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Chroniques de J. Froissart, tome 06/13 : $b 1360-1366 (Depuis les préliminaires du traité de Brétigny jusqu'aux préparatifs de l'expédition du Prince de Galles en Espagne)

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NOTES

CHAPITRE LXXXIV

[1] Édouard III fut logé en l’hôtel de Chanteloup (aujourd’hui château de Saint-Germain-lez-Arpajon), entre Montlhéry et Châtres (Arpajon), du mardi 11 mars au lundi 6 avril 1360. Grandes Chroniques, VI, 169 et Rymer, III, 480.

[2] Isère, arr. Vienne, c. Meyzieu. Hugues de Genève, troisième fils d’Amédée, IIe du nom, comte de Genève, et d’Agnès de Chalon, était le vassal, du chef de sa seigneurie d’Anthon, de Charles, dauphin de Viennois.

[3] Ces négociations infructueuses s’ouvrirent à la maladrerie de Longjumeau le vendredi saint 3 avril. Froissart omet de dire que les trois négociateurs qu’il nomme étaient des légats du Saint-Siége qu’Innocent VI avait envoyés en France, par une bulle datée d’Avignon le 3 mars 1360 (Rymer, III, 472; Arch. Nat., JJ91, nº 204), pour traiter de la paix; mais ces trois négociateurs ne prirent point part à la conférence de Longjumeau et n’arrivèrent à Paris que vers le 10 avril.

[4] La descente des Français à Winchelsea, suivie du sac de ce port de mer, eut lieu le 14 mars 1360 (voyez notre Histoire de du Guesclin; la jeunesse de Bertrand, p. 307, 546 à 550). En outre, par un traité secret conclu à Paris le jeudi 30 janvier 1360 (n. st.), dont tous les historiens semblent avoir ignoré l’existence, David Bruce, IIe du nom, roi d’Écosse, quoiqu’il fût alors prisonnier du roi d’Angleterre, s’étant fait représenter par Robert Erskine, chevalier, et Normand de Lesly, écuyer, avait conclu une alliance offensive et défensive avec Charles, régent, à condition que ledit régent fournirait dans un délai déterminé à son allié 50 000 marcs d’esterlins en or payables à Paris, au Palais Royal, en la Salle Neuve. Arch. Nat., J677, nº 7.

[5] Édouard III ne leva son camp et ne prit le chemin de la Beauce que le dimanche 12 avril, jour de Quasimodo, au soir. Grandes Chroniques, VI, 171.

[6] Le rédacteur des Grandes Chroniques, le mieux renseigné de tous les chroniqueurs sur ces événements, ne dit pas un mot de cet orage, qui paraît n’avoir eu d’autre effet que d’empêcher Édouard de marcher sur Chartres, comme le roi anglais en avait eu d’abord l’intention.

[7] De Gallardon, en effet, on commence à apercevoir la flèche de la cathédrale de Chartres.

[8] Cette rivière est la Voise qui se jette dans l’Eure à Maintenon.

[9] Eure-et-Loir, arr. Chateaudun. Édouard et ses gens s’avancèrent jusqu’à Bonneval et même jusqu’à Chateaudun, et c’est un indice que l’orage survenu près de Gallardon n’eut pas une influence immédiate et déterminante sur la conclusion de la paix de Brétigny.

[10] Les négociateurs, chargés des pleins pouvoirs du régent, partirent de Paris le lundi 27 avril et arrivèrent le même jour à Chartres.

[11] Aujourd’hui hameau de 127 habitants de la commune de Sours, Eure-et-Loir, arr. et c. Chartres, à 9 kil. au sud-est de cette ville. Pendant que ses plénipotentiaires ou plutôt ceux de son fils le prince de Galles traitaient à Brétigny avec les envoyés du régent, Édouard lui-même avait rétrogradé et était venu se loger à Sours. Le régent, de son côté, se rendit à Chartres où il était le 7 mai. Les pourparlers commencèrent le vendredi 1er mai et durèrent jusqu’au vendredi 8 du même mois. Grandes Chroniques, VI, 172, 173; Rymer, III, 485, 486.

[12] Le texte de cette confirmation, tel que le donne Froissart, se rapproche beaucoup pour le fond, sans être identique pour la forme, de la charte dite des renonciations, publiée par Rymer (III, 524 et 525). Seulement, comme l’a bien vu Dacier avec sa sagacité et sa conscience ordinaires (p. 528, note 1), si Froissart ne s’est pas trompé sur la date de mois et de jour (25 mai), il s’est certainement trompé sur la date de lieu (Brétigny-lez-Chartres). Édouard III, en effet, était de retour en Angleterre et débarqua au port de Rye le lundi 18 mai (Rymer, III, 494). D’un autre côté, Jean avait donné pleins pouvoirs à son fils Charles pour traiter avec son adversaire, par acte daté du 1er avril 1360 (Martène, Thes. Anecdot., I, 1422 et 1423); et la ratification provisoire par les deux rois du traité de paix conclu à Brétigny eut lieu à la Tour de Londres le 14 juin suivant (Bibl. Nat., De Camps, portef. 46, fº 432). Antérieurement à cette date, il y a lieu de croire que tout se passa, au moins officiellement, d’abord entre les plénipotentiaires des fils aînés rassemblés pour cela à Brétigny, ensuite entre les fils aînés eux-mêmes de Jean et d’Édouard. Du reste, on trouve tout au long dans les Grandes Chroniques (VI, 175 à 200) la confirmation par le prince de Galles du traité conclu entre ses plénipotentiaires et ceux de Charles, duc de Normandie; or, cette confirmation est datée, non de Brétigny, mais de Louviers en Normandie, le 16 mai 1360 (Ibid., p. 199). Quoi qu’il en soit, la charte, dite des renonciations, publiée par Rymer, est datée de Calais le 24 octobre 1360.

[13] Cette observation de Froissart, particulière à la rédaction d’Amiens (p. 242, 243), mérite d’être notée, parce qu’elle accuse l’interprétation que les juristes de Charles V voulaient donner, lorsque cette rédaction fut composée, à l’une des clauses du traité de Brétigny. Notre chroniqueur semble faire allusion à une convention subsidiaire par où le roi Jean, le 26 octobre, pendant son séjour à Boulogne-sur-Mer, prenait l’engagement de renoncer à tout droit de suzeraineté sur les provinces cédées, mais seulement lorsqu’il aurait été remis en possession d’une manière complète et effective de ce qui lui restait de son royaume (Bibl. Nat., fonds de Camps, portef. XLVI, fos 553 à 559, 571 à 580; ms. fr. nº 8359, fos 45 vº et 51). Dès le 10 février 1361, les Anglais se plaignaient à Jean de Melun, comte de Tancarville, chargé d’une mission en Angleterre, que le roi de France eut reçu ou voulu recevoir l’appel du comte d’Armagnac et du sire d’Albret (Martène, Thes. Anecdot., I, 1487 à 1489).

[14] Cette trêve fut confirmée à Sours devant Chartres par Édouard, prince de Galles, le 7 mai 1360 (Grandes Chroniques, VI, 207 à 211), et à Chartres, par Charles, régent du royaume, le même jour (Ibid., 202 à 206). Le mandement de publication de la trêve, donné par le régent à Brétigny-lez-Chartres le 7 mai (Ibid., 206, 207), ne fut sans doute promulgué qu’à la suite d’une entrevue du duc Charles et du prince de Galles.

[15] Cette ratification, dont le rédacteur des Grandes Chroniques a publié le texte (VI, 200 et 201), est datée de Paris le 10 mai 1360.

[16] Le roi d’Angleterre et le prince de Galles envoyèrent, non pas quatre, mais six chevaliers, trois bannerets et trois bacheliers (Grandes Chroniques, VI, 212 et 213).

[17] Froissart commet ici une méprise. Les six chevaliers, dont il réduit par erreur le nombre à quatre, étaient chargés, non pas, comme le dit notre chroniqueur, de prêter serment au nom du roi d’Angleterre et du prince de Galles, mais au contraire d’assister, de la part des princes anglais leurs maîtres, à la prestation solennelle de serment de Charles, régent du royaume, sur le fait du traité de paix, prestation qui, on l’a dit plus haut, eut lieu à Paris le 10 mai 1360. En retour, six chevaliers français, trois bannerets et trois bacheliers, assistèrent, comme représentants du régent Charles, à la prestation solennelle du serment d’Édouard, prince de Galles, qui se fit dans l’église Notre-Dame de Louviers le vendredi 15 mai 1360 (Grandes Chroniques, VI, 212 à 214).

[18] Le 23 décembre 1375, Charles accorda des lettres de rémission à Guiot Turpin de Wicquinghem (Pas-de-Calais, arr. Montreuil-sur-Mer, c. Hucqueliers), qui avait tué en 1360 un soudoyer anglais «comme, environ la feste de la Penthecouste derrain passée ot quinze ans (24 mai 1360), pour lequel temps certain acord ou trèves estoient, si comme l’en disoit, entre nostre très cher seigneur et père, que Dieux absoille! et nous et Edouard d’Angleterre, plusieurs routes d’Anglois, passons par nostre royaume pour s’en retourner à Calais, se fussent logiés en la dicte ville de Winkinguehen, dont les aucuns estoient de la route d’un des mareschaux d’Angleterre, lesquelx, disans qu’ils povoient prendre partout vivres pour eulx et leurs chevaux, prindrent en la dicte ville, oultre ce qu’il leur falloit, pour leurs dis vivres, plusieurs autres biens comme draps, linges, robes, or et argent et plusieurs autres choses et firent moult d’autres oultrages contre la voulenté des bonnes gens habitanz de la dicte ville et à leur grant grief et desplaisir.» Arch. Nat., JJ108, nº 28.

[19] D’après Jean de Venette (Contin. G. de Nangiaco, II, 310), plusieurs chevaliers allèrent, nus pieds, en pèlerinage, du camp anglais à la cathédrale de Chartres.

[20] Froissart se trompe sur le lieu d’embarquement du roi d’d’Angleterre. C’est à Honfleur, comme le dit fort bien le rédacteur des Grandes Chroniques (VI, 214), non à Harfleur, qu’Édouard mit à la voile pour l’Angleterre, le mardi 19 mai 1360. Harfleur était alors occupé par une forte garnison française placée sous les ordres de Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, lieutenant général en Normandie et ès Vexins français et normand (JJ87, nº 283), tandis que Honfleur, pris par les Anglais avant le 16 septembre 1357 (La Roque, Hist. de la maison de Harcourt, IV, 1881, 1882; JJ87, nos 146, 315; JJ105, nº 13), ne fut définitivement évacué par les envahisseurs qu’entre les mois de février et de mai 1361 (Rymer, III, 547. Bibl. Nat., Quittances, XIII, 1144, 1186).

[21] Le 14 juin 1360, Jean et Édouard dînèrent ensemble à la Tour de Londres et ratifièrent les conditions de paix arrêtées le 8 mai précédent, près de Chartres, par les députés de leurs deux fils aînés, en présence de Philippe, duc d’Orléans, des comtes de Ponthieu, de Tancarville, d’Auxerre, de Joigny, de Sancerre, de Saarbruck, d’Adam de Melun, des seigneurs de Derval, d’Aubigny et de Maignelay (Bibl. Nat., fonds de Camps, XLVI, 432; Grandes Chroniques, VI, 215; Martène, Vet. Script, nova collectio, I, 154).

[22] C’est le prince de Galles, non Édouard III, qui fit la conduite au roi de France jusqu’à Douvres, en passant par Canterbury, d’où Jean adressa, le 5 juillet 1360, un mandement à ses gens des Comptes (Bibl. Nat., fonds de Camps, XLVI, 437).

[23] Jean débarqua à Calais quinze jours après la Saint-Jean-Baptiste, le mercredi 8 juillet. Gr. Chron., VI, 215. Bibl. Nat., fonds de Camps, XLVI, 438.

[24] Froissart veut désigner ici les comtes d’Anjou et de Poitou; mais Louis, comte d’Anjou, qui se trouvait alors dans son comté où il épousa, le 9 juillet 1360, Marie de Bretagne, fille de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre (le contrat de mariage est daté du château de Saumur en août 1360; dom Morice, Preuves, I, 1534 à 1537), et Jean, comte de Poitiers, alors en Languedoc où il était lieutenant du roi son père et à la cour d’Avignon (JJ93, nos 107, 184), les comtes d’Anjou et de Poitou, dis-je, n’arrivèrent à Calais (P13791, nº 3116) et à Boulogne-sur-Mer (JJ88, nos 86, 102, 115) qu’à la fin de septembre ou dans les premiers jours d’octobre.

[25] Le dimanche 12 juillet, le régent Charles partit de Paris pour aller à Saint-Omer (Gr. Chron., VI, 215); mais il s’arrêta en route à Amiens d’où il a daté plusieurs actes (JJ91, nº 435).

[26] Dès le lendemain de son débarquement, le 9 juillet, Jean adressait un mandement aux gens de sa Chambre des Comptes. Il les pressait de lui envoyer en un rôle: 1º les noms des villes qui contribuaient à sa rançon, 2º le chiffre de la quote-part afférente à chaque ville, 3º les noms des simples particuliers qui lui font prêt à son besoin (De Camps, XLVI, 438). Trois jours après ce mandement, le 12, un des secrétaires du roi, Jean Lemercier, de Gisors, envoya des instructions aux commissaires chargés de recueillir le premier terme de la rançon de Jean (Bibl. de l’École des Chartes, XXXVI, 81 à 90). Paris s’imposa à 100 000 vieux écus, Rouen à 20 000 moutons d’or vieux, Soissons à 8000 royaux (JJ88, nº 21), Vervins à 200 royaux d’or (JJ88, nº 90).

[27] Par acte daté de Paris en mai 1360, Charles régent accorda des lettres de bourgeoisie parisienne à «Amizus de Concorecio», bourgeois de Milan, à la prière de son amé «Speronelus de Concorecio», fils d’Amizus, «ad nos ex parte carissimi consanguinei nostri domini Galeaz, vicecomitis Mediolani, CETERIS DE CAUSIS destinati.» JJ91, nº 433.

[28] Au mois d’avril 1361, en mariant sa fille Isabelle de France à Jean Galéas, dit Visconti, fils aîné de son cousin Galéas Visconti, seigneur de Milan, le roi Jean assigna en dot à sa dite fille les château et ville de Sommières (Gard, arr. Nîmes) valant 3000 livres tournois de rente annuelle, les lieux de Vertus, de Rosnay et de la Ferté-sur-Aube (JJ107, nº 164). Un des oncles de Galéas Visconti était le féroce Barnabo.

[29] Le 24 juillet 1363, Charles, duc de Normandie, fit mettre en garde en une chambre au-dessus du Trésor de l’abbaye de Saint-Denis «douze mille florins de Florence venus de Milan, dont Mgr en avoit donné trois mille à Saint Denis, avec huit cens frans pour la fondacion de sa chapelle.» Bibl. Nat., ms. fr. nº 21 447, fº 42. C’est à cause de ce mariage avec Isabelle de France que le 27 janvier 1394 (n. st.) Jean Galéas Visconti, père de Valentine de Milan, mariée à Louis, duc d’Orléans, fut autorisé par Charles VI à porter des fleurs de lis de France dans ses armes. J145, nº 433.

[30] Un article du traité de Brétigny portait que le roi de France n’aurait rien à payer pendant le premier mois de son séjour à Calais pour sa garde, mais que pour chaque mois en plus il payerait 10 000 réaux (le réal vieux équivalait à 27 sous et le réal nouveau à 26). Arrivé à Calais le 8 juillet, le roi de France ne recouvra pleinement la liberté qu’après la ratification définitive du traité de Brétigny, le 24 octobre suivant. Il eut ainsi à payer ses frais de garde et de séjour pour deux mois et demi environ, du 8 août au 24 octobre, frais qui devaient s’élever par conséquent à 25 000 réaux. La quittance d’Édouard est datée de Calais le 24 octobre 1360 (J638, nº 5).

[31] Nous avons dressé un tableau de ces lieux forts occupés par les Compagnies anglo-navarraises, de 1356 à 1364. Histoire de Bertrand du Guesclin et de son époque; la jeunesse de Bertrand, p. 459 à 509.

[32] Eustache d’Auberchicourt vendit, vers le 19 mars 1360, Attigny (Ardennes, arr. Vouziers) 25 000 deniers d’or, et le 16 juin suivant une autre forteresse, Autry (Ardennes, arr. Vouziers, c. Monthois), 8000 florins. On remarquera que Froissart semble plaindre sincèrement son compatriote de n’avoir pu se faire payer.

[33] Ce fut le cas d’Eustache d’Auberchicourt qui alla tenir garnison à Carentan pour le roi de Navarre et rançonner les plantureux marais du Cotentin, après avoir exploité les plus fertiles plateaux des Ardennes.

[34] Charles, régent du royaume, et les gens de son Conseil sont à Saint-Omer pendant la première quinzaine d’août (JJ88, nos 24, 68); ils sont à Boulogne-sur-Mer le 23 août (JJ88, nº 29), le 27 août (JJ88, nº 70), le 7 (JJ88, nos 66, 75), le 22 (JJ88, nº 109) et le 27 septembre (J332, nº 26), le 7 octobre (X2a 7, fos 72 vº et 73) et le 17 octobre (X2a 7, fº 98 vº) 1360.

[35] Par acte daté de Calais le 24 octobre 1360, Édouard III jure sur le corps de Jésus-Christ de bien traiter les otages, de les faire rendre à Boulogne-sur-Mer aussitôt que les choses pour lesquelles ils sont otages seront accomplies, de ne les pas mettre en prison fermée, enfin de les laisser s’ébattre par son royaume deux jours et une nuit. Martène, Thes. Anecdot., 1440 et 1441.

[36] Débarqué à Calais le mercredi 8 juillet, Jean quitta cette ville le dimanche 25 octobre 1360, au matin, après y être resté cent neuf jours. Gr. Chron., VI, 217, 218.

[37] La charte d’érection du comté d’Anjou et du Maine en duché pairie au profit de Louis, le second des fils du roi Jean, est seulement datée de Boulogne-sur-Mer en octobre 1360 (Arch. Nat., P13341, nº 3); mais comme le roi de France ne séjourna dans cette ville que du dimanche 25 au jeudi 29 octobre, c’est entre ces deux dates que le titre de duc dut être conféré à Louis Ier d’Anjou.

[38] La charte par laquelle le roi Jean crée Jean, son troisième fils, naguère comte de Poitiers et de Mâconnais, duc de Berry et d’Auvergne, est datée, comme la précédente, de Boulogne-sur-Mer en octobre 1360 (JJ91, nº 203); elle doit pour les mêmes raisons avoir été octroyée du 25 au 29 octobre 1360.

[39] Le roi d’Angleterre arriva à Calais le vendredi 9 octobre. Gr. Chr., VI, 215.

[40] Cette ratification définitive eut lieu le 24 octobre 1360.

[41] Le roi de France était logé au château de Calais, tandis qu’Édouard III était descendu dans un hôtel de cette ville.

[42] La plupart de ces protocoles séparés sont renfermés, parfois en double et même en triple exemplaire, dans trois cartons des Archives Nationales: le carton J638, qui contient 21 pièces cotées 1 à 21, et les cartons J639 et J640 qui en contiennent, l’un 18, l’autre 19, cotées 1 à 37. Ces documents ont presque tous été publiés par dom Martène, Thes. Anecdot., I, 1427 à 1464.

[43] Nous avons collationné le texte donné par Froissart, dans les passages où les manuscrits de ce chroniqueur ne nous fournissaient pas de bonne leçon, avec l’un des doubles de la charte originale, contenu dans le carton J639, nº 15. Froissart a reproduit le double de cette charte destiné au roi de France. Le double, destiné au roi d’Angleterre et revêtu en conséquence de la signature des princes et seigneurs français, est daté de Boulogne-sur-Mer le 26 octobre 1360. Il a été publié par Rymer. Fœdera, III, 530, 531.

[44] M. le duc d’Aumale (Notes et documents relatifs au roi Jean, p. 20) et M. Bardonnet (Procès-verbal de délivrance à Jean Chandos, p. 5) nous semblent s’être mépris lorsqu’ils ont pensé que le titre de chancelier de France porté par Gilles Aycelin de Montagu, IIe du nom, n’avait pu coexister légalement avec un titre, non semblable, mais analogue, donné dans le même temps à Jean de Dormans. Par acte daté de Saint-Denis le 18 mars 1358 (n. st.), maître Jean de Dormans, archidiacre de Provins en l’église de Sens, fut nommé chancelier du régent du royaume, duc de Normandie, aux gages de 2000 livres parisis par an (Bibl. Nat., ms. fr., nº 20 691, fº 665; de Camps, XLVI, 316 et 317); mais dans l’acte même de nomination de Jean de Dormans, on eut soin de réserver expressément les droits de Gilles Aycelin de Montagu qui n’en resta pas moins chancelier de France jusqu’au 18 septembre 1361.

[45] Nous avons collationné le texte donné par Froissart, là où la leçon des divers manuscrits nous semblait fautive, sur la charte originale conservée dans le carton J639, nº 15.

[46] Édouard III abandonna le titre de roi de France, qu’il prenait dans tous ses actes depuis sa déclaration de guerre à Philippe de Valois, le samedi 24 octobre 1360, après la ratification définitive du traité de Brétigny. Gr. Chron., VI, 218.

[47] Sur la question de Bretagne, le traité de Brétigny stipule seulement (art. 20) que, pendant l’année qui suivra l’arrivée de Jean à Calais, les deux rois feront tous leurs efforts pour amener un arrangement entre les deux prétendants. Si, au bout de cette année, Jean et Édouard ont échoué dans leurs tentatives de conciliation, les amis des deux compétiteurs auront encore une demi année pour revenir à la charge, après quoi «Charles de Blois et Jean de Montfort feront ce qui mieux leur semblera.» Rymer, III, 490, 491, 516.

[48] Henri, duc de Lancastre, avait été lieutenant et capitaine général en Bretagne, du 14 septembre 1354 (Rymer, III, 312) au mois d’août 1358 (Ibid., 403).

[49] En vertu de la convention conclue à Brétigny le 8 mai 1360, la trêve entre les deux royaumes, où la Bretagne était comprise, fut prorogée, non, comme le dit Froissart, jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste, mais jusqu’à la Saint-Michel (29 septembre) 1361. Rymer, III, 662.

[50] Ces quatre chevaliers étaient Gui de Bryan, Roger de Beauchamp, comte de Warwick, Renaud de Cobham et Gautier de Masny (Gr. Chron., VI, 220). L’assignation d’une rente de 2000 royaux d’or à Gui de Bryan est datée de Saint-Omer le 1er novembre 1360. Martène, Thes. Anecdot., I, 1478 et 1479.

[51] Édouard III assigna une rente annuelle et viagère de 3000 réaux à Arnoul d’Audrehem, maréchal de France (J641, nº 12), une rente annuelle et viagère de la même somme à Jean de Melun, comte de Tancarville (J642, nº 3), une rente annuelle et viagère de 2000 écus à Jean le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France (J642, nº 5), une rente annuelle et viagère de 200 écus à Guillaume de Dormans, frère de Jean de Dormans auquel il succéda à la fin de 1361 comme chancelier du duc de Normandie. J641, nº 18.

[52] Par acte daté de Calais le 24 octobre 1360, le roi Jean confirma la donation faite par le roi d’Angleterre à Jean Chandos de toutes les terres qui avaient appartenu à Godefroi de Harcourt, moyennant toutefois l’hommage au duc de Normandie (Martène, Thes. Anecdot., I, 1432; Rymer, III, 543, 544) dont la confirmation fut donnée à Boulogne-sur-Mer deux jours après celle de son père, le 26 octobre.

[53] En effet ces pièces annexes du traité de Brétigny, qui sont fort nombreuses, sont presque toutes datées de Calais le 24 octobre ou de Boulogne-sur-Mer le 26 octobre 1360.

