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Correspondance diplomatique de Bertrand de Salignac de la Motte Fénélon, Tome Sixième: Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575

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The Project Gutenberg eBook of Correspondance diplomatique de Bertrand de Salignac de la Motte Fénélon, Tome Sixième

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Title: Correspondance diplomatique de Bertrand de Salignac de la Motte Fénélon, Tome Sixième

Author: active 16th century seigneur de La Mothe-Fénelon Bertrand de Salignac

Release date: December 17, 2012 [eBook #41644]
Most recently updated: October 23, 2024

Language: French

Credits: Produced by Robert Connal, Hélène de Mink, and the Online
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file was produced from images generously made available
by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
http://gallica.bnf.fr)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE DE BERTRAND DE SALIGNAC DE LA MOTTE FÉNÉLON, TOME SIXIÈME ***

Notes de transcription:
Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.

Sur la page 456, l'expression Vc signifie que le chiffre romain doit être multiplié par cent. Le symbol #, qui suit, pourrait représenter une «lire», car il est suivi du mot «d'esterling» et c'est sous le nom de «lire» que le livre sterling était connu à l'époque en France.

CORRESPONDANCE
DIPLOMATIQUE

DE

BERTRAND DE SALIGNAC
DE LA MOTHE FÉNÉLON,
AMBASSADEUR DE FRANCE EN ANGLETERRE
DE 1568 A 1575,

PUBLIÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS
Sur les manuscrits conservés aux Archives du Royaume.

TOME SIXIÈME.
ANNEÉS 1574-1575.

PARIS ET LONDRES.


1840.

RECUEIL
DES
DÉPÊCHES, RAPPORTS,
INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES

Des Ambassadeurs de France
EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE
PENDANT LE XVIe SIÈCLE,

Conservés aux Archives du Royaume,
A la Bibliothèque du Roi,
etc., etc.,

ET PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS
Sous la Direction
DE M. CHARLES PURTON COOPER.


PARIS ET LONDRES.


1840.

DÉPÊCHES, RAPPORTS,
INSTRUCTIONS ET MÉMOIRES
DES AMBASSADEURS DE FRANCE
EN ANGLETERRE ET EN ÉCOSSE
PENDANT LE XVIe SIÈCLE.

LA MOTHE FÉNÉLON.

Imprimé par BÉTHUNE et PLON, à Paris.

A
MR HENRI HALLAM
COMME TÉMOIGNAGE D'ADMIRATION
POUR SES OUVRAGES HISTORIQUES
ET COMME GAGE
DE RECONNAISSANCE POUR DE NOMBREUX SERVICES PERSONNELS.
CE VOLUME LUI EST DÉDIÉ
PAR
SON TRÈS-FIDÈLE ET TRÈS-OBLIGÉ SERVITEUR
CHARLES PURTON COOPER.

DÉPÊCHES
DE
LA MOTHE FÉNÉLON

CCCLIXe DÉPESCHE

—du Ve jour de janvier 1574.—

(Envoyée exprès jusques en la court par Jacques.)

Audience.—Négociation du mariage.—Desir d'Élisabeth de prendre l'avis des princes protestans d'Allemagne.—Demande de nouveaux délais.—Avis d'une entreprise projetée contre la France.—Nouvelles d'Écosse et d'Irlande.

Au Roy.

Sire, le deuxiesme jour de ce moys de janvier, j'ay esté faire les compliments du nouvel an à la Royne d'Angleterre, et luy dire que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, le luy souhaitoient très bon, voyr le meilleur qu'elle eût encores eu, depuis, ny auparavant estre Royne; et que vous desiriés, de bon cueur, que ce fût, en cestuy cy, auquel il pleût à Dieu de changer la solitude, où elle avoit tousjours vescu, en ung soulas d'une très douce et desirée compagnye d'ung jeune et vertueux prince, qui luy fît trouver les années à venir encores plus heureuses et plaines de félicité que les passées; et que vous n'aviez aujourdhuy aulcune chose au monde en plus grande affection que de pouvoir bientost ouyr la responce, qu'après le retour de Me Randolphe, elle vous voudroit faire; dont me commandiés d'incister, aultant qu'il me seroit possible, de l'avoir, du premier jour, et de l'avoyr ainsy bonne comme la desiriés, et comme l'honneste et persévérant desir de Monseigneur vers elle le méritoit. Et ay adapté à cella les aultres propos que j'ay trouvés ès lettres de Vostre Majesté, du VIIIe et XXIIe du passé, sellon que j'ay veu qu'ilz y pouvoient convenir.

A quoy la dicte Dame m'a respondu qu'elle recevoit ces bons et honnestes souhayts, que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, luy faisiés, pour la meilleure estrayne, et le plus précieulx et agréable présent, qui luy pouvoit estre faict, à ce commancement d'année; dont vous en remercyoit le plus qu'il luy estoit possible, et vous prioit, toutz deux, de vouloir aussi accepter d'elle ung semblable présent d'ung pur et parfaict desir qu'elle avoit à vostre bien et grandeur, et à la continuation de vos félicités, et que, sortant cella de son cueur, ainsy qu'elle s'assuroit que ce que luy aviés mandé partoit aussy du cueur de Voz Très Chrestiennes Majestez, elle pensoit que c'estoit chose à plus estimer, que si, de chascun costé, eussiés mis la main au cabinet de voz meilleures bagues, pour vous entre envoyer celles qui eussent esté de plus de pris; et qu'il estoit très raysonnable qu'elle vous fît bientost sçavoir la responce qu'attandiés maintenant d'elle, laquelle elle ne vous vouloit nullement différer, et me prioit seulement de luy donner deux ou troys jours de terme pour en dellibérer avec ses conseillers, desquelz l'absence des ungs, et la maladye des aultres, estoit cause qu'elle n'y avoit peu vacquer, durant ces festes, ainsy qu'elle me l'avoit promis; et qu'il pourroit estre que cepandant arriveroient les ambassadeurs des princes protestants d'Allemaigne, desquelz s'estoit entendu qu'ilz vouloient envoyer vers elle intercéder pour le propos de Monseigneur; en quoy, encor qu'elle ne voulût estre veue dépandre tant d'eux, qu'on cuydât qu'elle fût en leur tutelle, si estimoit elle que leur office, en cest endroict, ne pourroit estre sinon bien honnorable pour les deux costés; et pourroit, en plusieurs choses, parce qu'ilz estoient de la mesme religion de ce royaulme, beaucoup servir à rendre agréable, et plus approuvé le mariage vers toutz ses subjects.

J'ay répliqué qu'après les aultres grands dellays qu'elle avoit desjà prins en cest affaire, je craignois que celluy qu'elle demandoit maintenant, encor que ne fût que de troys jours, vous semblât intollérable; car pensiés qu'elle eût desjà sa responce toute preste, pour la vous pouvoir incontinent mander, sans estre besoing qu'elle l'allât rechercher d'aultruy; et qu'au moins la priois je que, dans ceste feste des Roys, il luy pleût me la faire ainsy royalle comme il convenoit à la Royne qui la feroit, et aulx Roys et princes à qui elle seroit faicte; et qu'encor que rien du propos n'eût à dépendre d'ung tiers, si, pensois je, vous n'auriés mal agréable que les princes d'Allemaigne envoyassent icy leurs ambassadeurs, car les sentiés de si bonne inclination vers vous qu'ilz n'y procureroient que l'effect de ce que desiriés.

Elle m'a respondu que je cognoissois assez l'humeur de deçà, comme rien ne s'y pouvoit expédier sans cérymonie; dont ne me debvois tenir graivé qu'elle m'eût encores demandé ce peu de temps, et qu'elle ne sçavoit de certain si les princes d'Allemaigne envoyeroient icy, mais qu'elle sentoit bien qu'il ne seroit que bon qu'ilz le fissent.

Et est ung poinct, Sire, qu'elle a monstré qu'elle le desiroit bien fort, et qu'elle auroit grand plaisir qu'en fissiés faire quelque instance, soubz main, ainsi que le comte de Lestre me l'a confirmé; et peut estre que c'est ce qui la faict ainsy temporiser maintenant, ou bien pour entendre mieulx comme il va du faict de la Rochelle, car ceulx de ce conseil en sont toutz en grand suspens, ou bien pour attandre l'arrivée du gentilhomme que le nouveau gouverneur de Flandres envoye vers elle, qui sera icy à la fin de ceste sepmayne, et bientost après le suyvront, à ce que j'entends, le Sr de Forges et le Sr de Sueveguen, conseillers d'estat du pays, pour venir radresser l'entrecours, et accommoder les aultres différants d'entre les Angloys et les subjects du Roy d'Espaigne. Or ay je, Sire, au partir de la dicte Dame, bien estroictement conféré avec le garde des sceaulx, et avec le comte de Sussex, avec l'admiral, et avec Mr Walsingam, lesquelz m'ont uzé de beaucoup de bonnes parolles; et puis, suis allé voyr, en passant, milord trésorier, en son lict, qui m'en a uzé encores de meilleures. Mais il m'a bien donné à cognoistre que l'accidant de la Rochelle venoit mal à propos, par ce, dict il, qu'il ne falloit s'attandre que la conclusion du mariage se fît, sinon en concluant une parfaicte union entre les deux royaumes, et faysant une communication des conseils et des forces des deux, pour résister à toutz ceulx qui voudroient nuyre ou à l'ung ou à l'aultre; et qu'il n'estoit possible que cella se fît, si Vostre Majesté ne pourvoyoit que ceulx de la nouvelle religion peussent vivre en France, non en la licence que, possible, ilz voudroient, mais en la seureté de leurs vies, et honneste liberté de leurs consciences, soubz la modération que vos édicts leur ordonnoient. Je solliciteray, à toute heure, la susdicte responce; et Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, y ayderez s'il vous plait de dellà, sellon qu'aurez prins expédient de le faire sur les advis que, par le Sr de Sabran, je vous ay mandés.

Voicy, Sire, ung advis qu'on me vient de donner. Il a esté mis en dellibération, entre aulcuns passionnés de la nouvelle religion, que, de tant que ceulx de la Rochelle s'apperçoyvent maintenant qu'il y a de la division entre eulx, et qu'ilz sont en plus dangereux estat que quand ilz estoient assiégés, l'hautorité du mayre n'estant pour y tenir longuement les choses en modération, qu'ilz doibvent estre persuadés de recevoyr en leur ville quelque force et garnison des Angloys; et que, se trouvant les pays d'Aulnis, de Poictou, de Saintonge, d'Angoulmoys, et aultres endroicts de la Guyenne, intéressés en la même cause, qu'il sera facille de passer oultre en pays, et y mettre si bien le pied qu'il ne sera aysé de l'oster, accordant mesmement aulx habitans du pays de leur renouveller leurs anciennes immunités et franchises; et que cella commançoit de se mener bien à l'estroict, et bien fort secrettement, de peur qu'il n'en vînt quelque chose à ma notice. Qui ne sçay encores, Sire, s'il a esté ainsy proposé à ceste princesse, mais l'on m'a bien fort assuré qu'il a esté mis en avant à aulcuns de son conseil, lesquels l'ont grandement gousté; et pourtant semble expédient que Vostre Majesté envoye promptement rassurer les dicts de la Rochelle en quelque si bonne façon, qu'ilz n'ayent à desirer ny rechercher aulcune sorte de nouvelleté en leur ville.

Quand à l'Escoce, le comte de Morthon a naguyères faict exécuter ung hermestran qui a chargé le comte d'Honteley, Baffour, le feu comte d'Arguil et le mesme Morthon, d'estre copables de la mort du feu Roy d'Escosse; de quoy l'on soupçonne qu'il se pourra renouveller du trouble au pays. Au regard de l'Irlande, le vray comte d'Esmond a tant faict qu'il a mis des forces en campaigne, et a reprins presque tout son estat sur le bastard qui le luy usurpoit, et qui estoit maintenu par les Angloys, et a prins le mesme bastard et sa femme prisonniers. Et ayant Fitz Maurice aussy soublevé ung aultre quartier du pays, et prins quelques forts, il s'est joinct à luy avecques ses troupes; et attandent du secours d'Espaigne, où le dict Fitz Maurice a envoyé son filz pour ostage; et le comte d'Essex a esté bien mal traicté au quartier où il est descendu. L'on traicte, en ce conseil, d'y envoyer promptement quatre cappitaines avec les soldats qui sont naguyères revenus d'Ollande, et d'y faire passer le comte d'Ormont, bien que, pour estre naturel du pays, l'on l'a aulcunement suspect, et, avec luy, milord Rich et Me Parait. Et m'a quelqu'ung faict sentir que ceste princesse auroit grand playsir que vostre ambassadeur, qui est en Espaigne, veillât ung peu sur les actions de Estuqueley et du filz du dict Fitz Maurice, affin de l'esclarcyr en ce qui se brassera par dellà contre elle. Sur ce, etc. Ce Ve jour de janvier 1574.

CCCLXe DÉPESCHE

—du XIIe jour de janvier 1574.—

(Envoyée par le cappitaine Mazin d'Albène.)

Explications sur l'entreprise tentée contre la Rochelle.—Assurances données par le roi que l'édit de pacification sera maintenu.—Négociation du mariage.—Protestation de dévouement de l'agent de la Rochelle.—Efforts de l'ambassadcur pour empêcher les Anglais de former une entreprise contre la France.

Au Roy.

Sire, la dépesche de Vostre Majesté, du XXIXe du passé, laquelle le cappitaine Mazin m'a rendue le VIIIe d'estui cy, m'a esté ung argument tout à propos pour aller trouver ceste princesse, à laquelle j'ay faict entendre que les choses de la Rochelle avoient passé et estoient maintenant en l'estat que me l'avez mandé, et luy en ay faict voyr le mémoire que j'en ay trouvé dans vostre pacquet, ensemble ung extraict de celle partye de vostre lettre qui en parle en très bonne façon. Et ay estimé, Sire, qu'il estoit expédient d'en uzer ainsy, parce que je sçavoys bien que desjà l'on en avoit parlé, tout aultrement que de ce qui est, à la dicte Dame; et que ceulx, qui craignent le succès du propos de Monseigneur le Duc, luy avoient discouru que vostre lieutenant en Poictou n'eût jamays ozé attempter à la surprinse de ceste ville, ny à rompre vostre édict, ny n'eussent, deux ou trois des compagnyes de voz ordonnances, marché jusques bien près du lieu, sans commandement de Vostre Majesté; et avoient faict, de cella et de l'armement qu'ilz disent qui s'appreste en Normandie, et de la prinse de huict ou dix navyres angloys qui ont esté nouvellement combatus, à leur retour de Bourdeaulx, par des navyres françoys qui les ont ammenés, une grande déduction à la dicte Dame pour luy imprimer que, en nulle sorte, se pourra jamays bien establir amityé, aulmoins qui soit de durée, entre Vostre Majesté et les Protestants; dont, par les arguments que je luy ay admenés au contrayre, qui ont esté les plus vifs que j'ay peu, j'estime luy avoir beaucoup diminué ceste opynion.

Néantmoins, de ces accidants et de ce que, possible, son ambassadeur luy a escript, elle a encores ceste foys différé de me faire sa responce, bien que je l'en aye extrêmement pressée, et que mes instances n'ont esté petites, et que je sçay bien que, dès devant hier, ses conseillers luy avoient, là dessus, donné leur advis conforme, ainsy que j'entends, à ce qu'ilz avoient tousjours conseillé: qu'elle se debvoit marier et qu'elle debvoit entendre à cest honnorable party de Monseigneur, pourveu qu'elle s'en peult complayre. Mais elle m'a remis à Hamptoncourt, s'excusant que, à cause que le souspeçon de peste la contreignoit de partir trop soubdain d'icy, et qu'aulcuns de ses conseillers estoient absants, elle ne me pouvoit résoudre, jusques à ce qu'elle fût au dict lieu, mais que, sans aulcun doubte, elle me résoudroit, dans ceste procheyne sepmayne, sans plus de remises. Et je vous supplye très humblement, Sire, de croyre que je ne perds heure, ny momant, de la sollicitation qui se peut mectre en cest affère; et, encor que la lettre de crédict ne soit poinct arrivée, je n'ay layssé de faire valoir, le mieulx que j'ay peu, l'assurance, que m'avez mandée, que me l'envoyeriés. Et ay dict à milord trésorier et au comte de Lestre que vous ne vouliés prescripre à l'ung ny à l'aultre ce qu'entendiés de fère pour eulx, car dellibériés de commettre aultant que montoit la mesmes personne et la grandeur et la fortune de Monseigneur, vostre frère, le tout en leurs meins, et que leur loyer surmonteroit indubitablement et vos promesses et leur espérance; mais qu'en l'endroict des personnes, ès quelles ilz estimeroient estre bon d'uzer quelque présente libéralité, qu'ilz la promissent ardiment pour vous, car vous y satisfferiés entièrement, et me feriés venir jusques à cinquante et soixante, et cent mille escus pour y fournir à leur discrétion, ce qui n'a esté prins que de très bonne part. Et à quelques aultres propos, bien esloignés de cella, j'ay sondé le Sr Acerbo s'il auroit moyen de fournir, icy, de l'argent; qui m'a dict qu'il fournira tousjours, en ceste ville, jusques à cent mille escus, sur la lettre du Sr Orace Russelin et sur celle du sieur Jehan Baptiste Gondy, et qu'il ne fault sinon qu'on accorde de quelque assignation par dellà avec l'ung d'eux pour estre rembourcé, au cas que leur crédict soit employé icy, et que, s'il ne l'est poinct, l'on leur rendra leur lettre. De quoy j'ay desjà prins parolle du dict Sr Acerbo.

Et après, Sire, que j'ay eu communiqué à la Royne d'Angleterre et aulx seigneurs de son conseil ce que m'avés mandé de la Rochelle, je l'ay faict sçavoyr aulx gentilshommes et aultres vos subjects qui sont icy, desquelz y en y a eu qui n'ont peu contenir les larmes du grand ayse, qu'ilz ont receu, de la déclaration de Vostre Majesté, et de ce que leur voulés maintenir vostre édict; ny pas ung d'eulx n'a dict, ny monstré semblant aulcun, de vouloir devenir aultres que très humbles et très obéissantz subjectz de Vostre Majesté. Et l'agent de la Rochelle, sur toutz, s'est resjouy de la susdicte déclaration, et m'a instamment requis de vous supplyer très humblement, Sire, qu'il vous playse ne croyre que, de la part de ceulx de sa ville, ny en général, ny en particullier, il soit venu aulcun advertissement, ny plaincte, ny remonstrance de ce faict en ceste court; et que seulement ung homme qui estoit présent, quand les choses furent descouvertes, estant, d'avanture, arrivé icy pendant le premier bruict qui en couroit, il a esté appellé devant le comte de Lestre pour dire ce qu'il en sçavoit; et qu'il me promettoit, devant Dieu, qu'il ne s'estoit traicté ny se traicteroit rien, icy, par ceulx de sa ville, qu'il ne m'en fît participant, affin que je fusse tesmoing que leurs déportements n'estoient que de loyaulx et fidelles subjects de Vostre Majesté. Par quoy je luy ay permis de fère sçavoir à ceulx de sa ville la façon dont Vostre Majesté avoit escript, par deçà, de ce faict.

J'ay mis toute la dilligence, qu'il m'a esté possible, et ne cesse encores par les meilleurs moyens, que je puis, de destourner celle dellibération, que je vous ay mandée qu'on mettoit en avant, touchant la dicte ville de la Rochelle et ce quartier de la Guyenne qui est entre la Loyre et la Garonne, et pense avoyr faict quelque commancement de la divertyr. Néantmoins, parce que ceulx de la nouvelle opinyon ne se peuvent encores bien rassurer de ces rescentes souspeçons, et que ceulx cy arment et équippent navyres et font quelque description de gens de guerre, pour envoyer, ainsy qu'ilz disent, en Irlande, je supplye très humblement Vostre Majesté de fère advertyr, secrettement, les gouverneurs, tout le long de vostre coste, qui regarde la mer de deçà, qu'ilz ayent à se tenir sur leurs gardes, bien qu'on ne m'a jamays annoncé icy plus de paix ny d'amityé qu'on faict maintenant. Et sur ce, etc.

Ce XIIe jour de janvier 1574.

CCCLXIe DÉPESCHE

—du XVIIIe jour de janvier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Mission du baron d'Aubigny, envoyé en Angleterre par le roi d'Espagne.—Négociation des Pays-Bas.—Affaires d'Irlande.—Nouvelles de la Rochelle.—Inquiétudes causées à Londres par les armemens préparés en France et les nouvelles prises faites par les Bretons.—État de la négociation du mariage.

Au Roy.

