout, du dévouement filial, consolateur des suprêmes infortunes, et où la pitié joue le rôle principal. C’est le père, privé de sa force, s’appuyant sur sa fille, soutenu par sa fille. L’intimité que je voudrais voir plus fréquente serait celle du père guidant, intellectuellement, la fille chez qui il trouverait, en échange, des sources d’eaux fraîches et purificatrices.

A une époque où les mœurs, certes, n’étaient pas rigides ni les sentiments raffinés et doux, un homme sentit si vivement la tendresse paternelle que rien n’égala jamais, en ce genre, les accents avec lesquels il l’exprima. Je veux parler de Cicéron. « Je retrouve en elle, disait-il à propos de Tullia, mes traits, ma parole, mon âme. » Il l’avait élevée à sa façon, écrit M. Gaston Boissier, l’initiant à ses études et lui communiquant le goût des choses de l’esprit. Quand elle mourut, la douleur de Cicéron fut immense : « Ma fille au moins me restait : j’avais où me retirer et me reposer. Le charme de son entretien me faisait oublier tous mes soucis et tous mes chagrins ; mais l’affreuse blessure que j’ai reçue en la perdant, a rouvert toutes celles que je croyais fermées. »

J’avais où me retirer et me reposer, ces mots disent tout. C’est ce que les hommes devraient rechercher, ce que l’affection d’une fille, — si on l’a formée à son image, — peut donner. Elle donne peut-être davantage encore, car qui peut mesurer l’influence d’un semblable amour sur la mentalité d’un homme et sur sa façon de comprendre la vie ? Parmi les Romains de son temps, Cicéron a été, certes, malgré sa déplorable faiblesse morale, l’un des plus purs, des plus humains, des plus honnêtes. Savons-nous de combien d’erreurs et de faiblesses sa tendresse pour Tullia l’a sauvé ?

Nous connaissons la vie du grand orateur, mais dans combien d’existences plus obscures le même phénomène s’est-il reproduit ? Combien de pères ont été délivrés des mauvaises fièvres, maintenus à une certaine hauteur morale par la fille intelligente qu’ils avaient élevée jusqu’à eux !

C’est pour toi seul qu’il est besoin
Dorénavant d’être sévère…
Tu dois respecter ce témoin
Pour que ce témoin te révère.
Veille donc attentivement
A ce qu’au fond de ta pensée
Rien ne passe, fût-ce un moment,
Dont sa candeur soit offensée[43].

[43] Louis Legendre.

Malheureusement ces cas sont trop rares et le deviennent chaque jour davantage. Dans les familles, chacun fait sa vie à soi et, certes, l’indépendance est une excellente chose, mais il ne faut pas qu’elle empiète sur les affections et les stérilise, elle doit seulement y ajouter le sentiment de liberté qui les ennoblit. L’amitié entre père et fille est l’une des manifestations les plus élevées de la tendresse humaine et je voudrais y convier tous les cœurs capables de la sentir et de la pratiquer.


Lorsque l’homme n’aura pas trouvé, autour de lui, dans sa famille, un cœur de femme où reposer le sien et verser les pensées que les camarades, jeunes ou vieux, ne méritent pas d’entendre, il cherchera ailleurs cet abri, et naturellement, à n’importe quel âge de la vie, il s’imaginera le trouver dans l’amour. En effet, s’il choisit bien, c’est dans ce sentiment qu’il atteindra la plénitude de la joie et de la confiance. L’amie qu’on aime d’amour représente l’idéal des intimités humaines, mais il est assez rare de pouvoir mêler l’amitié à la passion, parce que ce dernier sentiment, par sa violence même, obscurcit le discernement, et que l’on aime souvent une personne tout à fait différente de celle que notre goût et notre raison auraient choisie. En outre, l’amour est sujet à de brusques sautes, et naissant de rien, il meurt de tout ! Nous le voulons éternel dans les heures d’exaltation, et, de par son essence même, — sauf pour quelques êtres au cœur élevé, — il est passager, à moins qu’on ne l’emprisonne dans le mariage. Dans ce cas, les intérêts et les devoirs communs maintiennent l’intimité, quand l’amour a déjà pris son vol ou s’est piteusement abattu sur le sol. Mais ces devoirs et ces intérêts communs ne représentent pas l’amitié, dans le sens élevé du mot. Elle s’y joint quelquefois, mais pas toujours. La question de l’amitié dans le mariage est d’ailleurs si complexe qu’elle demanderait une étude à part ; revenons aux amitiés de choix que l’homme peut conclure en dehors de la famille et des liens conjugaux.