[54] Ces otages durent être remis au prince de Galles à Boulogne-sur-Mer le lundi 26 octobre, après dîner. Dans la matinée, avant de quitter Boulogne pour se rendre à Calais sous la conduite du fils aîné du roi d’Angleterre, ils avaient juré l’alliance offensive et défensive conclue entre les deux rois. Rymer, III, 530, 531.

[55] Le versement qui eut lieu à Calais le 24 octobre, ne fut que de 400 000 écus (J639, nº 6). 200 000 écus complémentaires furent payés, 100 000 le 26 décembre, 100 000 le 31 décembre suivant (J640, nº 34). En 1364, le florin valait 16 sous, et l’écu vieux 21 sous 3 deniers. Bibl, Nat., ms. lat. nº 5957, fº 18 vº.

[56] Le roi Jean partit de Calais pour se rendre à Boulogne-sur-Mer, non la veille de Saint-Simon et Saint-Jude, c’est-à-dire le 27 octobre, comme Froissart le dit par erreur, mais deux jours auparavant, le dimanche 25 au matin. Gr. Chron., VI, 217, 218.

[57] La date donnée ici par Froissart est fort exacte. Édouard III et les otages français s’embarquèrent pour l’Angleterre le matin du samedi 31 octobre, avant le jour. Gr. Chron., VI, 219.

[58] Le nombre des otages nobles, fixé primitivement à quarante, fut réduit à trente en vertu d’une convention subsidiaire datée de Calais le 24 octobre 1360. Martène, Thes. Anecdot., I, 1448.

[59] Martène, Thes. Anecdot., I, 1440, 1441.

[60] Le roi Jean partit de Boulogne-sur-Mer pour aller à Saint-Omer trois jours avant la Toussaint, le jeudi 29 octobre. Il fêta la Toussaint dans cette dernière ville; et les mardi et mercredi 3 et 4 novembre on y donna des joutes en son honneur. Grandes Chroniques, VI, 218 à 221.

[61] Jean resta à Saint-Omer au moins jusqu’au 7 novembre, car nous avons deux mandements de ce prince, datés l’un du 2 (Ordonn., III, 432), l’autre du 7 novembre (Ibid., 433), à Saint-Omer.

[62] On connaît deux actes émanés de Jean et datés de Hesdin les 14 (J1084, nº 5) et 16 novembre (JJ91, nº 217). Le roi de France paraît être retourné à Saint-Omer à la fin de ce mois, car un autre de ses actes est daté de cette ville le 30 novembre (JJ95, nº 53).

[63] Jean ne resta pas à Amiens jusqu’à Noël, puisque dès le 5 décembre il était de passage à Compiègne d’où il a daté la grande ordonnance édictant la levée de l’aide pour sa rançon de 12 deniers pour livre sur la vente de toutes les marchandises, du cinquième sur la vente du sel et du treizième sur l’entrée des vins, ainsi que l’ordonnance fixant le prix des espèces d’or et d’argent. Ordonn., III, 433 à 442.

[64] Jean, après avoir passé la soirée du vendredi 11 et la journée du samedi 12 décembre à l’abbaye de Saint-Denis où il se réconcilia avec son gendre Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre (Secousse, Preuves des Mémoires sur Charles II, 182 à 185), fit son entrée à Paris le dimanche 13 décembre 1360. Grandes Chroniques, VI, 223.

[65] La commission donnée à ce sujet par Édouard III à Richard de Stafford, sénéchal de Gascogne, Jean Chandos, Étienne de Cusyngton, Neel Loryng, Richard de Totesham, Adam de Houghton et Guillaume de Felton, est datée du 1er juillet 1361. Champollion-Figeac, Lettres des rois et reines, II, 135.

[66] Les opérations de cette délivrance, commencées à Châtellerault le samedi 11 septembre 1361, ne se terminèrent que le lundi 28 mars 1362 à Angoulême; elles demandèrent par conséquent un peu plus de six mois et demi. Voyez la belle publication de M. Bardonnet. Procès-verbal de délivrance à Jean Chandos. Niort, in-8º, p. 9, 116. Le roi de France, de son côté, par lettres datées du Bois de Vincennes le 12 août 1361, avait nommé commissaires: les maréchaux d’Audrehem et Boucicaut, Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, Guichard d’Angle, le sire d’Aubigny, sénéchal de Toulouse et le Bègue de Vilaines, sénéchal de Carcassonne. Ibid., p. 12 à 14.

[67] Roger Bernard, comte de Périgord, prêta serment de fidélité au roi d’Angleterre à Montignac (Dordogne, arr. Sarlat) le jeudi 30 décembre.

[68] Jean I, comte d’Armagnac, de Fézensac et de Rhodez, qui, par contrat passé à Carcassonne le 24 juin 1360, avait marié sa fille aînée Jeanne d’Armagnac à Jean de France, alors comte de Poitiers et de Mâconnais, créé à la fin d’octobre de la même année duc de Berry et d’Auvergne.

[69] Pierre Raymond, IIe du nom, comte de Comminges.

[70] Arnaud d’Eauze (Gers, arr. Condom), vicomte de Caraman (Haute-Garonne, arr. Villefranche-de-Lauragais).

[71] Roger Bernard de Foix, IIe du nom, vicomte de Castelbon, seigneur de Moncade. Le nom de cette vicomté est resté au château de Castelbon situé dans la commune de Betchat, Ariége, arr. Saint-Girons, c. Saint-Lizier.

[72] Le roi Jean, sachant le prix qu’Édouard III attachait à la prise de possession de la Rochelle, cette clef de la Saintonge et du Poitou, avait écrit d’Angleterre dès le 8 juin 1360 pour inviter ses chers et bons amis, les maire, jurés et commune de la Rochelle, à envoyer vers lui leurs députés; le 18 juillet suivant, par un mandement daté de Calais, il renouvelle la même invitation (Martène, Thes. Anecdot., I, 1428). Il envoie exprès à la Rochelle Arnoul, sire d’Audrehem, pour presser les habitants, et nous avons deux actes de ce maréchal de France, datés de cette ville les 5 et 8 août (JJ88, nos 76, 93; Rymer, III, 558, 551; JJ88, nº 67). Les Rochellais s’exécutent enfin le 15 août et chargent Guillaume de Seris, Pierre Buffet, Jean Chaudrier et deux autres bourgeois d’aller trouver le roi de France à Calais (Martène, Ibid., 1427 à 1429). Par acte daté de cette ville le 24 octobre, Jean s’engage à livrer comme otage son très-cher fils Philippe, duc de Touraine, au cas où un mois après son départ de Calais la ville de la Rochelle n’aurait pas été remise entre les mains des Anglais (Rymer, III, 541; Martène, Ibid., 1449). A Boulogne-sur-Mer, le 26 octobre, il délie les Rochellais du serment d’obéissance (Martène, Thes. Anecdot., I, 1462 à 1464). Le même jour, il mande à Jean le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France, et à Guichard d’Angle, sénéchal de Saintonge, de délivrer royaument et de fait à son très-cher frère le roi d’Angleterre la possession des ville, château et forteresse de la Rochelle (Bibl. Nat., ms. fr. nº 8354, fº 22; De Camps, XLVI, 593 et 594). Enfin, par acte daté de Westminster le 28 janvier 1361, Édouard III, sur le rapport de Bertrand, seigneur de Monferrand, qu’il avait nommé gouverneur de la Rochelle le 38[*] octobre 1360 (Rymer, III, 548, 549), donne acte au roi de France de la délivrance de la Rochelle à l’Angleterre, qui avait eu lieu le 6 décembre 1360 (Bardonnet, 143 à 154; Rymer, III, 597). Par conséquent, la livraison ou, pour employer l’expression du temps, la délivrance de la Rochelle aux Anglais avait demandé, non pas plus d’un an, comme le dit Froissart avec quelque exagération, mais des démarches et des négociations ininterrompues pendant sept ou huit mois.

[*] Ainsi dans l’original (N. d. t.)

[73] Par acte daté de Westminster le 20 janvier 1361, Édouard III nomme Jean Chandos, chevalier, baron de Saint-Sauveur en Normandie, son lieutenant et capitaine ès parties de France et conservateur spécial de la paix et des trêves ès dites parties. Rymer, III, 555.

CHAPITRE LXXXV

[74] Par acte daté de Calais le 24 octobre 1360, Édouard III chargea Guillaume de Grantson et Nicolas de Tamworth de faire évacuer les forteresses de Champagne, de Brie, des duché et comté de Bourgogne, de l’Orléanais et du Gâtinais; Thomas Fogg et Thomas Caun celles du Perche, du Chartrain et du Drouais (pays de Dreux); le sire de Pommiers, Bérard et Arnaud d’Albret, celles du Berry, du Bourbonnais, de la Touraine et de l’Auvergne; Amauri de Fossat et Hélie de Pommiers, celles du Périgord, du Quercy et de l’Agenais; le captal de Buch, le sire de Monferrand et Thomas de Holland, celles de la Normandie, de l’Anjou et du Maine. Rymer, III, 546 et 547.

[75] Le château de Joinville (Joinville-sur-Marne ou en Vallage, Haute-Marne, arr. Vassy) fut pris par une compagnie d’aventuriers allemands, qui se nommaient les Tard-Venus. Ce château, appartenant à Henri, comte de Vaudémont et sire de Joinville, fut occupé après le traité de Brétigny conclu le 8 mai 1360 («... son chastel de Joinville depuis nostre paiz pris par noz ennemis.» Arch. Nat., JJ91, nº 245), et avant le 24 octobre de la même année, puisque, dans la ratification définitive du traité du 8 mai datée de Calais le 24 octobre 1360, on eut soin de stipuler expressément l’évacuation de Joinville (Rymer, III, 535, 546). Le sire de Joinville s’étant ruiné pour racheter son château, le roi Jean, par acte daté de Saint-Denis le 25 février 1362 (n. st.), lui constitua une rente annuelle et viagère de 2000 livres («ad relevanda gravamina que passus fuit et est in captione et detentione castri et ville suarum de Joinvilla». JJ91, nº 134). Gui, sire de Choiseul, paya aussi une grande somme de florins «pour le rachat de la forteresce de Joingville dont il estoit plesge et pour ce hostage en la ville de Meiz.» JJ91, nº 451. JJ93, nos 9, 239. J1036, nos 22 à 24. Chroniques de Jean le Bel, II, 274.

[76] Voyez notre liste des lieux forts occupés par les Compagnies dans le diocèse de Langres. Histoire de Bertrand du Guesclin, p. 487 et 488.

[77] En 1361, on découvrit que les Compagnies avaient des intelligences en Bourgogne; quatre capitaines de forteresses du duché furent révoqués, et le sire d’Estrabonne arrêté à Chalon (Archiv. dép. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes du duché de Bourgogne, compte de Dimanche Vitel pour 1361; Finot, Recherches sur les Compagnies en Bourgogne, p. 16). Si l’on songe que Charles le Mauvais, roi de Navarre, éleva des prétentions sur le duché de Bourgogne après la mort de Philippe de Rouvre survenue le 21 novembre 1361, on ne doutera pas que les menées de ce prince perfide n’aient contribué particulièrement à attirer sur cette province le fléau des Compagnies, dont le nombre et l’audace redoublèrent lorsque le gendre du roi Jean, sans oser rompre ouvertement avec son beau-père, essaya de lui disputer sous main la succession du duché. On verra, dans une des notes suivantes, que quelques-uns des aventuriers qui infestèrent alors la Bourgogne, étaient d’origine navarraise. Les prétentions de Jean de Bourgogne, dernier descendant mâle de Jean de Chalon l’Antique, sur le comté de Bourgogne, dont Marguerite de France, grand’tante de Philippe de Rouvre et grand’mère de sa veuve, avait été reconnue héritière, en faisant éclater la guerre entre Jean et Marguerite, ces prétentions, dis-je, furent aussi l’une des causes qui mirent, dans le courant de 1362, le comté aussi bien que le duché de Bourgogne à la merci des Compagnies. Finot, Ibid., p. 70, 71.

[78] Aujourd’hui Reulle-Vergy, Côte-d’Or, arr. Dijon, c. Gevrey.

[79] Côte-d’Or, arr. Dijon. Tous les gourmets savent que le clos de Chambertin est situé sur la commune de Gevrey. Les Compagnies occupèrent aussi en 1361 un autre Givrey (auj. Givry-Cortiambles ou Givry-près-l’Orbize, Saône-et-Loire, arr. Chalon-sur-Saône), car le bailli de Chalon envoya, de Noël 1360 au 15 janvier 1361, à Robert de Marnay, châtelain de Montaigu (château de Chauffailles, Saône-et-Loire, arr. Charolles), des hommes d’armes qui gardèrent le dit château depuis le 2 février jusqu’au mois d’août 1361 contre les gens des Compagnies qui étaient à Couches (auj. Couches-les-Mines, Saône-et-Loire, arr. Autun) et à Givry (Archives de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Bourgogne, B5251. Inventaire, ii, 237). Voyez notre liste des lieux forts occupés par les Compagnies en Bourgogne (Hist. de du Guesclin, p. 471, 497, 498, 507 à 509). Les trois volumes de l’inventaire des archives de la Côte-d’Or permettraient d’ajouter à cette liste près de cinquante forteresses.

[80] Seguin de Badefol était l’un des quatre fils légitimes de Seguin de Gontaut, sire de Badefols (auj. Badefols-de-Cadouin, Dordogne, arr. Bergerac, c. Cadouin). Marié le 15 juin 1329 à Marguerite de Berail, Seguin de Gontaut, père de Seguin de Badefol, eut trois autres fils, Jean, Pierre et Gaston, une fille, Dauphine mariée à Pierre de Cugnac, et cinq enfants naturels, dont deux fils et trois filles; dans son testament daté du 23 août 1371, il ne nomme point Seguin qui était mort empoisonné à la fin de 1365 et élit sa sépulture dans l’abbaye de Cadouin.

[81] Ce chef de Compagnie est appelé Taillevardon dans une lettre de rémission accordée le 10 juin 1379 à Guillemin Martin de «Cromeneau», au bailliage de Mâcon, qui avait quitté son pays natal «pour cause des gens de l’Archeprestre, de feu Guiot du Pin et de feu Taillevardon et de plusieurs autres gens d’armes qui lors (en 1362) gastoient et pilloient tout le pays...» Arch. Nat., JJ115, nº 70.—En 1363, un écuyer de Philippe le Hardi, lieutenant du roi son père dans le duché de Bourgogne, s’appelait Arnaud de Talbardon. (Arch. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes, série B, liasse 371; Invent., I, 40.) D’après Paradin, le roi Jean fit pendre en 1362, à Trichastel, Tallebardon, Guillaume Pot et Jean de Chauffour; mais cet érudit est dans l’erreur au moins en ce qui concerne ces deux derniers routiers. Pot vivait encore en 1367 et Jean de Chauffour fut décapité à Langres vers le milieu de 1364.

[82] Par acte daté de Paris en avril 1364, Charles V accorda des lettres de rémission à Jean Bruffaut, écuyer, né à la Vouzailles, en la sénéchaussée d’Anjou, à quatre lieues de Poitiers (Vienne, arr. Poitiers, c. Mirebeau), «comme à ceste Penthecouste prochain venant aura deux ans ou environ (5 juin 1362), il se fust parti de son pais et accompaignez avec Guyot du Pyn, nez de nostre royaume et lequel estoit ou au moins apparoit estre pour lors bon et loyal françois, et s’en feussent alez en lointains et estranges pays et par especial ès parties de Bourgoingne, pour nous servir et eulx adventurer bonnement et loyalement, sanz ce que le dit Jehan y pensast à nul mauvaiz, malice ou fraude, mais supposoit et tenoit estre le dit Guiot bon et loyal françois. Et, après certain temps, ycellui Guyot, le dit Jehan encore estant en sa compaignie, se mist et accompaigna avec certains Anglois et autres ennemiz et rebelles de nostre royaume et de nous.» Arch. Nat., JJ94, nº 46.—Dans une autre lettre de rémission en date du 10 juin 1379, on lit que «bien a quinze ans ou environ (en 1363), feu Guyot du Pin et plusieurs autres pillars de sa suite et compaignie estoient sur le pays et y tenoient et occupoient le fort de Mannay (auj. Manlay, Côte-d’Or, arr. Beaune, c. Liernais), prenoient et raençonnoient hommes et femmes...» JJ115, nº 70.

[83] Espiote, dont le nom s’écrit aussi Lespiote, était cantonné près de Chalon lorsque, le 20 novembre 1365, on lui apporta, ainsi qu’à une dizaine d’autres chefs de Compagnies, «lettres de par messire du Guesclin que tantos ils se departissent du duché et s’en allassent après li.» (Arch. de la Côte-d’Or, compte de Dimanche Vittel en 1365). Un messager qui portait une lettre des officiers du duc de Bourgogne à du Guesclin n’en fut pas moins dépouillé au delà de Dijon par la route d’Espiote. Finot, Recherches, p. 99.

[84] Le Petit Meschin, d’origine gasconne, avait été dans sa jeunesse varlet d’homme d’armes, comme un autre chef de bande, Limousin. Il fut fait prisonnier par le bailli Huart de Raicheval, en 1368, devant Orgelet (Jura, arr. Lons-le-Saulnier). Finot, Recherches, p. 106. Le 11 mai 1369, Louis, duc d’Anjou, fit noyer dans la Garonne, à Toulouse, le Petit Meschin, ainsi que Perrin de Savoie. Thalamus parvus, p. 384.

[85] D’après une interpolation du copiste d’un manuscrit de Froissart, manuscrit conservé aujourd’hui à la Bibliothèque de Leyde (ms. A 15 de notre classification), Bataillé était d’origine bretonne.

[86] Sur ce Frank Hennequin, pauvre garçon d’Allemagne, voyez notre sommaire du t. V, p. 53 et 54. D’après un témoin dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois, ce Frank Hennequin tenait au mois de mai 1369 garnison pour Jean de Montfort à Carhaix, et saint Charles l’aurait frappé, puis guéri à Guingamp d’une paralysie générale. Frank Hennequin, en reconnaissance de ce miracle, aurait fait nu-pieds un pèlerinage à l’église des Frères Mineurs de Guingamp, «provoquant en duel quiconque nierait désormais la sainteté de Charles de Blois.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 5381, t. II, fos 216 et 217.

[87] Le bour ou bâtard Camus, Navarrais ou Gascon d’origine, comme l’indique ce sobriquet de bour, passa en Italie après la bataille de Brignais avec Ilawkood, Creswey, Briquet (Froissart de Buchon, II, 407) et fut pris après décembre 1367 dans le château de Beauvoir (Nièvre, com. de Saint-Germain-Chassenay, arr. Nevers, c. Decize) par les gens du duc de Bourbon. C’est lui qui faisait jeter dans une fosse pleine de feu les prisonniers qui ne se voulaient ou ne se pouvaient racheter. Chronique de Louis de Bourbon, éd. de M. Chazaud, p. 16 à 20. Archives départementales de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Dijon, reg. B4406, 5498; Invent., II, 112, 273.

[88] Cet aventurier gascon était un bâtard de la puissante maison de Lesparre (Gironde).

[89] Le bour de Breteuil accompagna aussi Hawkood et Creswey en Italie (Froissart de Buchon, II, 407).

[90] En janvier 1365, Charles V accorda des lettres de rémission à Naudon de Bageran, «né du pays de Gascoingne, capitaine de Compagnies.» JJ98, nº 720, fº 213.—En novembre et décembre 1367, le gouverneur de Nivernais fit payer la solde des gens d’armes opposés à messire Bernard de Lobrac, à Naudon de Baugerant, au bour Camus et à leurs gens «pleins de male volenté, lesquelz ennemis s’efforçoient de prendre villes et forteresses et demeurant sur le pays en novembre et decembre 1367.» Arch. départ. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes, B5498; Invent., II, 273; Finot, Recherches, 105.—Naudon de Bageran, qui fut plus tard capitaine pour les Anglais du château de Segur en Limousin (Corrèze, arr. Brive, c. Lubersac), est mentionné comme mort en 1394. Arch. Nat., JJ146, nº 189.

[91] Lami, routier breton, était capitaine de Longwy en 1365. Finot, p. 99.

[92] Cet aventurier appartenait-il à la famille de Bourdeilles (Dordogne, arr. Périgueux, c. Brantôme)?

[93] Bernard de la Salle, qui, le lundi 18 novembre 1359, étant au service du captal de Buch, escalada le château de Clermont avec des grappins d’acier, se mit à piller la Bourgogne après le traité de Brétigny. Il était encore dans cette province en 1368 avec Bérard d’Albret, Gaillard de la Motte, Bernard d’Eauze, le bour de Badefol. Arch. de la Côte-d’Or, B9292; Invent., III, 398.

[94] Robert Briquet, après la bataille de Brignais, alla en Italie avec Creswey; il revint avec ce dernier ravager l’Anjou, vers 1367 «au temps que les gens de Compaignie, desquelles l’en disoit souverain capitaine un Anglois appelé Briquet, couroient par le pais d’Anjou ou environ.» Jean d’Andigné, capitaine du château de la Roche d’Iré (château de Loiré, Maine-et-Loire, arr. Segré, c. Candé), fit alors la guerre à ce Robert Briquet. JJ104, nº 164.

[95] Sur Jean Creswey, voyez notre Histoire de du Guesclin, p. 362.

[96] Le prénom et le nom de cet aventurier indiquent clairement son origine gasconne. Il y a un Ortigues qui est aujourd’hui hameau de la commune de Cézac, Gironde, arr. Blaye, c. Saint-Savin.

[97] D’après le témoignage d’Espaing de Léon, rapporté par Froissart (Chron., éd. de Buchon, II, 383), Garciot del ou du Castel était originaire de la région des Pyrénées, comme l’indique du reste son prénom de Garciot, diminutif de Garcia. Lorsque les chefs des Compagnies qui ravageaient les trois sénéchaussées de Toulouse, de Carcassonne et de Nîmes conclurent avec Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, et Henri, comte de Trastamare, le 23 juillet 1362, à Clermont en Auvergne, un traité qui fut confirmé à Paris le 13 août suivant, traité par lequel ces aventuriers s’engageaient à évacuer le royaume moyennant la somme de 100 000 florins, c’est entre les mains de Garciot du Castel que cet argent fut versé en décembre 1362 et en janvier 1363. «Item, solvit dictus Stephanus de Montemejano domino Gassiono de Castello, capitaneo unius ex societatibus, pro complemento de Cm florenis dictis societatibus promissis ut a regno exirent, de quibus per Bernardum Francisci, receptorem Nemausi, traditi et persoluti fuerunt IIIIxx Xm floreni, qui Xm floreni restantes, eidem domino Gassiono soluti, mandato dicti domini d’Audenehan, valent VIIIm franci. Item, solvit dictus Stephanus predicto domino Gassiono, pro dono sibi facto per dictum dominum d’Audenehan in recompensacione expensarum per eum factarum cum domino Garssia de Nassi, militi, eundo Parisius versus regem et alias diversas partes, pro tractatu habendo cum dictis capitaneis societatum ut exirent regnum: M floreni = VIIIc franci.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 5957, fº 14 vº.—Garciot ou Garcion du Castel était au service de Jean, comte d’Armagnac, lorsqu’il fut fait prisonnier par le comte de Foix à la bataille de Launac (Haute-Garonne, arr. Toulouse, c. Grenade-sur-Garonne), livrée le lundi 5 décembre 1362. Vaissète, Hist. du Languedoc, IV, 321.

[98] Cet aventurier était, comme son nom l’indique, originaire de Pau en Béarn. Pau n’était encore à cette époque qu’un simple village de la rive droite du Gave, qui servait de station aux bergers de la vallée d’Ossau lorsqu’ils allaient hiverner leurs troupeaux dans les landes immenses du Pont-Long. Le 11 mai 1369, Louis, duc d’Anjou, fit décapiter et écarteler Amanieu de l’Artigue (ou d’Ortigue), Noli Pavalhon et Boulhomet (peut-être faut-il lire: Guyonnet) de Pau, qui avaient conspiré avec le Petit Meschin et Perrin de Savoie, pour livrer le duc leur maître aux Anglais. Thalamus parvus, p. 384.