Sire, le baron d'Aubigny, de Bourgoigne, est ce gentilhomme que le grand commandeur de Castille a envoyé devers ceste princesse, lequel parle assez bien le langage de ce pays, car il a esté nourry page de la feue Royne Marie d'Angleterre, et est arrivé, le XIIIIe de ce moys, en ceste ville, et, le troysiesme jour après, il a passé oultre à Hamptoncourt. Les deux commissayres des Pays Bas, qui estoient avecques luy, sont encores, derrière, à Donquerque, parce qu'ils n'ont voulu passer deçà sans ung saufconduict de la dicte Dame, laquelle le leur dépescha hier; et ilz seront, de brief, icy, pour vacquer quelques moys à radresser l'entrecours, et accorder les différants des prinses, s'ils peuvent. Je ne sçay encores comme l'affère leur succèdera.

Les quatre cappitaynes, qui doibvent aller en Irlande, ont faict la monstre de leur huict centz hommes, et ont touché deniers. Ilz s'achemineront dans deux ou trois jours; et j'entends qu'on les haste ainsy de partir, parce qu'il est venu nouvelles que les Angloys ont esté, de rechef, bien battus de dellà, et l'ung des filz du milord Housdon tué, et que le comte d'Essex est asssiégé en ung destroit de pays, où, s'il n'est secouru dedans ung moys, il sera contrainct de se rendre; et a mandé que le comte d'Esmond a faict ligue avec trois aultres comtes du pays, qui dellibèrent de mettre chacun dix mille hommes en campaigne, à ce prochain printemps, oultre le secours qu'ilz attandent de Mac O'Nel l'escossoys. Dont ceulx cy se trouvent assés empeschés comme remédier à cest affère, et mesmement qu'on leur mande que les Irlandoys, lesquels on disoit que s'enfouyeroient à la première harquebouzade qu'ilz orroient, se monstrent aultant ou plus assurés harquebouziers que les Angloys, dont souspeçonnent qu'il y ayt des françoys et hespaignols parmy eulx, qui les dressent ainsy et qui les conduysent.

Quand au faict de la Rochelle, ce qu'il vous a pleu, Sire, dernièrement m'en escripre, a faict que, en ceste court, ny parmy les Angloys, ny encores parmy voz subjects qui sont icy, l'on n'en parle plus de la façon qu'on faysoit, et que chascun commance de se proposer des considérations fort apparantes pour juger que l'entreprinse n'a esté dressée, ny du sceu ny du commandement de Voz Majestez Très Chrestiennes. Il est vray que, en l'endroict des ungs, ny en l'endroict des aultres, parce qu'ilz sont touts assés ombrageux et deffiants, je ne puis, pour encores, advancer guyères que de les fère demeurer paysibles, et sans rien mouvoir, jusques à ce qu'ils voyent comme les choses procèderont, et comme ceulx de Languedoc se réduyront, et qu'est ce que résultera de ceste assemblée de conseil que Vostre Majesté tient maintenant à St Germain en Laye, car monstrent que, jusques allors, ilz ne pourront guyères bien déposer la crainte et l'espouvantement où ilz sont. Et si, m'a t on, depuis deux jours, Sire, confirmé cella mesmes, que je vous ay naguyères mandé, touchant recevoir des forces d'Angleterre en ce quartier de la Guyenne qui est entre Loyre et Garonne, et susciter là une grande révolte contre Vostre Majesté. En quoy, encores que je n'espère estre si endormy, si l'on en venoit à des actes prochains, que je ne vous en puisse bien advertyr, si vous suppliè je très humblement, Sire, de faire cepandant sonder, par vos lieutenants et gouverneurs, s'il y a estincelle aulcune de telle impression ès cueurs de voz subjects au dict pays; car je confesse que cest advis me vient d'ung endroict, d'où, d'aultres foys, l'on m'a interpretté les actions de ceulx de la nouvelle religion en tout aultre sens que je ne l'ay, puis après, peu vériffier, ny qu'il ne s'est à la fin trouvé.

Tant y a que ceste princesse ne m'a peu dissimuler qu'on n'ayt mis peyne de luy donner une malle impression de la prinse de ces dix navyres, qui a esté faicte sur ses subjects, en allant et retournant de Bourdeaulx, et de ce qu'on luy a dict que, dans la rivyère de Bourdeaulx, Vostre Majesté faict tenir deux grands navyres de guerre touts prets, et ung en Brouage, et quatre fort grands à Brest, quelque autre nombre à St Mallo, cinq au Hâvre de Grâce, sept à Dieppe, et vingt huict navires bretons, de cent et six vingts tonneaulx chacuns, à Callays, qui y sont depuis deux moys, et les gens de guerre toutz prets, en Picardye, pour les embarquer. A quoy, encor que je luy aye abondamment satisfaict, je sents néantmoins qu'on la veult, par là, mettre en allarme, affin que, de son costé, elle face aussy armer et mettre hors aulcuns de ses grands navyres de guerre, comme je ne fay doubte qu'on ne la conduyse facillement à cella; et que sir Artus Chambernan et Me Hacquens qui ont esté, ces jours passés, fort négociants en ceste court, n'obtiennent aussy commission d'armer des vaisseaulx, vers le Ouest, pour courre ceste mer estroicte, ou pour estre prets à toutes occasions. A quoy j'auray l'œil le plus ouvert, que je pourray, pour en advertyr incontinent Vostre Majesté.

Au regard du propos de Monseigneur le Duc, j'attands, d'heure en heure, Sire, que la dicte Dame me face appeller à Hamptoncourt pour me bailler sa responce. Et le comte de Lestre m'a promis qu'il sera fort dilligent et soigneux de luy recorder qu'elle ne me la vueille plus prolonger; et encores, à toutes advantures, j'envoye le Sr de Vassal présentement devers luy affin qu'il ne l'oublye. Cepandant j'ay visité milord de Burgley, à son commancement de guérison, pour conférer de cest affaire avecques luy, lequel m'a pryé de presser, le plus que je pourray, icelluy affère, et que, nonobstant qu'il soit contredict de plusieurs, que je n'en veuille encores mal espérer. Sur ce, etc.

Ce XVIIIe jour de janvier 1574.

A la Royne

Madame, premier que la Royne d'Angleterre soit partie d'icy pour aller à Hamptoncourt, encor que ce ayt esté bien soudaynement et à la haste, je l'ay néantmoins fort pressée, et faicte bien fort instamment presser, par milord trésorier et par le comte de Lestre, de me vouloyr fère sçavoyr la responce qu'elle entend fère à Voz Majestez Très Chrestiennes touchant le propos de Monseigneur le Duc, vostre filz; mais il ne m'a esté possible de tirer aultre chose d'elle, sinon que, dans peu de jours, elle me feroit appeler pour me la dire, et que, si elle se trouvoit maintenant un peu longue à se résouldre en cella, qu'elle vous prioit, Madame, de vous souvenir que vous aviés bien esté six moys entiers sans luy mander rien de certain touchant l'entrevue; à l'occasion de quoy elle vous supplioyt qu'à ceste heure vous layssiés compenser la longueur de l'une avec celle de l'aultre. Et bien, Madame, que je n'aye deffally de responce là dessus, elle m'a néantmoins fort conjuré de ne me douloyr de ce petit dellay, qui luy faysoit encores besoing, car m'assuroit qu'il ne seroit long. Et le comte de Lestre a prins en luy de m'envoyer ung de ses gentilshommes pour m'advertyr proprement du jour que j'iray trouver la dicte Dame; mais, ne m'attendant du tout à cella, je viens de luy dépescher, tout à ceste heure, ung des miens, affin de le luy recorder. Et semble qu'elle ayt esté persuadée d'accomplir ce que le duc d'Alve desiroit en cest affaire, qu'elle ne conclûd rien avec Monseigneur, vostre filz, sans avoyr entendu quelz advantages l'on luy feroit proposer pour le filz de l'Empereur; et, possible, aulcuns, en ceste court, s'attendent que le baron d'Aubigny en mette quelque chose en avant, et qu'il ayt charge d'en parler. Et il est bien certain que, toutes les foys que Voz Majestez Très Chrestiennes ont faict attacher chaudement ceste praticque, que, du costé d'Espaigne, l'on n'a fally, soubz aultres prétextes, d'envoyer soubdain icy des ambassadeurs pour y donner tout l'empeschement qu'on a peu; tant y a qu'on me faict accroyre que debvés encores paciemment attandre ceste responce, sans vous désespérer de vostre pourchas.

Et milord Trésorier, avec lequel j'en ay, depuis deux jours, fort estroictement conféré, m'a dict que les adversayres du propos, encor qu'ilz soient en grand nombre, n'ont, jusques à ceste heure, peu prévaloyr contre la dellibération des principaulx du conseil, qui sont fort bien résolus pour le mariage de leur Royne. Sur ce, etc.

Ce XVIIIe jour de janvier 1574.

CCCLXIIe DÉPESCHE

—du XXVIe jour de janvier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Audience.—Nouveaux retards apportés à la négociation du mariage.—Mission du baron d'Aubigny.—Communication faite par l'agent de la Rochelle.—Assurance donnée par l'ambassadeur que le roi ne veut rien attenter contre cette ville.

Au Roy.

Sire, j'ay esté, le XXe de ce moys, à Hamptoncourt, pour presser ceste princesse de me vouloir fère sa responce sur le propos de Monseigneur le Duc, et elle a monstré qu'elle estoit preste de le fère, et que nulle difficulté, ny argument du passé, y donnoit plus d'empeschement, s'en estant elle, avec ceulx de son conseil, entièrement bien résolue; mais qu'il estoit survenu, de nouveau, aulcuns escrupules, aulxquels elle pensoit que Vostre Majesté pourroit facillement satisfère, lesquels iceulx de son dict conseil jugeoient estre expédient de les oster, premier qu'elle peût bien respondre. Et me les a fort amplement desduicts, et m'a dict qu'elle feroit promptement partir ung courrier, devers son ambassadeur, pour vous faire entendre le tout, affin que Vostre Majesté n'estimât que ceste remise fût sans beaucoup de fondement.

J'ay respondu à toutz ces escrupulles de la dicte Dame, et plus à ceulx dont j'estois adverty qu'elle estoit vifvement touchée dans son cueur, qui estoient véritablement considérables, et desquels elle ne me faisoit poinct de mencion, que à ceulx dont elle me parloit; et l'ay fort adjurée de ne vouloir, pour cella, interposer plus de longueur en sa responce, de peur que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Monseigneur le Duc, ne l'interprétissiés à une manyère de deffaicte; et qu'il n'estoit besoing qu'elle envoyât en France, ny qu'elle attandît aulcune satisfaction de dellà, car ce que je venois de luy respondre pouvoit suffire à elle, et aux seigneurs de son conseil, pour demeurer bien esclarcys de toutz les dicts escrupulles.

Elle m'a réplicqué qu'elle me prioit donc de vouloir fère communicquation, à quelques ungs de son dict conseil, des articles de mes dépesches, que je luy venois de déduyre, affin qu'ilz en peussent prendre aultant de satisfaction qu'elle: comme j'ay faict à milord trésorier et au comte de Sussex. Et suys maintenant à poursuyvre, comme devant, la susdicte responce, laquelle j'espère avoyr bientost. Et pense, Sire, que, par le rapport, que le cappitaine Mazin vous aura faict, de la rigueur qu'on luy a tenue, au repasser en France, Vostre Majesté aura comprins d'où est procédé l'ung de leurs dicts escrupules, qui n'a esté si petit qu'ilz n'en ayent faict tenir les passages sérés, pour quelques jours, et faict surprendre beaucoup de pacquetz; dont encores quelques ungs des miens en ont esté retardés.

Le baron d'Aubigny, après avoyr esté, cinq jours, en ceste court, festoyé et caressé, et l'avoyr ceste princesse fort bénignement ouy, par deux foys, et luy avoyr baillé responce aulx troys lettres, qu'il luy a apportées, du duc d'Alve, du grand commandeur et des Estatz de Flandres, car n'en avoit du Roy d'Espaigne, bien qu'on l'ayt voulu publier aultrement, il a esté favorablement licencié d'elle, avec présant d'une chayne de quatre centz escuz. Et aulcuns luy ont voulu toucher, en passant, qu'elle se vouloit, plus estroictement que jamays, confédérer avec le Roy d'Espaigne, et luy envoyer bientost ou le vicomte de Montégu, ou milord Sideney, et que seulement elle s'entretenoit avec Vostre Majesté pour gaigner temps. Néantmoins, le jour d'après, ung estranger, qui est icy, lequel est fort du party d'Espaigne et inthime amy de Gouaras, m'est venu chaudement rechercher d'une praticque, de laquelle je résous faire cy après mencion à Vostre Majesté; laquelle monstre bien qu'ilz procèdent entre eulx d'une grande deffiance, et que, nonobstant la venue des deux depputés des Pays Bas, qui semblent n'attandre que le retour du dict d'Aubigny à Dounquerque, pour passer deçà, ilz ne s'attandent guyères, de pas ung costé, qu'ilz puissent bien accomoder leurs différants.

Ceulx de la Rochelle, devers lesquels le comte de Montgommery avoit dépesché ung sien secrettère, pour leur donner compte des frays du secours qu'il leur avoit admené, durant ce siège, luy ont renvoyé en dilligence le dict secrettère.

Et despuis, l'agent de la Rochelle m'est venu dire, que, suyvant la promesse, qu'il m'avoit faicte, de me conférer tout ce qui surviendroit, icy, concernant ceulx de sa ville, il me vouloit bien advertyr qu'il avoit receu lettres d'eux, par lesquelles ilz luy confirmoient la vérification de l'entreprinse, qui avoit esté faicte, pour livrer eulx, et leur ville, à un misérable saccagement; non qu'on luy mandât que ce fût, du sceu ny du commandement de Vostre Majesté, mais qu'ilz avoient évité ung très grand et manifeste danger; et estoient encores en quelque frayeur de ce que les garnisons, d'alentour d'eux, se grossissoient et renforçoient, chacun jour, et qu'ils entendoient qu'une nouvelle levée de Suisses avoit esté mandée, et qu'en divers ports du royaulme s'équippoient en guerre beaucoup de navyres. Ce qu'ayants les gentilshommes et aultres de la nouvelle religion eu bien fort suspect, il s'en estoit retiré quelque nombre en leur ville, non qu'ils les y eussent appellés, mais ilz y estoient venus, de eulx mesmes, pour éviter le danger, et pour recognoistre d'où procédoit le fonds de ceste entreprise; et que le dict agent sçavoit bien que iceulx habitants n'avoient aultre affection que de vivre en vrays et loyaulx subjects, sans exception quelconque, que de ce, seulement, qu'il avoit pleu à Vostre Majesté leur octroyer par le dernier édict; et qu'ilz ne cherchoient que la seule seureté, laquelle si se pouvoit trouver, non seulement la ville seroit preste d'obéyr à vostre vouloir, comme elle fera tousjours, mais au simple mandement du moindre de voz officiers; et qu'il me prioit que, de ce costé, je voulusse signiffier ceste leur dévotion et servitude à Vostre Majesté, ainsy qu'il estimoit que, de dellà, ilz envoyeroient ung de leurs habitans pour le vous dire.

J'ay respondu, Sire, que, sans escrupulle aulcun, il se pouvoit assurer que Vostre Majesté garderoit inviolablement son édict à ceulx de sa ville, et qu'ilz n'avoient à souspeçonner ny les garnisons, ny les Suisses, ny les navyres dont ilz parloient: car, oultre que je pensois qu'il n'en estoit rien; encore, par nulle rayson ny par démonstration aulcune, il ne pouvoit estre ny vray ny vraysemblable que les volussiez tourner assiéger, sinon qu'ils se missent tant hors des termes de l'édict que eulx mesmes en fussent l'occasion; et que je craignois assés que ceste tant chaude allarme, qu'ilz s'estoient donnée, les eût desjà tant esmeus, et les fît passer si avant à des exécutions, et à recevoir gens de guerre en leur ville, et, possible, à d'aultres praticques ailleurs, qu'en lieu de se rendre, par iceulx habitants, Vostre Majesté favorable, ilz la provoqueroient contre eulx; et qu'icelluy agent avoit bien veu en quelle bonne sorte vous m'aviés commandé de parler, icy, de leur affère, et comme vous aviés approuvé l'exécution qu'ilz avoient faicte; et j'espérois que, par mes premières, je luy pourrois encores donner si bon compte de toutes ces choses, dont il monstroit d'estre en peyne, qu'à mon advis il en resteroit consolé, et auroit de quoy en consoler ceulx de sa ville; et qu'en ce que je me pourrois employer, vers Vostre Majesté, pour la seureté qu'il m'avoit parlé, et pour leur procurer toute tranquillité, que je le ferois de bon cueur. De quoy il m'a fort remercyé, et, de rechef, m'a promis qu'il ne se traicteroit rien, icy, pour ses habitans que je n'en fusse participant. Et sur ce, etc.

Ce XXVIe jour de janvier 1574.

CCCLXIIIe DÉPESCHE

—du IIIe jour de febvrier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal.)

Audience.—Réponse d'Élisabeth sur la négociation du mariage.—Consentement donné par elle à l'entrevue sous la condition qu'elle sera tenue secrète.

Au Roy.

Sire, après que j'ay eu donné une si ample satisfaction à milord trézorier, et au comte de Sussex, sur les escrupulles dont la Royne, leur Mestraysse, m'avoit parlé, qu'elle et ceulx de son conseil ont confessé que c'estoit assés, elle m'a mandé venir, le XXVIIe du passé, à Hamptoncourt; où, d'arrivée, elle m'a grandement remercyé de la franchise, dont j'avoys uzé, à communicquer le propre original de mes lettres à ces deux milords, et qu'elle estoit fort ayse qu'ilz y eussent trouvé cella mesmes que, sur ma parolle, elle leur avoit desjà respondu de l'intention de Vostre Majesté, touchant les dicts nouveaulx escrupulles; et qu'elle vous supplioit bien, Sire, ne trouver maulvais si elle se rendoit ainsy soigneuse de complaire à ses subjects, non à toutz, car ne se vouloit assubjectir à une si grande extrémité, mais à quelques ungs des principaulx qui monstroient avoyr leur fortune et leurs vies entièrement conjoinctes avec la personne, la condicion et l'heureux règne d'elle; et que, de tant que le propos de son mariage estoit principallement fondé sur le contentement de ses dicts subjectz, lesquels se trouvoient, de rechef, escandalizés pour la rumeur des choses qu'on rapportoit de France, elle jugeoit estre fort expédient que Vostre Majesté monstrât, par quelque effect, ainsy comme de parolle, contre ceulx qui machinoient la rupture de vostre édict, que vous voulés surtout qu'il soit inviolablement observé; tendant la dicte Dame, par là, à prolonger encores sa responce, jusques à ce que quelque justice fût faicte de ceulx qui ont troublé les choses de la Rochelle.

A quoy, prévenant son opinyon par des raysons qui seroient longues,à mettre icy, mais auxquelles elle a esté contraincte d'acquiescer, je luy ay faict voyr qu'il n'y avoit lieu aulcun d'uzer plus de remise.

Dont elle a suivy à dire qu'elle me feroit donc la meilleure et plus clère responce qu'elle pourroit. Qui a esté, Sire, que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, aviés si longuement persévéré à pourchasser son alliance, et aviés uzé de si honnorables moyens vers elle, qu'avec la déclaration qu'elle vous avoit desjà faicte de se vouloir marier, elle vous déclaroit, de nouveau, que ce seroit de la mayson de France plustost que de nulle aultre de la Chrestienté; bien que, depuis peu de moys, il luy eût esté offert ung party bien grand et deulx aultres non petitz, fort honnorables, et aulcuns d'iceux assés agréables en ce royaulme, aulxquels elle n'avoit voulu respondre, et n'y respondroit rien tant qu'elle auroit espérance que celluy de Monseigneur le Duc peût réuscyr; lequel, oultre que, pour les grandes et royalles marques de l'extraction d'ung tel prince, et pour les excellantes qualités qu'on rapportoit de sa personne et de ses vertus, il estoit desirable, encor se santoit elle luy avoyr de particulliers debvoirs, qui la rendoient obligée de le préférer à quelque aultre party qui fût au monde; et que pourtant, sur les dernières dellibérations qu'elle avoit tenu de luy, (où l'on luy avoit, de rechef, par une si grande expression qu'elle en estoit demeurée toute esbahye, voulu assurer que la petite vérolle luy avoit layssé je ne sçay quoy de difformité en quelque endroit du vysage, qu'elle ne s'en pourroit jamays contanter, et qu'à ceste occasion l'entrevue avecques luy ne pourroit estre sinon ung commancement de désordre et de beaucoup d'offance entre Voz Majestés Très Chrestiennes et elle), elle avoit si bien débattu l'affère, par le rapport de Me Randolphe, et par le pourtraict qu'il luy avoit apporté, qu'on avoit bien cognu qu'elle vouloit conduyre le propos au desir de Monseigneur le Duc, d'estre sienne, si, en façon du monde, il se pouvoit honnestement faire; et, parce qu'elle ne se pouvoit bien résouldre, ains estoit en très grande perplexité d'accorder l'entreveue en public, pour des grandes raysons qu'on luy avoit alléguées, elle me prioit d'envoyer sçavoyr de Vostre Majesté et de la Royne, Vostre mère, et de Monseigneur le Duc, si vous pourriés trouver bon que la dicte entreveue se fît en privé; auquel cas elle l'accordoit, dès à présent, et me promettoit de me bailler telles seuretés, de sa main propre, si besoing estoit, pour Mon dict Seigneur, comme je les voudrois demander.

