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Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Troisième

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Encores tout présentement, je viens de recepvoir adviz, de bon lieu, que le susdict propos commence de prendre icy grand fondement; dont je continueray d'en escripre toutjour quelque mot, à part, à Vostre Majesté; mais il n'y a rien plus requis que de tenir la matière secrecte.

ADVERTYRA LE DICT DE SABRAN LEURS MAJESTEZ, oultre le contenu des lettres:

Que milord de Sussex a proposé, à son arrivée, de fort mauvais conseilz contre les affères de la Royne d'Escoce, remonstrant qu'avec quatre centz mil escuz, qui ont esté employez ceste année, par ses mains, contre les Escouçoys, il a bien chastié ceulx d'entre eulx, qui avoient osé offancer la Royne, sa Mestresse, en retirant et supportant ses rebelles; et qu'il avoit estably aulx aultres un régent à sa dévotion; et relevé si bien la part du jeune Roy, que ceulx de l'aultre party ne faisoient plus que ce qu'il leur ordonnoit, et les avoit presque rengez à se soubsmettre à luy; et que, pendant que le Roy Très Chrestien estoit encores bien laz des guerres civiles de son royaulme, et les aultres princes de dellà la mer assés empeschez, chacun en son estat, il s'esbahyssoit comme la Royne, sa Mestresse, se retranchoit ainsy court à elle mesmes son entreprinse, de ne se saysir de l'Escoce, comme il luy avoit facillité la voye de ce fère, et de pouvoir establyr par là ung repos en ceste isle; lequel aultrement il n'espéroit l'y veoir jamais bien asseuré, mesmement si la Royne d'Escoce estoit restituée; et qu'on ne pouvoit donner ung plus loyal conseil à la Royne, sa Mestresse, que d'interrompre ce propos encommancé, et de luy fère poursuyvre chauldement, à ce prochain printemptz, son entreprinse de renvoyer l'armée en Escoce; car s'asseuroit dans peu de jours, la randre maistresse de Lislebourg, Esterlin et Dombertrand, et de forclorre aulx Françoys leur descente et retrette au dict pays; lesquelz aussi, sellon son opinion, n'avoient, à présent, guières à cueur les choses de deçà la mer, se trouvant seigneurs de Callais.

Auquel conseil s'estantz joinctz ceulx, qui avoient toutjours heu le mesmes adviz, ilz ont euydé traverser grandement toutz noz affères; mais la Royne mesmes n'a monstré qu'elle y inclinast; et aulcuns seigneurs plus modérez ont remonstré au dict de Sussex qu'il y avoit plus de dangier et d'inconvéniant, en ceste entreprinse qu'il n'y en voyoit, de sorte qu'il n'est demeuré bien ferme en son opinion. Il est vray que l'abbé de Domfermelin est fort ordinaire en sa compaignye, ce qui le nous rend toutjour assés suspect, mais l'évesque de Roz, avant partyr, luy est allé remonstrer plusieurs choses, par lesquelles il l'a ramené à ceste rayson que, s'il se pouvoit establyr quelque bonne seureté entre les deux Roynes, il confessoit, veu la proximité d'elles, et le droict de la future succession à celle d'Escoce, que le plus expédiant seroit de la restituer; mais n'a parlé que condicionnellement, et par difficultez, avec un désir très ambitieux de demeurer en charge; et qu'en tout événement, il failloit que la dicte Dame quictast l'alliance de France pour en fère une nouvelle et perpétuelle avec la Royne d'Angleterre.

A quoy le dict évesque luy a remonstré qu'il estoit impossible de ce fère, et qu'il ne seroit honneste ny proffittable à la Royne d'Angleterre de le requérir, joinct que, si elle pressoit de cella sa Mestresse, elle la presseroit à elle de renoncer à l'alliance de Bourgoigne. A quoy il a soubdain respondu que Dieu vollust garder sa Mestresse d'un si dangereux conseil, comme de quicter les anciennes alliances de sa couronne, mais qu'il n'estoit de mesmes à ceste heure, en l'endroict de la Royne d'Escoce, parce qu'il falloit qu'elle print la loy de la Royne d'Angleterre. Tant y a que, despuys, il semble que, à cause du duc de Norfolc, le dict de Sussex se soit ung peu modéré; et toutjour le comte de Lestre et le secrétaire monstrent persévérer droictement à vouloir que l'accord succède par le traicté; dont nous vivons en meilleure espérance.

Et ceste honnorable ambassade, que la Royne d'Angleterre envoye meintennant en France, monstre qu'elle n'a le cueur esloigné de cella; mesmes Mr le cardinal de Chastillon m'a asseuré, ceste dernière foys qu'il m'est venu visiter, qu'il sçavoit certainement que la résolution estoit prinse, entre la dicte Dame et ceulx de son conseil, de restituer la Royne d'Escoce, mais que je ne m'esbahysse de la longueur; car elle estoit naturelle à ceulx cy, sellon que luy mesmes l'avoit esprouvé; et que, despuys l'aultre foys qu'il avoit esté avecques moy, ayant considéré, par les choses que Mr de Roz et moy luy avions desduictes, que le Roy avoit grand intérest à la restitution de la dicte Royne d'Escoce, il en avoit parlé si à propos à la Royne d'Angleterre qu'il l'avoit fort disposée d'y prendre quelque bon expédiant. Ceulx aussi, à qui cest affère est aultant à cueur en ceste court comme leur propre vie, m'asseurent qu'il ne tient plus qu'à la venue des depputez d'Escoce qu'on ne passe oultre à conclurre le traicté, et m'ont faict advertyr de suplier Leurs Majestez Très Chrestiennes de fère, en cest endroict, l'office que j'ay donné charge au Sr de Sabran de leur dire.

Le sire Thomas Stanlay a esté ouy et examiné eu ce conseil sur les mouvemens de Lenclastre; et puys son frère Édouart après luy, et le sir Thomas Gérard, après, en présence de toutz deux, leur estant remonstré qu'ilz proposoient ung très mauvais exemple d'eulx au dict pays de ne se ranger à la forme de religion, qui estoit ordonnée, sellon les parlemens, à la tranquillité publique du royaulme; et que, s'ilz ne s'y déportoient plus sagement, la Royne, leur Mestresse, ne pourroit de moins que procéder contre eulx par la voye de justice; et, pour ceste foys, ne leur ont touché que ce point de la religion. A quoy ils ont respondu qu'ilz estoient personnaiges qualiffiez, et bien cautionnez en ce royaulme, et que, s'ilz se fussent sentys coulpables d'aulcune chose envers la Royne et son estat, qu'ilz ne fussent point venuz, et qu'ilz avoient, en toutz leurs actes, toutjours procédé en fort gens de bien, dont les requéroient qu'ilz ne vollussent prendre aulcune mauvaise opinion d'eulx, ny rien ordonner à leur préjudice, que leurs accusateurs ne fussent présens, car ils s'asseuroient de leur bien respondre, et de se bien justiffier devant eulx. Ilz sont encores à la suyte de la court, et cependant est venu nouvelles que celluy, qui les avoit defférèz, est mort de quelque accidant fort soubdain et fort estrange.

J'ay faict dire, de loing, à aulcuns, qui ont parfaicte cognoissance des choses de ce royaulme, que j'avois entendu que la Royne d'Angleterre et ceulx de son conseil avoient toutjours heu pour suspect le retour de l'armée d'Espaigne, et qu'il sembloit qu'à ceste heure ilz en fussent en plus grand doubte que jamais; dont je les pryois de me mander en quoy ilz estimoient que les choses en fussent. Lesquelz m'ont respondu quasi conformément, de plusieurs endroictz, qu'à la vérité l'on estoit en assés de deffiance du costé d'Espaigne et de Portugal, tant à cause des prinses de l'an 1569, que de ce que les fuytifz de ce royaulme s'étoient retirez vers le duc d'Alve; et que Estuqueley estoit passé devers le Roy Catholique pour l'inviter à quelque entreprinse en l'Yrlande, ainsy qu'il estoit homme pour le luy sçavoir imprimer et pour se offrir à la conduyre; et que ung itallien, nommé Lotini, lequel ceste Royne entretennoit en Yrlande, avoit esté naguières chassé pour souspeçon, qu'on avoit heu, qu'il s'entendit avec le dict Estuqueley; néantmoins que la dicte Dame et toutz ceulx de son conseil demeuroient fermement persuadez que le Roy d'Espaigne ne romproit jamais avec eulx, tant qu'ilz seroient saysys des merchandises et deniers qu'ilz ont prins sur luy, car il auroit aultant perdu; joinct qu'ilz estoient si avant en traicté avec le duc d'Alve, qu'ilz attendoient plustost accord que guerre de son costé; et que l'on estoit après à y regarder de si près, qu'on estimoit bien qu'il ne seroit rien layssé en différand, d'où l'on en peult venir cy après aulx armes. Par lesquelles responces se peult assés cognoistre que ceulx cy ne sont bien aperceuz des appareilz d'Espaigne ni de Portugal; ce qu'ilz monstrent encores mieulx par le peu de prévoyance qu'ilz donnent aulx choses de la guerre; car je n'ay entendu qu'ilz ayent, pour encores, ordonné aultre chose que aulx pourvoyeurs de la marine de sçavoir où prendre l'avitaillement pour vingt cinq navyres, dans quinze jours, quant il leur sera commandé.

Tant y a que le duc d'Alve, par les difficultez qu'il faict naistre, l'une après l'aultre, en ces différans des prinses, et qu'il ne se haste de parler guières expressément de l'accord du commerce, et de l'entrecours, monstre qu'il vouldroit, en quelque façon, s'asseurer des dictes prinses, lesquelles montent à grand somme; et puys essayer de se revencher; dont il va temporisant et entretennant ceulx cy de parolles et de bonnes espérances, affin qu'ilz n'y preignent garde. Et je sçay, à la vérité, qu'il a naguières envoyé, par le jeune Coban, une lettre du Roy, son Maistre, à la Royne d'Angleterre, en laquelle son dict Maistre rend seulement ung fort grand et fort exprès grand mercys à la dicte Dame pour l'honnorable convoy qu'elle a faict fère par ses grandz navyres à la Royne, sa femme, passant en ceste mer; et ne touche nul aultre poinct, ni mesmes luy faict aulcune mencion des trois lettres, que la dicte Dame luy a escriptes, despuys les dictes prinses; et, par mesme moyen, le duc d'Alve luy en a escript une, de sa part, pour accompaigner celle de son Maistre, et pour prendre congé d'elle, et l'exorter à l'entretennement de la paix et de l'alliance avec son dict Maistre, avecques grandz offres de s'employer droictement à le randre de mesmes bien disposé envers elle.

Quant au voyage du dict jeune Coban à Espire, l'on m'advertyt, avant son partement, qu'il y alloit pour renouveller le propos de l'archiduc Charles, mais ce n'estoit que une démonstration, que la Royne d'Angleterre vouloit faire pour s'en prévaloir en ses présens affères de dehors et de dedans son royaulme, et qu'en effect l'envye ne luy estoit crue de se maryer; mesmes que n'y ayant le comte de Sussex rien advancé, quant il y alla, encores estoit il à croyre que ung jeune gentilhomme de nulle authorité, qui à peyne avoit poil en barbe, y feroit à ceste heure encores moins.

Tant y a qu'avec plusieurs aultres propos d'amytié le dict Coban a proposé à l'Empereur que sa Mestresse l'avoit envoyé vers luy pour continuer la mesmes négociation, que, trois ans a, le comte de Sussex luy avoit commancé; à laquelle elle n'avoit, plus tost qu'à ceste heure, peu randre responce, pour avoir esté souvent despuys assés mallade, et pour les guerres de France, Flandres et aultres empeschemens, qui estoient jusques en son propre pays survenuz; mais qu'elle n'avoit toutesfoys, en différant la responce, pensé de rien interrompre au propos de l'archiduc son frère, et que, s'il luy playsoit de passer meintennant en Angleterre, il y seroit le très bien venu, et qu'estant resté tout le différant sur sa religion, elle espéroit que ses subjectz y consentyroient qu'il eust, pour luy et les siens, si ample exercice d'icelle qu'il en demeureroit contant.

Lequel propos le dict Empereur monstra recepvoir de bonne part, et print temps de luy respondre, affin d'advertyr l'archiduc son frère; et enfin la responce a esté que luy et son dict frère estoient bien marrys que la bonne intention de la dicte Dame leur eust esté si tard notiffiée; de laquelle ilz luy demeureroient néantmoins bien fort obligez; et que son dict frère n'avoit peu penser de moins, luy différant, elle, trois ans sa responce, sinon qu'il n'estoit accepté; dont il avoit regardé à ung aultre party, et desjà s'y estoit obligé avec une princesse, sa parente, catholique, avec laquelle il n'auroit point de différent pour sa religion; qu'il luy vouloit dire, encores une aultre foys, qu'il avoit grand regrect que l'ocasion n'eust esté acceptée de toutz deux, quant elle s'estoit présentée, et qu'il ne lairroit pourtant de demeurer très bon amy et comme frère à la dicte Dame; laquelle il vouloit au reste exorter, pour son bien, de vivre en bonne paix avec les princes, ses voysins; dont estant meintennant les deux plus grandz ses gendres, il auroit grand playsir qu'elle se déportât comme bonne sœur avec eulx, et qu'il la vouloit advertyr que de là dépendoit sa seureté et celle de son estat. Et avec ces honnestes parolles, et quelque présent de vaysselle d'argent, il a licencié le dict Coban.

Laquelle responce n'a peu, en façon du monde, estre bien goustée ny bien prinse de la dicte Dame, laquelle en demeure offancée jusques au cueur; et ne s'est peu tenir de dire que l'Empereur luy faisoit injure, et que, si elle estoit aussi bien homme comme elle est femme, qu'elle le luy redemanderoit par les armes. Sur quoy il m'est tombé entre mains une lettre d'ung seigneur de ceste court qui mande aussi à ung aultre:—«La cause du dueil et fâcherie de nostre Royne est asseuréement le mariage de l'archiduc Charles avec la fille de sa sœur, la duchesse de Bavière, soit ou que véritablement elle eust assis son amour et fantasie en luy; ou bien qu'elle est marrye que sa beaulté et sa grandeur n'ayent esté plus instantment requises de luy; ou bien qu'elle a perdu, à ceste heure, l'entretien qu'elle donnoit par là à son peuple, craignant qu'elle soit pressée par ses Estatz et par son parlement de ne différer plus à prendre party, qui est le principal poinct que tout son royaulme luy requiert.»

Despuys ce que dessus escript, j'ay esté adverty qu'il vient d'arriver ung navyre de Cadix, qui porte des lettres du ıȷe de ce mois, par lesquelles l'on mande le grand aprest de guerre, qui se faict en Espaigne; et que aulcuns l'interprètent estre contre le Turc; aultres disent que c'est pour parachever la guerre des Mores, qui encores se renouvelle; et aultres que c'est pour descendre en Yrlande. Je prendray garde comme ceulx cy le prendront et comme ilz y pourvoyrront.

CLIIIe DÉPESCHE

—du VIe jour de janvier 1571.—

Nouvelles d'Espagne.—Pompe déployée pour le mariage du roi.—Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande.

Au Roy.

Sire[22] ........................................................ Il se continue icy que le duc d'Alve partira en mars pour s'en retourner en Espaigne, et qu'il prendra le chemyn d'Itallye, où il layssera quelques compaignies italliennes, qui l'accompaigneront jusques là; lesquelles pourront servyr à la guerre contre le Turcq, au commancement du printemps; et que le duc de Medina Cœli s'embarquera, à ce prochain febvrier, pour passer en Flandres, et qu'il admènera les deux filz aysnez de l'Empereur; ne se faisant icy aulcune démonstration qu'on se doubte de luy, ny de l'armée de mer, qui le vient conduyre, parce que plusieurs vaysseaux de la dicte armée ont passé, et qu'il est desjà arrivé en Flandres plus de deux centz voyles d'Andelouzie ou de Portugal; qui faict encore discourir à aulcuns que le dict duc et iceulx petitz princes pourront s'acheminer par la France, puysqu'ilz ont layssé venir tant de vaysseaulx par deçà.

L'on a heu en admiration en ceste court l'ordre, l'apareil, les riches habitz, les présens et la despance, dont a esté usé aulx nopces de Vostre Majesté, ainsy soubdain après la guerre passée, et de ce qui se prépare encores pour une entrée à Paris; qui leur faict bien juger que la grandeur de vostre estat a ung bien solide fondement, et que si Vostre Majesté joue ung peu son jeu couvert, et commance de s'aquiter et de fère les affères, il n'est pas à croyre combien il demeurera d'impression au monde des grandes forces et oppulance de vostre royaulme, et de la merveilleuse ressource qui est en icelluy. Sur ce, etc.

Ce vıe jour de janvier 1571.

L'on me vient d'advertyr qu'au soir arrivèrent deux nouvelles en ceste court: que ceulx de la nouvelle religion des Pays Bas ont surprins un chasteau près de Groninguem, où le duc d'Alve y a envoyé huict centz Espaignolz pour le reprendre; et que, en Irlande, sont descenduz quelques soldats françoys, en moindre nombre de deux centz, appellez par les saulvaiges du pays, et que desjà le comte d'Ormont s'est esforcé de les combattre; mais ilz se sont faictz lascher. Si ainsy est, cella troublera assés les affaires de ce royaume.