Il y a les amitiés amoureuses, et ce sont les plus charmantes et les plus solides, quand c’est l’amitié qui prend finalement le dessus. On a passé par l’épreuve du feu, et l’on ne craint plus rien ; on a cependant aperçu les portes d’or, et un attendrissement se mêle à la confiance, à l’estime et à la sympathie intellectuelles, bases de tout attachement sérieux. L’impression qu’on aurait pu s’aimer autrement met une poésie aux choses, et la camaraderie devient plus douce, plus respectueuse même… L’homme qui est l’ami d’une femme, pour laquelle il a ressenti des velléités de tendresse, a gagné un des gros lots de la vie sentimentale.

Mais alors, dira-t-on, il n’y aurait pas de meilleures amies que les femmes qu’on a cessé d’aimer. Avec elles, les souvenirs seraient plus puissants encore. Ils sont trop puissants, justement ; ils créent une situation délicate qui circonscrit la confiance et empêche les confidences… La passion, gardons-nous de l’oublier, ne s’éteint pas à la même minute chez les êtres qui se sont aimés. Un des cœurs reste douloureusement meurtri par la séparation ; souvent des regrets le rongent, sous la résignation apparente ; la dignité fait taire les plaintes, et par élégance morale, le visage reste souriant, l’accueil amical, mais quelque chose crie en dedans.

Cela arrive aux femmes, et aux hommes aussi. J’en ai connu un qui, des années après la rupture, disait encore en montrant son cœur : « Cela me fait toujours mal là ! » Et c’était un homme de peu de paroles, dur et froid d’apparence, qui détestait la sentimentalité fade, sous toutes ses formes. D’autre part, le premier qui s’est détaché a plus ou moins l’intuition de l’état d’âme de l’autre, et cela le gêne dans ses épanchements. L’amitié des anciens amants et des anciens fiancés est donc plutôt une sorte d’attachement fait de souvenirs réciproques, qu’une affection active et consolante. Celles-ci doivent être cherchées ailleurs, dans les affinités morales et intellectuelles que nos cœurs et nos intelligences sentent parfois avec force.

Évidemment l’amitié entre personnes d’un sexe différent demande une certaine élévation d’esprit, et ce qu’on pourrait appeler des facultés réceptives. Les femmes, auxquelles ces facultés manquent, auront rarement des amis masculins, car elles ne leur offrent pas ce qu’ils cherchent, une âme où déposer leurs pensées et développer leurs aspirations. Les hommes ambitieux, mais assez intelligents pour douter d’eux-mêmes parfois, éprouvent presque tous le besoin d’une amitié féminine qui les encourage et les soutienne. Sentir qu’une femme croit en eux, les trouve dignes des premières places, de la célébrité, de la gloire, est, pour leur orgueil, un baume précieux. D’autres, les sentimentaux, recherchent aussi ce genre d’amitié ; ils veulent des confidentes, car en racontant leurs amours à une autre femme, ils les goûtent mieux ! Quelques-uns, plus raffinés, plus délicats, plus altruistes, s’intéressent à la femme, pour elle-même, et trouvent du plaisir à étudier sa psychologie : ce sont des amis dévoués et charmants. Cette façon de comprendre l’amitié indique qu’elle aurait pu facilement se changer en amour.