J'ay respondu, Sire, que plusieurs inconvénients adviendroient de ceste façon d'entreveue, et luy en ay allégué les raysons qui seroient longues à desduyre, la priant qu'en un acte si honnorable, et qui avoit à se passer entre très grands princes, et lequel estoit poursuyvi, de vostre costé, avecques tout honneur et grandeur, elle ne voulût y fère intervenir des actes petits, bas et cachés, qui n'en feroient que dimynuer la dignité; et pourtant qu'elle vous accordât entièrement l'entreveue, avec l'assurance du mariage, puisque, du contantement et félicité d'icelluy, elle pouvoit estre mieulx assurée par Me Randolphe, et par le pourtraict qu'il luy avoit apporté, que touts ces rapports contrayres, qui estoient notoyrement faulx, ne l'en debvoient mettre en doubte.

Elle a réplicqué que je luy ferois tort, si je ne croyois fermement qu'elle cherchoit de vous pouvoir complère, et de fère que Monseigneur le Duc et elle peussent estre maryés ensemble, car c'estoit ce qu'elle en avoit résolu, et son conseil en estoit bien d'accord avec elle. En quoy elle cognoissoit bien que l'entreveue estoit tousjours fort nécessayre, et, possible, plus pour luy que pour elle; mais que, de la fère publicque, il fauldroit que Monseigneur le Duc y vînt en magnifficence, pour estre tel prince comme il est, et que pareillement elle en uzât beaucoup pour le recevoyr; en quoy concourroient non seulement les yeulx de la France et de l'Angleterre, mais toutz ceulx de la Chrestienté: et si, puis après, le mariage ne succédoit, il y auroit de la matière de discours, et encores, possible, d'offance, beaucoup plus que si elle et luy se voyoient privément, car s'assuroit que si, après s'estre veus ainsy, il restoit aulcune occasion de se plaindre de quelque costé, que ce seroit du sien.

Et, sans que je l'aye peu mouvoir de ceste opinyon, elle s'est, mise à discourir des façons comme il pourroit venir incognu, et comme elle s'approcheroit vers la mer pour estre plus à propos; dont, de ses discours et de ceulx qu'aulcuns de ses conseillers m'ont faict depuis, je laysse au sieur de Vassal à qui je les ay commis, de vous en rendre compte. Et sur ce, etc.

Ce IIIe jour de febvrier 1574.

CCCLXIVe DÉPESCHE

—du IXe jour de febvrier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Volet.)

Audience.—Négociation du mariage.—Insistance d'Élisabeth, malgré les réclamations de l'ambassadeur, pour que l'entrevue ait lieu secrètement.

Au Roy.

Sire, ayant la Royne d'Angleterre sceu par milord trésorier, lequel, après estre guéry, est, ces jours icy, retourné à la court, que je ne me tenois assez bien satisfait de la responce qu'elle m'avoit faicte, ny de la lettre qu'on m'avoit depuis escripte, elle a baillé charge à Mr Walsingam, venant en ceste ville, de m'y donner quelque si bonne interprétation que j'en peusse rester contant; mais, entendant que je debvois aller retrouver la dicte Dame, il a mieulx aymé que ce fût d'elle que je la receusse que non pas de luy. Et ainsy, après que j'ay eu faict part à la dicte Dame de toutes les particullarités de vostre lettre, du XVIIIe du passé, et mesmement de ce qu'aviés réduy les princes et seigneurs de vostre conseil à procéder, dorsenavant, d'ung bon accord aulx choses de vostre service; et du bon ordre qu'aviés commancé restablyr en vostre royaulme; et de la paciffication qu'espériés bientost du costé du Languedoc, sellon les bonnes nouvelles qu'en aviés freschement receues; aussy de celle qui continuoit vers la Rochelle, et comme l'alarme que s'estoient donnée ceulx de la ville se trouvoit de peu de fondement, dont ceulx qui y avoient accouru s'en estoient desjà retournés presque toutz en leurs maisons; et que néantmoins vous y aviés dépesché Mr de Saint Suplice pour examiner bien le faict, et y fère droictement observer l'édict; luy touchant, à ce propos, ce qui s'estoit entendu, qu'on eût traicté avec elle d'envoyer des forces par dellà, mais que vous n'en aviés rien creu, comme aussy il n'en estoit besoing, veu l'honnesteté dont me commandiés luy offrir beaucoup plus grand chose que cella; puis des remonstrances que son ambassadeur vous avoit faictes pour le commerce des Angloys en vostre royaulme, et pour y avoyr justice et pour leur y estre les anciens privilèges restitués, et pour la satisfaction d'aultres leurs pleinctes du présent, en quoy soubdain vous aviés commandé fère des dépesches à Roanet et ez aultres endroicts pour y pourvoir; je suis enfin venu à luy dire que, touchant le propos du mariage, Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Monseigneur le Duc, vous estiés infinyement resjouys de deux choses que je vous avois escriptes: l'une est que Me Randolphe luy eût, par son rapport et par le pourtraict qu'il luy avoit apporté, donné pleyne satisfaction de ce qu'elle avoit desiré sçavoyr, du visage et de la disposition de Mon dict Seigneur, contre les faulx rapports qu'on en avoit faicts; l'aultre, que, sellon les propos que j'avoys depuis ouys d'elle, et sellon ceulx que ses deux conseillers m'en avoient tenus, je vous avois faict espérer qu'elle vous feroit une bonne responce. Dont me commandiés que je la conjurasse bien fort de la vous vouloir fère bientost, ainsy bonne et favorable, comme vostre longue attante et vostre persévérance, et les honnestes satisfactions que vous estiés tousjours efforcée de luy donner, et la conjoincte et constante bonne affection de toutz trois vers elle, la vous faisoient justement mériter.

A quoy elle, monstrant ung singulier plaisir des susdictes particullarités, lesquelles luy avoient osté les souspeçons, où l'on l'avoit volue mettre de vostre costé, m'a respondu plusieurs honnestetés, sellon sa coustume, de la confiance qu'elle prenoit, de jour en jour, plus grande de vostre amityé, et de la parfaicte assurance que vous vous deviés donner pour jamays de la sienne. Et puis, sur le propos de Monseigneur le Duc, m'a dict qu'elle avoit esté en peyne d'entendre que je n'eusse ainsy bien prins sa responce, comme elle pensoit me l'avoyr faicte fort bonne, sellon que j'avoys bien cognu que la perplexité, où l'avoient mise aulcuns, qui avoient naguyères veu Monseigneur le Duc, (lesquels, pour l'acquit de leur loyaulté, s'estoient venus descharger vers elle de ce qu'elle m'en avoit desjà dict), ne portoit pas qu'elle me peût parler plus ouvertement et plus cordiallement qu'elle avoit faict; car estimoit toucher à son honneur, premier que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, azardissiés la venue de Mon dict Seigneur par deçà, qu'elle vous deût clèrement mander tout ce qu'on luy en proposoit, et ce qu'on luy en faysoit craindre. Mais, affin que ne prinssiés argument qu'elle n'eût procédé tousjours fort sincèrement en cest endroict, et qu'elle ne desirât de bon cueur le mariage, s'il plaisoit à Dieu que eulx deux se peussent complayre, et que ne tombissiés en aulcune malle satisfaction d'elle, elle vous avoit bien voulu, de rechef, accorder l'entrevue, en privé, pour estre néantmoins, premier, bien considéré de Vostre Majesté et de la Royne, vostre mère, et entièrement réglé par l'opinyon que pourriés avoyr que, nonobstant ceste nouvelle confirmation de rapport, la présence seroit pour donner bon succès au mariage: car si ne l'aviés telle, comme aussy, si elle ne s'en estoit réservée une bien bonne espérance vers elle, elle vous supplieroit fort franchement, et de la plus grande affection de son cueur, que vous volussiés déporter entièrement de la dicte entrevue, affin de n'azarder rien de ceste tant bien fondée amityé et confédération, où elle se retrouvoit maintenant avec Vostre Majesté et avec vostre royaulme.

Je luy ay, par ma réplicque, si clèrement remonstré le peu de correspondance que sa responce apportoit à voz honnorables offres, et aulx honnestes satisfactions que luy aviés données, qu'il sembloit que mal volontiers, et à regret, elle accordât la dicte entrevue, et qu'elle eût comme à mespris, et quasy à honte, ce en quoy vous estimiés l'honnorer et defférer beaucoup à sa grandeur, et que je m'esbahissois comme elle ne s'appercevoit que c'estoit une imposture, par trop impudente, que de luy renouveller plus ce faulx rapport, qui estoit convaincu par le tesmoignage de Randolphe et par le pourtraict, et encores plus convaincu par l'offre de ce qu'on soubmettoit cella au jugement que ses propres yeux en pourroient fère; qui luy engagoys ma vye que, non seulement elle n'y verroit point de deffault, ains qu'elle y trouveroit tant de perfections qu'elle se repputeroit bien heureuse d'estre aymée d'un tel prince, et qu'indubitablement elle viendroit amoureuse de luy. Dont la suppliay qu'elle voulût amander sa responce, affin que vous en peussiés recevoyr plus de satisfaction.

Elle, soudain, appela les comtes de Lestre et de Sussex et les deux secrettères, Mrs Smith et Walsingam, pour leur fère entendre mon instance, sur laquelle, après qu'ilz eurent longuement débattu entre eulx, je ne peus, de toute leur déduction, tirer rien de mieulx que devant, parce que desjà elle avoit mandé à son ambassadeur de vous dire le mesmes que je vous avois escript; sinon, quand au passeport, qu'elle ne luy avoit donné aulcune charge de vous en parler, mais elle me confirma, de rechef, qu'aussytost qu'auriés résolu la dicte entrevue, ainsy en privé, qu'elle ne faudroit de me la fère bailler très honnorable et bien seur, et qu'au reste elle vous rendoit beaucoup de mercys de la tant ample satisfaction que luy avés donnée à ses escrupulles, et de ce que n'en aviés voulu prendre d'elle; qui vous prioit de croyre, Sire, qu'elle n'avoit presté, ny presteroit jamays, l'oreille à praticque quelquonque qui se fît jamays contre vostre estat, et qu'elle estoit très ayse qu'eussiés prins à cueur le traffic de ses subjects en vostre royaulme, comme elle feroit le semblable pour les vostres par deçà; et ne sçavoit à quoy il pouvoit tenir qu'on n'eût desjà conclud ce faict entre les deux pays, comme il estoit porté par le traicté; et ne vouloit, pour la fin, oublyer de vous fayre ung très expécial mercyement pour Me Vuarcop son pensyonnayre, pour lequel elle ne s'estimoit moins gratiffiée, en ce que feriés pour luy, que si la plaincte touchoit à elle mesmes.

Et, après que je me fus ainsy licencié d'elle, j'entretins longuement ses conseillers sur ce que vous trouveriés peu de satisfaction en la responce qu'elle vous avoit ceste foys faicte; mais ilz me dirent qu'il y avoit des considérations qui la contreignent de protester ainsy ces choses premier que de passer plus avant, et qu'ilz ne peuvent encores que fort bien espérer de tout l'affère, me déduysant plusieurs raysons là dessus: lesquelles, pour estre trop longues, je les remettray à une aultre foys, pour adjouxter seulement, icy, Sire, que j'ay baillé à la comtesse de Montgommery les provisions qu'avés octroyées à son mary, laquelle s'en est resjouye infinyement, et les luy a envoyées incontinent, à Gerzé, d'où il en fera la responce et le très humble mercyement à Vostre Majesté. Et sur ce, etc.

Ce IXe jour de febvrier 1574.

A la Royne

Madame, après avoir debbatu à ceste princesse la forme de sa responce, en la façon que je mande en la lettre du Roy, et trop plus amplement et plus vifvement que je ne le puis pas mander, je l'ay curieusement observée si, en aulcunes de ses parolles, ou de ses contenances, je pourrois noter qu'elle se fût alliennée du propos de Monseigneur, vostre filz; mais, ou soit qu'elle le sçache bien cacher ou bien qu'il soit ainsy, je n'y ay peu cognoistre sinon la mesmes bonne disposition qu'elle a tousjours monstrée vers luy. Dont luy ay touché, en passant, si elle n'entendoit pas que les mesmes articles, qui avoient esté desjà trouvés bons au propos du Roy de Pouloigne, restassent entiers et accordés pour Monseigneur le Duc, et si elle luy feroit pas l'honneur, au cas qu'il vînt par deçà, et qu'ilz se peussent complère, de l'espouser, sans luy donner la peyne de repasser la mer, attandu que ce ne seroit par procureur, ains en personne, qu'il luy viendroit offrir son service. A quoy elle m'a respondu que je ne demandois rien qui ne fût raysonnable, sinon en ce que je pressois un peu trop l'affère, d'aultant qu'il failloit que le mariage fût publicque et solennel, là où l'entrevue seroit privée, et, entre peu, dans une salle. Dont j'estime, Madame, que, si Voz Majestez se résolvent à la dicte entrevue, en privé, car je ne pense point qu'on en puisse obtenir d'aultre, qu'il sera bon que vous réserviés de la fère en la plus commode et honnorable façon que vous jugerés convenir à vostre grandeur, et à la dignité de Mon dict Seigneur, vostre filz; et que les deux pointz, dessus, soient gaignés, premier qu'il passe, affin de prendre tousjours pied, et avoyr des arres, sur ceulx qui artifficieusement subtilisent par trop les points de cest affère, et qui espèrent par là le mener à rupture. Dont vous plerra en toucher quelque mot à l'ambassadeur de la dicte Dame, et le disposer d'escripre tousjours en bonne sorte par deçà, car ses lettres n'y peuvent estre sinon utilles; et me commander, au reste, par le retour du Sr de Vassal, l'ordre qu'il vous plerra que je preigne, car je ne fauldray de bien entièrement l'observer. Et vous remercye très humblement, Madame, de la favorable recordation qu'il vous a pleu avoyr de moy, vers le Roy, pour me fère retenir de son privé conseil, chose que je reçoys en plus grand heur que nulle aultre qui m'eût peu venir de l'élection et bénefficence de Voz Majestez, et en laquelle je regrette infinyement que mon insuffisanze m'en oste le mérite; mais j'espère y apporter tant de dilligence et de fidellité que Vostre Majesté ne se repantira de son bienfaict, pour lequel ce qui me reste de vye sera pour jamays employé à vostre service, aydant le créateur auquel je prye, etc.

Ce IXe jour de febvrier 1574.

CCCLXVe DÉPESCHE

—du XVe jour de febvrier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Succès remporté par la flotte du prince d'Orange.—Négociation des Pays-Bas.—Affaires d'Écosse.—Excès du comte de Morton; mécontentement des Écossais.—Nouvelles de Marie Stuart.

Au Roy.

Sire, il est venu icy nouvelles, le Xe de ce moys, comme les vaysseaulx du prince d'Orenge avoient repoussé et rompu la flote, que le grand commandeur envoyoit pour avitailler Meldelbourg, et que la ville, à ceste occasion, estoit bien près de se rendre, de quoy l'on a faict diverses démonstrations par deçà, les ungs d'estre marris, mais le plus commun, et en public, l'on a monstré d'en estre fort ayse, mesmement qu'il y avoit beaucoup de vaysseaulx, et de mariniers, et de soldats, angloys, à l'entreprinse. Et le mesmes jour, les deux depputés des Pays Bas, qui avoient attandu à Dounquerque le baron d'Aubigny, sont arryvés, lesquels l'on n'a pas layssé, pour cela, de bien recevoyr, ni eulx de monstrer bonne contenance; et est l'on après à depputer des commyssayres pour vacquer avec eulx à l'accord de leurs différentz. Et se continue la dellibération d'envoyer ou le vycomte de Montégu, ou milord Sideney, en Espaigne, lesquels sont toutz deux à présent en court; mais je ne voy pas qu'ilz soient encore si près de partir, et croy que, si les affères d'Irlande ne pressoient, que l'ung ny l'aultre n'y yroient poinct du tout.

Au regard de l'Escoce, les choses semblent s'y entretenir encores en quelque forme de paix, soubz la prétendue régence du comte de Morthon, bien que j'ay advis qu'il s'y déporte en homme avare, et violent, et dissolu, et que, de toutz les principaulx de la noblesse, il n'a près de luy, à ceste heure, qu'ung seul milord, duquel il entretient la femme, et en entretient encores deux ou trois aultres, maryées, au grand escandalle d'ung chascun; et que, entre aultres, le nouveau comte d'Arguil est très malcontant de luy, de ce qu'ayant demandé de succéder à l'estat de chancellier, ainsy que son frère, à son décès, le possédoit, icelluy de Morthon l'a baillé à milord de Glames; dont ung gentilhomme escouçoys, de bonne qualité, à qui j'ay eu tousjours intelligence, oncle du dict d'Arguil, qui a résidé plus de huict moys en ceste ville, parce qu'il ne pouvoit accorder avec le dict de Morthon, estant, à présent, mandé par son nepveu, et estant peu satisffaict de la façon dont les Angloys ont procédé vers luy, et qu'il void qu'ilz procèdent vers sa nation, m'est venu dire qu'il s'en alloit remonstrer clèrement, aulx principaulx de son pays, comme la Royne d'Angleterre ne cherchoit que leur ruyne et le moyen de les dominer, et qu'ilz se debvoient retirer de toute intelligence et communicquation d'avec elle, s'ilz ne vouloient ung jour estre réputés traistres à leur prince, et de se tenir plus fermes que jamays à l'alliance de France, et qu'il sçavoit bien que les plus grands et les meilleurs du royaulme estoient desjà tout persuadés de cella; dont, s'il plaisoit à Vostre Majesté les assister, et mesmement le dict comte d'Arguil, son nepveu, contre le dict de Morthon, qui estoit du tout angloys, qu'indubitablement ilz le déchasseroient facillement de toute son authorité, et pareillement toute sa faction, laquelle n'estoit, à présent, guyères grande.

Je luy ay respondu qu'il pouvoit hardiment assurer le dict comte d'Arguil; son nepveu, et ceulx de la noblesse, de son pays, que Vostre Majesté, en toutes sortes, dellibéroit de bien soigneusement conserver l'alliance de la couronne d'Escosse; et pourvoir, en tout ce qu'il vous seroit possible, à la protection des princes du dict pays, et à la deffance et repos de tout l'estat; et continuer aulx Escossoys les mesmes entretènementz, pensions, privilèges et faveurs, qu'ilz avoient, de tousjours, eu en France; et n'habandonner nullement ceulx qui, comme gens de bien et bons escoussoys, voudroient suyvre cest honnorable party, que leurs prédécesseurs avoient tousjours tenu. Dont, après qu'il auroit parlé à eulx, s'il me faysoit sçavoyr leur intention, je mettrois peyne de fère en sorte que Vostre Majesté leur feroit santir l'effect et l'assurance de la sienne.

Or, attand le dict gentilhomme son saufconduit, et je desire, de bon cueur, qu'il vous playse me mander ce que j'auray à luy dire ou commettre davantage, pour vostre service par dellà. J'entendz néantmoins que le susdict Morthon a remis milord de Humes, moyennant dix mille livres, en la possession des deux chasteaulx que les Angloys ont rendus, avec obligation qu'il tiendra le party contrayre à la Royne d'Escosse.

J'ay parlé à milord trésorier, suyvant ce qu'il vous a pleu m'escripre, le XIXe du passé, du passeport de madamoyselle de Rallay, et de deux servitteurs, pour venir servir la dicte Royne d'Escosse, et n'ay obmis aulcune sorte de persuasion dont je ne luy aye uzé là dessus; mais il m'a pryé de me contanter, pour ceste heure, de sçavoyr que la dicte Dame se portoit bien et estoit bien traictée, et que la Royne d'Angleterre n'estoit plus si irritée, comme elle souloit, contre elle, ni contre le comte de Cherosbery; et que je réservasse de parler du dict saufconduict, après que je verrois le propos de Monseigneur le Duc acheminé à quelque bonne conclusion. Duquel propos, Sire, la négociation demeure suspendue jusques à la procheyne response de Voz Majestez Très Chrestiennes. Et sur ce, etc.

Ce XVe jour de febvrier 1574.

CCCLXVIe DÉPESCHE

—du XXe jour de febvrier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne Jumeau.)

Conférence de l'ambassadeur avec Burleigh et Walsingham sur la négociation du mariage.—Affaires d'Irlande.—Détails particuliers donnés par Walsingham.

Au Roy.