[99] Jacques de Bourbon, I du nom, comte de la Marche, comte de Pontieu avant la cession de ce comté au roi d’Angleterre par le traité de Brétigny, 3me fils de Louis I, duc de Bourbon, et de Marie de Hainaut, oncle de Louis II, duc de Bourbon, marié à Jeanne de Châtillon-Saint-Pol. Anselme, Hist. généal., I, 318.

[100] Ce fut Jean le Maingre, dit Boucicaut, et non Jacques de Bourbon, qui fit cette remise à Jean Chandos (Bardonnet, Procès-verbal de délivrance, p. 105 à 110). Seulement, le roi Jean put charger son cousin le comte de la Marche, comme le raconte Froissart, d’une mission officieuse auprès des grands seigneurs du parti français, qui firent des difficultés pour se soumettre au traité de Brétigny, tels que les comtes de Périgord et d’Armagnac.

[101] Jeanne de Bourbon, l’aînée des filles de Louis I, duc de Bourbon, et de Marie de Hainaut, mariée à Avignon le 14 février 1318 à Guigue, VII du nom, comte de Forez, mort en 1360.

[102] Renaud de Forez, second fils de Jean I, comte de Forez, frère de Guigue VII, comte de Forez, fut fait prisonnier à Brignais. Anselme, Hist. généal., VI, 730.

[103] Froissart dit que «le jeune duc» envoya vers Jacques de Bourbon les chevaliers et écuyers, tant du duché que du comté de Bourgogne. Notre chroniqueur commet ainsi un anachronisme. Ces expressions de jeune duc ne peuvent s’appliquer qu’à Philippe de Rouvre, qui mourut le 21 novembre 1361, plus de cinq mois avant la bataille de Brignais.

[104] Louis, fils de Guigue VII et de Jeanne de Bourbon, avait succédé en 1360, comme comte de Forez, à son père. D’après Froissart, il était encore en 1362 sous la tutelle de Renaud de Forez, son oncle paternel; il était né à Saint-Galmier en 1338.

[105] Jean de Forez, second fils de Guigue VII et de Jeanne de Bourbon, sœur de Jacques de Bourbon.

[106] Au moyen âge, les foires froides (d’hiver) et chaudes (d’été) de Chalon étaient le centre d’un négoce immense. Les marchands du midi et du nord de l’Europe s’y donnaient rendez-vous. Les produits de l’Italie et du Levant remontaient la Saône jusqu’à Chalon et jusqu’à Saint-Jean-de-Losne; et ces deux villes, aujourd’hui si déchues, possédaient alors des entrepôts considérables où on déposait les marchandises. Saint-Jean-de-Losne était le principal péage où l’on percevait des droits de transit sur les marchandises exportées du royaume en l’Empire ou importées du comté de Bourgogne ou de l’Empire dans le duché de Bourgogne ou dans le royaume de France. L’entrepôt de cette ville s’appelait la Maison des Balles, à cause des balles de laines ou d’autres denrées qu’y déposaient les marchands (Archives de la Côte-d’Or, B3455). Ces richesses, on le comprend, étaient de nature à éveiller la convoitise des chefs des Compagnies. Voilà pourquoi ces pillards, après avoir tenté vainement, à la fin de 1361 et dans les deux premiers mois de 1362, de surprendre Chalon pendant les foires (Arch. de la Côte-d’Or, B3561), s’emparèrent de Saint-Jean-de-Losne ou du moins détruisirent les moulins de cette ville et pillèrent le grand magasin d’entrepôt appelé Maison des Balles (Ibid., B3440 et 3434). Maîtres des passages de la Loire, ils pillent et tuent «les marchans venans ès foires de Chalon.» (Ibid., B3564). On est obligé de faire garder par des hommes d’armes «les frontières de Chalon pendant les foires» (Ibid., B3561); et l’on fait placer une cloche au-dessus de la tour neuve du château de cette ville, «pour esveiller les guettes.» (Ibid., B3566).

[107] La ville de Tournus (Saône-et-Loire, arr. Mâcon) est située au nord de Mâcon et au sud de Chalon, sur la rive droite de la Saône. Grâce à l’occupation simultanée de Saint-Jean-de-Losne et de Tournus, les Compagnies commandaient le cours de la Saône en amont et en aval de Chalon.

[108] Les Anglo-Gascons avaient fait irruption en Beaujolais dès le mois de juin 1360 (Archives de la Côte-d’Or, B8074).

[109] Loire, arr. Roanne, sur la rive droite de la Loire. Charlieu, comme le dit Froissart, dépendait alors du comté de Mâcon, et ressortait au bailliage de cette ville. Si les Compagnies échouèrent devant Charlieu, elles s’emparèrent de Marcigny (Saône-et-Loire, arr. Charolles), surnommé alors les Nonnains, à cause d’un prieuré de filles de l’ordre de Saint-Benoît, dont plusieurs actes établissent l’occupation par les routiers à cette date (JJ108, nº 370; JJ114, nº 180). Marcigny est situé sur la rive droite de la Loire, et les Compagnies purent traverser le fleuve en cet endroit pour se rendre du Charollais dans le Forez.

[110] Rhône, arr. Lyon, c. Saint-Genis-Laval, à 13 kil. au sud-ouest de Lyon. Ce bourg, arrosé par le Garon, petite rivière qui se jette dans le Rhône à Givors, est traversé par la route de Lyon à Saint-Étienne. Au quatorzième siècle, il y avait à Brignais un château fort, muni de fossés et d’une enceinte, et, d’après M. Allut (les Routiers et la bataille de Brignais, Lyon, Louis Perrin, 1859, p. 23), quelques pans de mur de la première enceinte subsistent encore. Par une bulle datée de Lyon le 13 avril 1251 (Arch. du Rhône, fonds de la seigneurie de Brignais, nº 2), Innocent IV avait donné la seigneurie de Brignais au chapitre de Saint-Just de Lyon. Par conséquent, quand Froissart dit que les Compagnies prirent le château de Brignais et le seigneur et sa femme dedans, notre chroniqueur se trompe, ou il veut désigner le châtelain qui gardait ce château pour le chapitre de Saint-Just.

[111] Le principal organisateur de l’armée vaincue à Brignais par les Compagnies ne fut pas Jacques de Bourbon, mais Jean de Melun, comte de Tancarville, que le roi Jean, par acte daté de Beaune le 25 janvier 1362 (n. st.), avait établi son lieutenant en tout son duché de Bourgogne, en tout le bailliage de Mâcon et de Lyonnais, dans les comtés de Forez et de Nevers, dans les baronnies de Beaujeu et de Donzy, dans les duchés de Berry et d’Auvergne, dans tout le comté de Champagne et de Brie, enfin dans tous les bailliages de Sens et de Saint-Pierre-le-Moutier, en le chargeant spécialement «de faire host et chevauchées encontre les Compaingnes et autres noz ennemis qui s’efforceront de meffaire en nostre dit royaume.» Arch. Nat., JJ93, nº 301.—Jean de Melun, comte de Tancarville, était à Dijon en février 1362 (JJ93, nº 301), à Beaune en mars (JJ93, nº 36), à Autun aussi en mars, où il convoqua le ban et l’arrière-ban du duché, tandis que les abbés et prieurs furent sommés de fournir selon l’usage les charrois, sommiers et contributions (Dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, 245).

[112] Ces collines sont probablement celles des Barolles, situées à peu près à égale distance de Saint-Genis et de Brignais, à droite du chemin par où l’on va de la première de ces localités à la seconde.

[113] D’après l’historiographe Sauvage (Chronique de Froissart, Lyon, 1559, 4 vol. in-fol., note 88), ce mamelon est le lieu dit encore aujourd’hui le bois Goyet, où cet érudit, dans une excursion faite à Brignais le 27 juillet 1558, constata des tranchées de trois pieds de profondeur et de cinq à six pieds de largeur, «parmi monceaux de caillous au dedans du fort.» Le plan incliné des collines des Barolles se prolongeait autrefois jusqu’au pied de ce mamelon dont il n’était séparé que par l’ancienne route de Saint-Genis à Brignais. Quoi qu’il en soit, c’est sur les dépendances d’une petite ferme nommée les Saignes, située entre le pied de la colline des Barolles et le bourg de Brignais, à droite du chemin qui va de Saint-Genis à ce bourg, que l’on a trouvé autrefois, en labourant, des fers de lance et des débris d’armures. Allut, les Routiers, p. 228.

[114] Le P. Menestrier prétend que les deux mille charrettées de pierres dont parle Froissart provenaient de l’aqueduc de Brignais (restes d’un aqueduc romain destiné à amener du Mont-Pila à Lyon les eaux du Gier); les gens des Compagnies auraient ruiné cet aqueduc pour avoir de quoi lapider les hommes d’armes du comte de Tancarville. Il faut plutôt, à l’exemple de M. Allut, attribuer la présence de ces amas de cailloux à la nature pierreuse du terrain des Barolles, où les travaux de la culture ont nécessité de tout temps l’extraction de ces cailloux. Les paysans en font encore aujourd’hui, lorsqu’ils défrichent leurs terres, des tas considérables qu’ils appellent chirats (Les Routiers, p. 212).

[115] D’après Mathieu Villani, et un chroniqueur de Montpellier contemporain de la bataille, dont la version est plus vraisemblable que celle de Froissart, les gens des Compagnies attaquèrent les premiers et surprirent les Français, selon le chroniqueur florentin, plusieurs heures avant le jour, selon l’annaliste roman, à l’heure de none (3 heures du soir). Les routiers qui venaient de rendre, le 25 mars précédent, le château de Saugues (Haute-Loire, arr. le Puy) à Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, lieutenant du roi en Languedoc, avaient fait leur jonction avec ceux de Brignais pour écraser les hommes d’armes du comte de Tancarville et de Jacques de Bourbon.

[116] Arnaud de Cervolle ou de Servolle, surnommé l’Archiprêtre de Vélines, fut fait prisonnier par un Périgourdin son compatriote, le bour ou le bâtard de Monsac (Dordogne, arr. Bergerac, c. Beaumont). Le roi Jean paya une grande partie, sinon la totalité de la rançon de cet habile spéculateur en aventures guerrières: «Domino Arnaldo de Servola, militi, dicto l’Arceprestre, pro denariis mandato domini nostri regis et Petri Scatisse, thesaurarii Francie, traditis domino d’Audeneham, marescallo Francie, tanquam fidejussori suo erga spurium de Monsaco, cujus spurii idem dominus Arnaudus fuit prisonarius..., pro financia ipsius domini Amaudi: Vm floreni valentes IIIIm franci.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5957, fº 15 (fin de 1362).—Par acte daté de Royalieu près Compiègne en juin 1362, le roi Jean se reconnut redevable de 35 000 florins envers l’avide partisan qui en réclamait 100 000 et lui donna en gage son château de Cuisery en la comté de Bourgogne (Saône-et-Loire, arr. Louhans). Arch. Nat., JJ91, nº 447.

[117] Froissart oublie de mentionner Jean de Melun, comte de Tancarville, Jean, comte de Saarbruck (Grandes Chroniques, VI, 226), qui furent aussi faits prisonniers à Brignais, ainsi que Guillaume de Melun, chevalier, chambellan du duc de Normandie, à qui ledit duc, par acte daté de Conflans le 8 mai 1362, donna 1000 francs d’or «pour paier sa rançon aus ennemis desquelz il a esté pris en la besongne qui derrain a esté vers Lion sur le Rosne.» JJ92, nº 87.—Jean de Melun, comte de Tancarville, lieutenant du roi en Bourgogne, avait payé sa rançon ou avait été mis en liberté sous caution peu de jours après la bataille; car, par acte daté de Lyon sur le Rhône en avril 1362, il accorda des lettres de rémission à un certain Jean Doublet, «comme il avoit esté avecques les Grans Compaingnes en la bataille devant Brinays en laquelle il prist nostre très chier et bon ami messire Gerart de Toury (maréchal du duché de Bourgogne), par l’induccion duquel il est retournez à l’obeissance du roi nostre sire, et ledit messire Gerart a delivré à plein de sa prison sans raençon et s’est departis des dites Compaingnes...» JJ93, nº 34.

[118] Robert et Louis de Beaujeu étaient les fils de Guichard, seigneur de Beaujeu, et de sa troisième femme, Jeanne de Châteauvillain (Anselme, VI, 732 et 733). D’après la chronique romane de Montpellier, le jeune seigneur de Beaujeu, Antoine, né le 12 août 1343, et fils d’Edouard, sire de Beaujeu, tué au combat d’Ardres en 1351, assistait aussi à la bataille de Brignais, non, comme le dit cette chronique, avec ses frères, mais avec ses deux oncles, frères consanguins de son père, Louis et Robert.

[119] D’après le dernier historien des seigneurs de Noyers (Petit, Monographie des sires de Noyers, Auxerre, 1874, in-8), Jean de Noyers, comte de Joigny, aurait été tué aussi à la bataille de Brignais. Le rédacteur des Grandes Chroniques et le père Anselme auraient confondu, selon M. Petit, Jean de Noyers, comte de Joigny, avec son neveu Miles de Noyers IX, ou, d’après cet érudit, XII du nom, fait prisonnier à Poitiers en 1356, à Brion en 1359, et mort dans son lit en 1369.

[120] Voici le texte de l’inscription gravée sur la pierre sépulcrale de ces deux princes. Ce marbre, autrefois placé dans l’église des Dominicains de Confort à Lyon, a été découvert en 1856 dans la cuisine d’un maçon, et on le conserve aujourd’hui dans le musée lapidaire de cette ville: «Cy gist messire Jacques de Bourbon, conte de la Marche, qui morut à Lyon à la bataille de Brignecz, qui fut l’an mil CCCLXXII (pour 1362), le mercredy devant les Rameaulx.—Iten (sic), cy gist messire Pierre de Bourbon, conte de la Marche, son filz, qui morut à Lyon de cette mesme bataille l’an dessus dict. Priés pour eulz.» Dans cette inscription refaite en 1472, selon la conjecture ingénieuse et vraisemblable de M. Allut, le graveur a mis par mégarde 1372 au lieu de 1362. Les Routiers, p. 231 à 249.

[121] Les deux dates données par Froissart sont fausses. La bataille de Brignais se livra le mercredi avant les Rameaux, 6 avril 1362. Le rédacteur des Grandes Chroniques (VI, 225) et l’annaliste roman du Thalamus parvus (p. 360) sont d’accord sur ce point avec l’inscription gravée sur la pierre tombale des deux princes; et l’on a peine à comprendre que dom Vaissète, si exact d’ordinaire, ait rapporté cet événement à l’année 1361 (Hist. du Languedoc, IV, 312). L’erreur des Bénédictins a entraîné celle de presque tous les historiens modernes.

[122] Les Compagnies avaient envahi le Forez dès le mois de janvier 1362, car vers la fête de l’Épiphanie ou 6 janvier de cette année, la bande du Petit Meschin occupa le prieuré d’Estivareilles (Loire, arr. Montbrison, c. Saint-Bonnet-le-Château), à une lieue de Viverols (Puy-de-Dôme, arr. Ambert), dans la haute, moyenne et basse justice de Henri de Rochebaron, chevalier, seigneur de Montarcher (Loire, arr. Montbrison, c. Saint-Jean-Soleymieux): «Circa festum Epiphanie ultimo preteritum (6 janvier 1362), alii nostri inimici vel rebelles ac aliqui de Societate Parvi Mesquini, depredatores et regni nostri malivoli nostrorumque subjectorum oppressores, dictum prioratum occupaverunt et aliquandiu tenuerunt.» Arch. Nat., JJ91, nº 313.

[123] Anse (Rhône, arr. Villefranche-sur-Saône) n’est pas à une lieue, comme le dit Froissart, mais à 22 kil. en amont de Lyon, sur la rive droite de la Saône. La seigneurie et le château d’Anse, dont il reste d’imposants débris, appartenaient aux chanoines du chapitre cathédral de Saint-Jean, comtes de Lyon. D’après Froissart, Seguin de Badefol se serait emparé d’Anse presque immédiatement après la bataille de Brignais. Ce routier prend, en effet, le titre de capitaine d’Anse dans une pièce en date du 12 mai 1362, qui faisait partie au dernier siècle des archives du comte de Gontaut-Saint-Geniès et dont dom Villevieille (Bibl. nat., Trésor généalogique, au mot Badefol) a donné l’analyse. Mais personne n’ignore que la compilation du savant religieux, si précieuse du reste, fourmille d’erreurs; et d’autre part, le rédacteur de la chronique romane du Thalamus parvus, l’un des chronologistes les plus exacts du quatorzième siècle, dit que Seguin de Badefol s’empara d’Anse vers la fin de novembre 1364: «Item, entorn la fin de novembre (1364), Seguin de Badafol pres per escalament, egal mattinas, lo luoc d’Aussa (lisez: Anssa) prop Lyon en Bergonha, local tenc long temps, entro a XIII de setembre l’an LXV que ne yssi am finanssa de XLVm floris.» Thalamus parvus, p. 367.—Par lettres datées de Mâcon le 6 novembre 1364, Jean de Salornay, chantre et capitaine de cette ville, manda à Jacques de Vienne, sire de Longwy (Jura, arr. Dôle, c. Chemin), capitaine général pour le roi en Bourgogne et Mâconnais, que messire Seguin de Badefol était venu à grande force et s’était emparé nuitamment de la ville d’Anse, le priant de pourvoir à la sûreté du pays (Arch. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Bourgogne). A la fin de ce mois, Seguin menaça Lyon du côté de la porte de la Lanterne (Ibid., B 8550; Invent., III, 269); et Janiard Provana, bailli de Valbonne et châtelain de Montluel (Ain. arr. Trévoux) pour le comte de Savoie, dut garder la rive gauche de la Saône à la tête de 33 cavaliers armés (Ibid., B 8551; Invent., III, 269). En juin 1365, Seguin faisait encore épier les villes de Bresse (Ibid., B 7590; Invent., III, 142), et quelques-uns de ses bandits furent pendus à Pont-de-Veyle par le «carnassier» ou bourreau de Mâcon (Ibid., B 9291; Invent., III, 397). Cf. Arch. Nat., JJ97, nos 70, 203, 387; JJ111, nº 290; JJ112, nº 198.

[124] Le 24 août 1362, fête de Saint-Barthélemy, à neuf heures du matin, le gascon Espiote, en compagnie de deux autres chefs de Compagnies, l’allemand Jean Hanezorgues et le gascon P. de Montaut, passa à Saint-Martin-de-Prunet, près de Montpellier. Ces Compagnies allèrent se loger à Mireval, à Vic, à la Veyrune et à Pignan (Hérault, arr. Montpellier, c. de Frontignan et de Montpellier); et, la nuit suivante, elles mirent le feu aux palissades qui entouraient Pignan, Mireval et Vic. Thalamus parvus, p. 361.

[125] Après la bataille de Brignais, le bour de Breteuil ou de Bretalh, à la tête d’environ douze cents combattants, alla ravager l’Auvergne, où, le 3 juin 1362, il fut taillé en pièces devant Montpensier (Puy-de-Dôme, arr. Riom, c. Aigueperse) par quatre cents Espagnols et Castillans, sous les ordres de Henri, comte de Trastamare. C’est à la suite de cette défaite que quelques-uns des principaux chefs des Compagnies s’engagèrent à évacuer le royaume en vertu du traité, conclu à Clermont en Auvergne le 23 juillet suivant, dont il a été question plus haut (p. XXIII, note 97) et dont le texte a été publié plusieurs fois, notamment par Hay du Chastelet (Hist. de du Guesclin, p. 313 à 315). Le 24 août 1362, à trois heures du soir, le bâtard de Bretalh et Bertuquin, capitaines de Compagnies, arrivèrent à Montpellier, se logèrent aux Frères Mineurs, et le lendemain matin se mirent en route pour la sénéchaussée de Carcassonne. Du 25 au 31 août, le Navarrais Garciot du Castel, l’Anglais Jean Aymeri et le Petit Meschin passèrent aussi devant Montpellier. Thalamus parvus, p. 361.

[126] Gard, arr. Uzès, sur la rive droite du Rhône, à 30 kil. en amont d’Avignon. Le Pont-Saint-Esprit fut pris par les Compagnies, non, comme le dit Froissart, après Brignais, c’est-à-dire en 1362, mais dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 décembre 1360, «aquel an meteys an LX, la nuog dels Innocens, fo pres lo luoc de Sant Esprit sus lo Roze per une companha d’Anglezes et de fals Franceses...» Thalamus parvus, p. 357.—Notre chroniqueur a raison de dire que les Compagnies, qui infestaient à la fin de 1360 la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes, s’emparèrent par surprise du Pont-Saint-Esprit, afin de faire main basse sur un «grant tresor» qu’elles y croyaient déposé. Ce grand trésor, c’était le premier versement fait par les contribuables des trois sénéchaussées de Toulouse, de Carcassonne et de Nîmes sur l’aide levée pour la rançon du roi Jean. Mais ce que Froissart semble avoir ignoré, c’est que les Compagnies, malgré l’habileté avec laquelle elles avaient organisé l’espionnage, firent leur coup de main un ou deux jours trop tôt. Les deux commis, chargés par le trésorier de France à Nîmes, d’aller au Pont-Saint-Esprit remettre le montant de ce versement entre les mains de Jean Souvain, cher, alors sénéchal de Beaucaire, qui devait le porter au roi à Paris sous bonne escorte, ces deux commis, dis-je, nommés maître Jean de Lunel et Jean Gilles, n’arrivèrent à Avignon avec les besaces de cuir contenant le produit de l’aide que le 26 décembre. Dès le surlendemain, à la nouvelle que le Pont-Saint-Esprit venait d’être pris par les Compagnies, et que Jean Souvain avait fait une chute mortelle en voulant repousser leur assaut, Jean de Lunel et Jean Gilles n’eurent rien de plus pressé que de rebrousser chemin et de retourner à Nîmes avec leur argent. «Pro expensis factis per magistrum Johannem de Lunello qui una cum Johanne Egidii portaverunt (sic) apud Avinionem XXVIe die decembris CCCLX, de mandato dicti domini thesaurarii Francie, in besaciis corii, Vm IIc mutones, IIm Vc regales veteres, IIm et C scuta vetera et M IIIIc regales novos, pro ipsis abinde portandis Parisius dicto domino regi per dominum Johannem Silvani, militem, tunc senescallum Bellicadri, tunc accedere Parisius debentem pro conducenda moneta redempcionis regis que tunc portabatur per communitates senescalliarum Tholose et Carcassonne. Et cum fuit (Johannes Silvani) in loco Sancti Spiritus, in crastinum locus in quo dictus senescallus erat, pro arripiendo iter suum, fuit ab Anglicis inimicis regni occupatus. Et opportuit ibi ipsos cum dicta moneta remanere cum dicto thesaurario Francie et domino Rothomagensi cardinali, per tres dies, donec fuit deliberatum quod custodiretur donec itinera essent magis secura. Et reversi fuerunt apud Nemausum cum dicta moneta usque ad mensem marcii quo fuit missa per personas inferius declaratas dicto domino regi. In quo viagio fuerunt per quinque dies cum tribus equitaturis et expendiderunt IX francos III grossos.» (Bibl. Nat., fonds latin, nº 5957, fº 25 vº). Cf. Grandes Chroniques, VI, 223; Chronique de Jean le Bel, II, 274 à 277; Histoire de Nismes, par Léon Mesnard, II, 220 à 225. Arch. Nat., JJ92, nº 80.