Chez la femme, le désir de l’amitié masculine[44] est presque toujours intellectuel ; jadis, un besoin instinctif de protection la lui faisait rechercher, mais ce besoin est bien moins puissant aujourd’hui. La vanité entre aussi, pour une part, dans ce sentiment, quand il s’agit d’hommes célèbres, mais sa véritable racine est cet instinct de soutenir et de consoler, qui est propre à toutes les femmes. Elles éprouvent une sorte d’orgueil à relever le courage abattu de l’homme, cet être orgueilleux qui se croit leur supérieur et qui pourtant, à certaines heures, se tourne humblement vers elles pour qu’elles essuient ses larmes et le consolent dans ses déboires.

[44] Ce désir n’est pas senti par les Orientales : « Pauvres sœurs d’Europe, combien je vous plains de voir des hommes, toute la journée ! » disait à la princesse Murat une femme de harem. Les Désenchantées, de Loti, sont une exception.

J’ai connu des femmes, amies parfaites, désintéressées et tendres ; elles donnent bien davantage que l’homme, en ces sortes de contrats moraux, mais elles sont peut-être moins sincères que lui, elles ne se livrent pas autant ; elles ont des réserves où l’ami ne pénètre pas. C’est que jamais la femme n’a tout à fait confiance dans l’homme ; une longue suite de trahisons l’en empêche ! Sans en avoir conscience, elle sent en elle-même les torts dont les femmes ont été victimes, depuis que le monde existe, et dans l’homme elle voit l’oppresseur de l’espèce. Elle l’adorera, elle donnera pour lui sa vie, son honneur, mais elle n’aura jamais en lui une confiance complète ! L’homme, en général, ne s’aperçoit pas de cette méfiance, — il a si peu d’intuition, — et le plaisir que lui donne l’amitié de la femme n’en est nullement gâté. Elle, de son côté, trouve dans ces contacts, avec la mentalité masculine, un élargissement de la sienne, et arrive ainsi à une plus juste conception de la vie. Le gain est donc réciproque : la femme adoucit et raffine l’âme de l’homme ; lui, de son côté, donne la force, la raison, la logique.

Les nuances de ce sentiment, l’un des meilleurs et des plus élevés que l’humanité connaisse, sont infinies ; elles échappent à l’analyse, et l’on ne peut les ranger par catégories. L’amitié naît des circonstances à travers lesquelles nous évoluons et des rencontres fortuites. Le hasard, quand il a quelque chose en vue, met sur notre route l’ami ou l’amie qui doivent nous aider à l’accomplir. Que certaines amitiés soient réellement les instruments de la Providence, nous nous en rendons compte ; souvent, il est vrai, la signification de certains contacts reste mystérieuse, mais elle n’en existe pas moins ; seulement nos yeux de demi-aveugles ne la perçoivent pas.

J’ai dit ailleurs[45] combien ces amitiés mixtes étaient précieuses, et combien elles pourraient servir à un rapprochement de l’homme et de la femme, sur un plan plus élevé que celui où ils ont évolué jusqu’ici. Ils ne doivent pas se considérer uniquement sous l’aspect du possesseur et de la possédée, mais plutôt comme deux êtres auxquels Dieu a confié, il est vrai, la continuation de l’espèce, mais à qui il a donné deux âmes immortelles, destinées à s’aider réciproquement, pour mieux comprendre le sens profond de leur passage sur cette terre. Ainsi durent s’aimer Michel Ange et Vittoria Colonna. Il faut évidemment un peu de courage pour braver les calomnies du monde. Saint Jérôme qui s’était retiré à Ostie pour fuir les méchants propos de Rome, au sujet de ses amitiés féminines, écrivait à un ami : « Salue Paule et Eustochie ; que le monde le veuille ou non, elles sont miennes en Christ. »

[45] Voir Faiseurs de peines et Faiseurs de joies.

Un monde nouveau se prépare, une révolution morale est en train de s’accomplir ; l’homme et la femme traversent une crise qui ira s’accentuant, si celui qui a été jusqu’ici le maître de la situation ne comprend pas que pour garder son prestige, il doit se montrer généreux. Si les hommes devenaient les amis de leurs mères, de leurs sœurs, de leurs filles, ils se résigneraient de meilleure grâce au changement inévitable, et ils parviendraient en même temps à maintenir leur autorité sous une autre forme, forme plus juste, plus moderne et plus respectueuse de l’âme humaine.

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