Sire, quand la Royne d'Angleterre est partie d'Aptomcourt, pour aller en la mayson du comte de Lincoln, ainsy que je le vous ay mandé par mes précédantes, milord trésorier ne l'a point suivye, ains s'en est retorné reposer en sa mayson de ceste ville, pour achever de se bien guérir, et pour confirmer sa santé, et Mr Walsingam, avecques luy; avec lesquels deux j'ay continué de négocier, aultant que j'ay peu, l'advancement du propos de Monseigneur le Duc. Et le dict grand trésorier m'a faict sçavoyr comme, le jour après que je fûs party d'avec la dicte Dame, il parla longuement à elle, sur la forme de la responce qu'elle m'avoit faicte, et que, sellon aulcunes considérations qu'elle luy avoit sceu bien déduyre, il jugeoit, veu l'estat du propos, qu'elle ne me l'eût peu fère meilleure; et qu'indubitablement elle s'attandoit que Monseigneur le Duc ne refuzeroit de venir ainsy, en privé, avec quelque honneste et honnorable, mais petite compagnye, des mieulx choisis de vostre court, et des siens; et qu'il se pouvoit assurer qu'elle luy feroit tout l'honneur et bonne chère qu'elle pourroit; et que, si elle n'avoit affection et bonne espérance du mariage, elle ne consentiroit, pour chose du monde, que la dicte entrevue se fît, ny en une façon, ny en une aultre; mais que, pour l'incertitude de l'évènement, elle avoit, à toutes advantures, estimé estre trop plus expédient de la fère ainsy, en privé, que non à la descouverte.

Et Mr Walsingam dict que c'est tout le mieulx que la dicte Dame eût peu fère, en la présente disposition du dict propos, et que, si jamays l'on avoit remarqué aulcun indice en elle d'y vouloir, à bon escient, entendre, que c'estoit à présent; et qu'elle se persuadoit que Vostre Majesté, ny la Royne, vostre mère, ne refuzeriés, ny n'auriés aulcunement mal agréable, que ceste privée entrevue se fît; et que, luy, de sa part, espéroit que la présence de Monseigneur le Duc auroit plus d'effect, à mener l'affère à sa conclusion, que nulle aultre chose qu'on y peût applicquer, se persuadant qu'il satisferoit à l'œil de la dicte Dame, ainsy qu'il sçavoit bien qu'elle avoit desjà les aureilles très satisfaictes de la grande réputation de ses vertus; et que deux choses seulement retenoient le dict Mr Walsingam en doubte, l'une que la dicte Dame ne retournât trop facillement, d'elle mesmes, à la naturelle inclination, qu'elle avoit, de ne se marier poinct; et l'aultre, que ceulx, qui luy avoient faict passer beaucoup d'années en ceste opinion, ne la luy temporisassent encores tout exprès, pour enfin ne luy en laysser poinct prendre de meilleure, et que c'estoit ce qui l'engardoit de ne s'ozer entremettre, sinon par mesure, au dict affère. Auquel néantmoins, quand il viendroit à son tour, il vous supplioit, Sire, et la Royne, vostre mère, de croyre qu'il ne faudroit de s'y employer fermement et en homme de bien, comme en chose qu'il réputoit utille et très honnorable à sa Maystresse, et qu'il cognoissoit nécessayre à ces deux royaulmes.

Et c'est la substance de tout ce qui s'est peu tirer de la dernière négociation d'avec les dicts deux personnages; qui pourra, possible, après mes précédantes dépesches, assés servir de responce aulx poinctz de celle de Vostre Majesté, du Ve du présent, que je viens maintenant de recevoir, aulmoins jusques à ce que j'aye, de rechef, veu ceste princesse, ou bien que m'ayés mandé d'aultres plus expresses nouvelles là dessus.

La dicte Dame et ceulx de son conseil sont rentrés en quelque peu de bonne espérance des choses d'Irlande, sur ce que le comte d'Essex a escript qu'il s'estoit retiré, le mieulx qu'il avoit peu, du destroict où l'on l'avoit enfermé; et que aulcuns, des principaulx du pays, luy avoient mandé qu'ilz seroient prestz de se soubmettre à la dicte Dame, si elle les vouloit tenir et traicter comme bons subjectz, et leur laysser paysiblement jouyr de leurs terres, et qu'encores luy payeroient ilz quelque petit tribut annuel, ainsy qu'il seroit advisé; mais qu'il ne pouvoit encores assés bien juger s'ils luy avoient faict tenir ce langage à feincte, ou bien à bon escient. Tant y a que cella venoit d'aulcuns plus authorizés d'entre eulx; et que le comte de Quildar, avec Me Gueret son frère, s'employent de grande affection à réduyre tout le pays en quelque bonne tranquillité, soubz l'obéyssance de la dicte Dame; néantmoins qu'il estoit bien d'advis qu'elle ne layssât, pour cella, d'envoyer tousjours les hommes et les provisions, qu'elle avoit ordonné pour la guerre de dellà, comme, à la vérité, Sire, ceulx, qui cognoissent bien l'Irlande et les Irlandoys, disent qu'elle y trouvera plus de difficulté et de résistance que jamays. Sur ce, etc. Ce XXe jour de febvrier 1574.

A la Royne

Madame, oultre ce que je mande en la lettre du Roy, des propos de milord trésorier et de Mr Walsingam, icelluy Walsingam a adjouxté davantage qu'il supplioit Vostre Majesté vous souvenir de ce qu'il vous avoit quelques foys dict, quand il estoit en France, qu'il vous failloit réputer vostre poursuyte, touchant le mariage de la Royne, sa Maistresse, comme l'expugnation d'une forte place, où y auroit de la résistance et de la difficulté beaucoup, ainsy qu'il avoit bien trouvé, estant icy, qu'il estoit fort malaysé de conduyre la dicte Dame au poinct d'une ferme résolution de se maryer, et de l'y fère persévérer; et n'estoit moindre la contradiction de recevoir ung prince estranger en ce royaulme: toutesfoys plusieurs poinctz estoient desjà vuydés là dessus qui rendoient, à présent, la matière plus facille; et quand bien Monseigneur le Duc, enfin, ne pourroit venir à bout d'une si haulte entreprinse, comme d'emporter la dicte Dame et ce royaulme, qu'il ne s'en debvoit pourtant donner aulcune honte, non plus que si l'on n'avoit pas prins la place forte qu'on auroit assiégée, pourveu qu'on y eût bien faict son debvoir; et qu'icelluy de Walsingam, voyant les deux principaulx et aulcuns aultres conseillers de la dicte Dame marcher de très bon pied en cest affère, et y avoyr ung très grand desir, il n'en vouloit avoyr ny moins de desir, ny moins d'espérance, que eulx; bien qu'il me vouloit dire, tout franchement, que, à son advis, ny les ungs ny les aultres ne s'en pouvoient encores promettre l'yssue telle, ny si assurée, comme ilz la desireroient.

De quoy, Madame, il se peut facillement comprendre qu'il y cognoit encores des doubtes, lesquelz ne permettent qu'il puisse voyr bien cler dans le fondz de l'affère. Dont estant encores à moy, qui suis estrangyer, plus difficile d'y pénétrer, je suis contrainct d'en demeurer en ung incertain sur le simple recueil, que je puis fère, de la substance et des conjectures des parolles et des démonstrations de la dicte Dame, et de ses dicts conseillers, comme je les vous ay desjà escriptes et mandées, par le menu; et de supplier là dessus Voz Majestez de prendre, de vous mesmes, et avec l'advis de vostre prudent conseil, la résolution que jugerés meilleure et plus honnorable pour Mon dict Seigneur, vostre filz. Et sur ce, etc.

Ce XXe jour de febvrier 1574.

CCCLXVIIe DÉPESCHE

—du XXVIe jour de febvrier 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Négociation du mariage.—Conférence de l'ambassadeur avec Leicester.—Assurance donnée par l'ambassadeur qu'il ne sera pas fourni de secours aux protestans de France.—Dénonciation contre Marie Stuart, et punition du dénonciateur.

Au Roy.

Sire, tous ces jours de caresme prenant, la Royne d'Angleterre a esté convyée par les seigneurs et gentilshommes, voysins de Hamptoncourt, d'aller, de lieu en lieu, fort privément et à peu de compagnye, fère bonne chère en leurs maysons, et n'a esté bien à propos que je la sois allée trouver là; mais j'ay conféré en ceste ville, fort à loysir, avec milord trésorier, des poinctz contenus en la dernière dépesche de Vostre Majesté, et mesmement de celluy où est touché ce que dict l'ambassadeur d'Angleterre à la Royne, vostre mère, le IIIIe du présent, et, depuis, au Sr Géronyme Gondy. Sur quoy le dict grand trésorier m'a respondu que Voz Majestez très Chrestiennes debvoient prendre de très bonne part l'instance du dict ambassadeur, lequel ayant senty, après le retour de Me Randolphe, que le mariage procédoit très bien du costé de sa Mestresse, encor qu'il vît bien aussy que vous y alliés de très grande affection et fort sincèrement du vostre, et que me fissiés encores estre, icy, en mes sollicitations, plustost pressant et importun vers elle que de luy garder la médiocrité; si vouloit il, sellon qu'il voyoit la trempe bonne, vous éguilloner encores davantage, affin de ne la laysser nullement réfroidir; et que le dict grand trésorier me juroit, en sa conscience, qu'il avoit veu la dicte Dame très bien dellibérée de me fère une bonne et bien résolue responce, sans l'intervention d'ung, de qui il ne pouvoit nullement approuver le zèle, lequel, pour l'acquit de sa loyaulté vers elle, luy estoit venu remettre sus le premier escrupulle du visage; et que, contre icelluy, il n'avoit pas craint, la dernière foys qu'il l'avoit veue, de luy dire que j'avoys fermement remonstré qu'après le rapport de Me Randolphe, et après le pourtraict envoyé, et qu'on soubmettoit encores le jugement de ce poinct à l'œil d'elle, je ne pouvois dire sinon que c'estoit une pure imposture et trop grande impudence de révoquer plus maintenant cella en doubte; et que le comte de Lestre, ny luy, ne m'avoient sceu que respondre, ainsy qu'elle mesmes, après y avoyr bien pensé, avoit confessé que, voyrement, n'y avoit il poinct de réplicque; néantmoins qu'il me prioit de supporter ung peu sa Mestresse en cest endroit, veu qu'il n'estoit pas seulement question de conclurre une simple amityé ou une ligue, d'où l'on se peût, de chascun costé, puis après, départir, quand l'on ne s'en trouveroit pas bien, car c'estoit une obligation pour toute la vye, en laquelle n'y auroit jamays plus lieu de repantailles; et qu'il trouvoit la dicte Dame en une très bonne, voyre, en la meilleure disposition qu'il l'eût jamays vue vers le mariage, dont il n'en vouloit sinon tousjours bien espérer; et que, sellon que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, disposeriés Monseigneur le Duc à ceste entrevue privée, le propos pourroit parvenir à sa conclusion. Dont luy sembloit que, sans rien mouvoir, pour ceste heure, je debvois attandre qu'est ce que, par vostre procheyne dépesche, il m'en seroit escript.

Depuis, j'ay envoyé, devers le comte de Lestre, le prier de me mander de la santé de la Royne, sa Mestresse, et de son portement, sellon que j'avoys commandement de Voz Majestez, et de Monseigneur le Duc, de vous en fère sçavoyr, le plus souvent que je pourrois. Et luy ay faict toucher les mesmes poinctz que j'avoys déduictz à milord trésorier, et qu'il voulût prendre occasion de fère voyr à la dicte Dame la lettre que Monseigneur m'avoit escripte de sa main, affin qu'elle cogneût sa persévérance vers elle. Lequel comte, après avoyr fort promptement et très vollontiers satisffaict à cella, il m'a envoyé remercyer infinyement de la négociation que je luy avoys commise à fère, laquelle il me pouvoit assurer que la Royne, sa Mestresse, l'avoit eue très agréable, et s'estoit resjouye, trop plus que ne le me sçauroit exprimer, de la lettre de Monseigneur le Duc, et mesmes d'avoyr veu qu'en termes exprès il y parloit du mariage d'entre eulx d'eux, ce qu'elle avoit bien observé, qu'en nulle de ses aultres lettres il n'en avoit uzé ainsy, et qu'elle ne s'estoit pas contanté de la lyre une et deux foys, car l'avoit relue la troysiesme foys, et l'avoit interprété au dict comte en très bonne signiffication; et qu'il me pouvoit assurer de n'avoyr jamays veu la volonté de la dicte Dame mieulx inclinée vers le mariage, et vers Monseigneur le Duc, que maintenant; et qu'il cognoissoit bien qu'elle avoit grand desir de le voyr, mais qu'elle ne diroit jamays ouvertement qu'il vînt; et que le dict comte, de sa part, ne se présumoit pas tel qu'il ozât, de son costé, le luy mander, car repputoit cella de trop d'importance vers luy, en l'endroict d'ung si grand prince comme est Mon dict Seigneur le Duc; néantmoins, comme son très dévot serviteur et partial de la France, il desiroit et ne se pouvoit tenir de dire qu'il feroit très bien de venir ainsy, privément, comme la dicte Dame l'avoit desjà consenty; et que, demeurant le rapport, qu'on avoit faict de luy, convaincu par sa présence, il ne faysoit doubte qu'il n'obtînt son desir.

Lesquels propos des dicts comte et milord trézorier j'ay bien voulu, Sire, les vous représanter en propres termes, affin que puissiés mieulx juger à quoy pourra réuscyr le voyage de Mon dict Seigneur le Duc par deçà, si, d'avanture, il l'entreprend, sur la responce, que je vous ay desjà mandée; sur laquelle néantmoins, telle qu'elle est, la dicte Dame et les siens se persuadent que, s'il a bonne affection au mariage, qu'il ne diffèrera de venir. Dont ceulx, qui le desirent, ne cessent de me presser que je vous conseille de le haster, et ont opinyon que, par ce moyen, elle et luy se trouveront plus tost maryés que on ne l'aura pensé; et qu'il ne se pourra fère qu'il n'advienne une de deux choses: ou que Mon dict Seigneur l'espousera, ou qu'il emportera aulmoins parolle d'elle qu'elle n'en espousera jamays d'aultre. Et de ma part, Sire, ne sachant à quel grand regret Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, pourriés avoyr ceste venue de Mon dict Seigneur par deçà, et luy encores plus grand, s'il n'y obtenoit son desir, je ne puis, en façon du monde, me contanter que ceulx cy luy en veuillent ainsy laysser l'évènement trop incertain, et se monstrer, en cest endroict, par trop inconstans et muables; dont je ne sçay qu'en dire. Et ay opinion que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Mon dict Seigneur le Duc, pourrés plus prudemment, et avec plus de généreuses et hautes considérations, prendre l'expédient honnorable qui conviendra à cestuy vostre péculier et vrayment royal affère, que nuls aultres ne le vous sçauroient conseiller. Au regard de ce que le susdict ambassadeur a touché, comme de luy mesmes, au Sr Gondy, qu'il seroit bon que envoyssiés, de rechef, quelqu'ung par deçà, ceulx ci n'en sont nullement d'advis; ains disent que, si Monseigneur ne vient, que toutz aultres voyages et dilligences, pour ce regard, seront entièrement innutilles. Disent davantage, quand au commerce, qu'il n'a tenu à la Royne, leur Maystresse, ny à ma sollicitation, qu'il ne soit desjà bien estably, car, à mon instance, plusieurs assemblées ont esté desjà sur ce faictes en ceste ville, mais les marchandz y ont tousjours résisté, et y résisteront jusques à ce qu'ilz voyent une paix plus assurée et ung ordre mieulx estably en France.

Au surplus, Sire, je ne sentz qu'il se face encores, icy, aulcune propre dellibération de guerre pour rien entreprendre hors du royaulme, bien qu'on envoye beaucoup d'artillerye, de toutz qualibres, dans les grands navyres, comme pour en vouloir mettre quelque nombre dehors, à ce prochain primptemps. Mais je ne voy pas haster l'avitaillement, ni les aultres apprestz, pour vous debvoir mettre encores en peyne; et difficilement pourra t on dresser ung armement, aulmoins qui soit de quelque importance, que je n'aye quelque loysir de vous en donner advis. Ces gens de guerre, dont vous a esté faict rapport, sont seulement, ces huict centz soldatz que je vous ay desjà mandé qu'on dépeschoit en Irlande, et cinq centz à Fleximgues. Bien a l'on ordonné de fère bientost les monstres accoustumées du pays, et, quand à ce qui a esté traicté, de jetter des forces de ce royaulme dans le quartier de la Guyenne, qui est entre Loyre et Gironde, et dans la Rochelle, cella a esté plus mis en avant par aulcuns angloys qui sont extrêmes en leurs impressions, que non que la dicte Dame, ny que ceulx de son conseil y ayent presté l'oreille, ny l'ayent trouvé bon, ny que pas ung françoys y soit intervenu. Et croy que j'ay assés suffizamment advéré, tant du costé des angloys que de voz subjectz, qui sont icy, que la dellibération en demeure bien froide; bien que ceulx cy m'ayent, de rechef, ramanteu leur escrupulle de certain apprest de navyres, qu'on leur faict accroyre qui se poursuit fort chaudement en Normandye et Bretaigne, et que Vostre Majesté est après à fère levée d'allemans et suysses, et fère venir des italiens, ce que je leur ay jetté bien loing.

Il y a ung chapellain protestant, qui servoit le comte de Cherosbery, lequel, estant venu defférer icy la Royne d'Escosse, et ayant si fort irrité la Royne d'Angleterre contre elle que sa vye en a esté en extrême danger, il a esté dilligemment observé par ung bon amy, de ceste court, qui l'a faict enfin convaincre d'imposture; dont a esté condempné au pillory, et la dicte Royne d'Escosse demeure, pour ce coup, dellivrée de ce grand danger, grâces à Nostre Seigneur, auquel je prie, etc.

Ce XXVIe jour de febvrier 1574.

CCCLXVIIIe DÉPESCHE

—du Ve jour de mars 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Raymond.)

Conférence de l'ambassadeur avec les députés de Flandre.—Vives assurances de dévouement données par l'agent de la Rochelle.—Mesures prises à Londres contre les étrangers.—Nouvelles d'Irlande.

Au Roy.

Sire, n'ayant, pour ceste heure, à fère sçavoir à Vostre Majesté rien de nouveau, du propos de Monseigneur le Duc, ny d'aulcune aultre chose que j'aye traictée avec ceulx cy depuis ung moys en çà, sinon cella mesmes que je vous ay désjà escript par mes précédentes dépesches, je viendray maintenant à vous dire que les deux depputés de Flandres, après avoyr présenté leurs lettres et leur commission à la Royne d'Angleterre, et luy avoyr exposé le sommayre de leur charge, ilz me sont venus visiter, le jour ensuyvant, et je les ay conviés, pour le lendemain, à vouloir prendre leur dîner en mon logis, où ilz ont uzé assés privément avecques moy. Et, entre aultres choses, m'ont dict qu'ilz espéroient, sellon la bonne démonstration que la dicte Dame leur avoit faicte, et sellon le plaisir, qu'elle avoit eu, de recevoyr de si bénignes lettres, comme ilz luy avoient apportées, du Roy d'Espaigne, que, avant la fin de trois moys, qu'ilz avoient à estre icy, ilz auroient accomodé les affères d'entre les deux pays, chose qu'ilz réputoient estre de grande conséquence pour le Roy, leur Maistre, et pour ses subjectz, et non moins utille et nécessayre à ce royaulme; néantmoins qu'ilz me vouloient fort affectueusement prier que, si je découvrois qu'il se menât quelque praticque, par ceulx cy, en faveur du prince d'Orange, contre le Roy, leur Maistre, que je les en voulusse advertyr, et qu'ilz me feroient le semblable, s'ilz entendoient qu'on y fît rien contre Vostre Majesté; et que, de vostre costé, non plus que du leur, ne se falloit attandre que, pour tous ces bons propos de mariage, lesquels ne servoient que d'une forme d'entretènement, ny pour nulles confédérations et ligues, vielles ou rescentes, les Angloys se divertîssent des intelligences qu'ilz avoient avec les aultres protestants, ny qu'ilz ne broillassent tousjours, aultant qu'ilz pourroient, les affères dedans les estatz de leurs voysins, car c'estoit ce de quoy ilz faysoient leur prouffit, et de quoy ilz estimoient pouvoir mieulx entretenir leur repos. A quoy, Sire, je leur ay fort volontiers acquiescé.