[127] Dès le 8 janvier 1361, Innocent VI écrit à Louis, évêque élu de Valence, de continuer à l’avertir des agissements de la Grande Compagnie (Martène, Thes. Anecdot., II, 846); le 9, il mande auprès de lui don Juan Fernandez de Heredia, châtelain d’Amposta et prieur de Saint-Gilles (Ibid., 847 et 848); le 10, il écrit au gouverneur du Dauphiné et à Philippe de Rouvre, duc de Bourgogne, pour les prier d’empêcher les gens des Compagnies de traverser leurs terres et les prévenir de la croisade prêchée contre ces brigands (Ibid., 848, 849) que le pape a sommés en vain d’évacuer le Pont-Saint-Esprit «castrum Sancti Spiritus, Uticensis diocesis»; le 17, il s’adresse pour la même fin au roi de France, au duc de Normandie, au duc de Touraine (Ibid., 851, 852, 854, 855); le 18, à Jean, comte d’Armagnac, et à Gaston, comte de Foix (Ibid., 857); le 23, à l’empereur Charles IV, roi de Bohême (Ibid., 859 à 861), et à Rodolphe, duc d’Autriche (Ibid., 862 à 864); le 26, à Robert, sire de Fiennes, connétable de France, que le roi Jean vient d’envoyer avec Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, contre les Compagnies (Ibid., 867); à Pierre, roi d’Aragon (Ibid., 868, 869), et à Amédée, comte de Savoie (Ibid., 864, 865). Enfin, le 28 janvier 1361, Innocent VI charge Pierre Sicard, chanoine de Narbonne, de diriger la construction d’une enceinte de remparts dont il veut entourer sa cité d’Avignon «super constructione mœniorum seu murorum clausuræ civitatis nostræ Avinionensis.» Thes. Anecdot., II, 869.—Cette enceinte, commencée en 1361 par ordre d’Innocent VI, et terminée sous le pontificat d’Urbain V, successeur d’Innocent, est celle qui subsiste encore aujourd’hui, du moins en partie.

[128] Dans le courant du mois de février 1361, Innocent VI écrit à Louis, évêque élu de Valence, à Amédée, comte de Savoie, à l’archevêque de Lyon, à celui de Vienne, à l’évêque de Viviers, à Adhémar, comte de Valentinois, pour les prier de s’opposer au passage des brigands qui, «de diversis regni Franciæ partibus», s’avancent et viennent rejoindre ceux qui se sont établis au Pont-Saint-Esprit. Martène, Thes. Anecdot., II, 872 à 874.

[129] Ce cardinal est le fameux Pierre Bertrandi, cardinal évêque d’Ostie. Froissart l’appelle sans doute Pierre du Moustier ou du Monestier (Ardèche, arr. Tournon, c. Annonay), parce qu’il était seigneur de cette localité ainsi que de Colombier, qui s’est appelé depuis lors, en souvenir de ce prélat illustre, Colombier-le-Cardinal (Ardèche, arr. Tournon, c. Serrières). JJ81, nº 815. Cf. l’abbé de Sade, Mémoires sur Pétrarque, III, 564 et 565.

[130] Innocent VI entra en négociations avec les brigands du Pont-Saint-Esprit dès la première quinzaine de février. Le 13 de ce mois, il députa Juan Fernandez de Heredia, châtelain d’Amposta, prieur de Saint-Gilles de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, le dominicain Eumène Begamon, son pénitencier, et Étienne de la Tuile, de l’ordre des Frères Mineurs, bachelier en théologie, vers «Waltero, militi et capitaneo gentis armigeræ quæ Magna Societas dicitur, et Johanni Scakaik ac Ricardo Mussato, Armigero Nigro, ejusdem capitanei marescallis et conestabulariis.» Le malheureux pape s’efforce de prendre les routiers par la douceur. «Benigne ac placide intelleximus qualiter vos, obedientiam vestram nostris beneplacitis et mandatis promptius offerentes, contra nos et romanam curiam vestrum nullatenus dirigebatis propositum, nec nos et sedem apostolicam vel curiam ipsam intendebatis aliqualiter perturbare.» Martène, Thes. Anecdot., II, 882 et 883.

[131] Par un bref daté d’Avignon le 8 des ides de juin (6 juin) 1361, Innocent VI donna quittance générale à son amé fils Juan Fernandez de Heredia, à qui Regnault, évêque d’Autun, son trésorier, «de mandato nostro super hoc facto eidem oraculo vivæ vocis», avait compté de la main à la main 14 500 florins d’or, en le chargeant de les remettre à Jean, marquis de Montferrat, et «per eumdem marchionem certis gentibus armigeris quæ Magna Societas dicebantur.» Martène, Ibid., 995.—La peste, qui éclata alors à Avignon et qui sévit dans la vallée du Rhône avec une intensité effrayante, fut néanmoins la principale cause qui détermina les Compagnies à évacuer le Pont-Saint-Esprit et à suivre le marquis de Montferrat en Italie (Martène, Thes. Anecdot., II, 1027; Villani, l. X, cap. XLVI). A la Voulte-sur-Rhône (Ardèche, arr. Privas), «la mortalité a esté si grande que de dix l’un n’est eschappéArch. Nat., JJ95, nº 161.

[132] Seguin de Badefol s’empara de Brioude le 13 septembre 1363, de grand matin: «Item a XIII de setembre (1363), davan matinas, lo dig mossen Segui de Badafol pres lo luoc de Brieude en Alvernhe, e lo tenc ben entorn x meses e plus.» Thalamus parvus, p. 363.—La prise de Brioude est par conséquent antérieure de plus d’un an à celle d’Anse, d’où il suit que Froissart, en racontant ces deux faits, a interverti complétement l’ordre chronologique. Le témoignage de l’auteur de la chronique romane de Montpellier est confirmé par une lettre de rémission accordée en juin 1366 à Jean Baille, sergent royal au bailliage d’Auvergne, «comme, environ trois anz a, la ville de Briode eust esté prise par les ennemis de nostre royaume et ycelle eussent tenu l’espace d’un an ou environ, en laquelle ville le dit Jehan, sa femme et enfanz demouroient, et à la prinse d’icelle ville fu le dit Jehan pris par les diz ennemis et mis à grant raençon.» Arch. Nat., JJ97, 107.—Dans une autre lettre de rémission octroyée en mai 1365 à Bertrand Basteir, marchand de Brioude, il est fait mention de «la prise de la dicte ville de Brioude faicte nagueires par Seguin de Baldefol et ses aliez, ennemis de nostre royaume.» JJ98, nº 279. Cf. sect. judic., X1a20, fº 47.—Peu après la prise de Brioude, Arnoul d’Audrehem, lieutenant en Languedoc, par un mandement daté de Nîmes le 13 octobre 1363, poussait la faiblesse jusqu’à autoriser les habitants du Velai à s’imposer une aide extraordinaire pour payer rançon à Seguin de Badefol à la suite d’un pactis récemment conclu «cum ipso et ejus tirannida Societate.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 10 002, fº 32 vº.—Par acte passé à Clermont le 21 mai 1364, les trois États d’Auvergne et le gouverneur du duché pour le duc de Berry, alors otage en Angleterre, rachetèrent Brioude ainsi que Varennes (auj. Varennes-Saint-Honorat, arr. le Puy, c. Allègre) des mains de Seguin de Badefol. Archives des Basses-Pyrénées, arm. Albret, invent. C, chap. iii.

[133] Haute-Loire, arr. Brioude.

[134] Aujourd’hui section de Clermont-Ferrand.

[135] Haute-Loire, arr. Brioude, c. Lavoûte-Chilhac. Dans notre texte (p. 76, l. 4), on a imprimé, par erreur: Tillath. Lisez: Cillach.

[136] Puy-de-Dôme, arr. Issoire, c. Saint-Germain-Lembron.

[137] Puy-de-Dôme, arr. et c. Issoire.

[138] Saint-Bonnet-l’Arsis nous est inconnu. Le contexte ne nous permet pas de voir là deux localités distinctes, par exemple Saint-Bonnet et Lastic, suivant la leçon de quelques éditeurs; car, dans ce cas, Larsis ou l’Arsis devrait être précédé, comme les autres noms de lieu, de la préposition à. Peut-être l’Arsis ou le Brûlé est-il un ancien surnom de Saint-Bonnet-le-Château (Loire, arr. Montbrison), par opposition à Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire, arr. Yssingeaux, c. Montfaucon). Le voisinage de ces deux localités donne au moins quelque vraisemblance à cette hypothèse. Seguin de Badefol pilla aussi l’hôtel-Dieu de Montbrison (Arch. Nat., sect. adm., P14093, nº 1394).

[139] Béraud 1er, comte de Clermont et dauphin d’Auvergne, marié à Marie de Villemur, fut en effet l’un des otages du traité de Brétigny (Rymer, III, 515). Les domaines du comte Dauphin s’étendaient entre Clermont et Brioude.

[140] S’il fallait en croire un curieux et charmant récit d’un ancien chef de Compagnie nommé le Bascot de Mauléon, rapporté par Froissart, après le départ pour Anse de Seguin de Badefol, Louis Roubaut, de Nice, lieutenant de Seguin, aurait occupé Brioude, à la place de son maître. Un autre routier nommé Limousin aurait obtenu les faveurs d’une maîtresse, «une trop belle femme», que Roubaut, pendant un voyage à Anse, avait laissée à Brioude. Informé du fait, Roubaut, pour se venger, aurait chassé ignominieusement Limousin, après l’avoir fait «mener et courir tout nud en ses braies parmi la ville.» Limousin se serait vengé à son tour en faisant tomber Roubaut dans une embuscade où le bandit niçois fut taillé en pièces et pris par le seigneur de la Voulte et les habitants du Puy (Froissart de Buchon, II, 411 à 413), à la Batterie (auj. hameau de Graix, Loire, arr. Saint-Étienne, c. Bourg-Argental), entre Annonay et Saint-Julien. Cet engagement, où Louis Roubaut fut battu et fait prisonnier, se livra le vendredi 2 mai 1365. Thalamus parvus, p. 368.

[141] Lorsque Seguin évacua Brioude en vertu d’une convention conclue à Clermont le 21 mai 1364, il ne se retira pas immédiatement en Gascogne; mais, dans les premiers jours du mois de novembre de cette année, il s’empara d’Anse, comme nous avons déjà eu lieu de le dire plus haut. Après huit mois d’occupation, dans le courant de juillet 1365, il s’engagea, envers le pape Urbain V, à rendre cette forteresse aux chanoines de Saint-Jean, comtes de Lyon, qui en étaient seigneurs, moyennant l’absolution et une somme de 40 000 petits florins, ou 32 000 francs, dont une moitié devait être payée à Anse dans les premiers jours d’août, et l’autre moitié à Rodez au terme de Noël suivant. Seguin s’engageait, en outre, à faire sortir ses compagnons du royaume, et consentait, en garantie de l’exécution de cette clause, à livrer messire Seguin son père et ses frères comme otages à Avignon. Le pape, de son côté, promettait de donner l’absolution aux compagnons de Seguin de Badefol, au cas où ceux-ci voudraient aller au voyage d’outre-mer «avec les autres qui y doivent aler en la compaignie de l’Archiprestre.» A cette occasion, les consuls de Lyon prêtèrent 4000 florins au chapitre de Saint-Jean, et fournirent en outre les otages, qui furent envoyés à Avignon jusqu’à l’entier acquittement des 20 000 florins restants. Le roi Charles V vint aussi au secours des comtes de Lyon; il leur fit don d’une somme de 12 000 francs, pour le payement de laquelle on leva 3 gros par feu sur les habitants du Lyonnais et du Gévaudan (Arch. Nat., K49, nº 5), et un franc et un florin par feu sur ceux de l’Auvergne (Bibl. Nat., Quittances, XV, 192). Le chapitre de Saint-Jean reprit possession du château d’Anse dès le mois d’août, puisqu’on le voit nommer, le 30 de ce mois, Guillaume de Chalamont, chevalier, capitaine de ce château, aux gages annuels de 400 écus d’or (Arch. du Rhône, arm. Énoch, vol. 20, nº 26; Allut, les Routiers, p. 155 à 170). Toutefois, au mois de novembre 1365, Seguin de Badefol était encore à Anse, ou du moins il était supposé y être, car il figure parmi les routiers à qui Bertrand du Guesclin fit porter, le 20 de ce mois, une lettre où il les invitait à vider le pays et à le suivre (Archives de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Bourgogne, B1423). Quoi qu’il en soit, du Guesclin réussit à entraîner Seguin. Seulement, ce routier voulut, chemin faisant, rendre visite au roi de Navarre à l’instigation duquel il avait naguère saccagé le royaume, et mal lui en prit. Charles le Mauvais, à qui Seguin réclamait un arriéré de solde, trouva plus simple de l’empoisonner que de le payer. Telle est la fin tragique à laquelle Froissart fait allusion, et qu’il faut rapporter aux derniers jours du mois de décembre 1365: «Item, en lo dich mes de dezembre (1365), lo sobredich Segui de Badafol mori à Pampalona (Pampelune, en Navarre) per lo fuoc de Sant Anthoni.» Thalamus parvus, p. 370. Cf. Martène, Thes. Anecdot., I, 1576, et Secousse, Preuves de l’histoire de Charles le Mauvais, p. 381 et 411.

CHAPITRE LXXXVI

[142] Un mandement d’Édouard III, en date du 16 avril 1361 (Rymer, III, 614), est adressé à Henri, duc de Lancastre. Cependant Knyghton, chanoine de Leicester (apud Twysden, II, 2625) dit que Henri de Derby mourut dans le carême qui suivit le traité de Brétigny, c’est-à-dire au plus tard dans les vingt-et-un premiers jours de mars 1361. Le duc de Lancastre fut enterré près de la porte septentrionale de l’église collégiale de Leicester, qu’il avait fondée à côté d’un hôpital destiné à recevoir cent pauvres malades.

[143] Philippe, dit de Rouvre, mourut le 21 novembre 1361, cinq mois à peine après son mariage avec Marguerite de Flandre, accompli le 1er juillet précédent, alors que Marguerite n’avait pas encore atteint sa douzième année.

[144] Marguerite de France, mariée le 2 juin 1320 à Louis II, comte de Flandre, mère de Louis III, dit de Male, et grand’mère de Marguerite de Flandre, était la seconde fille de Philippe le Long et de Jeanne, comtesse de Bourgogne et d’Artois. Cette princesse, sœur de Jeanne de France, mariée à Eudes IV, recueillit les comtés de Bourgogne et d’Artois du chef de sa mère Jeanne, bisaïeule de Philippe de Rouvre.

[145] Jeanne de Boulogne, fille de Guillaume, comte d’Auvergne et de Boulogne et de Marguerite d’Évreux, mariée en premières noces à Philippe de Bourgogne, dont elle eut Philippe de Rouvre, remariée le 19 février 1349 à Jean, roi de France, mourut à Argilly le même jour que son fils, c’est-à-dire le 21 novembre 1361. Jean d’Auvergne ou de Boulogne, qui, par suite de ce double décès, entra en possession des comtés de Boulogne et d’Auvergne, était, ainsi que le cardinal Gui de Boulogne, l’oncle de Jeanne du côté paternel. Jean et Gui étaient les fils de Robert VII, comte d’Auvergne et de Boulogne, et de sa seconde femme, Marie de Flandre, tandis que Guillaume, père de Jeanne de Boulogne, était le fils de ce même Robert VII et de sa première femme, Blanche de Clermont. Anselme, Hist. généal., VIII, 56 et 57.

[146] Le roi Jean, fils de Jeanne de Bourgogne, sœur d’Eudes IV, grand-père de Philippe de Rouvre, était par conséquent le neveu d’Eudes IV, le cousin germain du fils d’Eudes, Philippe de Bourgogne, tué au siége d’Aiguillon le 22 septembre 1346, et l’oncle à la mode de Bretagne de Philippe de Rouvre, fils de Philippe de Bourgogne.

[147] Charles II, roi de Navarre, dit le Mauvais, petit-fils par sa mère de Marguerite de Bourgogne, première femme de Louis le Hutin et sœur d’Eudes IV, était seulement le cousin issu de germain du dernier duc de Bourgogne. Pour couper court à ces prétentions de son gendre, le roi Jean, par une ordonnance rendue au Louvre lez Paris au mois de novembre 1361, réunit perpétuellement à la Couronne: 1º le duché de Bourgogne, 2º les comtés de Champagne et de Brie, 3º le comté de Toulouse. Ordonn., IV, 212 et suiv.

[148] Le voyage du roi Jean en Bourgogne pour prendre possession de son nouveau duché, n’a rien de commun, quoi qu’en dise Froissart, avec le voyage à Avignon. Le voyage en Bourgogne eut lieu en décembre 1361 et janvier 1362, tandis que le voyage à Avignon ne se fit, comme nous le montrerons plus loin, qu’aux mois d’octobre et de novembre de cette même année 1362. Voici les principales étapes du voyage en Bourgogne. 1361, 5 décembre: départ du bois de Vincennes (Gr. Chron., VI, 225); du 5 au 9 décembre: passage à Moret (JJ91, nº 30), à Sens (JJ91, nº 31), à Villeneuve-le-Roi (JJ119, nº 415), à Saint-Florentin (JJ91, nº 100), à Auxerre (JJ91, nº 230), à Tonnerre (JJ91, nº 33). Jean arriva à Dijon le 10 décembre et confirma le jour même de son arrivée le traité conclu à Guillon le 10 mars 1360 (dom Plancher, Hist. de Bourg., t. II, Preuves, p. CCLXXII à CCLXXVI). C’est encore à Dijon que ce prince confirma, le 23 décembre suivant, les libertés et franchises des habitants de cette ville (JJ91, nº 44). 1362 (n. st.), 2 janvier, à Talant (JJ91, nos 46, 56, 57, 98); 7 janvier, à Rouvre (dom Plancher, II, Preuves, CCLXVI et CCCLXVII); 16 janvier, à Cîteaux (Ibid., CCCLXVII et CCCLXVIII); 20 et 25 janvier, à Beaune (JJ91, nos 103 à 106: JJ93, nº 69); février, à Arnay-le-Duc (JJ91, nos 69 à 71). Le roi Jean, après avoir passé par Châtillon-sur-Seine (JJ91, nº 68) et Troyes (JJ91, nos 84 et 85) pendant la première quinzaine de février, était de retour au bois de Vincennes le 17 février (JJ91, nº 221).

[149] Froissart commet ici, comme l’a déjà fait remarquer dom Vaissète (Hist. du Languedoc, IV, 572), une grave erreur de date. Le roi Jean ne partit point de Paris vers le 24 juin; il était encore dans cette ville non à la fin, comme le dit dom Vaissète, mais dans les premiers jours de septembre (JJ91, nos 368, 370), au manoir de Tourvoye, près Provins (K179, liasse 21, nº 4); à Torcenay (K179, liasse 28, nº 2128); à Troyes le 30 septembre et dans les premiers jours d’octobre (P13772, nº 2891. JJ119, nº 219. JJ93, nos 1 à 12); à Châtillon-sur-Seine (JJ93, nos 13 et 14); à Villaines-en-Duesmois (JJ93, nº 15), à Beaune (JJ93, nos 18 à 20, 37, 38), à Chalon (JJ93, nos 21, 35, 36, 39, 40, 41, 43, 51, 54 à 56) en octobre; à Tournus, le 22 octobre (JJ93, nº 69); à Mâcon (Ordonn., III, 594, 595, 599) dans les derniers jours d’octobre. Le roi de France n’arriva à Villeneuve-lez-Avignon que dans les premiers jours de novembre (Ordonn., III, 600).

[150] La fête de Noël se célèbre le 25 décembre. On a vu par la note précédente que Jean arriva à Villeneuve-lez-Avignon dans les premiers jours de novembre. Par conséquent, Froissart place près de deux mois trop tard l’arrivée du roi de France à Avignon ou du moins à Villeneuve-lez-Avignon.

[151] Etienne Aubert, né à Mont près Pompadour au diocèse de Limoges, élu pape, sous le nom d’Innocent VI, le 18 décembre 1352, mourut à Avignon le lundi 12 septembre 1362, après un pontificat de 9 ans 8 mois 26 jours depuis son couronnement. Froissart place la mort de ce pape après l’arrivée du roi Jean à Avignon, tandis qu’elle eut lieu près de deux mois auparavant.

[152] Le 22 septembre 1362, dix jours après les funérailles d’Innocent VI, les cardinaux présents à Avignon entrèrent au conclave au nombre de vingt, y compris Androuin de la Roche arrivé dans la capitale du Comtat alors qu’Innocent était à l’agonie. Par suite de la lutte qui s’établit entre les cardinaux de Boulogne et de Périgord, les membres du sacré collége furent plus d’un mois dans le conclave avant de convenir d’un pape. Ils ne parvinrent à se mettre d’accord qu’en portant leur choix sur quelqu’un qui n’était pas leur collègue, Guillaume Grimoard, abbé de Saint-Victor de Marseille, qui fut élu pape le 28 octobre, quelques jours seulement avant l’arrivée du roi Jean à Avignon. Guillaume, né au château de Grizac (alors paroisse de Bédouès, aujourd’hui commune de Pont-de-Montvert, Lozère, arr. Florac), au diocèse de Mende, successivement professeur de droit canon à l’université de Montpellier, abbé de Saint-Germain d’Auxerre, puis en 1358 de Saint-Victor de Marseille, légat en Italie au moment de son élection, entra secrètement à Avignon le 30 octobre et fut sacré évêque et couronné pape le dimanche 6 novembre sous le nom d’Urbain V. D’après Raynaldi, le roi Jean ne serait allé visiter le nouveau pape et n’aurait fait son entrée à Avignon que le 20 novembre 1362.

[153] Aujourd’hui Satalieh, Turquie d’Asie, province d’Anatolie, sur la Méditerranée, à l’entrée du golfe du même nom. C’est l’ancienne Attalie qui tirait son nom d’Attale son fondateur. D’après les Grandes Chroniques (VI, 225), Satalie fut prise par Pierre Ier, roi de Chypre, le jeudi 1er juillet 1361.

[154] Édouard, prince de Galles, fut créé prince d’Aquitaine le 19 juillet 1362. Rymer, III, 668, 669.

[155] Jean, dit de Gand, à cause du lieu de sa naissance, était marié à Blanche, la seconde fille de Henri de Derby, duc de Lancastre.

[156] Ces négociations furent entamées peu après la mort de Philippe de Rouvre, premier mari de Marguerite de Flandre, dès le commencement de l’année 1362. Par acte daté de son château de Windsor le 8 février de cette année, Édouard III donna pleins pouvoirs à l’évêque de Wincester, au comte de Suffolk, etc., pour négocier cette affaire auprès de son très-cher cousin le comte de Flandre. Rymer, III, 636.

[157] Froissart s’est trompé de quatre ans sur la date de cet événement. Cette princesse mourut en novembre 1358, avant le 20 de ce mois. Rymer, III, 411.

[158] Froissart n’a mentionné ce mariage, contracté malgré l’opposition du pape et d’Édouard III et qui fut l’une des causes du départ du prince de Galles pour l’Aquitaine, Froissart, dis-je, n’a mentionné ce mariage à sa date que dans la seconde rédaction représentée par le manuscrit d’Amiens. Voyez p. 274.

[159] Le 29 août 1362, Édouard III autorisa son très-cher fils, le prince d’Aquitaine et de Galles, qui avait contracté des dettes à l’occasion de son départ pour l’Aquitaine, à faire son testament afin de donner des gages et une hypothèque, le cas échéant, à ses créanciers, «cum in obsequium nostrum ad partes Vasconiæ profecturus est.» Rymer, III, 676.

[160] Les feudataires de Poitou prêtèrent serment de foi et hommage à Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, au château de Benon, le 1er septembre 1363; à Niort, le 3 septembre; au monastère de Saint-Maixent, le 6; en l’église cathédrale de Saint-Pierre de Poitiers, le 13; en l’église des Frères Mineurs de la même ville, le 14; en la chambre du prince d’Aquitaine, à Poitiers, le 23; au palais de Poitiers, le 29 de ce mois (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 108 à 114). Les feudataires de Saintonge avaient prêté serment du 23 au 29 août précédent (Ibid., p. 106 à 107), ceux d’Angoumois, du 18 au 21 août (Ibid., p. 104 à 106), ceux de Périgord, de Quercy et de Rouergue, à Bergerac, à Sainte-Foy et en l’église Saint-Front de Périgueux, du 4 au 15 août (Ibid., p. 100 à 104).