CLIVe DÉPESCHE

—du XIIIe jour de janvier 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voie du Sr Acerbo.)

Affaires d'Écosse.—État de la négociation de lord Seyton en Flandre.—Nouvelles d'Espagne et d'Allemagne.—Projet de Walsingham de traiter avec les protestans d'Allemagne.—Bruit répandu en Angleterre que les armes ne tarderont pas à être reprises en France.—Lettre secrète à la reine-mère sur la proposition du mariage du duc d'Anjou.

Au Roy.

Sire, bien peu d'heures après que je vous ay heu faict ma dépesche du vȷe du présent, mon secrétaire est arrivé avec celle de Vostre Majesté du xxvȷe du passé, en laquelle j'ay trouvé deux de voz lettres; desquelles l'une répond fort bien aux particullaritez que je vous avois auparavant mandées, et l'aultre est pour la faire voir à la Royne d'Angleterre, qui en recepvra une très acomplye satisfaction, laquelle luy sera davantaige confirmée par les bons propos et démonstrations, pleynes de faveur, qu'avez usé à son ambassadeur. De quoy je mettray peyne, Sire, d'en faire icy le proffict de vostre service, et n'obmettray de toucher à la dicte Dame les principaulx poinctz de vos dictes lettres; et ceulx mesmement qui concernent l'honneur et grandeur de Vostre Majesté, dont, de ce qu'elle m'y aura respondu je ne fauldray de le vous mander par mes premières; vous voulant au reste bien dire, Sire, touchant la mainlevée qu'avez donnée aux merchans escossoys, qu'encor que la Royne d'Escosse se soit tenue ung peu opiniastre à ne vouloir que cella se fît, si, étions après, Mr de Roz et moy, à luy en oster l'opinion, parce que le comte de Lenoz acrochoit le tretté à ce seul poinct, disant qu'il ne passeroit jamais oultre sans que les merchans jouyssent de l'abstinence d'hostillité, aussi bien que les aultres subjectz, et qu'elle leur estoit viollée quand on leur faisoit saysir leurs biens et navyres. Les députez de la dicte Dame commencent [d'arriver] aujourduy, et nous avons nouvelles que ceulx [de l'autre parti sont] desjà en chemin; par ainsy, j'espère que bientost [il sera procédé] au dict tretté, sellon que j'ay aussi entendu que la Royne d'Angleterre [a] ordonné six depputez pour y vaquer de sa part, assavoir [lord Quiper] garde des sceaulx, le marquis de Norampthon, le comte de Lestre, le comte de Sussex, le secrétaire Cecille, et le sixiesme reste à nommer, qu'on pense sera maistre Mildmay.

Cependant est advenu à Lislebourg qu'ayans deux soldatz du chateau esté saysiz par l'autorité du comte de Lenoz, ainsy qu'ilz s'en retournoient du Petit Lict, et menez ez prisons de la ville, le capitaine Granges, qui en a esté offancé, a, le soir mesmes, sur le tard, faict lascher toute l'artillerie du chasteau par dessus la ville; et, à l'instant mesmes, a faict sortir cinquante soldatz qui sont allez forcer les dictes prysons, et ont ramené leurs compagnons avec eulx. De quoy le dict de Lenoz se plaint grandement, comme d'une infraction d'abstinence d'armes, mais non sans avoir tant de peur qu'il a cuydé habandonner Lislebourg pour se retirer à Esterling.

J'estime, Sire, que le Sr de Sethon est maintenant devers Vostre Majesté, ayant prins congé du duc d'Alve dez le xvııȷe du passé, après avoir obtenu de luy les dix mil escuz, que je vous ay ci devant mandé; desquelz j'entendz qu'il a envoyé les sept mil en Escosse, par le frère du secrétaire Ledingthon, qui est party, le mesme jour, pour s'aller embarquer à Fleysinghes; il en a miz deux mil en Envers pour faire tenir à sa Mestresse, et mil pour luy; et semble qu'il n'a esté respondu sur ce qu'il demandoit, de faire serrer le trafic aux Escouçoys en Flandres, parce que l'ordre n'en étoit encores arrivé d'Espaigne. Je croy, Sire, qu'il sera bon de luy temporiser aussi, avec bonnes parolles, la responce des propositions qu'il fera à Vostre Majesté, attandant ce qu'il succédera de ce traicté, et attandant aussi que je vous aye mandé deux particullaritez fort considérables qui se presentent maintenant en cest affaire. J'ay adviz que le duc d'Alve est fort marry de ce qu'on vous a rapporté qu'il avoit envoyé deux gentishommes en Escosse, et néantmoins l'on m'a asseuré qu'il y en a encores despuys renvoyé ung troisiesme, mais j'eusse bien desiré que dom Francès d'Allava n'eust pas sceu que je vous en eusse adverty.

Le voyage que les gallaires ont faict, l'esté passé, en Levant, a sonné fort mal icy pour la réputation du Roy d'Espaigne, mais son ambassadeur s'esforce de luy donner beaucoup de raysons et de couleurs, qui seroient longues à mettre en ceste lettre, dont je les réserve à une aultre foys; tant y a qu'elles tendent toutes à rejetter les faultes sur la malle pourvoyance et peu de conduicte des Véniciens au faict de la guerre, ainsy que eulx mesmes, à ce qu'il dict, l'advouhent meintenant; et sur ce qu'on s'estoit esbahy que la ligue tardoit tant à se résouldre, il asseure qu'elle se conclurra bientost sellon les propres chappitres, que le Roy, son Maistre, a desiré y estre apposez; et publie encores la généralle victoire des Mores[23] et plusieurs aultres prospéritez de son Maistre.

Au reste, Sire, il s'entend, par lettres freschement venues d'Espire, que la diette s'en alloit finyr, et que le jour estoit desjà indict, auquel l'on la conclurroit, qui seroit sans que l'Empereur y eust faict passer en décrect guières des choses qu'il y avoit proposées; desquelles encor les déterminations ne seroient divulguées jusques à ce qu'il arriveroit en Prague, qu'on les auroit cependant réduictes par ordre et faictes imprimer; et que la liberté du duc Jehan Guilhaume de Saxe[24], encor qu'elle fût très agréable aux princes d'Allemaigne, elle monstroit néantmoins d'avoir quelque chose de suspect contre le duc Auguste; et par ce, Sire, que je vous en ay desjà mandé quelles responces le jeune Coban avoit rapportées du dict Empereur, je ne vous en toucheray icy rien davantaige; seulement vous diray que, suyvant la négociation, qu'il avoit commancée par dellà avec aulcuns princes protestans, le Sr de Vualsingan a esté dépesché, de quelques jours plus tost, pour rencontrer encores en France leurs ambassadeurs, avec lesquelz ne faut doubter qu'il ne traicte, s'il peult, avec affection et véhémence les choses qui concernent sa religion, car il est des plus passionnez; dont sera bon, Sire, de le faire ung peu observer: et a l'on aussi hasté davantaige son partement parce que le frère du comte de Sussex, qui est ung des fugitifz du North, s'estant retiré à Mr Norrys, pour retourner par son moyen à l'obéyssance et grâce de sa Mestresse, et ne l'ayant le dict Sr Norrys vollu ouyr, sans l'exprès congé d'elle, le dict de Vualsingan a heu commandement de l'accepter, et luy offrir sa rémission, et mesmes de l'employer, s'il est possible, à regaigner le comte de Vuesmerlan et les aultres, qui sont dellà la mer: ce qui sera bon, Sire, de trouver moyen d'empescher pour quelque temps, attandant que les affaires d'Escosse soyent accommodez.

Et pour la fin, il y a ici ung advis, venu de Gennes, comme par lettres de Thurin, du ıııȷe du passé, l'on mande que les armes se vont reprandre pour deux occasions: l'une, parce que la Royne de Navarre use en Béarn d'une extrême rigueur contre les Catholiques; et l'aultre, par la difficulté que Mr de Savoye faict à la comtesse d'Autremont de luy randre quelques chasteaulx; et qu'encor que Vostre Majesté ne puisse mais de l'une ni de l'aultre, que le feu néantmoins s'en ralumera plus fort que jamais en vostre royaulme. Sur ce, etc.

Ce xııȷe jour de janvier 1571.

A la Royne.

(Lettre à part.)

Madame, je puys asseurer Vostre Majesté que le faict de la petite lettre commance d'aller bien chauldement en ceste court, duquel ayantz les dames de la privée chambre heu quelque sentyment, elles l'ont desjà descouvert à quelques seigneurs de ce royaulme, qui y font diverses interprétations; et aulcuns d'eulx m'ont mandé que, de tant qu'il semble que le cardinal de Chastillon le conduict sans moy, qu'on n'y cerchoit guières de faire le proffict du Roy ni de son royaume. J'ai monstré que le propos m'estoit nouveau, et que je ne pensois qu'il y en eust rien en termes auprès de Voz Majestez; et de faict, Madame, je travailleray, aultant qu'il me sera possible, qu'il soit mené par le plus secret et destorné cheming que faire se pourra; car je sentz qu'il en est besoing. Je suys adverty que celluy qui va en France aura charge de suyvre bien curieusement ce qui luy en sera touché, et que mesmes quelcun neutre sera possible pryé de passer en mesme temps affin d'en entamer le propos. Je croy que Mr le comte de Lestre m'a envoyé prier de disner demain avecques luy pour m'en parler, et que Mr le cardinal de Chastillon revient expressément en court pour ce faict, et que mesmes il y est, à ceste occasion, bien desiré, possible qu'il se plaindra, par mesmes moyen, de la détention de ses biens en France; dont de tout ce qui succèdera, et que j'en pourray entendre, je ne fauldray d'en advertyr incontinent Vostre Majesté. Sur ce, etc.

Ce xııȷe jour de janvier 1571.

CLVe DÉPESCHE

—du XVIIIe jour de janvier 1571.—

(Envoyée jusques à Calais par homme exprès.)

Audience.—Vives démonstrations d'amitié de la part d'Élisabeth au sujet du mariage du roi.—Son intention de procéder au traité avec la reine d'Écosse.—Nouvelle que les Gueux ont repris les armes en Flandre.—Lettre secrète à la reine-mère sur l'état de la négociation relative au mariage du duc d'Anjou.—Confidence de Leicester à l'ambassadeur.—Proposition faite au nom du roi par le cardinal de Chatillon à la reine d'Angleterre.—Discussion dans le conseil.—Divisions causées en Angleterre par ce projet.

Au Roy.

Sire, j'ay esté trouver la Royne d'Angleterre à Hamptoncourt le xıııȷe de ce mois, laquelle n'a failly de me demander incontinent quelles nouvelles j'avois de Vostre Majesté, et comme vous vous trouviez en mariage. A quoy je luy ay respondu que vous me commandiez de luy continuer encores le mesmes propos, que je luy avois desjà commancé, de vostre conjoyssance touchant la Royne; et que, si vous aviez receu ung singulier playsir de sa venue, il s'estoit despuys redoublé et devenu si grand, par les vertueuses et excellentes qualitez qui se trouvoient en elle, que vous en demeuriez le plus content prince de la terre; mesmes qu'elle se faisoit merveilleusement aymer et bien vouloir de la Royne, vostre mère, de Messieurs voz frères, de Mesdames voz sœurs, de Monsieur de Lorrayne et de toutz les princes et seigneurs de vostre court, et générallement de toute la France; ce que vous mettiez en compte d'une grand félicité; oultre que, à l'ocasion d'elle, les princes d'Allemaigne, (lesquelz je lui ay nommez, sellon le contenu de vostre lettre), s'estoient despuys, par leurs ambassadeurs, conjouys avec Vostre Majesté de ce que Dieu avoit en ce temps réuny et renouvellé le sang de l'ancienne alliance de la Germanye avec la France; et que, pour ceste occasion, ilz vous avoient envoyé offrir, et à Messeigneurs voz frères, toutz leurs moyens et forces pour vous en servyr, ainsy qu'il vous plairoit les employer, et que leurs dicts ambassadeurs n'avoient obmiz de se conjouyr pareillement de la paix de vostre royaulme, et de ce qu'ilz l'y avoient trouvée très bien establye, et vous avoient suplyé de l'y vouloir entretenir. Qui estoient choses qui vous avoient apporté beaucoup de satisfaction; desquelles vous vouliez bien faire part à la dicte Dame, pour le playsir que vous estimiez qu'elle en recepvroit.

A quoy, par parolles fort expresses, elle m'a respondu qu'elle se sentoit grandement obligée à Vostre Majesté de la communication qu'il vous playsoit luy faire de ce propos, lequel elle réputoit très honnorable et vrayement digne d'estre tenu entre princes, qui avoient bonne et vraye amytié ensemble, comme elle vous suplyoit de croyre que, de son costé, elle la vous portoit entière et parfaicte, et de bien bonne sœur; et qu'à ceste occasion elle se resjouyssoit, non guières moins, du beau serain que Dieu monstroit meintennant en voz affères, après tant de divers orages que vous y aviez souffertz, que si c'estoit pour elles mesmes, car aussi pensoit elle y participer. Et a suyvy à parler de ceste ambassade d'Allemaigne comme d'une chose qu'elle réputoit authoriser bien fort vostre grandeur: et puys est retournée à ce qu'elle avoit entendu de la louable et vrayment royalle norriture de la Royne; chose que je luy ay asseurée qui demeuroit très confirmée par les exemples qu'elle en monstroit, et que, non moins par effect que en tiltre, elle estoit Royne Très Chrestienne et Très Dévotte, et au reste tant de bonne grâce, doubce et débonnaire, et sans cérémonye, que Vostre Majesté n'avoit nul plus grand playsir que d'estre, jour et nuict, en sa compaignye.

A quoy elle m'a respondu que la recordation des amours du père et grand père luy faisoient ung peu craindre que vous les vouldriez imiter, et m'a révellé ung secrect de Vostre Majesté, lequel je confesse, Sire, que je n'avois pas sceu; et que néantmoins si vous continuez de rendre ainsi vostre parolle certayne et véritable, et estre bon mary, comme vous en avez desjà la réputation, qu'elle ne faict doubte que vostre règne n'en soit très heureux et éloigné de ces inconvénians et disgrâces, qui ont accoutumé de venir aux princes qui ne tiennent leur parolle, et à ceulx qui ne gardent leur loyaulté. Et a continué ce propos et plusieurs aultres, en termes bien fort honnorables de Voz trois Majestez très Chrestiennes et de Monseigneur vostre frère; lesquelz j'ay suyviz sans rien obmettre de ce que j'ay estimé convenir à vostre honneur et grandeur.

Et pour la fin, je luy ay faict voir vostre lettre, qui portoit sa satisfaction, laquelle elle a entièrement leue, et n'y a heu nulle partie qu'elle n'ayt bien considéré, et où elle ne se soit arrestée pour m'y faire de fort bonnes responces; lesquelles, en somme, sont: qu'elle remercye Dieu que Vostre Majesté commance de cognoistre son intention, laquelle elle peult jurer n'avoir jamais esté de vous vouloir offancer ny nuyre; ains d'avoir toutjours désiré la conservation de vostre authorité et l'establyssement de vostre grandeur comme d'elle mesmes; et que son malcontantement est seulement procédé de ce qu'elle ne s'est trouvée si aymée et bien vollue de Vostre Majesté comme elle pensoit le mériter, et qu'elle n'advouera jamais, quant bien on la mettroit sur la roue, qu'elle n'ayt heu occasoin de se douloir; mais la satisfaction en est meintenant si ample qu'elle vous en doibt de retour beaucoup de grandz mercys, et ne vouldroit n'avoir esté offancée; qu'elle vous remercye bien grandement du compte que vous voulez tenir de son parant, lequel elle a desjà dépesché pour se trouver à vostre entrée; (et le comte de Lecestre aussi a faict harnacher les haquenées, qui s'aschemineront devant;) et que ce luy est ung singulier playsir, que vous veuillez bien recepvoir son nouveau ambassadeur; que quant à celluy qui s'en retourne elle vous prie de croyre qu'il a faict toutjours toutz les meilleurs offices, pour l'entretennement de l'amytié, qu'il est possible, et qu'il en sera pour ceste occasion mieulx receu d'elle à son retour; qu'au surplus elle vous veult asseurer de la convalescence et bonne santé de la Royne d'Escosse, et que desjà elle a donné audience à ses depputez, avec lesquelz elle procèdera à faire le traicté aussitost que ceux de l'aultre party seront arrivez, qui sera dans huict ou dix jours au plus loing; et qu'il luy tarde, plus qu'à nulle personne qui vive, que cest affaire soit bientost accommodé.

Lesquelles siennes responces, Sire, j'ay miz peyne de luy gratiffier le plus que j'ay peu au nom de Vostre Majesté, et me suys ainsy licentié d'elle bien fort gracieusement. Et parce que j'ay trouvé une conformité de tout ce dessus en ceulx de son conseil, je ne puys sinon bien juger de la présente intention d'elle et d'eulx envers Vostre Majesté; et néantmoins cella sera cause que j'observeray de plus prez toutes choses pour voir si, soubz ceste apparance, il y auroit quelque chose de caché, qui soit contre vostre service; car, à ce que j'entendz, le mesmes comte de Lenoz, celluy de Morthon, et le lair de Glannes, viennent pour se trouver au traicté.