Or, Sire, pour vériffier davantage si l'advis, d'envoyer des forces, d'icy, au quartier de la Guyenne, qui est à l'entour de la Rochelle, et dans la ville mesmes, auroit fondement, j'ay curieusement examiné là dessus, l'ung après l'aultre, toutz les principaulx de voz subjectz qui sont par deçà; lesquels m'ont fort évidemment faict cognoistre que c'estoit chose à quoy nul d'eux n'avoit jamays pensé, ains l'ont détestée avec exécration. Et, entre aultres, le sire Bobineau, agent de la Rochelle, s'est offert à moy de se mettre en lieu où l'on pourroit fère justice de sa personne, au cas que, depuis le dernier édict, il se soit traicté chose aulcune, ny en ayt esté proposé une seule, petite ny grande, à ceulx cy, par ceulx de sa ville, qui puisse estre au préjudice du dict édict, ny contre l'obéyssance et fidellité qu'ilz doibvent à Vostre Majesté; et qu'il me prioit d'approfondir bien cest advis, duquel je luy venois de parler, affin que, par la vérité de ce que j'en trouverois, je vous peusse oster toute la sinistre impression que pourriés avoyr conçue d'eux, car c'estoit ce qu'ilz craignoient le plus au monde, que de vous mettre en quelque souspeçon et deffiance, et que ceulx de sa ville se vouloient maintenant monstrer plus fermes et loyaulx subjectz de Vostre Majesté et de vostre couronne, qu'ilz n'avoient jamays faict; et qu'icelluy agent n'estoit retenu, icy, que pour quelque somme, à quoy ilz estoient obligés vers les Angloys, depuis le siège; et que, s'il vous plaisoit leur fère expédier la commission, que leur avés, longtemps y a, accordée, de pouvoir lever les deniers pour ce payement, que luy se retireroit incontinent d'icy, et l'on verroit que les habitans de la Rochelle n'auroient plus aulcune communicquation avec les Angloys; et qu'il ne me vouloit pas celler qu'il estoit après, maintenant, à achepter quelque quantité de poudre, sellon que, de tout temps, ceulx de la Rochelle estoient tenus d'en avoyr ordinayrement quarante milliers de provision dans leur ville; et, parce qu'après le siège il n'en y estoit point resté, l'on luy avoit mandé d'y en fère venir. Je luy ay respondu que je ferois entendre à Vostre Majesté tout ce qu'il m'avoit dict, et qu'il se pouvoit assurer que vous maintiendriés droictement à ceulx de la Rochelle vostre édict, s'ils se sçavoient contenir de ne l'enfreindre de leur part.

Bientost après est arrivé, du dict lieu de la Rochelle, ung marchant de ceste ville, nommé Landol, qui dict en estre party le Xe du passé; et rapporte que Mr de St Suplice n'a esté qu'ung soyr dans la ville, et que les habitans et ceulx de la nouvelle religion, qui sont aulx envyrons, estoient après à fère leurs monstres et reveues, et que ceulx de Languedoc leur avoient mandé de se mettre aulx champs. Ce qui seroit, Sire, pour esmouvoir assés ceulx cy, si je n'assurois fort fermement que le contrayre est toute la vérité.

L'on a descouvert, en ceste ville, que quelque nombre d'angloys, promptz à la main, estoient toutz pretz de succiter une grande sédicion, par tout ce royaulme, contre les estrangiers, mais il y a esté dilligemment pourveu. Néantmoins, pour mieulx appayser les mutins, il a esté faict une fort curieuse recherche sur les dicts estrangyers, et, de trèze mille sept centz, qui s'en est trouvé en ceste seule ville de Londres, l'on en a banny plus du tiers, presque toutz flammantz, qui ne se rangeoient à nulle église, ny à celle des Angloys, ny à celle des estrangiers. Et leur est commandé de vuyder le royaulme, dans Nostre Dame de mars, sur peyne de prison; dont ilz proposent de se retirer à ceste heure en Zélande, où ilz entendent que Meldelbourg est rendu au prince d'Orange: et plusieurs aultres, en grand nombre, de ceulx mesmes qu'on souffriroit bien de demeurer icy, dellibèrent de s'y en aller.

Il n'est venu, longtemps y a, rien de nouveau d'Escosse, dont ne vous en feray icy mencion; mais parce que je voy praticquer plus souvent Me Quillegrey, en ceste court, depuis huict jours en çà, qu'il n'avoit faict de longtemps auparavant, je souspeçonne que ce ne peult estre que pour quelque voïage en Escoce, ou bien pour l'envoyer en Allemaigne. Je mettray peyne d'en entendre la vérité.

Du costé d'Irlande, le comte d'Esmond va si bien prospérant en ses entreprinses, qu'il a entièrement reprins tous les chasteaulx et lieux forts de son estat, et tient à présent fort à l'estroict la ville de Corc, dont ceulx cy hastent leurs dellibérations et apprestz pour y remédyer; car l'ouverture d'accord qu'on avoit faict au comte d'Essex demeure sans effect. Et sur ce, etc. Ce Ve jour de mars 1574.

CCCLXIXe DÉPESCHE

—du VIIe jour de mars 1574.—

(Envoyée exprès jusques à la court par Jacques.)

Nouvelle reprise d'armes en France.—Efforts de l'ambassadeur pour empêcher les secours que pourraient donner les Anglais aux protestans de France.—Avis d'une entreprise qui doit être tentée contre Calais.

Au Roy.

Sire, parce que la Royne d'Angleterre veult prendre ung peu de temps à dellibérer de ce qu'elle aura à respondre, sur les lettres que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Monseigneur le Duc, luy avés dernièrement escriptes, et sur la créance que m'avés faicte luy exposer de vostre part, je ne vous diray rien de ce qui s'est passé entre elle et moy là dessus, jusques à ce que je vous manderay du tout sa responce. Et cepandant je vous donray advis, Sire, comme j'ay receu vostre dépesche, du troysiesme du présent, et, avec icelle, la confirmation de ce qu'à mon très grand regret j'avois desjà entendu de la reprinse d'armes, par voz subjectz de la nouvelle relligyon, qui disent estre intimidés de leurs vyes par des advertissementz, qu'on leur donne, que vous les voulés exterminer; en quoy et ceulx qui leur baillent ces allarmes, et, eulx, qui les prennent trop légèrement, sont bien fort à blasmer.

Une entreprinse a esté publiée, icy, fort grande, d'une soublévation générale, en ung mesme jour, de touts ceulx de la dicte nouvelle religion, tant de pied que de cheval, en divers endroictz de vostre royaulme, et qu'ilz avoient prins sept ou huict villes en Poictou, Nantes et Vitry en Bretaigne, Péronne en Picardye, plusieurs lieux d'importance en Languedoc et Daulfiné, failly à surprendre Bordeaulx et Blaye, et que leur armée, près d'Avignon, se trouvoit fort puissante; et estoient prestz d'en mettre une aultre aulx champs du costé de la Rochelle, et que envyron douze centz chevaulx des leurs s'estoient venus joindre à ung rendés vous, près St Germain en Laye, qui avoient contreinct Vostre Majesté et toute la court de desloger, de nuict, et fère une fort soubdayne retraicte à Paris. Il est vray que, quand la dépesche de l'ambassadeur d'Angleterre est arrivée, encore que le courrier ayt faict les choses bien grandes, le comte de Lestre m'a néantmoins mandé que les lettres parloient fort modérément, et ne disoient sinon que Vostre Majesté, estant advertye que ceulx de la dicte nouvelle religyon s'assambloient assés près de St Germain, vous vous en estiés venu à Paris pour y pourvoir.

Maintenant, Sire, je mettray peyne que ceste princesse et ceulx de son conseil entendent mieulx comme le tout va, jouxte ce qu'il vous plaist m'en escripre; et feray tout ce qu'il me sera possible qu'elle et eulx ne se vueillent esmouvoir de rien, bien qu'il ne fault s'attandre, Sire, encor que, par advanture, je pourray bien tirer beaucoup de parolles et de démonstrations bonnes d'elle, que pourtant toutz les siens demeurent paysibles, si les troubles s'eslèvent en vostre royaulme; non plus qu'ilz ne se peuvent contenir qu'ilz ne s'entremettent bien avant de ceulx de Flandres; oultre que la dicte Dame leur en pourra dissimuler davantage sur ce qu'on luy a voulu fère accroyre que ces vaysseaulx de Normandye s'équippoient en faveur d'Adam Gourdon, pour le trajetter, avec de bonnes forces, en Escoce. Ce que je luy ay néantmoins assuré, sur ma vye, que non, ains que c'estoit pour Dantzic, ainsy que vostre dépesche, du XXe du passé, le portoit; et me suis mocqué de ce qu'on luy vouloit imprimer que Vostre Majesté, et le Roy d'Espaigne, aviés une entreprinse, pour ce primptemps, sur l'Angleterre, comme de chose qu'elle debvoit estimer ridicule et pleyne de vanité.

Et, quand à voz subjectz, qui sont par deçà, Sire, je leur feray entendre vostre bonne intention, et mettray peyne de les retenir en la dévotion, qu'ilz m'ont plusieurs foys assuré, qu'ilz avoient à vostre service; et sçay bien que le comte de Montgommery estoit encore, n'y a pas cinq jours, à Gerzé, et que luy, ny son filz, n'en ont point bougé; et que mesmes ilz s'en reviennent, toutz deux, bientost trouver la comtesse de Montgommery, à Hamptonne; d'où, s'il s'approche jusques icy, je ne faudray de le confirmer, le plus qu'il me sera possible, à vouloir demeurer en ce qu'il vous a promis, par l'escript, que je vous ay naguyères envoyé, signé de sa main.

Au surplus, Sire, l'on me vient d'advertyr que environ quarante navyres de guerre, qui sont prestz à sortir de Fleximgues, avec bon nombre de soldatz, et le cappitaine Chestre, angloys, qui embarque encores de nouveau, icy, quatre ou cinq centz hommes pour les passer, à ce qu'il dict, en Hollande, ont une entreprinse sur Callays, par la conduicte d'aulcuns françoys qui ont demeuré longtemps à la Rye, et maintenant sont passés dellà. Dont, encor que l'advertissement ne me viegne de grand lieu, je ne l'ay voulu mespriser, ains ay estimé que, à cause d'icelluy, je debvois renvoyer promptement Jacques le courrier, affin d'en donner advis, en passant, à Mr de Gourdan, et pareillement à Mr de Caillac, à Bouloigne, comme, encores je suys très ayse qu'ayés faict advertyr, tout le long de la coste, qu'on ayt à s'y tenir sur ses gardes. Et sur ce, etc.

Ce VIIe jour de mars 1574.

CCCLXXe DÉPESCHE

—du XVIIe jour de mars 1574.—

(Envoyée exprès jusques à la court par Joz, mon secrettère.)

Audiences.—Consentement du roi à ce que l'entrevue se fasse en secret à Douvres.—Demande d'un délai pour donner la réponse.—Changement apporté dans les délibérations d'Élisabeth par la nouvelle de la reprise des armes en France.—Communication qui lui est faite à cet égard par l'ambassadeur.—Bonne disposition des réfugiés français.—Réponse d'Élisabeth qu'elle consent à l'entrevue, dans l'une de ses maisons, près de Douvres.

Au Roy.

Sire, la Royne d'Angleterre a curieusement, et avec affection, leu les trois lettres, que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Monseigneur le Duc, luy avés escriptes, de voz mains, et a esté fort facille de cognoistre, à ses parolles et contenances, qu'elle prenoit ung grand playsir de voyr que toutz troys persévériés, conjoinctement et constamment, vers elle. Néantmoins elle m'a dict, en riant, qu'elle craignoit que, par mes dépesches, je vous eusse parlé ung peu trop licencieusement de l'affection, qu'elle m'avoit privément déclaré, qu'elle avoit à l'establissement d'une mutuelle et perdurable amityé avec Voz Majestez, et que je la vous eusse interprétée à quelque aultre sorte d'affection vers le mariage et l'entrevue; en quoy, si je ne luy avois réservé la modération, qui convenoit aulx filles, elle auroit grande occasion de se pleindre de moy.

Je luy ay respondu que ce que je luy avoys à explicquer de ma créance luy donroit assez à cognoistre de quelle façon je vous avoys escript ses propos, et comme Vostre Majesté les avoit prins. Et encor, Sire, qu'il m'est bien souvenu qu'ung de ses troys conseillers m'avoit desjà admonesté que je debvois considérer les ennemys que j'avoys en ce propos; (et que, si je venois, de rechef, à débattre ceste forme de privée entrevue, qui m'estoit desjà accordée, qu'ilz m'y succiteroient des labirintes nouveaulx, qui seroient très longs et très difficilles à desmeller, et que, puisque je pouvois avoyr la dicte entrevue en effect, qu'il ne falloit que je m'arrestasse à la formalité, car il estoit très certain que le tout dépendoit maintenant de voyr Monseigneur le Duc, et que, sans cella, le mariage ne succèderoit jamays; et néantmoins, pour l'incertitude de l'évènement, la Royne, sa Mestresse, estoit conseillée de monstrer tousjours qu'elle n'en vouloit venir si avant; dont, de tant qu'il appartenoit à Monseigneur le Duc, qui estoit l'homme, de fère toutes les instances du mariage, c'estoit aussy à luy de monstrer quelque trêt extraordinayre de son affection en la poursuyte de ceste entrevue, et qu'il ne debvoit réputer qu'il luy peût jamays tourner à honte de venir voyr celle qu'il nommoit sa maistresse, en la privée façon qu'elle le devisoit); néantmoins, Sire, je me suis contenu dans les termes de l'instruction que j'ay trouvée dans vostre lettre. Et par ainsy, ay dict à la dicte Dame que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, aviés beaucoup esmerveillé la forme de la responce qu'elle vous avoit faicte, et mesmes de ce qu'elle vous y avoit représanté plus d'incertitude de sa volonté que nulle bonne espérance de la vouloir effectuer; dont aviés esté à ne sçavoyr que y fère, ny que dire davantage. Néantmoins, après avoyr bien digéré le faict, voyant que le nouveau escrupulle n'estoit sinon celluy mesmes qu'on avoit auparavant proposé, et que c'estoit plustost une invention faicte, à poste, par les ennemys, pour interrompre encores le propos, ceste foys, que non qu'ilz pensassent dire vérité, car aviés l'object devant voz yeulx, qui vous assuroit du contrayre, vous vous estiés mis toutz trois à dellibérer comme vous pourriés, tout ensemble, contenter le desir de la dicte Dame, et satisfère à vostre réputation, car pensiés bien qu'elle ne voudroit que vînsiés à luy complayre, sinon avec la conservation de vostre honneur; et que, là dessus, Sire, vous me commandiés de luy dire tout franchement que vous ne croyriés jamays que, en vostre endroict, et de la Royne, vostre mère, sur ung si cordial offre, comme vous luy aviés faict, de Monseigneur le Duc, qui s'estoit encores luy mesmes tout entièrement offert à elle, elle eût le cueur de vous vouloir tromper ny uzer de simulation, ny qu'elle vous ait faict fère déclaration qu'elle se vouloit marier, et vouloit préférer vostre alliance à toutes celles de la Chrestienté, pour, puis après, se mocquer de vous, ains que sincèrement elle correspondoit à vostre sincérité; et que, sur ceste confiance, vous aviés résolu de surmonter encores, s'il vous estoit possible, ceste renouvellée difficulté, en soubmettant la décision d'icelle au parfaict jugement de ses yeulx. En quoy vous la vouliés prier, de bon cueur, qu'elle considérât que Monseigneur le Duc estoit nay grand, et tenoit ung très grand lieu au monde, et commandoit aujourdhuy sur toutz les affères de Vostre Majesté, et que pourtant il n'estoit pas possible que sa venue vers elle peult estre collorée, ny couverte, soubz la légation de quelconque aultre ambassadeur, que peussiés envoyer par deçà; mais vous aviés advisé que, en venant en Picardye, où aviés desjà proposé de vous acheminer, à ceste my caresme, pour changer d'air, sellon que voz mèdecins disoient que cella ayderoit bien fort à vous mieulx reffère de la fiebvre quarte, laquelle vous avoit layssé; que, pour l'amour d'elle, et pour servir à ce bon effect, et pour mieulx couvrir le voyage de Monseigneur le Duc, vous poursuivriés vostre chemin jusques à Bouloigne, et que, si elle se vouloit aussy approcher, vers ce quartier là, jusques à Douvres, que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, mettriés peyne de luy dresser si à propos, et privément, et secrettement, la dicte entrevue, et sans y uzer aulcun apparat ou despence, que vous espériés, en toutes sortes, de la rendre très contante.

Elle, d'ung bon visage, et d'une fort bonne démonstration, m'a respondu que, en voz lettres et en la créance d'icelles, il vous plaisoit et à la Royne, vostre mère, continuer si honnorablement le pourchas de son alliance, qu'elle voudroit de bon cueur vous pouvoir bien complayre, et s'accommoder à ce que desiriés; et vous supplioit de croyre qu'elle n'estoit si superbe de se vouloir excuser de s'approcher vers Voz Majestez, car, pour servir à vostre honneur et grandeur, elle entreprendroit bien ung plus long et plus malaysé voyage que d'aller jusques à Douvres; mais que n'y ayant pas longtemps qu'elle y avoit esté, et que son premier progrès estoit desjà dressé d'ung aultre costé, vers Yorc, ung chascun diroit qu'elle alloit chercher mary, non qu'elle voulût, pour cella, regarder tant à sa qualité de Royne, veu que Monseigneur le Duc estoit aussy luy mesmes royal, comme à ce qu'elle estoit fille. En quoy elle vous supplioit de trouver bon qu'elle n'outrepassât rien des modestes respectz qu'elle se debvoit réserver, bien que, par advanture, elle pourroit aller, comme en chassant, jusques en une mayson de milord Coban, à vingt milles de Grenvich, sur le chemin de Douvre, et rencontrer là Monseigneur le Duc, qui s'y pourroit trouver avec douze ou quinze des siens; ou bien, s'il se vouloit approcher à Gravesines, qui est ung lieu sur la Tamise, que bien facillement une barge l'yroit prendre là, et le porteroit fort secrettement avec les siens dans Grenvich, et qu'elle estimoit que c'estoit bien tout le mieulx qui s'y pouvoit fère.

Je luy ay réplicqué que, puisque Voz Majestez condescendoient de luy envoyer Monseigneur le Duc, en la plus descente et convenable façon que verriés le pouvoir fère, je la suppliois qu'elle se voulût, en quelque partie, accomoder à vostre volonté de s'approcher vers Douvres, et vous envoyer présentement le saufconduict, et que, de tout le surplus, elle s'en reposât ardiment sur le bon ordre que Voz Majestez y sçauroient bien donner.

A cella elle m'a respondu que la Royne, vostre mère, sçauroit très bien dresser la finesse, quand elle vouldroit, mais qu'elle craignoit qu'elle y voulût trop garder l'advantage de son filz; et que, de tant que ses principaulx conseillers estoient absentz, lesquels elle n'attandoit jusques au deuxiesme jour ensuyvant, elle me prioit, premier que de rien résoudre en cella, de luy donner ung peu de loisir d'en pouvoir conférer avec eulx.

Or ay je, Sire, distribué voz aultres lettres à iceulx conseillers, aussytost qu'ilz ont esté arrivés, et n'ay obmis de leur fère les instances et les offres, et leur déduyre les raysons, que j'ay cognu les pouvoir anymer et encourager, non seulement au poinct de ceste entrevue, ains aussy à résoudre la conclusion de tout l'affère.

Mais cepandant est survenu ceste nouvelle de la reprinse d'armes par voz subjectz de la nouvelle religion, laquelle, du commancement, a esté publiée fort grande, ainsy que je le vous ay mandé; mais, depuis, l'ambassadeur d'Angleterre l'a escripte fort modérément. Et je la suis allé représanter, en propres termes, à la dicte Dame et aulx siens, comme je l'ay trouvée dans vostre lettre, du IIIe du présent, y adjouxtant seulement que vous craigniés bien que les impacientz du repos, lesquelz, par leurs faulx bruictz et par leurs faulces subjections, s'efforçoient de ressuciter ce malheur dans vostre royaulme, n'aspirassent oultre à fère tousjours leur profict de ceste division, à deulx aultres encor plus maulvais effectz: l'ung estoit d'imprimer une maulvaise opinyon de Vostre Majesté aulx princes protestantz d'Allemaigne, pour les vous rendre ennemys, du costé de deçà, et les fère aussy ennemys du Roy, vostre frère, du costé de Pouloigne; et l'aultre, d'altérer la bonne amityé que vous aviés avec la dicte Dame, et traverser le pourchas que faysiés de son alliance. En quoy vous la supplyés, de bon cueur, de ne vouloir, pour tout cecy, s'esmouvoir aulcunement de sa part, car debvoit croyre, avec toute vérité, que ce qui estoit recommancé, et ce qui pourroit ensuyvre de trouble en vostre royaulme, seroit contre vostre volonté, et contre celle de la Royne, vostre mère, et celle de Monseigneur, vostre frère, et sans aulcune coulpe qui fût procédée de nul de vous; et que touts troys, quoy qui deût advenir, estiés tous résolus de persévérer, plus constamment que jamays, vers elle; et attandiés maintenant, avec très grand desir, sa responce sur ce que luy aviés naguyères faict proposer.