[161] C’est du 9 au 30 juillet 1363, avant de se rendre en Poitou, qu’Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, duc de Cornouaille et comte de Chester, reçut le serment des feudataires de Gascogne, soit dans l’église cathédrale de Saint-André, soit dans le palais de l’archevêque de Bordeaux. Delpit, Documents français, p. 86 à 100.

[162] Cette paix fut conclue en l’église Saint-Volusien de Foix le 14 avril 1363 à la suite de la victoire remportée par le comte de Foix à Launac le 5 décembre précédent (dom Vaissète, Hist. de Languedoc, IV, Preuves, 281 à 284); mais le roi Jean et le pape Urbain V eurent beaucoup plus de part que le prince d’Aquitaine à la réconciliation des deux comtes.

CHAPITRE LXXXVII

[163] Pierre Ier, roi de Chypre, fit son entrée à Avignon le mercredi saint 29 mars 1363. Baluz., Vitæ pap. Aven., I, 401, 983.

[164] Les rois de France et de Chypre et un troisième roi dont Froissart ne parle pas, Valdemar III, roi de Danemark, prirent la croix le vendredi saint, 31 mars 1363, le surlendemain de l’arrivée du roi de Chypre. Valdemar III était arrivé à Avignon le 26 février, un mois environ avant Pierre Ier: «Die vigesima sexta februarii, rex Daciæ intravit curiam (Avenionis), qua de causa ignoratur.» Baluz., Vitæ pap. Aven., I, 401.

[165] Pierre Ier partit d’Avignon le mercredi 31 mai 1363 (Ibid., I, 401).

[166] Le roi Jean, après avoir fait ses adieux au Saint-Père le 9 mai (Ibid., I, 401), quitta Villeneuve-lez-Avignon pour retourner en France, entre le 15 et le 17 mai 1363 (Bibl. Nat., ms. lat. nº 10002, fos 53, 55 vº et 56). Voici les principales étapes de son retour: à Bagnols-du-Gard, le 17 mai (ms. lat. nº 10002, fos 55 vº et 56); au Pont-Saint-Esprit (JJ93, nº 242), à Romans (X2a7, fos 191 vº et 196 vº), entre le 17 et le 28 mai; à Lyon, le 28 (P13601, nº 797) et le 31 mai (ms. lat. nº 10002, fº 17 vº). Pierre Ier, parti d’Avignon le 31 mai, alla rejoindre le roi de France à Lyon. Après quoi, Jean se remit en route vers Paris. Il était à Chalon le 7 juin (ms. lat. nº 10002, fº 1), à Beaune entre le 7 et le 27 juin (JJ93, nos 263, 279 à 281), à Talant-sur-Dijon le 27 juin, où il nomma son plus jeune fils Philippe, duc de Touraine, son lieutenant en Bourgogne (JJ95, nº 43), à Troyes (JJ91, nos 483, 489; JJ95, nº 140), puis à Provins (JJ91, nº 485), dans les premiers jours de juillet, et il arriva à Paris dans la première quinzaine de ce mois (JJ91, nos 486 à 488, 490). Le 23 juillet, il tint cour plénière à la Noble Maison de Saint-Ouen (K48, nº 33).

[167] Il est invraisemblable et à peu près impossible que Pierre Ier, roi de Chypre, ait fait alors ce voyage à Prague dont parle Froissart, quoique la version du brillant chroniqueur ait été adoptée par le dernier et savant historien de Chypre, M. de Mas-Latrie (Hist. de Chypre, II, 240, en note). Parti, comme nous venons de le voir, d’Avignon le 31 mai 1363, Pierre Ier était en Normandie à la fin d’août, à Rouen et à Caen, où le dauphin Charles fêtait sa venue, au commencement de septembre de la même année (Contin. chron. G. de Nangiaco, II, 330 et 331; Chronique des quatre premiers Valois, 128). On admettra difficilement que deux mois et demi aient pu suffire au roi de Chypre pour se rendre d’Avignon en Bohême et pour revenir en Normandie après avoir parcouru l’Allemagne, le duché de Juliers, le Brabant et le Hainaut. D’ailleurs, deux chroniqueurs, d’ordinaire plus exacts que Froissart, Jean de Venette et l’auteur de la Chronique des Valois, affirment que Pierre Ier, après son départ d’Avignon, accompagna le roi Jean en France: «Et, istis sic ordinatis, reversus est ad Franciam indilate (Johannes, rex Franciæ), et rex Cypri similiter venit illuc.» Contin. G. de Nangiaco, II, 330.

[168] Aux termes de ce traité, conclu à Londres en novembre 1362, Édouard III s’engageait à mettre en liberté les quatre ducs d’Orléans, d’Anjou, de Berry et de Bourbon, appelés les quatre princes des Fleurs de Lis, moyennant le prix de 200 000 florins et la cession de la terre de Belleville et du comté de Gaure. En outre, le duc d’Orléans devait donner en gage au roi anglais les châteaux de Chizé, de Melle, de Civray et de Villeneuve, sis en Poitou et Saintonge, ainsi que le château de Beaurain situé en Pontieu. Il était convenu aussi que la Roche-sur-Yon, Dun-le-Roi et Ainay lez Dun-le-Roi (auj. Ainay-le-Vieil) seraient livrés à Édouard en échange de la mise en liberté des comtes de Braisne, de Grantpré, des seigneurs de Montmorency, de Clères, de Hangest et d’Andrezel (Rymer, III, 681, 682). Par acte daté de Villeneuve-lez-Avignon, le 26 janvier 1363, le roi Jean confirma le traité conclu entre son frère, ses deux fils, le duc de Bourbon et Édouard III, au mois de novembre précédent. Il pria seulement le roi anglais de vouloir bien mettre en liberté Pierre d’Alençon, le comte dauphin d’Auvergne et le seigneur de Coucy au lieu et place du comte de Grantpré, des seigneurs de Clères et d’Andrezel (Rymer, III, 685); mais Édouard ne voulut pas consentir à cette modification.

[169] Par acte daté du 15 mai 1363, Philippe, duc d’Orléans, comte de Valois et de Beaumont, Louis, duc d’Anjou et comte du Maine, Jean, duc de Berry et d’Auvergne, Louis, duc de Bourbon et comte de Clermont, auxquels Édouard III avait permis de venir et de résider à Calais jusqu’à l’entier accomplissement des conditions stipulées dans le traité qui devait assurer leur mise en liberté, promirent de retourner otages en Angleterre, si une entente définitive ne parvenait pas à s’établir au sujet de l’exécution de ce traité (Rymer, III, 700). Vers la mi-mai 1363, une nef d’Abbeville transporta de Londres à Calais les garnisons de salle, de chambre, les harnais de joute, les lévriers et chiens, ainsi que les seize domestiques, clercs et valets de Philippe, duc d’Orléans (Rymer, III, 699).

[170] Sur les préparatifs de guerre et les menées hostiles du roi de Navarre en 1363, voyez notre Histoire de du Guesclin, p. 409 à 414.

[171] Aucun acte ne constate la présence du roi Jean à Paris depuis la seconde quinzaine d’août 1363 jusqu’au départ de ce prince pour l’Angleterre. Par conséquent, les deux rois de France et de Chypre n’ont pu se trouver ensemble dans cette ville qu’à la fin de juillet ou pendant la première quinzaine d’août de cette année.

[172] Jean de Venette rapporte ce voyage du roi de Chypre à Rouen au mois de septembre 1363: «Et ivit dominus rex Cypri usque Rothomagum atque Cadomum, ubi fuit in mense septembri hujus anni (1363) receptus solemniter per ducem Normaniæ, scilicet dominum Karolum, primogenitum regis Franciæ, et per nobiles et burgenses.» (Contin. chron. G. de Nangiaco, II, 330 et 331.)—L’itinéraire du dauphin Charles s’accorde parfaitement avec la version du second continuateur de Nangis: ce prince fit sa résidence principale, pour ne pas dire unique, à Rouen, entre le 13 août et le 11 septembre 1363 (JJ92, nos 298, 299, 237, 238, 290, 239 à 241, 305). L’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois (p. 128) dit en effet que le roi de Chypre passa bien un mois avec le duc de Normandie.

[173] Ce voyage de Pierre Ier à Cherbourg est d’autant plus douteux, que l’auteur de la Chronique des Valois, loin de le mentionner, raconte que le roi de Chypre, après avoir résidé à Rouen, alla voir le duc de Bretagne. D’ailleurs, Charles le Mauvais ne mit pas le pied à Cherbourg ni en Normandie dans le courant de 1363; il passa toute cette année dans son royaume de Navarre. De plus, Philippe de Navarre, frère de Charles et son lieutenant en Normandie, ne nourrissait alors aucun sentiment hostile contre le royaume; il était en si bons termes avec le roi Jean que celui-ci venait de le mettre à la tête de la croisade projetée contre les Sarrasins (Chron. des Valois, p. 128 et 129).

[174] Nous avons l’acte par lequel Louis, duc d’Anjou et comte du Maine, avait fait serment de ne pas partir de Calais et de retourner en Angleterre en cas de non exécution du traité de novembre 1362 (Bibl. Nat., ms. lat. nº 6049, fº 89), et M. Kervyn de Lettenhove en a publié un fragment (Chroniques de Froissart, VI, 506 à 508). D’après une chronique latine conservée aujourd’hui dans la bibliothèque de la ville de Berne, le duc d’Anjou, pendant son internement à Calais, aurait demandé la permission de faire un pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, en jurant de revenir. Il aurait trouvé à Boulogne sa jeune et charmante femme, fille de Charles de Blois, et au retour de son pèlerinage, au lieu de regagner Calais, il se serait laissé attendrir par les larmes de la duchesse d’Anjou et se serait dirigé vers le château de Guise, que Marie de Bretagne lui avait apporté en dot. Le duc de Normandie, envoyé par son père à Saint-Quentin vers le fugitif, n’aurait pu le décider à se remettre entre les mains des Anglais. Quoi qu’il en soit, le dauphin Charles ne semble pas avoir gardé longtemps rancune à Louis, car les deux frères échangèrent des étrennes au premier de l’an 1364. Le duc d’Anjou donna au duc de Normandie «une petite croix d’or à pierres de voirre à mettre en l’oratoire Monseigneur», et reçut du dauphin «un gobelet d’or fait à manière d’un cuvier à une rose au fond.» Bibl. Nat., ms. fr. 21447, fos 3 vº et 7.—Par un acte daté de Westminster le 20 novembre 1364, Édouard III somma le duc d’Anjou de comparaître à Londres par-devant lui dans 20 jours, l’accusant d’avoir enfraint «garde and avez parti hors de nostre puissance, sans demander ne avoir sur ce nostre congié par noz lettres ne autrement...; parmi ce vous avez moult blemi l’onur de vous et de tout vostre lignage.» Rymer, III, 756.—Ce même jour, le monarque anglais requit le roi et les pairs de France de forcer le duc d’Anjou à revenir se constituer prisonnier à Londres. Rymer, III, 755 à 757.

[175] Pierre Ier arriva à Londres le lundi 6 novembre 1363. Il amenait avec lui deux rois ou princes païens, l’un qui était prisonnier et qu’une chronique latine contemporaine appelle le roi «de Lecto», l’autre, non prisonnier, dit «le seigneur de Jérusalem» qui se convertit à Londres à la foi chrétienne et qui reçut du roi d’Angleterre son parrain le nom d’Édouard.

[176] David Bruce vint à la cour de Westminster le lundi qui suivit l’arrivée du roi de Chypre, c’est-à-dire le lundi 13 novembre. Un chroniqueur anglais fait remarquer à cette occasion avec un certain orgueil que cinq rois se trouvèrent alors en même temps à Londres, et il ajoute, en homme nourri des légendes de la Table Ronde, que cela ne s’était pas vu depuis le temps d’Arthur qui eut un jour six rois tributaires pour commensaux à une grande fête donnée en son palais de Kaerleon. Eulogium historiarum, III, 233.

[177] Froissart insinue ici, sans l’oser dire expressément, que la crainte de la dépense fut la principale raison qui empêcha le roi de Chypre de profiter du cadeau d’Édouard III et d’équiper la Catherine. On reconnaît dans ce langage respectueux et circonspect l’habitué de la cour de Westminster et de Windsor, le digne secrétaire de la reine Philippe de Hainaut. L’histoire est tenue à moins de réticences. Au moment même de son séjour en Angleterre, Pierre Ier dut se trouver dans une véritable gêne, parce qu’il ne put toucher, au moins immédiatement, une somme de 7000 florins que sa femme, la reine de Chypre, lui avait envoyée pendant la seconde moitié de 1363. Aussi, par acte daté d’Albi le 24 décembre de cette année, le maréchal de France Arnoul, sire d’Audrehem, alors lieutenant du roi Jean ès parties de Languedoc, manda au viguier de Narbonne de contraindre par la saisie et au besoin par la vente de leurs biens les héritiers de feu Raymond Sarralhan, en son vivant bourgeois de Montpellier, patron d’un navire de Provence, qui refusaient de délivrer au roi de Chypre une somme de 7000 florins naguère confiée par la reine de Chypre audit Raymond, à titre de commande ou de dépôt ou par manière de change, pour la porter ès parties de France et la remettre à première réquisition au roi Pierre Ier dont elle était destinée à défrayer les dépenses (Bibl. Nat., ms. lat. nº 10002, fº 45). Le 14 janvier suivant, le roi de Chypre n’était pas encore parvenu à se faire payer, car, par un mandement en date de ce jour, le lieutenant du roi en Languedoc enjoignit à deux sergents de saisir les personnes et de vendre aux enchères les biens des héritiers de Raymond Sarralhan (Ibid., fº 47).

[178] Arrivé vers la Toussaint en Angleterre où des joutes furent données en son honneur à Smithfield (Londres, archives de la garderobe à Carlton Ride, rouleaux 37 et 38), le roi de Chypre était encore le 24 novembre à Londres d’où il a daté plusieurs lettres (Archives générales de Venise, Commemoriali, VII, fº 27 vº, d’après M. de Mas-Latrie). Pierre Ier revint en France pendant la première quinzaine de décembre.

[179] Quoi qu’en dise Froissart, le roi de Chypre n’alla pas en Aquitaine immédiatement après son retour d’Angleterre. Nous savons par Jean de Venette (Contin. chron. Guill. de Nangiaco, II, 332) que Pierre Ier vint peu après Noël, en compagnie du dauphin régent, à Paris. A l’occasion du premier de l’an 1364, le duc de Normandie donna comme étrenne à son hôte «une aiguière et un gobelet d’or qui ne sont en nul inventaire» Bibl. Nat., ms. fr. nº 21447, fº 7.—Le 29 février suivant, le roi de Chypre assista à la séance solennelle du Parlement où fut jugé le différend entre Bertrand du Guesclin et Guillaume de Felton (X2a7, fº 143; Hist. de du Guesclin, p. 405, note 2). Jean de Venette constate la présence de ce prince aux obsèques du roi Jean dans les derniers jours d’avril (Cont. Guill. de Nangiaco, II, 339); et l’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois (p. 144) nomme Pierre de Lusignan parmi les grands personnages qui accompagnèrent Charles V à Reims lors de son couronnement le 19 mai suivant. Le voyage du roi de Chypre en Aquitaine, à moins qu’il n’ait eu lieu en janvier et pendant les trois premières semaines de février 1364, ne peut être que postérieur à ces événements.

[180] De nombreux actes constatent la présence du roi Jean à Amiens pendant les dix ou douze premiers jours de décembre. JJ95, nos 82, 83, 84, 131 ter et quatuor, 132 bis. JJ94, nº 9. X2a7, fº 121 vº. K48, nº 36. Bibl. Nat., Chartes royales, IV, 149. Ordonn., III, 646.

[181] C’est à Germigny-sur-Marne, non à Amiens, le 6 septembre 1363, que le roi Jean érigea le duché de Bourgogne en duché-pairie et le donna à Philippe, «reducentes servitia que carissimus Philippus quartogenitus, qui, sponte expositus mortis periculo, nobiscum imperterritus et impavidus stetit in acie prope Pictavis vulneratus, captus et detentus.» (dom Plancher, Hist. de Bourg., II, CCLXXVIII et CCLXXIX). Seulement, c’est à Amiens que le roi de France assigna à son fils aîné le dauphin, comme une sorte de compensation, le duché de Touraine dont Philippe avait joui avant d’être investi du duché de Bourgogne. JJ95, nº 132.

[182] Le roi Jean était arrivé à Hesdin dès le 15 décembre (JJ95, nº 140 bis; JJ94, nos 24, 25; JJ95, nos 85, 142 bis; Ordonn., III, 649, 655, 662).

[183] Ceci n’est pas tout à fait exact. Jean mit à la voile de Boulogne le mercredi soir 3 janvier et débarqua à Douvres le lendemain jeudi 4 janvier 1364, l’avant-veille, et non la veille, de l’Épiphanie. Le roi de France était monté à bord du navire qui devait le transporter en Angleterre dès le mardi 2; mais la flottille de transport, composée de vingt navires, resta à l’ancre dans le port de Boulogne pendant toute cette journée.

[184] Château situé dans le comté de Kent, à 3 lieues S. S. E. de Londres.

[185] L’hôtel ou manoir de Savoie, aujourd’hui détruit, était situé sur la rive gauche de la Tamise, au sud du Strand, et il en faut chercher l’emplacement aux abords de Wellington-Street. La Savoy chapel, consumée par un incendie en 1864, mais qui a été reconstruite depuis aux frais du gouvernement, rappelle encore le souvenir de cette résidence historique. Le roi Jean fit son entrée à Londres le dimanche 14 janvier; et les bourgeois et les gens des métiers de la cité, au nombre de mille chevaux, revêtus des insignes de leurs corporations, allèrent au-devant de lui jusqu’à Eltham. Grandes Chroniques, VI, 228 et 229.

[186] Sur ce voyage du roi de Chypre en Aquitaine, voyez une des notes précédentes, p. XLVI, note 179.

[187] Le roi Jean tomba malade au commencement de mars.

[188] Nous avons déjà eu l’occasion de relever cette erreur vraiment grossière. Charles le Mauvais était alors en Navarre.

[189] Fils de Jean de Grailly, IIe du nom, et de Blanche de Foix, Jean de Grailly, IIIe du nom, captal de Buch (aujourd’hui la Teste de Buch, Gironde, arr. Bordeaux), était par sa mère le cousin germain de Gaston Phœbus, comte de Foix.

[190] Le roi Jean mourut à Londres le lundi 8 avril 1364, vers minuit.

[191] Ces préparatifs sont, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, antérieurs à la maladie du roi Jean dont la mort n’eut d’autre effet que de les activer. Jean II mourut à Londres dans la nuit du 8 au 9 avril, et, le 12 de ce mois, Charles V adressait un mandement aux maîtres de ses forêts «pour qu’il soit faict hastivement, ainsi qu’il l’a ordonné, cent milliers de viretons avec plusieurs autres artilleries necessaires et convenues pour la defence du pays,» dont le bois doit être pris dans la forêt de Roumare pour être délivré à Richard de Brumare, garde du clos des galées de Rouen, chargé de la confection de ces viretons et artilleries. Du Châtellier, Invasions en Angleterre, Paris, 1872, in-12, p. 13 et 14.

CHAPITRE LXXXVIII

[192] Froissart semble croire que Bertrand du Guesclin n’entra au service de la France qu’au commencement de 1364. Nous avons prouvé ailleurs que le futur connétable se mit à la solde de Pierre de Villiers, capitaine de Pontorson pour le duc d’Orléans, frère du roi, dès 1354, et que le dauphin Charles, duc de Normandie, l’institua capitaine de cette forteresse le 13 décembre 1357. Hist. de du Guesclin, p. 119 à 127, 248, 249, 522, 523.

[193] Du Guesclin prit Mantes par surprise le dimanche 7 avril. D’un autre côté, le roi Jean mourut à Londres dans la nuit du 8 au 9 avril. Le rapprochement de ces deux dates montre que Froissart s’est trompé. Le dauphin, duc de Normandie, n’attendit pas la mort de son père pour concerter et faire exécuter les mesures qui aboutirent à la prise de Mantes et de Meulan.

[194] Seine-et-Oise, arr. Mantes, c. Bonnières. La tour de Rolleboise, dont il reste d’imposants débris, située à 9 kil. de Mantes, entre cette ville et Vernon, sur une hauteur qui domine la Seine, était occupée en 1363 et 1364 par un petit nombre de brigands anglo-brabançons qui y vivaient avec une femme. Les gens du pays et les habitants de Rouen, opprimés par ces brigands, ne purent prendre cette tour, tant elle était haute et inexpugnable. Rachetée à prix d’or vers Pâques (13 avril) 1365, la tour de Rolleboise fut démolie de fond en comble par les gens du pays d’après l’ordre du roi Charles V. Des ouvriers d’une force herculéenne, armés de marteaux de fer, mirent beaucoup de temps à l’abattre, car les murs avaient plus de neuf pieds d’épaisseur. Le second continuateur de Guillaume de Nangis, le moine Jean de Venette, dit que déjà de son temps les ruines de cette tour, dont naguère on n’admirait pas la prodigieuse élévation sans une certaine stupeur, jonchaient au loin le sol environnant. Contin. chron. Guill. de Nangiaco, II, 357, 358.

[195] Wauter Straël est le véritable nom du capitaine de Rolleboise. Ce nom nous est fourni par une lettre de rémission octroyée par Charles V en octobre 1368 à «Gautier Strael, escuier, nez de Broisselle... ayant tenu et occupé contre nostre voulenté le fort de Rouleboise.» Arch. Nat., JJ99, nº 416.—La forme Obstrate, donnée par Froissart, est une corruption d’Estralle qui nous représenterait fidèlement la prononciation française et populaire du flamand Straël au quatorzième siècle. La forme Strot, altération de Strol, employée par l’auteur de la Chronique des Valois (p. 138), semblerait provenir plutôt de la prononciation anglaise de Straël.

[196] Ces pages, où Froissart raconte la ruse imaginée par Boucicaut pour pénétrer dans Mantes, peuvent être citées comme un modèle de narration vive et pittoresque. Cela a le charme du roman, mais c’est un roman. Si l’on veut savoir comment les choses se sont passées en réalité, il faut interroger un témoin contemporain, qui appartenait, selon toute probabilité, au clergé de Rouen, et qui, dans tous les cas, semble avoir vu de très-près ces événements. Chronique des quatre premiers Valois, p. 135 à 142. Histoire de Bertrand du Guesclin, p. 417 à 429.—Toutefois, il est certain que Boucicaut accompagna le duc de Normandie dans le voyage que celui-ci fit au Goulet et à Vernon vers la mi-avril 1364. On lit, en effet, dans un mandement en date du 4 mai suivant: «Comme... le mareschal Bouciquaut... ait moult grandement frayé... pour estre avec nous et à nostre conseil et à venir en nostre compaignie à Meurlant et à Mante où nagaires allasmes.» L. Delisle, Mandements de Charles V, p. 10.

[197] On retrouve ici l’erreur que nous avons déjà signalée. Pendant que tout ceci se passe, le chroniqueur de Valenciennes continue de supposer Charles le Mauvais à Cherbourg, tandis qu’en réalité il était alors dans son royaume de Navarre.

[198] Sur ces préparatifs, antérieurs à la mort du roi Jean, voyez plus haut, p. XLVIII, note 191.

[199] Il faut se garder de confondre, à l’exemple de savants d’ailleurs très-autorisés (Inventaire des Archives nationales; collection de sceaux, I, 661) les Mauny de Bretagne avec les Mauny de Haute Normandie (Mauni, fief et château de la commune de Saint-Nicolas-d’Attez, Eure, arr. Évreux, c. Breteuil), et surtout avec les Masny des environs de Douai dont le nom s’écrivait souvent Mauny au moyen âge (auj. Masny, Nord, arr. et c. Douai). Les armes, du reste, étaient différentes. Les Mauny de Bretagne portaient un croissant, et les Masny trois chevrons. La terre patrimoniale des Mauny, ancien fief et seigneurie de Bretagne, est représentée par le hameau actuel de ce nom situé en le Quiou (Côtes-du-Nord, arr. Dinan, c. Évran). Le Quiou est un peu à l’est de Broons, dont il n’est séparé que par les communes de Saint-Maden et d’Yvignac. Olivier de Mauny, dont il est ici question, était le neveu à la mode de Bretagne, c’est-à-dire le fils d’un cousin germain de Bertrand du Guesclin.