Au regard des différandz des Pays Bas, il n'en est rien venu par le dernier courrier, dont ceulx cy ne sont contantz, sinon qu'on a escript que le duc d'Alve n'a encores rien respondu au depputé d'Angleterre sur sa dernière proposition, parce qu'on pense qu'il est attendant sur icelle quelque ordre d'Espaigne. Sur ce, etc.,

Ce xvııȷe jour de janvier 1571.

Présentement l'on me vient de donner adviz que les Gueux ont recommancé la guerre en Flandres; ce qui feroit prendre assés de nouveaulx desseings à ceulx cy. Le Sr Guilhaume Lesley, bon subject de la Royne d'Escosse, parant de l'évesque de Roz, est venu avec les depputez de la dicte Dame; il estime avoir de bonnes intelligences icy, et se dict très dévot au service de Vostre Majesté.

A la Royne.

(Lettre à part.)

Madame, avant que monsieur le comte de Lestre me menât, dimanche dernier, en la présence de la Royne d'Angleterre, il m'entretint quelque temps sur le faict de la petite lettre, et je me plaigniz à luy qu'il estoit desjà trop divulgué, ce qu'il m'asseura n'estre procédé de la court, ains de ce qu'on voyoit n'y avoir rien de plus convenable; et, par ainsy, ung chacun en parloit; dont il vouloit sonder, à la vérité, l'intention de la dicte Dame et de ceulx de son conseil, affin de dresser, puys après, l'affaire en si bonne sorte que, s'il venoit à succéder, ou bien qu'il demeurast sans effect, il n'eust à raporter sinon contantement à chacun des costez; et qu'il me voulloit dire tout librement, que la dicte Dame ne s'estoit jamais monstrée disposée à prendre party, comme elle faisoit meintenant, par ce, possible, qu'elle s'y voyoit contraincte, pour les nécessitez de son royaulme; et que sur les privez propos, qu'il luy en avoit tenuz, elle n'avoit rien objecté que l'eage; à quoy il avoit respondu qu'il ne layssoit pourtant d'estre desjà homme: «Mais aussi, respondit elle, ne laisseroit il d'estre toutjour plus jeune que moy.»—«Tant mieulx sera ce pour vous,» avoit il respondu, en ryant. Et me pria le dict comte d'en toucher quelque mot à la dicte Dame, laquelle, à la vérité, a prins de fort bonne part toutz les motz que je luy ay proposez aprochans de cella; car je ne luy en ay poinct touché de plus exprès que de luy avoyr dict, sur le contantement que le Roy avoit de vivre en grand amytié et privaulté avecques la Royne, que je conseillerois à une princesse, qui vouldroit rencontrer un très parfaict et accomply bonheur de mariage, d'en prendre de la mayson de France.—A quoy elle m'a respondu que madame d'Estampes et madame de Vallantinois luy faisoient encores peur, et qu'elle ne vouldroit un mary qui ne l'honnorast seulement que pour Royne, s'il ne l'aymoit aussi pour femme.—A quoy j'ay réplicqué que celluy, dont j'entendois parler, entre les exellantes qualitez, dont il abondoit aultant que nul prince de la terre, il avoit celle péculière qu'il sçavoit extrêmement bien aymer, et se randre de mesmes parfaitement aymable.—«A la vérité, m'a elle respondu, il a tant de perfections en luy qu'on n'en ouyt jamais parler qu'avec grand louange.» Et, peu après que je fuz party d'avec la dicte Dame, Mr le cardinal de Chastillon vint parler longtemps à elle, dont je n'ay sceu ce qu'il luy dict; car, ny auparavant, ny despuys, nous n'avons conféré ensemble: mais voycy madame ce que j'ay aprins d'ailleurs et de fort bon lieu:

Qu'après qu'il fût retiré, la dicte Dame assembla ceulx de son conseil pour leur dire que le dict sieur cardinal luy avoit demandé trois choses: l'une, si elle estoit point libre de toute promesse pour se pouvoir maryer où elle vouldroit; l'aultre, si elle en vouloit prandre de ceulx de son royaulme ou bien ung estrangier; et la troisiesme que, au cas que ce fût ung estrangier, si elle vouldroit point accepter Monsieur, frère du Roy; et qu'elle luy avoit respondu qu'elle estoit libre, qu'elle ne vouloit point espouser de ses subjectz, et qu'elle vouloit de bon cueur entendre au party de Monsieur avec les condicions qui se pourront adviser. Sur quoy le dict sieur cardinal luy avoit dict qu'il avoit donques charge de luy en parler, et luy avoit présenté à cest effect une lettre de créance du Roy, et l'avoit priée que, de tant que l'affaire estoit de grande conséquence au monde, qu'elle le vollust communiquer à son conseil, premier que passer oultre; de quoy elle leur vouloit bien dire qu'elle n'avoit trouvé cella bon, et luy avoit respondu qu'elle estoit Royne Souverayne, qui ne deppendoit de ceulx de son conseil, ains eulx toutz d'elle, comme ayant leurs vies et leurs testes en sa main, et qu'ilz n'auseroient faire que ce qu'elle vouldroit; mais, de tant qu'il luy avoit représanté les inconvéniantz, qui avoient cuydé survenir à la feu Royne, sa sœur, d'avoir vollu tretter son mariage avec le Roy d'Espaigne sans ceulx de son conseil, elle luy avoit promiz de le leur proposer; dont vouloit que eulx toutz luy en donnassent promptement leur adviz.

Sur quoy, iceulx du dict conseil bayssans la teste, n'en y eust pas ung qui respondit ung seul mot, parce que le propos estoit nouveau à la pluspart d'eulx, sinon, au bout de pièce, ung des principaulx s'advancea de dire que Monsieur sembloit estre bien jeune pour la dicte Dame:—«Commant, respondit elle, prenant le mot en aultre sens, suys je pas encores pour luy satisfaire.» Et puys, suyvit à dire que le dict sieur cardinal, oultre la lettre de créance, avoit des articles à proposer, sur lesquelz elle estimoit estre bon de l'ouyr pour voir si les condicions pourroient estre acceptées; ce que ung chacun aprouva. Et pour lors, n'y eust rien davantaige sinon que, le lendemain, Dupin et le ministre du dict sieur cardinal furent là dessus en privée conférance plus de trois heures avec le secrétaire Cecille.

Duquel propos l'on me vouloit bien advertyr qu'il commançoit à courir une merveilleuse contention dans ce royaulme sellon les parciallitez de Bourgoigne, et sellon celles de la religion, et que aulcuns estimoient que la dicte Dame ne se servoit d'icelluy sinon pour la commodité de ses affaires, sans qu'elle eust aucune affection de se maryer; et, par ainsy, que je prinse garde que le Roy ne fût trompé et moqué. Et d'aultres, qui sont bien affectionnez au Roy, et portent le faict de la Royne d'Escosse, et mesmes les seigneurs catholiques, m'ont mandé qu'ilz demeuroient fort escandalizez que cest affaire se menast par le dict sieur cardinal, et qu'ilz voyoient bien que c'estoit plus pour accommoder le faict de ceulx de la Rochelle, que non celluy d'entre ces deulx royaulmes, à l'intérest des catholiques; dont ilz vouloient penser à leurs affaires, me priantz seulement de leur vouloir estre toutjours tel comme je sçavois qu'ils s'estoient, en temps et lieu, monstrez bons amys et serviteurs du Roy; et se sont esforcez de m'imprimer une grand jalouzie de ce que je n'estois participant de ce propos.

Sur quoy, pour leur faire prendre bonne espérance et les retenir toutjour en la dévotion, qu'ilz ont esté jusques icy vers Voz Majestez, et pour descouvrir plus avant toutes choses par leur moyen, je leur ay mandé que j'avois esté toutjours réputé si fidelle à vostre service, et si loyal à voz intentions, que si cest affaire estoit en telz termes qu'ilz dizoient, il ne passeroit guières que Voz Majestez ne m'en fissent entendre leur intention, et que la conclusion ne se feroit sans que je y fusse employé; dont je les asseurois que Voz dictes Majestez ne consentyroient jamais le passaige de Monsieur en ce royaulme, sans qu'il eust bonne intelligence avec eulx, et sans que les affaires de la Royne d'Escosse, et les leurs, n'en demeurassent bien accommodez, et que de cella vous leur en donriez la main et vostre promesse; chose, Madame, que, comme elle semble nécessaire et fort importante pour bien asseurer le négoce, ainsy est il requis qu'elle soit tenue fort secrecte et menée bien dextrement.

Il est venu quelque sentyment de ce party à la notice de l'ambassadeur d'Espaigne, et de celluy, qui est agent icy pour le Pape, dont en ont escript chauldement dellà la mer. Je sçay aussi que l'évesque de Roz en a escript à Mr le cardinal de Lorrayne, dont ne luy fauldra dényer le faict, s'il vous en parle, mais luy donner meilleure espérance par là des affaires de la Royne d'Escosse que jamais. Le Sr Cavalcanty a grand désir de passer en France pour servyr d'un tiers neutre à mouvoir ce propos entre Vostre Majesté et milord de Boucard, parce qu'il estime ne se pouvoir avec dignité entamer par l'ung ny l'aultre party, sans ung tel moyen; et sur ce, etc.

Ce xvııȷe jour de janvier 1571.

Il semble fort requis que Vostre Majesté ne se haste de dépescher message ny ambassade par deçà sans voir que l'affaire soit comme tout asseuré.

CLVIe DÉPESCHE

—du XXIIIe jour de janvier 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)

Retour d'Élisabeth à Londres après la cessation de la peste.—Affaires d'Écosse.—Audience.—Plainte de la reine au sujet de la descente d'un parti de Français en Irlande.—Avis donné par elle d'une levée qui se prépare en Allemagne.—Son désir de voir la réunion des églises proposée par le roi.—Négociation des Pays-Bas.—Lettre secrète à la reine-mère. Conférence de l'ambassadeur avec le cardinal de Chatillon sur le projet de mariage du duc d'Anjou.—Avis sur l'entreprise faite en Irlande par des Bretons.

Au Roy.

Sire, ceulx de ceste ville de Londres ont monstré beaucoup de resjouyssance à la venue de leur Royne, laquelle, pour cause de la peste, n'y avoit esté, il y a deux ans. Elle va aujourduy veoir ung bastyment nouveau qu'on y a édiffié, fort commode, et de grand ornement, affin de luy donner le nom; qui, jusques à ceste heure, a esté appellé par provision la Bource. Le festin luy est préparé en la maison de maistre Grassein. L'on dict qu'après demain elle descendra à Grenwich pour y passer le reste de l'yver, où se dresse desjà le lieu pour faire ung tournoy à ce caresme prenant; duquel le comte d'Oxfort et sire Charles Havard doivent estre les tenans.

Les affaires de la Royne d'Escosse demeurent toutjour en bonne disposition, attendant l'arrivée des depputez de l'aultre party, lesquelz, parce que j'avois incisté qu'on ne les debvoit attandre, le secrétaire Cecille m'a opiniastrément débattu que l'honneur de sa Mestresse n'estoit de procéder sans eulx, mais, que je ne fisse nul doubte que les choses n'allassent bien; et encores que, despuys quatre jours aulcuns de ce conseil se soient plainctz à l'évesque de Roz d'une entreprinse, qu'on a vollu faire en Escosse, pour tuer le comte de Lenoz; et de ce qu'ilz ont entendu qu'on fornyst de l'argent dellà la mer aulx rebelles d'Angleterre, ilz n'ont guières répliqué à ce qu'il leur a respondu, qu'il estoit esbahy comme le dict de Lenoz duroit tant au dict pays, veu les viollances et désordres qu'il y faisoit; et, quant aux fugitifs d'Angleterre, qu'il croyoit que rien ne leur manqueroit, mais que ce n'estoit de sa Mestresse qu'ilz estoient secouruz, parce qu'elle n'avoit de quoy le faire.

Et hyer, la Royne d'Angleterre, m'ayant envoyé quéryr, me dict que, si l'on faisoit nul oultrage au dict de Lenoz, qu'elle ne procèderoit aulcunement au dict tretté; dont j'ay conformé ma responce à celle du dict sieur évesque de Roz, adjouxtant que rien n'en debvoit estre imputé à la Royne d'Escosse, parce qu'elle n'en pouvoit mais, et que mesmes l'on avoit de sa part desjà dépesché ung gentilhomme en Escosse pour obvier à cest inconvénient.

Et suyvyt la dicte Royne d'Angleterre à me dire que la principalle occasion, pour laquelle elle m'avoit prié de venir, estoit pour me communiquer ung adviz par escript, qu'on luy avoit envoyé d'Irlande, lequel elle me prioit de faire tenir à Vostre Majesté; et que, pour ne faire voir au monde que les armes fussent prinses entre les Françoys et les Anglois, et ne rompre aulcunement la paix avec la France, elle avoit faict gracieusement remonstrer au capitaine La Roche et à ceulx, qui sont avec luy en Irlande, de se retirer; ce que, trois moys a, ilz avoient promis de faire; mais monstrans à ceste heure qu'ilz ont une aultre dellibération, elle vous en vouloit bien advertyr, affin qu'il vous pleust, Sire, y pourvoir sellon que les bons trettez de paix, qui sont entre Voz Majestez, le pouvoient requérir.

J'ai respondu que ce propos m'estoit nouveau, comme celluy, duquel je n'avois cy devant ouy parler, et que je le vous représanterois le mieulx que je pourrois, avec l'exprétion des mesmes parolles, et de l'intention, que j'avois cognue en elle, de vouloir évitter toute occasion de différand avec Vostre Majesté; et luy en ferois tenir vostre responce, aussitost que je l'aurois receue.

Et s'exaspéra bien fort la dicte Dame contre celluy Fitz Maurice, qui est en Bretaigne, disant que luy et son père avoient usurpé, comme traystres, le tiltre du comte d'Esmont, bien que le vray comte soit encore vivant en ce royaulme.

Après ce propos, il en succéda ung aultre, par lequel nous vinsmes à parler des aprestz d'Allemaigne, qui seroient longs à mettre icy, mais je prins par là occasion de demander tout librement à la dicte Dame si elle entendoit qu'il y eust rien de dressé contre Vostre Majesté, ny contre vostre royaume, ainsi que, d'aultre fois, elle vous avoit bien faict ce bon tour, de vous en réveller quelque chose par moy.

Elle me respondit qu'encores que ses intelligences n'estoient plus telles vers l'Allemaigne, ni avec l'Empereur, comme elles souloient, néantmoins elle y en avoit encores d'assés bonnes pour pouvoir asseurer Vostre Majesté qu'il s'y préparoit une levée; laquelle elle ne sçavoit encores si viendroit à effect, mais croyoit que ce n'estoit pour vous nuyre, car elle le vous diroit, et y opposeroit le crédit qu'elle y pourroit avoir, mais c'estoit en faveur du prince d'Orange; et qu'elle estoit fort marrye qu'on poursuyvît ainsy les affaires de la religion par les armes, de quoy ne pouvoit revenir, à la fin, que une grande ruyne à la Chrestienté; et qu'elle me prioit de vous exorter, Sire, qu'avec la bonne intelligence, qu'avez meintenant avec l'Empereur, vostre beau père, avec lequel elle continuoit aussi toutjour une bien fort estroicte amytié, et avoit naguières receu de ses lettres, il vous pleust, à ceste heure, mettre en avant quelque favorable moyen d'accord et de réunyon en l'esglize; et que, de sa part, elle vous y assisteroit, et ne s'y monstreroit aulcunement opiniastre.

Je luy louay grandement cestuy sien très vertueux desir, et, sans toutesfois accepter ny reffuzer aussi d'en faire rien entendre à Vostre Majesté, affin que vostre intention en cella soit réservée au temps et moment qu'il vous semblera bon de la manifester; je la priay seulement, en ryant, qu'elle ne vollust observer l'extrémité de ne concéder aulx Catholiques l'exercice de leur religion en Angleterre, comme il n'en estoit permis pas ung aulx Protestans en Espaigne, ny en Flandres, et qu'elle suyvist l'exemple de Vostre Majesté, qui estiez au milieu, qui avez permiz le cours des deux en vostre royaulme.

Elle respondit que les Catholiques ne se pouvoient pas beaucoup plaindre d'elle, et qu'elle cognoissoit le Roy d'Espaigne d'ung si bon naturel qu'il ne vouldroit aussi retenir la Chrestienté en ce dangereux suspend, où elle est, s'il y ozoit procurer les remèdes, mais que les passionnez l'en empeschoient, lesquelz elle vouldroit qui en sentissent seulz le mal.

Et se continua assés longtemps ce propos entre la dicte Dame et moy, au millieu duquel, me venant à toucher des différans, qu'elle accusoit le duc d'Alve luy avoir succité avec le Roy son Maistre, me dict que je serois tout esbahy si je sçavois quelles choses le dict duc, despuys ung mois, avait vollu tretter avec elle, au préjudice de ses voysins, ce qu'elle réservoit à une aultre foys, et que néantmoins c'estoit une parenthèse digne de noter.

Or, Sire, touchant les dicts différans, le depputé d'Angleterre, qui est aulx Pays Bas, a escript, ceste foys, à la dicte Dame qu'il avoit présenté à icelluy duc les derniers articles, qu'elle luy avoit envoyez; qui les avoit cognuz si raysonnables que, ne luy restant plus que contredire pourquoy il ne les deubt accepter, il avoit respondu qu'il y vouloit penser: et ainsy le faict en demeure là, qui se conforme assés à ce que Vostre Majesté m'en a mandé, en chiffre, par ses dernières du ııȷe du présent, que j'ay bien notté. Et sur ce, etc. Ce xxııȷe jour de janvier 1571.