La dicte Dame m'a respondu que, en nulle sorte du monde, vous luy pouviés mieulx monstrer que vous l'aymiés et que vous vous fyiés d'elle, que de luy fère ainsy part et communicquation de voz affères; et qu'elle avoit ung merveilleux regret, que ceulx qui envyoient le bien et la prospérité d'iceulx, eussent tant de moyen que de les remettre en trouble, en quoy, si son advis estoit digne de venir devant Vostre Majesté et devant l'expérimantée prudence de la Royne, vostre mère, elle vous conseilleroit très volontiers toutz deux de fère, de main en main, enquérir si avant, contre ces faulx rapporteurs, que quelqu'ung en peult estre prins, pour le fère, en terreur des aultres, très exemplayrement punir, et plus griefvement que ceulx mesmes qui ont prins les armes, comme estant plus traistres qu'eulx: car plus grand trahison, à son advis, ne vous pourroit estre faicte que de vous distrayre et allyéner voz subjectz, et vous mettre en nécessité d'esprouver que peut; en voz susdicts subjectz, le désespoyr de vostre bonne grâce; et, quand à elle, que, en cest accidant et toutz aultres, vous la trouveriés tousjours très constante amye et très germayne bonne seur; et que, desjà une foys, elle avoit assemblé ceulx de son conseil pour adviser de la responce qu'elle auroit à me faire; vray est, qu'ayant depuis pensé que, à cause de ces nouveaulx accidantz, vous pourriés, possible, m'avoyr mandé quelque changement, elle avoit bien voulu attandre jusques à ce que j'eusse, de rechef, parlé à elle, mais voyant que je ne luy disois rien au contrayre, elle me feroit bientost sçavoyr ce qu'elle dellibéroit vous respondre, qui ne vous seroit, à son advis, sinon bien agréable.

Or, attandant cella, Sire, j'ai communicqué la mesme lettre de Vostre Majesté, du IIIe du présent, à ceulx de voz subjectz, plus principaulx, qui sont encores icy; lesquelz m'ont respondu qu'ilz estoient très marrys du renouvellement du trouble, et néantmoins qu'ilz avoient beaucoup de consolation de voyr que Vostre Majesté le détestoit et le vouloit remédier. Dont Mr le vydame, de sa part, a monstré qu'il ne vouloit rien mouvoir, ains plustost servir, en tout ce qu'il pourroit, à l'effect de la bonne intention qu'aviés à la tranquillité de voz subjectz, et qu'il y employeroit très volontiers, quand Vostre Majesté le luy commanderoit, les mesmes moyens qu'il m'avoit autreffoys dict qu'il pensoit avoyr bien bons vers le comte Palatin, aulmoins si les choses ne se trouvoient depuis bien fort changées en luy. Et Mr de Languillier m'a fort expressément confirmé sa résolution de vouloir jouyr du béneffice de l'édict, soubz la bonne grâce de Vostre Majesté, et que, s'il vous plaisoit vous servir de luy vers ceulx de la noblesse de Poictou, qu'il espéroit pouvoir beaucoup vers eulx, à les rendre, par sa persuasion et par son exemple, bien capables de vostre bonne intention, et que, plustost que de sa part il repreigne les armes, sinon par vostre commandement, encor qu'il voye ne pouvoir avoyr seur repos chés luy, qu'il s'en yra habiter en Suysse. Et la comtesse de Montgommery, laquelle m'est venue dire adieu, avec mademoiselle de Beaufort sa fille, quand elles sont allées à Hamptonne, m'a assuré qu'elle feroit incontinent sçavoyr à son mary ce que je luy avoys déclaré de vostre droicte intention, et le persuaderoit bien fort de la suyvre. Lequel son mary, Sire, estoit encores, le Ve de ce moys, à Gerzei, et n'en a poinct bougé; et a descouvert, ce dit on, deux trettés qui se faysoient pour le tuer, l'ung, par des soldatz qui, en guyse de marchandz et de marinniers, estoient, à cest effect, passés en l'isle, et l'aultre, par son secrettère, avec du poyson, dont le dict secrettère est prins, et dict on qu'il sera mené icy, et que le dict comte retournera bientost par deçà.

Je ne voy pas, Sire, que les Angloys, ny voz dictz subjectz, qui sont icy, dressent, pour encores, rien contre le bien de voz affères, mais il ne se fault pas attandre, si les choses vont plus avant, qu'ilz se puissent garder d'avoyr intelligence, et porter toute la faveur et support de forces et d'argent, qu'ilz pourront, à ceulx de leur religion. Et depuis naguyères, ung personnage, de grande qualité, allemand, a esté, icy, en nom et habit déguysés, lequel je sçay bien que ceste princesse a eu opinion que ce fût ung prince; et il a négocyé fort estroictement avec ceulx de son conseil. Dont je desire de bon cueur que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, par vostre vertu et prudence, pourvoyez que ce commancement de troubles, s'il est possible, n'ayt poinct de suyte en vostre royaulme.

Cependant pour mieulx retenir ceulx cy, j'ay tousjours plus instamment, que devant, sollicité la dicte Dame, leur Mestresse, de sa responce, et de me la fère bonne; de laquelle j'ay enfin obtenu de vous pouvoir mander, de sa part, que, puisque vostre dellibération estoit de venir en Picardye, pour changer d'air, après la fiebvre quarte, dont elle louoit et remercyoit Dieu qu'en fussiés bien guéry, qu'elle se tiendroit de tant plus heureuse et contante que plus elle se santiroit estre près de Vostre Majesté et de la Royne, vostre mère, et que ne luy pouvant estre bien séant de retourner maintenant à Douvre, pour les considérations qu'elle m'avoit desjà alléguées, que aulmoins se pourroit elle, soubz colleur d'aller à l'esbat et à la chasse, s'approcher en une de ses maysons, la moins esloignée du dict Douvre que fère se pourroit, là où, s'il plaisoit à Monseigneur le Duc prendre la peyne d'y venir privément, et sans cérymonie, ilz s'y pourroient rencontrer toutz deux; et elle auroit grand plaisir de le voyr; et, si Vostre Majesté se pouvoit contanter que l'entrevue se fît en ceste privée façon, car ne pouvoit juger qu'il luy peût estre bon de la consentyr aultrement, que son ambassadeur auroit charge de vous dellivrer le saufconduict, lequel, à cest effect, elle luy envoyoit présentement; et vous confirmeroit plus amplement ceste sienne responce; laquelle elle mesmes ne pouvoit, à cause d'ung peu de mal qui luy avoit prins à la main, la vous escripre, ainsy qu'elle avoit bien dellibéré de le fère. Qui est, en substance, Sire, tout ce que j'ay peu advancer en cest endroict. Et sur ce, etc.

Ce XVIIe jour de mars 1574.

CCCLXXIe DÉPESCHE

—du XXIIIe jour de mars 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calays par le Sr Cavalcanti.)

Nécessité d'accepter l'entrevue.—Nouvelles des troubles de France.—Craintes inspirées par Montgommery.—Armemens faits en Angleterre.—Nouvelles des Pays-Bas et d'Écosse.—Meilleures dispositions d'Élisabeth envers Marie Stuart.

Au Roy.

Sire, je n'ay, par ceste dépesche, à mettre ny oster rien de ce que, par la précédante, du XVIIe du présent, je vous ay escript touchant l'entrevue, sinon de vous confirmer qu'il est besoing que Vostre Majesté se détermine à la consentir, ou bien laysser à tant le propos, car ceste princesse est très fermement résolue de ne passer oultre, sans voyr Monseigneur le Duc; et encores, si, en le voyant, l'on pouvoit estre bien assuré qu'elle procèderoit incontinent à la conclusion du mariage, le voyage ne seroit tant à regretter, mais, en l'incertitude où elle vous en laysse, avec l'accoustumée instabilité de deçà, je ne voy sinon que, pour parvenir là où Mon dict Seigneur le Duc prétend, il fault, par nécessité, ou qu'il azarde de venir incertain, ou qu'il quitte du tout son entreprinse. Et vous puis assurer, Sire, que la dicte Dame s'attand, sans aulcun doubte, qu'il viendra, et qu'elle sera preste de s'approcher, quand elle en aura plus de certitude, vingt ou vingt cinq mille vers Douvre pour le rencontrer.

La nouvelle s'augmante, de jour en jour, icy, des désordres et troubles qui multiplient en vostre royaulme; qui est cause que plusieurs angloys commancent de solliciter des moyens et des provisions de ceste court, pour pouvoir aller par dellà se joindre à ceulx de leur religion, et d'aultres praticquent d'avoyr des commissions pour armer des vaysseaulx; et aulcuns en y a qui mettent en avant qu'il seroit bon d'en accommoder de quelque nombre le comte de Montgommery, ensemble de quelques hommes et deniers, affin qu'il peût maystriser ceste mer estroicte, et entreprendre quelque descente en France, là où il verroit le pouvoir mieulx fère à son advantage; mais il semble qu'il ayt escript, de Gerzé, qu'encor qu'on ayt voulu attempter à sa vye, qu'il ne remuera rien contre Vostre Majesté, qu'il ne voye comme les choses yront plus avant, et comme il vous plerra uzer vers luy; car veult estimer que cella n'est procédé aulcunement de vostre commandement. Néantmoins, Sire, je l'observeray, le plus qu'il me sera possible; car l'on m'a adverty qu'il a envoyé icy fère quelque provision de pistollés et d'harquebouzes; et je voy bien que ceulx cy, de leur costé, poursuyvent de garnyr d'artillerye, d'armes et de tout aultre fourniement nécessayre, tous leurs grandz navyres de guerre, réservé d'y mettre les vivres et le nombre d'hommes qui faict besoing, car cella est remis à quand il sera temps. Et dellibèrent cepandant de mettre la flotte en deux, pour en envoyer tenir la moictyé à Portsemue, vis à vis du Hâvre de Grâce, et l'aultre moictié restera à Gilingam, où, de présent, elle est. Et m'a l'on dict que, depuis huict jours, il a esté dépesché, de ceste ville, une lettre de crédict, de soixante mille escuz, pour Francfort.

Je viens d'entendre que sept ou huict bretons sont arrivés, desquelz l'on présume que l'ung d'eux a charge d'aller devers le prince d'Orange, pour emprunter des navyres de guerre, mais je n'ay encores vériffyé cella. Bien m'a l'on dict que le susdict prince a mandé comparoir, à certain prochain jour, en Hollande, où il s'en est retourné, toutz les vaysseaulx qui s'advouent à luy, soubz prétexte de leur vouloir bailler ung règlement sur le faict de la navigation et sur les prinses, affin qu'ilz ne se portent plus en pirates, avec intention de déclarer désavouez ceulx qui ne comparoistront. Je ne sçay si, lors, il fera quelque autre dellibération. Les angloys qui s'estoient embarqués, icy, pour luy, sont arrivés à Fleximgues, et s'y en est trouvé le nombre de sept centz soldatz completz, quand ilz sont descendus de dellà, qui incontinent ont receu paye; dont l'entreprinse qu'on m'avoit adverty, sur Callays, est, pour ce regard, passée.

Les choses d'Escosse s'entretiennent encores en quelque repos, bien que l'on m'a dict que les bourgoys et marchandz, et le commun du pays, vont faysant une secrette ligue contre le comte de Morthon, pour les grandes exactions qu'il faict sur eulx, et qu'ilz ne veulent plus souffrir qu'il aille ainsy, de lieu en lieu, tenir la justice pour les piller et ruyner, comme il faict, et que les principaulx de la noblesse sont toutz retirés en leurs maysons. Milord trésorier a observé, luy mesmes, le temps de pouvoir présenter, bien à propos, la lettre de la Royne d'Escosse à la Royne, sa Mestresse; et m'a mandé qu'il la luy avoit faicte lyre toute entièrement, et qu'elle l'avoit trouvée en termes si honnestes, et escripte de si bonne façon, qu'il me pouvoit assurer que cella avoit beaucoup regaigné le cueur de sa Mestresse, et que les choses alloient, à présent, assés bien, et espéroit qu'iroient encores mieulx, entre elles deux. Sur ce, etc.

Ce XXIIIe jour de mars 1574.

CCCLXXIIe DÉPESCHE

—du XXVIIIe jour de mars 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne Jumeau.)

Projet du roi de retarder l'entrevue.—Bruit de la mésintelligence qui aurait éclaté entre le roi et le duc d'Alençon.—Craintes que les Anglais ne veuillent profiter des troubles de France.—Soupçons contre Montgommery.—Affaires d'Écosse.

Au Roy.

Sire, estimant qu'il sera bon qu'ayés veu et considéré, à loisyr, la responce que la Royne d'Angleterre m'a faicte, laquelle je vous ay mandée, le XVIIe de ce moys, et qu'ayés ouy son ambassadeur, et retiré de luy le saufconduict qui luy a esté envoyé pour vous bailler, et que j'aye receu, là dessus, nouveau commandement de Vostre Majesté, premier que de changer ny débatre rien plus à la dicte Dame, j'ay advisé de ne luy proposer, jusques allors, ce que m'avez escript, du VIIe du présent, de luy prolonger l'entrevue; car semble qu'elle est aulcunement persuadée qu'encores que voz affères vous apportent une très suffizante occasion de ne vous esloigner, pour ceste heure, des envyrons de Paris, que néantmoins vous ne voudrés que Mon dict Seigneur le Duc laisse, pour cella, de venir fère, secrettement et privément, une course jusques icy, comme s'il alloit à quelque autre commission pour vostre service, joinct que le saufconduict, ainsy qu'on m'a dict, s'estend jusques au XXe de may prochain. Et il est à croyre, Sire, que, si le poinct de l'entrevue estoit cependant vuydé, que vostre voyage, puys après, en Picardye, seroit pour donner grand chaleur à tout le reste, et pour fère que le propos pourroit réuscyr à une ou aultre conclusion, pendant que seriés si près d'icy; et, possible, que le mariage se consommeroit, si, d'avanture, les personnes venoient à se complayre. Mais, de tant que je tiens ceulx cy ordinayrement pour très suspectz de mutation et de changement, je ne vous puis promettre, Sire, rien de plus certain d'eux que une grande incertitude; bien qu'à présent les choses monstrent de continuer, icy, telles, comme je le vous ay mandé, et comme le Sr Cavalcanti vous l'aura depuis confirmé, et encores, en apparance, semble quelles vont de bien en mieulx.

Mesmes il m'a esté signiffié que ceste princesse et les principaulx, d'auprès d'elle, ont esté très marrys d'ouyr publier par deçà qu'il y eût mauvayse intelligence entre Vostre Majesté et Monseigneur le Duc, et que vous eussiés, pour cella, faict quelques rigoureuses démonstrations à luy, et au Roy de Navarre, à Monsieur le prince de Condé et Monsieur de Montmorency; dont envoyèrent sçavoyr ce que j'en entendoys, et qu'ilz ne pouvoient, ny vouloient, croyre qu'il en fût rien, car les lettres de leur ambassadeur n'en parloient nullement; et que cella estoit venu d'ung messager ordinayre, qui n'estoit poinct angloys, lequel, estant party de Paris, le VIIIe du présent, avoit semé ce bruict. Et à peyne, Sire, ay je eu déchiffré la vostre, du VIIe du présent, laquelle a séjournée, pour l'occasion du temps, huict jours entiers, à Callays, que milord trésorier et le comte de Lestre, chacun de sa part, m'ont envoyé ung gentilhomme pour m'advertyr que, par les plus rescentes du dict ambassadeur, lesquelles estoient du XVe de ce moys, il apparoissoit que le susdict bruict estoit faulx, et qu'il ne se pouvoit desirer plus de vraye et cordialle amityé, entre deux frères, qu'il s'en voyoit entre Vostre Majesté et Monseigneur le Duc, et que vous luy portiés plus de faveur que vous n'aviez jamais faict, ensemble au Roy de Navarre et aulx aultres deux. Et ont adjouxté qu'avec Mr de Turène, et Mr de Torcy, estoient venus vers Vostre Majesté trois gentilshommes, de la nouvelle religyon, de ceulx qui ont nouvellement prins les armes, pour se rendre plus assurés de vostre bonne intention vers eulx, et qu'ilz s'en estoient retournés bien fort satisfaictz; et que d'ailleurs vous aviés envoyé le Sr Strossy à Mr de La Noue, en Poictou; dont se vouloient conjouyr, avecques moy, de ce que les choses prenoient ung chemin pour retourner à la paix, sans passer à plus d'altération. De quoy je les ay envoyés infinyement remercyer par le Sr de Vassal, et que cella monstroit combien l'affection de leur Mestresse, et la leur, estoient très bonnes vers le bien de voz affères, et qu'ilz seroient marris qu'il vous y succédât mal.

Or, est il bien certain, Sire, que, sur le renouvellement des présents troubles de vostre royaulme, il a esté tenu, icy, diverses assemblées de conseil; et plusieurs dellibérations y ont esté mises en avant, ainsy que Vostre Majesté en a eu, comme je voy, quelque sentiment; mais, encor qu'on y ayt procédé aulx opinions, et que tel peut avoyr monstré d'incliner bien fort à la guerre ouverte, qui, possible, est plus remis que nul des aultres, je ne puis toutesfoys descouvrir qu'on en soit venu encores à quelque conclusion. Et je mettray peyne, aultant qu'il me sera possible, s'il s'en faict aulcune, que l'effect d'icelle ne passe oultre, sans que je vous en puisse donner quelque advertissement; ne voulant toutesfoys mettre en doubte que, si ce nouveau feu s'allume davantage, ceulx cy ne facent ouvertement, ou soubz main, tout ce qu'ilz pourront pour le fomenter.

Le comte de Montgommery est si près de la coste de dellà, et si esloigné d'icy, que Vostre Majesté peut avoyr, plus souvent et ordinayrement, nouvelles de luy, que non pas moy; tant y a que je souspeçonne fort, parce que le Sr de St Ouan, de Gersey, a faict, icy, de nouveau, quelque provision d'harquebouzes et pistollés, que ce ne soit pour en accomoder davantage le dict de Montgommery.

L'oncle du comte d'Arguil estoit desjà party pour Escosse, quand vostre dépesche est arryvée, mais je l'ay, avant son partement, si bien instruict des mesmes choses, que m'avez escriptes, que j'espère qu'il les sçaura très bien représanter par dellà. Et sur ce, etc.

Ce XXVIIIe jour de mars 1574.

CCCLXXIIIe DÉPESCHE

—du IIe jour d'apvril 1574.—

(Envoyée jusques à la court par Anthoyne Laguète.)

Audience.—État des négociations en France pour rétablir la paix.—Réception faite au roi de Pologne dans ses états.—Nouvelle de la descente de. Montgommery en Normandie.—Protestation d'Élisabeth qu'elle a ignoré cette entreprise.—Doute sur la vérité de cette nouvelle.—Assurance donnée par l'ambassadeur qu'Élisabeth ne veut fournir aucun secours aux protestans de France.

Au Roy.

Sire, je loue Dieu que ceulx, qui se sont eslevez en vostre royaulme, ayent prins l'expédient d'envoyer sçavoyr, par le Sr de Guyteri, la vérité de ce qu'on les mettoit en doubte, et qu'on les intimidoit de la volonté qu'avez vers eulx, et qu'il ayt eu de quoy leur rapporter, de la part de Vostre Majesté, qu'ilz ont esté trompés, et qu'ils trouveront tousjours trop plus de bonne seureté, en la protection de vostre parolle, qu'en tout l'effect des armes qu'ilz ont reprinses. Ce que ayant faict sçavoyr à la Royne d'Angleterre, et comme vous attandiés, par Mr de Torcy et Mr de Turène, lesquels vous aviés renvoyés, avec le dict de Guyteri, vers eulx, et par le Sr Strossy, qui estoit allé devers le Sr de La Noue, en Poictou, et pareillement du costé de Mr le mareschal d'Envylle, qui traictoit aussy de quelque moyen de paix, avec ceulx de Languedoc, bientost quelque bonne responce de leur modération, je l'ay assurée qu'incontinent après vous aviés dellibéré de leur bailler ceste ampliation de vostre édict, dont je luy avois parlé, qui les debvoit contanter; et, par ainsy que vous ne doubtiés que, dans bien peu de jours, tout ce renouvellement de troubles ne cessât. Et luy ay compté, Sire, la bonne et desirée nouvelle qu'aviés receue du couronnement du Roy de Pouloigne, vostre frère, et comme les Poulonnois, pour le grand contantement qu'ilz avoient de le voyr, luy avoient remis beaucoup de ces condicions, aulxquelles les ambassadeurs, qui luy avoient apporté les décrets de son élection, l'avoient obligé, de sorte qu'il se trouvoit aussy absolu prince, sur ce grand royaulme, que quelque aultre roy qui fût en la Chrestienté; et que vous desiriés qu'elle participât à l'ayse, que Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, et Monseigneur le duc, en santiés, ainsy que vous la feriés toujours participer aulx profictz et advantages qui vous en viendroient, sellon la plus estroicte amityé et confédération qu'elle avoit avecques Vostre Majesté; et que cella vous faysoit davantage desirer que l'honneste pourchas, auquel vous persévériés toujours de l'alliance d'elle avec Mon dict Seigneur le Duc, vostre frère, peût réuscyr à bon effect, affin que l'union indissoluble, d'entre ces trois grandes couronnes, fût plus craincte et respectée par toute la Chrestienté; et que vous estiés bien marry que ces nouveaulx désordres retardassent vostre venue en Picardye, mais que vous espériés y avoir bientost pourveu, pour, incontinent après, vous y acheminer. Dont m'assurois qu'aussytôst que vous auriés veu la dernière responce, qu'elle vous avoit mandée, que vous m'escripriés tout ce que pourriés fère en cella, affin de l'en advertyr. Bien estois je en grande perplexité comme Vostre Majesté pourroit prendre ce qui se publioit, icy, que, de l'isle de Gersey, qui est à elle, le comte de Montgommery fût descendu, en armes, au pays de Normandye, chose qui estoit toute contrayre à la promesse et au sèrement, et à la teneur du dernier traicté de ligue, qu'elle avoit faicte avec Vostre Majesté; et que je demeurois le plus infâme gentilhomme du monde, et la parolle d'elle ne se pouvoit non plus saulver, si elle n'y pourvoyoit, et ne vous en faysoit fère une bien prompte réparation; car m'avoit fait vous escripre, encores depuis ung moys, que vous la trouveriés, en touts ces nouveaulx accidantz, et en l'occurrence de toutz voz affères, très bonne amye, et vrayement germayne bonne seur.