[200] Dom Plancher dit (Hist. de Bourgogne, II, 302) que Philippe partit de Dijon le 16 avril 1364 pour se rendre à la cour de France et ne revint dans son duché que le 13 novembre suivant, mais cela semble en contradiction avec le passage suivant extrait par M. Finot d’un registre de la Chambre des comptes de Bourgogne: «Lettres en date du 4 mai 1364 de Messeigneurs de Voudenoy et d’Aigremont au duc qui estoit à Rouvres, l’avertissant qu’il prist garde de sa personne, parce qu’il y avoit un parti de par delà la Saône qui vouloit l’enlever.» Finot, Recherches, p. 88.

[201] Il y a plusieurs erreurs dans ce peu de mots. Jeanne de Châteauvillain, remariée le 2 mai 1362 à Arnaud de Cervolle, l’aînée des filles et la principale héritière de Jean III du nom, seigneur de Châteauvillain, et de Marguerite de Noyers, n’était nullement, comme le dit Froissart, veuve d’un seigneur de Chateauvillain tué à la bataille de Poitiers. Elle avait été mariée en premières noces avant 1345 à Jean, seigneur de Thil en Auxois et de Marigny en Champagne, en secondes noces, à Hugues de Vienne VI du nom, seigneur de Saint-Georges, qui vivait encore le 25 janvier 1358 (n. st.). Anselme, II, 343, VII, 799, 800.

[202] Louis, vicomte de Beaumont (Beaumont-sur-Sarthe ou le-Vicomte, Sarthe, arr. Mamers), marié à Lyon le 13 novembre 1362 à Isabelle de Bourbon, fille de Jacques de Bourbon, comte de la Marche, blessé mortellement à Brignais.

[203] A peine monté sur le trône, Charles V eut soin de s’attacher par des pensions quelques-uns des principaux seigneurs de Gascogne, déjà mécontents du gouvernement du prince d’Aquitaine et de Galles. Amanieu de Pommiers, notamment, fit hommage au roi de France pour mille livres tournois de rente et promit de servir le dit roi contre tous excepté le roi d’Angleterre. Arch. Nat., J626, nº 105.

[204] La Trau est aujourd’hui un château ruiné de la commune de Préchac (Gironde, arr. Bazas, c. Villandraut). Le seigneur de Préchac s’intitulait, tantôt soudic, tantôt soudan de la Trau. Le Soudan de la Trau, chevalier banneret, reçut en 1364 2,905 florins d’or de Florence de bon poids, pour le reste de ses gages et de la solde des archers et des gens d’armes de sa compagnie ayant servi en Bourgogne sous le duc Philippe (Arch. de la Côte d’Or, fonds de la Chambre des Comptes, série B, liasse 357; Invent., I, 38). Le 2 octobre 1364, ce même soudic, chevalier et sire de Didonne (auj. Saint-Georges-de-Didonne, Charente-Inférieure, arr. Saintes, c. Saujon), fit hommage à Charles V pour le château de Beauvoir sis en la sénéchaussée de Toulouse (Arch. Nat., J622, nº 75; J400, nº 60), et il renouvela cet hommage en 1365 (J622, nº 66). Deux ans environ après l’aveu du 2 octobre 1364, c’est-à-dire le 10 juin 1366, ce soudic ou soudan de la Trau n’en faisait pas moins hommage à Bordeaux, au prince d’Aquitaine, pour cette même seigneurie de Didonne (Maichin, Hist. de Saintonge, 1671, in-fº, p. 172).

[205] Dordogne, arr. Ribérac.

[206] Froissart appelle ce personnage Braimon de Laval. Le véritable nom de ce chevalier, manceau et angevin plutôt que breton, était Gui de Laval, dit Brumor, fils aîné de Foulque de Laval et de Jeanne Chabot, dame de Rais. Marié en premières noces à Jeanne de Montmorency, dame de Blaison (Maine-et-Loire, arr. Angers, c. les Ponts-de-Cé) et de Chemillé (Maine-et-Loire, arr. Cholet), Brumor de Laval se remaria à Thiphaine de Husson, fille de Fraslin de Husson, chevalier, seigneur de Ducey (Manche, arr. Avranches), de Champcervon (Manche, arr. Avranches, c. la Haye-Pesnel) et de Chérencé (auj. Chérencé-le-Héron, Manche, arr. Avranches, c. Villedieu), et de Clémence du Guesclin, la plus jeune des sœurs du futur connétable. Gui de Laval, dit Brumor, devint ainsi, par suite de ce mariage, le neveu par alliance de Bertrand du Guesclin.

[207] Pierre Ier, roi de Chypre, était à Paris le 29 février 1364. Voyez plus haut, p. XLVI, note 179.

[208] Les obsèques du roi Jean furent célébrées, malgré l’épuisement du Trésor, avec un grande magnificence. On dépensa à ces obsèques, en trois jours, du 27 au 29 avril, dix-sept mille sept cent soixante et une livre de cire, qui, à 23 francs les cent livres, coûtèrent 4,805 francs 7 deniers parisis. Bibl. Nat., Quittances, XV, nº 21.

[209] Le lundi 13 mai, le captal de Buch était à Vernon, où la reine Blanche de Navarre, veuve de Philippe VI de Valois, dévouée de cœur à la cause du roi de Navarre son frère, offrit un dîner magnifique au généralissime de Charles le Mauvais.

[210] La seigneurie de Sault (auj. Sault-de-Navailles, Basses-Pyrénées, arr. et c. Orthez) était située, non en Navarre, mais en Béarn.

[211] Tous les historiens semblent avoir ignoré jusqu’à ce jour que le bascle ou le bascon de Mareuil appartenait à la famille béarnaise de Sault. Le surnom de bascle, bascon ou basquin est un équivalent de notre mot basque, qui, au moyen âge, servait à désigner les Béarnais aussi bien que les Navarrais proprement dits. Le véritable nom de l’aventurier qui périt à Cocherel est Jean de Sault, ainsi que le prouve la quittance suivante dont nous devons l’indication à notre savant collègue M. Demay: «Sachent tous que je Jehan de Sault, dit le bascon de Mareul, escuier, sergant d’armes du roy de Navarre notre seignour, ay eu et receu de Jehan des Ylles, viconte de Coutances pour nostre dit seigneur, la somme de cent livres tourneis pour cest present terme de la Saint Michiel, en rabatant de la somme de deulx cens livres tourneis que je pren chacun an sur la recepte de la dicte vicontey à ma vie tant seulement du don de mon dit seigneur. De laquelle somme de cent livres je me tiens pour bien paié et promet aporter quitance envers le dit monseignour au dit viconte. En tesmoing de cen, j’ay seellé ces lettres de mon seel. Donné à Gavray, le ve jour d’octobre mil ccc soixante et trois.» Bibl. Nat., Titres scellés de Clairambault, vol. 101, fº 7859.

[212] En 1364, le mercredi de la Pentecôte est tombé le 15 mai.

[213] Jean de Grailly, captal de Buch, occupa, dès la journée du mercredi 15 mai, le sommet et les pentes d’une colline escarpée qui domine le village de Cocherel, situé sur la rive droite de l’Eure, à l’endroit où un pont mettait alors en communication les deux tronçons d’une très-ancienne route reliant ensemble Vernon et Évreux. Cocherel (auj. Houlbecq-Cocherel, Eure, arr. Évreux, c. Vernon), situé sur la rive droite de l’Eure à environ 2 kil. 1/2 de cette rivière, est à peu près à égale distance d’Évreux, de Pacy, de Vernon et d’Acquigny, places qui étaient alors fortifiées et occupées par les Navarrais.

[214] Ce Jean Jouel avait été en quelque sorte lâché sur la Normandie par Édouard III, furieux de la mauvaise foi de Louis, duc d’Anjou, qui refusait de revenir se constituer otage en Angleterre: «Puis manda le dit roi Edouart à monseigneur Jehan Jouel, qui avoit et tenoit plusieurs fors en Normandie, qu’il guerroiast en France en son propre nom comme Jehan Jouel, et fut une guerre couverte.» Chronique des quatre premiers Valois, p. 409.—Les Compagnies tenaient alors la France tellement à discrétion que, de tous les points du royaume, leurs chefs purent se rendre en Normandie et amener des renforts au captal de Buch sans être inquiétés. Il en vint jusque des confins du Berry, du Nivernais, du Bourbonnais et de l’Auvergne. Il faut lire le charmant épisode des chroniques de Froissart, où un aventurier basque, nommé le Bascot de Mauléon, capitaine du Bec-d’Allier (auj. forges de la commune de Cuffy, Cher, arr. Saint-Amand-Mont-Rond, c. la Guerche) en 1364, raconte, vingt-quatre ans après ces événements, à notre chroniqueur, son commensal à l’hôtel de la Lune, à Orthez, ses prouesses de routier et notamment la part qu’il prit à la bataille de Cocherel où il fut fait prisonnier par un Gascon du parti français, l’un de ses cousins, appelé Bernard de Terride, qui le rançonna à mille francs: «Quant les nouvelles me furent venues que le captal mon maistre estoit en Costentin et assambloit gens à son povoir, pour le grant desir que je avois de le voir, je me partis de mon fort à douze lances et me mis en la route messire Jehan Jouel et messire Jacqueme Planthin et vinsmes sans dommage et sans rencontre qui nous portast dommage devers le captal.» Froissart de Buchon, éd. du Panthéon, II, 408.

[215] On a ici la version anglo-gasconne de la bataille de Cocherel que Froissart, pendant son séjour à Bordeaux à la cour du prince d’Aquitaine et de Galles en 1366 et 1367, s’était fait raconter par le Roi Faucon et aussi sans doute par quelques-uns des seigneurs gascons, ralliés dès lors au parti anglais, qui avaient combattu à Cocherel dans les rangs français. Cette version est un conte inventé à plaisir et, comme nous l’avons dit ailleurs, une pure gasconnade. Pour prouver que la prise du captal par les Gascons ne se peut soutenir, il suffit de citer les lignes suivantes d’un acte authentique où Jean de Grailly reconnaît qu’il a été fait prisonnier par un écuyer breton, bien connu, nommé Roland Bodin: «Je Jehan de Greilly, captal du Buch, de ma pure et franche voulenté, reconnois et confesse par ces présentes que, comme pieça, en la bataille qui fu decoste Coicherel en Normandie, Rolant Bodin, escuier, m’eust pris et fusse son loyal prison...» Arch. Nat., J616, nº 6. Cf. Hist. de B. du Guesclin, p. 448 à 450, 600 à 603.

[216] Froissart a beaucoup surfait l’influence qu’ont pu avoir les Gascons sur l’heureuse issue de la journée du 16 mai. Nous avons prouvé ailleurs, en nous appuyant sur le témoignage très-explicite de quatre chroniqueurs contemporains, que Bertrand gagna la bataille de Cocherel, d’abord grâce à sa retraite feinte, ensuite à la faveur du mouvement tournant exécuté au dernier moment par une réserve de ses Bretons qui chargèrent en queue les Anglo-navarrais. Hist. de du Guesclin, p. 446, note 4.

[217] Raymond de Montaut, seigneur de Mussidan (Dordogne, arr. Ribérac), avait prêté serment de foi et hommage au prince d’Aquitaine et de Galles, en l’église Saint-Front de Périgueux, le 13 août 1363. (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 104). Arnaud Amanieu, sire d’Albret (auj. Labrit, Landes, arr. Mont-de-Marsan), voulant accompagner Charles V à Reims et assister à la cérémonie du couronnement du roi de France, avait placé ses gens d’armes sous la conduite du sire de Mussidan.

[218] Ces détails intéressants sont empruntés à un manuscrit des Chroniques de Froissart conservé aujourd’hui à la bibliothèque de l’université de Leyde. Ce manuscrit, désigné dans notre classement des manuscrits de Froissart et dans nos variantes sous le nº 17, paraît être l’œuvre de deux copistes; mais les interpolations que nous signalons n’appartiennent qu’à l’un de ces copistes qui semble être le même que le scribe à qui nous devons les manuscrits nos 6474 et 6475 de la Bibliothèque Nationale (nº 15 de notre classement). Or, le copiste de ce dernier manuscrit s’appelait Raoul Tainguy. Ce nom accuse une origine bretonne, et en effet presque toutes les interpolations, que nous avons relevées dans les deux manuscrits dont nous venons de parler, se rapportent à la Bretagne et surtout à Bertrand du Guesclin et à ses compagnons d’armes. C’est d’après le manuscrit de Raoul Tainguy, conservé à la Bibliothèque Nationale sous les nos 6474 et 6475, que nous avons pu donner dans nos variantes (p. 299) la liste des principaux chevaliers bretons qui combattirent à Cocherel, et cette liste est tellement exacte, qu’on la croirait dressée d’après une montre authentique. La miniature, qui forme l’en-tête de ce manuscrit, est aux couleurs (blanc, vermeil, vert et noir) et porte la devise (jamès) de Charles VI. Du Guesclin y est représenté avec un costume de cérémonie brodé à ses armes, debout, tête nue, tenant de la main droite son épée et de la main gauche l’épée de connétable. La physionomie du célèbre capitaine a une expression individuelle si prononcée, qu’il est impossible de n’y pas voir un portrait. On lit sur la feuille de garde du 1er volume de ce manuscrit (nº 6474): «Ce manuscrit, échappé du château du Verger, a été envoyé par M. Marchand de la part de M. le prince de Rohan pour la bibliothèque de M. le prince de Soubise. Ce 21 avril 1779.» La terre et le château du Verger, en Anjou (auj. château de la commune de Seiches, Maine-et-Loire, arr. Baugé), avaient passé aux Rohan à la fin du quatorzième siècle par le mariage de Charles de Rohan avec Catherine du Guesclin, dame du Verger, fille unique de Bertrand du Guesclin, II du nom, marié à Isabeau d’Ancenis et neveu à la mode de Bretagne du connétable qui lui avait légué par testament, le 10 juillet 1380, deux cents livres de rente assises sur sa seigneurie de Sens. Il y a lieu de croire par conséquent que le manuscrit provenant du Verger, et dont l’écriture trahit la fin du quatorzième siècle ou les premières années du quinzième, a appartenu à Catherine du Guesclin. Le manuscrit de la bibliothèque de Leyde, qui est aussi en grande partie l’œuvre de Raoul Tainguy, provient de la même région que son congénère de la Bibliothèque Nationale, car on y lit ces mots en marge, à la partie supérieure du premier feuillet: «Premier volume de l’histoire de messire Jehan Froissart achepté à Angers par moi C. (Claude) Fauchet l’an 1593; fut relié à Tours; me cousta 5 livres 2 sous en tout.» Raoul Tainguy a farci le texte de Froissart, dans le manuscrit de Leyde, d’interpolations qui n’ont pas une saveur bretonne moins prononcée que celles du manuscrit de la Bibliothèque Nationale. Le chroniqueur de Valenciennes nomme-t-il, par exemple, les principaux aventuriers qui accompagnèrent le prince de Galles en Espagne, Tainguy ajoutera à cette liste le nom d’un de ses compatriotes qu’il désignera ainsi: «Maleterre, breton, nez de Saint Melair lez Cancalle où sont les bonnes oestres.» Ms. de la bibliothèque de l’université de Leyde, fonds Vossius, nº 9, fº 344 vº.

[219] Baudouin de Lens, sire d’Annequin (Pas-de-Calais, arr. Béthune, c. Cambrin), était depuis dix ans le fidèle compagnon d’armes de Bertrand du Guesclin avec lequel il avait organisé des joutes à Pontorson dès 1354 (Hist. de du Guesclin, p. 122, note 2). Environ trois semaines avant Cocherel, le 25 avril, Baudouin, sire d’Annequin, avait donné quittance de 1088 francs d’or qui lui avaient été assignés «pour certain service par lui fait ou roy nostre dit seigneur devant Rolleboise.» Bibl. Nat., Quittances, XV, nº 7.

[220] Charles V donna vers 1366, les château et seigneurie de Tillières (auj. Tillières-sur-Avre, Eure, arr. Évreux, c. Verneuil) à Gui le Baveux, seigneur de Longueville, «en recompense de ce qu’il avoit fait prisonnier en la bataille proche Cocherel Guillaume de Gauville, ennemi du roi.» Arch. Nat., J217, nº 23.

[221] A la liste des prisonniers de Cocherel on peut ajouter Geffroi de Roussillon pris par Amanieu de Pommiers, l’Anglais Robert Chesnel par Gaudry de Ballore (Arch. Nat., sect. jud., X1a 19,fos 300 et 301), le Navarrais Pierre d’Aigremont, capitaine du Bois-de-Maine, par un écuyer du diocèse de Quimper (Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, II, 175), Jacques Froissart, secrétaire du roi de Navarre (Bibl. Nat., Quittances, XV, 211), Jean de Trousseauville, cher (Ibid., XV, 258), Colin de Fréville, écuyer (Arch. Nat., JJ146, nº 364), Jean de Launoy, bourgeois d’Évreux (JJ116, nº 111,), enfin Baudouin de Bauloz, Jean Gansel, Lopez de Saint-Julien, capitaines navarrais d’Anet, de Livarot et de Saint-Sever (Arch. Nat., J381, nº 3).

[222] Eure, arr. et c. Louviers. En 1364, Acquigny était au pouvoir des Navarrais. Bibl. Nat., Quittances, XV, 264.

[223] Vernon avait été cédé par le dauphin régent le 21 août 1359, en échange de Melun, à la reine Blanche de Navarre, veuve de Philippe de Valois, ainsi que Vernonnet, Pontoise, Neaufles, toute la vicomté de Gisors à l’exception de la ville et du château, Neufchâtel et Gournay. Blanche, sœur de Charles le Mauvais, était toute dévouée à son frère; et, s’il faut en croire le Cauchois Pierre Cochon, la châtelaine de Vernon, trompée par la feinte de Bertrand, se hâta trop de fêter la victoire du captal de Buch: «Si avint que messire Bertran se retray et fist passer ses sommages oultre la rivière (d’Eure). Les nouvelles vindrent à la royne Blanche que les Franchois estoient desconfits et, celles nouvelles oyes, menestriex commenchèrent à corner, et dames et damoiselles à danser et demener si grant joye que nul ne le peust penser. Et tantost après, en mainz de deux hores, oïrent autres nouvelles. De quoy les vielles furent mises soubz le banc et fu la grant joye tournée à grant plor. Et avoit la dite roine une grant huche toute plaine de linges, robes et de chausses semellées à poulaine, qui couroient pour le temps, à leur donner après la bataille; et pour ce que le roy de Franche oy parler de celle grant joye et que Vernon estoit trop entre les forteresches des Navarrois, elle fu mise hors.» Chronique Normande de P. Cochon, publiée par M. Charles de Beaurepaire, Rouen, 1870, p. 111 et 112.—Il est certain, en effet, que presque tous les actes, émanés de la chancellerie de la reine Blanche postérieurement à la bataille de Cocherel, sont datés de son château de Neaufles (aujourd’hui Neaufles-Saint-Martin, Eure, arr. les Andelys, c. Gisors). Bibl. Nat., Quitt., XV (voir p.59-64-71), 167, 218.

[224] Charles V reçut la nouvelle de la victoire de Cocherel la veille de son sacre, le samedi 18 mai, deux jours après la bataille, au moment où il arrivait aux portes de Reims. Cette nouvelle lui fut apportée par deux messagers, l’un, Thomas Lalemant, son huissier d’armes, à qui il assigna en récompense 200 livres parisis de rente (Arch. Nat., JJ96, nº 372), l’autre Thibaud de la Rivière, écuyer breton de la Compagnie de du Guesclin, qu’il gratifia de 500 livres tournois de rente (Catalogue Joursanvault, I, 6, nº 33; 309, nº 1710).

[225] Quoique Philippe eût été créé duc de Bourgogne par le roi Jean à Germigny-sur-Marne dès le 6 septembre 1363, Charles V continua de donner à son plus jeune frère le titre de «duc de Touraine» jusqu’au 2 juin 1364, jour où il se décida à confirmer au profit de Philippe la donation du duché de Bourgogne faite par son père (dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, Preuves, CCLXXVIII). Une particularité que tous les historiens semblent avoir ignorée, c’est que Charles V, par acte daté de son château du Goulet, le 18 avril 1364, dut promettre à son second frère Louis, duc d’Anjou, qu’au cas où il viendrait à avoir des héritiers mâles légitimes aptes à lui succéder sur le trône, il donnerait à perpétuité à son dit frère le duché de Touraine, tant la cité et le château de Tours, que toutes les autres appartenances de ce duché. Arch. Nat., J375, nº 3.

[226] Pierre de Sacquenville fut exécuté à Rouen entre le 27 mai et le 13 juin 1364. Le 13 juin 1364, Charles V donna à son amé et féal cher et chambellan Pierre de Domont les châteaux, forteresses ou manoirs de Sacquenville (Eure, arr. et c. Évreux) et de Bérengeville ainsi que les terres, situées en Brie et en Champagne, confisquées sur Pierre de Sacquenville, «comme il se feust mis en la bataille du captal de Buch pour le roy de Navarre, ennemi de nous et de notre royaume, contre noz bons et loyaux chevaliers et subgiez et en ycelle bataille, à la desconfiture du dit captal et sa compaignie, le dit Pierre ait esté pris et, comme traitre de nous et de nostre royaume, amené en noz prisons en nostre ville de Rouen et illeucques pour ses demerites executez (Arch. Nat., JJ96, nº 116). A la même date, les châteaux ou manoirs de Corvail et de Couvay, confisqués comme les précédents sur feu Pierre de Sacquenville, furent donnés à Jean de Gaillon, sire de Grosley. Ibid., nº 118.

[227] Au commencement du mois de septembre 1364, la belle reine Jeanne d’Évreux, veuve de Charles le Bel, dame de Château-Thierry, qui nourrissait un sentiment tendre pour le captal de Buch, obtint du roi que le vaincu de Cocherel reviendrait tenir prison à Paris. Hist. de du Guesclin, p. 600 à 603.

[228] Du 14 juillet au 20 août, Mouton, sire de Blainville, capitaine pour le roi au diocèse de Rouen par deçà Seine, alla assiéger Acquigny, à la tête d’une troupe qui comprenait à la fin du siége 44 chevaliers, tant bannerets que autres, et 105 écuyers (Bibl. Nat., Quitt., XV, 49, 53). Mouton leva au commencement de septembre le siége d’Acquigny pour aller avec le duc de Bourgogne sur les bords de la Loire renforcer le siége mis par les Français devant la Charité.

[229] L’une de ces forteresses, situées entre Loire et Allier, était encore occupée en 1367 par un routier navarrais nommé le bour Camus. Nous voulons parler de Beauvoir qu’il nous est impossible d’identifier même d’une manière dubitative, ainsi que l’a fait M. Chazaud (La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, p. 16, note 2), avec Beauregard. Beauvoir est aujourd’hui un château de Saint-Germain-Chassenay, Nièvre, arr. Nevers, c. Decize. Ce lieu fort était tombé de bonne heure au pouvoir des Compagnies, car dès 1358 Pierre de Chandio, châtelain de Decize pour le comte de Flandre et de Nevers, faisait réparer le pont-levis du château confié à sa garde, «pour obvier à la male volenté des Englois qui tenoient plus de cent forteresses... Droy, Beauvoir, Vitry, Isenay, Saint Gracien sur Allier,... lesquelz plusieurs fois se misent en essey de eschaler, embler et prendre la ville et le chastel de Decize.» Arch. de la Côte d’Or, B4406; Invent., II, 112.—La reddition de Beauvoir et la prise du bour Camus par les gens du duc de Bourbon durent avoir lieu après décembre 1367 (Ibid., B5498; Invent., II, 273).—Un peu au nord-est de Beauvoir, sur la rive droite de la Loire, les Compagnies anglo-navarraises tenaient à la même époque le château de Montécot dont les ruines informes se voient encore à Sémelay, Nièvre, arr. Château-Chinon, c. Luzy. L’identification, faite par M. Chazaud, de Montécot avec Montesche nous paraît inadmissible. La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, p. 16, note 3.

