Du doute à la foi
CONCLUSION
Celui qui perd la foi ou touche au terme de la vie, sans l’avoir conquise, doit donc, avant tout, s’accuser lui-même, et se dire : si je ne crois pas, il y a de ma faute. Pour spécieuses que soient les objections dont il peut être entouré, il ne tient qu’à lui de trouver les lumières et la force nécessaires pour les dissiper. Sans doute, à mesure que sa raison se développe, il voit surgir des difficultés auxquelles certaines réponses qui le satisfaisaient, enfant, ne suffisent plus. Mais son esprit, dont le regard est devenu plus pénétrant et plus étendu, est aussi plus à même d’apercevoir le côté faible des sophismes dont sa foi est assaillie ; en y réfléchissant, il découvre à celle-ci des appuis à peine remarqués, et des fondements d’une profondeur qu’il ne soupçonnait pas.
Voilà pourquoi il est toujours tenu de faire effort pour sortir du terrain mouvant du scepticisme et s’établir sur le sol ferme de la foi. Que nul obstacle ne le décourage : s’il ne se retranche pas en lui-même, comme un égoïste à courte vue ; si son désir d’être homme de bien, de contribuer au bonheur de ses semblables est assez intense pour le faire crier vers celui-là seul qui peut mener son entreprise à terme ; s’il aime la vérité religieuse ; s’il la cherche avec le cœur non moins qu’avec l’esprit, Dieu, dont la grâce le visite déjà, viendra à sa rencontre, calmera ses inquiétudes, lui montrera combien il est consolant de s’agenouiller, de dire : j’ai péché, et — par cet humble aveu, d’autant plus méritoire qu’il coûte davantage, — d’obtenir son pardon. Il lui fera sentir, enfin, que le seul moyen de réaliser son idéal de vertu, de bonheur, de charité, c’est de s’unir au Père, à l’Ami incomparable, le Sauveur Jésus.
Si, au contraire, il ne prend point garde à la voix de Dieu, s’il refuse de croire à sa parole, n’a-t-il pas à craindre de violenter à la fois sa conscience et sa raison, et de se faire volontairement l’artisan de son malheur ? Il prive ainsi toutes ses facultés du seul objet où elles puissent trouver la perfection et le bonheur idéal réclamé par leur nature ; objet dont la seule espérance remplit déjà l’esprit et le cœur d’une telle force et d’une telle suavité, qu’on devine sans peine dans quelle perpétuelle extase il doit plonger les bienheureux qui le possèdent, qui le glorifient par la contemplation, l’amour ineffable dont le reflet enveloppe et pénètre tous ceux qu’ils ont aimés.
Au congrès de la jeunesse catholique tenu à Besançon, 19 novembre 1898, un écrivain qu’on ne peut encore ranger parmi les croyants, mais que sa sincérité et son élévation d’esprit en rapprochent de plus en plus, M. Brunetière, après avoir prouvé que croire est un besoin ancré dans l’âme humaine, rappelait qu’Auguste Comté, le chef du positivisme français, avait reconnu la supériorité du catholicisme sur tous les autres systèmes de religion et de morale. Et le courageux orateur ajoutait : Si Auguste Comte n’a pas franchi le dernier pas, c’est que l’humilité lui a manqué ; c’est qu’il était atteint de la grande hérésie de nos temps, l’orgueil.
Plaise à Dieu que nul de ceux qui liront ces lignes n’encoure un tel reproche et, par orgueil, ou tout autre motif humain, refuse de se ranger sous la loi du Christ. Si quelqu’un rejette la foi, pour lui-même, qu’il ne l’empêche pas, du moins, de naître ou de grandir dans ces âmes naïves qui, tout naturellement, volent vers Jésus-Christ et son Église. Ce serait aussi criminel que d’armer le bras d’un enfant contre son père, que de dessécher l’unique source où, en traversant le désert, il puisse étancher sa soif dévorante.
L’incroyant le plus prévenu en conviendra, si, à de certaines heures, il se recueille, s’il rentre en lui-même, s’il interroge, dans le silence, les plus profondes aspirations de son âme. Car, alors, il sentira combien est juste cette parole de l’illustre auteur de La bonne souffrance : « La foi est, en même temps, la satisfaction d’un besoin et l’accomplissement d’un devoir. »