A la Royne.

(Lettre à part.)

Madame, s'estant Mr le cardinal de Chatillon, jeudy dernier, convyé à disner en mon logis, il m'a compté la favorable expédition, qu'il a obtenue de Voz Majestez, sur le recouvrement de ses biens, et comme il s'en est venu conjouyr avec la Royne d'Angleterre; et puys m'a parlé du faict de la petite lettre en bien fort bonne sorte, et que ce dont je m'estois plainct au comte de Lestre, que le propos en estoit trop divulgué, n'estoit procédé d'ailleurs que du peu de discrétion, que le vydame y avoit tenu, qui en avoit parlé et escript icy et en France à trop de gens, et que, de sa part, il n'en avoit jamais faict rien sçavoir qu'à Voz Majestez; desquelles, après qu'il avoit heu responce, il y avoit procédé le plus secrectement qu'il avoit peu; et que les choses en estoient en assés bons termes, et ceux du conseil en beaucoup de diverses opinions là dessus entre eulx, mais qu'il n'y avoit encores rien de conclud. Sur quoy luy ayant aprouvé grandement son intention et les sages moyens, qu'il tenoit, pour la bien conduyre, je l'ay sondé de plusieurs endroictz pour voir s'il y avoit nulle aultre fin et prétention en luy que celle qu'il monstroit en aparance; mais toutz ses propos sont revenuz à la considération de la grandeur que ce seroit pour Monsieur, et combien elle accroistroit celle du Roy et de sa couronne, et ravalleroit d'aultant celle d'Espaigne; ne me touchant toutesfois tant de particullaritez de l'affaire comme j'en sçavois, et comme je vous en ay desjà escript; dont j'ai fait semblant d'en sçavoir encores moins, attendant si Vostre Majesté (pour y procéder avec plus de lumyère, par les adviz que pourrons avoir de divers lieux) trouvera bon que nous nous communiquons secrectement l'ung à l'aultre, car je croy bien que les Protestans reçoipvent mieulx ce propos, venant du dict sieur cardinal que ne feroient de moy. Et il y va, à mon opinion, d'une droicte et bien bonne vollonté.

Les Catholiques, qui sont la partie la plus grande, plus noble et plus forte, et où y a plus d'asseurance, le tiennent fort suspect, et vouldroient avoir quelque asseurance de Voz Majestez par mon moyen. La dicte Dame nous oyt fort bien, et avec grande affection, l'ung et l'aultre, dont Vostre Majesté me commandera comme j'en auray à uzer; et seulement vous suplie très humblement, Madame, de réserver, entre le Roy et Vous, et Monsieur, ce que je vous ay escript par ma petite lettre de devant ceste cy, et ce que, cy après, je vous pourray escripre ou mander des propos, que la dicte Dame tiendra en privé, ou avec ceulx de son conseil, sans qu'il se puysse jamais cognoistre qu'ilz vous viennent de moy. J'ay dict à Mr le cardinal que si le propos alloit en avant, qu'il estoit bien besoing de le conduyre à ce poinct qu'on ne s'advançât de le publier, ny de faire aulcune ouverte démonstration, du costé de Voz Majestez, d'y vouloir entendre, jusques à ce qu'on le vît tout conclud et bien arresté; car, puys après, l'on y adjouxteroit bien toutz les honnorables actes et respectz, qu'on vouldroit; et que surtout il n'y fût usé de longueur ny de remises. A quoy il m'a respondu que, le lendemain, il estoit convyé en court et qu'il verroit ce qu'il y pourroit advancer.

J'ay sceu, Madame, que, pendant que nous estions ensemble, la Royne d'Angleterre estoit enfermée avec ceulx de son conseil pour prandre résolution de ce qu'elle debvoit respondre au dict sieur cardinal, et qu'elle a la matière si à cueur qu'elle ne prend playsir de parler, ny ouyr parler, d'aultre chose; et, de ma part, Madame, tant plus je considère le party, plus il me semble estre grand, honnorable et advantageux pour le Roy, et pour Monsieur; dont je ne desire sinon qu'il soit exempt de tromperie, comme je prendray bien garde, du plus prez qu'il me sera possible, qu'il n'y en ayt point, et que Dieu le veuille bien achever. Et sur ce, etc. Ce xxııȷe jour de janvier 1571.

Millord de Boucard est bien fort affectionné à ce propos, et desire y estre employé. Sa Mestresse luy a dict qu'elle réserve de lui bailler son instruction à l'heure qu'il partyra. J'entendz que le comte de Lestre, si cella va en avant, est desjà désigné à passer en France pour l'aller conclurre. Je suys convyé aujourduy avecques la Royne; sur ceste bonne occasion, je notteray ce qu'elle me dira.

ADVIZ SUR LES CHOSES D'IRLANDE:

Que on auroit suborné certaines gens pour pratiquer et suciter une rébellion en Yrlande, dont ung d'eulx se nomme de La Roche, gouverneur de Morlays en la Basse Bretaigne, qui s'en est allé là, avecques quatre navyres, pour se randre en l'endroict où le comte de Desmond se tenoit, et qu'il s'en est retourné de là et a admené avecques luy ung gentilhomme, nommé Fitz Maurice, qui, pour le présent, se tient secrectement en la Basse Bretaigne, et sollicite d'avoir des forces pour les mener ce printemps en Yrlande.

Que le capitaine de Brest auroit prins ung fort, nommé d'Ingin, et une petite isle, non guières loing de là, en Yrlande.

CLVIIe DÉPESCHE

—du dernier jour de janvier 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Monyer.)

Réjouissances faites à Londres pour célébrer la rentrée d'Élisabeth.—Conversation de la reine et de l'ambassadeur au sujet de cette fête.—Affaires d'Écosse.—État de la négociation des Pays-Bas.—Nouvelles d'Allemagne et d'Espagne.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Anjou.

Au Roy.

Sire, le jour que j'ay esté convyé, pour accompaigner la Royne d'Angleterre au festin de la Bource, n'a esté guières moins solemnel en Londres, que celluy du couronnement de la dicte Dame, car on l'y a receue avec concours de peuple, les rues tandues, et chacun en ordre et en son rang, comme si ce eust esté sa première entrée; et elle a heu grand playsir que j'y aye assisté, parce qu'il s'y est monstré plus de grandeur, ainsy soubdain, que si la chose eust esté préméditée de longtemps; et n'a obmiz la dicte Dame de me faire remarquer l'affection et dévotion qui s'est veue en ce grand peuple; lequel, despuys le matin jusques à l'heure qu'ayant donné le nouveau nom de Change Real à la Bource, elle s'est vollue retirer, envyron les huict heures de nuict, il ne s'est lassé d'estre par les rues, les ungs en leur rang, les aultres à la foule, avec force torches, pour l'honnorer, et luy faire mille acclamations de joye, chose qu'elle m'a demandée si, au petit pied, ne me faisoit pas souvenir des resjouyssances, qu'on faisoit à Paris, quant Vostre Majesté y arrivoit; et qu'elle me confessoit tout librement qu'il luy faisoit grand bien au cueur de se veoir ainsy aymée et desirée de ses subjectz, lesquelz elle sçavoit n'avoir nul plus grand regrect que, la cognoissant mortelle, ilz ne voyoient nul certain successeur, yssu d'elle, pour régner sur eulx, après sa mort; et que la France estoit très heureuse de cognoistre ses Roys, et ceulx qui, par ordre, debvoient, les ungs après les aultres, succéder à la couronne.

J'ay respondu, le plus au contentement et satisfaction de la dicte Dame, à toutz ses propos, qu'il m'a esté possible, louant beaucoup ce que je voyois de sa grandeur, qui estoit à priser, sans rabattre néantmoins rien de ce qu'on sçait assés estre de plus en la vostre; et qu'au reste, il me sembloit qu'elle auroit bien à faire à s'excuser envers Dieu et le monde, si elle frustroit ses subjectz de la belle postérité, qu'elle leur pouvoit bailler, et qu'ilz attandoient d'elle pour les gouverner; qui a esté ung article, sur lequel elle s'est prinse à discourir plusieurs aultres choses, avec playsir et avec modestie, lesquelles je vous puys asseurer, Sire, que ne se sont passées sans qu'elle ayt monstré, en plusieurs endroictz, de vouloir persévérer en grande amytié avec Vostre Majesté; et, le soir mesmes, la résolution du voyage de milord Boucard a esté du tout prinse, luy commandant la dicte Dame ne faillyr d'estre prest à partir demain, qui est le premier jour de febvrier, ainsy qu'il faict.

Or, Sire, nonobstant l'acclamation du peuple, la dicte Dame et ceulx de son conseil ne layssent de craindre la division et sublévation du pays: car ayans les filz du comte Dherby essayé d'obtenir leur congé pour retourner vers leur père, il leur a esté dict qu'ilz n'en parlassent poinct, s'ilz n'en vouloient estre du tout reffuzez, jusques à ce que les affaires de la Royne d'Escosse fussent accommodez, qui monstre que, par iceulx, ilz entendent acquiéter les leurs. Et le semblable a esté dict au duc de Norfolc, de ne presser sa plus ample liberté, jusques à ce qu'il ayt esté ordonné de celle de la Royne d'Escosse et de sa restitution, de laquelle l'on nous faict toutjour espérer de bien en mieulx; et qu'il n'y a retardement que de ces depputez de l'aultre party, desquelz le comte de Lenoz a, de rechef, escript qu'ilz estoient partys, et qu'il avoit surciz la tenue du parlement, ainsy que la Royne d'Angleterre le luy avoit mandé, pour remettre toutes choses à ce qui seroit ordonné par le tretté.

Hyer, on tenoit en ceste court la pratique des différans de Flandres pour toute désacordée, non sans beaucoup d'indignation contre le duc d'Alve et contre l'ambassadeur d'Espaigne; mais, ce matin, par aulcunes lettres d'Envers, s'est entendu que le dict duc avoit condescendu à la pluspart des choses, que le depputé de Londres avoit desirées; et que le Sr Thomas Fiesque seroit en brief par deçà pour entièrement les conclurre. Je ne sçay s'il est ainsy, ou si c'est artiffice: tant y a que cella ne pourra estre que pour le regard des merchandises; car, quant à l'entrecours et commerce, j'entendz qu'il n'en est, pour encores, faict aulcune mencion.

Il est nouvelle icy que le duc de Sualsambourg a quatre mille chevaulx et six mil hommes de pied ez environs d'Hembourg, et que c'est en faveur du roy de Dannemarc, pour se rescentir d'aulcuns mauvais déportemens, que icelle ville a uzé contre luy, durant la guerre contre le roy de Suède, et m'a dict l'ambassadeur d'Espaigne que le duc d'Alve est très bien adverty que ce n'est à aultres fins que pour branqueter la dicte ville; et que ce que le comte de Vuandeberg a aussi entreprins, de retourner en quelcune de ses terres en Frize, n'a esté qu'une légière course, laquelle ne luy a bien réuscy; et que le dict duc craint si peu, pour ceste année, les mouvemens d'Allemaigne, qu'il renvoye une partie de sa cavallerie au secours des Vénitiens contre le Turq, estimant qu'il n'eust peu rien succéder plus à propos pour le repos de la Chrestienté que la mort soubdainement advenue du duc Auguste[25]. Néantmoins il m'a confessé que, pour quelque souspeçon de guerre aulx Pays Bas, le dict duc ne parloit plus de s'en retourner en Espaigne, et que le propos du duc de Medina Cœli estoit réfroydy, s'estans desjà expédiez les princes de Bohesme de Leurs Majestez Catholiques pour s'en retourner par Gennes en Allemaigne, sans qu'il fût nouvelles que le dict duc les accompaignât; qu'au reste toutz les articles de la ligue contre le Turc estoient accordez; ne restoit plus que celluy de la création du lieuctenant de général: que le Pape vouloit que ce fût Marc Anthonio Collonna, et le Roy d'Espaigne, puisque dom Joan d'Austria estoit le général, desiroit que le commandador major de Castille ou bien Joan André Doria eussent à commander soubz luy. Sur ce, etc. Ce xxxıe jour de janvier 1571.

A la Royne.

(Lettre à part.)

Madame, estant en ce festin, où j'ay esté convyé pour accompaigner la Royne d'Angleterre, le xxııȷe de ce mois, elle a prins playsir de deviser l'après dinée, fort longtemps avecques moy; et, entre aultres choses, elle m'a dict qu'elle estoit résolue de se maryer, non tant pour ne s'en sçavoir passer, (car elle en avoit assés faict de preuve), comme pour satisfaire à ses subjectz; et aussi pour obvier, par l'authorité d'ung mary, ou par la nayssance de quelque lignée, s'il playsoit à Dieu luy en donner, aux entreprinses qu'elle sentoit bien qu'on feroit contre elle, et sur son estat, si elle devenoit si vieille qu'il n'y eust plus lieu de prendre party, ny espérance qu'elle deubt avoir d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement de n'estre bien aymée de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy seroit ung second inconvénient plus dur que le premier, car elle en mourroit plustost; et que, pourtant, elle y vouloit bien regarder.

Je luy ay respondu que à si prudentes considérations et si vrayes, comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, sinon qu'elle pouvoit, dans ung an, avoir bien pourveu à tout cella, si, avant les prochaines Pasques, elle se maryoit à quelque prince royal, dont l'ellection s'en pourroit aiséement faire; et j'en cognoissoys ung qui estoit nay à tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter qu'elle n'en fût fort honnorée et singulièrement bien aymée, et dont j'espèrerois qu'au bout de neuf mois après, elle se trouveroit mère d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant très heureuse de mary et de lignée, elle amortyroit, par mesmes moyen, toutes les malles entreprinses qui se pourroient jamais dresser contre elle.

Ce qu'elle a aprouvé bien fort, et à suivy le propos assés longtemps, avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; et estoit Mr le cardinal de Chatillon au mesmes festin, auquel elle n'a point parlé à part; mais, le lendemain, il a demandé audience, et a esté quelque temps avec elle; puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il partoit le lendemain pour Canturbery, et m'a compté l'estat où il layssoit l'affaire, qui luy sembloit estre en termes d'y pouvoir commancer quelque fondement, mais non qu'il y en vît encores nul pour s'y debvoir arrester; dont dépescheroit Dupin pour le vous aller représanter tel qu'il estoit, affin que Vostre Majesté, sellon sa prudence, nous vollût commander, à luy et à moy, ce que nous aurions à faire.

Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses de sa négociation, pour luy donner plus grand lumyère comme elle estoit receue, et avons advisé d'user de bonne intelligence ensemble, mais secrectement, affin d'obvier aulx soupeçons de ceste court, qui bientost seroient si grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et n'ay point faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majesté m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donné les premiers adviz de ce qu'il en a proposé, m'ont adverty qu'à la vérité il n'a point monstré lettre de Voz Majestez, qui luy en donnast expresse commission; dont la dicte Dame s'estoit retirée, et avoit dict que, quant vous y vouldriez entendre, vous m'en commanderiez quelque chose, comme vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx là mesmes m'ont mandé qu'elle a parlé de ce faict à plusieurs des siens, à part l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil du duc de Norfolc, qui a respondu qu'il avoit esté le principal autheur d'induyre les Estatz de ce royaulme à la suplyer de se maryer, et de laysser à sa liberté de prendre le party que bon luy sembleroit: dont ne vouloit changer d'opinion; que quant à Monsieur, toutes choses estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux condicions, sur quoi le mariage se pourroit conclurre, qui fussent honnorables pour sa Mestresse et heurées pour son estat.

D'aultres m'ont mandé que les quatre principaulx, qui guydent les intentions de la dicte Dame, se sont assemblez pour résouldre qu'est ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je vous manderay bientost leur conseil, et vous adjouxteray cependant, Madame, cestuy cy du mien, qu'encor que ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens toutesfois esloignée du naturel de celles qui veulent monstrer de fouyr, lorsque plus elles sont recerchées; et ceste nation a aussi cella de péculier que, plus on desire quelque chose d'eulx, encor qu'à leur proffict, plus ilz la souspeçonnent; dont sera bon de ne descouvrir trop d'affection de vostre costé, Madame, jusques à ce qu'ilz se soyent layssez clairement entendre du leur. Je vous escripray bientost d'aultres choses plus importantes de ce propos par le Sr de Vassal, qui vous pourront assés esclayrer: et sur ce, etc. Ce xxxıe jour de janvier 1571.

CLVIIIe DÉPESCHE

—du VIe jour de febvrier 1571.—

(Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal.)

Négociation concernant Marie Stuart.—Congé accordé par la reine aux fils du comte de Dherby.—Concession faite par le pape au roi d'Espagne du royaume d'Irlande, sous la condition d'y rétablir la religion catholique.—Entreprise préparée par les Espagnols pour s'emparer de ce pays.—Lettre secrète à la reine-mère. Négociation du mariage du duc d'Anjou.—Mémoire. Nouvelles d'Allemagne.—Projet des protestans de faire une entreprise contre les Pays-Bas.—Affaires d'Écosse.—Mémoire secret. Détails circonstanciés et confidentiels sur la proposition de mariage du duc d'Anjou.

Au Roy.