La dicte Dame, premier que respondre à ces poinctz, m'a prié de luy dire qu'est ce que je sçavoys de vostre santé, et si vous estiés bien dellivré de la fiebvre quarte, et s'il y avoit apparance qu'eussiés eu ce grand malcontantement, contre vostre frère et contre vostre beau frère, comme on l'avoit publié par deçà.

Je luy ay respondu que, grâces à Dieu, la fiebvre vous avoit, il y a longtemps, du tout layssé, et que vous estiés, à présent, aussy dispos et gaillard que fûtes oncques, et qu'il ne se pouvoit imaginer une plus parfaicte et cordialle amityé, entre deux frères, que celle qui se voyoit entre Vostre Majesté et Monseigneur le Duc; et que vous n'estiés moins assuré de sa volonté que de la vostre, ny n'aviés plus de fiance en vous mesmes que en luy; et le semblable du Roy de Navarre; et que ce faulx bruict estoit sorty de la malice de ceulx, à qui il faysoit bien mal qu'il n'estoit vray, et qui voudroient bien voyr de la division en ce premier lieu, ainsy qu'ilz l'entretiennent ez aultres lieux, qui suyvent après.

Lors, elle a suivy à dire, qu'elle remercyoit Dieu, de très bon cueur, que la disposition de vostre santé et celle de voz affères allassent trop mieulx qu'on ne le disoit, car avoit entendu que vous estiés encores bien fort maigre et foible; dont vous prioit de ne mesprizer aulcun bon régyme, qu'on vous ordonnât, pour vous bien remettre du tout; et qu'elle avoit bien rejetté cest aultre fascheux bruict, de Mon dict Seigneur le Duc, et des aultres seigneurs, qu'on mestoit au compte, comme du tout faulx; mais quiquonques l'eût inventé, c'estoit bien tout le pis qu'il pouvoit fère contre vostre grandeur et contre la réputation de voz affères, dont elle avoit ung très grand playsir d'estre bien assurée qu'il n'en fût rien, et que vous eussiés, au reste, ung si bon desir, conjoinct avec beaucoup d'espérance, que ces nouveaulx troubles ne passeroient oultre, sellon que proposiés d'adjouxter quelque déclaration à vostre édict pour contanter ceulx de la nouvelle religion, affin de les mettre en plus de repos, en leurs maysons; et que surtout elle se conjouyssoit avec Vostre Majesté, et bien fort expéciallement avec la Royne, vostre mère, des bonnes nouvelles qu'aviés reçues du Roy de Pouloigne, lesquelles elle vous prioit de croyre qu'elle les santoit, aultant et nullement moins, que si elle fût sa propre seur de sang, comme elle l'estoit d'estat; mais, en ce que vous auriés veu, depuis, de la responce qu'elle vous avoit faicte au propos de Monseigneur le Duc, elle croyoit bien que ce ne seroit pour vous apporter ung si grand contantement comme du costé de Pouloigne; aussy falloit il qu'il vous y survînt du tempérament, de quelque aultre costé; bien pensoit que ne le jugeriés chose de mespris, et qu'elle verroit maintenant à quelle dellibération Vostre Majesté en voudroit venir.

Et, quand à la descente du comte de Montgommery en France, que c'estoit chose qu'elle ne sçavoit, et ne la pouvoit aulcunement croyre, veu ce qu'elle luy avoit deffandu, lorsqu'elle luy avoit permis d'aller à Gersey, pour y sçavoyr nouvelles de ses affères: qu'il se gardât bien de vous fère, de ce lieu là, non seulement ennuy, mais de ne vous y donner aulcune souspeçon de luy; dont ne luy pourroit avoyr faict une plus mortelle offance que d'avoyr attempté de descendre en armes par dellà, et qu'elle désavoueroit le premier angloys qui le rencontreroit, s'il ne le tuoit, desirant que vous croyés et espériés d'elle, Sire, qu'elle, persévèrera droictement en la vraye amityé, qu'elle vous a jurée, si vous ne commancés de luy fallir de correspondance.

Et n'ay veu, ny peu nother chose aulcune, de la dicte Dame, qui m'ayt semblé tendre, sinon à cella mesmes, que je vous ay mandé par mes précédantes. Et, pour le regard de ce dernier poinct, du comte de Montgommery, toutz les seigneurs de ce conseil m'ont fermement assuré qu'ilz n'en sçavoient du tout rien, et ne le pouvoient croyre. Néantmoins, puisque Mr de Matignon vous l'a mandé, il le peut mieulx sçavoyr, estant voysin du lieu, que non pas nous, qui en sommes bien loing, et d'où souvant il fault attandre beaucoup de jours le temps, premier qu'il en viegne des nouvelles; et quoy que soit, ny en ceste court, ny en ceste ville, l'on n'en a rien de certein.

Et, au regard de préparer icy une aultre descente de plus grand nombre d'angloix par dellà, soubz colleur d'équipper en guerre plusieurs navyres marchandz, je sçay qu'il s'en équippe voyrement quelques ungs, pour aller en Hespaigne, et en Barbarye, et non ailleurs, bien que je loue infinyement l'ordre que Vostre Majesté a donné de fère advertyr, par toute la coste, qu'on ayt à s'y tenir sur ses gardes; car, en nulle façon du monde, se pourroient garder les Angloys, si la guerre de voz subjectz continue, qu'ilz ne s'en vueillent mesler, tout ainsy qu'ilz font du costé de Flandres. Mais pourtant je vous supplye très humblement, Sire, de ne vous esmouvoir, pour encores, des bruictz et rapportz qu'on vous pourra donner des dellibérations de deçà, car ne se pourra dresser aulcun appareil de guerre, qui soit d'importance, sans que je vous en donne advis, de quelque temps devant. Et sur ce, etc.

Ce IIe jour d'apvril 1574.

Il y a homme, en ceste ville, qui assure d'avoyr layssé le comte de Montgommery, le XVIe de mars, à Gerzé, et les seigneurs de ce conseil jurent qu'à tout le moins ne peut il estre vray qu'il ayt tiré ny poudres, ny amres, ny aulcune artillerye, de ce royaulme; et que, si luy mesmes est descendu en Normandye, il a si grandement mespris contre la Royne, leur Mestresse, et contre son estat, qu'on mettra peyne de l'en fère amèrement repantir.

CCCLXXIVe DÉPESCHE

—du VIe jour d'apvril 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Jehan Meusnier.)

Délibération des seigneurs du conseil sur l'entreprise de Montgommery.—Déclaration de la reine d'Angleterre que les armemens, faits à Londres, ont pour objet d'observer la flotte espagnole qui doit se rendre dans les Pays-Bas.—Nouvelles de Flandre et d'Écosse.—Disposition favorable d'Élisabeth à l'égard de Marie Stuart.

Au Roy.

Sire, après que j'ay eu faict ma plaincte à la Royne d'Angleterre de la descente du comte de Montgommery en Normandye, et de ce que, de l'isle de Gersey, qui est à elle, il a dressé toute son entreprinse par dellà, et en a tiré les poudres, les armes, l'artillerye et les monitions qu'il a voulu, elle a proposé le faict en son conseil, avec démonstration, sellon qu'on me l'a bien fort assuré, qu'elle en estoit grandement offancée. Et Me Pollet, gouverneur de la dicte isle, qui, plus d'ung moys auparavant, estoit icy, a esté appellé, lequel s'est efforcé de monstrer qu'il ne pouvoit estre que cella fût vray, et qu'aulmoins estoit il très certain que luy, ny son lieutenant, n'en estoient nullement consentantz. Dont, sur ce doubte, l'on a envoyé devers la comtesse de Montgommery, à Hamptonne, pour en avoyr la certitude; laquelle a mandé qu'elle n'en sçavoit du tout rien, et que, si son mary avoit faict ce voyage par dellà, qu'il le luy avoit desrobbé, et qu'elle n'avoit eu nouvelles de luy, ny n'en estoient venues aulcunes de Gersey, à cause du vent contrayre, plus de troys sepmaynes avoit. Et, là dessus, le dict Pollet a esté renvoyé à sa charge pour en donner promptement advis, et n'y a eu celluy, de tout le dict conseil, qui n'ayt advoué à la dicte Dame que le comte auroit bien fort mespris contre elle, s'il avoit entreprins la dicte descente, et qu'elle la luy debvoit fère réparer. Et elle a déclaré davantage qu'elle ne vouloit, en façon que ce fût, que hommes, armes, vaysseaulx, ny nulle aultre assistance sortît de ce royaulme pour ceulx qui s'estoient eslevez contre Vostre Majesté.

Dont je verray, Sire, comme cella s'observera; et en continuant ma remonstrance du dict de Montgommery, quand la surprinse qu'on dict qu'il a faicte de Carantan sera mieulx advérée par deçà, et allant souvant à plaincte pour les aultres supportz, que j'entendray que les dictz Angloys feront aulx dictz eslevez; qui, à mon advis, ne se pourront tenir qu'ilz ne leur en facent quelques ungs, je mettray peyne de vous destourner tout le mal, que je pourray, de ce costé; et essayeray ce que m'avez mandé, de la susdicte comtesse de Montgommery, ayant cepandant, Sire, prins parolle d'aulcuns principaulx de son conseil, oultre celle de la dicte Dame, de vous pouvoir assurer, qu'encor qu'elle prépare des forces, par mer et par terre, et qu'elle en ayt desjà de prestes, que néantmoins sa présente dellibération n'est de les employer nullement contre Vostre Majesté. Et je sçay bien, Sire, que, par icelles, elle, en tout évènement, se veult trouver pourveue, pour le passage de cette grande armée qui doibt venir d'Espaigne, au secours des Pays Bas, quand elle arryvera en la mer de deçà; et aussy que les choses d'Irlande la pressent assez, et qu'elle ne se peut jamays tenir assez assurée de celles d'Escosse. Néantmoins la naturelle inclination, que les Angloys ont contre la France, et leur commune religyon avec ceulx qui ont prins les armes par dellà, me faict vous supplyer très humblement, Sire, de ne laysser rien de si exposé, de leur costé, que l'occasion les puisse convyer d'entreprendre; car, encores qu'en toutes les parolles et démonstrations de la dicte Dame, si elle n'est bien la plus faulce et simulée princesse de la terre, elle face tout semblant d'avoyr bonne intention vers Vostre Majesté, et mesmes d'estre bien inclinée au party de Monseigneur le Duc, vostre frère, s'il advenoit que les Angloys fissent quelque exploit en France, qui réuscyst, advantageux pour les prétencions de ce royaulme, indubitablement elle l'advoueroit; et quand bien elle n'auroit volonté de le fère, ses subjectz l'y contreindroient; dont se fault tenir sur ses gardes.

Les depputez de Flandres continuent de vacquer tousjours à leur commission, bien qu'à dire vray il semble qu'ilz y vont lentement, et qu'ilz praticquent d'aultres choses d'importance en ceste court, lesquelles je mettray peyne de sçavoyr au vray, affin de le vous mander. Et ayant recherché, jusques au fondz, quelle estoit celle entreprinse qu'on m'avoit adverty sur Callays, j'ay trouvé qu'elle estoit sur l'Éscluse, et qu'avec les navyres qui partoient d'Ollande et les angloys, qui s'embarquoient lors, icy, le dict prince d'Orange prétandoit d'emporter le dict Éscluse, et se fère, incontinent après, maistre de Bruges, pour y avoyr encores ung butin plus riche que celluy de Meldelbourg.

J'ay, ces jours passés, escript, par deux diverses voyes, en Escosse, et ay mandé au Sr de Quelsey la responce que m'avez commandé de luy fère. J'espère que, dans peu de jours, j'auray responce des principaulx seigneurs du pays. J'entendz que le comte de Morthon a faict appeller le comte d'Arguil pour venir rendre compte d'aulcunes bagues, qu'il prétend que la comtesse d'Arguil, sa femme, veufve du feu comte de Mar, retient, de celles de la couronne; et l'a faict venir au ban pour le fère déclarer forfaict, d'où l'on crainct, icy, que les armes s'en repreignent par dellà. Et le susdict Quelsey m'a layssé, par mémoyre, de supplyer très humblement Vostre Majesté qu'il vous playse octroyer vostre ordre au dict d'Arguil, ainsy que son feu père l'avoit.

J'ay supplyé, le plus humblement que j'ay peu, la Royne d'Angleterre de vouloir fère responce à certaynes lettres, que la Royne d'Escosse luy a escriptes, et l'ay sondée fort doulcement de quelle affection elle estoit, à ceste heure, vers elle; qui m'a, en très bonne sorte, respondu qu'elle luy escriproit, ou aulmoins escriproit au comte de Cherosbery tout ce qu'elle avoit à luy respondre; et qu'elle vouloit que je luy escripvisse ardiment qu'elle n'avoit, à présent, aulcune aultre nouvelle offance contre elle, que la recordation de celles qui estoient déjà passées; et a commandé de fère seurement conduyre à la dicte Dame les coffres et besoignes, et lettres, qui luy estoient freschement arrivées de France. Vray est qu'elle a voulu que ce ayt esté par des serviteurs du dict Sr de Cherosbery, et non par ceulx qui les avoient menés jusques icy. Sur ce, etc.

Ce VIe jour d'apvril 1574.

CCCLXXVe DÉPESCHE

—du XVe jour d'apvril 1574.—

(Envoyée exprès jusques à la court par le Sr de Vassal.)

Prise de Carentan par Montgommery.—Désaveu que font les Anglais de cette entreprise.—Desir d'Élisabeth que l'entrevue soit accordée.

Au Roy.

Sire, le jeudy de la sepmayne saincte, et non plus tost, est arrivée à ceulx cy la certitude de la descente du comte de Montgommery en Normandye, et de la surprinse qu'il a faicte de Quarantan; et j'entendz que le mesme advis porte qu'il estoit bien près d'avoyr aussy Valoignes, et que Mr de Torcy avoit parlé à luy, le XXIIe du passé, et luy avoit monstré des articles, de la part de Vostre Majesté, aulxquelz il avoit faict la responce, qu'il a mandée par deçà; et que son frère avoit été tué, de guet à pens, par le commandement de la Royne. Dont vous puis assurer, Sire, que ceste princesse et ceulx de son conseil ont faict grande démonstration d'estre fort malcontantz du dict comte, et m'avoit esté donné espérance qu'il luy seroit escript de s'en retourner, et d'amander la faulte qu'il avoit faicte, ou aultrement, que la dicte Dame s'en ressantiroit; dont suis attandant ce qu'elle y voudra fère, car n'a encores bien résolu, en son conseil, comme y procéder. Et je vous supplye très humblement, Sire, vous souvenir comme, dès le commancement de janvyer, je vous advertys du voyage du dict de Montgommery à Gersé, et comme il falloit que le fissiés observer de dellà, parce qu'il estoit tout auprès de vostre coste, et bien fort esloigné d'icy, et que mandissiés advertyr, tout au long des places de la mer, de se tenir bien sur ses gardes; dont je fus infinyement ayse, par une dépesche du moys de febvrier dernier, que Vostre Majesté me mandoit d'y avoyr très bien pourveu.

Or, Sire, ce que j'estime pouvoir maintenant fère est de retenir ceste princesse, et pareillement ceulx de voz subjectz, qui sont encores par deçà, le plus que je pourray, en vostre dévotion, et garder qu'ilz ne suyvent ny favorisent l'entreprinse du dict de Montgommery. En quoy j'ay faict desjà, et continueray ordinayrement de fère, les plus exprès et les plus ardentz offices qu'il me sera possible. Et, quand à l'heure présente, je ne sçaurois desirer rien de mieulx, de ceste princesse, que ce que sa parolle et tout son semblant monstrent de vouloir fère bonnement pour vous, en l'occurrence de voz présentz affères; et que, pourveu que luy faciés sçavoyr, ou bien qu'elle puisse cognoistre ce que desirés d'elle, elle promet de très volontiers s'y employer.

Ung de ses principaulx conseillers, sur une nostre privée communicquation, m'a faict sçavoyr que la dicte Dame et ceulx de son conseil ne furent oncques mieulx disposés qu'à présent au propos du mariage, parce qu'ilz prévoyent, plus que jamays, par une occulte nécessité qui est dans cest estat, qu'elle et toutz eulx sont ruynés, si elle ne se marye. Et néantmoins il leur semble que le docteur Dayl y a senty du réfroydissement, de vostre costé, non que les termes, dont Vostre Majesté et la Royne, vostre mère, luy avez uzé, en sa dernière audience, n'ayent esté bons et fondés en rayson, mais il luy a semblé n'y avoyr cognu la mesmes affection que devant; et qu'icelluy conseiller desireroit, au cas que Voz Majestez ne peussent, pour encores, s'approcher de ceste frontyère, qu'elles fissent aulmoins venir Mon dict Seigneur le Duc à ceste entrevue privée; où il me pouvoit assurer qu'il seroit receuilly et reçu de bon cueur; et que desjà ceste princesse avoit préparé ce qui faysoit besoing pour aller là où elle prétandoit de le rencontrer; et, quoy que ce soit, il me vouloit assurer, sur son honneur et sur le péril de son âme, que la dicte Dame ny ceulx de son conseil n'estoient consantz, ny sçavantz, de l'entreprinse du dict de Montgonmery, ains se tenoient fort offancés de ce qu'il l'avoit faicte; et que c'estoit chose très assurée qu'il n'avoit admené ny hommes, ny monitions aulcunes, de ce royaulme, et n'en tireroit la valeur d'ung soul; comme à la vérité, Sire, sellon le rapport que j'ay de l'estat du pays d'Ouest, il ne s'y prépare, pour encores, rien en faveur de luy. Et sur ce, etc.

Ce XVe jour d'apvril 1574.

CCCLXXVIe DÉPESCHE

—du XIXe jour d'apvril 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par la voye du Sr Acerbo.)

Motifs qui ont engagé Montgommery à reprendre les armes.—Ses instances pour obtenir des secours.—Nouvelle de la fuite du prince de Condé.—Négociation faite, au nom de La Noue, auprès des Anglais et du prince d'Orange, pour qu'ils portent des secours à la Rochelle.—Armemens des Anglais, qui se tiennent prêts à profiter des troubles de France.—Nécessité de reprendre la négociation du mariage.—Effet produit à Londres par la nouvelle de l'arrestation du duc d'Alençon et du roi de Navarre.

Au Roy.