[230] La date de l’occupation de la Charité-sur-Loire (Nièvre, arr. Cosne), qui n’a été donnée jusqu’à ce jour d’une manière un peu précise par aucun historien, doit être fixée au mois d’octobre 1363. Cela résulte d’une lettre de rémission accordée par Charles V en janvier 1367 (n. st.) à Jeannet Sardon ou Sadon, de la Charité-sur-Loire, «comme, en la fin du moys de septembre en l’an MCCCLXIII, le fort de la tour de Bèvre (auj. château de Germigny, Nièvre, arr. Nevers, c. Pougues, sur la rive droite de la Loire, à peu près à égale distance de Nevers au sud et de la Charité-sur-Loire au nord) eust esté et fust prins par aucuns Angloiz, noz enemis et cellui an la ville de la Charité dessus dicte eust esté et fust ou moys d’octobre ensuivant prinse par autres Angloiz, Gascons et autres gens de Compaignie, eulx portans pour lors noz enemis, lesquelles forteresses, ainsin prises, furent detenues et occupées par noz diz ennemis bien par l’espace de sèze ou dix et sept moys ou environ: durant lequel temps, le dit Sardon, qui pour l’empeschement de noz diz enemis ne povoit demourer en la dicte ville de la Charité, demoura en la ville de Sancerre en l’ostel et ou service de Estienne de Heriçon, bourgois du dit lieu de Sancerre, son oncle. Si advint que par pluseurs foys les diz enemis furent et vindrent en la dicte ville de Sancerre, tant pour traictier de finances ou raençons d’aucuns de leurs Compaignons qui prins y furent par pluseurs intervalles par nostre amé et feal le conte de Sancerre et sez frères et par leurs genz qui contre yceulx enemis firent moult honorable et loyal guerre et leur portèrent très grans domaiges, si comme l’en dit, comme pour traictier de la raençon de pluseurs personnes du pays que les enemis y tindrent prisonniers par devers eulx. Et mesmement les diz enemis, tenans la dicte ville de la Charité, furent et repairèrent pluseurs foiz en la dicte ville de Sancerre pour traictier de la delivrance de la dicte Charité, duquel traictié le dit conte fu par aucune partie du temps chargié, si comme l’en dit, auxquielz enemis, tant pour ce que il fussent plus favorables et gracieux à la delivrance de leurs prisonniers et à passer et consentir lez traictiez de la dicte delivrance de la Charité et afin de apaisier leurs malvaises et dures volentez et que il n’ardissent les maisons et manoirs du dit Sadon et du dit Estienne son oncle, ycellui Sadon tint aucune foiz compaignie en la dicte ville de Sancerre et leur vendi et delivra vins, advenes et autres choses, et merchanda avec eulx de chevaulx et d’autres choses, tant pour lui et pour le dit Estienne son oncle comme pour le traictié et delivrance d’aucuns prisonniers qui prins furent ou temps dessus dit, tant en la dicte tour de Bèvre comme en la dicte ville de la Charité...» Arch. Nat., JJ97, nº 638, fº 178.

[231] Auj. hameau de Péronville, Eure-et-Loir, arr. Châteaudun, c. Orgères. Les ruines du fort de Marchelainville sont encore marquées sur la carte de Cassini. La forme de ce nom de lieu, dans les divers manuscrits de Froissart, est Marceranville, Marcerainville, Macerenville, Macheranville (p. 139, 315). M. de Barante (Hist. des ducs de Bourgogne, éd. de Bruxelles, 1837, I, 74) a identifié la forteresse ainsi désignée avec Marchéville (Eure-et-Loir, arr. Chartres, c. Illiers), mais cette identification ne soutient pas l’examen.

[232] Château situé à Chilleurs-aux-Bois, Loiret, arr. et c. Pithiviers. Les ruines de ce lieu fort sont, comme celles de Marchelainville, marquées sur la carte de Cassini. Par acte daté de Paris en septembre 1367, Charles V octroya une lettre de rémission à Thibaud de Grassay, écuyer, seigneur de Tremblevif (Loir-et-Cher, arr. Romorantin, c. Salbris) qui «en l’an LXIII, environ la Saint Denis (9 octobre), avait fortifié l’église de ce village, s’y ravitaillant aux dépens du plat pays des environs et employant le produit de ses rapines à mettre la dite église en état de résister aux attaques des Compagnies, «excepté une queue de vin que ycellui suppliant vendi pour faire couvrir un jaque, quant il ala servir nostre très cher et très amé frère le duc de Bourgoigne quant il fu devant le fort de Chameroles...» Arch. Nat., JJ97, nº 413, fº 106.—D’après le récit de Froissart, le fort de Chamerolles devait être situé dans le voisinage de Marchelainville. M. de Barante s’est donc trompé en voulant reconnaître dans le premier de ces deux forts un «Camerolles» qu’il faudrait aller chercher à mi-chemin de Montargis et de Gien et un peu à l’est de ces deux villes (auj. hameau de Châtillon-sur-Loing, Loiret, arr. Montargis).

[233] Vers le milieu de 1364, le château de Dreux n’était plus depuis longtemps au pouvoir des Compagnies, et nous révoquons en doute jusqu’à preuve du contraire cette partie du récit de Froissart. Quant à Preux, que M. de Barante a transformé en Preuil, nous ne connaissons aucun lieu fort de ce nom en Beauce, dans le pays chartrain ou le Perche.

[234] On peut lire à volonté dans les manuscrits de Froissart Connai, Connay, Couvai ou Couvay. Nous avons préféré la forme Couvai, nom de lieu qui s’est conservé en composition dans Crécy-Couvé, Eure-et-Loir, arr. et. c. Dreux. Quoi qu’il en soit, l’identification faite par M. de Barante du Couvai de Froissart avec un Conneray, nom de lieu qui nous est inconnu (serait-ce Connerré, Sarthe, arr. le Mans, c. Montfort?), cette identification est tout à fait inadmissible: le temps et l’usage contractent souvent les formes, mais ne les allongent jamais, surtout à l’intérieur des mots. V. Hist. des ducs de Bourgogne, I, 75.

[235] Une montre publiée par dom Plancher (Hist. de Bourgogne, III, 556) nous fait connaître les principaux chevaliers qui servirent en Beauce sous le duc de Bourgogne. On y distingue le comte de la Marche, Simon, comte de Braine, Jean le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France, Enguerrand, sire de Coucy, Amauri, sire de Craon, Antoine, sire de Beaujeu, Jean de Vienne et Robinet de Chartres, écuyer. Philippe, duc de Bourgogne, dut quitter la Beauce, pour se rendre à la cour du roi son frère, du 10 au 24 août 1364, car c’est entre ces deux dates que Charles V fit un séjour en Brie, soit à Crevecœur, soit à Vaux, soit à Crécy. L. Delisle, Mandements de Charles V, p. 31 à 33, nos 66 à 70.—Cette campagne du duc de Bourgogne en Beauce fut entreprise presque au lendemain de la victoire de Cocherel, dans le courant de juin 1364. Du Guesclin semble avoir été chargé au début de la direction générale des opérations. Dans deux quittances de Renier le Coutelier, vicomte de Bayeux et trésorier des guerres, en date des 15 et 24 juin, Bertrand est qualifié capitaine général de la province de Rouen et du bailliage de Chartres ou encore lieutenant du roi entre Loire et Seine (Bibl. Nat., Quitt., XV, 29, 34). C’est seulement dans la dernière semaine de juin que le comte de Longueville fut envoyé en Basse Normandie contre les Navarrais (La Roque, Hist. de la maison de Harcourt, IV, 2300). Bertrand était à Caen le 21 juin (Bibl. Nat., ms. fr. nº 22469, fº 77); il assiégeait Valognes le 9 juillet (Arch. Nat., JJ98, nº 210) et, le 11, il avait pris cette ville (Ibid., JJ108, nº 329). Le 24, il était de passage à Saint-Lo (Ibid., JJ96, nº 429). Il allait renforcer la petite armée qui, dès le 12 juillet, avait mis le siége devant Échauffour (Orne, arr. Argentan, c. Merlerault), sous les ordres du maréchal de la Ferté, de Pierre, seigneur de Tournebu, et de Guillaume du Merle, seigneur de Messey. Les machines des assiégeants lancèrent 2960 pierres, et les assiégés ne se rendirent qu’au bout de 42 jours. (Bibl. Nat., ms. fr. nº 4987, fº 91; Quittances, XV, nº 723.

[236] Philippe, alors duc de Touraine, avait lancé les Compagnies sur le comté de Bourgogne dès le mois de décembre 1363. La comtesse Marguerite avait appelé sous les armes la noblesse comtoise, après avoir fait rompre le pont d’Apremont (Haute-Saône, arr. et c. Gray); et le comte de Montbéliard et Jean de Neufchâtel, neveu du comte, s’étaient mis à la tête de cette noblesse. Le 25 juillet 1364, Ancel de Salins avait signé à Villers-Farlay un traité de paix avec le duc au nom de la comtesse; mais le comte de Montbéliard et son neveu avaient refusé d’y souscrire. A la fin du mois de septembre suivant, apprenant que le comte de Montbéliard, à la tête de quinze cents lances recrutées en Alsace et en Allemagne, s’était avancé jusqu’à Châtillon-sur-Seine, le duc de Bourgogne s’était mis à sa poursuite avec l’Archiprêtre et l’avait forcé à chercher un refuge en Alsace, où Arnaud de Cervolle alla porter le ravage, ainsi que dans les comtés de Bourgogne et de Montbéliard. Finot, Recherches, p. 92.

[237] Robert, dit Moreau, sire de Fiennes.

[238] La première rédaction (p. 145, lignes 4 et 5) dit que ces maréchaux étaient Boucicaut et Mouton, sire de Blainville. Boucicaut était en effet maréchal de France et il prit part au siége de la Charité. Quant à Jean de Mauquenchy, dit Mouton, sire de Blainville, il assista aussi à ce siége, à la fin de septembre et dans les premiers jours d’octobre (Bibl. Nat., Quitt., XV, 66, 95), et il y eut plusieurs chevaux tués et affolés (Delisle, Mandements de Charles V, p. 48, nº 93); mais il ne fut fait maréchal de France que le 20 juin 1368 (Anselme, Hist. généal., VI, 756). La seconde rédaction (p. 321) substitue Arnoul, sire d’Audrehem, à Mouton, sire de Blainville.

[239] Philippe, duc de Bourgogne, avait mis le siége devant le fort de Moulineaux (auj. hameau de la Bouille, Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Grand-Couronne) à la fin d’août et dans les premiers jours de septembre. Le 8 septembre, Guillaume de Calletot, cher, était envoyé avec un autre chevalier, quinze hommes d’armes et deux archers étoffés «en l’aide de très excellent et puissant prince mgr le duc de Bourgoigne qui a mis un siège devant le fort de MoulineauxBibl. Nat., Quitt., XV, 54 à 57.—Rappelé par l’invasion des Compagnies sur les frontières de son duché, Philippe quitta précipitamment la Normandie et n’arriva devant la Charité qu’à la fin de septembre, car nous avons une lettre de Philippe adressée à Jacques de Vienne, son lieutenant dans le Lyonnais, et datée de Cosne-sur-Loire, le lundi 30 septembre (dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, 300). D’un autre côté, le mandement de Charles V mentionnant la présence devant la Charité de Mouton, sire de Blainville, «en la compaignie de nostre très chier et amé frère le duc de Bourgoigne», est du 7 octobre 1364.

[240] Quoi qu’en dise Froissart, il est presque impossible d’admettre que du Guesclin ait pu assister au siége de la Charité. Le 20 août 1364, le nouveau comte de Longueville, sire de Broons et de la Roche Tesson, chambellan du roi, s’intitulait encore «lieutenant général en Normandie» dans une quittance de cent francs d’or de l’argenterie du roi délivrée à Renier le Coutelier (Bibl. Nat., dép. des mss., Titres originaux, au mot du Guesclin). Peu avant le 20 septembre, Charles V donnait l’ordre d’annuler les assignations de deniers faites antérieurement à Bertrand sur les receveurs de Chartres, d’Évreux, de Lisieux de Séez, de Bayeux, de Coutances et d’Avranches (Bibl. Nat., Quitt., XV, 62); et cette annulation serait inexplicable, s’il fallait admettre avec Froissart que du Guesclin servait alors le roi de France devant la Charité. Le 29 septembre suivant, le vainqueur de Cocherel prenait part à la bataille d’Auray. Entre ces deux dates, on voit qu’il ne reste pas de place pour un voyage à la Charité et le retour en Bretagne.

[241] Dès le commencement de juillet 1364, Mouton, sire de Blainville, avait mis le siége devant Évreux (Bibl. Nat., Quittances, XV, 53). Au mois de septembre suivant, Charles V accorda une lettre de rémission à Jean le Rebours, doyen, vicaire et official d’Évreux, partisan du roi de Navarre, «à la requeste de Hue de Chastillon, maistre de nos arbalestriers (nommé en remplacement de Baudouin, sire d’Annequin, tué à Cocherel), de Jean, sire de la Rivière et de Preaux, nostre chambellan, et de Mouton, sire de Blainville, nostre conseiller, qui ont esté et sont de par nous à siége devant la dicte villeArch. Nat., JJ96, nº 256, fº 85 vº.—Les Français avaient déjà levé le siége d’Évreux en octobre, car dans le courant de ce mois le roi octroya une lettre de rémission à Jean Quieret, seigneur de Fransu, chevalier, et à Godefroi de Noyelle, écuyer, considéré que «dicti miles et Godefridus coram civitate Ebroycensi in comitiva dilecti et fidelis militis et cambellani nostri Johannis de Riparia fuerunt...» Arch. Nat., JJ96, nº 294, fos 93 et 94.

[242] En 1364, Jean de Chalon, IV du nom, fils aîné de Jean de Chalon, III du nom, comte d’Auxerre et de Tonnerre, prenait le titre de comte d’Auxerre concurremment avec son père, quoique celui-ci, prisonnier non racheté des Anglais, fût encore vivant. Le père Anselme (Hist. généal., VIII, 419) se trompe en faisant mourir Jean III avant 1361. Bibl. Nat., Clairambault, xxvii, 1993.

[243] Louis de Navarre, frère de Charles le Mauvais, arriva en Normandie, non pas, comme le dit Froissart, après la mort de Philippe de Navarre, comte de Longueville, décédé dès le 29 août 1363, mais après la défaite du captal de Buch à Cocherel, vers le milieu du mois d’octobre 1364. Le premier acte que nous connaissions, qui atteste l’arrivée et la présence de Louis de Navarre en Normandie, est daté de Mortain le 21 octobre 1364; Louis, comte de Beaumont le Roger, prend dans cet acte le titre de lieutenant du roi de Navarre en France, Normandie et Bourgogne (Bibl. Nat., Quitt., XV, 92). D’autres actes, émanés de Louis de Navarre, sont datés de Cherbourg le 31 octobre (Ibid., nº 99), de Bricquebec, le 2 novembre (Ibid., nº 104), de Valognes, le 16 novembre (Ibid., nº 110), d’Avranches, le 16 décembre 1364 (Ibid., nos 113 et 114), d’Évreux, le 14 février 1365 (Ibid., nº 136), de Pontaudemer, le 19 février (Ibid., nº 138), d’Évreux, le 22 mars (Ibid., nº 151), de Cherbourg, le 10 avril (Ibid., nº 156), les 12 et 20 août (Ibid., nos 195, 197), de Bricquebec, le 4 novembre (Ibid., nº 226), de Cherbourg, le 13 novembre (Ibid., nº 232), de Gavray, le 24 novembre (Ibid., nº 238), de Bricquebec, les 11 et 12 décembre (Ibid., nos 245, 246), de Gavray, le 19 décembre (Ibid., nº 251), d’Avranches, le 20 décembre 1365 (Ibid., nº 252).

[244] Ce ne fut point, comme Froissart le dit par erreur, pour les enrôler au service de Charles de Blois, que le roi de France rappela les gens d’armes envoyés devant la Charité, car le retour de ces gens d’armes est postérieur à la bataille d’Auray. Cette bataille se livra le 29 septembre, et à cette date, Mouton, sire de Blainville, par exemple, n’était pas encore revenu du siége de la Charité, puisque l’on fut obligé, «en l’absence de ce chevalier, capitaine pour le roy ès cité et diocèse de Rouen», de confier la défense du pays à Regnault des Illes, bailli de Caux (Bibl. Nat., Quitt., XV, 66). Traqué à outrance sur tous les points de la Normandie depuis la journée du 16 mai 1364, le parti navarrais essaya dans le courant de septembre de mettre à profit le départ du duc de Bourgogne et du sire de Blainville pour la Charité, de Bertrand du Guesclin pour la Bretagne; il crut que les circonstances étaient favorables pour regagner le terrain perdu depuis Cocherel. Les choses en vinrent à ce point que l’on craignit un instant que le clos des galées de Rouen, ce grand arsenal de la France au quatorzième siècle, ne tombât au pouvoir des Navarrais qui occupaient Moulineaux; et l’on mit sur pied en toute hâte douze hommes d’armes, vingt arbalétriers et archers chargés spécialement de la défense de ce clos (Bibl. Nat., Quitt., XV, 58). C’est pour ces motifs que Charles V rappela ses gens d’armes de la Charité et que, comme nous le montrerons dans une des notes du chapitre suivant, il dut voir avec un certain déplaisir Bertrand du Guesclin interrompre une campagne signalée par tant de succès et laisser la Normandie à peu près sans défense pour aller en Bretagne mettre l’épée du vainqueur de Cocherel au service de Charles de Blois.

[245] Le duc de Bourgogne, après le siége de la Charité, ne retourna pas en France. Le 26 novembre 1364, il fit son entrée solennelle à Dijon en compagnie de son frère le duc d’Anjou. Au mois de janvier de l’année suivante, il entreprit une expédition contre les Compagnies qui ravageaient la Champagne et assiégea Nogent-sur-Seine. Dom Plancher, III, 13, 557, 568.

CHAPITRE LXXXIX

[246] Du Guesclin, en allant mettre son épée au service de Charles de Blois, à la fin de septembre 1364, semble avoir obéi bien plutôt à l’inspiration de la fidélité et du dévouement qu’aux ordres du roi de France. Charles V, en effet, put être contrarié de voir le vainqueur de Cocherel s’éloigner de la Normandie au moment où le parti navarrais, réduit à la défensive depuis la journée du 16 mai, tendait à reprendre l’offensive et redoublait d’audace dans toutes les parties de cette province. Quoi qu’il en soit, il est certain que, dès les premiers jours d’août 1364, le roi de France fit tous ses efforts pour prévenir le conflit et dépêcha auprès des deux compétiteurs Pierre Domont, l’un de ses chambellans et Philippe de Troismons, l’un de ses conseillers, commis pour «aller devers le duc de Bretagne et le comte de Montfort pour certaines choses touchans l’onneur et proufit du royaume.» Bibl. Nat., Quitt., XV, 46; cf. les nos 41 et 47.—Et lorsque les hostilités furent sur le point d’éclater, lorsque Bertrand eut quitté la Normandie pour aller rejoindre le prince au service duquel il avait fait ses premières armes, Charles V n’eut rien de plus pressé que de casser aux gages le chevalier breton, comme le prouve un curieux mandement des trésoriers généraux des aides, en date du 20 septembre 1364, dont le texte est signalé et publié ici pour la première fois: «De par les generauls tresoriers. Jehan l’Uissier, nous vous mandons que des deniers de vostre recepte vous paiez et delivrez à Rollant Fournier, notaire du Chastellet de Paris, pour l’escripture de sept paires de lettres de vidimus du dit Chastellet faisans mencion des lettres du roy nostre sire encorporées ès diz vidimus, par lesquelles le roy nostre dit seigneur rappelloit l’assignacion faicte à monseigneur Bertran du Glesquin, conte de Longueville, sur les esleuz et receveurs de Chartres, d’Évreux, de Lisieux, de Sées, de Baieux, de Coustances et d’Avranches: pour chascune lettre, iii sous parisis valent XXI sous parisis. Et, par rapportant ceste presente cedule avecques lettres de quittance sur ce du dit notaire, la dicte somme de xxi sous parisis sera allouée en voz comptes sanz aucun contredit. Escript à Paris le XXe jour de septembre l’an mil ccclxiiii.» Bibl. Nat., Quitt., XV, nº 62.—Quand on connaît cet acte, il est impossible d’admettre avec Froissart que du Guesclin ait fourni à Charles de Blois un renfort de mille lances. Sans doute, Bertrand ne put guère amener en Bretagne que sa compagnie proprement dite, composée surtout de ses parents ou alliés de Bretagne et de Normandie. L’un de ces derniers, Robert de Brucourt, cher, seigneur de Maisy (Calvados, arr. Bayeux, c. Isigny), marié à Alice Paynel, fut fait prisonnier à Auray par un homme d’armes anglais nommé Thomas Caterton. Celui-ci exigea une rançon de quatorze mille francs. Robert de Brucourt, se trouvant hors d’état de payer cette somme, l’emprunta à Bertrand du Guesclin, son cousin, auquel il dut engager toutes ses terres et seigneuries à titre hypothécaire. Arch. Nat., JJ109, nº 427.

[247] Au mois d’août 1364, Charles de Blois ne se trouvait pas à Nantes, mais à Guingamp; et Cuvelier est beaucoup plus exact que Froissart dans les deux vers suivants:

/* Tout droit à une ville, qui nommée est Guinguans, Fu faite la semonce des hardiz combatans. */

/* (Vers 5412 et 5413.) */

[248] Charles de Blois, partant de Guingamp pour aller au secours d’Auray assiégé par Montfort, se serait détourné de son chemin en passant par Rennes, et il n’avait garde de suivre l’itinéraire indiqué par Froissart. Il fit sa première et principale étape à Josselin, où les contingents qui n’avaient pas rallié Guingamp vinrent le rejoindre. Cuvelier, Chronique de Bertrand du Guesclin, édit. de Charrière, I, 203, vers 5467 et 5476.

[249] Froissart travaillait sans avoir sous les yeux aucune carte des pays où se sont passés les événements qu’il raconte dans ses Chroniques. Aussi sa géographie est-elle très défectueuse, surtout quand il s’agit de régions où l’infatigable narrateur n’avait pas été conduit par son humeur curieuse ou les hasards de sa vie errante. Personne n’ignore que la distance qui sépare Rennes d’Auray est, non pas de huit, mais de plus de vingt lieues.

[250] Nous avons dit, dans une des notes précédentes, que Charles de Blois avait fait sa première halte à Josselin (Morbihan, arr. Ploërmel). La distance de Josselin à Auray (Morbihan, arr. Lorient) est de douze à quinze lieues. L’étape suivante se fit, pendant la nuit du vendredi 27 au samedi 28 septembre, dans la lande de Lanvaux (à 3 kil. au N. de Rochefort, entre la rivière d’Arz et le cours de la Claie). Un témoin qui déposa en 1371 dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois «... vidit semel dictum dominum Carolum de Blesiis, dum ibat ad conflictum de Aurroyo in quo fuit mortuus, jacentem in abbatia de Longis Vallibus supra quamdam sargiam, præcinctum ad carnem quadam corda.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 5381, t. II, fº 158. Cf. Cuvelier, vers 5760 et 5761.