Sire, s'estant la Royne d'Angleterre bien trouvée de sa santé en ceste ville de Londres, d'où le grand yver a chassé toute souspeçon de peste, elle s'est résolue d'y passer le reste du caresme prenant, et, à ceste cause, s'est allée loger en sa mayson de Ouesmestre, où l'on radresse les lisses pour le tournoy, dont je vous ay cy devant escript; ayant remiz la dicte Dame de ne descendre à Grenvich jusques à environ la my mars, que noz amys de ceste court nous donnent grand espérance que les affaires de la Royne d'Escosse seront, entre cy et là, accommodez, nonobstant les grandz empeschemens que les comte et comtesse de Lenoz s'esforcent d'y mettre; qui, despuys huict jours, ont donné entendre qu'il y avoit une entreprinse dressée en Escosse pour venir enlever la dicte Dame du lieu où elle est, et l'aller remettre par force en son estat. De quoy est advenu que le comte de Cherosbery l'a faicte despuis fort observer, et luy a usé ceste rigueur qui l'a faicte recheoir en fiebvre, mais l'on y a remédié le mieulx et par le plus sage moyen qu'on a peu. Les depputez de l'aultre party s'espèrent en ce lieu, dans cinq ou six jours, et n'est possible que plus tost qu'ilz arrivent nous puissions aulcunement advancer le tretté. Ceulx qui portent icy ce faict m'ont prié, Sire, de vous advertyr en dilligence que milord Boucard a commission expresse de vous en parler et de remander incontinent par deçà vostre responce, et tout ce qu'il aura pu noter de vostre intention en cella, affin que, sellon qu'il vous y aura cogneu ou remiz, ou affectionné, l'on procède icy ou froydement, ou bien avecques effect, au dict tretté; dont Vostre Majesté luy pourra user des mesmes parolles vertueuses et modestes qu'il a faict jusques icy, affin de consommer l'honnorable œuvre, qu'avez commancé, de la restitution de ceste princesse, qui touche assés à Vostre Majesté et à la réputation de vostre couronne; et aussi pour obvier aulx inconvéniens qu'à faulte de ce pourroient cy après survenir.

Les deux filz du comte Derby, nonobstant qu'on les ayt advertys de ne demander leur congé, n'ont layssé d'instantment le pourchasser; et leur est advenu ce qu'ilz avoient pansé, qu'on ne le leur auzeroit reffuzer, dont, après que la Royne leur a faict quelque réprimande, et les a heu admonestez de se mieulx déporter pour l'advenir, avec quelque difficulté de ne leur bailler sa main à bayser, elle les a licenciez.

Au surplus, Sire, aulcuns seigneurs catholiques de ce royaulme me viennent d'advertyr qu'ilz ont tout freschement receu nouvelles de Rome, comme le Roy d'Espaigne a envoyé proposer au Pape l'offre que Estuqueley luy a faicte du royaulme d'Yrlande, de la part de ceulx du pays, qui sont prestz de le recepvoir, et comme il n'y a vollu entendre, sans la concession de Sa Saincteté, comme de celluy, de qui relève, de droict, icelle couronne; et que Sa dicte Saincteté luy en a desjà envoyé son consens avec permission d'entreprendre, au nom de Dieu, ceste conqueste, en ce qu'il restablyra la religion catholique au dict pays; et que le dict Roy est dellibéré d'y faire descendre bientost, ou du costé d'Espaigne ou de Flandres, dix mil hommes. Je ne sçay encores si les dicts seigneurs catholiques ont encores descouvert rien de cecy à leur Royne; tant y a que je ne vois pas qu'il se face nul préparatif pour y résister: et l'ambassadeur d'Espaigne m'a curieusement enquiz comme il alloit de ces Brethons, qui estoient descenduz au dict pays, et en quoy en estoit la plaincte, que la Royne d'Angleterre m'en avoit faicte. A quoy je luy ay respondu, sellon l'intention que j'ay estimé qu'il me le demandoit. Et a l'on opinion, Sire, qu'affin que ceulx cy ne souspeçonnent rien de l'entreprinse, et qu'ilz ne preignent nulle deffiance du Roy d'Espaigne, le duc d'Alve les va entretenant d'ung grand artiffice sur l'accord des merchandises, lequel pourtant se monstre enveloupé chacun jour de nouvelles difficultez. Sur ce, etc.

Ce vıe jour de febvrier 1571.

A la Royne.

(Lettre à part.)

Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous escripviz, par ma précédante petite lettre, qui s'estoit assemblez pour dellibérer de ce qu'ilz avoient à conseiller à leur Mestresse touchant le party de Monseigneur vostre filz, le premier l'a plainement aprouvé comme très bon et très honnorable; le second l'a entièrement contradict, comme suspect à la religion protestante, plein de jalouzie aulx aultres princes, et très dangereux pour ce royaume; le tiers a assez suyvy ceste seconde opinion; et le quatriesme s'est joinct au premier, mais avec ung conseil assés dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en toutes sortes, suyvre le propos, car si leur Mestresse estoit résolue de se marier et de ne vouloir point des siens, il n'y avoit nul prince si commode au monde pour elle que Monsieur, et qu'il ne falloit doubter que le mariage ne s'en ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige d'elle et de son royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir, encores sçavoit il le moyen comme, avecques le mesmes honneur et advantaige, après qu'on se seroit servy du propos, l'on le pourroit rompre sans offancer Monsieur, qui n'en demeureroit que bien affectionné à la dicte Dame, mais que tout le mal gré en tumberoit sur le Roy, par ce qu'il n'auroit vollu accomplyr les condicions; et s'en engendreroit une division entre les deux frères, qui ne seroit que utille à l'Angleterre. Ce n'est pourtant, Madame, que celluy, qui a donné ce conseil, n'ayt bonne affection au party, mais il est anglois, et possible il a proposé cella, affin qu'il se trouve tant moins de contradisans au présent desir de la dicte Dame, laquelle monstre cercher bien fort qui le luy veuille aprouver; et c'est cependant un adviz à Vostre Majesté pour divertyr que tel inconveniant n'adviegne.

J'ay cerché de sçavoir qu'est ce qui avoit réussy du dict conseil, et aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien résoluz s'ilz debvoient trouver le dict party bon ou mauvais, m'ont mandé que toutes les parolles et démonstrations de la dicte Dame et des siens ne sont que simulation, affin de pouvoir bientost tenir ung parlement là dessus, et tirer de l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque réputation vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques à ce que l'on y voye quelque meilleur fondement; et que mesmes le comte de Lestre s'estoit de nouveau faict proposer à sa Mestresse par aulcuns des principaulx du conseil, qui avoit fort réfroydy le propos. D'aultres m'ont mandé que la dicte Dame persévéroit, et à bon esciant, et pour causes nécessaires, à se vouloir marier; et que, sur le partement de milord Boucard, entendant les diverses opinions que ceulx de son conseil avoient là dessus, elle les avoit assemblez pour leur dire, la larme à l'œil, que, si nul mal venoit à elle, à sa couronne et à ses subjectz, pour n'avoir espousé l'archiduc Charles, il debvoit estre imputé à eulx et non à elle; qui aussi estoient cause que le Roy d'Espaigne avoit esté offancé, et que le royaulme d'Escosse estoit en armes contre le sien, et qu'il n'avoit tenu aussi à eulx que le Roy n'eust esté beaucoup provoqué davantaige par leurs déportemens en faveur de ceulx de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez; dont les prioit très toutz de luy ayder meintenant à rabiller toutz les maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre ce party de Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais subject, et ennemy de ce royaulme et très déloyal à son service, qui aulcunement le luy traverseroit. Dont me vouloient bien asseurer que nulz, à présent, n'y ozoient plus contradire.

Je n'ay layssé, pour cella, de tenir fort suspect le comte de Lestre, à cause de l'adviz précédant, jusques à ce que luy mesmes, lundy dernier, s'est convyé à dyner en mon logis avec le marquis de Norampthon, le comte de Sussex, le comte de Betfort, milord Chamberlan, et aultres seigneurs de ceste court, tout exprès pour me venir compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secrétaire-Cecille qui ne veult en façon du monde que sa Mestresse ayt ny luy, ny nul aultre mary que soy mesmes, qui est roy plus qu'elle, l'avoient fort instantment sollicitée de vouloir accepter le dict comte de Lestre comme celluy qui seroit de très grande satisfaction à tout le royaulme, et qu'elle mesmes l'avoit pryé de les en remercyer; mais il luy avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy avoient esté contraires, et meintenant que le temps ne luy servoit plus ilz monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient cella, ny comme bons serviteurs d'elle, ny comme vrays amys à luy, ains pour interrompre le propos de Monsieur; par ainsy, qu'elle l'excusât s'il ne leur en sçavoit nul gré, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxté qu'il espéroit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres. J'ay donné instruction, Madame, d'aulcunes aultres particullaritez là dessus au Sr de Vassal, comme à ung gentilhomme, que je tiens fort secrect et fidelle, qui vous en rendra bon compte; et sur ce, etc.

Ce vıe jour de febvrier 1571.

DIRA LE Sr DE VASSAL A LEURS MAJESTEZ, oultre les choses susdictes:

Que, despuys quelque temps en çà, la Royne d'Angleterre a déclaré qu'elle se vouloit maryer, et a monstré que ce sien desir estoit fondé sur une tant raysonnable et quasi nécessaire occasion que plusieurs, qui souloient opinyastrer le contraire, commencent d'en parler, à ceste heure, aultrement; néantmoins, sur ce qui ne se peult bien dicerner encores, si elle le veult à bon esciant, ou bien si elle le veult ainsy donner à croyre, et sur la diversité des partys ausquelz elle pourroit entendre, et des condicions qui auroient à se requérir, non seulement ceulx de son conseil, mais ceulx de sa noblesse, et presque toutz ses principaulx subjectz en sont en grand contention entre eulx, et se bandent desjà en plusieurs conseils et assemblées secrectes pour en tretter, sellon que le desir, ou de pourvoir à la religion protestante; ou d'ayder à la catholique; ou de préjudicier aulx tiltres prétendus de la succession de ce royaulme; ou de favoriser les affaires de la Royne d'Escosse; ou de nourryr amytié avec la France; ou bien de confirmer plus que jamais celle de Bourgoigne; ou de n'innover rien au présent estat de ce royaulme, qui est doulx à plusieurs, pousse les ungs et les autres à interrompre ou bien advancer le propos.

Néantmoins, pour estre encores ceste matière trop peu meure, la dicte Dame réserve la tenue de son parlement jusques en may ou juing, pour en mieulx dellibérer, lequel aultrement debvoit estre convoqué en ce moys de janvier, sur la nécessité d'avoir argent; car l'Allemaigne et l'Escosse, despuys deux ans, luy ont assés espuysé ses finances; et l'interruption du commerce n'a permiz qu'elle les ayt peu remplyr, bien que, en certain propos, elle m'a naguières donné entendre qu'elle avoit heu si peu de nécessité, que encores n'avoit elle aulcunement touché aulx deniers du Roy d'Espaigne.

Par lettres, naguières venues de dellà la mer, de divers lieux, l'on est en diverses opinions, en ceste court, des choses d'Allemaigne; car les ungs mandent que le duc d'Alve a intelligence avec le duc de Sualsambourg, pensionnaire du Roy d'Espaigne, contre la ville de Hembourg, parce qu'elle a receu le commerce des Anglois, et est encores pleyne de leurs merchandises, et si, a favorisé les pratiques du prince d'Orange, et forny argent pour icelles contre les Pays Bas.

Les aultres escripvent que les princes et capitaines, qui lèvent gens en Allemaigne, s'entendent avec le dict de Sualsambourg et avec le comte de Vuandeberc, et que, soubz colleur, l'ung d'assiéger Hembourg pour le roy de Danemarc, et l'aultre de recouvrer ses terres, ilz se préparent toutz deux, et le roy de Dannemarc aussi, à l'entreprinse des Pays Bas, avec le secours que le Prince d'Orange, beau frère des trois, doibt admener d'Allemaigne; et que icelluy roy de Dannemarc dellibère d'interrompre toutz les trafficz d'Ostrelan, et des régions froydes, aulx Flamans; et mesmes leur serrer une rivière, par où ilz ont accoustumé de recouvrer leurs bledz et aultres provisions, affin de commancer, de bonne heure, à leur retrancher vivres.

Et adjouxtent que Monsieur, frère du Roy, n'est que bien disposé à ceste entreprinse pour recouvrer ceste portion des dicts Pays Bas, qui apartient à la couronne de France; et qu'il a suplié le Roy de luy permettre de faire ung essay pour en agrandir son appanaige, et d'y employer la gendarmerye, et ce grand nombre de gens de guerre, qui sont meintennant en France, mesmes que les Françoys ne desirent rien tant que cella; s'apercevans enfin des tromperies et simulations du Roy d'Espaigne et de ses ministres, et murmurans que les jours ont esté advancez à sa dernière femme, Fille de France, par mauvais trettement qu'elle a reçeu avecques luy, dont j'ay merveilleusement rejetté tout le contenu de cest article, quant on m'en a parlé;

Et que le duc d'Alve, craignant ung si grand orage, commance de mettre ung grand ordre à ses affaires, à recueillyr deniers et armes de toutz costez, et faire secrecte description de gens de guerre. Néantmoins l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, monstre de ne croyre, en façon du monde, qu'il y ayt nulz aprestz contre les Pays Bas, ains tout le contraire, ainsi que je l'ay mandé par ma précédante dépesche, qu'encor qu'il pense bien qu'il ne tiendroit aulx Anglois que telles choses ne fussent mises en avant et exécutées, que néantmoins la Royne d'Angleterre n'y veult advancer ses deniers contans, ni aultre chose que parolles et promesses, qui ne sont suffizantes pour mouvoir les Allemans, ni pour faire marcher une armée.

Comme, à la vérité, j'entendz que le capitaine, qui est icy pour le duc Auguste, et qui asseure n'y avoir aulcune certitude de la mort de son maistre, mais bien qu'il estoit fort mallade, n'a esté encores guières bien respondu sur la pratique qu'il mène d'avoir deniers pour les dicts aprestz d'Allemaigne; et si, semble qu'il n'inciste pas fort que la dicte Dame veuille entrer en nulle ligue avec les princes protestans, s'estant layssé entendre que le dict duc Auguste aussi n'y entrera pas et qu'il ne cerche que fère amys de toutz costez, pour s'en ayder au besoing; néantmoins qu'il favorisera et assistera la dicte entreprinse d'iceulx princes.

Le susdict ambassadeur d'Espaigne a heu adviz que Mr le cardinal de Chatillon a proposé à ceste Royne, et à ceulx de son conseil, s'ilz trouveroient bon que le comte Ludovic de Naussau vînt avec aulcuns bons navyres de guerre de la Rochelle pour se joindre à ceulx du Sr de Lumbres, affin de tenir ceste mer subjecte contre le duc d'Alve à la dévotion toutesfoys de ce royaulme, et que cella a esté bien receu du dict conseil et favorisé du comte de Lestre, et qu'il entend qu'on arme à cest effect à la Rochelle plusieurs navyres, chose qu'il estime ne pouvoir estre trouvée bonne du Roy.

Les depputez de la Royne d'Escosse sont venuz plusieurs fois prandre familièrement leur disner en mon logis, et m'ont, entre aultres choses, remonstré qu'ilz sont envoyez, de la part des principaux seigneurs de leur pays, pour assister au tretté et y procurer la restitution de leur Mestresse, avec charge de procéder en tout sellon qu'elle leur ordonnera, et avec article espécial de ne faire rien au préjudice de l'alliance de France; et qu'ilz supplient très humblement le Roy, qu'au cas que le dict tretté ne succède, qu'il veuille avoir souvenance d'eulx; car ilz disent avoir esté toutz essayez, l'ung après l'autre, par grandes offres et présens, de la part de la Royne d'Angleterre, pour suyvre son party, et qu'ilz ont tout rejetté, et ont choysy de souffrir plustost toutes extrémitez que de quicter ung seul point de l'alliance et dévotion qu'ilz ont à la couronne de France;

Et que les dicts seigneurs requièrent une chose de l'évesque de Roz et de moy, c'est que nous les veuillons advertyr, de bonne heure, s'il y aura apparance que le tretté ne succède, affin de se pourvoir; et que, sans mettre le Roy en nulle guerre ouverte, s'il luy playt les ayder, quelque temps, de quatre mil escuz par mois, pour entretenir trois cens hommes dans le chasteau de Lislebourg, et sept cens hommes en la campaigne, ilz promettent de faire ce qui s'ensuyt:

Sçavoir, le lair de Granges, capitaine du dict chasteau de Lislebourg, de surprendre les comtes de Lenoz et de Morthon, et les mettre dans son dict chasteau, pour en faire ce que leur Mestresse commandera, et de randre paysible et obéyssante la ville de Lislebourg à la dicte Dame; les aultres seigneurs qu'avec les sept centz hommes, ilz chasseront les Anglois de tout le pays, estandront leur ligue, remettront partout l'authorité de la Royne d'Escosse, de sorte qu'il ne se parlera plus que de luy obéyr, et de demeurer fermes en l'alliance de France, et qu'ilz réduyront, tout entièrement, le royaulme en l'estat qu'il estoit auparavant, estantz toutz les principaulx de la noblesse de ce desir, sinon le dict Lenoz, qui n'a, à présent, cinq cens escuz de rante au dict pays, et Morthon, qui est homme nouveau et sordide.