Sire, par des lettres, que le comte de Montgommery a escriptes en ceste court, il s'est voulu justiffier, de sa descente en Normandye, sur des advertissementz qu'il assure luy avoyr esté donnés, de bon lieu, comme l'entreprinse estoit faicte de le tuer, de voye de faict ou par poyson, dans Gersey, et que, d'ailleurs, la Royne d'Angleterre avoit suspecte sa demeure au dict lieu; dont il avoit mieulx aymé aller exposer sa vye, avec ceulx qui estoient en armes en France, que demeurer en ceste peyne, entendant mesmement qu'ilz monstroient de ne les avoyr prinses que pour deffandre leur religyon, et pour éviter une généralle exécution qu'on avoit décrettée contre eulx; et supplioyt ses amys et parantz de luy moyenner quelques forces, de icy, pour le secourir, et des vaysseaulx pour courre la mer, en son nom, et pour fère quelque surprinse par dellà, où il s'en trouveroit la commodicté. A quoy il n'a esté encores respondu, et ne seroient ses instances pour produyre de grandz effectz, n'estoit tant de choses qu'on publie, si advantageuses pour les eslevez, que cella esmeut bien fort les Angloys d'accourir à leur guerre; en quoy n'est de petit moment la fuyte, qu'on assure estre vraye, du Prince de Condé, qui a layssé la charge que luy aviez donnée en Picardye, pour se retirer ou en Allemaigue, ou avec eulx. Et, d'ailleurs, Sire, Mr de La Noue a envoyé icy son ministre, Textor, lequel il a faict passer à la Rochelle pour y prendre mémoyres et instructions; et n'a esté sitost arryvé en ceste ville, que le ministre Villiers, et Bobineau, agent de la Rochelle, et avec eulx Calnar, agent du prince d'Orange, l'ont mené vers aulcuns seigneurs de ce conseil, à la court, où il a négocié bien fort privément avec eulx. Et luy a l'on eu de tant plus de foy qu'il a apporté lettres de fort expresse recommandation du dict Sr de La Noue à Mr de Walsingam; ensemble, ainsy que j'entendz, certayne moictyé de quelques enseignes, que les susdicts de La Noue et de Valsingam s'estoient d'autrefoys my parties entre eulx pour signe de crédict, à celluy par qui ilz les envoyeroient l'ung à l'aultre.

Et je souspeçonne fort que la négociation n'est légère, ny de peu d'importance; de laquelle ce que j'en descouvre, pour ce commancement, est que icelluy Textor rejette bien loing toutz moyens et propos de paix; et qu'il demande assistance d'armes, de poudres et de vivres, offrant, en eschange, du sel et du vin, et aultres marchandises, et pareillement demande quelques vaysseaulx armez. En quoy semble que, pour ce poinct, des vaysseaulx, il traicte aussy avec le dict Calnar d'en avoyr du prince d'Orange; et est en grande espérance qu'il en impétrera d'icy, avec les aultres choses qu'il requiert, et que, de ceulx du dict prince, il les a desjà toutz assurés.

Or, Sire, ayant descouvert ces choses, je m'efforce, par toutz les meilleurs moyens que je puis, et m'efforceray, à toute heure, d'en traverser les effectz, et, possible, en interrompray je la pluspart; mais de ce qui en pourra eschaper, à la desrobée ou soubz aultres prétextes, je me trouve aussy perplex que j'ay esté, les aultres foys, de le pouvoir empescher; mesmement que je viens d'entendre que ceulx cy ont faict résolution d'armer toutz leurs grands navyres, et de mettre bientost les meilleures et les plus gaillardes forces, qu'ilz ayent, en mer, soubz colleur d'assurer ceste coste contre le passage de l'armée d'Espaigne, bien que le depputé de Flandres, qui m'est venu, ces jours icy, visiter, m'ayt dict qu'il a eu une très bonne et fort favorable responce de ceste princesse, quand il l'a priée de vouloir concéder le passage libre et seur, ez rades et portz d'Angleterre, pour l'armée d'Espaigne. Dont semble, Sire, suyvant les précédantz advis que je vous ay mandés, qu'il ne sera que bon qu'ayez aulcunement suspect, et pourvoyés, le mieulx que pourrés, que cest armement ne vous puisse nuyre, non que je descouvre en ceste princesse ny aulx siens, pour encores, aulcune sinistre intention contre Voz Majestez. Et seulement je les voy un peu altérez de ce resfroidissement, qu'il leur semble sentir en Voz Majestez Très Chrestiennes et Monseigneur le Duc, vers le propos du mariage; duquel, si ne mandez bientost quelque bonne responce, il y a grand danger qu'ilz n'accordent du tout, et ne concluent de bien grandes et estroictes intelligences avec le Roy d'Espaigne, m'ayant ung personnage d'authorité, et bien fort principal de ceste court, mandé que, si bientost le party de Mon dict Seigneur le Duc ne se résoult, et l'entrevue ne se fait, qu'il n'en faudra jamays plus parler; car ung aultre propos sera substitué en lieu d'icelluy. Et sur ce, etc.

Ce XIXe jour d'apvril 1574.

Comme je voulois clorre la présente, les seigneurs de ce conseil m'ont envoyé dire que le pacquet de leur ambassadeur estoit arryvé; par où ilz avoient sceu que la fiebvre quarte avoit reprins Vostre Majesté, et qu'il y avoit grand trouble en vostre court, à l'occasion de certaynes praticques qui s'estoient descouvertes; dont aulcuns gentilhommes avoient esté constitués prisonniers, et Monseigneur le Duc et le Roy de Navarre mis en arrest, et voz gardes renforcés, et logés dedans le chasteau de Vincennes, et que tout y estoit si resserré qu'à peyne avoit peu sçavoyr, le dict ambassadeur, qu'est ce que se faysoit dedans; dont iceulx du dict conseil déploroient le présent estat de voz affères. De laquelle nouvelle, Sire, ceste court, avec toute ceste ville, sont si pleines, et y faict on dessus tant de nouveaulx desseings que j'en suis en très grande peyne. Dieu veuille que ce qu'ilz disent, et ce qu'ilz proposent, se trouve, à la fin, tout vain.

CCCLXXVIIe DÉPESCHE

—du XXIIIIe jour d'apvril 1574.—

(Envoyée exprès jusques à Calais par Estienne Jumeau.)

Audience.—Retard apporté à la réponse du roi, sur l'entrevue, par les nouveaux évènemens de France.—Reproche adressé, en France, à la reine d'Angleterre d'avoir favorisé l'expédition de Montgommery, et trempé dans le complot de Saint-Germain.—Sa justification.—Demandes faites par l'ambassadeur de la confirmation de la ligue, du secours promis par le traité d'alliance, et du désistement de l'entreprise de Montgommery, ou de la remise au roi de sa femme et de ses enfans.—Protestation que l'on doit avoir confiance dans le desir du roi d'accommoder les affaires de la religion en France.—Consentement donné par Élisabeth à toutes ces demandes.—Délibération des seigneurs d'Angleterre.—Conseil donné par Élisabeth au roi d'user de rigueur contre les auteurs du complot de Saint—Germain.—Mémoire. État des forces de Montgommery et de La Noue: détails de leurs négociations en Angleterre.—Avis d'une entreprise projetée contre Dieppe.

Au Roy.

Sire, j'ay esté, le XXe de ce moys, donner les bonnes pasques à la Royne d'Angleterre, et luy ay dict que j'avoys expressément différé, cinq ou six jours, de venir fère ce debvoir vers elle, pour attendre qu'il m'arryvât quelque dépesche de France; car Vostre Majesté n'avoit accoustumé, ny la Royne, vostre mère, ny pareillement Monseigneur le Duc, d'estre tant longtemps sans me mander de voz nouvelles, affin d'en fère tousjours part à la dicte Dame, ny sans me commander de vous escripre souvant des siennes. Dont il pouvoit bien estre qu'il y eût quelque chose de ce trouble qu'on publioit de vostre court, qui vous retardoit ainsy; mais que je la supplioys bien de ne croyre que le tout fût vray, car il se cognoissoit facillement que la pluspart de ce qu'on en avoit escript estoit plus recueilly de la paillasse que prins du cabinet; et que n'ayant de quoy traicter maintenant avec elle sur des lettres fresches, je luy racompterois ce que me commandiés par voz précédentes, du XXIIIe du passé: c'est que vous desiriés qu'elle ne voulût interpréter, sinon à bien, qu'au partir de Saint Germain vous n'eussiés prins le chemin de Picardye, comme vous luy aviez promis de le fère, Car aviés esté contrainct de retourner vers Paris, pour pourvoir aux affères qui vous estoient survenus; dont la supplyois qu'elle vous voulût ung peu proroger le temps de l'entrevue, avec promesse que vous la luy viendriés accomplyr, en la façon qu'elle la vous accordoit, à la première sallie que feriés des environs de Paris, après qu'auriés restably la paciffication de vostre royaulme. Et cependant vous vouliés seulement impétrer d'elle que Mon dict Seigneur le Duc peût mener quelques seigneurs et gentilshommes, non en grand nombre, mais de bonne qualité, quand il passeroit de deçà, affin de pouvoir plus honnorablement comparoir en sa présence.

Elle m'a respondu qu'elle me remercyoit infinyement des bonnes pasques que j'estois venu luy donner, lesquelles luy seroient ung passage à plus d'heur, puisque je le luy souhaytois, et qu'elle regrettoit, du plus profond de son âme, que les vostres ne vous eussent esté ainsy joyeuses et pleynes de repos comme elle les vous desiroit, et qu'elle n'avoit peu contenir ses larmes, au récit, de ce qu'on luy avoit escript, du trouble que vous aviés en voz affères publicques de vostre royaulme, et aulx privés de vostre mayson; et que, sellon l'exemple, non trop vieulx, mais bien fort calamiteux, qu'elle avoit en ses cronicques, de la ruyne d'aulcuns roys et des frères des roys d'Angleterre, ses prédécesseurs, par la division, en quoy aulcuns ambicieux subjectz, et pleins de passion, les avoient entretenus, lesquels en avoient esté eulx mesmes les premiers ruynés, elle vous supplyoit, de tout son cueur, Sire, que voulussiés procéder sagement, et par les prudentz advis de la Royne, vostre mère, et par meure dellibération du conseil, sans aulcune perturbation d'esprit, à l'examen de cest affère; et que, de vous proroger l'entrevue, elle ne le vous voudroit pas refuzer; mais pensoit que les choses se trouveroient changées, et qu'elle n'avoit garde de recevoyr vers elle ce que vous jugeriés digne d'estre banny de vous.

Je luy ay réplicqué qu'elle se pouvoit promectre d'avoir aultres nouvelles, et trop meilleures, par la procheyne dépesche qui viendroit de Vostre Majesté, que celles qu'on luy avoit escriptes; et, comment qu'il en fût, que je sçavoys bien que vous luy feriés part de la vraye vérité du tout. Et ay adjouxté qu'elle voyoit bien comme il playsoit à Dieu de vous succiter beaucoup d'affères, par la présumption et trop grande licence d'aulcuns de voz subjectz, dont aviez besoing, plus que jamays, d'estre consolé et assisté des princes de vostre alliance; et que je la supplioys de ne vous vouloir maintenant deffalir, sellon que, en telles grandes occasions, les bonnes et royalles, et généreuses amityés, comme estoit la sienne, se sçavoient bien monstrer; et qu'elle vous fît sentir, à bon esciant, qu'il ne vous failloit recourir, pour tous ces accidantz, à nulle meilleure ny plus certeyne confédération que celle qu'elle vous avoit jurée, affin que, vous tenant ferme à icelle, vous n'eussiés occasion de vous unir, ny vous obliger, à nul aultre nouveau party;

Et que j'avoys ung extrême regret que le comte de Montgommery eût ainsy entreprins d'aller, de l'isle de Gersey, qui estoit à elle, surprendre une de voz places en Normandye, sans considérer le tort qu'il succitoit à la ligue d'entre Voz Majestez, et l'interromption qu'il mettoit au commerce de voz deux royaulmes, et le préjudice qu'il faysoit au bon propos du mariage. Dont je l'avoys desjà supplyée que, pour tesmoigner du déplaysir qu'elle en avoit, elle luy voulût mander de se départir de son entreprinse, et réparer sa faulte, ou qu'aultrement elle vous mettroit sa femme et ses enfantz entre voz mains; et qu'il y avoit deux personnages, de bonne qualité, en Normandye, qui m'avoient escript que, par aulcuns propos du dict de Montgommery, et aultres divers argumentz, il y avoit grande apparance que la dicte Dame eût sceu et tenu la main à l'entreprinse du dict de Montgommery, et davantage qu'elle eût adhéré à ceulx qui, peu auparavant, avoient atiltré leur rendez vous près de St Germain, pour surpendre Vostre Majesté.

Sur quoy, je l'assurois de vous avoyr escript, Sire, que, si rien de semblable vous estoit rapporté, que je vous supplioys très humblement de ne le croyre, car je me voulois soubmettre à telle punition de mort, qu'il vous plerroit me condampner, qu'elle ny ceulx de son conseil n'avoient esté consentz ny sçavantz de l'une ny de l'autre entreprinse, cognoissant qu'elle avoit le cueur si royal et la conscience si bonne, et avoit en si grande recommandation sa parolle, son honneur et la droicture, qu'elle ne voudroit, pour chose du monde, avoyr faulcé les promesses et les serrementz de vostre dernier traicté, ny vous avoyr rendu, en eschange de la grande amityé que luy portiés, et du pourchas que fesiés de son alliance, ung tel trêt d'ingrate et d'ennemye princesse, oultre que les mutuelles lettres, qu'aviez de la main l'ung de l'aultre, vous debvoient assurer de toutes semblables souspeçons d'entre vous; et qu'elle jugoit assez que ceste reprinse d'armes de voz subjectz estoit si inicque qu'elle ne méritoit d'estre favorizée, ains d'estre mortellement poursuivye de toutz les honnorables princes du monde, sellon que je la supplioys de considérer qu'il ne pouvoit estre rien de plus injuste que de ne vouloir avoyr esgard que Vostre Majesté, ayant ung royaulme composé de beaucoup de grandz princes et seigneurs, et de beaucoup de noblesse, et d'ung grand nombre de prélatz et gentz d'église, et de plusieurs bonnes et puissantes villes, de sept ou huict parlementz, et d'une infinité de subjectz toutz catholicques, lesquelz ne falloit doubter que n'eussent en grande révérance l'église romaine, s'ilz voyoient qu'advantagissiez par trop les Protestantz, il n'y eût danger qu'ilz prînssent ung party tout contrayre à celle naturelle affection et vray amour qu'ilz vous portoient. Dont falloit qu'ilz se contentassent de ce que bonnement pouviez fère pour eulx, sans mettre vostre estat en danger; et que, s'ilz n'eussent aulmoins fondé leur reprinse d'armes, sinon sur l'instance d'estre mieulx accomodez de l'exercice de leur religion, sellon que, par le dernier édict de la Rochelle, il ne leur y estoit assez suffizamment pourveu, bien que, pour nulle occasion du monde, les subjectz doibvent jamays recourir aulx armes en l'endroict de leur prince, si seroient ilz encores plus tolérables que de collorer leur grand meffaict, par ung aultre plus grand, de calompnier vostre réputation, qu'ayez voulu, contre votre parolle, surprendre la Rochelle, et décrété une généralle exécution contre eux; chose que la dicte Dame pouvoit juger, par les aultres occasions et grandz empeschementz où vous estiés lors occupé, tant de vostre malladye que de l'expédition du Roy de Pouloigne, vostre frère, et de son passage par l'Allemaigne, et de l'avoyr franchement commis à la foy des Protestantz, et vous estre quasy du tout désarmé, là où ilz demeuroient avec une puissante armée en Languedoc, et d'avoyr approuvé l'exécution que ceulx de la Rochelle avoient faicte contre ceulx qu'ilz accusoient de la conspiration, bien qu'ilz s'en soient purgez à leur mort, et l'ayent prinse à leur dampnation au cas qu'il fût vray, et d'avoyr, en mesme temps, poursuivy, avec plus d'affection que jamays, le propos du mariage d'entre elle et Monseigneur le Duc, combien leur prétexte avoit peu d'apparance de vérité:

Et que pourtant je la supplioys qu'elle me voulût accorder quatre choses; esquelles le droict et l'honnesteté l'obligoyent vers Vostre Majesté: l'une estoit de vous assurer, avec effect, de la confirmation et entretènement de la ligue que vous aviez avec elle, affin que n'eussiez occasion d'en chercher de nouvelle ailleurs; l'aultre, qu'elle vous offrît l'assistance, en quoy la dicte ligue l'obligoit vers vous, et la dényât du tout aulx eslevez, de sorte qu'en nulle façon du monde, ny ouverte, ny dissimulée, ilz ne peussent tirer aulcun secours d'elle ny de son royaulme; la tierce estoit de faire despartir le comte de Montgommery de son entreprinse, ou bien remettre sa femme et ses enfantz entre voz mains, et qu'à cest effect elle fît arrester sa famille; et la quatriesme, qu'elle voulût ainsy juger de Vostre Majesté, comme d'ung prince qui vouloit bien traicter toutz ses subjectz, et accommoder, avec toute seureté, en l'exercice de leur nouvelle religyon, ceulx qui en estoient, aultant que, sans altérer l'estat de vostre couronne, vous le pourriez fère.

Qui a esté ung propos, Sire, que, sur aulcuns advis qu'on m'a donnés, de bonne part, j'ay estimé estre nécessayre que je tînse à la dicte Dame.

Et elle m'a respondu qu'elle réputoit à ung très bon office que je vous eusse ainsy escript à la descharge d'elle et de ses conseillers, et qu'elle appeloit Dieu à tesmoing, et le prioit de fère tomber sur elle la punition de mort, à quoy je m'estois soubmis vers vous, au cas qu'elle ny eulx eussent eu aulcune participation aulx entreprinses de voz eslevez, et que les choses que je luy demandois estoient si raysonnables qu'elle n'en vouloit refuzer pas une; mesmes elle avoit pensé de vous envoyer ung gentilhomme pour les vous offrir; ou bien, encores mieulx que cella: tant y a qu'elle considéroit de ne se debvoir trop ingérer en ceste cause, laquelle sembloit aulcunement appartenir à sa religyon, de peur que, possible, vous eussiés son office plus suspect que agréable, néantmoins qu'elle vous prioit, de tout son cueur, d'adviser qu'est ce qu'il vous plerroit qu'elle fît pour vous, en la présente occasion de voz affères, et qu'elle vous promectoit devant Dieu que, droictement et de bonne affection, elle s'y employeroit.

Et, sur ce, m'a renvoyé aulx seigneurs de son conseil, en l'assemblée desquelz j'ay proposé les mesmes choses que j'avoys faict à elle. Et eulx, après aulcunes excuses de l'occasion que les eslevez avoient de souspeçonner le danger de leurs vyes et de leur religyon, m'ont protesté, avec grands sèrementz, d'estre innocentz de toutes leurs entreprinses, et que, non seulement ilz estoient marris, mais qu'ilz déploroient la désolation de vostre royaulme, et que, pour le bien de leur Mestresse et de sa couronne, ilz voudroient éviter, de tout leur pouvoir, la diminution de vostre grandeur; dont, en ce qu'ilz auroient moyen de la relever et conserver, ilz seroient prestz de s'y employer très volontiers, en la façon que leur Mestresse le leur commanderoit.

Et m'estant, le jour après, arryvée la petite dépesche, que Vostre Majesté m'a faicte, du Xe du présent, laquelle a esté onze jours en chemin, je n'ay eu, par icelle, que adjouxter à ma précédente négociation, ny de quoy leur respondre rien de plus certain sur les particullaritez dont ils m'interrogeoient, que auparavant. Dont j'ay advisé de ne retourner vers elle jusques à la venue de mon secrettère, mais bien leur ay envoyé comunicquer la plus petite des deux lettres de Vostre Majesté, et celle de Monseigneur le Duc, affin qu'ilz vissent que les choses n'alloient de la façon qu'on les leur avoit escriptes. Sur ce, etc.

Ce XXIVe jour d'apvril 1574.

A la Royne

Madame, ez propos que la Royne d'Angleterre m'a ceste foys tenus, elle a monstré, à bon escient, qu'elle portoit peyne du trouble de voz affères, et plus de ceulx qu'on luy avoit mandé estre survenuz en vostre court que des aultres du royaulme; dont m'a faict les honnestes responces que je mectz en la lettre du Roy; et encores d'aultres, touchant les grandes preuves, que Dieu faict voyr au monde, de vostre grande prudence et de vostre vertu, mettant souvant l'une et l'aultre à des essays si dangereux qu'ung chascun s'esmerveille comme il est possible de vous en desmeller; et néantmoins qu'il vous en faict tousjours venir au dessus. En quoy, si son opinyon vous pouvoit sembler aussy bonne comme elle est loyalle et pleyne d'amityé, elle vous conseilleroit que fissiés si sévèrement punir ceulx, que trouveriés coupables de ces désordres, qu'il servît d'exemple aulx aultres. Et le comte de Lestre, sellon qu'on m'a rapporté, a faict, sur ces nouveaulx accidantz, de bien fort dignes offices vers la dicte Dame et dans ce conseil; et a déclaré qu'il aymeroit mieulx avoyr perdu vingt mille escuz du sien, que si Voz Majestez Très Chrestiennes avoient reçeu de Monseigneur le Duc, ny du Roy de Navarre, le déplaysir qu'on leur avoit escript. Si Vostre Majesté a agréable que la dicte Dame envoye, vers le Roy, ung gentilhomme pour les complimentz que pourriés desirer d'elle, en ce temps, il m'a semblé avoyr comprins d'elle qu'elle le fera très volontiers. Sur ce, etc.

Ce XXIVe jour d'apvril 1574.

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