[251] A la nouvelle de l’approche de Charles de Blois, Jean de Montfort, qui venait de s’emparer d’Auray, abandonna ses positions et vint occuper, sur la rive droite du Loch, les hauteurs de la Forêt et de Rostevel, dans les environs de la gare actuelle d’Auray. La rivière seule le séparait des Franco-Bretons campés dans le bois de Kermadio. Ces détails topographiques, extraits d’une chronique inédite de la Chartreuse d’Auray conservée à l’abbaye de Solesmes, sont empruntés à un très-intéressant mémoire de dom François Plaine intitulé: La journée d’Auray d’après quelques documents nouveaux. Mémoires de l’association bretonne, Saint-Brieuc, 1875, in-8º, p. 87 et 88.

[252] Après avoir passé la nuit du 27 au 28 septembre dans la lande de Lanvaux, l’armée de Charles de Blois s’était remise en marche le samedi 28 par Plumergat (Morbihan, arr. Lorient, c. Auray). En peu d’heures, on atteignit Keranna, aujourd’hui Sainte-Anne, et ensuite les bois de Kermadio, sur la rive gauche du Loch; mais il n’y eut qu’une partie des troupes à s’avancer si loin: le reste de l’armée s’échelonna entre le manoir de Kermadio et les moulins du duc en Trevalleray. Dom François Plaine, Mém. de l’association bretonne, p. 88.

[253] Ce même nombre de quatre mille donné approximativement par le P. Péan de Quélen (dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, II, 11), par Cuvelier (vers 5758), par Guillaume de Saint-André (vers 1129) confirme sur ce point la version de Froissart. Il paraît y avoir eu beaucoup de recrues dans les rangs des Franco-Bretons (Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fº 109), et Cuvelier mentionne parmi les champions du duc de Bretagne un jeune damoiseau qui n’avait pas quinze ans: «Chevaliers fu là faiz, n’ot pas quinze ans passez.» Vers 5915.

[254] Le saint et le héros sont si intimement fondus en la personne de Charles de Blois qu’il est impossible de les distinguer: «Carolus, antequam iret ad conflictum de Aurroyo in quo mortuus fuit, adeo infirmus fuerat per septem septimanas quod se sustinere non poterat; sed illa infirmitate non obstante, ipse semper super straminibus, ut præfertur, jacebat. Et dum per istum et alios cubicularios suos reprehendebatur pro eo quod ad conflictum ire volebat in tali debilitate, ipse dicebat: «Ego ibo defendere populum meum: placeret modo Deo quod contentio esset solum inter me et adversarium meum, absque eo quod alii propter hoc morirentur!» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, fº 175.

[255] S’il fallait accepter les données de Froissart, l’effectif de l’armée de Montfort ne se serait élevé qu’à environ trois mille deux cents combattants. L’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois, le plus exact des chroniqueurs du quatorzième siècle, fait remarquer en effet que les Franco-Bretons avaient l’avantage du nombre: «Et avoit monseigneur Charles de Bloiz plus grant nombre de gent que n’avoit le conte de Montfort.» Guillaume de Saint-André, dont on a le droit, il est vrai, de suspecter le témoignage, ne donne à Montfort que dix-huit cents hommes: «Montfort n’est que à dix huit cens.» vers 1130. Si l’on excepte Olivier de Clisson et la clientèle de ce grand seigneur, Montfort n’avait pour ainsi dire sous ses ordres que des Anglais. Or, les contingents disponibles des garnisons anglaises de la Bretagne et du Poitou ne pouvaient guère dépasser deux mille ou deux mille cinq cents combattants.

[256] On lit dans Froissart: «le samedi 8 octobre.» Il y a là deux erreurs. En 1364, le 8 octobre tomba un mardi, et non un samedi, et la veille de la bataille d’Auray doit être rapportée, non au 8 octobre, mais au samedi 28 septembre.

[257] Cet épisode est purement romanesque. Le comte de Montfort venait de s’emparer de la ville et avait forcé la garnison du château d’Auray à capituler, lorsque Charles de Blois arriva pour faire lever le siége de cette forteresse.

[258] C’est Charles de Blois, et non Jean Chandos, qui rompit définitivement les négociations. Les capitaines anglais, dont Montfort n’était que l’instrument, voulaient conserver le droit de lever des rançons sur la Bretagne pendant cinq années. Le mari de Jeanne de Penthièvre aima mieux courir les chances d’une bataille que de laisser ses sujets en butte à de telles vexations. Cela résulte de l’affirmation d’un témoin oculaire, Geoffroi de Dinan, cher, qui déposa sous la foi du serment, en 1371, dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois: «... Die conflictus prædicti de Aurroyo, dum ipse (Carolus de Blesiis) cum suis gentibus armorum paratus fuisset ad bellum in campo contra adversarios suos etiam ex adverso paratos contra ipsum, perlocutum fuit de tractatu habendo cum ipso ex parte dictorum adversariorum suorum, dummundo ipsi haberent redemptiones a popularibus sui ducatus usque ad quinquennium, prout antea de facto habuerant. Et cum nobiles viri dominus de Ruppeforti et vicecomes Rohanni, presentes ibidem in armis et de parte ipsius existentes, tractatui hujusmodi consentirent, dicens dictus dominus de Ruppeforti quod, quantum in ipso erat, prædiligebat summam triginta milium librarum levari et exigi a subditis suis, quam ipsa die debellare; ac dixit presenti testi quod ipse iret ad dictum dominum Carolum et sibi diceret quod melius sibi foret permittere hujusmodi redemptiones levari a dictis popularibus quam eventum belli expectare. Qui presens testis accessit ad dictum dominum Carolum, et hoc ex parte dictorum nobilium eidem nunciavit. Quod cum audisset, respondit quod prædiligebat incidere in eventum belli, ad voluntatem Dei, quam permittere populum suum talibus miseriis et angustiis prægravari quibus compatiebatur, et pro ipsis pugnare volebat, ut dicebat, et finaliter pugnavit ac mortuus fuit.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fos 360 vº et 361.

[259] On a publié, d’après une liste manuscrite dressée au dix-huitième siècle par Yves Duchesnoy, les noms des principaux capitaines qui combattirent à Auray sous Jean Chandos (Revue des provinces de l’Ouest, III, 203). Cf. un opuscule intitulé: Jean Chandos, connétable d’Aquitaine et sénéchal du Poitou, par Benjamin Fillon, 1856, p. 13, note 1.

[260] «Prie» est la leçon que donnent tous les manuscrits; mais comme Froissart ajoute que ce chevalier était un grand banneret de Normandie, on peut supposer qu’il a voulu désigner le seigneur de Trie.

[261] D’après la chronique de la Chartreuse d’Auray, dont la rédaction relativement moderne, repose en général sur une tradition orale non interrompue, Hugh de Calverly s’était embusqué dans le bois de Kerlain.

[262] En 1371, six ans après l’événement, Georges de Lesven, écolâtre et chanoine de Nantes, maître ès arts et bachelier en médecine, rapportait comme une tradition très-autorisée que Charles de Blois s’était constitué prisonnier lorsqu’un partisan de Montfort (d’après les traditions de la maison de Penthièvre, Pierre de Lesnérac, Guérandais d’origine) le tua par trahison: «per magnum spatium temporis postquam captus fuit per inimicos suos et se reddiderat prisonarium eisdem, ipsi inimici eumdem occiderunt ac armis et aliis vestimentis suis despoliaverunt ac ipsum indutum cilicio ad carnem invenerunt.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fº 54. Cf. dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, II, 7.

[263] Froissart, par suite de l’erreur que nous avons déjà signalée, assigne à la bataille d’Auray la date du 9 octobre. Il est constant que cette bataille se livra le dimanche 29 septembre 1364, le jour de la fête de saint Michel. On a pu dire, en réfléchissant à cette coïncidence et par allusion à la part prise par les Anglais, dont saint Georges était le patron, au succès de Montfort, que saint Michel avait fait les honneurs de cette journée à saint Georges. Peu de temps avant la bataille d’Auray, Charles de Blois était allé pieds nus en pèlerinage au Mont-Saint-Michel où il avait fait cadeau aux religieux d’une relique de saint Yves, comme en témoignait l’inscription suivante gravée sur un reliquaire en vermeil de la célèbre abbaye: «C’est la coste saint Yves que monseigneur Charles de Blois cy donna.» Dom Huynes, Hist. du Mont-Saint-Michel, II, 44.

[264] Il faut lire dans le texte tout ce récit empreint de je ne sais quel charme mélancolique qui va jusqu’à l’éloquence. Toutefois, il est impossible de ne pas faire remarquer que la générosité prêtée ici à Montfort s’accorde assez mal avec l’irrévérence des Anglais attestée par un témoin oculaire, Frère Geoffroi Rabin, dominicain de la maison de Nantes: «Et postmodum, dum ipse dominus Carolus fuisset dearmatus et despoliatus omnibus vestimentis suis per Anglicos, vidit aliquos dictorum Anglicorum tenentes quoddam cilicium album quod dicebant fuisse et esse cilicium dicti domini Caroli quod habebat indutum, quod quasi pro nihilo reputantes ad terram dimiserant.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fos 192 vº et 193.

[265] Le cinquième jour après la bataille d’Auray nous reporte au 4 octobre; or, la veille, c’est-à-dire le 3 octobre, Édouard III a daté l’un de ses actes de Canterbury, ville située, comme chacun sait, sur la route de Londres à Douvres (Rymer, III, 749): l’assertion de Froissart offre par conséquent un haut degré de vraisemblance.

[266] L’historien et le critique ne doivent pas un instant perdre de vue que le récit de Froissart, relatif à la journée d’Auray, dérive principalement du héraut anglais Windsor, comme la narration que le même chroniqueur a consacrée à l’affaire de Cocherel provient surtout du roi d’armes ou héraut anglo-gascon Faucon.

[267] Les conventions relatives à ce projet de mariage, qui ne se réalisa point, sont datées de Douvres, le 19 octobre 1364. Rymer, III, 751.

[268] Dinan et Jugon se rendirent à Montfort dans le courant du mois d’octobre 1364. Dom Morice, Preuves, I, 1583.

[269] Par acte daté de Paris le 25 octobre 1364, Charles V donna pleins pouvoirs pour traiter de la paix à Jean de Craon, archevêque de Reims et au maréchal Boucicaut (Ibid., 1584); il n’est fait dans cet acte aucune mention d’Amauri, sire de Craon.

[270] Il est très-vraisemblable, suivant une conjecture fort plausible de Dacier (p. 615 de son édition, note 1), que les préliminaires de la paix furent arrêtés devant Quimper-Corentin qui se rendit à Montfort le 17 novembre de cette année (Ibid., 1585 et 1586); mais la paix ne fut conclue définitivement et signée qu’à Guérande le samedi 12 avril de l’année suivante, la veille de Pâques.

[271] Par acte daté d’Angers le 11 mars 1365 (n. st.), Jeanne de Penthièvre, qui continuait de s’intituler «duchesse de Bretagne», chargea de ses pleins pouvoirs Hugues de Montrelais, évêque de Saint-Brieuc, Jean, sire de Beaumanoir, Gui de Rochefort, sire d’Assérac, et maître Gui de Cleder. Ibid., 1587 et 1588.

[272] Le traité de Guérande maintient en outre Jeanne de Penthièvre en possession de la vicomté de Limoges. Froissart donne seulement les grandes lignes de ce traité, qu’il faut lire dans sa teneur pour en avoir une idée exacte. Ibid., 1588 à 1599.

[273] Le dauphin, duc de Normandie, avait travaillé de bonne heure à rallier Clisson au parti français. Dès le 27 septembre 1360, il avait rendu à Olivier la moitié de la baronnie de Thury (auj. Thury-Harcourt, Calvados, arr. Falaise) et la terre du Thuit (Notre-Dame du Thuit est marquée comme ruine sur la carte de Cassini, nº 94, au N. O. de la forêt de Cinglais, sur la rive droite de l’Orne, à 16 kil. S. de Caen, entre Boulon et les Moutiers), que le sire de Clisson devait tenir dans le duché de Normandie et qui avaient été confisquées (Arch. Nat., JJ87, nº 274). Aussitôt après le traité de Guérande, cette habile politique, servie par la morgue et les convoitises des Anglais, auxiliaires de Montfort, réussit à rattacher peu à peu et par degrés Clisson et sa puissante clientèle au parti français (Ibid., JJ113, nº 162). Jeanne de Penthièvre, qui avait nommé Olivier son lieutenant et gouverneur en ses terres et pays de Bretagne (Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, II, 83 à 85; dom Morice, Preuves, I, 1631 et 1632), Jeanne de Penthièvre fut le principal intermédiaire de cette réconciliation définitive, accomplie au mois de septembre 1367, et en vertu de laquelle Charles rétablit le fils unique et l’héritier de Jeanne de Belleville dans la possession de toutes ses terres confisquées (Arch. Nat., K1666, nº 176).

[274] Jean de Montfort, devenu duc de Bretagne, veuf en premières noces de Marie d’Angleterre, l’une des filles d’Édouard III, morte vers 1363 après quelques mois de mariage, épousa en 1366 Jeanne Holland, fille de Thomas Holland et de la fameuse Jeanne de Kent, devenue en 1362 princesse de Galles et d’Aquitaine par son mariage avec le prince Noir. Jeanne Holland mourut en 1384.

[275] Seine-et-Marne, arr. Fontainebleau. Nous ne connaissons aucun acte qui mentionne cette donation de Nemours au captal de Buch; mais Christine de Pisan dit aussi que Jean de Grailly fut comblé de faveurs par Charles V et qu’il reçut même le titre de chambellan du roi de France (Le livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles, 1re partie, chap. XXX).

[276] Par le traité de paix conclu à Paris le 6 mars 1365 (n. st.) entre les rois de France et de Navarre, il fut stipulé que Charles le Mauvais aurait, non comme le dit Froissart, des châteaux situés en Normandie, mais la ville et la baronnie de Montpellier en dédommagement de Mantes, de Meulan et du comté de Longueville (Arch. Nat., J617, nº 31; Secousse, Mémoires sur Charles II, II, 222 à 231). La confirmation de ce traité par Charles V est, suivant la judicieuse remarque de M. Delisle (Mandements de Charles V, p. 104, n. 2 et p. 112) antérieure au 20 juin de la même année (Secousse, Mémoires, II, 254 à 256).

[277] Louis de Navarre emprunta à Charles V, non pas 60 000, mais 50 000 florins d’or fin du coin de France, appelés francs. Le 4 avril 1366 (n. st.), il engagea son comté de Beaumont-le-Roger, Bréval et Anet à son royal créancier qui devait toucher le revenu de ces terres évalué à 8000 livres, jusqu’à parfait remboursement de la somme prêtée (Arch. Nat., J617, nº 32).

[278] Froissart commet ici deux erreurs. Louis de Navarre épousa en 1366, non la reine de Sicile, mais Jeanne de Sicile, duchesse de Duras, fille de Charles de Sicile duc de Duras et de Marie de Sicile, et il survécut si bien à ce mariage qu’il mourut seulement en 1372, dans la Pouille et fut enterré à Naples. (Anselme, Hist. généal., I, 291). Louis de Navarre quitta Évreux vers la fin d’avril 1366, et il n’est plus fait mention de sa présence en Normandie à partir du 20 de ce mois (Bibl. Nat., Quitt., XVI, 290). Le captal de Buch, mis en liberté par Charles V, remplit, dès les derniers mois de 1365 et jusqu’à la fin de 1366, les fonctions de lieutenant du roi de Navarre en Normandie (Ibid., XV, 224). Ayant appris, sur ces entrefaites, que le prince de Galles se disposait à entrer en Espagne pour restaurer don Pèdre et renverser don Henri de Trastamare soutenu par du Guesclin, le vaincu de Cocherel rassembla en toute hâte les débris des Compagnies anglo-navarraises aux environs d’Avranches où il avait donné rendez-vous à Jean, duc de Lancastre, et se mit en route pour Bordeaux. Le dernier acte de sa lieutenance est un mandement daté de Genest (Manche, arr. Avranches, c. Sartilly), le 22 décembre 1366, par lequel il enjoignit de payer 88 livres II sous «pour certains vivres qui furent amenez à Genez pour la despense de monseigneur le duc de Lancastre et de nous.» Ibid., XVI, 340.

CHAPITRE XC

[279] Le 24 novembre 1364, Édouard III somma Eustache d’Auberchicourt, Robert Scot et Hugh de Calverly, chevaliers anglais, qui faisaient la guerre au royaume de France, «à l’ombre du roy de Navarre», de licencier leurs bandes. Bibl. Nat., collection Bréquigny, XV, 38.

[280] Froissart semble faire allusion ici à un projet d’expédition contre les infidèles conçu vers le milieu de 1365 par le pape Urbain V. Le trop fameux Arnaud de Cervolle, dit l’Archiprêtre, devait être le chef de cette expédition (V. plus haut, p. XXXV, note 141). Le samedi 5 avril 1365, Urbain fulmina une bulle d’excommunication contre les Compagnies (Arch. Nat., J711, nº 3022).

[281] Don Alphonse XI du nom, roi de Castille, était mort à la fleur de l’âge le vendredi saint, 27 mars 1350. Il ne laissait qu’un fils légitime, don Pèdre, alors âgé de quinze ans et quelques mois, dont la mère doña Maria était une infante de Portugal, fille du roi Alphonse IV, surnommé le Brave. Don Alphonse avait eu en outre de son union illégitime avec une jeune veuve d’une illustre maison de Séville, doña Léonor de Guzman, dix enfants naturels, neuf garçons et une fille. L’aîné de ces bâtards, don Henri, avait été fait de bonne heure comte de Trastamare et, aussitôt après l’avénement au trône de l’héritier légitime, s’était posé en rival de don Pèdre.

[282] Blanche de Bourbon, la seconde des filles de Pierre Ier, duc de Bourbon, et d’Isabelle de Valois, sœur cadette de Jeanne de Bourbon, mariée à Lyon en juillet 1349 à Charles dauphin, depuis Charles V, avait épousé don Pèdre, roi de Castille, par contrat passé en l’abbaye de Preuilly, le 23 juillet 1352 (Arch. Nat., J603, nº 55). Abandonnée dès les premiers mois de son mariage en faveur d’une maîtresse, nommée doña Maria de Padilla, cette princesse mourut en 1361, et la rumeur publique accusa don Pèdre de cette mort, «jussu Petri mariti crudelis», ainsi que portait l’inscription tracée à Jerez sur le tombeau de Blanche (Llaguno, ad Ayala, p. 328, note 3).

[283] Innocent VI avait été pendant les dernières années de son pontificat en lutte presque continuelle avec don Pèdre, auprès duquel il avait député avec le titre de légat le célèbre Gui de Boulogne, cardinal évêque de Porto (Martène, Thes. Anecdot., II, 964, 997 et 998; Arch. Nat., L377, caps. 217, nº 57). Urbain V, successeur d’Innocent VI, prit ouvertement parti pour Pierre IV, roi d’Aragon, et même pour le comte de Trastamare contre don Pèdre.

[284] Charles V contribua au payement de cette rançon pour une somme de quarante mille florins d’or, dont nous avons les quittances délivrées par Jean Chandos; et en retour Bertrand du Guesclin fit le serment, par acte daté de son château de la Roche-Tesson le 22 août 1365, d’emmener les Compagnies hors du royaume, engageant au roi le comté de Longueville en cas de non exécution de cette promesse (Arch. Nat., J281, nos 4, 5 et 6; Charrière, Chronique de B. du Guesclin, II, 393 à 395: Charrière a daté à tort du 20 et du 27 août deux pièces qui ont été l’une et l’autre libellées à la Roche Tesson le 22 août). Bertrand renouvela cet engagement par acte passé à Paris le mardi 30 septembre, dans l’hôtel à l’enseigne du Papegaut, près de Sainte-Opportune (Ibid., J381, nº 4bis). Aussitôt après l’accomplissement de cette formalité, il se mit en route pour l’Espagne; il était de passage à Auxerre, le 10 octobre (Arch. Nat., X1a38, fº 246), à Avignon, du 12 au 16 novembre (Ibid., K49, nº 5, fº 7), à Montpellier, du 29 novembre au 3 décembre (Thalamus parvus, p. 369), enfin à Barcelone, à la cour de Pierre, roi d’Aragon, du 1er au 9 janvier 1366 (Zurita, Annales, l. IX, c. 61; Arch. Nat., X1a38, fº 246). Prosper Mérimée a supposé par erreur que du Guesclin avait levé, à l’occasion de son passage à Avignon vers la fin de 1365, une rançon de 5000 florins sur les habitants du Comtat. Du Guesclin ne commit cette exaction que deux ans plus tard, dans le cours d’une campagne qui se termina le 8 avril 1368 par la prise de Tarascon. V. Hist. de don Pèdre Ier, p. 407, note 1.

[285] Ce chevalier accompagna du Guesclin sans l’aveu et même contre le gré du roi d’Angleterre, puisque celui-ci, par acte daté du 6 décembre 1365, alors que Bertrand et ses compagnons d’aventure étaient déjà en route pour l’Espagne, manda à Jean Chandos, à Hugh de Calverlé, à Nicol de Dagworth et à William de Elmham, chevaliers, de prendre des mesures pour que nuls gens d’armes de sa ligeance, assemblés en certaines Compagnies, ne pussent entrer au royaume d’Espagne pour faire guerre à noble prince le roi de Castille son cousin. Rymer, III, 779.

[286] Dans le courant du mois d’août 1365, Bertrand du Guesclin, en vertu d’un traité passé avec Louis de Navarre et Eustache d’Auberchicourt, lieutenants de Charles le Mauvais en basse Normandie, avait consenti à rendre les château et ville de Carentan au roi de Navarre, moyennant une rançon de 14 000 francs; et en outre Olivier de Mauny, capitaine de Carentan pour son cousin, s’était fait donner 3535 francs à titre d’arrérages des rançons (Bibl. Nat., ms. fr. 10 367, fº 20).

[287] Ce Bertucat était un cadet, sinon même un bâtard, de la puissante maison d’Albret, et le père Anselme ne l’a pas classé dans sa généalogie de cette famille. Parmi ces seigneurs anglais ou anglo-gascons qui accompagnèrent du Guesclin en Espagne, Froissart n’a pas mentionné le plus important. Nous voulons parler de Guardia Raymond, cher, seigneur d’Aubeterre (auj. Aubeterre-sur-Dronne, Charente, arr. Barbezieux), qui paraît avoir été le grand recruteur et condottière des compagnies anglo-gasconnes. Il prétendit plus tard que, le 10 octobre 1365, à Auxerre, Bertrand lui avait souscrit une obligation de 2400 francs d’or; le 6 et le 9 janvier 1366, à Barcelone, deux autres obligations l’une de 6066 francs d’or et l’autre de 2060 florins du coin du roi d’Aragon, cette dernière de moitié avec Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France; enfin, le 20 juillet suivant, à Albatera, en Castille, une quatrième obligation de 4000 florins d’or. L’année suivante, le sire d’Aubeterre ayant combattu à Najera dans l’armée du prince de Galles contre don Henri de Trastamare, du Guesclin avait différé de payer le chevalier anglo-gascon, qui mourut sans avoir pu réussir à se faire rembourser. Plus de vingt ans après ces événements, en 1390, Jean Raymond, frère et héritier de Guardia Raymond, intenta pour ce fait devant le Parlement à Olivier du Guesclin, comte de Longueville, le principal héritier du connétable, un procès dont les pièces, qui seront analysées à la fin du second volume de notre Histoire de du Guesclin, nous ont permis d’établir pour la première fois d’une manière sûre les principales étapes ainsi que les dates précises de l’expédition de du Guesclin et des Compagnies en Espagne (Arch. Nat., sect. jud., X1a 1475, fº 87, vº; X1a 37, fos 333 vº et 334; X1a 1475, fos 176, 178 vº et 179; X1a 38, fos 246 et 247). Une fois arrivés à Montpellier, les brigands des Compagnies voulurent être payés avant de continuer leur route; et du Guesclin fut obligé, pour les satisfaire, d’emprunter 10 000 francs aux bourgeois de cette ville: «Et alèrent à Montpellier dont ne vouldrent partir, se ilz n’avoient argent; et pour ce emprunta (Bertrand) à certains bourgois dix mille francs, et lors partirent.» X1a 1475, fº 176.

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