Le Roy d'Espaigne a escript à son ambassadeur, qui est icy, qu'il le résolve clairement, et en brief, de ce qui se doibt espérer de la restitution de la Royne d'Escosse, et en quoy l'on est du tretté, monstrant qu'il a bien fort à cueur la matière; et icelluy ambassadeur a dict à l'évesque de Roz que son Maistre ne regarde sinon comme le Roy commancera d'y procéder, car, de sa part, il y est tout prest et tout résolu. Et par lettre de Rome s'entend que le Pape a desjà miz une provision de deniers ez mains du duc d'Alve, pour ayder l'entreprinse sellon que l'ordre en sera mandé par Ridolfy; lequel Ridolfy et les seigneurs catholiques de ce pays, me recerchent fort de mettre en avant que les deux Roys se veuillent entendre et se unyr à la dicte entreprinse; ce que j'ayme mieulx qui me soit proposé par le dict ambassadeur, qui ne m'en a parlé, longtemps y a, que non pas par eulx.

Je ne puis encores juger au vray si la dellibération de la dicte entreprinse est bien certaine, et moins encores quel événement elle pourra avoir. Tant y a que, pour la conformité de celle d'Yrlande, elle me semble trop esloignée du vraysemblable, et je sens bien que les Escouçoys, doubtans du secours de France, commancent fort d'espérer en cestuy cy; et le duc d'Alve leur a desjà advancé quelques deniers, ainsy que je l'ay desjà escript.

AULTRE MÉMOIRE ET INSTRUCTION A PART:

Que le propos de maryer Monsieur avec la Royne, a prins son commancement de ce que, ayant, en une mienne audience, parlé à la dicte Dame des fianceailles du Roy, qui se debvoient faire à Espire, après qu'elle se fût retirée avec ses dames, elle se plaignit que, se faisans plusieurs honnorables mariages en la Chrestienté, nul de son conseil ne luy parloit à elle de prandre party, et que, si le comte de Sussex fût présent, au moins luy ramentevroit il l'archiduc Charles.

Ce que ayant l'une des dames raporté au comte de Lestre, il s'esforcea, le lendemain, affin de luy complayre, de luy remettre si bien le dict archiduc en termes, que le voyage de Coban en fut incontinent dressé; et, de là en avant, elle monstra, de plus en plus, estre résolue de se maryer, et de parler d'affection de l'archiduc, de sorte que le dict comte se repentyt assés d'en avoir meu le propos.

Sur quoy arrivant le vydame de Chartres pour prandre congé d'elle, il luy parla de Monsieur, frère du Roy, et en parla aussi à plusieurs de son conseil, qui en furent les ungs bien ayses pour traverser l'aultre propos, et les aultres marrys, qui ne vouloient qu'on mit, en façon du monde, cestuy cy en avant.

Dont, après que le dict Coban fût de retour avec la responce de reffuz, elle commança lors d'ouyr, avec plus d'affection, ceulx qui luy proposoient Monsieur; et arrivant là dessus quelque responce du vydame, et survenant, peu après, Mr le cardinal de Chatillon, la matière s'est si bien eschauffée que la dicte Dame ne parle plus que de luy, et a dict, tout hault, «que les siens l'avoient souvant pressée de se maryer, mais puys après ilz y avoient adjouxté tant de dures condicions qu'ilz l'en avoient engardée, et qu'elle cognoistroit meintenant qui seroient ses bons et fidelles subjectz, et les sauroit bien remarquer, et qu'elle tiendroit pour desloyaux ceulx qui luy traverseroient ce tant honnorable party».

Et comme l'une de ses dames regrettoit que Mon dict Seigneur n'eust quelques ans davantaige, elle respondit:—«Il a vingt ans qui en vallent vingt cinq, car il n'y a rien en son esprit, ny en sa personne, qui ne soit d'homme de valleur.»

Et à milord Chamberland qui luy faisoit ung compte, comme Mon dict Seigneur avoit faict une course jusques à Roan pour voir une jeune flamande fort belle, que le père, craignant qu'elle ne se derrobât pour le suyvre, l'avoit jettée en haste hors de la ville et conduicte à Dièpe, où n'attendoit que le vent pour la passer en Angleterre, l'une des dames respondit:—«Et bien c'est qu'il n'est point paresseux pour aller voir les dames, il ne craindra guières de passer la mer.»—«Ce ne seroit, respondit la Royne, à mon proffict qu'il fût si dilligent, mais il n'en est pourtant moins à priser.»

Et au baron de Vualfrind, lequel je luy présentay de la part du Roy, après qu'elle luy eust assés amplement parlé du mariage de l'archiduc, en une façon pleyne de jalouzie et de desdein, réprouvant bien fort les nopces d'entre si prochains, comme l'oncle et la niepce:—«Bien que le Roy d'Espaigne, disoit elle, comme grand prince, eust possible estimé que son exemple servyroit de loy au monde, mais c'estoit une loy contre le ciel;» luy dit:—«Que l'archiduc luy estoit grandement obligé de ce que, l'ayant reffusé, elle luy avoit faict trouver mieulx qu'elle, et où l'amytié ne deffauldroit, car, s'ilz ne s'aymoient comme espouzés, ilz s'aymeroient comme parans; et qu'elle espéroit aussi trouver mieulx que luy, dont le regrect cesseroit des deux costez.» Puys se corrigea que;—«A la vérité elle ne l'avoit pas reffuzé, mais elle avoit bien différé la responce, et il ne l'avoit vollue attandre; néantmoins elle ne lairroit d'aymer et honnorer toutjour l'Empereur, et toute sa mayson, sans aulcun excepter.»

Et, au retour de là, le dict sieur baron me demanda si je pensois qu'elle eust parlé d'affection et avec jalouzie du dict archiduc, ou bien par manière de deviz, et qu'il se repentoit de ne luy avoir proposé le prince Rodolfe, qui a desjà dix sept ans. Je luy respondiz que «le voyage, que le jeune Coban avoit dernièrement faict devers l'Empereur, monstroit que, si l'archiduc eust vollu, à ceste heure, entendre à ce party, qu'il eust esté accepté.»—Il répliqua «qu'il en auroit doncques beaucoup de regrect, et qu'il s'estoit trop hasté de s'obliger à celle de Bavière, bien qu'il me vouloit dire que les conditions, sur lesquelles on le vouloit maryer avec ceste Royne, estoient, à ce qu'il avoit ouy dire, si dures et iniques qu'il eust esté trop plus subject que Roy.»

L'on me vient d'advertyr que, sabmedy dernier, se plaignant la dicte Dame à l'admyralle Clinton et à milady Coban des difficultez, qu'aulcuns des siens trouvoient au party de Monsieur, comme trop jeune, elle les avoit conjuré de luy en dire librement leur opinion, et que, comme les deux plus loyales, et où elle se fyoit plus qu'en dames de ce monde, elles ne luy en vollussent rien dissimuler; et que la dicte Clinton, luy ayant fort loué ses perfections et confirmé grandement son opinion de se maryer, avoit aprouvé entièrement qu'elle deût espouser Monsieur; et que sa jeunesse ne luy debvoit faire peur, car il estoit vertueux, et elle, pour luy en donner, en toutes sortes, plus de satisfaction que nulle aultre princesse du monde ne sçauroit faire. Ce que la dicte Dame avoit accepté avec tant de démonstration de playsir, que milady Coban, n'y ozant rien contradire, avoit seulement dict que les mariages estoient toutjour mieulx faictz et plus plains de contantement, quant l'on espousoit personne de âge pareil, ou aprochant au sien, que quant il y avoit grande inégalité. A quoy elle avoit respondu:—«Qu'il n'y avoit que dix ans de différant entre deux, et qu'il eust esté fort à propos que ce eust esté luy qui les heût davantaige; mais, puysqu'il playsoit à Dieu qu'elle fût la plus vielle, elle espéroit qu'il se contenteroit des aultres advantaiges.»

Il semble que milord Boucard va par dellà fort pourveu de bonne intention en cest endroict, et qu'il desire infinyement d'y estre employé; et le secrétaire, qu'il mène, qui luy a esté ordonné par la dicte Dame, s'est venu offryr à moy de servyr, en tout ce qu'il pourra, jusques à la mort; et le Sr Cavalcanty y est plus ardant que nul, mais je ne sçay s'il a encores descouvert en quelle intention en est Cecille; tant y a que deppendant entièrement de luy, il sera bon d'aller ung peu réservé en son endroict, et néantmoins s'en servyr en ce que Leurs Majestez cognoistront qu'il leur y pourra estre ministre commode et opportun; car, oultre qu'il se dict très dévot à la France, et péculier serviteur de la Royne, il est fort bien entendu ez humeurs de deçà. Il n'a vollu partyr avec le dict Boucard pour n'estre veu aller aulcunement pour ce fait, et m'a dict qu'il n'est pas expressément commandé de faire le voyage, mais qu'on est bien fort ayse qu'il le face, et il part demain matin.

CLIXe DÉPESCHE

—du XIIe jour de febvrier 1571.—

(Envoyée exprès par Jehan Volet jusques à Calais.)

Négociation de Walsingham, ambassadeur en France.—Affaires d'Irlande; crainte des Anglais qu'une entreprise ne soit tentée sur ce pays.—Affaires d'Écosse; retards apportés à la conclusion du traité.—Ligue contre les Turcs.—Nouvelles d'Allemagne.

Au Roy.

Sire, par la première dépesche, que le Sr de Vualsinguan a faict par deçà[26], il s'est si grandement loué à la Royne, sa Mestresse, de l'honorable réception et des vertueuses responces qu'il a eues de Vostre Majesté, et des bons propos et démonstrations que la Royne, vostre Mère, et Monseigneur, luy ont usé, que le comte de Lestre m'a mandé qu'elle m'en rendra ung bien fort grand mercys, la première fois que je l'yray trouver, affin que je le vous face puys après entendre de sa part; et que je vous représante le grand contantement qu'elle en a reçeu, qui ne la pourriez, à ce qu'il dict, en nulle chose du monde plus grandement gratiffier que de favoriser ses ambassadeurs. Et n'ay point sçeu, à la vérité, Sire, que, pour ce commancement, il ayt donné que une bien fort bonne satisfaction de Voz Majestez à sa dicte Mestresse. Il est vray qu'il a asseuré la dicte Dame, ainsy qu'on m'a dict, que la pratique, que le capitaine La Roche mène en Yrlande, n'est incogneue en vostre court; de quoy aulcuns de son conseil luy ont vollu persuader qu'elle devoit donc révoquer milord de Boucard qui, pour ceste occasion, a esté arresté ung jour à Canturbery; mais elle a vollu qu'il ayt passé oultre, espérant que, sur ce qu'elle m'a naguières proposé d'icelluy faict, Vostre Majesté l'en satisfera bientost.

La dicte Dame commance de tourner ses pensées aulx choses du dict pays d'Yrlande, car, oultre le faict du dict capitaine La Roche, elle a toutjours crainct que le Roy d'Espaigne se vouldroit revancher des prinses de mer par quelque entreprinse sur icelluy pays; et, encores, par le dernier courrier de Flandres, entendant que le duc d'Alve se monstroit si réfroydy en la composition des dictes prinses, que l'agent de la dicte Dame estoit sur le poinct de s'en revenir, sans avoir rien faict, elle en entroit en plus grande deffiance, mais ung aultre courrier extraordinaire en vient d'arriver, qui dict que icelluy agent a heu, despuys huict jours, une meilleure responce du dict duc. Néantmoins, estantz desjà aulcuns indices venuz à la dicte Dame de la dellibération du dict Roy d'Espaigne en cella, et luy en ayant Mr le cardinal de Chatillon, à ce qu'on m'a dict, mandé, despuys six jours, d'aultres certains adviz, elle monstre, à présent, de le croyre; dont a mandé à millord Sydney debitis d'Yrlande, qui estoit prest à s'en venir par deçà, de ne bouger de sa charge, et de pourvoir soigneusement à la garde du pays, et qu'elle donna promptement ordre qu'il luy soit envoyé tout ce qui luy sera besoing.

Les choses d'Escosse se brouillent de nouveau, car ceulx du party de la Royne commancent de se revancher par dellà sur ceulx qui suyvent le party du comte de Lenoz, et le comte de Morthon, faisant le long à venir, prolonge icy beaucoup le tretté, ce qui donne cependant loysir à la comtesse de Lenoz et aulx siens de remettre en l'opinion de la Royne d'Angleterre plusieurs malles impressions contre la Royne d'Escosse, luy persuadant qu'elle aspire à sa vie et à la déboutter de son estat, si bien qu'elle en est entrée en de grandes souspeçons, mesmes contre ses plus intimes conseillers; qui faict que toute ceste court s'en trouve divisée et en grand perplexité. Dont les depputez de la dicte Royne d'Escosse, craignans qu'enfin cella n'admène une ropture du dict traicté, suplient, de rechef, très humblement Vostre Majesté, de les vouloir, de bonne heure, et par secrectz moyens, secourir de ceste provision de quatre mil escuz par moys, qu'ilz vous demandent, durant quelque temps, affin d'exécuter promptement ce qu'ilz ont projecté pour le restablissement de l'auctorité de leur Mestresse, et pour la conservation de leur pays, et pour l'honneur et la gloire de Vostre Majesté et de l'alliance qu'ilz ont avec vostre couronne; s'asseurans que la guerre ne durera jamais ung ou deux tiers d'an. Et m'ont proposé, au cas que voz présens affaires ne permissent, Sire, que les puyssiez si tost ayder de ceste somme, qu'il soit vostre bon playsir de la leur faire recouvrer sur l'afferme du douaire de leur Mestresse, en la faisant délivrer à quelques merchans pour deux ou trois ans à venir, moyennant qu'ilz advanceront les deniers, desquelz, s'il en debvoit survenir cy après nul intérest à Vostre Majesté, ou quelque diminution à leur dicte Mestresse, ilz se offrent de le faire rembourser par les Estatz de leur pays; et ne vous auront, à ce qu'ilz disent, moindre obligation que si le secours estoit tout entièrement sorty de voz propres finances. A quoy vous playrra, Sire, me faire respondre par voz premières, car, sellon que j'en entendray vostre vollonté, je les laysseray, ou bien les divertiray d'en envoyer poursuyvre le moyen par dellà, comme ilz ont dellibéré de faire.

Il est nouvelles icy que l'Empereur a offert d'entrer en la ligue contre le Turq, et que, en propre personne, il luy commancera la guerre, pourveu que les confédérez luy veuillent souldoyer vingt mil hommes de pied, et luy donner douze mil escuz par moys, pour les aultres provisions de l'armée; et qu'il a esté de nouveau provoqué à cella, à l'ocasion de ce que le Turq luy a mandé qu'il ayt à luy remettre entièrement le tiltre du royaulme de Transilvanye, sans jamais plus le s'aproprier.

L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, a adviz que le comte de Sualsemberg, après avoir composé avec ceulx d'Embourg, pour quarante mil tallardz contants, et avec ceulx de Brème pour vingt cinq mil, a séparé ses gens; par ainsy, toute la peur de ceste guerre est estaincte. Sur ce, etc. Ce xıȷe jour de febvrier 1571.

CLXe DÉPESCHE

—du XVIIe jour de febvrier 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Bon Jehan.)

Affaires d'Écosse.—Efforts de l'ambassadeur pour empêcher que le prince d'Écosse ne soit livré à la reine d'Angleterre.—Sollicitation faite par le duc d'Albe, au nom du roi d'Espagne, en faveur de Marie Stuart.—Négociation des Pays-Bas.

Au Roy.

Sire, par la dépesche de Vostre Majesté, du premier de ce mois, que le Sr de Sabran m'a apportée, il m'a esté si sagement et avec tant de bonnes considérations satisfaict sur tout ce que, par mes précédantes, jusques au vingt quatriesme du passé, je vous avois escript de l'estat des choses de deçà, qu'il ne me reste rien à présent que de bien ensuyvre ce que clairement et fort exprès il vous playt m'en commander, qui mettray peine, Sire, que vous y soyez le plus exactement bien servy qu'il me sera possible; seulement je me trouve empesché du faict du petit Prince d'Escosse, lequel je vous suplie très humblement, Sire, de croyre que j'ay travaillé aultant que j'ay peu, et sans trop me descouvrir, à disposer icy les depputez de la Royne, sa mère, et ay pareillement envoyé disposer ceulx de l'aultre party jusques en Escosse, pour s'opposer à ce qu'il ne soit admené par deçà, et n'ay obmiz nul des inconvéniens qui en pourroient advenir, que je ne les leur aye toutz représentez; et ay sondé si avant iceulx depputez de la dicte Dame qu'ilz m'ont confessé que les seigneurs qui les ont envoyez, déclairent, en ung article de leur instruction, qu'ilz ne le peuvent consentyr; néantmoins qu'ilz leur ont baillé pouvoir, à part, d'en user comme la Royne, leur Mestresse, leur ordonnera; et m'ont remonstré que, demeurant les choses en l'estat qu'elles sont, la Royne d'Angleterre tient en ses mains la mère, le filz et le royaulme, et a desjà estably un sien subject pour régent au pays, et qu'ilz ne peuvent, sans ung notable secours de Vostre Majesté, plus différer de se soubmettre eulx mesmes à ce que la dicte Royne d'Angleterre vouldra: sçavoir est, d'obéyr au dict régent, et recognoistre le jeune Prince pour leur Roy, si, d'avanture, leur Mestresse n'est bientost restituée; et que, si le tretté n'eust esté miz en avant, par lequel l'armée d'Angleterre a esté retirée, il est sans doubte qu'ilz se fussent desjà toutz rangez à ce party, de sorte, Sire, qu'il ne se fault guières attandre que, du costé de la Royne d'Escosse, laquelle a desjà baillé son consentz, ny de ceulx qui tiennent pour elle, il se face grande résistance à cest article; qui est néantmoins le principal, auquel la Royne d'Angleterre et les siens incistent, et sans lequel elle monstre de vouloir poursuyvre ses entreprinses, ainsy qu'elle les a commancées au dict pays.

Je verray ce que je pourray faire secrectement avec les depputez de l'aultre party, qui ne sont encores arrivez, mais l'on les attand dans quatre jours; car il est nouvelles qu'ilz ont desjà passé Barwich, et ne voys point, Sire, qu'il reste plus de ce costé nul moyen en cecy, que je ne l'aye desjà tanté; dont adviserez s'il s'en pourra trouver quelcun aultre d'ailleurs qui y puysse mieulx remédier.

Au regard de l'article de la ligue, j'en useray tout ainsy, sans plus ny moins, qu'il vous playst me le prescrire, et semble bien que desjà, sur les fermes et résoluz propos, que j'en ay tenuz à la Royne d'Angleterre et aulx siens, ilz soyent en quelques termes de n'en parler point.

L'évesque de Roz est allé presser les seigneurs de ce conseil de vouloir commancer le dict tretté, plus pour cognoistre si leur Mestresse avoit changé de vollonté que pour espérance de rien faire, jusques à ce que les aultres soyent icy; et a trouvé qu'à leur arrivée elle dellibère de passer oultre, meue beaucoup plus des difficultez, qui surviennent chacun jour plus grandes, et en Escosse, et en son pays, que de bonne affection qu'elle y ayt; et luy ont iceulx du dict conseil dict deux choses: l'une, qu'il ne fault que la Royne, sa Mestresse, escoutte les conseilz qu'on luy mandra de dellà la mer, de ne consentyr que son filz viegne en Angleterre, car, sans ce poinct, qui estoit desjà accordé par elle, il ne fault plus parler de tretté; la segonde, qu'elle veuille délaysser du tout la pratique de se maryer avec dom Joan d'Austria, et n'ouyr plus sur cella Mr le cardinal de Lorrayne, qui en renouvelle, à ce qu'ilz disent, encores à présent le propos. A quoy il a respondu en général, que, si la Royne d'Angleterre veult bien user envers sa Mestresse, elle se peult asseurer qu'elle la trouvera toute disposée à son amytié, et à faire toutes choses à son contantement.

Or, a le duc d'Alve escript, par le dernier ordinaire, une lettre à la Royne d'Angleterre, en laquelle, entre aultres choses, il luy faict entendre la charge, qu'il a du Roy d'Espaigne son Maistre, de la prier bien fort affectueusement qu'elle veuille condescendre à quelque bon accord avec la Royne d'Escosse, et luy moyéner sa restitution; et qu'une des choses qu'il désire aultant à ceste heure est de les voir elles deux et leur deux royaulmes en bonne paix et unyon, en quoy, s'il se peult rien ayder et servyr, il offre de bon cueur s'y employer. Je n'ay encores aprins les aultres particullaritez de la dicte lettre, sinon qu'on m'a asseuré que la dicte Dame l'a heue fort agréable, et que le secrétaire Cecille a dict que le duc d'Alve se monstre à ceste heure fort rabillé vers elle, et la recherche beaucoup d'amytié; et que sur ce que Me Prestal l'avoit, puys peu de jours, vollu estreindre à quelques pratiques avec les rebelles d'Angleterre et d'Yrlande, et avec les Escouçoys du party de la Royne, il n'y avoit vollu entendre. Ce qui faict meintenant, Sire, que ceulx cy se rasseurent des choses d'Yrlande; et à la vérité, la comtesse de Northomberland, et aulcuns fuytifz, qui sont en Flandres, ont naguières escript que le Roy d'Espaigne a bien bonne affection de les secourir et d'entreprendre en Yrlande, mais que le duc d'Alve en estoit tout réfroydy, et qu'il leur est besoing d'envoyer ung personnaige de bonne qualité en Espaigne pour négocier, par eulx mesmes, leur affaire avec le Roy d'Espaigne. Je ne sçay s'ilz auront esleu à cella millord de Sethon; tant y a que je vous puys asseurer, Sire, qu'il estoit, le xxııȷe du passé, au logis de l'ambassadeur d'Escosse à Paris, possible qu'il aura passé oultre.

L'accord des prinses estoit venu à une manifeste ropture avec le depputé de ceste Royne, qui s'estoit desjà acheminé pour s'en retourner, sans avoir rien faict, quant le duc d'Alve l'a contremandé pour luy dire qu'il avoit receu nouvelles lettres d'Espaigne, par lesquelles il luy vouloit bien signiffier la bonne intention du Roy, son Maistre, envers la Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, et comme il avoit desir d'accorder à toutes les choses raysonnables qu'elle vouloit; par ainsy que les difficultez seroient bientost vuydées, et qu'il envoyeroit un notable conseiller par deçà pour l'accommodement de toutes choses; dont s'attand, à ceste heure icy, l'arrivée du Sr Suenegheme de Bruges, qui vient avec le dict depputé d'Angleterre. Sur ce, etc. Ce xvıȷe jour de febvrier 1571.

CLXIe DÉPESCHE

—du XXIIIe jour de febvrier 1571.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par ung gentilhomme escouçoys.)

Audience.—Assurances d'amitié.—Maladie de la reine de France.—Désaveu du roi au sujet de la descente des Bretons en Irlande.—Satisfaction d'Élisabeth à raison du refus qu'aurait fait le duc d'Anjou de se mettre à la tête d'une entreprise sur l'Irlande.

Au Roy.

Sire, à la dellibération, que j'avois, d'aller trouver la Royne d'Angleterre sur ce que le Sr de Sabran m'avoit apporté, il m'y est encores venue nouvelle occasion, par la dépesche suyvante, que j'ay cependant receue de Vostre Majesté, du vııȷe de ce moys, de laquelle j'ay faict de tout ung avec la première; et n'ay séparé les poinctz de l'une ny de l'aultre, sinon par l'ordre que je les ay trouvez en icelles, qui y sont si bien et si distinctement comprins, qu'il n'a esté besoing d'y adjouxter du mien que seulement ce que j'ay estimé à propos pour les faire bien prandre à la dicte Dame.

Laquelle m'a respondu, quant au premier, qu'elle avoit ung singulier playsir que ses ambassadeurs vous eussent bien signiffié la droicte intention, qu'elle a, à la commune paix d'entre Voz Majestez, et à celle particulière de vostre royaulme; et qu'elle vous prie, Sire, de croyre que, quant au debvoir de persévérer en vostre amytié, et à desirer le bien et establissement de voz affaires, qu'elle y est si parfaictement disposée que nul du monde ne le sçauroit estre davantaige; et que vous cognoistrez qu'elle l'a desjà ainsy monstré par effectz, quant plusieurs choses, de celles qui ont passé despuys trois ans, vous seront mieulx cogneues qu'elles ne le sont à présent; et qu'elle vous promect, pour l'advenir, qu'il ne sortyra, de son costé, occasion aulcune, par où vostre dicte amytié puysse estre offancée, pourveu que vous ne veuillez poinct offancer la sienne; qu'elle avoit grande occasion de vous remercyer de ce qu'il vous avoit pleu fort favorablement licencier l'ung de ses ambassadeurs, et recepvoir avec mesme faveur l'aultre, et de ce, encores, qu'avez commancé de faire honorer grandement milord Boucart à Callais, à Bolloigne et à Montrueil; dont il luy avoit escript le bon trettement qu'on luy avoit faict en ces trois villes, et que Vostre Majesté aussi ne trouveroit en eulx, s'ilz ne veulent estre traystres à elle et désobéyssans à ses commandemens, que toute disposition de vous honorer et servyr, et vous complayre en tout ce qu'il leur sera possible; que la nouvelle que je luy apportois de la malladye de la Royne, à ceste heure qu'elle guérissoit et alloit en amandant, n'estoit si facheuse à ouyr, comme si je la luy eusse dicte, quant elle estoit en dangier, dont elle prioyt Dieu pour sa convalescence, comme pour la sienne propre; et que Dieu vous avoit vollu tempérer à toutz deux, par ce petit ennuy, le grand ayse de vostre mariage, affin de le vous randre meilleur et de plus de durée cy après; qu'encor que le sacre et couronnement d'elle, et son entrée fussent remiz à une aultre foys, et que ceulx, qu'elle a envoyez par dellà, ne puyssent voir toutz les triomphes qu'ilz s'attandoient, elle toutesfois ne vouldroit avoir différé davantaige la conjoyssance de voz nopces, ny de la venue de la Royne, pour ne deffaillir à ce que, non moins de son affection que de son debvoir, elle estimoit estre tenue en cella; au demeurant, qu'elle demeuroit très contante et bien satisfaicte de la responce, que vous luy faisiez sur les choses d'Yrlande, et encores plus de ce qu'elle s'asseuroit que Vostre Majesté l'accomplyroit ainsy par œuvre, comme elle avoit desjà entendu que, sur ce que Mr le cardinal de Lorrayne et Mr le Nunce et l'arsevesque de Glasco avoient naguières proposé à Monsieur, frère de Vostre Majesté, de faire une entreprinse au dict pays, il avoit esté si vertueulx et si sage, qu'il n'y avoit vollu entendre, ny Voz Majestez Très Chrestiennes y prester l'oreille, dont ne vouloit obmettre de vous en remercyer toutz trois de tout son cueur; mais pourtant elle n'avoit vollu ottroyer de saufconduict au dict arsevesque de Glasco, bien que la Royne d'Escosse le luy eust fort instantment faict demander par l'évesque de Ross; car avoit opinion que c'estoit plus pour venir interrompre le tretté que pour l'advancer; et que, estant le comte de Morthon prest à arriver dans peu d'heures, l'on procèderoit incontinent au dict tretté avec le plus d'expédition que faire se pourroit.

Je luy ay seulement répliqué, Sire, quant à l'entreprinse, qu'elle disoit avoir esté proposée à Monsieur, si elle sçavoit à la vérité que cella fût vray, et m'ayant soubdainement respondu que ouy, tant certainement que mesmes elle avoit par escript le mesmes propos, qui luy en avoit esté tenu, j'ay suyvy à luy dire qu'elle prînt bien garde que cella ne procédast de quelque mauvaise boutique pour cuyder luy en mettre la jalouzie dans le cueur, car Mr le cardinal estoit ung si prudent et si advisé seigneur en ses conseilz, qu'à peyne en avoit il miz ung tel en avant à Monsieur, en temps de si bonne paix; néantmoins, commant que la chose allât, elle voyoit que Vostre Majesté faisoit ung grand fondement de la parolle, que luy aviez donnée, de désister de toute entreprinse d'armes, jusques à ce que le traicté fût achevé, et que vous faisiez aussi pareil estat de celle que vous aviez d'elle, pour la liberté et restitution de la Royne d'Escosse; dont je la suplyois qu'elle y vollust meintenant mettre le desiré effect, que Vostre Majesté attandoit de sa bonté et de sa promesse.

Elle m'a respondu qu'elle voyoit bien que Vostre Majesté ne pourroit jamais oublyer cest affaire, parce qu'il y en avoit assés qui le vous recordoient, et qu'elle espéroit qu'il s'acommoderoit bientost, non sans qu'on se mouquast assés par tout le monde d'elle, d'estre si indulgente et facille envers celle qui l'a infinyement offancée; qu'au reste elle recepvoit ung singulier playsir d'entendre que Vostre Majesté eust une si vertueuse et si droicte intention à la réunyon de l'esglize, comme je le luy asseuroys, qui ne pourroit estre que cella n'admenast ung grand bien à la Chrestienté, et qu'elle vous y correspondroit de sa part, avec telle affection et promptitude, comme vous le pourriez desirer; qui pourtant vous prioyt de persévérer en ce sainct propos, et ne vous laysser persuader à ceulx qui vous y vouldroient proposer les armes.

Et ainsy me suys gracieusement licencié de la dicte Dame, mais j'ay comprins despuys, par aulcuns propos du secrétaire Cecille, qu'elle avoit heu ung singulier playsir que Vostre Majesté n'a advoué les choses d'Yrlande, parce qu'elle a envoyé pour surprendre ce qui s'y trouvera de Bretons et estrangiers pour les chastier. La dicte Dame a faict dépescher lettres à toutes ses provinces pour convoquer ung parlement, au deuxiesme jour d'avril prochain, en ceste ville de Londres, avec secret mandement de n'eslire aulcun depputé, qui ne soit déclairé protestant. Elle estime que la tenue d'icelluy ne sera que de dix jours, dedans lesquelz elle espère avoir obtenu ce qu'elle prétend, de quelque subvention de deniers; d'un decrect sur les biens et personnes des fugitifz; et sur quelque reiglement plus estroict en leur religion; qui sont les trois poinctz pour lesquelz l'assemblée se faict. Les commissaires de Flandres ne sont encores venuz, mais l'on me vient d'advertyr que le comte de Morthon est tout meintenant arrivé. Sur ce, etc. Ce xxııȷe jour de febvrier 1571.

FIN DU TROISIÈME VOLUME.


NOTES:

[1] Partisan, chef de bande.

[2] Cet évènement arriva en plein jour, le 23 janvier 1570, au moment où le régent traversait la petite ville de Linlithgow, à dix-sept milles d'Édimbourg. Jacques Hamilton de Bothwell-Haugh, qui se vengea par ce meurtre des relations que Murray avait entretenues avec sa femme, trouva moyen de s'échapper et de se réfugier en France.

[3] Au commencement de 1570, Aluch-Aly, dey d'Alger, s'empara de Tunis, et chassa de ses Etats Muley Homaidah, dernier roi de Tunis de la dynastie des Hafsides, qui s'était reconnu feudataire de l'Espagne. Les Espagnols, sous la conduite de don Juan, reprirent Tunis, en 1573.

[4] A partir de cette époque, les pièces jointes aux dépêches ont cessé d'être transcrites sur les registres de l'ambassadeur.

[5] La pièce n'ayant pas été transcrite sur les registres de l'ambassadeur, on ne connaît pas la teneur de cet avis.

[6] Cette bulle, en date du 25 février 1570, déclarait Elisabeth hérétique et schismatique, et relevait ses sujets du serment d'obéissance. La publication qui en fut faite à Londres causa le supplice de Felton, mis à mort le 8 août suivant. Elle est rapportée en entier par Camden, année 1570.

[7] C'est-à-dire, les lois martiales. Voyez Du Cange au mot Marescalcialis, tom. IV, col. 543.

[8] Cette victoire se rapporte aux avantages obtenus par don Juan sur les Maures d'Espagne, qui s'étaient soulevés en 1569. Il s'agit plus particulièrement ici, soit du combat devant Finix, qui entraîna le pillage de la ville (fin avril 1570), soit du combat livré dans les montagnes de Baza et de Filabres dans les premiers jours de mai 1570. Ces victoires furent immédiatement suivies d'un traité conclu ayec Abaqui, l'un des principaux chefs des révoltés, qui se rendit auprès de Don Juan, le 19 mai, et fit le lendemain sa soumission solennelle. Cependant la guerre continua quelque temps encore, par suite de la résistance d'Aben-Aboo, qui s'était fait proclamer roi d'Andalousie, sous le nom de Muley-Abdala; elle ne finit qu'au mois de novembre suivant, après qu'Aben-Aboo eut été tué par Seniz, autre chef des Mores.

[9] La solde du mois.

[10] Combat livré à Sainte-Gemme-la-Plaine, en Poitou, dans lequel la Noue, qui commandait les Protestans dans la Saintonge, remporta une victoire signalée sur les troupes royales. La blessure qu'il reçut quelques jours après, à l'assaut de Fontenay, nécessita l'amputation du bras gauche, mais il ne tarda pas à reprendre son commandement.

[11] Le duc d'Albe déploya, pour la publication de cette amnistie, une pompe extraordinaire. Ces mots vêtements blancs se rapportent probablement à quelque particularité des costumes employés dans cette cérémonie.

[12] Voir la note ci-dessus, p. 183.

[13] Cette paix, connue sous le nom de paix boiteuse et mal assise, parce qu'elle fut négociée par Mr de Biron, qui était boiteux, et par le sieur de Mesmes, seigneur de Malassise, fut conclue à Saint-Germain-en-Laye, le 11 août 1570. Les articles au nombre de quarante-six sont rapportés dans l'édit de pacification, donné à Saint-Germain, le 15 du même mois.

[14] Cette ligue ne fut définitivement conclue que quelque temps après, au mois de mai 1571. Don Juan fut nommé général de la ligue, et remporta, le 7 octobre de la même année, la célèbre victoire de Lépante. Le pape choisit pour commandant de sa flotte Marc-Antoine Colonne, et la république de Venise nomma pour son amiral Sébastien Venicri, qui fut élu doge en 1577.

[15] Ces articles, ainsi que les réponses de Marie Stuart, n'ont pas été transcrits sur les registres de l'ambassadeur; mais ils sont textuellement rapportés par les historiens, et notamment par Camden at Rapin Thoiras.

[16] Le duc d'Albe avait été investi du gouvernement des Pays-Bas en 1566. Le projet dont il est ici mention ne fut pas exécuté; il fut maintenu dans sa charge jusqu'à la fin de 1573, époque à laquelle il céda le gouvernement à don Louis de Requessens, commandeur de Castille, après avoir publié une amnistie générale, au mois de décembre de cette année.

[17] Lettre, escrite de la main de la Roine mère, à Mr de La Mothe Fénélon, pour lui estre rendue en mains propres, du 20 octobre 1570:—«Monsieur de La Mothe Fénélon, monsieur le cardinal de Chastillon a faict tenir propos à mon fils, le duc d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la royne d'Angleterre et de mon dict fils...» Voir le Supplément à la Correspondance Diplomatique de La Mothe Fénélon, contenant les lettres qui lui étaient écrites de la cour.

[18] Catherine, sœur puînée de Jeanne Gray. Elle avait épousé le comte de Hereford, et deux enfans étaient issus de ce mariage, Henri et Édouard. Marie, dernière sœur de Jeanne Gray, avait été mariée à un simple gentilhomme nommé Keyt.

[19] Jacques IV était mort en 1513; deux ans avant l'avènement de François Ier. L'ambassadeur veut sans doute parler du traité de Rouen, conclu le 26 août 1517, entre Jacques V et François Ier, et renouvelé en 1535, lorsque Jacques V épousa Madelaine de France.

[20] Voyez ci dessus la note, p. 183.

[21] La ville de Nicosie, malgré les efforts de la flotte combinée des chrétiens, fut prise par les Turcs, le 9 septembre 1570.

[22] Le premier feuillet du registre, qui contient les dépêches de l'année 1571, se trouvant déchiré, le commencement de cette lettre manque: c'est au reste la seule lacune que présente le manuscrit.

[23] Cette victoire se rapporte aux divers avantages remportés à cette époque, qui amenèrent la réduction de tous les Mores. Voyez note p. 183.

[24] Il s'agit ici de Jean-Frédéric II, mis au ban de l'empire pour avoir donné retraite à Guillaume de Grumbach et à ses complices, meurtriers de l'évêque de Wurzbourg. Le duc Auguste, chargé de l'exécution du décret, l'avait assiégé et pris par famine, le 13 avril 1567. On négociait alors sa liberté, mais elle ne lui fut pas rendue: il est mort en prison, à Neustad, le 9 mai 1595, après vingt-huit ans de captivité. Le duc Jean-Guillaume, son frère, loin de partager sa disgrâce, avait, au contraire, été appelé à profiter de la confiscation de tous ses biens.

[25] Cette nouvelle était fausse. Auguste, duc et électeur de Saxe, est mort seize ans après, le 14 mars 1586.

[26] Voir les Mémoires et Instructions pour les ambassadeurs ou Lettres et Négociations de Walsingham, ministre et secrétaire d'état sous Élisabeth, reine d'Angleterre, 1 vol. in-4o, Amsterdam, 1700.


TABLE
DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME.

ANNÉE 1570.
Pages  

81e Dépêche.—4 janvier.—

 
AU ROI. 1
Audience. 1
A LA REINE. 6
Nouvelles de la Rochelle. 6
Déroute des révoltés du nord. 7

82e Dépêche.—10 janvier.—

 
AU ROI. 10
Nouvelles du nord. 10
A LA REINE. 12
Craintes des Anglais. 13

83e Dépêche.—15 janvier.—

 
AU ROI. 14
Le comte de Northumberland prisonnier. 15
Affaires d'Allemagne et des Pays-Bas. 16
A LA REINE. 18
Affaires de la Rochelle. 18

84e Dépêche.—21 janvier.—

 
AU ROI. 20
Exécutions dans le nord. 21
A LA REINE. 24
Propositions faites à Marie Stuart. 24
Lettre en chiffre. 24
Mémoire secret. 26
Projets du duc d'Albe. 29
Proposition d'une ligue avec l'Espagne contre l'Angleterre. 29

85e Dépêche.—28 janvier.—

 
AU ROI. 33
Mission de Mr de Montlouet. 33
Nouvelles d'Allemagne. 3

86e Dépêche.—2 février.—

 
AU ROI. 37
Audience. 37
Mort du comte de Murray. 39
A LA REINE. 40
Affaires d'Écosse. 40

87e Dépêche.—10 février.—

 
AU ROI. 41
Audience. 41
Arrestation de l'évêque de Ross. 43
A LA REINE. 43
Préparatifs contre l'Écosse. 44
Note. État général des affaires. 45

88e Dépêche.—13 février.—

 
AU ROI. 47
Négociation avec les Pays-Bas. 47
Affaires d'Écosse. 49

89e Dépêche.—17 février.—

 
AU ROI. 51
Sollicitations des protestans. 52
Préparatifs de guerre. 5
A LA REINE. 53
Divisions en Angleterre. 53
Mémoire général sur l'état des affaires. 54

90e Dépêche.—22 février.—

 
AU ROI. 58
Audience. 58
A LA REINE. 61
Affaires de Marie Stuart. 62

91e Dépêche.—26 février.—

 
AU ROI. 63
Affaires de la Rochelle. 63
Instances de Marie Stuart. 66

92e Dépêche.—28 février.—

 
AU ROI. 67
Défaite de lord Dacre. 67

93e Dépêche.—4 mars.—

 
AU ROI. 69
Affaires d'Écosse. 69
A LA REINE. 71
Changement dans les dispositions d'Élisabeth. 71
Mémoire. Préparatifs de guerre en Angleterre. 72
Mémoire secret. Projet pour le rétablissement de Marie Stuart en Écosse, et de la religion catholique en Angleterre. 76

94e Dépêche.—9 mars.—

 
AU ROI. 79
Continuation des préparatifs de guerre. 79

95e Dépêche.—14 mars.—

 
AU ROI. 82
Satisfaction donnée à Élisabeth. 82
Affaires d'Écosse. 83

96e Dépêche.—19 mars.—

 
AU ROI. 85
Nouvelles d'Allemagne. 86
Succès des révoltés en Irlande. 87

97e Dépêche.—27 mars.—

 
AU ROI. 88
Audience. 88
A LA REINE. (lettre secrète) 94
Avis d'une levée d'armes en Allemagne. 94
Mémoire sur les troubles du nord. 95
Mémoire secret. Avis du duc d'Albe; propositions de Cécil et de Leicester; projets des seigneurs catholiques. 98

98e Dépêche.—31 mars.—

AU ROI. 103
Modération d'Élisabeth. 103
Le comte d'Arundel mis en liberté. 104

99e Dépêche.—4 avril.—

 
AU ROI. 106
Faveur du comte d'Arundel. 106
Projet contre l'Écosse. 107

100e Dépêche.—9 avril.—

 
AU ROI. 110
Préparatifs de guerre. 110

101e Dépêche.—13 avril.—

 
AU ROI. 113
Continuation des préparatifs. 113
Nouvelles des protestans de France. 114

102e Dépêche.—18 avril.—

 
AU ROI. 116
Nouvelles d'Écosse. 116
A LA REINE. 120
Nécessité de la paix en France. 121
Lettre secrète. 122
Mémoire. Résolution du conseil d'Angleterre. 122
Mémoire secret sur divers projets de mariage. 125

103e Dépêche.—25 avril.—

 
AU ROI. 128
Prise d'armes contre l'Écosse. 128

104e Dépêche.—27 avril.—

 
AU ROI. 130
État des partis en Écosse. 130

105e Dépêche.—5 mai.—

 
AU ROI. 133
Audience. 133
Nouvelles d'Écosse. 137

106e Dépêche.—8 mai.—

 
AU ROI. 138
Débats dans le conseil. 138
Première invasion en Écosse. 139
A LA REINE. 142
Déclaration du roi touchant l'Écosse. 142
Mémoire général. 144
Mémoire secret sur la déclaration du roi. 148

107e Dépêche.—13 mai.—

 
AU ROI. 150
Nouvelles de l'invasion. 150

108e Dépêche.—17 mai.—

 
AU ROI. 154
Hésitation d'Élisabeth à poursuivre son entreprise sur l'Écosse. 154

109e Dépêche.—22 mai.—

 
AU ROI. 157
Proposition d'un accord touchant Marie Stuart et l'Écosse. 157

110e Dépêche.—27 mai.—

 
AU ROI. 161
L'évêque de Ross mis en liberté. 163
Audience. 163
Résolution du conseil d'éviter la guerre. 168
Traité concernant l'Écosse. 169

111e Dépêche.—1er juin.—

 
AU ROI. 171
Affaires d'Écosse. 171
Exécution des Northon. 173
Bulle qui déclare Élisabeth hérétique. 173

112e Dépêche.—5 juin.

 
AU ROI. 174
Maintien du traité conclu. 175
Audience accordée à l'évêque de Ross. 176

113e Dépêche.—11 juin.—

 
AU ROI. 178
Liberté de l'évêque de Ross. 179
Conditions de la restitution de Marie Stuart. 179
Interrogatoire du duc de Norfolk. 180
Mémoire général. 181
Mémoire secret. Discussion sur le traité. 183

114e Dépêche.—16 juin.—

 
AU ROI. 192
Changement dans les résolutions d'Élisabeth. 192
A LA REINE. 196
Mesures de rigueur contre les catholiques. 196

115e Dépêche.—19 juin.—

 
AU ROI. 198
Audience. 198
A LA REINE. 203
Nouvelles de la Rochelle. 204

116e Dépêche.—21 juin.—

 
AU ROI. 206
Expédition de Bretagne. 206
Nouvelles d'Allemagne. 208
A LA REINE. (Lettre secrète) 209
Projets des protestans de France. 209

117e Dépêche.—25 juin.—

AU ROI. 212
Conditions du traité pour Marie Stuart. 214
Nouvelles d'Allemagne. 215

118e Dépêche.—29 juin.—

 
AU ROI. 216
Audience. 216

119e Dépêche.—5 juillet.—

 
AU ROI. 222
Négociation touchant l'Écosse. 222
Mémoire général. 223
Mémoire secret. Articles concernant Marie Stuart. 228

120e Dépêche.—9 juillet.—

 
AU ROI. 230
Mission de Mr de Poigny. 230
Combat de Sainte-Gemme, près Luçon. 232
Déclaration du duc d'Albe. 233

121e Dépêche.—14 juillet.—

 
AU ROI. 234
Audience. 234

122e Dépêche.—19 juillet.—

 
AU ROI. 240
Audience. 240
A LA REINE. 244
Espoir de la restitution de Marie Stuart. 244

123e Dépêche.—25 juillet.—

 
AU ROI. 246
Délibération concernant le duc de Norfolk. 246
Préparatifs de guerre. 247
Nouvelles d'Allemagne. 248
Mémoire général. 250
Mémoire secret. Intrigues de l'Espagne. 254
Dispositions du cardinal de Chatillon. 256

124e Dépêche.—30 juillet.—

 
AU ROI. 258
Crainte en Angleterre d'une ligue générale; armemens. 258

125e Dépêche.—6 août.—

 
AU ROI. 263
Visite de Mr de Poigny à Marie Stuart. 263
Audience. 264

126e Dépêche.—11 août.—

 
AU ROI. 269
Force de la flotte armée en guerre. 269
Paix de France. 272
Exécution de Felton. 273

127e Dépêche.—14 août.—

 
AU ROI. 274
Mission de Walsingham en France. 274

128e Dépêche.—18 août.—

 
AU ROI. 275
Audience. 276
A LA REINE. 278
Doutes sur la paix de France. 279

129e Dépêche.—21 août.—

 
AU ROI. 280
Instructions de Walsingham. 281
Affaires d'Écosse. 283
A LA REINE. 284
Effet de la pacification. 284

130e Dépêche.—26 août.—

 
AU ROI. 285
D'une entreprise sur Calais. 285
Instances de Marie Stuart. 287

131e Dépêche.—5 septembre.—

 
AU ROI. 289
Audience. 290
Deuxième invasion en Écosse. 294
Mémoire général. 294
Mémoire secret. Dévouement du duc de Norfolk à Marie Stuart; projet de l'Espagne contre l'Angleterre. 299

132e Dépêche.—10 septemb.—

 
AU ROI. 302
Mission de sir Henri Coban aux Pays-Bas. 302
Troisième invasion en Écosse. 304

133e Dépêche.—15 septemb.—

 
AU ROI. 306
Sortie de la flotte. 306
Explications sur la dernière invasion en Écosse. 307
Message du cardinal de Chatillon. 308

134e Dépêche.—19 septemb.—

 
AU ROI. 309
Négociation avec l'Espagne. 310
Affaires d'Écosse. 311

135e Dépêche.—24 septemb.—

 
AU ROI. 313
Mouvement au pays de Lancastre. 313
Conférence avec le cardinal de Chatillon. 314

136e Dépêche.—29 septemb.—

 
AU ROI. 317
Négociation des Pays-Bas. 318
Mission de Mr de Vérac en Écosse. 319

137e Dépêche.—5 octobre.—

 
AU ROI. 320
Retour de Walsingham. 320
Cécil envoyé vers Marie Stuart. 321
Nouvelles d'Allemagne. 322

138e Dépêche.—10 octobre.—

 
AU ROI. 323
Passage de la reine d'Espagne. 324
Prises faites par le capitaine Sores. 326

139e Dépêche.—16 octobre.—

 
AU ROI. 327
Conditions proposées à Marie Stuart. 328
Soulèvement au pays de Lancastre. 330
Mémoire général. Intrigues de l'Espagne, affaires d'Écosse. 331

140e Dépêche.—17 octobre.—

 
AU ROI. 336
De l'alliance d'Écosse. 337

141e Dépêche.—25 octobre.—

 
AU ROI. 339
Audience. 339

142e Dépêche.—30 octobre.—

 
AU ROI. 346
Négociation de Marie Stuart. 346
Nouvelles d'Allemagne. 348

143e Dépêche.—9 novembre.—

 
AU ROI. 350
Audience. 350
A LA REINE. 355
Nouveaux détails d'audience. 355
Lettre secrète. Proposition du mariage du duc d'Anjou avec Élisabeth.
Mémoire général. 360

144e Dépêche.—14 novemb.—

 
AU ROI. 365
Articles proposés à Marie Stuart. 365
Nouvelles des Pays-Bas. 369

145e Dépêche.—19 novemb.—

 
AU ROI. 371
Mission de lord Seyton. 373

146e Dépêche.—25 novemb.—

 
AU ROI. 376
Déclaration du roi concernant l'Écosse. 376
A LA REINE. 380
Détails d'audience. 380

147e Dépêche.—30 novembre.—

 
AU ROI. 382
Audience. 383
Mémoire général. Projet des catholiques dans le pays de Lancastre;—Opinions émises dans le conseil contre Marie Stuart;—Négociations de l'Angleterre avec l'Espagne. 389

148e Dépêche.—7 décembre.—

 
AU ROI. 394
Maladie de Marie Stuart. 397
Affaires des Pays-Bas et d'Allemagne. 398

149e Dépêche.—13 décemb.—

 
AU ROI. 399
Négociation de Marie Stuart. 399
Retour de sir Henri Coban. 400

150e Dépêche.—18 décemb.—

 
AU ROI. 403
Préparatifs de départ de lord Buchard. 403
Nouvelles d'Irlande. 405

151e Dépêche.—23 décemb.—

 
AU ROI. 407
Rapport de Coban à son retour d'Allemagne. 407
Instructions de lord Buchard. 408

152e Dépêche.—29 décemb.—

 
AU ROI. 411
Audience. 411
A LA REINE. (lettre secrète). 414
Négociation du mariage du duc d'Anjou. 414
Mémoire général. 421

Année 1571.—Première partie.

153e Dépêche.—6 janvier.—

 
AU ROI. 426
Nouvelles d'Espagne. 426
Mouvemens dans les Pays-Bas et en Irlande. 427

154e Dépêche.—13 janvier.—

 
AU ROI. 428
Affaires d'Écosse. 428
Mission de lord Seyton. 429
Nouvelles d'Allemagne. 431
A LA REINE. (lettre secrète). 432
Négociation du mariage. 432

155e Dépêche.—18 janvier.—

 
AU ROI. 433
Audience. 433
Prise d'armes des Gueux. 437
A LA REINE. (lettre secrète). 438
Négociation du mariage. 438

156e Dépêche.—23 janvier.—

 
AU ROI. 443
Audience. 444
A LA REINE. (lettre secrète). 447
Négociation du mariage. 447
Avis sur les affaires d'Irlande. 450

157e Dépêche.—31 janvier.—

 
AU ROI. 450
Fêtes pour le retour d'Élisabeth à Londres. 450
Affaires d'Écosse. 452
Nouvelles d'Allemagne. 453
A LA REINE. (lettre secrète). 454
Négociation du mariage. 454

158e Dépêche.—6 février.—

 
AU ROI. 457
Nouvelles de Marie Stuart. 457
Concession de l'Irlande faite par le pape au roi d'Espagne. 458
A LA REINE. (lettre secrète).
Négociation du mariage. 459
Mémoire général. 462
Mémoire secret sur la négociation du mariage. 466

159e Dépêche.—12 février.—

 
AU ROI. 469
Négociation de Walsingham. 469
Affaires d'Irlande. 470
Nouvelles d'Écosse. 471

160e Dépêche.—17 février.—

 
AU ROI. 473
Affaires d'Écosse. 473
Nouvelles des Pays-Bas. 476

161e Dépêche.—23 février.—

 
AU ROI. 477
Audience. 477
Convocation du parlement. 481

FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME.

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